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La collection
de la Bibliothèque
de l’INHA
Les recueils d’ornements de la Bibliothèque de l’INHA, collections
Jacques Doucet, forment un ensemble de plus de 25 000 estampes,
réunies en 700 volumes environ. Publiées entre le XVe et le XIXe siècle, ces
planches illustrent tous les domaines de l’ornement et des arts décoratifs :
de l’« ornement pur », tel que grotesques, mauresques, trophées,
aux modèles appliqués à l’architecture, l’art des jardins, l’orfèvrerie,
la joaillerie, l’arquebuserie, la broderie, le mobilier, les voitures.
Cet ensemble a été constitué pour la Bibliothèque d’ar t et
d’archéologie (BAA), créée en 1908 par Jacques Doucet (1853-1929),
qui la donna en 1918 à l’université de Paris. Grand couturier, Doucet
était aussi collectionneur, amateur de l’art du XVIIIe siècle et mécène des
artistes de son temps. Cette collection fut pour l’essentiel rassemblée
entre 1910 et 1923, par des achats auprès de libraires et lors de ventes
publiques. La plus importante d’entre elles, en juin 1914, fut la vente
de la collection d’estampes d’architecture et d’ornement constituée
par Edmond Foulc (1828-1916), où Jacques Doucet acquit pour la
BAA plus de 7000 estampes, dont de nombreux chefs-d’œuvre des XVIe
et XVIIe siècles.
La constitution de cette collection se situe dans le contexte des
réflexions sur les arts décoratifs qui ont animé la deuxième moitié
du XIX e siècle : tandis que l’industrialisation de la production de
biens de consommation et de décors architecturaux se développait,
l’estampe d’ornement permettait d’identifier, caractériser et illustrer
les styles historiques.
Les collections de la BAA furent rattachées à l’INHA en 2003.
Aujourd’hui, les estampes d’ornement qui y sont conservées proposent
une histoire de la création des objets d’art, considérés dans toutes leurs
dimensions. Le programme de recherche « Histoire de l’ornement »,
lancé en 2010 par l’INHA, a permis de faire connaître ce fonds auprès de
la communauté scientiique ; sa numérisation et sa mise en ligne la rendent
désormais accessible à un large public.

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1 – Martin Schongauer 2 – Martin Schongauer
(Colmar, vers 1450 - Vieux-Brisach, 1491) (Colmar, vers 1450 - Vieux-Brisach, 1491)
Encensoir, vers 1480-1490. Rinceau d’ornement et oiseaux, vers 1470-1475.

Burin, 275 x 206 mm (feuille, épr. rognée) Burin, 108 x 153 mm


Pl Est 124, f. 2 Pl Est 124, f. 1
Provenance : Foulc, 1914, n° 370 Provenance : Foulc, 1914, n° 369
Bibliogr. : Guilmard, p. 345 ; B. 107 ; H. German, XLIX, 106 Bibliogr. : Guilmard, p. 345 ; B. 114 ; H. German, XLIX, 109 ;
Berliner & Egger, 12

L’encensoir, l’un des vases sacrés employés pendant


la messe, est ici somptueusement décrit sur l’une Un rinceau végétal, représenté dans un style
des plus grandes planches de l’œuvre du peintre et gothique tardif, abrite ici six oiseaux, dont deux
graveur Martin Schongauer. Celui-ci, ils d’orfèvre, perroquets et une huppe. Cette estampe, datable
formé dans l’atelier de son père, était familier de des années 1470-1475, est vraisemblablement un
ce type d’objet. Cependant, on hésite sur le statut modèle destiné à des orfèvres ou des sculpteurs.
à attribuer à cette œuvre : plus qu’un modèle des- Comme l’Encensoir, elle a été copiée, de ma-
tiné à l’usage direct de praticiens, il pourrait s’agir nière partielle ou totale, par plusieurs graveurs.
d’une étude d’après une pièce d’orfèvrerie existante Ces derniers sont aussi bien des artistes des écoles du
ou même, d’une invention de l’artiste. Nord, tel Israhel van Meckenem (vers 1445-1503),
Quoi qu’il en soit, cette estampe est une que l’Italien Nicoletto da Modena. Vers 1510,
extraordinaire démonstration de l’art du buri- ce dernier grave en effet deux oiseaux, s’inspirant de
niste. Point de départ de la collection d’estampes ceux de Schongauer, sur une planche représentant le
d’ornement de la Bibliothèque de l’INHA, elle Couronnement de la Vierge (TIB, 2508.059).
montre à quelle perfection technique l’art de la
gravure sur cuivre est parvenu, cinquante ans seu-
lement après ses débuts.

cat. 2

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3 – Attribué à Agostino Veneziano 4 – Heinrich Aldegrever
(Venise, vers 1490 - Rome ?, vers 1540) (Paderborn, 1502 - Soest, 1561)
Panneau d’ornement d’après un fragment de l’Ara Grotesques, 1550.
Pacis Augustae, vers 1535-1536 ?
Burin, 67 x 50 mm
Fol Res 120 (34-41), f. 9
Burin, 315 x 193 mm
Bibliogr. : Guilmard, p. 361 ; B. VIII, 282 ;
4 Est 396, f. 16
New H. German, 282
Provenance : Foulc, 1914, n° 440
Bibliogr. : Guilmard, p. 286 ; B., XIV, 562 ; Berliner & Egger, 258

Élève de Marcantonio Raimondi, Agostino de’Musi,


dit Veneziano, est l’auteur d’estampes interprétant Heinrich Aldegrever
des dessins de Raphaël et de Jules Romain. Comme (Paderborn, 1502 - Soest, 1561)
d’autres artistes italiens, il réalise aussi pendant Cuillers et siflet, 1539.
les premières décennies du XVIe siècle des gravures
d’orne ment qui s’inspirent des redécouvertes Burin, 65 x 98 mm
Fol Res 120 (34-41), f. 21
archéologiques de la Renaissance. Bibliogr. : Guilmard, p. 361 ; B. VIII, 268 ; New H. German, 268
Cette estampe représente les rinceaux d’une dalle
de l’Ara Pacis, ou Autel de la Paix, édiié à Rome
entre 13 et 19 av J. C., partiellement exhumé pen-
dant les premières décennies du XVIe siècle. Emblé- Sebald Beham
matiques de l’art classique du siècle d’Auguste , (Nuremberg, 1500 - Francfort, 1550)
les rinceaux d’acanthe antiques sont disposés avec Putti et chimères, 1544.
ordre et symétrie. Gravés au burin, les motifs se
détachent avec une netteté surprenante d’un fond Burin, 33 x 100 mm
Fol Res 120 (34-41), f. 71
couvert d’un quadrillage serré. Bibliogr. : B. VIII, 236 ; H. German, III, 241 ; Berliner & Egger, 110
Cette planche est un état non répertorié, où le
monogramme « AV » a été ajouté sur le cuivre.

Lucas de Leyde
(Leyde, vers 1494 - Leyde, 1533)
Grotesques, 1528.

Burin, 117 x 76 mm
Fol Res 120 (92-107), f. 91
Bibliogr. : Guilmard, p. 475 ; B. VII, 164 ; New Hollstein, 164 ; Berliner
& Egger, 335

Maître CC
Écusson soutenu par deux putti, Lyon, après 1544.

