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QU’EST-CE QU’ON FAIT CROIRE ?

FAIRE CROIRE QUE LE FAUX EST VRAI OU QUE LE VRAI


EST FAUX :

A. LES LIAISONS DANGEREUSES :

I. Survol de l’œuvre :
Dans l’œuvre de Laclos, quasiment tous les personnages tentent à un moment ou à un autre
de faire croire à l’autre que le faux est vrai, ou que le vrai est faux à commencer par l’auteur lui-
même et sa double préface :
• Le Vicomte de Valmont qui n’hésite pas tout au long d’une multitude de lettres à
persuader la Présidente de Tourvel de la sincérité de ses sentiments, de sa transformation
morale grâce à elle, de ses tourments à être loin d’elle…
• La marquise de Merteuil fait accroire à Cécile qu’elle est son amie, sa confidente sur qui
elle peut compter ; à Madame de Volanges qu’elle est une amie qu’elle porte
particulièrement dans son cœur ; elle n’hésite pas à se jouer de leurs sentiments et de leurs
projets en se cachant derrière le masque de l’amie.
• La présidente de Tourvel fait recourt, elle aussi, aux mensonges en prétextant la fatigue,
le mal de tête ou autres problèmes de santé qui lui permettraient de se réfugier dans sa
chambre et donc d’éviter le regard de Valmont et surtout d’éviter une quelconque
faiblesse face à lui.
• Le Vicomte s’efforce de faire accroire à la présidente que sa réputation parfaitement fidèle
à la réalité est fausse en accusant son amie Madame Volanges p301
• Merteuil fait croire à Cécile que sa mère va chercher à l’amadouer en lui faisant croire
qu’elle accepte de la marier à Danceny pour lui soutirer « cet aveu » p 345. Tout ce que
Merteuil présente comme une « ruse » de madame de Volanges est l’expression de la
vérité.
• Cécile ment à sa mère aussi pour pouvoir communiquer avec son amoureux Danceny et
plus tard pour recevoir Valmont dans sa chambre. Elle ment ensuite à ce même Danceny
en entretenant une liaison avec Valmont. Elle ment finalement pour cacher sa fausse
couche.
• Danceny à son tour fait croire à Cécile un amour sincère et fidèle alors qu’il succombe
progressivement aux charmes de la marquise de Merteuil.
➢ La liste est en réalité bien longue. Mais, elle prouve bel et bien que le roman
fait des mensonges et de la duperie les moteurs de toute l’intrigue : tout le
monde ment à tout le monde.

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II. Analyse de deux passages tirés de deux lettres : XXIII, XXXVI :
1. Lettre XXIII, p 124-127 : premier aveu du Vicomte

a. Entre être et paraitre, vrai et faux

• Étant envoyée à la Marquise de Merteuil pour vanter les


C'est à vos pieds, c'est dans votre sein exploits du Vicomte, la lettre dévoile le double discours de ce
que je déposerai mes peines. J'y dernier qui fait un va et vient entre faiblesse, tristesse et perte
puiserai des forces pour souffrir de feintes et orgueil, manipulation et cynisme réels. En effet, afin
nouveau ; j'y trouverai la bonté d’attendrir le cœur de sa proie, Valmont n’hésite pas à faire
compatissante, et je me croirai
toute une mise en scène qui doit d’abord préparer l’aveu qu’il
consolé, parce que vous m'aurez
plaint. Ô vous que j'adore ! écoutez- comptait formuler. L’écart se creuse ainsi entre deux
moi, plaignez-moi, secourez-moi. P portraits : celui de l’amoureux désarmé et celui du chasseur
125 calculateur

Traits de l’amoureux vaincu (le faux)


L’amoureux supplie sa bien aimé, se présente comme un
vaincu : Traits du chasseur narquois (le vrai)
• Tout mettre aux pieds de sa bien-aimé. Le chasseur, lui, est calculateur, sournois et sans cœur :
• Faire de la bien-aimée la source de la vertu, de la beauté : • Il dirige et conduit la conversation vers où il veut.
en gros l’idéaliser.
• Sème le doute autour de sa personnalité : ni bonne, ni
• Se refuser tout mérité dans son action charitable envers mauvaise.
les démunis.
• Il jette la faute de sa conduite passée sur les « gens sans
• Être au service d’elle à l’image d’un chevalier amoureux, moeurs » qu’il a dû côtoyer et qu’il imitait simplement.
c’est tout ce que demande l’amoureux
• Il sème le doute sur la réalité : vouloir exceller en l’art de
En gros : il sent de la faiblesse, du désarrois et de la perte la manipulation (« peut-être »)
sans le secours de la bien aimé qui détient tous les pouvoirs • Il nourrit le suspens en refusant de donner clairement la
sur son cœur : elle seule pouvait le plaindre, elle seule clé de sa conduite pour ainsi tenir la présidente en
pouvait le sauver… haleine.
• Prétendre que cet amour-secret a toujours été là à hanter
ses jours et ses nuits afin de faire culpabiliser la
présidente et en faire un bourreau.
• Il ralentit le rythme de son discours pour bien mettre
l’accent sur ses prétendus tourments, et n’hésite pas à
ignorer la volonté de la présidente de parler.
En gros : c’est bien lui qui menait la danse tout en affirmant
ne pas savoir danser en fin manipulateur.

