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APERCU SUR LA VIE DE CHEIKH AHMADOU BAMBA OU LA MOURIDIYYAH

Confrères musulmans,
Chers condisciples mourides,

Honorables invités,

Parler en un si peu de temps d’un saint homme à la dimension de Mouhammad ben Mouhammad ben
Habiballah, plus connu sous le nom de Cheikh Ahmadou Bamba, à la fois soufi très orthodoxe, porteur du
Coran (Khafizul Khour’an), grand théologien, guide spirituel singulier, éducateur hors paire, intellectuel de
très haute facture, écrivain et panégyriste jamais égalé dans son domaine, psychologue très éclairé,
sociologue et acteur socioculturel très sagace, aussi stoïque devant l’adversité qu’irréductible devant
l’ennemi, équivaut tout simplement à escamoter les belles pages de l’histoire la plus vivante de cette
civilisation contemporaine. De même qu’essayer de décrire les qualités humaines de ce Moudjadid et
Moudjahid (Rénovateur et combattant), homme rare dans la lignée des martyrs, reviendrait à lui tailler un
manteau dont les mensurations seront très en-deçà de sa grandeur.

Certes, le discours peut paraître laudatif du point de vue relationnel (maître/disciple) mais la révérence
et l’objectivité le récusent. En cela, il est rapporté selon Seydina Ali, qu’Allah soit satisfait de lui, l'Envoyé
d’Allah - PSL - a dit: « Ne mentez pas à mon sujet! Certes, quiconque ment à mon sujet entrera en Enfer ».
D’ailleurs, c’est tout à fait contraire à toute démarche qui se veut intellectuelle, convaincante. Néanmoins,
tout en espérant sa compassion, nous allons étaler le peu que nous savons de son hagiographie.

A travers cette relation, nous tenterons de répondre à certaines interrogations relatives à l’origine de la
Mouridiyyah. Qui en est le fondateur ? Qu’est-ce que la Mouridiyyah ? Cet exercice de l’écriture et de la
parole nous permettra d’éclairer certains stéréotypes prêtés à la Mouridiyyah ou tout simplement au
disciple mouride. De cette communication, se dégagera, évidemment, les fondements de cet évènement,
prétexte de cette rencontre, appelé Magal, un jour d’action de grâce c’est-à-dire de culte et de réjouissance
à l’honneur de Dieu Le Digne de reconnaissance.

D’emblée, il faut être clair et dire qu’il n’a jamais était question pour le Cheikh Ahmadou Bamba de
résister à l’envahissement et à la colonisation de l’homme blanc. C’est de l’aberration que de vouloir le
classer dans la catégorie des résistants, pacifiques ou culturels. Il n’a jamais possédé un royaume encore
moins une armée. Il n’a jamais prôné la guerre sainte par les armes. Il a accepté sans révolte le verdict
hypocrite d’un tribunal inique, le conseil privé, qui a décidé de son l’exil au Gabon, ensuite en Mauritanie,
puis son isolement à Thiéyène (Djoloff) et enfin d’être en résidence surveillée à Diourbel. Il n’a jamais eu
une ambition autre que l’agrément de son Seigneur Le Digne d’adoration. « Je ne me penche uniquement
que vers l’agrément du Maître des cieux et de la terre. » (Lasstou amilou li siwa ma yourdi Rabass samawati
wal ardi) dit-il. Nous prouverons tout au long du discours que c’est de l’affirmation gratuite de vouloir
l’assimiler à un résistant, attribut qui ne sied pas à sa qualité de serviteur privilégié du Prophète (PSL) :
Khadimou Rassoulal Laah. Enseigner sa biographie aux générations d’hier, d’aujourd’hui et du futur sous
cet angle ne relève pas d’un esprit intellectuel pointu et honnête.

Cheikh Ahmadou Bamba nous est parvenu par la grâce de DIEU au mois de Muharram en l’an 1272 H.
soit l’an 1853, à Mbacké, une localité située dans le Baol du Sénégal des royaumes, actuel département de
Mbacké. Fondé par son arrière grand-père Mouhammad Al Khayri d’ethnie Toucouleur, le village porte le
nom de la famille dont la piété très connue leur valut une influence religieuse particulière, un respect et
une vénération pour la Face de Dieu. Les Mbacké, hommes de haute culture et d’une orthodoxie stricte

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dans l’assimilation des valeurs culturelles islamiques, firent du village de Mbacké un centre académique et
une capitale spirituelle.

Son père Mouhammad ben Habiballah Mbacké, plus connu sous le nom de Momar Anta Saly, était un
grand érudit, un docte en Islam, un éminent jurisconsulte qui bénéficiait d’une très grande considération et
de la confiance de tous ses contemporains. Imam d’une très grande renommée par sa sincérité et sa
clairvoyance, il excellait dans l’enseignement du Coran et des sciences religieuses qui lui valut sa célébrité.
Le Damel du Cayor sollicita grandement son assistance dans les affaires religieuses et juridiques. Malgré sa
fonction de cadi, il habitait toujours loin (à Patar) et avait établi un calendrier afin de pouvoir s’acquitter
convenablement de cette fonction en marge de ses activités pédagogiques et des travaux champêtres.

Sa vertueuse et très pieuse mère Mariama Bousso, affectueusement appelée Mame Diarra Bousso était
surnommée "Jâratu-l-lâh" (voisine de DIEU) par les siens grâce à sa piété. Sa dévotion n’avait jamais été
corrompue par les vicissitudes des travaux domestiques dont elle s’acquittait étonnamment. Elle maîtrisait
parfaitement le Coran et les sciences religieuses qu’elle appliquait scrupuleusement. Elle avait inculquait à
ses progénitures une éducation religieuse très rigoureuse. Dans la société sénégalaise, particulièrement
chez les disciples mourides, elle est le modèle de la femme parfaite. Sa vie ne dura que 33 années très
riches en enseignement. Chaque année, pour bénéficier de ses grâces, un pèlerinage est organisé à
Porokhane, localité abritant son mausolée où elle a vécut ses derniers jours.

Le Cheikh Ahmadou Bamba a toujours vécut sous l’ombre de ses parents qui l’ont encadré et très bien
éduqué. Ainsi, ils ont très tôt découvert en lui une perfection innée dont seuls les saints peuvent en
bénéficier. On lui reconnut unanimement cette perfection spirituelle qui ne pouvait résulter que d’une
lumière provenant de DIEU. Cette sainteté s’est traduite par des attitudes et habitudes de piété, de bonne
conduite morale, de longanimité, de solitude, de méditation, d’intelligence inouïe, et un comportement
exécrant l’amusement, l’indécence et le péché. Dés sa tendre enfance, Il imitait déjà les élus de Dieu à
travers leurs histoires que lui racontait sa vertueuse mère et plus tard par le biais l’enseignement religieux
reçu.

Dans le domaine de l’apprentissage du saint Coran et l’acquisition des sciences religieuses, il fit montre
d’une détermination et d’une capacité de mémorisation extraordinaires à la dimension de son ambition
encore latente en lui. Dans son ouvrage « Les bienfaits de l’Éternel » Serigne Bassirou Mbacké, son fils et
disciple, écrit : « En somme, il fut un miracle dans son apprentissage par cœur et dans sa maîtrise du
savoir. » Il mémorisa entièrement le Coran, un grand nombre d’ouvrages de théologie, de mystique, de
droit musulman, de prières et les sciences instrumentales comme la grammaire, la prosodie, la rhétorique
en un laps de temps.

Malgré la très puissante personnalité qu’il dégageait, il a évolué toujours sous l’autorité de son père,
dans l’humilité totale sans jamais transgresser. Il lui obéissait religieusement en conformité avec les
recommandations du saint Coran qui stipule : « Nous recommandons à l'homme de bien traiter ses père et
mère » (529 V8). Il écrit dans son « Nahju hada’il haj » ou « la Bonne conduite légale » : « Obéis à tes deux
parents, sois envers eux bienveillant et empresse-toi d'exécuter leurs ordres. ». Son engagement sur la voie
soufi ne le détournait nullement de ses obligations filiales ce qui suscita l’admiration de tout le monde. En
retour, son père lui vouait un très grand amour dû à ses vertus, sa religiosité et sa conduite circonspecte. Il
assurait l’enseignement auprès de son père parce que maîtrisant parfaitement la pédagogie. Les
pensionnaires préféraient alors son enseignement. Il dit : « Notre Seigneur, Le Pourvoyeur, m’a donné, par la
gloire du Prophète, la vertu charismatique du Coran ainsi que toutes les sciences utiles. Il m’a aussi gratifié
de la vertu pédagogique de l’enseignement. » Il utilisait, sur injonction de son père, certains ouvrages écrits
par lui-même.

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En effet, Il avait rédigé: le « Jawharu-n-Nafîs » (Le Joyau Précieux) qui est une versification du traité de
jurisprudence de Al Akhdari. Le " Mawâhibul Quddûs " (Les Dons du TRES-SAINT) qui est une reprise
versifiée de l’ouvrage de théologie de l’Imâm As-Sanusi intitulé « Ummul Barâhin » (La Source des Preuves).
Le « Nahju hada’il hadj » (La voie de la satisfaction des besoins) qui reprend un ouvrage traitant de la bonne
conduite légale de l’Imam Dal hadj En cette même période, il composa le « Massalikul Jinaan » réunissant
le « Hâtimatul tassawwuf » de l’Imam Yadaali, le « Junatul murid » de Cheikh Sidy Mukhtar Kuntyu, et
puisant dans le « Ihya ulumu din » de l’Imam Al Ghazali, le « Hikam » de l’éminent Ibn Ata. Le « Tazawwudu-
ç-çighâr » (Le viatique des adolescents), le « Tazawwudu choubbane » (Le viatique de la jeunesse), le
« Jadhbatu-ç-çighâr » (L’attirance des Adolescents), tous des ouvrages qui traitent particulièrement des
articles de la foi. Le « Mulayyinu- ç-cudûr » (L’adoucissement des cœurs) qui reprend en versification le
« Bidâyal Hidâya » (Le Commencement de la Bonne Direction) de l’Imâm Al Ghazali. Le Cheikh reprendra par
la suite ce poème sous le titre de « Munawwiru-ç-cudûr » (L’illumination des cœurs). C’est un ouvrage qui
traite du perfectionnement Spirituel.

Plus tard, Il composera bien d’autres ouvrages dans les domaines de la jurisprudence, de la théologie, du
soufisme, de la bonne éducation et dans d’autres branches comme la grammaire. Le Cheikh ne changea de
comportement en aucun moment de sa vie et imposait une forte personnalité spirituelle jusqu’en l’an
1300.h

En effet, le rappel à Dieu de son père dans la nuit du mardi 29 Muharram 1300.h (1882) allait être
déterminant dans sa mission qui profilait à l’horizon. Lors de l’oraison funèbre, il déclina l’offre du
monarque Lat Dior qui voulait qu’il remplaça son père dans son rôle de cadi en lui répondant : « Quant au
Damel, je regrette vivement, il n’est pas de mes usages de fréquenter les souverains ; je me suffis à Dieu et
Dieu me suffit.» Ce refus de bénéficier des avantages que procure la proximité du roi laissait perplexe
l’assemblée présente qui le prenaient déjà pour un fou. Comment une personne lucide, à peine âgée de la
trentaine, pouvait-il renonçait à autant de privilégies s’interrogeaient-ils ? Cependant, les esprits avertis
voyaient par ce geste la confirmation d’une personnalité spirituelle et mystique.

Il composera par la suite deux odes en guise de réponse à ceux-là qui sont inaccoutumés à cette
audacieuse et assommante réaction qui, d’ailleurs, fut une première dans l’histoire du Sénégal.
Dans le premier il dira :

« Ils m’ont dit que je suis fou à cause de ma vision contraire aux siennes et mon mépris envers tous
transgresseurs de Dieu parmi toutes les créatures.

Ils m’ont dit que je suis fou à cause de mon amour envers mon Seigneur Le Créateur et je ne me plains
auprès des créatures de mes maux.

