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Education et Politiques

Des artistes à l'école maternelle

Note de synthèse de l'étude du dispositif des artistes en résidence dans les écoles
maternelles de Lyon Réalisée à la demande du Centre Art Enfance Langages pour la Ville de
Lyon. Octobre 2004 - Juin 2005.

Des artistes à l'école maternelle

Eléments d'évaluation d'un dispositif


Alain Kerlan

Université Lumière Lyon 2 UMR Education et Politique


Avec l'aimable autorisation d'Enfance Art et Langages

Lyon, Octobre 2004 - Juin 2005

Une introduction appropriée aux éléments d'appréciation et d'évaluation qui vont suivre, concernant un
dispositif pédagogique et culturel dont chacun connaît l'originalité et la complexité, dès lors qu'il en est
suffisamment familier, réclamerait sans doute un exposé précis et circonstanciés des moyens et des
conditions qui ont permis de les formuler. Toutefois, afin de ne pas alourdir excessivement le propos, je me
contenterai de quelques indications préliminaires concernant les objectifs du travail entrepris à la demande
du Centre Enfance Art et Langages , ainsi que des grandes lignes de la méthodologie retenue.

Selon les termes de la mission qui lui était confiée pour l'année 2003/2004, l'Unité Mixte de Recherche
Education et Politiques (ISPEF Université Lumière Lyon2/INRP), dans le cadre des travaux pilotés en son
sein par l'auteur de ce rapport 1, s'était fixé deux principales perspectives 2 :

• Engager une exploration des projets artistiques et éducatifs mis en œuvre par les artistes en résidence
dans les classes maternelles de la ville de Lyon, ainsi que des perceptions qu'ont les artistes du processus en
cours et de ses effets, afin d'éclairer la rencontre du monde de l'art et du monde de l'école, de l'artiste et de
la petite enfance.

• Apporter, à partir de cette étude, réflexion et recommandations pour accompagner le développement du


programme d'éducation artistique pour la petite enfance plaçant l'artiste au cœur de l'école.

L'étude s'est déroulée pour l'essentiel au cours de l'année scolaire 2003/2004, dans la seconde année donc
du dispositif. Elle portait dans une première phase exploratoire sur les différents projets artistiques
recueillis lors de l'appel à candidature (l'analyse se centrant bien entendu sur les projets retenus). L'analyse
des documents et témoignages rassemblés par les artistes au cours de leur résidence (photographies, films,
traces des activités…) complétait cette première approche. Cette étude a permis de fixer les lignes
d'investigation de l'enquête de terrain (observations et surtout entretiens). La seconde phase
d'approfondissement, la phase d'investigation proprement dite, a été menée en effet au moyen d'entretiens
individuels avec les artistes, en appui sur quelques observations conduites dans les écoles. Le plus souvent,
les moments d'observation ont été suivis d'un entretien qui réunissait l'artiste et au moins un membre de
l'équipe pédagogique de l'école.

Les propos qui suivent sont là pour nourrir le travail de bilan et de prospective du Centre Art enfance et
langages , dans un moment où cette expérience originale sort de sa troisième année. Ils sont organisés en

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trois grands volets, qui m'ont paru recouvrir l'essentiel des enjeux. Les deux premiers s'imposent d'eux-
mêmes : le premier concerne le partenariat entre les artistes et les enseignants ; le second, central
assurément, cherche à dégager les effets dans l'école et les bénéfices éducatifs du dispositif. Manquerait
toutefois un troisième volet, si l'on s'en tenait là : celui des effets de la résidence du côté des artistes eux-
mêmes et de leur art . Je dois y insister : cette dimension appartient pleinement à l'évaluation du dispositif,
dès lors qu'on le considère dans sa double spécificité : un dispositif pédagogique et culturel,
indissociablement . Ce troisième volet constitue donc bien la troisième partie de la version finale de ce
rapport, et doit être considéré à l'égal des deux autres dans une conception globale de l'évaluation du
dispositif.

On considérera enfin que l'ensemble de ces propos prend appui sur des observations et des entretiens
nécessaires à l'objectivité. Ils n'excluent pas néanmoins les risques du jugement assumé. Mon principal
souhait : que ces propos et ces propositions soient discutés, débattus, suscitent des questions et des
réponses.

• Le partenariat entre artistes et enseignants

• Dispositif pédagogique… ou dispositif artistique ?

Du côté des artistes , on notera comment les deux postures extrêmes sont représentées : la conception et la
mise en œuvre vont de l'affirmation de l'autosuffisance du dispositif artistique (à l'école de tirer tout le
profit éducatif de la présence de l'artiste et de son œuvre) à la quasi conversion pédagogique de l'artiste .

Du côté des enseignants , symétriquement : ceux qui voudraient – ou auraient voulu– que l'artiste soit
d'emblée une quasi-ressource pédagogique mise à disposition de l'école, et ceux qui à l'inverse n'attendent
pas de l'artiste d'autre projet que celui d'être pleinement "artiste" – et surtout pas de projet quasi-
pédagogique .

Ces postures extrêmes ne sont toutefois pas les plus répandues, même si leur tentation traverse ici et là
selon les moments et l'historique l'un ou l'autre des dispositifs. On peut présumer qu'elles sont
particulièrement présentes dans les débuts– et les phases de crise – du partenariat. Le partenariat réel est
alors en bonne partie le fruit de "négociations" et d'ajustements implicites ou explicites entre les différentes
postures et attentes de l'artiste et de l'école. Ces préalables font que l'accord peut être immédiat et spontané,
ou bien plus ou moins longuement différé…

• La différence assumée

La plus grande partie des partenariats s'est nouée néanmoins autour d'une idée commune : ce que l'artiste
dans l'école peut apporter à l'école, c'est en étant et en demeurant pleinement artiste qu'il le fera . Cette
base du partenariat ne s'est pas imposée d'emblée, semble-t-il. Plusieurs écoles et artistes décrivent une
évolution en deux temps : un temps au cours duquel l'artiste, en fonction d'un accord implicite ou d'une
demande supposée, s'efforce de faire œuvre de "pédagogue", de faire preuve de bonne volonté pédagogique ;
un second temps inauguré par une prise de conscience des deux partenaires de la nécessité de préserver
l'identité de l'artiste en tant qu'artiste . Dès lors, l'enjeu du partenariat n'est peut-être pas de fondre dans
un dispositif commun les deux mondes en présence, mais de permettre que se développe la dynamique née
de leur rencontre et du jeu de leurs différences .

Dispositif pédagogique … ou dispositif artistique ? L'un et l'autre. L'un parce que l'autre. La particularité et
peut-être l'efficacité spécifique du dispositif des artistes en résidence tient à cette différence assumée.
Comment la permettre ? Comment l'accompagner ? Ce sont là les questions du pilotage.

Différence ne signifie pas indifférence ou absence de communication. Bien au contraire. La nécessité


éprouvée par les enseignants comme par les artistes de préserver dans l'école l'identité de l'artiste et
l'authenticité de son univers repose sur une conviction éducative partagée, même si elle n'est pas
pleinement formulée : la conviction d'une portée éducative inhérente à l'art . En première analyse, cette
conviction se développe dans trois principales directions, que l'on peut considérer comme trois piliers sur
lesquels repose le partenariat :

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• En premier lieu, et dans plusieurs écoles, le partenariat réel se fonde sur l'idée d'une sorte de parallélisme
entre la démarche artistique et la "démarche" de l'enfant comme être en développement , en construction.
La démarche artistique dans sa dynamique de recherche et d'invention apparaît comme une dynamique
comparable à celle qui anime le développement de l'enfant engagé dans la construction de soi et du monde.

• En second lieu, et dans quelques écoles, la présence des artistes ouvrirait aux enfants un espace
d'actions et de compétences hors normes scolaires , voire hors normes "psychopédagogiques". Plusieurs
enseignants et artistes en témoignent : l'artiste engage parfois les enfants dans des travaux et des
réalisations supposant des compétences tant sensori-motrices que cognitives qui pourraient paraître, au
regard des normes psychopédagogiques établies, hors de portée de la classe d'âge des enfants concernés. Et
non sans succès ! Comme si l'artiste pouvait demander aux enfants ce que l'école ni l'enseignant ne
sauraient leur demander. On n'affirmera pas cependant que la demande hors norme de l'artiste s'avère
toujours couronnée de succès ! Il existe aussi des demandes qui demeurent bel et bien hors de portée des
enfants, et ne peuvent nourrir la dynamique du développement. Reste néanmoins qu'on trouve bien dans
cette direction une forme assez particulière de partenariat, qui repose sur l'installation et l'intégration dans
l'école d'une "zone proximale de développement 3" très singulière, ouverte dans le sillage de l'artiste, sur
laquelle il faudra revenir.

• La troisième orientation amplifie et généralise la précédente sur le plan de la relation éducative, de la


relation enfant-adulte. La présence de l'artiste dans l'école est alors aussi celle d'un adulte différent des
autres adultes , et une bonne part du partenariat se fonde sur les bénéfices reconnus et escomptées de cette
inédite. D'une façon plus ou moins accentuée, cette orientation est présente dans tous les partenariats, et la
plupart des partenaires en font état. Le plus intéressant est sans doute que les enseignants eux-mêmes
s'accordent sur les bienfaits éducatifs de cette relation autre. L'évaluation du dispositif ne saurait donc
l'ignorer.

• Une rencontre, un processus

On ne saurait trop insister sur la dimension d'événement, d'aventure, de rencontre du partenariat école-
artiste . Celle-ci a pu troubler les enseignants et les artistes. Il faut toutefois résister à la tentation de la
programmation ou d'une maîtrise excessive du processus qui nuirait à sa dynamique. Les partenariats réels
et les principales orientations sur lesquelles se fonde l'accord ne sont pas donnés d'emblée : ils se
construisent, non sans difficultés, hésitations, heurts parfois. Cette histoire est néanmoins nécessaire et il
faut que la rencontre se fasse, la reconnaissance mutuelle se construise, que "l'aventure" se vive . Une part
de "l'effet établissement" – la dynamisation e l'équipe éducative – propre à la présence de l'artiste est
tributaire de cette histoire commune.

La question du pilotage est dès lors posée. Comment "accompagner" le processus chaque fois singulier sans
l'empêcher en l'enfermant prématurément dans une conception pré-établie du partenariat ? Comment lui
laisser libre cours sans pour autant le laisser s'égarer trop loin ou même s'enfermer dans des oppositions
irréductibles ? Les conseillers pédagogiques ont un rôle important dans cet accompagnement, et différent
de leur rôle pédagogique habituel. L'accompagnement n'a d'ailleurs pas été conçu ni conduit de la même
façon dans toutes les écoles. Une analyse comparative des différents styles d'accompagnement pourrait
donc être très éclairante, et constitue une piste d'évaluation non négligeable.

• Images de l'art et des artistes

Au cœur de la rencontre entre le monde de l'école et l'univers de l'artiste, les représentations que se font des
uns et des autres les partenaires, et notamment les représentations de l'art et de l'artiste chez les
enseignants 4, ont leur rôle dans la construction des partenariats réels. Les représentations et du même
coup les attentes. Plusieurs partenariats ont été marquées dès leur début par le désarroi voire la
désapprobation latente de quelques enseignants ou personnels éducatifs face à l'univers, à l'œuvre et à la
personne de l'artiste. Surtout lorsque cet univers artistique, comme c'est souvent le cas de l'art
contemporain, met lui-même en scène une déconstruction délibérée de la notion et du statut classiques de
"l'œuvre" et de "l'artiste".

Est-ce alors une question de formation ? Faut-il "préparer" les enseignants en les initiant au monde de
l'artiste ? Le problème se pose en des termes comparables à ceux du problème de la rencontre : Oui, cette

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préparation, cette initiation – bref les conditions de la rencontre et de ses meilleures chances – doivent être
réfléchies et sont parfois nécessaires ; mais à condition de ne pas se substituer à la rencontre et de ne pas la
dépouiller d'avance de sa part d'aventure créatrice pour l'équipe tout entière.

