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LE TIRAGE DE CET OUVRAGE

EST LIMITÉ A DEUX MILLE

NEUF CENTS EXEMPLAIRES

NUMÉROTÉS

DONT TRENTE EXEMPLAIRES

HORS COMMERCE MARQUÉS H.C.


L'ENSEMBLE CONSTITUANT

L'ÉDITION ORIGINALE

AUGMENTÉE D'UN HORS-TEXTE COULEUR

EXEMPLAIRE

ISBN 2-85704-151-9
@ 1983 Éditions Pygmalion/Gérard Watelet
70, avenue de Breteuil, 75007 Paris
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H a v e a Smilc; W i t h M e !
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CHARLIE
CHAPLIN
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MAURICE BESSY

C H A R L I E
C H A P L I N

Pygmalion
Gérard Watelet
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CHEZ LE MÊME ÉDITEUR

ORSON WELLES
par Maurice Bessy
VISCONTI
par Monica Stirling

JOHN HUSTON
par John Huston

LOUISE BROOKS
par Louise Brooks

HISTOIRE DU CINÉMA SOVIÉTIQUE


1919-1940
par Luda etJean Schnitzer
LE THÉÂTRE DU MERVEILLEUX
par Marian-Hannah Winter
Préface de Marcel Marceau
(Olivier Perrin)

ÊTRE ACTEUR
par Michael Chekhov
Préface de Yul Brynner

MARILYN MONROE SECRÈTE


par Lena Pepitone

Sur simple demande adressée aux Éditions Pygmalion/Gérard Watelet,


70, avenue de Breteuil, 75007 Paris, vous recevrez gratuitement notre catalogue
qui vous tiendra au courant de nos dernières publications.
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« Comprenez-vous la mortelle angoisse


qui me saisit à la gorge lorsque, chaque matin,
entre les murs en ruine d'un décor piteux,
je m'appuie sur le dossier d'une chaise de paille
qui, je le sais, va s'effondrer,
en face du devoir écrasant d'être drôle ? »
Charles Chaplin
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Panoplie, armoiries, accessoires...

8
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INTRODUCTION

Charlot est un fantôme gris, aux gestes d'homme,


au sourire d'homme, mais au regard d'ange, installé
dans notre décor par quelque subterfuge. Nous lui
devons nos confrontations essentielles.
Personnage de notre rêve et de son propre rêve,
inséré dans notre vie à la manière d'une surimpression,
il donne son vrai sens à cet art de fantômes qu'est le
cinématographe, par la facilité qu'il apporte à faire
partie de la réalité et à s'en escamoter.
L'homme disparu était natif du Bélier, possédant
de ce signe et l'orgueil et l'enthousiasme, le goût de la
tyrannie et une certaine inconséquence. Nous savions
qu'il était un être discordant ; avec le recul, nous dé-
couvrons qu'il est aussi un signe de contradiction.
La légende s'est emparée de lui. Dans quelques
années, on le confondra peut-être avec l'histoire des
pharaons, ne serait-ce que pour son sarcophage volé...
Mais de cette vie déjà incroyable sourd une réalité
qui défie le temps : l'œuvre de Charlot, ces films enfm
retrouvés après une longue éclipse et proposés aux
générations nouvelles.
Ce livre est consacré à cette réalité, à l'œuvre qui
pendant un demi-siècle a scintillé sur les grands écrans
et entreprend maintenant la conquête des petits. 9
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Le cinéma est le seul art engendré par le vingtième


