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JOHN PIPER

Nourrir notre faim


de Dieu par le jeûne
et la prière

Préface de David Platt et Francis Chan


« À une époque où les distractions et les petites espérances éphémères n’ont
jamais été aussi nombreuses, John Piper nous invite à redécouvrir la faim
de Dieu. Il replace le sujet parfois controversé du jeûne dans une réflexion
biblique et théologique d’une grande richesse, en nous invitant à la fois à
nous saisir du « tout est accompli » de l’Évangile et à soupirer après la nouvelle
création que nous attendons encore. Pour Piper, le sens du jeûne se trouve
précisément dans cette attente, pleine d’aspiration et de confiance, du jour
où nous serons parfaitement rassasiés par la présence de Dieu. Il nous invite
ainsi à redécouvrir la soif du Dieu vivant dans un contexte occidental moderne
où nous sommes sans cesse invités à nous gaver, au mieux des bienfaits de
la création, au pire des idoles en tout genre. Je ne peux que chaleureusement
recommander la lecture de ce très bel ouvrage. »
Matthieu Sanders
Pasteur de l’Église évangélique baptiste de Paris-Centre

« Ce livre m’a permis d’intégrer le jeûne à ma vie de tous les jours. Le jeûne n’est
pas une pratique mystique ou monastique : cela concerne tous les chrétiens. Le
jeûne n’est pas centré sur nous, ou sur notre niveau de piété vis-à-vis de Dieu,
comme l’enseignent tant de gens. Nous vivons dans une culture d’abondance,
une culture de plaisir et d’abus. Le jeûne est un moyen de grâce que Dieu nous
offre pour nous aider à appréhender quelqu’un de plus grand que nos appétits.
Ce livre m’a radicalement changé, simplifié et il m’a rapproché de Christ. »
Keyan Soltani

« Une des questions les plus fréquemment posées dans mon église est celle du
jeûne. À quoi cela sert-il de jeûner et de prier ? Est-ce pour convaincre Dieu
d’agir ? Est-ce pour gagner son approbation afin qu’il réponde favorablement
à nos prières ? Ce livre merveilleux s’appuie sur la Parole de Dieu et renverse
ces questions en nous soumettant que le jeûne et la prière n’ont rien à voir
avec des réponses à nos prières, et tout à voir avec les cœurs de ceux qui prient.
« Jeûner » est à lire et à relire, afin de mieux comprendre et de mieux chérir
cette pratique peu comprise. »
Jason Procopio
Pasteur de l’Église Connexion, Châtelet-Les Halles, Paris

« Ce livre est entré dans ma vie à un moment où la douleur et la peine créaient


en moi une soif que seul notre Sauveur pouvait étancher ! J’ai toujours plus
faim et soif de lui. En lisant ce livre, j’ai ressenti l’amour extravagant de Dieu
à chaque page. Quel trésor ! »
Amy Kneen
« Peu de livres ont eu un impact aussi profond sur ma vie que Jeûner : nourrir
notre faim de Dieu par le jeûne et la prière. En essayant de comprendre comment
Dieu pouvait utiliser le jeûne dans ma vie, j’ai été submergé par un sentiment
de besoin de Christ, par une impatience de vivre le ciel et par une envie
profonde de porter la lumière de Jésus au monde. Bible en main, John Piper
présente clairement la raison d’être et la vision de Dieu pour le jeûne : nous
jeûnons pour la joie de notre âme et pour la gloire de son nom. Ce livre m’a
appris à chérir le donateur plutôt que les cadeaux qu’il nous offre. »
Octavio Sánchez

« Dans nos sociétés occidentales, je crois que le principal défi du jeûne


se situe dans sa contre-culturalité. Se priver de quelque chose dans notre
environnement consumérisme et d’abondance est quelque chose de presque
« impensable ». Face à la forte influence de notre culture terrestre, nous avons
une véritable bataille à mener : celle d’avoir un jeûne authentique tel que nous
le décrit John Piper dans cet ouvrage. Cet ouvrage m’a permis de placer le
jeûne dans une perspective beaucoup plus large et dont les enjeux ont une
portée spirituelle vertigineuse. C’est devenu en même temps plus simple et
plus intentionnel : le jeûne ne manifeste pas notre foi, il contribue à notre foi.
Il ne manifeste pas une capacité à se priver, mais renforce notre désir d’être
davantage nourri par Dieu. Il est certes désagréable à notre corps, mais nous
permet de lutter contre notre Chair. Il n’est pas offert à Dieu, c’est un don
de Dieu. »
Samuel Laurent
Psychologue et conseiller biblique

« Lorsque Jésus enseigne les foules sur la montagne, il aborde différentes


disciplines spirituelles. Quand il s’agit du jeûne, il ne dit pas « Si tu jeûnes… »
mais « Quand tu jeûnes… » ! Dans ce livre, John Piper arrive à enthousiasmer
ses lecteurs pour la pratique du jeûne sans les culpabiliser mais en les motivant
à pratiquer de bonnes habitudes spirituelles pour de bonnes raisons. Comme à
son habitude, il met en avant l’objectif suprême non seulement du jeûne mais
de toute la vie chrétienne : tout faire pour la gloire de Dieu ! En agissant ainsi,
le jeûne échappe au piège d’être du « marchandage » entre deux parties pour
devenir une source d’épanouissement et de contentement dans une intimité
toujours renouvelée avec le Dieu souverain. »
Mike Evans
Président d’Évangile 21
« Ce livre m’a profondément interpellé. La synthèse qu’il propose de l’ensei-
gnement biblique sur le jeûne est remarquable, elle m’a ouvert les yeux sur
plusieurs aspects qui m’avaient échappé. Mais ce n’est pas tout. Même si vous
ne vous intéressez pas à la question du jeûne, lisez ce livre. Il vous donnera faim
de Dieu. En outre, son traitement équilibré du jeûne fait apparaître plusieurs
thématiques de la vie chrétienne sous un jour nouveau : les désirs profonds,
les sources de motivation pour la marche chrétienne, le légalisme, les délices
de la grâce divine, la prière de supplication, l’attente vigilante du retour de
Christ, la souffrance, l’injustice dans le monde, et ainsi de suite. Ce livre est
un festin ! L’un des meilleurs (et des plus étonnants) de Piper. »
Dominique Angers
Professeur à la Faculté de Théologie Évangélique (Université Acadia, Montréal)
et blogueur sur le site toutpoursagloire.com

« Dans les moments les plus sombres de ma vie chrétienne, ce livre m’a appris
à voir Dieu comme celui qui peut me combler entièrement. En me tournant
vers lui, j’ai trouvé la joie au milieu de la souffrance. Je ne voyais plus cette
période difficile de ma vie comme pure destruction, mais comme un temps au
cours duquel j’étais guidé par la providence de Dieu afin de le voir comme le
désir unique et la source de plénitude de mon âme. Jeûner : nourrir notre faim de
Dieu par le jeûne et la prière m’a aidé à transformer mon désespoir en affection. »
Rudy Rackle

« Je suis arrivé aux États-Unis avec en tête le rêve américain. J’avais soif de
réussite et d’argent. Je ne savais pas que Dieu allait me détourner de mon
idolâtrie pour ces choses afin que mon adoration se tourne vers lui seul.
L’Esprit a puissamment utilisé cet ouvrage dans ma vie. J’ai commencé à
comprendre ce que signifie renoncer à tout pour Jésus-Christ, faire tomber
les murailles par obéissance, et se réjouir dans l’espérance de la gloire de Dieu.
Le pain existe pour que je puisse adorer Dieu par la joie que je trouve en lui
en mangeant ce pain, certainement pas pour que je glorifie cette nourriture,
ou que je me glorifie d’avoir pu pourvoir à cet aliment. Puisse Dieu se servir
de ce livre pour révéler à une nouvelle génération d’hommes et de femme
combien il est plus grand que tous ses dons. »
Victor Chininin
JOHN PIPER

Nourrir notre faim


de Dieu par le jeûne
et la prière

Préface de David Platt et Francis Chan


Édition originale publiée en langue anglaise sous le titre :
Hunger for God • John Piper
© 1997, 2013 • Desiring God foundation
Publié par Crossway, 1300 Crescent Street, Wheaton, Illinois 60187
Traduit et publié avec permission. Tous droits réservés.

Édition en langue française :


Jeûner • John Piper
© 2019 • BLF Éditions • www.blfeditions.com
Rue de Maubeuge • 59164 Marpent • France
Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés.

Traduction : E2m
Couverture : Étinciel
Mise en page : BLF Éditions
Impression n° XXXXX • Evoluprint, 10 rue du Parc, 31151 Fenouillet, France

Sauf mention contraire, les citations bibliques sont tirées de la Bible ver-
sion Segond 21 Copyright © 2007 Société biblique de Genève. Reproduit
avec aimable autorisation. Tous droits réservés. Les caractères italiques
sont ajoutés par l’auteur. Les autres versions sont indiquées en abrégé de
la manière suivante : La Bible en français courant (BFC), la Bible du Semeur
(BDS), la Colombe (COL), la Nouvelle Bible Segond (NBS), Louange vivante
(LVV), Parole de vie (PDV), Parole vivante (PVV), Prophétie vivante (PPV),
Darby (DAR).

ISBN 978-2-36249-433-8 broché


ISBN 978-2-36249-434-5 numérique

Dépôt légal 4e trimestre 2019


Réimpression en octobre 2022

Index Dewey (CDD) : 248.47


Mots-clés : 1. Jeûne.
2. Prière. Aspects chrétiens.
3. Rechercher Dieu.
Aux anciens de l’Église baptiste de Bethléem.
Ensemble, nous avons eu faim de Dieu et de sa plénitude.
Ensemble, nous avons goûté au festin de la grâce.
TABLE DES MATIÈRES

Préf ace d e Fr anc i s Chan et Dav id Plat t ......................... 11


Avant- pro pos ..................................................................................... 17
Int rod uc tion : Nos t alg iq ue s d e Dieu .. ............................. 21

LE JEÛNE EST-IL CHRÉTIEN ?


Un nouveau jeûne
pour un vin nouveau..................................................................................................... 35

L’HOMME NE VIVRA PAS


DE PAIN SEULEMENT
Le jeûne, un festin dans le désert...................................................................... 65

JEÛNER POUR OBTENIR


LA RÉCOMPENSE DU PÈRE
Le jeûne de Jésus, radicalement tourné vers Dieu.......................... 83
JEÛNER POUR LE RETOUR DU ROI
Sommes-nous réellement impatients qu’il revienne ?................ 101

LE JEÛNE ET LE COURS DE L’HISTOIRE


Un appel au discernement et au désir...................................................... 119

TROUVER DIEU
DANS LA SOUFFRANCE
Pour un autre jeûne,en faveur des plus pauvres............................. 149

JEÛNER POUR LES TOUT-PETITS


Avortement et souveraineté de Dieu
face aux fausses visions du monde.............................................................. 185

C onc lu sion :
Po urq uoi Dieu récom pen s e le jeûne ? .. ........................ 2 07

A nnexe : Ci t ation s et ex pér ience s .................................. 217


Bi bliog r a phie . . ................................................................................. 23 9
Note s ..................................................................................................... 24 3
Ind ex d e s référence s bi bliq ue s ......................................... 2 57
Ind ex d e s per s onne s ................................................................. 26 5
P R É FA C E

Nous avons tant de raisons d’être encouragés et pleins de


reconnaissance si nous observons l’Église d’aujourd’hui ! Le
peuple de Dieu désire répandre la gloire de Dieu sur toute la
terre avec un zèle renouvelé. Plus que jamais, nous entendons
des frères et des sœurs, toutes tendances confondues, parler
de l’Évangile et de la mission. Ils parlent de transformer des
villes et d’atteindre les peuples non-atteints. Ces discussions
sont essentielles, et nous espérons qu’elles se poursuivront
avec toujours plus d’intensité et d’intentionnalité.
Cependant, ce que nous n’entendons pas peut parfois se
révéler tout aussi révélateur que ce que nous entendons. Cela
nous fait penser à un vieux Sherlock Holmes, dans lequel le
détective évoque un « incident bizarre avec le chien, la nuit »,
au cours d’un cambriolage. Son associé, troublé par cette
remarque, lui répond que « le chien n’a rien fait pendant la
nuit ». Holmes réplique alors : « C’est justement cela notre
incident bizarre ». Malgré le nombre impressionnant de publi-

11
J eû ner

cations et de conférences chrétiennes, la remarque de James


Packer sur notre propre « incident bizarre » sonne toujours
aussi juste :

Quand des chrétiens se retrouvent, ils discutent de leurs


engagements de chrétiens, de leurs intérêts chrétiens, de
leurs amis chrétiens, de l’état des Églises, et de problèmes
théologiques, mais rarement de leur expérience quotidienne
avec Dieu.
Les livres et magazines du christianisme d’aujourd’hui parlent
beaucoup de doctrine chrétienne, de principes chrétiens, de
problèmes de comportement chez les chrétiens, de tech-
niques pour le service chrétien, mais bien peu des réalités
intérieures de leur communion avec Dieu.
Nos prédications regorgent de saine doctrine, mais men-
tionnent très peu la conversation de l’âme avec son Sauveur.
Nous passons peu de temps, seuls ou ensemble, à nous at-
tarder sur les merveilles contenues dans ce simple fait : la
communion entre Dieu et les pécheurs est possible ! Nous
la considérons comme acquise, et nos pensées se tournent
alors vers d’autres sujets.
Nous montrons clairement par là notre profond manque
d’intérêt pour la communion avec Dieu1.

Pensez-y. Où sont les conversations passionnées sur la


communion avec Dieu par le jeûne et la prière ? Nous parlons
plus facilement de stratégies pour évangéliser et implanter des
Églises que nous ne parlons de la puissance de Dieu – pourtant
au cœur de la réussite de ces efforts.
Voulons-nous vraiment participer au mouvement qui fera
de nouveaux disciples et multipliera les Églises chez nous et
jusqu’aux extrémités du monde ? Alors, nous ferions preuve de
sagesse en commençant par nous mettre à genoux.
C’est pour cette raison que nous recommandons avec joie
la lecture de cette nouvelle édition du livre de John Piper,

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PR ÉFACE

Jeûner : nourrir notre faim de Dieu par le jeûne et la prière. Si


vous avez lu Piper ou avez entendu parler de lui, vous savez
qu’une passion, juste et profondément biblique, l’habite :
répandre la gloire de Dieu ! Mais John Piper est aussi parfaite-
ment conscient de notre besoin de la grâce de Dieu. Cela aussi,
il le puise dans la Bible. Il sait que sans dépendance à Dieu,
et sans une soif désespérée de Dieu, nous passerons à côté du
plus grand but de notre mission et négligerons le besoin le plus
essentiel de nos âmes.
Nous avons été créés pour nous régaler au festin de la com-
munion avec Dieu. Nous avons été créés pour crier à Dieu,
comme le psalmiste :

Ô Dieu, tu es mon Dieu, je te cherche.


Mon âme a soif de toi, mon corps soupire après toi,
dans une terre aride, desséchée, sans eau.
C’est pourquoi je t’ai contemplé dans le sanctuaire
pour voir ta force et ta gloire,
car ta bonté vaut mieux que la vie.
Mes lèvres célèbrent tes louanges.
Ainsi je te bénirai toute ma vie,
je lèverai mes mains en faisant appel à toi.
Je serai rassasié comme par une nourriture succulente
et abondante, et, avec des cris de joie sur les lèvres,
je te célébrerai.
PSAUMES 63 : 2-6

Tristes statistiques : nombreux sont les jeunes qui se


détournent de l’Église dès qu’ils quittent le foyer familial.
Certains expliquent qu’ils ont « essayé Dieu » quand ils étaient
jeunes, mais cela n’a pas fonctionné pour eux. Nous devons
nous poser la question : l’ont-ils vraiment cherché avec ardeur
et de tout leur cœur ? Ont-ils crié à lui dans le jeûne et la prière ?
Il arrive que nous cherchions ardemment quelque chose de la
part de Dieu, plutôt que Dieu lui-même. Difficile d’imaginer
quelqu’un abandonner la présence du Dieu vivant (celui qui a

13
J eû ner

créé le ciel et la terre et qui les tient dans sa main), pour essayer
de trouver mieux !
Les délices spirituels que nous pouvons goûter en Dieu
surpassent, et de loin, tout ce que nous pouvons goûter physi-
quement dans ce monde. Le jeûne est le moyen par lequel nous
disons à Dieu : « Nos âmes te désirent plus que nos estomacs ne
désirent la nourriture ». Une fois que nous avons goûté et vu
combien l’Éternel est bon (cf. Psaumes 34 : 9), les choses de ce
monde ne nous attirent plus de la même manière.
Comme le dit Piper dans les premières lignes de ce livre :
« Méfiez-vous des livres sur le jeûne ». Ce livre n’est pas léga-
liste. Il ne développe pas une technique, un programme en
douze étapes. C’est en fin de compte un livre qui parle plus de
nos cœurs que de nos estomacs. S’abstenir de nourriture (ou
de toute autre chose) de manière temporaire n’est pas une fin
en soi. C’est un moyen d’apprendre et d’accroître notre amour
pour Christ. Comme Piper l’explique dans ce livre, la Bible
fournit de nombreuses raisons de jeûner :

• Nous jeûnons parce que nous avons faim de la Parole de


Dieu, et de l’Esprit de Dieu dans nos vies.
• Nous jeûnons parce que nous aspirons à voir la gloire de
Dieu éclater dans l’Église, et les louanges de Dieu éclater
parmi les nations.
• Nous jeûnons parce que nous attendons avec impatience
le retour du Fils de Dieu et la venue du règne de Dieu.
• Enfin, nous jeûnons tout simplement parce que c’est Dieu
que nous voulons, plus que tout ce que ce monde peut
nous offrir.

Essayer de convaincre nos proches de la grandeur et de


la splendeur de Dieu, voilà bien une des choses les plus frus-
trantes qui soient. Nous aimerions tant que nos voisins, notre
famille dans la foi, et les nations, trouvent leur satisfaction en

14
PR ÉFACE

Dieu seul ! Nous avons récemment relu le livre que vous tenez
dans vos mains, et nous avons essayé d’imaginer ce qui arri-
verait si nos Églises étaient remplies de croyants qui jeûnent
régulièrement et de façon biblique. Imaginer ce que pourrait
faire Dieu, selon son bon plaisir, si son Église se levait pour
dire : « Voilà à quel point nous aspirons après toi, ô Dieu ! » !
Lisez ce livre et demandez de grandes choses à Dieu ! Il est
celui « qui peut faire, par la puissance qui agit en nous, infi-
niment plus que tout ce que nous demandons ou pensons » !
(Éphésiens 3 : 20).

Francis Chan et David Platt


Auteurs du livre Multipliez-vous

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A V A N T- P R O P O S

Méfiez-vous des ouvrages sur le jeûne. La Bible met claire-


ment en garde contre ceux qui « interdisent […] de consommer
des aliments que Dieu a pourtant créés pour qu’ils soient pris
avec reconnaissance par ceux qui sont croyants et qui ont connu
la vérité » (1 Timothée 4 : 1-3). L’apôtre Paul demande avec tris-
tesse : « Pourquoi […] vous soumettez-vous à toutes ces règles :
“Ne prends pas ! Ne goûte pas ! Ne touche pas !” » (Colossiens
2 : 20-21). Il défend avec fougue notre droit à jouir pleinement
de notre liberté chrétienne. Lorsque vous ouvrez un livre sur
le jeûne, entendez toujours un cri de liberté vous proclamer :
« Ce n’est pas un aliment qui nous fera trouver faveur aux
yeux de Dieu : si nous en mangeons, nous ne gagnons rien de
plus ; si nous n’en mangeons pas, nous n’avons rien de moins »
(1 Corinthiens 8 : 8). Un jour, deux hommes se sont présentés
devant Dieu. Le premier a dit : « Je jeûne deux fois par semaine »
et le second a dit : « Dieu, aie pitié de moi, qui suis un pécheur ! ».
Un seul d’entre eux est rentré chez lui justifié (cf. Luc 18 : 12-14).

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J eû ner

La discipline du renoncement à soi est pleine de dangers


mais l’excès de complaisance envers soi est plus dangereuse
encore. La Bible nous avertit : « Tout m’est permis, mais je ne
me laisserai pas dominer par quoi que ce soit » (1 Corinthiens
6 : 12). Ce qui nous domine devient notre dieu et Paul met
en garde contre ceux dont le dieu est leur propre « ventre »
(Philippiens 3 : 19). L’appétit donne une orientation à leur
vie. L’estomac est souverain. Cela peut s’exprimer de façon
religieuse et non religieuse. D’un point de vue religieux, « ces
impies transforment la grâce de Dieu en débauche » (Jude 1 :
4) et vantent les mérites du slogan : « Les aliments sont pour
le ventre et le ventre pour les aliments » (1 Corinthiens 6 : 13).
D’un point de vue non religieux, sans le prétexte de la grâce
et du pardon, certains cèdent simplement à « l’intrusion des
autres désirs [qui] étouffent la Parole » (Marc 4 : 19 – NBS).
« L’intrusion des autres désirs », voilà l’ennemi. Et la seule
arme qui puisse en triompher est une plus grande faim de
Dieu. Si notre faim de Dieu est aussi faible, ce n’est pas parce
qu’il manque de saveur, mais parce que nous ne cessons de
nous remplir d’autres choses, c’est à cause de « l’intrusion
des autres désirs ». C’est pourquoi, refuser de donner suite
aux appétits de notre estomac pour la nourriture pourrait
peut-être exprimer, ou même accroître, l’appétit de notre
âme pour Dieu.
Ce qui se joue ici n’est pas seulement le bien de nos âmes,
mais aussi la gloire de Dieu. C’est lorsque nous trouvons le
plus de satisfaction en lui que Dieu est le plus glorifié en nous.
Le combat de la foi est une lutte pour nous délecter de tout ce
que Dieu est pour nous en Christ. Nous adorons ce dont nous
sommes le plus affamés.

Sa bonté brille d’une plus grande clarté,


Quand nous aimons sa volonté.
Sa gloire déborde de tous côtés,
Quand c’est en lui que nous sommes comblés.

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AVA N T- PRO P OS

La terre luira de sa splendeur,


Quand nous savourerons sa valeur.
C’est bien dans le désir du cœur,
Que sa beauté, son feu sacré,
Brûlent d’une plus grande intensité1.

Entre les dangers du renoncement à soi et de la complai-


sance envers soi, il existe un autre chemin. Le chemin d’une
souffrance gracieuse. Pas celui du plaisir malsain d’un maso-
chiste, mais celui de la passion qui caractérise la quête amou-
reuse : « À cause de lui je me suis laissé dépouiller de tout et je
considère tout cela comme des ordures afin de gagner Christ »
(Philippiens 3 : 8). C’est le chemin que nous nous efforcerons
d’emprunter dans ce livre.
Qu’il m’ait été possible d’emprunter ce chemin est déjà en soi
une grâce de Dieu. C’est de cette grâce que je vis chaque jour.
Elle me vient de Jésus qui m’a aimé et s’est donné lui-même pour
moi. Elle me vient de ma femme, Noël, qui me soutient dans
mon travail de prédication, d’écriture, et de berger. Je t’aime,
Noël, merci d’être ma partenaire dans cette grande œuvre. Dieu
a été bon avec nous. Le dur labeur de Carol Steinbach fut une
grâce pour moi. Ses relectures consciencieuses ont laissé une
trace entre les lignes et dans l’élaboration des index. Et la grâce
de Dieu m’atteint aussi au travers des anciens de l’Église bap-
tiste de Bethléem, qui ont trouvé les mots justes pour formuler
la déclaration missionnaire de notre Église. Je la reprends à mon
compte, et la considère comme la mission de ma vie. Ils m’ont
aussi confié la charge d’écrire ce livre, et donné le temps de le
faire. Je peux ainsi prendre part à cette mission : « Nous existons
dans le but de répandre la passion de la suprématie de Dieu en
toutes choses, pour la joie de tous les peuples ». C’est ma prière
pour ce livre. Quand Dieu deviendra la plus grande faim de nos
cœurs, il sera le plus grand en toutes choses.
John Piper, 1er mai 1997

19
Qui d’autre ai-je au ciel ?
Et sur la terre, je ne prends plaisir qu’en toi.
Mon corps et mon cœur peuvent s’épuiser,
Dieu sera toujours le rocher de mon cœur
et ma bonne part.
PSAUMES 73 : 25-26

Presque toujours, et partout, le jeûne a tenu une place de premier


plan, car il est fortement lié à la dimension intime de la religion.
C’est peut-être ce qui explique que le jeûne ait disparu de nos jours.
Quand la perception intime de Dieu faiblit, le jeûne disparaît.
Edward Farrell 1
INTRODUCTION

NOSTALGIQUES DE DIEU

Le jeûne chrétien prend sa source dans la nostalgie de Dieu.


À l’été 1967, j’étais amoureux de Noël depuis un an. Si j’avais
su qu’il nous faudrait attendre encore un an et demi avant de
nous marier, j’aurais farouchement protesté. Nous étions pres-
sés. J’allais entamer ma dernière année à l’université. J’étais
maître-nageur dans un camp sportif chrétien, en Caroline du
Sud. Elle travaillait comme serveuse à des centaines de kilo-
mètres de là.
Je n’avais jamais connu une telle douleur. Il m’était déjà
arrivé d’être nostalgique, mais jamais à ce point-là. Je lui
écrivais une lettre tous les jours pour lui dire combien elle me
manquait. Chaque jour, le courrier arrivait en fin de matinée,
juste avant le déjeuner, et lorsque j’entendais mon nom et

21
J eû ner

apercevais l’enveloppe couleur lavande, mon appétit s’envo-


lait. Plus précisément, ma faim de nourriture était étouffée par
la faim de mon cœur. Il m’arrivait souvent de ne pas prendre
mon repas avec les autres campeurs. Je partais alors avec la
lettre, dans un endroit calme au milieu de la forêt, m’asseyais
sur les feuilles et entamais un repas d’une autre nature. Ce
n’était pas la même chose que de la voir en vrai, évidemment,
mais la couleur, l’odeur, l’écriture, le message, la signature,
m’en donnaient un avant-goût. C’est ainsi que, semaine après
semaine, mon espoir grandissait et préservait la force de mon
amour pour cette réalité que je voyais poindre à l’horizon.

LE JEÛNE : ENTRE ATTIRANCE ET RÉSISTANCE


Le jeûne chrétien est ancré dans une nostalgie tournée vers
Dieu. Mais le parallèle avec la faim de mon cœur amoureux
de Noël peut induire en erreur. Il ne décrit que partiellement
l’expérience du jeûne chrétien. Le jeûne est une réalité à deux
facettes. D’un côté, notre appétit physique s’efface devant un
désir de Dieu si intense. Mais d’un autre côté, le désir de Dieu
est menacé par l’intensité de nos appétits. D’un côté, nous
perdons l’appétit, et de l’autre, nous résistons à l’appétit. D’un
côté, nous cédons à la plus grande des faims que nous éprou-
vons. D’un autre, nous luttons pour le plus grand des appétits,
alors que nous ne l’éprouvons pas encore. Le jeûne chrétien ne
découle pas seulement d’une satisfaction supérieure trouvée
en Dieu. C’est aussi une arme de choix contre toutes les forces
de ce monde qui veulent nous en priver.

LES PLUS GRANDS ADVERSAIRES DE DIEU


SONT SES CADEAUX
Ce n’est pas le poison qui menace le plus notre faim de
Dieu : ce sont les bons gâteaux. Ce n’est pas le banquet des
méchants qui freine notre appétit pour le ciel, mais nos gri-

22
Nostalgiques de Dieu

gnotages incessants à la table du monde. Ce n’est pas le film


porno, mais surtout le concentré de futilités que nous ingurgi-
tons tous les soirs aux heures de grande écoute. Parmi tous les
maux que Satan peut nous causer, lorsque Dieu décrit ce qui
nous tient éloigné du banquet de son amour, il évoque un bout
de terre, un attelage de bœufs et une épouse (Luc 14 : 18-20).
Les plus grands adversaires de l’amour de Dieu ne sont pas
ses ennemis mais ses cadeaux. Nos appétits les plus mortels
ne sont pas tournés vers le poison du mal, mais vers les petits
plaisirs terrestres. Pourquoi ? Lorsqu’ils détrônent un appétit
tourné vers Dieu lui-même, l’idolâtrie est à peine identifiable
et, par conséquent, quasiment impossible à guérir.
Jésus a parlé de ceux en qui l’écoute de la parole de Dieu
éveille un désir, mais qui « en cours de route […] la laissent
étouffer par les préoccupations, les richesses et les plaisirs de la
vie » (Luc 8 : 14). Dans un autre passage, il dit que « les passions
en tout genre pénètrent en eux, étouffent la parole et la rendent
infructueuse » (Marc 4 : 19). « Les plaisirs de la vie » et « les pas-
sions en tout genre » ne sont pas de mauvaises choses en soi.
Ce ne sont pas des vices. Ce sont des cadeaux de Dieu. Ce sont
vos repas quotidiens, un bon café, le jardinage, la lecture, la
décoration, les voyages, les achats, les moments passés devant
la TV et sur internet, le shopping, le sport, les collections et
les discussions entre amis. Chacune de ces choses, cependant,
peut se transformer en un substitut de Dieu et nous être fatale.

LES EFFETS MORTELS DES PLAISIRS INNOCENTS


Voilà pourquoi j’affirme que le jeûne chrétien est ancré
dans notre soif de Dieu : s’il existe un moyen, quel qu’il soit, de
nous protéger des effets mortels de ces plaisirs innocents, alors
nous ferons tout ce qui est nécessaire pour préserver en nous
la douce aspiration de notre nostalgie de Dieu. Nous ferons
n’importe quoi et nous nous priverons de tout, s’il le faut, pas
seulement de nourriture.

23
J eû ner

Il y a quelques années de cela, j’ai demandé aux membres


de notre Église de jeûner chaque semaine pendant une période
de vingt-quatre heures (de préférence petit-déjeuner et déjeu-
ner du mercredi) durant tout le mois de janvier. Nous faisions
face à de gros problèmes de direction sans en comprendre les
causes. Nous avions besoin de la plénitude de la présence de
Dieu, de toute sa sagesse et de son pouvoir de purification.
Quelques jours plus tard, j’ai reçu ce message :

Vous pouvez compter sur moi. Je crois que c’est la volonté


de Dieu. Mais ça ne fonctionne pas pour moi le mercredi. Je
déjeune toujours en compagnie d’autres personnes. Et il me
semble discerner, par l’Esprit, que pour certaines personnes,
un autre jeûne que la nourriture pourrait être plus approprié.
Je pensais à ne pas regarder la télévision pendant une se-
maine, ou pendant tout un mois, ou le soir de la semaine où
j’ai l’habitude de la regarder. Cela représenterait davantage
un jeûne pour moi qu’un jeûne de nourriture. Au lieu de re-
garder mon émission préférée, je pourrais passer du temps
à parler à Dieu et à l’écouter. Je me demande si d’autres
personnes pourraient jeûner de cette manière, et consacrer
ce temps à la prière.

Le dimanche suivant, j’ai dit à l’assemblée : « Amen. Si vous


me dites : “jeûner le mercredi ne fonctionne pas pour moi”,
ce n’est pas un problème. Si votre cœur est bien disposé, que
vous êtes à l’écoute du Seigneur, et que vous lui demandez :
“Seigneur, utilise le jeûne pour réveiller mon âme”, il vous
montrera. Il vous montrera quand et comment. Si votre santé
ne vous le permet pas, si votre médecin vous l’interdit, aucun
problème. Le grand Médecin est au courant, et quelque chose
d’autre vous conviendra sûrement mieux ».
Le problème n’est pas la nourriture en tant que telle. Le
problème, c’est tout ce qui pourrait se substituer ou prendre
la place de Dieu. Martyn Lloyd-Jones (1899 – 1981), pasteur de
l’Église de Westminster à Londres, a merveilleusement prê-

24
Nostalgiques de Dieu

ché sur le jeûne, en s’appuyant sur le Sermon sur la montagne.


Voilà ce qu’il en dit :
Lorsque nous abordons la question du jeûne comme nous le
devrions, nous ne pouvons pas […] le réduire à la question
du manger ou du boire. Le jeûne devrait représenter l’abs-
tinence d’une chose légitime en elle-même, quelle qu’elle
soit, dans un but spirituel particulier. Il existe de nombreuses
fonctions du corps qui sont justes, naturelles, et parfaite-
ment légitimes. Cependant, pour différentes occasions, et
en certaines circonstances, elles devraient être contrôlées.
Voilà ce qu’est le jeûne.2

Je pense encore aujourd’hui que de bonnes choses peuvent


occasionner des dégâts considérables. Des bœufs, un lopin de
terre ou un mariage peuvent vous empêcher d’entrer dans le
royaume des cieux. C’est pourquoi Jésus a dit : « Ainsi donc
aucun de vous, à moins de renoncer à tout ce qu’il possède, ne
peut être mon disciple » (Luc 14 : 33)3. Toutes sortes de choses
peuvent entraver le chemin du disciple, pas seulement le mal,
pas seulement la nourriture. Toutes sortes de choses. Nous ne
devrions pas être surpris d’apprendre que les cadeaux les plus
précieux de Dieu deviennent les plus grands dangers pour
notre attachement à Dieu et notre amour pour lui.

QUAND ABRAHAM A PRÉFÉRÉ DIEU


À LA VIE DE SON FILS
Comment le jeûne peut-il nous éviter de transformer nos
cadeaux en idoles ? Réfléchissez au sacrifice de son fils Isaac
qu’Abraham était à deux doigts d’offrir. Alors qu’Abraham
avait levé la main pour tuer son fils et héritier de la promesse
de Dieu, l’ange de l’Éternel l’appela et lui dit :

— Abraham ! Abraham !
Et il répondit :
— Me voici !

25
J eû ner

L’ange dit :
— Ne porte pas ta main sur l’enfant et ne lui fais rien ; car
je sais maintenant que tu crains Dieu et que tu ne m’as pas
refusé ton fils unique.
GENÈSE 22 : 11-12

Nous avons là une sorte de jeûne radical : le sacrifice d’un


fils. Dieu n’a pas demandé ce « jeûne » parce qu’Isaac était un
mal en soi. Au contraire, c’était parce qu’aux yeux d’Abra-
ham, Isaac représentait quelque chose d’extrêmement bon.
Indispensable même, puisque c’est par lui que Dieu semblait
vouloir accomplir sa promesse. Le jeûne ne consiste pas à
renoncer à ce qui est mal, mais à ce qui est bon.
Pour quelle raison Dieu a-t-il donc exprimé une telle
demande ? C’était un test. Abraham trouvait-il son plaisir
dans la crainte du Seigneur (Ésaïe 11 : 3) plus que dans son
propre fils ? Dieu a parlé par l’intermédiaire de l’ange : « Je sais
maintenant que tu crains Dieu, et que tu ne m’as pas refusé
ton fils, ton unique ». Ces mots, « je sais maintenant », que
signifient-ils ? Dieu ne savait-il pas déjà qu’Abraham était un
homme qui craignait Dieu, et qu’il avait plus d’estime pour
Dieu que pour son fils ? La Bible enseigne que Dieu connaît les
cœurs de tous les hommes (1 Rois 8 : 39 ; Actes 1 : 24). En effet,
il « a façonné leur cœur à tous » (Psaumes 33 : 15). Pourquoi
donc ce test ? C. S. Lewis répond à cette question :

Si Dieu est omniscient, il devait savoir ce qu’Abraham choi-


sirait de faire, sans avoir besoin d’en faire l’expérience. Pour-
quoi donc une telle torture inutile ?
Comme le remarquait Augustin, quoi que Dieu ait pu savoir
à l’avance, Abraham, lui, ne savait pas que son obéissance
supporterait un tel commandement, jusqu’à ce que cet évé-
nement le lui montre. Et il était impossible de lui créditer
une obéissance que lui-même ne savait pas qu’il choisirait.
La réalité de l’obéissance d’Abraham fut l’acte lui-même.

26
Nostalgiques de Dieu

Ce que Dieu savait, lorsqu’on dit qu’il savait qu’Abraham


« allait obéir », c’est qu’Abraham allait obéir sur cette mon-
tagne particulière et à ce moment précis. Prétendre que
Dieu « n’avait pas besoin d’en faire l’expérience » revient à
dire que puisque Dieu sait quelque chose, ce quelque chose
connut de Dieu n’a pas besoin d’exister4.

Ce que Dieu désire connaître, c’est la réalité concrète et


vécue de notre préférence pour lui par-dessus tout. Il veut que
nous ayons une preuve de notre propre sincérité à travers des
actes qui démontrent que nous préférons effectivement Dieu
à ses dons. C. S. Lewis a raison : Dieu aurait tout aussi bien
pu s’abstenir de créer le monde. Il aurait pu se contenter de
l’imaginer, si sa connaissance de ce qui « allait arriver » avait
la même portée que l’acte lui-même. Dieu veut une connais-
sance issue de l’expérience. Une connaissance tangible basée
sur ce qu’il voit et constate. Lorsqu’un être humain démontre
concrètement, dans sa vie, qu’il préfère Dieu à ses dons, alors
la perfection de Dieu est glorifiée dans la vie réelle. C’est pré-
cisément pour cela que Dieu a créé le monde ! Jeûner n’est ni
le seul moyen ni le meilleur moyen pour glorifier Dieu en le
préférant à ses dons. Mais c’est une des manières de le faire qui
peut y contribuer avec toutes les autres.

MANGER POUR ANESTHÉSIER LA TRISTESSE


Lewis fait référence à Augustin qui a dit : « L’esprit humain
ne peut se connaître lui-même qu’en mettant ses capacités à
l’épreuve. Il le fait principalement à travers la tentation, ou une
sorte d’expérimentation, et non simplement par l’introspec-
tion verbale5 ». En d’autres termes, nous nous leurrons faci-
lement quand nous pensons aimer Dieu, à moins que notre
amour ne soit fréquemment mis à l’épreuve. Nous manifestons
ainsi nos préférences, non seulement avec des mots, mais aussi
par le sacrifice. Évidemment, le sacrifice d’un fils en dit plus
au sujet de notre amour que le sacrifice d’un sandwich, mais le

27
J eû ner

principe est le même. Et de petits actes répétés qui consistent à


préférer la présence de Dieu à la nourriture peuvent créer une
habitude de communion et de contentement et nous préparer
au sacrifice suprême. C’est ainsi que le jeûne peut servir tout
ce que nous faisons par amour pour Dieu. Le jeûne permet de
savoir si nous continuons à préférer Dieu. Il nous garde vigi-
lants. Le jeûne nous oblige à nous demander régulièrement :
ai-je vraiment faim de Dieu ? Est-ce que Dieu me manque ?
Ai-je envie de passer du temps avec lui ? Ou ai-je commencé à
me contenter de ses dons ?
Le jeûne chrétien est un test qui met en lumière les désirs
qui nous contrôlent. Quelles sont, au fond, nos vraies passions ?
Selon Richard Foster, « Plus que toute autre discipline, le jeûne
est révélateur de ce qui nous contrôle. Et cela est inestimable
pour le véritable disciple qui souhaite être transformé à l’image
de Jésus-Christ. Nous étouffons ce que nous avons à l’intérieur
sous une couche de nourriture et de bien d’autres choses6 ».
D’un point de vue psychologique, nous entendons sou-
vent ce type de discours, en particulier à propos de ceux
qui souffrent beaucoup dans leur vie. Nous disons qu’ils
« soignent » leur douleur par la nourriture. Ils anesthésient
leur souffrance intérieure en mangeant. Mais cela n’a rien d’un
syndrome rare ou technique. C’est ce que nous faisons tous.
Tous sans exception. Nous apaisons tous nos malaises par la
nourriture. Nous oublions nos malheurs en nous concentrant
sur l’heure du repas. C’est la raison pour laquelle le jeûne met
en lumière tout notre être : il révèle notre souffrance, notre
orgueil, notre colère. Foster poursuit :

Si l’orgueil nous contrôle, il sera mis en lumière presque


instantanément. David a dit : « j’humiliais mon âme par le
jeûne » [Psaumes 35 : 13]. La colère, l’amertume, la jalousie,
les conflits, la peur : si ces choses sont en nous, elles re-
monteront à la surface au moment du jeûne. D’abord, nous
pourrons nous justifier : je suis en colère parce que j’ai faim.

28
Nostalgiques de Dieu

Mais ensuite, nous pourrons reconnaître que nous sommes


en colère parce que l’esprit de colère nous habite. Réjouis-
sons-nous d’en prendre conscience ! Parce que nous savons
que le pouvoir de Christ peut nous guérir7.

Une des raisons pour jeûner est de découvrir ce qui est


en nous, tout comme Abraham a montré ce qui l’habitait. Le
jeûne fait tout remonter à la surface. Vous le verrez. Et vous
devrez y faire face… ou rapidement l’étouffer à nouveau.
Arrive le milieu de la matinée et vous avez envie de man-
ger. Vous avez tellement faim que la seule pensée d’un repas
devient aussi douce que des vacances d’été. Puis vous réalisez
soudainement : Oh, j’oubliais que j’ai pris un engagement. Je ne
peux pas m’autoriser ce plaisir. Je jeûne aussi à midi. Qu’allez-
vous faire alors de tout ce mécontentement intérieur ? Avant,
vous aviez l’option de le refouler avec l’espoir d’un déjeuner
savoureux. Cet espoir générait en vous des émotions positives
qui équilibraient les émotions négatives. Désormais, l’équi-
libre est rompu. Vous devez trouver une autre façon de gérer
ces émotions négatives.

LA FAIM VIENT EN AIDE À LA FOI

À ce stade, nous commençons vraiment à découvrir nos


ressources spirituelles. Ce que je découvre sur mon âme est
tellement précieux pour le combat de la foi ! J’étais bien tenté
de choisir en sous-titre de ce livre : Le jeûne, ou quand la faim
vient en aide à la foi. La faim est une aide vraiment précieuse !
Humblement et silencieusement, de manière à peine percep-
tible, elle fait sortir de l’obscurité de mon âme les déceptions
relationnelles, les frustrations liées au ministère, les peurs de
l’échec, la vanité du temps perdu. Et à l’instant où mon cœur
commence à se retrancher derrière l’espoir savoureux d’un
dîner avec des amis à Pizza Hut, elle me rappelle dans un
léger murmure : « Pas ce soir ». Au début, cela peut être une

29
J eû ner

expérience dévastatrice. La communion spirituelle avec Dieu


sera-t-elle assez agréable, l’espérance dans ses promesses assez
profonde, non seulement pour m’en sortir, mais plus encore,
pour m’épanouir et me réjouir en lui ? Ou bien vais-je trouver
des excuses pour minimiser mon besoin de jeûner, revenir sur
ma décision et me tourner vers la nourriture pour soigner mon
mal ? L’apôtre Paul a dit : « je ne me laisserai pas dominer par
quoi que ce soit » (1 Corinthiens 6 : 12). Le jeûne révèle dans
quelle mesure la nourriture nous domine. Ou à quel point
nous utilisons la télévision et l’ordinateur – ou toute autre
chose à laquelle nous nous soumettons encore et encore – pour
dissimuler notre si petite faim de Dieu.

POURQUOI DIEU A-T-IL CRÉÉ


LE PAIN ET LA FAIM ?

La nourriture est un élément indispensable à notre survie,


et c’est pour cela qu’elle possède un tel pouvoir sur nous. Mais
pourquoi ? Pourquoi Dieu a-t-il créé le pain ? Et pourquoi a-t-il
conçu l’être humain avec le besoin de manger pour survivre ?
Il aurait pu créer une vie exempte d’un tel besoin. Il est Dieu.
Il peut agir comme bon lui semble. Pourquoi le pain ? Et pour-
quoi la faim et la soif ? Je répondrai très simplement : Il a créé le
pain pour que nous comprenions un peu mieux qui est le Fils
de Dieu quand il dit : « Je suis le pain de la vie » (Jean 6 : 35). Et
il a créé l’alternance entre la soif et son étanchement pour que
nous puissions comprendre ce qu’est la foi en Christ quand
Jésus dit : « Celui qui croit en moi n’aura jamais soif » (Jean
6 : 35). Dieu n’était pas obligé de créer des êtres vivants qui
ressentent le besoin de nourriture et d’eau, et ont la capacité
d’apprécier les saveurs délicates.
Mais l’homme n’est pas le centre de l’univers, Dieu l’est.
Comme le remarque Paul, tout est « de lui, par lui, et pour lui »
(Romains 11 : 36). « Pour lui » signifie que tout existe dans le

30
Nostalgiques de Dieu

but d’attirer l’attention sur lui et de diriger l’admiration vers


lui. En Colossiens 1 : 16, Paul précise son propos en parlant de
Christ quand il dit : « tout a été créé par lui et pour lui ». Le
pain a donc été créé pour la gloire de Christ. La faim et la soif
ont été créées pour la gloire de Christ. Et le jeûne a été créé
pour la gloire de Christ.
Le pain peut donc rendre gloire à Christ de deux manières :
nous pouvons le manger avec gratitude pour la bonté de
Dieu, et nous pouvons y renoncer à cause de notre faim de
Dieu. Quand nous mangeons, nous goûtons au symbole de
la nourriture céleste : le Pain de vie. Et quand nous jeûnons,
nous affirmons : « J’aime la réalité plus que le symbole ». Dans
le cœur des saints, manger et jeûner sont deux formes d’ado-
ration. Toutes deux glorifient Christ. Toutes deux orientent
le cœur, qu’il soit reconnaissant ou assoiffé, vers celui qui
donne. Chacun de ces choix a une fonction définie, et chacun
comporte un risque. Le danger de la nourriture est de tomber
amoureux du cadeau. Le danger du jeûne est de minimiser le
cadeau et de glorifier la force de notre détermination.

LA STRUCTURE DU LIVRE
Il n’existe pas de chemin facile pour atteindre notre
demeure céleste. Le chemin, difficile et étroit, est semé d’em-
bûches. Les plaisirs innocents peuvent aussi se révéler être des
sentiers mortels. Une guerre fait rage, et nous devons com-
battre en nous et en dehors de nous. Des armes sont à notre
disposition sur ce chemin, et l’une d’entre elles est le jeûne.
Ce livre comporte donc deux lignes directrices : intérieure et
extérieure. Il parle de lutte intérieure, contre les appétits qui
font concurrence à notre faim de Dieu. Il parle aussi de lutte
extérieure, pour le renouveau et le changement, pour l’évan-
gélisation du monde, pour la justice sociale et l’engagement
culturel. Malgré le rapport étroit entre ces deux orientations,
les trois premiers chapitres de cet ouvrage seront davantage

31
J eû ner

tournés vers l’intérieur, et les trois derniers vers l’extérieur. Le


chapitre central est un chapitre de transition : en effet, aspirer
au retour de Christ, et jeûner dans cette optique, c’est quelque
chose de très personnel. Mais cela demande aussi un engage-
ment face au monde entier, dans l’attente de son retour.

POURQUOI J’AI ÉCRIT CE LIVRE

Mon but et ma prière sont que ce livre réveille notre faim.


Notre faim pour replacer Dieu au cœur de toutes choses, et ce
pour la joie de tous les peuples. Le jeûne démontre la réalité de
cette faim et en ravive la flamme. Il intensifie le désir spirituel.
Il est notre allié indéfectible contre ce qui nous rend dépen-
dants des plaisirs innocents. Il est à notre vie physique ce que
le point d’exclamation est à la fin de cette phrase : « Vois à quel
point j’ai soif de toi, ô Dieu, et combien j’ai hâte que ta gloire se
répande dans le monde entier ! »
Nous pourrions imaginer que ceux qui se délectent le plus
souvent au festin de la communion avec Dieu seraient les moins
affamés de Dieu. Ils se détournent régulièrement des plaisirs
innocents du monde pour s’attarder longuement dans la pré-
sence de Dieu en se plongeant dans la révélation de sa Parole.
Là, par la méditation et la foi, ils se nourrissent du Pain du ciel
et s’abreuvent d’Eau vive. Eh bien, paradoxalement, ces gens-là
ne sont pas les moins affamés parmi les saints… C’est même
plutôt l’inverse qui se produit. Les chrétiens les plus forts et
les plus matures que j’ai pu rencontrer sont aussi les plus affa-
més de Dieu. La logique voudrait que ceux qui mangent le plus
soient les moins affamés. Mais ce n’est pas ainsi que les choses
fonctionnent quand la fontaine est intarissable, le festin sans
fin et le Seigneur si glorieux !
Lorsque vous tenez ferme dans l’œuvre accomplie par Dieu
en Christ, et commencez à vous abreuver au fleuve d’eau de
la vie, à vous nourrir du Pain du ciel, lorsque vous savez que

32
Nostalgiques de Dieu

toutes vos aspirations sont enfin satisfaites… vous n’en deve-


nez que plus affamé de Dieu. Et plus vous expérimentez la
satisfaction qui vient de Dieu dans ce monde, plus vous aspi-
rez au monde à venir. Comme l’a dit C. S. Lewis, « nos désirs
sont ce que nous possédons de plus précieux8 ».
Plus vous cheminez étroitement avec Christ, plus vous avez
faim de Christ… plus vous désirez aller au ciel… plus vous aspi-
rez à connaître « toute la plénitude de Dieu »… plus vous vou-
lez en avoir fini avec le péché… plus vous désirez que l’Époux
revienne… plus vous désirez que l’Église soit renouvelée et
purifiée par la beauté de Jésus… plus vous souhaitez un grand
réveil dans les grandes villes… plus vous désirez voir la lumière
de l’Évangile de la gloire de Christ pénétrer l’obscurité de tous
les peuples non atteints du monde… plus vous désirez que les
fausses représentations du monde capitulent devant la force de
la Vérité… plus vous désirez que la souffrance soit soulagée, les
larmes séchées et la mort détruite… plus vous aspirez à ce que
tout le mal soit transformé en bien, et à ce que la justice et la
grâce de Dieu remplissent la terre, comme l’eau remplit la mer.
Si vous ne ressentez pas en vous un désir intense de voir la
gloire de Dieu se répandre, ce n’est pas parce que vous vous
êtes longuement abreuvé et que votre soif est étanchée. Non.
C’est parce que vous avez trop longuement grignoté à la table
du monde. Votre âme est remplie de petites choses, et il n’y
reste plus de place pour tout ce qui est grand9. Dieu ne vous
a pas créé dans ce but. Avoir faim de Dieu, c’est possible. Et
vous pouvez en faire l’expérience. Je vous invite à vous détour-
ner des effets anesthésiants de la nourriture et des dangers de
l’idolâtrie. Dites, par le biais d’un simple jeûne :
« Vois à quel point j’aspire après toi, ô Dieu ! »

33
Les jours viendront où le marié leur sera enlevé,
et alors ils jeûneront.
MATTHIEU 9 : 15

Si vous êtes morts avec Christ aux principes élémentaires qui


régissent le monde, pourquoi, comme si vous viviez dans le
monde, vous soumettez-vous à toutes ces règles : « Ne prends
pas ! Ne goûte pas ! Ne touche pas ! » ? Elles ne concernent
que des choses destinées à disparaître dès qu’on en fait usage.
Il s’ agit bien là de commandements et d’ enseignements
humains ! Ils ont, en vérité, une apparence de sagesse, car ils
indiquent un culte volontaire, de l ’humilité et le mépris du
corps, mais ils sont sans aucune valeur et ne servent qu ’à la
satisfaction personnelle.
COLOSSIENS 2 : 20-23
CHAPITRE UN

LE JEÛNE EST-IL CHRÉTIEN ?


Un nouveau jeûne
pour un vin nouveau

La Didachê est un texte assez court, écrit vers la fin du pre-


mier siècle. Il contient un chapitre sur le jeûne, dont voici un
extrait : « Que votre jeûne ne soit pas comme celui des hypo-
crites, qui jeûnent le lundi et le jeudi. Quant à vous, jeûnez
le mercredi et le vendredi1 ». Voilà qui est étrange ! Pourquoi
est-ce si important de changer les jours consacrés au jeûne ?
Où voulait en venir l’Église primitive ?
C’était la coutume juive de célébrer le sabbat le samedi.
C’est ce que l’ancienne alliance prescrivait. À présent, pour
montrer à la fois la continuité et la rupture avec le judaïsme, les
chrétiens continuent à célébrer le sabbat, mais un jour diffé-
rent. C’est le dimanche : le jour où le Seigneur est ressuscité des

35
J eû ner

morts et a créé un peuple nouveau. Et puisque les Juifs jeûnent


les lundi et jeudi, nous jeûnerons d’autres jours. Pourquoi ?
Pour la même raison : pour montrer à la fois une continuité
et une rupture. Oui, nous pratiquerons nous aussi le jeûne ;
mais non, nous ne nous contentons pas de reproduire un
rituel. Le jeûne chrétien a quelque chose de neuf. Nous l’adop-
tons, certes, mais nous y apportons un changement. Modifier
les jours, ce n’est pas ce qui le rend chrétien. Ce n’est qu’un
indice. Mais ce qui est certain, c’est que le jeûne chrétien est
nouveau. À quel niveau ? C’est ce que nous allons aborder dans
ce chapitre.
Sur ce point, le passage biblique le plus important est
Matthieu 9 : 14-172. Mon affirmation est peut-être radicale,
mais je pense que ces mots de Jésus touchent directement et
profondément au problème central du jeûne. Il pose la ques-
tion : notre jeûne est-il spécifiquement chrétien ? Si oui, en
quoi ?

UNE PRATIQUE SPÉCIFIQUEMENT


CHRÉTIENNE ? PAS SÛR.
Ce point est crucial pour au moins quatre raisons.
1. Le jeûne, en tant qu’abstinence volontaire de nourriture
pour des raisons religieuses, culturelles, politiques, ou de
santé, est « une pratique que nous retrouvons dans toutes
les sociétés, toutes les cultures et à travers tous les siècles3 ».
Presque toutes les religions dans le monde pratiquent le
jeûne. Même les personnes non religieuses jeûnent, pour
des raisons politiques ou de santé. Dans ce cas, pourquoi
les chrétiens devraient-ils se joindre à ce grand défilé païen
d’ascétisme ?
2. Le jeûne était certes largement pratiqué par le peuple de Dieu
dans l’Ancien Testament, mais l’avènement du royaume à
travers le ministère de Jésus ne rend-il pas cette pratique

36
L e j e û n e e s t- i l c h ré t i e n ?

obsolète ? Peut-on verser le vin nouveau du royaume dans


les vieilles outres du rituel et formalisme religieux ?
3. Christ a triomphé sur la croix une fois pour toutes, et l’Es-
prit saint demeure en permanence dans l’Église. La puis-
sance du Christ est donc à l’œuvre parmi nous ! Cela ne
devrait-il pas générer dans nos vies principalement un élan
de célébration et non de mortification ?
4. Au-delà de ces trois objections, le triomphe du jeûne sur les
appétits du corps ne conduit-il pas à l’orgueil et à l’autosuf-
fisance, ce qui est pire encore que la gourmandise ?

Le jeûne est-il une pratique spécifiquement chrétienne ?


C’est loin d’être une évidence. Mais si c’est le cas, nous avons
besoin de comprendre en quoi il est relié au cœur du message :
le triomphe de Christ, sa mort, sa résurrection et son règne sur
l’histoire, pour le salut de son peuple et la gloire de son Père.

LE JEÛNE, PRATIQUE RELIGIEUSE UNIVERSELLE

Personne ne sait où et quand le jeûne est né4. Des coutumes


et des traditions associées au jeûne, vous en trouverez partout.
La plupart des gens ont d’ailleurs entendu parler des jeûnes du
judaïsme, et en particulier de la célébration du jour du grand
pardon, ou Yom Kippour5 (Lévitique 16 : 29-31). Ou encore du
jeûne musulman du Ramadan, ou du jeûne hindou de la caste
supérieure des Brahmanes6. La pratique du jeûne est répandue
dans le monde entier.
Par exemple :

Les insulaires de l’île Andaman […] s’abstiennent de man-


ger certains fruits, certaines racines comestibles, etc., en
fonction des saisons, car le dieu Puluga […] le leur demande
et enverrait un déluge si l’interdit n’était pas respecté. […]
Parmi les Koita de Nouvelle-Guinée, une femme enceinte
ne doit pas manger de bandicoot, d’échidné, de certains

37
J eû ner

poissons, pas d’iguanes non plus. Et son mari doit respec-


ter les mêmes interdits alimentaires. […] Parmi les Yoruba, [si
un homme meurt], les veuves et ses filles sont enfermées et
doivent refuser toute nourriture pendant au moins 24 heures.
[…] En Colombie-Britannique, les Stlatlumh (Lillooet) passent
les quatre jours qui suivent des funérailles dans le jeûne, les
lamentations, et les rituels d’ablution. […] Avant de mettre
à mort l’aigle, un oiseau sacré, les tueurs d’aigles profes-
sionnels Cherokees doivent entamer une longue veille de
prière et de jeûne. […] [D’autres] jeunes indiens américains
[traversent souvent une longue période de privations] dans
le but de découvrir à travers une vision l’esprit protecteur
qui sera le leur pour le reste de [leur] vie. […] Parmi les tribus
de Nouvelle-Galles-du-Sud, les garçons s’abstiennent de
nourriture pendant les deux jours de cérémonies bora, et se
contentent de boire un peu d’eau7.

LE JEÛNE, ARME POLITIQUE


Au jeûne religieux, répandu dans le monde entier, il faut
ajouter le jeûne politique ou de protestation. Un des exemples
les plus connus est celui du Mahatma Gandhi (1869–1948). Il
a mené, pendant plus de trente ans, une croisade pacifique en
faveur de l’indépendance de l’Inde. Sa famille et sa culture hin-
doues ont nourri sa passion pour le jeûne en tant qu’arme poli-
tique. Sa mère était une hindoue fervente, qui ne se contentait
pas des jeûnes imposés chaque année. Elle y ajoutait plusieurs
jeûnes rigoureux au cours de la saison des pluies. Gandhi en
avait gardé le souvenir :

Elle choisissait de faire les vœux les plus exigeants, et elle s’y
tenait sans faillir. Durant les Chaturmas, elle avait pris l’ha-
bitude de ne prendre qu’un repas par jour. Mais lors d’un
Chaturmas en particulier, elle ne s’en est pas contentée ; elle
a aussi jeûné un jour sur deux. À l’occasion d’un autre, elle a
fait le vœu de ne pas toucher à la nourriture tant qu’elle ne
voyait pas le soleil. Ces jours-là, nous, les enfants, guettions
le ciel afin de pouvoir annoncer à notre mère l’apparition du

38
L e j e û n e e s t- i l c h ré t i e n ?

soleil. Tout le monde sait qu’à l’approche de la saison des


pluies, le soleil ne daigne pas souvent se montrer. Et je me
souviens que certains jours, alors qu’il faisait soudainement
son apparition, nous courrions l’annoncer à ma mère. Elle
accourait pour le voir de ses propres yeux, mais entre-temps
le soleil avait déjà disparu, la privant ainsi de son repas. « Au-
cune importance, disait-elle joyeusement, Dieu ne voulait
pas que je mange aujourd’hui ». Et elle retournait à ses di-
verses tâches quotidiennes8.

Pas surprenant que Gandhi ait alors fait du jeûne un élément


essentiel de sa carrière politique. D’après les lois anciennes de
Manu, un créditeur ne pouvait percevoir son dû qu’en humi-
liant le débiteur. Par exemple, il devait s’asseoir devant la mai-
son de celui-ci sans manger, jour après jour, jusqu’à ce que
le débiteur ait honte et paie sa dette. Eric Rogers a observé :
« cette technique indienne a fonctionné pour Gandhi. […]
Sans aucun doute, son jeûne a touché plus de cœurs que toutes
ses autres initiatives. Non seulement en Inde, mais à peu près
partout, les hommes étaient hantés par l’image d’un petit
homme frêle qui endurait la privation le cœur léger, au nom
d’un principe9 ».

