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Cet ouvrage accompagne l’exposition « Broderies de tradition byzantine en Roumanie du XVe au XVIIe siècle.

Autour de l’Étendard d’Étienne le Grand », Paris, musée du Louvre, 17 avril – 19 juillet 2019.
Cette exposition est organisée dans le cadre de la Saison France-Roumanie 2019,
avec le soutien du ministère de la Défense nationale de Roumanie.

COMMISSAIRES DE L’EXPOSITION

Pour la partie française


Jannic Durand
Directeur du département des Objets d’art du musée du Louvre
Dorota Giovannoni
Documentaliste scientifique au département des Objets d’art du musée du Louvre

Pour la partie roumaine


Emanuela Cernea
Conservatrice en chef du département d’Art roumain ancien du Musée national d'art de Roumanie
Iuliana Damian
Conservatrice, département d’Art roumain ancien du Musée national d'art de Roumanie

M A N I F E S TAT I O N O R G A N I S É E D A N S L E C A D R E D E L A S A I S O N F R A N C E - R O U M A N I E 2 0 1 9

C O M I T É D E S M É C È N E S D E L A S A I S O N F R A N CE - R O U M A NI E 2 0 1 9 T R A N S P O R T E U R O F FP IACRI ETLE N A

© In Fine éditions d’art, 2019


© Musée du Louvre, Paris, 2019
ISBN In Fine : 978-2-902302-02-4
ISBN musée du Louvre : 978-2-35031-663-5

Dépôt légal : avril 2019


Imprimé en Union européenne

En application de la loi du 11 mars 1957 (art. 41) et du Code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992, toute reproduction
partielle ou totale à usage collectif de la présente publication est strictement interdite sans autorisation expresse de l’éditeur.
Il est rappelé à cet égard que l’usage abusif et collectif de la photocopie met en danger l’équilibre économique des circuits du livre.

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BRODERIES
de TRADITION
BYZANTINE
en ROUMANIE
du XV au XVII SIÈCLE
e e

Autour de l’Étendard
d’Étienne le Grand

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MUSÉE DU LOUVRE EXPOSITION ÉDITION

Jean-Luc Martinez Direction de la Médiation et MUSÉE DU LOUVRE


Président-directeur de la Programmation culturelle Sous-direction de l’Édition
Maxence Langlois-Berthelot Michel Antonpietri et et de la Production
Administrateur général Aline François-Colin Laurence Castany
Valérie Forey-Jauregui Adjoints à la directrice Sous-directrice
Administratrice générale adjointe Violaine Bouvet-Lanselle
Sous-direction de la Présentation
Anne-Laure Béatrix Chef du service des Éditions
des collections
Administratrice générale adjointe Coordination éditoriale
Fabrice Laurent
Vincent Pomarède
Sous-directeur Direction de la Recherche
Administrateur général adjoint
Pascal Périnel et des Collections
Jannic Durand
Chef du service des Expositions Anne-Myrtille Renoux
Directeur du département des Objets d’art
Valentine Magne Chef du service des Ressources
Dominique de Font-Réaulx
Coordinatrice de l’exposition documentaires et éditoriales
Directrice de la Médiation
et de la Programmation culturelle Karima Hammache-Rezzouk Suzanne Abou-Kandil
Chef du service Suivi des projets Collecte de l’iconographie
Émilie Langlet
Adjointe au chef de service
IN FINE ÉDITIONS D’ART
Muriel Suir
Scénographe Pierre Louette
Président-directeur général de SFPA
Patrick Compans
Conducteur de travaux Marc-Alexis Baranes
Directeur des éditions
Aline Cymbler
Chef du service des Ateliers Véronique Balmelle
muséographiques Directrice du développement
Karim Courcelles Stéphanie Méséguer
Adjoint au chef de service Responsable éditoriale et de fabrication

Sous-direction de la Médiation
dans les salles Anne Chapoutot
Relecture et corrections
Marina-Pia Vitali
Sous-directrice Nelly Riedel
Graphisme
Stéphanie Orlic
Chef du service de la Médiation Studio4c, Paris
graphique et Signalétique Photogravure
Carol Manzano
Chef de l’unité de Conception
graphique et signalétique
Frédéric Poincelet
Graphiste
Sophie Hervet
Chef de l’unité de Conception éditoriale
Cécile Guillermin
Coordinatrice graphique et signalétique

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COMITÉ D'ORGANISATION

PARTIE FRANÇAISE PARTIE ROUMAINE


Commissariat général Commissariat général Église orthodoxe roumaine
de la Saison France-Roumanie de la Saison France-Roumanie Sa Béatitude Daniel
Jean-Jacques Garnier Andrei Ţărnea Patriarche de l’Église orthodoxe roumaine
Commissaire général pour la France Commissaire général pour la Roumanie Son Éminence Teofan
Métropolite de Moldavie et Bucovine
Ministère de l’Europe Ministère des Affaires étrangères
Son Éminence Pimen
et des Affaires étrangères Teodor Meleșcanu
Archevêque de Suceava et Rădăuţi
Jean-Yves Le Drian Ministre des Affaires étrangères
Ministre de l’Europe et des Affaires étrangères Père Michael Tiţa
Doru Liciu
Conseiller patriarcal coordinateur,
Chef du service, Archives diplomatiques
Ministère de la Culture département Relations ecclésiastiques,
Monica Joiţa interreligieuses et Communautés
Franck Riester
Ministre conseiller, Archives diplomatiques ecclésiales externes
Ministre de la Culture
Marta Nedelcu Père Costin Spiridon
Institut français Chargée de mission Arts visuels, Patrimoine Conseiller patriarcal Communautés
Pierre Buhler Șerban Enescu ecclésiales externes
Président Chargé de mission Patrimoine, Père archimandrite Melchisedec Velnic
Anne Tallineau Musique classique, Innovation Abbé du monastère de Putna
Directrice générale déléguée Père archimandrite Nichifor Horia
Ministère de la Défense nationale Abbé du monastère des Trois-Saints-
Valérie Mouroux
Gabriel-Beniamin Leș Hiérarques de Iași
Directrice du département du
Ministre de la Défense nationale
Développement et des Partenariats Mère stavrophore Mihaela Cozmei
Nicolas Ruyssen Abbesse du monastère de Suceviţa
Ministère de la Culture
Responsable du pôle des Saisons et de l’Identité nationale
Musée national d’art de Roumanie
Pierre-Marie Bel Valer Daniel Breaz
Liviu Constantinescu
Coordinateur général des Saisons Ministre de la Culture
Directeur général par intérim
Laura Davy et de l’Identité nationale
Emanuela Cernea
Chargée de mission Arts visuels, Architecture, Alexandru Pugna
Conservatrice en chef du département
Patrimoine, Design au pôle des Saisons Secrétaire d’État
d’Art roumain ancien
Henri-Pierre Godey
Ambassade de Roumanie en France Iuliana Damian
Chargé de mission Communication
S. E. M. Luca Niculescu Conservatrice, département
au pôle des Saisons
Ambassadeur de Roumanie en France d’Art roumain ancien
Floriane Balac
Chargée de mission Communication au pôle Mioara Pituţ
Musée national d’histoire de la Roumanie
des Saisons Conseillère
Ernest Oberländer Târnoveanu
Directeur général
Ambassade de France en Roumanie
Oana Ilie
S. E. Mme Michèle Ramis
Conservateur en chef
Ambassadrice de France en Roumanie
du departement histoire
Institut français en Roumanie Cristiana Tătaru
Hélène Roos Conservatrice, Cabinet numismatique
Conseillère de Coopération
et d’Action culturelle, directrice Institut culturel roumain
de l’Institut français de Roumanie Liliana Ţuroiu
Présidente
Irina Petrescu
Attachée culturelle, directrice déléguée Doina Marian
de l’Institut français de Bucarest Directrice de l’ICR Paris

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Prêteurs
Roumanie
Bucarest, ministère des Affaires étrangères de Roumanie, Archives diplomatiques
Bucarest, Musée national d’art de Roumanie
Bucarest, Musée national d’histoire de Roumanie
Iași, monastère des Trois-Saints-Hiérarques
Putna, monastère
Suceviţa, monastère de Suceviţa

France
Paris – La Courneuve, Archives du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères,
Montauban, musée Ingres
Nanterre, La Contemporaine. Bibliothèque de documentation internationale, archives, musée des mondes
contemporains
Paris, Bibliothèque nationale de France
Paris, Bibliothèque universitaire des langues et civilisations (BULAC)
Paris, Collège de France. Bibliothèque byzantine
Paris, École pratique des Hautes Études (EPHE), Collection chrétienne et byzantine - Photothèque Gabriel Millet
Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques
Paris, musée du Louvre, département des Objets d’art

