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L'Espagne, en forme longue le royaume d'Espagne (respectivement

en espagnol : España Écouter et Reino de España), est un État souverain transcontinental d'Europe du
Sud-Ouest, qui occupe la plus grande partie de la péninsule Ibérique. Le pays a une superficie de
504 030 km2 et une population de 47 millions d'habitants.
L'Espagne est bordée au nord-est par les Pyrénées, qui constituent une frontière naturelle avec
la France et l'Andorre ; à l'est et au sud-est par la mer Méditerranée, au sud-sud-ouest par le
territoire britannique de Gibraltar et le détroit du même nom, ce dernier séparant le continent
européen de l'Afrique. Le Portugal est limitrophe de l'Espagne à l'ouest tandis que l'océan
Atlantique borde le pays à l'ouest-nord-ouest ; enfin le golfe de Gascogne baigne le littoral nord. Le
territoire espagnol inclut également les îles Baléares en Méditerranée, les îles Canaries dans l'océan
Atlantique au large de la côte africaine, et deux villes autonomes en Afrique du
Nord, Ceuta et Melilla, limitrophes du Maroc.
L'Espagne en tant que pays est née de l'union dynastique au XVe siècle de deux États souverains,
les Couronnes de Castille et d'Aragon — elles-mêmes construites tout au long du Moyen Âge par
l'union ou la conquête d'entités politiques, culturelles et linguistiques initialement distinctes, qui se
retrouvent dans les multiples nationalités historiques reconnues par la Constitution actuelle de l'État
espagnol — et de l'absorption en 1492 du royaume de Grenade et en 1512 de la partie ibérique
du royaume de Navarre. Cet ensemble devient un État unitaire en 1715-1716 par la dissolution des
deux Couronnes en application des décrets de Nueva Planta. La monarchie catholique espagnole,
qui possède alors un immense empire colonial, est, du XVe siècle au début du XIXe siècle, une grande
puissance politique et économique. Elle connaît notamment un important rayonnement culturel dans
toute l'Europe durant le Siècle d'or espagnol (XVIe siècle-XVIIe siècle). L'influence espagnole a décliné
tout au long du XIXe siècle et au début du XXe siècle avec la perte de ses colonies, la montée
des nationalismes et la multiplication des crises politiques, économiques et sociales qui culminent
avec la guerre civile de 1936 à 1939 suivie d'une longue période de dictature
franquiste, conservatrice, militariste et nationale catholique de 1939 à 1975.
À la suite de la transition démocratique ouverte à la mort de Francisco Franco en 1975 et au
mouvement culturel qui l'a accompagnée, la Movida, l'Espagne est devenue une monarchie
constitutionnelle au régime démocratique parlementaire.
C'est un pays développé doté de la quinzième plus forte économie mondiale par PIB nominal (selon
les données du FMI d'octobre 2023)9 et d'un niveau de vie « très élevé ». C'est un membre de
l'Organisation des Nations unies, de l'Union européenne, de l'Union latine, de l'OTAN, de l'OCDE et
de l'OMC.
Histoire

Articles détaillés : Histoire de l'Espagne et Chronologie de l'Espagne.

Ibères et Celtibères au contact des civilisations méditerranéennes (avant


197 av. J.-C.)
Articles détaillés : Ibères et Celtibères.
La Dame d'Elche, considérée comme la meilleure expression de l'art
ibérique sculpté (V siècle av. J.-C.–IV siècle av. J.-C.).
e e

