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INRA Prod. Anim., J-B. COULON 1, A. PRIOLO


La qualité
2

2002, 15 (5), 333-342


1
INRA, Unité de Recherches
sur les Herbivores, Theix,
63122 St-Genès-Champanelle sensorielle des
2
Università di Catania, DACPA –
Sezione delle Produzioni Animali – produits laitiers
Via Valdisavoia 5,
95123 Catania , Italie
et de la viande
Courriel : jbc@clermont.inra.fr
dépend des four-
rages consommés
par les animaux
Dans les produits laitiers et la viande, la présence de certaines molé-
cules modifie les caractéristiques sensorielles. Ces molécules soit pro-
viennent directement des aliments des animaux, soit sont produites par
les animaux selon les aliments qu'ils consomment. Outre leurs effets
potentiellement bénéfiques, certaines de ces molécules pourraient être
utilisées pour assurer la traçabilité des produits.

Résumé Les caractéristiques (nutritionnelles, tech-


nologiques, hygiéniques et sensorielles) des
La nature des fourrages ingérés par les ruminants est un des facteurs de varia- produits laitiers et de la viande dépendent
tion de la qualité sensorielle des produits laitiers et de la viande. L’effet de ce d’un grand nombre de facteurs, liés à la fois à
facteur a été récemment mis en évidence, en particulier dans le cadre des pro- la technologie de fabrication (pour les pro-
duits d’Appelation d’Origine Contrôlée, pour lesquels l’alimentation des ani- duits transformés) et aux caractéristiques
maux constitue un élément important de liaison au terroir. chimiques et microbiologiques de la matière
Sur les fromages, la conservation de l’herbe sous forme d’ensilage ne semble pas première mise en œuvre. Ces dernières
entraîner, lorsqu’elle est réalisée dans de bonnes conditions, de modifications dépendent elles-mêmes de nombreux fac-
importantes des caractéristiques sensorielles, exception faite de la couleur, plus teurs d’amont (d’origine génétique, physiolo-
jaune avec l’ensilage. Les régimes à base d’herbe pâturée conduisent à des fro- gique, alimentaire...). Ces facteurs d’amont
mages dont la couleur, le goût et l’odeur sont plus intenses que ceux issus d’une sont de plus en plus au centre des préoccupa-
alimentation hivernale à base d’herbe conservée sous forme de foin et d’ensila- tions des consommateurs qui s’interrogent en
ge. La composition botanique de l’herbe modifie aussi les caractéristiques sen- particulier sur l’alimentation offerte aux ani-
sorielles des fromages. Les écarts les plus importants concernent la texture et maux. Ils revêtent une importance toute par-
sont obtenus sur des fromages à pâte pressée cuite lorsque les vaches pâturent ticulière dans le cas des produits marqués
des prairies très diversifiées. (Appellation d’Origine Contrôlée, Indication
Ces différences sensorielles peuvent être dues à des constituants du lait direc- Géographique Protégée, labels…), pour les-
tement issus de l’alimentation. C’est le cas des carotènes, responsables de la quels les modifications de la matière premiè-
couleur jaune des produits laitiers, et qui sont présents en grande quantité dans re au moment de sa transformation (écréma-
les fourrages verts. Elles peuvent aussi être liées à des constituants du lait pro- ge du lait, ajout d’additifs) sont limitées, voire
duit par l’animal de manière différentielle selon l’alimentation offerte. C’est le interdites, et qui revendiquent un lien fort
cas de la teneur en plasmine du lait ou de la composition de ses matières grasses, avec les conditions de production. Parmi ces
qui peuvent modifier la texture du fromage. facteurs de production, l’alimentation à base
La viande des animaux finis à l’herbe est plus sombre et moins tendre que celle d’herbe tient une place particulière, d’une
des animaux finis avec des régimes riches en concentrés. Cet effet pourrait être part parce qu’elle constitue l’une des bases de
lié d’une part à une modification du pH ultime de la viande (pour la couleur), la liaison des produits à leur terroir d’origine
mais aussi à l’âge à l’abattage (plus avancé avec les régimes à base d’herbe), à (Grappin et Coulon 1996) et qu’elle jouit d’une
l’état d’engraissement des carcasses et à la teneur en gras intramusculaire (plus image positive dont certaines filières vou-
élevés avec les régimes riches en concentrés), qui peuvent modifier à la fois la draient profiter, d’autre part parce qu’elle
couleur et la tendreté des viandes. L’alimentation à l’herbe influence aussi la fla- pourrait conférer au produit des caractéris-
veur de la viande. Cet effet serait lié d’une part à l’interaction entre les acides tiques particulières.
gras à chaînes ramifiées (considérés comme responsables de la flaveur caracté-
ristique de la viande ovine) et le scatole (issu de la dégradation du tryptophane)