• Des articulation singulières

Le constat suivant ne peut que renforcer cette exigence de préserver les conditions de la rencontre. Quand
on examine les diverses manières dont le projet artistique et le projet pédagogique de l'école ont trouvé à
s'articuler, on ne peut qu'être frappé d'une part de leur diversité, d'autre part de ce que cette diversité et
cette singularité doivent à la singularité des univers artistiques eux-mêmes. Pour s'en tenir à quelques
exemples, il existe une analogie perceptible entre l'univers artistique conceptuel du sculpteur Erutti, et la
manière dont la résidence d'Erutti s'inscrit dans l'école, la façon dont le travail de l'artiste est "repris" dans
l'école. De même pour ce qui concerne la thématique personnelle de Pierre Laurent et son interrogation de
l'Origine et du Temps.

D'une certaine façon, l'univers personnel de l'artiste – du moins dans sa dimension générale, universelle –
pénètre l'école tout entière. En amont, quand les maîtresses " travaillent" avec la classe sur la "naissance",
l'origine, dedans/dehors, intérieur/extérieur, etc., les enfants sont aussi préparés à entrer dans l'univers de
l'artiste ; de même dans les travaux pédagogiques conduits en aval. Et de même, l'image, la métaphore de
l'espace de concentration et d'énergie qu'un autre artiste, Vincent Prud'homme, privilégie dans son travail
pédagogique comme dans son travail personnel , ne vaut-elle pas aussi pour qualifier, caractériser sa
présence dans l'école, dans l'équipe ? Ces singularités interrogent aussi le rôle et les fonctions de
l'accompagnement des dispositifs : comment concevoir un accompagnement efficace qui respecte et intègre
ces singularités ?

Concernant la façon dont l'artiste s'inscrit dans l'école, on peut néanmoins tenter de distinguer différents
modes d'articulation. Ma typologie en l'état et en première analyse, sans prétendre à l'exhaustivité,
distinguera quatre types d'articulation :

5.1. « L'exploitation pédagogique »

Le terme pourrait paraître péjoratif, et il conviendrait sans doute de proposer une autre formule : l'artiste et
son œuvre comme "ressources pédagogiques" ? Précisons qu'il s'agit là comme pour les autres formes d'un
type formel, tendanciel, qui n'existe jamais tel quel à l'état pur. Sa principale caractéristique : le travail,
l'œuvre de l'artiste y sont appréhendés comme un matériau pédagogique pour toute l'école, un matériau
privilégié, exceptionnel, "sacralisé" par le label de l'œuvre et le statut de l'artiste, certes, mais un matériau
tout de même. L'artiste lui-même se voit alors enrôlé dans des activités dont l'intégration au travail
pédagogique pourrait finir par effacer la spécificité de sa situation et de son identité ; et une bonne part des
activités que font les enfants avec l'artiste, ne diffèrent guère (sinon par le petit nombre) des activités qui
appartiennent à l'ingénierie scolaire et à sa panoplie pédagogique avérée.

• « Dehors mais dedans, dedans mais dehors ».

La formule voudrait caractériser un mode d'articulation non linéaire, mais circulaire, dialectique. Sous un
certain angle et point de vue, l'artiste est bien "dans l'école", et même au cœur de l'école. Et l'école puise en
effet dans son univers et son travail avec les enfants pour poursuivre et nourrir ses tâches pédagogiques.
Mais ce travail pédagogique ne se situe pas dans le schéma ordinaire de « l'exploitation pédagogique », qui
trouverait dans le travail de l'artiste en résidence (ou même qui induirait le travail de l'artiste en fonction
d'objectifs pédagogiques prédéfinis) l'occasion, la motivation, la circonstance favorable aux objectifs établis
de l'école maternelle (l'espace, le temps, le langage, etc.). Bien sûr, cette articulation pédagogique ordinaire
n'est pas absente, et l'on peut supposer sans trop risquer d'être démenti que les enseignants puisent dans la
résidence toute sorte d'occasion, de matériaux et de moyens pédagogiques en fonction de leurs objectifs
éducatifs. L'originalité ou la spécificité, toutefois, si l'on se situe sur le plan de l'innovation que constitue
l'installation d'un artiste en résidence dans une école maternelle, me semble consister en ceci que cette
articulation basique se trouve prise dans une autre articulation englobante, induite celle-là par la présence
de l'artiste. Sous ce second angle indissociable du premier, c'est cette fois l'école elle-même qui s'installe et
se repense "dans" l'univers et l'imaginaire de l'artiste. Du coup, la place de l'artiste dans l'école et dans
l'équipe s'avère très singulière : "dedans", assurément, mais un dedans qui ne prend son sens qu'à partir

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d'un "dehors" : chacun, artiste, enseignant, enfant même, parent, sait bien que l'artiste n'est pas et ne doit
pas être un enseignant. Dehors donc ? Mais ce dehors ne cesse d'être présent au-dedans… L'image qui
pourrait rendre compte de cette extériorité ou intériorité paradoxale, éminemment dialectique, est peut-
être celle de la surface de Mœbus, ce ruban auquel on imprime une torsion avant de joindre ses deux
extrémités , en sorte qu'il devient possible – la trace que laissera par exemple un crayon courant sur la
surface en témoignera – d'y circuler continûment, tantôt sur ce qui était initialement la face et tantôt sur ce
qui était son revers, échangeant ainsi l'intérieur et l'extérieur devenus indistincts.

• « Energie créatrice versus dynamique pédagogique ».

Il s'agit ici d'attirer l'attention sur la dimension énergétique, dynamique de l'articulation artiste/école. Là où
l'accord s'est construit dans cette considération, on attend de la présence de l'artiste dans l'école et de son
travail avec les enfants la libération et la diffusion d'une énergie créatrice, au bénéfice de l'école tout entière.
A la ressource pédagogique on oppose donc une ressource énergétique. Ce point de vue explique en partie
les crispations qu'a pu provoquer la demande institutionnelle d'une mise en forme pédagogique. Comprise
comme une injonction de s'inscrire dans le schéma de « l'exploitation pédagogique », cette demande est
vécue comme l'imposition contradictoire d'un moule propre à étouffer l'énergie qu'il s'agit au contraire de
libérer. Comment concevoir la résidence, en sorte qu'elle soit bien cet espace contraint et néanmoins
libérateur d'une énergie créatrice dans l'école ? En privilégiant une entrée artistique dans le dispositif,
plutôt qu' une entrée pédagogique . Qu'est-ce donc ici que cette entrée artistique ? Une manière qui « laisse
naître les choses », et n'envisage qu'ensuite leur reprise pédagogique. Une articulation ouverte et vivante, se
construisant dans l'esprit et le tempo de la résidence de l'artiste. Une démarche plutôt inductive, donc,
laissant à l'événement le temps d'engendrer du processus. Une démarche « artiste » ? Oui, d'une certaine
manière, en ce qu'elle refuse d'être seulement l'exécution, la mise en œuvre d'une œuvre déjà établie, et
revendique une créativité propre. Comme si l'innovation pédagogique à partir de l'art n'était possible
qu'en se faisant " art " à sa façon . Comme si la démarche artiste en était le modèle.

5.4. L'artiste en pédagogue accompli

Peut-on parler de "partenariat fusionnel" ? La formulation est sans doute hardie et ambiguë. Elle marque
plutôt la limite extrême d'une quatrième forme de partenariat, dans lequel l'accord repose sur une culture
pédagogique commune à l'artiste et à l'école maternelle. C'est particulièrement le cas de la danse, et ce n'est
nullement un hasard si la connivence art/école se développe ici aisément. D'une part, la pratique
pédagogique et l'expérience pédagogique sont souvent des compétences inhérentes au métier de danseur ou
de chorégraphe : les résidences, l'animation d'ateliers, etc., voilà pour eux un lot quotidien. D'autre part, et
peut-être avant tout, la danse contemporaine partage avec l'école maternelle et l'esprit de sa pédagogie un
certain nombre de conceptions et de convictions : le langage corporel, l'expression, la place centrale des
sensations, etc., qui participent d'un même paradigme pédagogique, celui de l'expressivité, très présent
dans les écoles maternelles, et jouissant même d'une certaine légitimité dans l'institution. Du coup, ce type
de partenariat peut mobiliser et dynamiser la pratique des enseignants, la relancer, sans la bousculer.

• Formes de partenariat et types d'art

Il est impossible de proposer un bilan intermédiaire du dispositif des artistes en résidence sans prendre en
compte les échecs et les ruptures des partenariats engagés. Disons d'emblée que leur existence ne doit pas
surprendre, ni nourrir une vision négative et définitive de l'expérience en cours. Dès lors que les
partenariats sont des histoires singulières, des rencontres dont nous avons ci-dessus montré la complexité,
dès lors qu'il s'agit chaque fois d'une aventure et qu'il faut que cela soit une aventure, le risque de la
mésentente est dans l'ordre des choses. Bien sûr l'analyse des partenariats en cours et de leur
fonctionnement peut éclairer les principaux obstacles et mieux maîtriser les difficultés; elle ne pourrait
cependant les effacer.

Deux dispositifs ont donc pris fin ou sont menacés, peut-être trois. Pour quelles raisons ? Y a-t-il dans ces
situations – dont, répétons-le, il ne faut pas sous-estimer les particularités institutionnelles et personnelles
5 – des éléments communs, susceptibles d'éclairer la réflexion et le pilotage des dispositifs sur un plan
général ? Il faut sans doute se méfier des généralisations hâtives ; on ne peut néanmoins ignorer qu'il s'agit
dans les deux ou trois cas de formes d'art reposant sur des manipulations et un matériel technique
relativement sophistiqués. Pédagogiquement, ces circonstances invitent à réfléchir à la place que laisse ce

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genre de dispositif à ce qui me paraît central et original dans cette expérience lyonnaise : la sollicitation
par l'artiste de la conduite esthétique chez l'enfant, et sa reprise par et dans l'école . J'y reviendrai. Que les
partenariats difficiles concernent notamment la musique électro-acoustique et le cinéma d'animation ne
doit pas conduire à une conclusion hâtive écartant systématiquement ces types de support ou formes de
l'expression artistique, pour ne retenir que les formes avérées proches de l'enfant ; l'interrogation doit
plutôt porter sur l'expérience esthétique dans laquelle ces arts permettent ou non aux enfants d'entrer, et
sur les conditions et les circonstances artistiques et pédagogiques qui la favoriseraient.

Quoi qu'il en soit, l'analyse lucide de ces partenariats en panne, des raisons et des circonstances de leur
histoire difficile, peut être une piste d'évaluation très utile, à condition toutefois de ne pas l'emprunter dans
un état d'esprit trop normatif.

• Quels partenaires ?

Qui sont les partenaires dans le dispositif des artistes en résidence ? L'interrogation n'est pas anodine.
L'artiste (ou les artistes) et les enseignants, bien sûr. Et plus largement toute l'équipe éducative :
l'implication des ATSEM, notamment, est importante en plusieurs lieux, et de façon effective. Cette
implication peut d'ailleurs constituer un aspect connexe de l'évaluation des dispositifs.

Mais le partenariat ne se réduit pas à la collaboration de l'artiste et de l'équipe de l'école. Il engage


souvent, sous des formes et à des degrés divers, le cercle des parents et de l'environnement de l'école, du
quartier . Les éléments d'une appréciation de cet effet existent et peuvent être pris en compte dans
l'évaluation des effets du dispositif : chaque école peut en témoigner d'une façon originale.