Les populations autochtones de la péninsule Ibérique s'appelaient les Ibères. D'après les éléments
livrés par l'archéologie et les recherches les plus récentes, il semble falloir abandonner l'idée que les
Ibères soient un peuple migrateur venu d'Afrique. Les Ibères connaissent un développement qui
prend sa source au début du Ier millénaire av. J.-C. et se termine avec la conquête romaine dans le
courant du IIe siècle av. J.-C.10. Leur territoire, qui a pu selon les époques représenter l'essentiel des
côtes du Levant espagnol ainsi que la partie occidentale du littoral méditerranéen de la Gaule a en
réalité connu des peuplements diversifiés11. La géographie et le climat ainsi que certaines
interactions avec d'autres peuples peuvent expliquer cela12.
Les premières populations ibériques à s'affirmer sont identifiées au sud de la péninsule. Celles-ci
semblent avoir dès le début du Ier millénaire av. J.-C. su exploiter les richesses minières de leurs
sols, afin d'en faire commerce avec d'autres populations méditerranéennes, et en particulier
les Phéniciens puis les Carthaginois13. C'est dans cette région qui comprend l'essentiel de
l'Andalousie actuelle et qui s'articule autour du bassin du Guadalquivir que va se développer la
culture tartessienne, qui utilise une langue, une écriture, une culture et une organisation sociale et
politique distincte de celle des peuples voisins, avec une forte influence phénicienne. Les troubles
géopolitiques qui affecteront le Proche-Orient durant le VIe siècle av. J.-C. ralentiront ces échanges,
et à partir de cette époque environ augmentera la visibilité des régions du nord de l'Ibérie : la région
de l'Èbre. Cette région, d'un caractère plutôt agricole en regard des territoires du Sud, miniers,
connaîtra un développement singulier et des relations avec les peuples du nord de la mer
Méditerranée : Gaulois, Grecs, et plus tard Romains. Les peuples ibères développent différents
systèmes d'écriture, dont l'écriture ibérique sud-orientale et l'écriture ibérique nord-orientale.

Bronze de Botorrita I, alphabet celtibère oriental.

À ce peuplement ibérique vont s'agréger au nord et à l'ouest des populations celtes, qu'on appelle
les Celtibères, à partir du XIIIe siècle av. J.-C. Ils adaptent l'écriture ibérique nord-orientale à
leur langue, donnant ainsi naissance à l'écriture celtibère.
À partir du IXe siècle av. J.-C., des comptoirs sont fondés sur les rivages méditerranéens par
les Phéniciens — essentiellement sur le littoral
sud, Gadès (actuelle Cadix), Malakka (Malaga), Onoba (Huelva), Sexi (Almuñécar), Ibossim (Ibiza),
ou encore, en Afrique du Nord, Russadir (Melilla), par exemple —, les Grecs — surtout sur la côte
orientale, Empúries (près de Gérone) par les Phocéens, Hēmeroskopeion (Dénia) par
des Massaliotes, par exemple — et les Carthaginois — avec Qart
Hadasht (Carthagène), Abyla (actuelle Ceuta) de l'autre côté du détroit de Gibraltar, ou encore Akra
Leuka (Alicante), Mahon (sur Minorque).
Hispanie romaine (197 av. J.-C. - 476)
Articles détaillés : Hispanie romaine, Conquête romaine de la péninsule
Ibérique et Romanisation de l'Hispanie.

Théâtre romain d'Augusta Emerita (Mérida).

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Les Romains conquirent la péninsule au IIe siècle av. J.-C., conséquemment à leur victoire
sur Carthage lors de la deuxième guerre punique. En 197 av. J.-C., ceux-ci divisent les territoires
ibériques qu'ils viennent de conquérir en deux provinces : l'Hispanie citérieure au nord, avec
l'ancienne cité égéenne puis ibère de Tarraco (Tarragone), devenue un campement et une colonie
romaine, comme capitale, et l'Hispanie ultérieure au sud, avec Corduba (Cordoue), un ancien site de
peuplement ibère devenu une place forte punique, pour capitale. Ils romanisent les plus importants
centres urbains préexistants de la côte méditerranéenne qu'ils ont conquis, et fondent des colonies
romaines ex nihilo (par exemple, Italica dès 206 av. J.-C. pour des vétérans de la deuxième guerre
punique). La Celtibérie est conquise à partir de 181 av. J.-C., grâce à l'appui d'un peuple rival,
installé plus au nord dans les régions pyrénéennes, les Vascons, mais l'avancée des Romains et de
leur culture s'y révélera plus lente, en raison de la résistance et des révoltes fréquentes
des Celtibères (comme en témoigne la guerre contre Numance de 153 à 133 av. J.-C.), ne se
terminant qu'en 19 av. J.-C. avec Auguste. La péninsule Ibérique est également l'un des terrains de
bataille des guerres civiles de la fin de la République romaine, notamment lors de la guerre
sertorienne opposant les partisans de Caius Marius alliés aux Ibères sous le commandement
de Quintus Sertorius à Rome désormais contrôlée par Sylla, de 83 à 72 av. J.-C. C'est également
en Hispanie que se joue en partie la guerre civile entre César et Pompée, les deux provinces étant
initialement fidèles à ce dernier et où Jules César mène deux campagnes victorieuses,
la première en 49 av. J.-C. et la seconde après la mort de Pompée, contre les derniers chefs des
Républicains (le fils de Pompée, Pompée le Jeune, et un ancien lieutenant de César, Titus
Labienus), de 46 à 45 av. J.-C. Lors de la réorganisation de la gestion de l'empire
par Auguste en 27 av. J.-C., celui-ci s'attribue les trois nouvelles provinces qu'il vient de créer
en Hispanie, qui deviennent ainsi des provinces impériales, afin de parachever la conquête puis la
pacification de la péninsule (ce qui est fait en 19 av. J.-C. après une campagne contre les
peuples celtibères des Cantabres et des Astures au nord).
L'Hispanie romaine sous Dioclétien.