qui renforcerait la perception sensorielle des acides gras à chaînes ramifiées, et Ce texte correspond pour l’essentiel à une
d’autre part à la teneur en acide linolénique. Les produits d’oxydation de cet synthèse présentée au congrès de l’EGF qui
acide sont en effet associés aux flaveurs spécifiques de la viande. s’est tenu à La Rochelle du 27 au 30 mai
2002 (Coulon et Priolo 2002).
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Jusqu’à présent, les travaux relatifs à l’effet rielles pouvaient être associées à des natures
de l’alimentation des animaux sur les caracté- différentes de fourrage (foins ou pâtures). De
ristiques du lait et de la viande ont surtout même, dans la zone de production du Comté,
concerné l’influence du niveau des apports Monnet et al (2000) ont mis en évidence des
nutritifs et des grands types de régime sur les associations entre des typologies floristiques
teneurs en composés majeurs du lait, pro- des pâturages et les caractéristiques senso-
téines et matières grasses (Sutton 1989, rielles des fromages et Bérodier (1997) a mon-
Coulon et Rémond 1991), ou sur le dévelop- tré qu’une plus grande diversité botanique
pement musculaire (Geay et al 2001). En pouvait être associée à des arômes plus nom-
revanche, en dehors de l’effet bien connu de breux et plus variés des fromages. Plus
certaines plantes (crucifères, ail, oignon) sur récemment, des travaux expérimentaux ont
la flaveur du lait ou de la viande (Urbach été entrepris pour analyser l’effet spécifique
1990), l’effet propre de la nature des four- de la nature des fourrages, de son mode de
rages et en particulier de l’herbe (diversité conservation et de sa diversité botanique.
floristique, mode et qualité de conservation) a
été peu abordé. Pourtant, de nombreuses
observations empiriques confèrent à ce fac- 1.1 / Effet de la nature
teur des effets sur les caractéristiques senso- de la ration et du mode de
rielles des produits (Urbach 1990). L’objectif conservation de l’herbe
de cet article est de faire le point sur les tra-
vaux récents mettant en évidence l’effet de la La conservation de l’herbe sous forme d’en-
nature de l’herbe sur la qualité sensorielle de silage et son effet sur la qualité des fromages
la viande et du lait. Les autres dimensions de sont des sujets de débat important au sein des
la qualité, hygiénique et nutritionnelle ne filières d’AOC fromagères. L’utilisation d’ensi-
seront pas abordées ici. lage mal conservé peut conduire à des défauts
spécifiques (Urbach 1990), en particulier dans
1 / Produits laitiers le cas des pâtes pressées cuites pour les-
quelles la présence de spores butyriques dans
Parmi les différents éléments du terroir qui l’ensilage peut conduire à des gonflements
peuvent jouer un rôle sur les caractéristiques durant l’affinage et à des défauts de goûts et
des fromages, la composition floristique des d’odeur (Demarquilly 1998). Mais peu de
fourrages consommés par les animaux, qui résultats existent avec des ensilages de bonne
dépend du milieu naturel (sols, climat) et des qualité. Nous avons récemment réalisé un
pratiques culturales (fertilisation…) est sou- essai (Verdier-Metz et al 1998 ; tableau 1) dans
vent mise en avant dans le discours des fro- lequel la même parcelle de prairie naturelle a
magers. Ces derniers observent fréquemment été récoltée le même jour soit sous forme
des différences de qualité sensorielle des fro- d’ensilage (avec adjonction d’un conservateur
La qualité sensoriel- mages selon la nature des fourrages offerts acide) soit sous forme de foin (séché en gran-
le des fromages aux animaux. Ces observations ont pu être ge). Dans les deux cas, la qualité de conserva-
varie selon que les appuyées par des études globales destinées à tion du fourrage était excellente et les besoins
analyser la diversité des caractéristiques sen- nutritifs des animaux ont été couverts de
vaches pâturent ou manière semblable. Le lait des vaches ayant
sorielles d’un type de fromage et à mettre en
consomment des parallèle cette diversité avec les conditions reçu l’un ou l’autre de ces fourrages a été
fourrages conservés. de production du lait et des fromages. Ainsi, transformé, dans les mêmes conditions tech-
Mais le mode de chez des producteurs de reblochon fermier, nologiques, en fromage de type saint-nectaire.
Martin et Coulon (1995) ont montré que dans Les fromages réalisés avec le lait des vaches
conservation, foin certaines conditions de fabrication fromagè- ayant reçu de l’ensilage ont été plus jaunes
ou ensilage, n'a que re, des différences de caractéristiques senso- (en raison d’une teneur en carotènes plus éle-
peu d'effet s'il est
bien maîtrisé. Tableau 1. Effet de la conservation du fourrage sur les caractéristiques physico-chimiques et sensorielles
des fromages (Verdier-Metz et al 1998 et 2000).

