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Les arrangements institutionnels d’évaluation dans le domaine de la...

Résumé de l’ouvrage

LE SYSTÈME DE SANTÉ QUÉBÉCOIS. UN MODÈLE EN TRANSFORMATION | Clermont Bégin, Pierre


Bergeron, Pierre-Gerlier Forest, et al.

Quatrième partie. L'évaluation et le changement

Les approches au changement dans les systèmes de santé

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CITÉ PAR

Les approches au changement dans les systèmes de santé

Yvon Dufour et Lise Lamothe

p. 313-339

TEXTE AUTEURSILLUSTRATIONS

TEXTE INTÉGRAL

1Au Canada, tout comme dans l’ensemble des pays de l’OCDE, le changement est de toute évidence
l’une des réalités omniprésentes, tant dans les organisations publiques en général que dans les systèmes
de santé en particulier. Au cours des vingt dernières années et au fil des évaluations et
recommandations de nombreux comités et de diverses commissions parlementaires, les gestionnaires
de la santé ont été conviés à changer leur organisation et à les adapter aux opportunités et menaces de
l’environnement de même qu’aux choix et décisions politiques des gouvernements. Les années 1990 ont
amené un nouveau courant de changement dans l’ensemble des systèmes de santé. Sur l’échiquier
mondial de la santé, certains éléments figurant à l’ordre du jour des changements comme la
privatisation, la « responsabilisation » des consommateurs, la régionalisation et l’introduction d’une plus
grande concurrence transcendent les frontières. Considérant les bouleversements auxquels sont soumis
les systèmes de santé et les organisations qui les composent, il convient de s’interroger sur la notion
même de changement et sur la manière dont il est appréhendé.

2La première section de ce chapitre est consacrée au concept même de changement et aux approches
utilisées par les praticiens et théoriciens. La seconde section cherche à caractériser le changement dans
le système de santé québécois en s’appuyant sur des exemples tirés des démarches de sa
transformation. Cette « lecture diagnostique » (Morgan, 1989) nous permettra, en troisième partie, de
nous interroger sur le rôle de l’évaluation des services comme facteur constitutif du changement dans le
système.

Qu’est-ce que le changement organisationnel ?

3Le concept de changement est généralement entendu et défini soit comme un processus, soit comme
un écart dans le contenu de ce qui est observé. Dans le premier cas, le terme changement est utilisé
pour désigner la progression des événements, le cheminement entre des situations différentes dans le
temps. Dans le second, il est utilisé afin de décrire le bilan des différences observables empiriquement
dans la forme, la qualité ou l’état des situations elles-mêmes.

4Tout comme le concept de stratégie (Mintzberg, Waters, 1985), plusieurs qualificatifs peuvent être
apposés au terme changement, afin de mieux en préciser le sens et d’en saisir à la fois toute la diversité
et la complexité. Ainsi le changement, entendu comme un processus, peut être qualifié d’intentionnel,
c’est-à-dire qu’il peut procéder d’une volonté consciente d’agir des gestionnaires. Il peut non seulement
être intentionnel mais également être planifié, donc il peut alors s’organiser suivant un plan formel et
clair, une série d’actions cohérentes et détaillées susceptibles de conduire vers la situation souhaitée. Le
changement peut par ailleurs être émergent, c’est-à-dire qu’il peut se réaliser en l’absence, voire à
l’encontre des intentions conscientes et exprimées par ses protagonistes (figure 1). En interaction dans
un même processus, les changements planifiés et émergents conduisent à un résultat qui peut être la
réalisation du changement planifié, sa modification ou sa non-réalisation, auquel cas il y a absence de
changement.

5Entendu comme un écart dans le contenu des situations, le changement peut cette fois être qualifié de
radical ou de progressif. Dans le premier cas, il représente une transformation de grande envergure qui
est perçue comme une rupture en comparaison avec la situation initiale. Les membres clés de
l’organisation n’en comprennent habituellement pas la nécessité (Allaire, Firsirotu, 1985 ; Hafsi, Demers,
1989 ; Hafsi, Fabi, 1997). Dans le second cas, le changement ne concerne alors qu’un nombre limité de
dimensions et de niveaux organisationnels et il ne représente qu’une évolution naturelle et raisonnable
aux yeux des principaux membres de l’organisation (Hafsi, Demers, 1997).

Figure 1. Types de changement

Figure 1. Types de changement

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Inspiré de Mintzberg et Waters (1985 : 258).

6Comme le concept d’évaluation (Bégin et coll., introduction générale de cette partie du livre), celui de
changement est polysémique. À ce titre, il faut bien reconnaître qu’il est très difficile d’en proposer une
définition plus explicite, sans y intégrer en substance le point de vue adopté par le gestionnaire ou les
fondements théoriques et le modèle privilégié par le chercheur. Ainsi, Warren Bennis (Bennis et coll.,
1969), l’un des pères du développement organisationnel (DO), définit le changement comme le résultat
d’une stratégie éducative centrée sur les individus et entreprise en collaboration avec un agent
extérieur, afin de résoudre par l’expérimentation des comportements, les problèmes vécus par les
membres de l’organisation. Pour sa part, Pfeffer (1981) conçoit le changement comme le résultat d’un
processus politique d’actions, de réactions et d’interactions entre les différentes coalitions intéressées,
alors qu’elles négocient autour de projets différents de développement de l’organisation. Pettigrew,
Ferlie et McKee (1992), champions d’une approche qui se veut à la fois politique et culturelle, réunissent
les deux définitions précédentes et conçoivent le changement comme le produit du processus de
gestion de la signification par les individus, les groupes et les parties en présence dans la transformation,
l’évolution et la mise en œuvre des stratégies au sein de l’organisation.

7La littérature compte un nombre important d’approches et de perspectives différentes sur la gestion
du changement organisationnel. Tout comme dans le cas de la stratégie (Dufour, 1995 ; 1996a) et de la
mise en œuvre du changement (Dufour, 1996b), trois principaux arguments peuvent être avancés afin
d’expliquer cette situation. Le premier argument suggère que le changement organisationnel est un
phénomène très complexe qui implique plusieurs processus simultanés. Or la complexité obscurcit les
relations de cause à effet, de sorte que les responsables du changement doivent souvent prendre des
décisions sans savoir réellement ce qu’en seront les effets (Hafsi, 1985). Le nombre de perspectives est
donc tributaire de la diversité des processus et de la complexité des actions entreprises simultanément
par les agents du changement. Le second argument repose, pour sa part, sur la multidisciplinarité du
champ de pratique et de recherche. Tout comme le champ de la gestion stratégique, celui du
changement organisationnel est un champ de rencontre. La recherche sur le changement a attiré des
individus de plusieurs disciplines comme la psychologie et la sociologie, chacune faisant siens ses
principaux concepts et principales méthodes.

8Enfin, le troisième argument prend racine dans l’ampleur même du sujet. Le nombre de perspectives
sur le changement organisationnel est le fruit de la multitude d’objets et des différents contextes de
changement. En effet, la connaissance pratique et théorique sur le changement organisationnel provient
de nombreux travaux et expériences très variés, allant d’une tentative d’introduire le changement par le
biais de la thérapie de groupe dans un atelier mécanique d’usinage des métaux (Jacques, 1952), en
passant par le développement d’un changement stratégique dans une grande entreprise britannique de
l’industrie chimique (Pettigrew, 1985), jusqu’aux processus d’innovation de PME américaines du point
de vue de la théorie du chaos (Cheng, Van de Ven, 1994).

