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La révolution de l’éducation

C
es dix dernières années, une sans les comprendre les paroles du
certaine unanimité s’est maître, ne satisfont évidemment pas
créée sur la nature des chan- leurs besoins d’apprentissage et de
gements requis pour rendre possible développement. L’article 29 de la
un meilleur apprentissage. Chose Convention oriente donc vers un
plus importante encore, il ne s’agit modèle d’enseignement et d’ap-
pas d’idées théoriques discutées prentissage plus centré sur l’enfant,
dans des études académiques ou qui lui permet de participer active-
dans des conférences internationa- ment, de penser et de résoudre des
les, mais de méthodes appliquées problèmes, et d’acquérir ainsi la
dans le monde entier, tantôt dans des confiance en soi dont il aura besoin
projets pilotes, tantôt à l’échelon de sa vie durant pour continuer à s’ins-
tout un pays. Les succès qui en truire et prendre des décisions1.
résultent ne constituent pas des évé- Une vision de la qualité de l’édu-
nements isolés qu’il est impossible cation guidée par la Convention ne La Convention relative aux
de reproduire dans d’autres contex- se confine pas à des plans de leçons droits de l’enfant oriente
tes ou d’autres cultures. Ils sont au dressés par l’enseignant ou à un
contraire la preuve tangible que la équipement scolaire satisfaisant. vers un modèle
«révolution de l’éducation» est en Elle va bien au-delà, et touche à d’enseignement plus centré
marche, que ses principes sont de l’égalité entre garçons et filles; à la
plus en plus largement compris et santé et la nutrition; à la participa-
sur l’enfant, qui lui permet
acceptés, et ses éléments clefs incor- tion parentale et communautaire; à de participer activement, de
porés dans diverses configurations la gestion du système éducatif lui-
partout dans le monde.
penser et de résoudre des
même. Elle influence tous les
L’accès à un enseignement de domaines du développement hu- problèmes par lui-même.
qualité est un élément directeur de main, en améliorant la condition des
cette révolution, tout comme la femmes dans la société et en allé-
Convention relative aux droits de geant les effets de la pauvreté.
l’enfant, dont l’article 28 reconnaît La révolution de l’éducation
le droit de tout enfant à l’éducation, modifie tout le système éducatif.
sans discrimination aucune. La Sous son impulsion, les écoles doi-
Convention fournit également un vent devenir des zones de créativité,
cadre pour évaluer la qualité de cette de sécurité et de stimulation pour les
éducation. Des enfants entassés enfants, dotées d’eau potable et d’un
dans une classe surchargée, répétant assainissement adéquat, d’ensei-
UNICEF/93-1197/Andrew

gnants motivés et d’un programme


Jusqu’à 60% des nouveaux cas d’infection à d’études pertinent, où les enfants
VIH en Afrique subsaharienne peuvent survenir sont respectés et apprennent à res-
chez des jeunes de 10 à 24 ans. Ces écoliers du pecter les autres. Les écoles et
Malawi regardent un spectacle sur la préven- autres lieux d’apprentissage doivent
tion du SIDA. aussi offrir aux jeunes enfants dans

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les premières années du primaire ter à l’évolution des circonstances. méthodes d’enseignement tenant théoriques, elles sont plus vitales
une expérience enrichissante qui L’absence ou l’insuffisance de compte de facteurs tels que le sexe encore à l’adolescence quand les
facilite leur transition vers des sys- l’éducation de base peut gravement de l’élève, la langue et la culture, les risques d’exploitation au travail, de
tèmes trop rarement conçus pour compromettre la capacité d’appren- inégalités économiques et les inca- contamination par le VIH/SIDA et
épanouir leur personnalité. Les élé- dre sa vie durant, et accentuer le pacités physiques et mentales, et de grossesse précoce s’accroissent,
ments de cette révolution ont déjà décalage entre ceux qui sont à même permettant aux enfants d’affronter exigeant des jeunes qu’ils fassent
commencé à transformer des écoles de profiter de ces occasions et ceux ces facteurs de manière positive. des choix de comportement tou-
dans le monde entier. qui ne le sont pas. Les enfants et les sociétés ont besoin jours plus complexes et difficiles.
Dans cette approche de l’appren- de systèmes d’apprentissage qui La prolifération inquiétante des
Elément 1. Apprendre tissage, les enseignants et les élèves répondent aussi bien à leurs besoins guerres civiles dans le monde en
doivent modifier leurs relations afin locaux qu’aux défis de la mondiali- développement pose un défi formi-
L’enseignement pour la vie pour la vie que l’expérience vécue en salle de sation. De tels systèmes se caractéri- dable. Une formation aux techni-
au XXIe siècle, c’est donner Aller à l’école et la quitter sans classe – le processus même d’ap- sent par la priorité accordée aux ques de résolution des conflits fait
être réellement préparé à la vie est prentissage – soit une préparation à droits de la personne et à la trans- désormais partie des programmes
aux enfants les notions la vie. Les principes de la Conven- mission de connaissances et d’apti- scolaires de pays ayant récemment
un terrible gaspillage. C’est pourtant
élémentaires de lecture, le lot de beaucoup trop d’enfants tion relative aux droits de l’enfant le tudes qui aident chaque individu à été soumis à la violence, comme la
aujourd’hui. montrent clairement: l’enseigne- réaliser son potentiel et à agir pour Colombie, la Sierra Leone et Sri
d’écriture et de calcul, mais ment doit être un processus qui le bien de la société, contribuant Lanka.
Partout dans le monde, des édu-
c’est aussi les doter de cateurs ont récemment commencé à guide et facilite, qui encourage les ainsi à réduire, voire à éliminer pro-
compétences plus complexes s’intéresser à la faille entre ce qui est enfants à penser par eux-mêmes, qui gressivement la pauvreté. Mesurer les acquis
enseigné et ce qui est appris, et aux leur apprend à apprendre. La classe Dans cette définition plus large
pouvant servir de fondement doit être un environnement démo- de l’apprentissage auquel tout scolaires
nombreux enfants pris dans cet
à la vie. abîme. Une enquête menée par la cratique. enfant a droit, la Conférence de Si le succès de l’éducation doit se
Banque mondiale au Bangladesh a Le milieu d’apprentissage doit Jomtien a donné un nouveau relief mesurer à l’aune de ce que les

UNICEF/96-1141/Vauclair
révélé que, des élèves ayant accom- aussi évoluer, devenir actif, s’axer aux «compétences essentielles». enfants apprennent et de la manière
pli cinq années d’études primaires, sur l’enfant en tenant compte de son Leur définition évolue pour englo- dont ils l’apprennent, il faut trouver
quatre sur cinq n’atteignaient pas un niveau de développement et de ses ber des compétences psychosociales de meilleurs moyens d’en apprécier
niveau minimum d’acquis scolaires, capacités. Il doit permettre aux élè- de coopération, de négociation et de la pertinence et la qualité. Il faut
alors que ceux qui avaient fait trois ves d’exprimer leurs idées, leurs communication, de prise de déci- avant tout se demander jusqu’à quel Les systèmes d’apprentissage novateurs qui
années d’école obtenaient environ pensées et leurs opinions, favoriser sions, et une pensée critique et créa- point les systèmes éducatifs répon- répondent aux besoins locaux et aux défis de la
zéro sur le même barème d’évalua- les moments joyeux et les occasions tive préparant aux défis de la vie dent aux droits à l’éducation de mondialisation ont le potentiel d’alléger, et
tion, pourtant modeste2. Le droit de de jeu, mettre les enfants à l’aise moderne. C’est une éducation aux leurs plus jeunes citoyens, prenant même d’éliminer, la pauvreté. Une fillette en
ces enfants à l’éducation n’est pas avec eux-mêmes et avec les autres. valeurs et au comportement en pour mesure les acquis scolaires. Inde.
réalisé. Enfin, il doit les traiter avec respect. société. Cette information peut être utilisée
Les enquêtes de ce type évaluent Dans ce type d’environnement, les Les compétences essentielles pour ajuster les politiques, intro-
habituellement les acquis élémen- enfants acquièrent le sentiment de sont celles dont les enfants ont be- duire des normes réalistes, aider à
taires en alphabétisme et arithméti- leur valeur qui, s’il s’accompagne soin pour faire face à tout l’éventail diriger les efforts des enseignants,
que – lecture, écriture, expression de connaissances, de compétences des problèmes liés à leur survie et à promouvoir des responsabilités clai-
orale, écoute et calcul – qui sont et de valeurs de base, leur donnera leur bien-être, y compris des res et accroître la sensibilisation et
bien sûr des outils essentiels pour la les moyens de faire des choix bien connaissances sur la santé, la nutri- le soutien du public à l’éducation4.
poursuite de l’apprentissage, mais informés tout au long de leur vie. tion et l’hygiène. Une bonne base de Malheureusement, la plupart des
elles n’essaient même pas de mesu- L’environnement physique est lui ces compétences essentielles prépa- mécanismes en place testent les
rer le succès de l’enseignement aux aussi important. Il aide les enfants à rera les enfants à s’adapter d’une connaissances des enfants dans le
enfants des compétences requises se sentir à la fois en sécurité et sti- façon pratique et efficace aux indi- cadre d’un processus de sélection,
pour survivre, pour mener une exis- mulés. Les bâtiments et le mobilier vidus et aux situations rencontrés au lieu de s’assurer que les élèves
tence digne et pour faire face aux doivent être adaptés aux élèves. dans la vie quotidienne, à adminis- ont eu une possibilité suffisante
changements rapides et constants Trop d’écoliers se perchent sur des trer leurs finances, à agir sur la d’apprendre à lire, écrire et compter,
qui caractérisent la vie moderne. pupitres trop hauts pour leurs petits dynamique sociale et familiale, à ainsi que d’acquérir les compéten-
L’enseignement pour la vie au corps, dans des salles où fenêtres et apprécier leurs propres droits tout en ces et les valeurs essentielles dont
XXIe siècle, c’est donner aux enfants portes sont conçues par des adultes respectant ceux des autres. ils auront besoin tout au long de leur
les notions élémentaires de lecture, pour des adultes3. Si les compétences essentielles vie. On a constaté néanmoins des
écriture et calcul, mais c’est aussi L’approche globale de l’appren- ont une place importante dans l’édu- efforts intéressants. A ce jour, le
les doter de compétences plus avan- tissage pour la vie doit favoriser cation de la petite enfance et dans projet de suivi permanent des acquis
cées et plus complexes pouvant ser- l’intégration des individus au les écoles primaires, où l’accent est scolaires, mis en œuvre conjointe-
vir de fondement à la vie – qui leur monde du travail et à la société. Elle mis sur les compétences générales ment par l’UNESCO et l’UNICEF,
permettent en particulier de s’adap- exige un programme d’études et des de survie plutôt que sur les aptitudes représente l’une des tentatives les

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Encadré 2

plus complètes de concevoir un concentrer sur ce que les enfants


Les enfants ont-ils compris? cadre international de mesure des
résultats en dépassant la priorité tra-
apprennent réellement, et se servir
des évaluations pour développer un
Le projet de suivi des acquis scolaires ditionnellement accordée aux résul-
tats des examens ou aux taux de sco-
type d’enseignement facilitant le
processus d’apprentissage (voir
larisation5 (voir encadré 2). encadré 3).
Ce projet n’est pas isolé. D’autres Ce concept des acquis scolaires
initiatives tentent de répondre à la a des conséquences sur le plan
même question. En Inde, le projet économique aussi bien qu’éduca-
sur les niveaux minimaux d’appren- tif. Si l’on arrive à réduire les
tissage jette un nouveau regard sur redoublements et les abandons –

L
orsque l’on évalue les forces et υ d’analyser les domaines posant les classes, etc. Des questionnaires
les faiblesses des différents problème; donnés à remplir aux élèves, aux
les compétences qui peuvent et doi- autant d’indicateurs de l’ineffica-
systèmes de l’éducation, on υ de proposer des changements des parents, à l’instituteur et au chef
vent être mesurées à l’école et en cité et de la qualité médiocre de
retrouve certaines constatations politiques et des mesures prati- d’établissement permettent de bros-
dehors6. Au Bangladesh, le projet l’enseignement – on pourra faire
ques pour améliorer la qualité de ABC (évaluation des compétences beaucoup plus avec les maigres
remarquablement cohérentes quel ser un tableau aussi complet que pos-
que soit le pays. Ainsi, les écoliers des l’éducation. sible du milieu où se déroule l’ap- de base) utilise sensiblement les ressources disponibles.
zones urbaines obtiennent de meil- C’est ainsi qu’à Sri Lanka est appa- prentissage de l’enfant, tant à l’école mêmes techniques que les enquêtes Une enquête sur l’éducation
leurs résultats que leurs camarades rue la nécessité d’améliorer les prati- qu’à la maison. sur la vaccination pour analyser en Amérique latine dans les an-
ruraux; les filles ont de meilleures ques pédagogiques dans les écoles Le projet examine trois grands do- l’aptitude des enfants de 11 et 12 ans nées 80 a montré qu’il fallait, en
notes que les garçons dans les pre- primaires; qu’au Nigéria le besoin le maines: santé, hygiène, nutrition; vie à lire et comprendre un texte, écrire moyenne, 1,7 année à un enfant
mières années, mais deviennent pro- plus urgent est de garantir un ensei- quotidienne; et milieu social et natu- une lettre simple, résoudre des pro- pour passer dans la classe supé-
gressivement moins performantes en gnement et un apprentissage effica- rel. L’évaluation varie d’un pays à blèmes de calcul mental et appliquer rieure et que, chaque année, 32 mil-
raison de divers facteurs culturels et ces de l’anglais dans les écoles pri- l’autre. Là encore, certaines des com- des compétences essentielles. Le lions d’élèves de l’enseignement
socio-économiques; enfin, les élèves maires; qu’au Mozambique la priorité pétences évaluées dans ces domai- projet a démontré qu’il est possible primaire et secondaire redoublaient
des écoles privées surclassent géné- est de développer la pensée critique nes sont communes à tous, alors que de recueillir des données significati- leur classe, soit un gaspillage an-

UNICEF/93-1704/Lemoyne
ralement ceux des écoles publiques. des enfants et leur aptitude à d’autres sont spécifiques à un pays. ves au niveau local pour un coût très nuel de 5,2 milliards de dollars8.
Ces caractéristiques générales res- résoudre les problèmes. Les cinq pays ayant participé à la pre- modéré. Les résultats ont prouvé D’après une publication de la Ban-
sortent d’un projet de suivi perma- En Chine, par exemple, les enfants mière phase du projet voulaient, par que le niveau des acquis était lamen- que mondiale, les pays à faible
nent des acquis scolaires, lancé par ont montré qu’ils acquéraient une exemple, que les enfants soient capa- tablement faible – 29% seulement revenu gagneraient, en moyenne,
l’UNESCO en collaboration avec compréhension satisfaisante de la bles de reconnaître les symptômes de l’ensemble des enfants et 46% l’équivalent de quatre années de
ressources pour produire un di- Une étude a montré que les enfants chinois
l’UNICEF en septembre 1992. Depuis lecture, de l’écriture et des mathéma- des principales maladies de l’en- des enfants ayant suivi cinq années
plômé de l’école primaire s’il n’y acquéraient une compréhension satisfaisante
une phase initiale menée dans cinq tiques. Mais leurs résultats au regard fance. La Jordanie souhaitait que les d’école satisfaisaient aux critères
de la lecture, de l’écriture et de l’arithmétique,
pays (Chine, Jordanie, Mali, Maroc et des compétences essentielles étaient enfants connaissent aussi les effets d’éducation de base7. avait ni redoublements ni abandons
mais qu’il fallait insister davantage sur l’appli-
Maurice), ce projet a été développé nettement inférieurs, ce qui a conduit nocifs du café et du thé. On a de plus en plus tendance, en cours de route9.
cation des connaissances aux problèmes de la
jusqu’à son état actuel, où il couvre à recommander «d’insister davan- Les pays qui ont rejoint le projet dans le monde entier, à remplacer Pourtant, dans de nombreux pays,
vie réelle.
27 pays à trois différents stades de tage dans le processus d’enseigne- plus tardivement ont bénéficié de les classements numériques par une enseignants, décideurs et élèves
mise en œuvre. ment-apprentissage en Chine sur les l’expérience des cinq pionniers, ce description des acquis, comme dans continuent à accepter comme chose
Son objectif est d’aider les pays à techniques de résolution des problè- qui leur a permis de mettre en place les profils que les enseignants éta- naturelle et inévitable que les
évaluer «les compétences minimales mes et la capacité d’appliquer les leurs structures de suivi plus rapide- blissent sur le travail des enfants aux enfants redoublent parce qu’ils ont
en apprentissage de base» – en connaissances aux problèmes de la ment. L’échange d’informations entre Etats-Unis et les nouveaux types «échoué», ce qui contribue à créer
d’autres termes, des niveaux accepta- vie réelle». pays participants a également permis d’examens de fin d’études adoptés un cercle vicieux: espérances rédui-
bles d’acquis en lecture, écriture, calcul Si le projet a les mêmes objectifs la mise en place d’un système spécifi- en Slovénie. Dans les programmes tes, complexe d’infériorité, nouvel
et compétences essentielles – par une généraux, chaque gouvernement éla- que de «mentors»: ainsi, la Chine, d’études fondés sur les résultats, uti- échec. Le redoublement en vient
approche centrée sur l’enfant. A partir bore son propre système de suivi. Il appartenant au groupe initial, a servi lisés en Afrique du Sud, en Austra- même à être considéré comme la
d’une analyse des données recueillies, est essentiel que chaque pays défi- de guide à Sri Lanka, tout comme la lie, en Inde et en Italie, les objectifs preuve d’un niveau d’enseignement
les pays sont alors capables: nisse son approche spécifique, puis- Jordanie a aidé Oman. élevé, alors que c’est probablement
de l’apprentissage sont définis sans
υ d’identifier les facteurs favorisant que les conditions sont si différentes Dans tous les cas, un meilleur ambiguïté et compris dès le début l’inverse10.
ou entravant les acquis de l’ap- d’une nation à l’autre. Pour que le suivi des acquis scolaires aide les par les élèves comme par les ensei- Certains pays ont expérimenté le
prentissage dans les écoles pri- suivi ait un sens, il doit tenir compte gouvernements à éviter certains piè-
gnants. Ces derniers observent alors passage automatique en année
maires; non seulement des différences loca- ges et à privilégier certaines
leurs élèves et déterminent dans supérieure – ce qui est la norme
υ de comprendre le rôle des acteurs les, mais aussi du type d’école, de sa méthodes sur le chemin vers l’édu-
quelle mesure ceux-ci montrent dans la plus grande partie du
clefs; situation, de la manière d’organiser cation pour tous.
qu’ils ont saisi – verbalement, par monde anglophone. Ainsi, le
écrit ou dans la pratique – les buts de Myanmar, confronté à une grave
l’apprentissage. crise de l’éducation, a remplacé les
Ces évolutions sont fondées sur examens de fin d’année par une éva-
la conviction commune qu’il faut se luation permanente des acquis des

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Encadré 3

élèves. Les compétences en ensei- Ministre de l’éducation de l’Egypte,


Tunisie: un apprentissage fondé gnement et gestion sont également
relevées. Dans le cadre du projet
pédiatre lui-même. «Ce lien entre la
santé et l’éducation constitue un défi
sur les compétences «Tous les enfants à l’école», les éta-
blissements scolaires reçoivent sous
de première grandeur pour les res-
ponsables de l’éducation, les plani-
forme de tableaux noirs, installa- ficateurs et les décideurs. Il faut
tions sanitaires et coffrets pédagogi- trouver des interventions rapides et
ques des «primes» qui sont subor- des mesures préventives sérieuses.
données à la réalisation d’objectifs En Egypte, nous croyons fermement
annuels: une augmentation de 10% que l’éducation est le véhicule de la
des taux d’inscription, d’assiduité et médecine préventive, qui est la

U
ne mosquée blanche, au bord un système visant les aptitudes ou les méthodes, mais il est maintenant
de la route, avec un nid de «compétences» que les enfants convaincu de leur efficacité, particu-
d’achèvement des cycles d’études, médecine de demain et celle du plus
cigognes sur le minaret. En devraient pouvoir acquérir et sur les- lièrement pour les élèves en diffi-
par rapport aux taux de l’année pré- grand nombre – ce qui est une ten-
bas, deux enfants attachent les ânes quelles sont fondés l’enseignement, culté. Son seul regret est que l’appro-
cédente, mesurés par les membres dance parfaitement démocrati-
qui les ont amenés à l’école, dans le le rattrapage et l’évaluation. Les che fondée sur les compétences se de la communauté. En conséquence, que13.»
paisible village de Mahjouba, au enseignants effectuent des contrôles soit jusqu’à présent limitée à trois dis- pendant trois années scolaires L’Egypte a lancé un ensemble de
nord-ouest de la Tunisie. La cour de réguliers afin de déterminer quelles ciplines: l’arabe, le français et les consécutives, de 1994 à 1997, entre réformes destiné à faire des écoles
l’école bruisse du chant des oiseaux compétences ont été acquises par les mathématiques, et à partir de l’année 65% et 70% des écoles du projet ont des endroits sains, et qui favorisent
nichés dans les amandiers et les abri- enfants et quels domaines nécessi- scolaire 1998-99, les sciences. atteint leurs objectifs annuels et reçu la santé. Cet ensemble comprend
cotiers qui ombragent un potager et tent une attention particulière de leur L’école de Mahjouba a également des matériaux pour aménager ou notamment:
des cabanes à lapins. Sur la droite, part. été une pionnière pour trois autres agrandir les bâtiments scolaires11. ◆ des examens médicaux réguliers
cinq salles de classe aux murs déco- Dans de nombreuses régions du innovations. Dans la première, les pour tous les écoliers;
rés de vastes fresques peintes par les monde, l’enseignement repose sur élèves concluent avec l’enseignant un
Santé et éducation ◆ un programme de nutrition sco-
enfants. Sur la gauche, une grande des postulats et, trop souvent, le contrat sur le travail à accomplir pen- laire, avec une aide spéciale pour

UNICEF/96-0254/Toutounji
salle polyvalente abrite une bibliothè- manque de compréhension et de dant un laps de temps donné: par La santé et une nutrition adéquate les zones rurales;
que scolaire et les différentes activi- préparation ne se manifeste que lors exemple deux pages d’orthographe sont des conditions essentielles de ◆ une assurance-maladie gratuite
tés extrascolaires – une pièce fonda- des examens de fin d’année; beau- et une de mathématiques pour la pro- l’apprentissage tout au long de la pour les écoliers;
mentale dans une école où les élèves coup d’élèves doivent redoubler chaine semaine. Les enseignants d’El vie. Or, dans la plupart des pays en ◆ l’introduction de messages de
doivent utiliser les salles de classe à parce que leurs problèmes n’ont pas Kef ont constaté que ce pacte aidait développement, les enfants sont santé et de nutrition dans le pro-
tour de rôle. été reconnus assez tôt. Les résultats les enfants à se sentir plus responsa- gramme d’études; Un atelier de formation des enseignants en
souvent sujets à des épisodes d’in- Egypte, où l’éducation est considérée comme
L’école de Mahjouba est un exem- d’El Kef sont encore préliminaires, bles de leur propre apprentissage. fections respiratoires et de diarrhée ◆ des programmes d’enfant-à-
ple type du projet intégré de dévelop- mais néanmoins encourageants: le La deuxième innovation consiste à un élément de la médecine préventive.
qui peuvent compromettre leur sco- enfant pour promouvoir la santé
pement scolaire lancé en 1992 dans le taux de passage à la fin de la sixième diviser la classe en groupes de trois larité. Même dans l’Etat de Califor- dans la communauté14.
gouvernorat d’El Kef, à la frontière année est monté de 46% en 1991 à ou quatre enfants. Les élèves tra- Les efforts de l’Egypte en faveur
nie (Etats-Unis), où les normes
algérienne. Plus de 40% des habitants 62% en 1997. vaillent individuellement sur la même d’écoles plus saines et d’écoliers en
appliquées à l’eau et à l’assainisse-
de la région sont analphabètes et plus Des réponses inattendues qui tâche, puis ils parlent de leurs résul- meilleure santé ont abouti à élever
ment dépassent de loin celles des
de 10% vivent dans la pauvreté abso- auraient autrefois valu à l’élève un tats et présentent une réponse com- les taux et abaisser l’âge de la scola-
pays en développement, les mala-
lue. Le projet visait d’abord à renfor- coup de règle sur les doigts sont mune. Dans une légère variante de ce risation, diminuer l’absentéisme et
dies gastro-intestinales représentent
cer les résultats de 30 écoles rurales maintenant considérées par les ensei- système, les groupes sont composés les abandons, et ont amélioré les
gnants comme une étape normale du d’élèves de différents niveaux qui tra-
environ un quart de toutes les jour-
d’El Kef en améliorant les méthodes
nées d’école perdues12. Les enfants résultats scolaires. La recherche
d’enseignement, tout en développant processus d’apprentissage, ces mau- vaillent ensemble et s’entraident.
d’âge scolaire dans le monde en montre également qu’en améliorant
l’infrastructure (construction de murs vaises réponses pouvant même être La troisième nouveauté est la pra-
développement connaissent d’autres la santé des élèves on a réduit la
d’enceinte et de pièces polyvalentes, utilisées pour évaluer les résultats de tique du «tutorat» dans lequel les
graves problèmes de santé, comme transmission des maladies dans la
par exemple), en fournissant de l’eau l’enseignement. bons élèves dispensent conseils et
potable et en plantant des potagers Samir Elaïd, qui enseigne à l’école explications à leurs camarades plus le paludisme, les vers parasites, les communauté15: les enfants se sont
ou des vergers pour donner aux élè- de Mahjouba depuis 1987, est catégo- faibles. A l’école de Mahjouba, par troubles dus à une carence en iode et en effet montrés des promoteurs
ves des occasions d’apprentissage. rique. Les résultats scolaires sont là exemple, Wahida aide son amie la malnutrition. Ces risques sanitai- particulièrement efficaces, diffusant
Les méthodes expérimentées par pour prouver le bien-fondé du sys- Hanene, ravie de ce soutien. Hanene res n’entraînent pas seulement l’ab- les messages de santé à leurs frères
Mahjouba et d’autres écoles d’El Kef tème: il y a trois ans, 10 des 30 élèves a choisi elle-même Wahida comme sentéisme, avec pour conséquence et sœurs, amis, parents et autres
ont donné de si bons résultats qu’el- de sa classe de troisième année «professeur particulier» car elles de mauvais résultats scolaires et des adultes16.
les ont été introduites dans 475 écoles avaient dû redoubler, contre 4 seule- sont amies et font chaque matin le redoublements, mais ils peuvent Ces constatations ont incité l’Or-
primaires de tout le pays. ment en 1998. chemin de l’école ensemble. Quant à compromettre à jamais la faculté ganisation mondiale de la Santé
Ce projet, conçu par un comité di- Abdallah Melki, principal de Wahida, elle trouve ses études beau- d’apprendre. (OMS) à lancer en 1995 l’Initiative
recteur national d’experts de l’UNICEF l’école, est un autre converti. Au coup plus intéressantes et elle les «Il existe un lien étroit entre la mondiale de la santé à l’école. La
et du ministère de l’Education, est ap- début, cet homme de 50 ans au comprend mieux depuis que son en- santé des enfants et leurs résultats Banque mondiale s’est également
pelé «enseignement axé sur les com- visage souriant nourrissait une cer- seignant évalue régulièrement ses scolaires», affirme le Professeur déclarée disposée à investir dans les
pétences». Cette expression désigne taine méfiance à l’égard des nouvel- progrès. Hussein Kamel Bahaa El-Din, programmes de santé scolaire, qui

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Encadré 4

Thaïlande: des ordinateurs d’occasion,


une vision nouvelle

d’alerte précoce qui associe indica- conception pratique et globale des La modeste demande d’un
teurs scolaires et communautaires droits de l’enfant permet aux com-
afin d’aider tous les élèves à réali- munautés de mieux percevoir les ordinateur d’occasion a non
ser au mieux leur potentiel d’ap- relations entre les mauvais résul- seulement abouti à la
prentissage – en particulier ceux tats scolaires et la santé, la nutrition
qui présentent des besoins éduca- et d’autres facteurs extérieurs à création d’un réseau
tifs spéciaux. Les écoles établissent l’école. d’ordinateurs dans les écoles
donc pour chaque enfant une fiche En conséquence, les commu-
de renseignements scolaires com- nautés participent désormais plus rurales de Thaïlande, mais
prenant des facteurs sociaux et activement à leur développement elle s’est transformée en un
familiaux qui peuvent avoir une et à celui de leurs enfants. Elles
incidence sur l’apprentissage de entreprennent un vaste éventail exemple dynamique et
l’enfant. Les enseignants et les d’activités pour élargir l’accès des original.
communautés peuvent ensuite s’y enfants à l’enseignement primaire
référer pour prendre des décisions et secondaire, relever la qualité des
mieux documentées et proposer repas scolaires, et améliorer l’ap-
des actions de manière intégrée et provisionnement en eau et les
globale. conditions d’assainissement. En
Le projet CHILD crée un système d’alerte pré-
UNICEF/1895/Sprague

L’expansion immédiate du pro- outre, des communautés créent


coce, en tenant compte des facteurs sanitaires,
jet témoigne de son succès. Son des garderies et des centres de for-
nutritionnels et autres qui peuvent influencer
développement rapide a également mation professionnelle pour les
l’apprentissage. Des enfants en classe dans le
entraîné des changements d’opti- jeunes qui reviennent dans leur vil-
nord de la Thaïlande.
que pour répondre à la diversité lage par suite de la récente crise
des conditions sociales des nouvel- économique et financière frappant
les écoles et communautés. Par l’ensemble de la région.