LE JEÛNE, RÉGIME DE SANTÉ


En-dehors des jeûnes religieux et politiques, il existe un
jeûne pour raisons de santé (et qui peut être en rapport, ou
non, avec la religion). Une recherche rapide du mot « jeûne »
sur internet dévoile des centaines d’organisations et de publi-
cations dédiées à l’influence positive du jeûne sur la santé. Le
Centre international du jeûne en est un exemple bien connu,
comme l’annonce leur site internet :

Mal dans votre peau ? Pas en forme ? Vous manquez d’éner-


gie ? Vous êtes tout simplement en mauvaise santé ? Vous
souhaitez améliorer votre santé physique, tout en ravivant
votre conscience et votre spiritualité ? Le jeûne scientifique à

39
J eû ner

base de jus de fruits vous permettra d’atteindre tous ces ob-


jectifs très rapidement. Pas besoin d’interrompre vos habitu-
des de travail, votre vie, le sport que vous pratiquez ou vos
études. Au contraire, vous serez plein d’énergie, pendant et
après votre jeûne !

Nous venons de survoler plusieurs manières de jeûner dans


le monde (comme pratique religieuse, arme politique ou pour
raison de santé). Clairement, le jeûne n’est pas spécifiquement
chrétien. En fait, il pourrait même être radicalement antichré-
tien, comme ce fut le cas dans le Nouveau Testament, lorsque
quarante hommes « se sont engagés, sous peine de malédiction
contre eux-mêmes, à ne rien manger ni boire » avant d’avoir tué
l’apôtre Paul (Actes 23 : 21). Le jeûne peut être détourné, même
parmi les chrétiens, et devenir une technique légaliste (comme
nous le verrons), ou encore créer un asservissement destructeur
(comme dans l’anorexie mentale10). Tout cela soulève une ques-
tion : pourquoi un chrétien devrait-il consacrer tant d’efforts à
un rituel si largement utilisé pour des motifs non chrétiens, qu’ils
soient religieux, politiques, ou de remise en forme ?

LE JEÛNE A-T-IL SA PLACE


AU SEIN DU ROYAUME DE DIEU ?

La prédominance du jeûne dans l’Ancien Testament pose


encore une autre question : cette pratique est-elle toujours
d’actualité pour ceux qui vivent après la venue du Messie et
l’avènement du royaume de Dieu ? Jésus a dit : « Mais si c’est
par le doigt de Dieu que je chasse les démons, alors le royaume
de Dieu est venu jusqu’à vous » (Luc 11 : 20). Et quand les phari-
siens lui ont posé des questions sur l’avènement du royaume, il
a dit : « le royaume de Dieu est au milieu de vous » (Luc 17 : 21).
En un certain sens, nous avons cette conviction profonde que
le royaume de Dieu tant attendu est déjà là, grâce à la vie et au
ministère de Jésus.

40
L e j e û n e e s t- i l c h ré t i e n ?

C’est ce « mystère du royaume » auquel pensait Jésus quand


il a dit à ses disciples : « C’est à vous qu’il a été donné de
connaître le mystère du royaume de Dieu, mais pour ceux qui
sont à l’extérieur tout est présenté en paraboles » (Marc 4 : 11).
Cette nouvelle réalité était stupéfiante pour le monde. « La
nouvelle vérité, désormais confiée aux hommes par révélation
à travers la personne et la mission de Jésus, est que le royaume
qui doit finir par venir dans une puissance apocalyptique,
comme l’avait vu par avance Daniel, est en fait déjà entré dans
le monde, sous une forme cachée afin d’œuvrer secrètement en
l’homme et parmi les hommes11 ».
La question se pose alors d’autant plus : le jeûne a-t-il sa
place dans l’Église, ce nouveau peuple du royaume que Dieu
rassemble du milieu de tous les peuples du monde ? Certains
pensent que non. Selon Keith Main, l’émergence du royaume
de Dieu dans le ministère de Jésus modifie radicalement l’im-
portance du jeûne : « La joie et la reconnaissance qui marquent
la vie de prière du Nouveau Testament sont un signe de l’arri-
vée fracassante du royaume de Dieu. Le jeûne n’est désormais
plus en harmonie avec l’attitude de joie et de reconnaissance qui
caractérise la communion12 ».

PAUL ANNULE-T-IL LE JEÛNE ?


Keith Main semble avoir raison si on parcourt le reste du
Nouveau Testament (à l’exception des Évangiles). Le jeûne y
est à peine mentionné13. Main insiste :

[Le jeûne] n’est plus une question primordiale pour l’Église.


[…] Paul, suivant le modèle de Jésus, détourne délibérément
l’attention des disciples du jeûne et de toute autre forme d’as-
cétisme, en faveur de la prière, du service et du travail pour le
royaume. L’œuvre missionnaire sert de correctif et de contre-
point non seulement aux rêveries apocalyptiques, mais aussi à
la coutume ancienne et dépassée du jeûne. […] Un sentiment
de vie éternelle nous étreint ! Le croyant avance désormais au

41
J eû ner

son d’une nouvelle mélodie. Et il est extrêmement difficile de


réconcilier le Christ ressuscité avec le formalisme du jeûne14.

Le jeûne est rarement mentionné dans les épîtres du


Nouveau Testament ; par contre, le royaume y est présent dans
la joie, et l’Esprit de Christ y est glorieusement à l’œuvre. Le
jeûne est-il donc toujours pertinent pour l’Église ? La nécessité
de se poser cette question rend la déclaration de Jésus sur le
jeûne, en Matthieu 9 : 14-17, essentielle. D’après moi, c’est le
passage biblique le plus important à propos du jeûne.
La question se pose d’autant plus si on considère que dans
les lettres de Paul la nourriture y est célébrée comme une bonne
chose et l’ascétisme considéré comme une arme sans beaucoup
d’efficacité contre la complaisance charnelle. Les pratiques du
manger et du boire n’y sont pas essentielles, à moins qu’elles
n’expriment l’amour et le contentement en Christ.

LA NOURRITURE EST UNE BONNE CHOSE


En 1 Timothée 4 : 1-5, Paul nous prévient : à la fin des temps,
« certains abandonneront la foi […]. Ces gens-là interdisent de
se marier et de consommer des aliments ». Et voici la réaction
qu’il préconise : « Tout ce que Dieu a créé est bon et rien ne
doit être rejeté, pourvu qu’on le prenne dans une attitude de
reconnaissance, car cela est rendu saint par la parole de Dieu
et la prière ».
Paul met en garde contre une forme d’ascétisme reli-
gieux qui exalte le jeûne au point de minimiser ou déformer
la bonté de Dieu qui se manifeste dans le don de la nourriture.
Même lorsqu’il parle du repas du Seigneur, Paul n’encourage
pas les chrétiens à se détourner de la nourriture. Il demande
simplement aux Corinthiens que chacun « mange chez lui,
afin que vous ne vous réunissiez pas pour attirer un jugement
sur vous » (1 Corinthiens 11 : 34).

42
L e j e û n e e s t- i l c h ré t i e n ?

LE POINT FAIBLE DE L’ASCÉTISME


Que valent les mesures sévères que nous infligeons à notre
corps ? Selon Paul, elles sont limitées. Elles peuvent soumettre
les appétits de la chair, mais aussi en attiser l’orgueil. Paul
redoute que les Colossiens ne s’éloignent de la foi simple et
profonde en Christ pour utiliser des rituels extérieurs comme
moyens de sanctification : « Pourquoi […] vous soumet-
tez-vous à toutes ces règles : “Ne prends pas ! Ne goûte pas ! Ne
touche pas !” ? Elles ne concernent que des choses destinées à
disparaître dès qu’on en fait usage. Il s’agit bien là de comman-
dements et d’enseignements humains ! » (Colossiens 2 : 20-22).
En quoi ces « commandements et enseignements humains »
à ne pas « goûter » sont-ils un problème ? Paul répond : « Ils
ont, en vérité, une apparence de sagesse, car ils indiquent un
culte volontaire, de l’humilité et le mépris du corps, mais ils
sont sans aucune valeur et ne servent qu’à la satisfaction per-
sonnelle » (Colossiens 2 : 23). C’est une mise en garde sérieuse
contre toute vision simpliste du jeûne. Nous ne devons pas
penser qu’il nous fera automatiquement du bien au niveau
spirituel. Ce n’est pas si simple. « Le mépris du corps » peut se
contenter de nourrir l’autosuffisance de la chair. C. S. Lewis a
clairement perçu cette réalité, et tiré la sonnette d’alarme :
Le jeûne renforce la volonté contre les appétits de toutes
sortes. La récompense en est la maîtrise de soi, et le danger,
l’orgueil. La faim, si elle est involontaire, soumet nos appétits
et notre volonté à la volonté de Dieu. Soit elle donne une oc-
casion de se soumettre, soit elle nous expose au danger de la
rébellion. Mais cette souffrance est bénéfique, rédemptrice,
surtout parce qu’elle peut diminuer la volonté de se rebeller.
Les pratiques ascètes qui rendent notre volonté plus forte ne
sont utiles que dans la mesure où elles nous permettent de
faire régner l’ordre dans nos passions en guise de prépara-
tion à nous offrir entièrement à Dieu. Elles sont nécessaires
seulement en tant que moyen. Elles ne sont pas un but en
soi… si elles l’étaient, elles en deviendraient abominables.

43
J eû ner

Pourquoi ? En substituant purement et simplement la volonté


aux appétits, elles ne feraient que remplacer le moi animal
par le moi diabolique. Il est donc bien vrai que « Dieu seul
peut mortifier15 ».

La vraie mortification de notre nature charnelle n’est pas


purement et simplement une question de renoncement à soi
et de discipline. Il s’agit d’une affaire spirituelle, intérieure.
Il s’agit de trouver plus de satisfaction en Christ que dans la
nourriture.

MANGER OU NE PAS MANGER,


LÀ N’EST PAS LA QUESTION

Manger ou ne pas manger n’est pas la question essentielle


pour Paul. Ce choix ne prend de l’importance que s’il exprime
l’amour, et une satisfaction incomparable en Dieu. C’est pour-
quoi il dit à l’Église de Rome : « Que celui qui mange de tout ne
méprise pas celui qui ne le fait pas, et que celui qui ne mange
pas de tout ne juge pas celui qui le fait, car Dieu l’a accueilli.
Qui es-tu pour juger le serviteur d’un autre ? Qu’il tienne bon
ou qu’il tombe, cela regarde son seigneur. Mais il tiendra bon,
car Dieu a le pouvoir de l’affermir… Que chacun ait dans son
esprit une pleine conviction… Celui qui mange de tout, c’est
pour le Seigneur qu’il le fait, puisqu’il exprime sa reconnais-
sance à Dieu. Celui qui ne mange pas de tout le fait aussi pour
le Seigneur, et il est reconnaissant envers Dieu » (Romains
14 : 3-6).
Ces mots de Romains 14 ne font pas référence au jeûne.
La situation était la suivante : peut-on manger une nourriture
que certains frères considèrent comme interdite en raison
de ce à quoi elle est associée ? Le principe est le même avec le
jeûne. Manger ou ne pas manger, jeûner ou ne pas jeûner, tout
cela, nous pouvons le faire « pour le Seigneur » avec « recon-
naissance à Dieu ». C’est pourquoi, « que chacun ait dans

44
L e j e û n e e s t- i l c h ré t i e n ?

son esprit une pleine conviction ». Et, comme Paul le dit en


Colossiens 2 : 16 : « Que personne donc ne vous juge au sujet du
manger ou du boire ». Car « ce n’est pas un aliment qui nous
rapproche de Dieu : si nous en mangeons, nous n’avons rien de
plus ; si nous n’en mangeons pas, nous n’avons rien de moins »
(1 Corinthiens 8 : 8). « Tout m’est permis, mais tout n’est pas
utile ; tout m’est permis, mais je ne me laisserai pas dominer
par quoi que ce soit » (1 Corinthiens 6 : 12).

LE TEXTE BIBLIQUE LE PLUS IMPORTANT


À PROPOS DU JEÛNE
La question exige donc toute notre attention : le jeûne est-il
une pratique chrétienne ? Si oui, de quelle façon ? C’est ce dont
parle Jésus en Matthieu 9 : 14-17. C’est pour cette raison qu’il
s’agit du passage biblique le plus important au sujet du jeûne.
Observons-le de plus près.
Alors, les disciples de Jean vinrent vers Jésus et dirent :
— Pourquoi nous et les pharisiens jeûnons-nous souvent,
tandis que tes disciples ne jeûnent pas ?
Jésus leur répondit :
— Les invités à la noce peuvent-ils être tristes tant que le
marié est avec eux ? Les jours viendront où le marié leur
sera enlevé, et alors ils jeûneront. Personne ne coud un
morceau de tissu neuf sur un vieil habit, car la pièce ajoutée
arrache une partie de l’habit et la déchirure devient pire.
On ne met pas non plus du vin nouveau dans de vieilles
outres, sinon les outres éclatent, le vin coule et les outres
sont perdues ; mais on met le vin nouveau dans des outres
neuves, et le vin et les outres se conservent.

Les disciples de Jean-Baptiste demandent à Jésus pour-


quoi ses disciples ne jeûnent pas. Il est donc clair que ceux-ci
ne jeûnaient pas quand il était avec eux. En fait, l’exemple
que donnait Jésus lui avait valu la réputation d’être tout sauf
un ascète. Quand il a loué le ministère de Jean-Baptiste,

45
J eû ner

il a dit aux foules : « En effet, Jean-Baptiste est venu, il ne


mange pas de pain et ne boit pas de vin, et vous dites : “Il a
un démon”. Le Fils de l’homme est venu, il mange et il boit,
et vous dites : “C’est un glouton et un buveur, un ami des
collecteurs d’impôts et des pécheurs” » (Luc 7 : 33-35). En
d’autres termes, Jean pratiquait beaucoup le jeûne, et Jésus
le pratiquait peu, ou pas du tout (à l’exception de son jeûne
initial de quarante jours).

POURQUOI LES DISCIPLES DE JÉSUS


NE JEÛNAIENT-ILS PAS ?

Les disciples de Jean viennent donc demander à Jésus


pourquoi ses disciples ne jeûnent pas : « Pourquoi les phari-
siens et nous jeûnons-nous [souvent], tandis que tes disciples
ne jeûnent pas ? ». Jésus leur répond par une image : « Les
invités à la noce peuvent-ils être tristes tant que le marié est
avec eux ? »
Par ces mots, Jésus enseigne deux choses.

1. De manière générale, à cette époque, le jeûne était associé


à l’affliction et aux lamentations. C’était l’expression de
détresse d’un cœur brisé, le plus souvent par rapport au
péché, ou face à un danger particulier, ou une bénédic-
tion vivement désirée qui se faisait attendre. C’est ce que
l’on faisait lorsque les choses n’allaient pas dans le sens
désiré.
2. La situation n’est pas la même pour les disciples. C’est la
seconde chose que Jésus nous enseigne : le Messie est là, et
sa venue est comme l’arrivée de l’époux au repas de noces.
Jésus nous dit qu’il s’agit d’une chose trop belle pour se
mêler au jeûne. Jésus est en train de revendiquer quelque
chose d’énorme. Dans l’Ancien Testament, c’est Dieu qui
s’était présenté comme l’époux de son peuple Israël :

46
L e j e û n e e s t- i l c h ré t i e n ?

Tout comme un jeune homme épouse une jeune fille vierge,


tes descendants deviendront pour toi pareils à des époux,
et tout comme la fiancée fait la joie de son fiancé, tu feras la
joie de ton Dieu.
ÉSAÏE 62 : 5

Je suis passé près de toi et je t’ai regardée : tu étais en âge


d’aimer. J’ai étendu sur toi le pan de mon habit, j’ai couvert
ta nudité et je me suis engagé envers toi. Je suis entré
dans une relation d’alliance avec toi, déclare le Seigneur,
l’Éternel, et tu as été à moi.
ÉZÉCHIEL 16 : 8

Je te fiancerai à moi pour toujours. Je te fiancerai à moi


par la justice, la droiture, la bonté et la compassion, je te
fiancerai à moi par la fidélité, et tu connaîtras l’Éternel.
OSÉE 2 : 21-22

À présent le Fils de Dieu, le Messie, le Prince et Souverain


longtemps espéré, est là, et il revendique le statut d’Époux
(de son peuple). Un peuple qui sera le véritable Israël. Jean-
Baptiste avait déjà compris cela. Quand ses disciples lui ont
demandé qui était Jésus, il a répondu :

Vous-mêmes m’êtes témoins que j’ai dit : « Moi, je ne suis


pas le Messie, mais j’ai été envoyé devant lui ». Celui qui a
la mariée, c’est le marié, mais l’ami du marié, qui se tient
là et qui l’entend, éprouve une grande joie à cause de la
voix du marié. Ainsi donc, cette joie qui est la mienne est
parfaite.
JEAN 3 : 28-29

Ce que Jean laisse entendre de façon partiellement voilée


est du même ordre que ce que dit Jésus sur son identité. Si
vous aviez des oreilles pour entendre, vous pouviez l’entendre.
Dieu, celui qui s’était fiancé à Israël dans un pacte d’amour,
était venu !

47
J eû ner

C’était tellement stupéfiant, glorieux et inattendu sous


cette forme, que Jésus a dit : « Vous ne pouvez tout simplement
pas jeûner dans cette situation. C’est une trop grande joie,
c’est trop spectaculaire et merveilleux. Le jeûne est réservé
aux temps où nous languissons, souffrons, et aspirons à autre
chose. Mais l’Époux d’Israël est ici. Après des milliers d’années
passées à en rêver, à attendre et à espérer, il est là ! » L’absence
de jeûne chez les disciples témoigne de la présence de Dieu au
milieu d’eux.

QUAND LES DISCIPLES JEÛNERONT-ILS ?

Jésus a ajouté : « Les jours viendront où le marié leur sera


enlevé, et alors ils jeûneront ». La partie qui nous intéresse
est : « et alors ils jeûneront » Mais à quelle période Jésus fait-il
référence ?
Selon certains, il s’agirait des quelques jours entre sa mort
et sa résurrection. En d’autres termes : l’Époux sera enlevé du
vendredi saint au dimanche matin de Pâques. Au cours de
ces trois jours, les disciples jeûneront. Mais il reviendra vers
eux ensuite, et ils ne jeûneront plus. Nous trouvons de quoi
appuyer ce point de vue dans Jean 16 : 22-23, où Jésus prédit sa
mort et sa résurrection par ces mots : « Vous donc aussi, vous
êtes maintenant dans la tristesse, mais je vous reverrai et votre
cœur se réjouira, et votre joie, personne ne vous l’enlèvera.
Ce jour-là, vous ne m’interrogerez plus sur rien. En vérité, en
vérité, je vous le dis, tout ce que vous demanderez au Père en
mon nom, il vous le donnera ».
En d’autres termes, après la résurrection, pendant tout le
temps de l’Église, les disciples de Christ connaîtront une joie
inaltérable. Le jeûne est-il donc exclu ? Jésus prophétise-t-il que
ses disciples ne jeûneront qu’entre le Vendredi saint et Pâques ?
C’est peu probable, et cela, pour plusieurs raisons. L’une
d’entre elles est que, quelle qu’ait été sa joie, l’Église primi-

48
L e j e û n e e s t- i l c h ré t i e n ?

tive a jeûné en certaines occasions (Actes 13 : 1-3 ; 14 : 23 ;


2 Corinthiens 6 : 5 ; 11 : 27). Selon elle, Jésus n’avait donc pas
exclu de jeûner après la résurrection.
Mais que veut alors dire Jésus par ces mots : « Les jours vien-
dront où le marié leur sera enlevé, et alors ils jeûneront » ? Jésus
explique à ses disciples qu’après sa mort et sa résurrection, il
retournera auprès de son Père au ciel, et qu’à ce moment-là
ils jeûneront. Robert Gundry a raison de dire : « Le temps que
durera l’Église correspond aux “jours” qui “viendront quand
le marié sera enlevé”16 ».
À mon avis, l’argument le plus solide en faveur de ce point
de vue est le suivant : dans l’unique autre passage où Jésus
utilise le terme « marié », il fait référence à la fin du temps de
l’église. En Matthieu 25 : 1-13, Jésus décrit sa seconde venue
comme l’arrivée du marié : « Au milieu de la nuit, on cria :
“Voici le marié, allez à sa rencontre !” Alors, toutes ces jeunes
filles se réveillèrent et préparèrent leurs lampes » (v. 6). Jésus
se considère donc réellement comme le marié qui ne s’est pas
seulement absenté trois jours entre le Vendredi saint et Pâques,
mais tout le temps qui précède sa seconde venue. C’est donc à
ce laps de temps qu’il pense lorsqu’il dit : « et alors, ils jeûne-
ront ». Jusqu’à la seconde venue.
Arthur Wallis intitule, à juste titre, un chapitre de son
livre : « C’est aujourd’hui le temps17 ». Aujourd’hui est le temps
auquel Jésus fait référence quand il dit que ses disciples jeû-
neront : « Tant que je suis là au milieu de vous, en qualité de
marié, vous ne pouvez pas jeûner, mais je ne serai pas toujours
avec vous. Viendra le temps où je retournerai auprès de mon
Père au ciel. Et pendant ce temps, vous jeûnerez » (paraphrase).
Et c’est aujourd’hui !
Jésus a, certes, donné l’Esprit saint en son absence, et l’Es-
prit saint est « l’Esprit de Jésus » (Actes 16 : 7 ; 2 Corinthiens
3 : 17). Dans un sens, Jésus est donc toujours avec nous : c’est

49
J eû ner

une réalité profonde et merveilleuse ! Il a dit à propos du


« Consolateur », l’Esprit : « Je ne vous laisserai pas orphelins,
je reviens vers vous » (Jean 14 : 18). Nous jouirons, cepen-
dant, d’un plus grand degré d’intimité un jour au ciel avec
Christ, quand ce temps présent sera révolu. Mais d’un autre
côté, Christ n’est pas avec nous, il est absent. D’où ces paroles
de Paul : « Oui, nous sommes pleins de confiance et nous
aimerions mieux quitter ce corps pour aller vivre auprès du
Seigneur » (2 Corinthiens 5 : 8), et : « Je suis tiraillé des deux
côtés : j’ai le désir de m’en aller et d’être avec Christ, ce qui est de
beaucoup le meilleur » (Philippiens 1 : 23). En d’autres termes,
pendant cet âge de l’histoire, chaque chrétien souffre du fait
que Jésus n’est pas présent d’une manière aussi complète, aussi
intime, aussi puissante et glorieuse qu’il le souhaiterait. Nous
avons faim de plus. Et c’est pourquoi nous jeûnons.

LA VIEILLE OUTRE QUI DOIT DISPARAÎTRE


REPRÉSENTE-T-ELLE LE JEÛNE ?

Jésus ajoute ensuite une information de la plus haute


importance, en utilisant la double image des pièces de vête-
ment et des vieilles outres :

Personne ne coud un morceau de tissu neuf sur un vieil


habit, car la pièce ajoutée arrache une partie de l’habit et
la déchirure devient pire. On ne met pas non plus du vin
nouveau dans de vieilles outres, sinon les outres éclatent,
le vin coule et les outres sont perdues ; mais on met le vin
nouveau dans des outres neuves, et le vin et les outres se
conservent.
MATTHIEU 9 : 16-17

Le morceau de tissu neuf et le vin nouveau représentent la


nouvelle réalité inaugurée par l’arrivée de Jésus : le royaume
de Dieu est là. Le marié est venu. Le Messie est parmi nous.
Et cela n’a rien de temporaire. Il n’apparaît pas pour repar-

50
L e j e û n e e s t- i l c h ré t i e n ?

tir aussitôt. Le royaume de Dieu n’est pas venu en Jésus pour


disparaître ensuite de la terre. Jésus est mort pour nos péchés
une fois pour toutes. Il est ressuscité des morts une fois pour
toutes. L’Esprit a été envoyé dans le monde pour signifier la
présence réelle de Jésus parmi nous. Le royaume de Dieu est
la puissance de Christ qui règne dans le monde : il soumet les
cœurs au Roi et crée un peuple qui croit en lui et le sert avec foi
et sainteté. L’Esprit du marié rassemble et purifie une épouse
pour Christ. Tel est l’Évangile de Christ et « le mystère du
royaume18 ». C’est le vin nouveau.
Et Jésus précise bien que les vieilles outres ne peuvent pas
le contenir. Quelque chose doit changer. Que représentent les
vieilles outres ? Le contexte fait un lien direct avec le jeûne.
Jésus ne passe pas à un autre sujet. Suivez son raisonnement
des versets 15 à 16 : « Les jours viendront où le marié leur sera
enlevé, et alors ils jeûneront. Personne ne coud un morceau
de tissu neuf sur un vieil habit ». Pas de rupture entre les deux
phrases. Et c’est le cas dans les trois Évangiles qui rapportent
cette parole. Le vieil habit rétréci et les vieilles outres déchi-
rées font directement référence au jeûne en tant qu’ancienne
coutume juive.
Le jeûne est un héritage de l’Ancien Testament et il fait par-
tie du rituel juif pour entretenir la relation avec Dieu. Jésus
offre un aperçu de cette ancienne pratique quand il mentionne
la prière du pharisien : « Ô Dieu, je te remercie de ce que je ne
suis pas comme les autres hommes, qui sont voleurs, injustes,
adultères, ou même comme ce collecteur d’impôts. Je jeûne
deux fois par semaine et je donne la dîme de tous mes reve-
nus » (Luc 18 : 11-12). Les vieilles outres font référence à cette
pratique traditionnelle du jeûne. Et Jésus précise bien qu’elles
ne peuvent contenir le vin nouveau du royaume qu’il vient
apporter.
Cela nous pose un problème. Jésus annonce que nous jeû-
nerons quand le marié sera parti (Matthieu 9 : 15). Puis, deux

51
J eû ner

versets plus tard, il apporte cette précision : l’ancien jeûne ne


peut contenir le vin nouveau du royaume. Autrement dit, les
disciples de Jésus jeûneront bel et bien, mais le jeûne, tel qu’ils
l’ont connu, ne convient pas à la nouvelle réalité de sa présence
et à l’irruption du royaume de Dieu.

UN NOUVEAU JEÛNE POUR UN VIN NOUVEAU

Que penser de tout cela ? Devons-nous jeûner en tant que


chrétiens ? Le jeûne est-il une pratique chrétienne ? Je crois que
le vin nouveau de Christ n’exclut pas du tout le jeûne, mais
il réclame un jeûne nouveau. Il y a plusieurs années de cela,
j’ai écrit en marge de Matthieu 9 : 17, dans mon nouveau tes-
tament grec : « le nouveau jeûne est basé sur ce mystère : non
seulement le marié viendra un jour, mais il est déjà venu. Le
vin nouveau de sa présence réclame un jeûne nouveau ».
Avant, lorsque les Juifs jeûnaient pour exprimer un désir,
une aspiration ou une souffrance, ils ne s’appuyaient pas sur la
réalité glorieuse d’un Messie qui était déjà venu. Sur quoi donc
s’appuyaient-ils lorsqu’à travers le jeûne, ils pleuraient sur leur
péché, recherchaient ardemment la délivrance du Seigneur
ou exprimaient leur soif de Dieu ? Ils ne s’appuyaient pas sur
l’œuvre immense et achevée du Rédempteur, ni sur la grande
révélation de sa vérité et de sa grâce dans l’histoire ! Ces choses
étaient encore à venir. Mais le marié est venu. Et sa venue a
porté le coup décisif au péché, à Satan et à la mort.
Ce qui distingue le christianisme du judaïsme est que le
royaume de Dieu tant espéré est à la fois présent et à venir.
Le Roi est venu : « Le royaume de Dieu est venu jusqu’à vous »
(Luc 11 : 20) ; « Le royaume de Dieu est au milieu de vous »
(Luc 17 : 21). Il est vrai que le royaume de Dieu ne connaît pas
encore son plein accomplissement. Il doit encore venir lors
d’une manifestation glorieuse de plénitude et de puissance.
Lors du dernier repas, Jésus a annoncé : « Désormais, je ne boi-

52
L e j e û n e e s t- i l c h ré t i e n ?

rai plus du fruit de la vigne jusqu’à ce que le royaume de Dieu


soit venu » (Luc 22 : 18). Le royaume de Dieu est encore à venir.
C’est une réalité future, même si Jésus a dit : « le royaume de
Dieu est venu jusqu’à vous » et « le royaume de Dieu est au
milieu de vous »19.
Voilà le « cœur du message » que je mentionnais au cha-
pitre un. Pour qu’un jeûne soit chrétien, il doit être relié à
ce cœur : le triomphe définitif du Fils de Dieu, le Messie qui
est entré dans l’histoire, a donné sa vie, est ressuscité des
morts, et règne sur l’histoire, pour le salut de son peuple et
la gloire de son Père. Les chrétiens forment un peuple habité
d’un immense espoir : un jour, ils verront et seront captivés
par la plénitude de la gloire de Dieu en Christ. Mais voici
ce qui caractérise les chrétiens dans tout cela : notre espoir
s’appuie entièrement sur le triomphe passé de ce même
Dieu. Un triomphe qui est intervenu dans l’histoire. Dieu a
triomphé sur le péché, la mort et l’enfer, par la mort et la
résurrection de Jésus20. Le christianisme est une espérance
vivante. L’espérance que l’histoire parviendra un jour à son
plein accomplissement, lorsque la gloire de Dieu se mani-
festera universellement en Christ. C’est un espoir inébran-
lable, enraciné dans l’incarnation passée de Christ qui s’est
offert lui-même une fois pour toutes comme sacrifice pour le
péché, et s’est assis à la droite de Dieu (Hébreux 10 : 12). C’est
cela, le vin nouveau.
Cet acte de salut, extraordinaire, définitif et central pour
nous aujourd’hui, appartient au passé, non pas à l’avenir. Et à
cause de cette œuvre passée du marié, rien ne sera jamais plus
pareil. L’Agneau est immolé. Le sang est répandu. Le châti-
ment pour nos péchés est tombé. La mort est vaincue. L’Esprit
est envoyé. Le vin est nouveau. Et l’état d’esprit qui caractéri-
sait l’ancien jeûne est tout simplement caduc.

53
J eû ner

LE NOUVEAU JEÛNE

Qu’y a-t-il donc de nouveau dans le jeûne chrétien ? Ce


qui est nouveau, c’est qu’il repose sur toute l’œuvre accom-
plie par le marié. Il est fondé sur cette réalité, il y croit, et il
s’en réjouit. Nous jeûnons parce que nous nous languissons
et ressentons en nous un désir et une aspiration vers Christ
et sa puissance. Mais ces choses ne sont pas l’expression
d’un vide. L’expression d’un besoin, certes. D’une douleur,
oui. D’une faim de Dieu, tout à fait. Mais pas celle d’un vide.
Les prémices de ce à quoi nous aspirons sont déjà venues.
L’acompte de ce que nous désirons obtenir a déjà été versé.
La plénitude de ce à quoi nous aspirons et pour laquelle nous
jeûnons, est apparue dans l’histoire, et nous avons contem-
plé sa gloire. Il ne s’agit pas uniquement d’une chose future.
Nous ne jeûnons pas en réponse à un vide. Christ est déjà
en nous l’espérance de la gloire (Colossiens 1 : 27). Nous
avons été « marqués de l’empreinte du Saint-Esprit qui avait
été promis. Il est [aujourd’hui !] le gage de notre héritage »
(Éphésiens 1 : 13-14 ; cf. 2 Corinthiens 1 : 22 ; 5 : 5).
Nous avons goûté à la puissance de l’âge à venir. Notre
jeûne ne signifie pas que nous avons faim de quelque chose
que nous ne connaissons pas encore. Il signifie que le vin
nouveau de la présence de Christ est tellement réel et satisfai-
sant ! Nous désirons obtenir tout ce qui nous est possible de
recevoir. Notre jeûne a ceci de nouveau : il n’est pas intense
parce que nous n’avons jamais goûté le vin de la présence de
Christ, mais plutôt parce que nous y avons si merveilleuse-
ment goûté, par son Esprit, et que nous ne pouvons désor-
mais plus être satisfaits tant que notre joie n’est pas complète.
Le nouveau jeûne, le jeûne chrétien, est une faim de toute la
plénitude de Dieu (Éphésiens 3 : 19), éveillée par l’arôme de
l’amour de Jésus, et l’aperçu de la bonté de Dieu dans l’Évan-
gile de Christ (1 Pierre 2 : 2-3).

54
L e j e û n e e s t- i l c h ré t i e n ?

LE FESTIN DU JEÛNE
Le nouveau jeûne est, pour ainsi dire, le jeûne de la foi. La foi
s’appuie sur l’œuvre achevée de Christ, et sur cette fondation
elle devient « l’assurance des choses qu’on espère » (Hébreux
11 : 1). Avoir la foi, c’est se délecter de Christ comme on se
régale lors d’un festin. C’est trouver une telle satisfaction spi-
rituelle en lui que le pouvoir de tout autre désir est brisé21. Ce
festin débute quand nous recevons la mort et la résurrection
de Christ (c’est la grâce passée) et continue lorsque nous nous
approprions pleinement tout ce que Dieu, en Christ, promet
d’être pour nous. Tant que nous sommes limités et déchus,
la foi chrétienne signifiera à la fois une joie intense dans l’in-
carnation (passée) et un désir profond pour la plénitude (à
venir). Elle signifiera à la fois contentement et insatisfaction.
Et l’insatisfaction grandira au fur et à mesure que grandira le
contentement que nous connaissons déjà en Christ.

LE JEÛNE A BIEN SA PLACE


DANS LE ROYAUME DE DIEU
Cette façon de comprendre le jeûne chrétien répond à
toutes les questions soulevées plus tôt par les propos de Keith
Main : « La joie et la reconnaissance, qui marquent la vie de
prière du Nouveau Testament, sont un signe de l’arrivée fra-
cassante du royaume de Dieu. Le jeûne n’est désormais plus
en harmonie avec l’attitude de joie et de reconnaissance qui
caractérise la communion22 ». Nous voyons, maintenant, que
sa thèse est exagérée. Oui, le royaume de Dieu est venu. Oui,
nous pouvons déjà goûter à la gloire qui est celle de la fin des
temps, cette gloire manifestée en Christ. Et oui, nous pouvons
en faire l’expérience par son Esprit. Mais non, ce n’est pas une
expérience complète et ininterrompue. Nous continuons à
souffrir, à désirer et à aspirer à plus.
Main lui-même fait marche arrière et admet cette réalité :

55
J eû ner

Il est vrai que crises et tragédies assombrissent encore notre


réalité. Le royaume n’a pas atteint sa pleine réalisation. Certes,
le marié est présent et ce n’est pas le bon moment pour être
en deuil. Tout ne se résume cependant pas à cela, car nous
continuons à vivre dans la chair et sommes encore faibles
dans la foi […]. Dans cette « lutte amère », le croyant, dans sa
vie personnelle avec Dieu, peut tout à fait trouver des occa-
sions de jeûner. Ce pourrait être un des nombreux éléments
susceptibles de fortifier la vie des disciples de Christ23.

C’est vrai. La présence du Marié, par son Esprit, dans le


triomphe du pardon et de la communion, n’ôte pas tout intérêt
au jeûne : elle le renouvelle.

LE JEÛNE, EXPRESSION D’UN


« CONTENTEMENT INSATISFAIT »

Le jeûne chrétien est un acte de foi. En tant que tel, il


exprime un contentement insatisfait dans la pleine suffisance
de Christ. Il est l’expression d’une aspiration, joyeuse et assu-
rée, à la plénitude pleinement satisfaisante de Christ. Le jeûne
chrétien n’espère pas mériter quoi que ce soit de la part de
Christ. Il ne se considère pas comme une source des bénédic-
tions, mais il détourne son regard de lui-même pour le porter
sur le Calvaire. C’est là que le prix a été définitivement payé.
C’est de là que le chrétien reçoit toute bénédiction présente et
à venir. Le jeûne chrétien n’est pas une discipline personnelle
cherchant à mériter plus de la part de Dieu. C’est une faim
de Dieu, éveillée par l’avant-goût accordé gratuitement dans
l’Évangile.

LE JEÛNE CHRÉTIEN AFFIRME


QUE LA NOURRITURE EST UNE BONNE CHOSE

Les avertissements de Paul ne concernent donc pas les


chrétiens qui jeûnent, mais plutôt ceux qui détournent le but

56
L e j e û n e e s t- i l c h ré t i e n ?

du jeûne : Dieu a créé les aliments « pour qu’ils soient pris avec
reconnaissance par ceux qui sont croyants et qui ont connu
la vérité. Tout ce que Dieu a créé est bon et rien ne doit être
rejeté, pourvu qu’on le prenne dans une attitude de recon-
naissance, car cela est rendu saint par la parole de Dieu et la
prière » (1 Timothée 4 : 3-5). Paul souligne que la nourriture est
une bonne chose, et il se réjouit que les chrétiens soient libres
d’en jouir ; il ne dit rien contre le jeûne chrétien. Les chrétiens
disent oui à tout bienfait et tout don parfait qui viennent d’en
haut, du Père des lumières (Jacques 1 : 17).
Lorsque vous jeûnez, vous n’êtes pas en train de dire non
aux bonnes choses, à la nourriture, ou à la générosité de Dieu
qui pourvoit. C’est plutôt une façon de dire, de temps en
temps, que regarder celui qui donne est plus important qu’ob-
tenir ses dons. Imaginez qu’un mari et son épouse décident de
renoncer pour un temps aux relations sexuelles afin de s’at-
taquer sérieusement à un problème qui les oppose. En « jeû-
nant » ainsi, sont-ils en train de condamner la sexualité ? Pas
du tout. Ils proclament au contraire la supériorité de l’amour.
La nourriture est une bonne chose, mais Dieu est bien meil-
leur. En temps normal, nous rencontrons Dieu dans ses dons
et chaque fois que nous nous en réjouissons, nous l’adorons
et le louons avec reconnaissance. Mais de temps à autre, nous
avons besoin de nous mettre à l’épreuve pour vérifier que nous
n’avons pas commencé à aimer les cadeaux de Dieu plus que
Dieu lui-même.

LE JEÛNE CHRÉTIEN N’EST PAS


UNE « RELIGION DE LA VOLONTÉ »

Le jeûne peut devenir une pratique centrée sur soi-même


lorsqu’il met en avant ses efforts personnels et sa force de
volonté. C’est un danger dont Paul était conscient mais qui ne
remet pas pour autant en cause la valeur du jeûne. Paul pré-

57
J eû ner

vient qu’il existe un jeûne qui se manifeste par « une dévotion


rigoureuse, des gestes d’humiliation et l’assujettissement du
corps à une sévère discipline », mais un tel jeûne n’a « aucune
valeur, sinon pour satisfaire des aspirations tout humaines »
(Colossiens 2 : 23 – BDS). Autrement dit, ce jeûne est une « reli-
gion de la volonté24 » : il nourrit l’orgueil spirituel de la chair
tout en soumettant ses appétits physiques.
Le jeûne chrétien se situe à l’exact opposé de cela. Le jeûne
chrétien passe de la pauvreté d’un esprit brisé et contrit à un
doux contentement dans la grâce abondante de Christ pour
se diriger vers le désir et un plaisir toujours plus grand de la
grâce inépuisable de Dieu. Le jeûne chrétien ne conforte pas
l’orgueil, car son attitude ressemble plutôt à celle d’un enfant.
Il se repose, satisfait et content, sur la justification accomplie
une fois pour toutes par Dieu en Christ, tout en aspirant à
connaître toute la plénitude de Dieu qu’il est possible de vivre
ici-bas. Le jeûne chrétien est le résultat de ce que Christ a déjà
fait pour nous et en nous. Ce n’est pas notre exploit, mais le
fruit de l’Esprit. Rappelez-vous que le dernier fruit de l’Esprit
de la liste est « la maîtrise de soi25 » (Galates 5 : 23).

TOUTE NOURRITURE EST PERMISE,


MAIS PAS TOUJOURS UTILE

Qu’est-ce que tout cela signifie en pratique ? Paul était libre


de jeûner ou de ne pas jeûner. « Tout m’est permis, mais tout
n’est pas utile ; tout m’est permis, mais je ne me laisserai pas
dominer par quoi que ce soit » (1 Corinthiens 6 : 12). L’acte de
jeûner en lui-même n’est pas la chose essentielle. Jeûner – ou ne
pas jeûner – pour la gloire de Dieu, c’est cela l’essentiel : « Celui
qui mange de tout, c’est pour le Seigneur qu’il le fait, puisqu’il
exprime sa reconnaissance à Dieu. Celui qui ne mange pas de
tout le fait aussi pour le Seigneur, et il est reconnaissant envers
Dieu » (Romains 14 : 6). Le jeûne glorifie Dieu quand il est vécu

58
L e j e û n e e s t- i l c h ré t i e n ?

comme un cadeau divin dont le but est de mieux connaître


Dieu, et de davantage trouver notre plaisir en lui. Dieu est
d’autant plus glorifié en nous lorsque nous cherchons, dans
notre manière d’agir, à rechercher en lui notre plus grande
satisfaction. Nous pouvons accomplir cela en mangeant avec
reconnaissance, ou en jeûnant avec reconnaissance. Ses nom-
breux dons créent en nous une faim de Dieu, et le jeûne de ses
dons met cette faim à l’épreuve.

LE CHRÉTIEN DOIT-IL TRAITER DUREMENT


SON CORPS ?

Il est erroné d’affirmer sans aucune réserve (comme le


fait Keith Main) que « Paul détourne délibérément l’attention
des disciples du jeûne et de toute autre forme d’ascétisme, en
faveur de la prière, du service, et du travail pour le royaume26 ».
Je suis d’accord avec la dimension positive de la seconde partie
de la phrase, mais pas avec celle, négative, de la première par-
tie. Je dirais que Paul dirige justement notre attention vers le
jeûne et bon nombre d’autres pratiques d’abnégation, non pas
pour obtenir des mérites via ces rituels religieux, non comme
des buts en soi, mais comme des armes dans le combat de la
foi. Lorsque Paul fait la liste de ses épreuves, il mentionne le
jeûne à deux reprises : « J’ai connu le travail et la peine, j’ai été
exposé à de nombreuses privations de sommeil, à la faim et
à la soif, à de nombreux jeûnes, au froid et au dénuement »
(2 Corinthiens 11 : 27 ; cf. 2 Corinthiens 6 : 5).
Paul est cohérent avec sa façon de maîtriser les appétits de
son corps. « Moi donc, je cours, mais pas comme à l’aventure ;
je boxe, mais non pour battre l’air. Au contraire, je traite dure-
ment mon corps et je le discipline, de peur d’être moi-même
disqualifié après avoir prêché aux autres » (1 Corinthiens
9 : 26-27). Ce qui signifie, je suppose, que Paul considérait cer-
taines disciplines ascétiques comme des armes utiles dans le

59
J eû ner

combat de la foi. Rester fermement attaché à Christ par la foi


est la clé pour éviter d’être « disqualifié ». C’est ce qui ressort
clairement, par exemple, de Colossiens 1 : 22-23 : Christ va un
jour nous faire paraître devant Dieu saints, sans défaut et sans
reproche, « mais il faut que vous restiez fondés et inébranlables
dans la foi, sans vous détourner de l’espérance de l’Évangile ».
La foi persévérante est la clé qui nous permettra d’être accep-
tables devant Dieu au dernier jour.
Selon Paul, « traiter durement son corps » est une des
armes dans le combat de la foi. Il n’était pas sans savoir que
les désirs du corps sont aussi délicieux que trompeurs : « le
vieil homme […] se détruit sous l’effet de ses désirs trom-
peurs » (Éphésiens 4 : 22). La nature de cette tromperie est
de nous entraîner subtilement à vivre pour la « jouissance
éphémère » du corps et de l’esprit. Dans quel but ? Pour nous
détourner des délices spirituels que sont connaître et servir
Dieu. Ces jouissances sont innocentes au départ : quel plaisir
de manger, de lire un bon livre, de se détendre ou de jouer !
Mais quand nous recherchons ces jouissances comme une
fin en soi, elles étouffent notre faim spirituelle de Dieu. Paul
traite durement son corps afin de se mettre à l’épreuve : ai-je
faim de Dieu ? Ma foi est-elle réelle ? Ou serais-je plutôt en
train de devenir esclave du confort et des plaisirs du corps ?
La passion de son cœur est perceptible : « je ne me laisserai
pas dominer par quoi que ce soit » (1 Corinthiens 6 : 12). Cela
ne ressemble pas à l’orgueil d’une stoïque exaltation du moi.
C’est la résolution passionnée de résister à tout ce qui peut
séduire le cœur et l’éloigner d’une satisfaction en Dieu qui
domine tous les domaines de la vie.
Il y a quelques années, je venais de terminer de prêcher sur
le jeûne et la prière, quand un jeune homme est venu me voir.
Il m’a raconté une histoire qui illustre bien comment un trai-
tement dur infligé au corps, associé à la prière, peut préparer
une personne au ciel. J’avais mentionné l’Église de Corée du

60
L e j e û n e e s t- i l c h ré t i e n ?

Sud comme modèle dans ce domaine. C’est ce qui a conduit le


jeune homme à venir me parler à la fin du culte :

J’ai grandi sur le champ missionnaire coréen. C’est là qu’une


expérience est restée gravée à tout jamais dans mon esprit.
Elle témoigne du dévouement et des sacrifices qui caracté-
risent la vie de prière et de jeûne en Corée. Mon père tra-
vaillait dans une colonie de lépreux. Ses collègues et lui se
réunissaient pour prier à 4 heures du matin. Je n’étais qu’un
petit garçon, mais mon père m’emmenait avec lui. Il me ré-
veillait à 3 h 30 pour arriver à l’heure. Il m’asseyait au fond de
la pièce, d’où je pouvais apercevoir l’entrée. Je n’oublierai
jamais un homme en particulier : il n’avait ni jambes ni bé-
quilles et utilisait ses mains pour ramper sur le sol. Il se traî-
nait ainsi tous les matins afin d’être présent pour la prière. À
4 heures du matin. Je ne l’oublierai jamais.

Se lever tôt est une forme de jeûne. Et venir prier quand


c’est compliqué de venir en est une autre. Quand nous fai-
sons de tels choix, nous entrons en guerre contre la duplicité
de nos désirs. Nous proclamons que la prière est plus pré-
cieuse que tout. Nous proclamons que Dieu vaut mieux que
tout le reste.

LE JEÛNE EST-IL UNE PRATIQUE CHRÉTIENNE ?


Le jeûne est-il une pratique chrétienne ? Il l’est s’il découle
de la confiance en Christ, s’il est nourri par la puissance de
Christ et si son but est la gloire de Christ. Au-dessus de tout
jeûne chrétien, devraient planer ces mots : « Je considère
même tout comme une perte à cause du bien suprême qu’est
la connaissance de Jésus-Christ mon Seigneur » (Philippiens
3 : 8). Dans le jeûne, comme dans toutes autres privations,
chaque perte a pour but de « gagner Christ ». Mais cela ne
signifie pas que nous cherchons à gagner un Christ que nous
n’avons pas. Cela ne signifie pas non plus que nos progrès
dépendent de nous. Quatre versets plus tard, Paul expose

61
J eû ner

clairement la dynamique de la vie chrétienne tout entière, y


compris celle du jeûne : « mais je cours pour tâcher de m’en
emparer, puisque de moi aussi, Jésus-Christ s’est emparé »
(Philippiens 3 : 12).
Telle est l’essence du jeûne chrétien : nous souffrons, et sou-
pirons – et jeûnons – car nous aspirons à connaître toujours
mieux ce que Dieu a en réserve pour nous en Jésus. Mais ce
n’est possible que parce qu’il s’est déjà emparé de nous et qu’il
nous conduit toujours plus loin et plus haut vers « toute la plé-
nitude de Dieu ».
Ma prière pour l’Église est que Dieu puisse éveiller en nous
une faim renouvelée pour lui : un jeûne nouveau. Non parce
que nous n’avons jamais goûté au vin nouveau de la présence
de Christ, mais précisément parce que nous y avons goûté, et
que nous aspirons, avec une profonde et joyeuse souffrance
dans l’âme, à connaître davantage sa présence et sa puissance
au milieu de nous.

62
Souviens-toi de tout le chemin que l’Éternel, ton Dieu, t’a fait
faire pendant ces 40 années dans le désert. Il voulait t’humilier
et te mettre à l’épreuve pour connaître les dispositions de ton
cœur et savoir si tu respecterais ou non ses commandements. Il
t’a humilié, il t’a fait connaître la faim et il t’a nourri de la manne,
que tu ne connaissais pas et que tes ancêtres non plus n’avaient
pas connue, afin de t’apprendre que l’homme ne vit pas de pain
seulement, mais de tout ce qui sort de la bouche de l’Éternel.
DEUTÉRONOME 8 : 2-3

La faiblesse de la faim qui conduit à la mort souligne la bonté et


la puissance de Dieu qui procure la vie. Il n’y a là ni extorsion, ni
tentatives superstitieuses de forcer la volonté de Dieu. Tout ce que
nous pouvons faire est de tourner nos regards avec confiance vers
notre Père céleste, et par notre jeûne, murmurer en nos cœurs :
« Père, sans toi je vais mourir ; viens à mon aide, hâte-toi de me
porter secours ».
Joseph Wimmer 1
CHAPITRE DEUX

L’HOMME NE VIVRA PAS


DE PAIN SEULEMENT
Le jeûne, un festin dans le désert

Le Fils de Dieu a commencé son ministère sur terre par


un jeûne de quarante jours. Voilà qui devrait nous faire réflé-
chir ! Nous ne sommes pas Dieu, mais nous nous engageons
parfois dans le ministère sans réfléchir, insouciant du com-
bat que nous devrons peut-être mener. Pourquoi Jésus a-t-il
jeûné ? Pourquoi Dieu l’a-t-il conduit à jeûner ? Qu’en est-il de
nous ? Pouvons-nous vraiment affronter les aléas de la vie et
du ministère, ses dangers et ses épreuves parfois surhumaines,
sans traverser, avec Jésus, le désert du jeûne ?
Je crois que nous devons le suivre dans ce désert afin d’ap-
prendre de lui, peut-être même imiter son triomphe. Il était le

65
J eû ner

Fils de Dieu, nous ne le sommes pas. Il a toutefois dit : « Tout


comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie » (Jean
20 : 21). Le salut du monde ne dépend pas de notre succès, car
nous sommes à des années-lumière de sa stature. Mais c’est
précisément pour cette raison que nous avons peut-être besoin
de jeûner davantage, et non de jeûner moins. Il y a dans mes
combats moins d’enjeux pour le monde, mais ma faiblesse
est plus grande. Pour quelle raison Jésus a-t-il jeûné au début
de son œuvre colossale ? Quels principes pouvons-nous en
déduire concernant notre propre service ?

AVOIR FAIM DE TOUTE LA PLÉNITUDE DE DIEU


Mon cœur a faim de « toute la plénitude de Dieu ». Je désire
voir Dieu œuvrer plus profondément parmi son peuple. Je
rêve d’assister à une grande vague de zèle missionnaire qui
répand la passion de la suprématie de Dieu en toutes choses,
pour la joie de tous les peuples. Oh, comme j’aimerais voir,
semaine après semaine, des nouvelles naissances authentiques
et surnaturelles, fruit du témoignage décisif de disciples trans-
formés par Dieu partout où son nom est invoqué ! Le minis-
tère de Jésus est, et sera toujours, inégalé. Dans une certaine
mesure, c’est un modèle pour nous. Mais dans sa plénitude, il
est radicalement divin, unique. Difficile, pourtant, de ne pas
se poser la question : cet incroyable jeûne de Jésus, au début de
son ministère, n’avait-il d’intérêt que pour l’œuvre qu’il allait
personnellement accomplir ? Ou était-ce plus que cela ?
Charles Spurgeon, le célèbre pasteur londonien du
xixe siècle, a dit : « Nos périodes de jeûne et prière dans notre
Église du Tabernacle ont vraiment été des moments impor-
tants. Jamais les portes des cieux ne nous sont autant apparues
grandes ouvertes. Nos cœurs ne se sont jamais autant appro-
chés du cœur de la gloire2 ». S’approcher de la gloire de Dieu,
c’est, sans aucun doute, le secret du chrétien qui brille et qui
brûle d’une lumière impossible à étouffer. D’ailleurs n’est-ce

66
L’ h o m m e n e v i v r a p a s d e p a i n s e u l e m e n t

pas là le besoin pour aujourd’hui (et pour demain) que les


aveugles voient, passent des ténèbres à la lumière, et donnent
gloire à notre Père dans le ciel (Actes 26 : 18 ; Matthieu 5 : 16) ?
Celui qui était la lumière du monde a combattu par le
jeûne pour que sa flamme ne faiblisse pas ! N’avons-nous
pas de leçons à en tirer, nous qui sommes des mèches bien
vacillantes ?

L’ESPRIT DESCENDIT SUR JÉSUS


COMME UNE COLOMBE
Oui, nous avons quelque chose à apprendre de Jésus.
Revenons en arrière et tirons quelques principes de cet épisode.
D’après Matthieu 3 : 16, après son baptême, Jésus est sorti de
l’eau, le ciel s’est ouvert, et le Saint-Esprit est descendu sur lui
comme une colombe. Quel est le sens de tout cela ? Le Saint-
Esprit a toujours accompagné Jésus. Jésus a été conçu par le
Saint-Esprit dès le sein de sa mère (Luc 1 : 35). Et même aupara-
vant, de toute éternité, le Fils de Dieu et l’Esprit de Dieu étaient
un. Paul l’a d’ailleurs affirmé très clairement : « Le Seigneur, c’est
l’Esprit » (2 Corinthiens 3 : 17). Que veut donc dire Matthieu,
quand il rapporte : « le ciel s’ouvrit pour lui et il vit l’Esprit de
Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui » ?
Voici ce que Matthieu veut dire. Le Père aimait tant son
Fils, qu’il l’a préparé publiquement et avec puissance, d’une
façon toute particulière, au ministère qui l’attendait. Il lui a
assuré sa faveur, sa direction et son aide de chaque instant.
Quand l’Esprit vient sur Jésus, Dieu le Père dit : « Celui-ci
est mon Fils bien-aimé, qui a toute mon approbation »
(v. 17). Cette manifestation particulière de l’Esprit est donc
une démonstration de l’amour infini de Dieu pour son Fils
(« Celui-ci est mon Fils bien-aimé »), et la grande marque
d’approbation du Père envers sa personne et son ministère
(« qui a toute mon approbation »).

67
J eû ner

NUL NE S’Y ÉTAIT AVENTURÉ,


ET NUL NE LE POUVAIT

Ce que Jésus s’apprêtait à accomplir était sans précédent


dans l’histoire du monde. Aucun autre homme n’a pris la
décision de vivre et de mourir comme « l’Agneau de Dieu qui
enlève le péché du monde ! » (Jean 1 : 29). Jésus savait que son
rôle en tant que Fils de l’Homme était de « donner sa vie en
rançon pour beaucoup » (Marc 10 : 45), et qu’il était « venu
dans le monde pour sauver des pécheurs » (1 Timothée 1 : 15).
Il savait, d’après Ésaïe 53, que c’était la volonté de Dieu de le
briser, de faire retomber sur lui nos fautes, et, par sa mort, de
procurer la justice à beaucoup d’hommes (versets 6, 10-11). Il
savait que Dieu avait laissé impunis beaucoup de péchés. Par
conséquent, c’est la justice même de Dieu qui était en jeu dans
sa vie et son ministère (Romains 3 : 25-26). Il savait que Dieu
était vrai, et que la réalisation de toutes ses promesses reposait
sur Jésus et son accomplissement fidèle et obéissant de chaque
mot prononcé dans l’Ancien Testament (Romains 15 : 8). Jésus
savait que cela lui coûterait la vie, et une torture effroyable-
ment humiliante et douloureuse (Marc 10 : 33-34).
Le Père savait que tout ceci allait arriver. Le Fils le savait
aussi. Le Père envoie donc l’Esprit, comme une colombe
au-dessus du Fils, pour l’assurer de l’amour du Père. Mais
aussi pour manifester l’approbation incontestable du Père. Il
emploie alors ces mots : « Mon Fils bien-aimé, qui a toute mon
approbation ». Ces mots visent un but merveilleux : assurer
Jésus (et nous aussi) que le brasier de souffrance dans lequel
Jésus s’apprête à marcher n’est pas dû au mécontentement de
son Père. Le Père avertit déjà son Fils (et nous aussi) que son
cri désespéré – « Pourquoi m’as-tu abandonné ? » – ne sera pas
le dernier mot.

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L’ h o m m e n e v i v r a p a s d e p a i n s e u l e m e n t

L’ESPRIT CONDUIT JÉSUS VERS L’ÉPREUVE


ET LE JEÛNE
Il est primordial d’en prendre conscience. Ça l’est d’autant
plus quand nous lisons au verset suivant (Matthieu 4 : 1) ce
qu’a fait l’Esprit immédiatement après être descendu sur Jésus.
Il est écrit : « Puis Jésus fut emmené par l’Esprit dans le désert
pour être tenté par le diable ». Le tout premier acte de l’Esprit
dans le ministère de Jésus a été de l’emmener dans le désert,
afin qu’il soit mis à l’épreuve par Satan.
Jésus a été conduit par l’Esprit à se préparer à cette épreuve,
et à le faire par le jeûne : « Jésus fut emmené par l’Esprit dans
le désert pour être tenté par le diable. Après avoir jeûné 40
jours… ». L’Esprit de Dieu a souhaité que le Fils de Dieu soit
mis à l’épreuve avant de commencer son ministère et qu’il
sorte victorieux de cette épreuve par le jeûne. Notez-le bien, il
a souhaité que Jésus triomphe du grand ennemi de son âme et
de notre salut… par le jeûne.
Cet épisode devrait nous remuer. Voilà Jésus, au seuil du
plus important ministère de l’histoire du monde. Le salut de
l’humanité dépend de son obéissance et de sa droiture. Sans ce
ministère de souffrance et d’obéissance, de mort, et de résur-
rection, personne n’aurait échappé à la damnation éternelle. Et
Dieu décrète que, dans ses premières heures, ce ministère sera
menacé de destruction par les tentations de Satan qui cherche
à détourner Jésus de son chemin d’humilité, de souffrance
et d’obéissance. Jésus aurait pu déjouer de bien des manières
cette immense menace qui planait sur le salut, mais c’est dans
le jeûne que l’Esprit l’a conduit.
Si Satan avait réussi à détourner Jésus de ce chemin d’obéis-
sance, d’humilité et de sacrifice, il n’y aurait pas eu de salut.
Nous serions toujours dans nos péchés, sans espérance. Dans
une certaine mesure (car je ne voudrais pas le surévaluer), nous
devons donc notre salut au jeûne de Jésus. Quel remarquable

69
J eû ner

hommage au jeûne ! Ne passez pas trop vite sur cet événement


de la vie de Jésus. Pensez-y. Jésus a débuté son ministère par le
jeûne. Il a triomphé de son ennemi par le jeûne. Notre salut est
devenu réalité par la persévérance dans le jeûne.

LA RECONSTITUTION DE LA TENTATION
D’ISRAËL DANS LE DÉSERT

Pour saisir tout le sens de la tentation de Jésus au désert,


penchons-nous sur le livre du Deutéronome. Trois fois de
suite, quand Jésus répond aux tentations du diable, il cite le
Deutéronome :

« L’homme ne vit pas de pain seulement »


(Deutéronome 8 : 3) ;
« Vous ne provoquerez pas l’Éternel, votre Dieu »
(Deutéronome 6 : 16) ;
« C’est l’Éternel, ton Dieu, que tu craindras, c’est lui que
tu serviras et c’est par son nom que tu prêteras serment. »
(Deutéronome 6 : 13).