9Il est toutefois possible de regrouper les différentes approches en catégories relativement homogènes.
Plusieurs auteurs (Chin, Benne, 1969 ; Pierce, Delbecq, 1977 ; Majone, Wildavsky, 1979 ; Scheirer, 1981 ;
Denis, Champagne, 1990 ; Demers, Simard, 1993 ; Van de Ven, Poole, 1994 ; Hafsi, Fabi, 1997) ont déjà
proposé de tels regroupements. Toutefois, à l’exception des contributions les plus récentes, la très
grande majorité des auteurs se sont beaucoup plus préoccupés, dans leur effort de mise en ordre des
connaissances, de développer une classification des outils de gestion du changement, que de proposer
une véritable taxonomie des théories du changement organisationnel.

10L’examen des différentes perspectives sur le changement démontre qu’elles peuvent, à l’instar de la
littérature du champ stratégique (Rouleau, Séguin, 1995), être regroupées suivant quatre des grandes
catégories du discours en théorie des organisations, soit : le discours classique, contingent, du
comportement organisationnel et politique. L’approche classique et celle des contingences considèrent
l’organisation comme un système technique, alors que l’approche politique et celle du comportement la
voient plutôt comme un système social. Cette classification est cependant très large puisque, comme le
soulignent Van de Ven et Poole (1994), « très peu d’attention a été portée dans la littérature de gestion
des organisations aux théories sous-jacentes des processus de changement et il est donc difficile de
savoir quelles théories de changement les auteurs avaient réellement à l’esprit (p. 43) ».

L’approche classique

11Entendue comme un plan, la stratégie de changement représente une suite d’actions cohérentes et
intentionnelles, destinées à réaliser un objectif. Le changement est alors conçu et élaboré de façon
consciente et intentionnelle, bien avant les actions qu’il engendre. L’approche repose sur la doctrine
téléologique et, en conséquence, sur l’hypothèse que la progression des événements se dirige vers un
objectif ou vers une fin en soi. Le changement organisationnel est une suite continue de formulations,
de mises en œuvre, d’évaluations et de corrections des objectifs, décisions et actions sur la base des
résultats obtenus. La préoccupation première de l’agent de changement est d’assurer la consistance et
la cohésion de toutes les actions entreprises. L’organisation est alors conçue comme un système
rationnel et technique, comme un ensemble fonctionnellement intégré de composantes qui
s’imbriquent les unes aux autres et qui fonctionnent efficacement. Dans le vocabulaire de Gareth
Morgan (1989), le dirigeant conçoit alors l’organisation suivant la métaphore de la machine.

12Pour réussir le changement, l’organisation doit donc réunir les conditions faisant qu’une machine
fonctionne bien. D’une part, l’environnement est stable et prévisible ou bien l’organisation est
relativement bien isolée des influences externes. D’autre part, la tâche est simple et le comportement
des acteurs internes de l’organisation est à la fois constant, prévisible et conforme aux attentes. Il est
alors présumé que les gestionnaires ont une très grande capacité de changer l’organisation.

13En bref, le discours de l’approche classique repose sur l’idée que le processus de changement peut
être entièrement contrôlé par un petit groupe d’individus qui ont le droit légitime d’exercer l’autorité et
que la formulation et la mise en œuvre sont deux étapes séquentielles, la mise en œuvre étant le moyen
de réaliser presque intégralement les intentions formulées lors de l’étape antérieure.

14La validité empirique de l’approche classique est cependant fortement interrogeable. En effet, elle est
essentiellement normative et ses prescriptions décrivent comment l’organisation devrait changer, mais
pas nécessairement comment elle change. De plus, plusieurs critiques peuvent être formulées à son
endroit : l’approche néglige l’interrelation dynamique entre la formulation et la mise en œuvre du
changement, elle ignore l’impact de l’environnement et elle nie presque entièrement l’existence des
dimensions humaines et politiques. Par hypothèse, les membres de l’organisation partagent ses buts et
leurs comportements s’intègrent dans leur poursuite efficiente. Cette approche laisse donc peu de place
au changement endogène et émergent. Néanmoins, l’approche classique est d’un apport important,
d’une part, par l’accent porté sur la rationalité dans la prise de décision et dans l’action
organisationnelle et, d’autre part, par l’importance accordée à la qualité du contenu et de la formulation
même des projets de changement. Issue du noyau dur (Rouleau, Séguin, 1995 : 56) des théories des
organisations (Barnard, 1938 ; Simon, 1945 ; Selznick, 1948), cette approche alimente certains courants
théoriques portant sur la prise de décision (March, Simon, 1958) et la plupart des modèles de
planification stratégique (Allouche, Schmidt, 1995).

L’approche contingente

15Selon l’approche contingente, le changement porte sur la forme prise par l’organisation, sa
configuration, laquelle se définit par sa relation avec son environnement. Celui-ci est à la fois l’origine
des occasions, tout comme la source des dangers et des menaces. L’organisation est alors conçue
comme un système technique vivant, comme un organisme en évolution. Les travaux d’auteurs tels
Woodward (1965), Thompson (1967), Lawrence et Lorsch (1967a), Pugh et Hickson (1976) ont enrichi les
théories des organisations à cet égard.

16L’approche contingente peut être considérée comme un prolongement de l’approche classique. En


effet, alors que par cette dernière, les dirigeants centralisent les étapes de planification et de
formulation des projets de changement, avec l’approche contingente, ils s’inspirent de leur analyse des
facteurs d’environnement pour formuler un projet de changement qui porte surtout sur la forme
organisationnelle, laquelle facilite le passage à l’étape de mise en œuvre.

17Il existe au sein de l’approche contingente deux conceptions majeures du lien entre l’organisation et
son environnement. La première suggère que l’environnement est une donnée, qui conditionne la
performance de l’organisation. En conséquence, seules les organisations qui changent et s’ajustent
régulièrement avec succès pourront survivre. La deuxième suggère que l’environnement n’existe
réellement que dans la tête des dirigeants et qu’à ce titre, les stratégies de changement sont
l’expression des choix du gestionnaire, de ses perceptions et interprétations d’un environnement virtuel.
Toutefois, dans un cas comme dans l’autre, la préoccupation première de l’agent de changement est de
choisir un ensemble de structures et de processus qui en permettent la mise en œuvre. Selon cette
approche, l’agent de changement est avant tout un architecte responsable de l’élaboration des
structures et des systèmes de gestion sus-ceptibles de favoriser la réalisation des objectifs et la
métamorphose des intentions en actions.

18L’approche contingente est plus séduisante pour les chercheurs que l’approche classique. Toutefois,
la recherche a généralement tendance à adopter un mode plutôt réductionniste que holistique. En effet,
les études ont porté sur les relations linéaires entre les variables prises deux à deux ou en très petit
nombre. Une critique également soulevée est que la stratégie, la structure et les processus sont conçus
comme des éléments neutres. Il demeure que la plus importante contribution de cette approche est
d’avoir mis l’accent sur l’incidence potentielle de l’environnement externe et de l’environnement
interne sur le contenu et le processus de changement organisationnel.