Remerciements
Les commissaires de l’exposition souhaitent exprimer leur plus profonde gratitude aux deux commissaires
généraux de la Saison France-Roumanie, M. Andrei Ţărnea et M. Jean-Jacques Garnier, pour leur soutien
constant et enthousiaste, ainsi que, pour leur très grande bienveillance, Leurs Excellences M. Luca Niculescu,
ambassadeur de Roumanie en France, et Mme Michèle Ramis, ambassadrice de France en Roumanie.
Leur plus vive reconnaissance s’adresse également aux autorités religieuses de Roumanie sans l’agrément
desquelles l’exposition n’aurait pu avoir lieu sous cette forme, Sa Béatitude Daniel, patriarche de l’Église
orthodoxe roumaine, Son Éminence Teofan, métropolite de Moldavie et Bucovine, Son Éminence Pimen,
archevêque de Suceava et Rădăuţi, ainsi que les R. P. Michael Tiţa et Costin Spiridon, conseillers du
patriarche.
Ils souhaitent aussi remercier très vivement M. Jean-Luc Martinez, président-directeur du musée du
Louvre, M. Maxence Langlois-Berthelot, administrateur général, ainsi que Mme Valérie Forey-Jauregui,
M. Vincent Pomarède et Mme Anne-Laure Béatrix, administrateurs généraux adjoints, et M. Alberto Vial,
conseiller auprès du président-directeur.
Leur reconnaissance s’adresse également à M. Pierre Buhler, président de l’Institut français, Mme Anne
Tallineau, directrice générale déléguée, Mme Valérie Mouroux, directrice du département du
Développement et des Partenariats, M. Nicolas Ruyssen, responsable du pôle des Saisons, ainsi que
Mmes Laura Davy et Floriane Balac, M. Henri-Pierre Godey. Ils tiennent aussi à exprimer leur grati-
tude à l’égard de l’Institut français en Roumanie, à Mme Hélène Roos et Mme Irina Petrescu, ainsi qu’à
M. Vincent Lorenzini, à Iaşi.
Leur plus profonde gratitude s’adresse aussi, pour la générosité des prêts qu’ils ont bien voulu consentir, au
R. P. archimandrite Melchisedec Velnic, abbé du monastère de Putna, au R. P. archimandrite Nichifor Horia,
abbé du monastère des Trois-Saints-Hiérarques à Iaşi, et à la Mère stavrophore Mihaela Cozmei, abbesse du
monastère de Suceviţa. Leurs remerciements s’adressent également à M. Liviu Constantinescu, directeur
général par intérim du Musée national d’art de Roumanie, à M. Ernest Oberländer Târnoveanu, directeur
général du Musée national d’histoire de la Roumanie, et à Mme Cristiana Tătaru, conservatrice, ainsi qu’à
M. Doru Liciu, chef des Archives diplomatiques au ministère des Affaires étrangères de Roumanie, et à
Mme Monica Joiţa, ministre conseiller. Ils associent à leurs remerciements les responsables des établisse-
ments français qui ont bien voulu participer par leurs prêts à cette exposition : M. Hervé Magro, directeur
des Archives du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, et Mme Isabelle Richefort, adjointe ;
Mme Laurence Engel, présidente de la Bibliothèque nationale de France, M. Jean-Marc Chatelain, direc-
teur de la réserve des livres rares, et Mme Nathalie Coilly, conservatrice ; Mme Florence Viguier-Dutheil,

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directrice du musée Ingres à Montauban ; Mme Valérie Tesnière, directrice de La Contemporaine,
Bibliothèque, archives, musée des mondes contemporains à Nanterre ; Mme Marie-Lise Tsagouria, direc-
trice de la Bibliothèque universitaire des langues et civilisations à Paris ; M. Vincent Deroche, directeur du
Centre d’histoire et civilisation de Byzance, et M. Guillaume Lebailly, directeur de la Bibliothèque byzan-
tine ; M. Jean-Michel Verdier, président de l’École pratique des Hautes Études à Paris, et Mme Hélène
Frimour, directrice générale des services ; enfin, au musée du Louvre, M. Xavier Salmon, directeur du
département des Arts graphiques.
Les commissaires de l’exposition tiennent également à dire tout ce qu’ils doivent aux coordonnateurs de
l’organisation logistique, en particulier pour la partie roumaine Mmes Oana Ilie et Cristiana Tătaru au Musée
national d’histoire, Mme Marta Nedelcu et M. Şerban Enescu au ministère des Affaires étrangères, mais
aussi, pour la partie française, au musée du Louvre, Mme Valentine Magne.
Les commissaires remercient très chaleureusement tous ceux qui, en Roumanie, ont aidé à la réalisation de
ce projet, en particulier le R. P. Mihail Gheaţău, conservateur du musée du monastère des Trois-Saints-
Hiérarques à Iași ; le R. P. Elefterie Ionesie, conservateur du musée du monastère de Putna, et le R. P. Timotei
Tiron, photographe, ainsi que le R. P. Mardarie Mariniciu, auteur des schémas des notices ; au monastère
de Suceviţa, la moniale Veronica Prichici, conservatrice du musée, ainsi que les restauratrices Mmes Elena
Marţineac, Maria Papuc et Eugenia Sidoriuc, et le photographe, M. Petru Palamar ; au musée de Bucovine
à Suceava, M. Constantin Emil Ursu, directeur général, Mme Monica Dejan, conservatrice en chef du
service d'Archéologie et tous leurs collègues ; au Musée national d’histoire de Roumanie, Mme Cristina
Olteanu, conservatrice, et M. Marius Amarie Axinte, photographe ; au Musée national d’art de Roumanie,
Mmes Puia Oprea, Lucreţia Pătrășcanu, Manuela Popa et Carmen Tănăsoiu, conservatrices, Mmes Maria
Bădici, Silvia Boca, Raluca Cașaru, Rodica Marin, Sorina Marin, Iolanda Turcu, restauratrices, ainsi que
les photographes MM. Costin Miroi, Ioan Păun, Marius Preda, Ionuţ Velculescu et, à la photothèque du
musée, Mmes Adriana Constantinescu et Anca Miroi.
La reconnaissance des commissaires s’adresse aussi à tous ceux qui, au musée du Louvre, ont permis
la présentation de l’exposition. À la Médiation et Programmation culturelle : Mme Dominique de
Font-Réaux, directrice, Mme Aline François et M. Michel Antonpetri, adjoints, Mme Laurence Castany, sous-
directrice de l’Édition et de la Production, M. Fabrice Laurent, sous-directeur de la Présentation des collec-
tions, Mmes Aline Cymbler, Karima Hammache et Émilie Langlet, ainsi que MM. Karim Courcelles et Pascal
Périnel, et Mme Muriel Suir, pour la scénographie, et tout particulièrement M. Patrick Compans ; M. Pascal
Gouget et l’atelier de montage ; Mme Cécile Chauveau et l’atelier encadrement dessins ; M. Didier Joaquim
et l’atelier tapisserie ; M. Sébastien Nee et l’atelier éclairage ; M. Alain Caisé et l’atelier transport ; M. Jean-
Louis Jasawant et l’atelier installation ; M. Jean-Louis Ruellan et l’atelier métallerie ; M. Bruno David et l’atelier
support muséographique ; au service des Éditions, Violaine Bouvet-Lanselle, pour sa confiance amicale ;
au service de la Médiation dans les salles, Mmes Marina Piat-Vitali, Carol Manzano et Cécile Guillermin-
Bianchi, ainsi que M. Frédéric Poincelet ; à la direction de la Recherche et des Collections, Mme Anne-Myrtille
Renoux et tout particulièrement Mme Suzanne Abou-Kandil pour sa patience. Enfin, ils souhaitent remercier
les restauratrices en textiles, Mmes Cécile Argenton, Agathe Strouk et Alice Vrinat.
Les éditeurs du catalogue souhaitent dire toute leur reconnaissance aux auteurs qui ont bien voulu se
joindre à eux pour la rédaction de ce livre, M. Matei Cazacu, le R. P. Alexie Cojocaru, l’arch. Nichifor Horia,
Mme Monica Joiţa, M. Doru Liciu, Mme Ioanna Rapti, le R. P. Gherasim Soca et Mme Cristiana Tătaru,
ainsi qu’aux spécialistes de paléographie slavonne et grecque de l’Université de Bucarest, de l’Institut
des études sud-est européennes de l’Académie roumaine et de l’Institut de linguistique Iorgu Iordan-Al.
Rosetti de l’Académie roumaine, qui ont assuré le relevé et la transcription des inscriptions : Mmes Ștefania
Dumbravă, Oana Iacubovschi, Ruxandra Lambru, M. Alexandru Mareș et Mme Zamfira Mihail.
Ils souhaitent également remercier très vivement pour leur aide généreuse : Mgr Ioachim, archevêque de
Roman et Bacău, et la moniale Cornelia Poienariu, conservatrice du musée de l’Archevêché, l’archiman-
drite Policarp Chiţulescu, directeur de la Bibliothèque de la Patriarchie roumaine à Bucarest, M. Răzvan
Theodorescu, vice-président de l’Académie roumaine, et M. Eugen Nicolae, directeur de l’Institut
d’archéologie Vasile Pârvan, ainsi que Mme Brigitte Alasia, MM. Gabriel Badea-Păun, Yves Badetz,
Bernard Berthod, Lionel Britten, Mme Nano Chadzidakis, MM. Sébastien Chauffour, Waldemar Deluga,
Emmanuel Dion, Christian Förstel, François Miran, le R. P. Marcu Petcu, MM. Olivier Renaudeau, Filip
Scarlat, Luc Vandenhende, le R. P. Gruia Zamfirescu, et, au département des Objets d’art, Mmes Marie-
Cécile Bardoz, Marie-Elsa Dantan, Anne Dion, Christine Duvauchelle, Catherine Gougeon, Irène Juilet,
Fatiha Mihoubi, Catherine Voiriot, et M. Florian Meunier.
Enfin, ils tiennent à remercier très chaleureusement les éditions In Fine et tout particulièrement, pour leur
patience et leur vigilance, Mme Stéphanie Méséguer, responsable éditoriale, Mme Nelly Riedel, pour la
maquette, et la relectrice attentive, Mme Anne Chapoutot.