C’est très révélateur. Jésus est emmené par l’Esprit dans le


désert (notez bien, dans le désert), et pour répondre aux ten-
tations de Satan, Jésus cite des passages du Deutéronome. À
chaque fois, il s’agit des paroles de Moïse adressées au peuple
d’Israël, dans un contexte de mise à l’épreuve dans le désert.
Lisez Matthieu :
Le tentateur s’approcha et lui dit :
— Si tu es le Fils de Dieu, ordonne que ces pierres
deviennent des pains.
Jésus répondit :
— Il est écrit : « L’homme ne vivra pas de pain seulement,
mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu ».
MATTHIEU 4 : 3-4

70
L’ h o m m e n e v i v r a p a s d e p a i n s e u l e m e n t

Comparez maintenant cet extrait à Deutéronome 8 : 2-3, et


remarquez le parallèle entre cette situation dans le désert et
celle de Jésus, qui était, lui aussi, dans un désert. Moïse dit au
peuple :
Souviens-toi de tout le chemin que l’Éternel, ton Dieu,
t’a fait faire pendant ces 40 années dans le désert
[tout comme Jésus a été emmené par l’Esprit dans le
désert].
Il voulait t’humilier et te mettre à l’épreuve
[tout comme Jésus a été « tenté », mis à l’épreuve]
pour connaître les dispositions de ton cœur et savoir si tu
respecterais ou non ses commandements.
Il t’a humilié, il t’a fait connaître la faim
[tout comme Jésus a eu faim par le jeûne]
et il t’a nourri de la manne, que tu ne connaissais pas et
que tes ancêtres non plus n’avaient pas connue, afin de
t’apprendre que l’homme ne vit pas de pain seulement,
mais de tout ce qui sort de la bouche de l’Éternel
[ce sont les mots que Jésus reprend pour répondre à
Satan].

Il existe trop de similitudes entre ce qui est arrivé à Jésus


dans le désert et ce qui s’est passé avec le peuple d’Israël pour
le considérer comme une simple coïncidence. Dieu nous
enseigne quelque chose ici. L’Esprit de Dieu a emmené Jésus
dans le désert. Qu’est-ce que cela signifie ?
Cela signifie que les ombres de l’Ancien Testament ont été
remplacées par la réalité du Nouveau Testament. Cela signifie
que l’enjeu dépasse ici Moïse, le désert, la loi, Josué et la terre
promise. Le temps de l’accomplissement est proche. La pro-
messe faite à Moïse est en train de s’accomplir : « L’Éternel, ton
Dieu, fera surgir pour toi et du milieu de toi, parmi tes frères,
un prophète comme moi : c’est lui que vous devrez écouter »
(Deutéronome 18 : 15). Dieu, grâce à l’incarnation de son Fils,
prépare la délivrance de son peuple (le nouvel Israël) de l’es-
clavage du péché en Égypte pour le conduire vers la terre pro-

71
J eû ner

mise du pardon, de la justice et de la vie éternelle. Pour cela,


il a envoyé un nouveau Moïse, ou plutôt, un nouveau Josué
(Jésus les incarne tous les deux ; le nom « Jésus » est identique
à « Josué » dans le Nouveau Testament grec). Ce nouveau
Josué est la tête du tout nouveau peuple que Jésus va rassem-
bler parmi les Juifs et les nations. Il est leur représentant, leur
ambassadeur. Pour eux, il va être emmené par l’Esprit dans le
désert. Il va y rester quarante jours, qui représentent quarante
années. Il va être mis à l’épreuve comme Israël l’a été. Et il
aura faim comme Israël a eu faim. S’il triomphe, il conduira
son peuple en sécurité, dans la terre promise du pardon et de
la vie éternelle.

LE JEÛNE DE JÉSUS : À LA FOIS ARME


ET COMBAT, ÉPREUVE ET TRIOMPHE

Nous comprenons mieux le sens du jeûne de Jésus.


Ce n’était pas un choix arbitraire, une option parmi tant
d’autres, face aux tentations de Satan. C’était un acte volon-
taire d’identification avec le peuple de Dieu. Une identifica-
tion dans l’épreuve et les privations que le peuple a connues
dans le désert. Comme si Jésus disait : « J’ai été envoyé pour
délivrer le peuple de Dieu de l’esclavage du péché, et pour le
conduire vers la terre promise du salut. Pour accomplir cela,
il me fallait devenir l’un d’entre eux. Voilà pourquoi je suis
né. Voilà pourquoi j’ai été baptisé. Je vais traverser les mêmes
épreuves qu’ils ont connues. Je serai leur représentant dans le
désert où, par le jeûne, mon cœur sera sondé, afin de savoir
où va ma loyauté, et qui est mon Dieu. Avec l’aide de l’Esprit,
je triompherai au travers de ce jeûne. Je vaincrai le diable, et
je conduirai tous ceux qui me font confiance à la terre pro-
mise de la gloire éternelle ».
Autrement dit, le jeûne de Jésus ne servait pas seulement à
le préparer à affronter l’épreuve, mais son jeûne faisait aussi

72
L’ h o m m e n e v i v r a p a s d e p a i n s e u l e m e n t

partie de l’épreuve. La foi du peuple d’Israël avait été testée


de la même manière par la faim. Moïse a dit : « Souviens-toi
de tout le chemin que l’Éternel, ton Dieu, t’a fait faire pendant
ces 40 années dans le désert. Il voulait t’humilier et te mettre à
l’épreuve pour connaître les dispositions de ton cœur et savoir
si tu respecterais ou non ses commandements. Il t’a humilié,
il t’a fait connaître la faim » (Deutéronome 8 : 2-5). Il en a été
de même pour Jésus. L’Esprit l’a emmené dans le désert et lui
a fait connaître la faim pour le mettre à l’épreuve, et voir ce
qu’il avait dans le cœur. Aimait-il Dieu ou le pain ? Son jeûne
était aussi, et en même temps, une arme dans le combat contre
Satan. Le jeûne met le cœur à l’épreuve. Et quand il révèle
que le cœur est du côté de Dieu et pas du côté du monde, un
coup violent est porté à Satan. Car celui-ci perd l’emprise qu’il
aurait si nos cœurs étaient tournés vers les choses terrestres
(comme le pain, par exemple).

LE JEÛNE : UN RENONCEMENT
QUI MET LE CŒUR À NU

Le peuple de Dieu est souvent appelé à renoncer aux choses


ordinaires de la vie.

Beaucoup de malheurs atteignent le juste.


PSAUMES 34 : 20

C’est à travers beaucoup de difficultés qu’il nous faut entrer


dans le royaume de Dieu.
ACTES 14 : 22

Nous soupirons en nous-mêmes en attendant l’adoption,


la libération de notre corps.
ROMAINS 8 : 23

73
J eû ner

Le jeûne permet de faire brièvement l’expérience de ce


dénuement. Quand nous vivons ce renoncement volontaire, le
Seigneur révèle ce qui est dans nos cœurs. Qu’est-ce qui nous
contrôle ? En quoi avons-nous confiance ? Qu’est-ce qui a de
la valeur à nos yeux ? Nous avons déjà abordé ce thème dans
l’introduction. Souvenez-vous du commentaire de Richard
Foster : « plus que toute autre discipline, le jeûne révèle les
choses qui nous contrôlent3 ».
De quoi sommes-nous esclaves ? De quoi avons-nous le
plus faim : Dieu ou la nourriture ? Dans le jeûne, nous sommes
mis à l’épreuve, mais nous pouvons aussi y trouver la guéri-
son. Allons-nous murmurer, comme les Israélites l’ont fait
face à l’absence de pain ? Pour Jésus, la question était : allait-il
abandonner le chemin de l’obéissance et du sacrifice, et chan-
ger les pierres en pain ? Ou allait-il vivre « de toute parole qui
sort de la bouche de Dieu » ? Le jeûne permet de nous révéler à
nous-même, et de confesser à Dieu ce qui est dans notre cœur.
Où trouvons-nous notre plus profonde satisfaction : en Dieu
ou en ses dons ?
Le but du jeûne est de parvenir à dépendre moins de la nour-
riture et davantage de Dieu. C’est là où Jésus veut en venir quand
il dit : « L’homme ne vivra pas de pain seulement, mais de toute
parole qui sort de la bouche de Dieu » (Matthieu 4 : 4). Chaque
fois que nous jeûnons, nous disons à Jésus : « Pas de pain seule-
ment, Seigneur. Pas de pain seulement, mais de toi, Seigneur ».

JEÛNER POUR DIEU,


ET NON POUR SON PAIN MIRACULEUX

Jésus a repoussé Satan par ces paroles : « L’homme ne


vivra pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de
la bouche de Dieu ». Je pense que Jésus était en train de dire :
« Place ta confiance en Dieu, et non dans le pain ». Pourquoi je
pense cela ?

74
L’ h o m m e n e v i v r a p a s d e p a i n s e u l e m e n t

La réponse se trouve dans le contexte de Deutéronome 8 : 3,


d’où sont issues les paroles de Jésus en Matthieu 4 : 4 :

[Dieu] t’a nourri de la manne, que tu ne connaissais pas et


que tes ancêtres non plus n’avaient pas connue, afin [remar-
quez le raisonnement] de t’apprendre que « l’homme ne vit
pas de pain seulement, mais de tout ce qui sort de la bouche
de l’Éternel ».

Observez attentivement le texte. Il dit ici que le don de la


manne est un test. Pas la privation de nourriture, mais le don
de nourriture. Afin de leur apprendre que l’homme ne vit
pas de pain seulement. Il leur a donné la manne, une nour-
riture tombée du ciel dont personne n’avait jamais entendu
parler. Pourquoi ? Pour qu’ils apprennent, dit Moïse, à vivre
de tout ce qui sort de la bouche de Dieu. Que veut-il dire par
là ? De quelle manière le don miraculeux de la manne peut-il
enseigner cela ? Elle le peut parce que la manne est une de ces
nombreuses façons extraordinaires que Dieu a de combler
nos besoins : d’un simple mot, alors que tout espoir semble
perdu. Moïse veut dire par là que nous devons apprendre à
dépendre de Dieu, non pas de nous-même. Nous devons lui
faire confiance en toute situation : Dieu n’aura qu’à dire une
parole et une bénédiction nous sera accordée alors que nous
nous y attendrons le moins.
Observez maintenant comment Satan tord cette vérité
quand il parle à Jésus. Il lui dit : « Si tu es le Fils de Dieu,
ordonne que ces pierres deviennent des pains » (Matthieu 4 : 3).
Autrement dit, « Pourvoie à ta propre manne, comme ton Père
l’a fait dans le désert ». Satan est extrêmement malin. Il est un
adroit exégète des Écritures. Il sait ce que contient la Bible.
Il a vu que la manne servait à enseigner que Dieu est puis-
sant et que sa providence œuvre miraculeusement en faveur
de son peuple en détresse. Il oppose donc à Jésus le point de
vue suivant : « Ton Père a donné de la manne dans le désert

75
J eû ner

pour enseigner au peuple à s’attendre à des miracles quand ils


est dans la détresse ; offre-toi donc un pain miraculeux, et tu
obéiras aux Écritures ».
Ce à quoi Jésus répond : « Satan, tu es à la fois si près et si
loin de la vérité. Tu as toujours manipulé habilement la parole
de Dieu pour tenter d’induire en erreur. Tu laisses penser
que tu l’approuves, alors que tu retournes les paroles de Dieu
contre lui. Le sens de la manne était le suivant : ne place pas
ta confiance dans le pain, même pas dans le pain miraculeux,
mais confie-toi en Dieu ! Ne recherche pas ta plus grande satis-
faction dans la nourriture, pas même celle que Dieu t’envoie
par miracle, mais en Dieu. Chaque parole qui sort de la bouche
de Dieu révèle qui il est. Et c’est cette révélation qui nous nour-
rit le plus. Elle durera toujours. Elle est la vie éternelle. Va-t’en,
Satan, c’est Dieu qui est ma bonne part. Je ne me détournerai
pas de son chemin, je ne renoncerai pas à la communion avec
lui, pas même pour de la manne miraculeuse ».
C’est la plus grande leçon que nous enseigne le jeûne de
Jésus dans le désert. C’était une arme contre la ruse de Satan
car c’était la preuve que Jésus avait davantage faim de Dieu
et de sa volonté qu’il avait faim des merveilles que Dieu pou-
vait lui offrir. Il aurait pu se dire que changer les pierres en
pain était précisément ce que le Fils de Dieu était censé faire,
puisqu’il rejouait la scène vécue par le peuple de Dieu dans le
désert. Ils ont en effet reçu de la manne. Il pouvait en rece-
voir lui aussi. Mais le jeûne deviendrait alors une sorte de
prélude religieux apportant systématiquement des réponses
miraculeuses.
Mais Jésus a suivi un tout autre raisonnement. Son jeûne
avait un sens différent et voici comment il voyait les choses :
« J’ai été envoyé pour souffrir et mourir pour mon peuple. Je
ne peux espérer accomplir cela que seulement si j’aime Dieu,
mon Père, de telle manière qu’il soit plus précieux pour moi
que la manifestation de sa puissance par des miracles, même

76
L’ h o m m e n e v i v r a p a s d e p a i n s e u l e m e n t

s’il s’agit de me délivrer de mes détresses. Je sais que sa volonté


est de me briser par la souffrance pour le bien de son peuple.
Je l’ai lu en Ésaïe 53 : 10. Je n’utiliserai pas le jeûne pour ten-
ter d’échapper à cet appel. C’est ce que veut Satan, que mon
jeûne inaugure la réponse miraculeuse de Dieu pour fournir
du pain, comme cela s’est passé en Deutéronome. Mais il y a
une différence. Ils ont connu une légère épreuve, j’en connaî-
trai une bien plus grande. Car l’enjeu de mon épreuve est bien
plus vital ».

LE TRIOMPHE DE LA FAIM POUR DIEU


Que pensait donc Jésus du jeûne ? C’était à la fois un test et
une victoire. C’était le test de ses appétits les plus profonds et
le triomphe de sa faim de Dieu par-dessus toute autre chose.
Voilà pourquoi c’était aussi une victoire sur Satan. Le chemin
du calvaire le menait à sa propre mort et à la défaite du diable.
À la croix, Jésus a « dépouillé les dominations et les autori-
tés et les a données publiquement en spectacle en triomphant
d’elles » (Colossiens 2 : 15). Le chemin qui a mené à cette
défaite a commencé par un jeûne de quarante jours. Au cours
de ce jeûne, Jésus a montré par quelle puissance il allait briser
la tête du serpent à Golgotha : par la puissance de la foi. C’est la
puissance d’une satisfaction suprême en Dieu plus qu’en toute
autre chose. Une satisfaction qui surpasse même celle que les
dons miraculeux de Dieu nous prodiguent. Cette confiance et
ce contentement en Dieu ont soutenu Jésus jusqu’au bout du
chemin : « En échange de la joie qui lui était réservée, [Christ]
a souffert la croix en méprisant la honte qui s’y attachait et il
s’est assis à la droite du trône de Dieu » (Hébreux 12 : 2).
Le jeûne est une proclamation périodique, certes, mais
parfois déterminante. Il proclame que nous préférons être
assis à la table de Dieu et goûter à son festin dans le royaume
des cieux, plutôt que nous nourrir des plus grands délices de ce
monde. Jésus savait ce qu’il avait laissé au ciel. Et il savait qu’il

77
J eû ner

y retournerait bientôt. C’était son plus grand espoir, et sa plus


grande joie. Il a dit à ses disciples :

Vous avez entendu que je vous ai dit : « Je m’en vais et je


reviens vers vous ». Si vous m’aimiez, vous vous réjouiriez de
ce que je vais auprès du Père, car mon Père est plus grand
que moi.
JEAN 14 : 28

Jésus désirait par-dessus tout retourner auprès du Père,


accompagné du « fruit du travail de son âme », c’est-à-dire de
l’Église (Ésaïe 53 : 11 – DAR). C’est à ce festin que son âme se
nourrissait, et c’est ce qui lui a permis de supporter le jeûne et
la mort.

NOTRE FOI PEUT-ELLE SE PASSER


DE L’AIDE DU JEÛNE ?

La vraie question n’est pas tant de savoir si nous jeûnons


ou pas, mais de savoir si nous avons faim de Dieu au point de
jeûner. De quoi est faite notre foi ? Sommes-nous profondé-
ment satisfaits par tout ce que Dieu promet d’être pour nous
en Jésus ? Satisfaits au point de prendre notre croix et de le
suivre sur le chemin du calvaire ? Avons-nous tellement faim
de lui, et de lui seul, au point que toutes les merveilles et tous
les miracles de sa providence ne peuvent suffire à satisfaire nos
âmes ? S’il y a bien une question à se poser, c’est celle-ci : notre
foi peut-elle se passer de l’aide du jeûne ?
Il ne s’agit pas de mériter ou de gagner quoi que ce soit de la
part de Dieu, ou de lui forcer la main. Mais nous devons nous
poser la question suivante : après avoir goûté à la bonté de Dieu
dans l’Évangile, comment trouver en lui mon plus grand plai-
sir ? Comment y parvenir, sachant qu’à tout moment dans ma
vie, je suis tenté de transformer en petits dieux chacun de ses
cadeaux. Quelles sont mes armes pour combattre le combat de

78
L’ h o m m e n e v i v r a p a s d e p a i n s e u l e m e n t

la foi et pour préserver mon cœur de l’attachement à tout ce


qui est étranger à Dieu et des appétits déloyaux ? Bien entendu,
je serai armé de l’épée de l’Esprit, la parole de Dieu, et je vais
prier. Mais je vais aussi m’emparer du jeûne, cet appui de ma
foi, pauvre et affamée. Sa force réside dans sa faiblesse. Son
dénuement fait ressortir mes besoins et rend la perfection de
Dieu d’autant plus précieuse.
La faiblesse de la faim qui conduit à la mort souligne la bon-
té et la puissance de Dieu qui procure la vie. Il n’y a là ni
extorsion, ni tentatives superstitieuses de forcer la volonté
de Dieu. Tout ce que nous pouvons faire est de tourner nos
regards avec confiance vers notre Père céleste, et par notre
jeûne, murmurer en nos cœurs : « Père, sans toi je vais mou-
rir ; viens à mon aide, hâte-toi de me porter secours »4.

COMMENT NOURRIR UNE VISION DE DIEU


SATISFAISANTE POUR L’ÂME ?
Nous avons besoin d’aide. Plus que de guérison physique,
plus que de sécurité financière et plus que de succès profes-
sionnels. Plus que d’être conduits dans notre carrière et plus
que d’harmonie dans nos relations. Nous avons besoin de
l’aide divine pour voir et savourer la gloire de Dieu en Christ.
Nous contemplons la gloire de Dieu dans l’Évangile, et nous
sommes sauvés (2 Corinthiens 4 : 4, 6). Nous contemplons la
gloire de Dieu dans ses promesses, et nous sommes sanctifiés
(2 Corinthiens 3 : 18). Il n’existe qu’une seule façon d’achever
notre course, de garder la foi et de persévérer jusqu’à la fin :
en « gardant les regards sur Jésus » (Hébreux 12 : 2 ; cf. 3 : 1).
En portant nos regards, « non pas à ce qui est visible, mais à
ce qui est invisible, car les réalités visibles sont passagères et
les invisibles sont éternelles » (2 Corinthiens 4 : 18). En pensant
« aux réalités d’en haut, et non à celles qui sont sur la terre »
(Colossiens 3 : 2). C’est la volonté de Dieu pour nous et l’œuvre
de Dieu en nous (Hébreux 13 : 20-21).

79
J eû ner

Mais voilà, l’humanité déchue fait tellement partie de


nous, dit Jésus, que « les préoccupations de ce monde, l’attrait
trompeur des richesses et les passions en tout genre [même des
choses aussi innocentes que la nourriture] pénètrent en eux,
étouffent la parole », alors que cette parole est censée nous
révéler la gloire de Dieu (Marc 4 : 19). C’est pourquoi nous
devons combattre le combat de la foi et livrer bataille pour
contempler la gloire du Seigneur jour après jour. Comment ?
Non seulement en nourrissant notre âme par la vérité, mais
aussi en jeûnant afin de mettre nos appétits à l’épreuve et, si
nécessaire, à mort.
Dietrich Bonhoeffer a longuement réfléchi au prix à payer
pour « vivre en disciple ». Quel est le prix à payer pour suivre le
chemin du calvaire ? Ce qu’il a compris l’a conduit à résister à
Adolf Hitler et il en a payé le prix : il a été pendu à Flossenburg,
en Allemagne, le 9 avril 1945, à l’âge de 39 ans. Il avait claire-
ment discerné le caractère trompeur de notre chair et la néces-
sité de combattre le combat de la foi, sur tous les fronts, jour
après jour, par la gloire et l’humiliation.

La chair résiste à cette humiliation quotidienne, d’abord par


une attaque frontale, puis en se dissimulant derrière les mots
de l’Esprit (c’est-à-dire, au nom de la « liberté évangélique »).
Nous revendiquons notre libération de toute contrainte de
la loi, de toute mortification ou de tout martyre infligé à soi-
même. Et nous les brandissons contre le bon usage évan-
gélique de la discipline et de l’ascétisme. Nous nous trou-
vons ainsi des excuses pour justifier notre indulgence à notre
égard et notre irrégularité dans la prière, dans notre temps
personnel avec Dieu et la vie concrète de tous les jours. Le
contraste entre notre comportement et la parole de Jésus
n’est que trop douloureusement évident. Nous oublions
qu’en suivant Jésus, nous devenons étrangers à ce monde.
Et nous oublions les véritables joies et libertés qui sont le
résultat d’un mode de vie attaché à Dieu5.

80
L’ h o m m e n e v i v r a p a s d e p a i n s e u l e m e n t

La joie en Dieu est ce qui donne la force de marcher avec


Jésus, du désert à la croix, et de la croix à la vie éternelle.
Encore faut-il préserver intacte cette joie contre ses rivales les
plus subtiles et innocentes. C’est une lutte de toute une vie. Et
c’est dans cette lutte que le jeûne – par l’humilité et la faim –
vient en appui à la foi : il se fait émissaire de la grâce. Et au
cœur de chaque jeûne, la grâce se présente toujours avec les
mêmes mots :

En effet, le figuier ne fleurira pas,


la vigne ne produira rien,
le fruit de l’olivier manquera,
les champs ne donneront pas de nourriture ;
les brebis disparaîtront du pâturage,
et il n’y aura plus de bœufs dans les étables.
Mais moi, je veux me réjouir en l’Éternel,
je veux être dans l’allégresse à cause du Dieu de mon salut.
HABAKUK 3 : 17-18

81
Lorsque vous jeûnez, ne prenez pas un air triste comme les
hypocrites. En effet, ils présentent un visage tout défait pour
montrer aux hommes qu’ils jeûnent. Je vous le dis en vérité,
ils ont leur récompense. Mais toi, quand tu jeûnes, parfume ta
tête et lave ton visage afin de ne pas montrer que tu jeûnes aux
hommes, mais à ton Père qui est là dans le lieu secret ; et ton
Père, qui voit dans le secret, te le rendra.
MATTHIEU 6 : 16-18

Il ne t ’aime pas suffisamment


celui qui t ’aime en même temps qu’ il aime autre chose que toi,
mais sans l ’aimer à cause de toi.
Augustin d’H ippone 1

Apprenons des instructions de notre Seigneur sur le jeûne.


Apprenons la grande importance de la joie dans notre piété.
Ces mots, « oins ta tête, et lave ton visage », sont lourds de sens…
Sommes-nous insatisfaits du salaire que nous recevons de Christ, et
de son service ? Certainement pas ! Alors ne donnons pas l ’impression
de l ’ être.
J. C. Ryle 2
CHAPITRE TROIS

JEÛNER POUR OBTENIR


LA RÉCOMPENSE DU PÈRE
Le jeûne de Jésus,
radicalement tourné vers Dieu

Carl Lundquist a présidé l’université et le séminaire de


Bethel durant près de trente ans. Il est mort en 1991 d’un can-
cer de la peau. Au cours des dix dernières années de sa vie, il
a beaucoup étudié et encouragé le culte personnel, ainsi que
les disciplines de la vie chrétienne. Il y a consacré beaucoup
d’énergie. Il a même fondé l’Evangelical order of the burning
heart [L’ordre évangélique du cœur ardent]. Il avait également
pris l’habitude d’envoyer régulièrement une lettre d’encoura-
gement et d’édification. Celle de septembre 1989 raconte ce
qui l’a conduit à prendre la discipline du jeûne au sérieux :

83
J eû ner

J’ai commencé à réfléchir sérieusement au jeûne en tant


que discipline spirituelle suite à ma visite au Dr Joon Gon
Kim à Séoul, en Corée.
— Est-il vrai, lui ai-je demandé, que vous avez jeûné
quarante jours avant la campagne d’évangélisation de
1980 ?
— Oui, m’a-t-il répondu, c’est vrai.
Le Dr Kim présidait la campagne qui devait réunir un
million de personnes au Yoido Plaza. Mais six mois avant
la rencontre, la police l’avait informé qu’elle n’autorisait
plus la campagne. La Corée traversait une période trouble
sur le plan politique, et Séoul était sous la loi martiale. Les
officiers avaient décidé qu’ils ne prendraient pas le risque
d’autoriser la réunion d’un si grand nombre de personnes.
Le Dr Kim et quelques-uns de ses associés sont donc partis
sur une montagne de prière, où ils ont passé quarante
jours devant Dieu, dans la prière et le jeûne, pour que la
campagne d’évangélisation puisse avoir lieu. Ils sont ensuite
descendus et sont retournés au poste de police :
— Oh ! a dit l’officier en voyant le Dr Kim, nous avons
changé d’avis, vous pouvez organiser votre rencontre !
Sur le chemin de l’hôtel, j’ai beaucoup réfléchi. Si je n’avais
jamais vécu un tel jeûne, c’est peut-être que je n’avais
jamais désiré voir se réaliser l’œuvre de Dieu avec une
telle ferveur. […] Son corps était marqué par les nombreux
jeûnes de quarante jours qu’il avait vécus, durant sa longue
expérience de conducteur spirituel dans l’œuvre de Dieu en
Asie. D’un autre côté, je n’ai jamais vu de miracles comme
ceux que Dr Kim a vus.

Le Dr Lundquist a raconté un épisode ayant eu lieu au


cours d’une retraite dans son institut. Il avait constaté qu’un
étudiant de dernière année s’abstenait de manger. Il lui avait
demandé si tout allait bien. L’étudiant lui a alors appris qu’il
terminait bientôt un jeûne de vingt-et-un jours. Il cherchait
à connaître la volonté de Dieu pour le nouveau chapitre qui
allait s’ouvrir dans sa vie.

84
J e û n e r p o u r o b te n i r l a ré c o m p e n s e d u Pè re

Le Dr Lundquist a déclaré avoir découvert, dans les der-


nières années de son ministère, une autre version du jeûne.
Celle-ci lui a été très utile, dans sa vie personnelle comme
dans son ministère :

Plutôt que de consacrer une heure au déjeuner, j’utilise ce


temps pour aller prier dans une pièce à part, à l’institut théo-
logique de Bethel, non loin de là. J’y passe ma pause dé-
jeuner dans la communion avec Dieu et la prière. C’est ainsi
que j’ai redécouvert, dans une dimension très personnelle,
les paroles de Jésus : « J’ai à manger une nourriture que vous
ne connaissez pas ».

D’après moi, le Dr Lundquist veut dire par là que renoncer


à la nourriture par le jeûne s’est révélé d’un grand profit pour
lui. En renonçant à son repas de midi pour rencontrer Dieu
autrement, il a découvert une autre nourriture dans la com-
munion avec Jésus : « J’ai à manger une nourriture que vous ne
connaissez pas » (Jean 4 : 32). Dans une pièce de l’institut théo-
logique de Bethel, Carl Lundquist a peut-être vécu personnel-
lement ce que décrit Apocalypse 3 : 20 : « Voici, je me tiens à
la porte et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la
porte, j’entrerai chez lui, je souperai avec lui et lui avec moi ».
Le Dr Lundquist a renoncé à la nourriture physique, mais il a
découvert un tout autre festin dans la communion avec Jésus.
Il s’est isolé dans sa chambre, loin de ses prérogatives de pré-
sident, et le Père l’a récompensé.

« LORSQUE » VOUS JEÛNEZ,


ET NON « SI » VOUS JEÛNEZ
Un texte a particulièrement ému le Dr Lundquist durant
les dernières années de sa vie. Il s’agit du passage que nous
abordons dans ce chapitre :

Lorsque vous jeûnez, ne prenez pas un air triste comme


les hypocrites. En effet, ils présentent un visage tout défait

85
J eû ner

pour montrer aux hommes qu’ils jeûnent. Je vous le dis en


vérité, ils ont leur récompense. Mais toi, quand tu jeûnes,
parfume ta tête et lave ton visage afin de ne pas montrer
que tu jeûnes aux hommes, mais à ton Père qui est là dans
le lieu secret ; et ton Père, qui voit dans le secret,
te le rendra.
MATTHIEU 6 : 16-18

Certains mots l’ont frappé dans ce passage : « lorsque vous


jeûnez ». Parmi bien d’autres, le Dr Lundquist a remarqué
qu’il n’est pas écrit « si vous jeûnez », mais « lorsque vous jeû-
nez ». Il en a conclu, tout comme moi et comme la plupart des
commentateurs, que « Jésus part du principe que ses disciples
expérimenteront la discipline spirituelle du jeûne3 ». Jésus
considérait le jeûne comme une bonne chose, et s’attendait
à ce que ses disciples le pratiquent. C’est ce que nous avons
vu au premier chapitre. C’est ce que Jésus souligne quand il
dit : « Les invités à la noce peuvent-ils être tristes tant que le
marié est avec eux ? Les jours viendront où le marié leur sera
enlevé, et alors ils jeûneront » (Matthieu 9 : 15). En Matthieu
6 : 16-18, Jésus n’est pas en train d’enseigner si oui ou non nous
devrions jeûner. Il part du principe que nous jeûnerons, et
nous enseigne comment le faire. Ou plus précisément, com-
ment ne pas le faire.

LA MAUVAISE FAÇON DE JEÛNER


Le jeûne chrétien devrait donc faire partie de nos vies
comme moyen de rechercher « toute la plénitude de Dieu »
(Éphésiens 3 : 19). C’est pourquoi nous avons besoin de savoir
ce qu’il convient de ne pas faire. Je ne vous parle pas de conseils
et d’astuces comme ceux qui vous évitent les maux de tête mais
plutôt d’être conscient des dangers spirituels inhérents à tout
acte visant la sanctification. La Bible ne dit à peu près rien sur
les dangers physiques du jeûne. Elle nous laisse le soin de nous
renseigner au sujet de cette question secondaire. En revanche,

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J e û n e r p o u r o b te n i r l a ré c o m p e n s e d u Pè re

la Bible nous avertit : nous devrions nous préoccuper sérieuse-


ment des dangers spirituels qui entourent cet acte sacré.
Jésus nous met en garde de ne pas ressembler aux hypocrites :

Lorsque vous jeûnez, ne prenez pas un air triste comme


les hypocrites. En effet, ils présentent un visage tout défait
pour montrer aux hommes qu’ils jeûnent.
MATTHIEU 6 : 16

Les hypocrites sont donc des individus qui accomplissent


leur discipline spirituelle afin de se « montrer », pour être
vus par les autres. Voilà la récompense que les hypocrites
recherchent. Et qui peut dire qu’il n’a jamais ressenti à quel
point il est valorisant d’être admiré pour notre discipline,
notre zèle, ou notre ferveur spirituelle ? Oui, réellement, quelle
grande récompense aux yeux des hommes ! Peu de choses
sont aussi gratifiantes pour le cœur d’un homme déchu que le
fait d’être reconnu pour ce qu’il accomplit, en particulier au
niveau moral et spirituel.
Ce désir insatiable avait déjà profondément contaminé les
responsables religieux, à l’époque de Jésus. Jésus a mis en garde
contre les scribes et les pharisiens « qui aiment se promener en
longues robes et être salués sur les places publiques ! » (Marc
12 : 38-40). Nous aimons tellement recevoir les éloges des
hommes ! Nous nous habillons en conséquence (« en longues
robes »), et nous nous pavanons sur la place publique pour
bien montrer notre rang. Nous nous plaçons dans des situa-
tions favorables lors des rencontres que nous fréquentons, et
prenons des airs importants à l’église. Nous allongeons même
nos prières pour camoufler notre amour de l’argent, et notre
manque d’amour pour les autres, sous un masque religieux.
Nous sommes tout disposés à faire ces choses parce que nous
recherchons les honneurs des hommes et leur approbation.
Notre appétit est insatiable. Nous voulons être reconnus et
estimés. Nous voulons être aimés, admirés et applaudis. Mais

87
J eû ner

ce chemin est dangereux. Il mène à la mort. Jésus nous a aver-


tis : « Celui qui s’élèvera sera abaissé et celui qui s’abaissera
sera élevé » (Matthieu 23 : 12).
En Matthieu 6 : 16, Jésus affirme que si nous cherchons
à recevoir cette récompense des hommes, c’est ce que nous
obtiendrons : « Je vous le dis en vérité, ils ont leur récompense ».
Autrement dit, si vous jeûnez dans le but d’être admiré par les
autres, c’est ce que vous obtiendrez… Mais c’est tout ce que vous
obtiendrez. Pour le dire encore différemment, le danger de l’hy-
pocrisie est que cela fonctionne. Elle vise à obtenir les éloges des
hommes. Et elle y arrive. Mais c’est là tout ce qu’elle obtient.

EN QUOI EST-CE HYPOCRITE ?

Nous avons ici affaire à des personnes qui ont des fonctions
religieuses et qui décident de jeûner. Plutôt que de s’en cacher,
elles l’affichent aux yeux de tous. En quoi est-ce de l’hypocri-
sie ? À première vue, c’est tout l’inverse ! Jeûner, oindre ses che-
veux, laver son visage, et ne laisser personne savoir que vous
jeûnez : n’est-ce pas de l’hypocrisie ? N’est-ce pas la définition
même de l’hypocrisie : essayer de paraître autre chose, exté-
rieurement, que ce que vous êtes à l’intérieur ? Ces religieux
ne font que présenter la vérité, n’est-ce pas ? Ils sont tout sauf
hypocrites. Ils jeûnent et le laissent voir. Pas de supercherie.
Soyez vrais. Si vous jeûnez, montrez-le.
Jésus dit pourtant qu’ils sont hypocrites. Pourquoi ? Parce
que ce qui doit motiver le jeûne, c’est un cœur tourné vers
Dieu. Le jeûne, d’après Jésus, c’est avoir faim de Dieu. Si quoi
que ce soit d’autre vous motive, il vaudrait mieux ne rien faire
du tout. Ici, ce qui motive leur jeûne, c’est un cœur tourné vers
l’admiration des hommes. Alors oui, ils sont transparents sur
ce qu’ils font, certes, mais c’est précisément cette transparence
qui est trompeuse. Ils mentent au sujet de ce qui est réellement
dans leur cœur. La vraie transparence, dans leur cas, serait

88
J e û n e r p o u r o b te n i r l a ré c o m p e n s e d u Pè re

de porter une pancarte sur laquelle il serait écrit : « La récom-


pense ultime de mon jeûne est l’admiration des hommes ».
Ils ne seraient alors pas des hypocrites. Ils seraient de gros
vaniteux certes, mais totalement ouverts, transparents, et pas
hypocrites. Cependant, ils préfèrent dissimuler leur vanité
derrière leur jeûne. Voilà leur hypocrisie.
Résumons : deux pièges les guettaient… et ils sont tombés
dans les deux.
1. Rechercher dans le jeûne la mauvaise récompense : l’admira-
tion des autres. Ce que ces personnes aiment plus que tout,
c’est recevoir les éloges des hommes.

2. Dissimuler cela derrière un prétendu amour pour Dieu. Le


jeûne incarne l’expression d’un amour pour Dieu, d’une
faim de Dieu. Par leurs actes, ces gens prétendent que leur
cœur est tourné vers Dieu, mais à l’intérieur, ils recherchent
désespérément l’admiration et l’approbation des autres.

COMMENT DEVRIONS-NOUS DONC JEÛNER ?

En Matthieu 6, Jésus offre une alternative à ce type de


jeûne. Il décrit la bonne façon de faire :

Mais toi, quand tu jeûnes, oins ta tête et lave ton visage, en


sorte qu’il ne paraisse pas aux hommes que tu jeûnes, mais
à ton Père qui demeure dans le secret ; et ton Père qui voit
dans le secret, te récompensera.
MATTHIEU 6 : 17-18 – DAR

LE JEÛNE COLLECTIF EST-IL EN


CONTRADICTION AVEC LA PAROLE DE JÉSUS ?

Il existe toutes sortes de jeûnes publics dans la Bible, y com-


pris dans le Nouveau Testament. Par exemple, en Actes 13 : 1-3

89
J eû ner

et 14 : 23, Paul et Barnabas jeûnent d’une façon qui ne pouvait


pas être tenue secrète. Ont-ils désobéi au commandement de
Jésus ? Jésus a-t-il uniquement autorisé le jeûne privé – quand
personne d’autre n’est au courant ? Si c’était le cas, le jeûne
n’existerait quasiment plus. En effet, il est presque impossible
de jeûner en secret si l’on est marié, ou si l’on a l’habitude de
manger avec d’autres personnes.
En réalité, Jésus n’excluait pas le jeûne collectif. Le reste
du Nouveau Testament le montre à plusieurs endroits. Pour
commencer, les chrétiens de l’Église primitive, y compris les
apôtres, pratiquaient le jeûne public (comme en Actes 13 : 3).
Ensuite, ce passage de Matthieu 6 : 1-18 débute par une mise
en garde : « Gardez-vous bien de faire des dons devant les
hommes pour qu’ils vous regardent ». Ce n’est pas le fait d’ac-
complir une chose juste « devant les hommes » qui est mal,
mais la volonté de le faire « pour qu’ils vous regardent ». Jésus
le confirme, d’ailleurs. Alors qu’il dit : « quand tu pries, entre
dans ta chambre, ferme ta porte et prie ton Père qui est là dans
le lieu secret », il prie pourtant lui-même en public (Luc 3 : 21 ;
11 : 1 ; Jean 11 : 41). Dans la prière ou le jeûne, c’est la motiva-
tion qui compte, et non le caractère public ou privé.
Un jeûne public n’est donc pas forcément mauvais, et ce qui
compte, c’est ce qui motive l’action. Nous en avons une autre
confirmation par Jésus :

Que, de la même manière, votre lumière brille devant les


hommes afin qu’ils voient votre belle manière d’agir et
qu’ainsi ils célèbrent la gloire de votre Père céleste.
MATTHIEU 5 : 16

Ici, Jésus va encore un pas plus loin. Il ne se contente pas de


dire que certaines actions publiques sont justes et ne peuvent
être cachées (comme le ministère du bon samaritain). Il dit
que les disciples devraient vouloir que cette justice soit visible
aux yeux du monde, afin que Dieu soit glorifié : « Que votre

90
J e û n e r p o u r o b te n i r l a ré c o m p e n s e d u Pè re

lumière brille devant les hommes, afin qu’ils voient votre belle
manière d’agir ». Au fond, quelle est la motivation la plus pro-
fonde ? Nous ne la trouvons pas en répondant simplement à la
question : désirez-vous que vos actes soient connus des autres ?
Mais plutôt en répondant à celle-ci : pourquoi voulez-vous
qu’ils voient votre manière d’agir ? Afin que Dieu soit glorifié,
ou afin que vous soyez admiré ?
Conclusion : si quelqu’un découvre que vous jeûnez, vous
n’avez pas nécessairement péché. La valeur de votre jeûne n’est
pas détruite parce que quelqu’un a remarqué que vous n’avez
pas pris votre repas ce midi. Il est possible de jeûner avec
d’autres personnes sans le faire « pour que les hommes vous
regardent » (par exemple, l’équipe pastorale de votre Église
peut jeûner le temps d’une retraite dans le but de chercher le
Seigneur ensemble). Être vu en train de jeûner et jeûner pour
être vu, ce n’est pas la même chose. Si quelqu’un voit que vous
jeûnez, ce n’est qu’un événement extérieur. Si vous jeûnez pour
être vu des hommes, cela signifie, comme le dit Jésus ici, que
votre motivation profonde est le désir d’être admiré.
Comme d’habitude, Jésus met nos cœurs à l’épreuve et ne
se contente pas de nous énoncer quelques règles de comporte-
ment. Il dit que lorsque nous jeûnons, notre cœur ne doit pas
désirer que d’autres hommes s’aperçoivent de cette discipline
et nous admirent. Jésus va même plus loin : nous devrions faire
des efforts dans l’autre sens, c’est-à-dire dans le but de ne pas
être vus en train de jeûner. Coiffez-vous, lavez votre visage,
afin que, dans la mesure du possible, personne ne se rende
compte que vous jeûnez.

JEÛNER POUR ÊTRE VU DU PÈRE

Ensuite, il évoque le pendant positif : faites tout cela pour


être vus par « [votre] Père, qui voit dans le secret ». Autrement
dit, jeûnez pour être vus par Dieu. Jeûnez clairement dans

91
J eû ner

cette intention. Jésus enseigne que le jeûne est un mouvement


puissant vers Dieu, la ferme résolution. Jeûnons tournés vers
Dieu, qui voit ce que d’autres ne voient pas.
Jésus évalue la place que Dieu occupe dans nos vies. Avons-
nous vraiment faim de Dieu lui-même… ou courons-nous
après l’admiration des hommes ? Il est facile d’être religieux
quand d’autres nous regardent ! Prêcher, prier, aller à l’Église,
lire la Bible, faire quelque chose de bon et charitable : tout
cela apporte un certain plaisir à notre ego si nous savons que
d’autres s’en rendent compte et pensent du bien de nous. Nous
développons souvent une dépendance à l’estime des autres
nocive pour nous.

NE RÉDUISONS PAS LES CHOSES SAINTES


À UNE AFFAIRE PUREMENT HUMAINE !

Jeûner dans le but d’être vu pose un autre problème, plus


grave encore, car il porte directement atteinte à Dieu. Il s’agit
d’une impression subtile qui grandit en nous, en général
inconsciemment. Cette impression que nos actes spirituels ont
surtout des conséquences bienfaisantes au niveau horizontal,
parmi les hommes, et non devant la face de Dieu. Autrement
dit, si mes enfants me voient prier à table, cela est bon pour
eux. Si les responsables me voient jeûner, ils pourront s’en ins-
pirer et jeûner à leur tour. Si mon colocataire me voit lire ma
Bible, il pourrait avoir envie de lire la sienne. Nous pourrions
trouver encore d’autres exemples.
Toutes ces choses ne sont pas mauvaises ! Les prières
publiques de Jésus ont bel et bien inspiré les disciples (Luc
11 : 1). Mais le danger est que toute notre vie (y compris notre
vie spirituelle) trouve petit à petit sa justification, et son sens,
sur un niveau purement horizontal. C’est-à-dire dans les effets
qu’elle peut avoir quand d’autres nous voient. En conséquence,
Dieu est progressivement et subtilement détrôné pour ne

92
J e û n e r p o u r o b te n i r l a ré c o m p e n s e d u Pè re

tenir qu’un rôle secondaire dans notre façon de vivre notre


vie. Nous pouvons toujours être persuadés qu’il est important
à nos yeux : au fond, nous faisons ce qu’il nous demande de
faire. Mais en réalité, sa propre personne n’est plus le centre
de notre vie. Et cela exprime les motivations de notre cœur de
telle sorte que nous sommes satisfaits quand on nous regarde,
mais perdons toute motivation si personne – sauf Dieu ! – n’est
au courant de ce que nous faisons.
Par ces mots en Matthieu 6, Jésus éprouve nos cœurs afin
de voir si Dieu est notre trésor. Il déplace radicalement le sens
du jeûne : de l’extérieur vers l’intérieur. Il en fait le signe d’une
vie orientée vers Dieu. « Dans le judaïsme, le jeûne était un
signe extérieur d’un état intérieur. Pour Jésus, le jeûne est le
signe intérieur d’un état intérieur4 ». Il nous met à l’épreuve :
le désir d’être admiré ou de voir notre piété impacter ceux qui
nous entourent est-il devenu une nourriture qui se substitue à
Dieu lui-même et qui séduit notre âme ? Que ressentons-nous
quand personne ne sait ce que nous faisons ? Quand personne
ne nous demande : « Comment se passe ton jeûne » ? Sommes-
nous satisfaits en Dieu, quand il est seul à savoir que nous
avons fait ce que nous devions faire ?
C’est un appel à une réorientation radicale vers Dieu lui-
même. Jésus nous pousse à nourrir une relation vraie avec
Dieu, une relation personnelle et authentique. La présence de
Dieu est-elle une réalité dans notre vie ? Notre relation avec
lui est-elle vitale pour nous ? Si ce n’est pas le cas, nous serons
très malheureux de devoir supporter une chose difficile dont
personne, en-dehors de Dieu, n’est au courant. Cela risque de
nous paraître totalement dénué de sens, puisque tout l’éventail
de possibilités, au niveau horizontal, a disparu si personne ne
sait ce que nous traversons.
Tout ce qui compte, c’est Dieu. La personne qu’il est, ce
qu’il pense et ce qu’il accomplira.

93
J eû ner

JEÛNER POUR QUELLE RÉCOMPENSE ?


Voilà qui nous amène à la fin du verset 18, où Jésus fait une
promesse. Elle concerne la récompense que Dieu offrira à ceux
qui fixent leurs regards sur lui et qui n’ont pas besoin des éloges
des hommes pour que leur piété personnelle ait de la valeur.
Voici ce qu’il leur dit : « ton Père, qui voit dans le secret, te le
rendra ». C’est une chose juste et bonne que de rechercher dans
son jeûne une récompense de la part de Dieu. Jésus ne nous
aurait pas offert cette possibilité si cela avait été une mauvaise
chose de vouloir s’en saisir. La position que je défends depuis
des dizaines d’années est la suivante : ce n’est pas parce que
vous cherchez une récompense de la part du Père que vous êtes
un chrétien de seconde zone, ou que vous manquez d’amour.
Ce n’est pas non plus contraire à la vraie vertu5. Comme l’a dit
C. S. Lewis :

Il existe des récompenses qui ne souillent pas les motiva-


tions. L’amour d’un homme pour sa femme n’est pas intéres-
sé sous prétexte qu’il veut l’épouser. Pas plus que son amour
de la poésie n’est intéressé parce qu’il aime lire des poèmes,
ni celui pour le sport parce qu’il aime courir, sauter et mar-
cher. De par sa définition, l’amour cherche à prendre plaisir
dans l’objet de son amour6.

L’idéal chrétien ne consiste pas à bien agir, simplement


« parce que c’est bien ». L’idéal chrétien consiste à faire ce
qui est bien dans le but de trouver plus de plaisir en Dieu.
Interrogeons-nous : allons-nous écouter Jésus et apprendre de
lui ? Ou allons-nous amener notre philosophie, qui ne vient
pas de la Bible, et le réduire à nouveau au silence ?
Certaines traductions ont choisi d’employer le mot « récom-
pense », et d’autres le verbe « rendre » (« Ton Père qui voit dans
le secret te le rendra »). Selon moi, il est plus juste de parler
de « récompense ». En effet, l’expression « te le rendra » pos-
sède une connotation qui peut laisser penser qu’il s’agit d’un

94
J e û n e r p o u r o b te n i r l a ré c o m p e n s e d u Pè re

échange « donnant-donnant ». Tout comme sa version anglaise,


« will repay you » (litt. : « te remboursera ») pourrait suggérer
que le jeûne est une sorte de prestation accomplie pour Dieu,
en échange d’un salaire bien mérité ou d’une compensation.
Le terme original grec (apodôsei) n’a cependant pas obligatoi-
rement cette connotation. Il peut faire référence au rembour-
sement de dettes financières (comme en Matthieu 5 : 26), mais
ce n’est pas toujours le cas. Quand il est écrit que Pilate a rendu
le corps de Jésus à Joseph d’Arimathée (Matthieu 27 : 58), c’est
ce terme qui est employé. De même, quand Jésus rend le rou-
leau au chef de la synagogue après l’avoir lu (Luc 4 : 20), quand
il rend le jeune garçon guéri à son père (Luc 9 : 42), et quand les
apôtres rendaient témoignage de la résurrection (Actes 4 : 33).
C’est encore ce mot qui est utilisé quand Dieu donne à Paul
une couronne de justice (1 Timothée 4 : 8). Le terme grec en
lui-même ne renvoie pas au salaire reçu pour un travail, ou à
un quelconque échange commercial.
Comment Dieu récompense-t-il donc ceux qui ne jeûnent
pas pour être admirés des hommes, mais pour être vus de
Dieu ? Dieu voit que nous jeûnons. Il voit que notre profond
désir nous conduit à renoncer à de bonnes choses, des choses
ordinaires de la vie, afin de jeûner. Il voit que nos cœurs
ne cherchent pas les honneurs et les applaudissements des
hommes. Il voit que nos actions ne sont pas motivées par la
volonté d’impressionner les autres par notre discipline, ou
par le désir de les influencer afin qu’ils imitent notre piété.
Au contraire, nous cherchons Dieu, à cause de notre faiblesse.
Nous lui faisons connaître notre besoin et notre grand désir de
le voir se manifester plus pleinement dans nos vies, pour la joie
de nos âmes et la gloire de son nom.

COMMENT TROMPER DIEU PAR LE JEÛNE


Quand Dieu voit cela, il répond. Il agit. Il récompense.
Que nous « rend » Dieu ? Quelle est la « récompense » promise

95
J eû ner

par Jésus dans ces versets ? Nous pourrions aller jusqu’à nous
demander (avec une mauvaise foi totale), si la récompense
que Dieu promet n’est pas justement « la gloire qui vient des
hommes ». Comme si Dieu disait : « Puisque tu ne l’as pas cher-
chée par un jeûne public, mais que tu as tourné tes regards
vers moi, je vais te donner cette chose tant désirée, la gloire
qui vient des hommes ». Si c’est ce que nous espérons recevoir
par notre jeûne, nous ferons de Dieu un mari trompé. Ce que
Jacques démontre clairement.
Jacques compare la prière à une demande, une requête,
présentée à notre époux céleste. Il envisage ensuite le cas de
figure suivant : que se passerait-il si nous demandions à notre
époux de nous payer une visite chez une prostituée ?

Quand vous demandez, vous ne recevez pas parce que


vous demandez mal, dans le but de satisfaire vos passions.
Adultères que vous êtes ! Ne savez-vous pas que l’amour
pour le monde est synonyme de haine contre Dieu ? Celui
donc qui veut être l’ami du monde se fait l’ennemi de Dieu.
JACQUES 4 : 3-4

Le mot « adultères » est crucial pour comprendre le pas-


sage. Pourquoi sommes-nous appelés « adultères » quand nous
prions pour satisfaire nos passions ? Parce que Dieu est notre
mari, et que le « monde » est une prostituée qui veut nous
séduire. Elle veut que nous lui offrions un amour qui n’appar-
tient qu’à Dieu seul. Le péché de mondanité est terriblement
subtil ! Il peut apparaître, non pour s’opposer à la prière, mais
au sein même du jeûne et de la prière. Nous prions et jeûnons
– parfois même avec ferveur –, mais nous ne le faisons pas
pour Dieu, comme le mari en qui nous trouvons toute notre
satisfaction. Nous le faisons pour ses dons, ses dons terrestres,
afin de leur faire l’amour.
Nous ne devrions pas chercher à jeûner pour recevoir en
récompense les cadeaux de Dieu. Non, la récompense que nous

96
J e û n e r p o u r o b te n i r l a ré c o m p e n s e d u Pè re

cherchons de la part du Père devrait être d’abord, et avant tout,


Dieu lui-même. Dans cette optique, quelle récompense le Père
nous encourage-t-il à chercher ? Je pense que nous pouvons
nous fier à la prière que Jésus enseigne en Matthieu 6 : 9-13.
Elle débute par trois désirs en nous pour lesquels nous nous
tournons, plein d’espoir, vers Dieu.
1. Que le nom de Dieu soit sanctifié ou honoré.
2. Que le règne de Dieu vienne.
3. Que sa volonté soit faite sur la terre comme au ciel.

Voici la première et principale récompense que Jésus


demande de rechercher dans notre prière et notre jeûne. Nous
jeûnons parce que nous désirons ardemment que le nom de
Dieu soit connu, chéri et honoré. Parce que nous désirons voir
son autorité royale respectée en tous lieux, jusqu’à son cou-
ronnement dans l’histoire. Et parce que nous désirons que sa
volonté soit faite, en tout lieu, avec le même dévouement et la
même énergie dont font preuve les infatigables anges qui l’ac-
complissent sans répit dans le ciel. Pour l’éternité.

VOULOIR AUTRE CHOSE QUE DIEU,


POUR LE BIEN DE DIEU
Certes, Dieu nous donne notre pain quotidien, et bien plus
encore, dans la prière et le jeûne. Et ce n’est pas une mauvaise
chose de rechercher son aide dans tous les domaines de notre
vie. Mais ces trois requêtes (que son nom soit sanctifié, que
son règne vienne, et que sa volonté soit faite) représentent une
mise à l’épreuve. Elles révèlent nos cœurs : toutes les autres
choses que nous désirons sont-elles des expressions de notre
faim pour Dieu ? Les cadeaux qu’il peut nous offrir sont-ils
devenus des rivaux de Dieu qui tentent d’usurper sa place dans
nos vies ? Dieu est-il encore notre autorité suprême, ce que
nous avons de plus précieux dans nos vies ? La primauté de

97
J eû ner

Dieu en toutes choses, voilà la grande récompense à laquelle


nous aspirons dans le jeûne. Qu’il ait la place suprême dans
nos affections et dans tous nos choix de vie. Sa suprématie
dans la pureté de l’Église. Sa suprématie dans le salut des per-
dus. Sa suprématie dans l’établissement de ce qui est droit et
juste. Sa suprématie dans l’évangélisation mondiale, pour la
joie de tous les peuples.
Rechercher cette récompense divine, rechercher sa supré-
matie et sa toute-suffisance éprouve tous nos autres désirs.
Sont-ils tournés vers Dieu ? C’est la raison ultime pour
laquelle Jésus nous appelle à jeûner sans chercher à être vus
des hommes. Car il ne s’agit pas de demander à Dieu, plu-
tôt qu’aux hommes, de satisfaire nos désirs terrestres (ce qui
rendrait Dieu complice de notre adultère). Il s’agit d’affirmer
à Dieu qu’il représente lui-même l’objet de notre désir, et
que tout le reste devient secondaire, pâle dérivé de sa gloire
fascinante.
Posons-nous donc la question : quand nous jeûnons et
prions, que cherchons-nous ? Voulons-nous triompher de nos
mauvaises habitudes et de nos vieux esclavages ? Éliminer tout
obstacle et trouver notre plus grand plaisir en Dieu, afin que
les gens voient et lui donnent gloire ? Voulons-nous que nos
fils prodigues et nos filles infidèles reviennent à la maison,
afin d’honorer le nom de Dieu ? Voulons-nous que nos Églises
grandissent, afin que le nom de Christ soit sanctifié parmi
les non-croyants ? Voulons-nous que la Chine, la Corée du
Nord, l’Arabie Saoudite, l’Irak et la Lybie ouvrent leurs portes
à l’Évangile, pour permettre au règne de Jésus de s’étendre ?
Voulons-nous des hommes droits dans nos gouvernements,
dans le but de magnifier la bonté et la justice de Dieu dans ce
monde ?
Jésus nous appelle à vivre, à prier et à jeûner d’une façon
radicalement tournée vers Dieu. Alors pour le bien de ton âme,
en réponse à Jésus, et pour l’avancement de la suprématie de

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J e û n e r p o u r o b te n i r l a ré c o m p e n s e d u Pè re

Dieu en toutes choses, pour la joie de tous les peuples : arrange


tes cheveux, lave ton visage, et laisse le Père qui voit dans le
secret observer à quel point tu as faim de lui par le jeûne. Le
Père qui voit dans le secret désire te récompenser, pour ta joie
et pour sa gloire.

99
Anne […] ne quittait pas le temple ; elle servait Dieu nuit et jour
dans le jeûne et dans la prière […] elle disait publiquement sa
reconnaissance envers Dieu et parlait de Jésus à tous ceux qui
attendaient la délivrance à Jérusalem.
LUC 2 : 36-38

Désormais, la couronne de justice m’est réservée. Le Seigneur,


le juste juge, me la remettra ce jour-là, et non seulement à moi,
mais aussi à tous ceux qui auront attendu avec amour sa venue
[…]. Amen. Viens, Seigneur Jésus !
2 TIMOTHÉE 4 : 8 ; APOCALYPSE 22 : 20

Aimez-vous la venue du Seigneur ?


Si c’est le cas, vous ne reculerez devant aucun effort pour que
l ’Évangile gagne le monde entier. Je suis troublé, à la lumière de
l ’enseignement limpide de la parole de Dieu, à la lumière de la
définition explicite de notre tâche dans le grand ordre de mission, que
nous prenions les choses autant à la légère […]. À lui est le royaume.
Il règne dans les cieux, et il manifeste son règne sur la terre, dans et
à travers son Église. Quand nous aurons accompli notre mission, il
reviendra et établira son royaume dans la gloire. C’est notre devoir non
seulement d ’attendre, mais aussi de hâter la venue du jour de Dieu.
George Ladd 1
C H A P I T R E Q UAT R E

JEÛNER
POUR LE RETOUR DU ROI
Sommes-nous réellement
impatients qu’il revienne ?

Par le jeûne, nous exprimons physiquement ce que notre


cœur désire : le retour de Jésus. En Matthieu 9 : 15 (comme
nous l’avons vu au chapitre un), Jésus se présente comme
l’époux de l’Église. Il a expliqué que ses disciples ne jeûnaient
pas parce que le Marié était avec eux. Ensuite, il a dit : « Les
jours viendront où le marié leur sera enlevé, et alors ils jeû-
neront ». Jésus relie donc le jeûne chrétien à notre désir que le
Marié revienne. Une des significations importantes du jeûne
chrétien est donc d’exprimer la faim de nos cœurs : nous dési-
rons le retour de notre Roi.