Burin, 56 x 80 mm
Fol Res 120 (13-25), f. 51
Bibliogr. : R. D., VI, 27 ; Leutrat, CC27

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Virgil Solis Ce type d’estampes est très tôt l’objet des
(Nuremberg, 1514 - Nuremberg, 1562) recherches de collectionneurs. Publiées en feuilles,
Frise et singes, vers 1550-1560. dépourvues de titres et de noms d’éditeurs, mais
souvent datées et signées, elles atteignent des prix
Eau-forte, 22 x 165 mm assez élevés dans la deuxième moitié du XIXe siècle.
Bibliogr. : H. German, LXV, 783
Les six estampes présentées ici proviennent toutes
de la collection d’Edmond Foulc (1828-1916).
Frise et oiseaux, vers 1550-1560. Lors de sa vente publique, en 1914, ses douze
albums de « petits maîtres », qui incluaient aussi
Eau-forte, 17 x 157 mm bien les œuvres de ces artistes allemands que de
Bibliogr. : H. German, LXIV, 573
Fol Res 120 (70), f. 53
nombreuses gravures d’orfèvres français ou des
Provenance : Foulc, 1914, n° 479 Pays-Bas, furent emportés au prix considérable de
37 000 francs par Jacques Doucet pour la Biblio-
Les « petits maîtres » allemands (Kleinmeister) thèque d’art et d’archéologie (BAA) contre le
sont ainsi nommés en raison du format de leurs Victoria and Albert Museum.
estampes. Sebald et Barthel Beham, Heinrich
Aldegrever ou Georg Pencz sont actifs pendant
la première moitié du XVI e siècle. Leurs gravures
portent sur des sujets variés, de la mythologie aux
scènes de genre.
Ces petites gravures d’ornement, sur un fond
densément quadrillé, peuvent être rapprochées,
par leurs formats et les sujets représentés, où les
motifs tirés de grotesques tiennent une place im-
portante, des nielles ou estampes à la manière du
nielle produits en Italie dès la in du XVe siècle par
des orfèvres. Puis, à partir des années 1530, ces
artistes s’inspirent aussi d’estampes publiées aux
Pays-Bas, comme celles de Lucas de Leyde, qui
produit alors des modèles de grotesques classiques
d’une grande qualité.
Ces œuvres proposent une synthèse du vocabu-
laire décoratif antique et des tendances du dernier
style gothique : animaux et insectes, décrits dans
une veine naturaliste, se mêlent aux motifs inspirés
de l’Antiquité – satyres, sphinx, masques, trophées,
ordonnés symétriquement.
Signe de leur succès international, ces estampes
sont elles-mêmes copiées par des artistes fran-
çais, par exemple le Maître CC, actif à Lyon, qui
reprend ici un modèle de Sebald Beham daté de
1544 (B. 228).
D’autres artistes allemands, qui ne sont pas stricto
sensu rattachés au courant des « petits maîtres » ont
aussi produit des compositions de format réduit,
comme Virgil Solis, prolifique auteur, avec son
atelier situé à Nuremberg, de plus de 2000 gravures,
dont plus de 700 planches d’ornement.
cat. 4

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L’estampe
d’ornement
et ses usages
La notion d’estampe d’ornement s’est forgée de manière pragmatique
et empirique. La gravure est avant tout un vecteur pour un genre qui
n’est pas autonome, des modèles destinés à être imités. Au sens le plus
strict, si l’on s’en réfère à Vitruve, il s’agit, plus que d’un « modèle »,
d’un « type » destiné à être reproduit de manière fidèle : l’ornement
d’une colonne, d’une architrave, d’une frise ou d’une corniche devant
suivre le canon. Ce type de modèles trouve le plus souvent sa place dans
les traités d’architecture. Mais, sous le vocable d’estampes d’ornement,
ne sont pas regroupés que des modèles liés à la bonne ordonnance
de l’architecture. On trouve de tout : des planches d’architecture
intérieure, d’orfèvrerie, de menuiserie, de serrurerie, de broderie…
Les modèles pouvaient correspondre à des inventions formelles aussi
bien qu’à des objets à l’état de projet ou réalisés, que leurs concepteurs
souhaitaient faire connaître, comme pour assurer leur publicité. Dans ce
sens, l’estampe d’ornement servait à suivre l’évolution de la « mode »,
le « dernier cri » du goût.
Plusieurs possibilités s’offraient à l’homme de l’art, artiste ou
ar tisan. La première était celle de la reprise directe du modèle
proposé. Certains de leurs inventeurs prenaient soin de donner toutes
les indications nécessaires, tel Louis-Marin Bonnet, qui dans ses Principes
de Fleurs coloriées, publiés entre 1784 et 1792, renseignait, dans les
lettres des gravures, la manière de reproduire le dessin et de le mettre
en couleur (cat. 20). Parfois, le modèle était gravé dans de petites
dimensions, celles de l’échelle des objets pouvant être réalisés à partir
de celui-ci, notamment pour les gravures de bijoux (cat. 10), ou était
accompagné de « patrons » permettant à l’utilisateur de faciliter son
travail, exemple particulièrement parlant pour les modèles destinés aux
brodeurs (cat. 6). Simple copiste, l’artiste ou l’artisan pouvait reproduire
des modèles à la mode, pris chez les meilleurs maîtres.
Mais plus généralement, dans une intention à la fois didactique
et pratique, ces estampes d’ornement étaient conçues comme un

–6–
répertoire d’idées, dans lequel on pouvait puiser, dans un jeu permettant
les associations et les combinaisons. Les concepteurs de ces planches
le prévoyaient et ne manquaient pas de le préciser dans les titres, où
apparaissent les termes d’« usage » ou de « propre à divers ouvrages »…,
comme le Livre de Desseins pour Toute Sorte douvrages d’Orfèvrerie et
ornements propres à plusieurs sortes d’arts Inventé et Gravé par Sr MP. Mouton
Orfevre a Lyon natif de mons en hainault, publié vers 1690 (cat. 18). Pour
un ouvrier habile, les estampes permettaient aussi un travail d’adaptation
pouvant être traduit en et sur divers supports. Les modèles proposés
semblaient alors potentiellement applicables à tout type d’espace et de
support, et s’adaptant parfaitement aux sujets à la mode. Certains éléments
pouvaient être extraits pour orner une céramique, une pièce d’orfèvrerie, ou
pour un projet de tissu. Ainsi en va-t-il des planches d’arabesques, comme
celles de Berain (cat. 13), qui, au début du XVIIIe siècle, inluencèrent les
faïenciers, notamment à Moustiers (cat. 14).
Pour cela, artistes ou artisans conservaient dans leurs ateliers des
planches d’ornement, comme le Livre d’Echantillons (Fol Est 489,
non présenté). Ce volume, relié en parchemin, portant plusieurs
inscriptions du XVIII e siècle, renferme différentes suites de planches,
réalisées à l’eau-for te et au burin d’après divers ar tistes, toutes
vendues par Gabriel Huquier, tout au long de sa carrière, comme le
montrent les adresses. Il permet de comprendre comment un homme
de l’art sélectionnait les gravures pour son fonds. Les planches y sont
majoritairement des gravures d’ornements, auxquelles sont jointes
quelques estampes d’interprétation. Si aucun élément ne permet de
connaître précisément sa destination et son possesseur, ce « recueil »
montre que tout pouvait être source d’inspiration. Ce Livre d’Echantillons
fournit une autre indication : le volume possède en effet, sur le contre-
plat inférieur, la liste des différentes suites et estampes avec leurs prix
respectifs, ainsi que celui de la reliure, faisant monter la constitution du
« livre » à 52 livres 13 sols, soit un investissement non négligeable.

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5 – Albrecht Dürer dans le célèbre portrait de François Ier par Clouet,
(Nuremberg, 1471 - Nuremberg, 1528) daté vers 1535, et dans l’un des portraits d’Henri
Entrelacs, vers 1507 (impr. postérieure). VIII par Holbein, réalisé en 1537.
De fait, publié pour la première fois à Venise en
Gravure sur bois, 270 x 213 mm 1527 par le calligraphe Giovanni Antonio Tagliente,
4 Est 341, f. 2.
Provenance : Mey, 1923, n° 61
ce livret est initialement destiné aux brodeuses.
Bibliogr. : Guilmard, p. 353 ; B. VII, 140 Cependant, comme l’affirme l’auteur dans son
titre, cette œuvre est potentiellement utile pour
S’inspirant d’estampes produites par l’atelier de d’autres artistes (« la ditta opera sara di grande
Léonard de Vinci à la fin du XV e siècle, Albrecht utilita ad ogni artista ») : les motifs gravés sur bois
Dürer réalise vers 1507 une suite de six gravures sur peuvent en effet s’appliquer sur de nombreux sup-
bois représentant des « nœuds » ou « entrelacs ». ports, d’autant plus que les mauresques, entrelacs,
Ces jeux géométriques peuvent être rapprochés candélabres, calligraphies, animaux et végétaux
de motifs présents dans des manuscrits enluminés, représentés dans l’ouvrage forment un répertoire
carolingiens ou celtiques, mais surtout, d’ouvrages quasi-encyclopédique de formes.
islamiques, dont la vogue était réelle en Italie depuis Le succès de cet ouvrage est attesté par les édi-
le milieu du XVe siècle, par exemple dans le domaine tions qui se succèdent, au nombre de quatre entre
de la reliure. Cependant, ces fascinants entrelacs 1527 et 1531.
possèdent un caractère abstrait qui les éloigne de la
réalité des modèles de broderie auxquels ils pour-
raient également s’appliquer.