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b. Le théâtral pour transformer le mensonge en vérité :
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La lettre dévoile aussi les compétences d’acteur de Valmont, il l’en est fier et
n’hésite pas à les accentuer :
• Sa gestuelle ne laisse pas de doute sur son amour, à genoux, en pleurant de
chaudes larmes de peine sur les mains de la présidente.
• Mais dans son emportement, il continue à avoir cette lucidité nécessaire à tout
acteur ; celle qui lui permet de garder une distance claire entre sa propre identité
et celle qu’il joue : il calcule ses gestes, analyse l’état de sa proie.
 Valmont n’oublie de ce fait aucun élément du décor habituel de l’amour
pour faire en sorte que le faux apparaisse vrai, et ainsi faire perdre sa
proie par l’illusion du vrai.

2. Deuxième extrait : la lettre XXXVI :


a. La réécriture de l’histoire pour permettre aux faux de prendre la place du vrai :
La lettre XXXVI montre la capacité du vicomte Valmont de réécrire l’histoire pour la faire
épouser ses intentions, de transformer le mensonge en réalité tout en passant pour un simple jouet du
destin ou plutôt du dieu de l’amour.
Le passage est encadré par deux phrases qui font office de serment : dire la vérité et rien que la
vérité : il est question de « se dévoiler » entièrement, de faire « le récit fidèle » de la réalité alors qu’en
réalité c’est tout le contraire qui se produit. Le Vicomte fait son plaidoyer mais en manipulant la réalité,
en falsifiant les faits :
• Son objectif premier a été de rendre visite à sa tante et rien d’autre et il ne savait pas la présence
de la présidence ➔ mensonge
• Il ne connaissait « sincèrement » pas l’amour avant de l’avoir vécu en compagnie de la
présidente et se contentait de collectionner les conquêtes et de suivre ses désirs ➔ Mensonge.
• Il n’est resté qu’après les « instances » que lui a fait sa tante sans quoi il serait parti ➔
mensonge
• Son cœur commençait à s’adoucir en côtoyant de près la vertu et la douceur de la présidente,
elle a été le moteur inconscient de son changement ➔ mensonge.
• Il est question alors de sort, de fatalité, de combat inégal, de hasard, de puissances dépassant le
pauvre amoureux victime des yeux de la bien aimée et de son poison qu’il a dû combattre jour
et nuit mais en vain ➔ mensonge.
• C’est par simple faiblesse qu’il a avoué son amour car il s’était promis de ne jamais le dévoiler
➔ mensonge.

➢ Valmont fait en sorte de réécrire l’histoire afin de dresser de lui un portrait angélique,
victime des circonstances qui le dépassent, du hasard, pire de la fatalité ; c’est comme s’il
était maudit et qu’il ne pouvait pas faire autrement.

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b. Le faux à la place du vrai, le mal à la place du bien :
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Mais le pire dans cette réécriture, c’est la volonté de Valmont de brouiller les pistes entre le
bien et le mal. En effet, s’il n’est que victime de forces supérieures, il doit de ce fait déclencher de la
pitié chez la présidente et non de la déception ou de la haine. Sa vie est devenue, à cause d’elle d’ailleurs,
insupportable, infernale même : il la fuit et la recherche en même temps. La présidente devient de ce
fait progressivement une personne tyrannique qui refuse un homme qui ne souhaite rien d’autre que l’aimer
d’un « un amour pur et sincère ». Valmont semple oublier, ou fait délibérément en sorte d’omettre un
détail d’une grande importance : La présidente est une femme mariée. C’est bien là le pouvoir de la réécriture
de l’histoire et le jeu sur le réel, c’est que le menteur choisit de donner à la réalité la forme qui lui convient
et rien d’autre. Il laisse de côté ce qui pourrait gêner, l’adultère devient un simple détail.