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Les auteurs
MATEI CAZACU,
chercheur honoraire au CNRS, Paris

EMANUELA CERNEA,
conservatrice en chef du département d’Art roumain ancien, Musée national d’art de Roumanie, Bucarest

PÈRE ALEXIE COJOCARU,


responsable scientifique au monastère de Putna

IULIA DAMIAN,
conservatrice au département d’Art roumain ancien, Musée national d’art de Roumanie, Bucarest

JANNIC DURAND,
directeur du département des Objets d’art, musée du Louvre, Paris

DOROTA GIOVANNONI,
documentaliste scientifique au département des Objets d’art, musée du Louvre, Paris

ARCHIMANDRITE NICHIFOR HORIA,


abbé du monastère des Trois-Saints-Hiérarques à Iași

MONICA JOIŢA
Ministre conseiller, Archives diplomatiques, ministère des Affaires étrangères, Bucarest

DORU LICIU
Chef du service, Archives diplomatiques, ministère des Affaires étrangères, Bucarest

IOANNA RAPTI,
directrice d’études à l’École pratique des Hautes Études, PSL, Paris

PÈRE GHERASIM SOCA,


responsable scientifique au monastère de Putna

CRISTIANA TĂTARU,
conservatrice au département des Médailles et trésor historique, Musée national d’histoire de Roumanie, Bucarest

Relevés et transcriptions des inscriptions


ȘTEFANIA DUMBRAVĂ,
Université nationale d’art, Bucarest

OANA IACUBOVSCHI,
Institut des études sud-est européennes de l’Académie roumaine, Bucarest

RUXANDRA LAMBRU,
Université de Bucarest

ALEXANDRU MAREȘ,
Institut de linguistique Iorgu Iordan – Al. Rosetti de l’Académie roumaine, Bucarest

ZAMFIRA MIHAIL,
Institut des études sud-est européennes de l’Académie roumaine, Bucarest

Schémas
R. P. MARDARIE MARINICIU,
Monastère de Putna

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Sommaire
Préface 11

Introduction 12
JANNIC DURAND

Les principautés roumaines à la fin du Moyen Âge 16


MATEI CAZACU

La broderie de tradition byzantine en Roumanie (XIVe-XVIIe siècle) 20


EMANUELA CERNEA et IULIA DAMIAN

La bannière liturgique d’Étienne le Grand 26


CRISTIANA TĂTARU

Panoplie sacerdotale 34
JANNIC DURAND

Panoplie liturgique et étoffes sacrées décoratives 55


JANNIC DURAND

Couvertures de tombeaux et portraits funéraires 68


JANNIC DURAND ET DOROTA GIOVANNONI

Épilogue 78
IOANNA RAPTI

Bibliographie 84

Crédits photographiques 88

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Préface
Le musée du Louvre est particulièrement heureux d’accueillir, dans le cadre de la saison croisée qui accom-
pagne la présidence de l’Union européenne par la Roumanie en 2019, un ensemble unique au monde de
broderies religieuses de tradition byzantine.
Ces broderies sont pour quelques semaines réunies autour de l’une des plus prestigieuses d’entre elles,
l’Étendard d’Étienne le Grand, voïévode de Moldavie de 1457 à 1504, un chef-d’œuvre remis par la France
à la Roumanie en 1917, qui retrouve ainsi à l’occasion de cette exposition le ciel parisien.
Les plus anciennes de ces broderies ont été créées dans les principautés roumaines au moment de la chute
de Byzance, au XVe siècle. Elles en ont perpétué la splendeur, prolongeant jusqu’au milieu du XVIIe siècle
l’héritage formel et spirituel du grand empire disparu. Elles sont même parfois devenues le seul souvenir
tangible de traditions byzantines dont tous les témoins se sont évanouis. C’est en particulier le cas des
extraordinaires voiles de tombeaux princiers.
Ces broderies ont provisoirement pris place au cœur des collections du Moyen Âge et de la Renaissance
du département des Objets d’art, avec lesquelles elles sont venues en quelque sorte dialoguer, dans les
lieux mêmes où furent présentés, en 2001, le trésor de Conques et, l’an dernier, le trésor de Preslav.
Je souhaite remercier très chaleureusement tous ceux qui, en Roumanie et en France, ont permis à cette
manifestation de voir le jour et œuvré ensemble à sa réalisation, en particulier tous les prêteurs qui ont bien
voulu confier quelques-uns de leurs plus précieux trésors au musée du Louvre.
Je souhaite enfin que les visiteurs du musée puissent à leur tour découvrir ces chefs-d’œuvre insignes du
patrimoine de la Roumanie et du patrimoine universel qui sont venus à leur rencontre.

