Vous êtes sur la page 1sur 17

COLLER

1
Beton
l'industrie
la plus
polluante
de Suisse
4 5
une cimenterie de Holcim à Untervaz
©Holcim
Index

1 Progrés urbaine p. 12
et déclin écologique
1.1 Le beton comme matériau
de construction

1.2 Impact écologique

2 Réveler la réalité p. 24
2.1 Les entreprises industrielles
les plus polluantes en Suisse

2.2 Une année de béton suisse


en chiffres

7
Bien avant les gratte–ciels étincelants et les
vastes autoroutes qui parsèment nos pay-
sages urbains modernes, le béton a fait ses
premiers pas modestes dans les régions an-
ciennes de la Mésopotamie. À cette époque,
ce matériau n'était rien de plus qu'un mé-
lange rudimentaire de granulats et d'argile.
Ces constructions, malgré leur simplicité,
étaient des manifestations précoces de l'in-
géniosité humaine dans le domaine du bâti.
Mais c'est à Rome, cette ville éter-
nelle, que le béton a véritablement
commencé à prendre sa forme mo-
derne. Les Romains ont découvert le
potentiel d'un mélange de ciment,
de granulats et d'eau, et l'ont utili-
sé pour construire certains de leurs
édifices les plus emblématiques.
Le Panthéon, avec sa majestueuse
coupole en béton, et le Colisée,
avec son cadre grandiose, sont des
témoignages vivants de l'expertise
romaine. Ces structures ont, non
seulement survécu aux ravages du
temps, mais ont également fourni
une source d'inspiration pour les gé-
nérations futures, prouvant que le
béton, lorsqu'il est bien utilisé, peut
être à la fois robuste et esthétique-
ment agréable.
Le XIXe siècle, avec son foisonnement de
découvertes et d'innovations, a marqué un
tournant décisif dans l'histoire du béton.
Alors que l'industrialisation faisait rage, les
avancées techniques ont permis d'améliorer
et de perfectionner la composition et l'ap-
plication du béton.
C'est Joseph Monier qui a vraiment
saisi le potentiel du mélange de
fer et de ciment. En combinant ces
deux éléments, Monier a introduit
le concept du béton armé. Cette
fusion du métal et du ciment a non
seulement augmenté la résistance
du béton, mais a également permis
des conceptions architecturales plus
audacieuses et avant–gardistes.
François Coignet, lui aussi, a laissé une em-
preinte indélébile sur ce siècle d'or du béton.
Sa vision innovante a conduit à la construc-
tion du tout premier immeuble en béton
coulé, qui se dresse encore fièrement à
Saint–Denis. Ce bâtiment, bien que modeste
en taille, a marqué le début d'une ère nou-
velle dans la construction, ouvrant la voie
à l'utilisation du béton dans une variété de
structures, allant des maisons privées aux
bâtiments publics monumentaux.
À la fin du XIXe siècle, le béton avait
déjà commencé à transformer le
paysage architectural de l'Europe,
promettant une révolution encore
plus grande à l'horizon du XXe siècle.
L'épopée du béton est une histoire profon-
dément enracinée dans l'ambition humaine
de construire un monde meilleur, pierre par

9
pierre, ou plutôt, mélange par mélange.
Depuis ses humbles origines dans les mains
des artisans antiques, le béton a progres-
sivement évolué, affinant sa composition
et améliorant sa résilience. Avec chaque
avancée, il a gagné une place encore plus
grande dans le cœur des architectes et
des constructeurs. Au–delà des avancées
techniques, le véritable triomphe du béton
réside dans sa capacité à influencer des
générations d'architectes, d'ingénieurs et
de constructeurs. Le béton est devenu le
témoin silencieux de la montée des civilisa-
tions, supportant fièrement les structures
qui définissent nos horizons urbains.
Alors que nous concluons ce cha-
pitre initial sur le béton, il est es-
sentiel de reconnaître que chaque
bâtiment, chaque pont, chaque bar-
rage porte en lui une partie de cette
histoire. Une histoire faite de rêves,
de défis et d'innovations. Une his-
toire qui continue d'être écrite avec
chaque nouvelle structure érigée.
Chaque époque a ses matériaux de pré-
dilection, et pour l'ère moderne, le béton
se dresse majestueusement. Mais plus
que tout, l'histoire du béton nous rappelle
que même les substances les plus simples
peuvent, avec de la vision et de l'innovation,
transformer le monde qui nous entoure.