siècle et l'on remarque que Chaplin en a été à la fois son
représentant essentiel et un maître singulier ; auteur,
réalisateur, acteur, compositeur, producteur, il est le
seul à avoir fermé le cercle de façon aussi complète,
aussi parfaite. Ici, comme dans les autres arts, et la
leçon est unique, le créateur est un homme seul.
C'est aussi la première fois qu'un cinéaste a imposé
u n personnage qui dans la galerie des bouffons de génie
(souvent légendaires) laissera une trace à la postérité.
Rien ne subsiste de Tabarin, Mondor, Turlupin, Jode-
let, ni des grands clowns d'hier. L'exploit de Chaplin
nous remet en mémoire les mots étincelants de Marcel
Pagnol devant la tombe de Raimu, pour mesurer
« toute la reconnaissance que nous devons à la lampe
magique qui rallume les génies éteints, qui refait danser
les danseuses mortes et qui rend à notre tendresse le
sourire des amis perdus ».
Quelles seront les réactions des hommes de de-
main devant ces premiers « fous rires » mal conservés,
contretypés des douzaines de fois, cisaillés, projetés au
galop, chefs-d'œuvre d'imagination, de trouvailles,
d ' h u m o u r , clés d'une certaine dialectique, aux effluves
d'épaves ? Essayistes, critiques, historiens ont multi-
plié études et exégèses sur cet épiphénomène et contri-
bué à l'édification d'une bibliographie monumentale
qui a même fait l'objet d'un catalogue probablement
incomplet.
La vie fragile du film ne nous permet pas d'espérer
voir un jour des historiens déterminer l'importance de
l'apport de Chaplin. Le monde impermanent dans le-
quel nous vivons ne se prête pas à ces examens séculai-
res qui prouvaient l'influence manifeste ou secrète de
quelques esprits.
Pour s'épanouir dans la Renaissance, le Moyen
Age avait besoin de jalons humains dont nous discer-
nons depuis peu la réalité des apports. Il semble que le
vingtième siècle ait entraîné les « temps modernes »
dans une ère très distincte de celles vécues jusqu'ici.
Les bases scientifiques, morales, sociales, subissent si
1 0 rapidement de telles modifications de structure qu'il
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serait sot de nier une métamorphose dont la rapidité est


le premier facteur de notre étonnement.
Chaplin a-t-il sa place dans cette floraison ou ce
bouleversement ? Est-il le porteur d'un message
comme l'ont été Piero Della Francesca, Commynes ou
Villon ?
Son œuvre, comme toute œuvre cinématographi-
que, est avant tout un assemblage d'images. La photo-
graphie, parfois le photogramme, en coagulent les re-
flets essentiels. Ce sont ces moments que nous avons
retenus.
Pour les « petits » comme pour les « grands »
films. En remarquant qu'en réalisant ses œuvres ma-
jeures Chaplin a toujours eu conscience du pouvoir
mobilisateur de l'image fixe et encouragé son photogra-
phe à multiplier les clichés. Cette accumulation d'illus-
trations, loin de déprécier les instants classiques, nous
paraît, bien au contraire, les enrichir et les métamor-
phoser en archétypes. Leurs jalons ainsi réunis de-
vraient ranimer bien des souvenirs, rappeler la richesse
de l'imagination, de la fantaisie, de l'inspiration. Il
s'agit toujours d'images fiévreuses, infaillibles, souvent
angoissées.
Révélatrices. D'une sublime immobilité.
Puissent-elles apparaître comme autant de hiéro-
glyphes, d'idéogrammes, chargées à la fois de sens et de
messages.
Vigny disait : « Les premiers des hommes seront
toujours ceux qui feront d'une feuille de papier, d'une
toile, d'un marbre, d'un son des choses impérissables. »
Chaplin est le premier grand homme dont l'apport ne
sera plus une trace mais le viatique de l'oubli.
Les vestiges ici réunis à la manière des signes rupes-
tres, leur destin n'est pas seulement d'être regardés.
Mais aussi d'être lus.
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DÉCOUVERTE
DE CHARLOT

On avait installé près de Saint-Jean, dans une


ancienne propriété du roi des Belges, une colonie d'or-
phelins. Ils étaient nombreux, mais beaucoup riaient
encore joyeusement parce qu'ils ne comprenaient pas.
Ce ne fut que plus tard que leur esprit s'ouvrit ; plus
tard, lorsque la vie pesa sur leurs frêles épaules, de tout
son poids.
Ils étaient vêtus tristement et ils se ressemblaient
tous. Lorsque je passais près de la propriété, je les
apercevais à travers le feuillage de la grille.
Un jour, je les ai approchés de plus près, tous
ensemble. Dans une grande baraque de planches, au
sol usé, on avait placé des bancs en ligne, et sur un côté,
un drap blanc, bien tendu, offrait sa tache claire. L'ap-
pareil était au milieu de nous ; un très vieil appareil
dont on tournait la manivelle à la main et qui avait des
saccades immenses. Une ampoule ventrue clignotait
dans sa cage de tôle qui sentait mauvais en s'échauffant ;
parfois, il fallait la bouger légèrement, parce que le
filament lumineux tachait la clarté comme une ombre.
Et dans cette tristesse, un personnage apparut, fait
de rêve et de fantaisie. Je ne l'oublierai jamais, ce
fantôme extravagant qui avait des gestes méticuleux et
12 des chaussures trop longues.
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L'histoire se passait dans une boulangerie et le