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B. LORENZACCIO :
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I. Survol de l’œuvre :
Dans l’œuvre de Musset, plusieurs scènes mettent en avant des personnages qui, pour
une raison ou une autre, décident de montrer le faux à la place du vrai et vice versa :
• Lorenzo laisse comprendre en simulant son évanouissement face à la vue d’un épais
qu’il est un être lâche, inoffensif : (Acte I, scène 4)
• Lorenzo, son oncle Bindo et Venturi font semblant en voyant le Duc rentrer qu’ils
sont réunis pour lui demander une faveur : flatterie et mensonge sont alors mis en
avant (acte II, scène4)
• Lorenzo fait disparaitre la cotte du Duc en affirmant ne pas la voir vu Acte II, scène
6.
• Salviati fait croire au Duc que Pierre l’a attaqué parce qu’il a dit simplement que sa
sœur plaisait à ce dernier Acte II, scène 7.
• Lorenzo s’entraîne au combat avec Scoronconcolo en poussant des cris afin
d’habituer ses voisins au vacarme pour que le jour où il aura à tuer le Duc, personne
ne trouverait les cris de secours alarmants. Acte III, scène 1
• On apprend de Pierre aussi que Salviati lui a fait accroire qu’il est mort pour sauver sa
peau Acte III scène 2
• Lorenzo fait-il croire au duc qu’il cache son épée « sous son chevet » pour qu’il ait «
une arme sous la main » (IV, 11) en cas de besoin alors qu’en faisant cela il le désarme
pour pouvoir le tuer plus facilement.
• Dans la même scène, il prétend que s’il a fait préparer des chevaux c’est pour aller voir
son frère « qui est très malade » alors que c’est en vue de s’enfuir à Venise après le
meurtre pour en informer Philippe Strozzi qui s’y est réfugié.

II. analyse de quelques passages clés :


1. Un faire accroire double p50-52 :
Dans la scène 4-acte I, Lorenzo a un double objectif ; il
veut faire accroire :
LORENZO
• Au Duc qu’il est un être digne de confiance.
- Pour qui dangereux, Éminence ? pour les • Au Cardinal et à Sire Maurice qu’ils sont idiots de
filles de joie, ou pour les saints du paradis ? penser qu’il puisse vouloir du mal au Duc.
- Cousin, quand vous aurez assez de quelque
➔ Il amuse de ce fait le Duc qui apprécie son
conquête des faubourgs, envoyez-la donc
humour mordant, et ridiculisent ceux qui s’attaquent
chez sire Maurice. Il est malsain de vivre
à lui.
sans femme, pour un homme qui a, comme
lui, le cou court et les mains velues. Pour y arriver, il use alors de l’ironie, des sarcasme,
voire de l’insulte déguisée pour les discréditer face au
Duc et l’amuser également. Ainsi, le comique de la
scène est à son paroxysme.

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2. Lorenzo un comédien doué :


Bien qu’il soit un ancien soldat, bien qu’i puisse s’entrainer LE DUC, riant aux
régulièrement et manier l’épée parfaitement, Lorenzo n’hésite pas éclats.
dans cette scène à se monter lâche, tremblant à la vue d’une épée Quand je vous le disais !
voire même à s’évanouir pour prouver au Duc qu’il est inoffensif, personne ne le sait mieux que
une « femmelette » p49, d’où le surnom que lui colle le Duc moi ; la seule vue d'une épée
« Lorenzetta » Il se dit ne posséder que l’éloquence et un esprit lui le fait trouver mal. Allons
permettant de jouer de ses adversaires. Il met de ce fait en avant chère Lorenzetta, fais-toi
son côté féminin pour prouver à ses adversaire qu’il n’a ni emporter chez ta mère.
grandeur d’âme ni même courage. Il montre dans cette scène ses Les pages relèvent Lorenzo
compétences de comédien, de caméléon même pouvant faire
apparaitre le contraire de ce qu’il est en réalité.
3. Le faux à la place du vrai ou l’art de l’illusion p104-106 :