6 – Giovanni Antonio Tagliente


(Venise, vers 1465 - Venise, 1527)
Modèles de broderie, 1530.
Opera nuova che insegna a le Dõne a cuscire :
a raccãmare et a disegnar a ciascuno : Et la ditta
opera sara di grande utilita ad ogni artista :
per esser il disegno ad ogniuno necessario :
laqual e intitolata esempio di racãmi, Stampato
in Vineggia per Giovan Antonio et i Fratelli
da Sabbio, 1530, f. 16.

Gravure sur bois, 210 x 150 mm (feuilles)


8 Res 50, f. 9-10
Provenance : Foulc, 1914, n° 464
Bibliogr. : Guilmard, p. 299

Les mauresques, ornements originaires du Moyen-


Orient, représentent sans souci de naturalisme des cat. 6
enroulements de tiges et de feuilles, qui tendent à
remplir des surfaces géométriques. Ce type de décor
connaît un succès extraordinaire à la Renaissance.
Souvent associées aux arts du métal (damasqui-
nures), les mauresques sont également très utilisées
dans les domaines du textile, de la céramique et de la
reliure. De telles broderies se trouvent par exemple

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7 – Alessandro Paganini surtout au milieu du siècle que l’estampe d’orne-
(Brescia, 14.. - Cecina, 1538) ment française connaît un essor important, autour
Modèles de broderie, vers 1532. des foyers artistiques bellifontain et parisien.
Libro primo. De rechami per elquale se impara in Ces estampes de l’architecte Jacques Androuet
diversi modi lordine e il modo de recamare : cosa du Cerceau, qui mêlent mauresques et bandes
non mai piu fatta ne stata mostrata, el qual modo entr elacées, sans doute publiées vers 1545
se insegna al lettore voltando la carta. Opera nova. à Orléans, s’inspirent en partie de modèles anté-
rieurs. L’artiste cherche à se protéger des copies :
Gravure sur bois, 210 x 140 mm (feuilles) il obtient de François Ier, le 28 juin 1545, un privi-
8 Res 79, f. 40-41
Provenance : Foulc, 1914, n° 457
lège valable trois ans pour ses « ouvrages et igures
Bibliogr. : Guilmard, p. XIV d’architectes, armes, moresques & compertement ».

Éditeur et typographe actif à Brescia puis à Tosco-


lano entre 1509 et 1538, Alessandro Paganini publie
des ouvrages de dévotion, mais aussi une série de
classiques imprimés en très petits caractères ainsi
qu’un Coran en arabe, en 1537.
Les quatre volumes du Libro de rechami, publiés
vers 1532, constituent un ensemble remarquable de
gravures de mauresques. Ils sont accompagnés du
Burato, ou canevas, recueil de planches quadrillées
sans motifs destinées à recevoir des ornements pour
les travaux d’aiguille au point compté.
cat. 8
L’auteur explique dans son avant-propos
la manière d’utiliser les planches, soulignant la
finalité pratique de l’ouvrage. Les illustrations
présentées ici détaillent ces méthodes : soit les
gravures sont placées sous le tissu et sont décal-
quées par transparence, en disposant une chandelle
sous le métier ou en installant celui-ci devant une 9 – René Boyvin
fenêtre, soit elles servent de poncifs. Elles sont (Angers ?, vers 1525 - après 1580)
piquetées et le motif est transféré sur le tissu grâce ou Pierre Milan, d’après Léonard Thiry
à de la cendre en poudre. (vers 1500 - vers 1550)
Bijoux, vers 1540-1560.

Burin, 92 x 143 mm
4 Res 10, f. 79-80
Provenance : acq. BAA avant 1918
8 – Jacques Androuet du Cerceau Bibliogr. : Guilmard, p. 21 ; Gasnault, 215 ; 222 ; 224
(?, 1511 - ?, 1586)
Mauresques de moyen format, vers 1545. Le chantier de Fontainebleau devient, dans les
années 1530, l’un des premiers centres de produc-
Eau-forte, 84 x 116 mm ; 82 x 117 mm tion français d’estampes d’ornement. Les bagues,
12 Res 24, f. 11-12
Provenance : acq. BAA avant 1918
pendants et sifflet présentés ici sont fortement
Bibliogr. : Guilmard, p. 10 ; Fuhring 2010, M2 influencés par ce contexte artistique. En effet, ils
ont sans doute été gravés d’après des modèles de
À partir de 1530, les modèles de mauresques Léonard Thiry, peintre originaire d’Anvers, actif sur
igurent parmi les premières estampes d’ornement le chantier de la galerie François Ier à partir de 1536.
gravées sur cuivre publiées en France. Mais c’est Ces planches non signées sont traditionnelle-

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ment attribuées à René Boyvin. Il est cependant 11 – Balthasar Bos
possible qu’elles soient l’œuvre de Pierre Milan, (Bois-le-Duc, 1518 - Anvers, 1580), dit Sylvius
autre buriniste parisien dont le style est très proche. Pièces d’orfèvrerie, 1568.
La gravure en haut à droite, représentant un siflet Un livre de grosserie & des lascons et boites de’
orné de Neptune, n’est généralement pas répertoriée poiure & boites du sel. De’ Couppes & tasses et
dans l’œuvre de Boyvin. grotesque’ moult convenable pour les ouvriers
dargent & autres practisiens Balth’ sylvius fecit. En
Anvers cum gratia et previlegio per annos.8. pl. 1 et 2.

Burin, 190 x 150 mm


4 Res 66, f. 1-2
10 – Daniel Mignot Provenance : acq. Besombes, 1914
(15.. - 16..?) Bibliogr. : H., III, 41-42
Grandes pendeloques et Vertus, 1616
(impr. postérieure ?)

Burin, 154 x 104 mm


8 Res 57, f. 1-2
Provenance : Montgermont, 1913, n° 36
Bibliogr. : Guilmard, p. 376 ; H. German, XXVIII, 25.III ; 27.III.

Daniel Mignot, sans doute un orfèvre huguenot


établi à Augsbourg, publie à la fin du XVI e siècle
plusieurs suites d’estampes de bijouterie. Ces gra-
vures représentent des pendeloques ornées des
Vertus igurant dans une niche centrale, entourées
d’animaux réels ou fantastiques et de végétaux
disposés symétriquement et sans réel souci
d’échelle. La gravure plus ou moins profonde des
différents éléments permet des effets d’encrage
d’une grande subtilité.
L’élément central contraste avec les petits
ornements à fond noir qui l’entourent, typiques cat. 11

des gravures d’orfèvres de la in du XVI e siècle et


du début du XVIIe siècle. Ces motifs, obtenus par
une technique proche de celle de l’émail cham-
plevé, sont souvent employés sur les montures
de bagues ou les revers émaillés des bijoux.
Ces estampes, acquises lors de la vente de 12 – Jean Lemoyne
la collection du bibliophile Louis Lebeuf de (Paris, 1638 - Paris, 1713), dit Lemoyne de Paris
Montgermont (1841-1918), en 1913, sont un Modèles de plafonds, vers 1685.
état tardif des planches de Mignot. Des textes Plusieurs desseins de Platsfonts Dediés a Son Altesse
sont gravés autour des motifs d’orfèvrerie. Ceux-ci Royale Monsieur Frere unique du Roy Inventez et gravez
sont constitués de citations bibliques, en français par son tres humble tres obeissant et tres obligé Serviteur
et en latin, associées aux Vertus qu’elles entourent. J. Le Moyne de Paris. Se vend chez l’Auteur rue neuve
La présence de ces textes rappelle que l’estampe des 2 portes prés St Sauveur Avec Privilege du Roy.
d’ornement ne se limite pas toujours à une
visée esthétique et pratique. Eau-forte, 210 x 362 mm
4 Res 12, f. 6-7
Provenance : acq. Besombes, 1911
Bibliogr. : Guilmard, p. 102 ; IFF 17, X, 18-19