patron était un gros homme blanc au regard terrible. Il
y avait là, entassées sagement, des tartes interminables
qui dégringolaient toujours au bon moment. Et puis le
petit bonhomme tombait dans le pétrin ; la pâte collait
à tous ses vêtements, et plus il s'agitait, plus il s'enfon-
çait dans sa détresse.
Il n'y avait plus personne dans la baraque, plus de
clients à vingt-cinq centimes la place, plus d'orphelins
de la guerre, plus d'opérateur. Il y avait seulement un
rire immense, inhumain, qui emplissait tout, recou-
vrait tout. Un rire qui nous secouait comme un ventre,
sur un rythme de guerre. J'avais la fièvre.
Et puis, tout à coup, la lumière. Quel dommage !
Il y avait encore un film, un long. Il s'appelait
Christus et il contait la vie de Jésus.
D'abord, nous nous sommes tous tenus bien tran-
quilles. Par respect. Il y avait des croix, et la Sainte
Vierge, et saint Joseph, et de beaux soldats bien mus-
clés. Peu à peu, tout cela nous a paru triste et terne. On
la connaissait par cœur, cette histoire, et il n'y avait
même pas les couleurs vives des tableautins de l'église
où l'on faisait le chemin de croix.
Et puis surtout, je crois que chacun faisait, comme
moi, la même supposition. A tous les personnages, je
substituais successivement la petite silhouette de tout à
l'heure. Si bien que Jésus avait un chapeau melon et des
cheveux frisés ; saint Joseph, une fine moustache
noire ; Ponce Pilate, une vieille redingote qui luisait.
Tout à coup, dans le silence, j'ai éclaté de rire. Il
n'y eut aucune protestation. On était arrivé au jardin
des Oliviers, et je l'imaginais bien, l'homme du film
précédent, avec ses pieds écartés, se saisir de son au-
réole pour la manger comme une couronne de pain. A
nouveau j'ai ri. Et des rires suivirent dans la salle. Ce
fut bientôt comme une contagion. Tout le monde riait,
s'exclamait. Je me suis levé brusquement et, monté sur
mon banc, j'ai crié :
— Vive Chariot !
Cent bouches crièrent en choeur :
— Vive Chariot ! 13
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Ce fut un beau tapage. Des cris s'élevaient :


Chariot ! Chariot ! Chariot ! Des camarades s'étaient
placés devant le faisceau de lumière et leurs grandes
ombres bleues effaçaient Christus.
— On veut Chariot !
L'opérateur s'arrêta et alla remettre la lumière.
Maintenant, il retire Christus de l'appareil. Il est allé
rechercher Charlot et il nous le montre en souriant. Ce
sont deux bobines noires avec, au bout, un morceau de
celluloïd recroquevillé. Mais il n'avait pas l'enrouleuse
et le film était maintenant enroulé à l'envers.
Qu'importe ! Il prit la décision de le rembobiner
sur son appareil même, si bien que nous vîmes le film à
l'envers.
Grâce à de savantes contorsions, on pouvait voir
Charlot sortir de son fameux pétrin : on le voyait fabri-
quer des tartes en arrachant un emplâtre de la figure de
ses partenaires...
Chacun à notre tour, nous allions relayer l'opéra-
teur pour tourner la manivelle. Parfois, celui qui tour-
nait riait tellement qu'il s'arrêtait ; alors le film sentait
un peu le roussi, et il se hâtait de refaire la vie de
Charlot.
Les petits orphelins pleuraient de joie. Je les ai
vus, à la fm, rouges de plaisir. Un seul était triste, un
peu seulement, très peu.
— Tu as du chagrin ?
Il est plus grand que moi, et son visage est couvert
de rousseur.
— Non, seulement papa aussi était boulanger.
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UNE NUIT
AVEC CHARLOT

