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système social comme un moyen d’élaboration de connaissances sur ce système, de

celles qui se donnent pour objet premier la production d’un changement social.
Ces différentes visées sont portées par des conceptions de l’objet et des dispositifs de
recherche différenciés comme nous le verrons dans la deuxième partie. Ces projets se
rejoignent néanmoins dans la liberté qu’ils accordent au chercheur dans le choix des
méthodes d’enquête et de changement, reflet de l’esprit du pragmatisme3 toujours à
l’œuvre dans la recherche-action. Les différentes étapes de conduite d’un projet de
recherche-action (construction de l’objet de recherche, élaboration et mise en œuvre du
design, choix des méthodes d’enquête et de changement) et les difficultés particulières
émaillant ce processus, seront illustrées au travers d’une recherche menée dans une
association du secteur médico-social du centre de la France.

Section I. Changer et connaître : Les différentes approches de la recherche-action


Si la recherche-action a toujours pour objectif de changer la réalité sociale et de
produire des connaissances sur ces changements, elle revêt des formes variées en
fonction du statut et du rôle accordé par le chercheur à chacune de ces dimensions :
s’agit-il avant tout de changer la réalité sociale pour produire des connaissances sur
celle-ci ? Ou bien de produire des connaissances en vue de changer cette réalité ?
On peut ainsi distinguer un ensemble d’approches qui, suivant en cela Lewin (1946),
pose le changement du système social comme un moyen d’accès ou d’élaboration de
connaissance sur ce système. La recherche–action « expérimentale » de Lewin (1939 ;
1946), la Science de l’Action (Action Science) d’Argyris et ses collègues (1985), et les
approches ingénieriques ou de recherche-intervention de l’École des Mines, par-delà
leurs spécificités, visent ainsi avant tout l’élaboration de connaissances scientifiques :
une connaissance objective sur le système social et son fonctionnement pour Lewin et
Argyris ; une connaissance sur la relative efficacité des modèles et outils de gestion
pour la recherche-intervention (David, 2000a et b) et la recherche ingénierique (Chanal
& alii., 1997 ; Claveau & Tannery, 2002).
D’autres approches, s’inscrivant dans la continuité des différents mouvements du
Tavistock Institute (en particulier le Mouvement de la Démocratie Industrielle
Norvégien, Emery & Thorsrud, 1976 ; Thorsrud, 1970), se donnent pour objet premier
la production d’un changement social. La production de connaissances, ici envisagées
comme le fruit d’une élaboration conjointe, d’un apprentissage mutuel entre chercheurs
et acteurs de terrain, sera la voie d’accès privilégiée à un tel changement. Les
interventions psychosociologiques à visée thérapeutique (Jaques, 1947, 1951), les
courants « militants » (Participatory Action Research, Fals-Borda & Rahman, 1991 ;
Hall, Gillette & Tandon, 1982) et coopératifs (Cooperative Inquiry, Heron, 1996 ;
Human Inquiry, Reason, 1994b ; Pragmatist Action Research, Greenwood & Levin,
1998 ; Participatory Action Research, Whyte, Greenwood & Lazes, 1991), conçoivent
certes de manière très différente la nature du changement visé, mais considèrent toutes à
leur manière que seule l’élaboration de connaissances par le chercheur et les acteurs de
terrain permet un changement véritable. Construction/changement de la réalité sociale et
élaboration de connaissances se confondent, de sorte que la connaissance est avant tout
un processus par lequel changer (ou qui change) cette réalité, et non l’objectif ultime de
l’intervention.

3
En employant le terme de pragmatisme, nous référons à la tradition philosophique du pragmatisme
américain dont les principes ont fortement inspiré la genèse de la recherche-action, en même temps qu’à
sa signification courante (avoir un esprit pratique, considérer les choses en fonction de leur utilité
pratique).

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