Pour donner au faux l’image du vrai, le menteur n’hésite


LE DUC, riant aux pas à montrer des capacités d’illusionniste. À la scène 6, acte
éclats. II, Lorenzo le prouve parfaitement en faisant disparaitre la
Quand je vous le disais ! personne cotte du Duc tout en l’amadouant grâce à la flatterie et l’appas
ne le sait mieux que moi ; la seule des plaisirs de la chair. Il réussit ainsi à le désarmer et à faciliter
vue d'une épée le fait trouver mal. de ce fait son assassinat. Il prouve également que faire croire
Allons chère Lorenzetta, fais-toi
que le faux est vrai nécessite l’implication de la victime elle-
emporter chez ta mère.
même qui, hypnotisée par la parole du menteur, oublie de
Les pages relèvent Lorenzo raisonner convenablement. Ainsi, bien que Giomo insiste sur
le non-sens des actions de Lorenzo (sortir cracher dans un
puits), le Duc subjugué par lui est incapable de voir clairement
dans le jeu de celui-ci.
Un peu plus loin, dans l’acte III, scène 3, Lorenzo cherche à réveiller Philippe de son sommeil historique
en lui disant que « le tort des livres et des historiens est de nous les montrer différents de ce qu’ils
sont » (III, 3). Il l’appelle à ne pas croire tout ce qui se lit dans les livres car la réalité n’est pas vraiment
ce que les historiens racontent, la réalité se trouve dans l’expérience, dans la rue, dans la vie.

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C. VÉRITÉ ET POLITIQUE, DU MENSONGE EN POLITIQUE
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I. Survol de l’œuvre :
Dans la section 3 de du mensonge en politique, Arendt énumère plusieurs
exemples qui montrent parfaitement comment les chefs et les opposants ont mis à la place
du vrai le faux et ont continué à le défendre tout au long de la guerre en Vietnam :
• La théorie des dominos.
• Le soutien apporté aux rebelles du Sud-Vietnam par « une conspiration
communiste » p39
• La nécessité de « contenir » la Chine.
• La politique impérialiste des Etats-Unis.
Dans la section I de Vérité et politique, Arendt explique aussi comment le
pouvoir transforme le vrai en faux en amenant une vérité de fait à progressivement devenir
une opinion, et donc à devenir une idée comme une autre liée à un point de vue. Elle
explique aussi comment il falsifie les faits, récrit l’histoire pour lui donner la forme qui
convient à son idéologie.

II. analyse de quelques passages :


1. Décalage entre la raison communiquée et la réalité des faits MP p38 :
Arendt énumère dans la section trois de du mensonge en politiques plusieurs exemples pouvant
expliquer comment les dirigeants ont défendu et communiqué des idées qui étaient en totale opposition
avec ce que les services de renseignements affirmaient. Elle a aussi rapporté comment la voix des opposants
à cette guerre ont eux aussi essayé de faire croire le public qu’il est question de politique impérialiste :

1 La théorie des dominos :


Bien que la C.I.A ait affirmé au président
Johnson en 1950 qu’il est fort improbable
que les nations à l’entour du Vietnam 2 Les communistes apportent leur soutien aux rebelles :
succombent au communisme si les Etats-
Unis se retirait de la guerre, on continuait Bien que les services de renseignements rapportassent que plus de
tout de même à défendre cette thèse. 80% des rebelles sont des hommes originaires au Sud du Vietnam
et que ces statistiques n’aient pas changé tout au long de 3 années,
&
les responsables continuaient à affirmer le contraire, on ne voulait
pas dire la vérité clairement, à savoir que c’est une guerre civile
qu’ils alimentent eux-mêmes.

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3 La nécessité de contenir la
Chine a aussi été tantôt utilisée L’impérialisme des Etats-Unis :
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comme moteur de cette guerre
Arendt explique comment ensuite les opposants se donnaient à
tantôt réfutée par le président
cœur joie à la réfutation de ces raisons affirmées par le pouvoir en
Nixon lui-même. Selon les
place et de n’accepter qu’une seule, jugée par eux comme : la
circonstances, le pouvoir changeait
volonté des Etats-Unis de « s’assurer finalement la domination du
son discours.
monde ». Arendt n’est pourtant pas convaincu par cette raison car
elle reste illogique pour elle : car pourquoi gaspiller autant « de
ressources à l’endroit où elles ne servent à rien » p 42

2. Grâce à la pensée, l’homme affirme le faux MP p13 :

➢ Pour expliquer le mécanisme du mensonge humain, Arendt analyse


la nature de l’action humaine, qui attirée toujours par le nouveau, a
Nous sommes libres constamment besoin de faire « du déplacement ou de la
de changer le monde destruction de ce qui préexistait et de la modification de l’état
et d’y introduire de la des choses existant » p14. Pour agir, créer du nouveau, transformer
nouveauté. P14 le monde, l’homme part de ce qui existe pour lui donner une autre
MP forme.
➢ Elle explique que l’homme a cette capacité de prendre du recul par
rapport à la réalité, voire de lui donner une autre forme par la parole
grâce à l’imagination. Je peux donc affirmer que « le soleil brille » bien
que le ciel soit gris si je le souhaite et affirmer de la sorte ma liberté
face au monde qui m’entoure.
➢ C’est donc cette capacité que l’homme présente, celle de pouvoir décider d’accepter la réalité
ou de la refuser qui fait de lui un être qui agit ; cette action est selon Arendt « la substance
même dont est faite la politique » p 14
➢ La politique est ainsi naturellement liée au mensonge et ne peut pas être autrement car l’homme
a de nature cette capacité de choisir de dire la réalité ou de l’inventer.