Est-elle authentique, cette anecdote contée par


Chaplin, ou l'a-t-il forgée de toutes pièces ? Elle nous
satisfait, et nous regrettons de n'avoir pas, pour la
raconter, son regard de tendresse et son vieux cœur de
vingt ans. La voici :
C'était pendant la guerre, au cours d'un voyage à
New York. Chaplin était arrivé de nuit et n'avait pas
pris la précaution de retenir une chambre. L'hôtel où il
était accoutumé de descendre étant complet, Chaplin
prit un taxi et se fit conduire à un autre hôtel. Nouvel
échec. Deux heures durant, le taxi fit le tour de la ville,
avec la même malchance.
Fatigué par un voyage de trois jours, fourbu par
cette nouvelle course, Chaplin eut un moment d'abatte-
ment. Le chauffeur arrêta sa voiture, se tourna vers son
client qu'il avait reconnu et proposa :
— Nous pouvons tourner la nuit entière, si ça
vous chante, mais nous ne trouverons pas une chambre
dans tout New York. Il n'y a qu'un moyen d'en sortir :
il se fait tard, et je rentre chez moi. Ce n'est pas un
palace, mais c'est possible. Ma femme n'est pas là, et
mon gosse dort dans un lit qui est large. Si vous voulez
venir, c'est de bon cœur. 15
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Chaplin accepta, prit place à côté du chauffeur qui


se dirigea vers Brooklyn. Ils bavardèrent en vieux amis,
de la guerre, du black-out, des restrictions. Des ombres
glissaient dans la rue peu éclairée. On entendait les voix
mal étouffées des postes de radio.
C'était un appartement modeste, minuscule, aux
meubles rares, mais si bien astiqué, tellement brillant,
qu'il faisait oublier l'odeur fade de l'escalier.
— On va réveiller le môme, dit le chauffeur.
Il dormait dans son grand lit de cuivre, les dents
serrées, le front têtu, rêvant sans doute aux exploits de
Tarzan ou aux aventures de Blondie. Un gamin de huit
ans, très brun, avec un teint pâle. Un gamin pareil à
tous les gamins du monde, comme on en rencontre sur
les quais de Naples, à Ménilmontant, à Kensington
Road.
Pas très bien nourri, vivant de l'air des rues, avec,
à la commissure des lèvres, la première ride de l'in-
quiétude.
— Mickey, cria l'homme, regarde qui je t'amène,
c'est Chariot !
L'enfant se réveilla en grimaçant. C'était un fils
raisonnable, un vrai fils de pauvre. Il avait dîné seul, et
s'était couché à l'heure dite, réservant sa joie pour ses
rêves. La lumière trop crue de la lampe le fit ciller.
— Charlot, que je te dis, Charlot lui-même.
Il boxa son oreiller, se leva de tout son long, se
laissa retomber sur son lit. Il regardait le visiteur aux
cheveux blancs.
— Ça alors !
Mais n'était-ce pas un rêve ? Il se frotta les yeux.
— T u lui ressembles, dit-il, mais t'as pas sa mous-
tache. Et ses cheveux sont noirs.
— T'occupe pas, trancha le père, c'est Charlot,
puisque je te le dis !
Chaplin retira son manteau et s'assit sur un fau-
teuil. Il était exténué.
— Je vais dormir avec toi, sourit-il.
L'enfant reconnut son sourire :
— C'est vrai, tu ressembles à Charlot. Mais si t'es
16 Charlot, eh bien ! joue à Charlot.
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Il était complètement réveillé et s'installait dans sa


joie. Alors, Chaplin se leva et improvisa, pour ce spec-
tateur unique, la pantomime de son rêve. Il dansait à
travers la petite chambre, utilisait chaque objet comme
accessoire, sautant sur les chaises, glissant, tombant,
s'accrochant aux tentures.
— Encore, encore, criait l'enfant émerveillé, t'es
u n vrai Charlot.
Il ne sentait plus sa fatigue. Il ne pensait qu'à ce
regard fixé sur lui, à l'affût de chacun de ses gestes, de
son sourire, de ses contorsions de clown. Il faisait tour-
noyer une baguette imaginaire, freinait sur un pied...
Nous l'imaginons, ce Charlot mis à nu, se décou-
vrant soudainement à lui-même dans une chambrette
de Brooklyn. Ses vieux muscles soudainement tendus ;
et, sur son visage, le sourire du gamin lâché dans Ha-
misch Street ; sur ses lèvres, des vers qui pouvaient être
ceux q u ' u n adolescent avait abandonnés, un soir d'au-
tomne, au Fitzeroy Square :

Peut-être un soir m'attend


Où je boirai tranquille
E n quelque vieille ville
E t mourrai plus content
Puisque je suis patient !

