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D O S S I E R : R É F L E X I O N S S U R L’ I N T É G R AT I O N S C O L A I R E 19

Eric Plaisance

De l’éducation spéciale à l’éducation inclusive


Avec un aperçu européen sur l’éducation inclusive dès la petite enfance

Résumé
L’évolution des conceptions et des pratiques éducatives à l’égard d’enfants en situation de handicap peut être sché-
matisée par le passage de l’éducation spéciale à l’intégration, puis à l’inclusion. Cette dernière orientation vers l’édu-
cation inclusive implique l’adaptation à la diversité des enfants et l’article présente des exemples concrets issus d’une
enquête européenne sur la petite enfance.

Zusammenfassung
Die Entwicklung von erzieherischen Konzepten und Praktiken für behinderte Kinder kann schematisch als der
Übergang von der Sonderschulung zur Integration und dann zur schulischen Inklusion hin dargestellt werden. Diese
Entwicklung in Richtung inklusiven Unterricht setzt voraus, dass den Verschiedenartigkeiten der Kinder Rechnung
getragen wird. Der Artikel stellt dahingehend konkrete Beispiele aus einer europäischen Studie über Kinder im Früh-
bereich vor.

Introduction inclusives au niveau apparemment plus fa-


Il est devenu courant, voire banal, d’obser- vorable de l’accueil de la petite enfance,
ver que les institutions pour la petite en- c’est-à-dire avant l’âge de 6 ans, âge qui
fance assurent assez facilement l’accueil et correspond généralement au début de la
l’éducation des enfants en situation de han- scolarité obligatoire.
dicap. Quelle que soit la diversité de ces ins-
titutions, en grande partie caractéristique Le spécial : une histoire ancienne,
des traditions culturelles des différents entre innovation et relégation
pays (écoles maternelles, jardins d’enfants, Pourtant, les apparences favorables que
crèches, centres associatifs ou religieux nous évoquons ne sont pas nécessairement
etc.), la présence d’enfants en situation de partagées. Des jeunes enfants en situation
handicap relève des missions qui leur sont de handicap, dont le nombre est toujours
reconnues et qui sont très généralement as- difficile à évaluer statistiquement, ne sont
sumées dans la pratique par les profession- pas présents dans des structures destinées
nelles qui y travaillent (le plus souvent des à tous : ils peuvent rester dans leurs fa-
femmes). Aux niveaux ultérieurs, principa- milles, avec très peu de contacts avec l’ex-
lement lorsqu’il s’agit de scolarité, les ac- térieur, avoir été placés dans des familles
cueils sont de plus en plus difficiles et les d’accueil, être temporairement accompa-
réactions virulentes. Malgré l’intérêt de gnés dans des associations, ou encore être
pousser plus loin l’analyse de ces réactions, hébergés dans des structures spéciales
nous allons plutôt dresser un bilan rapide (Plaisance 2006). Ici, le « spécial » doit être
des évolutions éducatives qui vont du spé- compris dans deux sens complémentaires :
cial à l’inclusif, puis rendre compte d’un c’est le spécial en tant que domaine d’ac-
projet européen portant sur les pratiques tion séparé du normal, c’est aussi le spécial

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en tant que « spécialisé », c’est-à-dire dési- L’éducation de la petite enfance