Ils m’ont dit que je suis fou car je ne redoute personne et je ne me suffis qu’à Dieu Le Clément, Le Tout-
Puissant

Ils m’ont dit que je suis fou car je suis complètement retourné vers Dieu et je me suis détourné des
créatures dans la joie comme dans la souffrance.

Il conclura en écrivant : « Il arrivera un jour où la démarche la plus loyale et la plus distinguée sera
évidente pour tout le monde. »

Dans le second poème il écrira : « Ils m’ont dit penche vers les portes des sultans et tu seras comblé
infiniment.

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J’ai répondu, je me suffis à DIEU et ne trouve satisfaction qu’en LUI et jamais je ne donne mon agrément
en dehors de la Religion et de la Science »

Je n’ai de crainte ou d’espoir qu’en mon ROI, IL me protège et m’enrichit.

Comment disposerais-je d’ailleurs ma destinée entre les mains de ceux qui, de leur sort, sont aussi
indigents que les pauvres ?

Et comment donc la satisfaction des besoins me pousserait-elle à fréquenter les parterres de Satan ?

Si je suis dans l’affliction ou dans la nécessité, j’invoque le Maître du Trône, IL est l’Assistant,
l’Omnipotent ; Dieu commande à Sa guise à qui relève de Sa Volonté.

S’IL veut hâter une chose, celle-ci se réalise rapidement ; S’IL veut l’ajourner, cette dernière s’attarde
momentanément.

O toi qui me blâmes ! N’abuse pas outre mesure ; cesses de me blâmer ! Car mon renoncement au Bas-
Monde ne m’afflige guère.

Donc, Si mon seul défaut est mon rejet des biens des roitelets, c’est là un précieux défaut qui ne me
déshonore pas. »

Il continua l’enseignement que lui avait légué son père jusqu’en 1301.h avant d’opérer une rupture
radicale avec cette forme d’instruction religieuse. Dans sa quête insatiable et farouche du Seigneur, il s’était
engagé dans le soufisme faisant le « Jihad nafs » (guerre sainte de l’âme) à l’image de ses prédécesseurs
dans cette voie. Il avait pratiqué tous les wirds qui sont un acte d'adoration déterminé dans un temps
régulier.

Le wird est une révélation ou une inspiration divine réservée à des privilégiés. Il avait été initié à la
confrérie Qadiriyya (par son père) ainsi que celle de la Tdjaniyya et Shadiliyya. « Peu importe que ce "wird"
vienne d'AL JALALNI (cheik ABD AL QADIR), de AHMAD AL TIJANI ou d'un autre parmi les Qutbs (pôle), que
Dieu soit satisfait d'eux. Car ils sont tous dans la bonne direction» rédige-t-il dans son « Massalik al
Jinaan » (Les itinéraires du Paradis). Il en avait atteint la perfection et reçu l’agrément de ces pôles. Il était
ainsi devenu le pôle des pôles parce que détenant tous les secrets de ces voies.

Cette station n’avait pas étanché sa soif spirituelle et ne mettait pas un terme à son ascension
spirituelle. Dans son ode intitulée « Jaawartul Lâha» nous pouvons lire : « DIEU m’a révélé Sa Face
sans m’égarer, agréant ainsi ma vie. » (Dallaniyal Lâhou ‘alal Laahi bilâ taharourine wa oumourii
takhabbalâ). D’ailleurs, il considérait cette phase comme un moment d’errements. Il consigna dans
ces écrits qu’en l’an 1300.h il se tourna résolument au service de l’Elu qui est le réservoir de tout ce
qui est profitable dans les deux mondes. « Dieu m’a dirigé vers (le Prophète) Mouhammad… »
(Dallaniyal Lâhou ‘alâ Mouhammadi…)

Il était arrivé à une station telle qu’il ne pouvait plus continuer d’être un simple maître d’école
enseignant le Coran et les sciences religieuses. Il déclara vigoureusement alors à l’endroit des
pensionnaires : « Ceux d’entre vous qui étaient venus ici dans le dessein d’acquérir la science
religieuse sont priés désormais d’aller chercher un autre maître ; par contre, ceux parmi vous qui
ont la même ambition que moi peuvent rester avec moi, mais seront tenus d’observer
scrupuleusement ce que je leur ordonnerai de faire. » Cette déclaration consacra la naissance de la
Mouridiyyah en cette année 1301.H/1883 à Mbacké Bary. Ce fut la réhabilitation du pacte

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d’allégeance qui lie le disciple (al mouride) au Cheikh à l’instar des compagnons (Sahabas) qui
prêtèrent serment d’allégeance au Prophète (PSL) sous l’arbre à Hudaybiyah.

Dieu dit dans le Coran (S48V10/18): « Ceux qui te prêtent serment d’allégeance ne font que
prêter serment à Allah: la main d’Allah est au-dessus de leurs mains. Quiconque viole le serment ne
le viole qu’à son propre détriment; et quiconque remplit son engagement envers Allah, Il lui
apportera bientôt une énorme récompense. » « Allah a très certainement agréé les croyants
quand ils t’ont prêté le serment d’allégeance sous l’arbre. Il a su ce qu’il y avait dans leurs cœurs, et
a fait descendre sur eux la quiétude, et Il les a récompensés par une victoire proche. »

Ce pacte d’allégeance ou « Baycatou Ridwane » s’est perpétué sous le khalifat des quatre
khalifes (Khoulafaa’i Raachidoun) avant de s’estomper à travers les siècles. Le Cheikh Amadou
Bamba l’a réhabilité et ses contemporains lui prêtèrent serment d’allégeance. Cette tradition, base
historique de la Mouridiyyah, pratiquée à travers le khalifat de la Mouridiyyah représenté par ses
honorables fils, est aujourd’hui acceptée par le khalife actuel, Serigne Sidy Moukhtar Mbacké (Que
Dieu lui accorde longue vie et santé de fer), un de ses honorables petits-fils.

Dans la Mouridiyyah, « Jéébelou » ou « Jaayaneté) en Wolof signifie se soumettre au Cheikh ou Serigne


en Wolof ou s’engager envers le Cheikh pour obtenir son agrément donc du Prophète (PSL) et celui de Dieu
– Exalté Soit-Il. « Quiconque obéit au messager obéit [par la-même] a Dieu » (S4V80) Cette soumission à
l’autorité suprême, le Khalife, est le gage même de la discipline exemplaire, de la capacité exceptionnelle de
mobilisation humaine et financière des mourides. Ils voient en la personne du Khalife celle de Cheikh
Ahmadou Bamba, l’archétype de la Mouridiyyah.

Après cette déclaration surprenante ce fut un tolet général, les commentaires allèrent bon train, la
grande majorité abdiquèrent tandis qu’un nombre très restreint demeura. Malgré les nombreuses
interprétations, les réactions parodiques et le nombre d’adeptes très insignifiants, le Cheikh resta ferme
dans sa démarche.

Ce langage et cette attitude sans équivoque sont la conséquence de l'entrevue qu'il eut avec le Prophète
– PSL – qui lui enjoigne en ces termes : « « Ahmadou, dispense à tes disciples une éducation spirituelle
(celle qui perfectionne l'individu) et cesse de leur donner une simple éducation livresque (elle n'est que
théorique et stérile en soi). » (Rabi açhaaba bil himmati wala tobirahim bi darsi). Il allait par conséquent
réhabiliter le pacte d'allégeance, un nouveau type de rapport entre lui et les disciples. Une relation de
maître et de disciple basée sur une éducation et une élévation spirituelle. Une soumission totale à l'autorité
spirituelle à l’image du mort entre les mains de son laveur.

Cette soumission exige de l’aspirant sincère (mouride sâdiq), selon les enseignements de Cheikh
Ahmadou Bamba, un certain comportement envers le maitre spirituel à savoir :

 L’amour,
 La révérence (l’élévation)
 L’imitation,
 La sincérité,
 L’obéissance immédiate aux ordres en se gardant de donner un avis, même
intérieurement, par confiance,
 L’attachement,
 La pureté du cœur.

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L’éducation spirituelle que Cheikh Ahmadou Bamba merveilleusement expliqué dans son ode « IL
hâmoul Wudud » (L’inspiration du Bien-Aimé), a pour but d’extirper chez l’aspirant les vices apparents et
cachés tels que la paresse, l’oisiveté, la gourmandise, le sommeil, le bavardage, la médisance, l’ostentation,
la fierté, la colère furieuse, l'ivrognerie, la débauche (la fornication ou la pédérastie), le vol, l'accumulation
des biens terrestres. Il y a aussi la colère, le désir d'attaquer les hommes (les frapper, les injurier, les tuer), la
prodigalité. Il s’agit encore de l'envie, l'injustice, la ruse, la tromperie, la perfidie, l'hypocrisie, l'incitation à
l'hérésie et à l'erreur. Il s’y ajoute l'orgueil, l'outrecuidance, l'état d'esprit mondain et la vanité. L’éducation
spirituelle est, en somme, l’acquisition des qualités morales indispensables à la quête de l’agrément du
Seigneur – Exalté soit-Il – d'où la notion d'élévation spirituelle.

Cette élévation spirituelle se réalise par l’accomplissement d’actions dévotes sincères c’est-à-dire pour la
Face de Dieu exclusivement. Ces actions englobent aussi bien les pratiques cultuelles obligatoires que
surérogatoires, les wirds, le zikr et les bonnes œuvres. Le silence, les veilles, la sobriété, la faim, la
méditation, l’esseulement sont des attitudes tant recommandées pour obtenir une élévation de l’âme
jusque dans l’enceinte scellée de Dieu. Abu Hurayra (que Dieu l'agrée) a rapporté que le Prophète – PSL- a
dit : « Dieu – Exalté Soit-il – a dit : Quiconque montre de l'inimité à un de Mes serviteurs dévoués, Je lui
déclare la guerre. Mon serviteur ne se rapproche de Moi que par ce que J'aime le plus, par les devoirs
religieux que Je lui ai enjoint, et Mon serviteur ne cesse de se rapprocher de Moi par des œuvres
surérogatoires jusqu'à ce que Je l'aime. Quand Je l'aime, Je suis l'oreille par laquelle il entend, l’œil par
lequel il voit, la main par laquelle il frappe et le pied avec lequel il marche. Qu'il Me demande, et Je lui
donnerai sûrement. Aucune chose ne Me fait hésiter plus que l'âme de Mon fidèle serviteur. Il déteste la
mort et Je déteste le blesser. (Rapporté par Al Boukhary.

Ces stations spirituelles ne peuvent se réaliser que sous les auspices d’un guide spirituel parfait,
à l'instar du Cheikh Ahmadou Bamba, qui connaît bien cette voie. Par conséquent le mouridisme,
en arabe « Al Mouridiyyah », est la réhabilitation de l’Islam dans son originalité et son orthodoxie
par Cheikh Ahmadou Bamba, le serviteur privilégié du Prophète (PSL). Ce n’est point donc une
confrérie, son fondateur Cheikh Ahmadou Bamba le définit lui-même. « Je n'ai point fondé une
confrérie (TARÎQA), j'ai plutôt trouvé la voie qu'avait scrupuleusement suivie le Prophète (PSL) et
ses compagnons entièrement flétrie, je l'ai défrichée le plus proprement, je l'ai également rénovée
dans toute son originalité et lancé l’appel suivant : Tout pèlerin qui désire partir peut venir. Voici la
voie réhabilitée, cette voie est celle du pacte d'allégeance ». Il dira dans une réponse à l’adminis-
trateur colonial : « La Mouridiyyah est née de la Foi par le Tawhid, la Loi par le Fiqh et la Voie par
le Taçawwuf ».

Son appellation ne dérive pas d’un patronyme mais désigne une ambition qui devrait être la
préoccupation de chaque membre de la Ummah. Le disciple mouride ou « Al Mouridoullah »,
communément appelé mouride au Sénégal, désigne celui qui aspire à Dieu ou celui qui désire
l’agrément de Dieu. Cheikh Ahmadou Bamba, dans sa définition, dira que le mouride ne doit
chercher l’agrément d’un autre que le Miséricordieux partout où il se trouve et ce pour toujours
« Izil mouridou laa youridou abadaa hayrou ridaa Rahmaani haysou assadaa ».
De façon subsidiaire, tout musulman qui s’approprie de cette définition, tout adepte de la reli-
gion musulmane désireux de rencontrer son Seigneur sous la direction d’un guide spirituel avéré
est un mouride. Qu’il soit appelé un disciple ou mouride de la Qadriyyah, de la Tidjaniyyah,
Layène au Sénégal ou porte une autre désignation ailleurs.