S
omjai est en troisième année plus petits pendant que sa mère tra- nateur. Il a expliqué que l’appareil ne exemple, dans plusieurs commu-
d’une école primaire, dans le vaille. Si c’était le cas, elle suggérera serait pas seulement utilisé en classe nautés, la malnutrition protéino-
nord-est de la Thaïlande. Elle à cette dernière d’envoyer ses enfants et pour l’administration de l’école, énergétique, les troubles dus à une
avait fait des progrès réguliers en pre- à la garderie communautaire, ou elle mais qu’il permettrait aussi de carence en iode ou l’anémie
mière année, mais son niveau a persuadera les autorités scolaires de connaître les changements et les ferriprive menaçaient la santé des
baissé en deuxième année, et ses prendre contact avec les fonctionnai- influences dans la communauté dont enfants et donc leur capacité de fré-
notes de compositions sont devenues res locaux pour lancer un projet d’ac- étaient issus les élèves. quenter l’école. Dans d’autres com-
mauvaises tivités rémunératrices au profit de la Cette modeste demande d’un ordi- munautés, où les parents migrent à
Aujourd’hui, cette chute se pour- communauté. nateur d’occasion a non seulement la recherche de travail, un nombre
suivant, son institutrice a consulté Le cas de Somjai montre bien com- abouti à la création d’un réseau croissant d’enfants sont confiés
une fiche informatisée de renseigne- ment fonctionne le CHILD (Children’s d’ordinateurs dans les écoles rurales aux grands-parents qui connais-
ments scolaires concernant Somjai. Integrated Learning and Develop- de Thaïlande, mais elle s’est transfor- sent mal les soins de santé moder-
Elle y apprend que la fillette a été ment Project: Projet intégré d’appren- mée en un exemple dynamique et nes.
fréquemment absente pendant sa tissage et de développement des original de mise en œuvre des droits Se concentrer sur les seuls résul-
deuxième année, qu’elle se rend enfants), qui a démarré lorsque le de l’enfant. tats scolaires des enfants s’est donc
rarement au dispensaire malgré son directeur d’une petite école primaire Lancé dans deux écoles d’une pro- révélé insuffisant pour faciliter leur
mauvais état nutritionnel, qu’elle a rurale de la région a décidé que ses vince en janvier 1997, le projet CHILD apprentissage. C’est pourquoi le
trois jeunes frères et sœurs et que sa 150 élèves devaient avoir accès à un s’est étendu, en l’espace d’une année, projet CHILD a redéfini ses objectifs
mère, divorcée, travaille. ordinateur. Il a donc écrit à l’Institut à 25 écoles, 38 communautés et quel- pour y intégrer la défense et la pro-
L’enseignante décide de rendre de la nutrition de l’université Mahidol que 3000 enfants. Le projet, géré par tection des droits de l’enfant,
visite à la mère afin de voir si Somjai pour demander si l’on connaissait l’université Mahidol avec l’appui de conformément à la Convention
manque l’école pour s’occuper des quelqu’un disposé à donner un ordi- l’UNICEF, a mis sur pied un système relative aux droits de l’enfant. Cette

28 29
représentent à son sens l’une des choix, l’information ne suffit Elément 2. Accès, mais moins profitable au Myanmar
manières les plus rentables d’amélio- pas. Il leur faudra peut-être aussi qualité et souplesse et au Viet Nam. D’autres solutions
rer la santé publique, puisque le nom- s’exercer en pratique aux pre- sont envisagées dans les pays d’Eu-
bre d’écoles et d’enseignants dépasse miers secours ou à l’utilisation Les enfants ont le droit d’aller à rope centrale et orientale et de l’ex-
de beaucoup celui des centres et des des sels de réhydratation orale l’école et de recevoir une éducation Union soviétique, une région où vi-
agents de santé17. Il faut toutefois pour traiter la diarrhée. Il faudra de bonne qualité. Pourtant, dans de vent quelque 115 millions d’enfants
souligner que le rôle des enseignants aussi qu’ils sachent prendre des nombreux pays, les systèmes éduca- et où les inégalités dans l’accès à
n’est pas de jouer les agents de santé. décisions, négocier et résoudre tifs classiques sont trop rigides pour l’éducation vont croissant.
Comment demander en effet aux les conflits – des compétences scolariser les enfants qui, en raison de L’une des méthodes susceptibles
maîtres d’école, qui ont déjà de lour- indispensables pour mener une leur sexe, leur origine ethnique ou d’être largement appliquées pour
des tâches, de réussir là où les centres vie saine hors des murs de leur pauvreté, ont le moins accès à favoriser l’accès à l’éducation
de santé ont échoué, surtout faute de l’école18. l’école. Or, l’éducation pour tous ne consiste à réduire le coût de cons- Dans de nombreux pays,
ressources supplémentaires? pourra être réalisée sans ces enfants- truction des écoles en employant des les systèmes éducatifs
Quelles sont les principales là. L’école doit faire preuve de sou- matériaux disponibles sur place.
caractéristiques d’une école saine et
L’effet multiplicateur de l’éduca-
plesse pour s’adapter aux besoins des Une étude de la Banque mondiale classiques sont trop rigides
tion a été démontré dans bien des
diffusant des messages essentiels
pays. Le programme «écoles pro-
enfants les plus défavorisés tout en portant sur six pays africains a mon- pour scolariser les enfants
pour la santé des élèves? proposant une éducation d’une qua- tré que la construction d’écoles en
pres et vertes» en Mauritanie lité suffisante pour que tous les élèves briques et en ciment selon les nor-
qui, en raison de leur sexe,
◆ Un lieu de sécurité. Les ensei- demande à des équipes d’élèves, de puissent aller au bout de leur scola- mes internationales coûtait plus du leur origine ethnique ou leur
gnants doivent protéger les en- parents et d’enseignants d’évaluer rité. Ce n’est pas un hasard si les double que le recours aux matériaux
fants, veillant à garantir leurs l’état de leur école et de dresser pour nations les plus pauvres et les plus
pauvreté, ont le moins accès
locaux22. Cette évaluation pourrait
droits à l’intérieur de l’école, en l’améliorer des plans faisant une endettées sont les plus éloignées de même avoir sous-estimé toutes les à l’école. Ce n’est pas un
particulier celui d’être préservés place à des cours d’éducation pour l’objectif de l’éducation pour tous. En économies possibles.
de l’exploitation sexuelle et de la la santé, fondés sur la brochure hasard si, en moyenne, près
moyenne, près d’un enfant sur deux Quand le Malawi a lancé sa politi-
violence. Les écoles doivent être Savoir pour Sauver*. S’il réussit, le d’un enfant sur deux vivant
UNICEF/97-0069/Horner

vivant dans les 47 pays les moins que de gratuité de l’enseignement


des lieux réconfortants et stimu- programme pourrait être étendu à avancés n’a pas accès à l’enseigne- primaire pour tous en 1994, il a éga-
lants pour les enfants qui présen- peu de frais sur tout le territoire et dans les 47 pays les moins
ment primaire20. lement entamé des discussions avec
tent des besoins spéciaux, y com- contribuerait à abaisser le taux élevé Alors que les chercheurs analy- l’UNICEF et la Banque mondiale sur avancés n’a pas accès à
pris les enfants handicapés ou de mortalité infantile du pays. sent plusieurs méthodes d’un bon des plans pour un ambitieux pro-
Les programmes scolaires de soins de santé porteurs du VIH/SIDA. En Thaïlande, dans le cadre du
l’enseignement primaire.
rapport coût/efficacité susceptibles gramme de construction d’écoles. Le
sont parmi les moyens les plus rentables projet CHILD, les écoles desservies d’accroître le nombre des inscrip- modèle retenu s’est révélé à la fois
d’améliorer la santé publique. En Thaïlande, ◆ Un environnement sain. Toutes contrôlent les relations entre l’ap- tions et la qualité de l’enseignement, commode et durable. Son prix de re-
des écolières repèrent les liaisons entre des les écoles ont besoin d’eau pota- prentissage des enfants et leur santé les pays doivent choisir des appro- vient est inférieur d’un quart à celui
groupes exposés à contracter le SIDA. ble et d’installations sanitaires (voir encadré 4). ches répondant à leurs besoins pro- d’une construction plus classique23.
adéquates. Sans ces équipements, Au Nigéria, deux villages ont en-
les enfants ne peuvent pas mettre pres. Une récente étude de l’UNICEF De même, toujours avec l’appui de
registré un gain de 20% dans l’espé- portant sur cinq pays africains et l’UNICEF, des communautés du Mali
en pratique ce qu’ils apprennent rance de vie rien qu’en facilitant
en matière d’hygiène. asiatiques à faible revenu21 montre utilisent différents matériaux locaux
l’accès à des installations sanitaires par exemple que les classes à mi- durables, tels que des briques durcies
appropriées, un gain de 33% quand temps (dans lesquelles un ensei- au four, pour bâtir des écoles qui sont
◆ Un endroit où les maladies peu-
vent être diagnostiquées et sou- les mères avaient reçu une instruc- gnant et une salle desservent chaque conformes aux normes du ministère
vent traitées. Le traitement de tion, mais n’avaient pas accès à un jour deux groupes distincts d’en- de l’Education, mais dont le prix de
certaines affections – comme les centre de santé, et un gain de 87% fants) sont déjà fréquentes au Viet revient est inférieur de deux tiers à
parasitoses, les carences en quand on combinait les ressources Nam et seraient utiles au Burkina celui des écoles ordinaires.
micronutriments et le trachome – de santé et d’éducation19. Faso ou dans des agglomérations du Pour répondre aux besoins des
peut être assuré de façon simple Ces expériences montrent qu’il Bhoutan. Mais, elles ne serviraient enfants non scolarisés, il ne faut
et peu coûteuse par les agents de n’est pas nécessaire de faire des pas à grand-chose au Myanmar puis- pas oublier le rôle croissant d’orga-
santé ou les enseignants. On peut choix ou des compromis entre des qu’il y a suffisamment de salles de nismes non étatiques qui assurent
également former ces derniers à objectifs tout aussi estimables, mais classe et que les traitements des en- des services éducatifs, notamment
reconnaître les enfants porteurs que les initiatives conjuguées en seignants ne sont guère élevés. Geler les ONG, les organisations religieu-
de handicaps visuels ou auditifs, matière de santé et d’éducation ac- les subventions à l’enseignement ses, les écoles privées et les com-
souvent pris à tort pour des trou- célèrent en fait la révolution de supérieur serait une réforme inté- munautés. Il faut tenir compte de
bles de l’apprentissage. l’éducation. ressante au Burkina Faso et en leur action et leur faire une place au
Ouganda, pays qui lui consacrent une sein d’un nouveau système d’édu-
◆ Une école qui enseigne les com- * Cette publication interorganisations part disproportionnée des crédits de cation diversifié dans lequel l’Etat
pétences essentielles. Pour que donne des indications pratiques pour pro- l’éducation au regard de l’allocation a un rôle essentiel: définir les
les enfants puissent faire de bons téger la vie et la santé des enfants. accordée à l’enseignement primaire, normes.

30 31
Encadré 5

Tanzanie:
les handicapés sont bienvenus à l’école

on leur enseigne les symboles l’hygiène de base et ne savait pas Dans les pays en
mathématiques, les éléments du communiquer avec d’autres en-
braille ainsi que certaines com- fants. Aujourd’hui, il a des relations développement, il est difficile
pétences essentielles comme avec ses camarades et il est capable aux enfants atteints de
l’hygiène et les soins personnels. de fabriquer des lits, des étagères,
Huit enseignants spécialisés et huit des armoires. Son ami Hussain Ali, handicaps physiques et
enseignants aveugles, eux-mêmes qui a aussi 15 ans et présente un mentaux de surmonter les
diplômés de l’école primaire Uhuru handicap mental, a maîtrisé les
Mchanganyiko, travaillent avec les notions de base en mathématiques obstacles qui s’opposent à
professeurs d’histoire, de géogra- et en éducation civique et il a atteint leur éducation.
phie et d’études sociales, préparent le niveau de lecture de la deuxième
le matériel en braille et le dictent année d’enseignement. Hussain
aux élèves. Les textes pédagogi- apprend la maçonnerie.
ques en braille sont produits dans Ces résultats remarquables sont
une imprimerie locale. Les élèves obtenus malgré de très maigres
qui ont besoin de soutien peuvent ressources. L’équipement des dor-
fréquenter des classes spéciales toirs de l’école Uhuru Mchan-
UNICEF/Tanzanie/Tyabji

Martina Mukali, 17 ans, aveugle de naissance,


prend des notes en braille. Elle fréquente l’école après les heures de cours norma- ganyiko est rudimentaire, et il n’y a
primaire Uhuru Mchanganyiko de Dar es- les. pas de personnel spécialisé à de-
Salaam (Tanzanie), la première de ce pays à Quatre des élèves aveugles et meure pour s’occuper des enfants
accueillir des élèves handicapés. sourds vivent sur le campus de aveugles, et aveugles et sourds. Il
l’école. Les sept autres habitent n’y a pas assez de matériel didacti-
chez eux, et des enseignants spé- que, de mobilier pour les classes, ni

L
e plus beau jour de la vie de Comme les autres élèves aveugles, pension, de scolarité, les dépenses cialement formés travaillent avec de fournitures et équipements de
Martina Mukali fut celui où ses Martina loge à l’école; elle passe médicales et les fournitures scolaires leurs parents et d’autres membres formation professionnelle. L’école
parents lui ont annoncé qu’elle les week-ends et les vacances chez pour tous ceux qui ne sont pas origi- de la famille afin d’améliorer la parvient néanmoins à mobiliser
pourrait aller à l’école. Alors âgée de une de ses sœurs, qui habite Dar naires de Dar es-Salaam. communication et l’interaction l’appui de la communauté. Des
huit ans, Martina a fait avec sa mère es-Salaam. Martina, qui a aujourd’hui 17 ans, avec ces enfants. plans prévoient de faire participer
infirmière un voyage de 200 km, Dans les pays en développement, a bien mieux réussi que beaucoup de Un élève sur cinq – et la majorité les parents et la communauté aux
depuis sa maison dans la région de il est difficile aux enfants atteints de ses camarades voyants. Ses compa- des élèves handicapés – inscrits à activités de collecte de fonds, de
Morogoro jusqu’à la capitale, Dar handicaps physiques et mentaux de gnons de classe l’aident à circuler l’école primaire Uhuru Mchan- sensibiliser le public au sort des
es-Salaam, pour entrer à l’école surmonter les obstacles qui s’oppo- dans le campus, elle lit et écrit en ganyiko entre à l’école secondaire. handicapés et de commercialiser
primaire Uhuru Mchanganyiko. En sent à leur éducation. D’après braille et adore chanter. Elle affirme: Beaucoup d’élèves trouvent du tra- les produits fabriqués par les élè-
Tanzanie, près d’un tiers des enfants l’UNESCO, moins de 1% des enfants «Je peux faire tout ce que vous faites vail ou se lancent dans le com- ves, à qui iront directement les
en âge de fréquenter l’école primaire ayant des besoins spéciaux réussis- sauf la cuisine, et c’est seulement merce à leur sortie de l’école pri- recettes.
ne sont pas scolarisés. Pour Martina, sent à entrer dans les systèmes édu- parce que personne n’a pris la peine maire. Une formation profession-
qui est née aveugle, cette chance était catifs de ces pays. Les enfants vivant de me l’apprendre!» Son amour de la nelle pratique en menuiserie,
vraiment la réalisation d’un rêve. dans les zones rurales sont les plus vie et sa soif de connaissance sont maçonnerie et briqueterie est
Fondée en 1921, l’école primaire mal lotis. contagieux et inspirent ses camara- d’ailleurs proposée aux garçons et
Uhuru Mchanganyiko est l’une des En Tanzanie, l’enseignement n’est des et tous ceux qui la rencontrent. aux filles à la fin de leurs études
plus anciennes du pays et la première pas gratuit – les élèves doivent verser A l’école primaire Uhuru Mchan- primaires.
à accepter des enfants handicapés des droits de scolarité et acheter uni- ganyiko, les élèves aveugles sont Kenny Lugenge, jeune handi-
avec d’autres enfants, dans les cours formes, cahiers et autres fournitures – intégrés à partir de la troisième capé mental de 15 ans, qui vit avec
et pour toutes les activités annexes. même si les principales dépenses année. Avant de commencer les sa mère, vendeuse d’oignons à Dar
Sur les 1200 élèves actuels, il y a engagées pour la scolarité des en- cours ordinaires, on leur apprend à es-Salaam, réussit bien en menui-
62 aveugles, 11 sourds et aveugles et fants handicapés sont assumées par s’orienter dans le campus de l’école – serie. Quand il est arrivé à l’école il
55 souffrant d’arriération mentale. l’Etat, qui prend en charge les frais de dortoirs, classes et terrains de jeu – et y a cinq ans, il ignorait tout de

32 33
Fig. 6 Les orphelins du SIDA: Atteindre les exclus 2,5%25. En Egypte, si la distance formation qui les aident à adapter mencé à assurer l’enseignement de
une crise de l’éducation entre l’école et le domicile est d’un leurs cours à la situation locale. la cinquième et de la sixième
en Afrique subsaharienne L’accès à l’éducation demeure un kilomètre au lieu de deux, l’inscrip- Conformément aux principes de la années, il a décidé de continuer,
problème pour les couches défavori- tion grimpe de 4% pour les garçons Convention relative aux droits de même si cela l’obligeait à faire deux
Le VIH/SIDA exerce un effet dévastateur sur les sées dans toutes les sociétés. La et de 18% pour les filles26. l’enfant, les instituteurs sont des heures de marche jusqu’à l’école.
enfants de l’Afrique subsaharienne, où vivent plus Convention relative aux droits de Pour atteindre les enfants oubliés, animateurs, plutôt que des représen- «J’aimerais terminer mes études
de 90% des orphelins du SIDA – des enfants dont la l’enfant est le fondement de systè- les responsables de l’éducation peu- tants de l’autorité. secondaires. Ensuite, j’irai à l’uni-
mère ou les deux parents sont morts du SIDA. mes éducatifs intégrateurs où nul vent apprendre beaucoup en mettant Autre avantage d’Escuela Nueva, versité pour devenir ingénieur
Pour beaucoup d’entre eux, les chances sont minces enfant n’est exclu ni marginalisé en commun leurs succès. En fait, les enfants avancent d’une classe à mécanique. Je voudrais un jour pou-
d’achever jamais l’école primaire. Le manque de dans des programmes spéciaux. l’un des aspects les plus encoura- l’autre à leur propre rythme – quand voir monter ma propre voiture, que
ressources est un problème, mais le Malawi et Qui sont les exclus? Les filles for- geants de la révolution de l’éduca- ils ont atteint un ensemble d’objec- j’utiliserai dans les montagnes.» Le
l’Ouganda ont adopté une politique d’enseignement ment la grande majorité des enfants tion est que des initiatives novatri- tifs – et non par un examen de fin projet est passé de 12 écoles dans six
gratuit qui apporte un soutien vital aux orphelins. Le non scolarisés et leur «récupération» ces sont testées dans une région du d’année. Il n’existe donc pas de provinces défavorisées pendant
Malawi a aussi élaboré une politique nationale doit être une priorité. Par ailleurs, les monde, puis appliquées avec succès redoublement. Outre que cela évite l’année scolaire 1996/97 à 24 écoles
pour les orphelins, et s’oriente vers les approches jeunes ruraux sont proportionnelle- dans une autre région. aux enfants la honte d’être «en dans 12 provinces en 1997/9829.
de soins communautaires; l’Afrique du Sud fait
ment moins nombreux à être scolari- Le système de la classe unique, retard», ceux qui ont été malades ou Une autre façon d’atteindre les
sés que les petits citadins, et les en- dans lequel un seul maître enseigne qui ont dû aider aux récoltes peuvent enfants isolés dans les régions mon-
actuellement l’essai de telles politiques.
fants de minorités ethniques ou de à des élèves d’âges et de niveaux reprendre leurs études à leur retour tagneuses reculées de la Cordillera
groupes autochtones sont relative- différents, en est un exemple. Cette en classe. Quand on les compare aux aux Philippines est le projet d’ensei-
Distribution géographique ment moins scolarisés que ceux du pratique a longtemps été une néces- élèves des écoles traditionnelles, les gnement mobile Cordillera, dans
des décès attribuables au VIH/SIDA groupe ethnique dominant. Quant sité dans les petites écoles de village enfants d’Escuela Nueva obtiennent lequel «l’école» se rend chez les
aux handicapés, on se penche rare- qui ne peuvent se permettre qu’un non seulement de meilleurs résultats enfants, transportée dans un sac à
Afrique ment sur leur sort (voir encadré 5). seul enseignant, et c’était la norme dans les tests d’évaluation, mais ils dos par un enseignant. Testé pour la
subsaharienne Asie 6% Les enfants pris dans la tourmente dans les plupart des écoles rurales montrent aussi plus d’assurance, de première fois en 1989 dans la pro-
83%
Amérique latine/ d’un conflit armé ou d’autres situa- du monde industrialisé dans les pre- créativité et d’esprit civique. Les vince d’Ifugao, l’une des régions les
Caraïbes 5% tions d’urgence risquent eux aussi de mières décennies de ce siècle. Elle taux d’abandon y sont en outre net- plus pauvres et les plus accidentées
manquer des années d’école. Rien était néanmoins jugée comme un pis tement plus bas28. du pays, cet enseignement mobile a

UNICEF/1562/Witlin
Autres 6%
qu’en Afrique subsaharienne, quel- aller, jusqu’à ce que les écoles du Un certain nombre de pays se non seulement accru les inscriptions,
que huit millions d’enfants auront programme Escuela Nueva en Co- sont inspirés du modèle colombien mais il a obtenu des résultats égaux
perdu leur mère ou leurs deux parents lombie montrent que des plans de et l’ont adapté à leur propre situa- ou supérieurs à ceux des écoles con-
emportés par le SIDA, et beaucoup de leçons et du matériel pédagogique tion. Ainsi, le Guatemala emploie la ventionnelles. En 1993, il a été L’école demeure inaccessible pour les filles et
Orphelins du SIDA dans huit pays d’Afrique ces orphelins ne fréquenteront jamais bien adaptés pour les élèves, assortis méthodologie Escuela Nueva dans étendu aux zones montagneuses dans beaucoup de minorités ethniques, pour les pau-
l’école ou devront la quitter (voir de l’appui des communautés, pou- ses écoles primaires bilingues pour toute la région. Les instituteurs «am- vres et les handicapés. Il est essentiel de garan-
Pays Total cumulatif (1997)
figure 6). vaient faire des classes uniques une enfants autochtones. Aux Philippi- bulants» sillonnent maintenant les tir le droit à l’éducation pour tous. En Bolivie,
Burkina Faso 200 000 En outre, le manque d’accès des expérience positive. nes, les planificateurs de l’éducation montagnes et répartissent leur une enseignante aide un enfant à écrire dans
Congo, Rép. dém. 410 000 minorités est un problème dans Au début des années 80, les éco- ont lancé leurs propres écoles pilo- semaine d’enseignement entre deux un programme préscolaire pour des enfants
Ethiopie 840 000 nombre de pays, par exemple au les rurales étaient rares et de mau- tes à classe unique après une visite centres éducatifs, à des kilomètres dont la mère travaille.
Kenya 440 000 Niger où près d’un tiers seulement vaise qualité en Colombie. A la en Colombie. Des écoles à classe l’un de l’autre. Ils atteignent ainsi des
Malawi 360 000 des enfants sont scolarisés. C’est campagne, environ 55% des enfants unique existaient en fait dans le pays enfants dont c’est la seule chance
Ouganda 1 700 000 une question vitale en Chine qui est de 7 à 9 ans et un quart des enfants depuis les années 60, mais elles d’avoir accès à l’instruction et protè-
Tanzanie 730 000 sur le point de parvenir à la scolari- de 10 à 14 ans n’avaient jamais fré- avaient mauvaise réputation; situées gent d’autres élèves des dangers d’un
Zimbabwe 450 000 sation universelle dans le primaire, quenté l’école, et un tiers des dans des zones éloignées et défavo- trajet hasardeux à travers montagnes
mais qui doit déployer des efforts enfants avaient abandonné après risées, elles héritaient généralement et cours d’eau30. Le regroupement
Source: Rapport sur l’épidémie mondiale de VIH/SIDA, juin 1998,
beaucoup plus énergiques pour une année d’études27. L’approche d’enseignants inexpérimentés, sans des écoles au Cambodge est un autre
ONUSIDA et OMS, Genève, 1998. assurer l’inscription des fillettes Escuela Nueva a transformé ces sta- encadrement, et leurs équipements exemple de la mise en commun de
musulmanes de la région autonome tistiques, et son succès manifeste étaient médiocres. ressources limitées dans des zones
du Ningxia Hui que des garçons de dans un petit nombre d’écoles a La nouvelle politique nationale isolées (voir encadré 6).
l’ethnie chinoise Han à Beijing24, conduit le gouvernement à l’étendre en matière de classe unique a néan- Dans de nombreux pays, les
par exemple. à tout le pays. Grâce au système de moins obtenu l’approbation des en- enfants qui vivent dans des régions
Une distance trop longue entre la la classe unique, une école primaire seignants, des communautés locales isolées ont pu avoir accès aux études
maison et l’école réduit la fréquen- complète peut être proche du foyer et des élèves. Adonis Corisay, par une forme d’«enseignement à
tation. Des études au Népal ont des enfants dans des zones rurales à 13 ans, s’apprêtait à abandonner ses distance», souvent au moyen de la
montré que pour chaque kilomètre la population clairsemée. On donne études après la quatrième année, le radio. La BBC britannique a fait
supplémentaire parcouru à pied aux enseignants des guides détaillés niveau le plus élevé de son école œuvre de pionnier en transmettant
jusqu’à l’école, la probabilité de la et des plans de leçons; ils suivent en locale. Quand la nouvelle école à des programmes de radio éducative
fréquentation scolaire diminue de outre régulièrement des sessions de classe unique de Poyopoy a com- dès 192431. Depuis lors, la radio et la

