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A la Fondation Louis Vuitton, le fabuleux destin de la Collection Morozov

Cinq ans après l’exposition Chtchoukine, 200 chefs-d’œuvres de la Collection Morozov


arrivent de Russie et s’installent pour cinq mois à la Fondation Louis Vuitton, à Paris. Retour
sur l’histoire fascinante et mouvementée du fabuleux héritage artistique laissé au début du
XXe siècle par ces riches industriels moscovites…

le 01/10/2021 16:59

Vue d'installation de l'exposition La


Collection Morozov. Icônes de l’art moderne, Fondation Louis Vuitton, Paris (MARC
DOMAGE)

Moscou, au tout début du XXe siècle, le somptueux palais d’Ivan Morozov se visite comme
un musée d’art dit "moderne", car il accueille non seulement l’avant-garde des jeunes
peintres russes, mais aussi et surtout, toutes les futures grandes stars parisiennes de l’art
"en train de se faire"...

Des collectionneurs visionnaires

Touche à touche sur les murs des différents salons, il y a ces artistes qui se vendent déjà très
cher, ces impressionnistes reconnus comme Manet, Monet, Degas ou Renoir… Et puis il y a
les petits nouveaux de la scène d’avant-garde comme Cézanne, Gauguin, Matisse, ou
Picasso… Et leurs oeuvres sont encore très abordables : seulement 300 francs pour Les deux
saltimbanques de Pablo Picasso (qui figure aujourd’hui sur l’affiche de l’exposition). Ce jour -
là Yvan Morozov a fait une belle affaire.

L'Hôtel particulier des Morozov (MUSEE D'ETAT


DES BEAUX-ARTS POUC)
Riches industriels dans le textile, les frères Mikhaïl et Yvan Morozov sont des collectionneurs
visionnaires, particulièrement bien conseillés par les marchands français de l’époque,
Ambroise Vollard ou Paul Durand-Ruel. Et à Moscou, ces collectionneurs-mécènes font des
paris osés, comme de demander au peintre Maurice Denis d’orner l’ensemble du salon de
musique avec d’immenses panneaux roses flashy et sensuels ! Cela va choquer la bonne
société moscovite, mais contribuer à créer leur légende.

Dans la tourmente de la Révolution

Philanthropes, progressistes convaincus et soucieux du bien-être au quotidien de leur


personnel, les Morozov vont pourtant subir de plein fouet la Révolution russe de 1917. Dès
1918, les bolchéviques vont nationaliser le palais moscovite des deux frères, de même que
l’ensembles des collections, qui s’élèvent à l’époque à près de 600 chefs- d’œuvres,
tableaux, sculptures.

Au début, l’ancien hôtel particulier d’Yvan Morozov, devenu Musée d’art


moderne occidental se visite, et il reçoit même des soldats de l’Armée Rouge. Mais ça,
c’était avant que Staline ne déclare la guerre à la culture bourgeoise venue d’occident.
Rapidement, l’art moderne français est considéré comme un Art "dégénéré" - le terme
apparaît en Russie dès 1927- 10 ans avant que les nazis ne l’utilisent. Et alors que les
Morozov sont exilés depuis longtemps en Europe, Staline ordonne que les tableaux soient
décrochés des cimaises pour les détruire.

Pierre-Auguste Renoir, portrait de Mademoiselle Jeanne


Samary, Paris 1978 (MUSEE D'ETAT DE L'ERMITAGE, SAIN)

Finalement, ils seront roulés, et expédiés en Sibérie où ils resteront entreposés pendant
plusieurs décennies dans des conditions catastrophiques, par moins 40 degrés. Avec ce froid
terrible, les peintures vont énormément souffrir et certaines ne seront jamais restaurables.
C’est le cas de la plupart des tableaux de Van Gogh et de Gauguin qui, faute d’argent,
travaillaient tous les deux de mauvais pigments sur des supports ultra-fragiles.

Vincent Van Gogh, La Ronde des prisonniers, Saint-Rémy, 1890 (MUSEE D'ETAT DES BEAUX-
ARTS POUC)

Une collection devenue mythique

Après Staline et le dégel de l’URSS, ce qui reste de la légendaire collection Morozov va être
réparti entre le musée de l’Ermitage à Saint Petersbourg, et à Moscou, les Musées d’Etat
Pouchkine et Trétiakov. Rescapées du froid et du communisme, ces œuvres sont devenues
un trésor d’état, et demeurent unanimement considérées comme l’une des plus belles
collections au monde.

Aujourd’hui, cinq ans après avoir prêté la remarquable collection Chtchoukine, (grâce à
d’excellents contacts et au mécénat pro-actif de LVMH), ces grandes institutions russes
consentent à nouveau le prêt extraordinaire de 200 chefs-d’oeuvres à la Fondation Vuitton.

Une exposition aussi émouvante qu’historique. C’est la première fois en effet, depuis la
Révolution Russe, que les œuvres de cette fabuleuse collection sont rassemblées dans un
même lieu, comme à l’époque d’Yvan et de Mikhaïl Morozov. Et c’est en France, à Paris, que
ce petit miracle artistique a lieu.

Après la grande exposition de la Fondation Vuitton, les œuvres de la


collection Morozov des musées russes de retour en Russie

Les oeuvres de la collection Morozov appartenant à des musées russes sont de retour en
Russie après une exposition exceptionnelle à Paris, ont annoncé ce jeudi les autorités russes,
ces créations étant épargnées par les sanctions liées à l'Ukraine.
Quelque 200 tableaux de cette collection ont été exposés six mois durant à la Fondation
Louis Vuitton, attirant en dépit de la pandémie 1,25 million de visiteurs.
Mais l'offensive russe en Ukraine et la vague de sanctions s'abattant sur la Russie avaient
nourri la crainte que le retour des oeuvres aux musées russes puisse être perturbé,
notamment du fait des restrictions imposées dans le secteur de la logistique et des
transports.

Deux semaines pour retrouver le sol russe


Finalement, 65 oeuvres de l'Ermitage (Saint-Pétersbourg), ainsi que 67 du musée Pouchkine
(Moscou), 33 de la Galerie Tretiakov (Moscou) et 2 du Musée russe (Saint-Pétersbourg) ont
retrouvé le sol russe.
"Le transport vers la Fédération de Russie de tous les tableaux, travaux graphiques et
sculptures a duré près de 20 jours, les derniers véhicules ont passé la frontière russe le 2
mai", a écrit sur son compte Telegram la ministre de la Culture, Olga Lioubimova.
Elle n'a pas précisé quel parcours les oeuvres ont dû emprunter en l'absence de vols entre
l'Union européenne et la Russie et compte-tenu de restrictions routières. L'ensemble de la
collection Morozov doit être exposée dès cet été à Moscou au musée Pouchkine, a-t-elle
annoncé en outre.

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