L'Hispanie citérieure ou Tarraconaise, du nom de sa capitale Tarraco, la plus étendue, au nord et à


l'est, est celle où se concentre l'effort de conquête puis de pacification des Celtibères. Elle est
dirigée par un légat d'Auguste propréteur de rang consulaire et six légions y sont initialement
implantées pour la conquête (la Legio II Augusta jusqu'en 19 av. J.-C., la Legio I
Germanica jusqu'en 16 av. J.-C., la Legio III Macedonica jusqu'en 43, la Legio VI Victrix jusqu'en 68,
la Legio IX Hispana jusqu'en 13 av. J.-C., la Legio X Gemina jusqu'en 63). Après la victoire
d'Auguste en 19 av. J.-C. et la fin des campagnes, trois légions y sont laissées en garnison :
la Legio III Macedonica peut-être à Pisorica (Herrera de Pisuerga) ; la Legio VI
Victrix à Legio (León) ; la Legio X Gemina à Petavonium (Rosinos de Vidriales). Après 63 et jusqu'à
la chute de l'Empire romain, il n'en reste plus qu'une, en garnison à Legio : la Legio VI Victrix vite
remplacée par la Legio VII Gemina fondée en 68. Auguste a également fondé dans la province
plusieurs colonies romaines pour vétérans : par exemple, Caesaraugusta (Saragosse), qui se mêle
ainsi à la population ibère déjà installée dans la cité préexistante de Salduie. L'essor économique de
cette province est assuré par l'exploitation de l'étain dans les Asturies et par la production de blé, de
vin et d'huile d'olive, denrées exportées vers Ostie depuis les ports de la côte orientale dont
surtout Tarraco et Carthago Nova (Carthagène). À la suite de la réorganisation de l'empire menée
par Dioclétien entre les années 284 et 305, cette province d'Hispanie citérieure est la seule de la
péninsule ibérique à connaître des modifications territoriales en étant divisée en trois :
la Tarraconaise avec Tarraco au nord-est, correspondant plus ou moins aux communautés actuelles
de Catalogne, d'Aragon, de Navarre et du Pays basque, conservant Tarraco comme capitale ;
la Gallaecia ou Gallécie au nord-ouest, avec les communautés autonomes actuelles de Galice,
des Asturies et les provinces espagnoles actuelles de León et de Zamora, ainsi que le nord
du Portugal, avec Bracara Augusta (Braga) comme capitale et qui conserve l'unique légion
d'Hispanie ; la Carthaginoise, au centre et à l'est de la péninsule, sur les territoires actuels de
la communauté valencienne, de l'est de l'Andalousie, de la Murcie et d'une grande partie de
la Castille, avec Carthago Nova (Carthagène) comme capitale.

Vestiges du temple d'Auguste de Barcino (Barcelone).