101
J eû ner

LE JEÛNE ET LE REPAS DU SEIGNEUR

Le repas du Seigneur est tourné vers le passé alors que le jeûne


est, au contraire, tourné vers l’avenir. Jésus a dit : « Faites ceci en
souvenir de moi » (Luc 22 : 19). Quand nous prenons ce repas,
nous nous souvenons du passé et nous affirmons : Jésus est venu.
Il est mort pour nos péchés. Il est ressuscité des morts. Nous
ne sommes plus coupables. Notre péché est pardonné. Notre
condamnation, notre châtiment, sont tombés sur Christ. Nous
sommes définitivement acquittés. Notre réconciliation avec
Dieu est une réalité. Nous ne sommes plus esclaves du péché.
Notre ennemi a été anéanti. L’aiguillon de la mort n’existe plus.
Nous avons échappé à une destinée en enfer. La vie éternelle
nous est donnée. Le Seigneur est venu ! Savourons ces merveil-
leuses réalités et réjouissons-nous ! La mort et la résurrection
de Christ témoignent de la grâce de Dieu. Que nos âmes soient
enracinées, ancrées dans cette grâce !
C’est ce que nous affirmons quand nous prenons le repas
du Seigneur. Mais lorsque nous renonçons à manger, quand
nous jeûnons, nous tournons nos yeux vers l’avenir, le cœur
douloureux, et nous disons : « Oui, il est venu. Oui, ce qu’il a
fait pour nous est glorieux. Nous pouvons sentir sa présence.
Mais ce que nous avons vu et goûté nous fait aussi ressen-
tir d’autant plus vivement son absence. Le Marié est parti. Il
n’est plus ici. Il était là, et il nous a aimés jusqu’à l’extrême.
Nous pouvons manger, et même nous réjouir autour d’un
festin, car il est venu. Mais nous savons aussi qu’il n’est plus
avec nous comme il l’a été par le passé ». Comme Paul l’a dit,
« tant que nous habitons dans ce corps, nous sommes loin de
notre patrie, loin du Seigneur » (2 Corinthiens 5 : 6). Et cette
absence est douloureuse. Le péché et la misère de ce monde
sont douloureux. Le peuple de Christ est faible et méprisé,
comme des agneaux au milieu des loups (Matthieu 10 : 16).
Nous aspirons à son retour. Nous voulons qu’il monte sur le

102
J e û n e r p o u r l e re to u r d u Ro i

trône, et qu’il règne parmi nous pour défendre son peuple, sa


vérité, et sa gloire.
Je ne prétends pas que le Seigneur a institué le jeûne de façon
aussi formelle que le repas du Seigneur, et il ne lui a pas donné
le même sens. Il n’a jamais dit, au sujet du jeûne : « Faites ceci
jusqu’à mon retour ». Cependant, il a dit : « Les jours viendront
où le marié leur sera enlevé, et alors ils jeûneront ». Ce n’est ni
un commandement, ni une ordonnance officielle. Mais c’est
une prédiction. C’est ce que feront naturellement tous ceux qui
aiment le Marié et qui sont impatients de le revoir.

PLEURER SON ABSENCE JOUR ET NUIT

Le jeûne nous remet en question : Jésus nous manque-t-il ?


Aspirons-nous vraiment à son retour ? Il est rare de nos jours
que les chrétiens jeûnent, de façon régulière, pour la venue du
Seigneur. N’est-ce pas une preuve que nous sommes satisfaits
de notre vie dans ce monde et de l’absence du Seigneur ? Il ne
devrait pas en être ainsi :

Et Dieu ne fera-t-il pas justice à ceux qu’il a choisis et qui


crient à lui jour et nuit ? Les fera-t-il attendre ? Je vous le
dis, il leur fera rapidement justice. Mais, quand le Fils de
l’homme viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ?
LUC 18 : 7-8

De quoi est-il question dans ces versets ? Le Fils de l’homme


va revenir, et quand il reviendra, il rendra justice à ceux qu’il
a choisis. Ils ne seront plus comme « les balayures du monde,
le déchet de tous » (1 Corinthiens 4 : 13), mais ils « resplendi-
ront comme le soleil dans le royaume de leur Père » (Matthieu
13 : 43). La foi du plus grand nombre se tarira et l’amour du
plus grand nombre se refroidira (Matthieu 24 : 12), mais le Fils
de l’homme, quand il viendra, trouvera ses élus persévérant
dans la foi et l’amour, jusqu’à la fin (Marc 13 : 13).

103
J eû ner

Avez-vous remarqué ce que font les élus à qui Jésus fera


justice à son retour ? Ils « crient à lui jour et nuit ». Voilà ce qui
manque à l’Église chrétienne moderne, confortablement établie
dans le monde ! En Occident, où sont les chrétiens qui crient à
Christ jour et nuit, pour qu’il revienne et fasse justice à ses élus ?
Où voyons-nous une telle soif, un tel désir, et une telle souf-
france, pour l’avènement du royaume ? Pas étonnant que se pose
rarement la question de jeûner pour le retour du Marié. S’il n’y a
même pas de cri, qui chercherait à l’exprimer par le jeûne !

VIENS, SEIGNEUR JÉSUS !

Quel est ce cri ? Quel était le cri de l’Église primitive ? Son


cri était : « Viens, Seigneur Jésus ! » Ce n’est pas une coïnci-
dence que les derniers mots de la Bible sont d’abord les paroles
mêmes du Seigneur : « Oui, je viens bientôt », suivi de la réponse
de l’Église : « Amen ! Viens, Seigneur Jésus ! » (Apocalypse
22 : 20). C’est le cri que toute la Bible veut laisser dans le cœur
de ceux qu’il a choisis.
L’Église de langue grecque du premier siècle a préservé
peu de termes araméens, le langage employé par Jésus et ses
premiers disciples. Mais l’un d’entre eux est maranatha. En
1 Corinthiens 16 : 22, Paul termine sa lettre en disant : « Si
quelqu’un n’aime pas le Seigneur [Jésus-Christ], qu’il soit mau-
dit ! Maranatha ». Le mot signifie : « Notre Seigneur, viens ! »
Le terme a très probablement été préservé dans l’araméen ori-
ginel pour la même raison qu’amen a été conservé en hébreu,
sans aucune modification, dans pratiquement toutes les lan-
gues du monde : c’était une expression fréquemment utilisée.
« Maranatha ! » était le cri omniprésent de l’Église primitive :
« Oh, Seigneur, viens ! »
Jésus avait enseigné à ses disciples à prier : « que ton règne
vienne » (Matthieu 6 : 10). Et il leur avait appris que le royaume
viendrait dans toute sa plénitude lorsque lui-même reviendrait

104
J e û n e r p o u r l e re to u r d u Ro i

« dans la gloire de son Père, avec ses anges » (Matthieu 16 : 27).


C’est pourquoi la prière « que ton règne vienne » était quasiment
similaire à la prière « Maranatha ! » – « Viens, Seigneur Jésus ! »
Nous voyons bien que ce cri du cœur était central dans l’Église
primitive. Il ne s’agit pas d’une préoccupation secondaire. Elle
est primordiale, centrale, dans le comportement du corps de
Christ. Le Marié est parti en voyage juste avant le mariage, et la
Mariée ne peut agir comme si tout était normal. Si elle l’aime,
elle souffrira de son absence et aspirera à son retour.

ATTENDONS-NOUS LA VENUE
DU SEIGNEUR AVEC AMOUR ?
En fait, Paul parle d’attendre la venue du Seigneur avec
amour. Pour lui, c’est la preuve d’une foi authentique. À la fin
de sa vie, il dit :

Désormais, la couronne de justice m’est réservée. Le


Seigneur, le juste juge, me la remettra ce jour-là, et non
seulement à moi, mais aussi à tous ceux qui auront attendu
avec amour sa venue.
2 TIMOTHÉE 4 : 8

La couronne de justice n’est pas une récompense destinée


uniquement à certains élus. Elle n’est pas là pour séparer ceux
qui sont justes de ceux qui ne le sont pas. Tous les élus de Dieu
la recevront. C’est la « couronne de la vie que le Seigneur a
promise à ceux qui l’aiment » (Jacques 1 : 12) et qui sont fidèles
jusqu’à la mort (Apocalypse 2 : 10). C’est pourquoi, attendre et
aimer la venue du Seigneur n’est pas une option pour le chré-
tien. Ce n’est pas une démarche facultative permettant d’ac-
quérir plus de récompenses. La véritable foi chrétienne aime
Christ et aspire au retour du Marié. La foi qui sauve dit : « Que
ton règne vienne ! Reviens, ô précieux Époux. Viens, établis
ton règne, sois notre Roi. Viens, justifie ton peuple. Viens,
épouse ta fiancée ».

105
J eû ner

CE QU’ANNE NOUS ENSEIGNE


SUR L’INTENSITÉ DE L’ATTENTE
Quand Jésus prédit que la future Mariée va jeûner pour
le retour de son fiancé (Matthieu 15 : 9), il n’invente rien. Les
fidèles de son époque avaient déjà entendu l’histoire d’une
femme qui jeûnait pour le royaume de Dieu et Luc décrit la
scène :

Il y avait aussi une prophétesse, Anne, fille de Phanuel, de


la tribu d’Aser. Elle était d’un âge très avancé. Elle n’avait
vécu que 7 ans avec son mari après son mariage. Restée
veuve et âgée de 84 ans, elle ne quittait pas le temple ;
elle servait Dieu nuit et jour dans le jeûne et dans la prière.
Arrivée elle aussi à la même heure, elle disait publiquement
sa reconnaissance envers Dieu et parlait de Jésus à tous
ceux qui attendaient la délivrance à Jérusalem.
LUC 2 : 36-38

À cette époque-là, Marie et Joseph viennent tout juste


d’amener l’enfant Jésus au temple. Luc raconte que deux per-
sonnes très âgées, Siméon et Anne, comprennent immédia-
tement qui est cet enfant. Qu’est-ce qui caractérise ces deux
personnes ? Ils attendent ardemment la venue du Messie. Ils
la désirent de tout leur cœur. Au verset 25, Luc précise que
Siméon « attendait la consolation d’Israël » et que « l’Esprit
saint était sur lui ».
Concernant Anne, Luc nous apprend qu’elle ne quitte pra-
tiquement jamais le temple et sert le Seigneur « dans le jeûne
et dans la prière » (v. 37). Autrement dit, comme Siméon, elle
attend impatiemment la venue du Messie. Elle jeûne et prie
jour et nuit parce qu’elle attend la rédemption de Jérusalem.
Elle arrive au bon moment pour voir l’enfant-Messie (v. 38).
Elle remercie Dieu et parle de lui à tous ceux qui « attendaient
la délivrance à Jérusalem ». Dieu fournit là un aperçu de la
gloire du Roi à ceux qui attendent ardemment, désirent de tout

106
J e û n e r p o u r l e re to u r d u Ro i

leur cœur et recherchent « la rédemption de Jérusalem ». Pour


Anne, ce désir profond se traduit par une vie de jeûne et de
prière pendant toute la durée de son service au temple, décen-
nie après décennie (son mari est probablement mort depuis
soixante ans).
Luc raconte l’histoire de Siméon et d’Anne pour nous mon-
trer les effets que la promesse de la venue de Christ produit sur
des personnes saintes et attachées à Dieu, et comment Dieu
répond à leur aspiration profonde. Ils discernent ce que les
autres ne voient pas. Ils ne comprennent pas forcément toutes
les implications de la venue du Messie (comme ce fut sûrement
le cas pour Siméon et pour Anne). Mais dans sa grâce, Dieu
leur donne, avant leur mort, un aperçu de ce qu’ils ont si pas-
sionnément désiré voir.

NOTRE ATTENTE EST-ELLE AUSSI INTENSE ?

Nous vivons dans l’époque postérieure à la venue du Roi. Il


est venu, puis reparti. Il a révélé sa gloire. Il a répandu son sang
pour nos péchés. Il est ressuscité des morts. Il est monté au
ciel pour s’asseoir à la droite du Père, en attendant de mettre
tous ses ennemis sous ses pieds. Il a envoyé son Esprit saint
pour nous régénérer, nous sanctifier et demeurer en nous. Il a
envoyé son Église pour faire de toutes les nations des disciples.
Et il a promis, en Jean 14 : 3, « je reviendrai ».
Notre situation est-elle semblable à celle d’Anne ? Ses espoirs
étaient fondés sur les promesses de Dieu, les nôtres le sont aussi.
Mais nous avons vu tellement plus qu’elle ! Nous en savons tel-
lement plus sur le Messie ! Nous pouvons en espérer tellement
plus ! Elle n’aura pas vu les années de miséricorde et de puissance
du ministère de Jésus. Nous, en revanche, nous les connais-
sons. Elle n’a jamais entendu les paroles d’autorité, de sagesse et
d’amour que nous avons entendues. Elle n’a pas vu les aveugles
retrouver la vue, les boiteux marcher et les lépreux être purifiés.

107
J eû ner

Elle n’a pas vu les sourds entendre et les morts ressusciter. Elle
n’a pas vu Jésus annoncer la Bonne Nouvelle aux pauvres gens
comme il l’a fait. Elle ne l’a jamais vu se consacrer tout entier
à Gethsémané, ou être crucifié pour nous à Golgotha. Elle n’a
jamais entendu ces paroles de miséricorde : « Aujourd’hui, tu
seras avec moi dans le paradis », ou ces paroles de triomphe :
« Tout est accompli ». Elle ne l’a jamais vu ressusciter des morts,
triomphant du péché, de la mort et de l’enfer. Et pourtant, sur
la base de ce qu’elle savait de lui dans l’Ancien Testament, elle
désirait ardemment le voir et jeûnait dans la prière jour et nuit,
en attendant « la rédemption d’Israël ».
Nous avons vu toutes ces choses. Nous connaissons le
Sauveur cent fois mieux qu’Anne. Et celui que nous connais-
sons si bien n’est plus là aujourd’hui. Nous marchons par la foi,
non par la vue. Le Marié, que nous aimons, nous a été enlevé.
La fête du mariage est interrompue. La marche nuptiale avait
commencé, nous marchions dans l’allée vers notre fiancé, et à
la dernière minute, il a disparu.
Allons-nous désirer son retour avec moins de ferveur
qu’Anne ? Nous avons vu Jésus vivre et aimer pendant trois
ans. Nous avons accueilli son Esprit en nous. Notre désir sera-
t-il plus intense ? Moins intense ? Si notre réponse est « moins
intense », nous sommes terriblement coupables d’aveuglement
ou d’indifférence !

LE JEÛNE LIBÈRE L’ÂME


DE LA DOMINATION DE NOS SENS PHYSIQUES

Le jeûne nourrit le désir qu’il exprime. C’est l’un de ses plus


grands bienfaits. Je veux dire par-là que le jeûne est principa-
lement l’expression de la faim de l’âme pour Dieu. Ce n’est pas
un artifice pour nous forcer à aimer Dieu. Nous l’aimons et
nous désirons ardemment sa présence. Alors surgit, presque
naturellement, l’idée du jeûne pour exprimer sincèrement,

108
J e û n e r p o u r l e re to u r d u Ro i

avec notre corps tout entier, ce que ressent notre cœur : j’ai
faim de toi, ô Dieu ! Jeûner ne génère pas une faim de Dieu, il
l’exprime.
Il faut cependant reconnaître que le jeûne, de par sa nature,
nourrit aussi cette faim de Dieu. Une faim qui n’est pas phy-
sique, mais spirituelle. Nous sommes d’autant moins sensibles
à nos appétits spirituels que nous sommes esclaves de nos
appétits physiques. Le jeûne est donc une façon de réveiller
nos appétits spirituels endormis en repoussant les forces phy-
siques qui tentent de nous dominer et d’occuper le centre de
nos vies. John Wesley l’a très bien exprimé ; ce qu’il appelle la
« sensualisation » de l’âme est un obstacle majeur à notre désir
de voir Jésus revenir. Le jeûne ne se contente donc pas d’expri-
mer notre la faim de Dieu : il la nourrit aussi.

L’abondance de pain [renforce] non seulement l’insouciance


et la légèreté d’esprit, mais aussi les désirs insensés qui nous
détournent de Dieu, les motivations impures et mauvaises.
[…] Le plaisir des sens, aussi banal et légitime soit-il, ne cesse
de sensualiser l’âme et la rabaisse au niveau des bêtes pé-
rissables. Une nourriture variée et raffinée a plus de consé-
quences qu’on n’imagine sur l’esprit et sur le corps : elle le
prédispose à jouir de tous les plaisirs des sens aussitôt que
l’occasion se présente. C’est pourquoi, pour cette raison aus-
si, tout homme avisé réfrénera son âme et restera sobre. Il
s’efforcera de toujours plus sevrer son âme de toute la com-
plaisance de ces appétits inférieurs, qui ont naturellement
tendance à l’enchaîner à la terre, à la polluer et à l’abaisser.
Voilà une autre raison toujours d’actualité pour jeûner : ôter
tout ce qui nourrit la convoitise et le plaisir des sens, retirer
ce qui génère des sentiments stupides et néfastes, des atta-
chements nocifs et vains2.

Loin de moi l’idée de dénigrer les dons de Dieu ! Je ne pré-


tends pas que la nourriture est un mal, ou même un obstacle à
notre sensibilité spirituelle. Je me joins simplement à Wesley
pour dire que la plupart d’entre nous risquons de tomber

109
J eû ner

dans l’excès de « sensualisation ». Nous avons trop tendance


à satisfaire le moindre de nos désirs, au lieu de prendre le
temps de renoncer à nous-mêmes. C’est pourtant dans ces
moments-là que nous pourrions évaluer si notre appétit
spirituel est bien vivant, et nous demander si cet appétit ne
peut pas nous procurer une satisfaction plus profonde que la
nourriture physique. C’est cet appétit qui a été conçu pour
honorer Dieu. C’est le cas, par exemple, de notre appétit pour
le retour du Seigneur Jésus.

LE MAÎTRE VIENT SERVIR !

Avez-vous remarqué comment le Nouveau Testament


décrit le cœur des croyants qui vivaient dans l’attente de la
venue du Seigneur ? Ils se souvenaient des paroles que le
Seigneur Jésus avait prononcées dans le cadre de l’une de ses
plus surprenantes paraboles :

Soyez comme des hommes qui attendent que leur maître


revienne des noces, afin de lui ouvrir dès qu’il arrivera et
frappera.
LUC 12 : 36

Une parabole surprenante car elle décrit le retour du Christ


comme celui d’un « maître » qui à son arrivée « mettra sa cein-
ture, les [ses serviteurs] fera prendre place à table et s’appro-
chera pour les servir » (Luc 12 : 37). C’est à couper le souffle !
Celui que nous attendons, qui viendra dans les nuées avec les
saints anges et dans la gloire de son Père, celui qui terrifiera les
nations, est aussi celui qui va magnifier la grandeur de sa grâce
en se faisant serviteur. Il va s’abaisser lui-même et se mettre au
service de notre joie, pour toujours. Même après sa seconde
venue, il ne sera pas « servi par des mains humaines, comme
s’il avait besoin de quoi que ce soit, lui qui donne à tous la vie,
le souffle et toute chose » (Actes 17 : 25).

110
J e û n e r p o u r l e re to u r d u Ro i

Les premiers chrétiens se sont donc souvenus des paroles


de Jésus qui nous a demandé d’être « comme des hommes qui
attendent que leur maître revienne ». Et notre maître est un
maître-serviteur ! Nous nous éloignons de l’image du marié,
mais cette image n’évoque pas moins de joie pour autant.
Ils ont donc cru que la seconde venue de Jésus ne serait que
récompense. Une expérience de joie et d’exultation… quelle
que soit la souffrance qu’ils auraient à endurer : « Réjouissez-
vous, au contraire, de la part que vous prenez aux souffrances
de Christ, afin d’être aussi dans la joie et dans l’allégresse
lorsque sa gloire sera dévoilée » (1 Pierre 4 : 13).

LA PASSION D’UN EXILÉ


Cette espérance était si présente parmi les premiers chré-
tiens qu’ils considéraient la vie sur terre comme un exil. Ce
qui ne veut pas dire qu’ils n’avaient pas d’intérêt pour le bien-
être de leurs voisins. Au contraire. Puisqu’ils étaient libérés
de l’amour des choses matérielles, ils possédaient la liberté
d’aimer leurs prochains dans un abandon total. Ils pouvaient
connaître cette liberté parce que leur espérance était tournée
vers un autre monde. L’abnégation des croyants pour leurs
prochains montrait que leur espoir ne venait pas de ce monde
(Colossiens 1 : 4-5 ; Hébreux 10 : 32-34). Leur confession com-
mune était, « ici-bas nous n’avons pas de cité permanente, mais
nous recherchons celle qui est à venir » (Hébreux 13 : 14). Nous
sommes des « résidents temporaires et étrangers sur la terre »
(1 Pierre 2 : 11). Ce qui signifie que leur grande et joyeuse
attente, celle qui soutenait leur amour, était la venue de leur
Roi : « nous sommes citoyens des cieux : de là, nous attendons
ardemment la venue du Seigneur Jésus-Christ pour nous sau-
ver » (Philippiens 3 : 20 – BDS).
Ce moment si « ardemment attendu » transparaît à travers
tout le Nouveau Testament et définit ce que signifie appartenir
à Christ :

111
J eû ner

De même, le Christ ne s’est offert qu’une seule fois en


sacrifice pour effacer les péchés de beaucoup d’hommes.
Il reviendra, mais sa seconde venue n’aura plus rien à faire
avec le péché ; il apparaîtra comme le Sauveur glorieux
à tous ceux qui l’attendent continuellement pour leur
apporter le salut complet et définitif.
HÉBREUX 9 : 28 – PVV

Avec joie et confiance, vous regardez vers le jour où il


apparaîtra et se manifestera publiquement
1 CORINTHIENS 1 : 7 – PVV

Elle nous enseigne à renoncer à un mode de vie impie


et aux convoitises de ce monde […] en attendant notre
bienheureuse espérance, la manifestation de la gloire de
notre grand Dieu et Sauveur Jésus-Christ.
TITE 2 : 12-13

Maintenez-vous dans l’amour de Dieu en attendant le jour


où la compassion de notre Seigneur Jésus-Christ sera
manifestée pour la vie éternelle.
JUDE 1 : 21

Cette « attente ardente et continuelle », cette soif de l’Église


primitive pour la venue de son Fiancé, voilà ce qui a motivé
de telles prières. Lorsque vous désirez une chose avec une telle
passion, il est impossible de ne pas crier à Dieu. Elle a donc
crié et prié : « Seigneur, que ton règne vienne ! » « Maranatha ! »
« Viens, Seigneur Jésus ! »
De toute évidence, l’Église occidentale, prospère et à l’aise,
a besoin de redécouvrir cette faim de Dieu. L’absence de jeûne
indique clairement que nous sommes satisfaits de l’état actuel
des choses. Personne ne jeûne pour exprimer à quel point il
est content de sa situation. Les gens ne jeûnent que par insa-
tisfaction : « Les invités à la noce peuvent-ils être tristes tant

112
J e û n e r p o u r l e re to u r d u Ro i

que le marié est avec eux ? Les jours viendront où le marié leur
sera enlevé, et alors ils jeûneront » (Matthieu 9 : 15). L’absence
de jeûne est à la mesure de notre contentement avec l’absence
de Christ.

JEÛNER POUR LE ROI


N’EST PAS UNE DISCIPLINE PACIFISTE

Qu’arriverait-il si notre désir pour le Marié se réveillait


en nous ? Entrerions-nous dans un état contemplatif d’at-
tente passive, occupant tout notre temps à jeûner et à prier ?
Absolument pas ! Si un désir ardent pour Christ se réveillait
en nous, il générerait un engagement nouveau et radical, en
faveur de la tâche qui nous a été confiée : l’évangélisation
mondiale. Un engagement quel qu’en soit le prix. Le jeûne ne
deviendrait pas une discipline inoffensive au service de nos
espoirs personnels mais une arme missionnaire redoutable
dans le combat de la foi.
Pourquoi je vous dis tout cela ? Pour une bonne et simple
raison. Si nous désirons vraiment de tout notre être que Christ
revienne et que son règne s’installe, nous sacrifierons nos vies
pour remplir les conditions de son retour :

Cette bonne nouvelle du royaume sera proclamée dans


le monde entier pour servir de témoignage à toutes les
nations. Alors viendra la fin.
MATTHIEU 24 : 14

La fin ne viendra donc pas tant que toutes les « nations » (à


savoir les groupes ethniques3) n’auront pas entendu un témoi-
gnage digne de foi de l’Évangile de Christ : « Nous devons
humblement admettre que seul Dieu sait quand ce signe sera
pleinement accompli4 ». Cet accomplissement dépend de celui
qui a dit : « Le ciel et la terre disparaîtront, mais mes paroles ne
disparaîtront pas » (Matthieu 24 : 25).

113
J eû ner

TANT QUE NOTRE MISSION


NE SERA PAS ACHEVÉE, IL NE VIENDRA PAS
George Ladd était un de mes professeurs au séminaire. J’ai
toujours été stupéfait de constater à quel point il était troublé
par l’incapacité de l’Église à discerner le lien existant entre
l’évangélisation du monde et le retour du Seigneur.

Dieu nous dit que cet Évangile du royaume sera prêché dans le
monde entier pour servir de témoignage à toutes les nations.
Lui seul saura quand ce but sera atteint. Je n’ai pas besoin de
le savoir. Je ne sais qu’une chose : Christ n’est pas encore reve-
nu, la tâche n’est donc pas encore terminée. Quand elle sera
achevée, Christ reviendra. Il ne nous incombe pas d’insister
sur la définition des termes de la mission, mais de l’achever.
Tant que Christ n’est pas de retour, c’est que la tâche n’est pas
terminée. Mettons-nous à l’œuvre et terminons-la. […]
Attendez-vous avec amour la venue du Seigneur ? Alors vous
ne ménagerez aucun effort pour porter l’Évangile dans le
monde entier. Cela me gêne que, malgré la clarté de l’en-
seignement de la parole de Dieu, malgré la définition expli-
cite que donne notre Seigneur de notre tâche dans le grand
ordre de mission (Matthieu 28 : 18-20), nous le prenions tel-
lement à la légère. […] Le royaume est à lui, il règne dans les
cieux et manifeste son règne sur la terre dans et à travers
son Église. Quand nous aurons accompli notre mission, Il
reviendra établir son royaume dans la gloire. Nous devons
non seulement attendre, mais aussi hâter la venue du jour de
Dieu (2 Pierre 3 : 12).

Autrement dit, il existe un lien direct entre notre amour


pour le retour du Seigneur et notre travail en vue de l’évangé-
lisation mondiale. Et cela renforce encore davantage les liens
entre le jeûne et le retour de Christ. Dans le chapitre cinq, nous
verrons comment le jeûne a modifié le cours de l’histoire du
monde, précisément en provoquant la première grande vague
missionnaire (Actes 13 : 1-4). Tout cela correspond parfaite-
ment aux paroles de Jésus quand il affirme que ses disciples

114
J e û n e r p o u r l e re to u r d u Ro i

jeûneront parce qu’ils désireront revoir le Marié. Le Marié ne


viendra pas tant que l’Évangile ne sera pas prêché à toutes les
nations. Et pour atteindre les nations, nous avons besoin du
réveil spirituel que peuvent provoquer le jeûne et la prière.

LE JEÛNE RENFORCE LA PRIÈRE


ET LA PRÉDICATION
L’Église – l’Épouse – peut manifester son attente du Marié
de deux manières, au moins :
1. Par la prière : « Que ton règne vienne… Maranatha…
Viens, Seigneur Jésus ! »
2. Par l’évangélisation mondiale : « Cette bonne nouvelle du
royaume sera proclamée […] à toutes les nations. Alors
viendra la fin [le Seigneur !] »

Jésus a dit : « Les jours viendront où le marié leur sera enlevé,


alors ils jeûneront ». Rien d’étonnant, donc, à ce que le jeûne soit
justement lié dans le Nouveau Testament à ces deux choses : la
prière (Luc 2 : 37 ; Matthieu 6 : 6-18) et l’évangélisation mondiale
(Actes 13 : 1-4). Le jeûne est le point d’exclamation à la fin de
« Maranatha, viens, Seigneur Jésus ! ». C’est accepter, modeste-
ment, de payer le prix qu’il faudra pour réaliser le grand ordre
de mission : la souffrance. Par lui nous partons (ou accompa-
gnons ceux qui partent) et nous disons : « Oh ! utilise-moi pour
la conquête des nations et pour ton retour ! »
Aspirons à sa présence. Recherchons ardemment sa venue
avec plus d’intensité encore que ne l’ont fait Anne et Siméon.
Serions-nous moins dévoués et attachés au Seigneur que ces
saints précurseurs des chrétiens ? Nous avons contemplé sa
gloire. La gloire du Fils unique venu du Père. Aurions-nous
moins faim de son retour ? Sommes-nous trop confortable-
ment installés dans le monde qu’il nous est inconcevable de
jeûner pour la fin des temps ?

115
J eû ner

FAISONS-LE POUR LE ROI !


Qu’en est-il des plus âgés d’entre nous ? Êtes-vous en mesure
de vous délecter davantage des gloires de la présence du Roi au
fur et à mesure que vous vous en approchez ? Transformez-
vous cet avant-goût en jeûne pour son retour ?
Qu’en est-il de vous, les plus jeunes ? Aimez-vous Jésus au
point que son retour serait franchement la meilleure chose
que vous puissiez imaginer ? Ou n’est-il qu’un sujet religieux
de discussion pour le groupe de jeunes, le weekend, une façon
de soulager de temps en temps votre mauvaise conscience ?
Aimeriez-vous voir Jésus revenir et… interrompre le cours de
votre vie ?
Qu’en est-il de ceux qui sont entre les deux ? Comment réa-
gissez-vous lorsque vous entendez que jeûner pour la venue
du Roi reflète peut-être l’intensité de votre attente du retour
de l’Époux ? Vos projets pour cette retraite tant attendue vous
remplissent-ils de désirs plus forts que la perspective de la
venue de Christ ?
La passion d’Anne pour le Messie fait-elle écho à quelqu’un
parmi nous ? Désirons-nous plus ardemment voir Jésus reve-
nir que nous ne désirons finaliser nos projets de carrière ou de
famille ? Ou finir notre prochain repas ?
Ne devrions-nous pas jeûner pour la venue du roi ? Le
jeûne n’est pas une nouvelle et étrange pratique de piété per-
sonnelle. C’est tout simplement un moyen de proclamer, par
notre faim : Vois à quel point je désire, Ô Seigneur, que ton
œuvre soit accomplie et que ton règne vienne. Vois à quel point,
Ô Seigneur, je désire que tu reviennes !

116
Il y avait dans l’Église d’Antioche des prophètes et des ensei-
gnants : Barnabas, Siméon appelé le Noir, Lucius de Cyrène,
Manahen, qui avait été élevé avec Hérode le tétrarque, et Saul.
Pendant qu’ils rendaient un culte au Seigneur et qu’ils jeû-
naient, le Saint-Esprit dit :
« Mettez-moi à part Barnabas et Saul pour la tâche à laquelle je
les ai appelés ».
Alors, après avoir jeûné, prié et posé les mains sur eux, ils les
laissèrent partir.
ACTES 13 : 1-3

Vu l ’époque dans laquelle nous nous trouvons, nous avons absolument


besoin de la plénitude de l ’Esprit dans les ministères. Nous ne
pouvons nous accorder aucun repos, tant que nous ne l ’avons
pas obtenue.
Dans ce but, je considère que les responsables d ’Église et de
ministères, plus que quiconque, devraient consacrer beaucoup de
temps à la prière et au jeûne, dans le secret, mais aussi ensemble. Il
me semble que, dans le cadre de nos circonstances présentes, il serait
approprié de voir les responsables d ’un même quartier se retrouver
régulièrement pour jeûner et prier avec ferveur, dans une quête
sincère des ressources extraordinaires de la grâce divine et céleste dont
nous avons tant besoin aujourd’ hui.
Jonathan Edwardsd 1
CHAPITRE CINQ

LE JEÛNE
ET LE COURS DE L’HISTOIRE
Un appel au discernement et au désir

En matière de jeûne, il est dangereux d’élever un individu,


un ministère, ou une Église au rang de modèle. Ses points
faibles, ses « pieds d’argile », n’en deviendraient que plus
évidents encore. L’admiration naïve laisse souvent place à la
désillusion. Personne n’est sans péché. Tous nos triomphes
sont pétris d’imperfections. Mieux vaut modérer l’estime que
nous portons aux autres, et reconnaître que tous les saints ont
des défauts que nous ne voyons pas. De plus, nos victoires
d’aujourd’hui ne garantissent pas notre sainteté de demain. Il
est impossible de connaître la motivation derrière le triomphe
d’aujourd’hui, ni dans notre cœur, ni dans celui des autres

119
J eû ner

(1 Corinthiens 4 : 4). Et les récits bouleversants qu’il nous


arrive d’entendre parfois sur le jeûne ont souvent été transmis
par bien des lèvres et bien des individus faillibles comme nous
avant de nous atteindre.

QUE VOTRE PLUS GRANDE JOIE


PROVIENNE DE LA PAROLE DE DIEU

Tout ce que je cherche à faire est de mettre en garde.


Que la racine de notre joie se trouve dans la parole de Dieu,
historique, écrite, et non dans l’œuvre actuelle de Dieu telle
qu’elle nous est relatée. Dieu, lui-même ne change pas, alors
que les manifestations de ses bénédictions vont et viennent
de manière bien trop mystérieuse pour que nos petits esprits
puissent en juger. Au moment même où nous pensons que la
droiture règne, le fléau du péché se répand au milieu de nous.
Et quand nous pensons que l’obscurité est si épaisse que tout
est perdu, quelqu’un sonne l’alarme et une armée munie de
torches vole à notre secours. Dans ces conditions, comment
rester ferme ? Comment maintenir une confiance inébran-
lable ? Seulement en fixant nos regards sur le Dieu qui ne
change pas. Considérons chaque marée, montante ou descen-
dante, comme l’œuvre de la sagesse infinie de Dieu qui mène
à bien son plan parfait.
Malgré tout, Dieu nous ordonne, dans sa Parole, de prendre
courage en nous inspirant de ceux qui ont expérimenté la
grâce de Dieu avant nous :

Ainsi vous ne vous relâcherez pas, mais vous imiterez ceux


qui, par la foi et la patience, reçoivent l’héritage promis. […]
Souvenez-vous de vos conducteurs qui vous ont annoncé la
parole de Dieu. Considérez quel est le bilan de leur vie et
imitez leur foi.
HÉBREUX 6 : 12 ; 13 : 7

120
L e j e û n e e t l e c o u r s d e l ’ h i s to i re

Nous devrions nous laisser inspirer et diriger par la vie


de ces chrétiens ordinaires qui ont connu des bénédictions
extraordinaires. Ne pas le faire serait davantage le signe de
notre orgueil que de leur péché. Il en est de même avec le
jeûne. La Bible et l’histoire de l’Église sont parsemés de récits
qui racontent l’œuvre extraordinaire d’un Dieu plein de grâce
qui répond au jeûne et à la prière de ses enfants. Nous ne pou-
vons pas ignorer ces récits. En revanche, vous n’y trouverez
pas la solution miracle qui réchauffera votre tiédeur spiri-
tuelle. En effet, nous sommes si prompts à vouloir appliquer
ce qui « marche » ailleurs ! Tel chrétien qui jeûnait bénéficie de
la miséricorde de Dieu et nous voilà à ériger sa vie en modèle
universel : « Découvrez la clé d’une vie spirituelle intense et
dynamique ! ».

FINNEY : SON JEÛNE… ET SES IMPERFECTIONS


Prenons l’exemple de Charles Finney (1792–1875). Bien des
chrétiens ont lu son histoire, sa conversion et son expérience
du jeûne. Bien souvent, ils ont cru découvrir une méthode à
suivre pour maintenir une foi vivante.
À la gloire de Dieu, et Dieu seul, je dirai quelques mots de
ma propre expérience sur ce sujet. Ma puissante conversion
a eu lieu le matin du dix octobre. Le soir même, et le matin
du jour suivant, j’ai reçu d’extraordinaires baptêmes de l’Es-
prit saint. Il m’a semblé qu’ils me traversaient, corps et âme.
J’ai été immédiatement doté d’une grande puissance venue
d’en haut. Quelques mots dits çà et là à certaines personnes
ont provoqué leur conversion immédiate. Mes mots sem-
blaient atteindre l’âme des hommes en plein cœur, comme
des flèches acérées. Ils coupaient comme une épée. Ils bri-
saient le cœur comme un marteau. Des multitudes peuvent
en attester. Régulièrement, un mot m’échappait (je l’oubliais
aussitôt). Ce mot provoquait une conviction, qui aboutissait
la plupart du temps à une conversion instantanée. Parfois, je
me trouvais vidé de cette puissance. Je sortais, rendais des

121
J eû ner

visites, et constatais que je ne provoquais aucune réaction à


salut. J’exhortais et priais, mais sans résultat. Je mettais alors
un jour à part pour jeûner et prier, seul. Je craignais que
cette puissance ne m’ait quitté, et cherchais avec anxiété
la raison de ce vide apparent. Après m’être humilié et avoir
crié à l’aide, la puissance m’était rendue avec une fraîcheur
renouvelée. Cela a été l’expérience de ma vie 2.

Que faire d’un tel témoignage ? Devons-nous en conclure


que notre foi restera vivante à condition de prier et jeûner
régulièrement ? Devons-nous considérer, au contraire, que ce
témoignage n’est plus d’actualité, et qu’il ne représente que
l’expérience particulière d’un homme avec Dieu ? Il est pro-
bable que la réponse, humble et modérée, se trouve quelque
part entre ces deux extrêmes. Qui, parmi nous, se croit assez
sage et expérimenté dans la foi pour ne pas avoir besoin
d’apprendre du combat d’un autre ? Dieu pourrait bien nous
conduire à mettre à part un jour de jeûne à la lecture de ce
témoignage et venir à notre rencontre dans ce jeûne, avec
une grande puissance de vie. Il se pourrait aussi qu’il ne le
fasse pas. D’autres chrétiens ont cherché et vécu le réveil sans
le jeûne. D’autres encore ont jeûné et prié pendant deux,
trois, quatre semaines ou plus, avant de connaître la victoire.
Nous aurions tort de croire que, si Dieu agit d’une certaine
manière avec l’un de ses enfants, il agira de la même manière
avec tous.
Considérons une autre erreur. Nous sommes tout aussi
prompts à penser ceci : « Puisque Dieu bénit le jeûne de tel
ou tel chrétien, c’est qu’il approuve forcément aussi son com-
portement et sa doctrine ». Ce n’est pas nécessairement le
cas. Nous avons néanmoins du mal à croire que Dieu puisse
bénir le ministère d’une personne dont la doctrine n’est pas
saine et dont le cœur est infecté par des péchés récurrents ?
Dieu a, par exemple, utilisé Apollos, qui était « versé dans
les Écritures », ce qui n’a pas empêché Priscilla et Aquila

122
L e j e û n e e t l e c o u r s d e l ’ h i s to i re

de lui « [exposer] plus exactement la voie de Dieu » (Actes


18 : 24-26). Jésus a également prévenu que certains proteste-
ront, au jour du jugement : « N’avons-nous pas prophétisé en
ton nom ? N’avons-nous pas chassé des démons en ton nom ?
N’avons-nous pas fait beaucoup de miracles en ton nom ? »
Et il leur répondra : « Je ne vous ai jamais connus » (Matthieu
7 : 22-23). Autrement dit, la puissance d’un ministère n’est
pas automatiquement la garantie d’une saine doctrine et
d’une vie irréprochable.
Charles Finney, par exemple, était en profond désaccord
sur le plan théologique avec son contemporain calviniste
Asahel Nettleton (1812–1844). Pourtant, Dieu les a tous deux
utilisés pour évangéliser3. De la même façon, John Wesley
(l’arminien) et George Whitefield (le calviniste) ont été uti-
lisés par Dieu pour conduire des milliers de personnes vers
le royaume de Christ. N’en déduisons toutefois pas que la
doctrine n’a aucune importance. Les bénédictions immé-
ritées de Dieu dans le court terme n’annulent pas les effets
néfastes d’idées fausses sur Dieu et le salut dans le long terme.
Il existe de bonnes raisons de penser que Finney a probable-
ment regretté certaines de ses tactiques spirituelles, et qu’il a
peut-être aussi remis en question sa vision erronée de la sou-
veraineté de Dieu4. Ce qui est surprenant, c’est de constater
que Dieu possède ses propres raisons, sages et souveraines,
d’utiliser des personnes défaillantes ou une théologie erronée
pour le salut des pécheurs ! Dieu ne bénit pas les erreurs, mais
il fait grâce malgré les erreurs. Le texte de Romains 2 : 4 flotte
comme un étendard au-dessus de chaque bénédiction de Dieu
sur les vies imparfaites et les doctrines erronées : « Méprises-tu
les richesses de sa bonté, de sa patience et de sa générosité en
ne reconnaissant pas que la bonté de Dieu te pousse à changer
d’attitude ? »
C’est pourquoi aucune expérience de jeûne ne mérite d’être
imitée si elle ne remplit pas certaines conditions :

123
J eû ner

• Jugeons tout à la lumière des Écritures.


• Ne nous laissons pas entraîner par les « succès » ou les
« bénédictions » qui accompagnent une certaine manière
de vivre de telle ou telle discipline spirituelle.
• Comprenons que Dieu est souverain et dispense sa
grâce comme il le désire : « Je fais grâce à qui je veux
faire grâce, et j’ai compassion de qui je veux avoir com-
passion » (Exode 33 : 19).
• Humilions-nous afin d’apprendre de l’expérience des
autres, y compris de ceux avec qui nous sommes en
désaccord, car Dieu fait grâce et nous enseigne parfois
quand nous nous y attendons le moins.

LE JEÛNE DANS L’HISTOIRE DE LA CORÉE

Cette précaution prise, nous pouvons observer, sans crainte


de nous laisser entraîner, que le cours de l’histoire a été modi-
fié à plusieurs reprises par le jeûne et la prière. Nous pour-
rions citer de nombreux exemples. Dans les dernières années
du vingtième siècle, « jeûne et prière » étaient pratiquement
synonymes de « Églises de Corée du Sud ». La première Église
protestante a été implantée en Corée en 1884. Un siècle plus
tard, il en existait 30 000. Cela représente une moyenne de 300
nouvelles Églises par an, pendant cent ans. À la fin du ving-
tième siècle, les évangéliques représentaient environ 30 % de la
population du pays. Dieu a utilisé de nombreux moyens pour
accomplir cette grande œuvre. L’un d’eux est le renouveau de
la prière. Pas seulement une prière fervente, mais une prière
associée au jeûne. Par exemple, parmi les Églises de l’OMS5,
plus de 20 000 personnes ont au moins une fois dans leur vie
pratiqué un jeûne de quarante jours. La plupart du temps, ces
jeûnes se pratiquent dans une « maison de prière », dans les
montagnes6.

124
L e j e û n e e t l e c o u r s d e l ’ h i s to i re

Si votre plus grand désir est de placer Dieu au centre de


toutes choses, cette histoire ne peut pas vous laisser indiffé-
rent. Aujourd’hui, la plupart des dénominations occiden-
tales stagnent et n’ont que peu d’impact sur notre culture
incroyante. Les pays de la flamboyante Réforme sont désor-
mais considérés comme « post-chrétiens ». Dans leur tiédeur,
ils résistent à une évangélisation tournée vers un changement
de vie radical. Oserons-nous nous lever et lancer cette ques-
tion : se pourrait-il que le Seigneur ordonne une nouvelle saison
de jeûne et de prière à notre époque ?

LE JEÛNE D’ANTIOCHE, DÉBUT D’UNE ÉPOQUE


Le jeûne peut-il, selon la Bible, modifier le cours de l’his-
toire ? D’après moi, Actes 13 : 1-3 est le passage qui nous y
encourage le plus clairement :

Il y avait dans l’Église d’Antioche des prophètes et des


enseignants : Barnabas, Siméon appelé le Noir, Lucius de
Cyrène, Manahen, qui avait été élevé avec Hérode le té-
trarque, et Saul. Pendant qu’ils rendaient un culte au Sei-
gneur et qu’ils jeûnaient, le Saint-Esprit dit : « Mettez-moi
à part Barnabas et Saul pour la tâche à laquelle je les ai
appelés ». Alors, après avoir jeûné, prié et posé les mains
sur eux, ils les laissèrent partir.

Ce jour-là, Saul (Paul) et Barnabas, ainsi que quelques


autres responsables de l’Église d’Antioche rendaient un culte
à Dieu et jeûnaient (verset 2). À en juger par ce qui suit, nous
pouvons supposer quel fardeau pesait sur les responsables :
« Quel chemin notre Église doit-elle emprunter désormais ? »
Ils jeûnaient probablement pour rechercher l’assistance de
l’Esprit saint quant à la direction de leur mission. Les consé-
quences furent extraordinaires : jamais un projet d’Église n’a
connu de tels résultats !

125
J eû ner

Ils étaient si assoiffés de connaître la volonté de Dieu, qu’ils


ont voulu l’exprimer avec la faim de leur corps, pas seulement
celle de leur cœur. « Nous te voulons, toi, et nous voulons que
tu nous diriges, Ô Dieu ! Ô Esprit saint, quelle est ta volonté
pour cette Église ? Nous désirons te voir et te suivre, bien plus
que nous ne voulons manger ».

LES QUESTIONS AUXQUELLES LA BIBLE


NE RÉPOND PAS

Ce qui me laisse toujours stupéfait, quand il s’agit de pla-


nifier les activités de l’église locale où je sers depuis dix-sept
ans, c’est que nombre de nos questions ne trouvent pas de
réponse dans la Bible, du moins pas directement. Je pense
que les responsables d’Antioche se posaient les mêmes
questions que nous : « Seigneur, devons-nous lancer un pro-
gramme missionnaire international ? Est-ce le bon moment ?
Devons-nous envoyer certains de nos enseignants comme
premiers missionnaires ? Est-ce que ce sera Saul, Siméon,
Niger, Lucius, ou Barnabas ? Devons-nous en envoyer deux,
trois ou quatre ? Comment devons-nous les envoyer : en
passant par la terre ou par la mer ? Devons-nous les finan-
cer intégralement ou devraient-ils travailler pour subvenir
à leurs besoins ? Ou plutôt espérer qu’ils rencontreront des
“fils de la paix” qui leur donneront de la nourriture dans les
villes où ils iront ? D’autres Églises devraient-elles se joindre
à nous ? ». Etc., etc.
Les équipes d’implantation d’Églises doivent répondre à
ce type de questions. Où trouveront-elles les réponses ? Je ne
minimise pas l’importance de l’enseignement solide et fonda-
mental de la Bible. Oui, nous devons être « transformés par
le renouvellement de l’intelligence afin de discerner quelle
est la volonté de Dieu, ce qui est bon, agréable et parfait »
(Romains 12 : 2). Mais comment savoir s’il faut envoyer Saul

126
L e j e û n e e t l e c o u r s d e l ’ h i s to i re

et Barnabas ou Lucius et Siméon ? Vous le voyez, dans des


questions qui ne sont pas d’ordre moral, ce discernement de
la volonté de Dieu n’est pas automatique. Paul a sincèrement
prié pour que les croyants soient « remplis de la connaissance
de [la] volonté [de Dieu], en toutes sagesse et intelligence spiri-
tuelles […] [ayant] pour fruits toutes sortes d’œuvres bonnes »
(Colossiens 1 : 9-10). C’est une chose spirituelle de discerner
quelles œuvres, parmi les dix mille possibilités qui s’offrent à
nous, font partie des « bonnes œuvres » de ma vie ou de mon
Église. Qui, parmi nous, peut affirmer qu’aujourd’hui, nous
avons tout compris et que nous savons comment discerner
la meilleure voie pour le ministère ? Je m’interroge donc très
sérieusement : avons-nous quelque chose à apprendre de ces
prophètes et enseignants, profondément spirituels, qui ado-
raient et jeûnaient pour rechercher la direction du Seigneur ?

Quatre observations simples basées sur ce texte :


1. Ce jeûne a eu lieu après la venue du Christ. Impossible donc
de prétendre que le jeûne faisait partie de la spiritualité de
l’Ancien Testament et non de celle du Nouveau Testament.
Souvenons-nous que, d’après Matthieu 9 : 15, Jésus avait
annoncé que ses disciples jeûneraient après son départ (cf.
chapitre un). Sans surprise, c’est donc précisément ce qu’ils
ont fait. Il est évident qu’à Antioche, Saul, Barnabas et les
autres ne croyaient pas que le jeûne était dépassé, tel une
vieille outre, depuis l’arrivée de l’Évangile et le ministère
de l’Esprit de la nouvelle alliance.
2. Ce jeûne en Actes 13 était un jeûne collectif. Au moins
cinq personnes s’étaient réunies pour ainsi marquer leur
attachement au Seigneur. Ce qui répond à une autre pré-
occupation concernant le jeûne. Jésus avait mis en garde
contre un jeûne visible par les hommes en disant : « Mais
toi, quand tu jeûnes, parfume ta tête et lave ton visage afin

127
J eû ner

de ne pas montrer que tu jeûnes aux hommes, mais à ton


Père qui est là dans le lieu secret ; et ton Père, qui voit dans
le secret, te le rendra » (Matthieu 6 : 17-18). Or, un jeûne
collectif est forcément visible par les hommes. Est-il donc
en contradiction avec l’enseignement de Jésus ? J’ai tenté de
montrer que ce n’était pas le cas (cf. chapitre trois). Cela
nous est confirmé ici, par la pratique des apôtres et des
responsables d’Église. À l’évidence, Saul et Barnabas ne
considéraient pas que Jésus condamnait le jeûne collectif.
La vraie question n’est pas de savoir si d’autres savent que
vous jeûnez. La vraie question est : voulez-vous qu’ils le
sachent afin de gagner leur admiration ?
3. Ce jeûne, en Actes 13, a permis à l’Esprit de les guider d’une
manière toute particulière. Nous lisons aux versets 2 et 3 :
« Pendant qu’ils rendaient un culte au Seigneur et qu’ils
jeûnaient, le Saint-Esprit dit : “Mettez-moi à part Barnabas
et Saul pour la tâche à laquelle je les ai appelés”. Alors, après
avoir jeûné, prié et posé les mains sur eux, ils les laissèrent
partir ». Luc n’écrit pas cela par hasard : il relie clairement
le culte, la prière et le jeûne d’un côté, aux directives claires
de l’Esprit saint de l’autre : « Pendant qu’ils […] jeûnaient,
le Saint-Esprit dit […] ». Cet exemple biblique manifeste de
« culte-jeûne-prière » est un modèle pour nous. Nous pou-
vons nous engager sur le même chemin, dans une recherche
sincère de la volonté de Dieu pour nos vies, et pour celle de
notre Église.

4. Le jeûne en Actes 13 a changé le cours de l’histoire. Je ne


crois pas qu’il soit possible d’exagérer la portée historique
de cet événement. Avant cette parole de l’Esprit saint, il
n’existait pas encore de mission organisée au-delà de la
côte est de la Méditerranée. Paul n’avait pas encore accom-
pli de voyage missionnaire vers l’Asie Mineure, la Grèce,
Rome ou l’Espagne. Il n’avait encore rédigé aucune de ses

128
L e j e û n e e t l e c o u r s d e l ’ h i s to i re

lettres… qui résultent de ses voyages missionnaires… qui


ont débuté à ce moment précis.

Ce temps de prière et de jeûne a été à l’origine d’un véri-


table mouvement missionnaire. Grâce à lui, le christianisme a
été propulsé de l’ombre à la lumière, pour devenir la religion
dominante de l’Empire Romain, en l’espace de deux siècles et
demi à peine. Grâce à lui, le christianisme compte aujourd’hui
1,3 milliard de disciples. Et dans chaque pays du monde vit
au moins un chrétien susceptible de témoigner. Treize livres
sur les vingt-sept du Nouveau Testament (les lettres de Paul)
résultent également du ministère qui a commencé à cet instant
historique de prière et de jeûne.
Il a donc plu à Dieu de permettre qu’un temps d’adoration,
de prière et de jeûne, soit le tremplin d’une mission qui allait
changer le cours de l’histoire du monde.
Devrions-nous apprendre quelque chose de tout cela ?

DIEU AVAIT SOUVENT AGI


À TRAVERS LE JEÛNE AVANT CELA

Ce cas de figure s’était déjà produit à de nombreuses


reprises dans le passé, et se reproduira mainte fois, encore
et encore. Par exemple, en 2 Chroniques 20, les Moabites,
les Ammonites et les Maonites ont décidé de marcher contre
Josaphat, roi de Juda. Une horde terrifiante d’hommes violents
s’apprête à attaquer le peuple du Seigneur. Que peut faire le
peuple ? Dans quelle direction avancer ? D’après les versets 3
et 4, « Josaphat eut peur et décida de chercher l’Éternel. Il pro-
clama un jeûne pour tout Juda. Les Judéens se rassemblèrent
pour supplier l’Éternel ; c’est même de toutes les villes de Juda
que l’on vint pour chercher l’Éternel ».
Un grand jeûne national est donc proclamé, afin de recher-
cher la direction de Dieu et sa délivrance. Au sein de ce grand

129
J eû ner

rassemblement, et selon les versets 14 et 15, nous apprenons


que « l’Esprit de l’Éternel reposa, au milieu de l’assemblée,
sur Jachaziel [le prêtre] », et dit : « Soyez attentifs, vous tous,
Judéens et habitants de Jérusalem, et toi, roi Josaphat ! Voici
ce que vous dit l’Éternel : “N’ayez pas peur et ne vous laissez
pas effrayer devant cette foule nombreuse, car ce ne sera pas
vous qui combattrez, ce sera Dieu” ». Le jour suivant, le peuple
de Juda sort, et constate que les gens de Moab et d’Ammon se
sont entretués. Il leur faut alors trois jours pour rassembler le
butin, qui est considérable.
Le cours de l’histoire a changé parce que le peuple de
Dieu a jeûné. La Bible contient de nombreuses histoires qui
relatent comment la grâce puissante de Dieu s’est manifestée
au moyen du jeûne. Nous pourrions citer celle de Moïse qui
a reçu la loi de Dieu au mont Sinaï après avoir jeûné qua-
rante jours. Cette loi n’allait pas seulement guider Israël pen-
dant plus de 3 000 ans, mais également devenir le socle de
la culture occidentale telle que nous la connaissons (Exode
24 : 18 ; 34 : 28). Nous pourrions mentionner aussi le jeûne
d’Esther, et de tous les Juifs, au moment où elle s’apprêtait à
risquer sa vie devant le Roi Assuérus. Ce jeûne a permis de
faire retomber sur la tête d’Haman le complot contre Israël
(Esther 4 : 16). Ou encore l’histoire de Néhémie, qui a jeûné
pour le salut de son peuple et la cité de Dieu en ruines. Il a
jeûné pour que le roi Artaxerxès l’autorise à recevoir l’aide
nécessaire pour retourner à Jérusalem afin d’y reconstruire
ses murs (Néhémie 1 : 4).
Bien entendu, le cours de l’histoire a été modifié par bien
d’autres facteurs que le jeûne. Je ne cherche pas à mettre en
avant cette discipline spirituelle au détriment des autres. Je
constate seulement ceci : Dieu a parfois décrété qu’il utilise-
rait le jeûne pour changer le cours des événements en faveur
de son peuple.

130
L e j e û n e e t l e c o u r s d e l ’ h i s to i re

GRANDE-BRETAGNE :
UN JEÛNE NATIONAL POUR LA DÉLIVRANCE
Cela a perduré même après les temps bibliques. John Wesley
rapporte, dans son journal, qu’une telle délivrance « biblique »
a eu lieu en 1756. Le roi de Grande-Bretagne a appelé à un jour
de prière solennelle et de jeûne, car le pays était menacé par
l’invasion des Français. Wesley écrit :

Ce jour de jeûne fut un jour glorieux. Tel que Londres en


a rarement connu depuis la Restauration. Toutes les églises
de la ville étaient bondées et une grave solennité se lisait
sur tous les visages. Assurément, Dieu entend les prières et
prolongera notre tranquillité.

Il ajoutera, plus tard, dans une note de bas de page :


« L’humilité s’est changée en liesse nationale : l’invasion tant
redoutée des Français a pu être détournée7. »

REDÉCOUVRIR LE JEÛNE À NOTRE ÉPOQUE


Aujourd’hui, une conviction commune à de nombreux
chrétiens tend à prendre de plus en plus d’ampleur. Un grand
nombre d’entre eux considèrent, en effet, que Dieu désire
réveiller et réformer son Église par le biais d’une redécou-
verte du jeûne. Un jeûne qui représenterait le cri de cœurs
repentants, suppliant Dieu pour que notre époque connaisse
un réveil. Certains ont observé qu’en Actes 13 : 1-5, les ensei-
gnants et les prophètes de l’Église pratiquaient conjointement
trois activités : l’adoration, la prière et le jeûne. Deux de ces
activités connaissent aujourd’hui un regain d’intérêt un peu
partout dans le monde.
Depuis quelques décennies, nous constatons un formi-
dable réveil dans le domaine de la louange et de l’adoration.
Certains diront que sa dimension musicale n’est pas une pure
bénédiction et que la qualité des paroles ou de la musique n’est

131
J eû ner

pas optimale. Quoi qu’il en soit, personne ne peut nier qu’au-


jourd’hui des milliers d’Églises et de mouvements louent le
Seigneur avec ferveur, avec une approche centrée sur Dieu. Qui
aurait cru, vingt-cinq ans en arrière, que ces mêmes Églises ou
mouvements manifesteraient un jour autant de vitalité dans
leur adoration ? Et ce n’est pas tout ! Il existe aujourd’hui une
incroyable dynamique en faveur de la prière. David Bryant
montre des dizaines d’exemples où « Dieu suscite les chrétiens
à prier plus spécifiquement, plus régulièrement et avec persé-
vérance, pour un réveil planétaire8 ».
Cependant, parmi les trois pratiques citées en Actes 13 : 1-4
(la louange, la prière et le jeûne), le jeûne ne connaît pas le
même regain d’intérêt excepté peut-être dans de rares endroits
comme la Corée du Sud. Voilà pourquoi de nombreux chré-
tiens s’interrogent : Dieu attend-il que nos prières soient
accompagnées, et renforcées, par l’intensité du jeûne, pour
donner pleinement sa bénédiction à l’Église ? Le jeûne repré-
sente effectivement une forme d’intensification de la prière. Il
incarne le point d’exclamation à la fin de la phrase : « Nous
avons faim de toi, Ô Dieu, et nous désirons que tu interviennes
avec puissance ! ». C’est le cri de notre âme, mais aussi de notre
corps : « Je suis sérieux, Seigneur ! Vois à quel point j’ai faim
de toi. Je désire que tu te manifestes plus que je ne désire la
nourriture ».

L’APPEL AU JEÛNE DE JONATHAN EDWARDS


LORS DU PREMIER GRAND RÉVEIL

Que cette faim pour Dieu produise un regain d’intérêt


pour le jeûne, n’est ni nouveau ni surprenant. C’est précisé-
ment ce qui s’est passé lors de périodes de réveils. En 1742, en
Amérique, alors que le vent du premier Grand Réveil soufflait
encore, Jonathan Edwards, son plus fervent défenseur et son
analyste le plus perspicace, désirait que Dieu continue à bénir,

132
L e j e û n e e t l e c o u r s d e l ’ h i s to i re

et que le réveil prenne une plus grande ampleur encore dans le


monde. Parmi ses recommandations figurait le jeûne :

Vu l’époque dans laquelle nous nous trouvons, nous avons


absolument besoin de la plénitude de l’Esprit dans nos mi-
nistères. Nous ne pouvons nous accorder aucun repos, tant
que nous ne l’avons pas obtenue.
Dans ce but, je considère que les responsables d’Église
et de ministères, plus que quiconque, devraient consacrer
beaucoup de temps à la prière et au jeûne, dans le secret,
mais aussi ensemble. Il me semble que, dans le cadre de nos
circonstances présentes, il serait approprié de voir les res-
ponsables d’un même quartier se retrouver régulièrement
pour jeûner et prier avec ferveur, dans une quête sincère des
ressources extraordinaires de la grâce divine et céleste dont
nous avons tant besoin aujourd’hui9.
En ce qui concerne le jeûne et la prière, je dirai encore une
chose, qui d’après moi a été négligée par les responsables.
Ils recommandent dans leurs prédications, avec certes beau-
coup d’insistance, de prier seul avec Dieu. Mais rien n’est dit
du jeûne dans le secret. C’est pourtant un devoir que notre
Seigneur a ordonné à ses disciples au même titre que la
prière. […] Je n’irais pas jusqu’à dire que le jeûne individuel
doive se pratiquer de manière aussi organisée et régulière
que la prière individuelle, mais il me semble que c’est un
acte d’obéissance que toute personne se disant chrétienne
devrait pratiquer, et pratiquer fréquemment. De nombreuses
occasions, à la fois spirituelles et temporelles, s’y prêtent. Le
jeûne est une façon tout à fait appropriée de rechercher au-
près de Dieu les nombreuses grâces particulières que nous
désirons pour nous-mêmes ou nos amis10.
Nous connaissons des temps difficiles. Le peuple de Dieu,
dans ce pays, a le devoir de jeûner et prier trois fois plus qu’il
ne le fait11.