3. Faire croire le faux trouve son origine dans un besoin humain MP p25-28 :
➢ Les documents du Pentagone posent le problème de la
tromperie mais pas celle de l’ennemi mais, mais celle des
Américains et du Congrès eux-mêmes. Ainsi, ces documents
Tous ces objectifs coexistaient,
prouvent parfaitement que l’ennemi connaissait la vérité mais
pêle-mêle apparemment, sans
que les dirigeants tentaient par « des dissimulation, des contre-
que l’un d’entre eux ait la
vérités, du mensonge délibéré » d’abuser les Etats-Unis
possibilité de se substituer à
➢ Pour le président américain Lyndon Johnson, dans la course à ceux qui l’avaient précédé. Car
sa réélection, ces incidents du golfe du Tonkin tombent à point chacun devait répondre à
nommé. Ce qui est présenté comme une agression devient ainsi l’attente d’un public différent et
le prétexte idéal pour lancer les premiers raids sur les positions chacun devait être accompagné
communistes. Quelques jours plus tard, il obtiendra du d’un « scénario » différent. MP
Congrès américain les pleins pouvoirs militaires. Une P 28
détermination qui lui vaudra sa réélection.

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➢ Après avoir fait l’inventaire de tous les objectifs mensongers affirmés par les dirigeants, Arendt
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explique enfin pourquoi on a dû changer à chaque fois de version : selon elle, chaque faux objectif
était adressé à un certain type de public. C’est dire de ce fait que les hommes préfèrent très
souvent entendre ce qu’ils souhaitent et non la vérité.

4. Réécrire l’histoire : faire croire que le vrai est faux


VP 321-322 :
➢ En revenant dans le temps Arendt tente de comparer le mensonge traditionnel et le mensonge
moderne ; le but en est de montrer comment la manipulation moderne est plus complexe,
sournoises et dangereuse :

Le mensonge moderne :
Il concerne des secrets qui ne le sont plus, ils sont connus
de tous :
▪ C’est le cas par exemple de la réécriture de l’histoire
qui se fait « devant les yeux de ceux qui en ont été
Le mensonge traditionnel :
les témoins » p 321
Il ne concernait que les vrais secrets qui le resteront ainsi, ▪ C’est le cas aussi de la « fabrication d’images » qui
c’est-à-dire méconnus de tous et les « intentions », les pour se maintenir nécessite la suppression de tous
moteurs qui ont motivé telle ou telle action mais le fait en les faits qui s’opposent à cette image
lui-même ne subissait que rarement l’altération. ➔On falsifie ainsi les faits, on réécrit l’histoire pour qu’elle épouse
Il ne vise pas à changer les vérité, à tromper tout le monde parfaitement le pouvoir en place et son idéologie.
mais vise que quelques « particuliers » en l’occurrence ➔Le mensonge moderne s’adresse de ce fait au peuple lui-même
l’ennemi. Il s’adresse ainsi à l’extérieur. De plus, la vérité et non à l’ennemi extérieur car c’est ainsi que l’on s’assure sa
reste préservée car elle est connue des « hommes d’Etas et suprématie sur lui.
des diplomates qui, entre eux connaissaient encore et
➔Cette destruction est présentée selon Arendt comme une
pouvaient préserver la vérité » p 322 violence portée contre la vérité et contre ceux que l’on dupe.
D’ailleurs, elle explique elle explique que « le mensonge [est]
comme le premier pas vers le meurtre » p322 (exemple :
Trotski)
➔Le danger final avec ce type de mensonge est que même les
hommes hautement placés sont dupés et se présentent la réalité
d’une manière faussée.