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Toutefois, les talibé mourides au Sénégal se distinguent par leurs comportements qui reflètent
l’attachement à la religion islamique et l’adab ou la bienséance dans le comportement avec Dieu
et avec autrui en imitation du Prophète (PSL). Ils se manifestent par la modestie, l’humilité, la phi -
lanthropie, la serviabilité envers les élus de Dieu en particulier et les gens en général. Ils se vouent
un amour réciproque et sont très solidaires.

L’organisation du Magal en RDC en est la manifestation concrète. Le baisemain, cet acte de la


tradition prophétique, malheureusement déformé par la plupart dans la pratique comme dans sa
dénomination, soudjod en Wolof que veut dire prosternation déformant ainsi la définition, traduit
cette affection.

La prosternation dans l’Islam n’est effective que si le fidèle pose en même temps le front, le
nez, les paumes de la main, les genoux et les orteils sur le sol. Cette posture ne sied qu’à Dieu, Le
Maitre des créatures.

Les mourides ont un sens pointu du travail élevé au rang d’adoration. « Travailler comme si vous ne
devez jamais mourir. Adorer Dieu comme si vous devez mourir demain » leur édicta le fondateur de la
Mouridiyyah. Il enjoint aussi cette précieuse exhortation : « L’aspirant véridique est celui qui fait un bon
usage de son temps. Celui que ne reporte aucun travail, car le report entrave souvent l'accomplissement des
devoirs. » Ainsi, leur dynamisme est sans équivoque et se manifeste dans tous les secteurs de l’économie
du Sénégal, de l’agriculture au commerce, en passant par l’élevage, l’artisanat, la pêche et les NTICS.

Revenons sur cette phase de la perfection spirituelle très importante de son hagiographie. En effet,
investi de cette mission divine, il révéla : « Parmi les miracles du fils d’Abdullah – sur lui les prières et les
salutations d’Allah l’Eternel Qui illumina la terre par les saints et ce jusqu’au jour de la résurrection. Chaque
saint est en conformité avec la sunna et même se doit de la préserver des innovations. Le Prophète (PSL) a
annoncé à son serviteur sa mission et lui ordonna d’être déterminé jusqu’à la fin (Fasda’h). Ainsi son
impératif était d’éduquer les disciples ainsi que tous ceux qui acceptent le bon conseil parmi les
contemporains et les générations. Et il insista sur le dépouillement spirituel tout en annonçant l’investiture
initiatique. » Le Cheikh Ahmadou Bamba déclara par conséquent : « DIEU m’a donné l’ordre de proclamer
que je suis un asile et un recours, quiconque veut le bonheur ici-bas et dans l’au-delà doit chercher refuge
auprès de moi. » (Amaranii Rabii bi ane la ousriha bi annani malazun wa mafzahun – Faman aradal hayra fi
kiltayi darayni fal yaluz bi)

Cheikh Ahmadou Bamba allait ainsi entamer une éducation religieuse intense à ceux qui avaient
accepté de le suivre. Il continua sur cette voie jusqu’en début de l’an 1884 pour s’installer à Mbacké Baol
avant de fonder au nord-est le village de Darou Salam en 1888. Cette migration résulte de l’affluence très
grande ne répondant pas à sa volonté constante de s’isoler pour adorer Dieu loin des futilités de ce bas-
monde. Dans sa quête inlassable de trouver un lieu pour adorer Dieu exclusivement, il lui arrivait donc de
quitter Darou Salam pour des retraites spirituelles. C’est lors d’une de ces retraites que Dieu exhaussa son
désire en le guidant sur lieu. Dans son ode « Mathlaboul fawzeyni » ou « La quête du bonheur des deux
monde » Cheikh Ahmadou Bamba écrit « Je rends Grâce à DIEU de m’avoir conduit vers un lieu (une terre)
où il a annihilé mes obstacles. » Il lui donna le nom béni de Touba qui signifie Félicité en hommage au géant
arbre paradisiaque du même nom. Il proclama ensuite avec assurance : « DIEU l’a préservée ». Ce poème
constitue le paradigme complet de la ville sainte de Touba.

Touba est une propriété foncière du Cheikh Ahmadou Bamba. Le titre foncier de la ville sainte est
immatriculé au nom de l'État colonial puis sénégalais sous le numéro 528, fait le 11 août 1930 sur

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réquisition du Gouverneur Général de l'Afrique Occidentale Française (A.O.F) et conservé au Service des
Domaines de la région de Diourbel.

TOUBA est donc une ville dont la pleine propriété lui revient de droit et de fait : un territoire jamais
annexé, n’ayant jamais appartenu à l’un des royaumes traditionnels du Sénégal. A l’époque c’était une forêt
jamais explorée, ni exploitée, car seuls les fauves y imposaient leur loi. Cheikh Ahmadou Bamba la défricha
le plus proprement possible pour en faire un lieu spécialement conçu pour adorer Dieu et Dieu seul. Il dira :
« La raison pour laquelle Touba et Darou Salam me sont plus chers que les autres lieux que j’ai édifiés réside
dans la sincérité de l’intention qui m’inspira l’idée de les fonder. Je n’y suis pas venu pour suivre les traces
d’un ancêtre, ni pour chercher un site propice à la culture, ni pour découvrir un pâturage. Mais uniquement
pour adorer Dieu l’Unique, avec Son Autorisation et Son Agrément. »

C’est ainsi que la Cité Bénite de Touba est, dans sa fonction première, une ville religieuse d’où
l’interdiction formelle de la cigarette, de l’alcool, de lieux d’amusement bref de tout ce qui peut participer à
spolier les valeurs de l’Islam.

Touba, primée comme ville modèle au sommet mondial d’Istanbul en 1996. dans sa fonction de ville
pèlerinage, accueille chaque année des milliers de musulmans venus des quatre coins du globe pour se
recueillir spirituellement ou pour célébrer le grand Magal de Touba à l’instar de ce que nous faisons en ce
moment même à Kananga et partout à travers le monde.

Comme à Mbacké Baol et à Darou Salam, Touba était vite envahie par un monde venant de partout à
travers le pays en raison de sa célébrité croissante. Pendant son séjour de sept années à Touba, il sillonna
les contrées Wolofs : le Cayor, le Baol, le Saloum et le Walo pour effectuer des visites religieuses auprès des
élus de Dieu présents et dans les mausolées des saints disparus. Sa pérégrination l’amena en Mauritanie où
il rencontra des savants en Islam et des saints. Il se réinitiera aux wirds auprès des détenteurs de ces voies
spirituelles notamment le wird Qadriyyah, Tidjaniyyah et Shadiliyyah.

Ces rencontres intensifièrent sa soif spirituelle qui se traduisit par une surabondance d’actes d’adoration
et d’œuvres pieuses. Sa quête de rencontrer son Seigneur était devenue insatiable. « Quant à moi, dés
mon éveil, je n’ai jamais cessé de chercher à connaitre Dieu. C’est pourquoi j’errai entre les saints et les
doctes animé d’intention, de pratiques et de paroles pour éviter de passer une vie difficile tout en étant
confiant telle était mon orientation. Cela jusqu’en l’an 1300 où j’ai changé d’objectif pour être au service du
Prophète (PSL). Je me suis consacré à prier sur lui, à faire ses éloges en me tournant totalement vers Dieu.
Dieu me départi de toutes les créatures pour m’attirer à Lui par considération pour le Prophète – PSL -. Ce
qui est à l’origine de ce qui s’est passé en l’an 1300 concernant mon exil pour servir le Prophète – PSL- »

Dans son engagement de servir le Plus Parfait des créatures, Al Akmaloul Wara, il réussit une production
littéraire jamais égalée de mémoire humaine comprenant des prières et des panégyriques sur le Prophète
(PSL), des dou’as adressés à Dieu. Il écrit dans son poème « Mouwaahibou naafih fii madaa ihich chaafih »
(Dons utiles par l’évocation du Seigneur de le félicié) : « J’ai pris la ferme résolution de lui adresser
régulièrment six mois de poèmes, d’éloges accompagnés de six mois de prières » (Salatou sittah bimadhi
sittah – Taa tihii battah maha tisaa’i »

Cette impressionnante production résultait de la maitrise inouïe qu’il avait de la langue arabe. « Il
(Dieu) m’a inondé de la lumière de la langue arabe et du Coran pendant le temps de mon service pour le
Prophète malgré la présence des gens du livre (les colons français), » (Nazahalii nourou lissani wal Kitab
Azmaana khidmatii ladaa ahlil kitab). Mes miracles sont mes écrits, « Karaamatii hattu yadii » « Izaa

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katabtou archoul baaqii wa sabahat malatikout tibaahi » (Lorsque j’écris le Trône de l’Eternel se berce, et les
anges glorifient l’Eternel).

Sa renommée avait atteint le paroxysme, il était le sujet à palabre à travers tout le pays ainsi la
population se ruait vers lui partout où il se trouvait. Elle avait trouvait en lui le sauveur attendu. Elle
retrouvait sa dignité et sa personnalité car maitrisant le « Tawhid » science qui traite de l’unicité de Dieu. Le
nombre de mourides augmentait considérablement et englobait toutes les couches de la société. C’est ainsi
que les membres des familles des rois du Cayor (Lat Dior) et du Baol (Samba Laobé Fall) et leurs anciens
amis avaient pour la plupart fait serment d’allégeance à Cheikh Ahmadou Bamba. Aussi, les meilleurs dans
les familles les plus illustres se soumettaient à lu

Il continua sa fonction de guide spirituel jusqu’au jour où il entra dans la scène politique en contestant
énergiquement la fatwa prononcée par les cadis de la cours du roi au sujet du butin pris suite à la bataille de
Samba Sadio.

En effet Ibrahima Macodou Diop, demi-frère du roi, se convertit à l’Islam et se soumit à Cheikh
Ahmadou Bamba qui l’intima aussitôt l’ordre de restituer les biens et libérés les esclaves capturés issus de
la guerre. Une telle décision irrita le roi et la cour qui voulaient en savoir plus sur les raisons de cette
réfutation.

Le souverain convoqua à maintes reprises le Cheikh Ahmadou Bamba qui ne se présenta et lui
signifia ceci : « J'ai honte que les anges me voient devant la porte d’un roi autre que Dieu. » Dans sa
dernière réponse il écrivit : « Muhammad Ibn Maslama (Que Dieu soit satisfait de lui) a dit que le savant à
la porte d’un roi est comme la mouche sur les matières fécales. »

Abasourdi par cette réponse, le monarque très irrité finit par suivre le conseil de son principal Kadi
Khaly Madhiakhaté kala qui lui dissuada de laisser tomber sinon se serait à sa perte. De l’autre coté sa cour
aussi indignée ne cessait de d’inciter le roi aux représailles.

Quand l’occasion se présenta lors d’un voyage qu’il effectuait, il voulu en savoir sur la fatwa du
Cheikh. Le cadi affirmait c’était une guerre sainte car Ahmadou Cheikhou s’était proclamé prophète. Il
s’appuyait sur le témoignage des habitants du Cayor et de Samba Sadio lieu de l’affrontement. Le Cheikh
Ahmadou Bamba réfuta ses arguments parce que toutes les attestations n’étaient pas crédibles puisque les
premiers étant des ennemis jurés de Ahmadou Cheikhou et les derniers témoins d’une bataille qui les a
surpris. Il ne pouvait y avoir de guerre sainte donc pas de butin. La cour humiliée voulait passer aux
représailles cependant, le colon, dans sa mise en place d’une politique d’occupation du territoire,
l’avertissait d’une invasion éminente. Le roi et ses larbins prirent la fuite vers le Saloum.