À notre époque, des voix se lèvent pour lancer un appel simi-


laire au jeûne et à la prière, en faveur d’un réveil. Cependant,
tout le monde ne se montre pas aussi réfléchi et bibliquement

133
J eû ner

prudent qu’Edwards. Il a longuement réfléchi afin d’appréhen-


der les réalités du réveil non pas sur la base de nos ressentis
mais à la lumière des leçons de l’histoire, de la liberté et de la
souveraineté de Dieu, et de l’autorité des Écritures.

L’ACTUALITÉ DES AVERTISSEMENTS D’EDWARDS


Edwards espérait que le Grand Réveil serait l’ultime grande
action de l’Esprit de Dieu dans le monde et qu’il aboutirait à
l’âge d’or du triomphe de l’Évangile qui précèderait la venue
du Christ. Voici ce qu’il en dit : « Cette œuvre de l’Esprit de
Dieu est extraordinaire et merveilleuse. Il n’est pas impos-
sible qu’elle soit un prélude. Nous sommes peut-être à l’aube
de la glorieuse œuvre de Dieu si souvent annoncée dans les
Écritures. Si elle progresse et aboutit, elle renouvellera le
monde et l’humanité12 ». Il n’en a pas été ainsi. Edwards s’est
trompé. Mais grâce à sa vision de la liberté et de la souverai-
neté de Dieu, il ne s’est pas permis de prédire l’ampleur du
réveil, la date de son arrivée ou sa portée mondiale. Les choses
ne se sont pas déroulées comme il l’avait espéré mais cela ne
l’a pas aigri contre Dieu, et il ne s’est pas lassé d’œuvrer pour
la vérité.
Certains de ses contemporains sont allés au-delà des espé-
rances d’Edwards et de la prudence dont il a fait preuve en
écrivant que quelque chose allait peut-être se passer. Ils ont
parlé de révélations particulières et d’un ressenti venant de
l’Esprit de Dieu. Edwards a lancé un avertissement concernant
ces impressions subjectives sur le réveil. Un avertissement qui
n’a rien perdu de sa pertinence aujourd’hui :

J’exhorterais le peuple de Dieu à être très prudent sur la


manière dont il prête l’oreille à de telles choses. De pareilles
intuitions se sont souvent révélées fausses. Par expérience,
je sais que même si elles se révèlent avec une grande puis-
sance, dans l’esprit de chrétiens authentiques (et même des
chrétiens connus et respectés), cela ne suffit pas à prouver

134
L e j e û n e e t l e c o u r s d e l ’ h i s to i re

leur véracité. Il ne suffit pas non plus qu’elles soient reçues


dans le cadre d’un déversement extraordinaire de la grâce et
d’une douce communion avec le Seigneur. Cela ne suffit pas
non plus qu’elles soient accompagnées de textes bibliques
qui marquent profondément l’esprit de la personne qui les
reçoit. Non, tout cela n’est pas nécessairement le signe de
révélations venues du ciel. J’ai déjà constaté l’échec de telles
impressions. Elles se sont souvent révélées vaines, y compris
lorsqu’elles répondaient à tous ces critères13.

C’est une sérieuse mise en garde. D’abord parce qu’un


certain ressenti sur le réveil à venir prédomine largement
aujourd’hui. Ensuite, parce que le modèle donné en Actes
13 : 1-4 semble impliquer une dimension subjective. Souvenez-
vous que, selon le verset 2, « pendant qu’ils rendaient un culte
au Seigneur et qu’ils jeûnaient, le Saint-Esprit dit : “Mettez-
moi à part Barnabas et Saul pour la tâche à laquelle je les ai
appelés” ». Comment le Saint-Esprit a-t-il « dit » ceci ? Nous ne
le savons pas. Ce n’est d’ailleurs pas le seul moment où l’Es-
prit a donné des indications aussi directes en Actes. Comme
lorsque « l’Esprit dit à Philippe : “Avance et approche-toi de
ce char” » (Actes 8 : 29-30). Ou encore lorsque « Pierre réflé-
chissait encore à la vision quand l’Esprit lui dit : “Il y a trois
hommes qui te cherchent. Lève-toi, descends et pars avec eux
sans hésiter” » (Actes 10 : 19-20).
Trouve-t-on, dans le Nouveau Testament, des directives
susceptibles de nous aider à développer notre discernement ?
Comment être certain que ce que nous pensons entendre de
l’Esprit aujourd’hui vient effectivement du Seigneur ? Il ne
s’agit pas de décider si nous adhérons ou pas au point de vue
charismatique. Au sein même du courant évangélique tra-
ditionnel, des chrétiens revendiquent avoir reçu une « révé-
lation de l’Esprit », ont parfois « senti la direction de Dieu »,
ou affirment que « Dieu leur a mis à cœur » quelque chose en
particulier. La vraie question est : comment éprouver de telles

135
J eû ner

affirmations, surtout lorsqu’elles concernent la prédiction d’un


réveil à venir, ou un appel au jeûne pour l’Église.

COMMENT ÉPROUVER LES IMPRESSIONS


SUBJECTIVES ?
Je proposerais plusieurs pistes.
1. L’Esprit parle généralement à un groupe. En Actes 13 : 2,
il s’est adressé à un groupe de cinq docteurs et prophètes.
Bien sûr, l’Esprit pourrait s’adresser à une personne seule.
Mais il serait sage de penser que si les paroles de l’Esprit
concernent plusieurs personnes, alors l’Esprit en infor-
mera plus d’une personne. Dans le Nouveau Testament,
l’Esprit ne semble pas imposer quoi que ce soit à certains
chrétiens au travers d’impressions subjectives données
à d’autres chrétiens. L’autorité apostolique impose à nos
consciences une obéissance complète (Galates 1 : 12 ;
1 Corinthiens 14 : 37-38 ; 2 Corinthiens 10 : 8 ; 13 : 10 ;
1 Thessaloniciens 2 : 13 ; 2 Thessaloniciens 3 : 6 ; 2 Pierre
3 : 1-2, 15-16). Toute autre volonté de diriger se réclamant
de Dieu doit être mise à l’épreuve (1 Thessaloniciens
5 : 21). Cette condition est conforme au principe que je
viens de citer : quand plus d’une personne doit obéir, plus
d’une personne en sera informée. Un individu isolé ne sau-
rait contraindre le corps de Christ.
2. Le Nouveau Testament fournit une consigne générale.
Elle est donnée en Romains 12 : 2 : « Ne vous conformez pas
au monde actuel, mais soyez transformés par le renouvelle-
ment de l’intelligence afin de discerner quelle est la volonté
de Dieu, ce qui est bon, agréable et parfait ». Cette directive
ne disqualifie pas automatiquement des élans exception-
nels ou des impressions inspirés par le Seigneur. Elle sug-
gère plutôt qu’entre le ressenti personnel et l’intelligence
spirituelle, il n’existe qu’un arbitre : la « pensée de Christ »

136
L e j e û n e e t l e c o u r s d e l ’ h i s to i re

renouvelée (1 Corinthiens 2 : 16), façonnée par la parole de


Christ et imprégnée de l’Esprit de Christ.
3. La confirmation de l’Écriture prévaut. Si quelqu’un se
réclame d’une révélation particulière de la part du Seigneur,
celle-ci doit être conforme à l’enseignement de l’Écriture.
Soit à des passages spécifiques, si l’un d’eux est directement
pertinent, soit à la teneur globale, à l’esprit et au fil direc-
teur de l’ensemble du texte biblique.
4. L’utilisation abusive de l’Écriture pour confirmer des
intuitions non bibliques fera réfléchir le chrétien modéré.
Il arrive qu’une révélation personnelle soit revendiquée
dans le cadre d’un appel spécifique de Dieu à l’Église.
Cette révélation n’est pas forcément en contradiction avec
la Bible mais les Écritures sont parfois utilisées pour ser-
vir un objectif qu’elles n’étaient jamais censées servir. Il y
a peu de chance que l’Esprit agisse de cette manière. Il a
inspiré les Écritures et il semble logique qu’il veuille en pré-
server l’interprétation initiale. C’est pourquoi, si quelqu’un
estime que l’Esprit lui a mis tel ou tel texte à cœur, mais en
fait un usage abusif, il nous est permis de mettre en doute la
capacité de cette personne à discerner clairement la volonté
de l’Esprit.
5. Il faut tenir compte de l’ensemble des propos tenus par
la personne en question. Ce qu’elle a discerné par le passé
s’est-il révélé exact et utile ? L’expérience montre-t-elle que
Dieu avait déjà dans le passé fait connaître à cette personne
des événements qu’il était sur le point d’accomplir ? Cette
personne est-elle stable et digne de confiance de manière
générale ? Existe-t-il, dans la Parole de Dieu, une base doc-
trinale générale à partir de laquelle cette personne peut
discerner la présence de vérités et d’erreurs qui ont besoin
d’être mises en lumière dans nos pensées ?

137
J eû ner

ÉPROUVONS 2 CHRONIQUES 7 : 14
Avec Edwards, je souhaiterais inviter les chrétiens d’au-
jourd’hui à « être très prudents » vis-à-vis des impressions
subjectives et des convictions personnelles.
Méfions-nous, par exemple, lorsqu’on nous annonce qu’un
grand réveil spirituel touchera notre pays à une date don-
née. Ce type de prédiction, souvent répété dans l’histoire de
l’Église, ne génère qu’immense déception s’il s’avère que Dieu
a d’autres plans.
Nos ressentis personnels nous font courir encore d’autres
risques. L’un d’eux concerne directement notre sujet. Il serait
dangereux d’imposer à l’Église la conviction selon laquelle une
discipline spirituelle en particulier (comme le jeûne) serait la
clé biblique du réveil. Edwards nous a mis en garde : certains
textes bibliques ont beau « marquer profondément l’esprit » de
« chrétiens connus et respectés », cela ne garantit pas que ces
chrétiens en ont fait bon usage.
Ceux qui nourrissent l’espoir d’un réveil imminent citent
très souvent ce passage :

Si mon peuple, celui qui porte mon nom, s’humilie, prie


et me cherche et s’il renonce à ses mauvaises voies, je
l’écouterai du haut du ciel, je lui pardonnerai son péché et
je guérirai son pays.
2 CHRONIQUES 7 : 14

Ce verset est régulièrement utilisé à mauvais escient, et cela


ne peut que nous rendre plus méfiants envers les prédictions
qui assurent qu’un réveil est proche.

L’ÉGLISE N’EST PAS RATTACHÉE À UN TERRITOIRE


Premièrement, dans le contexte original, Dieu parle à
Salomon. L’expression « mon peuple » fait donc référence au

138
L e j e û n e e t l e c o u r s d e l ’ h i s to i re

peuple d’Israël. Et « son pays » au pays qui était effectivement


« le sien », au sens où il était un cadeau de Dieu, une bénédiction
dans le cadre de l’alliance. Il s’agissait donc du pays d’Israël.
Lorsque nous appliquons ce texte à notre situation actuelle,
« mon peuple » fait référence à l’Église chrétienne. Or, les chré-
tiens ne peuvent appeler aucun pays « leur » pays. L’Église n’a
pas de pays au sens où Israël en possédait un. L’Église chré-
tienne est un peuple de pèlerins. Nous sommes des « résidents
temporaires et des étrangers » (1 Pierre 2 : 11). C’est pourquoi,
une juste application de 2 Chroniques 7 : 14 pourrait être la
suivante : si l’Église s’humilie, prie, cherche la face de Dieu, et
se détourne de ses mauvaises voies, Dieu pourrait être disposé
à guérir l’Église. Nous faisons dire au texte ce qu’il ne dit pas
si nous prétendons que tout pays dans lequel l’Église s’humilie
expérimentera un grand réveil.

AUCUNE DISCIPLINE SPIRITUELLE


N’EST LA CLÉ DU RÉVEIL
Une autre erreur consisterait à mettre en avant une des dis-
ciplines spirituelles en faisant d’elle la clé d’un tel réveil. Dans
la Bible et dans l’histoire, de nombreux récits nous encou-
ragent à pratiquer le jeûne et la prière pour connaître le réveil,
pour rester vigilants et nous réformer au quotidien. Mais ces
mêmes exemples nous découragent de transformer quelque
activité spirituelle que ce soit en élément indispensable à un
réveil. Par exemple, rattacher le jeûne à 2 Chroniques 7 : 14, et
en faire un moyen assuré, une sorte de garantie d’accomplisse-
ment de ce verset, serait particulièrement nocif pour au moins
trois raisons :
1. Le texte de 2 Chroniques 7 : 14 ne mentionne pas le jeûne.
2. Lisez les passages qui suivent, en 2 Chroniques. Dieu
bénit effectivement ceux qui s’humilient selon le principe
de 2 Chroniques 7 : 14, mais ces exemples n’impliquent

139
J eû ner

pas systématiquement un jeûne (12 : 6-7, 12 ; 32 : 26 ;


33 : 12-13, 19 ; 34 : 27). Je ne rejette pas du tout l’idée que le
jeûne pourrait être un moyen légitime de nous humilier
devant le Seigneur. Je précise seulement que rien, dans la
Bible, ne permet de penser que ce verset soit un appel au
jeûne.

3. La troisième raison pour ne pas relier le jeûne à 2 Chroniques


7 : 14 pour en faire la clé de ce verset est celle-ci : il est pos-
sible de faire un jeûne extraordinaire sans pour autant
s’humilier, prier, chercher Dieu, et se détourner du mal.
C’est quelque chose qui transparaît très clairement dans de
nombreux passages. Par exemple :

S’ils jeûnent, je n’écouterai pas leurs supplications ;


s’ils offrent des holocaustes et des offrandes, je ne les
accepterai pas. En effet, je veux les exterminer par l’épée,
par la famine et par la peste.
JÉRÉMIE 14 : 12

Dis à tout le peuple du pays et aux prêtres : « Quand vous


avez jeûné et pleuré le cinquième et le septième mois, et
cela depuis 70 ans, est-ce pour moi que vous avez jeûné ? »
ZACHARIE 7 : 5

— À quoi nous sert-il de jeûner, si tu ne le vois pas, de nous


humilier, si tu n’y fais pas attention ?
— C’est que, le jour où vous jeûnez, vous accomplissez vos
propres désirs et traitez durement tous vos ouvriers.
ÉSAÏE 58 : 3

L’AMBIGUÏTÉ DU JEÛNE
Tous ces passages sont destinés à nous mettre en garde :
n’exaltons pas un rituel extérieur, tel le jeûne, pour en faire

140
L e j e û n e e t l e c o u r s d e l ’ h i s to i re

la clé qui ouvrirait la voie à un réveil de façon certaine. Dieu


est libre de susciter un réveil avec ou sans le jeûne. Comme
tout le monde, Jonathan Edwards désirait connaître un réveil,
et il a lancé un appel clair et fort à la prière et au jeûne. Mais
son expérience personnelle l’a également amené à découvrir
quelque chose de profond au sujet de la liberté qui caractérise
la souveraineté de Dieu :

Combien de fois ne nous sommes-nous pas moqués de


Dieu, dans notre hypocrisie et nos faux-semblants ! Sous
prétexte de nous humilier (comme lors du jeûne collectif
annuel), au lieu de nous réformer, nous sommes devenus
pires. Avant que son œuvre ne commence, nous vivions
une époque où la mort régnait ! Réfléchissons bien à cela et
ne faisons pas preuve de la plus stupide des ingratitudes.
Reconnaissons que l’intervention de Dieu en notre faveur
est une manifestation triomphante et glorieuse de sa grâce
libre et souveraine14.

Le jeûne collectif, comme d’autres disciplines, était donc


pratiqué depuis longtemps. Mais il était rempli d’hypocrisie, il
n’avait plus aucune vie. Les gens ne « [renonçaient] pas à leurs
mauvaises voies » au cours de leur jeûne. Ils ne « cherchaient »
pas Dieu avec leur cœur. Et soudain, à l’image du vent qui
souffle où il veut (Jean 3 : 8), le réveil est arrivé. Edwards en
conclut donc que le réveil est « une manifestation triomphante
et glorieuse de sa grâce libre et souveraine ». C’était le cas à
cette époque. Ce sera aussi le cas à notre époque, quand et si
un réveil aura effectivement lieu. Et que Dieu veuille bien nous
l’accorder !

LA PASSION D’EDWARDS ET DE BRAINERD


Edwards nous a mis en garde de ne pas nous appuyer sur
notre ressenti personnel pour promouvoir le jeûne (ou toute
autre chose) mais cela ne l’a pas empêché de clamer haut
et fort l’importance du jeûne dans la mission et le minis-

141
J eû ner

tère de l’Église. J’ai évoqué son appel à la prière et au jeûne.


Mentionnons également le long et douloureux récit du témoi-
gnage de son ami David Brainerd, jeune missionnaire auprès
des Indiens.
David Brainerd est né le 20 avril 1718, à Haddam, dans
le Connecticut (États-Unis). Cette année-là, John Wesley et
Jonathan Edwards avaient quatorze ans. Benjamin Franklin
en avait douze, et George Whitefield trois. Le Grand Réveil
commençait à poindre à l’horizon et Brainerd connaîtrait ses
deux vagues successives, dans le milieu des années trente et
le début des années quarante. Il meurt de la tuberculose dans
la maison de Jonathan Edwards, à l’âge de vingt-neuf ans,
le 9 octobre 1747. Jonathan avait une si grande estime pour
le jeune homme, qu’il a pris la peine de conserver et de faire
publier ses carnets et son journal intime. Dans ces textes, nous
découvrons la vision commune de Brainerd et d’Edwards sur
l’importance du jeûne.
Brainerd a, par exemple, cherché la direction du Seigneur
dans son ministère par des périodes de jeûne régulières, en
référence à Actes 13 : 1-4 :

Lundi 19 avril. J’ai [David Brainerd] mis cette journée à part


pour jeûner, et prier Dieu pour sa grâce, afin qu’il me prépare
pour le ministère. Qu’il m’accorde aide divine et direction
alors que je me prépare à entrer dans cette grande œuvre,
et qu’il m’envoie, en son temps, comme « ouvrier dans sa
moisson ». Dès le matin, j’ai donc imploré Dieu, avec une cer-
taine ferveur, pour bénéficier de sa présence au cours de la
journée qui commençait. Pendant la matinée, j’ai senti une
puissance d’intercession en faveur des précieuses âmes im-
mortelles, ainsi que pour l’avancement du royaume de mon
cher Seigneur et Sauveur, partout dans le monde. Mais j’ai
également ressenti une douce soumission, et même une
consolation et de la joie, en pensant aux épreuves, aux dé-
tresses, et même à la mort, qui m’attendaient peut-être dans

142
L e j e û n e e t l e c o u r s d e l ’ h i s to i re

le service. Dieu a élargi mon esprit, et m’a permis de plaider


en faveur des pauvres païens afin que Dieu leur ouvre les
yeux et les amène à la conversion15.

Pour Edwards, un tel jeûne n’était pas seulement bénéfique


pour des missionnaires tels que Brainerd mais il était aussi
tout à fait recommandé pour « les responsables et les chrétiens
en général ». En fait, le jeûne a été une source de bénédiction
constante dans la vie de Brainerd et il peut le devenir aussi
dans notre vie. Edwards écrit au sujet de Brainerd :

Son exemple et son succès dans une discipline en particu-


lier pourraient être très utiles aussi bien aux responsables
qu’aux chrétiens en général. Je veux parler de la discipline
du jeûne dans le secret. Le lecteur sait maintenant à quel
point M. Brainerd encourageait l’exercice de cette disci-
pline, et combien il l’a lui-même souvent pratiquée. Il est
impossible de ne pas remarquer à quel point cela fut une
source de bénédiction pour sa vie, et assurément de grand
profit pour son âme. Il a passé de très nombreux jours dans
le jeûne privé et la prière. Et nous pouvons lire dans son
journal qu’ils ont pratiquement toujours provoqué ou été
rapidement suivis par un succès visible et de grandes béné-
dictions grâce aux nombreux bienfaits et aux consolations
de l’Esprit de Dieu, souvent avant même que le jour ne
touche à sa fin16.

Voilà pourquoi Edwards a incité les pasteurs et les laïcs


de son époque à faire preuve de trois fois plus de zèle dans
la discipline de la prière et du jeûne. Pour Brainerd, et pour
des centaines d’autres dans l’histoire de l’Église, le jeûne fut
un moyen d’accéder à de « grandes bénédictions grâce aux
nombreux bienfaits et aux consolations de l’Esprit de Dieu ».
Autrement dit, le jeûne a prouvé qu’il était un chemin vers un
réveil personnel autant que collectif.

143
J eû ner

QUAND UN BERGER PURITAIN


LANCE UN APPEL AUX PASTEURS
Jonathan Edwards n’était pas le seul à considérer le jeûne
comme un chemin vers une foi plus vivante et plus pro-
fonde. On trouve une autre illustration de cet engagement
fort en faveur du jeûne en Nouvelle-Angleterre, un siècle
plus tôt. Thomas Shepard est né en Angleterre en 1605 et
a posé le pied en Amérique en 1635. Lorsqu’il était pasteur
en Nouvelle Angleterre, il a prêché une série de messages
publiés sous le titre : La Parabole des dix vierges. Une œuvre
importante, puisque Jonathan Edwards l’a citée plus qu’au-
cune autre dans son oeuvre maîtresse, Treatise concerning
the religious affections [Traité sur les affections religieuses].
Cotton Mather (1663– 1727) a conservé bon nombre d’his-
toires sur les premiers pasteurs de Nouvelle-Angleterre,
dont Thomas Shepard. Ses notes jettent un éclairage sur les
racines de l’engagement radical d’Edwards pour le jeûne.
Nous comprenons mieux pourquoi le jeûne était pour lui un
passage obligé de la vie d’un pasteur et un chemin vers le
réveil. Mather nous invite à entrer dans le bureau de Thomas
Shepard :

Si nous le suivons dans son cher bureau, nous le verrons


nous y donner un exemple remarquable de ce que veut dire
marcher dans la sainteté. Ici, il implorait Dieu chaque jour,
mais pas seulement. Il faisait aussi une chose qui contribuait
largement à maintenir son propre esprit dans une humeur
saine, énergique, et florissante. Une chose qui permettait
aussi aux nombreuses bénédictions de Dieu de descendre
sur toutes les situations pesantes qu’il avait à gérer. Selon
lui, sans cette discipline particulière, il lui était impossible
d’être un chrétien vigilant ou un pasteur très utile. C’est
pourquoi, il ne s’autorisait que rarement à passer un mois
sans consacrer au moins une journée à jeûner dans le secret
devant le Seigneur. Dans le livre de Dieu, trois personnes
sont célèbres pour leurs jeûnes miraculeux (Moïse, Élie et

144
L e j e û n e e t l e c o u r s d e l ’ h i s to i re

Jésus). Il est remarquable de voir que Dieu les a honorés par


le fait qu’ils ont tous trois nourri miraculeusement d’autres
personnes. Notre (pasteur) Shepard était convaincu qu’il ne
pourrait jamais accomplir de grandes choses pour nourrir
son troupeau s’il n’accomplissait pas de grandes choses
dans un jeûne personnel17.

Mather lui-même reprend clairement à son compte l’en-


gagement du jeûne. Lui aussi aspirait à un grand réveil à son
époque. La vision de l’eschatologie de Mather était différente
de celle d’Edwards, mais tous deux espéraient, priaient et
jeûnaient pour un réveil. Edwards était postmillénariste et
Mather prémillénariste. Edwards priait pour un grand réveil
dont l’aboutissement serait un âge d’or, celui de la domina-
tion chrétienne dans le monde, précédant le retour de Christ.
« Mather était convaincu que le retour imminent du Christ
serait précédé à la fois par un grand déclin spirituel (qu’il
observait en Nouvelle-Angleterre et dans le protestantisme
européen) et par d’extraordinaires effusions de l’Esprit saint,
produisant des lueurs de réveil et des sursauts missionnaires
partout dans le monde, et notamment le retour des Juifs
convertis18 ».
Voilà qui est doublement encourageant aujourd’hui.
Au-delà des différences doctrinales mineures, il existe donc
un chemin vers l’unité dans la prière et le jeûne. Un chemin
tourné vers le renouveau et la réforme du peuple de Dieu. Un
chemin tourné vers le réveil dans notre contexte occidental
spirituellement mort. Et ce chemin pourrait même prendre
la direction d’une espérance et d’une prière communes, quels
que soient nos désaccords sur le scénario précis de la fin des
temps.

145
J eû ner

NOTRE PLUS GRANDE SOURCE


D’ENCOURAGEMENT
Voici peut-être notre plus grande raison d’espérer : Cotton
Mather est mort en 1727, juste avant que ne commencent à
souffler les vents du premier Grand Réveil en Amérique.
D’après Richard Lovelace, son espoir d’un réveil à grande
échelle avait faibli à la fin de sa vie19. Si seulement il avait
pu voir ce que vivrait la décennie suivante ! Que le Seigneur
nous accorde sa grâce. Que notre passion pour la suprématie
de Dieu en toutes choses, pour la joie de tous les peuples, ne
faiblisse pas. Qu’elle croisse, au contraire, et s’intensifie par
le jeûne et la prière. Et que Dieu permette en effet que des
millions se lèvent, avec une si grande faim de lui qu’ils ne
pourront que crier, avec leur corps et avec leur âme : « Vois à
quel point, Ô Dieu, nous aspirons à ta plénitude dans l’Église
et à ta gloire dans le monde ! »

146
Voici le genre de jeûne que je préconise : détacher les chaînes
dues à la méchanceté, dénouer les liens de l’esclavage, ren-
voyer libres ceux qu’on maltraite. Mettez fin aux contraintes de
toute sorte !

Partage ton pain avec celui qui a faim et fais entrer


chez toi les pauvres sans foyer !
Quand tu vois un homme nu, couvre-le !
Ne cherche pas à éviter celui qui est fait de la même chair
que toi !
Alors ta lumière jaillira comme l’aurore et ta restauration
progressera rapidement,
ta justice marchera devant toi et la gloire de l’Éternel
sera ton arrière-garde.
ÉSAÏE 58 : 6-8

Près d ’un milliard de personnes dans le monde vivent dans des


conditions de pauvreté absolue, privées des ressources les plus
élémentaires : sans suffisamment de nourriture, sans vêtements, sans
abri ou sans soins médicaux. 400 millions d ’entre eux, dont plus de
200 millions d ’enfants, souffrent de grave malnutrition.
Larry Libby 1
CHAPITRE SIX

TROUVER DIEU
DANS LA SOUFFRANCE
Pour un autre jeûne,
en faveur des plus pauvres

Jean Chrysostome fait partie des plus grands prédicateurs


de l’Église chrétienne du premier millénaire. Il fut évêque de
Constantinople, au quatrième siècle. Il tient le discours le plus
radical que je connaisse sur la valeur du jeûne. Chrysostome
était réputé pour son ascétisme alors que Constantinople
connaissait son âge d’or et vivait dans le luxe. Son mode de vie
offusquait particulièrement l’empereur Arcadius et sa femme
Eudoxie. Il fut donc banni et mourut en 407. Chrysostome
incarnait en quelque sorte la discipline du jeûne, mais pas seu-
lement. Il incarnait aussi l’engagement à vivre une vie sainte

149
J eû ner

qui représente, comme nous allons le voir, un jeûne plus grand


encore que la privation de nourriture.

Le jeûne consiste, autant que cela nous est possible, à imiter


les anges. Le jeûne est un mépris des choses présentes, une
école de prière, une nourriture pour l’âme, une bride pour
la langue, un coup porté à la convoitise. Le jeûne affaiblit
l’impétuosité, apaise la colère, calme les tempêtes de la na-
ture, il stimule la raison, clarifie l’esprit, décharge la chair de
son fardeau. Il chasse les pollutions nocturnes, et libère des
maux de tête. Quand un homme jeûne, son attitude est pai-
sible, il parle librement, et son esprit est capable d’évaluer
une situation avec justesse2.

Qu’essaie de nous dire Chrysostome ? Je devine que le jeûne


a parfois eu sur lui, comme sur d’autres, ces effets bénéfiques.
Je doute qu’il avait l’intention de dire que le jeûne pourra sys-
tématiquement nous venir en aide dans tous ces domaines. Par
exemple, dans certains cas, le jeûne causera des maux de tête
(du moins, temporairement), plus qu’il ne les soulagera. Quoi
qu’il en soit, des milliers de chrétiens ont entendu les paroles
du Seigneur : « Les jours viendront où le marié leur sera enlevé,
et alors ils [ses disciples] jeûneront » (Matthieu 9 : 15). Et ils ont
fait l’expérience de l’immense valeur spirituelle de ces mots.
Plus vous lirez au sujet du jeûne, plus vous découvrirez des
témoignages variés sur ses bienfaits (voir Annexe : « Citations
et expériences »).

LES DANGERS DU JEÛNE

Je l’ai déjà mentionné mais je veux maintenant revenir sur


ce sujet : le jeûne n’est pas sans dangers. Je ne parle pas ici des
dangers physiques, qu’il est possible d’éviter en suivant cer-
tains principes de base3. Je parle des dangers spirituels. Il est
possible de jeûner d’une façon qui va irriter le Seigneur et nous
détruire spirituellement.

150
Tro u ve r D i e u d a n s l a s o u f f r a n c e

Si nous jeûnons, par exemple, dans le but d’être vus par les
autres, Jésus dit que nous avons déjà notre récompense et que
nous ne serons pas exaucés par le Père (Matthieu 6 : 16). Pour
tester nos motivations, il demande de faire en sorte de n’être
vus que de Dieu (parfumons notre tête, lavons notre visage,
cachons notre mauvaise mine). Alors, si nos motivations sont
pures, notre Père qui voit dans le secret nous récompensera.

LE JEÛNE ET LA SOUFFRANCE DE LA CITÉ


Mais ce n’est pas la seule mise en garde de la Bible au
sujet du jeûne. Le prophète Ésaïe a lancé un appel fort à ce
sujet, et ses paroles restent d’une incroyable actualité à notre
époque. Pour moi, comme pour d’autres, ils ont résonné de
manière très personnelle. Je vis et exerce mon ministère en
ville. Je suis entouré de toutes sortes de fléaux et de tragé-
dies humaines caractéristiques des grands centres urbains.
Je me questionne en permanence : comment articuler ma foi
– et mon jeûne – autour de ces réalités ? Ésaïe 58 a éveillé en
moi, comme en de nombreux membres de mon Église, une
véritable passion : celle de dépenser, et de nous dépenser, en
faveur de ceux qui vivent dans le plus grand dénuement. En
tant qu’Église, nous nous sommes posés la question suivante :
comment parvenir, au cœur de notre ville, à propager notre
immense passion de voir Dieu au cœur de toutes choses ? Au
cours de nos réflexions, ce passage nous a fourni des repères
plus d’une fois.

Crie à pleine voix sans te retenir,


fais retentir ta voix comme une trompette
et révèle à mon peuple sa révolte,
à la famille de Jacob ses péchés !
C’est moi que, jour après jour, ils consultent :
ils veulent connaître mes voies.
Comme une nation qui aurait pratiqué la justice
et n’aurait pas abandonné le droit institué par son Dieu,

151
J eû ner

ils me réclament des jugements conformes à la justice,


ils désirent se rapprocher de Dieu.
« À quoi nous sert-il de jeûner, si tu ne le vois pas,
de nous humilier, si tu n’y fais pas attention ? »
C’est que, le jour où vous jeûnez, vous accomplissez
vos propres désirs et traitez durement tous vos ouvriers.
Votre jeûne débouche sur des procès et des disputes,
sur de méchants coups de poing.
Vous ne jeûnez pas, comme vous le faites aujourd’hui,
de manière à faire entendre votre voix là-haut.
Est-ce un jeûne de ce genre que je préconise,
un jour où l’homme s’humilie ?
S’agit-il de courber la tête comme un roseau ?
Faut-il se coucher sur le sac et la cendre ?
Est-ce cela que tu appelles un jeûne,
un jour agréable à l’Éternel ?
Voici le genre de jeûne que je préconise :
détacher les chaînes dues à la méchanceté,
dénouer les liens de l’esclavage,
renvoyer libres ceux qu’on maltraite.
Mettez fin aux contraintes de toute sorte !
Partage ton pain avec celui qui a faim
et fais entrer chez toi les pauvres sans foyer !
Quand tu vois un homme nu, couvre-le !
Ne cherche pas à éviter celui
qui est fait de la même chair que toi !
Alors ta lumière jaillira comme l’aurore
et ta restauration progressera rapidement,
ta justice marchera devant toi
et la gloire de l’Éternel sera ton arrière-garde.
Alors tu appelleras et l’Éternel répondra,
tu crieras et il dira : « Me voici ! »
Oui, si tu éloignes du milieu de toi la contrainte,
les gestes menaçants et les paroles mauvaises,
si tu partages tes propres ressources avec celui qui a faim,
si tu réponds aux besoins de l’opprimé

152
Tro u ve r D i e u d a n s l a s o u f f r a n c e

ta lumière surgira au milieu des ténèbres


et ton obscurité sera pareille à la clarté de midi.
L’Éternel sera constamment ton guide,
il répondra à tes besoins dans les endroits arides
et il redonnera des forces à tes membres.
Tu seras pareil à un jardin bien arrosé,
à une source dont l’eau n’arrête jamais de couler.
Grâce à toi, on reconstruira sur d’anciennes ruines,
tu relèveras des fondations vieilles
de plusieurs générations.
On t’appellera réparateur de brèches,
restaurateur de sentiers fréquentés.
ÉSAÏE 58 : 1-12

BILL LESLIE DÉCOUVRE UN JARDIN BIEN ARROSÉ


Les membres de mon Église ne sont pas les seuls à avoir
entendu, dans ce passage d’Ésaïe 58, un appel personnel de
la part de Dieu. Je me souviens du témoignage de Bill Leslie,
ancien pasteur d’une Église de Chicago. Il a exercé un long et
remarquable ministère au cœur de la ville. Un ministère qui
fait écho à ce texte d’Ésaïe 58. Il est venu un jour dans notre
Église et nous a raconté son histoire.
Il nous a expliqué qu’à un moment donné de sa vie, il avait
failli atteindre un point de rupture, mais qu’un de ses men-
tors lui avait conseillé de lire ce chapitre. Il nous a dit que les
versets 10 et 11 l’ont sauvé de l’impasse, de l’épuisement et du
surmenage.

Si tu partages tes propres ressources avec celui qui a faim,


si tu réponds aux besoins de l’opprimé, ta lumière surgira
au milieu des ténèbres et ton obscurité sera pareille à la
clarté de midi.
L’Éternel sera constamment ton guide, il répondra à tes
besoins dans les endroits arides et il redonnera des forces à

153
J eû ner

tes membres. Tu seras pareil à un jardin bien arrosé, à une


source dont l’eau n’arrête jamais de couler.
ÉSAÏE 58 : 10-11

Voici ce qui a tout particulièrement frappé le pasteur


Leslie : Dieu promet que nous serons semblables à un jardin
bien arrosé. Notre ministère ne sera donc pas seulement une
source qui arrose, mais sera lui-même un jardin bien arrosé.
Ce qui signifie que nous recevrons l’eau nécessaire pour nous
rafraîchir. Puis nous deviendrons une source d’eau qui n’ar-
rête jamais de couler pour les autres, malgré l’aspect exigeant,
épuisant, éreintant du ministère dans les villes. Un ministère
de don de soi en permanence. Ce passage a donné à Bill Leslie
un modèle de vie divine qui lui a permis de sortir de la crise
qu’il traversait et qui l’a motivé à persévérer pendant de nom-
breuses années. Ésaïe décrit cette expérience d’être un jardin
bien arrosé pour le bien de ceux qui nous entourent d’une
manière formidable : c’est pour lui une forme de jeûne !

PARTAGE TON PAIN AVEC CELUI QUI A FAIM…


MÊME SI TU AS UN CANCER
J’ai vécu, au moins, une autre expérience en lien avec ce
passage. C’est la raison pour laquelle il résonne en moi d’une
façon si personnelle.
Doug Nichols est actuellement président d’Action
International Ministries [Ministères d’Action Internationale],
une mission qui se consacre en particulier aux millions d’en-
fants qui vivent dans les rues des plus grandes métropoles du
monde. Il est le type de personne capable de téléphoner aux
responsables de notre Église en temps de crise internationale,
pour leur suggérer de louer un jet et d’envoyer deux cents per-
sonnes de notre communauté au Rwanda, afin d’y enterrer les
morts, pour permettre aux médecins et aux infirmières d’ac-
complir la tâche pour laquelle ils sont venus dans le pays. Sans

154
Tro u ve r D i e u d a n s l a s o u f f r a n c e

relâche et avec détermination, il consacre sa vie pour la cause


des plus faibles qui ont besoin de Christ.
Il m’écrit de temps en temps et ajoute presque toujours en
PS une formule laconique du genre : « Au cours de cette der-
nière minute, où tu as lu cette lettre, 28 enfants sont morts de
malnutrition et de maladies qui auraient pu être facilement
évitées. 1 667 enfants meurent à chaque heure. 40 000 enfants
meurent chaque jour ! S’il te plaît, prie avec ACTION pour
qu’un plus grand nombre de missionnaires apportent l’Évan-
gile à ces enfants ».
Doug a découvert qu’il avait un cancer du côlon en
avril 1993. Les médecins ne lui avaient donné que 30 % de
chances de survie après son opération, sa colostomie, et son
traitement par radiothérapie. Pendant la terrible guerre civile
qui a opposé les Hutus et les Tutsis, il est monté dans un avion
pour le Rwanda, avec plusieurs autres personnes, dont quelques
membres de notre Église. Son oncologue n’était pas chrétien.
Il a affirmé qu’il allait mourir au Rwanda. Doug a répondu que
ce n’était pas grave, car il irait au ciel. L’oncologue a paniqué
et a appelé le chirurgien pour lui demander son aide, afin de
convaincre Doug de ne pas partir. Le chirurgien qui est chré-
tien lui a répondu que Doug était prêt à mourir et à aller au
ciel.
Quand nous avons entendu que Doug partait pour le
Rwanda, avec son cancer, et sa colostomie, nous nous sommes
réunis pour prier pour lui. Je me souviens avoir été conduit
très précisément à citer Ésaïe 58. Ces mots ont été notre prière
pour Doug :

Partage ton pain avec celui qui a faim et fais entrer chez
toi les pauvres sans foyer ! Quand tu vois un homme nu,
couvre-le ! Ne cherche pas à éviter celui qui est fait de la
même chair que toi ! Alors ta lumière jaillira comme l’aurore
et ta restauration progressera rapidement.
ÉSAÏE 58 : 7-8

155
J eû ner

Nous avons prié très précisément pour que tout ce qu’il


allait mettre en œuvre afin de nourrir ceux qui avaient faim et
loger ceux qui n’avaient pas d’abri, ne le tue pas, mais le gué-
risse. Depuis le Rwanda, Doug a appelé son oncologue pour lui
dire qu’il n’était pas mort. À son retour, il a fait une série de
tests. Résultats ? « Aucun signe de la maladie. » Dieu seul tient
dans ses mains l’avenir de Doug Nichols, ainsi que sa foi et
son ministère remarquables. Aujourd’hui, Doug incarne par
sa vie les mots d’Ésaïe 58 alors qu’il se donne lui-même pour
les enfants.
Vous pouvez constater qu’Ésaïe 58 est lié de façon significa-
tive à plusieurs épisodes de ma vie. Le jeûne auquel ce chapitre
fait appel n’est pas ordinaire. Je prie pour que les expériences
de sa puissance et de sa capacité à changer des vies, puissent se
multiplier grâce à ce livre.

JÉSUS AIMAIT CE PROPHÈTE


Jésus a très à cœur ce texte d’Ésaïe 58, et cela transparaît
dans ses propres paroles :
• « L’Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu’il m’a consa-
cré par onction pour annoncer la bonne nouvelle aux
pauvres ; il m’a envoyé pour guérir ceux qui ont le cœur
brisé » (Luc 4 : 18)
• « En effet, j’ai eu faim et vous m’avez donné à manger ;
j’ai eu soif et vous m’avez donné à boire ; j’étais étranger
et vous m’avez accueilli ; j’étais nu et vous m’avez habillé ;
j’étais malade et vous m’avez rendu visite ; j’étais en pri-
son et vous êtes venus vers moi. » (Matthieu 25 : 35-36)
• « Celui qui croit en moi, des fleuves d’eau vive couleront
de lui, comme l’a dit l’Écriture. » (Jean 7 : 38)

Le ministère de Jésus est empreint du fardeau d’Ésaïe 58, et


il devrait aussi imprégner, toujours plus, notre ministère.

156
Tro u ve r D i e u d a n s l a s o u f f r a n c e

LE JEÛNE, UNE FAÇADE POUR LE VICE ?


Dans les trois premiers versets, Dieu accuse son peuple. Il
demande à Ésaïe de crier à pleine voix, et de révéler à la mai-
son de Jacob ses péchés. Mais ses péchés sont cachés derrière
une formidable façade de ferveur religieuse. C’est stupéfiant
et cela devrait franchement nous faire réfléchir. En particulier
nous, qui sommes religieux et qui pratiquons des disciplines
spirituelles telles que le jeûne ! Prêtons attention à l’accusa-
tion : « C’est moi que, jour après jour, ils consultent : ils veulent
connaître mes voies. Comme une nation qui aurait pratiqué
la justice et n’aurait pas abandonné le droit institué par son
Dieu » (v. 2). Autrement dit, ils se comportent comme s’ils
étaient une nation juste et obéissante. Et ils se persuadent eux-
mêmes qu’ils recherchent vraiment Dieu et ses voies. Qu’il est
effrayant de vivre dans une telle illusion !
Ésaïe continue, vers la fin du verset 2 : « ils me réclament
des jugements conformes à la justice, ils désirent se rapprocher
de Dieu ». Mais ils ne sont pas sincères. Ils veulent que Dieu
intervienne pour eux par des jugements justes, parce que les
choses vont mal (comme nous allons le voir dans un instant).
Mais ils ne voient pas où est le vrai problème. Ils aiment venir
louer Dieu. Ils parlent le langage de ceux qui sont proches de
lui. Il se peut même qu’ils vivent des expériences religieuses
et émotionnelles intenses dans leur effort pour s’approcher de
lui. Mais quelque chose sonne faux.

AIMONS-NOUS DIEU ?
OU AIMONS-NOUS AIMER DIEU ?
Cet avertissement est particulièrement d’actualité à notre
époque, à l’heure où la louange vit un renouveau. De nom-
breux chrétiens découvrent la joie d’aller à la rencontre de Dieu
au cours de longs moments de chants, chargés en émotion.
Personnellement, je trouve que ces longs moments, au cours

157
J eû ner

desquels nous nous tenons devant Dieu, peuvent nous conduire


à une communion particulièrement riche avec lui. Mais j’y vois
aussi un danger subtil. Un glissement presque imperceptible.
Nous commencerions par aimer Dieu pour finir par aimer
aimer Dieu. Pour le dire autrement, le risque est de finir par
savourer l’atmosphère créée par la louange plus que la gloire de
Dieu lui-même. Quand cela arrive, nous donnons prise à l’hy-
pocrisie. Et sous l’apparence d’une grande ferveur religieuse,
des contradictions néfastes peuvent apparaître dans nos vies.

QUAND TOUT EST BEAU EN APPARENCE


Quelque chose ne va pas, en Ésaïe 58, dans la manière
d’adorer Dieu. Le peuple exprime sa frustration au verset 3,
mais ne voit pas d’où vient le problème. Il dit à Dieu : « À quoi
nous sert-il de jeûner, si tu ne le vois pas, de nous humilier
[ou de nous affliger], si tu n’y fais pas attention ? ». En réalité,
les versets 2 et 3 mentionnent cinq activités religieuses qu’ils
pratiquent en vain :
1. Ils cherchent Dieu (2)
2. Ils trouvent leur plaisir dans les voies de Dieu (2)
3. Ils cherchent des jugements justes (2)
4. Ils désirent se rapprocher de Dieu (2)
5. Ils jeûnent et s’humilient (3)

Malgré toutes ces choses, Dieu dit à Ésaïe : « Crie à pleine


voix [pas doucement, pas à voix basse, mais à pleine voix] sans
te retenir, fais retentir ta voix comme une trompette et révèle à
mon peuple sa révolte, à la famille de Jacob ses péchés ! » (v. 1).
Ils jeûnaient. Ils cherchaient la face de Dieu. Ils priaient.
Extérieurement, d’une certaine façon, ils s’humiliaient. Ils fai-
saient donc tout ce qu’il est demandé de faire en 2 Chroniques
7 : 14. Leur jeûne et leur adoration ne plaisaient cependant

158
Tro u ve r D i e u d a n s l a s o u f f r a n c e

pas au Seigneur. Nous voulons éviter ce genre de jeune et ce


type d’adoration. Mais nous nous questionnons : qu’y a-t-il de
mal à chercher Dieu, à trouver notre plaisir dans ses voies, à
chercher des jugements justes, et à se réjouir dans sa présence ?
Qu’y a-t-il de mal à jeûner et à s’humilier devant lui ? C’est ce
qui se fait de mieux en matière d’adoration ! Est-ce que tout
cela ne nous pousse pas à réfléchir ? Voilà qui pourrait nous
faire trembler ! Et nous pousser à une totale transparence
envers Dieu. Nous ne voudrions surtout pas être brusquement
confrontés ainsi à notre incohérence par le Seigneur, de sorte
que nos pratiques religieuses et notre zèle soient exposés à
notre grande honte !
En quoi le peuple de Dieu se trompe quand il adore Dieu ?
Dieu répond :

C’est que, le jour où vous jeûnez, vous accomplissez vos


propres désirs et traitez durement tous vos ouvriers. Votre
jeûne débouche sur des procès et des disputes, sur de
méchants coups de poing. Vous ne jeûnez pas, comme
vous le faites aujourd’hui, de manière à faire entendre votre
voix là-haut.
Est-ce un jeûne de ce genre que je préconise, un jour où
l’homme s’humilie ? S’agit-il de courber la tête comme un
roseau ? Faut-il se coucher sur le sac et la cendre ? Est-ce
cela que tu appelles un jeûne, un jour agréable à l’Éternel ?
ÉSAÏE 58 : 3-5

Voilà où est le problème. Tout ce qui accompagne le jeûne, à


la fois sur un plan éthique, pratique et relationnel, voilà ce qui
prouve qu’un jeûne est authentique. Dieu énumère les formes
religieuses extérieures du jeûne : s’humilier ou s’affliger (renon-
cer à la nourriture), courber la tête comme un roseau, se coucher
sur le sac et la cendre. Puis il énumère l’aspect éthique (ou plutôt
le manque d’éthique) qui accompagne ce jeûne : vous recher-
chez votre propre plaisir (par un autre biais que la nourriture),
vous traitez durement vos ouvriers, vous devenez irritables ou

159
J eû ner

querelleurs, et vous attisez les conflits. Vous allez même jusqu’à


provoquer des bagarres. Et Dieu demande : « Est-ce un jeûne de
ce genre que je préconise ? » La réponse est non.

LE PARADOXE D’UN JEÛNE


AUTO-COMPLAISANT
Qu’est-ce qui prouve qu’un jeûne est authentique ? Voici un
autre test.
Jésus dit : si vous jeûnez pour être vu des autres, vous avez
votre récompense. Ésaïe dit : si votre jeûne vous rend com-
plaisant avec vous-même dans d’autres domaines, dur avec
vos ouvriers, irritable et bagarreur, alors votre jeûne n’est pas
acceptable pour Dieu. Dans toute sa miséricorde, Dieu nous
met en garde contre le danger qui nous guette : on ne peut
se permettre de remplacer une vie juste par des disciplines
religieuses.
Ah ! Comme nous avons besoin de méditer sur ces choses !
L’hypocrisie est un véritable fléau qui menace le culte que nous
rendons à Dieu. Prenons à cœur les conséquences à long terme,
sur nos vies et sur nos Églises, de la qualité de notre adoration.
Aucun culte, aucun enseignement, aucun chant, aucune prière,
aucun jeûne, aussi intense et beau soit-il, ne représente une véri-
table louange, un culte qui plaît à Dieu, s’il nous rend dur avec
nos ouvriers le lundi, querelleur avec notre conjoint à la maison,
ou complaisant avec nous-même dans d’autres domaines de
notre vie, ou mordant au point d’être prêt à frapper. Comprenez-
moi bien : un véritable jeûne peut être utilisé par Dieu comme
moyen de grâce pour nous aider à surmonter notre dureté au
travail, notre attitude désagréable dans nos foyers, notre com-
plaisance et notre colère. Mais si le jeûne devient un manteau
religieux qui minimise ces choses et les laisse se poursuivre,
alors notre jeûne devient hypocrisie, et il offense Dieu.

160
Tro u ve r D i e u d a n s l a s o u f f r a n c e

LE TRAVAIL DU LUNDI TESTE


L’ADORATION DU DIMANCHE
La façon dont vous traitez les gens qui vous entourent le
lundi démontre l’authenticité de votre jeûne du dimanche.
Un jeûne qui laisse nos vies quotidiennes inchangées dans le
domaine du péché représente le comble du ridicule pour Dieu :
« Est-ce un jeûne de ce genre que je préconise […] ? S’agit-il de
courber la tête comme un roseau ? » (Ésaïe 58 : 5). Un tel jeûne
n’est pas plus spirituel qu’un roseau qui ploie dans un marais.
Honte au jeûne qui laisserait le péché intact dans notre
vie ! Le seul jeûne authentique est celui qui comprend une
offensive spirituelle contre notre propre péché. Notre jeûne
manifeste-t-il vraiment que nous avons faim de Dieu ? Nous
pouvons le vérifier en nous assurant que nous jeûnons parce
que nous avons faim de sainteté dans notre vie. Rechercher
Dieu c’est haïr le péché. Car Dieu est saint, et nous ne pou-
vons aimer Dieu et le péché en même temps. Un jeûne qui ne
cherche pas à affamer le péché en nous et à nous régaler de
Dieu est une illusion. Lorsque nous jeûnons de cette façon,
nous n’avons pas réellement faim de Dieu. La faim qui carac-
térise le jeûne est une faim de Dieu. Nous pouvons mettre son
authenticité à l’épreuve en nous interrogeant : ma faim est-elle
aussi une faim de sainteté ?

LE JEÛNE N’A PAS POUR BUT DE NOUS


AFFAMER, MAIS D’AFFAMER LE PÉCHÉ
Si un péché non résolu perdure dans notre vie, et que nous
choisissions de jeûner à propos d’autre chose, Dieu viendra
nous dire : « Le jeûne que je préconise concerne ce péché-là :
c’est lui qui doit être affamé jusqu’à sa mort ». La façon dont
il évoque cela en Esaïe 58 est frappante. Ésaïe rapporte qu’ils
jeûnent et « s’humilient » (v. 5). Ce mot, « s’humilier », signifie
aussi « s’affliger » ou « s’opprimer ». Ils s’affligent donc par la

161
J eû ner

faim. Mais Dieu dit : ce n’est pas le jeûne que j’ai choisi. Plus
loin, il reprend ces mots : « faim » et « opprimé » (v. 10). Il se
préoccupe de ceux qui n’ont pas d’autre choix que d’être affa-
més et opprimés, c’est-à-dire ceux qui subissent l’oppression
des individus qui préfèrent jeûner plutôt que leur apporter de
la nourriture.

Si tu partages tes propres ressources avec celui qui a faim,


Si tu réponds aux besoins de l’opprimé, etc.

En d’autres termes, Dieu dit : ton jeûne et l’oppression que


tu t’imposes ne s’attaquent ni à ton propre péché d’injustice, ni
à ton cœur dur. Si c’était le cas, tu commencerais par soulager
la faim et l’oppression de tes ouvriers. Dieu veut que nous per-
cevions l’ironie de la situation ici. Les pauvres sont affamés et
opprimés (v. 10). Et tous ces gens très religieux, qui vivent dans
l’abondance, sont également affamés et opprimés, par le jeûne.
Mais pourquoi jeûnent-ils ? Veulent-ils lutter avant tout contre
leur propre péché, contre le traitement dur qu’ils infligent à
leurs ouvriers ? Contre le lourd fardeau qu’ils font porter aux
pauvres ? Contre le péché de négligence qui les a conduits à
ne pas répondre à leurs besoins de vêtements et d’abris ? Non.
Leur comportement prouve qu’ils ne jeûnent pas pour remé-
dier à tout cela.
Dieu s’approche donc d’eux et leur dit : le jeûne que je pré-
conise ne consiste pas à vous affamer et vous opprimer reli-
gieusement. Non. Il consiste à soulager la faim et l’oppression
des pauvres. Si vous voulez combattre le péché en vous privant
de pain, donnez donc ce pain aux pauvres ! Nous verrons,
alors, si vous jeûnez réellement pour faire triompher la justice.
Lorsque nous vivons dans le péché, le jeûne que Dieu pré-
conise ne consiste pas à cacher notre péché derrière une façade
de religiosité. Il consiste à mener contre notre péché une
attaque frontale. Ces gens ne jeûnaient pas pour combattre les

162
Tro u ve r D i e u d a n s l a s o u f f r a n c e

péchés dont ils étaient prisonniers ; leur jeûne n’était qu’une


technique de camouflage. Il se disaient : « Si nous jeûnons et
si nous nous affligeons tant soit peu, alors peut-être que notre
indifférence à la faim et à l’affliction des pauvres aura moins
d’importance ! » Mais Dieu s’approche d’eux et leur dit : « Je
mets vos cœurs à l’épreuve. Privez-vous de pain pour le don-
ner aux pauvres. Voilà le jeûne dans lequel je prends plaisir ! »

SOCIÉTÉ DE CONSOMMATION
ET JEUNES DES QUARTIERS
Dans nos pays riches, le jeûne est devenu presque incom-
préhensible, car la culture consumériste nous a lavé le cer-
veau. On nous apprend que pour profiter de la vie il nous faut
consommer, plutôt que renoncer à la consommation :

Le consommateur vit à l’école de la faim insatiable. […] Il


apprend que l’être humain est essentiellement constitué de
besoins, et que ces besoins ne peuvent être satisfaits que
par des choses qui s’achètent ou par des expériences. Le
consommateur doit donc penser d’abord et avant tout à lui-
même afin de répondre à ce qu’il perçoit comme étant ses
besoins4.

C’est aujourd’hui presque inconcevable de penser qu’il


puisse y avoir plus de bonheur à donner qu’à recevoir (Actes
20 : 35). Le jeûne est donc pratiquement inconcevable. À moins
d’être un moyen pratique de perdre du poids, ou un outil New-
Age pour atteindre la pleine conscience, les deux étant indis-
sociables de notre culture de la consommation.
L’omniprésence du consumérisme est manifeste de façon
évidente lorsque nous réalisons à quel point il pénètre pro-
fondément toutes les couches de la société, même ceux qui
n’ont pas les moyens de consommer. « Avoir » est devenu plus
important qu’« être » : c’est la marque de fabrique de la société
de consommation. Et cette mutation est nourrie quotidienne-

163
J eû ner

ment par les médias. Même dans les quartiers les plus pauvres,
là où les habitants ont très peu de moyens :
Les adolescents sont de fins connaisseurs de la pop culture.
Ils deviennent des réceptacles privilégiés pour les jingles
et toute l’imagerie foisonnante de la télévision. Leur lan-
gage est imprégné des piètres discours des émissions en
tous genres. […] Dans la rue, « être quelqu’un » signifie iro-
niquement avoir une certaine apparence ou image […]. Un
adolescent laisse tomber son job d’été dans une épicerie s’il
estime que ce job nuit à son image. Il dépense les premiers
sous gagnés dans un autre boulot pour s’acheter un biper,
en partie parce que ça lui donne une image de trafiquant
de drogue alors même qu’il n’a aucun lien avec le milieu de
la drogue […]. Il se promène de temps en temps avec une
arme, et trimballe des objets volés : de tels actes prouvent
qu’il n’est pas une « mauviette », mais qu’il « est quelqu’un »
[…]. Lui et ses amis se donnent le nom de « LoLifes » (abrévia-
tion de « Polo Lifes ») parce qu’ils ne portent que la marque
pour homme Polo. La plupart du temps, il s’agit de vête-
ments volés dans les boutiques du centre-ville […]. Il croit
que « l’habit fait l’homme ». Ce qui est tragique et terrifiant,
c’est qu’en ce qui le concerne, la maxime est vraie… Quand
il enlève ses vêtements de marque, il ne reste pratiquement
aucune substance derrière les apparences. [Il] a été réduit à
un simple acquéreur de choses, un consommateur de pro-
duits […]. Lui et ses amis « croient ce qu’on leur a dit au sujet
de l’image, du statut, de la compétition, de la hiérarchie, et
de la primauté de l’autosatisfaction. Leur foi est mortelle,
surtout pour eux-mêmes5 ».

Ce jeune de quartier défavorisé et ses amis sont le portrait


vivant de l’Occident moyen. Il ne leur manque que le baume
apaisant de la richesse.
De nombreux occidentaux de classe moyenne possèdent
une foi idolâtre dans le matérialisme. Mais cette tendance est
nuancée par les opportunités qui se présentent à eux – édu-
cation et travail – grâce auxquels ils peuvent construire leur
identité sur autre chose que sur leur apparence. Ils sont aussi

164
Tro u ve r D i e u d a n s l a s o u f f r a n c e

des consommateurs, mais ils peuvent devenir plus que des


consommateurs. En revanche, notre adolescent des quar-
tiers et ses amis ne peuvent pas, ou ne veulent pas, accéder
à de telles opportunités. L’idée de chercher un « sens » à leur
vie est remplacée par la recherche de « l’image ». Dans cette
existence étriquée, les adolescents s’entretuent littéralement
pour des chaînes en or et des vestes en cuir […]. La foi aveugle
de ces gamins dans le consumérisme leur est fatale6.

Dans cet arrière-plan et avec un consumérisme contempo-


rain généralisé, le jeûne d’Ésaïe 58 prend encore plus de sens.
Finalement, cela ne semble pas si étrange d’appeler « jeûne »
une vie de service envers les pauvres. Jeûner, c’est comme
renoncer à obtenir un peu plus de confort. Notre vie consiste
principalement à nous gaver, dans le but de combler, l’un après
l’autre, nos appétits artificiellement stimulés. Toute modifica-
tion apportée à ce schéma pour le bien d’un ministère repré-
sente un « jeûne ». Un jeûne qui plaît à Dieu. Bien plus que de
renoncer à cent déjeuners avec l’arrière-pensée de la double
part de pizza sur laquelle nous nous jetterons le soir.

LE JEÛNE VIVANT ET NON NÉGOCIABLE


DE L’AMOUR
En Ésaïe 58 : 6-12, Dieu décrit maintenant ce que signifie
mettre en œuvre cette forme de jeûne, ainsi que les récom-
penses spectaculaires qui découlent d’un tel choix de vie. Il
y a réellement plus de joie à donner qu’à recevoir, mais pour
nous qui sommes accros à notre société de consommation,
c’est quelque chose de difficile à concevoir. Vous vous souve-
nez des paroles de Jésus : « et ton Père qui voit dans le secret,
te récompensera » (Matthieu 6 : 4). C’est le genre de choses que
Dieu promet à ceux qui pratiquent ce type de jeûne.
Dans un premier temps, nous observerons la description
qui est faite du jeûne lui-même. Ensuite nous nous pencherons
sur les promesses de Dieu pour ceux qui vivent de cette façon.