Une autre dimension du partenariat, latente, pourrait être développée : celle des autres artistes .
Quelques exemples témoignent du besoin qu'ont éprouvé les artistes en résidence dans telle école
d'échanger leur expérience, voire de collaborer avec un autre artiste en résidence dans une autre école. Sans
en faire une obligation ni lui donner une forme trop instituée, ménager cette possibilité d'échanges et de
réflexions communes, voire de collaborations ponctuelles entre les artistes du dispositif, pourrait être un
élément de son pilotage et de la mission du Centre comme "Centre de ressources".

Reste un autre type de partenaire dont le rôle est essentiel : celui que représentent les conseillers
pédagogiques , les autorités pédagogiques et administratives. Le terme de "partenaire" est ici employé à
dessein. En effet, l'enquête montre que le rôle joué par les conseillers pédagogiques n'est nullement
univoque, mais diffère selon les écoles, les artistes, les conseillers eux-mêmes. Une fonction d'aide et
d'accompagnement, de préparation et d'aide à la rencontre, d'implication dans la dynamique des
partenariats s'est ajoutée, voire substituée, à une fonction d'opérateur et de "traducteur" pédagogique du
travail des artistes ; une fonction de médiation, d'articulation des deux dimensions, artistique et
pédagogique, du dispositif. Elles éloignent d'une conception purement experte et normative de
l'accompagnement pédagogique . Cette diversité d'expériences dans l'accompagnement mérite d'être
analysée, confrontée, comparée par les intéressés eux-mêmes . Une rencontre, un séminaire des conseillers
pédagogiques conduit dans cet esprit a toute sa place dans une évaluation du dispositif. Cette analyse par
ailleurs me semble également participer à la mission du Centre comme Centre de ressources.

• Recommandations

Les éléments d'analyse du partenariat résumés dans les rubriques ci-dessus constituent par eux-mêmes un
ensemble de constats et de réflexions qui doivent être pris en considération dans le bilan ébauché à mi-
parcours. Il en découle un certain nombre de recommandations et de pistes d'évaluation qui ont été
soulignées chemin faisant. Toutefois, la première recommandation devrait être d'utiliser ces éléments dans
la perspective d'une évaluation formative . Comment ? En soumettant ce premier bilan des partenariats
aux partenaires eux-mêmes , en les invitant à y réagir, à élaborer et construire ensemble les
recommandations, les ressources qui paraîtront nécessaires à l'efficacité et au pilotage des dispositifs, à la
préservation de leurs dynamiques.

• Quels effets dans l'école ? Quels bénéfices éducatifs ?

• L'enfant au centre

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Le suivi des artistes en résidence tel que nous l'avons engagé entre novembre 2003 et juin 2004 regardait
plutôt du côté des artistes et des partenariats, de la rencontre de deux mondes : le monde de l'école et le
monde de l'art. Selon les termes de la commande, la question des apprentissages n'était pas abordée de
front 6. Toutefois, l'attention portée aux articulations de l'univers scolaire et de l'univers artistique ne
pouvait ignorer délibérément celui qui en occupe le centre : l'enfant, l'élève. L'aurions nous voulu que les
différents partenaires, artistes, enseignants, parents, etc., n'auraient pas manqué de nous y renvoyer,
comme ils n'ont cessé en effet de le faire au cours des entretiens et à l'occasion des visites dans les écoles.
L'un des premiers bénéfices du dispositif des artistes en résidence est sans doute d'engager toute l'équipe
éducative dans cette voie : mettre l'enfant pour de bon au cœur de l'école . Cela ne va pas sans tensions ni
conflits : d'un côté, dès lors que la résidence doit nourrir la pédagogie et la dynamique des apprentissages,
la tentation de soumettre le travail de l'artiste à des attentes et des contraintes pédagogiques
prédéterminées, on l'a vu, ne peut manquer de naître et de renaître dans l'équipe enseignante ; de l'autre
côté, la conception singulière qu'ont beaucoup d'artistes de l'enfance et du monde de l'enfance est rarement
accordée d'emblée à la logique des objectifs pédagogiques. On aurait tort d'en juger de façon négative
comme d'un obstacle ou d'un dysfonctionnement : en vérité, une bonne part de la dynamique du dispositif
tient à ces confrontations et au jeu de ces différences latentes ou explicites Laisser cette rencontre
s'accomplir, en lui évitant toutefois les impasses, c'est, encore une fois, toute la difficulté et l'enjeu de
l'accompagnement du dispositif.

• L'école et son environnement

Ce point a déjà été noté à propos des partenariats. Il faut le reprendre s'agissant d'évaluer les effets et les
retombées des dispositifs. Ceux-ci en effet semblent s'organiser en cercles plus ou moins vastes selon les
cas. Autour de l'enfant, le cercle intime de l'expérience esthétique ; puis autour de ce premier cercle, le
cercle de la reprise pédagogique de cette expérience ; puis ceux de l'école comme organisme , et, de proche
en proche, des parents, du quartier, du tissu éducatif et culturel… L'évaluation devrait aussi s'intéresser aux
diverses modalités d'articulation de l'école et de son environnement à partir de la résidence. Enseignants,
artistes, parents peuvent en témoigner.

• Evaluer les apprentissages, oui, mais comment ?

Les éléments et les perspectives d'évaluation des effets dans l'école (l'école elle-même et son
environnement, les enseignants et l'équipe éducative, les enfants) du dispositif des artistes en résidence ne
porteront donc pas directement sur les apprentissages des élèves de maternelle dans cette expérience. Parce
que, je l'ai déjà rappelé, ce n'était pas le propos central de notre investigation ; mais aussi parce que cette
mesure directe réclamerait d'autres moyens et une autre procédure, disposant du long terme. A titre de
recommandation générale, il faut que le Centre Art Enfance Langages puisse mettre en œuvre une étude
longitudinale à moyen et long terme, concernant l'évolution et le devenir des enfants qui auront été
engagés dans le dispositif au cours des trois années. Procéder par exemple à des enregistrements vidéo
systématiques 7 du travail des enfants avec les artistes (et les enseignants) dans quelques écoles serait une
contribution à la constitution d'une précieuse banque de données et de ressources, tant pour la recherche
et l'évaluation que pour la formation des enseignants et de tous ceux qui sont appelés à participer à
l'éducation des enfants en relation avec l'art et les artistes .

Dans l'immédiat toutefois, il est possible d'apporter quelques éléments d'appréciation des effets du
dispositif dans le domaine des apprentissages, selon une procédure plus indirecte. L'enfant, l'élève, se
trouvent en effet au point de convergence de deux types de rencontre : celle des artistes avec les enfants de
l'école maternelle eux-mêmes, celle des enseignants avec l'artiste en résidence, dans laquelle l'enfant ne
cesse d'être le tiers toujours déjà là. Les entretiens réalisés avec les uns et les autres font toujours état
d'observations et de réflexions à cet égard ; jointes aux nôtres, elles dessinent un premier tableau
susceptible de cadrer la légitime interrogation concernant les effets des dispositifs en termes
d'apprentissage.

Le tableau de la figure 1 (ci-dessous) donne une vue synoptique de cette analyse indirecte des effets et des
retombées éducatives du dispositif des artistes en résidence. Dans sa structure, il voudrait proposer, sinon
un programme, du moins un organigramme pour une évaluation adaptée aux spécificités de son objet .

• L'artiste au cœur des apprentissages, mais à quelle(s) place(s) ?

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L'importance qu'accorde le dispositif à l'artiste lui-même, ne serait-ce qu'en terme de présence


hebdomadaire (douze heures, un mi-temps) en fait un personnage important dans la vie de l'école, et même
dans son projet et son travail éducatif quotidien. Mais à quelle place ? Deux postures extrêmes. Soit une
place absolument centrale, en sorte que la vie pédagogique tout entière de l'école s'y nourrisse. Certaines
écoles se trouvent dans cette configuration quasi-fusionnelle, et y trouvent leur compte. On ne saurait
cependant en faire une norme pour toutes. Une préoccupation trop formelle interprète quelquefois la
présence de l'artiste "à mi-temps" dans le langage d'une la rentabilité pédagogique trop lourde, et la
chargeant d'une ambition et d'une tâche pédagogique démesurées. La centralité de l'artiste dans le dispositif
ne devrait pas imposer que toute l'activité pédagogique en passe par là. Cette réserve ne doit pas pour
autant conduire à la posture inverse : soit une forme de marginalisation de la présence de l'artiste qui en
ferait une disposition luxueuse : un atelier permanent ouvert au gré des demandes . Entre les deux, entre la
mobilisation pédagogique totale et l'atelier occasionnel, il faut trouver la formule qui (re)donne à la
présence de l'artiste dans l'école sa portée singulière .

En termes d'évaluation et de bilan, il est donc souhaitable d'interroger plus finement la place qu'occupe
l'artiste dans chaque dispositif : dans l'espace, dans le temps, dans l'organisation pédagogique, dans la vie
de l'école, dans la dynamique relationnelle…

• Une autre relation éducative ? Une autre figure de l'adulte ?

Ce thème revient avec une grande régularité dans le propos des artistes et des enseignants : l'artiste en
résidence, c'est pour l'enfant l'occasion d'une autre relation à l'adulte, d'une autre relation avec un autre
adulte, un adulte "différent" . C'est là un domaine d'apprentissage et de formation dont il ne faut pas
méconnaître l'importance dans l'ordre de ce que l'école appelle la "socialisation". L'artiste dans l'école
participe du monde scolaire, mais ne lui appartient pas ; l'enfant doit construire avec lui une relation
différente, différée. L'artiste n'est pas l'enseignant. Ses attentes à l'égard de l'enfant ne sont pas non plus
tout à fait celles de l'enseignant ; et l'enfant doit les entendre et s'y accoutumer. Les frontières mêmes du
licite et de l'illicite, du permis et de l'interdit se déplacent subtilement. Tout ceci appelle un travail assez
complexe et enrichissant d'ajustements identitaires et relationnels, mais qui peut aussi déstabiliser l'enfant
appelé à passer d'un monde à un autre régi par d'autres repères. L'artiste lui-même n'échappe guère à ces
remaniements et ajustements. Il lui faut construire cette figure inédite de l'adulte et de l'autorité éducative,
entre le modèle scolaire dont il ne peut totalement se défaire, et la liberté de l'art toujours singulière et à
laquelle il se doit d'être fidèle.

La singularité de la relation éducative enfant-artiste est d'ailleurs l'aspect le plus souvent signalé. La plupart
des artistes insistent sur l'individualisation, la relation individuelle avec chaque enfant , le tête-à-tête
singulier. En quoi cette individualisation de la relation diffère-t-elle de l'individualisation que pratique
l'enseignant ? Peut-être en raison d'une sorte de suspension de la norme collective : l'individualisation
enseignante renvoie toujours l'élève en dernier ressort à une norme commune d'apprentissage déjà posée,
l'individualisation "artiste" ne renverrait à d'autre norme que celle, singulière et immanente, de l'œuvre
elle-même, du travail de l'enfant.

Quoi qu'il en soit, l'expérience des artistes en résidence constitue à cet égard une sorte de laboratoire de la
relation éducative . Sans doute il n'a pas été voulu comme tel. L'étudier en tant que tel, et en tirer les leçons,
dans un temps où la relation enfant-adulte devient de plus en plus problématique, où l'autorité et la
normativité sont au cœur de la question éducative et de ce qu'on appelle la "crise de l'éducation", présente
néanmoins un intérêt de premier plan.

• La socialisation : d'autres repères, d'autres règles, d'autres normes ?

L'idée de l'art à l'école, dans beaucoup d'esprit, reste encore tributaire du paradigme de l'expression et de la
créativité enfantine. Bien sûr, cette dimension demeure présente dans le dispositif des artistes en résidence
8. Toutefois, et c'est l'une de ses originalités, elle ne le recouvre pas entièrement. Un déplacement de la
thématique de l'expression libre vers la préoccupation de la norme et des règles doit être signalé et étudié
dans une perspective d'évaluation. Il s'effectue dans deux directions :

• L'atelier comme lieu, espace de normes et de règles spécifiques . Comment les enfants considèrent-ils cet
espace "non scolaire" au cœur de l'école, et comment s'y comportent-ils ? Ni salle de classe, ni salle de jeu :

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les artistes interrogés décrivent souvent ces moments de flottement et d'ajustement, la nécessité d'élaborer
les règles du travail à l'atelier, de comprendre et d'accepter les contraintes de la tâche et de la situation.