Pour clore avec cette parenthèse mémorable dans l’hagiographie du Cheikh Ahmadou Bamba, il faut
rappeler qu’au terme de son règne, Lat Dior avait fini par solliciter ses conseils. Le Cheikh lui recommanda
de renoncer à ce bas-monde trompeur en tout abandonnant, le royaume et tous ses avantages car rien ne
peut stopper l’avancée de cette puissance coloniale si ce n’est la Volonté de Dieu Tout-Puissant. «Quant à
moi, je peux te garantir que si tu y renonces et restes seul auprès de moi comme les tiens, tu auras ce qui
est meilleur envers ton Seigneur. Tu t’éloigneras des choses de ce bas-monde et ses ennuis » lui dit-il. Le
roi, se sachant incapable d’un tel renoncement, lui demanda alors un boubou avec lequel il sera enseveli à
sa mort et des prières. Ses faveurs accordées, il mourut deux semaines après lors de la bataille de Dékhelé
(en 1886) contre les Français.

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Cette nouvelle attitude annonçait une ère nouvelle pour l’Islam qui agonisait dans cette partie ouest
de l’Afrique sous la coupe de l’aristocratie locale et des chefs musulmans.

En effet, l’aristocratie traditionnelle de connivence avec les doctes de la religion se jouaient de l’Islam
en l’interprétant selon leurs intérêts du moment. Ils s’amusaient du Coran en lui enlevant toute sa sacralité.
Ils s’étaient rapprochés des cours des rois en quête des avantages de ce bas-monde sans crainte de leur
Seigneur. Les abus de pouvoirs et d’autorité avaient atteint leur paroxysme dans les royaumes. C’était ainsi
une alliance hypocrite au détriment du peuple et de la religion islamique. L’Islam ne rayonnait pas de ce
tableau qui n’est qu’un aperçu de la situation anarchique et de déperdition prédominante.

Rappelons que ces acolytes étaient dévorés de jalousie par l’influence exercée par le Cheikh
Ahmadou Bamba et l’affluence toujours croissante de la population vers lui. Par ailleurs, les doctes envieux
mus par des intérêts mondains étaient mis à nus de par sa démarche d’avec les monarques en refusant
leurs richesses, en s’éloignant d’eux et n’admettant ni compromis, ni concession. Ces tartuffes voyaient
l’effectif de leurs disciples diminué pour rejoindre le Cheikh Ahmadou Bamba. Ses mourides adoptaient la
même posture vis-à-vis des roitelets et les doctes flatteurs. L’autorité du roi s’effritait au fur et à mesure
que les disciples assimilaient la formation qu’elle subissait.

Les talibés mourides ne tardèrent pas d’être victime des agressivités de l’aristocratie locale et celle
des autorités musulmanes désavouées capables des pires impostures pour retrouver leur lustre d’antan. Les
affrontements à travers le pays s’intensifiaient avec des hostilités inouïes (violences corporelles, expulsion,
exclusion sociale, pillages, incendies, usurpation de récoltes…). Nonobstant, l’effectif des talibés très
endurants, plus déterminés que jamais allait toujours croissant.

De cette situation découlait une plainte erronée contre eux envoyée au gouverneur général de l’époque
à Ndar, Saint-Louis du Sénégal qui leur avait conseillé de les renvoyer auprès du Cheikh Ahmadou Bamba.
Celui-ci envoya une missive au gouverneur lui relatant les causes réelles de cet acharnement. Le
gouverneur, après investigations, trouva que les plaignants étaient la proie de leur jalousie et décida alors
que les mourides soient laissés en paix tant qu’ils ne transgressent pas la loi ou les préceptes de leur
religion.

Ce geste montre le sens de la responsabilité et de la citoyenneté qu’avait le fondateur de la Mouridiyyah.


Il a été toujours respectueux des lois instaurées par les colons qui allaient devenir ses ennemis
contemporains, même pendant et après leurs confrontations.

Ses disciples étaient désormais connus et leur engagement indéfectible envers le Cheikh Amadou Bamba
leur valu l’appellation les mourides. Cet attrait et ce dévouement inédit vers lui était source de jalousie de la
part de ses voisins et certains de ses parents.

Ces évènements eurent lieu entre l’an 1306.H et 1307.H (1888/1889) durant son séjour à Touba. Touba
est la ville sainte de la Mouridiyyah fondée par Cheikh Ahmadou Bamba. Nous tracerons sommairement
son historique plus loin.

Cependant, Cette situation politico-religieuse scandaleuse était précédée de plus de trois siècles
d’esclavage avec leurs conséquences drastiques. La puissance coloniale française était passée à la conquête
territoriale et avait anéanti toutes résistances armées du Sénégal. L’Islam allait encore être victime de
l’envahisseur qui avait vaincu les royaumes théocratiques dirigés par des hommes preux, magnanimes.

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Nous voulons nommer El Hadji Omar Foutiyou Tall (mort en 1864), Souleymane Baal, Abdel Kader,
Tafsir Maba Diakhou (m. 1867), Ahmadou Cheikhou (m. 1898), Mamadou Lamine Dramé (m. 1887), Chérif
Amallah (m. 1943), Almamy Samory Touré (m. 1898), Alpha Yaya etc. Nous profitons du Magal, ce jour
d’action de grâce plein de faveurs, pour implorer à Allah qu’Il accueille dans Son Paradis « Firdaws » ces
valeureux chefs musulmans en remplacement de cet habituelle minute de silence sans importance ni
incidence dans leur vie de l’au-delà.

La France, dans sa politique d’occupation territoriale afin d’asseoir sa domination sur l’ensemble du
Sénégal, devait alors imposait son hégémonie militaire. Elle combattit farouchement les résistants locaux
qui, parfois, contractaient des alliances avec l’oppresseur pour combattre les susnommés. Elle anéantit
toutes les résistances avec sa puissance militaire extrêmement supérieure. Dans sa volonté de piller à
outrance le continent africain de ses ressources naturelles et gérer leurs intérêts politiques et économiques
dans le temps et dans l’espace, il faillait initier la conquête morale des populations oppressées. Alors une
politique d’assimilation des valeurs culturelles occidentales était enclenchée. C’était la phase de la
colonisation qui visait un seul et unique but : asservir les peuples dominés. L’Islam présent au Sénégal
depuis le 11ème constituait leur principal obstacle.

Ainsi donc, l’écho de la renommée du Cheikh Ahmadou Bamba ne laissait pas indifférents le colon
français. L’administration coloniale se préoccupait de lui et de ses disciples en cherchant des
renseignements sur ses objectifs, sur ses déplacements sans se soucier de la crédibilité des sources
d’information. Le leitmotiv était de trouver un prétexte pour lui coller un motif permettant de mettre la
main sur lui

Les informations leur parvenaient de toute part par le biais de leurs espions et des envieux. Ils
n’échappaient pas aux renseignements fallacieux de ces derniers. Le gouverneur de l’époque, en
l’occurrence Faidherbe, se contentait de tout ce qui lui tombait sous la main sans investigation aucune. La
principale information était une préparation à une guerre sainte par le guide spirituel. Elle laissait entendre
qu’il avait recruté des guerriers et disposait de beaucoup d’armes. Les renseignements avaient atteint un
niveau qui rendait le gouverneur toujours suspicieux malgré une perquisition infructueuse au domicile du
Cheikh, d’autant plus le Cheikh Ahmadou Bamba s’était déplacé dans le Djollof à Mbacké Bary. Ses
détracteurs renseignaient que le choix d’occuper cette position stratégique, le centre du pays, accessible par
ses alliés quelque soit la direction de provenance, n’était pas fortuite. Il répondait au même un désir de
jihad qu’avaient El Hadj Omar et les autres et que le Cheikh Ahmadou Bamba s’était proclamé mahdi
affirmaient-ils. Il avait recruté les anciens amis des rois du Cayor et Baol ainsi que les mécontents des
théocraties vaincues assuraient ses ouailles. Tout ce cocktail de mensonge finit par faire monter l’adrénaline
du colonisateur dévoué à la cause de la France colonisatrice.

Effectivement, en l’an 1312 au mois de shawwal, le Cheikh Ahmadou Bamba allait quitter Touba pour le
Djollof à Mbacké Bary dans la région de Louga pour des raisons exotériques et ésotériques.

Les causes manifestent résultent, d’une part, de son souhait de séparer les disciples soumis au tarbiyyah
et au tarqiyyah des étrangers qui venaient résider à Touba, d’autre part, de son intention de partir au
pèlerinage à la Mecque.

Les causes cachées procèdent d’un entretien qu’il eut avec le Prophète à la même date. Ecoutons
Serigne Abdoul Ahad Mbacké, troisième khalife de la Mouridiyyah, nous le raconter :

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« Lorsque Serigne TOUBA fonda la ville sainte de TOUBA, DIEU lui permit d'y séjourner que pour un
septennat. A la septième année correspondant à l'an 1313.H/1895, au cours du mois sacré de Ramadan, il
procéda à la retraite spirituelle dans l'actuelle mosquée que Serigne Mbacké Madina vient de reconstruire.

Le Prophète - PSL- lui apparut en compagnie des combattants de Badr, ses vertueux partisans, qui
constituent sa sainte garde avec laquelle il est à jamais inséparable.

A peine a-t-il vu ces derniers, que toute sa résolution se ramena au désir ardent de s'aligner au rang de
ceux-là, les compagnons du Prophète. Le Prophète (PSL) lui signifia :

«En faire parti est révolu car pour les intégrer il fallait du sang versé or, l'ultime sacrifice du sang versé
est une chose proscrite. Pour pouvoir le réaliser il faudra subir une série d’épreuves très pesantes. A chaque
fois qu’une personne est arrivée à ce stade et que je me manifeste à lui pareillement, il n'eut d'autre
ambition que d'en faire partie comme toi. Cependant, il ne pourra pas supporter ces épreuves sans être
secouru sous peine de tomber dans la disgrâce. Mais un seul sujet mis sous le poids de l'épreuve, l'ayant
porté jusqu'à être promu à leur rang n'a pas encore existé. Quant à toi tu es mon ami par conséquent, je ne
te souhaite pas ce même sort. Je voudrais t’élever à la station de Pole de l'époque (Qutb zamaan) bien qu’il
te reste trois mois pour atteindre l’âge promu, car personne n'en est investi sans atteindre les quarante ans.
Je peux te dispenser de ces trois mois. »

Le Cheikh Ahmadou Bamba lui fit savoir alors : « Certes, cette proposition est sublime, elle est
intéressante aussi, mais c'est bien dommage. Ma vision la transcende car, à présent, mon ambition est
d’être membre de la légion qui vous accompagne,».

Le Prophète l'avisa donc de ceci : « Ce qui te fera compter parmi eux est une somme d'épreuves trop
lourdes, si cela était de mon gré, tu ne t'y engagerais pas car tu es épris d'un attachement envers moi qui
n'est d'ailleurs pas une affection déguisée. Alors que jamais je ne pourrais te venir en aide dans l'épreuve,
parce qu'en te favorisant de la sorte, on me ferait le reproche et je n'accepterais pas le blâme à cause de
mon attitude en faveur de quelqu'un. »

Le Cheikh - (lui opposant l'objection) : « Quant à moi, j'ai une totale ignorance de la nature de l'épreuve
que tu mettras à ma charge. N'ayant point suscité mon âme aussi, je ne peux savoir ce qu'elle est à même
ou non de supporter. Cependant, ce dont je peux jurer est que quel que soit le fardeau je le supporterai, si
mon âme le supporte ma détermination peut l’endurer »

Le Prophète : - « Je te l’accepte, par conséquent il faut te retirer sans délai de la ville de Touba. Elle est
sous protection absolue de sorte qu'aucun malheur ne s'y abattra jamais sur toi alors que tu es mis en
confrontation avec tes ennemis contemporains. »

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Voilà la raison qui, lorsqu'il rompit son jeûne du mois de Ramadan, le conduisit à quitter la Ville pour
aller se fixer à Mbacké Bâri (une localité du Djollof).

Le contrat de l’exil venait d’être scellé. Ce fut le résultat d’un long cheminement spirituel marqué d’un
désir insatiable de servir le Prophète Mouhamadou Rassoulal Laah (PSL). Un contrat à la hauteur de son
ambition, faire parti des légendaires combattants de Badr. Ambition qu’il impétra suite à une série
d’épreuves impitoyables, attentatoires à la vie. « J’atteste par Dieu que je suis devenu un parmi les gens de
Bedr ». (Chahida lil Laahi bi anii wahidou mine ahli badrine), en confirme-t-il dans ses écrits. QUELLE
EXCELLENTE CONFIRMATION !