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Peintre et graveur parisien, né en 1638 et mort L’inluence que Berain exerça, grâce à la gravure,
le 3 août 1713, ils de peintre, petit-ils du sculp- sur les arts à la in du règne de Louis XIV fut consi-
teur Simon Guillain et père de deux sculpteurs de dérable, ce qui amena à parler de « style Berain ».
Louis XV, Jean-Baptiste et Jean-Louis Lemoyne, Le renouvellement de l’arabesque qu’il propose, en
Jean Lemoyne, qui ajouta très rapidement à son nom allégeant celle-ci, en la transformant en enroulements,
de Paris pour se distinguer de son contemporain et et en lui permettant de se déployer totalement sur
homonyme, fut reçu à l’Académie royale de peinture toute l’étendue de l’espace dévolue au décor, condui-
et de sculpture le 22 mars 1681, et fut peintre et sit à nommer cette production « nouvelle arabesque ».
valet de chambre de Monsieur, duc d’Orléans.
Oublié de la postérité, il a toutefois apporté sa
contribution personnelle au genre grotesque par les
séries de gravures qu’il publia, comme les projets de
demi-plafonds présentés ici. 14 – Manufacture Clérissy
La première planche illustre le passage entre à Moustiers-Sainte-Marie
deux types de plafonds peints. La grotesque envahit Plateau de surtout, décor « à la Berain », vers 1730.
tout l’espace libre dans une sorte d’horreur du vide,
seuls les angles étant encore traités dans la lignée des Faïence stannifère à décor de grand feu en camaïeu bleu,
9,7 x 26,8 cm
modèles de Charles Le Brun : des cadres aux formes Cité de la céramique, Sèvres & Limoges, musée national de Sèvres,
sinueuses les délimitent, au centre desquels on trouve inv. MNC 28721, acquis en 2010
un médaillon entouré de figures, de trophées, de
guirlandes, etc. Dans la seconde, la partie proprement Cette pièce réalisée en faïence illustre bien l’in-
picturale diminue, les compartiments disparaissent luence que l’arabesque eut au début du XVIIIe siècle
pour faire place à un décor de grotesques peuplées sur les arts décoratifs, et plus particulièrement sur
d’insectes et de petits animaux, moins envahissantes la céramique. Reprenant l’aspect graphique des
et plus iliformes, uniié sur l’ensemble de la compo- planches gravées, l’ornement est traité en camaïeu
sition. Celle-ci est traitée avec légèreté et inesse, sans bleu sur le fond blanc de la couverte stannifère.
perdre en rigueur, ce que soulignent les axes de symé- On y retrouve l’arabesque ordonnée avec sujet prin-
trie et les diagonales, et tout en accentuant les angles cipal et sujets annexes, bien lisible, telle que Berain
par une composition à motif central où une igure de l’a développée, et qui a conduit à donner, peut-être
divinité est placée sous un dais. Cette dernière planche abusivement. son nom à ce style. En effet, Berain ne
se rapproche des projets de plafonds de Berain. fut pas le seul à proposer des arabesques, même si
ses modèles dépassèrent ceux de ces contemporains.
D’autres artistes, comme Jean Lemoyne de Paris,
eurent aussi leur part dans la diffusion de ce style.

13 – Jean Berain
(Saint-Mihiel, 1640 - Paris, 1711)
Modèle de plafond [Recueil factice], n.d.
15 – Gabriel Huquier
Eau-forte, 316 x 235 mm (feuille) (Orléans, 1695 - Paris, 1772)
Fol Res 215, f. 26
Provenance : acq. BAA 1966
d’après Claude Gillot
Bibliogr. : Guilmard, p. 90-91, Weigert 1936, 69 (Langres, 1673 - Paris, 1722)
Nouveau Livre de Principes d’Ornements Particuliere­
Comme pour les deux planches précédentes, ment pour trouver un nombre inini de formes
la gravure présentée offre un modèle de plafond qui en dépendent, d’Après les Desseins de C. Gillot
orné d’arabesques. Celle-ci, rigoureusement ordon- Peintre du Roy. Gravé par Huquier. A Paris chés
née dans le cadre, se compose d’éléments légers et Huquier rue des Mathurins au coin de celle de
grêles. Les igures se fondent avec les arabesques. la Sorbonne, entre 1749 et 1772, pl. 1, 2, 3 et 4.

– 11 –
Eau-forte, 235 x 181 mm Huile sur toile, 73 x 100 cm
4 Res 16, f. 1, 2, 4 Musées des Arts décoratifs, 14895 A
Provenance : acq. BAA avant 1918 Bibliogr. : M. Faré, 1963, t. I, p. 193-208.
Bibliogr. : Guilmard, p.144 ; IFF 18, 785-796.
Peintre provençal de renom, « maître peintre
Ce volume illustre bien l’aspect à la fois didactique du Roi pour les galères », Comte occupe une
et pratique que pouvaient revêtir les gravures d’or- place à part dans la peinture de nature morte du
nements. Les planches se composent de deux demi- XVII e siècle, puisque relevant du seul domaine

dessins collés ensemble représentant des arabesques où déco ratif. Ses sources d’inspiration semblent
se mêlent des éléments iguratifs. La préface indique liées aux gravures d’orne ments, comme celles
comment elle doivent être regardées. Pour retrouver la de Jean Le Pautre, qu’il rencontra peut-être
symétrie, il faut placer un miroir au centre de la com- lors d’un séjour à Paris entre 1671 et 1675,
position. Mais le procédé est plus complexe encore et dont l’inluence fut durable dans son travail.
puisqu’en faisant glisser le miroir « doucement sur tous Dans cette composition, les riches vases d’or-
les sens et contresens », cela permet de faire apparaître fèvrerie, aux effets de brillance et aux rehauts
le « nombre inini de formes » que le titre de la suite de blanc qui renforcent le rendu, semblent traduire
annonçait, et, ainsi, à l’utilisateur, de varier les formes ce que le graveur Jean Le Pautre proposait dans ses
et possibilités d’adaptation du modèle proposé. gravures de vases. Mariette écrivait, dans ses Notes
manuscrites : « Ce qu’il [Le Pautre] mettait au jour
était moins reçu comme des modèles que comme
des idées propres à échauffer le génie ».

17 – Jean Le Pautre
(Paris, 1618 - Paris, 1682)
Deux vases à la romaine, 1751.
(1er état vers 1650-1660).
Charles Antoine Jombert, Œuvres d’architecture de
Jean Le Pautre, Architecte, Dessinateur et Graveur
du Roi. Tome troisième. [...] A Paris, rue Dauphine,
Chez Charles-Antoine Jombert, Libraire du Roi
pour l’Artillerie et le Génie, à l’Image Notre-Dame.
M. DCC. LI. Avec privilege du Roy.

Eau-forte et burin, 215 x 150 mm


4 Est 363 (3), f. 64
Provenance : acq. BAA avant 1918
cat. 15 Bibliogr. : IFF 17, 1980

Dessinateur et graveur, Jean Le Pautre, élève


d’Adam Phillipon, fut l’un des plus féconds gra-
veurs, notamment d’ornements, du XVII e siècle,
qu’il s’agisse de vases, de cheminées, de sépultures,
de décoration intérieure, etc.
16 – Meiffren Comte Sur cette planche, l’artiste rend compte avec la
(Marseille, vers 1630 - Marseille, 1705) plus grande exactitude des détails de l’orfèvrerie :
Aiguières, vases, coquillages et fruits, éléments végétaux, putti…
vers 1671-1675.