Essai 1 Essai 2
Ration Ensilage Foin Ensilage Pâturage de
d’herbe d’herbe + foin printemps
Lait 1
Taux butyreux (g/kg) 35,3 36,3 36,4 37,1
Taux protéique (g/kg) 33,6 33,5 28,7 ** 33,5
Fromage
Extrait sec (%) 54,6 54,8 52,6 52,7
Gras/sec 52,3 52,0 54,1 ** 50,5
Indice de jaune 32,9 ** 29,9 24,7 ** 30,5
Texture ferme 4,6 4,5 4,3 ** 3,4
Texture collante 3,1 3,3 4,1 * 3,5
Intensité du goût 5,4 5,3 5,0 ** 5,6
Intensité de l’odeur 5,2 5,2 4,6 4,4
Odeur piquante 1,3 ** 0,2
Amertume 3,5 3,2 1,5 * 1,9
1
Après écrémage partiel pour l’essai 1.
INRA Productions Animales, Décembre 2002
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Qualité sensorielle des produits laitiers et de la viande selon l’alimentation / 335

vée dans l’ensilage que dans le foin) et ont eu tats confirment les observations faites par les
tendance à être plus amers. Les autres carac- producteurs fermiers lors de la mise à l’herbe
téristiques chimiques et sensorielles ont été des animaux. Des résultats similaires ont été
identiques pour les deux modes de conserva- obtenus par Buchin et al (1998) dans un essai
tion. Ces résultats expérimentaux ont été comparant des fromages de type morbier
confirmés par des observations en fermes fabriqués en conditions expérimentales avec
(Agabriel et al 1999). Lorsque la conservation les laits d’hiver (issus de rations à base de
du fourrage et le rationnement des animaux foin) ou de printemps (pâturage). Les carac-
sont bien maîtrisés, le mode de conservation téristiques sensorielles du beurre (couleur,
a peu d’effet sur les caractéristiques senso- flaveur, tartinabilité) sont aussi fortement
rielles, excepté sur la couleur. Il est cepen- affectées par les changements d’alimentation
dant possible que les effets de la conservation des animaux. En particulier, le beurre est plus
de l’herbe sous forme d’ensilage soient jaune, moins dur et présente une flaveur
variables selon le type de fromage. Dans un « d’herbe » plus marquée lorsque les vaches
essai récent (B. Martin et al, non publié), la sont alimentées avec des régimes à base
distribution d’ensilage d’herbe comparative- d’herbe (sous forme ensilée ou pâturée) com-
ment à du foin a en effet entraîné des diffé- parativement à des régimes à base d’ensilage
rences sensorielles plus significatives sur des de maïs ou riches en concentrés (Keen et
fromages de type cantal que sur des fromages Wilson 1992, Houssin et al 2002).
de type saint-nectaire.
En revanche, des différences sensorielles 1.2 / Effet de la composition
très importantes ont été observées entre des botanique de l’herbe
fromages fabriqués avec du lait de vaches
recevant un régime hivernal à base de foin et Au cours des dernières années, plusieurs
d’ensilage d’herbe comparativement à un essais ont été réalisés en Europe pour décrire
régime d’herbe de prairie naturelle pâturée et analyser l’effet de la diversité botanique
(cf. tableau 1). Les fromages de type saint- des fourrages offerts aux animaux (sous
nectaire issus du pâturage ont été plus jaunes forme pâturée ou conservée) sur les caracté-
et ont présenté un goût et une odeur plus ristiques sensorielles de différents types de
intenses (Verdier-Metz et al 2000). Ces résul- fromage. Quatre de ces essais, réalisés sur

Tableau 2. Effet de la nature de l’herbe sur les caractéristiques sensorielles du fromage (synthèse de 4
essais d’après Buchin et al 1999, Martin et al 2001, Bugaud et al 2002, Verdier-Metz et al 2002).

Essai 1 Essai 2 Essai 3 Essai 4


Type de fromage Abondance Beaufort Saint-nectaire Abondance
Situation géographique Alpage Alpage Demi- montagne Vallée Vallée Montagne
Nature de l’herbe 1 Versant Sud Versant Nord Pelouse Pelouse Dactyle Prairie naturelle Prairie naturelle
moyenne alpine foin vert foin vert vert
pH 5,76 5,78 5,50 5,69 5,20 5,18 5,18 5,71a 5,77a 5,62b
Gras / sec 51,8 51,0 52,1 51,5 51,5a 52,4b 52,5b 52,3 51,9 51,1
N soluble (% N tot) 22,1 a
26,0 b
26,4 28,4 21,0ab 20,5a 21,8b
Texture
Ferme 4,3b 3,6a 4,0 4,4 4,0 4,4 4,4 4,0a 4,3b 4,6b
Adhésive 3,3a 3,8b 4,5a 4,1b
Fondante 3,8 4,2 5,4a 4,7b 4,9b 3,4 3,0 3,2
Friable 3,4 3,2
Sableuse 2,2a 2,8b 2,6c
Elastique 3,4a 3,5a 3,1b
Saveur
Salé 4,0a 4,7b 3,9a 4,7b 5,4a 5,0b 5,4a 4,0 3,7 3,3
Piquant 3,1 3,6 2,4a 3,0b 1,4 1,7 1,5 2,9a 3,0a 2,3b
Amer 1,9a 2,6b 2,1 2,2 2,5 2,0 2,0 1,9 2,0 1,8
Odeur
Rance 1,5a 1,2b 0,9b
Moisi 1,6a 1,0b 0,9b
Aigre 1,9a 2,0a 1,3b
Arôme
Aigre 0,8a 1,4b 1,5 1,7 1,7
Fruit 1,0 0,7 0,7 0,8 0,9 3,4b 2,9a 3,1b
Etable 0,3 0,6
Epicé 1,6a 2,4b
Intense 3,8 4,1 4,9a 5,3b 5,4a 5,1b 5,5a 4,4 4,4 4,3
Animal 0,8 1,1 2,5a 3,1b 4%a 8%a 18%b
Croûte de pain 3%a 10%b 13%b