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FAIRE CROIRE QUE LE VRAI EST FAUX :
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A. LES LIAISONS DANGEREUSES

Analyse comparative des Lettre IX+ Lettres XI


S’il est facile de faire croire le faux en ayant recourt aux mensonges, à la falsification et
à la manipulation, il est souvent difficile de faire croire le vrai bien qu’il soit vrai :

1. Même homme, deux portraits

Valmont selon Madame Volanges Valmont selon La Présidente de Tourvel


▪ Calculateur, faux et dangereux : ▪ Un bon enfant, respectueux, aimable et
« Jamais, depuis sa plus grande jeunesse, il n'a sincère :
fait un pas ou dit une parole sans avoir un « Jamais il n'oblige à cette réserve, dans laquelle
projet, et jamais il n'eut un projet qui ne fût toute femme qui se respecte est forcée de se tenir
malhonnête ou criminel. » 96 aujourd'hui, pour contenir les hommes qui
l'entourent. » p103

▪ Un homme monstrueux qui ▪ Un homme doux, inoffensif et


s’attaque aux femmes et en fait ses respectueux des femmes :
victimes : « Ce redoutable M. de Valmont, qui doit être la
« Il sait calculer tout ce qu'un homme peut se terreur de toutes les femmes, paraît avoir déposé
permettre d'horreurs sans se compromettre ; et ses armes meurtrières » p 102
pour être cruel et méchant sans danger, il a
choisi les femmes pour victimes. » p96
▪ Il a porté atteinte à toutes les femmes ▪ Le fait que madame de Merteuil est son
qui ont traversé son chemin sauf la amie prouve qu’il est digne de confiance vu
marquise de Merteuil qui a su lui qu’elle est l’amie de madame de Volanges.
résister

2. La vérité n’est pas si évidente, si claire :


La confrontation de ces deux lettres dévoile plusieurs points sur la nature de la vérité :
 Bien que soutenue par des arguments solides, la vérité n’est pas facilement acceptée.
 Quand la vérité porte sur une réalité relative à un point de vue, elle perd de son pouvoir
et devient discutable. Ainsi, les deux dames ont raison car chacune d’elles choisit de voir
Valmont selon un angle de vue donné ; Madame Volanges se base sur le passé du Vicomte, sa
réputation et le récit des femmes qui ont été victimes de sa fourberie. Quant à la Présidente,
elle choisit de se fier à ce qu’elle voit, d’où l’emploi des verbes de perception comme
« apparaitre, paraitre, sembler… ». Les deux femmes ont de ce fait raison bien qu’elles soient
opposées
 La vérité est des fois tellement noire qu’il est difficile de la croire : existe-il un homme
aussi monstrueux que celui décrit par madame Volanges ? ne serait-elle pas aveuglée
simplement par sa peur ? et les femmes qui ont raconté leurs relation avec Valmont n’ont-elles
pas exagéré ? …

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3. Refus inconscient de la vérité


Finalement, il faut noter que la vérité est très souvent refusée par un mécanisme
inconscient de défense. C’est pour se préserver que l’on refuse de croire quelquefois des vérités aussi
brillantes que le soleil dans un ciel dégagé. La présidente de Tourvel se fait ici par exemple l’avocate du
diable car elle refuse inconsciemment de croire à l’immoralité de Valmont bien que sa parole elle-même
prouve cette immoralité : « Ce que je vous puis assurer, c'est qu'étant sans cesse avec moi, paraissant
même s'y plaire », « il est peut-être un peu louangeur ; mais … ». Croire ce que madame Volanges
dit, c’est faire admettre à la présidente qu’elle a été dupe et naïve, qu’elle a aimé la compagnie d’un
libertin, qu’elle est comme toutes ces femmes frivoles qui se laissent séduire par les apparences.

4. refuser de croire la vérité car elle est incroyable, impensable :


Le menteur utilise très souvent cette technique pour
décrédibiliser la vérité ; ainsi, tout en débitant la stricte vérité,
« Adieu, ma belle pupille : car vous
Valmont arrive à semer le doute dans l’esprit de Cécile : doit-elle êtes ma pupille. Aimez un peu
croire le message littéral et dans ce cas comprendre que son votre tuteur, et surtout ayez avec
« tuteur » lui fait des avances ou ce qui est implicite à savoir qu’il lui de la docilité ; vous vous en
est simplement en train d’œuvrer pour son bonheur et celui de trouverez bien. Je m’occupe de
Danceny. La vérité, bien qu’étant affirmée clairement n’arrive pas votre bonheur, et soyez sûre que
à être perçue. C’est le cas aussi à la page 180 où Valmont écrit sa j’y trouverai le mien p279
lettre à la présidente sur le dos de sa conquête et le lui dit.