Un engagement à la hauteur de son ambition, réussir la périlleuse mission. L’assurance avec laquelle il
s’est engagé montre son degré de foi en Dieu, Le Détenteur de la Puissance et de la Volonté, Le Détenteur
des âmes. Aussi lui demande-t-Il un seul gage quelques soient les épreuves : la vie et il s’engageait à remplir
sa mission honorablement. QUEL DEGRE D’ENGAGEMENT !

Il souleva seul le fardeau qui n’a jamais été objet de convoitise avant lui. A ce propos Cheikh Abo
Mouhammad Al Kuntyou de Ndiassane raconte que Dieu a rassemblé tous les élus pour leur dire que
quiconque veut gagner le très haut degré spirituel que Je détiens doit affronter des épreuves très lourdes et
très rudes. Il n’eut as de postulant qu’en la personne de Cheikh Ahmadou Bamba. (Inna Laaha tahaalaa
kachafalil awliya han mah laa bibalaa’in mine ahwanil balwaa Falam yata racha ilaa Cheikh Ahmadou
Bamba Khadimou Rassoul). Il n’engagea pas la communauté musulmane dans une guerre injustifiable, une
hécatombe synonyme de suicide car la supériorité absolue de l’ennemi sur le plan militaire fut évidente. Il
brandit haut l’étendard de l’Islam en s’armant de la science et de la crainte révérencielle. « Innii
oudjaahidou bil ‘ouloumi wabi toukha » lit-on dans son poème « Yaa djumlatan ».

Une mission que le Cheikh Ahmadou Bamba revendiqua à l’orée du quatorzième centenaire de l’hégire
l’an 1301. Dans son mémorable sermon de rappel du grand Magal de Touba de 1980, Serigne Abdoul Ahad
Mbacké nous fixe les fondements de la mission en évoquant le Coran, un hadith (Qudsi) et les écrits du
Cheikh.

Il commence donc par le Coran en se référant à trois versets de la sourate 22. « A chaque peuple de la
communauté nous avons offert une occasion de fête pour témoigner leur gratitude. Mais qu'ils ne
contrarient pas ce qui est ordonné - Appelle les plutôt vers ton Maître car tu es sur la Voie Droite » (V67)

« A chaque peuple de la communauté, nous avons donné une occasion de fête (à ses membres) pour
témoigner leur gratitude afin qu'ils mentionnent le nom de DIEU dans leur holocauste (offrande) sur ce que
DIEU leur a disposé en bétail. ALLAH est une seule et suprême divinité. A Elle soumettez-vous (aslama) !
(Prophète) annonce la bonne nouvelle aux humbles adorateurs de DIEU," dont les cœurs sont sensibles à
l'évocation de DIEU," ceux qui endurent leurs épreuves avec longanimité, à ceux qui accomplissent
scrupuleusement la prière et (qui) dépensent (en aumône) sur ce que nous leur avons attribué » (V 34/35)

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Il évoque le hadith Qudsi c’est-à-dire la parole divine reçue par le Prophète (PSL) sans l’intermédiaire de
l’Archange Gabriel et transmise ensuite.

« Bonheur à ceux-là qui atteindront le quatorzième centenaire de notre ère (hégire) »,

La parole du Prophète est véridique

‫طوبى لمن بلغ المأئة الرابعة بعد األلف‬


‫صدق الرسول هللا صلى هللا عليه وسلم‬

Enfin, il rappelle les écrits du Cheikh Ahmadou Bamba qui atteste :

«Je commence mon propos de Serviteur en renouvelant allégeance à DIEU l'ELECTEUR, qui choisit au
premier rang qui Il veut.»

«IL a décrété en mission en 1313 /h ce qui, dans mon cœur, fut déjà mon ambition en 1301-H. (1883).»

«Et, en cela, ma délivrance en 1313 de toute attache en dehors de DIEU pour servir l'Annonciateur de la
Bonne Nouvelle.»

«DIEU Seul a inspiré le dessein (d'internement) dans le cœur de ceux qui furent les auteurs en cette
même année.»

«De l'exil lointain dans des horizons où j'ai obtenu des grâces au dessus de la sonde de toute
exploration.»

Ces trois évocations laissent entrevoir une suite logique sans équivoque : un évènement, une date et un
élu.

La source coranique précise nettement les acteurs, la nature de l’évènement et les modalités qui s’y
rapportent. De par cette référence, la communauté musulmane est choisie pour rendre grâce à Dieu le
Pourvoyeur en alliant réjouissance et culte. C’est une fête. Le Magal de Touba répond parfaitement à cette
recommandation divine. Serigne Mouhamadou Fadilou Mbacké, deuxième khalife de la Mouridiyyah, dira à
propos de ces versets que toute religion parfaite et toute communauté affranchie à son jour de fête, le
Magal c’est notre jour de fête.

Cheikh Ahmadou Bamba avait recommandé le Magal en ces termes : « Quant aux bienfaits
incommensurables que Dieu m’a accordés, ma seule et souveraine gratitude ne suffit pas de le couvrir, je
demande à toute personne que mon bonheur réjouirait de s’unir à moi dans la reconnaissance à Dieu
chaque fois que l’anniversaire de ce jour le trouve sur terre. De la poule au chameau, je recommande à
chacun d’y investir pour moi selon ses moyens dans l’action de grâce que je rends à DIEU. » « Il m'a en ce
Jour (18 safar) exaucé au point que j'y ai obtenu la totalité des avantages que je sollicitais auprès de Lui. »

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A travers ces propos, il apparait clairement que Cheikh Ahmadou Bamba a toujours rendu grâce à Dieu
pour lui avoir accordé cette mission qu’il a tant ambitionnée. Le point de départ de cette reconnaissance
est le jour du début des épreuves : le 18 safar qui marque la matérialisation de la mission. Jamais dans
l’histoire, le jour de début des épreuves n’a été choisi comme moment de reconnaissance mais le jour de
délivrance. C’est là encore une particularité de cette date le 18 safar.

Pendant la célébration du Magal de Touba, les mourides s’investissent sans compter pour satisfaire
cette recommandation divine. Le Magal, c’est la fête du sacrifice du bétail toute catégorie confondue. La
période du Magal est la plus charitable chez les disciples de Cheikh Ahmadou Bamba envers leurs familles
et les hôtes, autochtones ou étrangers. Le mois lunaire de safar ou celui du Magal pour les mourides, est le
mois où la lecture du saint Coran est centuplée partout où les mourides se trouvent en général et à Touba
en particulier. La lecture et la déclamation des panégyriques produits par Cheikh Ahmadou Bamba
s’amplifient. La spiritualité est au rendez-vous et la ferveur très grande et manifeste. Le Magal est célébrée
conformément aux deux versets cités en référence.

Le Magal n’est pas un pèlerinage avec des rites spécifiques mais, encore une fois, un jour d’action de
grâce. La Magal de Touba ne draine pas des pèlerins mais des fidèles venus de tous les horizons pour
accomplir la recommandation de Cheikh Ahmadou Bamba.

A propos de la sentence prophétique, elle renvoie systématiquement à la communauté musulmane et à


une ère précise. C’est le guide des croyants qui l’annonce à ses compagnons donc point de doute que c’est
la Umma islamique l’heureuse élue. Le quatorzième centenaire de l’hégire débute en l’an 1301.H/1313
jusqu’en l’an 1401 H.

La mission du Cheikh Ahmadou Bamba commence en 1313.H/1895 précisément le 18 safar 1313.H qui
commémore le début des épreuves et non le jour de la délivrance. Le 18 safar 1313.H est la date du départ
en exil de Cheikh Ahmadou Bamba. Le 18 safar 1313.H est donc la date choisie par le Cheikh Ahmadou
Bamba pour rendre grâce à son Seigneur. Le 18 safar 1313.H est un jour d’action de grâce à l’endroit de
Dieu c’est-à-dire de réjouissance et d’adoration. Le 18 safar 1313.H est la date du Magal.

En ce qui concerne ses écrits, Cheikh Amadou Bamba s’approprie de ce hadith. Il fut alors à son tour
choisi pour accomplir la mission. Il rend grâce à Dieu qui l’a choisi en faisant de lui le meilleur serviteur
prophète (Djahalanii asnaa khadiim). Ou encore « Dieu m’a certifié que je suis Khadimour Rassoul (le
serviteur de l’Envoyé) » (Chahidalil Laahi bi anniyal Khadim…. ». Il témoigne aussi sa reconnaissance à
l’Envoyé de Dieu pour l’avoir prédestiné à cette à cette fonction si éminente. « L’Envoyé de Dieu a sollicité
auprès de Dieu pour que je sois Khadimour Rassoul. » Et il précise nettement que dés l’entame du
quatorzième centenaire, il ambitionnait déjà d’être porteur de cette mission étant départi de toute
attaches en renouvelant le Pacte Primordial (Alastu bi Rabikum Balaa) et se tournant exclusivement au
service du Prophète Mouhamadou Rassoulal Laah (PSL).

Il évoque l’aspect ésotérique de la mission pour faire comprendre que le colon n’est que le bouc
émissaire de la mission. Et de rendre grâce à Dieu des bienfaits incommensurables qu’il lui a accordés par le

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biais de cette mission en y associant tous les musulmans. C’est le grand Magal de Touba qui rappelle
annuellement la date du 18 safar 1313.

Reprenons l’hagiographie du Cheikh Ahmadou Bamba qui n’avait hâte que de partir comme nous le dit
dans un sermon Serigne Mouhamadou Fadilou Mbacké. deuxième khalife de la Mouridiyyah.

Il quitta Touba à la fin du mois de ramadan pour allait s’installer à Mbacké Bary. Il fut arrêté au bout de
cinq mois seulement et déporté en Mauritanie. Quel a été l’étincelle qui a mis le feu à la poudre pour
provoquer l’arrestation et l’exil de Cheikh Ahmadou Bamba?

Serigne Mouhamadou Fadilou Mbacké raconte que le Damel Samba Laobé était venu à Mbacké Bary
rendre visite au Cheikh d’où il a rencontré le nommé Mame Abdou Lo. Dans leur causerie, il lui avait fait
part de la fabrication d’un cachet par un forgeron à Saint-Louis citant son nom que son interlocuteur avait
retenu. Une fois arrivé dans la ville, il se rendit chez le fabriquant se faisant passer pour l’ami du roi. Il
ramassa une feuille et demanda devoir si le cachet est bon. Il mit le tampon en bas de la feuille qu’il lança. Il
récupéra la feuille au moment et y rédigea malicieusement, au nom de Samba Laobé et du Cheikh, une
bravade contre le gouverneur de Saint-Louis de se tenir prêt pour le combat.

Cette lettre semblait corroborer les soupçons du gouverneur général de la colonie française qui décida
de le convoquer à Saint-Louis capitale française de l’AOF. Il sera arrêté 18 safar 1313 soit le 10 aout 1895
sous prétexte que « ses agissements et ceux de ses talibés menacent de troubler la tranquillité du
Sénégal » (archives nationales) et ensuite l’exiler au Gabon en passant par la Guinée Conakry, la Cote
d’Ivoire, le Gabon, et la RDC. L’objectif de ce premier exil qui dura plus de sept ans ne visait que la
liquidation physique de Cheikh Ahmadou Bamba. Son seul tort c’est d’avoir voulu transmettre les
enseignements du Prophète (PSL).

Le chemin de l’exil souffre de rétention d’informations de la part de l’administrateur colonial. La


France actuelle ne consent toujours pas à éclairer un pan de cette histoire en favorisant la
consultation des archives dont elle dispose. Le responsable moral de la Daara Hizbut-Tarqiyyah,
une organisation islamique entièrement sous les auspices du Khalife Général des Mourides, dans
sa communication lors de la Conférence internationale de l’UNESCO à Lagos – Nigéria du 13 au 17
mars 2012, disait ceci : « l’histoire a besoin d’être écrite et concernant Cheikh Ahmadou Bamba, …
je sollicite l’accompagnement de l’UNESCO pour nous faciliter l’accès aux archives communicables
de plein droit sous réserve de l’article L 213-2 du code du Patrimoine français dans le régime des
documents administratifs communicables. ».

