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La gratitude

du renard

Le grand-père travaillait
I était une fois, dans un village, un grand-père et une grand-mère.
il était respecté
son petit champ et ramassaitle vieux bois dans la forêt ; dans tous les environs,
mal à une
comme un homme juste et compatissant, et comme quelqu'un qui n'aurait pas fait de
très
mouche. La grand-mère était un peu querelleuse et avait la parole vive ; mais elle était
travailleuseet tenait son intérieur d'une façon exemplaire. Pendant toute leur vie, ils avaient
toujours travaillé du matin au soir, mais sans jamais devenir riches. Ils vieillissaient de plus
en plus et vivaient toujours au jour le jour.
« Pour le moment, cela va encore, » disait souvent le grand-père en rentrant courbé sous
son fardeau de bois. «Je suis encore capable de ramasser du bois et de le vendre au marché.
Mais que deviendrons-nous lorsque je ne pourrai plus le faire ? Qui s'occupera de nous ? »

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La grand-mère l'approuvait en haussant les épaules: «C'est la vérité. Qu'est-ce qui nous
attend ? Ce n'est vraiment pas une vie. Nous ne nous arrêtons pas un instant et malgré cela nous
ne sommes pas capables de mettre de côté quelques pièces de cuivre pour nos vieux jours. »
Chaque fois que le grand-père portait du bois au marché,ils espéraienttous les deux que
cette fois-là il leur resterait quelques pièces, mais ils avaient beau faire, ils ne pouvaient rien
épargner.Une fois, il n'y avait plus de sel, une autre fois c'était le bail qu'il fallaitpayer—et
pour cela il fallait même qu'ils empruntent de l'argent et, ensuite, il leur fallait longtemps pour
rembourser leur dette.
Un jour, le grand-père était sur le chemin de retour du marché.Cette fois-ci il avait eu
de la chance — la dette était payée et il lui restait encore quelques pièces de cuivre.

La gratitude dl/ renard 135


«Que grand-mère sera donc contentel» se disait-il. «Cet argent ira dans le
bahut.E
nous pouvons commencer à épargner en vue de nos vieux jours. » nfin,
Il avançait gaiement. En approchant du village, il vit, dans le lit à sec du fleuve,
une b
de garçons qui sautillaientet il entendit des cris plaintifs. Les garçons du village
avaientande
au piège un renard et se complaisaientà torturer le pauvre animal. L'un lui tirait pris
la queue
un deuxième le piquait avec une longue aiguille et tous se moquaient du renard :
«Alors,vieux
rusé, te voilà pris au piège. Si tu es aussi rusé que les gens le prétendent, sors-toi de là

Le grand-père eut pitié de l'animal. Celui-ci avait des yeux si tristes et, en
plus, il était
déjà à moitié mort.
« N'avez-vous pas honte! » cria le grand-père à l'adresse des garçons. « Torturer
un pauvre
animal! Libérez immédiatement ce renard !»
Mais les jeunes se contentèrent de se moquer de lui : «Ne vous occupez pas de ce
qui ne
vous regarde pas. Nous avons capturé le renard, il nous appartient donc, et nous Pouvons
en
faire ce que nous voulons. Si vous avez tant pitié du renard, achetez-le donc! Nous
vousle
laisserons à bon prix! »
Le grand-père réfléchit. Il avait vraiment pitié du renard, et seul il ne pouvait rien
contre
les garçons. Mais, se séparer du seul argent qu'il possédait alors qu'il avait justementpris
la décision pour la première fois de le mettre de côté? Mais le renard geignant encoreplus
misérablement, le grand-père se décida. Il tira sa bourse, en sortit toutes les pièces et les
donna aux garçons. «Je suis encore capable de travailler,» se dit-il, «et, donc, de gagner
de l'argent. »
Les garçons prirent l'argent et avant que le grand-père ait pu compter jusqu'à trois, il se
trouvait seul avec le renard. Il libéra celui-ci du piège, mais le pauvre animal était si faible
qu'il ne pouvait plus bouger. Alors, le grand-père le prit dans ses bras et l'emporta loin dans
la forêt. Là il libéra le renard et lui dit : «Mon petit renard, reste dans le bois et ne t'aventure
plus jamais au village. Que la journée d'aujourd'hui te serve de leçon ! Le village appartient
à l'homme, la forêt aux animaux. »
Le renard lui jeta un regard reconnaissantavant de se cacher dans sa tanière.
Et le grand-père retourna chez lui les mains vides. Pendant longtemps encore la grand-
mère se plaignit qu'il ait donné son argent aussi légèrement, mais avec le temps elle oublia
toute l'histoire.
Un jour, un renard fit soudain son apparition dans la cour des deux vieillards. La grand-
mère eut peur et, aussitôt, elle se rappela l'argent. Alors, elle grogna : « Pas assez que pour
un renard nous ayons perdu le seul argent que nous ayons possédé, sans parler de l'angoisse
que j'aie eue à l'époque d'être aussi longtemps à ne pas voir rentrer le grand-père ; maintenant
les renards viennent même jusque chez nous ! En avant, va-t'en !»
Et elle cherchait un bâton à l'aide duquel elle aurait pu chasser le renard.
Mais celui-ci ne s'occupait pas des cris de la grand-mère. Il ne s'approcha que
lorsque
le grand-père apparût dans la cour pour voir ce qui se passait et il dit : («Grand-père,
vous
m'avez sauvé la vie. Je ne l'oublierai jamais et j'utiliserai tout mon art pour vous
récompenser•