Il est acrobate, mime, acteur, danseur. Il est le


grand Chaplin, aux dons innombrables, pour qui plus
rien ne compte, ni la gloire, ni la fortune, ni l'âge, mais
seulement l'émerveillement d'un petit d'homme qui
reçoit la grâce d ' u n immense bonheur.
Il défait sa valise dans une pirouette, se déshabille,
enfile son pyjama. Le ballet continue. Et l'enfant s'en-
dort, le cœur inondé de rêve, dans les bras de Charlot.
A cette histoire admirable, Chaplin a donné une
fin, une « chute » comme disent les spécialistes :
— Comment ne pas imaginer, dit-il, le récit que
ce garçon a fait le lendemain à ses camarades d'école ? Il
n'a pu s'empêcher de leur dire que Charlot était venu
chez lui, la veille au soir, en visite, qu'il avait fait son 17
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numéro pour lui tout seul, et qu'il avait dormi dans


son lit.
Et tous les écoliers ont éclaté de rire : « Chariot !
Penses-tu ! Il est à Hollywood. » « Tu le vois se dépla-
çant spécialement pour toi... Menteur, vantard. »
Les plus sensés ont hoché la tête : « Ce copain-là a
trop d'imagination. Ou bien, il rêve trop. » « Il paraît
que ça se soigne. »
Et il est resté seul, au milieu de la cour, raillé par
les uns, disputé par les autres.
— Pourtant je vous assure...
Non, ils ne le croiront jamais. Mais sa joie de-
meure. Une joie un peu mélancolique, couleur de ciel,
parfumée de vent. Une joie au cœur gros, semblable à
celle du vagabond des routes claires. Cette joie que la
caravane n'a pas emportée, et qui s'accroche à cette
piste de terre dure qui, hier encore, était un coin de
paradis.

Entrée par effraction dans la musique de son univers

18
Charlot cambrioleur
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« Nous sommes de l'étoffe dont les rêves sont faits »


Shakespeare

Idylle aux champs

LES ORIGINES 19
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20 1915, sa première photo dédicacée.


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Son père... sa mère

Tout commence le 16 avril 1889.


Dans un faubourg de Londres probable-
ment...
Charles Spencer Chaplin naît de Hannah
Hill et de Charles Chaplin, tous deux comédiens
de tournée.
Hannah Hill, née en 1867, chante sous le
nom de Lily Harvey. Elle serait la fille d'un
Charles Hill, savetier irlandais du comté de
Cork, marié à une certaine Mary Smith dont
Chaplin disait parfois qu'elle avait été danseuse,
« une moitié gitane ». Toute jeune, au cours
d'une tournée en Afrique du Sud, elle s'éprend
d'un personnage peu recommandable — on le
dit bookmaker — de confession israélite, Sidney
Hawkes, avec lequel elle jura plus tard avoir été
mariée. De cette liaison naît un fils, quelques
semaines après son retour à Londres, le 16 mars
1885, auquel elle donne le prénom de son père et
son propre nom : Hill. (Ce n'est que plus tard
que Sidney adoptera le nom devenu célèbre de
son demi-frère.)
Theodore Huff, le premier biographe de
Chaplin, écrivit que son père était d'origine
« franco-juive anglicisée ». Chaplin corrigea
plus tard : « d'origine franco-irlandaise ».
Ce Charles Chaplin senior connaissait Han-
nah avant ses divers voyages et il l'épousa à son
retour du Cap, en 1886.
De cette union naît, trois années plus tard,
Charles Spencer, dit Charlie. Le chanteur
Charles Chaplin, grand amateur de jupons,
abandonne le foyer familial deux années après la
naissance de Charlie.
Hannah se met alors en ménage avec un
acteur nommé Leo Dryden dont elle a deux
enfants, Guy et Wheeler, reconnus par leur
père, probablement sans qu'il y ait eu mariage.
Après avoir vécu avec une autre chanteuse
— une certaine Louise — Charles Chaplin se-
nior revient auprès d'Hannah et aide Charlie
dans ses débuts. 21
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A l'école de Kensington : sept ans et demi. 1905, Charlie — seize ans — fait partie des Eight
Lancashire Lads et joue au Casey's Court Circus
à Londres.
1909, Charlie dans la troupe Karno interprète à Liverpool un sketch de patineurs.
Debout derrière lui, Arthur Stanley Jefferson qui deviendra Stan Laurel.