34 35
Encadré 6

Des bateaux-écoles au Cambodge

de l’éducation – soit deux journées Mais dans l’ensemble, les avan- «L’école est un agent
de voyage – pour demander ins- tages l’emportent sur les difficultés,
tamment que quelqu’un vienne sur reconnaît Mme Sovathana. «Ce de changement
place aider leur communauté à pla- système permet aux écoles plus communautaire. C’est un
nifier les écoles. grandes, dotées de ressources plus
«C’était une zone difficile», importantes, d’aider les écoles mécanisme que nous
déclare Sieng Sovathana, directrice plus modestes. Nous regroupons pouvons utiliser pour
adjointe du bureau provincial de d’abord les écoles, puis les direc-
l’éducation. «Nous avions habituel- teurs afin qu’ils soient au courant favoriser l’harmonie dans la
lement un taux d’inscription d’envi- de ce qui se fait; ensuite, les ensei- société.»
ron 15% parce qu’il n’y avait qu’une gnants pour qu’ils puissent s’aider
seule école.» Maintenant, avec mutuellement et échanger leurs
l’aide de l’UNICEF, quatre écoles flot- expériences et leurs idées; enfin,
tantes se déplacent avec les villa- les communautés.»
ges et l’ancien bâtiment scolaire a Dans un Cambodge encore for-
En partageant les maigres ressources ainsi que été rénové comme centre de res- tement marqué par la guerre civile
les enseignants, les regroupements scolaires sources. Le taux d’inscription et ses souffrances, les regroupe-
permettent de scolariser un plus grand nombre atteint 60%. «Grâce au système des ments d’écoles peuvent également
UNICEF/Cambodge

d’enfants et de redresser les déséquilibres. Ici, groupements d’écoles», précise servir un autre but plus général:
au Cambodge, l’école flottante de Kampong Mme Sovathana, «les inscriptions «Depuis 1979, les gens ne se par-
Prahok. sont plus nombreuses, l’éducation lent pas librement. Ils ne sont pas
est de meilleure qualité et les taux non plus enclins à partager»,
d’abandon et de redoublement remarque Pawan Kucita, adminis-

M
oderne et colorée, l’école Loin d’être unique, l’école de Kam- enfants dans ces écoles parce qu’elles sont moins élevés. De plus, le tra- trateur de l’UNICEF chargé de l’édu-
de Kampong Prahok est im- pong Prahok fait partie d’une «esca- offraient un enseignement de qualité, vail administratif s’est remarqua- cation à Phnom-Penh. «Le concept
posante. C’est une péniche, dre» d’écoles flottantes. un meilleur équipement et des bâti- blement amélioré.» de groupes mettant en commun les
amarrée parmi les maisons en bois En 1993, l’UNICEF a créé, en coopé- ments neufs ou rénovés. Les enquê- Tous les problèmes n’ont pas ressources, le matériel et les idées
et en bambou d’un village flottant à ration avec le Gouvernement cam- tes indiquent que les taux d’inscrip- pour autant disparu. Par exemple, des écoles et des villages ne peut
l’extrémité nord du lac cambodgien bodgien, des escadres scolaires dans tion y sont sensiblement plus élevés les enseignants en poste sur les être que bénéfique. Nous considé-
de Tonle Sap. Au début de la saison sept zones habitées par des popula- que les moyennes nationales et pro- écoles flottantes n’ont toujours pas rons l’école comme un agent de
des pluies, les habitants déplacent tions rurales, urbaines et minoritai- vinciales, et les taux d’abandon beau- de bateau; chaque fois qu’ils veu- changement communautaire. C’est
leur village vers des eaux plus res, avec pour objectif principal de coup plus faibles, en particulier dans lent se déplacer, ils doivent en un mécanisme que nous pouvons
calmes, emportant leur école avec redresser les déséquilibres flagrants les zones urbaines. emprunter un aux élèves. Et utiliser pour favoriser l’harmonie
eux. dans la qualité des écoles. Il s’agissait Le système de regroupement per- Chhorn Rey Lom, 13 ans, qui va dans la société, la volonté de parta-
La base en bois de l’école est stabi- alors de partager les ressources, l’ad- met de tirer le meilleur parti, en les bientôt achever la deuxième année, ger et de se développer ensemble.»
lisée sous l’eau par une coque d’acier ministration et même souvent des centralisant, des maigres ressources risque de devoir abandonner des
qu’étayent sur deux côtés de solides enseignants, afin d’améliorer la situa- et équipements pédagogiques dispo- études à peine commencées, parce
cannes de bambou, liées pour former tion des écoles les plus faibles sans nibles. Les centres ainsi créés peu- que le groupe de Kampong Prahok
de fins rondins. Un toit en tôle ondu- pénaliser les meilleures. En 1995, le vent servir de salles de classe. n’assure actuellement que les deux
lée protège des pluies de la mousson. Gouvernement a étendu à l’ensemble Compte tenu de tous ces avanta- premières années d’enseignement.
Il y a un petit bureau pour les ensei- du pays leur développement. Au ges, il n’est pas étonnant que ces éco- «Je devrai quitter l’école», regrette-
gnants, et deux classes pouvant ac- total, 631 escadres ont été mises en les soient populaires. Néanmoins, la t-elle, «pour travailler et pêcher afin
cueillir jusqu’à 80 élèves. Les enfants place dans le pays, dont 44 qui bénéfi- communauté lacustre de pêcheurs d’aider mes parents. Je souhaite
du village arrivent à l’école à la rame ciaient, à la mi-1998, du soutien direct n’a pas ménagé ses efforts pour doter qu’il y ait davantage de niveaux
ou à la perche dans leur petit bateau de l’UNICEF. la région du lac Tonle Sap d’une école d’enseignement et des écoles plus
qu’ils amarrent à la passerelle de Au fil des ans, l’expérience a mon- de ce type. Des parents de la région nombreuses dans ma commu-
planches à l’extérieur. tré que les parents transféraient leurs se sont rendus au bureau provincial nauté.»

36 37
télévision, ainsi que les cassettes des jeunes enfants. Avec des per- plus une ou deux journées de recy- filles qui en ont besoin. Malgré sa
audio et vidéo sont devenues des sonnages comme un oiseau qui parle clage chaque mois. Les fonctionnai- réussite, le BRAC lui-même a du mal
outils pédagogiques fondamentaux, et un éléphant domestique, ces pro- res du BRAC leur rendent visite tou- à assurer une passerelle fiable à ses
particulièrement dans les pays en grammes peuvent aussi être utilisés tes les semaines. Les familles ne élèves vers les écoles ordinaires.
développement où des technologies pour les enfants dans les crèches versent pas de contribution finan- Beaucoup de pays s’orientent
plus coûteuses demeurent hors de communautaires ou les garderies cière, mais on attend d’elles qu’elles vers un système unifié encadré par
portée. Dans l’enseignement radio- parentales33. participent aux réunions de parents. l’Etat et fondé sur les écoles publi-
phonique interactif – mis au point au L’école est une structure villa- ques, mais mieux adapté aux condi-
Nicaragua au début des années 70 Des systèmes souples geoise typique avec un toit de tions locales et aux besoins commu-
par une équipe de l’université chaume ou de tôle ondulée et un sol nautaires, et qui fait parfois appel à
Stanford – les élèves répondent à et unifiés en terre battue. Chacune a un des organisations partenaires pour
Célèbre depuis longtemps des questions, chantent ou réalisent Le point commun de toutes ces tableau noir et des cartes murales, et élargir les occasions d’apprentis-
pour son travail en matière des tâches pratiques au cours de approches est la souplesse qui leur les enseignants disposent de maté- sage des enfants non desservis par
pauses soigneusement minutées permet de s’adapter aux conditions riels tels que manuels et notes des écoles conventionnelles. L’an-
de développement rural, de dans l’émission, l’enseignant jouant pédagogiques, cartes illustrées et cienne division entre l’éducation
locales et ainsi de répondre aux
crédit et de santé, le BRAC le rôle d’animateur ou même de par- besoins éducatifs de tous les enfants. bûchettes pour apprendre à compter. «non formelle» et l’éducation «for-
ticipant au travail de groupe. Cette caractéristique était autrefois Chaque élève reçoit une ardoise, des melle» est ainsi en passe de devenir
est un succès remarquable. L’enseignement radiophonique crayons, des cahiers et des manuels. obsolète. Dans un tel système, le
l’apanage des projets dits «d’éduca-
A la fin de 1992, on doit s’adapter aux besoins de ses tion non formelle» qui se sont multi- L’objectif de l’école est d’aider les rôle de l’Etat est de définir les nor-
recensait 12 000 écoles du auditeurs et utiliser tout un éventail pliés dans les années 70, particulière- enfants à apprendre à lire, écrire et mes et de s’assurer que les diffé-
de moyens, y compris le théâtre, les ment en Asie du Sud, quand les orga- compter, tout en les sensibilisant rentes approches appliquées par le
BRAC et environ 34 000 effets sonores et la musique. Dès le nisations concernées ont tenté de aux questions sociales. système sont conformes à ces
en 1998. début, la radio scolaire a eu pour combler les multiples lacunes des Les élèves consacrent également normes.
objectif d’améliorer la qualité de systèmes éducatifs en s’intéressant 40 minutes par jour à l’exercice Il existe aujourd’hui à l’échelle
l’éducation plutôt que de dispenser aux enfants qui travaillent, aux han- physique, au chant, au dessin, aux mondiale des exemples de systèmes
un enseignement à distance. Et si dicapés et aux filles. travaux manuels et à la lecture éducatifs publics qui:

UNICEF/1895/Sprague
des options nouvelles faisant appel à L’un des plus célèbres projets a d’histoires, activités que les enfants ◆ adaptent le calendrier annuel et
des techniques de pointe apparaissent été lancé en 1985 par le Comité adorent et qui les incitent à venir à l’horaire quotidien des écoles aux
maintenant, l’enseignement radio- pour le développement rural du l’école. Les enseignants demandent situations locales, comme les sai-
phonique interactif garde toute son Bangladesh (BRAC). Célèbre de- aux élèves de s’entraider pour les sons agricoles dans les zones
efficacité à grande échelle. En Répu- puis longtemps pour son travail en devoirs, et ils privilégient la com- rurales, et utilisent plus efficace- Les évaluations périodiques qui permettent
blique dominicaine, une étude a com- matière de développement rural, de préhension de préférence à la récita- ment des heures de classe moins d’identifier les problèmes suffisamment tôt font
paré des enfants ayant eu par se- crédit et de santé, le BRAC voulait à tion par cœur36. longues; diminuer les taux de redoublement. Ici, un
maine cinq heures d’enseignement L’emploi du temps est souple; ◆ ouvrent des écoles plus près de élève tunisien au tableau noir.
l’origine organiser des cours de
radiophonique (plus une demi-heure calcul et d’alphabétisation de base l’école se tient trois heures par jour, chez les enfants, ce qui accroît
d’activités de suivi) à des élèves pour des enfants de huit à dix ans six jours par semaine, 268 jours par particulièrement la fréquentation
recevant dix heures ou plus d’ins- dans 22 villages (en donnant la an. Mais le moment de la journée des filles;
truction dans des écoles traditionnel- priorité aux filles). Cette initiative consacré à l’étude est choisi par les ◆ associent les parents et la com-
les. Le premier groupe a obtenu des a remporté immédiatement un tel parents, et le calendrier scolaire peut munauté locale à la gestion des
résultats similaires au second en succès qu’elle s’est répandue à une être adapté pour s’ajuster aux écoles;
lecture et écriture, et nettement vitesse extraordinaire. A la fin de besoins locaux, les récoltes par ◆ recourent davantage aux para-
supérieurs en mathématiques32. 1992, on recensait 12 000 écoles exemple. Les diplômés des écoles professionnels et aux bénévoles
La radio s’est également révélée du BRAC34 et environ 34 000 en du BRAC peuvent passer en qua- de la communauté locale;
un outil extrêmement efficace pour 199835. trième année du système officiel de ◆ adaptent le programme d’études
atteindre les enfants d’âge présco- Une école du BRAC comprend l’enseignement primaire, bien qu’ils aux besoins locaux;
laire. Au Népal, deux séries de habituellement 30 élèves, dont une soient trop peu nombreux à le faire, ◆ éliminent le sexisme dans le pro-
20 programmes ont été mis au point vingtaine de filles, qui vivent dans beaucoup de familles ne pouvant gramme d’études et les matériels
pour les enfants de trois à cinq ans et un rayon de deux kilomètres. Les assumer les dépenses supplémentai- pédagogiques;
les personnes qui en ont la charge. deux tiers des enseignants sont des res associées au secteur public37. ◆ apportent plus de souplesse dans
Chaque programme a été diffusé femmes, originaires de la commu- Le BRAC est un succès remarqua- l’évaluation et la promotion des
deux fois par semaine à la radio nauté locale, qui perçoivent un trai- ble, face à l’idée courante que les élèves afin de recourir le moins
nationale et constitue un excellent tement modeste. Mais ces ensei- projets éducatifs visant simplement possible au redoublement.
moyen de véhiculer jusqu’aux com- gnants font partie des personnes les à combler les fissures finissent par Pour parvenir à l’éducation pour
munautés perdues dans la montagne plus instruites de la communauté, n’offrir qu’une instruction de tous, diverses approches se complè-
des informations importantes sur la ayant accompli neuf années d’étu- deuxième ordre aux pauvres, aux tent les unes les autres. L’Ouganda a
santé, la nutrition et la stimulation des et 15 jours de formation initiale, défavorisés, aux handicapés et aux ainsi pris la décision audacieuse de

38 39
garantir la gratuité de l’enseigne- Une stratégie visant à accélérer le grand part allait aux traitements des nations latino-américaines les plus
ment primaire à quatre enfants par mouvement des élèves au sein du enseignants) ont pâti. Pendant les prospères, un tiers seulement des
famille. Ces deux dernières années, système éducatif présente un poten- années 80 et 90, les enseignants en professeurs de l’école secondaire
il a également testé dans quatre tiel énorme aussi bien pour répondre Afrique et en Amérique latine ont sortent de l’université; 70% n’ont
districts le projet COPE (Comple- aux droits des élèves que pour subi une baisse générale de leur pas eu de formation pédagogique44.
mentary Opportunities for Primary accroître l’efficacité du système lui- revenu réel, avec parfois des réduc- Aux Etats-Unis, plus de 12% des
Education: Nouvelles ouvertures même. Les implications des pro- tions rapides et importantes42. enseignants récemment engagés
d’enseignement primaire) qui donne grammes accélérés, sur le plan des En Afrique par exemple, l’éro- entrent dans la classe sans avoir
une deuxième chance aux enfants études et celui des élèves, n’ont pas sion salariale fait que les instituteurs assisté à des cours d’éducation offi-
plus âgés, à ceux qui n’ont pas pro- encore été totalement appréciées, reçoivent souvent moins de la moi- ciels, et 14% n’en ont pas suivi
fité des occasions antérieures de mais d’ores et déjà elles plaident tié de la somme représentant le seuil assez pour satisfaire aux normes des
s’instruire. vigoureusement en faveur de la sou- de pauvreté absolue43. Beaucoup Etats. Certains enseignants sont Les enseignants sont au
Le projet a intégré nombre des plesse. d’entre eux ont été obligés de com- recrutés en fonction de tests qui cœur de la révolution de
bonnes idées appliquées dans pléter leur maigre revenu en don- n’évaluent ni les processus ni les
d’autres régions du monde pour at- nant des leçons particulières ou en méthodes pédagogiques, mais plutôt l’éducation, mais beaucoup
Motiver les enseignants
teindre des enfants marginalisés. exploitant leur propre affaire, au les compétences de base et les se sentent pris au piège.
Les classes n’ont pas plus de 30 à Les enseignants sont au cœur de détriment de leur présence régulière connaissances générales – critères
40 élèves, et le programme, axé sur la révolution de l’éducation, mais et de leur travail à l’école – phéno- qui ne permettent pas de juger des
Ainsi, en Afrique, l’érosion
l’acquisition d’aptitudes pratiques beaucoup se sentent pris au piège. mène que connaissent aujourd’hui capacités d’éducateur45. salariale fait que les
et complété de compétences essen- Autrefois considérés comme des aussi plusieurs pays d’Europe cen- Dans le passé, des gouverne- instituteurs reçoivent
tielles, couvre quatre disciplines notables dont on respectait la sa- trale et orientale, d’Asie centrale ments plus aisés considéraient la
seulement: mathématiques, scien- gesse et qui apportaient le savoir à la et orientale. Mais quand ils ont formation des maîtres comme un souvent moins de la moitié
ces, anglais et études sociales. prochaine génération, leur position d’abondantes ressources, les gou- long processus d’études théoriques de la somme représentant le
L’horaire est souple (trois heures sociale est aujourd’hui diminuée vernements tendent à les dépenser dans une école spécialisée. Les pays
par jour) et, plutôt que de juger les dans le monde entier, et ils cèdent à pour augmenter la scolarisation en développement confrontés à seuil de pauvreté absolue.
UNICEF/4909/Schytte

enfants lors d’examens de fin un certain découragement. En 1991, plutôt que les traitements des pro- l’impossibilité de financer ce
d’année, les enseignants pratiquent la deuxième réunion de l’Organisa- fesseurs. modèle du monde industrialisé ont
l’évaluation continue. On encourage tion internationale du Travail sur les Certes, il y a lieu d’améliorer les souvent adopté un système de cours
la participation des parents et de la conditions de travail des ensei- conditions d’enseignement dans le accélérés ne donnant à des ensei-
Ce jeune garçon serre son cahier en Ouganda, communauté38. gnants a d’ailleurs conclu que la monde entier, afin de mettre un gnants déjà mal préparés qu’un
où le gouvernement, désireux d’atteindre Pour le responsable de ce projet, situation avait atteint un point into- terme à cet enchaînement néfaste de aperçu très sommaire des méthodes
l’éducation pour tous, garantit maintenant la George Ouma Mumbe, ces écoles lérable. Les conditions de travail se démoralisation et de déclin du statut pédagogiques46. Entre ces deux
gratuité de l’enseignement primaire à quatre ont déjà commencé à transformer la dégradent rapidement, provoquant des enseignants. Mais leur position extrêmes, on trouve un nouveau
enfants par famille. vie des enfants qui travaillent et l’exode des enseignants qualifiés et sociale ne se redressera pas tant que modèle de formation des maîtres qui
celle d’autres enfants auparavant expérimentés40. Quand l’UNESCO a la qualité de l’éducation qu’ils dis- constitue un volet essentiel de la
oubliés par le système. «Suivis par demandé l’avis des autorités natio- pensent ne s’améliorera pas. Une révolution de l’éducation, notam-
des enseignants spécialement for- nales pour une conférence sur le rôle manière d’avancer vers cet objectif ment une révision du rôle et de la
més qui appliquent des méthodes des enseignants en 1996, seules est d’accepter de modifier la prati- fonction de superviseurs et d’ins-
pédagogiques et des programmes quelques nations industrielles riches que de l’enseignement dans la classe pecteurs scolaires, formés au
adaptés, ces enfants parviennent à (notamment l’Allemagne, l’Autri- conformément aux dispositions et à conseil pédagogique; on s’assure
rattraper rapidement leur retard en che, le Canada, la Finlande et la l’esprit de la Convention relative ainsi des professionnels chevronnés
raison de leur plus grande maturité», Suisse) se sont distinguées de la aux droits de l’enfant. La société qui peuvent guider les enseignants
note-t-il. «Il est étonnant de voir à majorité des pays pour lesquels le pourrait également offrir de et les aider à résoudre les problèmes
quelle vitesse ils apprennent39.» statut social et la rémunération des meilleures conditions afin d’encou- dans un processus continu, au lieu
L’élément le plus significatif de enseignants étaient un réel motif rager des candidats plus qualifiés à de les évaluer par des jugements de
programmes de ce type est peut-être d’anxiété41. embrasser la profession, et donner valeur.
qu’ils intègrent et encouragent des Dans le monde en développe- aux enseignants un type de forma- Aucun système viable d’ensei-
possibilités d’apprentissage accé- ment, la profession a été durement tion les préparant à mettre l’enfant gnement ne peut s’arrêter au niveau
léré, si bien que les enfants plus âgés touchée par l’austérité financière et son avenir au centre de leur projet primaire. Très logiquement, la prio-
que leurs camarades de classe peu- des années 80. Quand les gouverne- éducatif. rité de la décennie décrétée à
vent progresser rapidement et rattra- ments ont coupé dans les dépenses Au Togo, plus d’un tiers des ins- Jomtien était de garantir la générali-
per leurs pairs. Trop souvent victi- publiques au titre des programmes tituteurs n’ont fait eux-mêmes que sation de l’enseignement primaire,
mes de systèmes éducatifs basés sur d’ajustement structurel requis par la des études primaires, et 84% des mais, avec le nombre croissant
la sélection, un très grand nombre de Banque mondiale et le Fonds enseignants du secondaire n’ont pas d’enfants qui achèvent leurs études
redoublants plus âgés encombrent monétaire international (FMI), les achevé un cours de formation des primaires, les besoins pour le secon-
les classes dans le monde entier. budgets de l’éducation (dont une maîtres. En Uruguay, l’une des daire augmentent, d’autant plus que

40 41
Encadré 7

Inde: apprendre dans la joie

qu’il a inspirés fonctionnent main- large recours à des chansons, des «Voyant que les enfants
tenant dans dix autres Etats devinettes et des activités de
indiens, sous le nom générique de groupe. apprennent vite et ont envie
projet de perfectionnement des Reposant sur le postulat qu’un d’aller à l’école, les parents
maîtres – ou «apprendre dans la enseignant motivé et un élève
joie». satisfait sont la meilleure manière et la communauté ont
Le recours aux chants, aux dan- de transformer le système d’éduca- entrepris de soutenir
ses et à des auxiliaires didactiques tion, «l’apprentissage dans la joie»
simples et fabriqués sur place per- suppose que les maîtres du pri- l’enseignant et l’école.»
met aux enfants d’entrer plus acti- maire peuvent être motivés et réus-
vement dans le processus d’ap- sir si on leur fait suffisamment
prentissage. confiance, s’ils sont assez encadrés
Cette initiative a aidé les ensei- et conseillés. Les parents enverront
gnants à recouvrer la fierté et le leurs enfants à l’école si l’expé-
respect que la tradition indienne rience scolaire est rendue oppor-
accorde à leur profession, déclare tune, efficace et plaisante.
De nouvelles techniques permettent aux en- Sardar Singh Rathore, principal de «Voyant que les enfants appren-
fants d’entrer plus activement dans le proces- Dhar. Ce respect avait été miné ces nent vite et ont envie d’aller à l’école,
UNICEF/5852/Vilas

sus d’apprentissage. Elles rendent l’école plus vingt dernières années. «Non seu- les parents et la communauté ont
agréable pour les maîtres et les élèves. Ici, en lement ils apprécient leur activité entrepris de soutenir l’enseignant et
Inde, un enseignant et des enfants de sa classe. d’enseignement dans la classe, l’école», poursuit M. Rathore.
mais ils ont pu la rendre si intéres- Les retombées de cette appro-
sante que les enfants ont envie d’al- che ne pourraient être plus claires.

L
e premier indice est la couleur tion des maîtres qui a rajeuni les écoles En 1992, quand le programme a ler à l’école», dit M. Rathore. Un L’investissement de l’Inde en
de l’école – un rose chaleureux primaires dans l’Etat indien du Madhya été lancé à l’occasion de la Journée autre avantage a été la hausse des faveur de cette stratégie a donné
et accueillant. A l’intérieur, la Pradesh. Le choix du mot «stratégie» des enseignants – le 5 septembre – inscriptions dans les écoles desser- aux enseignants les moyens de réa-
différence s’accentue. Ce ne sont pas est mûrement réfléchi. Il s’agit d’un dans 186 écoles primaires et 23 cen- vies, particulièrement des filles et liser leur potentiel, il a pu rendre
seulement la décoration d’animaux et modèle différent de formation des maî- tres de regroupement de ressources, des enfants qui travaillent. Le pro- agréables l’apprentissage et l’en-
de fleurs peints en couleurs vives en tres, d’un changement dans le proces- les enseignants locaux n’y ont gramme est soutenu par plusieurs seignement, ce qui a un impact po-
haut des murs blanchis à la chaux, sus et la pratique pédagogiques, et d’abord vu qu’un fastidieux pro- institutions des Nations Unies, sitif sur les résultats scolaires. La
l’exposition de dessins d’enfants, ou le d’un programme très efficace de moti- gramme gouvernemental de plus. notamment l’UNICEF, le Programme stratégie a par ailleurs traversé les
«tableau» haut d’un mètre – c’est la vation, mais il va beaucoup plus loin Mais la grande force du Shikshak des Nations Unies pour le dévelop- frontières nationales et fait tache
partie inférieure du mur, peinte en noir que l’addition de ces éléments. Le sys- Samakhya est la manière dont il réus- pement (PNUD) et le Programme d’huile au Bangladesh, au Népal et
– qui fait le tour de la pièce. La vraie tème d’éducation – les planificateurs et sit à motiver les enseignants. Depuis des Nations Unies pour la popula- au Pakistan.
différence réside dans l’ambiance. les administrateurs – a placé sa foi dans le début, ils ont été associés à la tion (FNUAP).
On voit que les enfants et l’ensei- les enseignants au niveau local. Et il en conception et au développement du Les enseignants qui participent
gnant sont heureux de travailler. Ils a été récompensé par les succès les projet à tel point qu’ils l’ont rapide- au programme du Shikshak
ont envie d’être là. On ne peut imagi- plus réconfortants. ment considéré comme leur bien pro- Samakhya suivent une session ini-
ner de contraste plus spectaculaire Le district où a commencé cette pre. La nouvelle approche s’est très tiale d’orientation de deux jours où
avec les tristes leçons apprises par aventure n’était pas le lieu idéal pour vite étendue aux districts voisins, et le d’autres collègues les initient à
cœur qui étaient la norme dans bien un projet pilote. Dhar a longtemps été soutien dévoué des premiers cette approche et leur donnent une
des classes indiennes depuis des gé- qualifié «d’arriéré»: les tribus recen- enseignants à leurs collègues dans formation pratique sur la manière
nérations. sées forment plus de 75% de la popu- des domaines nouveaux s’est révélé de préparer les nouveaux auxiliai-
C’est une bal mitra shala – une lation, les gens migrent régulière- capital. res pédagogiques. La formation
école amie des enfants – et elle s’ins- ment vers les villes pour trouver du En 1995, le Shikshak Samakhya des enseignants elle-même est me-
crit dans la stratégie du Shikshak travail et les taux de fréquentation avait gagné sa reconnaissance à née selon les méthodes de «l’ap-
Samakhya, le programme de forma- scolaire sont faibles. l’échelon national – les programmes prentissage dans la joie», avec un