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guérir, cc qu'aujourd'hui que je viens vous voir. Dites-
ayant mis longtemps
je pourrais voUs aider. »
moicomment grogna sculcmcnt: n'est pas la peine d'en parler. Retourne plutôt vite
grand-père
avant que garçons ne t'attrapent. Cette fois-ci je ne pourrais pas t'aider, car je
dansla forêt
plus une scule pièce de cuivre. Vite, va-t'en! »
n'ai «Si vous n'avez aucun désir, alors je vais vous dire l'idée qui
Maisle renard répondit:
que j'étais forcé de rester couché si longtemps dans mon terrier. Non loin
m'estvcnuc pendant
vit un vieux moine, qui collectionne avec amour de vieux ustensiles
d'ici,dans un monastère,
les jambes en courant pour trouver de vieux chaudrons, de vieilles
ct récipients.Il s'use
genre. Je vais me transformer en une belle bouilloire et vous
bouilloireset autres choses de ce
un bon prix et vous n'aurez plus de
m'apporterezau moine. II vous donnera certainement
jours. »
soucispour vos vieux
Le grand-pèreavait beau dire qu'il n'avait besoin de rien et qu'il valait mieux que le
renardretourne dans la forêt, celui-ci s'était déjà enroulé la queue autour des jambes, avait
du renard, se trouvait devant les
inclinéla tête, avait tourné trois fois sur lui-même et, au lieu
bronze. Le couvercle avait la forme d'une
deuxvieillards, une magnifique bouilloire antique en
allongé.
tête de renard, et le bec ressemblait à un museau de renard
la pre-
Le grand-pèrect la grand-mère étaient muets de surprise. La grand-mèrese reprit
celle-cirendait vraiment
mière.Elle prit la bouilloire dans ses mains, frappa sur la paroi, mais
un son de pur bronze.
grand -mère
(Le moine paiera certainement un bon prix pour cette bouilloire,» pensa la
grand-père : «Va tranquillement chez
qui voyait déjà tout l'argent, et aussitôt elle persuada le
lui ; de cette façon nous
le moine.Le renard a raison. Tu as donné notre dernier argent pour
d'une aussi belle bouilloire; elle
en récupérerons quelque chose en échange. Que ferions-nous
et ne se retransformera pas.»
est trop belle pour nous. Le renard est certainement honnête
papier de soie. Mais
Finalement, le grand-père prit la bouilloire et Penveloppadans du
que je dirai au moine lorsque celui-ci
il hésitait encore : « Je n'aime pas beaucoup cela. Qu'est-ce
Tout le monde sait que nous sommes
me demandera d'où je possède une pièce aussi précieuse.
très pauvres. »
qu'à dire qu'ils avaient trouvé
Mais la grand-mère calma ses appréhensions.II n'aurait
ce jour pour voir si le propriétaire
la bouilloire, il y a plusieurs années et qu'ils avaient attendu
ne s'était soucié pendant aussi longtemps
ne donnait pas signe de vie. Mais, puisque personne
vendre, car ils ne sauraient que faire d'un
de la bouilloire, ils avaient pris la décision de la
récipient aussi beau.
rendit donc dans le monastère où vivait
Le grand-père, voulant éviter une dispute, se
de vieilles bouilloires et autres choses
le vieux moine qui collectionnaitde vieux chaudrons,
bouilloire du papier de soie.
du même genre. 11entra dans sa hutte et sortit la
ma vie je n'ai vu une bouilloire
En apercevant la bouilloire, le moine s'écria ravi : «De
les mains! Et quel son! C'est du bronze
aussi magnifique et, pourtant, j'en ai eu beaucoup entre
le plus purl Il est rare de voir une telle pièce; d'où la tiens-tu donc?»