10
Progrès
urbain

et déclin
écologique
1.1

Le béton comme matériau


de construction

À l'aube du 21e siècle, la silhouette de notre civili-


sation est façonnée par une matière que l'Antiquité
aurait du mal à reconnaître : le béton. Des avenues
balisées par des gratte–ciels aux barrages qui
domptent les rivières, le béton est le pilier silencieux,
mais omniprésent, de l'ère moderne. Son succès
n'est pas un hasard, mais le résultat d'une combinai-
son de propriétés qui ont fait de lui le matériau de
prédilection pour les constructeurs du monde entier.
Mais quelles sont les racines de cette popularité ? Et
quel est le coût caché de cette dépendance ?
Avantages du béton
Le béton armé, enrichi de fer, a révolutionné
le monde de la construction. Au–delà de sa
capacité intrinsèque à résister à la pression,
il possède une souplesse inattendue. Cette
dualité offre aux architectes une latitude de
conception rarement vue auparavant, per-
mettant des structures à la fois audacieuses
et robustes. Contrairement à la pierre, par
exemple, qui est forte en compression, mais
faible en tension, le béton peut résister à des
forces multidirectionnelles, rendant possibles
des designs autrefois inimaginables.
Durabilité et robustesse
L'un des atouts majeurs du béton est sans
conteste sa robustesse. Bien que sa durée de
vie soit estimée à environ 60 ans, ce chiffre
peut être trompeur. En effet, de nombreux
bâtiments en béton ont survécu et conti-
nuent de fonctionner bien au–delà de cette
estimation. Il est un matériau robuste qui ré-
siste à l'épreuve du temps. Il ne pourrit pas
comme le bois, ne rouille pas comme le métal
et ne se dégrade pas facilement sous l'effet
de l'humidité ou des intempéries. Sa solidité
intrinsèque le protège des dommages cau-
sés par les vents violents, les inondations,
les tremblements de terre et même les in-
cendies. Lorsqu'il est correctement armé, le
béton peut supporter d'énormes charges et
tensions, ce qui le rend essentiel pour des
infrastructures telles que les ponts, les bar-
rages et les gratte–ciels.
Versatilité et adaptabilité
Sa capacité à se transformer est ce qui
fait du béton le caméléon des matériaux
de construction. À partir d'un mélange ba-
sique d'eau, de ciment et d'agrégats, il est
possible de réaliser une gamme étendue
de textures, de formes et de finitions. Des
structures aériennes aux motifs artistique-
ment complexes, en passant par des sur-
faces rugueuses imitant la pierre naturelle

15
ou des finitions miroirs ultra–lisses, le béton
peut être adapté aux désirs les plus exi-
geants des architectes et des designers.
Parallèlement à l'ex-
Que ce soit pour des sols industriels, des fa-
çades sculptées, des comptoirs de cuisine
ou même des éléments décoratifs, le béton
traction du sable, la
offre une palette presque infinie d'options.
production de ciment
nécessite l'exploita-
Coût et accessibilité
Malgré sa force et sa polyvalence, le béton
reste l'un des matériaux de construction les
plus abordables. En grande partie, cela est

tion du calcaire,
dû à la simplicité et à l'abondance de ses in-
grédients de base: le sable, le gravier et le
ciment. La capacité de produire du béton lo-

contribuant à l'alté-
calement signifie également que les coûts
de transport sont souvent réduits, contrai-
rement à d'autres matériaux qui peuvent

ration des paysages


nécessiter une expédition sur de longues
distances. Cette production locale soutient
également les économies régionales, en

et à la destruction
fournissant des emplois et en stimulant les
industries connexes. De plus, les innovations
dans les méthodes de production ont permis

d’habitats essentiels.
de rationaliser et d'optimiser le processus,
offrant des économies d'échelle pour les
grands projets. Cette combinaison de soli-
dité, de flexibilité et d'accessibilité écono-
mique a solidifié la place du béton comme le
matériau de prédilection pour une multitude
d'applications à travers le monde.

1.2

Impact
écologique

La production de ciment est l'une des principales


sources industrielles d'émissions de CO2, contri-
buant de manière alarmante à l'empreinte carbone
globale de l'humanité. L'essence même de la fabri-
cation du ciment, le processus de cuisson des ingré-
dients de base, est incroyablement énergivore, en
particulier en raison de la nécessité d'atteindre des
températures d'environ 1450°C pour transformer le
calcaire et l'argile en clinker.
Mais qu'est–ce qui rend ce processus si car-
boné? Le calcaire, en chauffant, libère du
dioxyde de carbone lorsqu'il se transforme
en chaux. Cette réaction chimique, connue
sous le nom de calcination, est responsable
d'environ la moitié des émissions totales de
CO2 de la production de ciment. L'autre moi-
tié provient de la combustion de combus-
tibles fossiles, comme le charbon, utilisés
pour atteindre et maintenir ces tempéra-
tures élevées.
Globalement, la fabrication du ciment représente
environ 8% des émissions mondiales de CO2.
Cela place la production de ciment juste derrière les
émissions des combustibles fossiles des secteurs

16 17
Une énorme masse de béton : avec ses 285
mètres, le barrage de la Grande Dixence en