42 43
c’est dans ce cycle que doivent être d’idées, de connaissances, de com- gnants, la valeur de cette approche lièrement quand les parents sont
recrutés les futurs maîtres. La for- pétences et d’activités interactives, est évidente. «Je rêvais de cette sorte analphabètes, les problèmes d’ap-
mation d’un enseignant coûte jus- une large palette de matériels d’organisation de la classe depuis prentissage s’accumulent et les ris-
qu’à 35 fois plus que les dépenses d’enseignement-apprentissage colo- 35 ans», a déclaré Abdul Majid ques d’abandon augmentent.
annuelles engagées par élève de rés et attrayants, différentes métho- Mollah, directeur d’une école pri- D’autre part, beaucoup de tra-
l’enseignement secondaire géné- des d’enseignement, la collégialité maire à Jhenaidah. «Mon rêve s’est vaux de recherche montrent que les
ral47. L’expérience de l’enseigne- et l’appui d’un groupe de pairs50. réalisé52.» élèves apprennent plus vite à lire et
ment secondaire doit refléter le Cette nouvelle méthode de forma- Les éducateurs du Bangladesh ne acquièrent d’autres compétences
modèle participatif, sensible aux tion participatoire fait travailler sont pas les seuls à avoir découvert plus facilement quand ils reçoivent
différences entre les sexes et centré les enseignants ensemble, pour les l’interaction magique qui s’établit d’abord un enseignement dans leur
sur l’enfant tel que défini par la rendre capables de prendre leurs avec des enfants qui veulent appren- langue maternelle (voir encadré 8).
Convention relative aux droits de propres décisions. Le Shikshak dre. «Nous étions inquiets quand Ils apprennent aussi une deuxième Si l’instruction est donnée à
l’enfant, puisque, selon toutes pro- Samakhya a réussi à redonner espoir nous avons commencé le cours, langue plus rapidement que ceux qui l’école dans une langue qui
babilités, les enseignants répéteront aux enseignants démoralisés du mais maintenant nous savons que ont appris à lire dans une langue
le modèle éducatif qu’ils auront Madhya Pradesh. Il a également nous pouvons enseigner de la nou- inconnue. n’est pas parlée à la maison,
eux-mêmes connu à l’école48. rapproché le processus de formation velle manière et nous l’apprécions», Dans les années 90, plusieurs particulièrement quand les
Les jeunes qui n’achèvent pas pédagogique de l’environnement a affirmé un enseignant apprenant pays d’Amérique latine ont modifié
l’école secondaire auront toutefois actif, participatif, ayant pris forme les nouvelles techniques en Répu- leur législation sur l’éducation pour
parents sont analphabètes,
encore besoin d’une préparation à dans l’initiative «apprendre dans la blique démocratique populaire lao. affirmer les droits des populations les problèmes
leur rôle d’enseignant, et des modè- joie» qui transforme l’expérience en «C’est plus amusant d’enseigner autochtones, ce qui a conduit celles- d’apprentissage
les novateurs de formation pédago- salle de classe dans 11 Etats indiens maintenant», a-t-il ajouté. «Les cho- ci à participer aux prises de déci-
gique apparaissent partout dans le (voir encadré 7). ses se déroulent plus harmonieuse- sions en matière d’éducation, ainsi s’accumulent et les risques
monde. Autre stratégie majeure – Dans 44 écoles de l’ex-Républi- ment quand les enfants sont à qu’à la planification, la mise en d’abandon augmentent.
peu imitée ailleurs, mais prouvant que yougoslave de Macédoine, le l’aise53.» En apportant un enseigne- œuvre et l’évaluation des politiques
UNICEF/93-1991/Pirozzi

qu’une formation efficace des maî- projet de formation à l’enseigne- ment vivant aux enfants dont ils ont et programmes de l’éducation. En
tres peut être dispensée à un coût ment interactif a changé les prati- la charge, les enseignants retrouvent Bolivie par exemple, les organisa-
relativement modique – le ZINTEC ques traditionnelles dans la classe en leur fierté et le sens de leur mission. tions autochtones ont élaboré un
(Zimbabwe Integrated National facilitant les partenariats ensei- «Je suis venu parce que je suis las de programme d’enseignement bilin-
Teachers Education Course: Pro- gnant-élèves-parents. Les âges et les voir ce qui se passe dans mon gue interculturel et, dans les pays
La recherche montre que l’apprentissage dans gramme national intégré de cours de aptitudes des enfants forment la école», dit un enseignant expliquant andins et du bassin amazonien, des
la langue maternelle pendant les premières formation des enseignants). Né de base du travail planifié, les tâches pourquoi il avait participé aux groupes autochtones ont participé
années d’école jette des bases éducatives vita-
la nécessité pour le Zimbabwe de écrites sont variées, et la lecture Talleres de Educación Democrática au développement de programmes
les tout en stimulant la confiance en soi et
tenir sa promesse de généraliser englobe un large éventail d’objec- (Ateliers d’éducation démocratique) de formation des ressources humai-
l’amour propre de l’enfant. Des élèves dans
l’enseignement primaire, le ZINTEC tifs51. au Chili. «Fatigué de faire toujours nes. Une étude du programme boli-
une classe de français en plein air au Bénin.
prévoit pour les futurs enseignants Au Bangladesh, où la plupart des les mêmes choses, de travailler seul, vien a montré l’enthousiasme sus-
quatre mois de formation intensive enseignants de l’école primaire de la peur du changement. J’essaye cité chez les filles et les femmes par
en institution au début d’un pro- demandent aux élèves d’apprendre de faire beaucoup. J’ai toujours été l’éducation bilingue comme moyen
gramme de quatre ans, trois années en répétant, certaines classes bénéfi- favorable au changement. J’aime- de communication interculturelle.
de formation en cours d’emploi cient du projet IDEAL (Intensive rais croire que nous marchons tous Les expériences latino-américaines
utilisant un module de formation à District Approach to Education for vers le même objectif54.» ont démontré aussi de manière géné-
distance avec encadrement par des All: Approche intensive de district rale que la participation des groupes
professeurs de l’enseignement su- de l’éducation pour tous). Ce projet, ethniques peut renforcer la solida-
périeur et d’autres inspecteurs issu d’un partenariat entre l’UNICEF
Barrières linguistiques rité entre les peuples et faire prendre
scolaires habituels, et enfin un et le gouvernement, forme les ensei- Un autre obstacle majeur entra- conscience des inégalités entre les
cours en institution de quatre gnants aux différentes manières vant l’accès des enfants à l’école est sexes et toute autre forme de discri-
mois49. dont un enfant peut apprendre – cha- que, dans de nombreux pays, les mination55.
En Inde, les initiatives de forma- cun selon ses possibilités. Par exem- leçons sont encore données dans Des programmes bilingues nova-
tion pédagogique avaient pour ple, certains enfants apprennent l’ancienne langue coloniale – par teurs fournissent également des
objectif de neutraliser les anciens mieux en agissant, d’autres pré- exemple, dans beaucoup d’Etats modèles à imiter. Au Viet Nam, la
schémas d’interaction enseignant- fèrent écouter et d’autres encore africains anglophones, francopho- majorité kinh comprend 87% de la
élèves et de faire prendre conscience visualiser. Pour rendre l’environne- nes et lusophones qui ont les population. Les 13% restants sont
des possibilités de la classe grâce au ment de la classe plus convivial, niveaux les plus faibles de scolarisa- composés de 53 minorités ethniques
Shikshak Samakhya (programme de plus agréable et plus ouvert, particu- tion dans l’enseignement primaire séparées qui vivent dans des régions
formation de maîtres) dans l’Etat du lièrement aux filles, les enseignants du monde. Si l’instruction est don- lointaines sur les collines et dans les
Madhya Pradesh. Ici, les ensei- d’IDEAL utilisent des méthodes de née à l’école dans une langue qui zones côtières, avec les taux les plus
gnants expérimentent quantité participation. Pour nombre d’ensei- n’est pas parlée à la maison, particu- faibles de scolarisation du pays.

44 45
Encadré 8

Quelle langue pour l’éducation?

dans les écoles peut néanmoins Que ce soit en première ou en Commencer par enseigner
faire l’objet d’un débat politique. quatrième année, les enfants ont
Rares sont les pays qui atteignent souvent du mal à apprendre une dans la langue maternelle
l’idéal de l’enseignement bilingue, deuxième langue, dont le vocabu- est une stratégie essentielle
bien que la plupart des habitants de laire, la structure grammaticale et
la planète soient en contact avec le sens peuvent être radicalement pour atteindre les plus de
plus d’une langue dans leur vie quo- nouveaux pour eux. Le khmer, lan- 130 millions d’enfants qui ne
tidienne. Des considérations cultu- gue locale du Viet Nam, utilise par
relles et politiques entrent souvent exemple une écriture dérivée d’un sont pas scolarisés – et les
en jeu. De nombreux parents et alphabet d’Asie du Sud, alors que le aider à réussir.
décideurs plaident en faveur de l’en- vietnamien, la langue nationale,
seignement dans la langue natio- emploi les caractères romains. La
nale dès le début de la scolarité, afin plupart des enfants commencent
que les enfants assimilent la culture l’étude d’un système d’écriture à
dominante. C’est pourquoi certains partir de zéro, mais ceux qui
parents n’enverront pas leurs en- apprennent à écrire dans une nou-
Quand des enfants âgés d’à peine quatre, cinq fants dans une école qui n’utilise velle langue ont à vaincre un obsta-
UNICEF/5394/Isaac

ou six ans sont obligés d’adopter une deuxième que la langue maternelle. cle supplémentaire: lier des symbo-
langue, ils abandonnent un univers familier La pénurie de matériels et de pro- les à des mots inconnus.
pour entrer dans l’inconnu. Ces fillettes suivent grammes de formation entrave éga- Différents pays, comme la
un cours d’anglais au Pakistan. lement l’objectif d’un enseignement Bolivie et l’Equateur, ont accompli
bilingue. Pour commencer, il est des progrès considérables dans la
possible que les enseignants ne par- voie de l’enseignement bilingue. La

P
our des millions de jeunes en- rance et le sentiment d’identité des Mais maîtriser une langue nationale – lent pas les langues locales ou Bolivie a récemment adopté une loi
fants qui commencent leurs enfants. Il n’est pas étonnant que tant ou même une troisième langue, inter- autochtones de leurs élèves, et ils sur la réforme de l’éducation pour
études dans une langue qui d’enfants aient à lutter pour demeurer nationale celle-là, comme le français ont souvent du mal à trouver du soutenir le droit à la langue mater-
n’est pas la leur, l’école peut être un à l’école et y réussir. Une récente ou l’anglais – a aussi des avantages. matériel pédagogique dans ces lan- nelle. Le Burundi, le Kenya, le
lieu étrange et intimidant. Obligés étude menée en Zambie a ainsi mon- Cela élargit la communication et, par gues. De plus, même les ensei- Rwanda, la Somalie, la Tanzanie et
d’adopter une deuxième langue alors tré que les élèves qui commençaient la suite, les possibilités d’accéder à gnants qui parlent couramment une le Zimbabwe ont adopté un ensei-
qu’ils n’ont que quatre, cinq ou six ans, l’école en anglais plutôt que dans leur l’enseignement supérieur et à la vie langue locale auront besoin d’une gnement dans la langue maternelle
ces enfants doivent abandonner tout langue maternelle n’acquéraient pas professionnelle. Les éducateurs abo- formation pour enseigner la langue à l’école primaire, et certains villa-
un univers qui leur est familier pour de compétences suffisantes en lec- rigènes vantent cet apprentissage à nationale comme deuxième langue ges du Burkina Faso le proposent
entrer dans l’inconnu. Ils peuvent aussi ture pour être capables de bien double sens, qui aide les étudiants à dans les classes supérieures. dans des écoles gérées par la com-
en arriver à penser que la langue qu’ils apprendre par la suite de la troisième participer dans la communauté, mais Pour les gouvernements, les munauté. La politique de l’éduca-
connaissent depuis leur naissance est à la sixième année. aussi dans le monde plus vaste. coûts de la préparation de matériels tion en Papouasie-Nouvelle-Guinée
inférieure à la langue de l’école. Pour Les experts reconnaissent de plus Dans l’idéal, après les premières pédagogiques et des cours de for- permet aux communautés de choi-
apprendre des matières complexes en plus combien il est important que années – au moins avant la fin de mation des enseignants sont parfois sir la langue d’enseignement en
comme les mathématiques et la lec- les enfants commencent leurs études l’école primaire – les élèves qui ont prohibitifs, particulièrement dans première et deuxième années. Au
ture, il leur faut fournir l’un des efforts dans leur langue maternelle. L’emploi commencé leurs études dans leur lan- les pays où coexistent beaucoup de Népal, l’UNICEF appuie les efforts
les plus ardus qui leur sera jamais de cette langue valide leurs expérien- gue maternelle devraient se mettre à langues. L’Afrique de l’Ouest des pouvoirs publics en vue de pro-
demandé; pourtant, les compétences ces. Il les aide à apprendre la nature apprendre une langue nationale . Cela compte ainsi de 500 à 1000 langues. duire des matériels d’apprentis-
linguistiques sur lesquelles repose l’es- du langage et à se servir de celui-ci pourrait être la langue d’une ancienne Pourtant, ces coûts doivent être sage en quatre langues.
sentiel de leurs facultés cognitives ont pour comprendre le monde, y com- puissance coloniale occidentale, pondérés par rapport au prix que la Commencer par enseigner dans
soudain été déclarées sans rapport pris tous les aspects du programme comme le français au Sénégal, ou une société paye pour les taux élevés la langue maternelle est une straté-
avec la tâche à accomplir. scolaire. langue autochtone dominante, d’abandon et de redoublement dans gie essentielle pour atteindre les plus
En s’écroulant, ces piliers du La langue maternelle est un fonde- comme l’hindi en Inde. Déterminer des écoles où ces programmes lin- de 130 millions d’enfants qui ne sont
savoir peuvent aussi emporter l’assu- ment essentiel de l’apprentissage. quelle langue nationale introduire guistiques n’existent pas. pas scolarisés – et les aider à réussir.

46 47
Encadré 9

Un nouveau départ:
l’éducation dans les urgences

imprimés et distribués. Les 20 500 en- des programmes récréatifs – sport, υ A Sri Lanka, qui connaît sa quin- Dans les conflits armés,
fants congolais qui vivent dans les théâtre et art – peuvent donner aux zième année de guerre civile, le
camps recevront aussi bientôt du enfants l’occasion de s’exprimer et projet d’éducation pour le règle- l’éducation peut à la fois
matériel pédagogique dans leur d’extérioriser leurs sentiments. ment des conflits introduit dans soigner et réhabiliter. Garder
langue. Dans des situations de crise aiguë, les programmes scolaires les
Le programme d’études, le même les mallettes de formation comme valeurs de tolérance, de com- les écoles ouvertes, ou les
que celui du pays d’origine des le coffret pédagogique mis au point passion, de compréhension et rouvrir dès que possible,
enfants, est reconnu dans bien des par l’UNESCO, l’UNICEF et le HCR pour de respect d’autres cultures,
cas par les autorités de celui-ci. C’est le Rwanda, permettent d’apporter ainsi que la résolution pacifique c’est donner aux enfants une
ainsi qu’en 1997 et avec l’accord des une réponse rapide aux besoins des conflits. Depuis 1992, le pro- structure et le sentiment
deux Gouvernements concernés, six d’éducation. jet a touché plus d’un million
enfants congolais ont pu présenter en Il faut cependant se garder de d’élèves du primaire, et formé d’une certaine normalité au
Tanzanie des examens nationaux de considérer ces mesures comme de plus de 75 000 administrateurs milieu du chaos.
la République démocratique du simples expédients. Pour dramati- et 30 000 animateurs. En 1999, il
Congo. Les négociations se poursui- ques qu’elles soient, les situations sera appliqué aux écoles secon-
vent avec le Gouvernement burun- d’urgence peuvent donner un nou- daires sri-lankaises.
UNICEF/Tanzanie/Pirozzi

dais sur la reconnaissance des qualifi- veau départ, en jetant les bases de Dans un monde où près de
cations obtenues dans les camps afin systèmes éducatifs plus soucieux 50 millions de personnes – soit un
que les enfants ne soient pas obligés des droits de l’enfant et qui incluent habitant de la planète sur 120 – ont
de redoubler une année quand ils une formation à la démocratie, aux été déracinées, forcées d’abandon-
retourneront enfin chez eux. droits de la personne et à la paix – ner leur foyer pour traverser les
Certains éléments de la scolarité thèmes encore trop rarement abor- frontières comme réfugiés, ou per-
des réfugiés demeurent néanmoins dés dans les classes ordinaires. Ce sonnes déplacées à l’intérieur de

I
l est 7 h 30 en ce lundi brumeux, et arbres», l’éducation dans les situa- particuliers à la situation. Par exem- faisant, l’éducation peut aider à leur propre pays, il est urgent de
le brouillard matinal se mêle à la tions d’urgence est arrivée à toucher ple, dans les camps en Tanzanie, les résoudre certaines des causes fon- comprendre comment dispenser
fumée des feux de camp qui s’effi- 65% des enfants du camp, leur appor- enfants apprennent l’anglais et le damentales de la situation d’ur- un enseignement qui tienne
loche à travers les rangs serrés de tant outre des connaissances une cer- kiswahili, afin de pouvoir communi- gence elle-même. En voici deux compte de leurs besoins particu-
tentes en plastique bleu. Vêtue de ses taine stabilité dans leur vie d’enfant. quer avec les communautés d’ac- exemples. liers dans ces circonstances drama-
plus beaux habits – un chandail à Véridiane et les autres réfugiés du cueil. Ils reçoivent un enseignement tiques.
rayures qui lui tombe aux genoux, camp ont été rapatriés de force au relatif à leurs droits, grâce à des υ Le projet d’éducation pour la paix,
don de la communauté internationale Rwanda en décembre 1996. A cette livrets illustrés préparés par Kuleana, soutenu par l’UNICEF, émane de
– Véridiane rejoint la file de petites époque, une nouvelle vague de réfu- une ONG basée à Mwanza (nord de la l’expérience qu’a connue le Liban
silhouettes qui balancent leurs sacs giés fuyant la guerre civile au Burundi Tanzanie). L’apprentissage du règle- pendant 16 années de guerre
en plastique vides. La colonne d’en- et en République démocratique du ment pacifique des conflits est égale- civile. Lancé en 1989 en collabora-
fants serpente jusqu’à une petite clai- Congo était arrivée en Tanzanie. ment un volet essentiel du pro- tion avec le Gouvernement liba-
rière sous un vaste acacia: c’est Nombre des leçons tirées de l’expé- gramme scolaire et fait aussi partie nais et 240 ONG, le projet a formé
«l’école». Des bancs faits de pierres rience des réfugiés rwandais ont été des initiatives d’éducation des adul- 10 000 jeunes qui ont à leur tour
ou de troncs d’arbres ont été alignés alors appliquées à ces nouveaux arri- tes dans les camps. organisé des activités pédagogi-
avec amour par les parents. L’ensei- vants. Sans tarder, «les écoles sous Dans les approches graduelles de ques et d’éveil touchant quelque
gnant souhaite la bienvenue à Véri- les arbres» ont commencé à fonction- l’éducation employées dans les situa- 200 000 enfants. L’objectif est de
diane et aux autres élèves. C’est leur ner avec du matériel distribué par tions d’urgence partout dans le promouvoir la paix et une culture
premier jour d’école. l’UNICEF, le Haut Commissariat des monde, il convient de répondre en de reconstruction et de réconcilia-
De telles scènes se répétaient dans Nations Unies pour les réfugiés (HCR) priorité aux besoins des enfants qui tion, en mettant l’accent sur les
les camps de Tanzanie, après l’afflux et d’autres organismes. Pour les souffrent de tensions psychosociales. droits et le développement de Photo: En Tanzanie, «les écoles sous les
massif d’un demi-million de réfugiés 58 000 enfants burundais, des livres Avant de pouvoir organiser un l’enfant, sur le règlement pacifi- arbres» offrent aux enfants réfugiés de pays
du Rwanda, en 1994. Depuis les pre- identiques aux manuels en usage programme scolaire et des interven- que des conflits et une sensibilisa- voisins une stabilité et une continuité éduca-
miers jours des «écoles sous les dans les écoles de leur pays ont été tions pédagogiques plus formelles, tion à l’environnement. tive indispensables.

48 49
Depuis 1991, le gouvernement donner aux enfants une structure et civile, un projet original propose res des enfants au travail. La plupart
essaye d’élargir l’enseignement sco- le sentiment d’une certaine norma- aux écoliers du primaire une forma- des jeunes travailleurs souhaitent al-
laire aux régions des collines par le lité au milieu du chaos. Les ensei- tion de 20 semaines visant à réduire ler à l’école. Pour attirer à l’école les
biais d’un projet de classe unique. gnants et autres professionnels peu- les tensions psychosociales, accroî- jeunes travailleurs non scolarisés,
La langue d’instruction est le vietna- vent traiter les effets psychosociaux tre la prise de conscience des préju- pour y retenir tous les enfants jus-
mien, mais une formation rapide est et émotionnels de la violence sur les gés, promouvoir le règlement pacifi- qu’à un âge approprié et un niveau
proposée aux enseignants potentiels enfants. Ils peuvent transmettre à que des conflits et enseigner des satisfaisant d’apprentissage, et pour
issus de minorités ethniques. leurs élèves des techniques pour la façons de parvenir à la paix. C’est réintégrer les enfants qui ont aban-
L’UNICEF et la Banque mondiale survie et la sécurité, tout en sur- l’une des diverses approches utili- donné, l’éducation doit être structu-
ont parrainé la rédaction de livres veillant les violations des droits de sées pour aider à alléger les effets rée de façon à répondre aux besoins
bilingues dans des langues minori- l’homme. des conflits sur les enfants, ainsi que spécifiques des enfants qui tra-
taires, comme le bahnar, le cham, le Pour tenter de restaurer et de pro- pour répondre à leurs besoins éduca- vaillent, de leur famille et de leur
h’mong et le khmer, et créent des téger les droits de l’enfant à l’éduca- tifs très spéciaux. communauté (voir encadré 10). Il
centres spéciaux de production pour tion dans les situations d’urgence, Fruit d’une collaboration entre faut en particulier se pencher sur le
l’alphabétisation employant des l’UNESCO et l’UNICEF ont mis au l’UNICEF, CARE, l’université travail agricole et le travail
enseignants, des écrivains et des point l’Edukit, un «coffret pédago- McMaster du Canada et le ministère domestique, deux des formes les
illustrateurs locaux qui parlent et gique» contenant des matériels édu- croate de l’Education, le projet a plus cachées de travail des enfants,
écrivent les langues locales. catifs et didactiques envoyés aussi commencé en 1996 avec des élèves et qui ont un impact particulière-
Autre témoin de cet effort, le pro- rapidement que possible dans les de quatrième année dans l’une des
ment grave sur les filles.
jet Intelyape, qui a mis au point du zones sensibles. Les enfants y trou- quatre zones du pays touchées par la
Pour que l’éducation cesse d’être
matériel d’alphabétisation arrernte vent des crayons, du papier, de la guerre, afin d’aider les enfants à
une partie du problème du travail
avec les Australiens aborigènes craie, des gommes et des cahiers. résoudre les problèmes quotidiens,
dans la ville d’Alice Springs montre renforcer leur assurance et amélio- des enfants et devienne une élément
UNICEF/98-0021/Freedman

Les enseignants reçoivent des gui- essentiel de sa solution, il faudra re-


encore la manière dont la révolution des de programme scolaire, des rer leurs compétences en communi-

UNICEF/90-0021/Tolmie
de l’éducation applique des innova- cation. A partir de l’année scolaire courir à des innovations considéra-
matériels didactiques et des ma- bles et employer des techniques
tions d’une région du monde à 1997/98, le projet était en place dans
nuels. Des communautés dévastées non traditionnelles. Cela exigera de
l’autre56. les quatre zones touchées par la
peuvent commencer à rebâtir. Uti- relever la formation des ensei-
guerre, l’ONG locale Mali Korak
L’éducation aide à restaurer la normalité et lisés pour la première fois au (Petit pas) se chargeant du volet de gnants et les matériels scolaires, et
guérit les traumatismes après un conflit armé. Mesures d’urgence Rwanda et en Somalie, ces coffrets formation des maîtres. d’introduire plus de souplesse et de Une petite fille place son bulletin de vote dans
En Angola, qui a subi 30 années de guerre, ces pédagogiques ont été envoyés par la l’urne lors d’une élection au conseil d’élèves
Au nombre des succès figurent la créativité dans la gestion de l’édu-
élèves attentifs utilisent du matériel fourni dans L’impact des conflits armés sur suite en Afghanistan, au Ghana, en en Colombie, où les enfants participent régu-
réduction des tensions psycho- cation, les méthodes d’enseigne-
un coffret pédagogique de l’UNESCO et de les enfants est si vaste et si général Iraq, au Libéria, au Mali, en Répu- lièrement aux activités de planification sco-
sociales, l’amélioration du climat ment et d’apprentissage, le pro-
l’UNICEF. qu’il est presque impossible de le blique de Moldova, en Sierra laire.
dans la classe et la positivation des gramme, les horaires scolaires et la
mesurer pleinement. On estime Leone, au Soudan, en Tanzanie et
qu’en une décennie deux millions attitudes à l’égard de l’école, des situation des écoles. Il faudra à cet
en Zambie. parents et de la vie en général. On effet mobiliser la société civile, et
d’enfants sont morts, six millions Des programmes aident à faire
ont été gravement blessés, un mil- espère élargir ce type de formation surtout les enfants eux-mêmes. Par
des écoles un endroit où la paix est aux enseignants et aux élèves des exemple, les enfants participent à la
lion sont devenus orphelins ou ont
apprise et pratiquée. Au Liban et à huit années de l’école primaire, et planification de leurs propres acti-
été séparés de leur famille, et
12 millions ont perdu leur foyer57. Sri Lanka (voir encadré 9), les mé- aux adolescents dans les associa- vités scolaires plus régulièrement
Mais on ne peut pas connaître avec thodes d’éducation nées pendant tions de jeunes. qu’ailleurs dans le projet colom-
exactitude le nombre d’enfants qui les conflits sont maintenant inté- bien d’Escuela Nueva, où des
grées aux programmes scolaires conseils d’enfants se tiennent fré-
sont marqués dans leur esprit, et
nationaux. Les enfants apprennent à
Contrer le travail
émotionnellement traumatisés par quemment dans le cadre de l’édu-
trouver des solutions aux problè- des enfants cation civique.
la violence qu’ils ont connue (et,
dans certains cas, à laquelle ils ont mes; on leur enseigne les techni- La plupart des enfants non scola- Pour répondre aux besoins éduca-
été forcés de se joindre), par les ques de négociation et de commu- risés sont probablement au travail. tifs des enfants qui travaillent,
déchirures massives dont leur envi- nication ainsi que le respect d’eux- L’OIT estime que 250 millions d’en- l’UNICEF et plusieurs gouverne-
ronnement social a été l’objet ou mêmes et des autres; ils en viennent fants travaillent à temps complet ou ments coopèrent dans la mise en
par les attaques dont ils ont été les à comprendre que la paix est leur partiel dans le monde en développe- œuvre d’un certain nombre de
cibles, comme cela arrive de plus droit. L’objectif est de réconcilier ment58. Le travail empêche de nom- mesures. Les programmes de bour-
en plus fréquemment. des communautés divisées et de breux enfants d’aller à l’école ou de ses scolaires au Brésil ont ainsi
Dans les conflits armés, l’éduca- prévenir autant que possible les bénéficier de l’éducation, mais il est octroyé des allocations d’études aux
tion peut à la fois soigner et réhabili- futurs conflits. également vrai que les systèmes familles les plus pauvres comme
ter. Garder les écoles ouvertes, ou En Croatie, où les enfants ont été éducatifs sont incapables de prendre encouragement économique afin de
les rouvrir dès que possible, c’est durement touchés par la guerre en compte les situations particuliè- réduire le taux d’abandon des élèves.