• L'activité artistique elle-même comme activité normée , confrontée aux lois et aux logiques du projet, à la
résistance choses et des matières aux volontés. Non pas seulement découverte de la norme extérieure et
imposée, mais rencontre, émergence de la norme immanente et productrice.

D'une façon générale, il convient de souligner ce déplacement qui invite à réfléchir à la contribution du
dispositif à l'un des apprentissages à la fois les plus essentiels et les plus problématiques dans les
démocraties contemporaines : celui de la norme et des règles, de la discipline et de l'autonomie, de la
responsabilité.

• Le travail et la conduite de l'enfant : d'autres exigences ?

Beaucoup d'observateurs l'auront sans doute noté : l'artiste bien souvent demande aux enfants d'entrer
dans des tâches et des travaux que l'orthodoxie psychopédagogique peut juger et à bon droit hors de leur
portée. Et cela, bien souvent, dans un langage qu'on peut estimer de surcroît inapproprié. Des tâches trop
abstraites, ou intellectuellement, cognitivement, voire socialement trop complexes, par exemple. On a vu
comment ces situations marquent les partenariats. Et pourtant, à la surprise de l'observateur, il arrive bien
souvent que l'enfant se laissez enrôler dans la situation et se l'approprie néanmoins, à sa façon sans doute.
Il y a là matière à réflexion sur ce que "peut" et "ne peut pas" un enfant , et sur la construction des
situations éducatives. Doivent-elles être toujours conçues en termes de paliers et de niveaux présumés de
développement ? L'artiste – parce que la situation l'induit – fait appel à des conduites et des compétences
dictées en premier lieu par la logique de la tâche artistique ; il introduit de la sorte dans l'école une forme
d'éducation plus proche de la forme "apprentissage" que de la forme scolaire et de ses procédures de
didactisation. Et pourquoi pas ? Faut-il nécessairement reprendre dans la forme didactique ce qui
s'accomplit dans la forme apprentissage ? Ou bien faut-il plutôt accepter et laisser se développer cette zone
proximale de développement 9assez singulière qu'installe la relation d'un artiste avec de jeunes enfants
réunis dans une logique d'atelier ? Dans ce cas, l'un des axes de l'évaluation fine du dispositif devrait
prendre en considération cette particularité : quelles compétences développent particulièrement les enfants
dans cette zone proximale de développement propre à la résidence d'artistes dans l'école ? Les attendus du
projet mettent l'accent sur le développement des compétences langagières. De fait les enseignants en font
souvent état. On peut estimer toutefois qu'il s'agit là d'un objectif à la fois trop large (les situations qui y
contribuent sont innombrables) et trop restrictif (d'autres apprentissages importants peuvent être masqués
par cette centration trop exclusive sur les compétences verbales).

• Une expérience authentique et spécifique : la conduite esthétique

Le souci de l'évaluation, et c'est bien normal, fait qu'on a les yeux fixés sur les objectifs d'apprentissage.
Chacun l'accordera : on n'engage pas un pareil dispositif sans l'espérance qu'il contribuera à de meilleurs
apprentissages et à une éducation plus riche et plus juste. Cette préoccupation risque pourtant de trop
ignorer l'apport le plus essentiel et le plus original du dispositif : offrir à tous les enfants l'occasion et les
moyens d'entrer dans une forme d'expérience que seuls des artistes peuvent proposer et développer
pleinement : l'expérience esthétique, la conduite esthétique . Ce simple constat nécessiterait un long
développement. Qu'est-ce en effet que la conduite esthétique , L'attitude esthétique ? Une réponse trop
brève, mais destinée à situer plus précisément l'enjeu : l'attitude esthétique est une composante de base du
profil mental humain. Une modalité cognitive. Une forme conjointe d'attention cognitive et d'attitude
appréciative. Un invariant anthropologique . 10. Cette définition sommaire, mais tributaire des travaux
philosophiques et psychologiques, est capitale dans la perspective de l'évaluation du dispositif des artistes
en résidence dans les écoles maternelles. En effet, celui-ci prend tout son sens dès lors qu'on accorde que
l'expérience esthétique et l'aptitude esthétique relèvent d'une sphère fondamentale et fondatrice.

Le sérieux des enfants engagés dans leur travail avec l'artiste, l'attention soutenue dont ils font preuve – et
dont témoignent les photographies – ont été à juste titre remarqués et soulignés. Ils illustrent en effet cette
conception de la conduite esthétique comme modalité de la conduite cognitive .

Dès lors, l'évaluation du dispositif et de ses effets passe nécessairement par là : par l'évaluation de la qualité
et des effets de l'expérience esthétique ouverte dans chaque dispositif . L y a des dispositifs plus ou moins

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appréciables à cet égard. On peut risquer l'hypothèse d'un lien entre la réussite et la portée éducative d'un
dispositif, d'un côté, et la richesse et l'authenticité de l'expérience esthétique dans laquelle il engage les
enfants, de l'autre côté 11.

Je propose donc que cette notion d'expérience esthétique soit au cœur de la conception
éducative dont a besoin le Centre Art Enfance et Langages pour fonder son entreprise et
poursuivre sa tâche . Elle implique en effet cette hypothèse que l'éducation de la conduite esthétique
constitue une base capitale pour tous les autres apprentissages cognitifs . D'abord "lire le monde", pour
ensuite pouvoir "lire le mot", disait Paulo Freire. Le dispositif lyonnais mobilise l'art et l'artiste dans ce
préalable du "to read the world", afin de donner au "to read the word" ses assises profondes : il faut qu'un
rapport de sens avec le monde soit là pour pouvoir entrer dans le déchiffrage des mots qui le disent et
l'éclairent. La conduite esthétique concerne ce rapport de sens avec le monde.

Cette conception détermine aussi les objectifs et les finalités de l'évaluation : ne pas rechercher
immédiatement et exclusivement à mesurer des effets en termes d'apprentissages scolaires, mais réfléchir
aux moyens d'évaluer la contribution du dispositif à l'éducation de la conduite esthétique authentique 12.
Cela ne signifie pas que les apprentissages scolaires ou relevant des objectifs de l'école maternelle favorisés
grâce au dispositif soient inexistants ou insignifiants. Bien au contraire, les témoignages convergent
concernant les bienfaits sur le plan du langage et de l'autonomie, notamment. Il s'agit de substituer à une
vision trop mécanique, du moins à sa tentation – une cause : des artistes en résidence ; des effets : les
apprentissages – , une médiation plus conforme à la réalité comme d'ailleurs à l'originalité du dispositif.
Tâchons donc d'éviter ce paradoxe dont souffre constamment l'éducation artistique, dont on ne cesse de
proclamer l'importance fondatrice à part entière, et qu'on évalue néanmoins le plus souvent non pour elle-
même mais pour son apport présumé à d'autres disciplines ou apprentissages 13. La philosophie générale
du dispositif des artistes en résidence dans les écoles maternelles n'en porte-t-elle pas elle-même la marque
dès le début ?

• Un autre professionnel : ré-flexion sur le métier d'enseignant

Les trois derniers points de cette synthèse se situeront sur le second versant de notre organigramme, le
versant de la rencontre enseignants-artiste (cf. figure 1).

Le métier d'enseignant est un métier de plus en plus difficile, et en lente recomposition. La rencontre de
l'artiste et de l'enseignant sur le terrain de l'école et autour de l'enfant offre dans ce contexte une occasion
de réflexion originale. Beaucoup d'enseignants et d'artistes le déclarent plus ou moins explicitement : à
s'observer les uns et les autres travailler avec les enfants, à réfléchir aux contributions des uns et des autres,
les partenaires sont conduits à préciser et singulariser leurs démarches et leurs identités professionnelles.
Pour l'enseignant notamment, c'est l'occasion de réfléchir à son propre métier à partir d'un "modèle"
différent, mais susceptible de l'interroger, de le nourrir, voire de le déplacer. Ce serait aller vite en besogne
que d'affirmer tout de go l'émergence d'un "modèle artiste" du travail enseignant sur ces seules bases ; mais
ce serait une erreur que de méconnaître qu'une dynamique comparative des identités et des différences est
à l'œuvre. L'appréciation des façons dont la présence de l'artiste "travaille" l'idée et la pratique du métier
d'enseignant mérite sans doute d'être aussi prise en compte dans l'évaluation du dispositif .

• Une autre vision de l'enfant/élève : ré-flexion sur la connaissance de l'enfant

Les bougés de la vision individuelle et/ou générale des enfants qu'ont les enseignants participent d'un autre
effet qui mérite attention. L'accord des enseignants et des artistes là-dessus est assez général : ce que les
enfants font et vivent avec l'artiste, ce qu'ils "peuvent", modifie régulièrement la connaissance, l'idée que se
faisait l'enseignant de tel ou tel enfant et de ses capacités, mais aussi, parfois, l'idée de ce dont l'enfant est
capable, d'une façon générale 14. Cette autre connaissance des enfants et de l'enfance relève d'une
construction commune dans le dialogue enseignants-artiste. Elle trouve son point d'appui dans la zone
proximale de développement singulière liée à la résidence 15. Sans doute elle est difficilement évaluable. Il
importe néanmoins de ne pas l'ignorer s'agissant de l'appréciation générale des effets du dispositif.

• Une autre perception de l'art et de l'artiste… et donc de l'enfance

La conception et les représentations que se font les enseignants de l'art et des artistes ont été déjà relevées

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pour le rôle qu'elles jouent dans les partenariats. Ici, il faudrait souligner une troisième modalité de ré-
flexion : à partir de l'artiste vers l'enfance . On a vu comment des enseignants pouvaient être déroutés par
des formes d'art et d'intervention artistique fort éloignés de la conception courante. Il est sans doute
essentiel que la rencontre enseignant-artiste constitue pour l'enseignant aussi une (re)découverte de la
conduite esthétique , une entrée dans l'expérience esthétique qui soit pour lui comme le pendant de
l'expérience que peut vivre l'enfant. Seule l'entrée personnelle dans cette expérience esthétique ouvre
pleinement les voies de la reconnaissance. Reconnaissance de l'artiste, en premier lieu ; mais aussi de
l'enfance avec laquelle l'expérience est en partage.

L'appréciation du dispositif du point de vue de l'expérience esthétique qu'il permet de vivre aux
enseignants eux-mêmes peut donc être partie prenante de son évaluation.

**********

Ces divers éléments d'appréciation et d'évaluation n'épuisent certainement pas la tâche. Plutôt qu'à une
impossible exhaustivité, il est préférable de travailler à dégager quelques lignes de force significatives.

Que s'agit-il d'ailleurs d'évaluer ? Un projet ? Une expérimentation ? Une expérience ? Plutôt une diversité
d'expériences, en entendant ce terme d'expérience en son sens plus empirique que scientifique 16.
L'expéreince en ce sens est une ouverture et une épreuve, une aventure qui contient sa part d'essais et de
tâtonnement. L'appellation de Centre de ressources s'avère à cet égard égarante et encombrante : elle laisse
trop entendre qu'on s'inscrit dans un processus expérimentation - bilan - généralisation, peu conforme en
vérité et à la démarche et à la nature même de ce qui est en jeu et résiste à la généralisation : la singularité
artistique. De même, la philosophie éducative du projet, sans doute plus implicite que délibérée, même si
elle paraissait relever d'un consensus, et résumée dans la formule "l'artiste au cœur des apprentissages",
avec ce présupposé que la pédagogie doive "s'en saisir", a cet inconvénient de tirer le bilan et l'évaluation,
comme du reste le pilotage du dispositif lui-même, dans un schéma causal trop linéaire – l'artiste, donc les
apprentissages – et au bout du compte trop restrictif. La proposition d'un recentrage sur la notion de
conduite esthétique voudrait inviter aux déplacements nécessaires. Elle engage à regarder la formule des
artistes en résidence comme une forme privilégiée d'éducation de la conduite esthétique , au sens précis
qu'il convient de donner à cette notion centrale – et le centre Art Enfance Langages dans ses fonctions
d'accompagnement et d'observation de ce laboratoire .