JEAN-LUC MARTINEZ
Président-directeur du musée du Louvre

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Introduction
Le 28 juillet 1917, par un bel après-midi d’été, une cérémonie tout à fait extraordinaire, immortalisée par
quelques photographies, se déroulait dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne (fig. 1), largement relayée
par une presse parisienne et nationale enthousiaste et unanime, toutes tendances politiques confondues1.
Ce jour-là, en présence du président de la République, Raymond Poincaré, des membres du corps diplo-
matique, de l’Institut, des grands corps de l’État, de l’Université française et d’une foule dense d’invités, la
France remettait solennellement à l’État roumain, entré en guerre aux côtés des Alliés en août 1916, l’Éten-
dard d’Étienne le Grand (cat. 1). C’était une broderie enrichie d’or et d’argent représentant saint Georges
trônant à qui s’adresse une prière du voïévode de Moldavie Étienne III le Grand (1457-1504).
La broderie provenait du monastère de Zographou, sur la Sainte Montagne de l’Athos, où l’armée du
général Sarrail, commandant en chef des armées alliées d’Orient, s’en était emparé quelques mois plus
tôt, en février, dans le cadre des opérations des Alliés sur le front de Macédoine de l’hiver 1916-1917 et
du contrôle de l’Athos par un corps expéditionnaire franco-russe. L’Étendard ou « drapeau », comme le
désignent les documents d’archive à l’époque (cat. 2 à 5), était connu de la littérature savante roumaine
depuis sa première publication par Teodor T. Burada en 1883, mais aussi grâce au livre de Nicodème P.
Kondakov sur les trésors artistiques de l’Athos publié à Saint-Pétersbourg en 1902 2. Il était, surtout, bien
connu du consul général de Roumanie à Salonique, Gheorghe G. Ionescu, qui avait même essayé de
l’acquérir des moines, et c’est finalement avec le concours de l’armée française à Salonique et du capi-
taine d’état-major Gilbert Gidel, professeur de droit international dans le civil et futur recteur à Paris3 , que
l’Étendard fut pris à Zographou. Le 18 avril, pour plus de sûreté, le « drapeau » quittait Salonique à bord
d’un bâtiment de guerre français pour rejoindre la légation roumaine à Paris4.
Comme l’écrit l’un des nombreux journalistes présents le 28 juillet, « la Sorbonne a vu, depuis la guerre,
bien des cérémonies imposantes ; elle n’en aura pas vu de plus belle que celle qui eut lieu hier, dans le
grand amphithéâtre, pour la remise solennelle de l’Étendard d’Étienne le Grand à M. Alexandre Lahovary,
ministre de Roumanie à Paris […]. On y voit saint Georges, patron du monastère, assis sur un trône et
écrasant le dragon sous ses pieds, tandis que deux anges posent une couronne sur sa tête. Après l’exé-
cution de la Marseillaise et de l’hymne national roumain par la Garde républicaine, poursuit le rédacteur,
M. Paul Deschanel a prononcé une de ces harangues nobles, substantielles et vibrantes dont il a le secret.
Il a rendu un hommage éclatant à l’intervention roumaine, qui cimente à jamais l’union de la France et de
sa sœur latine5 ». D’autres discours furent prononcés par le général Malleterre, commandant des Invalides
1. Pour la presse parisienne, Le Figaro et directeur du musée de l’Armée, le ministre Lahovary et Albert Thomas, alors ministre de l’Armement,
consacre à l’événement un long article ;
La Croix et L’Intransigeant précisent que entrecoupés de chants et de poèmes6. Un programme imprimé conserve le détail de cette cérémonie
la cérémonie débuta à 14 h 30 ; Le Monde (cat. 2 et 5).
illustré et L’Instantané reproduisent l’une
des photographies prises en Sorbonne et À l’occasion de la présidence roumaine de l’Union européenne et de la Saison roumaine en France,
L’Illustration une photographie de la France accueille à nouveau pour trois mois au sein des collections médiévales du département des
l’Étendard (no 3882, p. 89). La Revue
hebdomadaire (no 32, p. 248-287) donne
Objets d’art du musée du Louvre cette œuvre insigne, symbole du passé médiéval glorieux des anciennes
également un récit de la cérémonie. principautés roumaines, mais aussi de la naissance, durant la Grande Guerre, de la Roumanie moderne,
Il faudrait aussi citer L’Écho de Paris, qui, en 2018, a célébré son centenaire. C’est pourquoi, à côté de l’Étendard d’Étienne le Grand, il a paru
L’Humanité, Le Matin, Le Petit Journal,
La Presse, Le Temps… naturel d’exposer quelques-uns des documents qui retracent son histoire récente depuis l’Athos jusqu’en
2. Burada, 1883 ; Kondakov, 1902, Roumanie, via la France, tout en s’interrogeant sur l’iconographie relativement rare du martyr trônant que
p. 250-251.
saint Georges partage notamment avec saint Démétrios (cat. 6).
3. Bucarest, Archives du ministère des
Affaires étrangères, Fonds de la Exécuté en 1500 pour Étienne le Grand, l’Étendard est aussi, par son iconographie et sa technique
Première Guerre mondiale, vol. 25, d’exécution, un chef-d’œuvre de la broderie religieuse de tradition byzantine dont les monastères et les
pièce 268, télégramme du 21 février 1917.
Je remercie très vivement M. Doru Liciu musées de Roumanie possèdent aujourd’hui un ensemble exceptionnel, qui se déploie depuis le milieu du
et les Archives du ministère des Affaires XVe siècle jusqu’au milieu du XVIIe, et avec lequel ne peuvent guère rivaliser que les monastères de l’Athos
étrangères de Roumanie de m’avoir
communiqué ce document. Sur Gilbert
ou les collections russes. C’est en particulier le cas dans les deux anciennes principautés de Moldavie et
Gidel, voir Scelle, 1958. de Valachie, qui, avec la Transylvanie, sont aux sources de la Roumanie moderne. Il était donc tentant de
4. Cat. 2, pièces 10 à 12. Oberländer- replacer l’Étendard d’Étienne le Grand dans ce contexte, et de mettre en relief autour de lui cette richesse
Târnoveanu, Guran et Ilie, 2011, p. 54-55,
fig. 44 et 45. du patrimoine roumain, qui est aussi l’un des fleurons du patrimoine universel, à travers un choix volontai-
5. Le Journal, 29 juillet 1917. rement restreint de chefs-d’œuvre.
6. Plusieurs journaux reproduisent des Un premier ensemble de broderies appartient à ce que l’on peut appeler, en paraphrasant une nomencla-
extraits des discours, et Le Gaulois l’un
des poèmes, « Ceux de là-bas », dans son
ture ancienne, la « panoplie sacerdotale » orthodoxe, c’est-à-dire le costume liturgique hérité de Byzance,
intégralité. à travers quelques-uns de ses éléments les plus caractéristiques. À leurs côtés, le saint Denis du manuscrit

12

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Les principautés roumaines
à la fin du Moyen Âge
La Roumanie contemporaine est formée de quatre grandes régions géographiques et historiques. Au
sud, entre Bas-Danube et Carpates méridionales, la Valachie1 a joué dans l’histoire roumaine le rôle que
l’Ile-de-France et le Piémont ont rempli respectivement dans l’histoire de France et dans celle de l’Italie ;
sa capitale, Bucarest, est devenue en 1862, après l’union avec la Moldavie, celle de la Roumanie moderne
et, à la même époque, le parler de cette région s’est imposé comme langue nationale. À l’est, l’ancienne
Moldavie, entre Carpates orientales, mer Noire et Dniestr, est divisée en trois régions : la Moldavie occi-
dentale, qui fait partie de la Roumanie, la Moldavie orientale ou Bessarabie, qui forme la République
actuelle de Moldavie, et, enfin, les régions du Nord (Bucovine du Nord) et du Sud (Bugeac), rattachées
depuis Staline à l’Ukraine. Au sud-est, la Dobroudja, unie à la Roumanie en 1878, en forme la façade
maritime entre Bas-Danube et mer Noire. Enfin, la Transylvanie, réunie à la Roumanie en 1918, est la
région septentrionale située à l’ouest, entre Carpates orientales, méridionales et occidentales. Carpates,
Danube et mer Noire représentent donc les principales coordonnées géographiques de la Roumanie, un
peu excentrée vers l’est au sein de la péninsule balkanique, un pays qui a pu être comparé à un bastion (la
Transylvanie) entouré de pentes descendant en amphithéâtre dans toutes les directions.
Les plus anciens habitants identifiés sur ces territoires sont les Gètes, en Valachie et en Moldavie, puis les
Daces, dans l’ouest et le nord en Transylvanie, qui, un siècle plus tard, unifient à leur profit les territoires
conquis par Rome sous Trajan entre 101 et 106. La colonne Trajane à Rome retrace encore l’histoire des
guerres avec les Daces. La Dacie devient une riche province romaine, la Dacia felix, où les troupes demeu-
rées sur place et les colons romains exploitent les richesses du sous-sol, notamment le sel, l’or et l’argent,
et se mélangent avec les autochtones, tandis que les langues locales sont supplantées par le latin, au point
que les mots d’origine dace dans le roumain moderne n’excèdent pas quelques dizaines – une situation
somme toute comparable à celle de la Gaule et de l’Espagne romaine.
Abandonnée par Rome vers 271-275, la Dacie est cédée aux Goths installés comme alliés (fœderati).
Les villes disparaissent aux IVe et Ve siècles sous le coup des invasions qui se succèdent : Wisigoths et
Ostrogoths, Huns, qui s’installent dans la plaine hongroise, Gépides, qui fondent un éphémère royaume
au VIe siècle en Transylvanie, et enfin Slaves à partir du début du VIIe siècle dans toute la péninsule balk-
anique. Au nord du Danube, ces derniers sont néanmoins assimilés par les populations daco-romaines,
qui donnent naissance à la langue roumaine, une langue latine cependant truffée de mots slaves. Sans
appartenir à l’Empire byzantin, les Roumains gravitent toutefois dans son orbite grâce aux échanges éco-
nomiques et aux mouvements de populations pour lesquelles le Danube n’a jamais constitué une frontière.
1. En roumain Ţara Românească,
littéralement « pays des Roumains ». L’installation des Bulgares au sud du fleuve à la fin du VIIe siècle ne rompt pas pour autant ces liens.
2. Par exemple : biserica (basilica, l’église, La christianisation des Slaves méridionaux au IXe siècle, l’une des plus belles victoires idéologiques et poli-
conservé en français sous la forme
ancienne bazoche), a crede (credo-
tiques de Byzance, s’opère grâce à des missionnaires parlant leur langue, dirigés par Cyrille († 869) et
credere), cuminec (communicare, Méthode († 885). Les empereurs byzantins et l’Église grecque ont compris la nécessité de les convertir non
communion), Dumnezeu (Domine Deus, pas en grec ni en latin, comme l’avait tenté Rome, mais en slavon, l’idiome parlé par les Slaves. L’invention
attesté sous Aurélien, pour Dieu),
a boteza (baptizare), creștin (christianus), d’un alphabet propre, le cyrillique, et la traduction des livres saints dans la langue vernaculaire ont été déci-
cruce (crux), înger (angelus), les noms sives dans un processus où les Bulgares ont joué un rôle et qui englobe, un siècle plus tard, la Russie. Les
des jours de la semaine et toutes
les fêtes religieuses, etc. disciples de Cyrille et Méthode ont évangélisé toute la péninsule balkanique mais aussi « rechristianisé » les
3. Ainsi : vladica (maître, évêque), Roumains convertis aux IVe-Ve siècles par des missionnaires latins venus de Dalmatie. Cette situation tout
sfânt (saint), mucenic (martyr), à fait unique en Europe orientale se reflète dans le vocabulaire religieux roumain, dont les termes fonda-
troiţa (Trinité), a spovedi (confesser),
praznic (fête), post (jeûne), etc. mentaux sont très anciens2. En revanche, l’apport du vocabulaire du rite byzantin-slave est dominant dans
4. Constantin VII Porphyrogénète le domaine de l’organisation de l’Église, des cérémonies et des prières, de nature dogmatique et liturgique3 ,
(912-959) les mentionne dans le
et va de pair avec l’usage de l’alphabet cyrillique.
De administrando Imperio, distinguant
des sujets hellénophones (Romaioi) L’installation des Hongrois en Pannonie à la fin du IXe siècle bouleverse l’équilibre de la région, mais leurs
les Romanoi, colons de Rome installés armées sont écrasées en 955 à la bataille du Lechfeld par l’empereur germanique Otton Ier. Menacés de
par Dioclétien en Dalmatie. Les sources
byzantines enregistrent ensuite disparition, les Hongrois choisissent le baptême dans le rite latin, le pape Sylvestre plaçant en 1001 leur
ces populations sous le nom de Vlaques royaume sous la protection de Rome. D’autres tribus hongroises, cependant, ont poursuivi leurs pillages
en Macédoine occidentale puis en
Thessalie (à partir de 976) et, finalement,
vers l’est. La Transylvanie les attire par ses richesses naturelles : or, argent, forêts et gisements de sel,
en 1185-1186 dans les monts Balkans. une denrée indispensable à l’alimentation des troupeaux, exploitée et expédiée par voie fluviale. Les plus