22
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Premiers rôles

1908, la troupe Karno à Londres. Charlie est le


troisième à partir de la gauche. Fléché : Stan
Laurel.

1913, affiche de la tournée Karno aux Etats-


Fred Karno. Unis. Charlie a droit à deux poses différentes.

23
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On part vers le Nouveau Monde avec une promesse du destin..

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Arrivée à Hollywood

On part vers le Nouveau Monde avec une pro-


messe du destin...
... mais il ne suffit pas d'émigrer pour jouer à
l'émigrant. (Chaplin, arrivant aux Etats-Unis en
1910, imite un passager en proie au mal de mer.)
Nouveau venu à Hollywood, Chaplin rappelle
qu'il a été à seize ans la vedette moustachue du
sketch Docteur Walford Bodie, accepte une jour-
née de figuration, mais pose déjà pour sa pre-
mière affiche (1914).

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La première défroque...

26 La personnalité est à l'homme ce que le parfum est à la fleur.


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Un grand demi-frère

Sidney Hill, devenu Sidney Chaplin et qui inter-


préta avec succès la Marraine de Charley, n'hé-
sita pas à emprunter la silhouette de son frère.
Le voici avec Phyllis Allen, Cecile Arnold et
Slim Summerville dans On Gussle's Day of Rest
qui n'a pas laissé beaucoup de traces.

27
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1921, Jackie Coogan le Kid a revêtu la défroque de son metteur en scène.

28
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Première époque

« Chaplin est le premier de la première époque


de son art, et il est un peu responsable de ce que
le joujou est devenu un art. Le cinéma porte
dans son prologue de beaux noms d'interprè-
tes... Un seul est plus qu'interprète. Chaplin est
l'interprète de soi-même ». Louis Delluc.

Le personnage de Charlot n'est pas un person-


nage comique. Sa défroque est celle d'un pauvre
hère. La canne est une marque d'élégance, voire
de snobisme. Elle est le seul bien, l'unique objet
personnel de ce miséreux et c'est pourquoi il
29
l'agite avec fierté...
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Douglas Fairbanks/Zorro, Mary Pickford échappée de Secrets, Chaplin violoniste gaucher (?) sont en 1920 les Trois Mousquetaires d'Hollywood.
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La brusque irruption chez les grands d'Hollywood

Gloria Swanson, simple figurante dans His New Job (1915), ancienne épouse de Wallace
Beery, est devenue superstar à Hollywood, et marquise de la Falaise. 31
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George Bernard Shaw fêté par le Tout-


Hollywood : Chaplin, Marion Davies, Louis
B. Mayer, Clark Gable et George Hearst... Un
Tout-Hollywood auquel Shaw n'a jamais mé-
nagé ses sarcasmes.

Les visiteurs du bout du monde

A gauche, Francis X. Bushman, rival de Ramon


Novarro dans Ben-Hur. A droite, l'un des hom-
mes les plus célèbres du cinéma américain, Gil-
bert Anderson, qui fut le premier cow-boy de
1l'écran sous le nom de Broncho Billy. On l'avait
aperçu en 1903 dans The Great Train Robbery et
il fut avec George Spoor le fondateur de la com-
pagnie Essanay (S and A).

2 1934. Avec Robert Florey, Marcel Achard et


Bernard Zimmer.

3 1934. Avec Marc Chadourne.

1945. Avec Al Reeves (1876-1946), venu lui


4 aussi de chez Karno, et son principal collabora-
teur jusqu'à sa mort.
Avec le chanteur écossais Harry Lander dans le
décor où fut tourné The Kid.

1917. Ce sourire de triomphe est celui d'un


homme de vingt-huit ans qui vient de signer
(avec First National) un contrat d'un million de
dollars. Il ne touchait en 1914 que cent cin-
quante dollars par semaine. Charlot est désor-
mais l'un des hommes les plus riches d'Holly-
wood. ► 33
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Avec Douglas Fairbanks...

34 Douglas Fairbanks, associé, compagnon de jeux et ami fidèle.


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... et Victor Sjöström

1924. Avec Victor Sjôstrôm, le grand réalisateur suédois (la Charrette fantôme). 35
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Pauses

Avec Wilbur et Orville Wright.


Avec le boxeur géant Primo Carnera.

36
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Jackie Coogan ; le « Gosse » a grandi.


37
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Du faux gentleman au vrai vagabond...