– 12 –
18 – Michel Paul Mouton et Cabinet du Roy. Premiere partie executé sous
(Mons, 1643 - avant 1719) la conduitte de l’auteur. A Paris. chés Huquier rue
Une coupe et deux vases, 1690. St Jacque au coin de celle des Mathurins CPR.
Livre de Desseins pour Toute Sorte douvrages
d’Orfèvrerie et ornements propres à plusieurs Eau-forte et burin, 59 cm
Fol Est 327
sortes d’arts Inventé et Gravé par S.r MP. Mouton Provenance : Odiot
Orfevre a Lyon natif de mons en hainault. Se Vend Bibliogr. : Guilmard, p. 155 ; Fuhring 1999, p. 53-63
à Lyon, Chez l’auteur rüe Merciere à lenseigne du
marteau d’Or, pl. 12. Ce volume de l’Œuvre de Meissonnier, une des i-
gures majeures de la rocaille dans la première moitié
Burin, 347 x 238 mm du XVIIIe siècle, est révélateur de la documentation
Fol Est 575, f. 12
Provenance : acq. Besombes, 1914
qu’un praticien pouvait conserver dans son fonds
Bibliogr. : Guilmard, p. 95 d’atelier. Il porte sur la reliure la mention « Odiot.
Orfèvre ». On ne sait, toutefois, quel membre de
cette famille d’orfèvres parisiens l’acheta : Jean-
Baptiste Gaspard (†1767), son fils, Jean-Baptiste
Claude (1763-1850), ou son petit-fils, Charles-
Nicolas (1789-1868) ? Le premier connut une
grande notoriété sous le règne de Louis XV où le
style rocaille se développa. Le troisième, fournisseur
du roi Louis-Philippe, fut l’un des promoteurs du
retour à ce style au milieu du XIXe siècle.

20 – Louis Marin Bonnet


(Paris, 1736 - Saint-Mandé, 1793)
d’après Melle Jouanon et d’après Carle
Ornements loraux imprimés en couleurs,
vers 1784-1792.
Principes de Fleurs coloriées. Bonnet direxit. A Paris,
chés Bonnet rue St Jacques, au coin de celle de la
Parcheminerie, au Magazin Anglois, pl. n° 273.

Manière de lavis impr. en couleurs, 256 x 203 mm


cat. 18

Première feuille d’Arabesques. Carlle Delineavit.


Bonnet direxit. A Paris chez Bonnet Rue St Jacques
au coin de celle de la Parcheminerie, pl. n° 967.

Manière de lavis impr. en couleurs, 255 x 200 mm


4 Est 337, f. 1 et f. 49
19 – Gabriel Huquier Provenance : Mey, 1923, n° 167-169 ?
(Orléans, 1695 - Paris, 1772) Bibliogr. : Hérold 1935, 273-1, 967.
d’après Juste-Aurèle Meissonnier
(Turin, 1695 - Paris, 1750)
Œuvre de Juste Aurele Meissonnier Peintre
Sculpteur Architecte & Dessinateur de la chambre

– 13 –
Formation
L’estampe d’ornement fut aussi un élément de la formation des artistes
et des artisans. Si celle de ces derniers est, à bien des égards, difficile
à cerner, puisque se faisant dans l’atelier du maître, Jacques François
Blondel, au milieu du XVIIIe siècle, rappelait l’importance qui devait y être
accordée au dessin : « Nous estimons le dessein si nécessaire à tous les
genres de talents, que nous ne saurions trop en recommander l’exercice
à tous nos ouvriers ; lui seul peut leur attirer quelques distinction dans
leur professions, & les guider dans la conduite de leur travaux. Personne
n’ignore que c’est depuis que cette étude est entrée pour quelque chose
dans l’éducation des artisans, que la France l’emporte sur les Nations
1. J. F. Blondel, Discours voisines dans les pratiques des Arts du goût »1. Là, les estampes présentes
sur la nécessité de l’étude
de l’architecture, Paris, chez
dans l’atelier pouvaient servir, et certaines furent même pensées par leurs
C. A. Jombert, 1754, auteurs à cet effet. Ainsi, dans le Livre de taille d’épargne de gout ancien
p. 15-16.
et moderne propre pour les aprentifs orfevres, avec du petit relief comme
on le fait sur des ouvrages en or d’orfeverie et d’orlogerie, avec une breve
explication, paru pour la première fois en 1702, Jean Bourguet proposait
des modèles accompagnés d’un texte explicatif (cat. 23) et, sur certaines
planches, en haut, les formes des pointes des outils qui devaient servir à
leur réalisation (cat. 24).
Les exemples de « méthodes » pour apprendre le dessin grâce à la
gravure d’ornement sont nombreux, tant en France que dans les autres
pays d’Europe comme en témoigne The Principles of Drawing Ornaments
2. Cours d’architecture, made easy, by proper examples of Leaves for Mouldings, Capitals, Scrolls, Husks,
ou Traité de la Décoration,
Distribution & Construction
Foliage, etc, ouvrage publié à Londres en 1780 par Taylor (cat. 22).
des Bâtiments ; contenant Au début du XVIIIe siècle, l’importance que l’ornement prit dans les
les Leçons données en 1750,
& les années suivantes,
diverses productions de l’art conduisit à l’introduire dans les académies
par J.F. Blondel, Architecte, royales. Ainsi, Blondel, pour l’école d’architecture, prévoyait-il
dans son Ecole des Arts.
Publié de l’aveu de l’Auteur,
« Tous les mardi, jeudi & samedi, les après-midi, en hiver […] des
p. M.R.., t. III, A Paris, Leçons sur le Dessin concernant l’ornement »2. Mais elles ne furent pas
Chez le Veuve Desaint,
Libraire, rue du Foin-
les seules. L’Académie de Saint-Luc, émanation de la corporation des
S. Jacques, 1772, p. 87. maitres peintres et sculpteurs de Paris, dont l’école gratuite est rétablie en

– 14 –
1705, en usa aussi. Il faut y ajouter des initiatives privées, comme celle de
Jean-Jacques Bachelier avec son École gratuite de Dessin (cat. 21).
La technique de la gravure à la manière de crayon, mise au point
par Jean Charles François, vint sans doute renforcer, à partir des années
1750, cette possibilité. Elle offrait, en effet, selon les termes employés
par Charles Nicolas Cochin en 1775, un moyen de « répandre partout
les études bien copiées, et conséquemment de faciliter […] les secours
nécessaires pour commencer avantageusement l’instruction des élèves »3.
C’est sans doute dans cette optique que Jean-Baptiste Girard, enseignant 3. C. N. Cochin, Observation sur
les ouvrages exposés au sallon du
« l’art de modeler, & la manière d’acquérir le goût du dessein pour les Louvre, ou Lettre à M. le Comte
ornemens », dans l’école d’architecture de Blondel4, conçut, avant 1759, de…, Paris, 1775, p. 154.
ses six suites, de six pièces chacune, de Leçons d’Ornement dans le goût du
Crayon, publiées par François, puis par Demarteau. Dans les lettres des 4. Journal Œconomique ou
Mémoires, notes et avis sur
gravures, après son nom, Girard ajoutait : « sculpteur et professeur pour l’Agriculture, les Arts ; le
l’ornement » (cat. 25). Commerce, & tout ce qui peut
y avoir rapport, ainsi qu’à la
conservation & l’augmentation
des Biens de Famille, etc.,
Paris, chez Antoine Boudet,
décembre 1751, p 86.

– 15 –
21 – Jean Jacques Bachelier 24 – Jean Bourguet
(Paris, 1724 - Paris, 1806) (?, 16.. - ?, 17..)
Gravures de l’École gratuite de dessin, Second livre de taille d’espargne et de bas­reliefs
après 1766. en esmail, ou noir d’escaille, Bas­reliefs pour
Tabatieres et ouvrages d’Orlogerie. Par J. Bourguet
Gravure à la manière de crayon, 300 x 230 mm Marchand Orfévre a Paris. Se Vend chez l’Auteur
4 Est 347 (4), f. 19, 24
Provenance : Manufacture de Sèvres
Place Dauphine à Paris, 1723, pl. 2.
Bibliogr. : Hérold 1931, p. 45.
Burin, 162 x 196 mm
8 Res 11, f. 2
Provenance : Foulc, 1914, n° 102
Bibliogr. : Guilmard, p. 121 ; IFF 18, 2