L’approche du comportement organisationnel

19Dans les termes de Gareth Morgan, le gestionnaire abandonne ici la métaphore de la machine ou
celle de l’organisme au profit de la métaphore de la culture. L’approche du comportement suggère
qu’au-delà des structures, des processus et des mécanismes de gestion, les individus doivent également
être mis à contribution dans la mise en œuvre du changement organisationnel. Ainsi, certaines sources
individuelles et organisationnelles de résistance doivent être éliminées afin de favoriser le changement
nécessaire. La réussite du processus de changement est fonction de l’engagement authentique des
individus envers l’objectif poursuivi et l’organisation. Les éléments les plus importants sont ceux qui
influencent la motivation, la coopération et la mobilisation des individus. Les traits de personnalité, les
attitudes et les valeurs des individus touchés par le changement sont jugés importants. De même, le
style de gestion du dirigeant responsable est critique. L’exercice du leadership, le rôle des leaders
d’opinion et des champions de produits ainsi que le mode de communication utilisé peuvent faciliter ou
freiner le changement. La culture de l’organisation est également perçue comme une source importante
de résistance. Le climat, les relations interpersonnelles, la dynamique des groupes de travail et la
participation sont également du nombre des facteurs de succès identifiés. La contribution la plus
importante de l’approche du comportement a été de mettre l’accent sur l’individu et sur l’importance
du leadership dans la mise en œuvre du changement organisationnel.

20Issue des travaux en psychoanalyse appliquée aux organisations (Ketz de Vries, Miller, 1985) et en
psychologie organisationnelle (Argyris, 1957), cette approche alimente certains courants traitant de la
conduite du changement : le développement organisationnel et le changement social intentionnel
(Beckhard, 1969 ; Chin, Benne, 1969 ; French et coll., 1978), le courant cognitif, d’apprentissage et
d’expérimentation (Weick, 1979) et l’analyse culturelle (Silverman, 1970 ; Smircich, 1983).

21Le Développement organisationnel (DO) est le modèle de changement le plus populaire de cette
approche, modèle d’ailleurs largement utilisé par les praticiens. Comme le soulignent Denis et
Champagne (1990), le DO propose qu’un style participatif de gestion, une décentralisation des processus
de décision, des programmes d’enrichissement des tâches et des mécanismes favorisant la
communication sont garants du succès du changement organisationnel. Toutefois, les outils et
techniques de l’approche du comportement semblent plus adéquats en situation de croissance qu’en
situation de décroissance et de réallocation des ressources.

L’approche politique

22L’approche politique repose essentiellement sur deux conceptions. La première suggère, tout comme
dans les cas précédents, que le changement est élaboré de façon intentionnelle par le dirigeant, alors
que la seconde propose que l’émergence, voire la mise à l’ordre du jour du changement, est plutôt le
fruit d’un processus complexe de convergence de trois courants : celui des problèmes, celui des priorités
et celui des solutions (Kingdon, 1984 ; Lemieux, 1995b). Toutefois, dans les deux cas, l’agent de
changement adopte un cadre de référence où les individus et les différentes coalitions négocient et
rivalisent entre eux pour gagner, au sein d’une arène politique. L’agent ne se représente plus
l’organisation comme un système rationnel et technique, mais comme une communauté de personnes,
un système social d’activités politiques. L’approche repose sur la doctrine critique dialectique et
s’appuie sur l’hypothèse que les organisations évoluent dans un environnement pluraliste au sein
duquel les événements, les forces et les valeurs s’opposent dans une lutte pour la domination et le
contrôle. La vision pluraliste en théorie des organisations, que l’on trouve entre autres dans les
contributions de Blau (1955), Gouldner (1973) et Clegg (1989), s’articule notamment autour de la notion
de « coalition » (Cyert, March, 1963 ; Perrow, 1986), et de l’idée de « système d’action concret »
(Crozier, Friedberg, 1977).

23Le changement est une suite continue de victoires et de défaites ; il survient lorsqu’un individu ou un
groupe d’individus mobilise suffisamment de pouvoir pour défier le statu quo. Le processus de
changement est marqué par la négociation entre les acteurs. L’accent est ici placé sur les questions
d’intérêts dans et entre les organisations. Le rôle et l’usage du pouvoir est au centre de la stratégie de
changement (Hardy, 1982 ; 1985 ; Hardy, Pettigrew, 1985). Dans le vocabulaire de Gareth Morgan
(1989), le dirigeant conçoit alors l’organisation suivant la métaphore politique.

24La préoccupation première de l’agent de changement est non plus d’assurer, comme dans les cas
précédents, la consistance et la cohésion des actions entreprises ou encore de choisir un ensemble de
structures et de processus assurant la mise en œuvre du changement, mais de se montrer plus malin
que ses adversaires, afin de gagner contre l’opposition tant interne qu’externe. L’autonomie et la marge
de manœuvre des employés en contact avec la clientèle, les relations entre les organisations qui doivent
se coordonner et coopérer afin de réaliser un projet, la complexité des processus d’échange impliqués,
les contraintes externes auxquelles doit se soumettre l’organisation, de même que le langage politique
et symbolique utilisé pour accroître la légitimité du changement et réduire l’opposition sont autant de
facteurs déterminants du succès du changement. La plus grande contribution de l’approche politique est
certainement d’avoir attiré l’attention et mis l’accent sur les processus concrets en action, lors de la mise
en œuvre du changement.

Les approches au changement dans le système de santé québécois

25Quelle lecture diagnostique est-il possible de faire des démarches de transformation entreprises dans
le système de santé québécois ? À la lumière de quelques exemples observés au cours des dernières
années, il apparaît que toutes les approches au changement sont utilisées dans le système. Toutefois,
elles seraient privilégiées par des acteurs différents agissant à des niveaux différents du système. Ainsi,
chacune des approches permet de saisir une partie des processus de changement en cours.

26L’approche classique apparaît comme le modèle privilégié par nos dirigeants politiques au sommet,
préoccupés davantage par la formulation des changements que par les difficultés de la mise en œuvre.
L’approche contingente s’inscrit en continuité de l’approche classique, tout en y étant subordonnée. Elle
serait donc le modèle de prédilection des hauts fonctionnaires et des administrateurs. Pour sa part,
l’approche du comportement organisationnel se présenterait comme le modèle adopté par les
gestionnaires des établissements au niveau opérationnel, aux prises avec les changements entrepris aux
autres niveaux et avec la tâche de vendre le changement, de maintenir le climat et d’assurer la
production des services. Enfin, l’approche politique serait celle qui permettrait aux acteurs du système
de transcender tous les niveaux d’action, de façon à influencer les décisions et les orientations.
Toutefois, ces actions seraient contraintes par le cadre imposé par les dirigeants centraux qui adoptent
un processus du haut vers le bas suivant une approche mixte classique et contingente.

27La conduite des réformes du système de santé québécois révèle, chez nos décideurs politiques, une
propension à l’adoption d’une approche classique dans la prise de décision associée à une approche
contingente dans l’élaboration des conditions de mise en œuvre. Au fil des ans, le système de santé
québécois a subi des vagues de réformes et de périodes d’ajustements qui correspondent à des étapes
de dix ans. L’étape des années 1960 marque une croissance du rôle de l’État dans la prise de décision et
la gestion des établissements de santé. La supervision du gouvernement québécois s’exprime par la Loi
des hôpitaux (1962) qui vise à rationaliser la gestion hospitalière. Le gouvernement fait par la suite
(1966) sa première incursion dans le secteur de la pratique professionnelle avec la Loi sur l’assistance
médicale. Le contexte social et politique de l’époque est favorable à une prise en charge de l’État,
duquel on attend un élargissement des mesures sociales.