La Bétique, qui tire son nom du fleuve Betis (aujourd'hui le Guadalquivir), correspondant plus ou
moins à l'actuelle Andalousie au sud, avec Corduba pour capitale. Pacifiée et déjà largement
romanisée, avec un réseau dense de cités (175, dont neuf colonies, du temps de Pline l'Ancien14),
elle est rétrocédée par Auguste au « peuple romain » vers 16 ou 13 av. J.-C., devenant ainsi
une province sénatoriale gouvernée par un propréteur. Aucune légion n'y est jamais implantée, et
cette province n'a connu que peu de troubles jusqu'au Ve siècle, à l'exception d'une expédition
de Maures révoltés venus d'Afrique du Nord vers 180. Elle est également riche sur le plan
économique, avec l'essentiel des ports intégrés au commerce impérial, et grâce à l'exploitation
minière ou encore la production et l'exportation du garum (par exemple à Baelo Claudia).
La Lusitanie, à l'ouest, correspondant en grande partie à l'actuel Portugal et à certaines régions
du León et de l'Estrémadure espagnol. Elle est dirigée par un légat d'Auguste propréteur de rang
prétorien, chargé à l'origine de pacifier et de contrôler les Lusitaniens, mais sans disposer d'aucune
légion. La province reste pour autant paisible jusqu'à la chute de l'Empire romain d'Occident, et
connaît, comme la Bétique voisine, une certaine prospérité économique grâce à l'exploitation
minière (notamment du cuivre et de l'argent, par exemple avec la mine de Vipasca à Aljustrel) ou à
la production et à l'exportation du garum. La colonie de vétérans d'Emerita Augusta (Mérida) en
devient la capitale.

L'Empire romain au III siècle.


e

L'Hispanie est, à la fin de la République romaine et au début du Principat, l'une des régions de
l'empire les plus romanisées. Ainsi, lorsque les Romains occupent les Îles Baléares en 123 av. J.-C.,
3 000 hispaniques parlant latin s'y installent. Le culte impérial s'y diffuse de manière d'autant plus
précoce - les plus anciens autels dédiés à un culte d'Auguste en Occident, les trois Arae
sestianae ou Arae Augusti, sont attestés dans le nord-Ouest de la Tarraconaise de son vivant,
vers 19 av. J.-C.15 - et d'autant plus rapidement que, comme l'a démontré Robert Étienne, les
peuples de la péninsule ibérique (tout particulièrement les Celtibères et les Lusitaniens) pratiquaient
déjà un culte au chef, ce dernier, considéré comme doté d'une aura surhumaine, pouvant exiger au
combat de ses hommes une dévotion allant jusqu'au don de leurs vies16. L'Hispanie est également
l'un des maillons importants du commerce impérial, ce qui favorise les échanges avec les autres
régions d'Europe et la richesse économique de la péninsule qui exporte des produits miniers
(argent, plomb, or), des céréales, de l'huile, du vin et du garum.
Vespasien (69-79) a octroyé le droit latin à l'ensemble des cités d'Hispanie, généralisant ainsi le
modèle institutionnel et juridictionnel du municipe latin dans la péninsule et permettant l'accès à
la citoyenneté romaine des anciens magistrats de ces cités. Des familles de l'élite hispanique
s'intègrent progressivement à l'élite impériale romaine : le philosophe et conseiller
impérial Sénèque ainsi que son neveu le poète Lucain sont issus d'une famille de Corduba ayant
accédé à l'ordre équestre ; grâce à ces derniers, le poète Martial, originaire d'une petite ville
de Tarraconaise, connaît une ascension sociale et devient chevalier sous Domitien ;
l'empereur Trajan (98-117) est un descendant de colons italiens d'Italica ; son fils adoptif et
successeur, Hadrien (117-138), est issu par son père de la même gens d'Italica, et par sa mère
d'anciens colons puniques romanisés de Gadès ; Théodose Ier (379-395) naît dans une famille de
l'aristocratie impériale installée à Cauca (Coca), près de Ségovie, et l'un de ses co-
empereurs, Maxime (384-388), est également originaire de Tarraconaise.
Le latin est la base linguistique d'où seront issues la plupart des langues parlées aujourd'hui dans la
péninsule (castillan, catalan, galicien, aragonais, portugais). Le droit romain continue également,
contrairement à d'autres régions de l'Europe occidentale, à être appliqué après la chute de l'Empire
et va fortement influencer les coutumes et normes juridiques du droit wisigothique puis du droit
féodal dans les royaumes chrétiens espagnols. La christianisation s'est faite relativement
rapidement à partir du IIe siècle, du littoral vers l'intérieur des terres, grâce à la présence romaine, et
est terminée au IVe siècle.
Invasions barbares et Royaume wisigoth (409-711)
Articles détaillés : Chronologie des invasions barbares en Hispanie, Royaume
wisigoth, Royaume suève et Spania.