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B. DU MENSONGE EN POLITIQUE, VÉRITÉ ET POLITIQUE :
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1. Il y a vérité et vérité : p293-295


Selon Arendt, il y a une différence majeure à faire avant d’expliquer comment la vérité rentre
en conflit avec la politique. Selon elle, il n’existe pas un seul type de vérité mais plusieurs :

Vérité

Vérité de raison Vérité de fait

Vérité mathématique

Vérité scientifique

Vérité philosophie

• La vérité mathématique est une « évidence » dans le sens où l’esprit sera


toujours capable de la reproduire si elle se trouve par mégarde perdue. De
Ces vérités ne plus, révéler ce type de vérité ne comporte aucun danger pour celui qui en fait
sont pas données
l’exercice
à l’homme, mais
• La vérité scientifique est, elle aussi, une vérité de raison car elle se base sur
prennent forme
grâce à son
la logique, sur un rapport rationnel au monde et à ses composantes. Mais cette
investigation et sa vérité est plus vulnérable que la vérité mathématique car elle dépend du regard
réflexion. que porte l’homme sur le monde. Ainsi, si l’histoire humaine avait pris un
autre chemin, les vérités scientifiques auraient pu être prendre une autre
forme.
• La vérité philosophique qui montre la capacité de l’homme à user de sa
raison afin de questionner le monde mais aussi de le dépasser.

2. La vérité de fait est fragile car elle trouve origine dans la réalité mouvante des hommes :
Arendt explique à la page 294, qu’à la différence des vérités dites de raison, la vérité de fait reste la
plus vulnérable face au pouvoir. Car s’il est difficile pour le pouvoir de supprimer la vérité selon laquelle
« les trois angles d’un triangle doivent être égaux à deux angles d’un carré », il est facile de faire
disparaitre le « rôle, durant la Révolution russe, d’un homme du nom de Trotski ». Pourquoi cela ?
Arendt explique que :
• La texture même de la politique est le fait et « qu’elle livre bataille sur son propre terrain
quand elle falsifie et efface les faits. »
• Le fait s’inscrit dans la réalité humaine qui se caractérise avant tout par la contingence et
le mouvement. Ainsi, si un évènement x survient à un moment T de l’histoire humaine,
cela ne veut pas dire qu’il a été nécessaire, fatal ; au contraire, une multitude d’autres
événements pouvaient prendre sa place et le faire disparaitre de la mémoire collective.

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➔Ainsi, si la démonstration peut faire révéler des vérité de raison dissimulées dans le passé,
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l’événement falsifié ne risque pas « d’être un jour redécouvert ». ceci montre parfaitement la
vulnérabilité de la vérité en politique.
3. La vérité est vulnérable face au pouvoir de l’opinion :

Arendt explique à la page 292 qu’il est difficile de faire croire le vrai car
« S’il leur était le vrai s’oppose très souvent au pouvoir de l’opinion. La foule refuse ce
possible de mettre la qui va à l’encontre de ce qu’elle pense, de ce qui fonde sa façon de lire le
main sur un tel
monde bien qu’il soit faux. Elle préfère le réconfort de l’opinion à la dureté
homme… ils le
tueraient » VP 292
de la vérité. C’est ainsi qu’il faut comprendre le mythe de la caverne car
bien qu’armé de sa raison, le philosophe a beau redescendre dans la caverne,
il se heurte à une foule allergique à la vérité
À la page 310, 311, Arendt mentionne la difficulté que Socrate a eu pour « convaincre » ses
opposants ainsi que ses amis de la vérité selon laquelle « la justice vaut mieux que l’injustice ».
Souvent, la vérité n’est pas la bienvenue car elle s’oppose à la force persuasive de
l’opinion. En s’adressant à ses disciples censés partager son point de vue, Socrate prend
conscience de la difficulté qu’à une vérité de se révéler comme vraie pour tous. L’opinion soude
la collectivité, elle puise sa force dans le nombre de croyants, alors que la vérité est très souvent
unique et très souvent opposée à ce que la majorité pense.