28S’appuyant sur les travaux de la commission Castonguay-Nepveu (1966-1972), le gouvernement


s’engage donc dans l’étape des années 1970 par l’élaboration d’une politique globale de sécurité
sociale. Celle-ci vise à répondre aux pressions de l’environnement du moment. La première
préoccupation concerne l’accès et la qualité des soins. En effet, en ce qui concerne les services
hospitaliers et médicaux, on observe un problème de distribution régionale et de mauvaise coordination
qui nuit à l’efficacité de la continuité des soins. La deuxième grande préoccupation concerne le contrôle
des coûts.

29La mise en œuvre de cette politique repose en premier lieu sur la création du ministère des Affaires
sociales (1970), qui permet une centralisation des pouvoirs par le regroupement sous un seul
portefeuille des secteurs de la santé, de la famille, des services sociaux et de la sécurité du revenu. En
deuxième lieu, elle repose sur l’instauration du régime d’assurance-maladie qui étend la couverture des
services assurés. En troisième lieu, la mise en œuvre s’appuie sur une vaste réforme structurelle, la
création du réseau des affaires sociales.
30Le réseau des Affaires sociales est en fait l’addition de huit cents établissements regroupés en quatre
catégories ayant chacune une vocation spécialisée. Cette réforme prévoyait aussi le découpage du
territoire québécois en treize régions ayant chacune un Conseil régional de la santé et des services
sociaux (CRSSS). Sorte de relais entre la population, les établissements et le ministre, ces nouveaux
organismes devaient être la source d’information permettant de planifier des services, en adéquation
avec les besoins des populations des diverses régions du territoire.

31Au cours des années 1980, une grande déception s’installe devant le constat que subsistent encore
plusieurs des problèmes que la réforme structurelle des années 1970 avait souhaité corriger. Par leur
analyse des environnements externe et interne, les travaux de la commission Rochon (1986-1988)
permettent de dresser une liste des principaux problèmes : une escalade continuelle des coûts, une
résistance de la part de la profession médicale et d’autres professions devant ce qui est perçu comme
une mainmise exagérée de l’État, des lacunes au niveau des habiletés des gestionnaires, un mouvement
de régionalisation ralenti par la crainte des bureaucrates de perdre du pouvoir. En effet, l’arrivée de
toute une génération de technocrates et de professionnels encourage une plus grande centralisation du
processus de décision dans les mains des fonctionnaires de l’État et des professionnels de la santé.

32Cette période fait apparaître un discours exprimant une volonté d’une plus grande décentralisation
qui permettrait aux organismes et aux intervenants du réseau de jouer une part plus active. Toutefois,
par l’adoption d’amendements à la Loi sur les services de santé et les services sociaux, le gouvernement
exprime une volonté très nette de resserrer les contrôles sur les établissements ; le Ministère conserve
encore toute son autorité politique et administrative.

33À l’amorce des années 1990, chacun convient que l’accès aux services et leur efficience se sont
grandement améliorés au cours des trente dernières années. Toutefois, la persistance des contraintes
environnementales, d’ordre social et économique, force des ajustements qui se font lentement en
raison des mécanismes et processus de prise de décision. L’urgence ressentie sous l’effet des pressions
économiques, associée à une perception croissante dans la population que les services de santé ne sont
pas gérés de manière efficiente par l’État, entraîne l’adoption de nouveaux amendements à la Loi sur les
services de santé et les services sociaux. C’est alors que la recherche d’un système centré sur le citoyen,
décentralisé et bien coordonné trouve sa voie dans une nouvelle réforme structurelle.

34Parmi les changements apportés, la transformation des conseils régionaux (CRSSS) en régies
régionales (RR) est de première importance. Accompagnée d’un redécoupage du territoire, celle-ci
annonce le transfert d’un certain pouvoir de décision vers les régions, mais l’uniformité des mesures
entreprises sur l’ensemble du territoire permet de croire qu’une grande centralisation des décisions
subsiste. Outre la création des régies régionales, la réforme structurelle a permis une réévaluation des
missions respectives des établissements et a entraîné une réorganisation des catégories. La résolution
des problèmes de coordination et de rationalisation des services passe par diverses formes de
regroupement sur l’ensemble du territoire et par un vaste mouvement de réduction de l’offre de soins
en milieu hospitalier. L’évaluation des effets réels de cette réforme est encore à venir.

35Dans le déroulement des diverses étapes de réformes et d’ajustements du réseau de la santé


québécois, les employés des établissements ont été encouragés à participer à une succession de
mesures et de programmes inspirés, cette fois, par l’approche du comportement organisationnel. Ces
programmes sont d’ailleurs soumis à l’influence encore tangible des mouvements de recherche de
l’excellence et de management à la japonaise. La gestion par objectifs, les plans de développement des
ressources humaines, les programmes de qualité totale, suivis de ceux visant l’amélioration continue de
la qualité et plus récemment la réingénierie des processus en sont les principaux exemples. En fait, de
façon générale, la plus grande partie des efforts récents d’amélioration de la qualité des soins et services
s’inspire directement de cette approche.

36Dans une étude visant à documenter l’impact réel des programmes de gestion de la qualité dans
treize centres hospitaliers du Québec, Daniel Lozeau (1997) met en évidence les limites de cette
approche dans ce type d’organisation. En effet, son étude démontre que l’environnement et le
management peuvent en effet exercer une influence sur l’évolution de l’implantation de ces
programmes. Toutefois, les processus inhérents à la dynamique sociale, celle des groupes et celle de la
psychologie des individus, entrent en interaction et font en sorte que ces trois facteurs s’influencent
mutuellement. La dynamique sociale particulière de ce type d’établissement laisse une grande latitude
aux cadres intermédiaires et aux groupes professionnels dominants quant à leur participation réelle.
Lozeau a observé une volonté commune aux groupes des médecins et des infirmières de ne pas céder le
leadership du dossier au management. Par des stratégies différentes, ceux-ci partageaient l’objectif
commun de protéger leur autonomie professionnelle, plutôt que de participer à un processus
d’intégration de la contribution des acteurs à la production des services. Ainsi,

loin d’avoir pu modifier la dynamique organisationnelle, l’approche de la gestion de la qualité et les


programmes qui en découlèrent dans les établissements hospitaliers eurent tendance à se fondre dans
cette dynamique au point de contredire certaines des dimensions fondamentales associées
habituellement au concept de gestion de la qualité (p. 326-327).
37Les conclusions de Lozeau sont en accord avec celles d’autres auteurs qui avancent que certaines
caractéristiques spécifiques aux établissements de santé seraient responsables de l’efficacité relative de
cette approche (Weisborg, 1981 ; Edmonstone, 1982 ; Pettigrew et coll., 1992).

38Il y a trois raisons principales pour que le développement organisationnel fonctionne mieux dans
l’industrie privée que dans les établissements de santé : 1) les établissements de santé possèdent peu
des caractéristiques des entreprises commerciales privées où le DO, tout comme les autres outils de
gestion, a été développé ; 2) les médecins et les scientifiques sont formés à adopter un comportement
expert, rationnel, autonome et spécialisé qui va à l’encontre de l’organisation de projets qui ne sont pas
étroitement personnalisés ; 3) les établissements de santé nécessitent donc non pas un seul système
social comme dans l’entreprise commerciale privée, mais trois systèmes sociaux. Les liens entre le
système de tâches que les dirigeants administrent, le système de l’identité qui supporte le statut
professionnel et le système de direction qui établit les objectifs sont extrêmement flous et indirects
(Weisborg, 1981 : 267).