50 51
Encadré 10

En Inde: aider les pauvres à choisir l’école

des villages, et des comités admi- Comment explique-t-on cette Les familles pauvres de
nistratifs au niveau des districts. réussite? «L’idée de la Fondation»,
«Tandis que nous augmentions les remarque le professeur Sinha, «est l’Andhra Pradesh, quand
pressions au niveau de la commu- que dans de nombreux cas, les elles en ont la possibilité,
nauté pour encourager les parents enfants ont été mis au travail parce
à envoyer leurs enfants à l’école», qu’ils n’allaient pas à l’école, et non et si on les y encourage,
explique le professeur Sinha, pas le contraire.» Les expériences retirent volontiers leurs
«nous invitions les employeurs à de la MVF réfutent clairement la
cesser d’embaucher des enfants. A théorie dominante selon laquelle enfants du travail pour les
plusieurs reprises, des employeurs, c’est la nécessité économique qui inscrire à l’école.
sous cette pression de la commu- force les parents pauvres à choisir
nauté, ont pris l’initiative de parrai- pour leurs enfants le travail et non
ner l’éducation des enfants qu’ils l’école. Les familles pauvres de
faisaient auparavant travailler. La l’Andhra Pradesh, quand elles en
communauté a réagi en honorant ont la possibilité, et si on les y
leurs anciens patrons.» encourage, retirent volontiers leurs
Les valeurs sociales et les normes culturelles Avec l’augmentation du nombre enfants du travail pour les inscrire à
doivent être changées pour garder les enfants à d’écoliers, le personnel enseignant l’école.
UNICEF/5868/Vilas

l’école. Cette évolution exige la participation a dû faire face à de nouveaux défis. «Nous appliquons un pro-
de la communauté tout entière. Une jeune fille On a engagé des maîtres locaux gramme qui est proche de ce que
employée dans une petite échoppe. supplémentaires, en partie rémuné- les parents souhaitent pour leurs
rés par la communauté et dont enfants», affirme le professeur
beaucoup sont des alphabètes de la Sinha. «Le programme touche de

D
ans l’Andhra Pradesh, cin- porte-parole de la Fondation et pro- «Forum pour la libération de la main- première génération, pour aider les toute évidence un point sensible.»
quième Etat de l’Inde par sa fesseur de sciences politiques à l’uni- d’œuvre enfantine», des jeunes béné- élèves en faisant le lien entre le
superficie, 75 villages n’em- versité d’Hyderabad. «C’est en soi voles connus sous le nom de «mili- monde du travail et l’école. La MVF a
ploient plus de main-d’œuvre enfan- une tâche rendue extrêmement diffi- tants de l’éducation», des fonction- soutenu des instituteurs de l’Etat
tine et leurs enfants sont tous scolari- cile par un formidable conflit d’inté- naires locaux et des employeurs. grâce à des séminaires mettant l’ac-
sés, en grande partie grâce à l’action rêts: les parents perdent un revenu Dans un premier temps, la MVF, aidée cent sur l’attitude des enseignants à
menée ces dernières années par la d’appoint et l’employeur une main- par des bénévoles, a pris contact di- l’égard des petits travailleurs qui
Fondation M. Venkatarangaiya (MVF). d’œuvre bon marché. Cette mesure se rectement avec chaque famille pour viennent à l’école pour la première
Depuis son lancement il y a sept ans, traduit pour l’enseignant par une déterminer la situation de chaque fois, et d’autres sur les problèmes
le programme a été guidé par deux forte augmentation du nombre d’en- enfant dans le district. Ceux de 5 à spécifiques des enfants au travail.
objectifs: aucun enfant ne doit occu- fants dont il doit s’occuper et pour 8 ans ont été envoyés dans des écoles A mesure que le programme a
per un emploi salarié; tous doivent l’ensemble de la communauté par ordinaires, et les enfants de 9 à 14 ans pris de l’ampleur, le rôle de la MVF a
aller à l’école. des responsabilités supplémentai- inscrits à des cours du soir spéciaux évolué. En 1997, la Fondation for-
Le programme MVF a débuté en res.» ou des camps d’été de trois mois, qui mait plus de 2000 jeunes bénévo-
1991 dans cinq villages par la scolari- Il est encore plus difficile de trans- leur ont servi de «passerelle» avant les, maîtres de l’école publique,
sation de 16 enfants, uniquement des former les valeurs sociales et les nor- de rejoindre les écoles ordinaires. Des élus locaux et personnel des ONG.
filles. En 1998, plus de 80 000 filles et mes culturelles qui justifient le travail comités de parents surveillaient les Contrairement à la plupart des
garçons, de 5 à 14 ans, dans 500 villa- des enfants que de résoudre ce expériences et les progrès des deux initiatives dans ce domaine, la MVF
ges, étaient scolarisés par la MVF dans dilemme. La MVF préconise un groupes d’élèves. ne verse pas d’argent aux enfants
les écoles publiques des zones rura- modèle d’organisation communau- En même temps, la MVF organisait ni à leurs familles. Pourtant, son
les du district de Ranga Reddy. taire et la recherche d’un consensus des réunions publiques, une campa- approche a si bien fonctionné que
«Tout d’abord, il faut persuader la parmi les parents et les enfants eux- gne d’affichage et des rassemble- les autorités de l’Etat n’ont pas
communauté qu’aucun enfant ne doit mêmes, avec des enseignants, dont ments. Des associations parents- hésité à la mettre en œuvre dans
travailler», explique Shanta Sinha, beaucoup se sont réunis dans un enseignants ont été créées au niveau d’autres villages.

52 53
Encadré 11

Egypte: un modèle pour l’éducation des filles

élargir le projet d’écoles commu- novation en éducation (CIE) a été Combinant plusieurs
nautaires. Certains éléments vont mis en place pour rapprocher les
ainsi être appliqués à grande deux initiatives et pour inclure les niveaux en une seule classe,
échelle, comme la formation des meilleures pratiques des projets les écoles communautaires
enseignants et des directeurs dans l’ensemble du système offi-
d’établissement aux pédagogies ciel de l’éducation de base, de représentent un modèle
d’apprentissage actif, la mise au manière à encourager l’innovation d’apprentissage actif
point de matériels d’auto-appren- permanente en matière d’éduca-
tissage et l’essai de systèmes pro- tion. L’apprentissage actif et la particulièrement attirant
motionnels souples qui font avan- gestion de la classe centrée sur pour les filles, dans lequel
cer les enfants d’un niveau quand l’enfant sont deux pratiques intro-
ils atteignent certains paliers plutôt duites dans les écoles de type clas- les parents et les
que quand ils réussissent un exa- sique. communautés participent
men trimestriel ou de fin d’année. Le CIE est au cœur du dispositif du
Les écoles communautaires ont ministère de l’Education, ses mem- pleinement.
démarré en 1992 grâce à des parte- bres provenant des universités, de
UNICEF/98-0402/Goodsmith

nariats entre le ministère de l’Edu- l’organisme national d’alphabéti-


Les écoles communautaires égyptiennes cation, les collectivités, les ONG et sation, des médias et du ministère
s’efforcent d’assurer la scolarisation des filles l’UNICEF. Combinant plusieurs ni- des Affaires sociales. Récemment,
et leur participation en salle de classe. Une veaux en une seule classe, elles le ministère de l’Education a pro-
fillette dans une classe à Assiout, en Egypte. représentent un modèle d’appren- posé d’y faire siéger aussi des
tissage actif particulièrement atti- représentants des ONG, des com-
rant pour les filles, dans lequel les munautés, des hommes et des

P
aradoxalement, il est plus fa- seulement 12 filles scolarisées pour troisième année, elle savait déjà parents et les communautés parti- femmes d’affaires, ainsi que des
cile de trouver des innovations 100 garçons. mieux lire et écrire que son frère aîné cipent pleinement. Respectueuses fonctionnaires de la santé et de
pédagogiques dans les com- A Assiout, Sohaq et Keneh – qui qui avait été à l’école du village le des principes contenus dans la l’environnement.
munautés rurales démunies du sud figurent parmi les gouvernorats les plus proche. Nous avons alors com- Convention relative aux droits de Grâce à la pression des commu-
de l’Egypte que dans les quartiers plus pauvres du Sud – près de mencé à lui demander conseil. C’est l’enfant, ces écoles favorisent la nautés, des parents et des déci-
aisés du Caire. Là où le désert rejoint 200 écoles communautaires ont été elle maintenant qui écrit nos lettres créativité, la réflexion critique et deurs en faveur d’une éducation de
les terres fertiles le long du Nil et où ouvertes. Elles ont si bien su encou- privées à son oncle qui travaille à renforcent les compétences en qualité, le mouvement a fait boule
les montagnes se dressent au-dessus rager la scolarisation des filles et la l’étranger», dit son père. matière de résolution des problè- de neige, les écoles communau-
de la vallée, des traditions ancestra- participation active de tous les élè- Les enseignants de l’école de mes. taires étant considérées comme
les cèdent la place à des écoles cen- ves, filles et garçons, que leurs prin- Nadia, ayant rapidement remarqué Avec l’appui de l’Agence cana- un catalyseur du changement
trées sur l’enfant qui attirent les élè- cipes d’enseignement et d’apprentis- ses excellents résultats scolaires et dienne de développement interna- social et de l’évolution person-
ves les plus oubliés jusqu’ici – les sage ont été intégrés dans le système sa participation en classe, ont tional (ACDI), le gouvernement nelle. La quête d’un enseignement
filles. d’éducation officiel. demandé au projet d’écoles commu- s’emploie depuis 1993 à dévelop- de qualité, alors que les commu-
Environ un quart de la population Nadia, qui a fréquenté l’école du nautaires des directives sur les nou- per et multiplier les «écoles à nautés assument la responsabilité
rurale du sud de l’Egypte habite dans hameau d’Al Gamayla, est mainte- velles méthodes d’apprentissage classe unique». Comme les écoles et la propriété de leurs écoles,
de petits hameaux isolés, souvent si- nant une adolescente sûre d’elle et actif, y compris les activités communautaires, les écoles à donne une base solide au déve-
tués à trois kilomètres au moins de dotée de solides compétences. Fré- autogérées, l’apprentissage par la classe unique s’adressent aux filles loppement durable et à la forma-
l’école la plus proche. Dans la plupart quentant actuellement une école pratique, le travail en groupes et la vivant dans les hameaux ruraux. tion continue. Certains qualifient
des zones rurales du Sud, les taux moyenne préparatoire dans le village participation des enfants à la gestion Elles sont présentes aujourd’hui ce phénomène de révolution tran-
nets de scolarisation des filles d’Om Al Qossur (gouvernorat de la classe. dans plus de 2000 villages à travers quille: il s’agit en tout cas d’une
oscillent entre 50% et 70% contre d’Assiout), elle souhaite poursuivre Le succès d’élèves comme Nadia le pays. collaboration précieuse en faveur
72% à l’échelon national. Dans les ses études jusqu’à l’université, une et 4000 autres devenus des étudiants L’intégration des deux projets a de l’apprentissage au sein d’une
situations les plus extrêmes de cer- ambition que sa famille appuie sans actifs a incité le ministère de l’Educa- commencé vraiment en 1995. Par communauté qui s’est donné les
taines régions isolées, on compte réserve. «Quand qu’elle n’était qu’en tion et le Gouvernement égyptien à décret ministériel, un Comité d’in- moyens d’agir.

54 55
Fig. 7 Scolarisation primaire – Autre exemple, la Bolsa Criança mais fermement, rectifie l’informa- monde en développement, 73 mil- ◆ Les femmes instruites courent Fig. 8 Education et mortalité infantile
les garçons et les filles Cidadã (Bourse enfance civique), tion qu’il a fournie sur la manière et lions sont des filles61. Réduire cet moins de risques de mourir en
L’UNICEF a mené en 1997 une étude sur l’impact sur
un programme du Gouvernement le lieu convenant pour la culture des écart par des stratégies ciblées pour couches.
Comme le montre ce diagramme en nuage de points la santé d’interventions en divers domaines (santé,
fédéral dans des régions du Brésil tomates. L’enseignant remercie promouvoir l’éducation des filles ◆ Plus une femme est instruite, plus
représentant les taux nets de scolarisation dans où le travail des enfants est fréquent, Nagwa et demande à la classe de a été un souci tout au long des an- elle a de possibilités de choix nutrition, eau et assainissement, éducation) dans
tous les pays en développement, les garçons accorde des bourses aux familles et l’applaudir60. nées 90. La Déclaration mondiale dans la vie, et moins elle risque neuf pays, plus l’Etat du Kerala (Inde) ayant obtenu
dépassent les filles dans les pays où le taux global aux secrétariats municipaux de Voilà une classe qui respecte la sur l’éducation pour tous adoptée en d’être exploitée et opprimée par des réductions importantes de la mortalité infantile.
de scolarisation est faible, la parité entre les sexes l’éducation pour élargir les activités différence entre les sexes. La ma- 1990 par 155 pays en témoigne: «La sa famille ou son statut social. On a constaté que c’étaient les interventions en
augmentant en même temps que ce taux. On sportives et culturelles et le tutorat tière enseignée se rapporte à la vie priorité absolue devrait être d’assu- ◆ Les femmes instruites sont plus éducation qui avaient le plus gros impact sur les
constate plus d’inscriptions de garçons en bas du scolaire quand les enfants tra- des élèves; l’interaction entre l’en- rer l’accès des filles et des femmes à susceptibles d’être réceptives aux indicateurs de santé, y compris la mortalité des
diagramme, et de filles en haut. vailleurs sont à l’école. Les jeunes seignant et les élèves est empreinte l’éducation et d’améliorer la qualité initiatives de développement, d’y nourrissons et des enfants de moins de cinq ans,
travailleurs du District fédéral sont d’estime mutuelle; une fillette est de la formation qui leur est dispen- participer et de les influencer, et l’espérance de vie à la naissance et l’indice
ciblés par le programme Bolsa- encouragée à participer au lieu de se sée, ainsi que de lever tous les obsta- elles ont plus de chances d’en- synthétique de fécondité. A titre d’exemple, ce
Escola (Bourse-école), qui accorde contenter d’écouter passivement; et cles à leur participation active. Tous voyer leurs filles à l’école. diagramme montre une chute de la mortalité
à leur famille l’équivalent d’un sa contribution est ensuite récom- les stéréotypes sexuels sont à bannir ◆ Les femmes instruites ont plus de infantile, précédée par une augmentation de la
salaire minimum (environ 100 dol- pensée (voir encadré 11). de l’éducation62.» (Voir figures 7 et probabilités de jouer un rôle dans scolarisation primaire, en République de Corée et
lars par mois), une allocation qui est Investir dans des systèmes éduca- 9) la prise de décisions politiques et
au Costa Rica.
supprimée si l’enfant compte plus tifs pour en faire des outils d’inté- Ces mots ont été soigneusement économiques aux niveaux com-
de 10% d’absences pendant l’année gration est une mesure bénéfique choisis non seulement pour mettre munautaire, régional et national. République de Corée
scolaire. Liés à d’autres efforts des- pour tous les enfants. Malheureuse- l’accent sur la qualité de l’éducation Si le plus gros problème, au
105 70

Taux brut de scolarisation primaire


tinés à améliorer la qualité de l’en- ment, des classes comme celle de ouverte aux filles et sur la nécessité niveau mondial, est le manque
60

Taux de mortalité infantile


seignement primaire, ces program- Nagwa sont encore très souvent de lever les obstacles à leur scolari- d’accès des filles à un enseignement 100
Taux brut de 50
mes ont réduit les taux d’abandon l’exception. La discrimination à sation, y compris ceux qui se rap- de qualité, un problème commence scolarisation primaire
95
des élèves. l’égard des filles est le principal portent aux traditions culturelles ou à pointer concernant l’éducation des 40
Au Bangladesh, où il fallait éla- obstacle sur la voie de l’éducation garçons. Il est clair que dans certai- 90 30
au manque de volonté politique,
Source: La situation des enfants dans le monde 1998, UNICEF, borer des approches non formelles pour tous. nes régions, la scolarisation des gar- 20
mais aussi pour attirer l’attention 85
1997, tableau 4. pour les enfants anciennement Le droit des filles à une éducation çons diminue et que leur taux 10
employés dans l’industrie du vête- de qualité répondant à leurs besoins sur les aspects matériels du pro- d’abandon augmente. C’est un phé-
Taux de mortalité infantile

blème, tels que le manque de places 80 0


ment, un mémorandum d’accord a est trop souvent dénié, même à nomène connu de longue date dans 1960 1970 1980 1990

apporté une réponse rapide et créa- celles qui ont la chance d’aller à ou d’équipements appropriés à des pays aux traditions pastorales
tive. L’accord signé en juillet 1995 l’école. Des leçons et des manuels l’école. De nombreuses filles aban- comme le Lesotho et la Mongolie, Costa Rica
par l’Association bangladaise des remplis de messages implicites et donnent l’école dès le début de la où les garçons sont depuis toujours 120 100
menstruation, qui les rend particu-

Taux brut de scolarisation primaire


fabricants et exportateurs de vête- explicites affirmant que le rôle des chargés de s’occuper des troupeaux. 90

Taux de mortalité infantile


ments (BGMEA), l’OIT et l’UNICEF filles est moins important que celui lièrement vulnérables quand il n’y a Mais c’est aussi un motif d’inquié-
100 Taux brut de 80
scolarisation primaire 70
précise que les enfants de moins de des garçons risquent de saper leur pas de commodités séparées. tude croissant aux Caraïbes où non 80
60
14 ans doivent être retirés des ate- apprentissage et leur fierté. Les Les grands avantages sociaux de seulement les filles demeurent plus 60 50
liers de confection, placés dans des enseignants – les femmes aussi bien l’éducation des filles sont presque longtemps à l’école, mais où elles 40
40
30
écoles et qu’ils doivent recevoir une que les hommes – félicitent parfois universellement reconnus. En voici surclassent nettement les garçons 20
20
allocation mensuelle. Les leçons ti- davantage les garçons, leur accor- les principaux: dans le primaire et le secondaire. Ce Taux de mortalité infantile 10
rées de cet accord ont été intégrées à dent plus d’attention et leur offrent ◆ Plus une mère est instruite, plus phénomène est peut-être la première 0
1950 1960 1970 1980 1990
0

un programme d’éducation de base plus d’occasions de jouer un rôle la mortalité juvéno-infantile est manifestation dans le monde en
pour les enfants marginalisés des valorisant. A l’école, les filles se réduite (voir figure 8). développement d’un problème de Source: Santosh Mehrotra and Richard Jolly, eds.,
villes59. voient souvent assigner automati- ◆ Les enfants de mères instruites l’éducation des garçons qui existe Development with a Human Face, Clarendon Press, Oxford,
quement des tâches de type ménager sont dans l’ensemble mieux déjà dans les pays industrialisés 1997.

Elément 3. Respect qui ne seraient imposées aux gar- nourris et moins souvent mala- (voir encadré 12).
des différences entre çons que comme punition. des. Pour protéger le droit des enfants
les sexes et éducation Une classe sensible aux différen- ◆ Les enfants (et particulièrement à l’éducation, les écoles et les systè-
ces entre les sexes devrait compter à les filles) de mères instruites ont mes éducatifs doivent être «respec-
des filles peu près autant de filles que de gar- plus de chances d’être instruits tueux des différences entre les
«La culture des tomates» est le çons, et enregistrer des résultats eux-mêmes et de savoir lire et sexes». Qu’est-ce que cela signifie?
thème de la leçon d’agriculture similaires pour chaque groupe, mais écrire (voir figure 10). Dans la pratique, la plupart des
d’aujourd’hui dans l’école commu- beaucoup de classes dans le monde ◆ Plus elles ont fait d’années d’étu- réformes visant à améliorer la qua-
nautaire d’Al-Akarma en Haute- ne réunissent pas ces critères pour- des et plus les femmes tendent à lité de l’éducation et à garantir les
Egypte. Pendant la leçon, Nagwa tant essentiels. Par exemple, sur les reculer l’âge de leur mariage et droits de l’enfant rendront aussi
lève le doigt. Le maître lui donne la quelque 130 millions d’enfants de à réduire le nombre de leurs l’éducation plus sensible aux diffé-
parole et Nagwa, très poliment, 6 à 11 ans non scolarisés dans le enfants. rences entre les garçons et les filles.

56 57
Fig. 9 D’un coup d’œil: disparités garçons/filles Chiffres à noter
Plus de 8,2 millions d’enfants entre 0 et 14 ans, dont 7,8 millions en Afrique subsaharienne, ont perdu leur mère ou leurs deux parents des
dans l’enseignement primaire et indicateurs connexes suites du SIDA – et ce nombre augmente de 50 000 par an. Dans les pays en développement, quelque 250 millions d’enfants de 5 à 14 ans
sont au travail – près de 153 millions en Asie, 80 millions en Afrique et 17,5 millions en Amérique latine. Tous ces jeunes travailleurs et ces
orphelins du SIDA courent le risque de se voir dénier leur droit à l’instruction de base, rendant encore plus difficile leur combat contre la
pauvreté et l’exploitation.

Cette carte indique les disparités garçons/filles dans


l’enseignement primaire, mesurées par la différence en
ECO/CEI* et Etats baltes
points de pourcentage entre les taux de scolarisation
Taux net de scolarisation: 94
nets des garçons et des filles. La différence est en
Différence en points de % entre
faveur des garçons dans la plupart des pays en garçons et filles: 1
développement, surtout en Asie du Sud (12 points de % des dépenses du gouvernement
pourcentage), au Moyen-Orient et en Afrique du Nord central pour l’éducation: 6
(9 points) et en Afrique subsaharienne (4 points). On ne PNB par habitant: 2182$

constate pas de différence dans les pays industrialisés.


En Amérique latine et dans les Caraïbes, la différence
est en faveur des filles.
Pays industrialisés
Taux net de scolarisation: 98
Asie orientale et Pacifique
Sources: UNESCO et UNICEF, 1998, pour les taux nets de scolarisation.
Différence en points de % entre
La situation des enfants dans le monde 1998 et La situation des Taux net de scolarisation: 96
garçons et filles: 0
enfants dans le monde 1999 pour les différences en points de pour-
centage entre la scolarisation des garçons et celle des filles, le % des dépenses du gouvernement Différence en points de % entre
pourcentage des dépenses du gouvernement central en faveur de central pour l’éducation: 4 garçons et filles: 1
l’éducation et le PNB par habitant (1996). ONUSIDA pour les chiffres % des dépenses du gouvernement
PNB par habitant: 27 086$
relatifs au VIH/SIDA, et le BIT pour ceux concernant le travail des central pour l’éducation: 11
enfants.
PNB par habitant: 1193$

Note: les frontières sur la carte ne constituent pas une reconnais-


sance ou une acceptation officielles des tracés par l’UNICEF. La ligne
pointillée représente approximativement la ligne de contrôle au
Jammu et au Cachemire convenue par l’Inde et le Pakistan.

Asie du Sud
Taux net de scolarisation: 68
Différence en points de % entre
garçons et filles: 12
% des dépenses du gouvernement
central pour l’éducation: 3
PNB par habitant: 380$
Amérique latine et Caraïbes Afrique subsaharienne
Taux net de scolarisation: 92 Taux net de scolarisation: 57
Différence en points de % entre Différence en points de % entre Moyen-Orient et Afrique du Nord
garçons et filles: 0 garçons et filles: 4 Taux net de scolarisation: 81
% des dépenses du gouvernement % des dépenses du gouvernement Différence en points de % entre
central pour l’éducation: 11 central pour l’éducation: 14 garçons et filles: 9
PNB par habitant: 3681$ PNB par habitant: 528$ % des dépenses du gouvernement
central pour l’éducation: 14
PNB par habitant: 1798$
Différence (points de pourcentage) entre garçons et filles dans la scolarisation primaire Pour la liste des pays de chaque région, voir page 132.

Moins de 5 5-14 15 ou plus Pas de données Pays industrialisés * Europe centrale et orientale/Communauté d’Etats indépendants

58 59
Parmi les mesures clefs qui ont sion intelligente des manuels, du ◆ Rapprocher les écoles du foyer Fig. 10 D’une génération à l’autre, impact de l’éducation des filles
prouvé leur utilité pour promouvoir matériel de classe et des plans de des enfants. Cela peut être obtenu
Les bénéfices de l’éducation des filles s’accumulent d’une génération à l’autre. Les femmes instruites vont
l’éducation des filles et assurer la leçons augmentera très probable- en dressant une carte scolaire afin
qualité de l’expérience scolaire pour ment leur qualité générale et leur d’identifier les endroits les moins généralement avoir des enfants moins nombreux et en meilleure santé, et qui seront sans doute eux-mêmes
tous les enfants, on citera les suivan- pertinence à l’égard de la vie de bien desservis, et en créant de pe- plus instruits que les enfants des femmes incultes. L’abaissement de la mortalité des jeunes enfants
tes: tous les enfants, garçons et filles. tites écoles à classe unique dans amènera, avec le temps, un changement des comportements et une réduction de la fécondité. Les enfants
◆ Offrir un apprentissage centré sur ◆ Donner à la communauté locale des zones rurales éloignées. Ces sont mieux soignés dans les familles moins nombreuses, et une moindre fécondité entraînera une diminution
l’enfant, qui fait ressortir le une maîtrise accrue sur les écoles mesures rendent la scolarité plus de la population d’âge scolaire.
meilleur de chaque individu, et l’associer davantage tout en accessible à tous les enfants, mais
commence dans la vie et dans faisant en sorte que les parents et encouragent particulièrement
l’environnement de la commu- les familles aident à lutter contre l’inscription des filles. Jeune fille instruite
Le respect des différences nauté et inclut un enseignement la discrimination sexuelle à ◆ Programmer les cours avec sou-
entre les sexes n’est pas dans la langue locale. l’école. plesse pour permettre la partici-
◆ Recruter et former des ensei- ◆ S’assurer que les chefs d’établis- pation d’enfants qui en auraient
seulement une facette de la gnants en les sensibilisant aux sement, les inspecteurs et autres autrement été empêchés par leurs
révolution de l’éducation, il droits de l’enfant et aux différen- administrateurs prennent cons- activités aux champs ou à la mai-
Se marie plus tard
ces entre garçons et filles. Dans cience des problèmes relatifs à la son pour aider leur famille.
fait partie intégrante de cette certaines régions, il faut davan- différence entre garçons et filles, ◆ Garantir la gratuité de l’ensei-
révolution. Les mesures tage d’enseignantes pour servir ce qui aboutira à la création gnement, ou veiller à ce que nul
visant à faire participer les de modèle aux filles ainsi que d’écoles offrant aux filles et aux enfant ne soit empêché d’aller à Assure à elle-même et Consulte plus tôt
A moins d’enfants à ses enfants des soins le médecin pour elle
pour rassurer les parents quant à garçons un bon environnement l’école parce que ses parents et une nutrition meilleurs et ses enfants
filles font progresser sur l’environnement de la classe. d’apprentissage, propre et sain. Il n’ont pas les moyens de financer
tous les fronts la cause de Une étude de l’UNICEF sur les faudra des installations qui ne dé- ses études. Si elles doivent faire
pays qui sont parvenus rapide- couragent pas les filles de fré- un choix, les familles pauvres Meilleures probabilités
l’éducation universelle. ment à généraliser l’enseigne- quenter l’école. Il faudra aussi préfèrent souvent envoyer les de survie pour elle et
ses enfants
ment primaire dans leur proces- répartir plus équitablement entre garçons à l’école plutôt que les
filles. Abaissement
sus de développement montre hommes et femmes les postes de de la fécondité totale
que c’est exactement ce qu’ils ont chefs d’établissement, de super- Le respect des différences entre
fait: ils ont employé une propor- viseurs et autres administrateurs. les sexes n’est pas seulement une Education/apprentissage
meilleurs
tion nettement plus élevée d’en- ◆ Recueillir des statistiques sur facette de la révolution de l’éduca-
seignantes63. Tous les ensei- l’éducation et s’assurer qu’elles tion; il fait partie intégrante de cette
Source: Santosh Mehrotra and Richard Jolly, eds., Development with a Human Face, Clarendon Press, Oxford, 1997.
gnants, hommes ou femmes, ont sont ventilées par sexe, pour ob- révolution. Les mesures visant à
cependant pour tâche de créer des tenir une image véritable de l’ac- faire participer les filles font pro-
classes où filles et garçons peu- cès des filles à l’école et de leur gresser sur tous les fronts la cause de
vent participer sur un pied d’éga- participation dans l’éducation. l’éducation universelle. dont elles sont trop souvent la cible
lité. Recruter davantage de per- Les données ventilées par situa- Une approche soucieuse d’équité dans de nombreux établissements
sonnel féminin sera d’une utilité tion géographique, groupe socio- entre les sexes doit donc sous-tendre scolaires.
limitée si les besoins des filles économique et, le cas échéant, la prise de décisions à tous les Les enseignants doivent utiliser
continuent d’être ignorés. C’est groupe ethnique et linguistique niveaux du système. Au niveau des matériels qui ne heurtent pas les
le processus éducatif qui doit aideront à identifier d’autres national, les décisions sur l’éduca- sensibilités différentes des garçons et
changer. domaines possibles de discrimi- tion doivent être fondées sur des des filles et se garder de tout parti-
◆ Extirper les préjugés sexistes des nation. données pour chaque sexe afin d’as- pris, s’assurant que les filles inter-
images et des exemples trouvés ◆ Mettre en place des programmes surer la priorité absolue à l’égalité. viennent aussi fréquemment que les
dans les manuels et les matériels qui encouragent les soins de la Il faut en outre trouver des ressour- garçons et de la même manière. Il
scolaires. Puisque ces images petite enfance, pour la croissance ces suffisantes pour que les familles sera bon qu’ils intègrent à leur pro-
tendent à montrer des hommes et le développement de l’enfant n’aient plus à supporter les coûts gramme des informations sur les
dans des positions d’activité, de (voir Elément 5. Soins de la petite directs et indirects de la scolarité. contributions des femmes à la société
pouvoir et d’autorité, leur élimi- enfance). Ce type d’éducation et Les directeurs d’école et les et à la communauté locale, particuliè-
nation peut sembler une réforme de stimulation préscolaires favo- administrateurs doivent promouvoir rement quand ces contributions sont
préjudiciable aux garçons. En rise la préparation de tous les un apprentissage de qualité, centré cachées ou sous-évaluées.
réalité, les garçons ont tout à enfants en vue de l’école. Il sem- sur l’enfant, et veiller à ce que les Le Programme mondial d’éduca-
gagner de programmes scolaires ble qu’elle augmente plus parti- écoles soient un lieu sûr, où les filles tion des filles de l’UNICEF s’efforce
qui les encouragent à se conduire culièrement la capacité des filles se sentent respectées et protégées, d’atteindre ces objectifs dans plus
en fonction de leur personnalité de poursuivre et d’achever le physiquement et intellectuellement, de 50 pays, notamment dans les trois
plutôt qu’en fonction de ce que la cycle de l’enseignement pri- des importunités, du chahut, de la régions où l’écart entre filles et gar-
société attend d’eux. Une révi- maire. violence et du harcèlement sexuel çons est le plus important.