22 – Isaac Taylor
(Londres, 1759 - Ongar, 1829)
Principes de dessin d’ornements, 1780.
The Principles of Drawing Ornaments made 25 – Gilles Demarteau
easy, by proper examples of Leaves for (Liège, 1722 – Paris, 1776)
Mouldings, Capitals, Scrolls, Husks, Foliage, d’après Jean-Baptiste Girard
&c. Engraved in imitation of drawings, (actif à Paris au milieu du XVIIIe siècle)
on sixteen plates, with instructions for Leçons d’ornements rocaille, vers 1759
Learning without a Master ; particularly useful Cinquieme Livre de Leçons d’Ornemens Dans
to carvers, cabinet­makers, stucco­workers, le gout du Crayon, Dedié A Monseigneur le Duc
painters, smiths, and every One concerned de Chaulnes Chevalier des Ordres du Roy,
in Ornamental Decorations. Lieutenant general de ses Armées. Par son très
By an artist. London. Printed for I. Taylor, N° 56, heumble, et très Obeissant Serviteur, Demarteau
nearly opposite Great Turnstile, Holborn, 1780. l’ainé. Dessiné par Girard Sculpteur et professeur,
pour l’Ornement. Gravé par Demarteau l’ainé.
Gravure à la manière de crayon, 147 x 196 mm, 164 x 212 mm Se vend a Paris chés l’auteur rue de la Pelterie
8 Res 40, f. 1-2, 8, 17
Provenance : acq. Besombes, 1912
à la Cloche vis-à-vis St Denis de la Chartre.
Au Triangle d’Or. Hôtel des Ursins. Et aux deux
Piliers d’Or, rue St Jacques. Avec Privilege, pl. 1
Autre Suitte de Leçons d’Ornemens Dans le gout
du Crayon... Dessiné par Girard Sculpteur et
23 – Jean Bourguet professeur, pour l’Ornement. Gravé par
(?, 16.. - ?, 17..) Demarteau l’ainé..., pl. 5.
Livre de taille d’épargne de gout ancien
et moderne propre pour les aprentifs orfevres, Gravure à la manière de crayon, 332 x 222 mm
4 Est 315, f. 25 et 63
avec du petit relief comme on le fait sur des Bibliogr. : Guilmard, p. 183 ; IFF 18, 11, 12, 13, 14-15, 16 ; Girard
ouvrages en or d’orfeverie et d’orlogerie, avec (Romain), p. 278 ; Hérold 1931, 306-307.
une breve explication : Inventé et gravé par
J. Bourguet, Mtre orfev. A paris 1702. Se vend
à Paris chez l’aut. rüe d’Orleans faub. St Marcel
a la Provid. et Chez Crespy rue St Jacques devant
la boëte de la Poste, pl. 5.

Burin, 132 x 78 mm
8 Res 15, f. 5
Provenance : Foulc, 1914, n° 101
Bibliogr. : Guilmard, p. 121 ; IFF 17, 1

– 16 –
cat. 25

– 17 –
Un répertoire
européen
En permettant de produire des images en quantité, l’estampe contribua
significativement au renouvellement de l’art européen à partir de la
fin du XV e siècle. Facile à transporter, relativement peu coûteuse,
elle permit une accélération et un élargissement de la diffusion des
formes et modèles artistiques. Leurs multiples éditions, copies et
contrefaçons, partielles ou complètes, dessinent une histoire des modes
et du goût international.
Les modes de production et de commercialisation des premières
estampes d’ornement, en Allemagne et en Italie, sont peu connus. Par la
suite, si certains artistes, notamment des orfèvres, continuèrent de publier
eux-mêmes leurs planches, la production tendit à s’organiser entre les
mains d’éditeurs d’estampes.
En effet, à partir des années 1540, ceux-ci, comme Hieronymus Cock,
à Anvers, rationalisèrent la production de ces gravures, organisées en suites,
pourvues de pages de titre multilingues et destinées à un large marché.
Les Pays-Bas étaient alors au coeur de la production européenne d’estampes
d’ornement : y étaient diffusées non seulement les gravures produites sur
place, mais aussi des planches allemandes ou françaises, multipliées pour les
besoins du grand chantier de Fontainebleau.
Puis, à partir du milieu du XVIIe siècle et jusqu’à la Révolution française,
la France prit une place centrale. Les estampes d’ornement y déinirent un
style décoratif propre, encouragé par les liens étroits entre le pouvoir et les
arts à la cour de Versailles. Jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, les rééditions
des graveurs du Grand Siècle l’attestent. Puis la diffusion du style rocaille
est associée à la personnalité de Gabriel Huquier, également dessinateur et
graveur d’ornements.
Cependant, au XVIII e siècle, les plus grandes quantités d’estampes
d’ornement sont publiées à Augsbourg, en Allemagne. Certains éditeurs
s’y spécialisent dans la production de copies des planches parisiennes,
principalement destinées à l’exportation en Europe centrale et orientale,
mais aussi vers la péninsule ibérique et l’Amérique latine.

– 18 –
26 – Gabriel Huquier Eau-forte impr. en couleurs « à la poupée », 194 x 140 mm
Fol Res 237 (5), f. 2-3
(Orléans, 1695 - Paris, 1772) Provenance : acq. Besombes, 1913
d’après Jean-Baptiste Oudry Bibliogr. : Gordon-Smith, p. 245, 281-283
(Paris, 1686 – Beauvais, 1755)
Fleurs et ornements rocaille, entre 1738 et 1749. La mode des chinoiseries, indissociable du style
Livre des differentes éspéces d’Oiseaux, Fleurs, rocaille, est lancée au début du XVIIIe siècle par les
Plantes et Trophés de la Chine Tires du Cabinet peintres Antoine Watteau et François Boucher.
du Roy. Gravés par Huquier 3e Partie. A Paris Les estampes gravées d’après leurs modèles dans les
chez Huquier rue St Jacques au coin de la rüe années 1730-1740 représentent souvent des scènes
des Mathurins. A P.D.R., pl. 32. idylliques, où figurent parties de pêche, bergers,
bergères et promeneurs.
Eau-forte coloriée, 569 x 357 mm Peintre de paysages et décorateur, Jean Pillement
Pl Est 100, f. 32
Provenance : Sautereau, comte de Chasse
publie sa première suite de modèles de chinoiseries
Bibliogr. : Guilmard, p. 159 ; IFF 18, 1983-1997 en 1755 en Angleterre, dans le style de Boucher.
À partir de 1767, son style évolue et devient plus
Marchand, collectionneur, éditeur, graveur, mais léger : de petits personnages chinois paraissent ici
aussi dessinateur et peintre, membre de l’Acadé- lotter dans un équilibre précaire, entourés de grêles
mie de Saint-Luc, Gabriel Huquier édita, et par- passerelles et de végétaux fantastiques, représentés
fois même grava, la plupart des grands artistes et sans souci d’échelle.
artisans de l’art rocaille, tels que Watteau, Gillot, Les gravures de Pillement ont été largement uti-
Boucher, Charpentier, Lajoüe, Bellay, Oudr y, lisées, en particulier dans le domaine textile (toiles
Pineau, Meissonnier… Plusieurs aspects de sa de Jouy, papier peint, tapisseries d’Aubusson),
carrière échappent encore à notre connaissance. et dans celui de la céramique (décors de faïences de
À l’instar des marchands merciers, dont le rôle dans Marseille et de Strasbourg).
l’évolution du goût est aujourd’hui bien connu, Ces planches ont été gravées par Anne Allen,
Huquier a été l’un des acteurs majeurs de la diffu- l’épouse de Pillement, sans doute à Pézenas vers
sion du goût rocaille. 1796-1798, où le couple s’était retiré pendant la
Les gravures de ce volume furent rehaussées à Révolution française. Chacune des estampes est
la gouache par un artiste inconnu. Est-ce le mar- imprimée en couleurs, au moyen de deux plaques,
chand qui fit réaliser les peintures en vue de les selon la technique « à la poupée » : avant l’impres-
vendre à un amateur ? Le fit il à la demande du sion, les plaques de cuivre gravées sont encrées de
commanditaire ? Ou est-ce l’acheteur, la famille couleurs différentes sur les différentes zones du
lyonnaise de Sautereau, comte de Chasse, dont le motif à l’aide d’un chiffon (ou « poupée »).
volume porte les armes, qui les it exécuter après les
avoir acquises ? La planche présentée illustre bien
la démarche du marchand qui souhaitait proposer à
une clientèle d’amateurs des pièces rares.
28 – D’après Gabriel Huquier
(Orléans, 1695 - Paris, 1772)
et Antoine Aveline
(Paris, 1691 - Paris, 1743)
27 – Anne Allen Panneau d’ornement avec un berger chinois, vers 1740.
(Londres, 1750 - 18..) N° 6 : Mart. Engelbrecht ex. AV. / A Lyon chez
d’après Jean Pillement Daudet avec Privil. du Roy.
(Lyon, 1728 - Lyon, 1808)
Arabesques et chinoiseries, vers 1798. Eau-forte coloriée, 532 x 404 mm
Pl Est 53, f. 36
Nouvelle Suitte de Cahiers arabesque chinois Provenance : acq. Besombes, 1914
à l’usage des déssinateurs et des Peintres, pl. 3-5. Bibliogr. : Berliner & Egger, 1256 (Huquier)