39Plusieurs exemples de changements majeurs dans les organisations de santé québécoises peuvent
être avancés afin d’illustrer la présence du politique dans les processus de changement. En premier lieu,
rappelons les événements qui ont suivi le dépôt, au Conseil des ministres, du mémoire sur la
relocalisation de l’Hôtel-Dieu de Montréal à Rivière-des-Prairies en décembre 1991 (Dufour, Nadeau,
1993). Alors que le projet de relocalisation entamait, suivant une approche classique, sa troisième année
de discussion entre le Ministère et les autorités de l’hôpital, une coalition d’organismes s’est
soudainement mobilisée autour de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain afin de
s’opposer au projet. Pour le Ministère, le succès du projet reposait essentiellement sur la volonté de
l’établissement, la détérioration marquée de ses bâtiments, le retard technologique, la menace de perte
de programmes d’enseignement et de recherche, de même que sur le cadre normatif et le bilan-lits qui
définissent le nombre de lits requis et les objectifs à atteindre. Pour les opposants, qui adoptaient une
approche politique, le dossier de l’Hôtel-Dieu de Montréal était beaucoup plus vaste et important car, «
en réalité, c’est bien d’un pôle majeur de développement de Montréal en tant que métropole dont il est
question (Dufour, Nadeau, 1993) ».

40La campagne des opposants visait essentiellement à détruire la légitimité du ministre et à interroger
les « véritables » motifs qui animaient sa proposition de relocalisation. Très tôt, ils ont semé le doute
dans l’esprit du public sur l’existence de conflits d’intérêts quant au choix du nouveau site tout en
soulignant l’incohérence du projet avec ceux énoncés par d’autres ministres importants du
gouvernement. De plus, ils ont décrié l’absence de « consultation franche et ouverte (p. 61) » de même
que le caractère secret du processus décisionnel, le ministre refusant de rendre publics les documents et
études réalisés lors du cheminement vers la décision de déménagement. Certains de ces documents
seront finalement obtenus par la Confédération des syndicats nationaux (CSN), en vertu de la Loi sur
l’accès aux documents des organismes publics. Après avoir tenu dix soirées d’audience publique
auxquelles le Ministère refusait de participer, et consulté les évaluations de diverses personnes-
ressources, dont celles du GRIS (Groupe de recherche interdisciplinaire en santé de l’Université de
Montréal) qui réfutaient l’évaluation faite par les experts du Ministère, les opposants se sont engagés
dans un plaidoyer public intensif. Devant les attaques et les gains de l’opposition et en réponse aux
critiques, le ministre publiait finalement un document de près de 300 pages intitulé Le citoyen, véritable
raison d’être de la relocalisation, répondant point par point aux objections de la coalition des opposants.
Toutefois, il refusait toujours de rendre public le principal document sur lequel reposait son analyse. Ce
refus et les difficultés du Ministère à rétablir la légitimité de sa décision ont finalement eu raison du
projet.

41L’affrontement survenu en 1991 entre le ministre de la Santé et des Services sociaux et le


Regroupement des médecins du Québec (RMQ) lors des discussions autour du projet de loi 120 (Dufour,
Codjia, 1992) fournit un autre exemple de la présence du politique dans les changements survenant
dans le domaine de la santé. Le projet de loi 120 visait à encadrer la pratique médicale. Il se voulait une
réponse à l’une des observations les plus importantes de la commission Rochon (1986-1988) qui portait
sur la dynamique décisionnelle d’un système décrit comme « en otage » : « Tout se passe comme si le
système était devenu prisonnier des innombrables groupes d’intérêt qui le traversent (p. 407)... »

42Après avoir élaboré un projet ambitieux de réforme, en laissant filtrer peu d’information et en
refusant de confirmer ou d’infirmer les rumeurs, le ministre déposait finalement son projet de loi. Le
refus initial du ministre de tenir une courte commission parlementaire sur invitation, l’élection d’une
toute nouvelle équipe à la tête de la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ) et le
durcissement de la position de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) avaient
généré un nouveau contexte d’action : la profession médicale s’unissait pour s’opposer à la loi. Tout en
continuant secrètement à négocier avec le Ministère, le Regroupement des médecins du Québec (RMQ)
entreprenait la mobilisation des membres des fédérations région par région, établissement par
établissement.

43De plus, deux campagnes de publicité ont été conçues pour sensibiliser l’opinion publique. La
première reposait sur le concept du médecin bâillonné ; celui que le gouvernement voulait faire taire.
D’autres idées étaient également utilisées dans le processus d’escalade de l’antagonisme, dont la
soviétisation de la médecine, la perte de confidentialité des dossiers médicaux et celle du libre choix de
son médecin et de son établissement. La deuxième campagne publicitaire s’appuyait sur le thème des
dangers de la bureaucratie ; l’image d’une jeune fille blessée entre les mains de l’équipe médicale devait
être percutante et amener le gouvernement à accepter un moratoire sur le projet de loi.
Le jeune patient intubé que les journaux nous montraient a été remplacé à la télévision par une jeune
fille qui entre de toute urgence au bloc opératoire. La situation est grave, la jeune fille a perdu la moitié
de son sang et le médecin demande un autotransfuseur. Vite, ça presse. Mais il y en a pas : « Docteur, la
demande n’a pas encore été approuvée », répond une infirmière. Puis on change d’image. On voit un
fonctionnaire qui déguste tranquillement un café tout en compulsant la loi 120, assis confortablement
dans un bureau feutré. Il s’essuie délicatement la bouche avec sa serviette. Retour frénétique au bloc
opératoire où une infirmière essuie le front en sueur du médecin qui essaie de sauver la vie de la jeune
fille. « Est-ce qu’on a au moins du coagulant ? » demande-t-il. Coup d’œil désespéré de l’infirmière qui
ne répond pas. On revoit alors le fonctionnaire. Avec un regard niais d’autosatisfaction, il prend son
porte-documents et quitte son bureau après une journée qui, laisse-t-on entendre, n’a pas été trop
fatigante. La jeune fille mourra-t-elle par la faute des bureaucrates ? Le message ne le dit pas (La Presse,
II juin 1991 : A5).

44Le Regroupement des médecins a demandé un moratoire de six mois et en a appelé directement au
Premier ministre qui a accepté de les rencontrer. En échange, le Regroupement proposait de suspendre
sa campagne de publicité et tous les autres moyens de pression envisagés. Pour les médecins, la bataille
était désormais gagnée. Parmi les grands points de l’entente, le gouvernement laissait tomber toute
mesure coercitive obligeant les médecins à pratiquer en région. Elles étaient remplacées par des
négociations sur des mesures de répartition qui devaient être mises en œuvre plus tard.

45La force peu commune et sans précédent du langage politique et symbolique utilisé par le RMQ dans
ses campagnes publicitaires fournit un exemple éloquent des processus d’escalade de l’antagonisme et
de la « gestion de la signification » (Pettigrew, 1985) dans le changement.

Le processus de gestion de la signification est un processus de construction des symboles et d’utilisation


de valeurs afin de créer une certaine légitimité pour les actions, les idées et les demandes de l’un et
pour délégitimiser les demandes de son opposant. Les concepts clés pour analyser ces processus sont le
symbole, le langage, les croyances et les mythes (p. 44).

46De plus, considérés ensemble, ces deux cas illustrent la complexité du programme politique de
changement dans le domaine de la santé. En effet, bien qu’à première vue isolés, les deux événements
sont liés et il semble que l’opposition au projet de déménagement de l’Hôtel-Dieu de Montréal ait
bénéficié du mouvement d’opposition au projet de loi 120. Hardy (1982, 1985), Dufour (1991) et plus
récemment Pettigrew et coll. (1992) ont d’ailleurs montré l’impact décisif de la participation des
médecins, de même que l’effet déterminant de l’existence d’un réseau mobilisable d’opposition au sein
d’une communauté, sur la réceptivité du contexte au changement stratégique dans les organisations de
santé.

