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I. Survol de l’œuvre :
Dans l’œuvre de Laclos, quasiment tous les personnages tentent à un moment ou à un autre
de faire croire à l’autre que le faux est vrai, ou que le vrai est faux à commencer par l’auteur lui-
même et sa double préface :
• Le Vicomte de Valmont qui n’hésite pas tout au long d’une multitude de lettres à
persuader la Présidente de Tourvel de la sincérité de ses sentiments, de sa transformation
morale grâce à elle, de ses tourments à être loin d’elle…
• La marquise de Merteuil fait accroire à Cécile qu’elle est son amie, sa confidente sur qui
elle peut compter ; à Madame de Volanges qu’elle est une amie qu’elle porte
particulièrement dans son cœur ; elle n’hésite pas à se jouer de leurs sentiments et de leurs
projets en se cachant derrière le masque de l’amie.
• La présidente de Tourvel fait recourt, elle aussi, aux mensonges en prétextant la fatigue,
le mal de tête ou autres problèmes de santé qui lui permettraient de se réfugier dans sa
chambre et donc d’éviter le regard de Valmont et surtout d’éviter une quelconque
faiblesse face à lui.
• Le Vicomte s’efforce de faire accroire à la présidente que sa réputation parfaitement fidèle
à la réalité est fausse en accusant son amie Madame Volanges p301
• Merteuil fait croire à Cécile que sa mère va chercher à l’amadouer en lui faisant croire
qu’elle accepte de la marier à Danceny pour lui soutirer « cet aveu » p 345. Tout ce que
Merteuil présente comme une « ruse » de madame de Volanges est l’expression de la
vérité.
• Cécile ment à sa mère aussi pour pouvoir communiquer avec son amoureux Danceny et
plus tard pour recevoir Valmont dans sa chambre. Elle ment ensuite à ce même Danceny
en entretenant une liaison avec Valmont. Elle ment finalement pour cacher sa fausse
couche.
• Danceny à son tour fait croire à Cécile un amour sincère et fidèle alors qu’il succombe
progressivement aux charmes de la marquise de Merteuil.
➢ La liste est en réalité bien longue. Mais, elle prouve bel et bien que le roman
fait des mensonges et de la duperie les moteurs de toute l’intrigue : tout le
monde ment à tout le monde.
La lettre dévoile aussi les compétences d’acteur de Valmont, il l’en est fier et
n’hésite pas à les accentuer :
• Sa gestuelle ne laisse pas de doute sur son amour, à genoux, en pleurant de
chaudes larmes de peine sur les mains de la présidente.
• Mais dans son emportement, il continue à avoir cette lucidité nécessaire à tout
acteur ; celle qui lui permet de garder une distance claire entre sa propre identité
et celle qu’il joue : il calcule ses gestes, analyse l’état de sa proie.
Valmont n’oublie de ce fait aucun élément du décor habituel de l’amour
pour faire en sorte que le faux apparaisse vrai, et ainsi faire perdre sa
proie par l’illusion du vrai.
➢ Valmont fait en sorte de réécrire l’histoire afin de dresser de lui un portrait angélique,
victime des circonstances qui le dépassent, du hasard, pire de la fatalité ; c’est comme s’il
était maudit et qu’il ne pouvait pas faire autrement.
Mais le pire dans cette réécriture, c’est la volonté de Valmont de brouiller les pistes entre le
bien et le mal. En effet, s’il n’est que victime de forces supérieures, il doit de ce fait déclencher de la
pitié chez la présidente et non de la déception ou de la haine. Sa vie est devenue, à cause d’elle d’ailleurs,
insupportable, infernale même : il la fuit et la recherche en même temps. La présidente devient de ce
fait progressivement une personne tyrannique qui refuse un homme qui ne souhaite rien d’autre que l’aimer
d’un « un amour pur et sincère ». Valmont semple oublier, ou fait délibérément en sorte d’omettre un
détail d’une grande importance : La présidente est une femme mariée. C’est bien là le pouvoir de la réécriture
de l’histoire et le jeu sur le réel, c’est que le menteur choisit de donner à la réalité la forme qui lui convient
et rien d’autre. Il laisse de côté ce qui pourrait gêner, l’adultère devient un simple détail.