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C. LORENZACCIO
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Dans l’univers de Musset, la vérité a aussi du mal à se faire accepter. Bien qu’elle
soit évidente, dite clairement elle est souvent refusée voire calomniée. Mais pourquoi
refuse-t-on de la croire ?
1. Refuser la vérité jugée incroyable, impossible :
La scène 7, la scène 10 de l’acte IV
a. Dans la bouche d’un corrompu la vérité est mensonge : scène 7, acte IV
À la scène 7 de l’acte IV, Lorenzo décide à dire à tous les républicains qu’il compte tuer le Duc
cette nuit pour qu’ils soient prêts le lendemain pour instaurer un système politique qui défend les libertés
de chacun. Il frappe alors à trois portes pour annoncer la nouvelle :
• À la première porte, Alamanno rit de la nouvelle comme si Lorenzo lui racontait une blague
et l’invite à diner chez lui avec « de bons vivants »
• À la deuxième porte, Pazzi le prend pour un fou, un drôle et coupe court à la conversation en
fermant la porte.
• À l a troisième porte, le Provéditeur voit en cette nouvelle une mauvaise plaisanterie d’un
homme ivre. Il fait référence à un incident passé survenu entre les deux hommes ce qui vaut à
Lorenzo une insulte et une porte fermée encore une fois.
La vérité a donc ici du mal à se faire entendre et Lorenzo en est parfaitement conscient ; c’est
d’ailleurs ce qui le pousse à changer de formulation à chaque nouvelle porte pour amener son
interlocuteur à le croire. Ceci est bien curieux car la vérité ne devrait pas avoir d’artifice, il suffit qu’elle
soit elle pour être vénérée. Lorenzo diminue progressivement sa phrase pour se résigner à ne dire que
« le duc Alexandre sera tué cette nuit » p172.
Les trois hommes refusent de le croire car
➢ Lorenzo a tellement fait croire à Florence qu’il est corrompu, calomniateur et débauché à
l’image du Duc lui-même qu’il a finit par les convaincre. Comment le serviteur lâche pourrait
tuer le maitre puissant, cela ne peut être qu’une mauvaise plaisanterie ou un piège sournois.
D’ailleurs, Lorenzo le savait même avant de commencer sa tournée, il savait que l’on n’allait
pas le croire car à l’ouverture de la scène alors qu’il est encore seul il dit « tout ressemble ici
à du temps perdu » p170.
➢ De plus, le refus de la vérité peut aussi dépendre des attentes du sujet lui-même, ainsi Pazzi
pour qui la mort d’un tel tyran est impossible ne peut croire Lorenzo ; cette nouvelle qui
déborde son horizon d’attente et lui semble relever de l’incroyable.

b. La vérité faible devant les jeux puissants du mensonge : scène 10, acte IV :
Si Lorenzo a eu du mal à se faire entendre par les trois républicains, il sera de même aussi du
Cardinal et de Sire Maurice. En effet, bien qu’armés de la juste vérité, les deux hommes n’arrivent pas
à convaincre le Duc que Lorenzo compte le tuer cette même soirée et qu’il a pris toutes ses mesures
pour fuir loin de Florence, une fois le crime commis. Les deux hommes présentent pourtant des
arguments solides : « je l’ai vu de mes yeux … son regard m’a fait peur… il a dit à deux personnes de
ma connaissance, publiquement … ce que je dis, je puis le prouver »

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Mais la parole des deux hommes est perçue par le Duc comme irréelle,
une « fable », un récit où l'imagination intervient pour une grande part. sa
« Le Duc : j’ai de
bonnes raisons pour conviction profonde vient de sa foi totale et complète en Lorenzo et en sa
savoir que cela ne se fidélité et sa loyauté. Le Duc est ainsi si dupé par le personnage que joue
peut pas » p178 Lorenzo en sa présence qu’il devient complétement aveugle devant la
vérité. Il n’est plus question de croire ici mais de savoir.

2. Refuser la vérité jugée bien cruelle : p147-149


À la scène 7 acte III, alors que les Strozzi organisent un souper où sont invités les amis
républicains, louise, fille de Philippe Strozzi meurt empoisonnée après avoir gouté à son verre de vin.
La réplique de la jeune femme « je vais mourir, je vais mourir » suivie par la didascalie « elle meurt » ne
laisse aucun doute au spectateur concernant la mort de celle-ci. Pourtant, Philippe n’en croit pas ses
yeux et refuse la vérité en face de lui. Il l’appelle, la questionne : « Mon enfant ! es-tu morte, es-tu
morte, Louise, ma fille bien aimée ? » p148. Une fois arrive le médecin, il se réconforte à l’idée que
c’est certainement un étourdissement, non la mort. Pourtant, les faits sont là ! devant ses yeux : « c’est
un poison des Médicis… un domestique qui a appartenu à la femme Salviati » p149. Mais,
Philippe est sous le choc, dans un état de déni comme « frappé de la foudre ».
La réalité se présente souvent sous des traits cruels, inimaginable qui la rendent improbable,
irréelle. L’un des convive le formule clairement en disant « elle ne peut pas être morte ainsi tout d’un
coup » p60. Face à une telle atrocité, l’esprit préfère la fuite, l’imagination pour se défendre, se protéger.

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