La transformation se fera dans une usine à mou-


dre des rêves, comme celle de Mack Sennett,
usine à catastrophes, à jolies filles et à flics
acrobates.

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Premières armes chez Mack Sennett

Cela s'appelle du slapstick.


Celles-là s'appellent des « Bathing Beauties » (avec Chester Conklin).
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Le bain de Mack Sennett

Accueilli à la Keystone par un bataillon de jolies


filles, Chaplin ne les fera pourtant jamais tour-
ner dans ses films.
Sur la première photo, on reconnaît Mack Swain ,
et Gloria Swanson.

« Je ne connaissais, pour ainsi dire, per-


sonne à Los Angeles lors de mon arrivée en
Californie et j'eus beaucoup de mal à parvenir au
studio de Mack Sennett, mon chauffeur de taxi
ne connaissant pas les environs de la ville mieux
que moi. J'arrivai-en retard, et Sennett n'était
plus dans son bureau. Pensant le trouver sur
l'un des plateaux, je me promenai au hasard de
mes pas, dans le petit studio, regardant tout ce
qui se passait avec curiosité. Ford Sterling, que
j'avais vu à l'écran, était en train de travailler, et
les grimaces dont il ponctuait son jeu ne furent
pas sans m'étonner. Fred Mace, que j'avais ren-
contré dans les coulisses du théâtre où nous
avions donné A Night in a London Club, me
présenta à mes futurs camarades, en disant :
« Charlie Chaplin est le comédien anglais qui va
jouer avec nous. » Je cherchai Mack Sennett, en
vain, pendant le reste de l'après-midi et, finale-
ment, retournai à mon hôtel. Un des publicistes
m'avait invité à dîner et à aller passer la soirée
dans un music-hall de Main Street. A l'entracte,
il me dit que le patron était dans la salle, et j'allai
me présenter à lui. « Je vous ai attendu pendant
plus d'une heure, ce matin - me dit Sennett —,
puis j'ai été obligé de me rendre en extérieurs
pour y surveiller le travail d'une de nos trou-
pes... » Nous bavardâmes pendant quelques
minutes, et Sennett me dit encore que je lui
paraissais extrêmement jeune, et qu'il serait cu-
rieux de voir ce que j'allais rendre à l'écran. Le
lendemain, j'arrivai sans encombre au studio, et
Sennett me demanda « ce que je savais faire »...
« N'importe quoi et tout ce que vous voudrez »,
lui répondis-je, mais plusieurs semaines se pas-
sèrent avant mon début devant la caméra. Je fis
plusieurs bouts d'essai, et les metteurs en scène
ne manifestèrent aucune impatience de me
confier un rôle, mon jeu leur semblant par trop
différent du genre grotesque-burlesque auquel
ils étaient habitués. Vers le début de janvier, j'en
étais arrivé à presque regretter d'avoir quitté
Fred Karno, mais je ne perdais tout de même
pas confiance. »

40 Confidences de
Charlie Chaplin à Robert Florey
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Les baigneuses de Mack Sennett...

41
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Le « Cop », précurseur du gendarme...

« Quand on dit d'un comique qu'il fait rire, On reconnaît sur cette photo des Keystone Cops
il semble qu'on lui fasse injure. Charlot me fait (1913) : Ford Sterling, Alfred St. John (Picratt),
rire. Si vous nommez cela du génie, je m'en Edgar Kennedy et Roscoe Fatty Arbuckle.
moque, pourvu que j'aie ri. C'est vraiment diffi-
cile, a dit Molière, que de faire rire les honnêtes Ford Sterling : « J'allai trouver Sennett pour lui
gens. Charlot y a réussi. » dire que ce débutant ne tarderait pas à nous
Alexandre Arnoux éclipser tous. »

42
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A C H E V É D ' I M P R I M E R L E 29 S E P T E M B R E 1983

SUR LES PRESSES DES IMPRIMERIES AUBIN A POITIERS

P O U R LES É D I T I O N S PYGMALION/GÉRARD W A T E L E T A PARIS

D'APRÈS U N E M A Q U E T T E DE LO DUCA

LA RELIURE A ÉTÉ RÉALISÉE

P A R D I G U E T - D E N Y R E L I E U R D E P U I S 1852

D é p ô t légal o c t o b r e 1983, n° d ' é d i t i o n 209, n° d ' i m p r i m e u r P 11651


Imprimé en France

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