a, b, c : Pour un même essai, les valeurs des colonnes avec des lettres différentes sont statistiquement différentes au seuil de 5 %.
1
Voir texte.
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des fromages à pâte pressée cuite (essais 1, 2 odeurs de rance et de moisi moins dévelop-
et 4) ou non cuite (essai 3), sont résumés dans pées, comparativement au foin de dactyle.
le tableau 2. Dans tous ces essais, les facteurs Lorsque l’herbe de prairie naturelle a été
de variation liés aux caractéristiques et à la offerte en vert, les fromages ont été moins
conduite des animaux étaient contrôlés et la aigres que lorsqu’elle était offerte sous forme
technologie fromagère était semblable entre de foin.
les traitements.
Enfin, dans un essai récent (Bugaud et al
Un premier essai (Buchin et al 1999), réali- 2002), réalisé chez 3 producteurs fermiers
sé chez un producteur d’Abondance fermier, a d’Abondance, il a été clairement montré qu’in-
consisté à comparer les caractéristiques de dépendamment de la variabilité entre produc-
fromages fabriqués lorsque son troupeau a teurs, il existait des écarts importants pour un
pâturé successivement le versant sud et le même producteur selon les caractéristiques
versant nord d’un même alpage, puis est reve- des prairies pâturées. Si les écarts les plus
nu sur une zone du versant sud mise en importants opposent les prairies de plaine à
défens lors du premier passage. Sur le versant celles de montagne, il subsiste aussi une
sud, la végétation était composée d’un tapis variabilité au sein des pelouses d’alpage. Les
La flore de la prai- de graminées (55 %) dominé par Festuca différences les plus importantes ont concerné
rie pâturée par les rubra et Agrostis capillaris et clairsemé de la texture des fromages, moins ferme et plus
vaches influence les nombreuses autres espèces (52 espèces), tan- élastique et déformable en plaine qu’en mon-
caractéristiques dis que le versant nord était constitué de tagne, et plus sableuse sur les pelouses nitro-
pelouses à dominante d’Agrostis vulgaris et philes et nivales que sur les pelouses
sensorielles des de Nardus stricta et d’une zone humide humides. Ces résultats confirment et préci-
fromages, en dominée par des mousses, des carex et des sent ceux obtenus en Suisse sur des gruyères
particulier par les renoncules. Les caractéristiques des deux Etivaz (Bosset et al 1999).
séries de fromages réalisés lorsque les ani-
modifications maux pâturaient le versant sud de l’alpage
directes ou s’opposent à celles des fromages issus du ver- 1.3 / Origine des différences sen-
indirectes de la sant nord. Les différences les plus impor- sorielles
composition tantes concernent la texture : les fromages du
versant nord ont été moins fermes, plus fon- Plusieurs caractéristiques sensorielles du
chimique du lait. dants et plus pâteux. Sur le plan des arômes fromage peuvent être dues à certains consti-
et des saveurs, les fromages du versant nord tuants du lait, directement issus de l’alimen-
ont été globalement plus « corsés » (plus tation, et des fourrages en particulier. C’est le
salés et amers, avec des arômes aigres) et cas par exemple de la couleur. Le lait contient
ceux du versant sud plus « doux », avec des des quantités plus ou moins importantes de
arômes de fruits plus développés. pigments. Le plus connu est le β-carotène,
présent en grandes quantités dans les four-
Un deuxième essai (Martin et al 2001) a été rages verts et qui contribue à la coloration
réalisé en alpage chez un producteur de beau- jaune des produits laitiers. Très sensible aux
fort, selon le même principe que l’essai 1, sur ultraviolets, le β-carotène est détruit lors du
des pelouses de différentes altitudes. Il a per- séchage et de la conservation des fourrages
mis de montrer des différences concernant de manière d’autant plus forte que l’exposi-
essentiellement la flaveur : les beauforts des tion à la lumière est plus importante (Park et
pelouses « alpines » (>2200m, 20 espèces dif- al 1983). La nature de l’alimentation a ainsi un
férentes dominées par Nardus stricta et effet marqué sur sa concentration dans le lait
Trifolium alpinum) ont été plus salés et plus et donc sur la couleur des beurres et des fro-
piquants que ceux des pelouses « moyennes » mages (Waghorn et Knight 1992, Houssin et
(42 espèces dont 12 graminées, sans domi- al 2002, J.B. Coulon et P. Grolier, non publié ;
nance marquée). Ils ont présenté des arômes tableau 3). Ainsi les fromages réalisés avec
plus intenses et plus épicés. De plus, leur tex- des laits de printemps sont-ils beaucoup plus
ture a été moins adhésive. jaunes que ceux réalisés avec des laits d’hiver.
L’hiver, les fromages fabriqués avec des laits
Un troisième essai (Verdier-Metz et al 2002) issus d’une alimentation des vaches à base
a consisté à fabriquer un fromage à pâte pres- d’ensilage d’herbe sont plus jaunes que ceux
sée selon une technologie saint-nectaire dans fabriqués avec des laits issus d’une alimenta-
une fromagerie expérimentale à partir du lait tion à base de foin, surtout si ce dernier est
de vaches conduites dans les mêmes condi- resté longtemps au sol. L’ensilage de maïs,
tions (traite, état sanitaire, apports nutritifs, très pauvre en carotènes, conduit à des fro-
logement…) mais recevant du dactyle (sous mages très blancs (Verdier et al 1995).
forme de foin) ou de l’herbe de prairie natu-
relle d’Auvergne (en vert ou sous forme de Une autre origine directe de l’effet de la
foin). L’herbe de prairie naturelle conduit à composition botanique des fourrages sur les
des fromages moins fondants, avec des caractéristiques sensorielles des fromages,
Tableau 3. Teneurs en carotènes des fourrages, des laits correspondants et coloration jaune des fro-
mages (Coulon et Grolier, non publié).
Fourrage Foin séché Foin séché Foin +ensilage Pâturage de
au sol en grange d’herbe printemps
Carotènes des fourrages (g/kg MS) 10 20 45 85
Carotènes du lait (µg/l) 75 80 130 220
Indice de jaune du fromage 20 25 28 30
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Qualité sensorielle des produits laitiers et de la viande selon l’alimentation / 337

évoquée depuis longtemps (Dumont et Adda de la chaîne carbonée et degré d’insaturation