Nous tenterons de rapporter certains évènements marquants dans la déportation de Cheikh


Ahmadou Bamba au Gabon et relaté par le cheikh Ahmadou Bamba lui-même.

Dans le préambule de son carnet de voyage intitulé « Les dont du Très Digne de Reconnaissance en
réponse Abdoul Latif » le Cheikh Ahmadou Bamba raconte : « Je suis sorti le Samedi 4ème jour du mois de
Safar en l’an 1313.h (1895) de la demeure que j’avais édifiée sur la terre du Djoloff après avoir reçu la
convocation du Gouverneur de Saint-Louis, lequel s’accomplit entre lui et moi la Volonté Divine. »

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Dans son récit, il évoquera les différentes étapes et les péripéties de la mission. Au sortir de Mbacké
Bary, Il rencontra à Diéwol l’armée des spahis dirigée par le Commandant Leclerc pour son arrestation. Ses
protagonistes ont voulu rejoindre la région de Louga le même jour mais Cheikh Ahmadou Bamba refusa car
ne recevant pas l’ordre de son Seigneur de partir. Malgré leur nombre impressionnant devant l’unique
Cheikh Ahmadou Bamba, ils passèrent la nuit en ce lieu contre leur volonté. La raison s’explique, d’une
part, dans ce vers du poème « Assirou mahal abraari » écrit par Cheikh Ahmadou Bamba : « Je cheminais
en vérité, lors de ma marche vers l'Exil, en compagnie des Vertueux Gens de Badr alors que mes
persécuteurs étaient persuadés que j'étais leur prisonnier. ». Confirmé, d’autre part, dans les archives
nationales où cet évènement est paraphrasé en sept mots : «Il a failli y avoir une échauffourée.» Donc la
vue de l’armée céleste de Dieu ce qui explique leur docilité.

Après l’étape de Diéwol il devait se rendre à Saint-Louis en passant par Louga. A Saint-Louis Cheikh
Ahmadou Bamba nous dit : « J'ai subi dans cette île (Saint-Louis), au cours de cette période, des épreuves
que je n'évoquerai jamais, par courtoisie à l'endroit du Plus Digne de Reconnaissance. »

Nonobstant, il y a cette célèbre mise en confrontation avec un lion affamé organisée par l’administration
coloniale dans une petite cellule construite dans l’enceinte du jardin d’essai de Saint-Louis érigé par les
colons. En vérité, c’était un lieu de torture bâti par un martiniquais appelé Didier Mari faisant croire que cet
endroit servait à la promotion des produits tropicaux. Le lieu se situe dans l’actuel jardin de khor à Saint-
Louis.

Il faut aussi rappeler le verdict injuste du fameux procès organisé par le gouverneur général à Saint-Louis
Mr Merlin devant le conseil privé hypocrite et partisan : « Le conseil privé après avoir entendu les rapports
de monsieur Merlin et monsieur Leclerc, ont été unanimes d’interner Ahmadou Bamba jusqu’à ce que ses
enseignements soient oubliés au Sénégal » (archives du Sénégal).

Aujourd’hui, force est de constater que ses enseignements ont dépassé les limites du Sénégal, les
frontières l’Afrique et embrassent tous les continents. Une victoire éclatante qui est confirmée par ces
nombreux « Bamba’s days ou journées dédiées à Cheikh Ahmadou Bamba », manifestations culturelles
organisées aux Etats-Unis (New-York, Chicago, Harlem), au Canada (Montréal) et Europe (Italie, France,
Angleterre). En France, cette journée est toujours célébrée le 11 novembre de chaque année
correspondant à la date du retour en exil de Cheikh Ahmadou Bamba.

Cette date marque sans aucun doute l’impuissance, la défaite humiliante de la France devant un seul
homme sans arme à la merci de la puissance coloniale pendant près de huit bonnes années. C’est la force
de la foi en un seul Dieu et en son Prophète Mouhamad – PSL – qui fut l’unique déterminant dans cette
triomphe

Il fut transféré à Dakar pour être exilé. Ecoutons le Cheikh Ahmadou Bamba faire le récit : « le
Gouverneur me fit venir de la maison où j'avais l'intention de passer la nuit pour me reposer et m'incarcéra
dans une cellule dans laquelle on n'introduit pas quelqu'un à qui l'on veut de la quiétude ; j'entrai alors dans
cette cellule totalement obscure, m'abandonnant à CELUI Qui a dit "...à moins qu'on ne soit victime d'une
injustice..."(S.4 V.148), car je fus, quant à moi, en cette nuit bénie, victime d'une injustice. DIEU le TRES-
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HAUT m'a préservé, selon toute Sa Grandeur, de toute iniquité. » Cette cellule était obscure, souillée et
abominable souligne-t-il dans le paragraphe suivant.

Pour saisir exactement l’atrocité du supplice, laissons Cheikh Ahmadou Bamba nous le résumer :
« Chaque fois que je me souviens de cette nuit, de ce Gouverneur et de l'indécence. J'ai subitement une
tendance à la guerre par les armes, mais l'Effaceur (des péchés) me l'interdit. »

Un incident majeur se produit dans le bateau qui l’amener au Gabon. Il était encore victime d’une
machination barbare. « Un taureau se lança vers moi et chacun d'eux se mit à ricaner, persuadé qu'il allait
me massacrer. Le taureau s'envola comme s'il avait des ailes, par la Volonté de CELUI Qui m'a vengé de lui
(le Capitaine) et l'a déçu. »

En résumé de ses persécutions inhumaines il dira : « Lors de mon passage dans cette felouque, toutes les
épreuves vexatoires susceptibles d'être infligées à un persécuté ne signifiaient rien devant la mesure qui me
frappait, du fait de l'éloignement des miens (ma famille), de mes compagnons et de mes demeures, pour la
Face de CELUI Qui est TRES-BIENVEILLANT à mon égard, en tout lieu. »

Il fut déplacé à l’ile de Mayumba entouré d’une mer extrêmement houleuse avec un froid glacial qu’un
subsaharien habitué à un climat chaud et sec, et habitant dans le centre du Sénégal loin du littoral ne peut
supporter. Il prit en témoin la mer et l’ile de sa foi en un Dieu unique exempt d’associé. « Témoigne. Ô toi
l'île de Mayumba ! , que je suis l'esclave du REDEMPTEUR DES PECHES (DIEU) et que je suis le Serviteur de
l'Elu le Plus Pur (al Muçtafâ). Et témoigne surtout que je n'accorde aucune complaisance à un associateur,
étant moi-même ami et bien-aimé de Celui dont le Clan est honoré. »

« O toi océan ! Professe l'Unité Divine, ne sois pas trinitaire, car notre SEIGNEUR est au-dessus de la
trinité ; vénère-Le, IL est le SEIGNEUR. Sois agité et déchaîné par crainte de DIEU strictement, puis atteste
que je suis Son Esclave passionné. »

Après Mayumba, il fut envoyé à Lambaréné pendant un temps où il subit les épreuves les plus
impitoyables et vexatoires. « Je fus interné dans une autre île (Lambaréné) où j'ai subi des épreuves que
seul le retrait de l'âme est plus pénible… », « Je suis resté dans cet endroit un peu moins de trois ans,
préoccupé par le Service de l'Envoyé de DIEU, sur Lui, sur sa Famille et sur ses Compagnons, les deux Saluts
de CELUI Qui m'a préservé, par sa Grâce, de la ruse des abusés, des transgresseurs et des débauchés…»

Il raconta plus tard ce qui a failli être une tragédie lors de son passage à Libreville. Il fut ligoté à un arbre
pour être exécuté par une équipe de douze tireurs et leur chef devant la population. Après avoir exécuté le
commandement de tir, leur chef constata leur propre exécution et la présence de beaucoup de personnes
enturbannées. Le Cheikh Ahmadou Bamba écrivit : « Wahabalii wahaabou fii soulaasaa maa youhjiloul
archrata wa salaasaa. » « Ajaaraniyal hahaaru min jumlatil hidaa wa haanat houmou armaa houhoum wal
madaafihou. »

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Outre ses épreuves, Cheikh Ahmadou Bamba fut enterré vivant, jeté dans un bûcher, obligé de jeter sa
natte sur l’océan pour prier, bref toutes les tentatives de liquidation physique pour attenter à sa vie
restèrent vaines. La puissance coloniale française impuissante devant cet homme inoffensif mais animé
d’une foi ardente, constatant son échec cuisant décida de le retourner au Sénégal.

Finalement, Cheikh Ahmadou Bamba débarqua à Dakar le samedi 6 Chacbân 1320 H. (8 novembre 1902).
Il était revenu auréolé de gloire, comblé de bienfaits de la part de son Seigneur Détenteur de la Puissance et
de la Volonté. «Les faveurs imméritées que j'ai obtenues en provenance de DIEU ne se comptent plus dans
l'univers et c'est cela mon bonheur.» « DIEU m’a accordé des dons prodigieux qu’il n’a jamais accordés et
qu’Il n’accordera jamais à un contingent. » « Je ne doute guère de ma qualité de voisin intime du CREATEUR
DE L'UNIVERS, quel magnifique état ! » « C'est durant cette période de cinq ans (à Mayumba), par
l'alchimie desquels je finis par devenir comme un soleil brillant, que j'ai obtenu les Dons du Royaume
Céleste, … » Le Seigneur Tout-Puissant l’éleva à un haut rang spirituel qu’il attesta lui-même : « Le motif de
mon départ en exil est la volonté que DIEU a eu d'élever mon rang jusqu’auprès de lui, de faire de moi
l'intercesseur des miens et le serviteur eternel du Prophète. »

Ce fut un succès qui consacra la foi en Dieu et en son Prophète Mohammad (PSL) un rempart sûr devant
toute adversité. Cette victoire sonnait encore le glas d’une autorité qui, jusqu’ici, semblait être invincible et
qui avait lamentablement échoué.

Son internement au Gabon répondait au dessein des colons de faire oublier ses enseignements au
Sénégal si toute fois ils ne parvenaient pas à l’éliminer physiquement. Cependant il est revenu au pays
auréoler de gloire. Ce qui fut un constat d’échec pour ceux là qui ont anéanti tous les résistants armés de
l’Afrique occidentale. L’ampleur de l’échec était accentuée par le fait que Cheikh Ahmadou Bamba est parti
seul avec un ennemi très puissant, machiavel et déterminé à atteindre son objectif. Son retour fit une
réverbération dans la profondeur des âmes du pays. Ce triomphe contribua à rehausser sa notoriété au sein
de la population, à créer un sentiment d’admiration et d’estime très grand.

La doctrine instaurée par Cheikh Ahmadou Bamba se pérennisait, agrandissait son aire d’influence sur le
plan humain et géographique. Cheikh Ahmadou Bamba poursuivit l'éducation de ses disciples. Le
rayonnement de son enseignement était une source d'inquiétude car à terme ces disciples devenus
beaucoup plus nombreux n’exécutaient pas les ordres irréligieux des monarques, des marabouts et des
colons. Ils refusaient l’injustice et n’avaient ce complexe d’infériorité qui déteint sur les relations entre
l’oppressé et l’oppresseur. Cette formation spirituelle fut un gage de protection pour la basse classe sociale
qui était depuis la nuit des temps les opprimés de la société, mais aussi pour les princes vaincus par les
colons français.

Devant ces changements, sachant leurs intérêts menacés, les princes et les marabouts cherchèrent à
semer le doute, la méfiance, le désaccord entre l’autorité coloniale et Serigne Touba. Le colon voyait son
autorité défiée et sa politique d’assimilation des valeurs culturelles occidentales et d’évangélisation
menacées par cette puissante invite à l’Islam. Ce regain de foi l’inquiétait parce que l’assimilation et
l’évangélisation de ses colonies est une gage sûre de développement économique de la France comme le fut
la traite négrière.