Un dernier point pour maintenir ce volet central de l'évaluation du dispositif ouvert sur le troisième volet
appelé, à la compléter : la considération, l'évaluation des effets du dispositif, considéré comme une formule
éducative et culturelle, sur les artistes eux-mêmes, ne peut que conforter ce point de vue et enrichir la
fonction d'observatoire du Centre.

L'ARTISTE DANS L'ECOLE

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• Q UN DISPOSITIF AU CROISEMENT DE L'ART ET DE L'EDUCATION, DE LA POLITIQUE


EDUCATIVE ET DE LA POLITIQUE CULTURELLE

Le dispositif des artistes en résidence relève sans doute d'abord d'une initiative éducative, et de la
conviction pédagogique de l'efficacité de l'art et de la pratique artistique dans le développement et
l'éducation du jeune enfant. A cet égard, il s'inscrit dans un mouvement d'ensemble de mobilisation de l'art
au profit de l'éducation, et participe de façon originale et volontariste de son histoire 17. On réduirait
toutefois son sens et sa portée en ne retenant que cette lecture pédagogique. Le choix a été celui de la
présence et du travail de l'artiste en tant qu'artiste dans l'école et auprès des enfants. A l'apprécier sous cet
angle, la résidence artistique dans l'école maternelle participe d'un autre mouvement, un mouvement
propre à l'histoire de l'art moderne et contemporain cette fois, celui qui a vu la rencontre de l'enfant et de
l'artiste . Une évaluation d'ensemble du dispositif ne saurait le négliger. Elle devrait même revendiquer et
afficher cette autre dimension proprement culturelle ; une part originale de l'identité du Centre Enfance Art
et Langages y est engagée . Suivre ce que les artistes font et feront en tant qu'artistes dans leur œuvre et
leur carrière de cette expérience devrait d'ores et déjà être une préoccupation.

Ce troisième chapitre se centrera donc délibérément sur la dimension artistique et culturelle d'un dispositif
qui met la rencontre de l'enfant et de l'artiste "au cœur des apprentissages", certes, mais aussi, pour un
temps, au cœur de la vie et du travail de l'artiste.

• L'enfant et l'artiste dans l'art d'aujourd'hui. De l'histoire à l'actualité.

Pour éclairer la rencontre de l'enfant et de l'artiste et tenter d'en apprécier la portée, d'apprécier les effets de
la résidence du côté des artistes eux-mêmes et de leur art, les entretiens ont d'abord interrogé les artistes
sur les raisons et la nature de leur engagement dans le dispositif, leurs attentes à son égard (« l'avant ») ;
puis ils se sont arrêtés sur ce que les artistes percevaient et analysaient des conséquences, des échos, des
répercussions de la résidence dans leur propre et travail et plus largement dans leur réflexion artistique (le
« pendant »). Aborder de front « l'après », les bénéfices éventuels et les retombées, serait par définition

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prématuré ; néanmoins, les entretiens ont souvent conduit les artistes à les envisager. L'avant , le pendant,
l'après : ces trois phases de la rencontre de l'artiste et de l'enfant, de l'entrée de l'artiste dans le monde de
l'école, sont aussi trois perspectives pour l'idée que se fait l'artiste de la relation de l'enfant à l'art.

Les entretiens confortent ce que l'histoire de l'art moderne et de ses développements contemporains rend
manifeste : l'alliance de l'enfance et de l'art, de l'enfant et de l'artiste, n'a rien d'un lien mécanique ou
étroitement « pédagogique » ; l'intérêt de l'artiste pour l'enfance ne vient pas après coup, pour des raisons
extérieures et dans un pur souci de contribution pédagogique, mais il est déjà inscrit en creux dans les
démarches et les valeurs de l'art d'aujourd'hui. Ce constat ne signifie pas que tout souci éducatif ou
pédagogique serait absent de l'engagement des artistes dans l'école ; bien au contraire ! Mais quelles qu'en
soient les formes et les modalités, il demeure en lien avec le travail et l'identité de l'artiste.

Ce rapport n'est pas le lieu de brosser les grandes lignes de cette histoire croisée de l'enfance et de l'art. La
seconde partie de l'ouvrage en préparation et consacré au dispositif des artistes en résidence dans les
maternelles de Lyon, particulièrement dans la contribution de Bruno Duborgel, s'y emploie. S'agissant ici
d'évaluer l'expérience au terme de trois années de résidence, d'en envisager autant les bénéfices et leur
capitalisation que les prolongements souhaitables, on redira la nécessité d'y inclure, au même titre que
l'évaluation pédagogique, la considération esthétique et culturelle des effets, des échos, dans l'œuvre et le
travail des artistes eux-mêmes, dans la suite de leur carrière, de cette immersion dans le monde de l'enfance
et de l'école. Le Centre Enfance Art et Langages doit être le lieu dans lequel cette expérience artistique
singulière continuera d'être analysée, réfléchie, capitalisée, montrée 18, avec le concours des artistes eux-
mêmes ; la fonction « ressources » passe sans doute aussi par là.

Les entretiens réalisés avec les artistes en vue de réunir les premiers éléments d'évaluation du dispositif
fournissent dans cette perspective des indications significatives et opératoires. Les lignes qui suivent en
donnent la teneur générale.

• Qu'attend l'artiste de son entrée dans l'école ? L'artiste et l'enfant, l'amont.

Autant s'en débarrasser tout de suite : oui, une résidence scolaire constitue pour un artiste un « débouché »
assuré. Non, cette préoccupation n'est pas le dernier mot de son engagement dans une résidence ! La
résidence – scolaire ou autre – est bien l'une des formes contemporaines dans lesquelles la société assure
aux artistes une existence sociale et économique minimale. Une forme de subvention, un genre de
« mécénat », si l'on veut. Il n'y a lieu ni de l'ignorer, ni de s'en offusquer. De tout temps, le statut
économique des artistes a dépendu des formes de leur inscription dans l'ordre social et politique. Elles font
partie de l'histoire de l'art. La résidence est l'une des formes contemporaines de cette exigence, et son étude
dans une perspective historique et sociologique reste à mener. Plusieurs des artistes en résidence dans les
écoles maternelles de Lyon ont déjà connu d'autres résidences, et en connaîtront de nouvelles ; un bon
nombre d'entre eux ont aussi l'expérience d'autres formes d'interventions éducatives, comme les classes à
PAC, et y seront à nouveau impliqués à l'avenir.

Le danger, on en conviendra, serait que l'artiste se trouve enfermé dans ce genre scolaire, et deviennent un
spécialiste du domaine, un « professionnel » sinon un fonctionnaire de l'art à l'école. Cette dérive ne doit
pas être méconnue, à l'heure où, faute d'une impossible extension de la résidence à toutes les classes et à
toutes les écoles, l'idée d'une certification « artiste éducateur » trotte dans quelques esprits et nourrit
quelques projets. L'évaluation de l'expérience lyonnaise, répétons-le, comme nous l'avons souligné dans la
première partie de cette note de synthèse, conclut vigoureusement à la nécessité que l'artiste dans l'école
soit et demeure pleinement artiste. Il est donc essentiel que le Centre Enfance Art et Langages puisse tirer
tous les enseignements d'une formule qui a le mérite d'incontestables effets éducatifs tout en préservant
l'identité de l'artiste en tant qu'artiste . Des artistes dans l'école, au profit de l'école, mais dans des
conditions qui préservent la vocation et la spécificité de l'artiste : Comment faire ? Des artistes qui
demeurent et demeureront au-delà de la résidence pleinement des artistes, et néanmoins font preuve d'une
efficacité éducative spécifique : Comment est-ce possible, quels « savoir-faire » s'élaborent dans ce
laboratoire de l'art et de l'éducation conjugués? Ces questions et quelques autres définissent la tâche de
capitalisation que doit désormais envisager le Centre Enfance Art et Langages . Elle relève clairement de sa
fonction « ressources ». La généralisation du dispositif des artistes en résidence ne serait guère
envisageable s'il s'agissait d'assurer la présence d'un artiste dans toutes les écoles et dans chaque classe,
fussent-elles celles de la ville de Lyon ; c'est une autre question s'il s'agit de généraliser les principes et les

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lignes de force d'un dispositif visant conjointement l'authenticité artistique et l'innovation pédagogique.

• L'univers de l'artiste et le monde de l'enfance. Une complicité substantielle

Revenons donc à l'engagement des artistes dans le dispositif. Sur quelles considérations, quelles attentes,
quelles visées repose-t-il ? Pour certains artistes, le choix et le projet de la résidence sont d'emblée portés
par une relation personnelle et artistique très profonde à l'enfance. Il nous faudra désormais nommer des
artistes : nous en sommes à ce point de l'analyse où la singularité des univers artistiques ne peut être passée
sous silence. La complicité des thèmes de l'enfance et de la démarche de l'artiste caractérise bien l'univers
de Pierre Laurent et le ton donné à sa résidence dans l'école du Chapeau rouge. Il n'est certes pas le seul sur
cette sensibilité, mais son exemple a valeur générale. Tous les artistes, d'ailleurs, à des degrés divers,
pourraient illustrer chacune des postures que nous allons distinguer par méthode. Pour l'exposé, nous ne
nommerons que l'un d'ente eux, parmi les plus représentatifs.

Pierre Laurent le déclare clairement : ses projets artistiques, dans leur principes même, « sont orientés
vers l'idée qu'ils pourraient devenir des terrains d'exploration pour les enfants ». Prendre en compte son
propre vécu, et puis chercher à en extraire des choses qui pourraient concerner l'ensemble des enfants : telle
est sa ligne de fond. Elle touche profondément, on ne s'en étonnera pas, à l'attachement personnel et
revendiqué de l'artiste pour sa propre enfance, tout comme à sa conviction déclarée que « tout ce qui se
joue dans cette période là ». L'inspiration est comme circulaire : elle reconduit à l'enfance même si elle
(re)surgit ailleurs. Préoccupé d'intervention dans l'espace public, le travail de Pierre Laurent interroge
nécessairement, explique-t-il, la formation de la conscience de soi, la construction de l'individu, et le
ramène dès lors constamment à l'enfance, aux expériences de construction propres à l'enfance. Par ailleurs,
une perspective de médiation culturelle, au sens large, intégrée à la démarche artistique, le souhait que « la
rencontre avec le public ne se fasse pas uniquement sur le terrain de l'art mais aussi selon une approche
anthropologique », une conception de l'œuvre en tant que « témoignage de vécus, reflétant tout ce que la
vie humaine peut produire », en tant que « conjonction de sens, d'éléments accumulés, gardés en réserve
et qui à un moment donné, vont trouver à se réunir, pour produire quelque chose de nouveau », font de
l'enfance, cette humanité originaire, un « allié » privilégié, substantiel.

• L'art et l'œuvre d'art en "déconstruction". L'enfant, un "allié formel"

Pour d'autres artistes, l'engagement désiré dans la résidence avec de jeunes enfants relève moins de la
complicité ou de la continuité d'un imaginaire que d'une alliance formelle. Artistes engagés dans un travail
dont la nature et les visées mettent en cause les notions même d'œuvre d'art et d'artiste, de monde et de
"marché" de l'art – ce qui au demeurant on le sait est depuis longtemps une dimension interne à l'art
contemporain – ils voient dans le jeune enfant, cet « être de nature », une forme spontanée d'un sorte d'âge
d'innocence de l'art.