47La seconde conception de l’approche politique s’intéresse particulièrement à la complexité du


programme de changement. Selon cette conception, le système de santé est constitué d’un ensemble de
décideurs en quête d’objectifs, de choix à la recherche de problèmes, de solutions en quête de
questions auxquelles elles pourraient répondre au cours d’une certaine période de temps. Le système
de santé devient une « anarchie organisée » (Cohen, March et Olsen, 1972).

48L’enjeu essentiel dans ces organisations complexes est la lutte pour le contrôle de l’accès à l’ordre du
jour (Lemieux, 1995b).

Dans cette optique, l’émergence d’une politique publique consiste, pour les acteurs politiques qui y sont
favorables, à contrôler les décisions qui vont dans le sens de l’émergence, alors que pour les acteurs
politiques défavorables il s’agit, au contraire, de contrôler les décisions qui vont dans le sens contraire,
ou encore de faire en sorte qu’il y ait absence de décision [...] les acteurs politiques cherchaient ainsi à
valoriser leurs atouts de pouvoir ou ceux de leurs alliés, et à défavoriser ceux de leurs rivaux (p. 67).

Une approche à privilégier ?

49Le portrait peint et les exemples fournis soulèvent une question importante sur l’évolution du
processus de changement dans le système de santé : y a-t-il une approche qui soit plus adéquate que les
autres pour générer et mettre en œuvre les réformes des systèmes de santé ? Une approche mixte
politique et contingente serait plus appropriée, tant pour la formulation que la mise en œuvre du
changement dans les organisations de santé et ce, particulièrement en contexte de décroissance,
marqué par la fermeture et la réaffectation des ressources.

50Il y a au moins trois principales sources d’explication au fait qu’une telle approche apparaisse plus
appropriée, particulièrement en situation de décroissance, de fermeture et de réaffectation des
ressources : 1) la nature du contexte général et du contexte interne des établissements ; 2) les attributs
du processus de changement et 3) les caractéristiques du contenu des changements eux-mêmes. Bien
que la séparation de ces trois sources d’explication puisse les faire apparaître comme des entités
indépendantes, elles doivent être conçues comme trois éléments en interrelation dynamique au cours
d’une période de temps.
51La première source renvoie au contexte général de fonctionnement des organisations de santé. Les
établissements de santé sont habituellement des organisations publiques ou à tout le moins des services
d’intérêt public qui évoluent à l’intérieur d’un système qui les subordonne aux politiques et aux
programmes publics décidés au niveau de l’État. Or ce caractère public leur confère un environnement
plus diversifié, les obligeant à rendre des comptes à un plus grand nombre de parties et à être plus
transparentes que les entreprises privées. Cette situation engendre une plus grande sensibilité aux
comportements politiques (Paquin, 1992).

Les organisations publiques sont plus ouvertes à l’attention des médias que les entreprises privées. Les
groupes d’intérêt gravitant autour d’une organisation publique sont plus nombreux. Ils comprennent
notamment des groupes organisés qui doivent faire appel à l’action politique pour obtenir ce qu’ils
veulent. Les politiques publiques sont souvent le fruit d’un compromis obtenu difficilement et les
coalitions sur lesquelles elles reposent peuvent être instables. Ceci conduit à des stratégies en
perpétuelle renégociation. Le management des groupes d’intérêt est donc une variable plus critique
dans le cas des organisations publiques que dans celui des entreprises privées (p. 387).

52La nature du contexte interne des établissements de santé est une source d’explication
supplémentaire. En effet, dans les organisations de santé, de nombreux individus et groupes ayant des
antécédents, des compétences et des habiletés très différents sont en interaction régulière, dans une
structure qui exige un très haut niveau d’interdépendance fonctionnelle. À cet égard, par son analyse de
la formation de la structure d’action dans un centre hospitalier ; Lamothe (1996) montre comment les
unités de production formées au sein de l’établissement sont tributaires d’un aménagement des
espaces professionnels. Cet aménagement forme une structure professionnelle au sein de laquelle le
positionnement respectif des groupes est l’objet de négociations constantes et dépend du statut
organisationnel occupé par chacun des groupes. La structure professionnelle se révèle la véritable
structure fondamentale de l’organisation parce que directement responsable du contrôle de la
production. Son existence explique l’immunité relative du système de production par rapport à
l’administration, tout en confirmant le rôle de support de cette dernière. Ainsi, alors que les
organisations de santé sont communément présentées comme des bureaucraties professionnelles
(Blain, 1975 ; Mintzberg, 1982 ; 1990 ; Denis, Champagne, 1990), elles peuvent être plus subtilement
qualifiées de bureaucraties de professionnels (Bégin, 1992b ; Lamothe, 1996).

L’hétérogénéité professionnelle y est une marque distinctive alors que paradoxalement, la


complémentarité professionnelle est au principe des motifs qui les font se retrouver à l’intérieur des
mêmes lieux organisationnels. Cela confère donc à ces organisations leur caractère éminemment
politique (Bégin, 1992 : 5).
53La très grande présence des jeux politiques est associée à une présence tout aussi grande du
changement émergent. En effet, les actions entreprises, tant au niveau du contexte général qu’au
niveau du contexte interne, viennent influencer la forme structurelle. Ainsi, la bureaucratie
professionnelle devient elle-même un produit émergent des interactions politiques entre les dirigeants
et les acteurs du système.

54La deuxième source d’explication, pour qu’une approche mixte politique et contingente soit plus
appropriée, réfère aux attributs des processus de changement des organisations de santé. Ceux-ci sont
complexes et reposent sur les interactions, l’apprentissage et le comportement autonome des membres
de l’organisation plutôt que sur le leadership au sommet, la vision ou la mission. Dans ces conditions, le
changement intentionnel planifié est difficile. Le changement est réalisé par le biais de
l’entrepreneurship et le dialogue permanent entre les détenteurs d’enjeux. La rétroaction et
l’apprentissage nécessitent la création de canaux de communication interfonctionnels, de même que la
mise en place de nouveaux réseaux d’échanges entre les principaux acteurs (Hart, 1992). Le rôle des
dirigeants est alors d’encourager l’expérimentation, l’exploration et le risque, de faciliter les
transactions, de nourrir les idées et de relier les résultats de ces processus dans le temps, afin de donner
un sens de la direction dans le changement (Denis et coll., 1996b).

Par l’expérimentation, le directeur provoque des réactions dans le système en place. L’expérimentation
paraît un processus central puisqu’elle permet de trancher entre le convenable et l’inacceptable et de
repérer les groupes opposants et favorables aux changements (p. 23).