1978), concerne l’effet des terpènes. Ces des acides gras) qui dépend très fortement de
molécules, spécifiques du monde végétal, ont l’alimentation des animaux (Chilliard et al
des propriétés odorantes reconnues à l’état 2000) peut aussi être à l’origine des diffé-
concentré. Elles sont beaucoup plus abon- rences de texture et/ou de flaveur des beurres
dantes dans certaines espèces botaniques, et et des fromages (Collomb et al 1999, Bugaud
en particulier les dicotylédones (Mariaca et al et al 2002). Les beurres sont ainsi d’autant
1997, Cornu et al 2001). Ces molécules pas- plus tartinables que la proportion d’acide
sent très rapidement dans le lait (Viallon et al linoléique est plus importante et que celle
2000) et se retrouvent dans le fromage, en d’acide palmitique est plus faible, en raison
quantités beaucoup plus importantes lorsque des points de fusion différents de ces deux
les animaux consomment, en vert ou sous acides gras. De même, la cohésion des fro-
forme conservée, des fourrages de prairie mages d’Abondance est d’autant plus faible
naturelle riches en dicotylédones, générale- que les acides gras sont plus insaturés. Par
ment caractéristiques des zones de montagne, ailleurs, certains acides gras peuvent être
comparativement à des alimentations à base dégradés par les enzymes microbiennes lors
d’aliments concentrés (Moio et al 1996), ou de de l’affinage du fromage pour donner des
fourrages monospécifiques (Buchin et al composés responsables d’arômes dans le fro-
1998, Viallon et al 1999, Bugaud et al 2002). mage (Keen et Wilson 1992, Urbach 1997).
Cependant, si ces molécules peuvent consti-
tuer des outils efficaces de marquage de l’ori- Enfin, on ne peut pas exclure que la nature
gine des fromages (Cornu et al 2001), il ne des fourrages modifie l’écosystème micro-
semble pas que les variations de leur concen- bien du lait ou son activité, comme le suggè-
tration dans les fromages soient suffisantes rent les résultats obtenus par Buchin et al
pour s’accompagner d’effet direct important (1999), ou ceux de Martin et al (2001) et
sur la flaveur des fromages (Moio et al 1996, Bugaud et al (2002) qui montrent une relation
Bugaud et al 2002). inverse entre la production par les microorga-
nismes de composés d’origine protéique et la
L’effet de la nature de l’alimentation sur les présence de terpènes dans les fromages, com-
caractéristiques sensorielles des fromages posés dont on a vu l’origine végétale.
peut aussi être indirect. Ainsi, les différences
de texture observées entre fromages de vallée 2 / Viande
et de montagne dans l’essai de Bugaud et al
(2002) ou entre versants nord et sud d’un Plusieurs facteurs exercent une influence
même alpage (Buchin et al 1999) sont à relier sur la qualité sensorielle de la viande de rumi-
à des teneurs du lait en plasmine très nants. Ces facteurs peuvent être divisés en
variables d’une situation à l’autre. Cette enzy- deux catégories : les facteurs intrinsèques
me protéolytique est connue pour avoir des (race, âge, sexe…) et les facteurs externes,
effets importants dans les processus biochi- dits environnementaux (régime, climat, pro-
miques d’affinage des fromages, en particulier cédure d’abattage …). Parmi ces derniers,
dans les fabrications de pâtes pressées cuites. l’alimentation joue un rôle important dans la
Dans certaines situations alimentaires, l’aug- détermination de la qualité. Cependant, les
mentation de sa concentration dans le lait effets spécifiques des constituants du régime
pourrait être liée à une augmentation de la alimentaire sur la qualité de la viande sont dif-
perméabilité cellulaire du tissu mammaire ficiles à évaluer. Le régime alimentaire (en
sous l’effet de l’ingestion de certaines espèces particulier herbe vs concentré) peut en effet
végétales (renoncules), présentes unique- avoir une influence sur la vitesse de croissan-
ment dans certains types de prairies. La com- ce de l’animal et il est difficile de déterminer
position de la matière grasse du lait (longueur si les caractéristiques de la viande sont dues
Figure 1. Variation (%) de la clarté de la viande bovine, mesurée de manière instrumentale ou estimée
visuellement sur le muscle longissimus, selon que les animaux ont été alimentés à l’herbe ou avec des
régimes riches en concentrés (d’après Priolo et al 2001).

Variation (%) Luminosité


Clarté visuelle
+ 20

+ 10

- 10

- 20

- 30
200 100 0 100 200 300 400 500
Nombre de jours Nombre de jours
avec concentré au pâturage