– 19 –
Ce panneau d’ornement représentant un berger Les artistes français les plus copiés par les éditeurs
chinois dans un encadrement rocaille est une copie augsbourgeois au XVIII e siècle sont Jacques de
inversée d’une planche gravée par Antoine Aveline, Lajoüe, François Thomas Mondon, Pierre Edme
dessinée et publiée par Gabriel Huquier à Paris vers Babel et François Boucher. Mais la vogue des
1740. Les deux estampes diffèrent cependant, l’ori- modèles français s’étend aussi à des noms moins
ginal étant dépourvu des arbres qui igurent en haut connus, tel ce Bellay, dont Gabriel Huquier publie
à gauche de l’estampe allemande. deux suites de panneaux de chinoiseries dans les
Gabriel Huquier, le plus important graveur années 1730-1740.
d’estampes d’ornement français du XVIII e siècle, La juxtaposition de ces deux gravures permet de
dessine lui-même de nombreux panneaux, écrans, comparer l’estampe originale française avec sa copie
paravents dans le style des chinoiseries, parfois sous allemande. La technique diffère légèrement : l’eau-
forme de « découpures » dont l’assemblage était forte peu appuyée de Gabriel Huquier contraste
un loisir recherché. Cette estampe de grand format avec les traits plus épais de la gravure allemande,
rappelle les multiples usages possibles des estampes œuvre d’un graveur inconnu, publiée par l’éditeur
d’ornement : découpées, coloriées et collées sur des Johann Georg Merz (1694-1762). Par ailleurs,
panneaux, des écrans à mains, des paravents, ces gra- le titre allemand est plus explicite que le français,
vures constituent des objets décoratifs à part entière. indiquant la présence de chinoiseries, alors très en
Cette contrefaçon augsbourgeoise montre que les vogue, dans le recueil.
estampes produites en Allemagne pouvaient être ven-
dues sur le marché français ; il est même possible qu’il
ait existé un accord à cet effet entre l’éditeur augs-
bourgeois Martin Engelbrecht et le Lyonnais Daudet.
30 – Jacob Gottlieb Thelot
(Augsbourg, 1708 - Augsbourg, 1760)
d’après Carl Pier
(1717 - après 1768)
29 – Gabriel Huquier Motifs d’encadrements rocaille, vers 1740-1745.
(Orléans, 1695 - Paris, 1772) N° 52, Mart. Engelbrecht excud. A. V., pl. 254.
d’après Bellay
(?, 17.. - ?, 17..) Eau-forte et burin, 250 x 184 mm
4 Est 296, f. 67
Différentes pensées d’ornements arabesques Provenance : acq. Besombes, 1912
à divers usages divisé en deux parties : première Bibliogr. : Guilmard, p. 455
partie, A Paris chez Huquier vis a vis le Grand
Chatelet, pl. 1. Contrairement aux exemples précédents, ces
rocailles déchiquetées, publiées par Mar tin
Eau-forte, 156 x 220 mm Engelbrecht à Augsbourg, sont l’œuvre d’artistes
4 Est 316, f. 1
Provenance : acq. BAA avant 1918
allemands. L’inventeur du motif, Carl Pier, ou
Bibliogr. : Guilmard, p. 177 ; IFF 18, 488-507 Püer, est considéré comme l’un des plus ingénieux
dessinateurs d’ornements purement augsbourgeois.
Neüe Inventiones von Chinesischen Zierrathen Le graveur, Jacob Gottlieb Thelot ou Thelott, était
zu unterschiedlichem Gebrauch ; Erster Theil / quant à lui issu d’une famille d’orfèvres huguenots
Differentes Pensées d’Ornements Arabesques a installés à Augsbourg depuis le XVIe siècle.
divers usages ; Premiere Partie, Ioh. Georg Merz Bien au-delà de la simple copie de modèles fran-
excud, Aug. Vindel., pl. 1. çais, une telle planche démontre la vitalité du style
rococo proprement allemand. Apparemment desti-
Eau-forte et burin, 150 x 212 mm nées à servir de modèles pour des stucs ou des enca-
4 Est 296, f. 25
Provenance : acq. Besombes, 1912
drements en bois sculpté, ces formes peuvent aussi se
retrouver sur des objets d’orfèvrerie ou de porcelaine.

– 20 –
couvercle et des pieds. Le dynamisme de cette
forme est souligné par des rehauts de couleurs
vives, pourpres, verts et dorés.

32 – Louis-Marin Bonnet
(Paris, 1736 - Saint-Mandé, 1793)
d’après A. Panier
Fontaine à trois pieds au couvercle à coquille, 1771.
N° 58 : Recueil de vases ou fontaines. 3e cahier,
A Paris, chez Bonnet rue St Jacques.

Gravure à la manière de crayon, 292 x 216 mm (feuille)


4 Est 334, f. 14
Provenance : Mey, 1923 ?
Bibliogr. : Guilmard, p. 267 ; Hérold 1935, 58-1

cat. 30
Johann Martin Will
(Augsbourg ?, 1727 - Augsbourg ?, 1806)
73. Theil : Recueil de vases ou fontaines, à Paris
chez Bonnet, rue St Jacques / Jean Martin Will
à Augsbourg, pl. 1.

31 – Manufacture de Frankenthal. Gravure aux outils, 272 x 182 mm


4 Est 334, f. 18
Décor attribué à Johann Wilhelm Lanz Provenance : Mey, 1923 ?
(1725 - ?) Bibliogr. : Guilmard, p. 267 ; Hérold 1935, 58-1
Pot-pourri, vers 1760.

Porcelaine dure, 24,5 x 18,5 cm


Cité de la céramique, Sèvres & Limoges, musée national de Sèvres, inv.
MCSR CLXXIII, dépôt de l’Ofice de Récupération des Biens Privés

Au XVIIIe siècle, le développement de la parfumerie


va de pair avec la vogue d’objets tels que ce « pot-
pourri » en porcelaine, création de la manufacture
allemande de Frankenthal dans les années 1760.
Ce récipient au couvercle ajouré est destiné à ren-
fermer un mélange de leurs séchées, d’épices, de
plantes aromatiques et de sel, dont les senteurs
embaument l’atmosphère.
L’aspect de ce pot-pourri est caractéristique
de la grande liberté plastique propre au rococo
allemand, qu’expriment la forme de poire du
récipient, l’exubérance des volutes, enroulements
et coquilles, l’asymétrie des anses, les ajours du

– 21 –
Fantaisies
L’estampe d’ornement pouvait aussi être conçue comme une in en
soi. Par bien des aspects, si la ligne des estampes d’ornement se présente
comme didactique et pratique, elle apparaît aussi comme « théorique ».
Elles sont comme un « manifeste » de la compétence de leurs auteurs à
inventer de nouvelles formes (cat. 34).
Il semble que l’édition de planches d’ornement par des artisans soit
à envisager aussi sous cet angle. Bon nombre d’entre eux, menuisiers,
orfèvres, ciseleurs, serruriers, fournissaient leurs propres modèles et les
faisaient graver, parfois les gravaient eux-mêmes, tentant ainsi d’« anoblir »
leur métier. Elles devenaient pour eux un moyen de montrer qu’ils
n’étaient pas que de simples praticiens soumis aux inventions formelles
des artistes, architectes, peintres ou sculpteurs, seuls qualifiés à créer,
mais qu’ils étaient, eux aussi, capables d’élaborer les ornements dont ils
se servaient dans leurs productions et de les proposer à d’autres. Cette
démarche pouvait aller jusqu’à produire des planches de Caprices, de
Fantaisies, comme les Fantaisies Nouvelles de Pierre Quentin Chedel
(cat. 35), ou encore de Pensées, telles les Différentes Pensées d’Ornement
publiées (cat. 29). Cette posture que l’estampe d’ornement leur permet
d’acquérir fut d’ailleurs raillée par de nombreux artistes, comme l’architecte
Jacques François Blondel qui, au milieu du XVIIIe siècle, jugeait : « On ne
saurait comprendre combien les Arts utiles ont acquis de perfection chez
nous, depuis que […] on s’est appliqué à l’étude de la Géométrie & du
1. L’Homme du monde éclairé Dessin […] tous nos Artisans sont devenus des Artistes »1.
par les arts ; par M. Blondel,
Architecte du Roi, Professeur
Royal au Louvre, Membre de
l’Académie d’Architecture ;
publié par M. de Bastide, A
Amsterdam ; Et se trouve à
Paris, Chez Monory, Libraire
de S.A.S. Monseigneur le
Prince de Condé, rue & vis-à-
vis de la Comédie Française,
1774, t. II, p. 76.