I. Survol de l’œuvre :
Dans l’œuvre de Musset, plusieurs scènes mettent en avant des personnages qui, pour
une raison ou une autre, décident de montrer le faux à la place du vrai et vice versa :
• Lorenzo laisse comprendre en simulant son évanouissement face à la vue d’un épais
qu’il est un être lâche, inoffensif : (Acte I, scène 4)
• Lorenzo, son oncle Bindo et Venturi font semblant en voyant le Duc rentrer qu’ils
sont réunis pour lui demander une faveur : flatterie et mensonge sont alors mis en
avant (acte II, scène4)
• Lorenzo fait disparaitre la cotte du Duc en affirmant ne pas la voir vu Acte II, scène
6.
• Salviati fait croire au Duc que Pierre l’a attaqué parce qu’il a dit simplement que sa
sœur plaisait à ce dernier Acte II, scène 7.
• Lorenzo s’entraîne au combat avec Scoronconcolo en poussant des cris afin
d’habituer ses voisins au vacarme pour que le jour où il aura à tuer le Duc, personne
ne trouverait les cris de secours alarmants. Acte III, scène 1
• On apprend de Pierre aussi que Salviati lui a fait accroire qu’il est mort pour sauver sa
peau Acte III scène 2
• Lorenzo fait-il croire au duc qu’il cache son épée « sous son chevet » pour qu’il ait «
une arme sous la main » (IV, 11) en cas de besoin alors qu’en faisant cela il le désarme
pour pouvoir le tuer plus facilement.
• Dans la même scène, il prétend que s’il a fait préparer des chevaux c’est pour aller voir
son frère « qui est très malade » alors que c’est en vue de s’enfuir à Venise après le
meurtre pour en informer Philippe Strozzi qui s’y est réfugié.
I. Survol de l’œuvre :
Dans la section 3 de du mensonge en politique, Arendt énumère plusieurs
exemples qui montrent parfaitement comment les chefs et les opposants ont mis à la place
du vrai le faux et ont continué à le défendre tout au long de la guerre en Vietnam :
• La théorie des dominos.
• Le soutien apporté aux rebelles du Sud-Vietnam par « une conspiration
communiste » p39
• La nécessité de « contenir » la Chine.
• La politique impérialiste des Etats-Unis.
Dans la section I de Vérité et politique, Arendt explique aussi comment le
pouvoir transforme le vrai en faux en amenant une vérité de fait à progressivement devenir
une opinion, et donc à devenir une idée comme une autre liée à un point de vue. Elle
explique aussi comment il falsifie les faits, récrit l’histoire pour lui donner la forme qui
convient à son idéologie.
3. Faire croire le faux trouve son origine dans un besoin humain MP p25-28 :
➢ Les documents du Pentagone posent le problème de la
tromperie mais pas celle de l’ennemi mais, mais celle des
Américains et du Congrès eux-mêmes. Ainsi, ces documents
Tous ces objectifs coexistaient,
prouvent parfaitement que l’ennemi connaissait la vérité mais
pêle-mêle apparemment, sans
que les dirigeants tentaient par « des dissimulation, des contre-
que l’un d’entre eux ait la
vérités, du mensonge délibéré » d’abuser les Etats-Unis
possibilité de se substituer à
➢ Pour le président américain Lyndon Johnson, dans la course à ceux qui l’avaient précédé. Car
sa réélection, ces incidents du golfe du Tonkin tombent à point chacun devait répondre à
nommé. Ce qui est présenté comme une agression devient ainsi l’attente d’un public différent et
le prétexte idéal pour lancer les premiers raids sur les positions chacun devait être accompagné
communistes. Quelques jours plus tard, il obtiendra du d’un « scénario » différent. MP
Congrès américain les pleins pouvoirs militaires. Une P 28
détermination qui lui vaudra sa réélection.