60 61
Encadré 12

Machisme: quand les garçons


réussissent moins bien

enseignant de la Barbade est du Chima Ezonyejiaku est l’un bien et ce qui est mal; les ensei- Dans les Caraïbes, comme
même avis: «Ils préfèrent aussi mon- d’eux. Son père était pourtant di- gnants leur parlent de «la vie» et les
trer ouvertement qu’ils ne travaillent recteur d’école avant de prendre sa conseillent. Ils peuvent acquérir ailleurs, il faut transformer
pas. Pour un garçon, ce n’est pas bien retraite et sa mère enseigne encore des compétences pratiques et théo- le système éducatif et faire
vu d’être studieux. Ce n’est pas dans une école de village. Chima a riques qui entretiennent leur inté-
macho.» néanmoins abandonné ses études rêt. Sébastien ne fait plus l’école en sorte qu’il respecte les
Le problème est exacerbé par la pour entrer en apprentissage chez buissonnière car l’un des ensei- différences entre les sexes et
faible proportion d’hommes parmi un négociant aisé de la ville gnants le surveille et s’assure qu’il
les enseignants des Caraïbes – en par- d’Onitsha. Comme la plupart de ses suit les cours. qu’il s’attaque aux
ticulier à la Jamaïque – où les modè- amis, il trouve que l’école est une L’accent est mis sur l’améliora- problèmes sociaux et
les de rôle éducatif positif pour les perte de temps et il veut commen- tion des compétences essentielles
garçons sont aussi rares qu’ils le sont cer à gagner de l’argent le plus vite globales – notamment la négocia- culturels liés à la condition
pour les filles dans de nombreux pays possible. tion, l’aptitude à faire face, la prise masculine ou féminine.
en développement. C’est vrai aussi Il y a peu de chances que des de décisions, le sens critique, le
des écoles primaires dans le monde garçons comme Chima retournent règlement pacifique des conflits,
industrialisé, où l’enseignement est un jour à l’école et ils ont besoin les relations interpersonnelles, la
UNICEF/95-0653/Toutounji

dispensé presque exclusivement par d’occasions éducatives spéciales communication – et une formation
des femmes, et où l’insuffisance des adaptées à leurs besoins. L’UNICEF professionnelle qui met l’accent sur
résultats scolaires des garçons com- aide le Gouvernement nigérian et l’estime de soi.
mence à être inquiétante. Forward Africa, une ONG locale, à Dans les Caraïbes, comme
Jusqu’au début des années 80, la proposer des possibilités d’éduca- ailleurs, il faut transformer le sys-
principale préoccupation du monde tion non formelle sur les marchés tème éducatif et faire en sorte qu’il
industrialisé concernait, comme dans locaux, dans les ateliers de mécani- «respecte les différences entre les

P
our Sébastien, 16 ans, les pa- résultats scolaires nettement infé- la plupart des pays en développe- que et les écoles coraniques. Des sexes» et qu’il s’attaque – à l’école
rents s’occupent surtout des rieurs à ceux des filles. Les garçons ment, les mauvais résultats des filles. programmes et du matériel péda- et, si possible, en dehors de l’école
filles. Sébastien, qui vit à la sont moins nombreux à réussir l’exa- Mais à présent, leurs moyennes sco- gogique ont été préparés pour – aux problèmes sociaux et cultu-
Trinité-et-Tobago, trouve que les gar- men commun d’entrée et plus portés laires sont presque toujours supé- répondre aux besoins spécifiques rels liés à la condition masculine ou
çons reçoivent moins d’attention que à abandonner l’école. Une partie du rieures à celles des garçons. Pour cer- des jeunes gens et des jeunes filles féminine, qui peuvent empêcher
les filles de la part de leurs parents et problème semble tenir aux idées arrê- tains observateurs, cette tendance est qui se trouvent hors du système le développement éducatif des
de leurs enseignants. Il a commencé à tées qu’ont les garçons sur les rôles due aux changements intervenus scolaire officiel. Les cours et les enfants. Cette transformation ne
faire l’école buissonnière dans les respectifs des deux sexes. dans l’économie et le marché de l’em- emplois du temps sont souples; les fait que commencer.
classes primaires. Les cours l’en- «Je n’ai jamais accepté que l’on se ploi. Ils avancent que le rôle tradition- instructeurs mettent l’accent sur la
nuyaient et il trouvait que les ensei- moque de moi ni que l’on me traite de nel des hommes s’est dilué, provo- lecture, l’écriture et les compéten-
gnants ne s’engageaient pas assez. ‘poule mouillée’», note Algie, 17 ans, quant un sentiment d’impuissance ces nécessaires à la vie quoti-
Finalement, il a échoué à l’examen originaire de la Dominique, en expli- dans l’esprit de garçons même jeunes dienne.
d’admission à l’école secondaire – quant pourquoi il séchait les cours. qui sentent leur rôle dévalorisé. Quand Sébastien a échoué à
épreuve exigée dans les Caraïbes Les garçons des Caraïbes jugent l’ef- Pourtant, au Nigéria, comme dans l’examen commun d’entrée en se-
anglophones pour continuer une sco- fort scolaire comme «nul», «effé- beaucoup de pays d’Amérique latine, condaire de la Trinité-et-Tobago, il
larité dans le deuxième cycle d’ensei- miné» ou digne d’une «mauviette». c’est précisément l’accès élargi des a eu la chance de s’inscrire dans le
gnement*. «Les garçons n’utilisent pas l’édu- garçons au marché du travail qui fait centre d’apprentissage Cocorite. Le
Dans les Caraïbes, à la différence cation de la même manière», expli- problème. Dans l’est du pays, le nom- bureau de l’UNICEF dans les Caraï-
de la majorité des pays en développe- que une enseignante de Saint-Vin- bre de garçons qui abandonnent bes soutient les enfants qui ris-
ment, les garçons obtiennent des cent-et-les-Grenadines. «Ce problème l’école ne cesse d’augmenter: dans quent de rester en marge de l’école Photo: Dans les Caraïbes, des centres d’ap-
a beaucoup à voir avec une certaine les Etats d’Abia, d’Anambra, d’Enugu – particulièrement les garçons – en prentissage offrent aux jeunes la possibilité
image. Ils ne veulent pas être consi- et d’Imo, 51% des garçons n’étaient aidant des centres comme d’acquérir des compétences pratiques et
* L’examen sera aboli à la Trinité-et- dérés comme des ballots et celui qui pas scolarisés en 1994, contre 58% en Cocorite. Là, explique Sébastien, théoriques. Ici, en Haïti, des apprentis
Tobago dès l’année scolaire 1999/2000. travaille à l’école est un ballot.» Un 1996. les élèves apprennent ce qui est menuisiers.

62 63
Ces régions sont l’Afrique du retard sur d’autres régions et a allé jusqu’à encourager dans les d’égalité qui profite aussi aux gar-
subsaharienne, l’Asie du Sud, le demandé aux gouvernements afri- zones rurales les parents à évaluer la çons. Le PAGE cite une enquête ré-
Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. cains, aux institutions régionales, manière dont ils répartissent les vélant que le programme avait accru
Si les deux dernières régions ont bilatérales et internationales et aux tâches ménagères entre les garçons le nombre de filles ayant réussi
encore beaucoup de chemin à faire, ONG de faire de l’éducation des et les filles – est une reconnaissance l’examen de fin d’études de sep-
elles ont du moins enregistré au filles une priorité. du fait que la sensibilisation à la dis- tième année; celui des garçons ayant
cours de ces dix dernières années Heureusement, l’énergie consa- crimination sexuelle commence réussi avait augmenté encore plus66.
une augmentation de la scolarisation crée au progrès dans ce domaine d’abord à la maison et dans la com- «Faire entrer les filles à l’école
primaire des filles. dans les années 90 devrait produire munauté, et que l’école ne peut en n’est qu’un premier pas sur une lon-
Au Moyen-Orient et en Afrique de confortables dividendes au cours assumer seule la responsabilité. gue route accidentée, pleine d’obs-
du Nord, les progrès ont été notables de la prochaine décennie. L’Initia- Lors des réunions scolaires et tacles et d’embûches d’ordre cultu-
dans l’ensemble, mais à l’intérieur tive pour l’éducation des filles afri- communautaires organisées par le rel ou économique67», a remarqué Faire entrer les filles à
de la région, les situations nationa- caines, soutenue par l’UNICEF, PAGE, les attitudes à l’égard de Priscilla Naisula Nangurai, pro- l’école n’est qu’un premier
les varient beaucoup. Bahreïn et la fonctionne désormais dans plus de l’éducation des filles demeurent fesseur principal à Maasailand
Jordanie ont complètement éliminé 20 pays et reçoit un appui financier divisées, mais il est clair que le dia- (Kenya), parlant des multiples pres- pas sur une longue route
l’écart, à l’école primaire, entre gar- non négligeable des Gouvernements logue aide à réduire des oppositions sions qui poussent les filles à aban- accidentée, pleine d’obstacles
çons et filles et l’Arabie saoudite y canadien et norvégien pour la recon- autrefois farouches. Les sept pro- donner l’école. Mme Nangurai est
est presque parvenue. Mais au duire jusqu’à la fin de 199964. vinces non incluses dans le pro- membre d’un groupe de «directrices
et d’embûches d’ordre
Maroc, la disparité entre les taux Cette Initiative aide les pays à gramme initial ont demandé à y être d’école africaines dynamiques» culturel ou économique.
d’inscription masculin et féminin tester différentes approches pour associées, aboutissant ainsi au lan- décrit par le FAWE (Forum for
est de 19 points de pourcentage. combler l’écart des inscriptions cement du PAGE par le gouverne- African Women Educationalists:
Au total cependant, la plupart des entre filles et garçons, mais le but ment en 1998. Forum des femmes africaines spé-
pays de cette région ont fait de subs- reste partout de bonifier l’ensemble Au niveau national, le ministère cialistes de l’éducation) pour pro-
tantiels progrès, qui traduisent la du système éducatif pour améliorer zambien de l’Education a approuvé mouvoir l’éducation des filles en
priorité accordée par les gouverne- la scolarité des filles. dix critères en fonction desquels les donnant des modèles positifs (voir
UNICEF/93-2288/Pirozzi

ments et les institutions internatio- Au Mali, par exemple, les inspecteurs jugeront si une école est encadré 13).
nales à l’amélioration des possibili- contraintes pesant sur l’éducation respectueuse des différences entre Organisation remarquable en
tés d’éducation des filles depuis la des filles sont examinées dans le les sexes – critères qui pourraient être elle-même, le FAWE collabore avec
Conférence de Jomtien. contexte des faiblesses du système fort utiles à d’autres pays. Ce sont: une équipe de l’Institut d’études du
L’apprentissage des filles peut être contrarié et
Les 17 programmes de pays de éducatif de base tout entier; c’est développement de l’Université du
leur assurance sapée par des cours et des livres
l’UNICEF dans la région compren- pourquoi, au lieu d’utiliser une 1. Un taux d’inscription d’au Sussex (Royaume-Uni) sur un nou-
où abondent des messages implicites et explici-
nent un important volet d’éducation approche fractionnée, on préfère moins 45% pour chaque sexe. veau programme d’éducation des
tes qui affirment que les filles ont moins de féminine. Les donateurs ont été par- décentraliser la planification et ren- 2. Un taux d’achèvement de la filles intitulé GAPS (Gender and
valeur que les garçons. Une écolière participe ticulièrement généreux dans ce do- dre plus pertinent le programme scolarité de 80%. Primary Schooling in Africa: Dispa-
à la classe au Ghana. maine et les pays se sont convaincus scolaire. Les résultats préliminaires 3. Un taux de progression des rités entre les sexes et enseignement
qu’il était nécessaire d’éduquer les sont encourageants. Dans les écoles filles de 85%. primaire en Afrique). L’objectif du
filles – notamment en raison des soutenues par l’Initiative, les filles 4. Pas moins de 40% d’ensei- GAPS est d’adapter la recherche et
besoins croissants d’une main- représentent un pourcentage beau- gnants de chaque sexe. les modèles financiers proposés
d’œuvre mieux formée et plus quali- coup plus important de la population 5. Le directeur et le directeur dans Educating All the Children*
fiée. Depuis quelques années, le scolarisée que ce n’est le cas dans adjoint devraient être de sexe opposé. aux besoins pratiques et à la situation
Gouvernement iranien apporte un les écoles des villages voisins65. 6. Une zone de desserte des écoles culturelle de différents pays afri-
soutien énergique à l’éducation des Le programme PAGE (Zambia’s en aucun cas supérieure à cinq kilo- cains. Il recommande un ensemble
filles et des femmes rurales. Programme for the Advancement of mètres. de réformes qui «assurera, d’ici 10 à
D’autre part, en Afrique sub- Girls’ Education: Programme zam- 7. Des toilettes séparées pour cha- 15 ans, la scolarité pour tous, à des
saharienne, le taux net de scolarisa- bien pour le développement de que classe de 40 enfants. niveaux acceptables de qualité et
tion des filles s’établit à 51%, soit l’éducation des filles) emploie quant 8. Un enseignement dépourvu de d’égalité entre les sexes68.»
moins qu’en 1985. Si l’écart entre à lui face aux problèmes garçons/ sexisme. Le gouvernement national de
filles et garçons dans la région est filles dans le système éducatif une 9. L’emploi de matériels respec- chaque pays assume la responsabi-
plus serré, c’est uniquement parce gamme d’initiatives allant des clas- tant les sensibilités des garçons et lité conjointe du projet de recherche.
que le taux d’inscription des garçons ses unisexes pilotes (dont les résul- des filles. Les trois premiers pays étudiés –
a connu un recul encore plus pro- tats ne sont pas disponibles jusqu’à 10. Un soutien parental et commu- Ethiopie, Guinée et Tanzanie – ont
noncé que celui des filles. A la Con- présent) à un accroissement du sou- nautaire actif. entamé la deuxième phase du projet,
férence panafricaine sur l’éducation tien des parents à l’éducation des
des filles, tenue à Ouagadougou filles par le biais de séances conjoin- Ainsi que ces critères le montrent * Il s’agit du livre de Christopher
(Burkina Faso) en 1993, l’UNESCO tes élèves-parents. L’effort déployé clairement, le respect des différen- B. Colclough avec Keith Lewin, publié par
a reconnu que l’Afrique avait pris pour atteindre les parents – qui est ces entre les sexes suppose un souci Clarendon Press, Oxford, 1993.

64 65
Encadré 13

Pour que les filles aillent plus loin en Afrique

d’une jeune fille qui attend un bébé, développement de l’Université du La contribution la plus
et ce n’est pas le privilège de celles Sussex (Royaume-Uni), le FAWE a
qui ne sont pas enceintes.» lancé en 1995 un programme de précieuse du FAWE au
Par le biais de ses filiales natio- planification stratégique des res- développement de l’Afrique
nales, le Forum appuie des efforts sources (PSR) en Ethiopie, en
au niveau local grâce à des bourses Guinée et en Tanzanie. Le projet tient peut-être à sa capacité
et des prix décernés à des individus s’est depuis étendu au Ghana, au maintes fois démontrée de
et des institutions ayant trouvé des Malawi, au Mali, à l’Ouganda, au
solutions novatrices et susceptibles Sénégal et à la Zambie. Par ce biais, changer la conscience de
d’être reproduites ailleurs. A la fin l’organisation aide les ministères ce que l’on peut attendre
de 1997, le FAWE avait octroyé plus de l’éducation de ces pays à identi-
de 40 bourses dans 27 pays. fier les problèmes spécifiques tou- des filles.
«Nous ne sommes pas en chant les filles, à recueillir et à ana-
concurrence avec d’autres pro- lyser les données, et à définir un
grammes d’éducation pour les éventail d’options politiques pour
filles, nous les considérons comme combler les disparités entre filles et
UNICEF/93-1220/Andrew

des partenaires. Nous nous conten- garçons dans l’accès à l’école pri-
Le Forum est convaincu que l’éducation tons de les mettre en rapport avec maire.
des filles est la clef du développement de les décideurs afin que leurs idées «Nous présentons les conclu-
l’Afrique. Ici, au Malawi, des filles à l’entrée locales acquièrent une reconnais- sions de la PSR pour chaque pays et
d’une salle de classe. sance et des appuis nationaux, nous invitons tout le monde –
voire régionaux», explique Eddah membres de la communauté,
Gachukia. enseignants, donateurs, décideurs

S
ouhaitant passionnément faire développement de l’Afrique et y par- Aujourd’hui, après six années de La distinction la plus presti- – à examiner nos conclusions et
quelque chose pour l’éduca- ticiper.» fonctionnement, sa mission va bien gieuse du FAWE est le Prix Agathe recommandations», dit encore
tion des filles en Afrique, Pour le Forum, aucun problème au-delà de l’accès à l’éducation et de Uwilingiyimana, qui récompense Mme Gachukia, précisant que les
60 femmes visionnaires et influen- n’est insoluble, pas même celui du l’amélioration de la qualité de l’ensei- les innovations dans l’éducation partenaires au niveau national sont
tes – ministres de l’éducation en financement. «Nous ne voulons gnement. des femmes et des filles en Afrique. alors prêts à travailler ensemble
exercice ou non, vice-recteurs d’uni- jamais entendre invoquer le manque D’une certaine manière, ses mem- Décerné pour la première fois en pour mettre en pratique leurs
versité et spécialistes de l’éduca- de ressources comme excuse pour ne bres – qui ont réussi dans leur 1996, le prix commémore l’ancien recommandations. «Nous croyons
tion – ont créé le FAWE (Forum for pas assurer l’éducation pour tous», domaine particulier et travaillent Premier Ministre rwandais, éduca- que cette stratégie permet à tous
African Women Educationalists: explique Mme Gachukia. «L’Afrique ensemble comme un réseau de pro- trice dévouée et membre du FAWE, les intéressés de se sentir partie
Forum des femmes africaines spécia- dispose des ressources, internes et fessionnels recoupant les nations, les qui a enseigné dans une école prenante du processus et des politi-
listes de l’éducation). L’organisation a externes, requises. Ce dont elle a be- secteurs et les disciplines – sont secondaire de jeunes filles et ques qui en émergent.»
clairement défini son programme en soin, c’est de les gérer correctement l’exemple type d’une organisation de occupé les fonctions de Ministre de En fin de compte, pour efficaces
faveur des jeunes Africaines et ce pour le bénéfice de chacun.» femmes instruites, engagées active- l’éducation avant d’être assassinée que soient ses programmes et ses
qu’elle attend des décideurs en Avec 26 membres associés, y com- ment dans la vie publique africaine. en 1994. Des projets dans huit pays activités, la contribution la plus pré-
Afrique. «Les filles et les femmes sont pris des adhérents masculins, minis- En 1994, citant les conclusions de (Burkina Faso, Ethiopie, Ghana, cieuse du FAWE au développement
les ressources intellectuelles qui tres de l’éducation ou décideurs de ses propres recherches, le FAWE a Guinée, Kenya, Malawi, Sierra de l’Afrique tient peut-être à sa
contribueront au changement crucial haut niveau, et 31 filiales dans toutes réussi à faire pression sur les minis- Leone et Zambie) ont été distingués capacité maintes fois démontrée de
que le continent appelle de tous ses les régions de l’Afrique subsaha- tres de l’éducation dans plusieurs pour leur succès, et les leçons tirées changer – un ministre après l’autre,
vœux», dit Eddah Gachukia, directrice rienne, le Forum s’emploie depuis pays africains pour qu’ils modifient de leur expérience, publiées et par- un pays après l’autre – la cons-
générale du FAWE. «Les filles doivent 1992 à promouvoir l’éducation pour les politiques qui empêchaient les tagées. cience de ce que l’on peut attendre
non seulement être instruites, mais tous, particulièrement pour les filles, adolescentes enceintes d’aller à La plus grande force de l’organi- des filles.
aussi avoir l’occasion d’utiliser leurs par des activités de plaidoyer, des l’école. «Notre message affirmait que sation réside dans sa capacité de
connaissances et leurs compétences mesures concrètes et des réformes l’éducation est le droit de tout en- sensibilisation politique. En colla-
pour prendre des décisions sur le politiques. fant», précise Mme Gachukia, «même boration avec l’Institut d’études du

66 67
dans laquelle les réformes commen- et les tâches ménagères – il a mis en où l’on enseigne la puériculture et comme Asabe. C’est pourquoi le Fig. 11 A qui vont les dépenses
ceront à être mises en œuvre, et la place des technologies pour les sou- les compétences essentielles aux succès des réformes pour l’égalité publiques d’éducation?
recherche est maintenant en cours lager, comme les moulins mécani- élèves, garçons et filles, afin de entre les sexes sera peut-être jugé
dans un deuxième groupe de pays. ques, et a fait creuser des puits pour réduire le nombre de grossesses non pas seulement en fonction du En moyenne 33% des fonds publics alloués à
Les propositions de réforme sont réduire la corvée d’eau. La Guinée a chez les adolescentes. La commu- relèvement des taux d’inscription l’éducation vont au cinquième le plus riche de la
audacieuses et de grande portée, tra- aussi adopté des réglementations nauté a réagi très favorablement à ce ou même des acquis scolaires, population, et seulement 13% au cinquième le plus
çant la voie par laquelle l’Ethiopie précisant le temps et les paramètres projet. La pression populaire a en mais selon l’étendue des améliora- démuni. La répartition des bénéfices est plus
pourrait bien faire passer ses taux pour les corvées à l’école, assurant fait forcé le Gouvernement du tions apportées à la vie de ces jeu- équitable quand il s’agit des services sociaux de
actuels bruts de scolarisation dans une répartition égale entre garçons Botswana à permettre aux étudian- nes filles. base comme l’enseignement primaire, mais les
l’enseignement primaire de 39% et filles70. tes enceintes de se présenter aux dépenses pour l’éducation tertiaire (universités)
pour les garçons et de 24% pour les Même quand un pays parvient à examens et d’être réadmises dans profitent au cinquième le plus riche de la
filles à 102 et 106% respectivement, assurer un enseignement primaire à leur école d’origine72. Elément 4. L’Etat population.
sur une période de 15 ans. Elles in- tous les enfants, comme beaucoup le Le travail conduit souvent à refu- comme partenaire clef
cluent des réformes qui permettent font en Asie orientale et dans ser à des millions de filles leur droit Bénéficiaires de l’éducation publique
de réduire les dépenses, telles que le le monde industrialisé, ainsi que à l’éducation: Les gouvernements ont l’obliga-
passage automatique en classe supé- dans des régions non autochtones de Asabe Mohammed, vendeuse tion de garantir le droit de tout Education
rieure de la première à la cinquième l’Amérique latine, la nécessité ambulante, a 14 ans. Elle est origi- enfant à l’éducation et de réaliser 13
année, et la multiplication des clas- d’une éducation modulée selon le naire du village de Soro au l’éducation pour tous. Mais dans le 33
ses à mi-temps pour atteindre 75% sexe demeure. En effet, au premier Nigéria; elle a vendu dans les rues cadre de cette responsabilité glo-
des écoles primaires et secondaires. cycle de l’enseignement secon- des plats préparés par sa mère pen- bale, beaucoup d’acteurs jouent un 0 20 40
Les coûts d’un accroissement daire, les jeunes filles éprouvent de dant toutes ses années d’école pri- rôle vital pour dispenser une éduca- Pourcentage des dépenses publiques
aussi spectaculaire devraient être graves difficultés pour poursuivre maire. «Je pense que j’étais encore tion de base de qualité à tous les
20% les plus pauvres 20% les plus riches
prohibitifs, surtout du fait que le leurs études. Il leur est particulière- plus jeune qu’elle quand j’ai com- enfants, des gouvernements cen-
succès dépend de réformes relevant ment difficile de franchir la passe- mencé à vendre dans la rue», traux jusqu’aux autorités locales,
UNICEF/93-0030/Murray-Lee

la qualité de l’éducation et réduisant relle précaire entre l’école primaire remarque-t-elle en désignant du des institutions internationales aux
communautés locales, en passant Bénéficiaires des dépenses publiques
les disparités entre les sexes, comme et secondaire en Asie du Sud-Est doigt une gamine de sept ans. Mais d’éducation, aux niveaux primaire et tertiaire
l’augmentation des dépenses consa- car, à l’approche de l’adolescence, Asabe a eu une deuxième chance, par les ONG et les groupes religieux.
crées aux matériels pédagogiques, beaucoup risquent d’être recrutées en fréquentant le Centre éducatif Pourtant, seul l’Etat peut rassembler Niveau primaire
la hausse des traitements des ensei- pour le commerce du sexe et des filles de Soro, créé en mai 1993 toutes les composantes dans un sys- 19

Les tâches ménagères éloignent des millions de


gnants, ou l’octroi de subventions d’autres environnements profes- dans le cadre d’une initiative de tème éducatif cohérent mais néan- 17
filles de l’école. Cette barrière invisible doit
pour fournitures scolaires et vête- sionnels dangereux et préjudicia- l’UNICEF et du Gouvernement ni- moins flexible.
être levée pour réaliser leur droit à l’éduca-
ments à 50% des filles des zones bles à leur santé. gérian pour donner aux filles non L’histoire montre que les pays en
Niveau tertiaire (universités)
tion. Une classe au Bangladesh. rurales. Néanmoins, ce modèle sug- Autre risque pendant cette pé- scolarisées l’occasion d’acquérir développement se sont fourvoyés
gère que l’Ethiopie, qui a plus de riode, la grossesse conduit dans de une éducation de base et d’entrer parce que trop souvent les gouver- 3

chemin à parcourir que beaucoup nombreux pays à l’exclusion auto- ensuite dans les écoles secondaires nements ont privilégié l’enseigne- 66
d’autres pays, pourra probablement matique des jeunes filles de l’école, ordinaires. En septembre 1997, ment supérieur au détriment du
atteindre l’objectif de l’école pour ce qui est contraire à la Convention Asabe était parmi les 35 filles qui primaire et du secondaire. Ayant 0 20 40 60 80
tous69 en conjuguant une augmenta- relative aux droits de l’enfant (arti- ont reçu leur diplôme lors d’une hérité de systèmes éducatifs colo- Pourcentage des dépenses publiques
tion des dépenses, une croissance cle 2). La suspension ou l’exclusion cérémonie haute en couleurs. Elle niaux, immédiatement après l’indé- 20% les plus pauvres 20% les plus riches
économique modeste et une assis- scolaire des adolescentes enceintes a obtenu un certificat de post- pendance, la plupart des pays en
tance bien ciblée. a été le thème d’une décision de alphabétisation ainsi que le prix développement ont préféré utiliser Source: La Banque mondiale, citée dans Donner effet à l’Initia-
La Guinée s’emploie entre-temps 1997 du Comité des droits de l’en- d’excellence en arithmétique, en des ressources limitées pour créer tive 20/20 – Assurer un accès universel aux services sociaux de
à vaincre certains des facteurs fant71. écriture et en couture; elle s’est des universités et des écoles desti- base, une publication conjointe Banque mondiale, FNUAP, OMS,
PNUD, UNESCO et UNICEF, 1998, pp. 9, 10.
sociaux et culturels qui empêchent Le Botswana s’attaque à cette maintenant inscrite dans une école nées à répondre aux exigences de
l’éducation des filles. Elle a réduit discrimination par le biais d’un pro- secondaire du premier cycle à l’industrialisation. De nombreux
les coûts directs de la scolarité par jet pilote qui donne aux adolescen- Darazo, à environ 30 kilomètres. pays maintiennent aujourd’hui en-
l’allégement fiscal et la suppression tes enceintes un congé de maternité Les filles qui ne poursuivront pas core cette priorité à l’enseignement
de l’uniforme. Puisque le mariage de trois mois, pendant lequel elles leurs études ont quand même béné- tertiaire (supérieur) aux dépens de
est la principale raison qui pousse maintiennent le contact avec l’école ficié de la formation et créent leurs l’école primaire et secondaire (voir
les filles à quitter l’école en Guinée, grâce à des cours périscolaires. A propres entreprises dans des sec- figure 11). L’exemple le plus
le gouvernement a également inter- leur retour à l’école, leur bébé sera teurs comme la broderie, la cou- extrême est fourni par les Comores,
dit de forcer une jeune fille à se pris en charge par un centre de jour ture, le tricot et la production de qui dépensent 8% du PNB par habi-
marier avant sa neuvième année situé à proximité. En échange, les savon73. tant pour chaque élève des cycles
d’études. Pour s’attaquer à la filles travailleront quelques heures Dans presque toutes les villes et préprimaire ou primaire et 1168%
deuxième cause d’abandon chez les par semaine dans ce centre, qui sert bourgades du monde en dévelop- pour chaque étudiant de l’enseigne-
filles – les responsabilités familiales aussi d’atelier de travaux pratiques pement on rencontre des filles ment supérieur74.