19
Ils l’accusèrent à nouveau de vouloir mener la guerre sainte en s’installant stratégiquement, à son retour
d’exil, à Darou Manaan près de Darou Salam, au centre du Sénégal. Mais aussi en rassemblant ses talibés
qui détenaient des armes dans sa concession malgré une perquisition infructueuse. Ils calomnièrent ses
disciples en racontant qu’ils semaient l’anarchie, la désobéissance, l’insoumission, l’insubordination et la
rébellion dans tout le pays.

Ce sont là les motifs manifestes qui ont précipité sa déportation en Mauritanie la citadelle de l’élite
intellectuelle du monde arabe. Il est unanimement reconnu dans le monde arabe que la Mauritanie est et
demeure la terre des sciences religieuses, de la théologie musulmane. En l’expédiant en pays maure
d’origine arabe, le blanc voulait que le Cheikh souffre d’un complexe d’infériorité et par là devenir un de
leurs disciples. Il visait en même temps ses disciples qui seraient inéluctablement sujets de ceux-ci.

Il comptait aussi sur les conditions désertiques et climatiques d’une part, pour rendre difficile son séjour
et d’autre part, rendre le chemin périlleux pour ses disciples qui devaient affronter les attaques répétées
des brigands et les longues distances. Ces derniers mis au courant du dessein de ré exiler leur maître
formulèrent leur intention de combattre l’envahisseur jusqu’à ce que victoire s’en suive ou échec. « Rester
au pays et être exiler m’est égal. » leur dira-t-il. « Gardez votre calme et rendez grâce à Dieu de mon
expatriation et de mon retour. Je n’ai point besoin d’assistance de qui que se soit, aussi je n’ai point de
crainte envers mes ennemis. Mon destin est entre les Mains du Tout Puissant Qui en décide comme Il veut et
je me réjouis de son Décret. »

Le décret devin avait décidé de son déplacement en terre mauritanienne conformément à la parole de
Cheikh Ahmadou Bamba qui éclaire : « Quiconque assimile mon voyage à la fin de 1331/1903 (exil en
Mauritanie) à mon voyage au début de 1313/1895 (exil au Gabon) est un véritable ignorant car le second
voyage était un perfectionnement par le Très-Haut de ma vie. Ce voyage était une récompense de la part de
Celui Qui m’a réalisé la suite de Sa Promesse ».

Cette citation du Cheikh montre clairement la place qu’occupe cette étape dans sa vie d’exilé. En
effet, bon nombre de disciples donne une place prépondérante à l’exil au Gabon en référence aux
nombreuses, pénibles et avilissantes exactions qu’il a subi en ces lieux loin de sa famille et des siens. Il est
aisé de comprendre que le Cheikh veut nous faire comprendre par là que les épreuves furent beaucoup plus
difficiles et qu’une personne non investi d’une telle mission ne peut comprendre. En effet, au Gabon toutes
les épreuves subies n’ont qu’un seul but : la liquidation physique de sa personne tandis qu’en Mauritanie
elles étaient transcendantes, spirituelles. Dans son ouvrage « Irwanu Nadim ou l’abreuvement du
commensal », Serigne Mouhamadou Lamine Diop, un de ses disciples à qui il a raconté ses périples, précise
que cette épisode mauritanienne avait pour but de lui conférer une éminence spirituelle par les grâces du
Seigneur Le Tout Puissant. En voila les causes secrètes de ce deuxième exil en Mauritanie.

Cinq mois après son installation à Darou Mannan, ils commencèrent à lui envoyer des convocations et
des émissaires auxquelles il ne répondit pas non par refus mais parce qu’il ne se déplaçait jamais sans ordre
divin. Dans une lettre adressée à Cheikh Sidya (les archives du Sénégal, dossier Bamba, juin 1903, pièce
n°60) le gouverneur Merlin y fait état du refus catégorique du Cheikh dont il pense être en contradiction

20
avec les principes de l’Islam. Cette précision traduisait un prétexte pour justifier de son acte de vouloir
l’exiler.

Le Cheikh Sidya Baba, de lignée chérifienne, envoya donc une lettre au Cheikh Ahmadou Bamba pour
l’exhorter à répondre aux convocations du gouverneur d’une part, pour être en conformité avec la sharia,
d’autre part pour s’épargner des tourments des colonisateurs. Il avait beaucoup de peine pour le Cheikh
Ahmadou Bamba qu’il portait dans son cœur et ne voulait pas qu’il retourne aux horizons lointains. Il
suggéra alors de l’amener en Mauritanie au lieu du Madagascar en cas d’une nouvelle expatriation.

Après avoir reçu l’ordre de partir, Il prit départ une semaine après la célébration du mawlidin Nabii
(Gamou), le samedi 19 rabiul awal 1331 (13 juin 1903) en début d’après-midi. Informé de la date de départ
du Cheikh, ils envoyèrent six spahis pour son escorte faisant croire qu’ils l’ont arrêté. Il était mis à la
disposition de Cheikh Sidiya Baba avec une ampliation du gouverneur Merlin contenant la signature de
l’arrêté certifiant sa déportation.

Il avait rencontré Cheikh Sidya Baba chez les Banni Deymane. Il se conformait à la mode de vie ses hôtes
qui étaient de grands bergers nomades. Ceux-ci se déplaçaient au gré de la nature par conséquent, le
Cheikh était en permanence en déplacement d’un site à un autre : Saout el ma (Khomack), Sarsara, Tinetou
Moukhsine, Djarir etc. Arrivé à Sarsara, il décidait d’y rester car n’ayant pas encore reçu l’ordre de son
Seigneur. La stupéfaction et l’incompréhension d’une telle décision étaient grandes chez les disciples de
Cheikh Sidya qui le prenaient pour un disciple de leur maitre. Les interprétations ne cessaient d’augmenter.
« Je ne suis pas votre disciple et vous savez que vous n’êtes pas mon maître. D’ailleurs c’est un sacrilège
pour moi de m’attacher à un homme vivant sur la surface du globe terrestre ; ceci ce n’est pas parce que je
méprise les hommes, ni que je les minimise, mais pour la simple raison que le Prophète (PSL) est venu me
procurer une vision pour me rapprocher de lui, m’élever à un très haut rang et m’interdire de me détourner
de lui » lui avait écrit le Cheikh.

Dans cette même localité, Sarsara, le vendredi 05 ramadan 1322.h, qu’il avait reçu du Prophète
Mouhammad (PSL) le wird « Mahuz » en état de veille précise Cheikh Ahmadou Bamba. Il écrira dans un de
ses odes que ceux qui m’ont rendus visite à Sarsara auront la félicité ici-bas et dans l’au-delà. (Innal laziina
ila Sarsara khad khassadoû ziaratii faarakhou daarayni aw zaara). Lors de cet exil, ceux qui le fréquentaient
étaient comblés soit dans leur quête du savoir, soit impressionnés par son éminence spirituelle soit
satisfaits dans leur désir d’accéder à Dieu.

Ses premiers disciples étaient de la tribu Deymane dont le précurseur est Abdallah Ibn Boudiyah et ses
parents de la famille Dawahâdj. Il y avait également les chefs de la tribu des Hassaniyoun, de lignée
chérifienne descendant de Seydina Alioune (RA), très connu pour leur orthodoxie et leur maitrise de la
langue arabe. Certains chefs de la tribu Alawiyoun avec laquelle Cheikh Ahmadou Bamba entretenait de très
bonnes relations étaient ses disciples.

Voila que ceux qui étaient réputés être ses maitres spirituels devenaient ses disciples anéantissant ainsi
les ambitions du colon. Ils étaient unanimes à reconnaitre la dimension spirituelle singulière dont il
jouissait. A ce propos, le troisième Khalife de la Mouridiyyah a regroupé sous forme de recueil les
21
témoignages des chefs mauritaniens à l’égard de Cheikh Ahmadou Bamba. Parmi ces auteurs nous pouvons
citer Bou MEDYEN ibn El Cheikh Ahmad ibn SLIMAN, Cheîkh Hajj Mohammed Abdallah Al-Alawi, le petit fils
du Prophète (PSL) Cheikh Saad-Bou Habib. La liste est loin d’être exhaustive et les attestations recueillies
constituent une valeur historique indéniable par rapport à l’hagiographie du Cheikh Ahmadou Bamba.

Le petit fils du Prophète (PSL) Cheikh Saad-Bou Habib écrit : « Il est [Cheikhal Khadim] une aubaine
descendue sur l'humanité. Il est un des phénomènes d'ALLAH. La nature qui avait juré de nous ramener un
phénomène pareil, a menti et doit réparer ce blasphème ... ». Figurera en appendice de ce document
certains témoignages écrits par d’éminentes personnalités religieuses, politiques, colonialistes.
Beaucoup d’événements ont eu lieu en Mauritanie comme nous l’apprend Serigne Bachir Mbacké dans
son livre « Les bienfaits de l’éternel ». Mais aussi nous avons les témoignages des doyens d’âge comme
Serigne Amsatou Diakhaté, son oncle qui était avec lui en Mauritanie, en disent long. Enfin les écrits laissés
par les érudits mauritaniens constituent une source de référence.

Le séjour de Cheikh Ahmadou Bamba en Mauritanie ne fait que traduire ce qu’il avait écrit pendant son
adolescence dans son « Itinéraire du Paradis » (vers 47, 48, 49) : « Ne te laisse pas abuser par ma
condition d’homme noir pour ne pas en profiter », « L’homme le plus estimé auprès de Dieu, est celui qui le
craint le plus, sans discrimination aucune », « La couleur de la peau ne saurait être cause de l’idiotie d’un
homme ou de sa mauvaise conduite. »

C’est ce que le colon impénitent, très ignorant de la religion musulmane et de la dimension spirituelle du
Cheikh Ahmadou Bamba ne pouvait connaître. Il était abasourdi par la reconnaissance et la soumission des
mauritaniens envers le serviteur privilégié du Prophète (PSL). A la suite d'une demande du Gouverneur de
Mauritanie, témoin de ce nouvel échec, à son homologue du Sénégal, Cheikh Ahmadou Bamba est autorisé
à rentrer au Sénégal.

Il quittait la Mauritanie le vendredi 12 Rabiul Awal 1327.h/1907 pour rentrer définitivement au Sénégal.
Cependant le gouverneur à Saint-Louis décida de l’isoler et le mettre en résidence surveillée au village de
Thiéyène dans le Djollof. Le village de Thiéyène se situe dans le Ferlo, une zone aride où le climat est chaud
et sec avec une rareté des pluies pendant l’hivernage qui ne dure que de trois mois. Les conditions de vie
n’y étaient donc pas réunies pour permettre un regroupement humain. Malgré cela, le gouverneur avait
exigé du Cheikh Ahmadou Bamba un nombre limité de disciples (50) et de concessions. Ses visiteurs
devaient remplir à des certaines conditions pour accéder au village de Thiéyène. Il s’agissait d’une
déclaration dans laquelle figure l’identité du visiteur et de ses accompagnants, l’état des adiyas ou dons
pieux (nature ou espèce) emportés, le nombre de jours de visite. Ces obstacles n’avaient empêchés aux
talibés mourides, toujours plus déterminés, de rendre visite à leur guide spirituel.

Dans cette localité hostile à une vie mondaine mais très favorable à une vie ascétique, le Cheikh
Ahmadou Bamba avait continué la formation spirituelle de ses disciples. Leur ascension spirituelle faisait
écho dans le peuple qui aspirait à cet état. Ses disciples en permanence en extase réalisaient des prodiges
qui renseignaient de leur état, leur spiritualité.

Encore déçus dans leurs objectifs, ses ennemis le déplaçaient en l’an 1912 à Diourbel en résidence
surveillée avec l’idée de casser l’élan de cette formation car le milieu urbain n’offrait pas cette opportunité
22
pensaient-ils. La réponse de Cheikh Ahmadou Bamba était sans équivoque. « Ils ont décidé de m’amener à
Diourbel mais ils ignorent les secrets de ce déplacement. Ce déplacement est à leur fin et à leur perte tandis
que c’est pour moi un ancrage et une honorabilité. » (Râmo masîri ilâ Diourbel ladâ lasasine law hayyanou
sirra mâ fii sirri maa raamoo. Fa sayrou mawtoun alâ man nâzahou wa azane liya ibkhâou wa ikrâmou).