La gra/i///de (1/1renard 137


Le grand-père donna la réponse que la grand-mèrc lui avait conseillée ct Ic moine loua sa
décision de vcndrc la bouilloire. Il lui cn offrit sept pièccs d'or,
Heureux, Ic grand-père rentra chez lui. Jamais il n'avait cu autant d'argent, il ne pouvait
même sc rappclcr avoir jamais vu unc scule piècc d'or.
n «Fini les soucis quant à notre avenir, » se dit-il content.
Le grand-pèreà pcinc parti, le moine appela ses disciples et les envoya au fleuve pour
nettoyer la bouilloire.
«J'aimerais bien savoir quel goût a le thé dans une telle bouilloire! »
Les disciples prirent la bouilloire ct coururent au fleuve. Ils utilisèrent des poignées de
sable et frottèrent si fort l'ustensilequ'ils en avaient les mains toutes rouges. Mais que se
passait-il? Dc la bouilloire provenait un gémissement plaintif. Surpris, ils commencèrent
ci
à rincer la bouilloire ct à la frotter doucement pour qu'elle brille bien. Cette fois, ils eurent
l'impression que la bouilloire riait et disait : «l-lahaha, que cela chatouille! » Alors, les disciples
effrayés, remplirent d'cau la bouilloire et coururent chez le moine.
«Quelquc chose n'est pas en ordre avec la bouilloire, » lui racontèrent-ils. «Pendant que
nous la frottions avec du sable, nous avions l'impression qu'elle gémissait, et tandis que nous
la faisions briller, qu'elle riait. »
n «Ce n'est là rien d'étonnant, » les calma le moine. «De telles bouilloires inhabituelles
émettent des sons les plus étranges lorsqu'on les nettoie. Et celle-ci est la meilleure bouilloire
d que j'aie jamais vue. »
b
Il ordonna aux disciplesde faire un feu avec du charbon de bois et lorsque celui-ci fut
incandescent, il suspendit la bouilloire au-dessus.
L'eau n'avait pas encore commencé à bouillir, que la bouilloire eut un comportement
étrange. Elle dansait au-dessusdu foyer, sautait en l'air, et, soudain, elle grogna, se transforma
en renard et s'enfuit aussi vite que ses pattes brûlées le lui permettaient.
Le moine fit appeler le grand-pèrc et exigeala restitution de l'argent. Le grand-père s'excusa
profondément disant que la bouilloire devait avoir été ensorcelée. Le moine lui répondit :
« C'est évident, mais mon argent, lui, était vrai. Rends-moi donc mon argent !»
Sur le chemin du retour, le grand-pèrebougonnait après le renard et la grand-mère:
«Voilà ce que cela a rapporté; des déplacementsinutiles à l'aller et au retour et, en plus,
la honte! »
Quelques jours plus tard, le renard refit son apparition chez le grand-père. Ses pattes
étaient guéries et il voulait s'excuser de l'ennui qu'il avait causé.
«Le feu me brûlait si fortement que je n'ai vraiment pas pu résister, » expliqua-t-il.
quand ils m'ont frotté avec le sable, je pensais que ma dernière heure avait sonné. Et puis, ils
m'ont chatouillé! Non, ce n'était pas une bonne idée. Mais, tandis que j'étais dans ma tanière,
j'ai eu une autre idée. Je vais me transformer en cheval de belle prestance et vous me vendrez
à la ville. Bien que le chemin pour la ville soit long, il y a beaucoup de riches marchands
qui ont toujours besoin de chevaux de trait pour transporter leurs marchandises. Certainement
vous recevrez assez d'argent pour ne plus avoir de soucis dans votre grande vieillesse. Et le