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aux composants du régime alimentaire pour et al 1983). Enfin, certains auteurs (Muir et al
leurs propriétés intrinsèques ou plutôt aux 1998, Vestergaard et al 2000) considèrent l’ac-
différence de vitesse de croissance et de com- tivité physique comme un facteur potentiel
position corporelle induites par ces régimes affectant la couleur de la viande. En particu-
(Muir et al 1998). L’objectif de ce chapitre est lier, l’activité physique peut jouer un rôle indi-
de décrire l’état des connaissances actuelles rect en modifiant les proportions des diffé-
concernant les effets des systèmes d’alimen- rents types de fibres musculaires
tation sur la couleur, la flaveur et la tendreté (Vestergaard et al 2000).
des viandes.
L’âge à l’abattage exerce aussi une influence
2.1 / Couleur sur la couleur de la viande. Bidner et al (1986)
ont montré que des bouvillons Angus-
La figure 1 résume les résultats de 35 essais Hereford et Angus-Hereford-Brahman finis à
au cours desquels des mesures de luminosité l’herbe et abattus à 482 kg de poids vif avaient
(déterminée de manière instrumentale) ou de une couleur de maigre plus sombre (mesure
brillance (impression visuelle) du muscle lon- visuelle) et un taux de myoglobine supérieur
gissimus étaient réalisées chez des bovins (mesuré dans le longissimus dorsi) que les
(taurillons ou bouvillons) finis au pâturage ou animaux finis aux concentrés. Aucune diffé-
avec des régimes riches en concentrés, pen- rence n’a été trouvée entre les groupes d’ani-
dant des durées variables (Priolo et al 2001). maux en ce qui concerne le pH ultime de la
Elle montre clairement que la viande des ani- viande. Toutefois, des expériences ont mon-
maux finis au pâturage a tendance à être plus tré que la teneur du muscle en myoglobine
sombre. Cet effet pourraît être dû à plusieurs augmente avec l’âge, ce qui a des consé-
facteurs. quences sur la pigmentation de la viande
(Renerre 1986). Dans la mesure où les ani-
L’alimentation pourrait avoir un effet direct maux étaient abattus à des âges différents (31
en modifiant la teneur en myoglobine du mois pour les animaux nourris à l’herbe et 21
muscle, protéine responsable de la couleur de mois pour les animaux nourris aux concen-
la viande (Renerre 1981, Hopkins et trés), il est difficile de déterminer s’il y a eu ou
Nicholson 1999). Cet effet n’est cependant non un effet spécifique des composants du
pas souvent observé : dans les expériences régime sur le taux de myoglobine.
que nous avons examinées, la myoglobine
était rarement mesurée et, lorsqu’elle l’était, 2.2 / Flaveur
elle ne différait généralement pas entre les
animaux au pâturage et ceux recevant une ali- En Europe, certains consommateurs consi-
mentation à base de concentrés. En revanche dèrent que les viandes issues d’animaux éle-
l’alimentation peut avoir un impact indirect vés à l’herbe ont un meilleur goût (Keane et
sur la couleur de la viande via l’âge de l’ani- Allen 1999) alors qu’aux Etats-Unis, au
mal, le poids et l’état d’engraissement de la contraire, la viande d’animaux finis à l’herbe
carcasse, le taux de gras intramusculaire et le est moins appréciée pour sa flaveur que celle
pH ultime de la viande, qui varient souvent d’animaux finis aux concentrés (Melton 1990,
selon le système d’alimentation. Mandell et al 1998). Plusieurs auteurs ont en
effet mis en évidence des différences de fla-
Ainsi, le pH ultime du muscle est fortement veur de la viande selon que les animaux
corrélé à la couleur de la viande, en particu- (bovins ou ovins) étaient conduits au pâtura-
lier à sa luminosité (Renerre 1981). Or l’ali- ge ou alimentés avec des régimes riches en
mentation à l’herbe conduit généralement à concentrés (Bailey et al 1988, Young et al
un pH ultime de la viande plus élevé que 1999b). Les animaux nourris à l’herbe se dis-
lorsque les animaux sont alimentés avec des tinguent fréquemment par leur flaveur « pas-
concentrés, en raison d’un potentiel glycoly- torale » plus forte dont la rémanence, lorsque
tique inférieur et d’une aptitude supérieure à les animaux passent sur un régime riche en
la baisse du taux de glycogène musculaire en concentrés, est d’environ 3 mois (Melton et al
réponse aux manipulations lors de l’abattage 1982, Larick et al 1987).
(Bowling et al 1977). Immonen et al (2000)
ont d’ailleurs montré que la distribution de Dans l’étude de Larick et al (1987), des bou-
rations très énergétiques pendant la période villons étaient élevés durant 7 mois sur trois
de finition protégeait le bétail d’un éventuel pâtures différentes (Festuca arundinacea,
stress provoquant une chute de glycogène. Bromus inermis plus Trifolium pratense et
Par ailleurs, les carcasses les plus grasses, Dactylis glomerata plus Trifolium pratense).
obtenues en général avec des régimes à base Les animaux ont été abattus directement à la
de concentrés, permettent au muscle de se fin de la période de pâturage ou après 56, 84
refroidir plus lentement, entraînant une bais- ou 112 jours d’une alimentation à base de
se de pH plus rapide, ce qui peut conduire à céréales (figure 2). Un jury de dégustation
des différences de couleur de la viande entraîné a attribué une note d’intensité de la
(Young et al 1999a, Farouk et Lovatt 2000). flaveur « pastorale » de la viande (steaks).
Cette valeur a été similaire quelle que soit la
Le pourcentage de gras intramusculaire nature du pâturage, mais elle a diminué au
pourrait aussi être en partie responsable des cours du temps après le passage au régime à
différences de luminosité de la viande d’ani- base de concentrés. Sept types de pâtures dif-
maux soumis à différents systèmes de pro- férents ont été utilisés par Young et al (1994)
duction. Le gras est en effet moins coloré que pour tester la flaveur de la viande ovine. Des
le muscle et sa présence pourrait contribuer à agneaux âgés de 6 mois ont pâturé durant 6
augmenter la valeur de la luminosité (Hedrick semaines des parcelles composées d’une seule
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Qualité sensorielle des produits laitiers et de la viande selon l’alimentation / 339

Figure 2. Intensité et rémanence de la flaveur protéines/hydrates de carbone non fibreux