165
J eû ner

Ne faites pas l’erreur de penser que Dieu décrit à son peuple un


profil de poste pour leur faire comprendre comment gagner
un salaire de sa part. Il n’est pas question de mériter un salaire
ici. On ne négocie pas avec le Dieu d’Ésaïe. Il est souverain et
libre, et il donne gratuitement à ceux qui lui font confiance :
« En effet, voici ce qu’avait dit le Seigneur, l’Éternel, le Saint
d’Israël : “C’est dans le retour à moi et le repos que sera votre
salut, c’est dans le calme et la confiance que sera votre force” »
(Ésaïe 30 : 15). La force de faire ce que Dieu nous demande
d’accomplir ne vient pas de nous. Elle vient de Dieu. Et elle
vient en plaçant notre confiance en lui.

LE JEÛNE EST L’ORDONNANCE DU MÉDECIN


Lorsque Dieu explique à son peuple ce qu’il doit faire, il ne
décrit pas un profil de poste pour obtenir un emploi, mais une
ordonnance pour guérir. Il ne s’agit pas de gagner un salaire en
travaillant pour un patron mais de faire confiance au Médecin
pour guérir. C’est particulièrement clair en Ésaïe 58 : 8, quand
il dit : si tu suis les paroles de Dieu, « ta restauration [ta guéri-
son !] progressera rapidement ». Si tu fais confiance au méde-
cin, et que tu le prouves par ton obéissance à ses instructions,
tu seras rétabli de la maladie du péché. Par conséquent, ne
pense pas que tu puisses mériter quoi que ce soit de la part
de Dieu. C’est non seulement impossible, mais fatal si tu t’y
essayes. Fais confiance à sa grâce souveraine, suis ses conseils,
et tu seras puissamment béni. Mais ne t’aventure jamais à pen-
ser que tu as mérité ou gagné quoi que ce soit par tes efforts.
Penchons-nous donc sur l’ordonnance prescrite par Dieu,
sur le type de jeûne qu’il préconise :

Voici le genre de jeûne que je préconise :


détacher les chaînes dues à la méchanceté,
dénouer les liens de l’esclavage,
renvoyer libres ceux qu’on maltraite.
Mettez fin aux contraintes de toute sorte !

166
Tro u ve r D i e u d a n s l a s o u f f r a n c e

Partage ton pain avec celui qui a faim


et fais entrer chez toi les pauvres sans foyer !
Quand tu vois un homme nu, couvre-le !
Ne cherche pas à éviter celui qui est fait
de la même chair que toi !
ÉSAÏE 58 : 6-7

Aux versets 8 et 9a, apparaissent ensuite les promesses : ce


qui arrivera si nous nous fions à l’ordonnance du médecin, et à
ses consignes sur la bonne façon de jeûner. Nous laisserons cet
aspect de côté pour le moment, pour nous pencher sur la suite
de la prescription (v. 9b-10a) :

Si tu éloignes du milieu de toi la contrainte,


les gestes menaçants et les paroles mauvaises,
si tu partages tes propres ressources
avec celui qui a faim,
si tu réponds aux besoins de l’opprimé […]

Telle est l’ordonnance du médecin. C’est ce jeûne que le


médecin a prescrit pour le patient Israël, atteint de la maladie
de l’hypocrisie et du cœur endurci. C’est ce qu’il prescrit aussi
pour notre Occident prospère qui est atteint d’addiction au
consumérisme.
Dieu énumère treize éléments différents que nous pour-
rions partager en sept catégories. Je considère chacune d’entre
elles comme un appel personnel pour ma propre vie et comme
un mandat pour l’Église. C’est ce jeûne que je dois apprendre à
pratiquer. C’est dans ce jeûne que je dois trouver ma joie. Il est
le remède à la pseudo-liberté moderne, qui consiste à accumu-
ler toujours plus de choses qui étouffent notre cœur. On trouve
aujourd’hui environ 30 000 produits dans un supermarché de
taille moyenne ; on en trouvait 9 000 en 1975 ; on pourrait lire
un nouveau magazine chaque jour de l’année ; il existe des
dizaines de chaînes télé différentes parmi lesquelles on peut
choisir son programme chaque soir7.

167
J eû ner

1. Dieu ordonne que son peuple soit libéré


6
Détacher les chaînes dues à la méchanceté, dénouer les
liens de l’esclavage, renvoyer libres ceux qu’on maltraite.
Mettez fin aux contraintes de toute sorte ! […] 9 Si tu
éloignes du milieu de toi la contrainte […].

« Chaînes, liens, esclavage, contraintes, contrainte » : vivons


dans le but de libérer les gens de leur joug, non pas de leur impo-
ser des fardeaux. Jésus a dit : « Malheur à vous aussi, professeurs
de la loi, parce que vous chargez les hommes de fardeaux diffi-
ciles à porter, que vous ne touchez pas vous-mêmes d’un seul
doigt » (Luc 11 : 46). Le fardeau et le joug que nous devrions
offrir sont une charge légère et un joug facile à porter. Jésus
a dit : « Venez à moi, vous tous qui êtes accablés sous le poids
d’un lourd fardeau, et je vous donnerai du repos. Prenez mon
joug sur vous et mettez-vous à mon école, car je suis doux et
humble de cœur, et vous trouverez le repos pour vous-mêmes.
Oui, mon joug est facile à porter et la charge que je vous impose
est légère » (Matthieu 11 : 28-30 – BDS). Jésus nous appelle à le
rejoindre dans cette mission : libérer les hommes des fardeaux
et des jougs qui pèsent lourdement sur eux.
La réalité de la nouvelle naissance est ce qui rend le fardeau
de Jésus léger. C’est elle qui modifie nos centres d’intérêt de
l’intérieur, comme le dit Jean : « En effet, l’amour envers Dieu
consiste à respecter ses commandements. Or, ses commande-
ments ne représentent pas un fardeau, puisque tout ce qui est
né de Dieu remporte la victoire contre le monde, et la victoire
qui a triomphé du monde, c’est votre foi » (1 Jean 5 : 3-4). Les
désirs du monde tentent de rendre les commandements de
Dieu difficiles à porter, mais la nouvelle naissance qui vient de
Dieu triomphe de ces désirs. C’est pourquoi le jeûne prescrit
commence par la nouvelle naissance. Celle-ci crée de nouvelles
valeurs, de nouveaux désirs, et permet de porter du fruit, dans
la liberté et la joie. Voilà le jeûne prescrit par Dieu.

168
Tro u ve r D i e u d a n s l a s o u f f r a n c e

J’ai reçu un mail d’un ami missionnaire qui œuvre dans


un pays fermé à l’Évangile. Sa présence là-bas dépend donc
de « l’aide humanitaire » qu’il apporte. Mais d’après son expé-
rience, il est indispensable qu’une transformation spirituelle
précède la transformation humanitaire. Il écrit :

Pour résumer, le gouvernement a décidé de suspendre tous


les financements destinés au centre d’affaires, dans le but
de les attribuer à « l’orphelinat ». Ce qui semble merveilleux !
À un détail près… Le financement est soumis à condition :
l’orphelinat n’en bénéficiera que s’il accepte d’accueillir un
nouveau public. Ils exigent que l’école ne soit pas réservée
aux orphelins, mais qu’elle fonctionne comme une école
anglaise, pour les orphelins mais aussi pour quelques étu-
diants « doués » qui ne sont pas orphelins. Évidemment, ils
veulent que des « bénévoles » américains enseignent dans
cette école. Les quelques étudiants « doués » sont, comme
par hasard, les enfants des membres du gouvernement d’où
provient le financement ! C’est décourageant, n’est-ce pas ?
C’est exactement la raison pour laquelle la réforme d’une
culture doit commencer par la dimension spirituelle (l’im-
plantation d’Églises), plutôt que par « l’aide humanitaire ».

2. Dieu ordonne de nourrir ceux qui ont faim

Voici le genre de jeûne que je préconise : Partage ton pain


avec celui qui a faim.
ÉSAÏE 58 : 7A

Nous ne jeûnons pas seulement pour nous priver de


quelque chose, mais aussi pour répondre aux besoins des
autres. Chaque jour, environ 15 000 enfants de moins de cinq
ans meurent de faim ou de maladies que l’on aurait pu évi-
ter. « Près d’un milliard de personnes dans le monde vivent
dans des conditions de pauvreté absolue. Ils sont privés des
ressources les plus élémentaires, et n’ont ni nourriture appro-
priée, ni vêtements, ni logement, ni accès aux soins médi-

169
J eû ner

caux… 400 millions souffrent de malnutrition sévère, dont


plus de 200 millions d’enfants8. »
Mon jeûne doit prendre en compte ces réalités mon-
diales, ainsi que ce qui se passe juste devant ma porte. Dieu
ne permettra pas que je me contente d’une discipline sévère à
laquelle je me soumets sans que cette discipline n’attaque de
front l’état d’amnésie qui frappe la plupart des Occidentaux
de la classe moyenne. Selon Dieu, le sens du jeûne est de nous
rendre conscients de la faim dans le monde, pas seulement de
notre propre faim. Le jeûne est un cri du cœur qui, d’une part,
savoure les bontés de Dieu au sein de notre abondance, mais
qui donne aussi sa vie pour le prochain, grâce à la puissance
de l’amour.
Que les statistiques ne nous empêchent pas d’agir. Nous
ne sommes pas responsables de ce que nous ne pouvons pas
changer, mais nous sommes responsables de ce qui est en
notre pouvoir. Il existe des centaines d’occasions à la portée
de ceux qui désirent prendre leur jeûne au sérieux. Prenons
un exemple simple. À Manille, « Smokey Mountain » est un
bidonville bien connu où sont déversées les ordures, et où
15 000 personnes et leurs familles vivent grâce à la récupéra-
tion des déchets de la ville..

Les travailleurs sanitaires de Jeunesse en mission (JEM) ont


commencé à travailler à Smokey Mountain en 1985. Ils ont
malheureusement découvert qu’il arrivait souvent à ces fa-
milles de perdre un enfant en bas âge à cause de la rougeole.
En collaboration avec les autorités sanitaires locales, une cli-
nique de vaccination a ouvert ses portes à Smokey Mountain
en 1986. Le premier mercredi de chaque mois était consacré
à la vaccination des enfants au centre polyvalent de JEM. Les
enfants y étaient vaccinés gratuitement contre le tétanos, la
fièvre typhoïde, la coqueluche, la polio, la rougeole, et le
BCG (tuberculose). Les familles se réunissaient à l’extérieur,
devant le grand bâtiment en parpaing vert. Le personnel
soignant pesait les enfants et administrait vaccins et médica-

170
Tro u ve r D i e u d a n s l a s o u f f r a n c e

ments. Tout cela a fait une différence. En 1986, les soignants


qui travaillaient sur place avaient répertorié plus de 45 décès
d’enfants dus à la rougeole. En 1987, ils n’en ont enregistré
que 18. En 1988, il n’existait plus un seul décès connu dû à la
rougeole, à des infections, ou à des complications. La vacci-
nation a clairement fait une différence. Et elle a redonné de
l’espoir à la population de Smokey Mountain9.

3. Dieu ordonne de donner un toit aux sans-abris

Fais entrer chez toi les pauvres sans foyer !


ÉSAÏE 58 : 7B

Qu’est-ce qui nous retient d’exercer un ministère auprès des


sans-abris ? C’est souvent la peur. Ou bien l’idée que le gouver-
nement a déjà des programmes pour ce type de situation. Les
promesses de Dieu (que nous aborderons bientôt) devraient
chasser la peur. Et si le gouvernement est prêt à secourir les plus
démunis, cela ne devrait pas limiter nos élans d’amour. Il existe
des structures au travers desquelles nous pouvons venir en aide
aux pauvres. Mais nous pouvons aussi le faire dans un élan
spontané, qui implique un certain risque, et par lequel nous
nous soucions peu du fait que les effets soient minimes à long
terme. L’amour ne fait pas ce genre de calculs. Le bon samari-
tain ne s’est pas dit : « À quoi bon interrompre pour un jour le
cours des événements ? Cela ne fera pas une grande différence
dans le problème de violence chronique de cette région ». Il a vu
un besoin et il a agi. C’est le cas pour de nombreuses personnes :
elles voient les sans-abris et pratiquent leur jeûne.

C’était un mois de décembre terriblement froid en Oregon.


Le vent d’est nous transperçait. A la sortie de leurs bureaux
bien chauffés, les habitants de Portland couraient s’abriter
dans leurs voitures, afin de regagner au plus vite leurs foyers.
Mais Les et Kathy ne pouvaient s’empêcher de remarquer ces
hommes et ces femmes qui n’avaient pas de foyer chaleureux

171
J eû ner

qui les attendaient. Des hommes et des femmes qui n’avaient


en réalité pas de maison… Immédiatement, leurs boucliers de
protection se sont soulevés. Ils ont raisonné intérieurement. Il
existe bien des associations et des groupes censés apporter
leur aide. Des « professionnels »… Mais « ils » ne faisaient pas
leur travail. Il y avait toujours des gens dans les rues et Les
et Kathy ne pouvaient pas ne pas les voir sur leur chemin de
retour du travail. Et ces gens souffraient du froid glacial. De
vraies personnes, avec de vraies souffrances. Ils avaient même
aperçu une femme qui n’avait pas de chaussures…
« Nous en avions discuté, se souvient Kathy. Et on s’est dit
que nous avions chez nous au moins trois sacs de couchage
en trop, plus de couvertures que nécessaire, et un tiroir plein
de gants. On s’est dit : “Ça c’est quelque chose qu’on peut
faire !” Et nous l’avons fait. Nous sommes allés en ville et
avons tout distribué »…
Ont-ils vendu tous leurs biens ? Non… Ont-ils changé de tra-
vail, pour se consacrer à plein temps aux sans-abris ? Non…
Ils ont simplement vu un besoin, « devant leur porte », ont
compris qu’ils étaient en mesure d’apporter une aide, et ont
répondu présents10.

J’ai bien conscience que le verset dit : « Fais entrer chez toi
les pauvres sans foyer ». Et je suis en effet convaincu que si
notre aide a une dimension relationnelle, c’est encore mieux.
Mais ce ne serait pas juste d’affirmer qu’apporter une aide aux
sans-abris sans les emmener chez soi, c’est de l’hypocrisie. Il se
peut que ce soit la bonne chose à faire dans certains cas, mais
pas nécessairement toujours. Cette attitude du « tout ou rien »
paralyse souvent le peuple de Dieu.
Nous pouvons vivre ce type de jeûne par l’intermédiaire
de structures organisées, mais également dans une démarche
spontanée, individuelle. J’ai un exemple juste au bout de ma
rue. Il s’agit d’un ministère intitulé Masterworks, créé par Tim
Glader. Son but est de permettre aux chômeurs de longue durée
de notre quartier d’acquérir des compétences, de la discipline

172
Tro u ve r D i e u d a n s l a s o u f f r a n c e

et de l’espoir. Ils participent, par exemple, au fonctionnement


de l’assemblée, ou encore s’entretiennent régulièrement avec un
chrétien dans une démarche de formation de disciple. Tim a
vendu son entreprise de services en chauffage et climatisation
pour lancer ce projet dans les quartiers défavorisés en 1991. Il
a également déménagé en ville avec femme et enfants. Notre
Église lui fournit les locaux et Tim s’occupe de tout le reste.
Son but est de mettre en valeur l’immensité de l’amour et de
la puissance de Christ, en offrant à des personnes quasiment
inemployables des emplois sûrs, et à temps plein. Il leur permet
ainsi de développer des compétences de travail et d’obtenir de
l’aide pour se préparer à franchir le pas qui sépare l’aide sociale
de l’autonomie. Ce projet représente plus qu’un petit « jeûne »
pour Tim et sa famille ! Il aurait été ô combien plus facile, sûr et
confortable, de savourer le « festin » de l’abondance sans avoir à
se soucier de l’existence des pauvres.

4. Dieu ordonne de vêtir ceux qui sont nus

Quand tu vois un homme nu, couvre-le !


ÉSAÏE 58 : 7C

5. Dieu ordonne d’être compatissants

Ne cherche pas à éviter celui qui est fait de la même chair


que toi !
ÉSAÏE 58 : 7D

Dieu ordonne que nous soyons compatissants, que nous


ayons de l’empathie pour les autres, que nous ressentions ce
qu’ils ressentent, parce qu’ils sont faits de la même chair que
nous.
L’idée est la même qu’en Hébreux 13 : 3 : « Souvenez-vous
des prisonniers comme si vous étiez prisonniers avec eux, et

173
J eû ner

de ceux qui sont maltraités comme si vous étiez dans leur


corps ». Cet homme, cette femme, est fait(e) de la même chair
que toi. Mets-toi à sa place, ressens ce qu’il ou elle ressent. Cela
implique, entre autres, que nous ne vivions pas retranchés
loin des lieux qui abritent les problèmes et la misère. Loin des
yeux signifie, la plupart du temps, loin du cœur et des pensées.
Nous savons tous que quelques jours dans les rues de Calcutta
peuvent bouleverser nos valeurs et nos priorités plus que n’im-
porte quelle lecture de statistiques. Le fait de vivre en ville, ou
d’habiter plus près des besoins évidents des plus pauvres, peut
nous aider à rester exposés et à ne pas nous contenter d’une
expérience de compassion occasionnelle. Ce n’est bien sûr pas
une garantie. On peut devenir insensible quel que soit le lieu
où l’on vit, ou l’on peut faire beaucoup de bien à distance. Mais
le jeûne que Dieu préconise consiste aussi à ne pas chercher à
éviter nos semblables qui sont dans le besoin.

6. Dieu ordonne de bannir le mépris

Si tu éloignes du milieu de toi […] les gestes menaçants et


les paroles mauvaises.
ÉSAÏE 58 : 9

Dieu nous ordonne de bannir tous les gestes ou mots qui


montrent du mépris pour les autres.
En hébreu, l’expression signifie littéralement « envoyer »
le doigt, ce qui évoque un peu notre « doigt d’honneur ».
N’ayez donc pas de gestes menaçants, ou provocateurs, ni de
paroles mauvaises, qui montrent du mépris pour les autres.
Oh, il est si facile d’en avoir par-dessus la tête des pauvres et
de leur arrogance ! Le jeûne que Dieu prescrit pour nous est
de renoncer totalement à une telle attitude. Ce n’est pas facile.
Dans le passé, je pensais que si nous vivions parmi les pauvres,
nous serions immanquablement sensibilisés à leurs besoins, et

174
Tro u ve r D i e u d a n s l a s o u f f r a n c e

que nous en aurions le cœur brisé. Les choses ne sont pas si


simples. Cela peut aussi avoir l’effet opposé. Cela peut nous
rendre durs, acerbes et aigris. Nous savons nous « délecter »
d’un tel cynisme, qui est tragiquement doux à notre palais.
Nous devons jeûner pour de telles choses.

7. Dieu ordonne de se donner corps et âme

Si tu donnes ta propre subsistance [âme] à celui qui a faim,


si tu rassasies l’âme indigente […]
ÉSAÏE 58 : 10 – NEG

Le Seigneur ordonne non seulement de donner de la nour-


riture, mais de nous donner nous-même, notre âme. Pas seu-
lement pour satisfaire l’estomac du pauvre, mais également
l’âme de l’affligé.
Le parallèle qui existe entre donner notre propre « âme » et
rassasier « l’âme » de l’affligé, n’est pas présente dans beaucoup
de traductions modernes ; en hébreu, le même mot est utilisé
dans les deux parties du verset. Notre ministère s’exerce de
l’âme à l’âme. Notre Église s’est récemment engagée envers
les quartiers défavorisés de notre ville par la mise en place
d’un partenariat avec un ministère intitulé InnerChange
[Changement de l’intérieur]. Grâce à ce partenariat, nous
avons appris que l’une des grandes priorités d’un ministère
consacré aux pauvres est le don de soi – plus encore que le don
de choses matérielles. Il ne faut pas se contenter d’apporter un
soulagement : il faut apporter une relation. Cela représente une
partie essentielle du jeûne prescrit par Dieu en Ésaïe 58.

LES PROMESSES DE DIEU


PLEINEMENT SUFFISANTES
Que se passerait-il dans nos vies et nos Églises si nous
placions notre confiance en Dieu, notre grand médecin, suf-

175
J eû ner

fisamment pour suivre sa prescription de jeûne en sept par-


ties ? Nous lisons à nouveau sept catégories de promesses ou
récompenses qui viennent du Père qui voit notre jeûne. Elles
ne correspondent pas nécessairement aux sept ordonnances
citées précédemment. Mais ensemble, elles brossent le tableau
d’une vie à laquelle beaucoup d’entre nous aspirent. Oh ! ne
soyons pas perturbé par le paradoxe selon lequel c’est en don-
nant notre vie que nous connaitrons la plénitude. Dieu lui-
même est prêt à s’offrir à nous. Mais voici ce qu’il souhaite
nous faire découvrir : il nous satisfait plus parfaitement si nous
le partageons plus généreusement.
Quelles sont ces sept promesses ?

1. Dieu promet que l’obscurité


dans notre vie se changera en lumière

Alors ta lumière jaillira comme l’aurore.


Ta lumière surgira au milieu des ténèbres et ton obscurité
sera pareille à la clarté de midi.
ÉSAÏE 58 : 8, 10

C’est l’un des nombreux paradoxes de Dieu : il y a plus de


lumière dans les lieux obscurs du monde pour ceux qui s’y
aventurent pour servir. Et il y a beaucoup d’obscurité dans
le scintillement des grands magasins pour tous ceux qui s’y
refugient. Jésus est la lumière du monde. Vivre auprès de lui,
c’est vivre dans l’endroit le plus lumineux de l’univers. Pour
découvrir où il vit, lisez l’Évangile et suivez son chemin.
Quel est le niveau d’obscurité de votre vie ? Êtes-vous
triste et sombre ? Votre Église est-elle morose ? Votre réunion
d’étude biblique est-elle maussade ? Un nuage gris plane-t-il
sur votre petit groupe de prière ? Si c’est le cas, vous devriez
peut-être vous lever et dire : « S’il existe un voile de morosité
au-dessus de nos têtes, nous devrions peut-être nous engager

176
Tro u ve r D i e u d a n s l a s o u f f r a n c e

pour les pauvres ». C’est ce que dit ce texte. Si vous voulez que
les nuages se dissipent, commencez par donner votre vie pour
les autres. Peut-être que vous êtes trop centré sur vous-même
en tant que personne ? En tant qu’Église, ou cellule de maison,
ou famille ? Peut-être que votre famille est devenue si centrée
sur elle-même que personne ne vient jamais chez vous. Vous ne
connaissez aucun de vos voisins. Votre famille n’exerce aucun
ministère. Et vous vous demandez pourquoi il y a un nuage qui
plane au-dessus de votre famille ? Saisissez cette promesse, et
priez ardemment au sujet du niveau d’obscurité et de lumière
dans votre vie. Voyez si oui ou non cette ordonnance est pour
vous. Pas un profil de poste pour gagner quoi que ce soit, mais
l’ordonnance d’un médecin qui vous aime et veut que vous
soyez libéré de ces ténèbres. Il veut que la lumière brille sur
vous et il connaît le chemin qui conduit à la clarté.

2. Dieu promet de vous redonner des forces

Ta restauration [ta guérison, ta santé] progressera


rapidement.
Il redonnera des forces à tes membres.
ÉSAÏE 58 : 8, 11

Qui sait à quel point notre faiblesse – personnelle ou en


tant qu’Église – vient de ce que nous ne déversons pas notre
énergie sur la faiblesse des autres ? Nous passons nos soirées
devant la télévision parce que nous sommes trop fatigués pour
faire autre chose. C’est peut-être vrai. Dieu promet cependant
de renouveler nos forces, non seulement par des soirées repo-
santes en solitaire, mais également par la pratique d’un jeûne
de télévision afin de prendre le temps d’apporter un repas à
une famille accablée par des soucis de santé. Cette dynamique
spirituelle, bien particulière, nous ne pouvons la comprendre
sans l’avoir nous-même expérimentée. Nous sommes faits
pour faire connaître la gloire de la grâce de Dieu à ceux qui

177
J eû ner

nous entourent. Et pour réaliser cela, nous aurons toujours les


forces nécessaires, même lorsque nous nous sentons à bout de
force !

3. Dieu promet d’être toujours présent pour vous


Dieu marchera devant nous, derrière nous, et au milieu de
nous, dans la justice et la gloire.

Ta justice marchera devant toi et la gloire de l’Éternel sera


ton arrière-garde.
ÉSAÏE 58 : 8

Dieu sera donc devant vous, avec justice, et derrière vous,


avec sa gloire. Non seulement cela, mais il répondra également
à votre appel.

Alors tu appelleras et l’Éternel répondra, tu crieras et il


dira : « Me voici ! »
ÉSAÏE 58 : 9

Vous pourrez appeler à l’aide à n’importe quel moment, et


Dieu répondra toujours : « Me voici ! » Lorsque nous sommes
occupés à faire ce qu’a fait son Fils, c’est-à-dire devenir pauvre
afin que d’autres deviennent riches (2 Corinthiens 8 : 9), et
que nous le faisons « avec la force que Dieu communique »
(1 Pierre 4 : 11), alors Dieu agit, derrière nous, devant nous, et
il nous entoure de son amour omnipotent, de son aide, de sa
protection et de ses soins.
Depuis des années, je défends l’idée selon laquelle Dieu a
créé la prière pour qu’elle soit un talkie-walkie en temps de
guerre, pas un interphone domestique. Il veut que nous l’ap-
pelions à l’aide parce que nous sommes en train de donner nos
vies afin de répandre une passion pour la suprématie de Dieu
en toutes choses, pour la joie de tous les peuples. La prière n’est
pas destinée à améliorer notre confort, mais à permettre au

178
Tro u ve r D i e u d a n s l a s o u f f r a n c e

royaume de Christ d’avancer. Quand Ésaïe 58 dit « Alors tu


appelleras et l’Éternel répondra », ce « alors » fait référence au
verset 7. Quand ? « Alors », c’est-à-dire, quand tu rejoindras les
forces au service de l’amour qui œuvrent parmi ceux qui n’ont
ni nourriture, ni logement, ni vêtement. C’est alors, dans la
bataille, que le Seigneur entendra l’appel du talkie-walkie et
répondra. Dieu réserve certaines fréquences spécifiques aux
territoires où l’amour est en situation d’urgence.
Ce qui ne signifie pas pour autant qu’il ne faut jamais prier
pour la guérison de son enfant qui a mal à la gorge, ou pour
que sa voiture ne tombe pas en panne. Cela signifie que si vous
n’avez pas de raisons liées à la gloire de Dieu, et à l’avancée
du royaume, pour faire ce genre de prières, elles conduiront
un jour à un dysfonctionnement du talkie-walkie. Cela ne
veut pas dire non plus qu’il n’y a pas de place pour de simples
moments passés avec Dieu, dans la prière et la communion
de la louange et du lien fraternel. Cela veut dire que votre joie
dans la communion avec Dieu est à son comble lorsque vous
la partagez. Toute louange qui ne tend pas à inclure les autres
sera gâchée.

4. Dieu promet de nous guider en permanence

L’Éternel sera constamment ton guide.


ÉSAÏE 58 : 11

Oh, quelle précieuse promesse pour nous – au milieu de


ces complexités de la vie et du ministère qui nous rendent si
perplexes ! Je me demande à quel point la confusion et l’in-
décision dans nos vies trouvent en réalité leur source dans
notre négligence du ministère envers les pauvres. Le Seigneur
semble conduire, de manière la plus intime qui soit, ceux qui
se consacrent à répondre aux besoins des autres – en parti-
culier aux besoins des pauvres. La direction de Dieu n’est pas

179
J eû ner

faite pour les chemins clairs du jardin de facilité, mais pour les
lieux sombres de la souffrance, où nous avons peu de réponses
et où aucun chemin n’a jamais été frayé. Combien de fois dans
le ministère pastoral ai-je été appelé pour intervenir dans
une crise et y suis-je allé en disant : « Seigneur, je ne sais pas
où est la solution. Aide-moi. S’il te plaît, dirige-moi. Oriente
mes pensées vers ce qui serait le plus utile » ! Et toujours, il a
répondu. Rendez-vous disponible, même pour des situations
de besoin qui dépassent vos compétences, et « le Seigneur sera
constamment votre guide ».

5. Dieu promet de satisfaire votre âme

Il rassasiera ton âme dans les sécheresses.


ÉSAÏE 58 : 11 – DAR

Nos âmes sont faites pour trouver leur satisfaction en Dieu.


Mais, toujours et encore, nous avons appris que notre satisfac-
tion en Dieu connaît son apogée lorsque nous partageons cette
satisfaction en lui avec ceux qui nous entourent . Donner notre
vie pour le bien des pauvres est un chemin qui conduit à la
plus profonde des satisfactions. Et cela nous arrivera « dans les
sécheresses ». Autrement dit, en servant les autres, votre âme
dépendra de moins en moins des circonstances extérieures
pour trouver sa satisfaction. Vous vous identifierez de plus en
plus au psalmiste qui dit :

Qui d’autre ai-je au ciel ?


Et sur la terre je ne prends plaisir qu’en toi.
Mon corps et mon cœur peuvent s’épuiser,
Dieu sera toujours le rocher de mon cœur
et ma bonne part.
PSAUMES 73 : 25-26

180
Tro u ve r D i e u d a n s l a s o u f f r a n c e

6. Dieu promet de vous transformer en jardin


toujours bien arrosé

Tu seras pareil à un jardin bien arrosé, à une source


dont l’eau n’arrête jamais de couler.
ÉSAÏE 58 : 11

Dieu fera de vous un jardin bien arrosé. Un jardin dont les


sources ne tarissent pas.
C’est en lisant ce verset que Bill Leslie a pris toute la mesure
de la beauté du « jeûne » d’Ésaïe 58. Il traversait, comme bien
des pasteurs, une saison de sécheresse. Mais là, en un seul
verset, il a trouvé ce que nous recherchons tous, ce dont nous
avons tous besoin : être nous-même arrosé et recevoir les forces
nécessaires pour arroser ceux qui nous entourent. La pro-
messe d’être à la fois « un jardin bien arrosé » et « une source »
intarissable. C’est tout le paradoxe de ce principe spirituel qui
nous vient des Écritures : plus vous vous dépensez, plus vous
débordez d’énergie. Plus vous donnez, plus vous recevez.
Mais il y a une condition. Il faut que le puits ait été creusé
et qu’il ne soit pas rebouché. Nous resterons « verdoyants » et
utiles aux autres tant qu’une source coulera dans notre âme.
De quelle source s’agit-il ? Cette promesse est accomplie dans
le Nouveau Testament, par les paroles de Jésus :

— Celui qui croit en moi, des fleuves d’eau vive [une source
d’eau qui ne fera jamais défaut] couleront de lui, comme l’a
dit l’Écriture.
Il dit cela à propos de l’Esprit que devaient recevoir ceux
qui croiraient en lui.
JEAN 7 : 38-39

Autrement dit, lorsque nous faisons confiance à Jésus pour


tout ce dont nous avons besoin, la source de la puissance de
l’Esprit jaillit dans notre vie. Et Dieu agit plus puissamment

181
J eû ner

encore lorsque, par la foi, nous nous donnons, par amour,


pour le bien de ceux qui périssent et des plus pauvres.

7. Dieu promet de restaurer


les ruines de sa cité et de son peuple
Enfin, si nous nous donnons nous-mêmes aux pauvres,
Dieu restaurera les ruines de sa cité, et de son peuple.

Grâce à toi, on reconstruira sur d’anciennes ruines,


Tu relèveras des fondations
vieilles de plusieurs générations.
On t’appellera réparateur de brèches,
Restaurateur de sentiers fréquentés.
ÉSAÏE 58 : 12

Combien de vies en ruines et de situations brisées pour-


raient être réparées si le peuple de Dieu jeûnait en faveur des
pauvres ! Qui sait quelles misères, quels dysfonctionnements,
quelles brèches, quelles afflictions et quelles oppressions pour-
raient être guéris et restaurés par le beau jeûne d’Ésaïe 58 ! Il
ne nous appartient pas de prédire à quoi la ville, l’Église, la
famille ou la société ressembleraient. En revanche, notre res-
ponsabilité est de faire confiance et d’obéir.
Faisons donc confiance au grand Médecin, le Seigneur,
celui qui peut nous guérir. Acceptons le jeûne qu’il nous a
prescrit. Il apportera lumière, guérison, direction, rafraîchis-
sement, restauration, et abondance de ressources. Et Dieu lui-
même sera devant nous, derrière nous et au milieu de nous.
Et, puisque c’est par nos bonnes œuvres que les gens verront
notre lumière et donneront gloire à notre Père qui est dans les
cieux (Matthieu 5 : 16), alors ce jeûne répandra l’Évangile du
royaume et hâtera le jour du Seigneur.
Si nous sommes réellement affamés de vivre de la plénitude
de Dieu, voilà un jeûne qui nous comblera.

182
Là, près du fleuve d’Ahava, j’ai proclamé un jeûne d’humiliation
devant notre Dieu, afin de le prier de nous accorder un heureux
voyage, à nous, à nos enfants et à tout ce qui nous appartenait.
ESDRAS 8 : 21

Par tes faibles sens et ta raison,


Ne juge pas notre Seigneur,
Mais dans sa grâce mets ta confiance.
Derrière le sourcil froncé de la providence,
Il cache un sourire de bienveillance.
Sa volonté murira,
D ’ heure en heure, elle fleurira ;
Si le bourgeon a un goût amer,
La fleur ne sera que douceur.
William Cowper 1
CHAPITRE SEPT

JEÛNER
POUR LES TOUT-PETITS

Avortement et souveraineté de Dieu


face aux fausses visions du monde

Nous n’avons pas suffisamment faim de Dieu. Non seule-


ment parce que nous avons réduit notre capacité à désirer (tel
un muscle qui ne travaille qu’en soulevant des plumes !) mais
aussi parce que nous n’avons pas développé la compétence
pour discerner ce qui est réellement désirable. Une telle com-
pétence s’acquiert en prenant l’habitude de regarder à travers
le télescope de la parole de Dieu.

185
J eû ner

COMMENT EXERCER LE MUSCLE DU DÉSIR ?

Nous avons été créés pour désirer le Tout-Puissant d’un


puissant désir.
Qui d’autre ai-je au ciel ?
Et sur la terre je ne prends plaisir qu’en toi.
Mon corps et mon cœur peuvent s’épuiser,
Dieu sera toujours le rocher de mon cœur et ma bonne
part.
PSAUMES 73 : 25-26

Comme une biche soupire après des cours d’eau,


ainsi mon âme soupire après toi, ô Dieu !
Mon âme a soif de Dieu, du Dieu vivant.
PSAUMES 42 : 2-3

Ô Dieu, tu es mon Dieu, je te cherche.


Mon âme a soif de toi,
Mon corps soupire après toi,
dans une terre aride, desséchée, sans eau.
PSAUMES 63 : 2

Et je considère même tout comme une perte à cause du


bien suprême qu’est la connaissance de Jésus-Christ mon
Seigneur. À cause de lui je me suis laissé dépouiller de tout
et je considère tout cela comme des ordures afin de gagner
Christ.
PHILIPPIENS 3 : 8

Nous utilisons toutefois le muscle de nos désirs en tour-


nant nos cœurs vers les petites choses de la terre plutôt que
vers Dieu. Voilà pourquoi notre capacité même à désirer, notre
potentiel de désir, diminue.

186
J e û n e r p o u r l e s to u t- p e t i t s

QUELLE EST LA TAILLE DES PETITES ÉTOILES ?

Nous ne prenons pas l’habitude de regarder régulièrement


à travers le télescope de la parole de Dieu. Lorsque nous le fai-
sons, les plus petites sources de lumière divine, qui scintillent
parfois dans le ciel de notre nuit la plus sombre se révèlent être
des merveilles d’une grandeur indescriptible. Nous arrive-
t-il de prier avec le psalmiste : « Ouvre mes yeux, pour que je
contemple les merveilles de ta loi » ? (Psaumes 119 : 18). Si nous
ne contemplons pas Dieu dans toute sa grandeur, nous ne le
désirerons pas dans toute sa plénitude.
Où et comment pouvons-nous contempler la gloire de
Dieu ? Il s’agit parfois d’une expérience personnelle, au som-
met d’une montagne, alors que Dieu passe devant nous. Mais
pas toujours. C’est aussi parfois une expérience collective,
alors que Dieu multiplie les plaies dans le pays d’Égypte,
ouvre la mer Rouge, engloutit la famille de Koré dans la terre,
change l’eau en vin, ressuscite les morts, transforme la vie
d’hommes égoïstes de telle sorte qu’ils sont prêts à donner
leur vie par amour et change les cœurs des rois en faveur de
la vérité.
Il existe une faim de Dieu qui dépasse le désir de vivre une
expérience personnelle. Une faim qui aspire à la manifesta-
tion publique de sa gloire dans le monde. Qui aspire à ce que
les outrages lancés contre notre Dieu soient réparés. Une faim
qui ne se satisfait pas d’espérer le secours de Dieu dans notre
sphère personnelle, aussi précieux soit-il. Une faim qui désire
ardemment le triomphe éclatant de son intervention dans les
affaires des hommes. Le triomphe de la vérité et de la justice
qui glorifient Dieu dans les universités, les tribunaux, les
agences de communication, les débats politiques, les médias,
la télévision, la radio, les journaux et les magazines, les films et
internet. Une faim qui recherche passionnément la suprématie
de Dieu en toutes choses, pour la joie de tous les peuples.

187
J eû ner

JEÛNER POUR QUE LA GLOIRE DE DIEU


SOIT MANIFESTE
Si le jeûne est le point d’exclamation après ce cri du cœur « Ô
Dieu, montre-nous ta gloire ! », alors il ne peut se contenter de
la seule dimension personnelle. Il est également en lien avec les
manifestations publiques, historiques, culturelles de la gloire
de Dieu que notre cœur désire voir partout dans le monde.
C’est ce dont je voudrais parler dans ce chapitre. Prenons
l’avortement, par exemple. Il illustre bien la grande impiété
de notre culture. Dans ce contexte, comment devrions-nous
vivre, prier et jeûner ?

LE COMBAT DE FRANCIS SCHAEFFER


Francis Schaeffer est mort le 5 mai 1984. Treize ans plus
tard, le journal Christianity Today a publié son portrait en
couverture, sous le titre « Notre saint Francis ». Dans l’article
qui lui est consacré, Michael Hamilton lui rend hommage,
écrivant qu’au cours des vingt dernières années de sa vie :

Aucun autre intellectuel, hormis C. S. Lewis, n’a influencé la


pensée évangélique plus profondément ; aucun autre res-
ponsable de cette époque, hormis Billy Graham, n’a laissé
une marque plus profonde sur l’ensemble du mouvement
évangélique. Les Schaeffer ont nourri et rendu crédible
l’idée d’une communauté chrétienne intentionnelle. Ils
ont fait sortir les évangéliques de leur ghetto culturel. Ils
ont inspiré une armée d’évangéliques à devenir de sérieux
érudits. Ils ont encouragé les femmes qui choisissaient de
jouer leur rôle de mères et de femmes au foyer. Ils ont for-
mé les responsables de la Nouvelle Droite Chrétienne, et
ont consolidé l’opposition populaire évangélique à l’avor-
tement 2.

Quarante ans se sont écoulés depuis que Schaeffer et


C. Everett Koop ont lancé l’offensive contre l’avortement par

188
J e û n e r p o u r l e s to u t- p e t i t s

le biais de leur campagne Whatever happened to the human


race ? (1979) : un livre, une série de films, ainsi qu’une tour-
née. C’est incroyable de constater à quel point ce qu’ils ont
écrit reste d’actualité aujourd’hui, et à quel point leurs mots
se sont révélés prophétiques. Michael Hamilton le reconnaît :
« Certaines critiques récentes ont constaté que la vision d’en-
semble [de Schaeffer] perdurait dans le temps. […] Il semble
en particulier avoir eu une conscience avant-gardiste sur la
question de la valeur de la vie humaine3 ».
Quand je me replonge dans les mots de Schaeffer, vieux de
plusieurs décennies déjà, ils possèdent toujours cette sonorité
prophétique, durable et vraie :

Notre époque est confrontée à une vague de déshumanisa-


tion massive, qui va de l’avortement sur demande à l’eutha-
nasie, en passant par l’infanticide. La seule chose qui puisse
freiner cette vague serait pour les gens d’avoir la certitude
de posséder une grande valeur et qu’ils sont uniques. Nous
pouvons en être sûrs uniquement si nous savons que les
hommes sont créés à l’image de Dieu. Il n’y a pas d’autre
alternative. Et la seule façon de savoir que les êtres humains
sont créés à l’image de Dieu, c’est par la Bible et par l’incar-
nation du Christ, rapportée dans la Bible.
Si l’être humain n’est pas créé à l’image de Dieu, l’huma-
niste réaliste et pessimiste a raison : la race humaine est une
aberration, une verrue sur le doux visage d’un univers silen-
cieux et dénué de sens. Dans ce contexte, il est alors tout
à fait logique de prôner l’avortement, l’infanticide, et l’eu-
thanasie (y compris le meurtre des criminels mentalement
déséquilibrés, des personnes souffrant d’un grave handicap,
ou des plus âgés qui représentent un fardeau économique).
[…] Sans la Bible et sans la révélation en Christ (qui ne nous
est rapportée que dans la Bible), il n’y a rien entre nous et
nos enfants. Rien ne s’oppose à l’éventuelle acceptation des
actes monstrueux et inhumains de notre époque4.

189
J eû ner

Et comme Michael Hamilton le remarque, « la vision


sombre de Schaeffer est aujourd’hui visible au quotidien dans
tous les médias » :
Jack Kevorkian, le « Docteur Mort », a déjà euthanasié plus
de personnes que n’en a tué Ted Bundy, mais l’État du Mi-
chigan n’a pas la volonté politique de l’arrêter. Une cour fé-
dérale a interdit à l’État de Washington de promulguer des
lois empêchant les médecins de tuer leurs patients, alors
que l’Université de Washington a le droit de prélever et de
vendre des parties du corps de milliers d’enfants avortés
chaque anné5.

LA DÉMOCRATIE LA PLUS PERMISSIVE


DU MONDE EN MATIÈRE D’AVORTEMENT

Cela ne surprendrait pas Francis Schaeffer d’apprendre


que les États-Unis sont devenus la société démocratique
la plus permissive du monde moderne en ce qui concerne
l’avortement :
Mary Ann Glendon, de la faculté de droit de Harvard, est
l’autorité suprême en ce qui concerne les lois sur l’avorte-
ment dans le monde occidental. Elle remarque que, parmi
toutes les sociétés démocratiques, les USA sont de loin les
plus permissifs en matière d’avortement. […] Elle constate
que l’Allemagne a adopté une nouvelle loi sur l’avortement
qui comporte un certain nombre de protections significa-
tives pour les bébés à naître. Comme c’est le cas dans toutes
les démocraties, sauf aux États-Unis, la loi a été adoptée par
l’intermédiaire du pouvoir législatif. Mais la Cour suprême a
déclaré, par ses actes, que les citoyens américains, considé-
rés par le passé comme des exemples sur la scène internatio-
nale en ce qui concerne la démocratie, étaient étrangement
incompétents en ce qui concerne la gouvernance de leur
propre pays6.

190
J e û n e r p o u r l e s to u t- p e t i t s

Cet étrange pouvoir de la Cour suprême prouve à quel


point la position américaine semble inflexible. Sa logique veut
que 1,6 million de vies par an soit…

…le prix à payer pour ne pas interférer avec des modes de


vie qui supposent l’avortement à la demande. C’est le ju-
gement imposé par décret juridique à une société dans la-
quelle 75 % des citoyens considèrent que l’avortement ne
devrait pas être autorisé pour les raisons évoquées dans 95%
des avortements réalisés7.

Un certain désespoir commence à s’emparer de ceux qui


ne se sentent pas gouvernés par des législateurs, mais par
des juges qui décident de ce que signifie ou ne signifie pas
la constitution. Ce désespoir conduit à évoquer des mesures
désespérées. Nous avons déjà connu des assassinats. Ce qui
n’aurait pas non plus surpris Francis Schaeffer, qui « définissait
l’avortement comme la question centrale de la société améri-
caine, appelait les chrétiens à la désobéissance civile, et même
lançait l’idée d’une résistance à opposer au gouvernement par
la force8 ». Il conclut un de ses derniers livres, en 1981, par ces
mots : « s’il ne reste aucune place pour la désobéissance civile,
alors le gouvernement est devenu autonome, et en tant que tel,
il a été érigé au rang du Dieu vivant9 ».

LA LÉGITIMITÉ D’UN RÉGIME MEURTRIER

Les mises en garde de Schaeffer semblent, encore une fois,


devenues réalité. En effet, de surprenants débats publics ont eu
lieu concernant la possible illégitimité du régime américain.
En 1996 et 1997, un congrès auquel assistaient entre autres
William Bennet, Robert Bork, Charles Colson, James Dobson,
et Richard John Neuhaus a abordé cette question. « La ques-
tion qui est ici explorée, avec la pleine conscience des graves
conséquences qui pourraient en découler, est de savoir si nous
avons atteint, ou sommes sur le point d’atteindre, la limite

191
J eû ner

au-delà de laquelle les citoyens vigilants ne peuvent plus don-


ner leur assentiment moral au régime en vigueur10 ».
Ici, il n’est pas question d’approuver les médecins avor-
teurs et leurs actes meurtriers. Il n’y a qu’un jugement sobre :
« Une civilisation ne peut tolérer la pratique de meurtres, tout
comme elle ne peut survivre longtemps à l’autorisation de tuer
des êtres humains indésirables11 ». Combien de temps survi-
vra-t-elle, là est la question. Richard Neuhaus remarque que
« les effets destructeurs de l’anomie et de la colère sont déjà
évidents, en résultat d’une loi en contradiction avec le texte
constitutionnel, l’argument moral, et les procédés démocra-
tiques. Les liens toujours si fragiles du civisme sont défaits
lorsque les politiciens incarnent, pour paraphraser Clausewitz,
une guerre menée par d’autres moyens. Une loi sans loi est une
invitation au non-respect de la loi12 ».

LES IMPLICATIONS NATIONALES


DE L’AVORTEMENT

Le droit à l’avortement détruit de précieuses vies, l’une


après l’autre. Les enfants sont les premières victimes. Viennent
ensuite les femmes, qui vivent la culpabilité, la peine, les
conséquences physiques, ainsi que les divers effets du syn-
drome post-avortement13. Puis les pères, avec leurs remords,
leur colère et une dose conséquente « d’irresponsabilité et de
comportement sexuel prédateur » qui est nourrie par la pensée
qu’il existe une solution simple pour remédier à une grossesse
non désirée. Arrive ensuite l’érosion du paysage moral, lui
qui dépend grandement des vertus, valeurs et engagements
qui dépassent largement le domaine des simples libertés
individuelles.
En février 1995, devant le président des États-Unis, Mère
Teresa a parlé avec courage et franchise des effets érosifs de
l’avortement :

192
J e û n e r p o u r l e s to u t- p e t i t s

J’ai le sentiment que le plus grand ennemi de la paix au-


jourd’hui est l’avortement, parce que l’avortement est une
guerre contre l’enfant – le meurtre direct de l’enfant innocent
– un meurtre perpétré par la mère elle-même. Et si nous pou-
vons accepter qu’une mère tue son propre enfant, comment
pouvons-nous demander aux gens de ne pas s’entretuer ? […]
En avortant, la mère n’apprend pas à aimer, mais à tuer
jusqu’à son propre enfant pour résoudre ses problèmes. Et
en avortant, on dit au père qu’il n’a besoin de prendre au-
cune responsabilité envers l’enfant qu’il a amené au monde.
Il est plus que probable que ce père placera une autre
femme dans la même situation. Un avortement conduit ain-
si à plus d’avortements. Tout pays qui accepte l’avortement
n’enseigne pas l’amour à son peuple, mais plutôt la violence
dans le but d’obtenir ce qu’il désire. C’est la raison pour
laquelle l’avortement est le plus important exterminateur
d’amour et de paix14.

C’est ce qu’affirmait également Francis Schaeffer quand il


disait : « La compassion […] est sapée à la base. Et les bébés ne
sont pas les seuls à être tués ; c’est l’humanité même qu’une
vision humaniste du monde est en train de mettre à mort15 ».

NE VOUS CONTENTEZ PAS D’UNE VISION


PARCELLAIRE DES CHOSES

C’était le point fort de Francis Schaeffer : il raisonnait


à l’échelle de la vision mondiale. Et c’est probablement à ce
niveau-là que les grandes batailles de l’univers se livrent.
Schaeffer a dit : « le problème de base des chrétiens de ce pays,
au cours des quatre-vingt dernières années […] est qu’ils ont
une vision des choses parcellaire, plutôt qu’une vue d’en-
semble16 ». Les grandes visions du monde sous-tendent des
problématiques particulières (telles que l’avortement). Ce sont
ces visions du monde qu’il faut comprendre. C’est à leur niveau
qu’il faut montrer de la résistance.

193
J eû ner

Quelle vision du monde sous-tend l’Occident moderne (et


donc le droit à l’avortement) ? Schaeffer l’appelle « l’énergie
matérielle, une vision de la réalité finale due au hasard ».

Nous devons contrer toutes les conséquences de cette vi-


sion du monde qui considère que l’énergie matérielle, for-
mée par hasard, incarne le fin mot de la réalité. Prenons
conscience que cette vision des choses engendrera inévita-
blement des résultats négatifs. Ces conséquences ne sont
pas seulement relativistes, ou fausses, mais inhumaines.
Inhumaines non seulement pour les autres, mais pour nos
enfants, nos petits-enfants, et nos enfants spirituels. Elle
amènera toujours ce qui est inhumain. Pourquoi ? Parce que
cette vision erronée de la réalité globale se méprend fon-
damentalement quant au caractère unique et à la dignité
de l’individu. Et parce qu’elle ignore totalement ce qu’est
l’homme et qui il est17.

C’est Dieu, et non l’énergie matérielle, qui est la réalité


ultime. Et c’est lui, et non le hasard, qui a formé toutes choses.
Il nous faut rétablir ce fondement : la suprématie de Dieu en
toutes choses. Tel est le grand défi auquel ce monde occidental
fait face. Une vision du monde fondée sur le hasard « ne laisse
nulle place au sens de la vie, à son but ou aux valeurs dans
l’univers ; il n’offre aucun fondement à la loi. […] C’est cette
recherche constante de contrôle du consensus qui la caracté-
rise depuis près de quarante ans18 ».

L’AVORTEMENT ET LA GUERRE
DES VISIONS DU MONDE
Notre opposition à l’avortement doit se comprendre dans ce
contexte. C’est ce qui motive la recommandation de Schaeffer :
nous ne devons pas seulement résister aux conséquences, mais
également à la vision globale du monde qui en est à l’origine.
Nous devons en tenir compte dans notre manière de prier,
d’œuvrer et de combattre pour changer les choses. « Bien sûr,

194
J e û n e r p o u r l e s to u t- p e t i t s

tout chrétien devrait prier et œuvrer pour l’abrogation de cette


abominable loi sur l’avortement. Mais il devrait aussi garder
à l’esprit que ce problème, s’il est essentiel, n’est pas isolé. Il
devrait plutôt lutter et prier pour contrer l’ensemble de cette
vision alternative du monde (l’énergie matérielle, une vision
fondée sur le hasard). Et pour contrer toutes ses conséquences,
dans tous les domaines de la vie19 ».
Aujourd’hui, les combats les plus efficaces contre l’avorte-
ment et en faveur de la vie ont bien compris cet objectif. La
vision de David Reardon en est un exemple explicitement lié à
l’approche de Schaeffer sur les visions du monde. Reardon est
spécialiste d’éthique biomédicale. Son approche et sa stratégie
font directement écho aux inquiétudes de Schaeffer :

L’objectif politique de faire interdire l’avortement ne repré-


sente qu’une vision partielle des choses. Notre véritable
désir a toujours été de créer une culture dans laquelle
l’avortement ne sera pas uniquement illégal, mais impen-
sable. Dans une telle culture, les dangers physiques, psy-
chologiques et spirituels de l’avortement seront largement
connus. Dans une telle culture, l’engagement, la compas-
sion, et le sens du devoir seraient universels et conduiraient
à l’action pour aider et protéger les mères ainsi que leurs
enfants20.

Le terme-clé, ici, est « impensable. » C’est Schaeffer, dix-


sept ans plus tôt, qui a dit : « Il existe des choses “pensables”
et d’autres “impensables” dans tous les domaines21 ». Et c’est
la vision du monde sous-jacente qui dicte ce qui est pensable
ou impensable. C’est pourquoi Reardon, Schaeffer et bien
d’autres penseurs savent que le combat contre l’avortement
n’est que la partie immergée de l’iceberg. C’est un combat
plus fondamental pour l’âme d’une culture et pour sa vision
du monde22.

195
J eû ner

LE RÔLE DE LA PRIÈRE ET DU JEÛNE


Comment nous engagerons-nous alors pour résister et pour
réformer ? Au cours des dernières années de sa vie, Schaeffer
s’est tourné de plus en plus vers la scène politique. L’étroitesse
de la piété des évangéliques (qui représentaient la « majorité
de la majorité silencieuse », et qui s’accrochaient à ses deux
« valeurs décadentes : la paix individuelle et la prospérité23 »)
l’a déçu de plus en plus. Son appel était à la fois prophétique et
intemporel.
Mais je me demande si de nombreux érudits et activistes
inspirés par Schaeffer (ils ont maintenant 60 ou 70 ans !) n’au-
raient pas besoin d’entendre un discours complémentaire sur
la puissance de la prière et du jeûne. Non comme une alter-
native à la réflexion et à l’action, mais comme un fondement
radical qui affirme : « La victoire appartient au Seigneur, même
si le cheval (de l’érudition et de la politique) se prépare pour le
jour de la bataille » (voir Proverbes 21 : 31). Prêtez attention aux
livres qui appellent à un renouveau évangélique, à une réforme
de nos manières de penser, à plus de vérité là où les techniques
prévalent. Leurs voix s’élèvent pour que la compassion de
l’Église soit à nouveau visible au sein de la société et compense
l’impuissance du gouvernement. Ils appellent à un standard
moral élevé dans la cause environnementale, comme dans
bien d’autres causes. Avons-nous le sentiment que ces ques-
tions sont des causes perdues, et que dans ce contexte, l’appel
au jeûne et à la prière ne semble pas seulement approprié, mais
désespérément nécessaire ?
C’est cet appel que je lance.

JEÛNER ET PRIER POUR LA VICTOIRE


D’UNE AUTRE VISION DU MONDE
Ce n’était pas l’appel principal de Schaeffer à la fin de sa
vie. Cet appel ne fait même pas partie de l’horizon de cer-

196
J e û n e r p o u r l e s to u t- p e t i t s

tains chrétiens aujourd’hui. Ils ne conçoivent pas que le jeûne


et la prière puissent amener les avancées miraculeuses qu’ils
décrivent et pour lesquelles ils travaillent avec tant de passion.
Schaeffer a néanmoins écrit : « Tout chrétien devrait prier et
œuvrer pour l’abrogation de cette abominable loi sur l’avorte-
ment. […] Il devrait surtout lutter et prier pour que l’ensemble
de ce qui la soutient (l’énergie matérielle, la vision fondée sur le
hasard), puisse perdre en puissance24 ». Je me demande même
si les érudits et les activistes prennent vraiment cela à cœur. Je
confesse que ma propre prière pour un changement radical de
la vision du monde n’est pas ce qu’elle devrait être. Oh ! Avec
quelle rapidité je me résigne et je tombe dans le fatalisme face
à la mentalité du monde, les théologies erronées, la corruption
des institutions, les mensonges philosophiques, et les préjugés
culturels omniprésents !
Mais ce n’est certainement pas le moment de tomber dans la
résignation ou le fatalisme. C’est le moment de prier et de jeû-
ner radicalement afin que toute notre pensée, tout notre ensei-
gnement, tous nos écrits, toute notre action sociale et toutes
nos missions véhiculent le parfum de Dieu et sèment un vent
de transformation qui dépasse largement tout ce qu’un simple
homme peut accomplir. Alors, il se pourrait qu’on entende
dire, au-delà de toutes prévisions ou possibilités humaines :
« 5 parmi vous en poursuivront 100, et 100 parmi vous en
poursuivront 10 000, et vos ennemis tomberont devant vous »
(Lévitique 26 : 8).

REJETER LA MENTALITÉ D’ASSIÉGÉ


DE BABYLONE

Où trouverons-nous donc l’assurance et les encourage-


ments nécessaires à un jeûne et une prière tournés vers d’aussi
vastes préoccupations que les visions du monde ?

197
J eû ner

Je vous propose de nous pencher sur l’histoire d’Esdras,


en particulier sur Esdras 8 : 21-23. Laissez-moi vous décrire
le contexte de ce passage afin que vous perceviez la force des
paroles d’Esdras. Ce qu’il a dit est particulièrement pertinent
pour nos problématiques de vision du monde.
Israël avait été déporté à Babylone et vivait en exil depuis
des décennies. À présent, le temps de la restauration était venu
– Dieu en avait décidé ainsi. Mais Israël n’était qu’une minus-
cule et dérisoire minorité au sein de l’immense empire perse.
Comment cela allait-il arriver ? Réponse : Dieu gouverne les
empires. Et quand le temps est venu pour son peuple de bouger,
Dieu bouge les empires. C’est le sujet des huit premiers cha-
pitres du livre d’Esdras. Et c’est une source d’espoir immense
pour le peuple de Dieu chaque fois que nous retombons dans
une mentalité de peuple assiégé.
Examinons tout d’abord Esdras 1 : 1-2

La première année du règne de Cyrus sur la Perse, l’Éternel


réveilla l’esprit de Cyrus, roi de Perse, afin
que s’accomplisse la parole de l’Éternel prononcée
par la bouche de Jérémie, et il fit faire de vive voix,
et même par écrit, la proclamation que voici dans tout son
royaume : « Voici ce que dit Cyrus, roi de Perse : L’Éternel, le
Dieu du ciel, m’a donné tous les royaumes
de la terre et m’a désigné pour lui construire un temple
à Jérusalem, en Juda ».

Dieu règne en souverain sur l’esprit et la volonté de Cyrus,


le roi le plus puissant du monde. Dieu avait prophétisé par
Jérémie que le peuple reviendrait dans son propre pays. « Dès
que 70 ans seront passés pour Babylone, j’interviendrai en
votre faveur, j’accomplirai ce que je vous ai promis en vous
ramenant ici » (Jérémie 29 : 10). Dieu ne laisse jamais ses pro-
phéties dépendre du bon vouloir de l’homme. Il ne se contente
pas de prédire ; il agit de façon à réaliser ses prédictions. C’est
pourquoi ses prédictions sont aussi certaines qu’il est puissant.

198
J e û n e r p o u r l e s to u t- p e t i t s

Il est donc dit en Esdras 1 : 1 : « L’Éternel réveilla l’esprit


de Cyrus ». Cyrus n’a pas seulement expérimenté de façon
inexplicable l’accomplissement d’une prophétie ; il a fait l’ex-
périence de ce qui se passe quand Dieu lui-même travaille
souverainement à l’accomplissement d’une prophétie. Voilà la
réponse. Lorsque Dieu est prêt à accomplir une grande chose
dans le monde, il peut le faire : que ce soit par l’intermédiaire
d’un roi perse ou d’un prophète, par un livre ou par l’engage-
ment d’un militant chrétien pour la vie. Voilà la clé : Dieu est
absolument souverain et il règne sur les empires du monde,
sur l’esprit et la volonté des rois, des penseurs, des politiciens
et des présidents d’université.