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étant heureusement un animal comme moi, personne n'aura l'idée de le frotter avec
cheval »
sable ou de le brûler.
dil grand-père ait pu faire une objection, le renard avait entouré ses pattes
Et avant que le fois sur lui-même —et au même instant un étalon
baissé la tête et avait tourné trois
de sa queue,
lui. II avait la tête fièrement dressée, sa crinière brillait comme de l'or, sa robe
se tenait devant
comme s'il ne pouvait attendre le moment de s'en aller en courant.
luisaitet il caracolait
grand-père n'avait pas beaucoup envie de tenter sa
Après tout ce qui s'était passé, le
mais la grand-mère insista de nouveau : «Ecoute le renard, grand-père,
chanceencore une fois,
la ville. On te donnera certainementbeaucoupd'argentpour
et mènele cheval au marché de
un aussi bel animal et que ferions-nous ici avec lui. Ou veux-tu peut-être te rendre dans la
forêt à cheval ? Et comment le nourririons-nous ? Le mieux c'est effectivement de le vendre. »
Que pouvait faire le grand-père? La grand-mèrene l'aurait de toute façon pas laissé
marché de la
tranquille.Il chaussa ses sandales, mit la bride au cou du cheval et le mena au
magnifique bête, l'un louant son
ville. Déjà sur le chemin, beaucoup tournaient la tête vers la
pelage brillant.
allure, l'autre la couleur de sa crinière, un troisième l'épais
«Celui qui achètera un tel cheval pourra s'estimer heureux!» C'était là l'avis de tout
le monde.
marché.
Arrivé dans la ville, le grand-père se renseignaaussitôt sur l'emplacementdu
un bol de riz, que le plus
Il y avait peu de temps qu'il se trouvait là, à peine celui de manger
et craignantque quelqu'un
riche marchand de la ville passa. Le cheval lui plut énormément
pièces d'or.
d'autre puisse le lui prendre, il offrit rapidement quatorze
«Demain j'envoie mes marchandises
« Tu es venu au moment propice, » dit-il au vieillard.
réfléchispas longtemps ; personne ne te
au marché et j'ai besoin d'un bon cheval de trait. Ne
donnera autant d'argent que moi ; top !»
d'or et, content, il dirigea ses pas vers la maison.
Le grand-père empocha les quatorze pièces
Mais qu'advint-il du renard ?
l'écurie par les valets du marchand. Là il put
Le cheval à peine acheté, il fut conduit à
d'eau pure et se rassasier de bonne avoine. Puis vint un valet d'écurie qui le brossa.
s'abreuver
bonne, » se loua le renard.
«Cette fois-ci mon idée était vraiment
matin, les choses eurent un autre visage. Tous les chevaux furent sortis
Mais le lendemain
sel et de thé.
de l'écurie et chargés de lourds sacs de le maître.
n'avez pas besoin d'épargner le nouveau cheval!» cria de la véranda,
«Vous
poids ! »
«Il est robuste et peut porter double réalité un petit ani-
poids ! Le pauvre renard se serait presque écroulé. Il était en
Double Mais il avait une fois pour
aurait-il pu porter aussi lourd qu'un robuste étalon?
mal ; comment la magie qu'il
d'aider le grand-père, aussi serrait-il les dents et utilisait-il toute
toute décidé immédiatement sous le fardeau,
connaissait pour ne pas s'effondrer lever les
fut chargé, la caravane se mit en route. Le renard pouvait peine
Lorsque tout tomba
péniblement en trébuchant et à peine était-il sotti de la ville qu'il
jambes; il avançait
épuisé.