« herbe » de la viande bovine selon la nature de plus important. Les systèmes pastoraux aug-
l’herbe pâturée et la durée d’alimentation à base menteraient ainsi la perception de la flaveur
d’ensilage de maïs (d’après Larick et al 1987). typique de la viande ovine.
Intensité de la flaveur “herbe” L’acide linolénique (C18:3) n’est pas synthé-
9 tisé par les mammifères : c’est un acide gras
caractéristique des lipides du fourrage dont il
Trifolium pratense provient (Wood et Enser 1997, Geay et al
8
2001). Puisqu’une partie de celui-ci échappe à
l’hydrogénation ruminale, les carcasses des
7 animaux élevés au pâturage présentent un
Bromus taux plus élevé de cet acide en comparaison
6 inermis de ceux élevés avec des régimes à base de
concentrés (Larick et Turner 1990). Les pro-
5 duits de l’oxydation de l’acide linolénique ont
été associés à des flaveurs spécifiques de la
4
viande, résultant de la formation de composés
volatils au cours de la cuisson (Marmer et al
1984). Melton et al (1982) ont montré que l’aci-
3 de linolénique était fortement corrélé positive-
Festuca arundinacea ment (P<0,001) avec les flaveurs « laiteux » et
2 « huileux » et la saveur acide. Lors d’une expé-
rience comparant des agneaux britanniques et
1 espagnols (Sañudo et al 1998) on a pu voir que
0 56 84 112 l’intensité de la flaveur était corrélée positive-
ment avec la teneur en C18:3. Sachant que cet
Durée du régime maïs (j) acide joue un rôle important dans la flaveur de
la viande, Young et Baumeister (1999) ont sug-
espèce : ray-grass (Lolium perenne), fétuque géré que l’un des composés responsables de
élevée (Festuca arundinacea), dactyle l’odeur pastorale de la viande de bœuf pouvait
(Dactylis glomerata), phalaris (Phalaris être le 4-heptanal. Ce composé est un produit La flaveur de la
aquatics), luzerne (Medicago sativa), chico- de l’oxydation de l’acide linolénique, connu viande est différente
rée (Chicorium intybus) et herbe de prairie pour son odeur fortement désagréable. Il a été
(Bromus wildenowii). La viande d’animaux suivant que les ani-
initialement trouvé sous forme de traces dans
pâturant du phalaris a présenté une intensité les parties grasses des moutons par Young et maux reçoivent une
de flaveurs atypiques plus élevée et une varia- Baumeister (1999). Lors d’une étude sur des alimentation riche
bilité du pH ultime supérieure. La variabilité agneaux, des différences de teneur en 4-hep-
du pH ultime n’explique pas les flaveurs en concentrés ou
tanal dues au régime alimentaire ont été pâturent.
observées ; en effet, même les échantillons mises en évidence par Elmore et al (2000) sur
dont le pH ultime était normal ont été caracté- le muscle longissimus cuit.
risés par de fortes flaveurs atypiques. Un
résultat contradictoire a cependant été rap- Parmi les composés pouvant être directe-
porté par Park et al (1972) qui ont observé que ment transférés de l’herbe aux tissus ani-
la viande d’animaux pâturant de la luzerne maux, on peut citer les terpénoïdes. Leur pré-
présentait plus souvent des flaveurs atypiques sence dans les tissus dépend fortement de la
que celle d’animaux pâturant du phalaris. composition botanique de la pâture. Larick et
al (1987) ont rapporté que chez les bovins, la
Parmi les composés responsables de la fla- concentration de néophytadiène dans les tis-
veur typique de la viande ovine, les acides sus adipeux est au moins 4 fois supérieure
gras à chaîne ramifiée (AGCR) jouent un rôle chez les animaux pâturant de la fétuque éle-
important, en particulier les acides 4-méthy- vée par rapport à un mélange brôme-trèfle
loctanoïque et 4-méthylnonanoïque (Mottram violet ou herbe de verger-trèfle violet. La
1998). Ceux-ci ont été considérés comme res- concentration des composés terpénoïdes
ponsables de la flaveur indésirable du mou- dans les tissus est fortement réduite après 56
ton cuisiné (Wong et al 1975). Contrairement jours d’une alimentation à base de céréales.
aux bovins, les ovins et les caprins accumu- Par ailleurs, Larick et al (1987) ont montré
lent ces composés lorsqu’ils sont soumis à que la teneur en néophytadiène était corrélée
des régimes pauvres en fibres et riches en positivement (P<0,01) avec la flaveur « pasto-
céréales (Van Soest 1994). Ainsi, chez des rale » de la viande.
ovins abattus au même âge, un régime à base
d’herbe peut engendrer une réduction de ces
AGCR. Pourtant la flaveur caractéristique de 2.3 / Tendreté
mouton est plus forte lorsque les animaux
sont élevés à l’herbe. Il semblerait que cela Larick et al (1987) ont montré que la force
soit lié à la présence simultanée de 3-méthy- de cisaillement de la viande était réduite
lindole (ou scatole, un composé fécal odo- lorsque des boeufs initialement conduits au
rant) (Young et al 1997) et d’AGCR : la per- pâturage recevaient ensuite un régime riche
ception de la flaveur de la viande ovine, due en concentrés. L’amélioration de la tendreté
aux AGCR, serait accrue par la présence de la viande de ces animaux peut être due à
simultanée de scatole. Ce produit est issu de une plus forte teneur en lipides intra-muscu-
la dégradation du tryptophane. Sa concentra- laires, qui réduisent la résistance à la masti-
tion supérieure dans les tissus adipeux des cation, mais aussi à un plus faible risque de
ruminants à l’herbe serait liée à un rapport contraction au froid, et à un âge moins avan-
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340 / J-B. COULON, A. PRIOLO

cé à l’abattage (Sheath et al 2001). De plus, propriétés physico-chimiques et/ou senso-


