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La dénonciation sociale dans la Répudiation 1969 de Rachid Boudjedra

Introduction
Habituellement dans les domaines de la littérature et des arts, certaines productions artistiques sont
régies par les conditions politiques et sociales prédominantes de l'époque à laquelle l’œuvre est écrite.
Malgré leur liberté, les nations africaines post-indépendantes, telle que l'Algérie, souffrent encore de
l'inefficacité des constitutions politiques et sociales. Ils cherchent à plusieurs constamment à trouver la
voie pour sortir de l'ombre monstrueuse de l'injustice. Ainsi, les hommes de lettres des pays
fraîchement indépendants se chargent de dépeindre les conditions de vie injustes et d'écrire sur les
désillusions des africains après l'indépendance. Ce genre de littérature est né d'un sentiment de haine et
le désenchantement du régime gouvernemental qui a remplacé le colonisateur européen. À cet égard,
le roman post-indépendant reflète les cruelles réalités des sociétés et dénonce les inégalités sociales
créées par la cupidité, l'exclusion et les préjugés. Cependant, même si la référence politique est bien
présente dans la littérature post-indépendante, ce n'est pas le thème principal du texte postcolonial. Le
roman au centre de ce présent article tente de révéler comment se manifestent les dimensions
historiques et esthétiques de cette littérature du désenchantement. La Répudiation se concentre sur la
description détaillée de la misère sociopolitique des peuples et retranscrit toutes les formes d'injustice
qu'ils ont endurées dans une société pseudo-indépendante et démocratique, enfin libérée de la
dépendance coloniale mais malheureusement sous le contrôle de dictatures indigènes, avec les
répercussions et l'impact de l'injustice sur les niveaux familial, social et politique.

Dans sa tentative de répondre à la question « L'injustice disparaît-elle, si la sincérité des peuples


apparaît ? », la présente étude s'appuie dans son approche sur une analyse du roman postcolonial
chargé en termes d'éléments historiques, de thèmes, de dispositifs d'écriture et de style. Il vise à
démontrer l'effet de la rencontre coloniale ainsi que l'impact des nouveaux régimes gouvernementaux.
Il dépeint également comment les métamorphoses politiques, culturelles et psychologiques sont
inévitables après une telle expérience. Ce faisant, cet article analyse les différentes formes et raisons
de l'injustice dans La Répudiation (1969) de Rachid Boudjedra sur la société algérienne, ex-colonie
française. Où il est question de théories postcoloniales, en se référant à des notions telles que le
discours psychanalytique et la subalternité telles qu'ils sont exprimés.

De plus, comme le roman met l'accent sur l'injustice politique en Algérie, il est particulièrement
évocateur d'un temps passé, qui fut celui de la crise pour les jeunes générations. Le l'incompétence
gouvernementale passée peut être facilement comparée au chaos récent des révolutions arabes face à
l'ombre de l'injustice et de la corruption.

La dimension historique et mémoire de l’injustice dans La Répudiation de


Rachid Boudjedra

Lecture crue du roman

La répudiation est un roman réaliste, rude et trouble. le protagoniste, narrateur


de son enfance, dégueule littéralement sa haine envers sa société, il se confie à
sa maitresse et raconte son passé douloureux et impudique.

Il lui parle de son père, cet ignoble père qui a répudié sa mère pour une gamine
de quinze ans, cruauté à l'image du patriarcat dominant sans faille : “Dans la
ville, les hommes déambulent, ils crachent dans les vagins des putains, pour les
rafraichir. Les hommes ont tous les droits, entre autres celui de répudier leurs
femmes”.

Il lui parle de son frère Zahir, de son homosexualité, de sa déchéance et de ses


désirs de parricides et de meurtre, il ne parlait que de tuer le foetus de Zoubida,
la jeune marâtre.

Il lui parle ensuite de sa vengeance du père, du chef incontesté, une vengeance


par l'inceste, l'inceste commis avec la marâtre, Zoubida.

Les mots et les phrases se bousculent, s'entrechoquent, l'atmosphère est pesante


et parfois angoissante, le langage est cru, les longues descriptions perverses
poussent à bout le lecteur, qui reste néanmoins attaché à cette lecture pour son
style flamboyant, car arrivant à la fin du roman, ce dernier comprends qu'il s'agit
de descriptions métaphoriques, à travers les halucinations délirantes du
narrateur, il s'agit de la révolution trahie, de la trahison du clan, des souvenirs du
maquis, de la structure politique qui écrase de toute son autorité le peuple
jusqu'à l'asservissement.

Rachid Boudjedra a 28 ans quand il publie La Répudiation (1969). C’est un


roman de la mémoire ( une « catharsis thérapeutique » ) savamment construit,
écrit dans un style touffu, écrit sans doute dans l’urgence, tant les mots et les
phrases se bousculent.
C'est l'histoire d’un fils, hanté par des désirs de parricides, parce que son père a
répudié sa mère, parce qu'il découvre que cette société est fondée sur le droit de
jouissance du chef de clan.
C’est l’histoire de femmes-bétails, objets sexuels, exploitées et rejetées, tenues
en laisse, barricadées, qui passent des mains des pères à celles des maris.
« Les cafés sont pleins à craquer. Chaque tasse de café est une négation de la
femme. A défaut de leurs épouses, les consommateurs sont accompagnés de
leurs enfants; toujours endimanchés et l'air décidé de ceux qui savent que la
relève est certaine: garder les femmes. » Garçons éduqués dans la haine du sang
menstruel et du lait qui s’écoule du sein de l’amante.
C'est l'histoire d’adultes cruels qui violent les enfants, filles et garçons. « Noces
drues. La mariée avait quinze ans. Mon père, cinquante. Noces crispées.
Abondance de sang. Les vieilles femmes en étaient éblouies en lavant les draps,
le lendemain. Les tambourins, toute la nuit, avaient couvert les supplices de la
chair déchirée par l’organe monstrueux du patriarche. » Tenir un livre de prières
d'une main pendant qu'on viole une fillette de neuf ans venue demander
l’aumône, de l'autre.
C'est l'histoire d’une communauté patriarcale qui baigne dans le sexe et le sang,
qui mélange allègrement les rites purificateurs sanguinaires exercés contre les
bêtes et la défloraison des jeunes filles. « Et l'on nous pourchassait sans répit,
jusqu’à ce que nous eussions pleinement assumé le bonheur du sang et de la
fiente, dans un monde où les adultes jouaient aux bouchers pour mieux préciser
la démarcation entre leur animalité et notre humanité à fleur de conscience,
malgré la haine et la passion qui nous transformaient en bêtes féroces. »
C’est l’histoire d'un pays qui cultive la violence et la cruauté et qui finit par
étouffer dans ses excréments. « Je passais mes journées à lui raconter la vie de la
tribu, la mort de Zahir, l'inceste consommé avec Zoubiba et avec Leïa, la
répudiation de ma mère par Si Zoubir, chef incontesté du clan; point de départ
de la dissémination et de la destruction de la famille, prise à son propre piège,
envahie par sa propre violence, décimée finalement au bout d’une longue lutte
qui aboutit à cette guerre intestine au moment du partage, ravageant le pays
comme une sorte de calamité naturelle… »

Analyse du thème de l’injustice dans la répudiation

Quand l’injustice justifie le style

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