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La gratitude dn renard
«F.n voilà un étrange cheval,» disaient les conducteurs. «TI a l'air si fort ct,
Qu'allons-nous fairc? Tlfaut que nous pourtant
il n'est capable de porter presque rien. soyons
marché vers midi. »
Ils tinrent conseil ct comme le cheval donnait l'impression dc vouloir mourir d'un moment
l'autre, ils répartirent la charge sur Ics autres chevaux ct abandonnèrent celui-ciIc longdu
chemin.
Pendant longtemps le renard resta là, épuisé; lorsqu'il eut repris un peu de ses forces
pour pouvoir se retransformer en renard, il s'en alla Icntcmcnt en rampant vers son repaire.
Après un certain temps, le renard revint chez Ic grand-père. Les deux vieillardsl'accueil.
litent avec joie, car depuis que le grand-père avait vendu le cheval au marché, ils vivaient
très bien. Ils s'enquirent de ce qui était arrivé au renard ct celui-ci leur racontason
aventure.
«Je voulais vous aider, grand-père, car vous m'avez sauvé la vie. Mais cette fois encore
je n'ai pas tenu jusqu'au bout. Je ne suis qu'un faible renard et n'ai pas la force d'un cheval.
Mais ne pensez pas qu'un animal aussi petit et faible que moi ne sait pas être reconnaissant.
Ecoutez l'idée que j'ai eue cette fois-ci! »
Il n'en dit pas plus. Il s'entoura les jambes de la queue, baissa la tête, tourna trois fois
sur lui-même —et au même instant une jeune fille d'une exquise beauté, aux longs cheveux
noirs et à la peau blanche se tenait devant les vieillards surpris. La jeune fille leur sourit et
continua le discours du renard : «Je serai votre petite-fille et je veillerai à ce que vous ne man-
quiez de rien sur vos vieux jours. Grand-père, prenez l'argent que vous avez eu en échange
du cheval et achetez, dans la ville, trois kimonos en soie : un blanc, un couleur pêche peint
d'éventails et un autre violet orné de chrysanthèmes blancs. Achetez encore une large ceinture
en brocart, de longues épingles à cheveux et du fard. Je revêtirai les kimonos l'un par-dessus
l'autre et je me farderai, puis vous me conduirez en ville en me présentant comme votre petite-
fille. Je sais bien chanter et danser, et vous rapporterai beaucoup d'argent. »
Le grand-père était si confus qu'il n'arrivait pas à articuler une parole. Mais la grand-mère
avait la parole facile. Elle tira sur la manche du grand-père et dit : «Va en ville et achète ce
qu'elle te demande. Une jeune fille aussi belle doit être bien habillée et fardée. Mais consulte
quelqu'un avant les achats, car tu n'y connais rien !»
Le grand-père hésitait : « Cher renard ; tu as déjà tant fait pour nous ; retourne plutôt dans
le bois ! »
Mais finalement il succomba à la persuasion du renard et, surtout, à celle de la grand-mère,
et il fit ce qu'on lui demandait.
Peu après, la belle chanteuse et danseuse, la petite-fille des vieux villageois, etait connue
et renommée partout. On venait de loin pour écouter ses chants et voir ses danses, et les fa-
milles les plus riches s'estimaient honorées lorsqu'elle se présentait à leurs fêtes.
Enfin, le renard avait trouvé un moyen de témoigner sa gratitude au grand-père sans
pour autant mettre sa vie en danger. Il se plaisait dans la ville, car il était toujours entouré
d'une foule —et il apprenait des nouvelles intéressantes; c'était bien autre chose que le calme

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forêt. Ainsi, le renard chantait et dansait, mettant de côté chaque pièce de cuivre qu'il
dela moins en moins le bruit et l'agitation de la ville et il
recevait,Maisavec le temps, il aima de
solitude de la forêt. Il demanda donc quelques jours de vacances, prit
eut la nostalgiede la
emballa ses affaires et ses économies et retourna auprès des deux vieillards,
congéde ses amis,
au village. en voyant les cadeaux et les bons mets que le renard
Quellene fut pas la joie des deux vieux ôtait
avait gagné en chantant et en dansant leur
avaitapportésde la ville. Et l'argent qu'il
vain qu'ils prièrent le renard d'habiter chez eux.
lessoucispour toujours. Mais c'est en n'ai qu'une
des hommes. Je
«Merci beaucoup, grand-père, grand-mère. Mais j'en ai assez
»
envie: retrouver le calme de la forêt. compagnie hu-
avait envie de
Le renard retourna dans sa tanière. Et quand, un jour, il
grand-mère;ils s'asseyaientalors
maine,il venait le soir rendre visite au grand-pèreet à la
vécu. Lorsque le renard mourut —car
dansle jardin en se souvenant de tout ce qu'ils avaient
hommes —les deux vieillards lui érigèrent
lesrenards ont une vie beaucoup plus courte que les
rappelle le renard reconnaissant.
dans la forêt un petit monument qui, aujourd'hui encore,

renard
la/ gratitude (l'/

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