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Dialectique de la Force : introduction philosophique à l'univers de La Guerre des Étoiles.

« Je n’irais pas jusqu’à dire que Star Wars est une série de films très religieux. Cependant, j’ai essayé d’y reformuler en des termes
contemporains des questions qui relèvent de la religion universelle. Depuis mon enfance, je me suis souvent demandé pourquoi il y
avait autant de religions différentes s’il n’y avait qu’un seul Dieu. J’en suis venu à la conclusion que chaque religion est valable dans
son contexte culturel propre, que toutes ces religions répondent à un besoin essentiel chez l’humain d’atteindre une paix intérieure
stable […] J’ai introduit la Force dans ces films afin d’éveiller un certain sens spirituel chez les jeunes : non pas la croyance à une
religion particulière, mais plutôt une intuition générale concernant l’existence d’un Être absolu. J’hésiterais à dire que la Force est
Dieu : j’ai simplement souhaité que l’idée de la Force stimule les jeunes à se poser des questions au sujet de ce suprême Mystère. Il
faut chercher, il faut s’interroger : c’est important d’en arriver à croire en quelque chose qui nous dépasse [ …] Je crois qu’il y a un
Dieu unique et absolu, même si je ne suis pas certain de ce qu’il est exactement. » (George Lucas, 1999)

La très célèbre série cinématographique de La Guerre des étoiles inclut 6 films répartis en deux trilogies : celle de
1977-80-83 et celle de 1999-2002-05. Ce sont à la fois des œuvres de science-fiction (avec planètes, astronefs,
robots et rayons laser) et des contes fantastiques ressemblant parfois à la trilogie du Seigneur des Anneaux (films de
2001-02-03)  car on y retrouve des chevaliers, des sorciers, et surtout, la mystérieuse énergie magique dont ils se
servent : La Force. Ce n’est donc pas seulement un cosmos de matérialisme et de machines (comme dans la trilogie
Terminator  1980-90-2003  et dans la trilogie de La Matrice  1998-2003-03  qui sont des films science-
fictifs sans aucune trace de surnaturel). Le cosmos de La Guerre des étoiles est influencé, de façon secrètement
magique, par une omniprésente énergie surnaturelle : La Force. Mais est-ce que cette énergie n’est que la pure
invention de l’auteur, George Lucas? Non : ce génial cinéaste a pris son idée de la Force dans ses cours
d’Anthropologie de niveau collégial et dans la philosophie orientale des arts martiaux. Rappelons par quels effets
cette énergie magique surnaturelle s’exprime dans la matière physique naturelle.