Le mensonge moderne :
Il concerne des secrets qui ne le sont plus, ils sont connus
de tous :
▪ C’est le cas par exemple de la réécriture de l’histoire
qui se fait « devant les yeux de ceux qui en ont été
Le mensonge traditionnel :
les témoins » p 321
Il ne concernait que les vrais secrets qui le resteront ainsi, ▪ C’est le cas aussi de la « fabrication d’images » qui
c’est-à-dire méconnus de tous et les « intentions », les pour se maintenir nécessite la suppression de tous
moteurs qui ont motivé telle ou telle action mais le fait en les faits qui s’opposent à cette image
lui-même ne subissait que rarement l’altération. ➔On falsifie ainsi les faits, on réécrit l’histoire pour qu’elle épouse
Il ne vise pas à changer les vérité, à tromper tout le monde parfaitement le pouvoir en place et son idéologie.
mais vise que quelques « particuliers » en l’occurrence ➔Le mensonge moderne s’adresse de ce fait au peuple lui-même
l’ennemi. Il s’adresse ainsi à l’extérieur. De plus, la vérité et non à l’ennemi extérieur car c’est ainsi que l’on s’assure sa
reste préservée car elle est connue des « hommes d’Etas et suprématie sur lui.
des diplomates qui, entre eux connaissaient encore et
➔Cette destruction est présentée selon Arendt comme une
pouvaient préserver la vérité » p 322 violence portée contre la vérité et contre ceux que l’on dupe.
D’ailleurs, elle explique elle explique que « le mensonge [est]
comme le premier pas vers le meurtre » p322 (exemple :
Trotski)
➔Le danger final avec ce type de mensonge est que même les
hommes hautement placés sont dupés et se présentent la réalité
d’une manière faussée.
Vérité
Vérité mathématique
Vérité scientifique
Vérité philosophie
2. La vérité de fait est fragile car elle trouve origine dans la réalité mouvante des hommes :
Arendt explique à la page 294, qu’à la différence des vérités dites de raison, la vérité de fait reste la
plus vulnérable face au pouvoir. Car s’il est difficile pour le pouvoir de supprimer la vérité selon laquelle
« les trois angles d’un triangle doivent être égaux à deux angles d’un carré », il est facile de faire
disparaitre le « rôle, durant la Révolution russe, d’un homme du nom de Trotski ». Pourquoi cela ?
Arendt explique que :
• La texture même de la politique est le fait et « qu’elle livre bataille sur son propre terrain
quand elle falsifie et efface les faits. »
• Le fait s’inscrit dans la réalité humaine qui se caractérise avant tout par la contingence et
le mouvement. Ainsi, si un évènement x survient à un moment T de l’histoire humaine,
cela ne veut pas dire qu’il a été nécessaire, fatal ; au contraire, une multitude d’autres
événements pouvaient prendre sa place et le faire disparaitre de la mémoire collective.
Arendt explique à la page 292 qu’il est difficile de faire croire le vrai car
« S’il leur était le vrai s’oppose très souvent au pouvoir de l’opinion. La foule refuse ce
possible de mettre la qui va à l’encontre de ce qu’elle pense, de ce qui fonde sa façon de lire le
main sur un tel
monde bien qu’il soit faux. Elle préfère le réconfort de l’opinion à la dureté
homme… ils le
tueraient » VP 292
de la vérité. C’est ainsi qu’il faut comprendre le mythe de la caverne car
bien qu’armé de sa raison, le philosophe a beau redescendre dans la caverne,
il se heurte à une foule allergique à la vérité
À la page 310, 311, Arendt mentionne la difficulté que Socrate a eu pour « convaincre » ses
opposants ainsi que ses amis de la vérité selon laquelle « la justice vaut mieux que l’injustice ».
Souvent, la vérité n’est pas la bienvenue car elle s’oppose à la force persuasive de
l’opinion. En s’adressant à ses disciples censés partager son point de vue, Socrate prend
conscience de la difficulté qu’à une vérité de se révéler comme vraie pour tous. L’opinion soude
la collectivité, elle puise sa force dans le nombre de croyants, alors que la vérité est très souvent
unique et très souvent opposée à ce que la majorité pense.