55La troisième source d’explication renvoie aux caractéristiques du contenu des changements. La
grande quantité de changements simultanés et consécutifs dans les organisations de santé, le faible
consensus entre les participants sur le changement et sur sa nécessité, la divisibilité de ses bénéfices,
l’ampleur et la profondeur du changement de comportement requis, le terme plutôt long et la confusion
des objectifs poursuivis, le nombre et la dispersion des points de décision sont du nombre des
caractéristiques potentiellement importantes pour le résultat obtenu (Grindle, 1980 ; Hafsi, Fabi, 1997).
De plus, considérant la nature plutôt bouleversante et menaçante des changements, particulièrement
lors de fermetures d’établissements de santé, la simple allusion à leur éventualité suffit à libérer une
certaine quantité d’énergie politique. Comme le souligne Hardy (1985) :

Les comportements politiques se manifestent souvent dans des situations où l’équilibre dans la
distribution des ressources est menacé. Une telle situation se présente lorsqu’une innovation majeure
est entreprise générant des opportunités de s’accaparer de nouvelles ressources (Pettigrew, 1973 ;
Mumford, Pettigrew, 1976 ; Mintzberg, 1973). Une autre situation est lorsque les ressources diminuent,
les positions sont menacées, et les comportements politiques deviennent alors nécessaires afin de
sauvegarder les intérêts (p. 13).

Le changement et l’évaluation

56Les exemples présentés dans la section précédente permettent de voir que tout au long du processus
de changement du système de santé, diverses formes d’évaluation sont utilisées : commissions
d’enquête, bilan-lits, évaluation des dépenses affectées à l’offre de soins, évaluation de la qualité, etc. Il
semble donc que l’évaluation soit un facteur constitutif important du changement. Quels rôles joue
l’évaluation dans le processus de formation du changement des organisations de santé ?

57L’évaluation jouerait des rôles différents suivant les approches du changement. Bien qu’ils ne soient
pas mutuellement incompatibles, ceux-ci répondraient chacun différemment aux besoins d’interaction
entre les individus et les groupes concernés. La littérature présente traditionnellement l’évaluation
d’une façon plutôt idéalisée comme un outil d’aide à la décision rationnelle et à la formulation des
politiques. Toutefois, la description des approches du changement organisationnel et les exemples
précédents laissent penser que le rôle principal attribué à l’évaluation pourrait bien varier
substantiellement d’une approche à l’autre. Il s’agirait ici non pas d’un lien de cause à effet, mais
simplement d’un lien d’association naturelle, de configurations courantes (Miller, 1996 ; Dufour, 1998)
des rôles de l’évaluation et des approches du changement.

58En effet, au sein de l’approche classique, l’évaluation serait associée à la recherche de la cohérence,
de la rationalité et de l’objectivité. Elle serait alors appelée à jouer un rôle principal d’information.
L’accent serait placé sur la contribution potentielle de l’évaluation au contenu, à la substance même du
changement intentionnel. L’évaluation serait avant tout une démarche consistant à produire des
connaissances dans le but d’appuyer les décideurs. Comme le souligne Langley (1992 : 7) :

Ici, l’instigateur est dans un état d’incertitude sur un sujet donné et fait faire une analyse [évaluation]
pour réduire son incertitude. On utilise parfois l’analyse pour aider à mieux comprendre une question
qui nous tient à cœur. À d’autres moments, on fait faire des analyses pour vérifier des idées venant
d’autres sources.

59Dans l’approche contingente, les études et évaluations serviraient à documenter et à rechercher la


meilleure adéquation entre l’environnement externe et l’environnement interne et, par-dessus tout, à
justifier les écarts de mise en œuvre.
La véritable raison de l’évaluation est d’améliorer la perception des dirigeants des difficultés qui
ralentissent le changement [...]. Un système efficace d’évaluation doit inclure les informations qui vont
permettre aux dirigeants au sommet de comprendre les problèmes auxquels font face les cadres
intermédiaires dans la réalisation des résultats pour lesquels ils sont tenus responsables (Andrews,
1987 : 101).

60L’évaluation s’inscrirait dans un processus de suivi de gestion jouant un rôle de supervision et de


contrôle (Langley, 1992). Elle viserait à observer l’évolution des opérations et à apporter, si nécessaire,
les correctifs requis ou encore à interroger l’impact ou la pertinence du maintien des activités ou des
programmes de santé au sein d’un environnement changeant.

Les gestionnaires demandent parfois une analyse formelle [évaluation] non pas par besoin d’information
ou pour convaincre les gens, mais parce qu’ils désirent qu’un problème soit résolu ou qu’une décision
soit mise en application... Toutes ces utilisations de l’analyse impliquent un élément de supervision et de
contrôle (Langley, 1992 : 7).

61Tout comme le rôle précédent d’information, les rôles de supervision et de contrôle sont issus de la
vision dominante de recherche de la cohérence et de la rationalité dans la prise de décision.

62Dans l’approche du comportement organisationnel, l’évaluation jouerait cette fois un rôle


fondamental dans le développement de la coopération et dans l’induction de comportements en accord
avec les objectifs poursuivis. L’évaluation serait ainsi appelée à jouer un rôle de rétroaction descriptive
qui, bien que préoccupée d’objectivité, ne serait pas nécessairement neutre.

La rétroaction descriptive est basée sur des faits concrets, justifiables et, dans la mesure du possible,
observables, donc exempte de subjectivité. Cette rétroaction est formulée pour donner de l’information,
soit positive ou négative, et est communiquée de façon constructive afin de favoriser l’échange
d’information, la collaboration et la participation [...]. Le gestionnaire qui communique une rétroaction
descriptive le fait dans le but d’offrir du soutien à ses employés (Laflamme, Goyette et Mathieu, 1996 :
7).
63Dans la première conception de l’approche politique, l’évaluation pourrait jouer un rôle de gestion de
la signification. Ici, les protagonistes et les opposants disposent chacun de résultats d’évaluation plus ou
moins différents qu’ils utilisent ensuite à leur avantage, afin de légitimer leur position et de délégitimer
celle des autres (Pettigrew, 1985 ; Pettigrew et coll., 1992 ; Dufour, 1991). Éventuellement, l’évaluation
pourrait devenir un substitut à l’action afin de gagner du temps ; elle pourrait même adopter un
caractère essentiellement symbolique.

64Dans la seconde conception de l’approche politique, les solutions semblent traverser les frontières à
la recherche de problèmes à résoudre. Certains apportent des problèmes, d’autres des solutions, sans
qu’il y ait nécessairement de correspondance claire entre les deux ; certaines solutions ne répondent à
aucun problème et vice-versa. L’évaluation viserait alors non plus à mieux comprendre la situation et à
réduire l’incertitude ou encore à remettre la décision à plus tard ou à contrôler la mise en œuvre de
l’action, mais bien à convaincre les gens de la nécessité d’adopter une solution plutôt qu’une autre. Elle
jouerait ainsi un rôle de persuasion.

65Elle pourrait également jouer un rôle instrumental dans l’agora où sont débattues les nouvelles idées
et les innovations en gestion des établissements de santé effectuées sur la scène nationale ou
internationale. Le processus dynamique se poursuivrait et ce, jusqu’à ce que les solutions discutées
aient acquis suffisamment de légitimité ou qu’elles s’inscrivent dans un contexte réceptif (Pettigrew et
coll., 1992) permettant au changement d’aller de l’avant.

Les contextes réceptifs au changement peuvent être construits par l’intermédiaire de processus
cumulatifs de développement mais de tels processus sont également réversibles soit par le retrait des
individus clés ou par une action peu préparée. Le déplacement d’un contexte non réceptif vers un
contexte réceptif est également possible, encouragé par des changements de l’environnement ou de
politiques au niveau central et par l’action des gestionnaires et des professionnels au niveau des
établissements (p. 276).