Premièrement, la Force de George Lucas exerce essentiellement une fonction biologique universelle : partout
où il y a de la vie ( comme le sage Yoda l’explique dans le film de 1980 ), cette énergie d’origine surnaturelle
réussit à pénétrer dans la Nature par la voie de micro-organismes ( les midichlorians, dans la terminologie de
Lucas) présents dans toutes les cellules. La fonction essentielle de la Force est alors de nourrir les organismes
vivants de l’intérieur : c’est une « énergie vitale » qui donne aux êtres une santé d’origine surnaturelle qui les
rend plus évolués que des machines. Deuxièmement, puisqu’elle relie tous les organismes vivants de l’Univers
de façon invisible et non scientifiquement mesurable, la Force s’étend comme une vaste toile secrète qui
« anime » et relie tous les êtres entre eux, même sur de considérables distances : grâce à elle, il y a donc une
mystérieuse télécommunication entre les « âmes » de tous les êtres vivants de l’Univers  même avec les
pierres, qui contiennent souvent des micro-organismes. Troisièmement, puisqu’elle est d’origine surnaturelle
tout en circulant partout où il y a de la vie, la Force peut jaillir des êtres où elle est particulièrement concentrée
pour produire des « effets spéciaux » spectaculaires dans le monde physique, comme par magie : par exemple,
des déplacements d’objets par concentration de la pensée ( télékinésie = psychokinésie) et des éclairs qui
semblent sortir de nulle part. Mais est-ce que la Force, à cause de son caractère surnaturel et magique, s’avère
être une espèce de dieu? Non et oui.
NON, dans le sens que le créateur des films n’a pas voulu faire de la Force une divinité qui remplacerait le
dieu suprême des chrétiens : « Je n’irais pas jusqu’à dire que Star Wars est une série de films très religieux ».
La Force est une énergie magique impersonnelle, et n’est pas du tout une personne divine. C’est comme dans
la série des Harry Potter : il y a plein de surnaturel et de pouvoirs magiques, sans jamais qu’on entende parler
d’une religion avec un (ou plusieurs) dieu. Les Star Wars et les Harry Potter laissent la question de l’existence
de Dieu complètement ouverte : la Magie n’exclut pas Dieu. La Force n’est pas Dieu : le créateur de Star
Wars a voulu laisser tout spectateur, quelle que soit sa préférence religieuse, libre de concevoir un dieu
suprême par-dessus la Force. Celle-ci n’est pas le créateur de l’Univers, et elle n’en est pas le maître absolu.
Alors que Dieu  dans la religion chrétienne ou islamique  est une personne précise qui habite au-delà de
l’Univers physique, la Force s’avère plutôt être une énergie impersonnelle et imprécise qui se diffuse à
l’intérieur même de la Nature. Le sage Yoda, dans le film de 1980, explique cela au héros Luc, alors que celui-
ci est venu étudier sous sa direction, dans les marécages de la planète Dagoba :
 L’énergie de la Force entoure tous les êtres et les relie les uns aux autres. Cette énergie fait de nous des êtres
lumineux : nous sommes bien plus que de la grossière matière. Il faut sentir la Force tout autour de nous ici,
entre toi et moi ; là-bas, entre les arbres et les roches. Partout. 
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OUI, dans ce sens de Yoda, on pourrait alors dire que la Force est une espèce de mystérieuse divinité qui
circule mystérieusement à l’intérieur même de l’Univers et de la Nature : cette conception est appelée par les
anthropologues de l’« animisme », en référence à certaines religions dites « primitives »  comme les plus
anciennes bases des religions des tribus amérindiennes et africaines. On dit parfois « panthéisme » (du grec
pan, partout + théos, dieu = divinité qui est partout [dans la Nature] ), ces religions primitives ne pouvant se
représenter abstraitement un Dieu surnaturel trop éloigné, préférant sentir concrètement la présence immédiate
de l’Esprit (= énergie, force magique) qui anime secrètement la Nature de l’intérieur et partout  plutôt que de
l’extérieur et ailleurs (dans l’Au-delà), comme dans le christianisme et l’islamisme. Une étude biographique de
George Lucas révèle qu’il aurait pigé sa conception de la Force dans un cours d’Anthropologie de niveau
collégial. On peut aussi reconnaître qu’il aurait été influencé par la philosophie essentielle des arts martiaux de
l’Extrême-Orient (Chine, Corée, Japon), où l’énergie spirituelle et magique profonde que doit apprendre à
explorer et maîtriser tout élève avancé des authentiques arts martiaux : cette force secrète du corps humain
s’appelle le tch’i (en langue chinoise) ou k’i (en japonais)  le symbole qui la représente signifiant l’ « le
souffle ou esprit essentiel de la vitalité ».
La conception de Star Wars est définitivement de type « animiste » : la Force est bel et bien une énergie
magique/esprit surnaturel qui se retrouve partout dans l’Univers. Mais quelques personnages, dans Star Wars,
ne croient pas tellement dans la Force parce qu’ils ne possèdent pas le pouvoir spécial de la sentir. Le
contrebandier Han Solo se référait à cette croyance animiste en des termes très sceptiques :
I’ve flown from one side of this Galaxy to the other. I’ve seen a lot of strange stuff.
But I’ve never seen anything to make me believe there’s one all-powerful Force controlling everything.
No mysterious energy field controls my destiny. 

Le verbe « contrôler » revient à deux occasions : en cela, Han Solo se trompe, c’est un ignorant sceptique qui
ne comprend pas le type d’influence que la Force exerce sur l’Univers. Il s’imagine que la Force est une
espèce de dieu tout-puissant et dominateur, alors que les Maîtres de la Force en ont une conception de type
animiste : la Force « anime » les êtres vivants de l’intérieur, elle ne les domine pas de l’extérieur.