Dans l’univers de Musset, la vérité a aussi du mal à se faire accepter. Bien qu’elle
soit évidente, dite clairement elle est souvent refusée voire calomniée. Mais pourquoi
refuse-t-on de la croire ?
1. Refuser la vérité jugée incroyable, impossible :
La scène 7, la scène 10 de l’acte IV
a. Dans la bouche d’un corrompu la vérité est mensonge : scène 7, acte IV
À la scène 7 de l’acte IV, Lorenzo décide à dire à tous les républicains qu’il compte tuer le Duc
cette nuit pour qu’ils soient prêts le lendemain pour instaurer un système politique qui défend les libertés
de chacun. Il frappe alors à trois portes pour annoncer la nouvelle :
• À la première porte, Alamanno rit de la nouvelle comme si Lorenzo lui racontait une blague
et l’invite à diner chez lui avec « de bons vivants »
• À la deuxième porte, Pazzi le prend pour un fou, un drôle et coupe court à la conversation en
fermant la porte.
• À l a troisième porte, le Provéditeur voit en cette nouvelle une mauvaise plaisanterie d’un
homme ivre. Il fait référence à un incident passé survenu entre les deux hommes ce qui vaut à
Lorenzo une insulte et une porte fermée encore une fois.
La vérité a donc ici du mal à se faire entendre et Lorenzo en est parfaitement conscient ; c’est
d’ailleurs ce qui le pousse à changer de formulation à chaque nouvelle porte pour amener son
interlocuteur à le croire. Ceci est bien curieux car la vérité ne devrait pas avoir d’artifice, il suffit qu’elle
soit elle pour être vénérée. Lorenzo diminue progressivement sa phrase pour se résigner à ne dire que
« le duc Alexandre sera tué cette nuit » p172.
Les trois hommes refusent de le croire car
➢ Lorenzo a tellement fait croire à Florence qu’il est corrompu, calomniateur et débauché à
l’image du Duc lui-même qu’il a finit par les convaincre. Comment le serviteur lâche pourrait
tuer le maitre puissant, cela ne peut être qu’une mauvaise plaisanterie ou un piège sournois.
D’ailleurs, Lorenzo le savait même avant de commencer sa tournée, il savait que l’on n’allait
pas le croire car à l’ouverture de la scène alors qu’il est encore seul il dit « tout ressemble ici
à du temps perdu » p170.
➢ De plus, le refus de la vérité peut aussi dépendre des attentes du sujet lui-même, ainsi Pazzi
pour qui la mort d’un tel tyran est impossible ne peut croire Lorenzo ; cette nouvelle qui
déborde son horizon d’attente et lui semble relever de l’incroyable.
b. La vérité faible devant les jeux puissants du mensonge : scène 10, acte IV :
Si Lorenzo a eu du mal à se faire entendre par les trois républicains, il sera de même aussi du
Cardinal et de Sire Maurice. En effet, bien qu’armés de la juste vérité, les deux hommes n’arrivent pas
à convaincre le Duc que Lorenzo compte le tuer cette même soirée et qu’il a pris toutes ses mesures
pour fuir loin de Florence, une fois le crime commis. Les deux hommes présentent pourtant des
arguments solides : « je l’ai vu de mes yeux … son regard m’a fait peur… il a dit à deux personnes de
ma connaissance, publiquement … ce que je dis, je puis le prouver »
Mais la parole des deux hommes est perçue par le Duc comme irréelle,
une « fable », un récit où l'imagination intervient pour une grande part. sa
« Le Duc : j’ai de
bonnes raisons pour conviction profonde vient de sa foi totale et complète en Lorenzo et en sa
savoir que cela ne se fidélité et sa loyauté. Le Duc est ainsi si dupé par le personnage que joue
peut pas » p178 Lorenzo en sa présence qu’il devient complétement aveugle devant la
vérité. Il n’est plus question de croire ici mais de savoir.