Art wisigoth : couronne votive de Suintila, VII siècle (Musée archéologique national
e

de Madrid).

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Lors de la chute de l'Empire romain au Ve siècle, des barbares germaniques, les Suèves,
les Vandales et les Wisigoths envahirent l'Espagne. Les Vandales, installés momentanément au sud
de la péninsule passèrent rapidement en Afrique du Nord (actuelle Tunisie) et les Wisigoths
imposèrent leur loi jusqu'à la conquête musulmane. Ils conquièrent définitivement ce qui reste
du Royaume suève au nord-ouest en 584, puis la province byzantine de Spania (actuelles régions
d'Andalousie et du Levant) en 624. Seules une bande littorale et montagnarde au nord, peuplées par
les Cantabres, les Astures et les Vascons, romanisés et christianisés, vont échapper à leur contrôle.
Les traditions romaines et méditerranéennes sont conservées. À partir du VIIe siècle, si les habitants
sont tous qualifiés de « Goths » (Gothi), c'est pour les distinguer des « Romains » (Romani) ou
Byzantins. Jusqu'au VIIe siècle, on distingue principalement dans le royaume, les Gothi (c'est-à-dire
les Wisigoths) des indigènes hispano-romains (Hispani). Avec la conversion officielle des Wisigoths
au catholicisme (589), la multiplication des mariages mixtes, et l'abolition de la personnalisation des
lois par la promulgation d'un corpus législatif commun (le Liber Iudiciorum en 654), ces différences
s'atténuent. Le terme de Gothi finit par perdre son sens ethnique pour s'appliquer à la classe
dirigeante du royaume (peut-être dominée par des Goths), toutes origines confondues. Le
roi Chinthila (636-639) est à l'origine d'un édit stipulant que seul un « Goth » peut monter sur le trône
wisigothique.

L'église wisigothique de San Pedro de la Nave depuis le Sud-ouest.

Christianisés avant l'invasion, les Wisigoths sont initialement des adeptes de


l'arianisme jusqu'au IIIe concile de Tolède en 589 lors duquel le roi wisigoth d'Hispanie Récarède fait
adopter à l'Église ibérique l'orthodoxie nicéenne. L'Espagne wisigothique, avec des centres
importants tels Tolède (la capitale à partir de
554), Séville, Barcelone, Mérida, Cordoue ou Saragosse, devient un conservatoire de la culture
antique et le cadre d'une importante activité intellectuelle et religieuse, tout particulièrement incarnée
par l'œuvre de l'évêque Isidore de Séville. Le IVe concile de Tolède de 633, présidé par ce dernier,
unifie la liturgie dans l'ensemble du royaume, et le système politico-religieux alors établi, fondé sur
une association étroite entre roi et évêques, plaçant les seconds sous l'autorité du premier tout en
mettant celui-ci à la disposition et sous le contrôle des évêques, sera repris par
l'Église carolingienne. Le pays se spécialise dans les compilations et les florilèges, tout en
produisant des œuvres originales en histoire, en droit et en théologie. Les écoles fondées par les
évêques, qui transmettent la culture classique, forment aussi bien des clercs et des laïcs, et de
nombreux actes de vente conservés sur ardoise témoignent de la diffusion de l'écriture dans les
communautés rurales. Les Hispaniques du VIIe siècle continuent à vivre dans des villas de type
romain, décorées de fresques, au centre de vastes domaines agricoles ou artisanaux. Ils
construisent des églises de plan basilical ou cruciforme, dont seuls nous sont parvenus quelques
modestes exemples ruraux. Les architectes utilisent l'arc outrepassé, tandis que les sculpteurs
abandonnent la représentation de la figure humaine au profit de motifs géométriques, végétaux et
animaux où se mêlent les influences romaine, byzantine et orientale. L'orfèvrerie connaît un grand
essor, notamment dans l'atelier royal d'où sortent croix et couronnes votives qui, comme à Byzance,
sont suspendues au-dessus des autels.
Espagne médiévale : Al-Andalus et royaumes chrétiens de
la Reconquista (711-1512)
Articles détaillés : Conquête musulmane de la péninsule Ibérique, Al-
Andalus, Reconquista et Formation territoriale de l'Espagne.
Les colonnades de la cour des Lions des palais nasrides de
l'Alhambra à Grenade.