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La broderie de tradition
byzantine en Roumanie
(XIVe-XVIIe siècle)
L’histoire de la broderie de tradition byzantine en Roumanie est intimement liée aux usages et à la liturgie
de l’Église orthodoxe, mais elle est aussi associée à tous ceux qui ont voulu durant des siècles accompagner
leur prière de ces extraordinaires « poèmes » en images.
Si l’on excepte un modeste fragment byzantin du XIe ou du XIIe siècle mis au jour en Dobrogea à Dinogetia1,
cette histoire commence au XIVe siècle, lorsque s’émancipent de la domination hongroise les principautés de
Valachie, vers 1330, et de Moldavie, vers 1365, et que s’organisent dans l’une et l’autre une Église nationale2.
Les nouveaux États se sont tournés vers l’Église de Constantinople et non vers Rome et la papauté, dont
l’emprise est soutenue en Europe orientale par les souverains hongrois de la dynastie angevine. C’est de
cette époque que date, en Valachie, le document le plus ancien relatif à un trésor ecclésiastique de bro-
deries, celui offert en 1374 au monastère de Vodiţa, fondé par le voïévode Vladislav Ier (1364-1377). Sans
être précisément décrits, les « vêtements sacerdotaux en soie, les voiles d’iconostase faits de brocart, l’épi-
trachelion et les épimanikia cousus de fils d’argent » cités dans la charte princière3 montrent l’utilisation dans
l’espace liturgique de tissus et de broderies d’un grand luxe quelques années seulement après la création
de la première métropole ecclésiastique de Valachie à Curtea de Argeș. Vodiţa est également lié au nom
de saint Nicodème, un moine serbe formé à l’Athos, fondateur du monachisme en Valachie, auquel la
tradition rattache trois broderies aujourd’hui au monastère de Tismana. Deux d’entre elles – un orarion ou
épitrachelion et un épigonation (fig. 1-2) – ont appartenu au métropolite de Valachie Anthime Critopoulos,
dont elles portent le monogramme et qui a pu les offrir aux moines de Tismana en 1380 4. Une autre brode-
rie, un médaillon ornant un phelonion que la tradition associait à Nicodème (fig. 3), se distingue par un style
libre plus proche de la tradition serbe que grecque. Le fait, en faisant abstraction du décor de perles et de
pierreries plus tardif, semble bien concorder avec une légende locale qui veut que Nicodème ait porté ce
vêtement lors d'une ordalie à laquelle il fut soumis en 1406 par le roi de Hongrie.
L’épitaphios de Cozia (fig. 4), daté de 6904 dans le comput byzantin (1395-1396), compte au nombre des
incunables de l’épitaphios byzantin5. Il est l’un des plus anciens connus, représentant la Lamentation sur
le corps du Christ, et doté d’une inscription tout autour de la bordure. Plus encore, la prière Que fasse
silence toute chair mortelle, extraite de la liturgie de la Semaine sainte, apparaît pour la première fois sur
un épitaphios, preuve que l’office religieux orthodoxe contenait déjà alors la séquence la plus importante
dédiée à la lamentation et à la commémoration de l’ensevelissement du Christ le Vendredi saint. Le rôle
de cette broderie dans la liturgie pascale ressemblait donc sans doute à la fin du XIVe siècle à celui des
épitaphioi d’aujourd’hui. La découverte récente d’un épitaphios daté de 1534-1535 au musée de l’Université
de Bloomington (Indiana)6, attribué à un atelier valaque et dont l’inscription liturgique reprend celle de
l’épitaphios de Cozia, confirme le statut particulier dont ce dernier jouissait alors et laisse penser qu’il aurait
pu être offert par le fondateur même de Cozia, le prince Mircea Ier l’Ancien (1386-1394 et 1397-1418).
Tenter d’identifier l’atelier de l’épitaphios de Cozia, comme pour bien d’autres broderies de Roumanie ou
des Balkans, soulève de nombreuses questions auxquelles il est impossible de répondre ici. Il faut néan-
moins signaler que l’épitaphios de Cozia inaugure le bilinguisme, grec et slavon, le slavon étant utilisé
pour les inscriptions liturgiques annexes et le grec pour le champ iconographique principal. L’explication
est simple : la broderie était destinée à un espace liturgique de langue slavonne mais était redevable
d’un modèle byzantin. La valeur « iconique » du modèle a donc été transmise sans altération au-delà des
1. Barnea, 1964, p. 435. frontières linguistiques de Byzance, les inscriptions grecques acquérant en elles-mêmes une valeur symbo-
2. Istoria Românilor, 2001, III, p. 571-589. lique. Le caractère iconique du modèle s’érige même en canon après la disparition de l’Empire byzantin au
3. DRH, B, I, p. 17-18. milieu du XVe siècle, dont l’héritage culturel est désormais aux mains de l’Église. L’autorité du modèle s’est
4. Millet, 1947, I, p. 4.
accrue, le « conservatisme » de l’art byzantin devenant, dans ce contexte, un authentique manifeste de foi
5. Sur l’origine et le terme d’épitaphios,
voir infra, p. 32. et de survie de la culture grecque. La persistance des modèles grecs et leur circulation dans tout l’espace
6. Schilb, 2009, p. 138-142. de l’orthodoxie rendent évidemment difficiles l’identification des ateliers et, plus encore, leur localisation.