MÊME LES REVERS CONCOURENT


AU PLUS GRAND BIEN

Voilà ce qui s’est passé. Une première vague de réfugiés


a quitté Babylone pour retourner en Israël. Plus de 42 000
personnes. Elles commencent à reconstruire le temple. Mais
leurs ennemis en Juda s’opposent à eux et écrivent au nouvel
empereur, Artaxerxès, l’informant qu’une cité rebelle est en
cours de reconstruction (Esdras 4 : 12). Artaxerxès suspend
donc le travail de reconstruction du temple. Les plans de Dieu
semblent contrecarrés.
C’est souvent ainsi que les choses se passent : un grand
mouvement est amorcé dans la bonne direction dans l’Église,
dans une ville ou dans toute une société, puis arrive un revers.
Les pessimistes, qui ont une vue limitée de Dieu, commencent
alors à se plaindre. Mais cette histoire va nous redonner de
l’espoir.
Le plan de Dieu était tout autre. Il était meilleur. Non seule-
ment l’opposition et le revers sont surmontés, mais ils servent
aussi le plan de Dieu. Oh ! si nous pouvions comprendre que
les années difficiles de vaches maigres nous préparent à la

199
J eû ner

bénédiction de Dieu ! Tôt ou tard, il le transforme pour notre


bien. Il est Dieu. C’est précisément ce qu’il va faire dans notre
récit. Selon Esdras 5 : 1, Dieu envoie deux prophètes, Aggée et
Zacharie, qui encouragent le peuple à reprendre les travaux :

Maintenant, fortifie-toi, Zorobabel ! déclare l’Éternel.


Fortifie-toi, Josué, fils de Jotsadak, grand-prêtre ! Fortifie-
toi, peuple entier du pays, déclare l’Éternel, et travaillez, car
je suis moi-même avec vous, déclare l’Éternel, le maître de
l’univers. […]
L’argent m’appartient, l’or m’appartient, déclare l’Éternel,
le maître de l’univers. La gloire de ce dernier temple sera
plus grande que celle du premier, dit l’Éternel, le maître
de l’univers, et c’est dans ce lieu que je donnerai la paix,
déclare l’Éternel, le maître de l’univers.
AGGÉE 2 : 4, 8-9

Comme souvent, ce regain d’énergie et de progrès pro-


voque une nouvelle vague d’opposition. Ici, les ennemis
utilisent la même tactique : ils écrivent au nouvel empereur,
Darius, nourrissant l’espoir de mettre fin à la construction à
Jérusalem. Mais cette fois, cela se retourne contre eux, et nous
comprenons enfin pourquoi Dieu avait permis l’interruption
précédente des travaux.
Darius fait quelques recherches avant de répondre aux
ennemis d’Israël. Il fouille dans les archives et que trouve-t-il ?
Le décret original de Cyrus qui autorise la construction du
temple. Sa réponse est incroyable ! Elle dépasse tout ce que les
Israélites démunis pouvaient demander ou penser. Voici com-
ment Darius répond aux ennemis de Juda :

Laissez les travaux de cette maison de Dieu se poursuivre.


Que le gouverneur des Juifs et les anciens des Juifs la
reconstruisent sur son emplacement.
Voici l’ordre que je donne concernant la manière dont vous
devrez vous comporter envers ces anciens des Juifs pour la

200
J e û n e r p o u r l e s to u t- p e t i t s

construction de cette maison de Dieu : on prendra sur les


biens du roi provenant des taxes de la région située à l’ouest
de l’Euphrate pour rembourser exactement les frais de ces
hommes, afin qu’il n’y ait pas d’interruption des travaux.
ESDRAS 6 : 7-8

Quel formidable retournement de situation ! Quel grand


Dieu ! Les Juifs pensaient que leurs ennemis avaient triomphé,
mais Dieu était en train de retourner l’histoire à leur avan-
tage. Non seulement leurs ennemis ont permis la construc-
tion du temple, mais ils l’ont aussi financée ! C’est écrit noir
sur blanc : « L’Éternel les avait réjouis en disposant le roi d’As-
syrie à les soutenir dans les travaux de la maison de Dieu,
du Dieu d’Israël » (Esdras 6 : 22). Dieu règne sur les cœurs
des rois, des empereurs, des présidents, des scientifiques, des
chercheurs et des juges, des gouverneurs et des maires. Voici
un fondement solide pour nous motiver à jeûner et à prier
face à nos préoccupations concernant la vision du monde.
Oui, Dieu peut convertir les individus, et il peut influencer
leur pensée même s’ils ne sont pas convertis. Quelle leçon
pour nous dans notre lutte pour que la vérité triomphe, dans
l’Église et la culture !

Par tes faibles sens et ta raison,


Ne juge pas notre Seigneur,
Mais dans sa grâce mets ta confiance.
Derrière le sourcil froncé de la providence,
Il cache un sourire de bienveillance.
Sa volonté murira,
D’heure en heure, elle fleurira ;
Si le bourgeon a un goût amer,
La fleur ne sera que douceur25.

Quelles leçons pour nous ! Identifiez votre propre revers,


l’échec qui vous décourage : se situe-t-il sur un plan person-
nel, politique, universitaire, ecclésiastique, culturel, mon-

201
J eû ner

dial ? Quel chrétien osera dire que Dieu n’est pas impliqué en
œuvrant pour le bien des siens et pour la gloire de son nom ?
Si notre Dieu est le Dieu d’Esdras, il ne peut qu’être impliqué !
Ces revers servent, en réalité, un objectif de justice, plus grand
et plus incroyable que tout ce que nous pourrions imaginer !

LE CŒUR DU ROI EST UN COURANT D’EAU


DANS LES MAINS DE DIEU
Après cela, Esdras fait son apparition et nous revenons
en arrière, vers le règne d’Artaxerxès. Le roi envoie Esdras et
ses compagnons à Jérusalem. Le roi lui donne même tout ce
dont il a besoin pour le voyage (Esdras 7 : 6). Mais pourquoi
le roi, qui a stoppé la construction du temple, fait-il une chose
pareille ? Esdras en donne la réponse dans sa prière : « Béni soit
l’Éternel, le Dieu de nos ancêtres, qui a mis dans le cœur du roi
un tel intérêt » (Esdras 7 : 27). C’est Dieu qui a fait cela. Dieu a
mis cela dans son cœur.
Il l’a fait pour Cyrus (Esdras 1 : 1) ; il l’a fait pour Darius
(Esdras 6 : 22) ; et il l’a fait pour Artaxerxès (Esdras 7 : 27). « Le
cœur du roi est un simple courant d’eau dans la main de l’Éter-
nel : il l’oriente comme il le désire » (Proverbes 21 : 1). Dieu
gouverne le monde. Il gouverne le cours de l’histoire : « Quelle
profondeur ont la richesse, la sagesse et la connaissance de
Dieu ! Que ses jugements sont insondables, et ses voies impé-
nétrables ! » (Romains 11 : 33). Nous ne pouvons saisir l’infinie
sagesse de ses voies. Il nous appartient de lui faire confiance,
d’obéir, et de prier. Et, comme nous allons le voir, de jeûner.

JEÛNER DEVANT UN DIEU


MONDIALEMENT SOUVERAIN
C’est ce qui nous amène à l’initiative d’Esdras lorsqu’il a
quitté la captivité pour se rendre à Jérusalem. Il a refusé toute
escorte militaire : il voulait témoigner devant Artaxerxès de

202
J e û n e r p o u r l e s to u t- p e t i t s

la puissance et de la fidélité de Dieu, capable de protéger les


siens. Plutôt que de rechercher l’aide du roi, il a cherché l’aide
de Dieu, et il l’a cherché en jeûnant :

Là, près du fleuve d’Ahava, j’ai proclamé un jeûne


d’humiliation devant notre Dieu, afin de le prier de nous
accorder un heureux voyage, à nous, à nos enfants (c’est
ici qu’il y a un rapport avec le fait de sauver les enfants de
l’avortement) et à tout ce qui nous appartenait. J’aurais eu
honte de demander au roi une escorte et des cavaliers pour
nous protéger contre l’ennemi pendant la route, car nous
lui avions affirmé : « La main de notre Dieu repose sur tous
ceux qui le recherchent afin de leur faire du bien, tandis que
sa force et sa colère frappent tous ceux qui l’abandonnent. »
C’est pour cela que nous avons jeûné et recherché notre
Dieu, et il a accueilli favorablement notre prière.
ESDRAS 8 : 21-23

Au verset 21, le jeûne est une manifestation d’humilité. Il


est vécu dans un sentiment de dépendance totale et désespérée
envers Dieu, le seul qui puisse répondre à nos besoins : « J’ai
proclamé un jeûne d’humiliation ». Si une chose est claire,
dans l’analyse de Francis Schaeffer sur ce qui fonde le droit à
l’avortement, c’est que la vision humaniste du monde répan-
due dans la culture occidentale est absolument intraitable. À
tel point que nous sommes totalement dépendants de Dieu
pour y résister et réussir à la réformer. Une réflexion sérieuse,
des écrits convaincants, un activisme social et un engagement
politique sont tous les bienvenus. Mais à moins que le Dieu
souverain n’intervienne dans les esprits fermés (comme il l’a
fait pour Cyrus, Darius et Artaxerxès), nos meilleurs raison-
nements et nos plus belles actions seront muselés et renversés.
Mais Esdras n’a pas jeûné seulement pour s’humilier et
manifester son désespoir. Il voulait aussi exprimer son pro-
fond désir de Dieu avec le plus grand sérieux. C’était, pour
lui, une question de vie ou de mort : « C’est pour cela que nous

203
J eû ner

avons jeûné et recherché notre Dieu ». Le jeûne accompagne


la prière avec toute l’intensité de celui qui a faim de Dieu, et
il dit : « Nous n’avons personnellement pas les capacités de
gagner cette bataille. Nous ne pouvons pas changer les cœurs
et les mentalités. Nous ne sommes pas capables de changer les
visions du monde et de transformer la culture. Ni de sauver
1,6 million d’enfants. Nous ne sommes pas capables de réfor-
mer le système judiciaire, de donner suffisamment de courage
à la législature ou de réveiller une population endormie. Nous
ne sommes pas capables de guérir les fléaux des idéologies
qui nient l’existence de Dieu et de mettre fin à leurs actes san-
glants. Mais toi, Ô Dieu, tu en es capable ! Et nous ne voulons
plus dépendre de nous, mais de toi. Nous crions à toi et te
supplions : pour ta gloire, pour ton nom, pour l’avancement
de ton plan de rédemption pour le monde, pour qu’éclatent ta
sagesse, ta puissance et ton autorité sur toutes choses, pour que
ta vérité marque ce monde de son empreinte, pour le secours
des pauvres et des plus démunis... Agis, Ô Dieu ! Vois à quel
point nous aspirons à la manifestation de ta puissance. Nous
prions et jeûnons avec toute notre réflexion, tous nos écrits,
toutes nos actions. Viens. Manifeste ta gloire ».
Les conséquences pleines de grâce du jeûne et de la prière
sont mentionnées un peu plus loin : « Il a accueilli favorablement
notre prière » (Esdras 8 : 23). Les enfants ont été épargnés. Le
cœur du roi a été touché. Les ennemis ont été chassés. Dieu, qui
peut toucher le cœur des rois, choisit d’être touché par les plus
faibles et d’agir par sa force souveraine en leur nom. Incroyable !

« FAIRE FRUCTIFIER »
EN ATTENDANT SA VENUE

Je lance un appel. Cherchez le Seigneur avec moi au sujet


de la place que devrait prendre le jeûne et la prière dans le
combat pour percer l’obscurité de l’esprit qui pèse sur le

204
J e û n e r p o u r l e s to u t- p e t i t s

monde moderne et qui engendre l’avortement et des centaines


d’autres maux. Je ne lance pas un appel à un mouvement de
colère qui hurlerait aux méchants : « Rends-moi mon pays ! » Je
lance un appel aux étrangers et aux exilés de cette terre, dont
la citoyenneté est dans les cieux, et qui attendent l’apparition
de leur Roi. Un appel à se mettre à la tâche, à « faire fructifier »
en attendant sa venue (Luc 19 : 13). Et la meilleure manière de
porter du fruit pour un chrétien, c’est de faire « tout pour la
gloire de Dieu » (1 Corinthiens 10 : 31), c’est de prier pour que
le nom de Dieu soit sanctifié, pour que son règne vienne et
que sa volonté soit faite sur la terre (Matthieu 6 : 9-10). C’est de
désirer, travailler, prier et jeûner, non seulement pour la révé-
lation finale du Fils de l’Homme, mais également, en atten-
dant sa venue, pour que la démonstration de son Esprit et de sa
puissance atteigne chaque peuple de la terre, vienne au secours
de ceux qui périssent, purifie l’Église et répare autant de torts
causés que Dieu le permettra.
Face à de si grandes tâches, il est difficile de parvenir à
trouver un équilibre biblique et de comprendre comment nous
devons agir. Mais ici aussi, la réponse nous sera peut-être don-
née au travers d’un jeûne fidèle. Que le Seigneur permette que
la grandeur de notre appel ne paralyse pas nos désirs. Mais
que notre faim pour la manifestation – privée et publique – de
la gloire de notre grand Dieu puisse aboutir, par le jeûne, la
prière et toute œuvre bonne.

205
Heureux vous qui avez faim maintenant,
car vous serez rassasiés !
LUC 6 : 21

Qui lui a donné le premier, pour être payé en retour ?


C’est de lui, par lui et pour lui que sont toutes choses.
À lui la gloire dans tous les siècles !
Amen !
ROMAINS 11 : 35-36

Il a plu à Dieu que la prière soit le vecteur du flot de sa grâce ; Et il


est heureux de déverser sa grâce suite à la prière, comme si la prière,
était le moyen de l ’emporter sur lui.
Lorsque le peuple de Dieu s ’éveille à la prière, c ’est l’effet de son
intention de manifester sa miséricorde ; c ’est dans ce but qu ’il répand
l ’esprit de grâce et de supplication.
Jonathan Edwards 1
CONCLUSION

POURQUOI DIEU
RÉCOMPENSE LE JEÛNE ?

Nous n’avons pas répondu à une question essentielle :


pourquoi Dieu est-il réceptif au jeûne ? Pourquoi nous
récompense-t-il lorsque nous jeûnons ? C’est en effet ce
qu’il fait et nous le constatons tout au long de la Bible et de
l’histoire. Jésus l’avait d’ailleurs promis : « et ton Père qui
voit [ton jeûne] dans le secret, te récompensera » (Matthieu
6 : 18 – DAR). La question est importante : si nous y répon-
dons mal, nous risquerions de déshonorer Dieu et de nous
faire un grand tort.

UNE RÉPONSE QUI DÉSHONORE DIEU


ET NOUS FAIT DU TORT

Si, par exemple, nous prétendions que Dieu récompense


le jeûne à cause des mérites de celui qui jeûne, notre réponse

207
J eû ner

déshonorerait Dieu. Nous transformerions en effet sa grâce en


transaction purement commerciale. Ce qui impliquerait que
le jeûne émanerait en fin de compte de notre propre volonté
et que cette discipline personnelle serait ensuite offerte à Dieu
afin d’en obtenir une récompense. Cette réponse déshonore
Dieu car en disant cela, nous nous approprions ce qui n’appar-
tient qu’à Dieu : l’origine réelle de notre initiative de jeûne et
de prière. Lorsque nous faisons cela, nous prenons la place de
Dieu, et nous annulons la liberté de sa grâce.
Cela nous fait aussi beaucoup de tort d’un point de vue per-
sonnel. Si nous choisissons ce type de relation avec Dieu, nous
ne serons pas les bénéficiaires de sa grâce mais uniquement
de sa justice ! Autrement dit, nous obtiendrons de Dieu ce que
nous méritons, plutôt que le « don gratuit » de la vie éternelle
(Romains 6 : 23). Pour reprendre les termes de l’apôtre Paul,
cette façon de voir la réponse de Dieu au jeûne transforme
notre démarche en « œuvre » : « À celui qui fait une œuvre, le
salaire est compté non comme une grâce, mais comme un dû »
(Romains 4 : 4 – COL). Ce qui pourrait se traduire littérale-
ment : « Pour celui qui accomplit une œuvre, la récompense
n’est pas mesurée en fonction de la grâce, mais en fonction de
la dette ». Si nous prétendons que Dieu récompense le jeûne
par un « salaire », ou un règlement de « dette » envers ceux qui
ont gagné ou mérité leur récompense en jeûnant, alors nous
agissons comme si « la récompense n’était pas évaluée en fonc-
tion de la grâce ». Ce type de relation avec Dieu est fatal. En
effet, la seule alternative à la grâce offerte gratuitement par
Dieu, c’est la condamnation.
Dieu ne sauve pas « par grâce […] par le moyen de la foi »
(Éphésiens 2 : 8) pour récompenser ensuite notre jeûne « par
justice… par le moyen des œuvres ». La récompense de la jus-
tification, et toute récompense qui en découle, vient à nous sur
la même base et par les mêmes moyens :

208
Po u rq u o i D i e u ré c o m p e n s e l e j e û n e ?

• Sur la base de l’œuvre de Dieu en Christ : sa mort rédemp-


trice (Romains 3 : 24)
• Par les moyens de l’œuvre de Dieu en nous : notre foi
agissante (Éphésiens 2 : 8 ; Galates 5 : 6).

La tentative de mériter ou de gagner quoi que ce soit de la


part de Dieu est diabolique et fatale, que ce soit avant ou après
notre conversion. Tout acte qui annule la grâce est enraciné
dans le mal et entraîne la mort.
C’est pourquoi, en répondant mal à la question « Pourquoi
Dieu récompense-t-il le jeûne », nous risquons de déshonorer
Dieu et de nous faire un grand tort. Nous devons absolument
bien répondre à cette question : la gloire de Dieu et notre
propre bien sont en jeu.

JEÛNER EST « DE LUI, PAR LUI ET POUR LUI »

Dieu ne répond pas à notre jeûne parce qu’à travers celui-ci,


il apprend quelque chose au sujet de notre foi ou de notre atta-
chement à lui. Il connaît nos cœurs mieux que nous-même. En
réalité, notre cœur et notre foi de nouveau-né sont l’ouvrage
de Dieu lui-même. Il nous connaît parce qu’il connaît l’œuvre
qu’il a lui-même créée : « En réalité, c’est lui qui nous a faits ;
nous avons été créés en Jésus-Christ pour des œuvres bonnes
que Dieu a préparées d’avance afin que nous les pratiquions »
(Éphésiens 2 : 10). Et il ne nous a pas uniquement créés pour
avoir foi en lui, mais aussi pour faire en nous « ce qui lui est
agréable par Jésus-Christ » (Hébreux 13 : 21). C’est notre devoir
et notre plaisir de choisir l’obéissance, heure après heure, mais
n’oublions jamais : « c’est Dieu qui produit en vous le vouloir et
le faire pour son projet bienveillant » (Philippiens 2 : 13).
La raison principale qui explique pourquoi le jeûne ne peut
rien mériter de Dieu est la suivante : le jeûne est un don de Dieu
lui-même ! C’est quelque chose que Dieu « produit en vous ».

209
J eû ner

Vous ne pouvez pas attendre de Dieu qu’il paie pour ce qui lui
appartient déjà. C’est là où Paul voulait en venir en écrivant :
« Qui a donné le premier [à Dieu], pour être payé en retour ?
C’est de lui, par lui et pour lui que sont toutes choses. À lui la
gloire dans tous les siècles ! Amen ! » (Romains 11 : 35-36). Et
cela inclut le jeûne. Il est de lui, par lui et pour lui. Il n’est pas
offert à Dieu dans le but d’en retirer un salaire. Il est donné
par Dieu afin que nous puissions en bénéficier et qu’il puisse
en être glorifié.

LA VÉRITABLE SOURCE DU SACRIFICE


Lorsque le roi David a vu son peuple sacrifier ses richesses
pour construire le temple – comme l’on peut sacrifier sa nour-
riture dans le jeûne –, il n’a pas été rempli de fierté devant la
vertu et la force de volonté de son peuple. Il s’est humilié en
reconnaissant que Dieu lui-même avait déversé la grâce de la
générosité : « Qui suis-je donc, et qui est mon peuple, pour que
nous soyons capables de faire de pareilles offrandes volontaires ?
Tout vient de toi, et c’est de ta main que vient ce que nous te
donnons ! » (1 Chroniques 29 : 14 – NBS). Voilà comment nous
devrions parler du jeûne. Il n’y a aucune raison de se vanter. Qui
suis-je pour être capable de jeûner ? Rien du tout. Rien en moi
ne pourrait choisir d’accomplir cela pour ta gloire. Rien, sauf
ta grâce qui transforme. Lorsque David a réfléchi à l’avenir, et
évalué si cet élan de sacrifice durerait dans le temps, il a prié :
« Éternel, Dieu de nos ancêtres Abraham, Isaac et Israël, garde
à toujours ces intentions dans le cœur de ton peuple et affermis
son cœur pour qu’il reste tourné vers toi » (1 Chroniques 29 : 18).
Voilà comment nous devrions prier à propos de notre propre
jeûne et du jeûne de l’Église chrétienne : « Ô Seigneur, garde
bien vivantes les intentions de jeûner que tu as toi-même créées,
et dirige les cœurs des tiens vers toi, la source permanente de
toute leur joie ».

210
Po u rq u o i D i e u ré c o m p e n s e l e j e û n e ?

DIEU RÉCOMPENSE CEUX QUI SONT FAIBLES


ET ESPÈRENT EN LUI
Alors, si Dieu ne récompense pas le jeûne parce que nous
l’aurions créé par nos efforts, puis offert pour qu’il nous
récompense, alors pourquoi le récompense-t-il ? Si Dieu lui-
même génère le désir de jeûner et qu’il le soutient dans la
durée, pourquoi l’aurait-il fait en vue d’une récompense ?
La réponse est simple : Dieu s’est engagé à récompenser les
actions qui proviennent d’un cœur humain exprimant son
impuissance personnelle et son espérance en Dieu. Tout au
long des Écritures, Dieu ne cesse de faire cette promesse : il
vient en aide à ceux qui cessent de dépendre d’eux-mêmes et
recherchent en Dieu leur trésor et leur secours.

Vous tous qui avez soif, venez vers l’eau, même celui qui n’a
pas d’argent ! Venez, achetez et mangez, venez, achetez du
vin et du lait sans argent, sans rien payer ! […] Écoutez-moi
vraiment et vous mangerez ce qui est bon, vous savourerez
des plats succulents. Tendez l’oreille et venez à moi,
écoutez donc et vous vivrez !
ÉSAÏE 55 : 1-3

Dieu promet l’eau, le vin, le lait et la vie que l’argent ne


peut pas acheter, précisément à ceux qui n’ont pas d’argent,
mais seulement soif. Il le promet s’ils se détournent de ce que
l’argent peut acheter et s’ils viennent à lui.

À celui qui a soif, je donnerai à boire gratuitement de


la source de l’eau de la vie. […] Que celui qui a soif
vienne ! Que celui qui veut de l’eau de la vie la prenne
gratuitement !
APOCALYPSE 21 : 6 ; 22 : 17

La récompense de la vie n’est pas pour ceux qui ont les


moyens de l’acquérir ou qui travaillent pour l’obtenir. Elle est
offerte « sans rien payer » ! C’est gratuit. Son « prix », c’est une

211
J eû ner

soif qui nous détourne des citernes percées du monde, pour


nous diriger vers la fontaine intarissable de Dieu.
Ce sont les « pauvres en esprit » qui auront comme récom-
pense le royaume des cieux (Matthieu 5 : 3). C’est pour ceux
qui « comptent sur lui » que le Seigneur agit (Ésaïe 64 : 3). Ce
sont ceux qui placent leur confiance en Dieu plutôt qu’en leurs
chevaux, ou en leurs chars, qui triomphent par sa puissance
(1 Chroniques 5 : 20 ; 2 Chroniques 13 : 18 ; Psaumes 20 : 8).
Ce sont ceux qui font de l’Éternel leurs délices et qui lui font
confiance qui obtiennent ce que leur cœur désire (Psaumes
37 : 4-5). Les sacrifices que Dieu agrée sont un esprit brisé et
un cœur contrit. Ce sont précisément ces choses vides qu’il
récompense (Psaumes 51 : 19). Celui qui sert Dieu non par ses
propres forces, mais « avec la force que Dieu communique »,
celui-là sera récompensé par le Seigneur (1 Pierre 4 : 11).

L’ENGAGEMENT SUPRÊME DE DIEU : SA GLOIRE


Dieu récompense les actions qui proviennent d’un cœur
humain exprimant son impuissance personnelle et son espé-
rance en Dieu. Pourquoi ? Parce que ces actes focalisent l’atten-
tion sur la gloire de Dieu. 1 Pierre 4 : 11 le dit clairement : « si
quelqu’un accomplit un service, qu’il le fasse avec la force que
Dieu communique, afin qu’en tout Dieu reçoive la gloire qui
lui est due à travers Jésus-Christ. C’est à lui qu’appartiennent
la gloire et la puissance, aux siècles des siècles. Amen ! » Avez-
vous saisi la logique du verset ? Si je sers, non avec mes propres
forces, mais avec la force que Dieu communique, alors la gloire
est pour Dieu. Le donateur reçoit la gloire.
Dieu fait tout pour sa gloire. Les Écritures nous le montrent
et Jonathan Edwards l’a puissamment démontré dans son essai
intitulé Dissertation concerning the end for which God created
the world [Traité sur la fin pour laquelle Dieu a créé le monde] :
« Il semble que tout ce qui a été rapporté dans les Écritures

212
Po u rq u o i D i e u ré c o m p e n s e l e j e û n e ?

concernant l’objectif final des œuvres de Dieu peut se résumer


en une seule expression : “la gloire de Dieu”2 ».

• Dieu élit son peuple avant la fondation du monde pour sa


gloire (Éphésiens 1 : 5).
• Il crée les êtres humains pour sa gloire (Ésaïe 43 : 7).
• Il choisit Israël pour sa gloire (Ésaïe 49 : 3).
• Il les délivre de l’Égypte pour sa gloire (Psaumes 106 : 7-8).
• Il envoie son Fils pour confirmer qu’il est vrai et pour que
les non-Juifs le glorifient pour sa bonté (Romains 15 : 8-9).
• Il met à mort son Fils pour démontrer la gloire de sa jus-
tice (Romains 3 : 25-26).
• Il envoie l’Esprit saint pour glorifier son Fils (Jean 16 : 14).
• Il ordonne à son peuple de faire toutes choses pour sa
gloire (1 Corinthiens 10 : 31).
• Il enverra son Fils une seconde fois pour recevoir la gloire
qui lui est due (2 Thessaloniciens 1 : 9-10).
• Il remplira un jour toute la terre de la connaissance de sa
gloire (Habakuk 2 : 14).

Le but ultime de Dieu dans tout ce qu’il fait est de rendre


visible sa gloire pour le plaisir de tous ceux qui l’apprécient et
le désespoir de tous ceux qui la rejette. C’est pourquoi il récom-
pense les actes qui confessent l’impuissance de l’homme et qui
expriment l’espérance en Dieu. Parce que de tels actes mettent
en valeur sa gloire.

UNE OFFRANDE DE VIDE POUR MONTRER


OÙ TROUVER LA PLÉNITUDE
C’est le but explicite de la prière : « Tout ce que vous deman-
derez en mon nom, je le ferai afin que la gloire du Père soit
révélée dans le Fils » (Jean 14 : 13). Dieu répond aux prières afin

213
J eû ner

que, lorsque nous éloignons nos regards de nous-même pour


les tourner vers Christ, notre unique espérance, le Père puisse
mettre en valeur la gloire de sa grâce dans l’œuvre pleinement
suffisante de son Fils.
Le jeûne est lui aussi particulièrement adapté pour glori-
fier Dieu de la sorte. Car il est, au fond, une offrande de vide,
adressée à Dieu avec espoir. C’est un sacrifice de nos besoins et
de notre faim. Le jeûne proclame, par sa nature même : « Père,
je suis vide, mais tu es plénitude. J’ai faim, mais tu es le Pain
du ciel. J’ai soif, mais tu es la Fontaine de la vie. Je suis faible,
mais tu es fort. Je suis pauvre, mais tu es riche. Je suis insensé,
mais tu es sage. Je suis en morceaux, mais tu es complet. Je
meurs, mais ton amour indéfectible vaut mieux que la vie » (cf.
Psaumes 63 : 4).
Quand Dieu voit la confession d’un tel besoin et l’expres-
sion d’une telle confiance, il agit parce que la gloire de sa grâce
toute-suffisante est en jeu. Voici la réponse finale : Dieu récom-
pense le jeûne parce que le jeûne exprime un cri du cœur :
« Rien sur la terre ne peut satisfaire nos âmes… sinon Dieu ! »
Dieu doit récompenser ce cri car lorsque nous trouvons notre
plus grande satisfaction en lui, c’est alors que Dieu est le plus
glorifié en nous.

214
Souvenez-vous de vos conducteurs qui vous ont annoncé la
parole de Dieu. Considérez quel est le bilan de leur vie et imitez
leur foi.
HÉBREUX 13 : 7

Certains, sous le prétexte d ’ être conduits par l’Esprit de Dieu,


refusent d ’ être instruits par les livres ou par des hommes autour
d ’eux. Cela n ’ honore pas l’Esprit de Dieu. C’est un manque de respect
envers lui, car s ’il accorde à certains de ses serviteurs plus de lumière
qu ’ à d ’autres (et il est clair que c ’est ce qu ’il fait), ils sont alors
obligés de transmettre cette lumière aux autres, et l ’utiliser pour le
bien de l ’Église. Mais si l ’autre partie de l’Église refuse de recevoir
cette lumière, pourquoi l ’Esprit de Dieu l ’a-t-il donnée ? Cela
signifierait qu ’il y ait une erreur quelque part dans l ’économie des
dons de Dieu et de ses grâces, qui sont gérés par le Saint-Esprit.
Charles Spurgeon 1
ANNEXES

CITATIONS ET EXPÉRIENCES
Ces citations et expériences représentent un échantillon
des lectures qui m’ont aidé à préparer ce livre. Je les ajoute ici
dans le but d’inspirer, et d’instruire, même si je ne prétends
pas être d’accord avec tout ce qui y est dit. Je cite mes sources
afin que le lecteur puisse connaître le contexte. Une simple
citation fait parfois autant d’effet que tout le chapitre d’un
livre. Dieu utilisera peut-être un de ces courts extraits pour
vous donner faim de Dieu.

IGNACE D’ANTIOCHE
Évêque d’Antioche à la fin du premier siècle.
Consacre-toi au jeûne et à la prière, mais sans en abuser, afin
de ne pas te détruire toi-même. Ne t’abstiens pas de vin et
de viande, car nous ne devons pas regarder ces choses avec
aversion. En effet, les Écritures disent : « Vous mangerez les
meilleurs produits du pays ». Et : « Tout ce qui se déplace et
qui vit vous servira de nourriture : je vous donne tout cela
de la même manière que je vous ai donné l’herbe verte ». Et
encore : « le vin qui réjouit le cœur de l’homme et fait plus que

217
J eû ner

l’huile resplendir son visage, et le pain qui fortifie le cœur de


l’homme ». Mais de toutes ces choses, nous devons jouir avec
modération, car ce sont des cadeaux de Dieu : « Car qui peut
manger, et qui peut boire, sans lui ? Car tout ce qui est beau
est à lui ; et tout ce qui est bon est à lui »2.

AUGUSTIN D’HIPPONE
Évêque d’Hippone, qui vécut de 354 à 430.
Nous mangeons et buvons pour réparer les dégâts quotidiens
infligés à nos corps, en attendant que tu détruises à la fois
ventre et viande quand tu auras comblé le vide qui m’habite
par une merveilleuse plénitude en habillant ce corps corrup-
tible d’une incorruptibilité éternelle (1 Corinthiens 15 : 53).
Mais aujourd’hui, cette nécessité m’est douce, et c’est contre
cette douceur que je lutte, pour ne pas en devenir l’esclave.
Et je mène un combat de tous les instants par le jeûne. Je
traite durement mon corps et je le discipline régulièrement.
Et pourtant, je ne puis éviter le plaisir qui chasse les douleurs
du besoin. […] Il m’est parfois difficile de discerner si nous
offrons à notre corps une nourriture nécessaire ou si nous le
nourrissons par une gourmandise voluptueuse et trompeuse.
Notre pauvre âme se réjouit de cette incertitude : elle se pré-
pare ainsi un prétexte derrière lequel se cacher. Elle se réjouit
de cette difficulté à discerner la modération qui suffirait à
la santé. Sous le voile de la santé, elle cache peut-être une
source de satisfaction. Je décide tous les jours de résister
à ces tentations. J’en appelle à ton aide salutaire. À toi je
confie mes perplexités. Car je n’ai pas encore, sur ce point,
la stabilité du conseil.3
Si l’on me demande mon avis sur ce sujet, je réponds –
après avoir sérieusement pesé la question – que d’après les
Évangiles, les Épîtres et l’ensemble d’instructions que l’on
nomme le Nouveau Testament, je constate que le jeûne
est prescrit. En quels jours devrions-nous jeûner ou ne pas
jeûner ? Cela, je n’en découvre aucune règle établie défini-
tivement par le Seigneur et les apôtres. De ce fait, je suis
convaincu qu’il est plus convenable de s’abstenir de jeûner

218
Citations et expériences

le septième jour. Non pas, évidemment, dans le but d’ob-


tenir, mais dans le but de préfigurer le repos éternel, que le
véritable sabbat accomplit. Ce repos ne s’obtient que par
la foi et par la justice qui donnent à la fille du Roi toute la
gloire de sa beauté intérieure.4

CYRIL DE JÉRUSALEM
Évêque de Jérusalem, qui vécut de 315 à 386.
Dorénavant, ne soyez donc plus des vipères. Mais puisque
vous avez été, autrefois, une race de vipères, débarras-
sez-vous, dit-il, de votre ancienne vie de péché, comme le
serpent se débarrasse de son ancienne peau. Car tout serpent
se faufile dans un trou afin de se dépouiller de sa vieille mue
et, après l’avoir ôtée, il rajeunit dans son corps. Entrez, vous
aussi, par la porte étroite, ôtez votre ancien moi par le jeûne
et débarrassez-vous de ce qui vous détruit.5

MARTIN LUTHER
Réformateur allemand, qui vécut de 1483 à 1546.
[D’après une prédication basée sur Matthieu 4 : 1s en 1524].
Voici ce que je dis du jeûne : il est juste de jeûner très régu-
lièrement de façon à soumettre et à contrôler le corps. Car
si l’estomac est plein, le corps est inapte à prêcher, prier,
étudier, ou faire quoi que ce soit d’autre de bien. En de telles
circonstances, la parole de Dieu ne peut demeurer en nous.
Cependant, personne ne devrait jeûner avec l’objectif de méri-
ter quelque chose, comme s’il s’agissait d’une bonne œuvre.6
[En commentaire de 1 Pierre 1 : 13, où Pierre exhorte à la
sobriété d’esprit, Luther précise que chaque personne est
différente des autres, et a donc des besoins différents].
Il ne fixe ni une période donnée ni une durée précise au jeûne,
comme le pape l’a fait. Il laisse chacun de nous en décider
individuellement, afin que nous jeûnions pour rester sobre
et ne pas imposer au corps le fardeau de la gourmandise. Il
s’agit de rester en possession de sa raison, de sa capacité de

219
J eû ner

réflexion, et de déterminer dans quelle mesure il est néces-


saire de jeûner pour garder le contrôle de son corps. Car,
dans ce domaine, il est totalement vain d’imposer un ordre
à l’ensemble d’un groupe ou d’une assemblée, car nous
sommes tous très différents les uns des autres : l’un est fort,
l’autre faible dans son corps, ainsi, l’un doit mortifier son corps
plus que l’autre, afin qu’il reste solide et capable de servir. […]
Il est bon de jeûner. Mais seulement s’il s’agit de ce qu’on
pourrait appeler un véritable jeûne : lorsque nous ne don-
nons pas au corps plus de nourriture qu’il n’en a besoin pour
rester en bonne santé. Il faut faire travailler le corps et rester
prudent, de peur que le vieil âne ne se dévergonde pas trop,
qu’il ne parte danser sur la glace et ne se casse un os. Le
corps devrait être maitrisé et devrait obéir à l’esprit. Il ne
faut pas agir comme ceux qui, avant de jeûner, se goinfrent
de poisson et du meilleur vin au point que leurs estomacs
en sont tout gonflés7.
Les Écritures nous présentent deux types de jeûne, qui sont
tous les deux profitables. Le premier est volontaire, dans le
but de mettre à l’épreuve la chair par l’esprit. Saint Paul en
parle quand il dit : « les travaux pénibles, les privations de
sommeil et de nourriture » (2 Corinthiens 6 : 5). Le second est
celui qu’une personne doit endurer sans l’avoir choisi, et qu’il
lui faut pourtant accepter consciemment. Concernant celui-là,
Saint Paul dit : « Jusqu’à cette heure, nous souffrons de la faim,
de la soif » (1 Corinthiens 4 : 11). Et Christ dit de cela : « Les jours
viendront où le marié leur sera enlevé, et alors ils jeûneront »
(Matthieu 9 : 15)8.

JEAN CALVIN
Réformateur de Genève, qui vécut de 1509 à 1564.
Voici, en résumé, ce que l’on peut en retenir. Quand il sur-
git, dans la chrétienté un différend non sans conséquence,
quand il est question de choisir un ministre ou s’il y a une
affaire difficile ou très importante ou bien s’il apparaît des
signes de la colère de Dieu – comme la peste, la guerre ou
la famine – il est bon et utile, en ces temps, que les pasteurs

220
Citations et expériences

invitent les croyants à des jeûnes et des prières extraordi-


naires.9
Le jeûne saint et droit a trois objectifs : dompter la chair afin
qu’elle ne domine pas sur nous, nous disposer à prier et à
méditer, être un témoignage de notre humilité devant Dieu
lorsque nous voulons lui confesser notre péché.10
[Ce que dit Paul du jeûne sexuel en 1 Corinthiens 7 : 5 montre
que le jeûne vient en aide à la prière et n’est pas une fin en soi.
Après avoir fait référence à Anne en Luc 2 : 37 et à Néhémie en
Néhémie 1 : 4, il dit :] Tel est aussi le sens des paroles de Paul
quand il dit que le mari et la femme croyants font bien de se
priver l’un de l’autre, « momentanément d’un commun accord
afin d’avoir du temps pour la prière » (1 Corinthiens 7 : 5) et le
jeûne. En joignant le jeûne à la prière, comme une aide et un
renfort, Paul indique qu’en lui-même, il serait inutile et il faut
lui donner cet objectif.11
Il est certain que la vie des croyants doit être marquée par une
sobriété permanente, de telle sorte que le chrétien, pendant
qu’il vit dans ce monde, pratique constamment une sorte de
jeûne. Mais en plus de celui-ci, il existe un autre jeûne ponc-
tuel, lorsque nous restreignons notre nourriture au-delà de ce
que nous avons l’habitude de faire – durant un jour ou pour
une période plus longue – et que nous faisons preuve d’une
modération plus grande que d’ordinaire.12

MATTHIEU HENRY
Pasteur presbytérien anglais et commentateur de la Bible, qui vécut de
1662 à 1714.
Si les solennités de notre jeûne, aussi fréquentes, longues
et sévères soient-elles, ne servent pas à nourrir notre atta-
chement à Dieu, à stimuler la prière, à accroître la tristesse
selon Dieu et à transformer notre caractère et notre manière
de vivre pour le mieux, alors elles ne répondent pas du tout
à l’intention du jeûne. Dieu ne les acceptera pas comme des
choses accomplies pour lui.13

221
J eû ner

WILLIAM LAW
Théologien anglais, qui vécut de 1668 à 1761.
Si la religion nous demande parfois de jeûner et de renon-
cer à nos appétits naturels, c’est afin d’apaiser la lutte, le
combat qui est dans notre nature. C’est pour faire de nos
corps de meilleurs instruments de pureté, plus obéissants
aux bons élans de la grâce divine. C’est pour assécher les
sources de nos passions qui combattent contre l’âme, pour
refroidir la flamme de notre sang, et rendre l’esprit plus apte
aux méditations divines. Certes, ces abstinences apportent
quelque souffrance au corps, mais c’est pour mieux diminuer
le pouvoir de ses appétits et de ses passions, et nourrir notre
goût pour les joies spirituelles. Ainsi, même ces aspects
rigoureux de la religion, lorsqu’ils sont pratiqués avec dis-
cernement, contribuent largement à trouver, dans nos vies,
joie et réconfort.14

JONATHAN EDWARDS
Pasteur et théologien de Nouvelle-Angleterre, qui vécut de 1703 à 1758.
Tous les pasteurs de cette région ont prié, de sabbat en sab-
bat, pour que Dieu répande son Esprit, et qu’il accomplisse
une œuvre de réforme et de réveil spirituel dans la région. Prié
pour qu’il nous détourne de nos excès, de notre impureté, de
notre mondanité et de tous nos autres péchés. Année après
année, nous avons mis à part des jours de jeûne public et de
prière, des jours consacrés à Dieu, afin de reconnaître nos
échecs, de nous humilier pour nos péchés, de rechercher
le pardon de Dieu et une réforme. Et aujourd’hui, alors que
celle-ci a lieu à une grande échelle, d’une façon particulière-
ment soudaine et merveilleuse, dans les domaines où nous
avons recherché Dieu, nous ne le reconnaîtrions pas ?15
Vu l’époque dans laquelle nous vivons, nous avons absolu-
ment besoin de la plénitude de l’Esprit dans les ministères.
Nous ne pouvons nous accorder aucun repos, tant que nous
ne l’avons pas obtenue. Dans ce but, je considère que les
responsables d’Église et de ministères, plus que quiconque,
devraient consacrer beaucoup de temps à la prière et au

222
Citations et expériences

jeûne, dans le secret, mais aussi ensemble. Il me semble


que, dans le cadre de nos circonstances présentes, il serait
approprié de voir les responsables d’un même quartier se
retrouver régulièrement pour jeûner et prier avec ferveur,
dans une quête sincère des ressources extraordinaires de
la grâce divine et céleste dont nous avons tant besoin
aujourd’hui.16
En ce qui concerne le jeûne et la prière, je dirai encore une
chose qui d’après moi a été négligée par les responsables.
Ils recommandent dans leurs prédications, avec certes beau-
coup d’insistance, de prier seul avec Dieu. Mais rien n’est dit
du jeûne dans le secret. C’est pourtant un devoir que notre
Seigneur a ordonné à ses disciples au même titre que la prière.
[…] Je n’irais pas jusqu’à dire que le jeûne individuel doive se
pratiquer de manière aussi organisée et régulière que la prière
individuelle, mais il me semble que c’est un acte d’obéissance
que toute personne se disant chrétienne devrait pratiquer,
et pratiquer fréquemment. De nombreuses occasions, à la
fois spirituelles et temporelles, s’y prêtent. Le jeûne est une
façon tout à fait appropriée de rechercher auprès de Dieu les
nombreuses grâces particulières que nous désirons pour nous-
mêmes ou nos amis.17

JOHN WESLEY
Évangéliste anglais du Grand Réveil, qui vécut de 1703 à 1791.
L’homme qui ne jeûne jamais n’est pas plus sur le chemin du
ciel que l’homme qui ne prie jamais.18
Le jeûne est un soutien pour la prière ; c’est particulièrement
vrai lorsque nous choisissons de mettre à part de plus longs
moments pour les consacrer à la prière en privé. Dieu prend
alors particulièrement plaisir à élever l’âme de ses serviteurs
au-dessus des choses de la terre, et il les emmène parfois,
pour ainsi dire, jusqu’au troisième ciel. C’est un soutien pour
la prière, mais c’est aussi un moyen dans la main de Dieu,
d’affermir ou d’accroître, pas uniquement une seule vertu
chez une personne, pas seulement la chasteté par exemple
(comme certains l’ont faussement imaginé, sans aucun fon-

223
J eû ner

dement dans les Écritures, la raison ou l’expérience), mais


également le sérieux, la sincérité, le discernement, une
conscience sensible au mal, la mort au monde, et, en consé-
quence, l’amour pour Dieu, et tout autre sentiment saint et
céleste. […]
Non pas qu’il existe un lien naturel ou nécessaire entre le
jeûne et les bénédictions que Dieu véhicule par lui. Mais il
fera grâce à qui il fera grâce ; il donnera ce qui lui semblera
bon, par les moyens qu’il lui plaira de choisir. Et il a, à toutes
les époques, désigné le jeûne comme un moyen de prévenir
sa colère, et d’obtenir la bénédiction dont nous avons parfois
besoin.19
Mais, si nous désirons cette récompense, prenons garde
[…] de penser pouvoir mériter quoi que ce soit de la part
de Dieu par notre jeûne. On ne nous mettra jamais assez
en garde à ce sujet ; car le désir « d’accomplir notre propre
justice », d’obtenir le salut par la dette et non par la grâce, est
une chose profondément ancrée dans nos cœurs à tous. Le
jeûne est seulement un moyen, ordonné par Dieu, au travers
duquel nous espérons sa grâce imméritée ; et dans le jeûne,
sans aucun mérite de notre part, il a promis de nous donner
gratuitement sa bénédiction.20

ANDREW FULLER
Pasteur baptiste anglais et écrivain, qui vécut de 1754 à 1815.
Le jeûne devrait faire partie des habitudes de l’homme atta-
ché à Dieu. Christ n’en minimise pas l’importance, cependant
il met en garde contre ses excès. […] Le jeûne assiste la prière,
conçu pour secourir son caractère importun. Le jeûne nous
humilie. D’une certaine manière, nous nous corrigeons nous-
mêmes devant Dieu. L’esprit de cette démarche est exprimé
dans les passages suivants : « Que Dieu me traite avec la plus
grande sévérité, si je goûte du pain ou quoi que ce soit avant
le coucher du soleil ! ». Ou : « Je n’entrerai pas dans ma maison,
je ne monterai pas sur mon lit, je ne donnerai pas de sommeil
à mes yeux ni de repos à mes paupières avant d’avoir trouvé
un endroit pour l’Éternel, une demeure pour le puissant de

224
Citations et expériences

Jacob ». Il n’est pas fait mention du temps que nous devrions


consacrer au jeûne, ou de la fréquence à laquelle il nous
faudrait remplir ce devoir. […] Il ne s’agit cependant que d’un
moyen ; s’il devenait une fin en soi, il serait une abomination
aux yeux de Dieu.21

ABRAHAM LINCOLN
Président des États-Unis de 1861 à 1865.
Attendu que le sénat des États-Unis reconnaît avec dévo-
tion l’autorité suprême et le juste gouvernement du Dieu
tout-puissant, dans toutes les affaires des hommes et des
nations, il a demandé au président de désigner et de mettre
à part une journée de prière nationale et d’humiliation.
Attendu qu’il est du devoir des nations et de tous les hommes
de reconnaître leur dépendance envers le Dieu tout-puissant,
de confesser dans une humble contrition leurs péchés et leurs
transgressions, avec l’assurance, cependant, que la véritable
repentance leur permettra d’obtenir la miséricorde et le
pardon, de reconnaître la sublime vérité annoncée dans les
Écritures saintes et prouvée par toute l’histoire, que seules
sont bénies les nations dont l’Éternel est le Dieu.
Attendu que nous savons que, selon la loi divine, les nations
comme les individus encourent, dans ce monde, les châti-
ments et la punition, ne devrions-nous pas craindre, avec
raison, que l’affreuse calamité de la guerre civile qui dévaste
notre pays en ce moment ne soit une punition infligée pour
nos péchés de présomption, dans le but de provoquer, pour
le peuple tout entier, une indispensable réforme ? Nous
avons été l’objet de la générosité céleste. Nous avons connu
ces dernières années la paix et la prospérité. Nous avons
prospéré en nombre, en richesse et en puissance comme
aucune autre nation, mais nous avons oublié Dieu. Nous avons
oublié la main de grâce qui nous avait gardés dans la paix et
qui nous avait multipliés, enrichis et rendus forts ; nous avons
imaginé, dans notre vanité et l’égarement de nos cœurs,
que toutes ces bénédictions venaient de quelque sagesse
et vertu supérieures que nous posséderions. Grisés par ce

225
J eû ner

succès ininterrompu, nous sommes devenus trop imbus de


nous-mêmes pour ressentir le besoin de la grâce qui libère
et qui protège, trop fiers pour prier le Dieu qui nous a créés !
Il nous incombe donc de nous humilier devant sa majesté
offensée, de confesser les péchés de notre nation et de prier
pour obtenir sa clémence et son pardon.
Ainsi, conformément à cette demande et en plein accord avec
l’avis du sénat, je déclare désigner et mettre à part le jeudi
30 avril 1863 comme jour d’humiliation nationale, de jeûne
et de prière. Je demande donc à toutes les personnes de
s’abstenir, en ce jour, de leurs occupations habituelles et de
se rassembler dans les lieux de culte et dans leurs maisons
respectives pour faire de ce jour un jour saint pour le Seigneur
et consacré à l’humble accomplissement des devoirs religieux
qui conviennent à cette occasion solennelle.
Dans l’accomplissement de tout cela, dans la sincérité et
la vérité, appuyons-nous humblement sur l’espérance que
nous donnent les divines Écritures que le cri de la nation sera
entendu en haut et qu’il y sera répondu par des bénédictions ;
non seulement par le pardon des péchés de la nation, mais
également par le retour à l’unité et à la paix comme dans le
passé, pour notre pays divisé et souffrant.
En témoignage de cela, j’ai signé de ma main et apposé le
sceau des États-Unis.
Fait à Washington ce trente mars de l’an de grâce mille huit
cent soixante-trois de la quatre-vingt-septième année de
l’indépendance des États-Unis.22

J.C. RYLE
Évêque évangélique de Liverpool, qui vécut de 1816 à 1900.
Apprenons des instructions de notre Seigneur sur le jeûne.
Apprenons la grande importance de la joie dans notre piété.
Ces mots : « oins ta tête et lave ton visage », sont lourds de
sens… Sommes-nous insatisfaits du salaire que nous recevons
de Christ, et de son service ? Certainement pas ! Alors ne
donnons pas l’impression de l’être.23

226
Citations et expériences

PHILLIPS BROOKS
Pasteur américain, qui vécut de 1835 à 1893.
Voici donc la philosophie du jeûne. Il exprime la repentance
et dévoile au grand jour notre vie devant Dieu : « Abaisse-toi,
mon orgueil ; retirez-vous, mes passions ; car je suis méchant,
et j’attends la bénédiction de Dieu ».24

LE PASTEUR HSI
Pasteur chinois du 19e siècle. Il avait un ministère auprès des Chinois
qui souffraient d’une addiction à l’opium. Il avait lui-même conçu un
médicament pour aider ces toxicomanes à s’en sortir.

Chaque fois qu’il fallait en refaire un lot, il commençait par la


prière et le jeûne. C’était son habitude de se priver de nour-
riture durant les vingt-quatre heures de la journée consacrées
à ce travail. Parfois, il était si épuisé le soir qu’il tenait à peine
debout. Il partait alors s’isoler quelques minutes pour passer
du temps seul avec Dieu. « Seigneur, c’est ton œuvre, donne-
moi ta force » était son cri. Et il revenait toujours ressourcé et
affermi, comme s’il avait mangé et pris du repos.25

JOHN HYDE, DIT « LE PRIEUR »


Missionnaire en Inde au tournant du 20e siècle. Lors de la Convention
missionnaire Sialkot, en Inde, à la fin du 19e siècle, John Hyde n’a pas
quitté la salle de prière pendant toute la convention.

Où prenait-il ses repas ? Où dormait-il ? La Convention durait


dix jours à ses débuts. Un « boy » l’accompagnait (un jeune
garçon de seize ans environ qu’il avait accueilli dans son foyer
et dans son cœur). Celui-ci avait emmené la literie de Hyde
et fait son lit. Mais il ne l’a pas utilisé de toute la Convention.
Quand la salle de prière était remplie, je l’ai vu plus d’une fois
se jeter par terre dans un coin pour dormir. Mais si la salle
commençait à se vider et la prière à faiblir, il se levait immé-
diatement, comme s’il l’avait ressenti et reprenait sa place
parmi les autres intercesseurs. Allait-il prendre ses repas ? Je
pense ne l’avoir vu qu’une fois ou deux avec nous à table. Il
arrivait parfois que le « boy » qui l’accompagnait (ou Gulla, qui

227
J eû ner

passait le balai ou bien encore un de ses amis) lui amène un


plat de riz au curry ou autre chose dans la salle de prière. Si
cela lui convenait, il partait le manger dans un coin. Le « boy » a
souvent pleuré de voir qu’il ne se nourrissait pas correctement
et n’allait pas dormir dans son lit !26

ANDREW MURRAY
Pasteur sud-africain et homme politique missionnaire. Il vécut de 1828
à 1916.

La prière a besoin du jeûne pour atteindre son plein poten-


tiel. La prière est la main par laquelle nous nous saisissons
de l’invisible. Le jeûne est l’autre main : celle avec laquelle
nous lâchons le visible. Ce besoin et ce plaisir de la nourriture
connectent l’homme au monde des sens plus que toute autre
chose. Par ce fruit, l’homme a été tenté et a chuté au paradis.
Par le pain, Jésus a été tenté dans le désert. Et Il a triomphé
par le jeûne. […]
Le corps a été racheté pour être le temple du Saint-Esprit.
Les Écritures demandent de glorifier Dieu dans le corps
comme dans l’esprit quand nous mangeons et buvons. Dans
la vie de nombreux chrétiens, cette façon de manger pour
la gloire de Dieu n’est pas devenue une réalité spirituelle.
La première pensée que suggèrent les mots de Jésus à
propos du jeûne et de la prière est celle-ci : seule une vie
de modération et de renoncement à soi-même permettra
d’avoir suffisamment de cœur et de force pour pouvoir prier
intensivement. […]
Le jeûne aide à exprimer, à approfondir et à confirmer notre
décision d’être prêts à tout sacrifier, y compris nous-même,
pour atteindre le royaume de Dieu. Et Jésus, qui a lui-même
jeûné et qui s’est sacrifié, sait accorder de la valeur, accepter
et récompenser par une puissance spirituelle l’âme qui est
ainsi prête à renoncer à tout, pour lui et son royaume.27

228
Citations et expériences

DIETRICH BONHOEFFER
Théologien et martyr allemand du 20e siècle.

Jésus part du principe que ses disciples expérimenteront la


discipline spirituelle du jeûne. Un entraînement rigoureux de
maîtrise de soi fait partie des caractéristiques essentielles
de la vie chrétienne. Ces pratiques n’ont qu’un seul objectif :
rendre les disciples prêts et joyeux pour accomplir ce qu’il
plairait à Dieu d’accomplir.
Quand la chair est satisfaite, il est difficile de prier avec joie
ou de se dévouer à une vie de service qui demande tant de
renoncement à soi-même.
Nous devons pratiquer une discipline quotidienne stricte ; la
chair ne peut apprendre autrement la douloureuse leçon : elle
ne possède aucun droit.28

C. S. LEWIS
Professeur de littérature anglaise et écrivain chrétien, qui vécut de 1898
à 1963.

Il est impossible d’adhérer au christianisme dans un but de


trouver un réconfort : au contraire, le chrétien s’efforce de
se donner lui-même, d’être ouvert à la volonté de Dieu pour
faire ce que Dieu veut qu’il fasse. Vous ne pouvez savoir à
l’avance si Dieu va vous demander quelque chose qui vous
sera difficile ou pénible, ou au contraire quelque chose que
vous aimerez faire ; certaines personnes, au sens héroïque
affiné, sont déçues lorsque le travail qui leur a été confié se
révèle être plutôt agréable. Mais vous devez être prêts pour
les choses désagréables et inconfortables. Je ne parle pas du
jeûne ou des choses de ce genre. C’est un autre sujet. Lorsque
vous entraînez des soldats à faire des manœuvres, vous les
faites tirer à blanc parce que vous préférez qu’ils s’entraînent
avant de rencontrer le véritable ennemi. De la même façon,
nous devons nous entraîner à nous abstenir de plaisirs qui ne
sont pas mauvais en eux-mêmes. Si vous ne vous abstenez
pas du plaisir, vous ne serez pas à la hauteur quand le temps
viendra. Ce n’est qu’une question d’entraînement.29

229
J eû ner

MARTYN LLOYD-JONES
Prédicateur du 20e siècle à Londres.

Lorsque nous abordons la question du jeûne comme nous le


devrions, nous ne pouvons pas le réduire à la question du man-
ger ou du boire. Le jeûne devrait représenter l’abstinence d’une
chose légitime en elle-même, quelle qu’elle soit, dans un but
spirituel particulier. Il existe de nombreuses fonctions du corps
qui sont justes, naturelles et parfaitement légitimes. Cepen-
dant, pour différentes occasions et en certaines circonstances,
elles devraient être contrôlées. Voilà ce qu’est le jeûne.30

DAVID SMITH
Auteur du 20e siècle.