68 69
Mais il existe beaucoup de pays concernant l’enfant, et par l’ar- internationale à tous les échelons, l’éducation et posent des questions
où le déséquilibre est presque aussi ticle 2, qui oblige les Etats à proté- depuis les gouvernements et les ins- concernant les programmes du
inquiétant. Il en résulte inévitable- ger l’enfant contre toutes les formes titutions mondiales jusqu’aux socié- ministère de l’Education; il a reçu
ment une incapacité de généraliser de discrimination, dont l’ostracisme tés et entreprises, aux écoles locales en moyenne 1500 appels par jour.
l’enseignement primaire. Dans la éducatif à l’égard des filles qui et aux villages. Dans les années 90, Une base nationale de données a été
minorité des pays qui ont atteint cet représentent près des deux tiers des ce concept a fait la preuve de sa créée pour enregistrer les projets
objectif, l’Etat a toujours défini les enfants non scolarisés dans le valeur. éducatifs ou les innovations pédago-
politiques et dirigé l’action, et il est monde en développement. Les Etats On trouve au Brésil un bon exem- giques couronnés de succès afin
devenu, dans la plupart des cas, le doivent appliquer toutes les mesures ple de mobilisation et de partenariat qu’ils puissent être reproduits ou
principal organisme dispensant un politiques clefs pour accroître les qui embrasse l’ensemble de la adaptés dans d’autres régions. Cette
enseignement primaire, en partena- chances des filles d’entrer et de de- société, en dépassant le secteur de base de données est devenue acces-
L’Etat, en tant que riat avec des communautés, des éco- meurer à l’école (voir Elément 3. l’éducation et la clientèle tradition- sible sur Internet en septembre
protagoniste de premier plan les privées et le secteur privé. Fré- Respect des différences entre les nelle de l’école. En 1993, l’effort 199776.
quemment, la concentration des res- sexes et éducation des filles). national de mobilisation a culminé Le Brésil a mis en pratique pres-
dans la révolution de sources publiques sur l’enseigne- Pour protéger ces droits, les Etats dans une «Semaine nationale de que tous les principes directeurs
l’éducation, doit mobiliser ment primaire a conduit à compter peuvent employer diverses appro- l’éducation pour tous», aboutissant clefs pour une mobilisation sociale
davantage sur d’autres partenaires ches, notamment la législation. Les à un plan décennal qui a déclenché réussie:
la volonté politique requise pour assurer l’enseignement secon- lois semblent particulièrement utiles une action concrète du gouverne-
pour faire avancer les daire. pour obliger l’Etat à remplir ses pro- ment sur plusieurs fronts. En 1995, ◆ préciser clairement le but et la
choses. Le rôle le plus fondamental de pres obligations, dont l’une des plus le nouveau Gouvernement brésilien vision, avec des objectifs tempo-
l’Etat dans l’éducation est de garantir importantes est de s’assurer que a élargi des actions qui incluaient le rels spécifiques;
le droit des enfants à l’éducation de tous les enfants ont accès à l’école, transfert de fonds fédéraux à des ◆ surveiller fréquemment et effica-
base. L’expérience de ces dernières d’autres étant de réduire l’exploita- municipalités et des écoles locales, cement les progrès grâce à quel-
années a abouti à une compréhension tion du travail des enfants et d’ame- améliorant les tests nationaux des ques indicateurs bien définis;
plus précise du rôle de l’Etat, et de ner la société à soutenir l’éducation acquis scolaires des élèves et utili- ◆ placer l’objectif de l’éducation

UNICEF/96-0515/Noorani
l’Etat lui-même. Il ne faut plus voir pour tous. sant la télévision comme véhicule de base universelle au centre
celui-ci en termes monolithiques Mais surtout, l’Etat, en tant que pour un programme national de for- même de la vie nationale;
comme une autorité nationale uni- protagoniste de premier plan dans la mation des maîtres par l’enseigne- ◆ construire un consensus national
que, mais plutôt comprendre que son révolution de l’éducation, doit ment à distance75. afin que les résultats survivent
autorité s’exerce à tous les niveaux, mobiliser la volonté politique requise Le rôle le plus important du aux changements de gouverne- L’éducation, clef du développement humain et
depuis l’échelon national ou fédéral pour faire avancer les choses. Si sou- Gouvernement brésilien a proba- ment; social, doit être au centre de la vie de la nation.
jusqu’au plan local, et que les rôles ple et diversifié que devienne le sys- blement été de mobiliser toute la ◆ utiliser efficacement le pouvoir Deux garçons partagent un livre aux Philippi-
revenant à l’Etat en matière de politi- tème de l’éducation, il faut que l’Etat nation derrière la campagne pour des nouvelles technologies de nes, où le gouvernement a lancé une campagne
ques, de financement et d’exécution continue à participer à la planifica- l’enseignement universel. Dans cet l’information et de la communi- nationale pour relever la scolarisation.
varient souvent beaucoup d’un ni- tion de l’ensemble du système, à la effort, le participant le plus émi- cation;
veau à l’autre. conception et la supervision du pro- nent n’était autre que le Président ◆ identifier les réussites, les imiter
La Convention rappelle et ren- gramme, à la formation des ensei- Fernando Henrique Cardoso qui, et en créer77.
force dans un certain nombre de dis- gnants, à la définition des normes, au peu après son entrée en fonction en
positions les responsabilités de financement de la construction des janvier 1995, a montré la priorité D’autres pays se sont également
l’Etat vis-à-vis de l’éducation des écoles et à la rémunération des maî- de premier plan qu’il accordait à mobilisés avec succès en faveur de
enfants. L’article 28 garantit le droit tres. Mais son rôle aussi change rapi- l’éducation en faisant lui-même la l’éducation pour tous. Depuis 1995,
de l’enfant à l’éducation, et l’arti- dement. Au lieu d’agir comme une classe le jour de la rentrée à l’Ecole les Philippines ont fait du dernier
cle 29 élabore la vision d’une édu- autorité centrale toute puissante, les José Barbosa à Santa Maria da Vi- lundi de janvier la Journée nationale
cation de qualité qui réalise ce droit. Etats constatent que les partenariats tória, dans l’Etat de Bahia. Cette d’inscription à l’école. Ce jour là,
L’Etat doit donc s’assurer que les avec de multiples secteurs de la action a été suivie de la campagne chaque année, les écoles de tout le
enfants achèvent avec succès leur société augmentent les chances nationale de mobilisation «Acorda pays restent ouvertes de sept heures
éducation primaire et fixer des nor- d’atteindre l’éducation pour tous, et Brasil. Esta na Hora da Escola!» du matin jusqu’à six heures du soir
mes pour garantir des niveaux mini- beaucoup transmettent le pouvoir (Réveille-toi, Brésil. C’est l’heure pour inscrire les enfants qui doivent
mums de qualité et de résultats sco- aux niveaux inférieurs du système de l’école!). entrer à l’école au mois de juin sui-
laires (voir Elément 1. Apprendre pour améliorer l’efficacité et la capa- La réaction du public a dépassé vant. L’objectif est non seulement
pour la vie). cité de réponse. toutes les espérances. Des débats se d’accroître les inscriptions par le
Ces dispositions sont étayées par sont déroulés dans tout le pays. Un biais de l’attention que les médias
l’article 3, qui demande aux Etats de Mobilisation service téléphonique gratuit, Fala portent à cette Journée nationale,
veiller à ce que l’intérêt supérieur de Brasil (Le Brésil parle), a été mis en mais également d’aider les autorités
l’enfant soit pris en considération L’éducation pour tous était desti- place pour que les membres du éducatives à planifier le nombre des
dans toutes les décisions et actions née à galvaniser la communauté public expriment leurs idées sur enseignants, des classes et des maté-

70 71
riels nécessaires pour la prochaine Les campagnes de mobilisation
année scolaire. Ce jour-là, les peuvent réunir de nouveaux fonds Fig. 12 Carte scolaire
enfants subissent un examen médi- pour l’éducation, bien que les avan-
cal et dentaire, une mesure qui aide tages de la participation du secteur
les écoles à se préparer à l’accueil privé ne soient pas limités au
des enfants présentant des besoins domaine financier. Au Brésil, la
spéciaux78. Banque Itaú, deuxième banque pri-
Ce type de mobilisation nationale vée du pays, et la Fondation
entraîne le public à viser plus haut, Odebrecht ont travaillé en étroite
et lance aussi des défis aux autorités. collaboration avec le gouvernement
Dans les premières années d’exis- et l’UNICEF pour soutenir et pro-
tence de la Journée nationale, il mouvoir l’éducation et les droits de
manquait encore parfois des ensei- l’enfant dans les médias et par le
gnants et des classes quand les en- biais de campagnes de collecte de
fants arrivaient à l’école, au mois de fonds.
juin79. Avec souplesse néanmoins, Les deux donateurs ont égale-
le ministère de l’Education a pris ment fourni un appui concret aux
pour appuyer la campagne de mobi- projets. La Banque Itaú a entière-
lisation une décision d’une portée ment équipé le centre téléphonique
considérable: celle d’affecter les de l’éducation Fala Brasil, l’entre-
meilleurs enseignants, particulière- tient et forme les opérateurs81. C’est
ment ceux qui étaient doués en lan- elle aussi qui fournit l’argent d’un
gues, dans les petites classes, afin de Prix de l’éducation et de la partici-
faciliter la transition de la maison à pation destiné à faire connaître le
l’école et de rendre ainsi la première travail des ONG, des groupes com-
expérience éducative des enfants munautaires et des syndicats, et elle
aussi positive que possible. soutient les ONG dans leurs activités
UNICEF/93-1992/Pirozzi

Le Malawi aussi a constaté la de formation et de création de


puissance d’une idée pour mobiliser réseaux. La Fondation Odebrecht,
l’enthousiasme et les ressources. En un ardent promoteur du Statut de
1994, le nouveau gouvernement du l’enfant et de l’adolescent, l’une des
pays s’est démarqué du régime de réponses les plus créatives du
Les parents et les communautés locales doivent l’ancien président Hastings Kamuzu monde à la Convention relative aux
être des partenaires de premier plan dans la Banda en proclamant l’enseigne- droits de l’enfant, est un partenaire
gestion scolaire pour veiller à ce que les servi-
ment primaire gratuit et universel. de la mobilisation nationale en
ces éducatifs répondent aux besoins de la com-
D’un seul coup, la mesure a libéré faveur de l’éducation pour tous au
munauté. Leçon de calcul dans une école du
des familles jusqu’alors étranglées Brésil.
Bénin.
par les frais de scolarité et l’achat
des uniformes scolaires. Les ins- C’est une équipe de villageois, formés par une organisation locale des informations précises et actuelles sur la couverture scolaire et les besoins
criptions ont fait un bond massif,
Partenariats travaillant en coopération avec le projet Lok Jumbish, dans l’Etat indien du présents et futurs de moyens et d’enseignants, susceptibles d’être utilisées
passant de 1,9 million à 3,2 millions La formation de partenariats est Rajasthan, qui a dressé cette carte, sur la base d’une enquête sur la pour améliorer l’efficacité des services. L’analyse de ces données conduira à
d’enfants, avec en gros autant de devenue un concept central dans la fréquentation scolaire des garçons et des filles de 6 à 14 ans. Après avoir mieux comprendre les raisons des faibles taux de scolarisation des filles, par
filles que de garçons80. planification et la gestion de l’édu- discuté des résultats de cette enquête, la communauté a préparé un plan pour exemple.
Cette approche courageuse avait cation, surtout lorsqu’un nombre l’amélioration de l’école. Ces enquêtes sont tout particulièrement utiles lorsqu’on manque de
de toute évidence des conséquen- important d’enfants se trouvent Des enquêtes destinées à l’établissement de cartes scolaires des villages données fiables, ou lorsque les données globales dont on dispose aux niveaux
ces majeures pour le budget du exclus de l’école. C’est à l’Etat qu’il sont ainsi menées dans de petites communautés du monde entier. En national ou régional ne traduisent pas les particularités de la situation locale. En
gouvernement, mais elle a si bien incombe de définir des objectifs identifiant les populations d’âge préscolaire et scolaire, elles aident à faisant confiance aux membres de la communauté à toutes les étapes du
parlé à l’imagination des donateurs nationaux, mobiliser les ressources apprécier les besoins éducatifs. Bien conçues, elles peuvent fournir aux processus – collecte, analyse, vérification et utilisation de données ventilées –
et des prêteurs internationaux que et maintenir les normes éducatives, communautés ainsi qu’aux planificateurs locaux et régionaux de l’éducation on renforce l’intérêt qu’ils portent à l’éducation de leurs enfants.
le Malawi a pu soutenir et affiner mais les ONG, les organismes com-
son engagement les années suivan- munautaires ou religieux, et les
tes. En récompense de sa détermi- entreprises commerciales peuvent Source:␣ ‘Lok Jumbish, 1992-1995’ Lok Jumbish Parishad, Jaipur, India, n.d.

nation, le Malawi a reçu une aide apporter leur concours, pour faire de
internationale et des crédits impor- l’éducation une part plus essentielle
tants pour construire des salles de de la vie de la communauté tout
classe, former des enseignants et entière.
améliorer les fournitures scolaires.
72 73
Le rôle des communautés locales son suivi et son évaluation (voir fi- l’école et dont les droits risquent le régions du pays du matériel de qua-
s’étend bien au-delà de la collecte gure 12). plus d’être bafoués. lité et évite que les textes ne favori-
de fonds pour les écoles, bien que «Nous décidons ce qui est bon Le partenariat au service de sent la haine ethnique, par exemple.
dans certains pays, «le partenariat pour nos enfants et nous sommes l’éducation pour tous fait donc parti- Mais on comprend de plus en plus
entre les parents et les communautés capables de faire quelque chose ciper tous les secteurs de la société à que pour améliorer les écoles et les
locales» soit synonyme de «collecte pour cela», déclare Enamul Huq la sauvegarde des droits de l’enfant. rendre plus réceptives aux commu-
de fonds». Les dépenses nécessaires Nilu, président du comité de gestion Cependant, pour qu’il fonctionne nautés locales, il faut leur donner
pour envoyer les enfants à l’école d’une école à Jhenaidah Sadar parfaitement, l’Etat doit être prêt à plus d’autonomie pour évaluer et
ont, en fait, augmenté notablement Thana, au Bangladesh85. Son école transmettre certains de ses pouvoirs résoudre leurs propres problèmes.
pour les familles. Une enquête de fait partie du projet IDEAL, qui vise de décision à des niveaux inférieurs La décentralisation est une option
1992 sur le budget des ménages au à recréer la participation commu- du système. attrayante, mais qui a son prix. Elle
Une communauté qui Kenya montrait que les parents nautaire et parentale dans les écoles exigera probablement une planifica- La décentralisation devrait
participe activement au finançaient directement 34% du primaires, qui avait cessé en 1973 Décentralisation tion plus attentive, une formation être choisie non parce
coût total de l’enseignement pri- quand le Gouvernement avait pris plus onéreuse, le recueil de données
fonctionnement d’un maire82. Les familles cambodgien- en charge les écoles. Par un proces- Imaginez que vous enseignez élargies et encore davantage de per- qu’elle revient moins cher,
établissement éducatif – que nes versent les trois quarts du coût sus de planification locale facilité dans une école primaire d’un dis- sonnel et de ressources. La décen- mais parce que c’est la
total de l’enseignement primaire par le Gouvernement et l’UNICEF, trict rural. Vous apprenez le décès tralisation devrait être choisie non
ce soit une maternelle, une public, et celles du Viet Nam en des membres du comité de gestion d’un membre de votre famille et parce qu’elle revient moins cher,
meilleure solution et qu’elle
école primaire ou un collège – payent la moitié83 – en contradiction de l’école, des parents et des ensei- vous souhaitez assister aux funé- mais parce que c’est la meilleure renforce l’engagement de
a plus de possibilités avec l’enseignement complètement gnants travaillent à établir pour railles. Au lieu de demander la per- solution et qu’elle renforce l’enga- l’Etat à atteindre l’éducation
gratuit qui était de règle il y a peu. l’école un programme annuel qui est mission à votre directeur ou au gement de l’Etat à atteindre l’éduca-
d’adapter les services La conséquence inévitable de ces alors surveillé par tous les intéres- comité des gouverneurs scolaires, tion pour tous. pour tous.
éducatifs à ses enfants, et coûts pour les familles est un déclin sés86. vous devez présenter votre requête à On constate de plus en plus, par
des inscriptions et le retrait de Une philosophie similaire sous- un fonctionnaire ministériel dans expérience, que la décentralisation
plus d’intérêt à ce qu’ils l’école d’un certain nombre d’en- tend le projet CHILDSCOPE dans le une capitale lointaine. Là, votre de- devient particulièrement dynamique
fonctionnent bien. fants. Des études menées dans deux district d’Afram Plains au Ghana. mande sera examinée par des quand le contrôle des écoles est
pays africains et trois pays asiati- Sa principale stratégie est de donner bureaucrates qui ne vous ont jamais redistribué, ne concentrant plus tout
ques par l’UNICEF confirment que aux communautés entourant ses rencontré, n’ont jamais vu votre le pouvoir dans les mains des direc-
les dépenses privées sont un facteur 11 écoles primaires les moyens école et ne savent pas quelles dispo- teurs d’établissement, mais asso-
majeur décourageant la fréquenta- d’identifier les obstacles s’opposant sitions peuvent être prises pour cou- ciant la communauté à la gestion par
tion scolaire84. à l’éducation de leurs enfants et d’y vrir votre absence. C’était la règle la création d’un conseil formé de
Le partenariat avec une commu- trouver leurs propres solutions. Les encore récemment au Venezuela, parents, d’enseignants et de repré-
nauté peut mobiliser plus de fonds, parents participent activement à qui avait l’un des systèmes éducatifs sentants de l’ensemble de la com-
mais cela ne devrait pas être son l’éducation et au développement de les plus centralisés du monde87. munauté. La décentralisation ainsi
unique but. Si on demande aux pa- leurs enfants, ce qui permet d’enre- conçue devient un outil pour encou-
rents de fournir plus d’argent sans gistrer des progrès en lecture, écri- En apparence, l’organisation de rager et mobiliser des partenariats –
leur donner le droit d’intervenir ture et calcul ainsi que dans les taux l’école publique est remarquable- éléments essentiels de la révolution
dans l’organisation et la gestion des généraux de scolarisation, particu- ment similaire dans les différents de l’éducation.
écoles, et s’ils ne constatent aucune lièrement des filles. De plus, l’ap- pays du monde. Chaque école est Les récentes expériences menées
amélioration de la qualité de l’édu- proche globale du projet a permis de gérée par un directeur ou principal. au Minas Gerais, l’un des Etats les
cation, ils se retireront rapidement sensibiliser la communauté aux Au niveau du district, un organe plus vastes et les moins développés
de la scène, et leurs enfants avec besoins sanitaires et nutritionnels administratif assure la supervision du Brésil, montre la décentralisation
eux. des enfants en pleine croissance. et l’appui technique. Il peut exister dans ce qu’elle a de meilleur. Après
D’autre part, une communauté Comme le montre CHILDSCOPE, une direction de l’éducation, au avoir examiné les raisons d’un taux
qui participe activement au fonc- l’école peut être un agent vital du niveau de la province ou d’un Etat, d’abandon consternant – en 1990,
tionnement d’un établissement édu- changement. Elle a les moyens d’at- mais seulement dans les plus seulement 38 sur 100 des élèves qui
catif – que ce soit une maternelle, teindre des communautés locales en grands pays; cependant, presque entraient à l’école primaire ache-
une école primaire ou un collège – a partenariat avec d’autres institu- tous les Etats possèdent un minis- vaient la première année – l’Etat a
plus de possibilités d’adapter les tions, pour identifier, par exemple, tère national de l’éducation qui pla- fait de la décentralisation la priorité
services éducatifs à ses enfants, et les enfants qui ont besoin d’une pro- nifie et assume la responsabilité absolue en matière d’éducation. Il a
plus d’intérêt à ce qu’ils fonction- tection spéciale. Dans ce sens, les administrative du système dans son également transféré la prise de déci-
nent bien. N’importe quel projet a enseignants et le personnel scolaire ensemble. sions de la capitale de l’Etat aux
plus de chances d’aboutir s’il est sont les agents locaux du ministère Certes, un contrôle centralisé conseils scolaires dirigés par un
fondé sur les besoins exprimés de la de l’Education, assumant un certain peut être plus efficace quand il principal élu et composés d’un nom-
communauté et si cette communauté degré de responsabilité pour retrou- s’agit des manuels scolaires – car il bre égal de représentants des parents
a un rôle clef dans sa mise en œuvre, ver les enfants qui ne viennent pas à garantit aux enfants de toutes les et du personnel scolaire. Les

74 75
conseils étaient à l’origine chargés d’évaluation permanente et de pro- nées sur l’éducation ventilées par tance à cet égard des premières
de questions financières et adminis- gression au Myanmar, qui vise à sexe – sur les taux d’inscription et années de la vie n’a cessé d’être
tratives familières aux parents, mais réduire les taux d’abandon et de d’abandon et sur les acquis scolai- reconnue alors que se multipliaient
aujourd’hui ils s’occupent aussi de redoublement au niveau primaire. res. les programmes qui mettent ce
pédagogie. La participation commu- L’efficacité de la gestion scolaire Pourtant, comme l’accélération concept en pratique.
nautaire et le transfert du contrôle au découlant du système de groupe- de la mondialisation incite les gou- Chaque année, de nouvelles
niveau local ont déjà sensiblement ment est aussi importante que la vernements nationaux à privatiser recherches augmentent notre com-
amélioré la situation; en 1994, les formation des maîtres, l’apprentis- un nombre croissant de fonctions, la préhension du développement de
élèves achevant leur première année sage centré sur l’enfant ou la mobi- décentralisation peut être opérée à l’enfant. Le développement rapide
étaient 11% de plus qu’en 1990; le lisation communautaire pour gar- des fins de réduction de dépenses ou du cerveau d’un enfant dépend lar-
redoublement a reculé de 39% en der les enfants dans la classe. Une de privatisation. Dans ce cas, l’édu- gement de stimulations extérieures,
1990 à 19% en 1994. bonne administration assure la cation publique sera probablement et en particulier de la qualité des Le monde reconnaît
Ana Luíza Machado Pinheiro, qualité de l’éducation tout aussi affaiblie, l’accès à l’éducation et la soins et de l’interaction dont l’en- finalement que les droits d’un
Secrétaire de l’éducation pour le sûrement qu’un bon enseigne- qualité de celle-ci diminuant dans fant bénéficie dans son milieu. De
Minas Gerais, déclare: «Il y a trois ment90. les régions à faible revenu simple- récents travaux de biologie molécu- enfant à l’éducation, à la
ou quatre ans, quand les écoles La décentralisation peut créer des ment parce qu’elles ont moins de laire ont établi que le développe- croissance et au
s’effondraient, lorsque vous présen- occasions éducatives pour des grou- ressources à consacrer aux écoles. ment cérébral dans la première
tiez une proposition pédagogique, pes qui risquent d’être traditionnel- On a vu se développer une inéga- année de la vie d’un enfant est plus
développement – physique,
les gens disaient: «Pour quoi faire, si lement exclus d’un système d’édu- lité de ce type au Chili, après l’intro- rapide et étendu qu’on ne le pensait cognitif, émotionnel et moral –
nous n’avons pas de pupitres ni de cation centralisé. En El Salvador, le duction en 1981 d’un système de jusqu’à présent. Au moment de la ne peuvent être satisfaits
matériels scolaires? Si l’école est programme EDUCO (Programa de «bons» qui a poussé les élèves des naissance, le cerveau d’un enfant
dans une situation chaotique, com- Educación con la Participación de écoles publiques vers les écoles pri- possède 100 milliards de neurones sans une approche globale
UNICEF/93-1967/Pirozzi

ment allons-nous pouvoir lancer une la Comunidad: Programme d’édu- vées et a diminué les recettes du reliés par des complexes appelés depuis sa naissance.
nouvelle proposition pédagogique? cation avec la participation de la service public91. «synapses»93. Ces synapses sont les
Aujourd’hui, avec des écoles en communauté) par exemple, qui En outre, la décentralisation connexions qui permettent l’appren-
ordre et bien propres, tout le monde donne aux associations communau- exige au niveau local une plus tissage, et dans les premiers mois
parle de qualité88.» taires le contrôle des écoles et des grande capacité professionnelle et qui suivent la naissance, leur nom-
En moyenne, près de la moitié des enfants dans Contrairement à ce qu’on atten- établissements préscolaires, vise administrative et, si elle n’est pas bre est multiplié par 2094. Le déve-
les 47 pays les moins avancés n’ont pas accès à dait, la participation a été la plus principalement les enfants des zones accompagnée d’un programme loppement physique, mental et
l’enseignement primaire. Des fillettes dans une
importante dans les écoles des com- rurales. Les besoins des minorités énergique de renforcement de cette cognitif dépend de ces voies de
classe de l’école primaire au Niger.
munautés les plus pauvres, et ce sont ethniques, tels qu’un enseignement capacité, elle pourra aboutir à une communication intracérébrales.
ces écoles qui ont enregistré l’amé- dans leur propre langue, ont plus de baisse générale de la qualité de l’en- La bonne santé nutritionnelle de
lioration la plus sensible chez les chances d’être reconnus par un insti- seignement et à une augmentation la mère (pendant la grossesse et
élèves. Le modèle de Minas Gerais tuteur local qu’au niveau d’un ser- substantielle des coûts. l’allaitement) et de l’enfant est
a incité nombre d’autres Etats brési- vice national. Si elle est entreprise dans une essentielle non seulement pour la
liens à l’imiter; il est particulière- La décentralisation permet aussi position de force et sous-tendue par survie et la croissance physique de
ment tentant car il n’exige pas de d’améliorer la scolarisation des un engagement en faveur de l’équité l’enfant, mais aussi pour son déve-
ressources supplémentaires, mais filles. Dans les régions de Mopti et et de la qualité de l’éducation, et loppement intellectuel et ses pers-
simplement une meilleure gestion de Kayes au Mali, où les taux d’ins- dote la communauté des moyens pectives éducatives futures95. On a
des ressources disponibles89. cription des filles sont extrêmement voulus, la décentralisation peut pro- aujourd’hui des preuves convain-
D’autres bons modèles de gestion bas, des équipes de district, compre- curer d’énormes avantages. On cantes que la qualité des soins – y
scolaire décentralisée apparaissent nant des ONG locales, travaillent trouve les plus belles réussites là où compris la nutrition, les soins de
un peu partout dans le monde. En intensément avec les communautés le ministère national de l’Education santé et la stimulation – reçus par un
Pologne et dans plusieurs pays pour élire et former des comités de est puissant, n’est pas bridé par les enfant pendant ses deux à trois pre-
d’Europe centrale et orientale, des gestion scolaire chargés entre autres contraintes financières et peut inter- mières années peut avoir un effet
systèmes scolaires décentralisés choses d’assurer la parité entre les venir, si nécessaire, pour mettre un durable sur son développement
sont une réaction aux systèmes sexes. La Mauritanie accorde une terme aux inégalités naissantes. cérébral. Et au-delà, l’attention
socialistes hautement centralisés. priorité élevée à la collecte décen- accordée au développement de
En Asie, des regroupements d’éco- tralisée de données sur l’éducation Elément 5. Soins de l’enfant au moins jusqu’à l’âge de
les, qui permettent de partager les des filles par le biais de comités la petite enfance huit ans est primordiale pour aider
ressources, d’économiser sur les locaux de gestion de l’éducation et les enfants à réaliser toutes leurs
coûts et de maximaliser la mobilisa- d’observatoires régionaux. La Déclaration mondiale sur potentialités.
tion communautaire, se sont révélés En fait, la décentralisation permet l’éducation pour tous proclamée Etant donné l’importance de la
particulièrement utiles. Le renforce- de répondre bien plus facilement à lors de la Conférence de Jomtien a nutrition et des soins pendant les
ment des groupements d’écoles a été la nécessité presque universelle- rappelé que l’apprentissage com- premières années, toute approche de
une partie essentielle du système ment reconnue de meilleures don- mence dès la naissance92. L’impor- quelque valeur de «l’éducation de