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Les Arabo-Berbères, menés par Tariq ibn Ziyad, conquirent le pays en 711. En 756, l'Espagne
musulmane (al-Andalus) prit son indépendance, sous le règne des Omeyyades de Cordoue. En 929,
le pays se transforme en califat. Au XIe siècle, le califat s'effondre et se fragmente en micro-États,
les taïfas ; on en comptera jusqu'à 25. Une certaine unité est retrouvée avec la conquête d'al-
Andalus par la dynastie berbère des Almoravides de 1086 à 1142, puis
avec celle des Almohades de 1147 à 1212. Al-Andalus se morcelle alors à nouveau en
plusieurs taïfas.
Quoi qu'il en soit, malgré ces divisions politiques, al-Andalus est l'un des pôles de l'âge d'or de
l'islam entre le milieu du VIIIe siècle et le milieu du XIIIe siècle, avec des centres au rayonnement
culturel important tels que Cordoue, Grenade ou Séville. Une Convivencia ou « Coexistence »
s'installe entre communautés musulmanes, chrétiennes et juives, favorisant des échanges culturels
et une relative tolérance religieuse à l'égard des dhimmi. Les chrétiens arabisés ou Mozarabes,
nombreux dans les villes de Tolède, Cordoue, Séville et Mérida, développent une liturgie,
une production artistique et une culture mélangeant maintien des traditions et des rites ibères ou
wisigoths et influence arabo-musulmane. Ils conservent, comme les muladi (anciens chrétiens
convertis à l'islam et leurs descendants, ou métis d'origines arabo-berbères et ibéro-wisigothiques),
au moins jusqu'au Xe siècle (époque où s'intensifie le processus d'acculturation et de substitution
linguistique au profit de l'arabe, ainsi que de conversion à l'islam), leurs dialectes romans, transcrits
en graphie arabe (aljamiado) et qui sont également pratiqués par les colons arabo-berbères. La
plupart de ces spécificités de la communauté mozarabe vont perdurer ou influencer (et être
influencées en retour) la culture et la liturgie grégorienne et clunisienne des chrétiens du Nord après
la Reconquista.
Un chantre lisant le récit de la Pâque dans une synagogue d'Al-
Andalus — illustration d'une Haggada de Barcelone, XIV siècle.
e