gnant des structures diverses pour tel ou comme ouverture à la diversité ?
tel type d’enfants, par exemple pour en- Les accueils dits « préscolaires »1, c’est-à-dire
fants déficients moteurs ou pour enfants avant l’âge de la scolarité obligatoire, ont été
sourds. à la pointe de l’accueil d’enfants différents,
L’éducation « spéciale » a joué un rôle dont certains présentaient des déficiences
historique essentiel à la fois dans l’élabora- très éloignées de la norme. Un recensement
tion de cadres conceptuels de compréhen- historique de ces accueils serait fort instruc-
tif, car il permettrait sans doute de montrer
Les structures spéciales ont été qu’ils relevaient plus souvent d’approches ex-
périmentales, d’initiatives locales soutenues
des lieux de relégation, de mise à l’écart,
par des personnalités ou des associations,
bien plus que des lieux de développe- que de politiques explicitement formulées.
ment des capacités. On peut faire l’hypothèse que la plus grande
souplesse des activités éducatives, faible-
sion des cas et dans les pratiques à mettre ment cadrées par des injonctions officielles
en œuvre. Mais, dans son développement, (plus par des orientations générales que par
elle a plus assuré un rôle de séparation ins- des programmes) a permis cette ouverture.
titutionnelle que de généralisation d’inno- Le plus souvent, et dans des pays de cultures
vations. La situation est particulièrement et d’institutions très différentes, de telles ac-
frappante à propos des enfants et adoles- tions ont d’abord été menées au nom de la
cents qu’on a nommés, selon les époques, « prévention », c’est à dire permettant non
arriérés, débiles, déficients intellectuels, d’éliminer telle ou telle déficience mais d’en
handicapés mentaux. Pour eux, l’option de contrecarrer les conséquences néfastes sur le
scolarisation dans les classes ou les écoles développement ultérieur de la personnalité
spéciales a historiquement été préférée à et des capacités. Dans les pays de langue an-
l’option d’accueil dans les classes ordi- glaise, et particulièrement aux Etats-Unis, les
naires. Ceci au nom de l’argument de l’in- notions d’intervention précoce et de com-
compatibilité de ces enfants avec le fonc- pensation ont été utilisées très largement au
tionnement de ces classes, c’est à dire de cours des années 60. D’un côté pour désigner
leur trop grande distance par rapport au des services destinées à assurer les bases du
« normal ». On pourrait cependant justifier développement ultérieur de l’enfant, d’un
une telle procédure si le souci de leur déve- autre côté pour désigner des programmes vi-
loppement optimal avait été pratiquement sant à contrer les désavantages, y compris
assuré, si les attentes à leur égard avaient sociaux, subis par les enfants « défavorisés »
eu une certaine ambition pour leur progres- ou handicapés 2 (Bickman, Weatherford,
sion personnelle et leur avenir social. Or, 1986 ; Meisels, Shonkoff 1990).
c’est précisément l’inverse qui s’est pro-
duit. Les structures spéciales ont été des 1
Le vocabulaire du « préscolaire » est d’ailleurs fautif
lieux de relégation, de mise à l’écart, bien car il englobe des formes de scolarité, par exemple
en école maternelle ou en jardin d’enfants.
plus que des lieux de développement des 2 Rappelons ici l’importance prise par les pro-

capacités (Gateaux-Mennecier 1990; Trem- grammes dits « Head Start » au milieu des années
blay 2012). 60 aux Etats-Unis.

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Intégration ou inclusion ? longtemps, développé une politique d’inté-


La notion d’intégration a ensuite fait pro- gration scolaire radicale, supprimant les
gressivement son entrée pour rendre compte classes et les écoles spéciales. C’est le cas
des présences d’enfants handicapés dans les de l’Italie dès 1977 : dans ce cas, la notion
structures ordinaires et ceci de manière plus d’intégration est assimilable à celle de l’in-
fréquemment acceptée, pour la scolarité clusion. D’autres pays (dont la France), sans
« maternelle »3. Le mouvement international doute la majorité en Europe, ont soutenu
« intégratif » peut être situé dans les années des politiques « mixtes », du fait de leurs
70, bien que des variations soient obser- institutions, de leurs cultures et de leurs
vables d’un pays à l’autre. C’est bien plus ré- professionnels : c’est l’application du mo-
cemment, dans les années 904, que la notion dèle en cascade qui combine tout un en-
d’inclusion a commencé à être défendue, semble d’institutions et de services, depuis
d’abord dans les pays de langue anglaise où les plus proches du « spécial » traditionnel,
cet usage concernant des groupes et des c’est-à-dire en séparation par rapport aux
personnes était linguistiquement possible, lieux communs, jusqu’aux services ambula-
contrairement au français où l’inclusion toires, desservant des aides pour des en-
concernait seulement des choses. Mais quels fants scolarisés dans le « normal ». On peut
avantages peut-on discerner dans ce pas- alors se rendre compte que, dans de telles
sage de l’intégration à l’inclusion ? Affaire de situations, l’intégration dans les écoles or-
pure rhétorique ou mutation de concepts en- dinaires a représenté un grand progrès mais
gageant de nouvelles manières de concevoir a vite montré ses limites. L’enfant devait
les pratiques et les institutions ? être reconnu comme « intégrable », c’est à
Là encore, les pays font des usages dif- dire acceptable en milieu ordinaire, et cet
férents, de ce vocabulaire de l’inclusion. Il accueil n’a pas eu l’extension souhaitable.
peut concerner une vaste ambition poli-
tique et s’appliquer à des domaines très va-
Mais quels avantages peut-on
riés. C’est clairement le cas du Brésil où la
discerner dans ce passage de l’intégration
politique d’« inclusão » vise la présence à
l’école ordinaire des enfants handicapés à l’inclusion ?
mais aussi des enfants issus de milieux so-
ciaux défavorisés. La politique de l’Union Pour les observateurs les plus critiques, l’in-
Européenne est, de manière assez proche, tégration aurait seulement été une réforme
orientée vers la perspective large de l’inclu- partielle, dans la continuité du spécial, et les
sion sociale. Des pays ont aussi, depuis enfants accueillis auraient uniquement eu
un statut de « visiteurs » et non celui de
3 En France, c’est dans l’application de la loi de 1975 membres à part entière de l’institution 5. Ils
sur les personnes handicapées, que des textes of- restaient en quelque sorte sur le seuil, dans
ficiels de 1982 et 1983 ont précisé les modalités de
l’intégration scolaire des enfants handicapés : inté-
un entre deux.
gration dite « individuelle » et intégration dite « col- Se référer à l’éducation inclusive im-
lective ». plique un changement radical d’orientation.
4 On cite habituellement la déclaration de Sala-
Les enfants, quels qu’ils soient, sont alors
manque de 1994, sous l’égide de l’UNESCO,
comme ayant lancé la notion d’éducation inclusive
au niveau international. 5
Voir Felicity Armstrong (1998)