Ici aussi il convient de nommer des artistes et leur singularité : Vincent Prud'homme, Céline Dodelin,
notamment, illustrent cette posture. L'intérêt premier pour l'enfance demeure un point d'ancrage
fondateur. Vincent Prud'homme n'en est pas à son premier travail avec les enfants ; il dit avoir toujours eu
un grand plaisir à intervenir auprès des enfants dans les écoles, et l'avoir fait chaque fois qu'on le lui
proposait, même si ce n'était pas financièrement nécessaire. A cet égard la réponse à l'appel d'offre
s'imposait naturellement. Mais elle s'imposait aussi formellement : entre le monde de l'enfance et l'univers
du sculpteur, il existe, selon l'artiste lui-même, un même type d'énergie, une forme de légèreté créatrice : «
J'ai toujours recherché dans le travail que j'ai pu produire une certaine forme de légèreté », explique-t-il.
« La légèreté peut avoir plusieurs qualités. Je trouve la même qualité de légèreté dans l'enfance et dans
ma propre quête, dans mes propres préoccupations ». Mais Vincent Prud'homme est aussi un artiste qui
se déclare en rupture avec le système de l'art, son marché et son « productivisme ». Le monde de l'enfance
s'inscrit aussi dans cette rupture, cette tentation de la table rase : « Un jour je me suis réveillé parce que je
me suis aperçu que tout ça n'était que de la poudre aux yeux ; le système dans lequel je fonctionnais ne me
convenait plus du tout. J'ai alors voulu lever le pied et puis me démarquer…Depuis deux ans, je me suis
volontairement mis en retrait. Et ce projet de résidence, à vrai dire tombait très bien puisqu'il m'a donné
une autonomie financière et libéré de la contrainte des galeries, des institutions. Un recul énorme … » .

• Une autre expérience, tout simplement

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L'image romantique de l'artiste retiré dans l'intimité de son moi et trouvant dans ce retrait les sources
profondes de son inspiration est l'une des images sociales tout à la fois les plus répandues et les plus
contestables. L'expérience sociale et humaine, la participation aux formes diverses de l'expérience sociale
sont pour bien des artistes des conditions créatrices tout autant nécessaires. Pour plusieurs des artistes en
résidence dans les écoles, cette plongée dans le monde de l'école et de l'enfance est d'abord l'occasion d'une
nouvelle expérience humaine et sociale, et voulue comme telle. Erruti par exemple avait déjà travaillé avec
des enfants, dans le cadre des classes à PAC. Ce fut pour elle une expérience passionnante en tant qu'artiste
: « Ça m'a passionnée autant que ma propre sculpture, parce que pour moi être artiste, ce n'est pas
uniquement créer dans son atelier, mais c'est une manière d'être et de se confronter au monde, donc se
confronter aux autres, et là, avec les enfants, c'est à une autre manière d'aborder les choses [que j'allais
être confrontée], une autre manière de voir, un autre [relation aussi], parce que les enfants dans l'école
ont un rapport différent avec les enseignants, je n'ai absolument pas le même rapport que les enseignants
avec les enfants ».

Pour l'artiste Erruti, si l'accompagnement pédagogique et les demandes liées au travail en partenariat se
présentaient d'emblée sous une forme d'apparence complexe, voire absconse, l'intérêt l'emportait malgré
tout : « Tant que je suis dans mon travail, je suis dans ma démarche, je suis dans une histoire qui est la
mienne, dans un contexte que je connais. Là, ce qui m'intéressait, c'était aussi d'approcher un autre
domaine, des personnes qui fonctionnaient différemment… J'étais aussi curieuse de savoir comment au
niveau pédagogie ça fonctionnait, tout simplement. Je n'ai pas réfléchi de savoir si ça allait m'apporter
quelque chose en tant qu'artiste dans mon travail. Mais ça m'intéressait de voir comment une “instit” est
dans l'école, comment ça se passe avec les ATSEM, de rencontrer des “pédagos” ; C'était un monde que
j'ignorais. Je voulais savoir comment il fonctionnait ».

Dans cette posture se pressent l'un des malentendus possibles du partenariat. Il se noue dans la notion de
projet . Un terme dont usent et l'artiste et l'école, mais en des sens différents. Pour l'école, le projet
s'ordonne à la visée d'objectifs pédagogiques définis et posés en fonction des programmes ; pour l'artiste, le
projet fait corps avec lui-même, œuvre démarche et expérience de vie confondues, se nourrit du mouvement
même. Selon l'école et la logique pédagogique, c'est le projet qui « fait » la résidence, pour l'artiste et la
logique artistique c'est, à l'inverse, la résidence qui « fait » projet. Pour Erruti, dans l'intérêt à l'égard du
monde de l'école dont elle fait état, il y a aussi, toujours, par rapport à ce qu'elle est et recherche en tant
qu'artiste, comme elle le déclare elle-même, « cette rencontre avec l'extérieur, rencontrer aussi autre
chose ».

• L'artiste et l'intention éducative

L'intention éducative habite l'artiste comme elle habite chacun d'entre nous. Plus encore, sans doute, dès
lors qu'elle possède de profondes racines dans l'art et la vocation artistique elle-même. On ne doit donc pas
s'étonner de trouver cette intention souvent explicite chez des artistes qui ont souhaité vivre l'expérience
d'une longue résidence auprès de jeunes enfants. Toutefois, il ne semble pas que l'intérêt de l'artiste pour
l'éducation et la pédagogie relève essentiellement d'une "vocation manquée" ; très rares sont les artistes à
faire état d'une vocation de cet ordre 19. Il est plus fructueux d'essayer de saisir comment s'articulent le
projet artistique et l'intention éducative. Deux principaux cas de figure peuvent alors être schématiquement
distingués : celui où l'intention éducative de l'artiste en résidence s'inscrit dans un engagement éducatif et
social préalable plus large ; celui où elle se confond, se superpose à sa conception de l'art et de son travail
d'artiste. Bien entendu, la distinction est de principe, et ces deux aspects se trouvent souvent mêlés en
réalité. Et comme les postures précédemment distinguées, celles-ci se trouvent à des degrés divers chez la
plupart des artistes en résidence.

• Du "citoyen" à l'artiste éducateur

Plusieurs artistes conçoivent leur engagement dans une résidence scolaire comme le prolongement d'un
souci social, « citoyen », selon l'expression aujourd'hui consacrée. Yolande Six, photographe, par exemple,
ne méconnaît pas le lien entre son engagement « citoyen » dans une crèche parentale, et la façon dont elle
conçoit et conduit la résidence. Mais ce lien ne peut nullement être décrit comme la mise en œuvre
pédagogique d'une volonté militante préexistante à l'œuvre et à la démarche artistique. C'est à l'inverse
parce que le questionnement social et politique fait corps avec elles que le passage du citoyen à l'artiste, de
l'artiste citoyen à l'artiste éducateur, s'effectue sans rupture de plans, dans un mouvement continu. Yolande

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Six mène une recherche qui concernait d'abord les objets, et qui s'est ensuite portée sur l'identité : l'identité
de portrait, le portrait en photographie. Les questionnements sur l'être même de l'image photographique,
sur l'être de l'image comme rapport au monde et aux autres sont inhérents à la démarche de l'artiste. Le
travail pédagogique s'inscrit lui-même dans cette démarche et la prolonge. Si l'école avait un projet sur
l'image, l'artiste avait dit-elle « un projet sur le regard et le questionnement ». De quoi s'agissait-il ? De «
ne pas faire de l'image pour faire de l'image. Mais, regarder, réapprendre à regarder, à voir tous les
détails de quotidien, tout ce qu'on ne regarde plus, en fait. Et c'est mon questionnement d'artiste. Je
voulais transmettre ça aux les enfants ».

• L'art comme projet éducatif

De la posture précédente, celle de l'artiste « éducateur citoyen », à la suivante, la frontière est insensible. Ici,
peut-être, un pas supplémentaire est franchi dans l'intégration de la préoccupation sociale et éducative à
l'œuvre et à la démarche artistique elle-même. Pour certains artistes, la question des liens entre leur œuvre
personnelle et la résidence ne se pose même pas en ces termes : le terrain même de la résidence appartient
déjà aux domaines potentiels d'investissement du travail artistique. De l'intervention dans la rue et dans la
cité à l'intervention dans l'école, une même logique indissociablement artistique et pédagogique opère.

Ainsi Céline Dodelin, plasticienne, se définit-elle d'emblée comme « une artiste dans la rue ». Parce que,
dit-elle, « je travaille beaucoup dans la rue ; le terrain de mes actions c'est l'espace public, la rue, la ville
». Elle appartient à un collectif d'artistes pratiquant l'intervention : « On mène des actions que l'on appelle
“partage d'expérience”. Pour nous, le travail de l'école rentre dans ce domaine de partage d'expérience. On
va travailler avec des amateurs, avec des non artistes, pour essayer de leur faire partager notre
expérience, notre vision. Alors, avec les enfants, ça m'a semblé évident ». L'intervention artistique dès lors
comporte une visée éducative en tant que telle, au sens plein du terme : « Il s'agit d'une prise de conscience
politique, de politique éducative… Dans ma pratique quand j'interviens dans la rue, c'est pour montrer
aux gens des choses qu'ils ne voient pas forcément dans leur quotidien, entre autre les plantes sauvages,
quelque chose qui est vivant au milieu du minéral, du bâti, du construit… Pour moi c'est une métaphore de
ce que chaque individu pourrait être. Avec les enfants je voulais essayer de (re)trouver ce désir. Notre
société ne laisse plus assez les gens chercher eux-mêmes, chercher ce qu'ils veulent dire, ce qu'ils sont, et
trouver leur originalité, ils n'ont plus le désir. Et les enfants, je le vois déjà en maternelle, il leur manque
l'envie et la confiance pour faire des choses et essayer. Je me suis dit, avec les enfants, on va reprendre à
la source et puis enrichir ce potentiel qu'ils ont déjà, qu'on a tous, qu'on a tous en nous, l'ouvrir, le rendre
possible ».

• Les arts et leurs traditions pédagogiques

L'observation des résidences lyonnaises conduit à ajouter une autre figure de l'intention éducative de
l'artiste aux deux que nous avons distinguées. Pour certains artistes en effet, une forme de travail
pédagogique est déjà inscrite dans leur identité et leur métier d'artiste. C'est particulièrement vrai des
danseurs et chorégraphes. L'animation d'ateliers, d'enfants ou d'adultes, fait souvent partie pour les
danseurs de leur "cahier des charges" ; beaucoup de résidences, même brèves, associent à la représentation
cette demande d'animation. La résidence de Marie-Zénobie Harlay a fait bénéficier l'école de cette culture
pédagogique par ailleurs proche des valeurs éducatives inscrites dans l'identité de l'école maternelle. Des
pratiques comparables existent pour le jeu théâtral et la mise en scène. Le théâtre lyrique lui-même, via les
services éducatifs d'opéra, développe cette conjonction 20. On trouverait sans doute une même orientation
dans le domaine de la musique. Ici, on ne peut plus s'en tenir à la considération des intentions éducatives ;
il faut aussi prendre en compte l'existence de savoir faire pédagogiques , d'une culture ou d'une tradition
pédagogique dans laquelle les artistes en résidence puisent pour répondre aux besoins de la résidence et à la
conception qu'ils s'en font.

Et les plasticiens, les photographes, les cinéastes et autres vidéastes ? Il n'existe pas pour ces artiste une
tradition de résidence/animation comparable à celle de la danse. Toutefois, nombre d'entre eux connaissent
et ont expérimenté peu ou prou diverses formules d'intervention en milieu scolaire, comme celle des classes
à PAC, ou dans d'autres lieux et institutions.