Il se met également en place un âge d'or de la culture juive en Espagne, avec le développement de
la culture séfarade, la transformation de la péninsule ibérique en pôle majeur du judaïsme européen
au Moyen Âge et la participation active de savants juifs au rayonnement scientifique, artistique et
intellectuel d'al-Andalus et aux transferts culturels entre civilisations antiques, arabo-musulmanes,
hébraïques et chrétiennes. Certains représentants de ces minorités religieuses - de manière
néanmoins très exceptionnelle - sont intégrés au pouvoir politique : Hasdaï ibn Shaprut, au Xe siècle,
médecin juif du calife Abd al-Rahman III, exerce en réalité auprès de lui et de manière officieuse une
fonction de vizir ; Samuel ibn Nagrela, au siècle suivant, grammairien, poète et talmudiste juif,
est vizir et chef des armées du royaume de Grenade. Toutefois, cette « coexistence » est
entrecoupée de périodes de durcissements des autorités musulmanes vis-à-vis des dhimmi : une
révolte chrétienne entre 852 et 886 entraîne une répression brutale notamment
à Cordoue, Burgos, Urbiena et Zamora ; le 30 décembre 1066, un important massacre de la
population juive a lieu à Grenade. À partir de la fin du XIe siècle, les Almoravides puis
les Almohades pratiquent une politique de propagation d'un islam strict et sont donc moins tolérants
à l'égard des minorités religieuses.
Les chrétiens, réfugiés dans le nord au sein du royaume des Asturies ou dans la Marche
d'Espagne de l'Empire carolingien, profitèrent de l'affaiblissement musulman lié à l'éclatement
politique d'al-Andalus et entamèrent la Reconquista (Reconquête en espagnol) qui prit fin
en 1492 avec l'élimination du dernier bastion musulman, le royaume de Grenade, sous le règne
des rois catholiques. Les campagnes des « empereurs de toute l'Hispanie » (Imperatores totius
Hispaniae : Sanche III de Navarre, Ferdinand Ier le Grand et Alphonse VI le Brave de León et
de Castille, Alphonse Ier le Batailleur d'Aragon puis Alphonse VII l'Empereur de Castille) de 1034 à
1157, du Cid Campeador dans les années 1080 et 1090, les prises de Tolède en 1085 ou
de Saragosse en 1118, la bataille de Las Navas de Tolosa en 1212, l'expansion aragono-
catalane menée par Jacques Ier le Conquérant à Majorque en 1229 et à Valence en 1238, les
conquêtes castillanes de Cordoue en 1236, de Murcie en 1243, de Jaén en 1246 et de Séville en
1248, et finalement l'entrée des rois catholiques à Grenade en 1492, marquent les événements
militaires les plus importants de cette Reconquista.
Le palais royal de l'Almudaina à Palma, exemple d'art
mudéjar catalano-majorquin.

Celle-ci s'accompagne d'une politique de « repeuplement » ou colonisation des terres de l'ancien al-
Andalus ainsi reconquises par l'installation de populations chrétiennes venues des régions
septentrionales notamment pyrénéennes, pauvres et surpeuplées, issues des
communautés mozarabes s'étant réfugiées au Nord pour fuir les persécutions ou originaires du nord
des Pyrénées (les Francos). Toutefois, dans de nombreuses régions, surtout en Murcie, dans
le royaume de Valence, aux Baléares ou dans la vallée de l'Èbre, d'importantes communautés
musulmanes se maintiennent. Ces Mudéjares, essentiellement des paysans pratiquant une culture
d'irrigation mais aussi des artisans spécialisés dans la maçonnerie ou l'industrie textile de la soie,
peuvent continuer à pratiquer leur religion, leurs langues et leurs coutumes avec plus ou moins
d'autonomie jusqu'à la fin du XVe siècle. Il en est de même pour les communautés juives séfarades.
Des soulèvements de Mudéjares, notamment à Valence en 1248 puis 1275, ou en Andalousie en
1264, entraînent des expulsions ou conversions forcées et donc le dépeuplement de certaines
zones telles que la vallée du Guadalquivir en Andalousie ou au sud du royaume de Valence, dans la
région d'Alicante. Les conquérants construisent ou transforment palais (Palacio de
Galiana à Tolède, Alcazar de Séville, Palais de l'Aljaferia à Saragosse, Palais royal de
l'Almudaina à Majorque), lieux de culte (cathédrale Santa Maria de Tolède, mosquée-cathédrale de
Cordoue, cathédrale Santa Maria de Valence, cathédrale de Palma de Majorque, cathédrale
de Santa María de la Sede de Séville) et bâtiments en développant un syncrétisme architectural et
artistique, l'art mudéjar. Tolède devient, à partir du XIIe siècle, un important centre de traduction
d'ouvrages scientifiques (en mathématiques, médecine, astronomie, par exemple), littéraires ou
philosophiques du grec, de l'arabe ou de l'hébreu au latin. Barcelone ou Murcie sont d'autres
importants centres de traduction et de circulation de savoirs scientifiques et techniques.

Vue de la Loge de la soie depuis le Marché central de Valence.