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considérés comme appartenant de plein Parmi les obstacles repérables, on peut ci-
droit à la communauté scolaire et les en- ter : l’insuffisance des aménagements ma-
fants en situation de handicap en sont tériels des établissements scolaires en vue
membres à part entière, au nom du respect de l’accès pour tous, l’absence d’accord des
du principe de l’égalité des droits. De plus, équipes éducatives, l’engagement timoré
le renversement de l’intégration vers l’inclu- des directeurs d’établissements, la rareté
sion serait un renversement des rapports ou l’absence de professionnels d’appui pour
entre les enfants et les institutions ordi- accompagner certains enfants dans leurs
naires d’accueil. Ce ne serait plus aux en- apprentissages, le manque de communica-
fants de s’adapter aux fonctionnements sco- tion avec les parents, sans oublier les la-
laires existants mais, au contraire, aux dis- cunes malheureusement flagrantes de la
positifs scolaires et aux pratiques pédago- formation des professeurs des classes ordi-
giques de s’adapter à la diversité des élèves. naires.
Avancer dans cette voie ambitieuse im-
plique de bien repérer les difficultés, voire Des enquêtes européennes sur
les obstacles qui subsistent. La vigilance cri- l’éducation inclusive de la petite
tique est indispensable, pour éviter que des enfance
enfants en situation de handicap ou en dif- C’est précisément dans une telle perspec-
ficultés diverses soient des « exclus de l’in- tive d’application concrète qu’un projet de
coopération de recherche en Europe a été
Ce ne serait plus aux enfants de s’adapter lancé. Il s’agissait de fournir à des profes-
sionnels de la petite enfance des matériaux
aux fonctionnements scolaires existants
de réflexion sur des pratiques éducatives
mais, au contraire, aux dispositifs
inclusives, plus exactement en leur présen-
scolaires et aux pratiques pédagogiques tant des situations précises où des enfants
de s’adapter à la diversité des élèves. différents participent ensemble au proces-
sus éducatif. Des universitaires et des cher-
térieur » 6, c’est-à-dire marginalisés au sein cheurs issus de cinq pays ont participé à ce
des structures éducatives communes et dé- projet soutenu par l’Union européenne au
pourvus des aides dont certains ont besoin sein des programmes Comenius. L’Alle-
pour apprendre. On doit aussi se méfier magne pilotait l’ensemble, les autres pays
d’un moralisme abstrait qui défendrait un étant le Portugal, la Suède, la Hongrie et la
modèle inclusif sans s’inquiéter de la ma- France. Les questions posées étaient les
nière de le mettre en œuvre pratiquement. suivantes : Quels principes pédagogiques
Au contraire, une éthique de responsabilité, facilitent la coéducation et l’inclusion d’en-
selon l’expression de Max Weber, implique fants qui présentent des « besoins particu-
de se soucier de toutes les conséquences de liers » ? Comment pratiquer une éducation
nos choix et de l’articulation entre les va- en commun, en supprimant les barrières
leurs et leurs applications. traditionnelles qui ont tendance à instituer
la séparation des individus ? La définition
6
Selon la belle formule que Pierre Bourdieu (1993)
très générale de l’éducation inclusive était
utilisait à propos des filières de relégation d’ado-
lescents non handicapés dans l’enseignement du formulée ainsi : processus qui permet de
second degré. créer un environnement approprié pour