Dans les entretiens, les artistes spontanément comparent leur travail en résidence à l'école maternelle avec
d'autres expériences d'intervention éducative : une réflexion comparative systématisée – au sein de chaque

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forme d'art, d'abord, puis générale – pourrait donc contribuer de façon complémentaire à l'évaluation du
dispositif lyonnais.

• La rencontre en acte. L'artiste et l'enfant à l'œuvre

Les analyses précédentes, quoique centrées sur « l'avant », débordaient largement sur le « pendant ». Que
peut-on leur ajouter en s'attachant cette fois aux enseignements et aux effets hic et nunc de la résidence du
côté des artistes ?

• . La mise à l'épreuve et l'effet miroir

Interroger les artistes sur les « retombées » pour eux-mêmes de la résidence, c'est aller au-devant d'une
interrogation qui est la plupart du temps déjà la leur. La plupart d'entre eux se sont déjà posé la question :
« Qu'est-ce que cela m' apporte ? ». L'expérience de la résidence interroge l'artiste sur lui-même, son
travail, sa démarche, et l'on peut même avancer que cette interrogation « travaille » l'artiste dans sa
démarche et son identité, s'intègre à la réflexion inhérente à l'activité artistique. La résidence d'une façon
générale met à l'épreuve la pensée esthétique de l'artiste et l'éclaire sur lui-même.

Cet effet miroir prend diverses formes et différentes intensités. Certains artistes affirment que le bénéfice
pour leur propre travail, pour leur création, est d'importance ; d'autres, s'ils ne se prononcent pas pour le
présent se disent convaincus des effets à venir. Même les plus réservés à cet égard, au point de douter d'un
apport direct dans leur travail personnel, à l'exemple d'Erruti, évoquent néanmoins un lien profond : « Sur
le plan de mon travail personnel, je crois pouvoir dire que ça ne m'apporte pas directement ; je ne le sens
pas, peut-être que je le sentirai après, mais pour l'instant je ne le sens pas du tout. Par contre, et en effet
ceci est vraiment lié à mon travail, en observant l'évolution des l'enfants, en découvrant leurs manières
d'aborder les choses, je me suis rendu compte que dans ma propre histoire et démarche d'artiste aussi il
était question d'une manière de voir le monde et les choses. Et ça m'a beaucoup troublée ». Le trouble
tient ici à la conscience d'une identité dans la différence : ce n'est pas identifier la démarche de l'enfant à
celle de l'artiste. Le temps de l'enfance est celui de la découverte, et comme le dit Erruti, on ne devient pas
artiste sans re-voir le monde différemment.

Pour d'autres artistes, à l'autre bout, le miroir de l'enfance et de la résidence joue à plein dans la
(re)construction de leur identité d'artiste et de leur démarche artistique. Impossible encore ici de ne pas
nommer des artistes. Pour Vincent Prud'homme, la répercussion de la résidence sur son propre travail
touche au vif du profond aggiornamento dans lequel il était déjà engagé et qui s'en trouve amplifié : «
Concevoir ma présence au sein de l'école comme étant une œuvre à part entière me permet d'être
totalement disponible. Je suis dans la réalisation d'une œuvre et je ne suis pas ailleurs. Depuis un an et
demi, j'ai totalement arrêté de produire, volontairement, je me suis rendu totalement disponible…En fait
non, je ne me suis pas rendu disponible, j'étais disponible à ce moment là … à un moment donné dans ma
vie c'est arrivé comme ça, il n'y avait plus de nécessité à produire des objets,…Il fallait que je déplace mon
champ, que je bouleverse totalement ma façon de concevoir une œuvre d'art ». Le sculpteur oppose cette
disponibilité qu'il veut désormais au centre de son être d'artiste au « productivisme » dans lequel il était
enfermé. Que sera l'œuvre de Vincent Prud'homme ? Où l'aura conduit, en tant qu'artiste, ce séjour dans
l'école ?

• . L'explicitation. Aller à l'autre revenir à soi

L'effet esthétique de la résidence pour l'artiste n'est toutefois pas seulement tourné vers lui-même. Il est
tout autant tributaire d'une relation aux autres, enfants, enseignants, personnels de l'école, parents…
Yolande Six le dit clairement : le genre de travail pédagogique qu'implique la résidence ne modifie pas à
proprement parler son travail plastique, mais il la conduit nécessairement à « plus et mieux expliquer [sa]
démarche et [ses] interrogations », puisqu'il faut les présenter aux enfants, aux institutrices, à d'autres
publics. Il faut donc en parler, et pour cela se poser la question à soi-même…La solitude de l'atelier n'y aide
pas toujours. L'explicitation fait retour sur l'œuvre elle-même : « Ma recherche sur l'identité, sur mon
identité d'artiste change, ma démarche se simplifie, se clarifie ; même si la façon plastique que j'ai de
rendre compte des choses est toujours la même… ».

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Ajoutons que la clarification concerne autant la démarche et l'œuvre que l'identité artistique. L'épreuve de
la résidence, pour les artistes, surtout lorsqu'il s'agit de jeunes artistes, c'est aussi de devoir fortifier leur
identité sociale d'artistes dans des conditions de quotidienneté où d'un côté, celui de l'école, les
représentations sociales dominantes de l'art et de l'artiste se trouvent souvent ébranlées dans la rencontre
de l'art réel, et où, de l'autre, l'artiste lui-même est soumis à la tentation de faire passer à l'arrière-plan son
identité d'artiste au profit d'une identité empruntée de pédagogue. Nous retrouvons là un constat qui court
d'un bout à l'autre de notre enquête : l'une des clés de la réussite du dispositif tient au respect des identités
et des tâches des uns et des autres, artistes et enseignants.

Les effets de l'inscription de l'artiste dans l'école, du point de vue de l'art et des artistes, dépassent donc le
champ scolaire, et méritent d'être versés plus généralement au compte de l'inscription de l'art et des artistes
d'aujourd'hui dans la cité. Pas seulement parce qu'elle familiarise les enfants dès aujourd'hui et pour
demain avec l'art contemporain. Pas seulement parce que la résidence, il faut le rappeler, « sort » de l'école
et touche son environnement : parents, habitants, commerçants, quartier, en effet, découvrent eux aussi
l'art vivant et en modifient les représentations courantes. Mais de plus, comme le disent les artistes
interrogés, cette rencontre s'effectue dans une perspective d'explicitation, de clarification publique. Pas
étonnant si l'école favorise particulièrement cette perspective. Au total, la résidence a ce grand mérite
d'œuvrer à la rencontre éclairée de l'art contemporain et de son public en agissant sur plusieurs maillons de
la chaîne 21.

Céline Dodelin, par exemple, explique bien ce mouvement qui favorise l'intégration à l'œuvre en
construction de son public potentiel : « En travaillant avec les enfants, je suis obligée d'expliciter ce que je
fais, et du coup, ça m'aide quand je me retrouve dans mon travail toute seule ». Ce qui est ici
remarquable, c'est la fonction que joue l'enfance dans cette dialectique ; non pas une fonction didactique,
qui conduirait l'artiste à trop verser dans l'explication au détriment de sa démarche propre, mais bien une
fonction de miroir et d'analyse : « respecter le temps de l'enfant m'a permis de prendre du recul sur moi-
même et mon propre rythme dans le travail personnel ». Pourquoi, comment l'enfance peut-elle avoir cet
effet ? Peut-être y a-t-il les éléments d'une réponse dans l'analyse que proposait Hans Georg Gadamer de
l'art et de la conduite esthétique. Selon le philosophe, la chance d'une réconciliation entre l'art
contemporain et son public passerait par une compréhension de l'art qui en ressaisisse les fondements
anthropologiques universels: dans le jeu, le symbole, la cérémonie. Autant de traits on en conviendra qui
touchent aussi à l'enfance. Quand on observe les activités que les artistes ont mis en place avec les enfants,
on est en effet frappé par la part essentielle relevant du ludique, du symbolique et du cérémonial..

• . Un temps d'accumulation et d'incubation

Mais l'effet de la résidence pour l'artiste est souvent perçu (ou attendu) comme un effet différé. La présence
dans l'école et le travail avec les enfants sont alors comme une phase au cours de laquelle s'accumulent les
impressions, les tensions et les interrogations qui seront à l'œuvre plus tard, dans l'après-coup de la
résidence. Il ne faut pas le dissimuler : beaucoup d'artistes disent combien ce travail dans les classes sur une
durée aussi importante les absorbe : « C'est une expérience dans laquelle on est extrêmement sollicité, on
entre dedans, on consacre beaucoup de temps et de projets, on rassemble beaucoup de choses pour
produire ces moments avec l'enfant », déclare par exemple Pierre Laurent. Il s'agit bien d'une mobilisation
mentale qui engage la créativité de l'artiste en tant que tel, et pas seulement en tant que pédagogue. C'est
pourquoi elle n'est pas perçue ou vécue comme une entrave, un empêchement. « C'est vrai », reconnaît
Pierre Laurent, « depuis que je suis dans ce projet, depuis un an et demi, j'ai eu peu de travail à l'atelier. Je
pense que c'est un moment où des choses se construisent. Je travaille beaucoup sur l'accumulation de
choses qui prennent sens à des moments donnés, qui à un moment donné vont se rassembler pour
produire quelque chose : je pense qu'il y aura un effet de décalage entre cette expérience et un
investissement artistique approfondi. Il faudra que je reprenne une certaine indépendance pour que ce
travail se fasse ». Faut-il parler plutôt de ressourcement, de reconstruction ? Évitons une conception trop
passive, statique de cette phase; la sorte d'incubation dont font état les artistes ne va pas sans l'activation de
questionnements esthétiques en liaison avec leur travail et leur démarche propre : avec les enfants, dans la
classe atelier, l'artiste explore des pistes et des questionnements nées de sa pratique, mais selon des
cheminements que n'auraient peut-être pas ouverts le travail solitaire à l'atelier. On soulignera à nouveau la
nécessité et la pertinence, du point de vue de l'évaluation de la résidence, du suivi des travaux à venir des
artistes.

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• Quelle œuvre, l'œuvre de qui ?

Une autre façon qui a paru opportune pour mieux cerner l'effet de la résidence sur l'artiste et son travail
consistait à l'interroger sur le statut et la valeur qu'il accordait au travail produit avec les enfants, aux
« œuvres » issues de cette entreprise commune. La même question a donc été posée à tous : Comment
considérez-vous ce travail avec les enfants du point de vue de votre œuvre d'artiste ? Comme une œuvre
ou est-ce différent ? Quelle place et quel sens dans l'ensemble de votre travail?

Les réponses ne sont ni univoques ni simples. Il faudrait les présenter toutes tant elles sont en lien avec
l'identité de chaque artiste. Quelle place par exemple Pierre Laurent accorderait-il à cette « forêt » installée
avec les enfants de l'école du Chapeau Rouge ? « Ce n'est pas évident », confie-t-il. « C'est totalement
rattaché à des choses qui ont du sens pour moi, autant de sens que j'espère en avoir donné ou fait vivre
aux enfants. Mais ce sont des œuvres mixtes [du point de vue de la réalisation]. Une proposition que j'ai
faite dernièrement dans l'école se trouve encore plus à la jonction de ces deux territoires, celui de la
création de l'artiste et celui des enfants : je propose un format d'intervention, j'ai disposé quelque part
dans l'école un grand support, un format d'1 mètre 50 par 1 mètre 50 dans lequel je propose à tous les
enfants de l'école, chaque jour, de venir tracer un trait en choisissant l'outil pour le faire et le moment de
la journée pour le faire. De sorte qu'il y ait ce désir répété : choisir un moment, tracer un trait. Ce trait
n'ai jamais une chose qui va physiquement décrire quelque chose, mais c'est le projet de continuité. Et ce
qui m'intéresse là dedans, c'est de voir comment les traits des uns et des autres vont déterminer la
structure … ». Les enfants deviennent-ils alors les « coopérateurs » de l'œuvre ? D'une certaine façon, dans
certains cas précis.