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La bannière liturgique
d’Étienne le Grand
Comme l’atteste l’inscription votive qu’elle porte, La pièce a subi deux restaurations fondamen-
la bannière de saint Georges autrefois au monas- tales. La première intervention, très lourde, a été
tère de Zographou au Mont Athos, chef-d’œuvre effectuée à la fin du XIXe siècle par les moines du
de la broderie moldave, fut exécutée pour le monastère de Zographou : la broderie a été sépa-
prince Étienne le Grand (1457-1504). Toutefois, rée de son support original de soie, très abîmé,
à la différence de bien d’autres dons de ce prince perdant alors tout vestige de ce qui se trouvait au
au monastère de Zographou, les circonstances de revers, et a été fixée et collée sur un autre support,
son arrivée sur la Sainte Montagne et son histoire de velours rouge cerise. La seconde intervention,
avant le XIXe siècle demeurent inconnues. La pre- dans les années 2000, s’est surtout préoccupée
mière information remonte à 1882 : à l’occasion d’un de transposer la broderie et les inscriptions sur un
voyage d’étude en Macédoine et en Thessalie, nouveau support, moins contraignant, en soie dou-
Alexandru M. Pencovici visite le monastère de blée de lin, et d’enlever toutes les colles et reprises
Zographou et remarque la bannière avec son maladroites. Grâce à des photographies anciennes,
inscription en slavon au nom d’Étienne le Grand, on sait aussi que la couronne de saint Georges était
soigneusement gardée par les moines. Quelques encore au début du XXe siècle enrichie de perles et
mois plus tard, Teodor T. Burada et Radu C. de pierres précieuses, aujourd’hui disparues. On
Pătlăgeanu visitent à leur tour le monastère. La sait aussi, par le recoupement d’autres sources, que
bannière est exposée à l’intérieur d’une vitrine en le revers de la bannière était à l’origine occupé par
bois dans la bibliothèque. Burada, qui la publie en une image de la Résurrection4.
1883, signale alors l’état de dégradation très avancé L’image de saint Georges sur la bannière est issue
de la broderie, ainsi que l’intention des moines de des modèles byzantins, mais elle se distingue ici
la restaurer. Entre cette date et 1898, année où par l’adoption d’un type iconographique très origi-
une mission russe de l’historien de l’art Nicodème nal. En tant que saint militaire, saint Georges est
Kondakov dresse un inventaire du patrimoine des ordinairement représenté à Byzance soit à cheval,
monastères de l’Athos, des interventions mal- terrassant le dragon, soit debout en armes. Le saint
heureuses sont effectuées sur la bannière, qui en conserve ici la tenue militaire, épée brandie, tandis
modifient la forme d’origine1. qu’à ses pieds apparaît sous une forme presque
Dès 1915, le diplomate Gheorghe C. Ionescu aimable le dragon terrassé, doté de trois petites
tente de négocier auprès des moines pour le têtes. Toutefois, contrairement à la tradition, saint
compte de l’État roumain le rachat de la brode- Georges est représenté comme un souverain, assis
rie, en échange de laquelle l’abbé de Zographou sur un trône ordinairement réservé à la Vierge ou
demande la restitution de l’immense domaine de au Christ. Les deux anges en vol qui placent une
Dobrovăţ, en Moldavie, qui avait été concédé au couronne sur sa tête et qui tiennent dans leurs
monastère par Basile le Loup en 16512, ou la somme mains une épée et un bouclier reprennent une
de 100 000 francs, que l’État roumain ne peut lui formule propre à l’iconographie impériale byzan-
offrir. En 1917, du fait de la présence d’un déta- tine et revêtent, dans ce contexte, une importance
chement armé franco-russe au Mont Athos, il est toute particulière. En Moldavie, en effet, l’image de
très rapidement envisagé de rapatrier la bannière saint Georges trônant n’est pas inhabituelle à cette
en Roumanie. Cependant, en raison du contexte époque. Elle se retrouve dans les fresques du nar-
politique et militaire défavorable, il est finalement thex de l’église du monastère de Voroneţ, fondé en
décidé, par prudence, d’envoyer la pièce à Paris. 1488 par Étienne le Grand, ainsi que sur une icône
Solennellement remise par la France à la Roumanie ancienne conservée dans celui de Neamţ. Une
1. Pour l’histoire de la bannière :
Oberländer-Târnoveanu, Guran et Ilie,
le 28 juillet 1917 (cat. 5 et fig. 1, p. 13), la bannière icône moldave abritée dans une collection privée
2011, p. 38-41, 111-113. de saint Georges entre dans le patrimoine du de Thessalonique témoigne également de l’intérêt
2. Coman, 2009, p. 124-125. Musée national militaire à Bucarest le 22 janvier pour ce type iconographique dans les ateliers de la
3. Oberländer-Târnoveanu, Guran et Ilie,
2011.
1920. Cinquante ans plus tard, elle est transférée principauté5.
4. Ibid. au Musée national d’histoire de Roumanie nouvel- Parmi les hypothèses avancées pour expliquer
5. Sabados, 2004-2005, p. 91-93. lement créé3 . l’émergence de cette iconographie, l’une d’elles,

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6. Icône : Saint Démétrios trônant Les saints militaires, pour lesquels les Byzantins ont eu une très grande vénération,
Signée du peintre Victor sont le plus souvent représentés en armure, debout, ou chevauchant et terrassant
Crète ou Venise, entre 1660 et 1697 le dragon1. Ils sont aussi quelquefois figurés en armes et trônant, couronnés par
Tempera sur bois
des anges, selon une formule attestée dès le XIIIe siècle pour saint Démétrios, qui
H. 32 ; L. 27 cm
installe les saints militaires sur le trône réservé aux martyrs dans le ciel2 et qui dérive
Inscription en grec identifiant le saint, de part et d’autre de
sa tête : ‘Ο ‘ΑΓ(ιος) ΔΗΜΗΤΡΙΟC (« Saint Démétrios ») peut-être aussi de l’iconographie impériale byzantine. Cette formule a connu un
Signature dans l’angle inférieur gauche : [Χείρ] ΒΙΚΤΟPO[ς] relatif succès dans la peinture post-byzantine3 . L’icône est l’œuvre d’un peintre
(« main de Victor ») de qualité à la production relativement abondante – on connaît une soixantaine
Provenance : Ancienne collection du cardinal Fesch avant 1839 (no 827), d’icônes de sa main – actif en Crète et à Venise de 1660 à 16974.
acquise avec un pendant représentant sainte Catherine (MI 352 /
J. D.
MI.D.885.11) pour le musée du Louvre avec l’ensemble de la collection
Campana en 1861 ; déposée au musée de Montauban en 1872.
Montauban, musée Ingres, MI.D.885.12
1. Walter, 2003.
Bibliographie : Cataloghi Campana, 1858, classe VIII, p. 2, no 13 ; Reiset,
1863, p. 12, no 4 ; Drakopoulou, 2010, p. 194, no 61 ; Thiébaut et Mognetti, 2. Grabar, 1952.
2018, p. 343-344, fig. 101b. 3. Dumitrescu, 1989 ; Chatzidakis, à paraître.
4. Chatzidakis, 1987, p. 192-201.

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Panoplie sacerdotale
Les vêtements sacerdotaux orthodoxes ont une d’environ 10 à 15 cm, et offre aux brodeurs un ter-
origine commune avec ceux de l’Église latine. Ils rain d’élection : médaillons enfermant tantôt des
ont cependant peu à peu évolué vers des formes saints à mi-corps (cat. 11 et 13), tantôt des scènes
plus ou moins distinctes qui se sont progressi- de la vie du Christ (cat. 10), mais aussi des pro-
vement cristallisées à Byzance. Tous ont aussi phètes, des apôtres, des martyrs, des évêques ou
une valeur sacrée qui tient à leur usage dans la des ascètes, représentés debout sous des arca-
célébration du sacrifice divin et à la signification tures (cat. 12, 14 à 16). Le Christ, entouré de la
symbolique qui leur a été attachée au cours des Vierge et de saint Jean Baptiste intercédant pour
siècles1. l’humanité, occupe aussi volontiers la partie supé-
Pour la liturgie, à la fin du Moyen Âge byzantin, rieure de l’écharpe, qui repose sur l’arrière du cou
les célébrants sont vêtus d’une aube ou sticha- du célébrant. À la prière (Déisis) des deux inter-
rion 2, une tunique de forme relativement simple cesseurs sont ainsi associés les saints représentés
et au décor généralement sobre. Sur le sticharion, au-dessous9. Des glands passementés, parfois
rayé de bandes pour les évêques, ils portent le enrichis d’ornements métalliques, alourdissent les
phelonion 3 , un équivalent de la chasuble latine, extrémités, tandis que des boutons permettent
vêtement très ample avec une ouverture au centre de resserrer les deux pans au niveau de la poi-
pour pouvoir y passer la tête 4 . Le phelonion se dis- trine, et que des cours de menues perles peuvent
tingue alors souvent par un décor géométrique souligner les lignes du dessin. En outre, les extré-
qui se développe à partir des XIIe et XIIIe siècles mités comportent souvent un décor géométrique
autour du motif de la croix, de petite ou de grande ou floral inscrit dans un carré ou un rectangle où
dimension, plusieurs fois répété, voire utilisé à peuvent aussi prendre place les inscriptions dédi-
fond perdu, comme sur celui récemment retrouvé catoires, voire les portraits des donateurs (cat. 10
en Roumanie à Roman, témoin exceptionnel d’un à 15).
type de vêtement en général disparu mais bien Les évêques ou métropolites se distinguent de
connu à travers les peintures des manuscrits et les leur côté par le port de pièces de vêtement qui
décors de fresques des églises (voir fig. 8, p. 25). leur sont en principe réservées. Le saint Denis
Aux poignets sont fixées des manchettes litur- du manuscrit des Œuvres de Denis l’Aréopagite
giques ou épimanikia 5 (cat. 20). Les épimanikia, (cat. 7) et le saint Nicolas attribué à Michel
longtemps réservés aux seuls évêques, enserrent Damaskinos (cat. 8) en donnent une parfaite
les poignets et sont très souvent ornés des images illustration vers 1400 et à la fin du XVIe siècle. Les
de l’Annonciation, symbole de l’Incarnation, évêques ont le privilège du port de l’omophorion 10 ,
l’ange et la Vierge se répartissant sur chaque élé- équivalent du pallium latin mais plus large, dont
ment de la paire. Plus rarement, les épimanikia ne subsistent plus guère pour la fin du Moyen
représentent des scènes de la vie du Christ qui se Âge que des fragments de croix ou de médaillons
1. Woodfin, 2004 ; Woodfin, 2012. répondent, illustrant par exemple l’Enfance et la isolés ou en remploi sur des pièces plus tardives.
Voir aussi Walter, 1982, p. 7-31, et, pour Passion, ou des thèmes à connotation eschatolo- Le port de l’épigonation 11, inconnu comme tel de
le costume épiscopal de la période
du IXe au XIIIe siècle : Thierry, 1966. gique tels que l’Ascension, la Pentecôte, la Trinité, l’Église latine, les distingue également. Il s’agit
2. En grec : στιχάριον. la Glorification de la Vierge 6 ... d’une pièce d’étoffe rigide en forme de losange,
3. En grec : φαιλόνιον. Enfin, autour du cou du célébrant, au-dessus du d’une trentaine de centimètres de côté, suspen-
4. Sur ce terme, voir aussi Parani, Pitarakis sticharion et au-dessous du phélonion, prend place due à la ceinture au niveau de la cuisse droite.
& Spieser, 2003, p. 155. Voir aussi Clugnet,
1895, p. 141-142, s.v. στιχάριον. l’épitrachelion (épitrachilion / épitrachèlion)7, ver- Ce dernier accessoire est l’ultime métamorphose
5. En grec ἐπιμανίκια ; en roumain : sion orthodoxe de l’étole latine8 . Attestés avant d’une sorte de mouchoir, ou encheirion, porté en
mânecuţe / rucaviţe.
le IXe siècle, les plus anciens exemplaires à être Orient au creux de la ceinture du sticharion, cousin
6. Millet, 1947, pl. CXVIII à CXXVIII.
7. En grec : ἐπιτραχήλιον ; en roumain : parvenus jusqu’à nous remontent aux XIVe et de celui qui, dans l’Église latine, porté à la main, a
epitrahil. XV e siècles. Symbole par excellence de la prêtrise, donné naissance au manipule. Leur origine com-
8. Sur ce terme : Parani, Pitarakis et Spieser, l’épitrachelion est probablement la pièce la plus mune remonte aux premiers siècles de l’Église12.
2003, p. 155.
9. Millet, 1947, pl. I à CXVII.
luxueuse du vêtement sacerdotal, et aussi celle L’épigonation prend forme à Byzance autour du
10. En grec : ὠμοφόριον. qui s’est en général le mieux conservée dans les XIII e siècle : trois exemplaires, dont deux ornés
11. En grec : ἐπιγονάτιον ; en roumain : trésors des églises, où une valeur affective, liée au d’images, sont déjà cités en 1200 parmi les orne-
nabederniţă ; Clugnet, 1895, p. 53 et 158.
commanditaire ou au premier possesseur, lui est ments sacerdotaux brodés du trésor de Patmos,
12. Berthod et Hardouin-Fugier, 1996,
p. 308, s.v. Manipule. souvent accordée. L’épitrachelion affecte la forme précisément associés à des épitrachelia, à des
13. Astruc, 1981, p. 22 : 44. d’une longue écharpe, d’une largeur constante épimanikia et à un omophorion 13 . L’épigonation