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tous. La conséquence pratique consistait à Des principes fondamentaux communs per-


réfléchir sur les manières d’adapter les mettant d’orienter les pratiques ont été dé-
concepts éducatifs, les programmes et les gagés de ces enquêtes de terrain. L’accent
activités aux besoins et aux intérêts des en- mis sur les intérêts et les besoins des en-
fants et non d’adapter les enfants aux ins- fants est apparu comme la condition indis-
titutions existantes et à leurs modes de
fonctionnement. Un profond retournement On doit se méfier d’un moralisme abstrait
des pratiques était donc supposé dévelop-
qui défendrait un modèle inclusif sans
per des conditions inclusives, c’est-à-dire
des conditions qui permettent d’établir du
s’inquiéter de la manière de le mettre en
lien social entre tous 7. œuvre pratiquement.
En vue de cet objectif ambitieux, le
groupe de travail international a été en pensable à la fois pour mener les actions
rapport étroit avec des institutions et collectives et pour fournir les aides indivi-
des professionnels de la petite enfance duelles. Concrètement, il s’agit de créer des
dans chaque pays. Pratiquement, chaque situations et des environnements éducatifs
groupe dans le pays concerné a mené son qui vont dans ce sens. Plus exactement, l’or-
enquête dans deux institutions supposées ganisation des situations doit ouvrir à la
mettre en pratique des activités inclusives participation et au développement des com-
et a établi un rapport précis de ses obser- pétences de chacun, grâce à la formation de
vations. Dans les rencontres de travail de groupes hétérogènes d’enfants, à la flexibi-
l’ensemble du groupe européen, qui lité des structures, à l’adaptation perma-
avaient lieu dans chaque pays, les mêmes nente des exigences. On est alors loin de
institutions étaient visitées et des échanges « programmes » rigides appliqués de ma-
avaient lieu systématiquement avec les ac- nière uniforme, on valorise au contraire les
teurs de terrain. Ainsi, chacun était en me- allers retours entre les activités en groupes
sure de contextualiser l’ensemble des ob- entiers, celle en petits groupes du type
servations et des réflexions fournies par les « atelier », et les attentions particulières à
autres collègues. Cette modalité très riche tel ou tel enfant. Dans tous les cas, la valo-
de fonctionnement a permis de connaître risation des capacités de chacun dans un cli-
la diversité des institutions (Kindergarten, mat de confiance est une clef de l’action
jardins d’enfants, pré-écoles, écoles mater- éducative, y compris en faisant comprendre
nelles…), d’engager des discussions avec
les praticiens, et de recueillir leurs avis sur
La valorisation des capacités de chacun
les pratiques et leurs possibles améliora-
dans un climat de confiance est une clef
tions.
de l’action éducative.
7 Sur l’ensemble de cette recherche collective, nous
renvoyons à la publication en français coordonnée aux enfants eux-mêmes les capacités di-
par Maria Kron et Eric Plaisance (2012). Une publi- verses des autres, pour éviter les stigmati-
cation en anglais est disponible à l’Université de
sations. Pour autant, cela demande, de la
Siegen (Allemagne) sous le nom de Maria Kron :
Growing up Together. Steps for Early Inclusive part des enseignants, des prises de
Education (2012). conscience, des sensibilisations, qui re-