– 22 –
33 – Jean Toutin 35 – Pierre Quentin Chedel
(Châteaudun, 1578 - Paris, 1644) (Châlons-en-Champagne, 1705 - Paris, 1763)
Ornements de joaillerie et igures, 1618, pl. 5. Fontaine de Pénée, 1738.
Fantaisies Nouvelles, Se vend a Paris chez la Ve
Burin, 110 x 80 mm Chereau aux deux pilliers d’Or, pl 2.
8 Res 88, f. 2
Provenance : Foulc, 1914, n° 157
Bibliogr. : Guilmard, p. 40 ; Coquery, 26 (description de la suite) ; Eau-forte, 235 x 163 mm
Fuhring et Bimbenet-Privat, 544 4 Est 418, f. 2
Provenance : acq. BAA avant 1918.
Bibliogr. : Guilmard, p. 178 ; Fuhring 2003, p. 265-268.
Jean Toutin, orfèvre protestant originaire de Château-
dun, y publie deux suites d’estampes d’ornement en Dessinateur et graveur, Pierre Quentin Chedel fut élève
1618 et 1619. Le motif central de cette gravure, du peintre François Lemoyne et du graveur Laurent
un bijou en forme de scarabée, est orné par des Cars. L’artiste fut réputé en son temps pour sa fantaisie,
émaux en forme de « cosses de pois » caractéristiques son originalité et sa verve inventive.
de l’orfèvrerie parisienne de la première moitié du Inspiré par les Métamorphoses d’Ovide, il interprète ici
XVIIe siècle. Les planches de Toutin associent les mo- l’histoire de Pénée, dieu leuve de Thessalie, ils d’Océan
tifs de bijouterie à des mises en scène ludiques : les et de Téthys, qu’il traduit sous la forme d’un ornement
représentations d’escrimeurs, d’un atelier d’orfèvre, prenant l’aspect d’une fontaine rocaille, mêlant éléments
ou, comme ici, d’un couple galant, sont autant de végétaux, animaux marins, coquilles… La libre invention
fantaisies que permet l’estampe, et de démonstrations que traduit cette estampe montre combien l’ornement
de l’art du graveur. peut se libérer de toute contrainte de destination précise.

34 – Jacques Honervogt 36 – Benigno Bossi


(Cologne, vers 1583 - Paris, vers 1655) (Arcisate, 1727 - Parme, 1792)
d’après Daniel Meyer ? d’après Ennemond Alexandre Petitot
Modèles de broderie représentant des personnages (Lyon, 1727 - Parme, 1801)
en pierreries, vers 1619. La Mariée à la Grecque, 1771.
I. Honervogt exc., pl. 11. Mascarade a la Grecque. Dediee a Monsieur Le
Marquis de Felino Premier Ministre de S. A. R.
Eau-forte, 152 x 120 mm Par son tres humble serviteur Benigno Bossi, Parme,
4 Res 28, f. 20
Provenance : Foulc, 1914, n° 420
MDCCLXXI, pl. 6.
Bibliogr. : Guilmard, p. 493 ; IFF 17, 111 ; Fuhring 2004, 2346
(description de la suite)
Eau-forte, 270 x 183 mm
Fol Res 113, f. 7
Provenance : Pierre Gélis-Didot, 1897 ; acq. BAA avant 1918.
Jacques Honervogt, éditeur originaire de Cologne Bibliogr. : Guilmard, p. 225
installé à Paris, aurait reproduit sur ces extravagants
modèles de broderies en or et pierres précieuses des Architecte, élève de Souflot et formé en Italie, Enne-
motifs inventés par l’allemand Daniel Meyer, publiés mond Alexandre Petitot s’installa à Parme en 1753, où
en 1618 à Francfort. il fut l’un des promoteurs du style néoclassique. Cepen-
dant, le « goût à la grecque », qui se développe à partir
des années 1750 dans une apparente opposition aux
fantaisies de la rocaille, fait ici l’objet d’une joyeuse auto-
dérision. Cette Mariée à la grecque, pourvue de tous ses
ornements « à l’antique » est en effet bien éloignée de
la « noble simplicité » prônée par Winckelmann.

– 23 –
Liste des abréviations employées

– B. : A. von Bartsch, Le Peintre-Graveur, Leipzig, Barth, 1803-1821,


23 vol.

– H. : F. W. H. Hollstein, Dutch and Flemish etchings, engravings and


woodcuts, Roosendaal, Koninklijke Van Poll, 1949-.

– H. German : F. W. H. Hollstein, German engravings, etchings and


woodcuts ca. 1400-1700, Amsterdam, M. Hertzberger, 1954-.

– IFF : Inventaire du fonds français, Paris, Bibliothèque nationale, 1930-.


– R. D. : A. P. F. Robert-Dumesnil, Le peintre-graveur français ou
catalogue raisonné des estampes gravées par les peintres et dessinateurs
de l’école française, Paris, Leipzig, 1842.

Orientation bibliographique

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Jahrhunderts, 3 vol. Munich, Klinkhardt und Biermann, 1981. century, 3 vol., Rotterdam, Rijksmuseum Amsterdam-Sound &
Vision, 2004.
– B. Comment et F. Chapon (dir.), Jacques Doucet de fonds en combles.
Trésors d’une bibliothèque d’art, Paris, Herscher-INHA, 2004. – P. Fuhring et M. Bimbenet-Privat, « Le style «cosses de pois».
L’orfèvrerie et la gravure à Paris au XVIIe siècle », Gazette des beaux-
– E. Coquer y, « La gravure d’ornement », in D. Alcouf fe et arts, t. CXXXIX, n° 1595, janvier 2002, p. 1-224.
E. Coquer y (dir.), Un temps d’exubérance. Les ar ts décoratifs
sous Louis XIII et Anne d’Autriche, cat. expo., Paris, Galeries – H. Gasnault, Léonard Thiry (ca. 1500 - ca. 1550) dans l’ombre de
nationales du Grand Palais, 9 avril-8 juillet 2002, Paris, RMN, Rosso, thèse pour l’obtention du diplôme d’archiviste paléographe,
2002, p. 88-118. École nationale des Chartes, 2011.

– M. Decrossas et L. Fléjou (dir.), Ornements. XVe - XIXe siècles : Chefs- – M. Gordon-Smith, Pillement, Cracow, IRSA, 2006.
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Paris, INHA-Mare & Martin, 2014. – A. Gruber (dir.), L’art décoratif en Europe, 2 vol., Paris, Citadelles
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– M. Faré, La Nature morte en France, 2 vol., Genève, Ed. Pierre
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– J. Hérold, Louis Marin Bonnet (1736-1793) : catalogue de l’œuvre
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1995, Los Angeles, Grunwald center for the graphic arts, 1994,
p. 153-168. – Perspective : actualités de la recherche en histoire de l’art, 2010-2011,
1, Ornement/Ornemental. Paris, INHA-Armand Colin, 2010.
– P. Fuhring, « Catalogue sommaire des estampes », in J. Guillaume
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« un des plus grands architectes qui se soient jamais trouvés en France », New-Haven-Londres, Yale University Press-The Victoria and Albert
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– P. Fuhring, Juste-Aurèle Meissonnier : un génie du rococo, 1695–1750, – R. A. Weigert, Jean I Berain : dessinateur de la chambre et du cabinet
2 vol., Turin, Umberto Allemandi & C., 1999. du roi (1640-1711), Paris, 1936.

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