Les artistes doivent bien s'interroger sur le statut singulier du projet et du produit de la rencontre. Enfants
« acteurs » du projet, coopérateurs ? En tout cas nullement exécutants. La question on le voit ne peut
obtenir qu'une réponse complexe. Elle aurait peut-être deux pôles. A l'un de ces pôles, l'artiste comme
catalyseur dans le projet des enfants et experts dans l'ordre des problèmes esthétiques rencontrés ; à l'autre
pôle, un quasi effacement des frontières entre l'œuvre personnelle et le travail pédagogique, comme dans ce
propos de Vincent Prud'homme : « Il m'est arrivé de penser ma présence au sein de l'école comme une
forme de performance, à laquelle prenait part, à la fois les instituteurs, les enfants et les plasticiens ».Une
œuvre « qu'on ne peut pas attraper, qu'on ne peut pas exposer puisqu'elle n'existe que pendant le temps
où cette sorte de performance a lieu dans l'école », une œuvre inassignable, irrécupérable, dont le caractère
improbable de toute évidence satisfait l'artiste.

• Une expérience et une œuvre ouvertes. Les mondes de l'art et le monde de l'enfance

Et « après » ? Et demain ? Quelles seront les répercussions et les effets de l'expérience de la résidence dans
l'œuvre et la carrière des artistes ? La réponse par définition appartient à l'avenir, mais ne peut être écartée
du champ des préoccupations et des missions du centre Enfance Art et Langages, du point de vue de la
fonction « ressources » et « capitalisation ».

Quelques éléments concernant « l'après » ont déjà été abordées dans les lignes qui précèdent. Les artistes
ont également été interrogés sur la façon dont cette résidence allait s'inscrire dans leur carrière d'artiste.
Chaque entretien s'achevait sur cette question directe : « Comment intégrez-vous cette résidence à votre
« carrière » d'artiste ? Qu'en pensent vos « pairs », la communauté, le « système » ? Une arrière-pensée
on l'aura compris guidait la question : l'artiste ne court-il pas le risque de se voir affubler l'étiquette
péjorative et définitive d'artistes pour enfants? Les artistes bien entendu ne méconnaissent pas cette
donnée. Et chacun comme on peut le concevoir y répond différemment selon la place qu'il occupe ou entend
occuper dans le monde de l'art. Toutefois, et ce peut être un motif d'étonnement, la plupart d'entre eux
n'accordent à cette interrogation qu'une importance très relative : soit que l'expérience de la résidence
vienne dans le trajet d'une œuvre suffisamment distincte et affirmée pour poursuivre son cours propre, soit
que l'œuvre et la démarche trouvent dans la résidence elle-même des conditions qui lui font pleinement
écho.

En guise de conclusion générale : Au croisement de la politique éducative et de la politique


culturelle

Conclure serait donner une vue d'ensemble et restituer quelque fil rouge. Pour la vue d'ensemble, elle

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demande, répétons-le, que l'appréciation du dispositif et les enseignements qu'il conviendrait d'en tirer
pour l'avenir, autant sur le plan éducatif que sur le plan culturel , tant dans la perspective d'une politique
éducative que dans celle d'une politique culturelle, prennent en considération les trois volets que nous
avons été conduit à dégager : les exigences du partenariat, la variété des effets dans l'école et l'éducation
scolaire, les impacts dans le travail et l'identité des artistes, et plus largement les bénéfices pour la réception
de l'art dans la cité. Les dissocier serait méconnaître l'originalité du dispositif.

Pour le fil rouge, les constats et les réflexions du troisième volet confortent sans nul doute le point principal
sur lequel concluait l'examen des deux premiers volets : la place majeure de l'expérience esthétique dans le
dispositif des artistes en résidence tel qu'il s'est développé dans les écoles maternelles lyonnaises. S'il y a
une expertise propre à l'artiste dotée d'une portée éducative, c'est bien celle-là : la présence de l'artiste dans
l'école auprès des enfants et des enseignants ouvrent aux uns et aux autres les portes d'une authentique
expérience esthétique partagée. Seul l'artiste y est pleinement, totalement engagé. Dès lors que l'expérience
esthétique n'est nullement une conduite secondaire, mais qu'elle appartient à notre compétence humaine de
base, comme l'enseignent tout autant la philosophie esthétique que la psychologie cognitive et
l'anthropologie, permettre à de jeunes enfants dans le cadre de l'école de s'y engager relève d'une mission
éducative fondamentale. Il est donc particulièrement opportun de répéter ici in fine ce qui a déjà été avancé
dans la conclusion des deux premières parties : la formule des artistes en résidence doit être examinée
comme une forme privilégiée d'éducation de la conduite esthétique, et le centre Art Enfance Langages
devrait à l'avenir être conforté dans ses fonctions d'accompagnement et d'observation de ce laboratoire.

Un dernier point doit également être rappelé. A plusieurs reprises, nous avons désigné le dispositif piloté
par le Centre Enfance Art et Langages comme une expérience . Une expérience, et non pas une
expérimentation . Il ne s'agit pas d'une simple affaire de vocabulaire ou d'une querelle de mots. Une
expérimentation est un dispositif conçu mis en œuvre et observé en fonction d'un ensemble précis
d'hypothèses dont on entend apprécier la validité au travers de la mesure d'effets attendus. Sa visée
implique une maîtrise forte des facteurs en jeu. Telle n'est pas la situation que pilote le Centre Enfance Art
et Langages. Tel n'est pas non plus son projet, ou mieux, le sens de son projet. Au demeurant, la singularité
même de l'artiste comme de l'expérience esthétique ne peut s'accommoder de ce modèle évaluatif.
L'expérience n'est pas pour autant une forme mineure, appauvrie ou inaboutie de l'expérimentation. Le
propre de l'expérience tient à son ouverture , là où l'expérimentation conduit à un bilan. Il y a peut-être,
pour l'évaluateur appelé à formuler un jugement d'ensemble sur le dispositif des artistes en résidence, un
juste milieu à tenir, entre le bilan nécessaire et l'ouverture constitutive. Comme l'écrivait Hans Georg
Gadamer, « la dialectique de l'expérience trouve son achèvement propre, non dans un savoir définitif, mais
dans l'ouverture à l'expérience, suscitée par l'expérience elle-même 22 ».

1 La mission concerne plus précisément la recherche intitulée : Les pratiques artistiques et culturelles entre
l'école et l'institution scolaire (Responsable : Alain Kerlan )

2 Une troisième perspective complémentaire, prospective, avait été également fixée. Il s'agissait d'engager
une première exploration comparative, sur le plan national et international éventuellement, des pratiques
éducatives plaçant l'artiste au cœur de l'école et/ou des dispositifs éducatifs. On en trouvera un écho dans
l'ouvrage collectif qui paraîtra en octobre 2005 aux éditions du Scérén sous le titre : Des artistes à la
maternelle .

3 L'expression doit bien s'entendre dans le sens que lui donne Vygotski, et auquel elle est empruntée.

4 La question de la représentation du monde enseignant et de l'école chez l'artiste mérite aussi d'être
examinée. Elle ne paraît pas toutefois avoir la même ampleur. En règle générale, la perspective est même
inversée : l'artiste s'étonne de trouver une école en fin de compte plus "ouverte" et novatrice que ne lui
laissait attendre l'image qu'il en avait…

5 J'ai pu en prendre la mesure à l'occasion de la visite des écoles et de l'entretien que j'ai pu avoir
quelquefois avec les enseignants et l'artiste concerné. Les notes rédigées à l'occasion de ces visites et
entretiens pourront le cas échéant apporter des éléments d'éclairage.

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6 Rappelons que cette question des apprentissages est confiée à l'expertise de l'IUFM de Lyon.

7 Et il faudrait le faire de toute urgence…

8 Non cependant sans quelques déplacements signalant un changement d'époque : du côté de la "prise de
risque", de la responsabilité et de la "citoyenneté", par exemple. Ces glissements significatifs mériteraient
sans aucun doute d'être répertoriés et étudiés.

9 Précisons au passage le sens de ce concept emprunté à Vygotski. Selon le psychologue soviétique, la zone
proximale de développement est "la distance entre le niveau de développement actuel, tel qu'on peut le
déterminer à travers la façon dont l'enfant résout des problèmes seul, et le développement potentiel, tel
qu'on peut le déterminer à travers la façon dont l'enfant résout les problèmes lorsqu'il est assisté par
l'adulte ou collabore avec d'autres enfants plus avancés".

10 Sur la conduite esthétique comme conduite cognitive, voir Jean-Marie Schaeffer, Adieu à l'esthétique ,
chapitre 2, Paris, PUF, 2000. Ma définition s'en inspire.

11 Sans doute l'activité et l'interactivité des enfants dans le dispositif sont des éléments à prendre en
compte. Mais il ne suffit pas que les enfants "agissent" pour que l'expérience soit une authentique
expérience esthétique ; et même une expérience esthétique très authentique peut revêtir l'apparence d'une
"passivité". En témoigne par exemple cette expérience précoce de la contemplation dont se souvient
l'écrivain Aharon Appelfeld : " Tout petit, je m'isolais pour me représenter les vacances d'été chez les
grands-parents. Je restais assis des heures près de la fenêtre, je revoyais le voyage qui nous avait
conduits vers eux. Tout ce dont je me souvenais dezs vacances précédentes refaisait surface et se dévoilait
à moi de façon plus stylisée " ( Histoire d'une vie , Le Seuil, 2004, p. 7, pour la traduction française)

12 L'exposition des réalisations d'enfants proposée en juin dernier dans une perspective évaluative à l'école
Ravier me semblait aller dans ce sens.

13 Daniel Lagoutte souligne à nouveau ce paradoxe dans sa contribution au récent numéro de la revue Les
sciences de l'éducation - Pour l'ère nouvelle (vol. 37, n° 3, 2004, CERSE -Université de Caen), consacré à
L'enseignement des arts plastiques .

14 . Savons-nous bien ce que peut un enfant ? Le monde scolaire comme l'univers familial ne manquent pas
d'exemples de sous-estimation et de surestimation.

15 Cf. supra.

16 La distinction que fait Gadamer entre l'expérientiel et l'expérimental est ici précieuse.

17 Cf. Alain Kerlan, L'art pour éduquer ? La tentation esthétique , Québec, Presses de l'université Laval,
2004.

18 Je l'entends au sens propre : montrer, c'est-à-dire exposer. Peut-être faut-il prendre date dès maintenant
d'une rencontre qui réunirait à nouveau les artistes qui furent en résidence, et où seraient à la fois analysée
et discutée rétrospectivement par les artistes l'expérience de la résidence, et exposées et réfléchies quelques
unes de leurs œuvres nouvelles.

19 Plus répandu et symptomatique, une relation à l'école évoquée comme atypique ou négative ; elle inspire
vraisemblablement la tentation des postures éducatives "réparatrices" : donner à l'enfant qu'on éduque ce
qui a manqué à celui que l'on fut…

20 Le réseau européens des services éducatifs d'opéra (RESEO) a ainsi récemment développé une opération
de formation pédagogique des artistes lyriques alternant travail avec des élèves et travail d'interprétation.

21Comme l'indique bien cette réflexion d'un artiste :« ç a m'aide à comprendre pourquoi l'art
contemporain n'est pas forcément compris par le public, et où je me situe moi dans l'art contemporain ; et

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ça m'aide, du coup, à expliquer ma démarche et à la comprendre aussi moi un petit peu mieux, voilà,
pourquoi je fais ça ».

22 H-G. Gadamer, Vérité et méthode. Les grandes lignes d'une herméneutique philosophique , Paris, Seuil,
p. 201.

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