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posent sur des conditions favorables. Les particulièrement lorsqu’on est confronté à
pratiques éducatives inclusives sont à coup des situations difficiles qui réclament le par-
sûr favorisées si certaines orientations sont tage de compétences. Le travail en réseau et
respectées et surtout mises réellement en la coopération avec d’autres services (dont
pratique. On relève ainsi la collaboration des services thérapeutiques spécialisés)
avec les parents qui doivent être considérés sont des outils qui répondent à l’objectif de
comme des « connaisseurs » de leurs en- rendre effective la participation de tous les
fants, de leurs points forts et de leurs points enfants à des lieux communs d’éducation.
faibles, de leurs atouts et de leurs difficul-
tés. Les considérer comme des partenaires Conclusion
est une garantie de bonne coordination des Le but explicitement visé par ce programme
actions, même si les rôles des uns et des de l’Union Européenne était de fournir des
préconisations qui pouvaient articuler les
bases théoriques et les suggestions pra-
L’inclusion peut se transformer en tiques. Malgré les différences institution-
son contraire, elle n’est pas donnée nelles et culturelles entre les pays (modes
une fois pour toutes, elle ne relève pas d’organisation, modèles pédagogiques, sta-
des évidences communes et réclame tuts des professionnels etc.), le point com-
mun des pratiques orientées vers une édu-
l’inventivité permanente de chacun.
cation inclusive était l’accueil de la diversité.
À la fois la diversité des familles, y compris
autres sont évidemment différenciés. L’envi- des familles issues de l’immigration (surtout
ronnement institutionnel doit apporter des dans le cadre de sociétés européennes de
appuis à l’enseignant : soutiens de la part plus en plus hétérogènes) et la diversité des
des instances hiérarchiques (en premier enfants, parmi lesquels des enfants présen-
lieu, de la direction de l’établissement), mise tant des déficiences plus ou moins graves.
à disposition de locaux et de matériels adé- Dès lors, l’enjeu éducatif était de combiner
quats, influence de l’architecture qui offre des activités collectives ou de groupe, favo-
des conditions d’interaction entre enfants, risant le lien social, et une attention particu-
entre adultes et enfants, mais aussi entre lière aux situations singulières, principale-
adultes eux-mêmes. À titre d’exemple pra- ment aux enfants qui avaient besoin d’aides
tique observé dans un jardin d’enfants, ci- spécifiques. Dans certains cas, l’appui de
tons la possibilité pour les adultes de circu- personnel supplémentaire, de services d’ap-
ler d’un espace à un autre, qui permet la pui internes à l’institution ou même ex-
flexibilité d’action de la part des éducatrices ternes à l’institution, était nécessaire. Pour
et éducateurs qui n’ont pas un territoire ré- autant, ce n’était pas retourner au spé-
servé et peuvent s’apporter des aides réci- cial traditionnel et à la culture de la sépara-
proques. Il est clair que cet exemple sous- tion qui était visé, mais bien plutôt enrichir
entend un travail en équipe qui est aux an- les actions éducatives grâce à la collabora-
tipodes de l’action isolée d’un éducateur. On tion de personnel spécialisé 8.
doit même dire qu’au-delà de l’établisse-
ment d’éducation, il est souvent nécessaire 8
Beaucoup d’exemples concrets sont présentés
de nouer des collaborations extérieures, dans le rapport collectif.

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Au terme de cette présentation rapide des Gardou, C. (2012). La société inclusive, par-
problématiques de l’éducation inclusive lons-en ! Toulouse : Erès.
pour la petite enfance, une question ma- Kron, M. & Plaisance, E. (Eds.) (2012). Gran-
jeure doit être soulignée. Il ne suffit pas de dir ensemble. L’éducation inclusive dès la
décréter l’inclusion pour qu’elle se traduise petite enfance. Suresnes : INSHEA.
en pratiques réellement inclusives et atten- Meisels, S.J. & Shonkoff, J.P. (1990). Hand-
tives aux particularités de chaque enfant. book of early chilhood intervention. Cam-
Pour le dire brutalement, l’inclusion peut se bridge : Cambridge University Press.
transformer en son contraire, elle n’est pas Plaisance, E., Bouve, C. & Schneider, C.
donnée une fois pour toutes, elle ne relève (2006). Petite enfance et handicap.
pas des évidences communes et réclame Quelles réponses aux besoins d’accueil?
l’inventivité permanente de chacun. Recherches et prévisions, 84, 53-66. In-
ternet : www.caf.fr [consulté le 14 mars
2013]
Bibliographie Plaisance, E., & al. (2007). Intégration ou in-
Armstrong, F. (1998). Curricula, «Manage- clusion ? Éléments pour contribuer au dé-
ment» and Special and Inclusive Educa- bat. La nouvelle revue de l’adaptation et
tion. In P. Clough (Ed), Managing Inclu- de la scolarisation, 37, 159-164.
sive Education : from Policy to Experience Plaisance E. & Benoit, H. (Eds.). (2009). L’édu-
(pp. 48-63). London: Paul Chapman. cation inclusive en France et dans le
Bickman, L. & Weatherford, D. L. (1986). Eva- monde, La nouvelle revue de l’adaptation
luating Early Intervention Programs for et de la scolarisation, hors-série n°5.
Severely Handicapped Children and their Plaisance, E. (2009). Autrement capables.
Families. Austin (Texas) : Pro Ed. École, emploi, société : pour l’inclusion
Bourdieu, P., (Ed.) (1993). La misère du des personnes handicapées. Paris : Autre-
monde. Paris : Ed de Minuit. ment.
Gateaux –Mennecier, J. (1990). La débilité lé- Tremblay, P., (2012). Inclusion scolaire. Dispo-
gère. Une construction idéologique. Pa- sitifs et pratiques pédagogiques. Bruxelles :
ris : Editions du CNRS. De Boeck.

Eric Plaisance
Professeur émérite
Université Paris Descartes
Laboratoire CERLIS
ericplaisance @noos.fr

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