A Diourbel, comme partout ailleurs dans le pays, c’était la formation spirituelle des disciples, les visites
pour les diverses raisons suscitées. Parmi ses visites, il convient de rappeler la mémorable entrevue avec la
délégation médinoise venue solliciter ses prières pour la protection de la Cité illuminée (Madînatoul
Mounawwarah). En effet, en 1925, lorsque les wahhabites se rapprochèrent de Madînatoul Mounawwarah,
les autorités de la ville adressèrent au vénéré Cheikh Ahmadou Bamba du Sénégal, au mois de Rabî cu
Thaanî l’an 1343 H. la lettre ci après :

"Au Nom de DIEU, le CLEMENT, le MISERICORDIEUX.


Que la Prière et le salut de DIEU soient sur notre Seigneur Mouhammad, sur sa famille et sur ses
compagnons.
Après cela, cette présente est de la part des habitants de la Citée Illuminée (Madînatoul Mounawwarah),
les nobles (ashrâf), les imâms, les muezzins, las aghawât et l'ensemble des serviteurs de l'enceinte sacrée
(hurum) de l'Elu le Plus Pur (al muçtafâ) ; que la Paix et le salut de DIEU soient sur lui.
A l'éminentissime maître vertueux, Cheikh de la confrérie Qâdriya et des autres voies qui mènent à DIEU
et à son Envoyé, Guide spirituel des aspirants (murîdîn) dans la Voie Droite et la Loi Religieuse (Shari’a) du
Seigneur des Envoyés, en l'occurrence notre maître Cheikh Ahmad Bamba. Que la paix, la Miséricorde et la
bénédiction de DIEU, le TRES-HAUT, soient sur vous.
Nous venons auprès de votre autorité vous informer que les wahhabites sont proches de la cité illuminée
(Madînatoul Mounawwarah) et qu'à présent, nous sommes dans une profonde détresse.
Nous avons envoyé auprès de tous ceux qui ont le pouvoir de faire accéder à DIEU, dans tous les
horizons, pour qu'ils nous assistent en prières.
Ainsi, nous comptons pleinement sur vous, dans l'attente, à tout instant, de la bénédiction de vos prières
pour que DIEU nous délivre de ce qui nous hante, et ce, en raison de la parole de DIEU qui dit : « O vous qui
croyez ! Craignez DIEU et cherchez un intermédiaire pour accéder à Lui. »S5 V35
Et de la sentence Prophétique (hadîth) qui dit, selon Abu Mûsâ : « que le croyant soit pour le croyant
comme les pierres d'une bâtisse…», Rapportée par les deux maîtres ; et point vous ne perdrez de vue le
contenu de cette sentence Prophétique (hadîth) susmentionnée
Que la Paix, la Miséricorde et la Bénédiction de DIEU soient sur vous.
A bas de la lettre est apposée la signature des sept dignitaires garant de la mosquée de Médine comme
le montre la copie de la lettre en arabe en annexe de ce discours. Plus tard, après avoir eu satisfaction,
l’Imam de la moquée de Médine Cheikh Oumar Kourdiyou envoyait une autre lettre de reconnaissance au
Cheikh Ahmadou Bamba. (cf. annexe)

Diourbel fut aussi une période d’accalmie et d’observation pour ses ennemis contemporains. Ils eurent
la plénitude de côtoyer le Cheikh Ahmadou Bamba, de connaitre un peu de sa personnalité et de
reconnaitre leurs erreurs sur toutes les allégations portée contre lui. L’administrateur du Cercle de
Diourbel, le Commandant Antoine Jean Martin Arthur LASSELVES (1913-1915) écrivait dans un rapport : «Ce
Cheikh Bamba, détient certes une puissance innée dont la raison ne parvient pas à saisir la source et
expliquer la capacité de forcer la sympathie.
La soumission des hommes à lui est extraordinaire et leur amour pour lui les rend inconditionnels .Il
semble qu’il détienne une lumière prophétique et un secret divin semblable à ce que nous lisons dans
l’histoire des Prophètes et leurs peuples .Celui-là (le Cheikh) se distingue toutefois par une pureté de cœur,

23
par une bonté, une grandeur d’âme et un amour aussi bien pour l’ami que pour l’ennemi, qualités dans
lesquelles ses prédécesseurs l’auraient envié, quelque grandes fussent leurs vertus, leur piété et leur
prestige.
« Les plus injustes des hommes et les plus ignorants des réalités humaines sont ceux qui avaient porté
contre lui de fausses accusations consistant à lui prêter l’ambition du pouvoir temporel. Je sais que les
Prophètes et les Saints qui ont mené une guerre sainte l’ont fait sans disposer de la moitié de la force dont
dispose ce Cheikh …» (Archives Nationales du SENEGAL)
Et ce fut encore à Diourbel que le Cheikh Ahmadou Bamba reçu la consécration de son Seigneur. Serigne
Saliou Mbacké, dans son sermon prononcé le 1er safar 1412 (12 août 1991) à Touba à l’approche du grand
Magal, rappelait ceci : « C'est en ce jour là (18 safar) qu'il quitta sa résidence du Djoloff en direction de
SAINT-LOUIS en vue du chemin de l'exil. Ce jour alors, ce pour quoi il avait signé un pacte avec notre
SEIGNEUR et les épreuves qu'Il lui en fit endurer, à chaque fois que revenait ce jour. L'année suivante, ces
épreuves devenaient plus vivaces, plus lourdes, d'un poids bien supérieur à celui des précédentes.

Durant les sept années consécutives passées en exil Il s'agit de l'exil au Gabon, puis le quinquennat de sa
déportation en Mauritanie, puis les cinq autres de résidence surveillée au Djoloff (Thiéyène) et durant toutes
ces années qu'il demeura à DIOURBEL, quand revenait ce jour, il en était toujours ainsi.

C'est seulement lors du séjour de DIOURBEL qu'un Jour, alors qu'il attendait les mêmes épreuves et les
mêmes souffrances, les attendant comme toujours, ferme dans l'intention de les endurer, notre SEIGNEUR
lui prodigua en cela Son ordre, en lui faisant savoir que les épreuves sont désormais terminées :

« La peine est levée, toute la Mission qui t'a été assignée a été remplie. Tu as obtenu le prix de tout ce á
quoi tu aspirais. Il ne reste que la Rétribution et l'Action de Grâce. » QUELLE MERVEILLEUSE
CONSECRATION !

« J’ai obtenu des grâces au-dessus de la sonde de tout explorateur » dira le Cheikh Ahmadou Bamba. Ses
propos sont corroborés par nombreux de ses écrits à travers lesquels il exulte de bonheur et exalte son
Seigneur qui dit dans le saint Coran : « Et proclame les bienfaits de ton Seigneur » (S93V11). Dans ses odes
nous lisons :

« Le motif de mon départ en exil est la volonté que DIEU a eu d'élever mon rang jusqu’auprès de lui, de
faire de moi l'intercesseur des miens et le serviteur eternel du Prophète. »

«Je ne doute guère de ma qualité de voisin intime du CREATEUR DE L'UNIVERS, quel magnifique état ! »

DIEU m’a accordé des dons prodigieux qu’il n’a jamais accordés et qu’Il n’accordera jamais à un
contingent. »

« Les faveurs imméritées que j'ai obtenues en provenance de DIEU ne se comptent plus dans l'univers et
c'est cela mon bonheur.»

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Enfin, pour rendre grâce à son Seigneur et ce, à la hauteur des avantages obtenus, le Cheikh Ahmadou
Bamba recommanda le sacrifice en bétail jumelé aux actions dévotes conformément aux versets 34,35 et 67
de la sourate 22. « De la Poule au Chameau, je recommande á chacun d'y intervenir pour moi selon ses
moyens dans l'Action de Grâce ».

Depuis l’année 1921 les mourides observent cette recommandation de Cheikh Ahmadou Bamba. En
1948, le deuxième khalife de la Mouridiyyah, Serigne Fadilou Mbacké, dans sa perspicacité, fit de Touba le
lieu de rendez-vous du Magal où tous les fidèles convergent pour le célébrer.

Ainsi, au terme de sa vie en 1927 à Diourbel, le Cheikh Ahmadou Bamba légua à la communauté
musulmane, non seulement, ce jour rempli de bienfaits mais aussi l’unique système de valeurs capable de
sortir l’homme moderne de cette crise métaphysique, de rendre à l’homme à l’homme et l’homme à Dieu.
Ce système érige la tolérance et le pardon comme paramètre de paix social. Ce système considère le travail
comme un acte d’adoration de Dieu. Ce système est l’Islam revivifié dans sa forme originelle par le serviteur
privilégié du Prophète – PSL – à qui il incombait cette mission qu’il a vaillamment et merveilleusement
accomplie. De quelle mission s’agit-il ?

Disserter sur la mission de ce Moujahid, invite à remonter aux origines de l’Islam et à l’héritage
que notre Prophète a légué à l’humanité. Cette mission trouve son fondement dans la sentence
prophétique qui annonçait déjà : « Dieu envoie à la tête de chaque siècle quelqu’un pour raffermir
les humains dans leur religion ».

Il ne s’agit pas de répondre immédiatement à la question posée mais de montrer comment un


tel sujet est vaste. Cependant, un surf sur internet permet d’en savoir plus notamment dans le site
www.htcom.sn.

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Nous ne saurions conclure sans parler brièvement de l’unité dans la communauté islamique pour le
bonheur de laquelle le Cheikh Amadou Bamba a supporté toutes ces épreuves. D’ailleurs, l’Imam Younouss
Muamba de la mosquée SENFPU à Kananga, que nous remercions au passage, au nom de la communauté
musulmane, de sa disponibilité et de sa serviabilité pour tous les contingents sénégalais qui ont séjourné ici
à Kananga, reviendra plus largement sur ce thème non moins important.

Dans le saint Coran il est beaucoup question de l’unité des musulmans et des hadiths aussi. Le
Coran et la Sunna constituent la plateforme idoine source de l’unité musulmane. Dieu dit dans le
saint Coran : « Certes, cette communauté qui est la vôtre, est une seule et même communauté, et
Je suis votre Seigneur. ADOREZ-MOI » s21 v92. Cette communauté est différente des autres de par
les bases de son instauration, par sa personnalité historique et juridique, par son identité
constante et par sa pérennité dans sa mission et sa finalité. C’est dire donc que c’est une commu-
nauté unie par la même foi en un Dieu Unique exempt d’associé.
La profession de foi en un Dieu Un et Absolu, l’imitation au même prophète envoyé, Mouham-
mad (PSL), la référence à un même livre révélé, le Coran, la conformité à la même qibla, direction
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de prière, la Kaaba rendent cette communauté une et indivisible. C’est une union dans la diversité
non une unité dans la division, dixit Serigne Atou Diagne
En effets, malgré l’existence de quatre grandes écoles la communauté musulmane se partagent tout
l’héritage islamique. Dans la pratique religieuse les musulmans suivent les rites malikites, Chafites, Hanifites
et Imam Hanbalites qui utilisent les mêmes sources, le Coran et la Sunna. Par conséquent les différences ne
résident pas dans les fondamentaux de la religion mais dans les accessoires. « La divergence entre les
savants est une miséricorde de Dieu envers cette communauté » a dit-Imam Malik. Vue sous cet angle,
les confréries sont une miséricorde d’Allah.

Il est dommage de voir que certains frères musulmans ignorent cette sentence d’où une croyance
aveugle, fanatique. Le fanatisme est le lot des ignorants comme l’a bien dit l’Imam Al Ghazali. L’ignorance
est la maladie de l’âme, elle est la base de certains comportements sectaires. Celui qui meurt dans
l’ignorance finira en enfer d’après une sentence prophétique.

Sachons que tout ce qui unit la Umma est l’Islam, tout qui la divise n’est pas de la religion. Accepter la
différence de l’autre relève de la sagesse, rechercher les raisons de cette divergence est signe d’intelligence
et le haïr découle de la plus grande idiotie.

As salaamou ‘alaykoum wa Rahmatoul Laahi wa Barakaatouhou

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