L’égoïste est incapable d’apprécier l’Évangile. Le chrétien,


lui, a commencé à renoncer à lui-même et il est dans une
dynamique continuelle de renoncement à soi. Jésus a dit : « Si
quelqu’un veut être mon disciple, qu’il renonce à lui-même,
qu’il se charge de sa croix et qu’il me suive ! ». Renoncer à soi-
même ne se limite pas à une forme particulière de don, mais
cela embrasse toutes les disciplines personnelles. Le jeûne
n’est que l’une de ces disciplines, mais c’est un renoncement
à soi. Cela ne veut pas dire que jeûner revient à devenir
légaliste ; c’est la liberté de l’Évangile qui nous encourage à
renoncer à nous-mêmes. […]
Personne ne peut se maintenir dans l’état d’esprit qu’il cherche
à atteindre si sa condition physique n’est pas en adéquation
avec sa démarche. Si un homme désire vivement se consa-
crer aux choses spirituelles pour un temps, il est obligé de
s’assurer que son corps est dans un état similaire. Dans le
cas contraire, il risque d’échouer. Il sera incapable d’adopter
une attitude de révérence au milieu de sa propre irrévérence
physique. Le jeûne crée l’environnement propice à un temps
de réflexion dans l’affliction et le sérieux. Asterius écrit, au ive
siècle, qu’un des rôles du jeûne est de s’assurer que l’estomac
ne fasse pas bouillir le corps comme une marmite et n’entrave
la bonne marche de l’âme. […]

230
Citations et expériences

Le jeûne ne crée pas la foi, puisque la foi grandit en nous


lorsque nous entendons, lisons et demeurons dans la parole
de Dieu. C’est l’œuvre du Saint-Esprit d’accorder la foi au
peuple de Dieu. Cependant, le jeûne a la capacité d’encou-
rager la foi de celui qui pratique cette discipline. Il semble
qu’en s’oubliant eux-mêmes, les croyants nés de nouveau
nourrissent la foi que Dieu a plantée dans leurs cœurs. Cela
ne signifie pas pour autant que ceux qui mangent moins ont,
par conséquent, plus de foi que les autres ! Une telle vision des
choses n’est pas seulement fausse, elle est aussi extrémiste.
Renoncer régulièrement à soi-même a, tout simplement,
certains avantages. Force est de constater que l’un d’eux est
une croissance personnelle de la foi.31

KEITH MAIN
Écrivain du 20e siècle.
Dans le judaïsme, le jeûne était un signe extérieur d’un état
intérieur. Pour Jésus, le jeûne est le signe intérieur d’un état
intérieur. Le premier, mal utilisé, est « une forme particuliè-
rement hideuse d’art dramatique religieux », le second fait
partie de la piété « en privé ». […]
Jusqu’ici nous avons suggéré que la joie et la reconnaissance
qui marquent la vie de prière du Nouveau Testament sont un
signe de l’arrivée fracassante du royaume de Dieu. Le jeûne
n’est désormais plus en harmonie avec l’attitude de joie et
de reconnaissance qui caractérise la communion. Pourtant
ce n’est pas complètement le cas. […] Il est vrai que crises et
tragédies assombrissent encore notre réalité. Le royaume n’a
pas atteint sa pleine réalisation. Certes, le marié est présent
et le temps n’est pas approprié au deuil. Tout ne se résume
cependant pas à cela, car nous continuons à vivre dans la
chair et sommes encore faibles dans la foi. […] Dans cette
« lutte amère », le croyant, dans sa vie personnelle avec Dieu,
peut tout à fait trouver des occasions de jeûner. Ce pourrait
être un des nombreux éléments susceptibles de fortifier la
vie des disciples en Christ. 2 Corinthiens 6 : 3-10 et 11 : 23-29
offrent un aperçu de la grande variété de souffrances de la

231
J eû ner

« lutte amère » de la cause de Christ. Un tel contexte remet


en perspective les « faims » qui sont mentionnées en 6 : 5 et
11 : 27.32

RICHARD FOSTER
Auteur de méditations, du 20e siècle.
Il est bon de savoir ce que traverse le corps lors d’un jeûne
plus long. Les trois premiers jours sont en général les plus
difficiles en termes de gêne physique et de douleur de la faim.
Le corps commence à se débarrasser de toutes les toxines
accumulées par des années de mauvaises habitudes alimen-
taires. Ce processus n’a rien d’agréable. C’est ce qui explique
le blanchissement de la langue et la mauvaise haleine. Que
ces symptômes ne vous perturbent pas. Au contraire, soyez
plutôt reconnaissant en pensant au regain de santé et de
bien-être qui en résultera. Il se peut que vous expérimentiez
des maux de tête au cours de cette période, en particulier
si vous êtes un grand buveur de café ou de thé. Il s’agit de
légers symptômes de sevrage : ils disparaitront, bien qu’ils
soient très déplaisants pendant un certain temps.
À partir du quatrième jour, les douleurs de la faim com-
mencent à s’estomper, bien que vous puissiez éprouver de
la faiblesse et des vertiges occasionnels. Les vertiges sont
temporaires et sont souvent causés par des changements
brusques de position. Bougez plus lentement et tout se
passera bien. La faiblesse peut atteindre un niveau tel que la
plus simple tâche vous demandera de gros efforts. Le meilleur
remède est de prendre du repos. Nombreux sont ceux qui
estiment que cette étape est la plus difficile du jeûne.
À partir du sixième ou du septième jour, vous allez commen-
cer à vous sentir plus fort et alerte. Les douleurs liées à la faim
continueront à diminuer jusqu’au neuvième ou dixième jour,
où elles ne seront plus qu’un désagrément mineur. Le corps
aura éliminé la plupart des toxines et vous vous sentirez bien.
Votre capacité de concentration sera aiguisée et vous aurez
l’impression d’être capable de jeûner indéfiniment. D’un point
de vue physique, c’est la partie la plus agréable du jeûne.

232
Citations et expériences

Quelque part entre le vingt-et-unième jour et le quarantième


jour (ou plus), selon les personnes, les douleurs de la faim
vont réapparaître. C’est la première étape qui signale que
quelqu’un meurt de faim : le corps a en effet alors brûlé toutes
ses réserves superflues et commence à attaquer les tissus
vivants. C’est à ce moment-là qu’il faut rompre le jeûne.33

DALLAS WILLARD
Auteur du 20e siècle sur le thème des disciplines spirituelles.

Il est difficile de pratiquer la discipline du jeûne sans qu’elle


consume toute notre attention. Pourtant, si nous pensons
qu’elle n’est qu’une partie de la prière ou du service, nous ne
pouvons lui permettre d’occuper ainsi toute notre attention.
Lorsque quelqu’un choisit de pratiquer le jeûne en tant que
discipline spirituelle, il (ou elle) doit alors le pratiquer suffi-
samment bien et suffisamment souvent afin d’acquérir une
certaine expérience. En effet, seul celui qui est habitué à jeû-
ner régulièrement dans un but de discipline est en mesure de
l’utiliser efficacement, comme faisant directement partie du
service pour Dieu. Dans des moments particuliers de prière
par exemple, ou de tout autre service.34

JOSEPH WIMMER
Écrivain du 20e siècle.

[D’après le texte de Marc 2 : 18-22 et la présence-absence


du marié].
Leur absence de jeûne avait pour but de nous faire comprendre
quelque chose : en Jésus, la période eschatologique était arri-
vée. […] Le retour au jeûne qui aurait lieu après son « départ »
était également lié à Jésus. Comme une triste remémoration
de ce vendredi fatidique, mais doublé de l’assurance inté-
rieure et de l’humble confiance en sa seconde venue et en la
consommation finale de son retour. Ce jeûne chrétien était
nouveau et distinct de celui du judaïsme, non seulement en ce
qui concerne le jour de jeûne, mais de façon plus importante
encore, en termes de motivation intérieure. Même en tant

233
J eû ner

que signe d’adoration humble du Père, il était dorénavant lié


à Jésus, à travers qui notre salut nous avait été offert, et en
présence de qui nous nous réjouirons un jour sans réserve,
dans la plénitude de son royaume. […]
La faiblesse de la faim qui conduit à la mort souligne la bonté
et la puissance de Dieu qui procure la vie. Il n’y a là ni extor-
sion, ni tentatives superstitieuses de forcer la volonté de Dieu.
Tout ce que nous pouvons faire est de tourner nos regards
avec confiance vers notre Père céleste, et par notre jeûne,
murmurer en nos cœurs : « Père, sans toi je vais mourir ; viens
à mon aide, hâte-toi de me porter secours ».35

ADALBERT DE VOGÜÉ
Moine du 20e siècle à l’Abbaye de La-Pierre-qui-Vire (France)

L’action bénéfique du jeûne se fait sentir avant tout dans le


domaine sexuel. Sans peine, j’ai pu vérifier la liaison établie
par les Anciens entre les deux premiers « vices principaux » –
gourmandise et luxure – et par suite entre les deux ascèses
correspondantes : jeûne et chasteté. Pour un religieux qui s’est
voué à la chasteté, le jeûne est le plus efficace des auxiliaires.
Aux heures bienheureuses de liberté physiologique dont j’ai
parlé, les fantasmes ne se présentent même plus. Le reste
du temps, ils se laissent facilement contrôler et éliminer. […]
Je ne surprendrai personne en avouant que je suis sujet à
l’anxiété et à l’irritation, à la tristesse et à l’énervement, sans
parler de la vanité, de la susceptibilité ou de l’envie. Sur tous
ces mouvements instinctifs, l’habitude de jeûner a un pro-
fond effet d’apaisement. La cause en est, je pense, qu’une
certaine maîtrise de l’appétit primordial – celui de manger
– permet de mieux maîtriser les autres manifestations de la
libido et de l’agressivité. Comme si l’homme qui jeûne était
davantage lui-même, en possession de son identité vraie,
moins dépendant des objets extérieurs et des pulsions qu’ils
suscitent en nous. […]
Le premier de ces avantages secondaires est le temps gagné.
Se mettre à table une fois au lieu de trois. […]

234
Citations et expériences

Aimer le jeûne n’est pas seulement possible. À la lumière des


faits, j’irai jusqu’à dire que c’est le contraire qui me paraît
impossible, pour peu qu’on ait du jeûne une véritable expé-
rience. Expérimentez le jeûne, et vous l’aimerez.36

ARTHUR WALLIS
Auteur de méditations quotidiennes du 20e siècle.
Tout le monde, ou presque, s’accorde à dire que nous avons
désespérément besoin que l’Esprit visite l’Église. Allons-nous
prétendre que la promesse faite à Joël ne s’applique pas
à une telle situation ? Les événements de la Pentecôte ont
épuisé la prophétie de Joël ? Non, évidemment : si c’était le
cas, il n’y aurait eu aucune autre effusion de l’Esprit par la
suite. En revanche, si nous croyons que cette promesse mer-
veilleuse est pour nous (si, en fait, elle est la réponse de Dieu
à notre besoin actuel), il est vital que nous en remplissions les
conditions préalables et que nous réclamions cette promesse.
Trois fois Joël sonne de la trompette en raison de l’imminence
du Jour du Seigneur, afin d’appeler à un retour vers Dieu par le
jeûne (Joël 1 : 14 ; 2 : 12, 15). Puis il semble entrevoir la réponse
de Dieu dans une vision : « L’Éternel éprouve pour son pays un
amour passionné et il a pitié de son peuple. » (v. 18 – SEM).37

WESLEY DUEWEL
Écrivain du 20e siècle sur la prière.
Vous et moi n’avons pas le droit de nous abstenir de jeûner
sous prétexte qu’aucune émotion particulière ne nous y
pousse. Pas plus que nous n’aurions le droit de nous abste-
nir de prier, de lire la Bible ou de nous rassembler avec les
enfants de Dieu sous prétexte qu’il nous manquerait une
émotion particulière pour le faire. Le jeûne est purement et
simplement biblique. Tout comme ces autres pratiques, il fait
partie de la marche spirituelle normale avec Dieu qui est une
marche d’obéissance. […]
Comment prendre sa croix ? Prendre sa croix ne signifie pas
que quelqu’un place une croix sur votre dos. La maladie,

235
J eû ner

la persécution et l’opposition des autres ne sont pas votre


véritable croix. Prendre sa croix est un choix délibéré. Nous
devons nous humilier nous-même volontairement, nous bais-
ser et ramasser notre croix pour Jésus. Et jeûner est un des
moyens les plus bibliques de le faire. […]
Jeûner peut accentuer notre désir de voir Dieu agir. La faim
spirituelle et le jeûne se renforcent mutuellement. Chacun
dépend de l’autre et le renforce. Chacun rend l’autre plus
efficace. Quand votre faim spirituelle devient très profonde,
vous pouvez même perdre tout appétit pour la nourriture.
Toutes les formes les plus intenses de prière victorieuse…
peuvent être approfondies, clarifiées et rendues plus puis-
santes par le jeûne.
Il est naturel de jeûner quand vous êtes suffisamment chargé,
et que vous luttez avec des choses qui vous dominent et sont
trop puissantes pour vous. Quand vous êtes en lutte au corps-
à-corps contre Satan et ses puissances des ténèbres. Votre
faim vous pousse vers Dieu, et le jeûne devient alors doux et
béni. Votre faim se transforme en puissance dans le jeûne et
la prière, en particulier si vous mettez tout de côté pour un
temps afin de vous consacrer au jeûne et à la prière. Jeûner
peut vraiment devenir une joie spirituelle. […]
Jeûner nourrit votre foi… Votre confiance commence à s’ap-
profondir. Votre espoir commence à grandir, car vous savez
que vous faites ce qui plaît au Seigneur. Votre volonté de
renoncer à vous-même, et de prendre volontairement cette
autre croix, attise votre joie intérieure. Votre foi commence
à saisir les promesses de Dieu plus simplement, et plus
fermement.38

J. OSWALD SANDERS
Homme politique missionnaire du 20e siècle.

Jeûner n’est pas un impératif légaliste, mais une réaction


spontanée à des circonstances particulières… Certaines
personnes, attachées à Dieu et qui prient fréquemment,
ont constaté que le jeûne était pour elles un obstacle plutôt

236
Citations et expériences

qu’une aide. Certains ont une condition physique telle que


l’absence de nourriture les rend incapables de se concentrer
dans la prière… Il n’est pas nécessaire de s’infliger un tel
asservissement. Qu’ils fassent ce qui les aide le plus à prier.39

EDITH SCHAEFFER
Auteur du 20e siècle.
Jeûner peut-il être considéré comme un dessous de table
pour attirer l’attention de Dieu sur nos demandes ? Non,
mille fois non. Le jeûne est simplement une façon de dire
clairement que nous respectons l’incroyable privilège que
nous avons de pouvoir demander de l’aide au Dieu éternel, au
Créateur de l’univers. Et que ce respect nous conduit à choisir
de mettre tout de côté pour nous concentrer sur l’adoration,
la demande de pardon et les requêtes que nous souhaitons
faire connaître à Dieu, considérant que son aide est plus
importante que tout ce que nous pourrions faire nous-mêmes
avec nos propres forces et nos propres idées.40

JERRY FALWELL
Pasteur baptiste du 20e siècle.
Un vieux chrétien a dit un jour que le jeûne permettait d’évi-
ter que l’immoralité ne devienne un besoin. Jeûner est une
protection de l’esprit contre les dérèglements du corps. Un
homme qui jeûne tient son corps bien en main et il est capable
de faire l’œuvre du Maître.41

BILL BRIGHT
Évangéliste du 20e siècle et fondateur de Campus pour Christ.
Il ne faudra rien de moins qu’une action surnaturelle pour
enrayer la vague de jugement qui dévaste notre pays. Je crois
que rien n’est comparable à la puissance surnaturelle libérée
lorsque nous jeûnons et prions. Nous savons de source sûre,
par Hébreux 11 : 6, et par notre expérience personnelle que
Dieu récompense ceux qui le cherchent avec zèle.42

237
J eû ner

CORNELIUS PLANTINGA JR
Théologien du 20e siècle.
La complaisance est l’ennemi de la gratitude. La discipline
personnelle, elle, est en général son amie et ce qui nous y
conduit. C’est pourquoi la gourmandise est un péché mortel.
Les premiers pères du désert pensaient que les appétits d’une
personne étaient reliés entre eux : un estomac bien rempli
et un palais rassasié affaiblissent notre faim et notre soif de
justice. Ils coupent notre appétit pour Dieu.43

238
BIBLIOGRAPHIE

BIBLIOGRAPHIE

Si vous souhaitez poursuivre vos recherches sur le thème


du jeûne, voici ci-dessous une liste d’ouvrages qui pourraient
vous aider. Cette liste n’est pas exhaustive, et tous ces ouvrages
ne sont pas de qualité égale : « Examinez toutes choses, retenez
ce qui est bon » (1 Thessaloniciens 5 : 21).

Anderson, Andy, Fasting Changed My Life. Nashville, TN:


Broadman, 1977.

Beall, James Lee, The Adventure of Fasting. Old Tappan, NJ: Revell,
1974.

239
J eû ner

Benson, Bob, and Michael W. Benson, « Fasting » In Disciplines for


the Inner Life. Waco, TX: Word, 1985.
Bragg, Paul C., The Miracle of Fasting : Proven throughout History.
Desert Hot Springs, CA: Health Science, 1976.
Bright, Bill, The Coming Revival: America’s Call to Fast, Pray, and
“Seek God’s Face.” Orlando, FL: New Life Publications, 1995.
Brooks, Phillips. « Fasting » (A sermon for Lent). In The Candle of the
Lord and other sermons [La bougie du Seigneur et autres prédica-
tions]. New York : Dutton, 1881.

Carruth, Thomas A., Forty Days of Fasting and Prayer. Wilmore,


KY: Asbury Seminary, 1974.
Charles, Jerry, God’s Guide to Fasting: A Complete and Exhaustive
Biblical Encyclopedia. Madison, NC: Power Press, 1977.
Chatham, R. D., Fasting: A Biblical-Historical Study. South
Plainfield, NJ: Bridge Publishing, 1987.
Cott, Allan, Fasting as a Way of Life. New York: Bantam, 1977

DeWelt, Don, and John E. Baird, What the Bible Says about Fasting.
Joplin, MO: College Press, 1984.
Duewel, Wesley L. « You Can Deepen Your Prayer by Fasting. » In
Touch the World Through Prayer. Grand Rapids: Zondervan, 1986.
Duewel, Wesley L. « Jesus Said They Would Fast » and « Fasting
Strengthens Prayer. » In Mighty Prevailing Prayer. Grand Rapids:
Zondervan, 1990.

Falwell, Jerry, Fasting: What the Bible Teaches. Wheaton, IL:


Tyndale, 1981.

240
Bi b l i o g r a p h i e

Foster, Richard, « Fasting. » In The Celebration of Discipline. New


York: Harper & Row, 1978, pp. 41–53.

Lindsay, Gordon, Prayer and Fasting. Dallas: Christ for the Nations,
1972.
Lloyd-jones, Martyn, « Fasting. » In Studies in the Sermon on the
mount. Vol. 2. Grand Rapids : Eerdmans, 1960.

Main, Keith. Prayer and fasting : A study in the devotional life of the
early Church. New York : Carlton Press, 1971.
Maloney, George A., A Return to Fasting. Pecos, NM: Dove
Publications, 1974.
Massey, James Earl, Spiritual Disciplines: Growth through the
Practice of Prayer, Fasting, Dialogue and Worship. Grand Rapids:
Zondervan, 1985.
Miller, James, Systematic Fasting. Indianapolis: James Miller, n.d.
Prince, Derek, Shaping History through Prayer and Fasting. Old
Tappan, NJ: Fleming, 1973.

Rogers, Eric. Fasting, The phenomenon of self-denial. Nashville :


Thomas Nelson, 1976.
Ryan, Thomas. Fasting rediscovered. New York : Paulist Press, 1981.

Smith, David R., Fasting: A Neglected Discipline. Fort Washington,


PA: CLC, 1954.
Smith, Fredrick W., Journal of a Fast. New York: Schocken Books,
1976.

241
J eû ner

Wallis, Arthur. God’s chosen fast. Fort Washington : CLC, 1968.


Wesley, John. « Sermon XXVII, On our Lord’s Sermon on the
mount », in The Works of John Wesley, vol. 5, Albany : Sage
software, 1995, p. 440-441.
Whitney, Donald, « Fasting. » In Spiritual Disciplines for the
Christian Life. Colorado Springs, CO: NavPress, 1991, pp. 151–72.
Willard, Dallas, The Spirit of the Disciplines : Understanding How
God Changes Lives. San Francisco: Harper & Row, 1988.
Wimmer, Joseph. Fasting in the New Testament : A biblical theology.
New York : Paulist Press, 1982.

242
NOTES

NOTES

PRÉFACE
1
James Packer, A Quest for godliness : The Puritan vision of the christian
life, Wheaton, IL : Crossway, 2010, p. 215.

AVANT-PROPOS
1
NDE : Extrait poème John Piper. https://unbreakablejoy.blogspot.
com/2009/01/piper-poem.html (consulté le 22/03/2019).

INTRODUCTION | NOSTALGIQUES DE DIEU


1
Cité par Thomas RYAN, Fasting rediscovered, New York : Paulist Press,
1981, p. 44.
2
Martin Lloyd-Jones, Studies in the Sermon on the mount, vol. 2, Grand
Rapids : Eerdmans, 1960, p. 38.

243
J eû ner

3
Le mot traduit par « renoncer » apparaît à cinq autres reprises dans le
Nouveau Testament. Il signifie toujours « abandonner » ou « renoncer »
(Marc 6 : 46 ; Luc 9 : 61 ; Actes 18 : 18 ; 2 Corinthiens 2 : 13). Nous ne
pouvons faire bon usage de ce que nous possédons que si nous en sommes
libres, et si ces choses ne nous sont plus indispensables pour trouver
satisfaction en Dieu.
4
C. S. Lewis, Le problème de la souffrance, Le Mont-Pèlerin : Raphaël, 2001
(trad. libre).
5
Augustin, La Cité de Dieu, in Œuvres complètes, vol. 13, éd. : abbé Raulx,
Bar-le-Duc : Guérin, 1869. URL : <www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/
augustin> (consulté le 22/03/2019).
6
Richard Foster, The Celebration of discipline, New York : Harper & Row,
1978, p. 48.
7
Ibid., p. 48.
8
C. S. Lewis, Letters of C. S. Lewis [Lettres de C. S. Lewis], éd. : Warren
Lewis, New York : Harcourt Brace & World, 1966, p. 289.
9
Phillips Brooks a publié quelque chose de similaire : « Si l’on observe les
gens vivre, on réalise que les hommes ne se consacrent pas à de grandes
réflexions et de grandes causes, entre autres parce que leurs vies sont
remplies à ras bord de petites choses », Phillips Brooks, « Fasting » (a
sermon for Lent), in The Candle of the Lord and other sermons [La bougie
du Seigneur et autres prédications], New York : Dutton, 1881, p. 207.

CHAPITRE UN | LE JEÛNE EST-IL CHRÉTIEN ?


1
Didachê, section 8, cité dans The Apostolic fathers, Londres : Heinemann,
1970, p. 321.
2
Richard Foster en dit presque autant, à propos de Matthieu 9 : 14-17 : « Il
s’agit peut-être de la réponse la plus importante du Nouveau Testament
à la question : les chrétiens devraient-ils jeûner aujourd’hui ? », Richard
FOSTER, The Celebration of discipline, op. cit., p. 46. Les passages parallèles
se trouvent en Marc 2 : 18-22 et Luc 5 : 33-39.
3
Richard FOSTER, « Fasting », in New dictionary of christian ethics and
pastoral theology, Downers Grove : InterVarsity, 1995, p. 376.
4
« Il n’existe probablement pas une seule et unique cause à l’origine de la
pratique du jeûne », par A. MACLEAN « Fasting », in Encyclopedia of
religion and ethics, éd. : James Hastings, New York : Charles Scribner’s sons,
1912, p. 759.

244
N o te s

5
L’expression en hébreu dans le Lévitique : « humilier (ou affliger)
l’âme », était comprise par les Juifs comme un appel au jeûne. C’est de
cette façon que ce jour est devenu celui du jeûne le plus important de
l’histoire juive. Ce lien entre « affliger l’âme » et jeûner est souligné dans
ce verset : « J’humiliais mon âme par le jeûne » (Psaumes 35 : 13). C’est
probablement « le jeûne » dont Luc parle en Actes 27 : 9.
6
Éric ROGERS mentionne, dans l’un de ses chapitres, que toutes ces
religions pratiquent le jeûne : Fasting, The phenomenon of self-denial,
Nashville : Thomas Nelson, 1976, 2e partie, chapitres 4, 6, 7.
7
Encyclopedia of religion and ethics, op. cit., p. 760-761.
8
Cité dans Rogers, The Phenomenon of self-denial, p. 77-78.
9
Ibid., p. 79-80.
10
Ibid., p. 135 ; le caractère tragique de cette maladie transparaît dans le
témoignage de cette jeune femme : « Tout ce que je veux, c’est devenir plus
mince, et plus mince encore, mais je ne veux pas y prêter attention en
permanence, et je ne veux passer à côté de rien. C’est cette éternelle tension
entre vouloir être mince, et ne pas vouloir renoncer à se nourrir, car c’est
trop épuisant. Sur tous les autres sujets, je suis quelqu’un de raisonnable,
mais je sais que sur celui-ci je suis folle ».
11
George Ladd, The Presence of the future, Grand Rapids : Eerdmans, 1974,
p. 225 (les italiques sont d’origine).
12
Keith Main, Prayer and fasting : A study in the devotional life of the early
Church, New York : Carlton Press, 1971, p. 84.
13
Les références qui concernent le jeûne, en dehors des Évangiles, se
trouvent en Actes 13 : 2-3 ; 14 : 23 ; 2 Corinthiens 6 : 5 ; 11 : 27. Les références
dans la traduction King James de 1 Corinthiens 7 : 5 et Actes 10 : 30
n’apparaissaient probablement pas dans les meilleurs et les plus anciens
manuscrits grecs.
14
Keith Main, Prayer and fasting, op. cit., p. 54, 60-61.
15
C. S. Lewis, Le problème de la souffrance, Le Mont-Pèlerin : Raphaël, 2001
(trad. libre).
16
Robert Gundry, Matthew, Grand Rapids : Eerdmans, 1982, p. 169.
17
Arthur Wallis, God’s chosen fast, Fort Washington : CLC, 1968, p. 28-32.
18
Cf. note 11.
19
C’est la raison pour laquelle le livre de George Ladd est intitulé La Présence
du futur (cf. note 11).

245
J eû ner

20
J’ai tenté de décrire cette forme unique et spécifiquement chrétienne de
dépendance, le fait que la grâce de Dieu future dépende de la grâce de
Dieu passée, dans The Purifying power of living by faith in future grace,
Sisters : Multnomah, 1995, chap. 7-9.
21
Cette compréhension de la foi est développée et défendue bibliquement
dans Future Grace, op. cit., chap. 14–16.
22
Keith Main, Prayer and fasting, op. cit., p. 83.
23
Ibid., p. 84.
24
Le terme grec, rare, utilisé dans cette phrase (ethelothrêskia) semble
impliquer que l’origine et la permanence de cette « adoration » ou
« religion » se trouve dans la volonté de l’homme, plutôt que dans la grâce
de Dieu. C’est ce qui se passe quand on ne « s’accroche pas à la tête », c’est-
à-dire à Christ, comme source de toutes choses.
25
Le terme renvoie principalement à la « continence » sexuelle. Mais son
usage en 1 Corinthiens 9 : 25 dénote un sens plus large, un sens de
discipline dans tous les domaines de la vie : « Tout athlète doit exercer la
maîtrise de soi en toutes choses ».
26
Keith Main, Prayer and fasting, op. cit., p. 60.

CHAPITRE DEUX | LE JEÛNE ET LE COURS DE L’HISTOIRE


1
Joseph WIMMER, Fasting in the New Testament : A biblical theology, New
York : Paulist Press, 1982, p. 119.
2
Cité dans Richard FOSTER, The Celebration of discipline, op. cit., p. 48.
3
Ibid.
4
Joseph WIMMER, Fasting in the New Testament, op. cit., p. 119.
5
Dietrich BONHOEFFER, The Cost of Discipleship, New York : Collier,
1949, p. 189-190.

CHAPITRE TROIS | JEÛNER POUR OBTENIR


LA RÉCOMPENSE DU PÈRE
1
AUGUSTIN, Les Confessions, Livre X, chap. 29.
2
J. C. RYLE, Ryle’s expository thoughts on the Gospels, Grand
Rapids : Zondervan, 1977, p. 57.
3
Dietrich BONHOEFFER, The Cost of Discipleship, op. cit., p. 188.
4
Keith MAIN, Prayer and fasting, op. cit., p. 37.

246
N o te s

5
John PIPER, Au risque d’être heureux, Marpent : BLF, 2010 ; Les plaisirs de
Dieu, Longueuil (Québec) : Ministères Multilingues, 2006 ; Prendre plaisir
en Dieu, La Clairière, 1995 ; The Purifying power of living by faith in future
grace, op. cit.
6
C. S. LEWIS, The Problem of pain, op. cit., p. 145.

CHAPITRE QUATRE | JEÛNER POUR LE RETOUR DU ROI


1
George LADD, « A Motive for mission », in Pray for Tibet, vol. 2, été 1991,
p. 4-6. La citation provient de son livre L’Évangile du Royaume : exposé sur
le royaume de Dieu, Saint-Légier : Emmaüs, 2009.
2
John WESLEY, « Sermon XXVII, On our Lord’s Sermon on the mount »,
in The Works of John Wesley, vol. 5, Albany (États-Unis) : Sage software,
1995, p. 440-441.
3
Cf. John PIPER, Que les nations se réjouissent ! Replacer Dieu au cœur de
la mission, chap. 5 : « Retrouver la place centrale de Dieu dans toutes les
nations », Marpent : BLF Éditions, 2015.
4
Anthony HOEKEMA, The Bible and the future, Grand Rapids : Eerdmans,
1979, p. 139.

CHAPITRE CINQ | LE JEÛNE ET LE COURS DE L’HISTOIRE


1
Jonathan EDWARDS, Some thoughts concerning the revival, in The Works
of Jonathan Edwards, vol. 4, New Haven (États-Unis) : Yale University
Press, 1972, p. 507.
2
Charles FINNEY, Power from on high, Albany (États-Unis) : Sage software,
1995, p. 9-10 (italiques ajoutés).
3
Sur le ministère d’Asahel Nettleton et la comparaison entre Finney et lui,
voir J. THORNBURY, God sent revival : The story of Asahel Nettleton and
the second great awakening [Dieu envoya un réveil : L’histoire d’Asahel
Nettleton et du second grand réveil], Grand Rapids : Evangelical Press,
1977 ; Bennet TYLER et Andrew BONAR, The Life and labors of Asahel
Nettleton [Vie et œuvre d’ Asahel Nettleton], Édimbourgh : Banner of
truth, 1975 (éd. orig. : 1854).
4
Pour la façon dont étaient perçus le ministère et la théologie de Finney,
voir John MACARTHUR Jr, Ashamed of the gospel [Honteux de

247
J eû ner

l’Évangile], Wheaton : Crossway, 1993, p. 227-235. « J’ai souvent été un


instrument utilisé pour provoquer chez les chrétiens une conviction
profonde, un état de repentance momentanée, et de foi […]. [Mais]
j’échouais à les convaincre de développer une relation intime et profonde
avec Christ, et à demeurer en Lui. Ainsi, ils retombaient rapidement
dans l’état qui était le leur au départ » (p. 235). En ce qui concerne son
point de vue sur la souveraineté de Dieu et le libre-arbitre de l’homme,
voir ses critiques envers Jonathan Edwards dans Charles FINNEY,
Finney’s systematic theology [La théologie systématique de Finney],
Minneapolis : Bethany Fellowship, 1976 (éd. orig. : 1846), p. 256-299. Au
sujet des effets à long terme des opinions de Finney, j’aurais tendance à
adhérer à ce point de vue : tout en conduisant beaucoup de personnes
à Christ, « le véritable héritage de Finney est l’impact désastreux qu’il a
eu sur la théologie évangélique et la méthodologie évangélique. L’Église
de notre époque ne s’est pas encore débarrassée du levain introduit par
Finney. Le pragmatisme évangélique moderne en est la preuve » (John
MACARTHUR, p. 235).
5
NDÉ : OMS : Overseas Missionary Society [Agence missionnaire outre-mer].
6
Wesley DUEWEL, Mighty prevailing prayer, Grand Rapids : Zondervan,
1990, p. 192.
7
John WESLEY, The Journal of rev. John Wesley, London : Epworth Press,
1938, p. 147.
8
David BRYANT, The Hope at hand, Grand Rapids : Baker, 1995, p 127.
Voir p. 127 à 142 et 231 à 244.
9
Jonathan EDWARDS, Some thoughts concerning the revival, op. cit., p. 507.
10
Ibid., p. 521.
11
Ibid., p. 516. Une information complémentaire intéressante : Jonathan
Edwards avait observé que les chrétiens de son époque se réunissaient
souvent en ce que nous appellerions aujourd’hui de « petits groupes ». Il
a donc encouragé ces groupes à se consacrer à la prière et au jeûne : « Les
habitants de nos villes sont souvent répartis en groupes indépendants de
prière ; la plupart des gens, jeunes et vieux, participent volontairement à
ces groupes, pour s’encourager mutuellement à persévérer dans la louange
collective, dans leurs domiciles privés : mon intention est donc que des
jours de prière soient organisés au sein de ces groupes. Une telle méthode,
appliquée au jeûne, a déjà fait ses preuves à de nombreuses reprises. Voilà
comment : dans la matinée, après avoir accompli leurs obligations familiales
et domestiques ; par groupes d’hommes, et groupes de femmes ; les jeunes

248
N o te s

hommes entre eux, et les jeunes femmes entre elles ; par groupes d’enfants,
dans tous les quartiers de la ville. Autant de participants que possible, du
moment qu’ils sont capables de pratiquer ces exercices religieux collectifs ;
les garçons entre eux, et les filles entre elles […] et au milieu de la journée,
à une heure définie à l’avance, tous se retrouvent dans la maison de Dieu,
pour offrir leurs prières en public, et entendre un message approprié à cette
occasion : puis, ils se retirent tous de la maison de Dieu pour retourner
dans leurs groupes respectifs, et passent le reste de la journée en prière
ensemble, à moins qu’il ne soit nécessaire de vaquer aux devoirs familiaux
et domestiques de leurs propres foyers » (ibid., p. 519).
12
Ibid., p. 353.
13
Jonathan EDWARDS, The distinguishing marks of a work of the spirit of
God [Les marques distinctives d’une œuvre qui vient de l’Esprit de Dieu],
in The Works of Jonathan Edwards, op. cit., p. 282.
14
Jonathan EDWARDS, Some thoughts concerning the revival, op. cit., p. 345.
15
Jonathan EDWARDS, The Life of David Brainerd, in Norman PETTIT
(éd.), The Works of Jonathan Edwards, vol. 7, op. cit., p. 162 (italiques
ajoutés).
16
Ibid., p. 531.
17
Cotton MATHER, The Great works of Christ in America, vol. 2, Édimbourg :
Banner of Truth, 1979, éd. or. : 1702, p. 148 (italiques ajoutés).
18
Richard LOVELACE, « Cotton Mather » dans Mark NOLL (dir.), Eerdman’s
handbook to christianity in America, Grand Rapids : Eerdmans, 1983, p. 100.
19
Ibid.

CHAPITRE SIX | TROUVER DIEU DANS LA SOUFFRANCE


1
Larry LIBBY, The Cry of the poor [Le cri des pauvres], Bothell (États-
Unis) : Action international ministries, 1986, p. 7-8.
2
Cité dans Cotton MATHER, The Great works of Christ in America, op. cit.,
p. 148.
3
Voir, par exemple, Arthur WALLIS, God’s chosen fast [Le jeûne selon
Dieu], Fort Washington (États-Unis) : CLC, 1968, p. 94-29, 142-146 ;
Bill BRIGHT, The Coming revival [Le réveil à venir], Orlando : New Life
Publications, 1995, chap. 9 et 10.
4
Rodney CLAPP, « Why the devil takes visa », Christianity Today, 7/10/1996.

249
J eû ner

5
Amy SHERMAN, « Hope dreams » [Rêves d’espoirs], Books and
culture, mai-juin 1996, p. 3-4. Elle critique – et cite – un livre de Greg
DONALDSON, The Ville : Cops and kids in urban America [La ville : flics
et enfants dans l’Amérique urbaine], 1993.
6
Ibid., p. 4.
7
Rodney CLAPP, « Why the devil takes visa », op. cit., 3e partie.
8
Larry LIBBY, The Cry of the poor, op. cit., p. 7-8.
9
Janet DITTO, « Hope on the dump », Target Earth, édité par F. Jansen,
Kailua-Kona (États-Unis) : University of the Nations, 1989, p. 156.
10
Histoire vraie d’un couple, racontée dans Larry LIBBY, Op. cit., p. 11-12.

CHAPITRE SEPT | JEÛNER POUR LES TOUT-PETITS


1
William COWPER, « God moves in a mysterious way » [Dieu agit de
manière mystérieuse], in Trinity Hymnal [Recueil de cantiques de la
Trinité], Philadelphia : Great Commission Publications, 1990, p. 128.
2
Michael HAMILTON, « The dissatisfaction of Francis Schaeffer »
[L’insatisfaction de F. Schaeffer], Christianity today, 3 mars 1997, p. 22.
3
Ibid., p. 30.
4
Francis SCHAEFFER, C. Everett KOOP, Whatever happened to the
human race? [Mais qu’est-il arrivé à la race humaine ?] in The Complete
works of Francis Schaeffer : A christian worldview [Œuvres complètes de
F. Schaeffer : une vision chrétienne du monde], vol. 5, A Christian view of
the West [Point de vue chrétien sur l’Occident], éd. or. : 1979, Wheaton :
Crossway, 1982, p. 405-406.
5
Michael HAMILTON, « The dissatisfaction of Francis Schaeffer », op. cit.,
p. 30.
6
Richard NEUHAUS, « Abortion and a nation at war », First things,
October 1992, p. 12.
7
Ibid.
8
Michael HAMILTON, « The dissatisfaction of Francis Schaeffer », op. cit.,
p. 29.
9
Francis SCHAEFFER, A christian manifesto, in The Complete works of
Francis Schaeffer, op. cit., vol. 5, éd. or. : 1981, p. 491.

250
N o te s

10
« The end of democracy : The judicial usurpation of politics », First Things
(Nov. 1996), p. 18. Le colloque s’est poursuivi dans l’édition de janvier 1997,
« The end of democracy ? The discussion continued », pp. 19–32. Francis
Schaeffer avait introduit tout ce débat sur la Cour Suprême et sa façon
d’usurper la place de la politique quinze ans plus tôt ! Il avait en effet réfléchi
à voix haute sur ce sujet, se questionnant : qui serait susceptible de prendre
les rênes du gouvernement si l’ordre en venait à s’effondrer ? Il a dit : « En ce
qui me concerne, je pense que nous ne devrions pas exclure les cours, en
particulier la Cour Suprême, parce qu’elle représente une élite. En effet : 1/
Ils légifèrent déjà sur la base d’une loi sociologique arbitraire. 2/ Ils créent
beaucoup de nouvelles lois. 3/ Ils dominent les deux autres contre-pouvoirs
du gouvernement. » Schaeffer, A Christian manifesto, p. 462.
11
Richard NEUHAUS, « Poor times, poor country », First things (juin-juillet
1993) : p. 61.
12
Richard NEUHAUS, « Abortion and a nation at war », op. cit., p. 13.
13
Cf. David REARDON, Aborted women, silent no more [Les femmes qui
ont avorté commencent à parler], Chicago : Loyola university press, 1987,
et sa bibliographie étendue sur le sujet, p. 201-202 ; David REARDON,
Abortion malpractice [Avortement : faute professionnelle], Denton : Life
dynamics, 1993.
14
GEREMIA08, « Mother Teresa @ National Prayer Breakfast » [Mère
Thérèse au petit-déjeuner national de prière], You Tube, 14/2/2012.
URL : <https://www.youtube.com/watch?v=OXn-wf5ylgo> (consulté le
22/03/2019).
15
Francis SCHAEFFER, A christian manifesto, op. cit., p. 455.
16
Ibid., p. 423.
17
Ibid., p. 494.
18
Ibid., p. 495.
19
Ibid., p. 457.
20
David REARDON, Making abortion rare, Springfield : Acorn, 1996, p. xv.
21
Francis SCHAEFFER, Whatever happened to the human race ?, op. cit.,
p. 282.
22
Une description des lignes de bataille dans les « guerres culturelles »
par Richard Neuhaus : « Nous sommes deux nations : l’une est

251
J eû ner

concentrée sur les droits et les lois, l’autre sur le bien et le mal ; l’une
est radicalement individualiste et dédiée à développer son potentiel,
l’autre est communautaire et invoque le bien commun ; l’une voit la loi
comme un instrument au service de la volonté de puissance et de liberté
totale, l’autre affirme qu’il existe un ordre moral objectif, reflété dans
la Constitution, et auquel nous sommes soumis ; l’une tournée vers la
satisfaction individuelle, l’autre vers la responsabilité familiale ; l’une
typiquement laïque, l’autre typiquement religieuse ; l’une élitiste, l’autre
populiste. » « Abortion and a nation at war », p. 9.
23
Francis SCHAEFFER, A christian manifesto, op. cit., p. 459.
24
Ibid., p. 457.
25
William COWPER, « God moves in a mysterious way », op. cit.

CONCLUSION | POURQUOI DIEU RÉCOMPENSE LE JEÛNE


1
Jonathan EDWARDS, « The Most High a Prayer-Hearing God », in The
Works of Jonathan Edwards, vol. 2, op. cit., p. 116.
2
Jonathan EDWARDS, Dissertation concerning the end for which God created
the world, in The Works of Jonathan Edwards, vol. 8, op. cit., 1989, p. 526.

ANNEXE | CITATIONS ET EXPÉRIENCES


1
Charles SPURGEON, Words of counsel for christian workers, Pasadena :
Pilgrim, 1985, p. 112-113.
2
IGNACE D’ANTIOCHE, The Epistle to Hero [Épître à Héro], chapitre 1,
Albany, OR : Sage software, 1995, p. 223.
3
AUGUSTIN D’HIPPONE, The Confessions [Les Confessions], New York :
Washington Square Press, 1962, p. 198-99.
4
AUGUSTIN D’HIPPONE, Lettre XXXVI, § 25, dans Œuvres complètes
de Saint Augustin, éd. par M. Poujoulat et M. l’abbé Raulx, vol. 2, Bar-
Le-Duc : (s.e.), 1864. Conservé à l’abbaye Saint-Benoît de Port-Valais
(Le Bouveret, Suisse). URL : <http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/
augustin/lettres/s002/l036.htm> (consulté le 22/03/2019).
5
CYRIL DE JERUSALEM, The Cathechetical lectures of our holy Father
[Enseignements catéchétiques de notre saint Père], enseignement n° 3
(« Du baptême »), § 7, in Nicene and Post-Nicene Fathers [Les Pères à
l’époque de Nicée et postérieure], vol. 7. Éd.: Philip Schaff et Henry Wace.
Buffalo : Christian Literature, 1894.

252
N o te s

6
MARTIN LUTHER, What Luther says [Paroles de Luther], vol. 1, compilé
par Ewald M. Plass, Saint-Louis : Concordia, 1959, p. 506.
7
Ibid., p. 507.
8
Ibid., p. 508.
9
Jean CALVIN, Institution de la religion chrétienne, Charols : Éditions
Kerygma-Excelsis, 2009, p. 1166 (4.12.14).
10
Ibid., p. 1166 (4.12.15).
11
Ibid., p. 1167 (4.12.16).
12
Ibid., p. 1168 (4.12.18).
13
Matthew HENRY, A Commentary on the whole Bible [Commentaire de
toute la Bible], vol. 4, New York : Funk & Wagnalls, s.d., p. 1478.
14
William LAW, A Serious call to a devout and holy life [Un sérieux appel à
une vie sainte et pieuse], Grand Rapids : Eerdmans, 1966 (éd. or. : 1728),
p. 112.
15
Jonathan EDWARDS, Some thoughts concerning the revival, op. cit., p. 331.
16
Ibid., p. 507.
17
Ibid., p. 521.
18
John WESLEY, Causes of inefficacy of Christianity [Causes de l’inefficacité
des chrétiens], in Sermons on several occasions [Prédications pour
diverses occasions], éd. : Thomas Jackson, vol. 2, predication n° 116, New
York : Mason & Lane, 1840, p. 440.
19
John WESLEY, On Our Lord’s Sermon on the Mount [Le Sermon sur la
montagne par notre Seigneur], in The Works of John Wesley [Œuvres de
John Wesley], vol. 5, predication n° 27, Albany : Sage software, 1995, p. 441.
20
Ibid., p. 449.
21
The Complete works of the rev. Andrew Fuller [Œuvres complètes du
révérend Andrew Fuller], vol. 1, Harrisonburg : Sprinkle Publication, 1988
(éd. or. : 1844), p. 583.
22
The United States at large [Les États-Unis en général], Library of Congress,
Annexe n° 19, vol. 12, cité dans Derek PRINCE, Shaping history through
prayer and fasting [Façonner l’histoire par la prière et le jeûne], Old
Tappan : Revell, 1973, p. 5-8. Les discours de George Washington, John
Adams et James Madison se trouvent p. 138 à 147.
23
J. C. RYLE, Ryle’s expository thoughts on the Gospels, Grand
Rapids : Zondervan, 1977, p. 57.

253
J eû ner

24
Phillips BROOKS, « Fasting » (a sermon for Lent), in The Candle of the
Lord and other sermons [La bougie du Seigneur et autres prédications],
New York :Dutton, 1881, p. 207.
25
Mrs. HOWARD, M. TAYLOR, Pastor Hsi, Singapour : Overseas missionary
fellowship, 1989 (éd. or.: 1900), p. 131.
26
Ernest CARRE, Praying Hyde : A challenge to prayer [Hyde le prieur : le défi
de la prière], South Plainfield : Bridge, 1982, p. 92.
27
Andrew MURRAY, With Christ in the school of prayer, Springdale :
Whitaker, 1981, p. 100-101.
28
Dietrich BONHOEFFER, The Cost of discipleship [Le prix du disciple],
New York : Collier, 1949, p. 188-189.
29
C. S. LEWIS, God in the dock [Dieu au banc des accusés], Grand
Rapids : Eerdmans, 1970, p. 53-54.
30
Martyn LLOYD-JONES, Studies in the Sermon on the mount, vol. 2, Grand
Rapids : Eerdmans, 1960, p. 38
31
David SMITH, Fasting : A neglected discipline [Le jeûne : une discipline
négligée], Fort Washington : CLC, 1954, p. 17, 38-39, 47-48
32
Keith MAIN, Prayer and Fasting : A study in the devotional life of the Early
Church [Jeûne et prière : les pratiques spirituelles de l’Église primitive],
New York : Carlton Press, 1971, p. 37, 83-84.
33
Richard FOSTER, The Celebration of Discipline [Éloge de la discipline],
New York : Harper & Row, 1978, p. 51-52.
34
Dallas WILLARD, The Spirit of the disciplines : Understanding how God
changes lives [L’esprit des disciplines : comprendre comment Dieu change
des vies] San Francisco : Harper & Row, 1988, p. 168.
35
Joseph WIMMER, Fasting in the New Testament : A biblical theology
[Le jeûne dans le NT : une théologie biblique], New York : Paulist Press,
1982, p. 101, 119.
36
Adalbert DE VOGÜE, Aimer le jeûne : l’expérience monastique, Paris : Cerf,
1988, p. 18, 19, 134, 118.
37
Arthur WALLIS, God’s chosen fast : A spiritual and practical guide to fasting
[Le jeûne qui plaît à Dieu : un guide spirituel et pratique pour jeûner] Fort
Washington : CLC, 1968, p. 131-132.
38
Wesley DUEWEL, Mighty prevailing prayer [La puissante prière
conquérante], Grand Rapids : Zondervan, 1990, p. 184, 188, 189.

254
N o te s

39
J. Oswald SANDERS, Prayer power unlimited [Puissance illimitée de la
prière], Chicago : Moody, 1977, p. 67.
40
Edith SCHAEFFER, The Life of prayer [La vie de prière], Wheaton :
Crossway, 1992, p. 75-76.
41
Jerry FALWELL, Fasting : What the Bible teaches [Le jeûne : ce que la Bible
enseigne], Wheaton : Tyndale, 1981, p. 11.
42
Bill BRIGHT, The Coming revival [Le réveil à venir], Orlando : New Life
Publications, 1995, p. 108.
43
Cité dans The Reformed Journal, Novembre 1988, in Donald Whitney,
Spiritual disciplines for the Christian life [Disciplines spirituelles de la vie
chrétienne], Colorado Springs : NavPress, 1991, p. 151.

255
INDEX DES RÉFÉRENCES BIBLIQUES

INDEX DES RÉFÉRENCES BIB-


LIQUES

Genèse Deutéronome
22 : 11-12............26 6 : 13...................70
6 : 16...................70
Exode
24 : 18.................130 8 : 2-3..................64, 71
33 : 19.................124 8 : 2-5..................73
34 : 28.................130 8 : 3......................70, 75
18 : 15.................71
Lévitique
16 : 29-31............37 1 Rois
26 : 8...................197 8 : 39...................26

257
J eû ner

1 Chroniques Psaumes
5 : 20...................212 20 : 8...................212
29 : 14.................210 33 : 15.................26
29 : 18.................210 34 : 9...................14
34 : 20.................73
2 Chroniques
7 : 14...................138-140, 158 35 : 13.................28, 242
12 : 6-7, 12..........140 37 : 4-5................212
13 : 18.................212 42 : 2-3................186
20 : 3-4................129 51 : 19.................212
20 : 14-15............130 63 : 2...................186
32 : 26.................140 63 : 2-6................13
33 : 12-13, 19.....140 63 : 4...................214
34 : 27.................140 73 : 25-26............20, 180, 186
106 : 7-8..............213
Esdras
119 : 18...............187
1 : 1......................199, 202
1 : 1-2..................198 Proverbes
4 : 12...................199 21 : 1...................202
5 : 1......................200 21 : 31.................196
6 : 7-8..................201 Ésaïe
6 : 22...................201-202 11 : 3...................26
7 : 6......................202 30 : 15.................166
7 : 27...................202 43 : 7...................213
8 : 21...................184 49 : 3...................213
8 : 21-23..............198, 203 53 : 10.................77
8 : 23...................204 53 : 11.................78
55 : 1-3................211
Néhémie
1 : 4......................130, 220 58 : 3...................140
58 : 5...................161
Esther
58 : 8...................166, 176-178
4 : 16...................130
58 : 9...................174, 178

258
I n d e x d e s ré f é re n c e s b i b l i q u e s

58 : 10.................175 Aggée
58 : 11.................179-181 2 : 4, 8-9..............200
58 : 12.................182 Zacharie
58 : 3-5................159 7 : 5......................140
58 : 6-7................167
58 : 6-8................148
Matthieu
58 : 7-8................155 3 : 16...................67
58 : 1-12..............153 4 : 1......................69
58 : 6-12..............165 4 : 3......................75
58 : 10-11............154 4 : 3-4..................70
58 : 7...................169 4 : 4......................74-75
58 : 7...................171 5 : 3......................212
58 : 7...................173 5 : 16...................67, 90, 182
62 : 5...................47 5 : 26...................95
64 : 3...................212 6 : 1-18................90
Jérémie 6 : 6-18................115
14 : 12.................140 6 : 9-10................205
29 : 10.................198 6 : 9-13................97

Ézéchiel 6 : 10...................104
16 : 8...................47 6 : 16...................87-88, 151
6 : 16-18..............82, 86
Osée
6 : 17-18..............89, 128
2 : 21-22..............47
6 : 18...................207
Joël 7 : 22-23..............123
1 : 14 ...................235
9 : 14-17..............36, 42, 45, 242
2 : 12, 15, 18.......235
9 : 14-172............36
Habakuk 9 : 15...................34, 51, 86, 101,
2 : 14...................213 ............................113, 127, 150, 220
3 : 17-18..............81 9 : 16-17..............50
9 : 17...................52

259
J eû ner

10 : 16.................102 6 : 21...................206
11 : 28-30............168 7 : 33-35..............46
13 : 43.................103 8 : 14...................23
15 : 9...................106 9 : 42...................95
16 : 27.................105 9 : 61...................241
23 : 12.................88 11 : 1...................90, 92
24 : 12.................103 11 : 20.................40, 52
24 : 14.................113 11 : 46.................168
24 : 25.................113 12 : 36.................110
25 : 1-13..............49 12 : 37.................110
25 : 35-36............156 14 : 18-20............23
27 : 58.................95 14 : 33.................25
28 : 18-20............114 17 : 21.................40, 52
18 : 7-8................103
Marc
2 : 18-22..............232, 242 18 : 11-12............51
4 : 11...................41 18 : 12-14............17
4 : 19...................18, 23, 80 19 : 13.................205
6 : 46...................241 22 : 18.................53
10 : 33-34............68 22 : 19.................102
10 : 45.................68 Jean
12 : 38-40............87 1 : 29...................68
13 : 13.................103 3 : 8......................141
3 : 28-29..............47
Luc
1 : 35...................67 4 : 32...................85
2 : 36-38..............100, 106 6 : 35...................30
2 : 37...................115, 220 7 : 38...................156
3 : 21 ...................90 7 : 38-39..............181
4 : 18...................156 11 : 41.................90
4 : 20...................95 14 : 3...................107
5 : 33-39..............242 14 : 13.................213

260
I n d e x d e s ré f é re n c e s b i b l i q u e s

14 : 18.................50 Romains
14 : 28.................78 2 : 4......................123
16 : 14.................213 3 : 24...................209
16 : 22-23............48 3 : 25-26..............68, 213
20 : 21.................66 4 : 4......................208
6 : 23...................208
Actes
8 : 23...................73
1 : 24...................26
11 : 33.................202
4 : 33...................95
11 : 35-36............206, 210
8 : 29-30..............135
11 : 36.................30
10 : 19-20............135
12 : 2...................126, 136
10 : 30.................243
14 : 3-6................44
13 : 1-3................49, 89, 118, 125
14 : 6...................58
13 : 1-4................114-115, 132,
............................135, 142 15 : 8...................68
13 : 1-5................131 15 : 8-9................213
13 : 2...................136 1 Corinthiens
13 : 2-3 ...............243 1 : 7......................112
13 : 3...................90 2 : 16...................137
14 : 22.................73 4 : 4......................79, 120
14 : 23.................49, 243 4 : 11...................220
16 : 7...................49 4 : 13...................103
17 : 25.................110 6 : 12...................18, 30, 45, 58, 60
18 : 18.................241 6 : 13...................18
18 : 24-26............123 7 : 5......................220-221, 243
20 : 35.................163 8 : 8......................17, 45
23 : 21.................40 9 : 25...................244
26 : 18.................67 9 : 26-27..............59
27 : 9...................242 10 : 31.................205, 213
11 : 34.................42
16 : 22.................104

261
J eû ner

2 Corinthiens 3 : 8......................19, 61, 186


1 : 22 ...................54 3 : 12...................62
2 : 13...................241 3 : 19...................18
3 : 17...................49, 67 3 : 20...................111
3 : 18...................79
Colossiens
4 : 4, 6, 18...........79
1 : 4-5..................111
5 : 5......................54
1 : 9-10................127
5 : 6......................102
1 : 16...................31
5 : 8......................50
1 : 22-23..............60
6 : 3-10................230
1 : 27...................54
6 : 5......................49, 59, 220
2 : 15...................77
8 : 9......................178
2 : 16...................45
10 : 8...................136
2 : 20-21..............17
11 : 27.................59, 243
2 : 20-22..............43
13 : 10.................136
2 : 20-23..............34
Galates 2 : 23...................43, 58
1 : 12...................136 3 : 2......................79
5 : 6......................209
1 Thessaloniciens
5 : 23...................58
2 : 13...................136
Éphésiens 5 : 21...................136, 237
1 : 5......................213
2 Thessaloniciens
1 : 13-14..............54
1 : 9-10................213
2 : 8......................208-209
3 : 6......................136
2 : 10...................209
3 : 19...................54, 86
1 Timothée
1 : 15...................68
3 : 20...................15
4 : 1-3..................17
4 : 22...................60
4 : 1-5..................42
Philippiens 4 : 3-5..................57
1 : 23...................50
2 : 13...................209
2 Timothée
4 : 8......................95, 100, 105

262
I n d e x d e s ré f é re n c e s b i b l i q u e s

Tite 1 Pierre
2 : 12-13..............112 1 : 13...................219
2 : 2-3..................54
Hébreux
6 : 12 ...................120 2 : 11...................111, 139
9 : 28...................112 4 : 11...................178, 212
10 : 12.................53 4 : 13...................111
10 : 32-34............111 2 Pierre
11 : 1...................55 3 : 1-2..................136
11 : 6...................236 3 : 12...................114
12 : 2...................77, 79 3 : 15-16..............136
13 : 3...................173
1 Jean
13 : 7...................120, 216 5 : 3-4..................168
13 : 14.................111
Jude
13 : 20-21............79
1 : 4......................18
13 : 21.................209
1 : 21...................112
Jacques
Apocalypse
1 : 12...................105
2 : 10...................105
1 : 17...................57
3 : 20...................85
4 : 3-4..................96
21 : 6 ; 22 : 17......211
22 : 20.................100, 104

263
INDEX DES PERSONNES

INDEX DES PERSONNES


Arcadius, 149 Calvin, Jean, 220–21, 253
Augustin, 26, 27, 82, 218, 244, Carre, E. G., 254
246, 252 Chrysostome, Jean, 149–50
Clapp, Rodney, 163–64, 250
Bennett, William, 191 Clausewitz, 192
Bonhoeffer, Dietrich, 80, 229, Colson, Charles, 191
246­– 47 Cowper, William, 184
Bork, Robert, 191 Cyril de Jérusalem, 219,252
Brainerd, David, 141–43
Bright, Bill, 237, 249, 255 De Vogüé, Adalbert, 234, 254
Brooks, Phillips, 227, 244, 254 Ditto, Janet, 250
Bryant, David, 132,248 Dobson, James, 191
Bundy, Ted, 190 Donaldson, Greg, 250

265
J eû ner

Duewel, Wesley L., 235, 248, 255 Ladd, George, 100, 114, 245–47
Law, William, 222, 253
Edwards, Jonathan, 118, 132, Leslie, Bill, 153–54, 181
134, 138, 141–45, 206, 212, Lewis, C. S., 26, 27, 33, 43, 94,
222, 247–49, 252–53 188, 229, 244–45, 247, 254
Eudoxia, 149 Libby, Larry, 148, 249, 250
Lincoln, Abraham, 225
Falwell, Jerry, 237, 255 Lloyd-Jones, Martyn, 24, 230,
Farrell, Edward, 20 243, 254
Finney, Charles, 121–23, 247, 248 Lovelace, Richard, 146, 249
Foster, Richard J., 28, 74, 232, Lundquist, Carl, 83–86
244, 246, 254 Luther, Martin, 219, 253
Franklin, Benjamin, 142
Fuller, Andrew, 224 MacArthur, John, Jr., 248
Maclean, A. J., 244
Gandhi, Mahatma, 38–39 Main, Keith, 41, 55, 59, 231,
Glader, Tim, 172 245–47, 254
Glendon, Mary Ann, 190 Mather, Cotton, 144–46, 249
Graham, Billy, 188 Murray, Andrew, 228,254
Gundry, Robert H., 49, 245
Nettleton, Asahel, 123, 247
Hamilton, Michael, 188–90, 250 Neuhaus, Richard John, 191–
Henry, Matthew, 221, 253 92, 250-51
Hsi, Pastor, 227 Nichols, Doug, 154, 156
Hoekema, Anthony, 247
Hyde, John, 227 Piper, Noël, 19, 21, 22
Plantinga, Corelius, Jr., 238
Ignace, 217, 252
Reardon, David, 195, 251
Kevorkian, Jack, 190 Rogers, Eric N., 39, 245
Kim, Joon Gon, 84 Ryle, J. C, 82, 226, 246, 254
Koop, C. Everett, 188, 250

266
Index des personnes

Sanders, J. Oswald, 236, 255 Wallis, Arthur, 49, 235, 245,


Schaeffer, Edith, 237, 255 249, 254
Schaeffer, Francis, 188, 190, Wesley, John, 109, 123, 131,
191, 193, 203, 250–52, 254 142, 223, 247, 248, 253
Shephard, Thomas, 144 Whitefield, George, 123, 142
Sherman, Amy, 250 Whitney, Donald, 255
Smith, David R., 230,254 Willard, Dallas, 233, 254
Spurgeon, Charles, 66, 216, 252 Wimmer, Joseph F., 64, 233,
Steinbach, Carol, 19 246, 254

Taylor, Mrs. Howard M., 254


Terèsa, Mère, 192
Thornbury, J. F., 247
Tyler, Bennet, 247

267
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Nous avons essayé d’imaginer ce qui arriverait si nos Églises
étaient remplies de croyants qui jeûnent régulièrement
et de façon biblique. Imaginer ce que pourrait faire Dieu,
selon son bon plaisir, si son Église se levait pour dire :
‘‘
« Voilà à quel point nous aspirons après toi, ô Dieu ! ».
Francis Chan et David Platt
Auteurs du livre Multipliez-vous

Nos envies orientent tout ce que nous vivons au quotidien, que ce soit
l’appétit de notre estomac pour de la bonne nourriture, notre soif de
pouvoir et de possession ou encore le désir profond
de notre âme d’expérimenter Dieu.

Pour le chrétien, avoir faim de toute autre chose


que de Dieu lui-même est ultimement néfaste
à une bonne santé spirituelle et une joie profonde.

John Piper nous aide à appliquer les enseignements bibliques


sur le jeûne. Il veut nous faire goûter à la satisfaction incomparable
qui ne vient que d’un plaisir trouvé avant tout en Dieu.

JOHN PIPER est le fondateur de Desiring God. Pendant plus de 30 ans,


il a été le pasteur d’une Église baptiste à Minneapolis. Il est l’auteur
de plus de 50 ouvrages.

16,90€
ISBN 978-2-36249-433-8

Imprimé en France 9 782362 494338

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