Les Royaumes chrétiens connaissent également une certaine prospérité économique, dans le
contexte de la « Renaissance du XIIe siècle » qui touche alors l'Occident. Aux exportations
traditionnelles de la péninsule ibérique durant l'Antiquité (vin, de Ribadavia en Galice par exemple,
ou huile), s'ajoutent celles de productions nouvelles, héritées d'al-Andalus ou de l'évolution des
techniques artisanales : de la métallurgie (armes de Tolède) ou de l'habillement, de la tannerie et du
textile (le cuir de Cordoue, la soie de Grenade, Tolède, Séville ou Valence, laines de Castille et
de León, draps du nord de la Catalogne notamment de Barcelone, de Perpignan ou de Villefranche-
de-Conflent). L'afflux de pèlerins venus de toute la chrétienté occidentale vers Saint-Jacques-de-
Compostelle assure également l'essor de cette ville et de la Galice. Barcelone surtout mais
aussi Valence sont des pôles importants du commerce méditerranéen, la Couronne d'Aragon ayant
établi, entre le XIIIe siècle et le XVe siècle, une véritable thalassocratie en Méditerranée occidentale,
capable de rivaliser avec les Républiques maritimes italiennes. La Galice, pour sa part, entretien des
liens commerciaux étroits avec d'autres régions du littoral atlantique, notamment l'Aquitaine,
la Normandie et l'Angleterre.

Grande Histoire Générale, de Alphonse X le Sage (Tolède, Espagne).


Manuscrit de la bibliothèque de l'Escurial.

Durant cette période, par unions dynastiques et conquêtes, quatre États souverains chrétiens se
sont lentement constitués en péninsule ibérique entre le IXe siècle et le XIIIe siècle : le royaume de
Navarre dès 824 ; la Couronne d'Aragon née en 1137 de l'union dynastique du royaume d'Aragon et
du comté de Barcelone, puis par conquête, essentiellement durant le règne de Jacques Ier (1213-
1276), de l'ensemble des autres comtés catalans ainsi que des royaumes arabo-
mauresques de Majorque et de Valence ; le royaume de Portugal, formé en 1139 ; la Couronne de
Castille fondée essentiellement durant le règne de Ferdinand III (1217-1252) avec l'union
dynastique en 1230 des royaumes de Castille et de León, puis la Reconquista des royaumes de
Cordoue, de Murcie, de Jaén, de Séville et de Niebla.
C'est également lors des quatre derniers siècles du Moyen Âge que les langues ibériques modernes
se fixent et se différencient des langues pré-romanes et les unes par rapport aux autres. Trois
d'entre elles, le castillan, le catalan et le portugais, portées par les cours aristocratiques, les milieux
savants et intellectuels notamment des ordres mendiants et le développement de ces États,
deviennent des langues littéraires - avec la diffusion du Cantar de mio Cid mis par écrit en 1207, les
activités de la cour d'Alphonse X (1252-1284) ou le développement à partir du XIVe siècle
des Romanceros pour le castillan, et avec les œuvres tant philosophiques, scientifiques que
romanesques écrites en prose par Ramon Llull (v. 1232-1315) à partir des années 1270, les Jocs
florals instaurés à Barcelone en 1393 et les productions littéraires du Siècle d'or
valencien au XVe siècle (Tirant le Blanc, Espill) pour le catalan -, administratives et juridiques.
Enfin, le Moyen Âge a vu s'installer la structure économique, sociale et territoriale de la péninsule
qui perdurera, sous de nombreux aspects, jusqu'au XIXe siècle. Les régions septentrionales, d'où est
partie la christianisation, sont vieilles chrétiennes, très denses et majoritairement rurales malgré une
urbanisation plus forte en Catalogne. La population est essentiellement constituée de petits
propriétaires terriens regroupés en communautés attachées à leurs privilèges (fueros ou fors),
bourgs castraux, villages ou hameaux. Ces propriétaires sont
des alleutiers catalans, basques ou navarrais, des petits chevaliers (les hidalgos ou infanzónes)
de Vieille-Castille, d'Aragon, de Galice, des A

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