76 77
base» doit inclure des programmes La recherche semble montrer que comme la Belgique, le Danemark, tale et de l’ex-Union soviétique se
de la petite enfance qui encouragent les centres de jour structurés sont les la France ou l’Italie, où 80% des sont aujourd’hui engagés sur une
la survie, la croissance et le dévelop- plus efficaces – dans une étude enfants de trois ans vont à la mater- voie différente. Financés par la Fon-
pement de l’enfant. Il est de plus en menée en Turquie entre 1982 et nelle ou dans un centre pédagogi- dation Soros, ils apprennent un
plus admis que les soins et l’éduca- 1986, ce sont eux qui ont donné les que98. nouveau programme conçu par
tion de la petite enfance sont insépa- meilleurs résultats dans toutes les Pourtant, à la Trinité-et-Tobago, Children’s Resources International
rables: les enfants ne peuvent pas mesures du développement psycho- quelque 60% des enfants de quatre (CRI) contenant les meilleures tech-
être bien soignés sans être éduqués social. Cette même enquête a cepen- ans fréquentent des écoles maternel- niques d’éducation préscolaire. Pri-
et ils ne peuvent pas être bien édu- dant révélé que les enfants gardés à les gérées, à la demande du gouver- vilégiant l’éducation axée sur l’en-
qués sans recevoir de soins96. la maison et dont la mère recevait nement, par Servol (Service béné- fant et le jeu spontané, le pro-
Le monde reconnaît enfin que les une formation et un certain appui vole pour tous). Chaque centre gramme Pas à Pas s’est révélé si
Plus la stimulation et les droits d’un enfant à l’éducation, à la extérieur dépassaient nettement les préscolaire du Servol a été réclamé populaire qu’il a été imité dans des
soins reçus par un enfant croissance et au développement – enfants dont la mère ne recevait par les communautés locales, qui pays aussi divers que l’Afrique du
physique, cognitif, émotionnel et aucune formation. Les enfants obte- ont constitué un conseil scolaire de Sud, Haïti et la Mongolie. Il a mis
sont de qualité, plus grand moral – ne peuvent être satisfaits naient de meilleurs résultats en huit personnes pour fournir et entre- au point des programmes pour les
sera l’avantage – pour sans une approche globale destinée expression verbale, en calcul et dans tenir les équipements et payer la part nourrissons, les bébés et les
à répondre à ses besoins depuis la toutes les matières scolaires pendant des traitements des enseignants qui enfants jusqu’à l’âge de dix ans100.
l’économie nationale comme les cinq années de l’école primaire. n’est pas couverte par la faible sub- Une autre initiative, en Bosnie-
naissance. Il comprend que le
pour l’enfant. développement mental, social et Leur niveau d’intégration sociale, vention gouvernementale. Herzégovine et en Croatie, financée
émotionnel de l’enfant d’âge pré- d’autonomie personnelle et même Les enseignants des centres du par l’antenne américaine de Save the
scolaire a un impact profond sur sa de relations familiales était égale- Servol n’essayent pas de pousser les Children Fund, associe le jeu struc-
capacité de réussir à l’école et plus ment supérieur. En 1992, devenus enfants à lire, écrire et compter mais turé, destiné au développement de
tard dans le monde adulte. adolescents, ils étaient plus nom- s’efforcent de leur donner une l’enfant, à une forte participation
breux à poursuivre des études que image positive d’eux-mêmes et de parentale et communautaire, tout en
leurs camarades dont les mères développer leur ingéniosité, leur maintenant les coûts à un niveau très
Les soins aux enfants: n’avaient pas reçu de formation97. curiosité et leur sens des responsabi- modéré101.

UNICEF/5569/Hartley
un impératif social Pour un pays en développement, la lités. L’éducation des parents est La République démocratique
manière la plus pratique et la moins fondamentale: les enseignants orga- populaire lao est une autre ancienne
Les familles sont en première coûteuse de rechercher les bénéfices nisent des séances pendant lesquel- «économie dirigée» en quête de
ligne pour prodiguer amour, soins et multiples des activités d’éveil du les ils expliquent le mal causé aux changement. Depuis 1989, le gou- Les approches rigides de l’éducation présco-
stimulation à leurs enfants, et les jeune enfant est donc d’essayer de jeunes enfants aussi bien par l’excès vernement recherche des partenai- laire, dans lesquelles on demande aux enfants
parents sont les premiers éduca- mieux sensibiliser les parents au de discipline que par le laxisme, et res extérieurs, y compris l’antenne de s’asseoir sagement et d’écouter le maître,
teurs, et les plus importants (voir développement de l’enfant. soulignent l’importance de l’hy- britannique de Save the Children cèdent progressivement la place à des modèles
encadré 14). Mais, de plus en plus, Plus la stimulation et les soins giène et d’une bonne nutrition99. Fund, pour l’aider à introduire dans plus centrés sur l’enfant. En Roumanie, un
la stimulation et les soins si essen- reçus par un enfant sont de qualité, Le modèle d’école maternelle du les écoles et les crèches plus de enfant s’amuse avec un jouet dans un centre.
tiels au développement physique, plus grand sera l’avantage – pour Servol tranche nettement et avec méthodes d’enseignement centrées
émotionnel et cognitif de l’enfant l’économie nationale comme pour bonheur sur les installations où les sur l’enfant. Les changements dans
émanent d’une combinaison de ser- l’enfant. Par exemple, les enfants enfants devaient demeurer sage- les années 90 ont été profonds,
vices formels et informels assurés ayant vécu des expériences heureu- ment assis à leur table pour écouter d’après Mone Kheuaphaphorn,
par l’Etat, les entreprises, les ONG et ses pendant leurs premières années le maître. Beaucoup d’anciens pays directeur du jardin d’enfants Dong
autres. de vie (santé, éducation, nutrition, communistes luttent pour pratiquer Dok.
Des crèches ou des garderies stimulation, croissance et dévelop- le même type de transition. L’une Auparavant, les maîtres par-
pour tous ne sont pas la seule pement) risquent moins de «gas- des forces du système politique de laient beaucoup et les enfants ne
réponse possible aux enfants et aux piller» les fonds publics en aban- l’ancien bloc soviétique était le pouvaient qu’écouter; ils avaient
familles qui ont besoin d’un enca- donnant l’école ou en redoublant; ils réseau étendu de crèches pour les très peu d’occasions de participer.
drement de qualité. L’expansion des seront aussi moins souvent malades, enfants dont les parents tra- Il n’y avait généralement pas
services de soins et développement et plus productifs à l’âge adulte. vaillaient. Si elles étaient propres, d’outils pédagogiques ni de jouets;
dans la petite enfance, bien que On a souvent utilisé les program- sûres et peu coûteuses, beaucoup si par hasard il y en avait, ils ne
rapide, a été entravée par l’idée erro- mes formels pour préparer les suivaient néanmoins un programme correspondaient pas au thème
née de nombreux gouvernements enfants à l’école, notamment lors- rigide dans lequel les enfants fai- abordé et ne plaisaient pas aux
convaincus que le modèle occiden- que les parents doivent travailler et saient plus ou moins tous la même enfants. Les activités étaient
tal de centres préscolaires formels et ne peuvent s’occuper de leurs chose en même temps. contrôlées par les maîtres, et les
d’un prix prohibitif constituait la enfants. Peu de pays en développe- Face à la baisse des inscriptions enfants n’étaient pas libres de choi-
seule façon de satisfaire les besoins ment disposent de budgets leur et des disponibilités dans l’éduca- sir, ou de jouer à ce qu’ils voulaient.
des enfants dans leurs premières permettant d’égaler le niveau d’édu- tion préscolaire, des enseignants de Maintenant, la philosophie est
années. cation préscolaire de pays nantis 23 pays d’Europe centrale et orien- d’«apprendre par le jeu», ce qui

78 79
Encadré 14

Eduquer les parents

mais que souvent ils ne tirent aucune pères qui suivent les sessions de parents. Une évaluation du pro- Dans la plupart des sociétés,
conséquence pratique de ces infor- formation. gramme a montré sa contribution
mations. En Turquie, un programme de au développement de connaissan- le foyer et la famille sont
On peut combler cette lacune avec formation parentale est devenu un ces théoriques et pratiques des pa- les plus puissants
des programmes d’éducation paren- modèle d’éducation informelle rents en matière de santé, de prise
tale, qui aident parents et autres res- polyvalente conçue à l’origine pour en charge et de discipline de l’en- «socialisateurs» de l’enfant.
ponsables à mieux comprendre ce que les enfants continuent d’aller à fant, de soins de la petite enfance,
qui est nécessaire au bon développe- l’école et d’apprendre. Des discus- enfin de relations conjugales. On a
ment de l’enfant, à adopter de bonnes sions de groupe sont organisées sur choisi dans certaines régions de
pratiques de puériculture et à utiliser des questions telles que la santé des soutenir les groupes de discussion
efficacement les services disponibles enfants, la nutrition, les activités de des parents par une causerie radio-
pour la santé, la nutrition et le déve- jeu créatives, ou l’interaction mère/ phonique hebdomadaire de 30 mi-
loppement psychosocial de l’enfant. enfant. Les études de suivi du pre- nutes «La famille philippine sur les
De tels programmes renforcent aussi mier projet pilote ont révélé d’im- ondes», qui a couvert 26 questions,
la confiance des parents en eux- portantes différences dans le déve- dont: les droits des enfants, la diffé-
mêmes, ce qui les rendra plus aptes à loppement cognitif des enfants rence dans la façon d’élever les gar-
UNICEF/90-0013/Tolmie

favoriser un bon développement de dont les mères avaient participé au çons et les filles, les enfants et les
leurs enfants. programme et des autres. Ainsi médias, les violences à enfant.
De Cuba en Indonésie, de Chine en qu’on l’espérait, les enfants de ces Les activités d’éducation des
Turquie, on trouve dans le monde familles sont restés plus longtemps parents sont plus efficaces lorsqu’el-
entier des programmes novateurs à l’école. Depuis, le programme a les complètent et renforcent des pro-
destinés à soutenir et former les été élargi␣ ; mené en coopération grammes de services organisés plus
parents et autres personnes s’occu- avec le ministère turc de l’Educa- officiels; elles permettent aux en-

D
ans la plupart des sociétés, le et parfois les parents, les jeunes sur-
foyer et la famille sont les tout, peuvent tirer profit de la somme pant de l’enfant. Les résultats sont tion, il a atteint plus de 20 000 grou- fants de conserver l’acquis d’un
plus puissants «socialisa- d’informations et de connaissances tangibles et impressionnants car, par pes mère/enfant dans des douzai- développement précoce même en
teurs» de l’enfant. Chez l’enfant, l’ap- nouvelles disponibles aujourd’hui sur le biais des réseaux communautaires, nes de provinces du pays. cas de disparition d’un programme
prentissage commence à la naissance ces programmes atteignent beau- Le projet colombien Promesa ou d’un centre pour enfants.
la croissance et le développement des
coup de gens pour un coût relative- (Promesse) a touché depuis 15 ans Mais, comme le souligne le
et se poursuit tout au long de la petite enfants.
«Les pratiques traditionnelles ou lo- ment faible. quelque 2000 familles en milieu Dr Myers, les programmes d’éduca-
enfance, la meilleure préparation à
Au Mexique, des parents formés rural. Il a commencé en encoura- tion des parents ne sont pas une
l’école. Les parents et autres person- cales sont souvent bonnes, mais elles
dans le cadre du programme national geant des groupes de mères à sti- panacée. S’en remettre à eux seuls,
nes s’occupant de l’enfant ont donc à se montrent de moins en moins capa-
d’éducation initiale, qui s’adresse aux muler le développement physique sans l’accompagnement de pro-
remplir un rôle de la plus grande bles d’absorber les avantages des
personnes chargées des quelque et intellectuel de leurs enfants d’âge grammes plus officiels tels que ser-
importance, en favorisant ses capaci- connaissances actuelles», dit le
1,2 million d’enfants de moins de préscolaire en jouant avec eux, chez vices de santé ou de puériculture,
tés sociales, intellectuelles, émotion- Dr Robert Myers, fondateur du Groupe
trois ans parmi les plus pauvres du elles. Petit à petit, dans ces groupes, serait priver les parents de nom-
nelles et physiques qui plus tard consultatif sur les soins et le dévelop-
pays, ont reconnu que les attitudes les mères se sont mises à discuter breux appuis qui leur sont néces-
renforceront l’aptitude de l’enfant à pement dans la petite enfance – un sur la façon d’élever les enfants ont de santé, de nutrition, d’hygiène de saires – y compris sur le plan des
apprendre, aussi bien à l’école que groupe interinstitutions qui a une changé. Beaucoup ajoutent qu’ils l’environnement, de formation pro- ressources, des installations, du
dans la vie. autorité internationale en ce domaine. reconnaissent maintenant que les fessionnelle. Avec le temps, le projet temps et des informations – pour
Les cultures ont depuis longtemps Des études récentes menées par punitions traditionnelles infligées aux a pris de l’ampleur. Les habitants assurer la croissance et le dévelop-
perfectionné les moyens de transmet- l’UNICEF et la Conférence épiscopale enfants sont inappropriées. Ce pro- s’organisent spontanément pour pement de leurs enfants.
tre des connaissances aux enfants, et latino-américaine sur la manière dont gramme non formel, mis en place par résoudre d’autres problèmes.
la sagesse commune des sociétés of- sont élevés les jeunes ont montré que le Gouvernement avec le soutien de Aux Philippines, le Parent Effec- Photo: Ici, en Colombie, une mère avec son
fre pour les soins et le développe- beaucoup de parents reconnaissaient l’UNICEF, montre aussi une évolution tiveness Service (Service pour l’ef- bébé. Ses voisins l’ont choisie pour tenir une
ment de l’enfant une base générale- l’importance des informations «nou- du rôle respectif des parents dans les ficacité des parents) associe visites garderie à l’intention des enfants du village.
ment bien adaptée aux circonstances velles» concernant le développement soins aux enfants. Dans les villages à domicile de bénévoles et discus- Pour ce faire, elle a reçu une formation spé-
particulières. Mais le monde évolue affectif et cognitif de leurs enfants, ruraux les plus éloignés, ce sont les sions de groupe régulières entre ciale.

80 81
implique de nombreuses activités. pour un amendement de la Constitu-
Pour résumer: la nouvelle méthode tion indienne reconnaissant à tous Fig. 13 Meena: dessin animé pour les droits des filles
d’enseignement aide les enfants à les enfants âgés de moins de huit ans
être créatifs, heureux et en bonne le droit à l’éducation.
santé. Depuis sa mise en œuvre, Meena veut aller à l’école avec Raju. Tous les villageois sont d’accord: il est bon d’envoyer les filles
nous avons organisé des réunions à l’école. La vieille femme dit que sa fille est allée à l’école.
régulières pour l’ensemble de Liens intersectoriels Maintenant, ma fille a un petit
élevage de volailles. Son frère
l’école, et des réunions mensuelles En matière d’éducation pour et elle me donnent
de classe avec les familles pour que tous, la leçon à tirer des services de de quoi vivre.
les parents puissent soutenir soins et de développement dans la Papa, je veux moi
l’apprentissage de leurs enfants et petite enfance est que toutes les éco- aussi aller Oh?
participer à l’école quand c’est les peuvent et doivent changer pour à l’école.
nécessaire. Les parents sont heu- satisfaire les besoins de développe-
reux de voir évoluer les compéten- ment des enfants. Beaucoup des Non, Meena.
ces et le comportement de leur principes des programmes d’éveil Ta mère a besoin
enfant et de constater que l’école est du jeune enfant – la nécessité de de toi à la maison.
devenue un endroit attrayant pour liens intersectoriels entre l’éduca-
les enfants102. tion et la santé ou la nutrition, ou les
Cette nouvelle approche centrée avantages de méthodes d’enseigne-
sur l’enfant a également permis à la ment souples et centrées sur l’enfant
République démocratique populaire – pourraient être appliqués avec Les parents de Meena ont réfléchi à ce qu’ont dit les villageois. Meena, Raju et Mithu dansent de joie.
lao de lancer un projet intégrant profit dans toutes les écoles, particu- Ils décident d’envoyer Meena à l’école
dans le système scolaire, dès le lièrement dans les petites classes.
jardin d’enfants, ceux qui ont des Encore récemment, les agents de Meena,
besoins spéciaux et des handicaps demain tu iras
UNICEF/94-1293/Toutounji

santé et de nutrition s’efforçaient en


d’apprentissage. La sensibilité et la à l’école.
priorité d’aider les enfants à survi-
capacité de réponse d’un centre vre pendant les premières années
préscolaire moderne ont rendu C’est
vulnérables, alors que les experts de vrai?
l’éducation plus accessible pour ces Nous irons
l’éducation s’intéressaient surtout à l’école
L’éducation pour le développement jette des
enfants, en particulier pour les filles aux inscriptions à l’école ou à ensemble.
ponts à travers les continents et les cultures en
et les enfants des minorités, que le l’amélioration de l’enseignement et
favorisant la compréhension, la tolérance et
système scolaire traditionnel laissait de l’apprentissage. Il était rare que
l’amitié entre jeunes du monde entier. Lancés souvent de côté . les uns et les autres travaillent
par l’UNICEF en 1992 pour familiariser les Tous les indicateurs montrent ensemble, mais tout cela a changé.
jeunes et les éducateurs du monde industrialisé que ce sont les enfants pauvres qui Le secteur de l’éducation collabore
aux questions mondiales et au rôle de l’UNICEF bénéficient le plus – sur le plan de plus en plus avec les profession-
dans la promotion du développement, les pro- psychosocial aussi bien qu’éducatif nels de la santé et de l’assainisse-
grammes d’éducation pour le développement – des programmes de soins et de ment, de la nutrition et de la plani-
développement dans la petite Désireuse d’aller à l’école comme son frère, une fillette dans un village la coutume de la dot, le mariage précoce et d’autres difficultés en ont fait
sont maintenant utilisés par les éducateurs de fication familiale – forgeant et
enfance103. Il découle de cette cons- d’Asie du Sud apprend à compter et gagne le droit d’aller à l’école. Elle un modèle pour les filles et un défenseur éloquent des droits de tous les
tous les pays afin de promouvoir la citoyenneté renforçant des «liens intersecto-
mondiale. Aux Etats-Unis, des élèves fixent des tatation que ces interventions riels»; c’est là un autre aspect vital s’appelle Meena et elle est la vedette d’une série de 13 dessins animés créés enfants.
liens sur une carte pour indiquer les relations conviennent particulièrement aux de la révolution de l’éducation. par les bureaux de l’UNICEF en Asie du Sud et la compagnie internationale Le premier épisode a été doublé en 30 langues et diffusé dans les quatre
commerciales entre pays. communautés démunies. En Inde, Depuis 1987, les programmes de d’animation Hanna Barbera. pays d’Asie du Sud, ainsi que sur la chaîne Cartoon Network, et sera bientôt
l’Initiative éducative Pratham soins et de développement dans la La série de Meena est fondée sur une recherche approfondie de l’UNICEF programmé en Chine, au Myanmar et dans des pays du Moyen-Orient. En
Mumbai dans la ville de Mumbai petite enfance se sont rapidement au Bangladesh, en Inde, au Pakistan et au Népal pour identifier des 1998, la série complète de 13 épisodes a été diffusée pour la première fois par
(Bombay) assure une éducation de étendus au Nigéria. Chaque centre personnages, des lieux et des scénarios qui touchent un point commun chez des télévisions au Bangladesh, en Inde, au Népal, au Pakistan et à Sri Lanka,
ce type à 30 000 enfants de trois à organise des vaccinations gratuites les populations très diverses de la région. Le résultat est une série d’histoires et un programme de radio, co-produit par le BBC World Service, a été lancé en
cinq ans, originaires des bidonvilles. et se concentre sur la nutrition des où les aventures et les facéties ne manquent pas, mais qui ont pour thèmes Inde. Des unités de film mobiles et une série de bandes dessinées ont porté
Ses principaux objectifs sont d’en- enfants: de nombreux programmes les problèmes de la vie réelle des filles en Asie du Sud. Meena et son message à plus d’un million d’habitants ruraux dans la région.
courager l’amour de l’étude dans les ont préconisé l’administration de L’ingéniosité de Meena pour faire face à des questions telles que Rien qu’en Asie du Sud, le public potentiel pour les produits de Meena est
communautés pauvres et de prépa- vermifuges pour traiter les infec- l’accès inégal à l’éducation, l’alimentation et les soins de santé, le SIDA, estimé à plus de 500 millions de personnes.
rer autant que possible les enfants tions parasitaires chez les enfants.
aux défis de la scolarité104. Pratham, Dès l’origine, le projet visait à four-
une ONG, ne doute pas que l’initia- nir des soins communautaires peu
tive couvrira toute la ville d’ici coûteux, car les centres préscolaires
2001, et fait également campagne n’avaient réussi à atteindre jusque-là

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que 2% des enfants des familles les ont été mis en pratique, comme pour des cabinets juridiques aux de faire de la vision de Jomtien une
plus aisées, y compris dans les zones nous l’avons décrit, de diverses ma- Etats-Unis. réalité, en utilisant non seulement
urbaines. Même ces programmes nières, dans les systèmes éducatifs Du mélange des cultures et de la les médias et la radio, comme
s’intéressaient peu à la santé, à la du monde. Cette vision ne pouvait dominance de plus en plus marquée Jomtien le proposait, mais aussi les
nutrition, et aux aspects psycho- cependant pas prévoir le rythme de certaines cultures et langues du nouvelles techniques d’information
sociaux et cognitifs du développe- extraordinaire de changements poli- «village planétaire», deux fortes et de communication, qui transfor-
ment de l’enfant. tiques, sociaux, économiques et tendances ont émergé – une de- ment déjà l’enseignement et l’ap-
Le secret du succès a été d’attein- technologiques que le monde allait mande accrue en faveur de l’ensei- prentissage dans les communautés
dre les enfants là où ils se trouvent. connaître et qui allaient avoir de gnement d’une langue internatio- privilégiées. Car, pour puissantes
Des centres culturellement accepta- profondes conséquences sur l’édu- nale qui donnera accès au village qu’elles soient, à moins d’assurer
bles ont été ouverts dans les mar- cation. planétaire, et une volonté croissante leur accès aux plus défavorisés,
L’éducation devient donc chés, les églises, les mosquées, les Lorsque la vision de Jomtien sou- de voir l’éducation aider à protéger elles ne feront qu’élargir le fossé
une stratégie clef pour maisons communautaires et les lignait l’importance d’un partenariat et préserver l’identité et la diversité éducatif qui sépare déjà les commu-
annexes des écoles primaires, et le entre l’Etat et la société civile pour culturelles et ethniques. L’éducation nautés et les pays entre riches et
donner accès à un monde projet soutenu par l’UNICEF compte garantir l’accès à une éducation de devient donc une stratégie clef pour pauvres, au lieu de le combler.
toujours plus interdépendant des installations dans des maisons qualité pour tous, elle n’avait pas donner accès à un monde toujours Dans les années qui ont suivi
individuelles des zones pauvres, envisagé l’émergence rapide à la fin plus interdépendant ainsi que pour Jomtien, des possibilités prometteu-
ainsi que pour assurer le desservant environ 175 000 enfants. de la guerre froide de nombreux assurer le maintien d’identités cultu- ses ont émergé pour améliorer le
maintien d’identités Un réseau d’ONG prévoit d’élargir nouveaux Etats nations, dont beau- relles et ethniques. bien-être de l’humanité. En même
culturelles et ethniques. ces services à tous les enfants nigé- coup ont dû résoudre des problèmes Nul n’aurait pu prévoir en 1990 la temps, les disparités entre les privi-

UNICEF/95-0754/Mera
rians de moins de six ans105. liés à la précarité de leur autorité, de croissance extraordinairement ra- légiés et les pauvres se sont accen-
La nécessité d’une approche leur capacité et de leurs ressources. pide des technologies modernes de tuées et avec elles les menaces
interdisciplinaire coordonnée de La nécessité d’un partenariat s’est la communication et de l’informa- d’instabilité sociale et de conflits
l’éducation, la santé et la nutrition faite soudain plus urgente encore, tion. Internet existait bien, mais res- civils, donnant plus de poids encore
des enfants est particulièrement tout comme la reconnaissance du tait plus ou moins ignoré. Le progrès qu’il y a dix ans aux arguments en Les récents progrès technologiques ont le pou-
essentielle pendant les premières fait que l’Etat n’était pas obligatoi- fulgurant des technologies de traite- faveur de la révolution de l’éduca- voir de transformer l’éducation, mais tant
années de la vie. Pour y parvenir, la rement l’unique organe à dispenser ment de l’information et de commu- tion comme un investissement pour qu’on ne pourra pas garantir l’accès de tous à
collaboration entre différents parte- une éducation. La prééminence des nication électronique a créé la possi- promouvoir la paix, la prospérité et ces nouvelles technologies, elles ne feront
naires, comme les syndicats, le sec- droits de l’homme redonne le rôle bilité de changements éducatifs qui un progrès respectant les droits de qu’élargir le fossé d’apprentissage entre riches
teur privé, les ONG et les groupes principal à l’Etat chargé de garantir n’étaient pas pris au sérieux en l’homme. La prochaine section «In- et pauvres. Des enfants devant un terminal
religieux, est nécessaire. Les enfants les droits de tout enfant à une éduca- 1990. vestir dans les droits de l’homme» d’ordinateur aux Etats-Unis.
doivent être mieux armés pour tion de qualité. Soudain, à un rythme effarant, de analyse de plus près les arguments
l’école, et les activités de soins et de Si donc l’Etat reste souvent la nouvelles possibilités se présentent en faveur de cet investissement.
développement dans la petite en- principale source pour l’éducation
fance, qu’elles soient assurées à la de base, il peut aussi n’être qu’un
maison par les parents ou dans des acteur dans un vaste assortiment
crèches officielles, se sont révélées d’organisations différentes dispen-
le meilleur moyen d’y parvenir. Les sant cette éducation. Il conserve,
écoles elles aussi doivent être mieux néanmoins, un rôle important de
préparées à recevoir les jeunes direction, de définition des politi-
enfants dans un environnement ques et des normes, et d’articulation
accueillant et approprié; il leur faut de la vision nationale. Et, dans tous
ensuite éduquer ces enfants et en les cas, c’est à lui qu’il incombe de
dernière analyse renforcer leur apti- garantir le droit de tout enfant à une
tude à profiter de cette éducation. Si éducation élémentaire de qualité.
l’on se fonde sur les rapports parve- Alors que la vision de Jomtien
nant de toutes les parties du monde, reconnaissait l’importance du pro-
cette leçon commence à être bien cessus de mondialisation, rares
assimilée. étaient les observateurs qui auraient
pu prévoir en 1990 la rapidité de son
Mondialisation rythme au cours des huit dernières
et apprentissage années. Aujourd’hui, des informati-
ciens préparent aux Philippines des
Presque tous les éléments de la programmes pour des créateurs de
«vision élargie» de l’éducation qui a logiciels au Royaume-Uni, et des
émergé de Jomtien peuvent être et avocats indiens rédigent des notes

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