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Cat. 10. détail, prière au mont des Oliviers Cat. 10. détail, Pentecôte

Cat. 10. détails, Étienne le Grand et son fils Alexandre


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Panoplie liturgique
et étoffes sacrées décoratives
Héritée de Byzance, la panoplie des textiles uti- est la plus courante, sans exclure d’autres images
lisés dans la liturgie orthodoxe à la fin du Moyen eucharistiques, telle celle du Christ Enfant offert
Âge1 comprend plusieurs pièces indispensables à dans la patène8.
la célébration de l’eucharistie ou Divine Liturgie : Le plus grand des trois voiles, d’abord disposé
voiles de patène et de calice, aërs, épitaphioi. Liés au-dessus du pain et du vin préparés pour la consé-
par essence aux Saintes Espèces et à l’accomplisse- cration, est porté à l’autel en procession sur les
ment du rite, ces tissus ont un caractère sacré. Plus épaules du prêtre qui traverse l'église, la patène et le
largement, on peut aussi leur associer les éléments calice dans ses mains au cours de la Grande Entrée.
textiles du mobilier des églises, habilement regrou- Cette procession symbolise le sacrifice du Christ
pés en 1925 par Orest Tafrali sous l’expression et explique l'iconographie de ce voile évoquant Sa
d’« étoffes sacrées décoratives2 » : voiles ou rideaux mort. Il est ensuite placé sur le calice et la patène,
d’iconostase, voiles ou podea des icônes, couver- qu’il couvre ensemble une fois déposés sur l’autel.
tures de lutrin, bannières de procession… Au moment de la récitation du Credo, le célébrant
Trois voiles servent à couvrir la patène et le calice soulève l’aër et l’agite au-dessus de la patène et du
durant la célébration eucharistique : les deux calice en signe du Saint-Esprit. Le voile est ensuite
plus petits, quelquefois aussi dits « petits aërs3 », plié et remisé sur l’autel. L’aër de Putna, qui compte
couvrent respectivement la patène 4 et le calice5. Le au nombre des plus anciens conservés, représente
troisième, l’aër proprement dit, plus grand que les la Déploration du Christ après la Déposition de la
deux autres, de forme rectangulaire, est destiné à Croix, en accord avec les conceptions des théolo-
couvrir à la fois le calice et la patène déjà protégés giens, qui commentent la Grande Entrée comme
par les petits aërs6. Le monastère de Putna conserve une mise au tombeau symbolique du Christ, une
un ensemble complet exceptionnel, offert en 1481 iconographie qui singularise aussi l’épitaphios.
par Étienne le Grand (cat. 22). Les voiles de calice L’épitaphios9, ou grand aër, désigne en effet un
et de patène les plus anciens qui nous soient par- voile liturgique de grandes dimensions sur lequel
venus sont ceux datés vers 1185-1195 du trésor de se développe le thème de la Déploration du Christ
la cathédrale d'Halberstadt en Allemagne, et qui ou Lamentation (ou encore Thrène). Son usage est
furent rapportés de Constantinople après 1204, réservé aux processions des Vendredi et Samedi
à l’issue de la quatrième croisade, par l’évêque saints. À cette occasion, l’épitaphios est porté
Conrad de Krosigk7. Ils représentent les apôtres, autour de l'église par des diacres sur leurs épaules,
répartis en deux groupes, communiant des mains comme le montrent les représentations byzantines
du Christ sous les deux espèces – Corps pour la de la Divine Liturgie céleste (cat. 23). Le terme
1. Woodfin, 2004 ; Schilb, 2009 ;
patène et Sang pour le calice. Issue de modèles de épitaphios s’est imposé dans la littérature moderne
Woodfin, 2012 ; Betancourt, 2015. la fin de l’Antiquité, parfaitement adaptée au rôle pour ce voile, simplement désigné dans les sources
2. Tafrali, 1925. des deux voiles dans la liturgie, cette iconographie et sur les inscriptions anciennes en tant qu’aër. Ona
3. Woodfin, 2004 ; Woodfin, 2012.
4. En grec : diskokalumma
(δισκοκάλυμμα) ; en roumain :
pocrovăţ / acoperământ de disc.
5. En grec : potirokalumma
(Ποτηροκάλuμμα) ; en roumain :
pocrovăţ / acoperământ de potir.
6. Clugnet, 1895, s.v. Kalumma et
diskokalumma.
7. Meller, Mundt et Schmuhl, 2008,
p. 282-285, no 81 ; Betancourt, 2015,
p. 493, fig. 2.
8. Millet, 1947, p. 72-73 et pl. CLVIII ;
Woodfin, 2004, p. 295-296. Pour le
Christ Enfant dans la patène (Mélismos) :
Rapti, 2002 ; Constantinidi, 2008.
9. En grec : Επιτάφιος ; en roumain : epitaf.
Sur l’épitaphios et son développement dans
la liturgie : Betancourt, 2015. Fig. 1. Épitaphios, vers 1300, Thessalonique, musée de la Culture byzantine

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Cat. 22B. Voile de calice, Communion des Apôtres sous l'espèce du vin