66Évidemment, ces différents rôles joués par l’évaluation ne seraient pas mutuellement exclusifs et une
même évaluation pourrait être entreprise, afin d’en réaliser plusieurs simultanément ou encore d’en
réaliser différents au cours d’une certaine période de temps. Ainsi, il serait impossible de dissocier
l’utilisation de l’évaluation de l’environnement social et politique de l’organisation. L’utilisation de
l’analyse formelle serait intimement liée au besoin d’interaction entre les membres d’une organisation
(Langley, 1986 ; 1992). Elle serait donc moins utilisée si ceux qui sont responsables de la formulation
étaient également responsables de la mise en œuvre, et si convaincre les autres de la pertinence des
choix n’était pas nécessaire.
Conclusion

67Tout en reconnaissant que le changement est une composante inhérente de l’évolution des systèmes
de santé, force est de constater que la présente décennie a amené de nombreux bouleversements dans
plusieurs systèmes de santé et les organisations qui les composent. Le changement est au cœur des
débats et un moteur d’action pour l’ensemble des intervenants qui y travaillent. Or en nous interrogeant
sur le concept même de changement, nous constatons qu’il est polysémique et que, par voie de
conséquence, il est difficile d’en proposer une définition à la fois explicite et intégrale. Le changement se
définirait mieux par le point de vue ou le modèle adopté par ses agents. Nous avons proposé une
classification des approches au changement, laquelle nous a permis de faire une lecture diagnostique
des démarches de transformation entreprises dans le système de santé québécois.

68Il apparaît que toutes les approches au changement sont utilisées, mais que les acteurs auraient
tendance à en privilégier une, selon le niveau d’où ils agissent dans le système. Ainsi, chacune des
approches permet de saisir une partie des processus de changement en cours. Il apparaît aussi que la
présence du politique est à la fois importante et inévitable. Les processus politiques sont un élément
constituant des contextes externe et interne des organisations de santé. Ce constat nous a amenés à
proposer que, dans de telles organisations, une approche mixte politique et contingente serait la plus
appropriée, tant pour la formulation que pour la mise en œuvre du changement dans de telles
organisations, particulièrement en contexte de décroissance.

69L’efficacité des agents de changement dépend en grande partie de leur façon de penser et d’agir et de
la manière dont ils décodent, comprennent et répondent aux dilemmes de la complexité et aux
difficultés associées à la nature paradoxale des organisations de santé en général, et du changement en
particulier (Mintzberg, 1973 ; Morgan, 1989). Les approches décrites fournissent des moyens efficaces
de traiter d’une façon à la fois descriptive et pragmatique avec la complexité. Elles représentent une
variété de points de vue permettant de saisir une même situation. Néanmoins, alors qu’une approche
politique et contingente semble souhaitable dans le contexte particulier des organisations de santé,
l’approche classique reste, du moins dans le discours des politiciens et des praticiens, généralement
dominante. Cela peut être attribuable au fait qu’elle épouse la vision des leaders politiques du moment
et qu’elle s’accommode très bien du mythe de la division séculaire entre le politique et l’administratif.
Puisqu’elle repose sur la doctrine téléologique, l’approche classique renforce la croyance dans le
contrôle total du changement entrepris par les gestionnaires et les élus publics.

70Si plusieurs points de vue et approches au changement cohabitent et s’influencent mutuellement,


comment en faire l’évaluation ? Quels rôles joue l’évaluation dans le processus de formation du
changement ? Nous avons proposé que l’évaluation jouerait des rôles différents suivant les approches
adoptées et que, bien qu’ils ne soient pas mutuellement incompatibles, ces rôles répondraient chacun
différemment aux besoins d’interaction entre les individus et les groupes concernés. Il serait donc
impossible de dissocier l’utilisation de l’évaluation de l’environnement social et politique de
l’organisation.

71L’invitation à la pratique de l’évaluation du changement dans nos organisations de santé est venue du
secteur privé (Turgeon, 1994), là où les lois du marché et les objectifs économiques fournissent des
indicateurs relativement simples. Mais la nature du marché politique est tout autre et il devient
nécessaire de reconnaître que l’évaluation des services de santé se présente comme un défi de taille.
Elle doit s’effectuer dans un contexte de complexité et d’ambiguïté marqué par la pluralité des valeurs. Il
importe donc de reconnaître la polyvalence de ses usages, sinon elle risque d’être paralysée entre la
rationalité bureaucratique de l’État et la rationalité politique des acteurs en présence.

72Sur l’échiquier mondial de la santé, le Québec est loin d’être isolé. En effet, certains éléments figurant
au programme de changement comme la privatisation, la « responsabilisation » des consommateurs, la
régionalisation et l’introduction d’une plus grande concurrence transcendent nettement les frontières.
Ces solutions sont généralement reformulées et présentées par les acteurs comme des initiatives locales
susceptibles de résoudre les problèmes nationaux. Ainsi, les idées de compétition et de libéralisation des
marchés alimentent les réformes des systèmes de santé de la majorité des pays industrialisés,
notamment au Royaume-Uni, en Suède et en Nouvelle-Zélande, voire en République populaire de Chine
(Wong, Chiu, 1997). Une telle convergence dans le contenu et dans les directions prises par les
responsables des systèmes de santé de plusieurs nations peut être interprétée comme l’expression
d’une époque, d’une ère de changement. La similitude des conclusions des rapports d’experts, des
opinions professionnelles et des lignes de conduite nationales dans une telle diversité internationale
soulève à nouveau la question de la place de l’évaluation dans le processus de formation du
changement. Les données fournies par l’évaluation seraient utilisées de façon à soutenir une idéologie
et une conviction profonde du bienfondé et de la nécessité du changement, de même qu’à renforcer
l’effet d’escalade de l’exemple mutuel.

73En effet, le changement par l’évaluation, c’est-à-dire l’utilisation des résultats d’études antérieures
pour justifier voire imposer les multiples changements, est une pratique courante dans le domaine de la
santé. Paradoxalement, force est de constater qu’au-delà du discours, la préoccupation réelle pour
l’évaluation des résultats du changement semble, elle, peu marquer l’attitude actuelle de nos dirigeants
politiques. Tout se passe comme si les changements planifiés s’imposaient per se et que les probabilités
de leur réalisation frôlaient la certitude. La conjecture est pour le moins optimiste. L’enjeu de
l’évaluation du changement demeure, mais il signifie également l’évaluation de ceux qui l’ont
commencé : accepteront-ils de se faire évaluer « objectivement » ?
TABLE DES ILLUSTRATIONS

Titre Figure 1. Types de changement

Légende Inspiré de Mintzberg et Waters (1985 : 258).

URL http://books.openedition.org/pum/docannexe/image/12194/img-1.jpg

Fichier image/jpeg, 52k

AUTEURS

Yvon Dufour

Senior Lecturer, Strategie Management, Macquarie Graduate School of Management, Sydney.

Lise Lamothe

Professeure adjointe, Département de management, Faculté des sciences de l’administration, Université


Laval.

Membres du Réseau de recherche sociopolitique et organisationnelle en santé.

Du même auteur

7. La dynamique interprofessionnelle : la clé de voûte de la transformation de l’organisation des services


de santé in L’hôpital en restructuration, , 2005

Chapitre 11. Les professionnels sont-ils les gardiens du système de santé ? Une perspective
organisationnelle in Les enjeux éthiques de la limite des ressources en santé, , 2016

5. Le rôle de dirigeant dans le pilotage de restructuration hospitalière in L’hôpital en restructuration, ,


2005

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont sous Licence OpenEdition
Books, sauf mention contraire.

Cette publication numérique est issue d’un traitement automatique par reconnaissance optique de
caractères.
Les arrangements institutionnels d’évaluation dans le domaine de la santé

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