18 19
Valais est l'ouvrage le plus haut de Suisse.
© Alamy Stock Photo
À la fin du XIXe siècle, de l'énergie et de l'industrie, sur le plan de
contribution au réchauffement climatique.
Ce chiffre est d'autant plus préoccupant

le béton avait déjà lorsque l'on considère la demande crois-


sante de béton à mesure que la population
mondiale et l'urbanisation augmentent.

commencé à trans- La composition du ciment elle–


même peut également varier, cer-
tains mélanges nécessitant plus

former le paysage de clinker que d'autres. Le clinker


est le principal coupable des émis-
sions, donc plus un mélange de ci-

architectural de l'Eu- ment contient de clinker, plus son


empreinte carbone est élevée. Des
efforts sont en cours pour dévelop-

rope, promettant per des alternatives au clinker tradi-


tionnel ou pour réduire sa quantité
dans le mélange, en le remplaçant

une révolution encore par d'autres matériaux.


La dépendance vis–à–vis des combustibles
fossiles pour le processus de cuisson ajoute

plus grande à l'hori- une autre couche d'émissions.


Même si certaines cimenteries ont commen-
cé à adopter des sources d'énergie alterna-

zon du XXe siècle. tives, la majorité dépend encore largement


du charbon, du pétrole et du gaz naturel.
Alors que le monde s'efforce de ré-
duire ses émissions globales de CO2,
le secteur du ciment est soumis à
des pressions croissantes pour se ré-
inventer, explorer des technologies
plus propres, adopter des matériaux
de substitution et optimiser ses pro-
cessus de production.
Exploitation des ressources
La soif mondiale de béton a conduit
à une extraction effrénée de ses
principaux ingrédients, notamment
le sable. Cet appétit insatiable a
des conséquences alarmantes.
Premièrement, le sable n'est pas une
ressource infinie; les taux d'extrac-
tion actuels dépassent largement la
capacité de renouvellement naturel.
Les dragages intensifs bouleversent
le lit des rivières, perturbant les
écosystèmes aquatiques et accen-
tuant l'érosion des berges. De plus,
ces activités minières illégales ont
également vu émerger une "mafia
du sable", engendrant des conflits
et des problèmes sociaux dans de
nombreuses régions. Parallèlement
à l'extraction du sable, la production
de ciment nécessite l'exploitation du
calcaire, contribuant à l'altération
des paysages et à la destruction
d’habitats essentiels.
Perte de biodiversité
L'empreinte écologique de la pro-
duction de béton va bien au–delà de
l'extraction de ses matériaux.
Les carrières et les sites d'extrac-
tion perturbent des habitats naturels

20 21
entiers, mettant en péril la faune et la
flore locales. Les écosystèmes aqua-
tiques, en particulier, subissent les ef-
fets néfastes du dragage, qui déplace
le sédiment et libère des polluants.
Cette perturbation a des répercus-
sions en cascade sur la chaîne ali-
mentaire aquatique, allant des plus
petits organismes jusqu'aux pois-
sons et mammifères plus grands qui
en dépendent. Sur terre, les habi-
tats terrestres ne sont pas épargnés
non plus. L'expansion des carrières
détruit des forêts, des prairies et
d'autres écosystèmes, chassant la
faune et réduisant la flore. Cette
perte d'habitat est une menace di-
recte pour de nombreuses espèces,
accélérant la crise mondiale de la
biodiversité.
En somme, le béton est à la fois une merveille
de l'ingénierie moderne et une source de
préoccupations écologiques majeures. Alors
que nous entrons dans une ère où la durabi-
lité et l'écologie sont au premier plan, il est
essentiel de peser les avantages du béton
par rapport à ses coûts environnementaux.

La carrière du Mormont, exploitée par le

22
cimentier Holcim. ©Keystone/Laurent
Gillieron.
Révéler

la réalité
2.1 Entreprise
Holcim
Secteur
Ciment
Tonnes eq. CO2
1'299'825

Les entreprises
industrielles
les plus polluantes
de Suisse

Source:
Valentin Tombez et Jérôme Galichet,
"Climat: Holcim et Lonza,
les plus gros pollueurs en Suisse",
RTSinfo, juin 2021.

Lonza Chimie 1'006'589

Jura Materials Ciment 701'733

Vigier Ciment Ciment 472'572

Varo Pétrole 363'714

Les entreprises industrielles


les plus polluantes en Suisse
en 2019

26 27
2.2

Une année de béton suisse


en chiffres

Source:
Cemsuisse, Chiffres–clés 2020

Tonnes de CO2
émises

Mètres carrés Terajoule


employés d'énergie
dans la consommée
construction

Tonnes de
matières
premières
utilisées

Kilogrammes de
béton produit
annuellement par
habitant

28 29
Atrium en TERRAPAD L
Maison de l’Environnement à Lausanne–
Vennes, Ferrari architectes, 2021
photos © Terrabloc

30 31
COLLER

32

Vous aimerez peut-être aussi