des carcasses riches en gras de couverture, rielles des fromages et des viandes. Ces effets
typiques d’une alimentation riche en concen- peuvent être variables selon le mode de trans-
trés, peuvent aussi réduire le risque de formation de la matière première (technologie
contraction au froid en raison de l’effet pro- fromagère par exemple). Ils sont dus à la pré-
tecteur des lipides contre un refroidissement sence dans la matière première de molécules
rapide. Cependant, French et al (2001) n’ont spécifiques issues directement de l’alimenta-
trouvé aucune liaison significative entre la tion (carotènes, terpènes) ou produites par
force de cisaillement de Warner-Bratzler ou la l’animal (plasmine, acides gras, scatole) sous
note de tendreté sensorielle et la teneur en l’effet d’une alimentation spécifique. Même si
lipides des carcasses chez les bovins. Priolo elles n’ont pas un impact sensoriel direct
et al (2002) ont comparé des agneaux pro- important, certaines de ces molécules peuvent
La tendreté de la duits à l’herbe à des agneaux alimentés avec ainsi être utilisées comme traceurs de l’ali-
viande est plus des concentrés, ayant les mêmes vitesses de mentation (cas des terpènes par exemple)
élevée lorsque les croissance et abattus au même âge et au (Young et al 1997, Martin et al 2002a, Prache et
même poids. Les agneaux recevant une ali- al 2002) et/ou améliorer la valeur santé des
animaux sont mentation à base de concentrés ont présenté produits (Pizzoferrato et al 2000, Chilliard et
alimentés aux une viande plus tendre. Cette tendreté, mesu- al 2001, Martin et al 2002b) en raison de leur
concentrés plutôt rée par un jury d’analyse sensorielle, a été liée effet protecteur contre les maladies cardio-
positivement à la teneur en lipides des car- vasculaires ou certains cancers.
qu'au pâturage, en casses, plus grasses que chez les agneaux pro-
relation avec une duits à l’herbe. Si le mode de conservation du fourrage
teneur en lipides (vert/ensilage/foin) ne peut pas être considé-
plus élevée et un L’âge à l'abattage peut jouer un rôle dans la ré à proprement parler comme un élément du
tendreté de la viande parce que le collagène terroir, la composition floristique des four-
abattage à un âge devient de plus en plus réticulé avec la mise rages, qui dépend fortement du milieu natu-
plus précoce. en place, au cours du vieillissement de l’ani- rel, relève au contraire de cette notion. Ainsi
mal, de liens intermoléculaires covalents qui de nombreux genres, parfois des familles
rendent la viande plus dure (Young et Gregory botaniques entières ne sont représentées
2001). En outre, la réticulation du collagène qu’en altitude (Gentianacées par exemple)
augmente pendant les périodes de croissance (Dorioz et al 2000) et constituent alors un élé-
animale réduite. En systèmes de production ment essentiel de la spécificité des zones de
basés sur le pâturage, les variations saison- montagne. L’existence d’un lien entre milieu
nières de la disponibilité en herbe peuvent naturel et caractéristiques des produits peut
réduire la croissance des animaux et par cependant être menacée par des pratiques
conséquent accroître la dureté de leur viande culturales conduisant à une certaine unifor-
(Young et Gregory 2001). Le rôle du collagène misation des fourrages. Au regard de ces
sur la tendreté de la viande semble cependant résultats, il nous semble que quels que soient
n’être important que pour les muscles qui en les mécanismes responsables du lien four-
contiennent une certaine quantité, comme rages-produit, le maintien de la bio-diversité
par exemple le muscle semitendinosus tan- des fourrages (verts ou conservés) est essen-
dis qu’il est moins important pour les muscles tiel pour que le fromage ou la viande reflète
(comme le long dorsal) en contenant une très au mieux l’originalité et la diversité du terri-
faible quantité (Listrat et al 1999). Ces der- toire où il est produit. Les démarches
niers auteurs ont aussi démontré le rôle du actuelles des responsables des filières AOC
type de collagène et de sa solubilité sur la ten- lait ou viande vont tout à fait dans ce sens.
dreté de la viande.
Enfin, l’effet du terroir ne se limite pas à la
Conclusions simple dimension biologique du milieu ; il faut
aussi tenir compte des dimensions histo-
Les différents résultats présentés ici mon- riques, sociales et économiques, qui dépas-
trent que les caractéristiques des fourrages sent le cadre de ce texte mais qui ne sont pas
consommés par les animaux modifient les indépendantes des facteurs biologiques.

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Abstract

Sensory properties of meat and dairy pro- of dairy products, and abundant in green forages. The
ducts are affected by the forages consumed differences can also be due to milk constituents that
by the animals. the animal produces which are different with different
feeds. This is the case of the plasmin content of milk or
The nature of forages ingested by ruminants is one of fat composition that can affect cheese texture.
the factors of variation of sensory properties of dairy Meat from animals grazing grass is darker and tou-
products and meats. Recently, the effect of this factor gher than meat from animals given concentrates. This
was underlined, particularly for the PDO products. For effect can be partially linked to the ultimate pH (for
these products, animal feeding is one of the elements the colour), to the age at slaughter (generally higher
that link the product to the “terroir”. for animals grazing grass), to the carcass fatness and
Grass conservation as silage does not seem to affect
to the intramuscular fat content (higher for animals
cheese sensory properties when the silage is done pro-
given concentrates). Grass feeding also affects meat
perly, except for the colour which tends to be more yel-
low when the animals are fed silage. Contrarily when flavour. This effect is probably linked to an increase of
the animals graze grass, the cheeses have a more inten- skatole and its interaction with branched chain fatty
se colour, flavour and odour, compared to winter acids. Also animals grazing grass have a higher pro-
rations based on hay and silage. The botanical compo- portion of linolenic acid in their fat. Some products of
sition of grass has an effect on cheese sensory proper- oxidation of linolenic acid are responsible for the pas-
ties. The most important differences regard texture, toral flavour of meat.
mainly in cooked type cheeses when cows graze in pas-
tures with a great biodiversity. COULON J-B., PRIOLO A., 2002. La qualité sen-
These sensory differences can be due to milk consti- sorielle des produits laitiers et de la viande dépend
tuents coming directly from animal food. This is the des fourrages consommés par les animaux. INRA
case of carotenoids, responsible for the yellow colour Prod. Anim., 15, 333-342.

INRA Productions Animales, Décembre 2002

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