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Couvertures de tombeaux
et portraits funéraires
Les trésors de Roumanie abritent un dernier torien byzantin Georges Pachymère, qui signale
ensemble de broderies qui se rattachent à la tradi- dans la nef de Sainte-Sophie à Constantinople
tion byzantine, peut-être le plus précieux de tous : un portrait de Michel VIII Paléologue, « Nouveau
ce sont les couvertures et voiles de tombeaux ou Constantin », brodé d’or sur une étoffe violette, ins-
draps mortuaires qui, brodés à l’effigie des princes, tallé entre deux colonnes par le patriarche Germain
recouvraient leurs tombeaux dans les chapelles (1265-1266) 2 . Ils ont pu servir aussi de références.
funéraires des églises. Le drap funéraire de Marie de Mangop est le plus
Le plus vénérable par son ancienneté est celui de la ancien voile du monde orthodoxe à présenter
princesse byzantine Marie de Mangop, deuxième le défunt allongé sur son tombeau. Des étoffes,
épouse en 1472 d’Étienne le Grand, ensevelie en plus ou moins luxueuses, pouvaient couvrir des
1477 dans l’église du monastère de Putna. Étienne tombeaux à Byzance aux XIVe et XVe siècles : Ruy
le Grand avait fondé ce monastère une dizaine González de Clavijo, ambassadeur du roi de
d’années plus tôt pour en faire la nécropole de sa Castille, qui visite Constantinople en 1403-1404,
famille. Il y fut à son tour enterré en 1504. Le drap signale à l’église Saint-Georges des Manganes
de Marie de Mangop (cat. 29), long de près de la « sépulture d’une impératrice, faite de jaspe, et
deux mètres, représente la princesse dans son der- couverte d’un tissu en soie3 ». Son témoignage
nier sommeil, les yeux clos, les mains jointes sur la est cependant trop imprécis pour que l’on puisse
poitrine dans l’attente de la résurrection, figée dans savoir en quoi consistait le décor éventuel de cette
un apparat glacé hérité de Byzance. Les pieds et étoffe. Des icônes funéraires peintes sur panneau
les mains menus, le cou serré dans un haut collet, de bois, à l’instar des fresques représentant le
le visage impavide, la grande et haute couronne défunt en prière, étaient parfois placées dans les
évasée enrichie de gemmes et de perles, le corps églises byzantines près de la tombe des princes 4 ,
effacé sous un lourd manteau de brocart sont issus comme plus tard en Russie 5 . Sous les Paléologues,
des représentations impériales et princières byzan- l’une d’elles est décrite par le poète Manuel Philès
tines de l’époque des Paléologues (cat. 30). († 1345) 6 , tandis que quelques vestiges subsistent :
Les aigles bicéphales byzantins et le monogramme une icône, qui n’est plus connue que par une pho-
des Paléologues, aux angles du drap, rappellent tographie, du prince bulgare Jean Asen, neveu
les origines prestigieuses de la princesse. Moins de par alliance de l’empereur Jean VI Cantacuzène,
vingt ans après la chute de Constantinople, Étienne celle d’une enfant à Korčula (Croatie), ou encore
le Grand, par son mariage avec Marie de Mangop, la grande icône chypriote de 1356 provenant de
1. Voir Babuin, 2001, en particulier p. 28-32.
2. Pachymérès, éd. 1984-2000, IV, p. 675-677
revendiquait à son compte une partie de l’héri- l’église de la Panaghia Chrysaliniotissa à Nicosie7.
et note 91, p. 676. Voir Rochette, 2005. tage impérial byzantin, comme le grand-prince Ces icônes sont toutefois conçues pour être pré-
3. Clavijo, éd. 1990, p. 121. de Moscou Ivan III, qui épouse lui aussi la même sentées et vues verticalement, à la différence
4. Margensill, 2013, en particulier p. 232-235.
année une princesse Paléologue, Zoé Sophie. Ce d’une étoffe posée sur un tombeau, et montrent le
5. Voir cat. exp. Paris, 2010, no 181 (icône
funéraire de Basile III du Musée historique vœu pourrait à lui seul expliquer l’iconographie défunt vivant, aux côtés de la Vierge ou aux pieds
de Moscou, après 1533). retenue pour le drap funéraire. Le portrait prin- du Christ. Le drap de Marie de Mangop la montre
6. Margensill, 2013, p. 237-240. cier de Marie n’est cependant pas le premier en au contraire seule, étendue sur son tombeau. Sous
7. Ibid., p. 235-236 et fig. 86, 87 et 89.
Pour l’icône funéraire de Nicosie, voir cat. Roumanie à puiser aux leçons de Byzance. D’autres cet aspect, il s’apparente à ceux qui, en Russie, sous
exp. Paris, 2012, no 126. ont déjà exploité cette veine, peints sur les murs le terme de pokrov groba 8 – terme utilisé dans l’ins-
8. Le terme slave pokrov désigne tout ce qui des églises de Moldavie et de Valachie ou même cription même de la princesse – ont trouvé une terre
peut « couvrir ». Pour des exemples en Russie,
voir cat. exp. Paris, 2010, nos 98 et 265. brodés, comme celui d’Alexandre le Bon au pied d’élection 9. Gabriel Millet remarquait toutefois que
9. Sur une icône de saint Dimitri de Prilouki d’un épitrachelion au début du siècle (voir fig. 7, Marie de Mangop avait les yeux clos, ajoutant :
du musée de Vologda, peinte vers 1500,
l’un des tableautins entourant l’image centrale
p. 24), mais l’effigie de Marie de Mangop est sans « Les Byzantins peignaient, au-dessus des tom-
représente le miracle, survenu peu après conteste celui qui s’y conforme le plus. Il a aussi beaux, le personnage vivant, en prière. Marie dort
la mort du saint (1393), d’un voleur puni pour existé à Byzance des portraits impériaux brodés, son dernier sommeil, dans sa robe somptueuse,
avoir voulu dérober le pokrov qui se trouvait
sur le tombeau du saint : Ibid., no 170. dont aucun n’a survécu, sur des bannières militaires1 comme nos princesses d’Occident, nos dames de
10. Millet, 1947, p. 79. mais également dans les églises, si l’on se fie à l’his- pierre10 . » Orest Tafrali pensait lui aussi que les yeux

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Cat. 29.
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Épilogue
Dans l’introduction de son ouvrage pionnier sur mis à sa disposition à sa demande par le ministère
les Broderies religieuses de style byzantin, paru en de l’Instruction, tels Henri Eustache (1861-1922),
1947, Gabriel Millet affirmait, un peu comme une Grand Prix de Rome, l’architecte et peintre Léon
confidence, « le plaisir ressenti par l’auteur à étudier Chesnay (1869-1949), ou encore Louis-Joseph
les tissus précieux qui rehaussaient de leur éclat la Yperman (1856-1935), peintre et restaurateur des
noblesse de la prière byzantine ». Le livre fut publié Monuments historiques. En outre, Millet semble
en deux temps : le volume des planches en 1939 et le être déjà connaisseur et praticien de la photogra-
texte, différé à cause de la guerre, en 1947 (cat. 37). phie, une innovation technologique qui transforme
L’intérêt du savant français pour une expression alors la pratique de l’archéologie et de l’histoire de
artistique si particulière fait en réalité partie d’un l’art mais aussi l’édition, même si ce nouveau pro-
long parcours qui conduisit Gabriel Millet (1867- cédé est encore onéreux, difficile à gérer, avec des
1953), jeune agrégé d’histoire, à l’École française résultats parfois insatisfaisants. L’aquarelle pallie
d’Athènes en 1891, d’où il put sillonner la Grèce au besoin l’absence des couleurs. Lors des mis-
et les Balkans, et se rendre jusqu’à Trébizonde et sions à Mistra, malgré une entente difficile avec
même en Russie. Prédestiné aux études classiques, les religieuses présentes dans l’ancienne capitale
Gabriel Millet s’orienta néanmoins, sous l’impulsion des despotes, Millet photographie lui-même
de Théophile Homolle, alors directeur de l’École les fresques, en même temps que plusieurs des
française, vers l’étude de la postérité chrétienne peintures sont relevées à l’aquarelle1 (cat. 23).
du monde grec antique et s’attacha rapidement à À l’occasion de ces travaux, Millet manifeste un
l’exploration des vestiges byzantins, qui commen- intérêt grandissant pour tout ce qui touche à la
çaient à peine à cette époque à devenir des objets dramaturgie du rite et à son expression, qui sera
d’intérêt scientifique et patrimonial. plus tard aussi au cœur des Broderies religieuses.
L’architecture et l’iconographie des monuments C’est toutefois dans les monastères de l’Athos que
byzantins sont au cœur de l’entreprise de docu- Millet fait l’expérience du rite byzantin : il s’y rend
mentation de Gabriel Millet, assisté pour cela en 1894 et de nouveau en 1898 (fig. 1), avant d’y
d’architectes et de jeunes diplômés des Beaux-Arts retourner avec l’armée française d’Orient en 1916-

1. Millet, 1895 ; Millet, 1899.


2. Cat. exp. Paris, 2009 ; Jolivet-Lévy,
2012 ; Rapti, 2018. Fig. 1. Gabriel Millet et des moines au débarcadère d’un monastère de l’Athos, Paris,
3. Leniaud, 2018, p. 419. Collection chrétienne et byzantine de l’École pratique des Hautes Études, inv. D 2004.

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Cat. 21. Détail
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