Concernant Star Wars et la nébuleuse notion de « La Force », nous avons dit que cette énergie universelle était
« surnaturelle » et « magique ». Qu’est-ce? Nous retrouvons de la « magie » dans les séries du genre Harry
Potter et The Lord of the Ring. Nous en trouvons aussi dans les « jeux de rôle » (en anglais : RPG) des jeux de
tables, des jeux vidéo, des jeux d’ordinateur. Et par ailleurs, nous pouvons percevoir des influences magiques
invisibles dans des méthodes divinatoires (comme l’astrologie).
Quelle est la différence entre la Magie et la Religion? Il s’agit là de deux formes de pensée irrationnelle qui sont
souvent étroitement associéessurtout dans les religions qui n’appartiennent pas aux trois grands monothéismes
(judaïsme, christianisme, islamisme). On pourrait les distinguer ainsi : La Religion est une forme de pensée
métaphysique qui relie l’être humain au Divin et de pensée éthique qui soumet l’être humain aux lois morales
provenant du Divin, alors que la Magie est une forme de pensée métaphysique qui perçoit et qui manipule les
forces, énergies, pouvoirs du Surnaturelavec ou sans une dimension religieuse directe.

Un exemple de religion très magique est le vaudou haïtien, alors qu’un exemple de religion anti-magique est le
christianisme  quoiqu’un observateur neutre puisse y trouver des croyances et des pratiques ressemblant
beaucoup à de la magie. Dans la série des Harry Potter, il n’y a aucune religion : la Magie se déroule comme une
série de techniques et d’événements dont les effets spéciaux mettent en branle le Surnaturel sans la moindre
référence à une forme religieuse particulière. Dans le passé, cela n’est jamais arrivé : dans l’Histoire, ceux qui y ont
pratiqué la Magie ont toujours étroitement associé leurs croyances et rituels à la Religion . Même dans la série du
Seigneur des Anneaux, il y a derrière une backstory (qui n’est pas présentée dans les films ) avec un Dieu suprême de
Lumière, que les bons magiciens (comme Gandalf) servent, et un « ange » révolté des Ténèbres (Morgoth), que les
méchants sorciers (comme Sauron) servent. Disons que l’auteure des Harry Potter a voulu rendre ses œuvres
diplomatiquement recevables (par les parents des enfants qui aiment ses œuvres ) en n’imposant pas un cadre
religieux qui aurait choqué les parents, dont la plupart appartiennent à une grande religion ( le christianisme) qui a
un fort préjugé contre la Magie.

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Quelle est la différence entre la Magie et la Science? Alors que la Magie et la Religion font souvent bon ménage, la
Magie et la Science s’avèrent être fondamentalement incompatibles et opposés : La Magie est une forme de pensée
irrationnelle qui croit dans le Surnaturel, la Métaphysique, l’Âme, et qui se déroule selon des règles fantastiques,
bizarres et mystérieuses (pas facilement explicables et prouvables), alors que la Science est une forme de pensée
rationnelle qui croit seulement dans la Nature, le Physique, la Matière, et qui se déroule selon des règles
mathématiques, prévisibles et claires (toujours expliquées et vérifiables) . Alors que la Magie peut admettre une
coexistence avec la Science (dont elle respecte le domaine propre, où elle n’opère pas ), la Science ne peut pas du tout
reconnaître la validité de la Magie, dont elle n’admet pas le principe de base : que des forces magiques d’origine
surnaturelle peuvent influencer les forces physiques de la Nature. En plus de cela, la Science ne respecte pas les
théories superstitieuses, les explications bizarres, et le manque de vérification expérimentale rigoureuse qu’on
retrouve dans les croyances et les pratiques de la Magie. L’astrologie en est un très bon exemple : pour un
astrophysicien, il n’y a aucune raison valable et aucune preuve qu’une planète ( un corps physique qui n’a rien à voir
avec le psychologique) puisse avoir le moindre impact sur la personnalité d’un individu.

Prenons, par exemple, la problématique des pouvoirs paranormaux qui produisent des effets spéciaux  comme
nous en entendons parler dans les légendes, la littérature, la télévision, le cinéma. La Science actuelle, au début du
21e siècle, n’admet pas encore l’existence de pouvoirs paranormaux de l’être humain, et ce, pour deux principales
raisons : il n’y a pas de vérification expérimentale crédible et reproductible d’humains pouvant exprimer, de façon
régulière, des pouvoirs paranormaux (en dehors des dons prodigieux de certains êtres exceptionnels, qui sont en fait
des talents normaux poussés à un niveau de performance extrême ), et il n’y a pas de théorie scientifique valide (par
exemple : un modèle neurologique de zones spéciales du cerveau) qui peut expliquer une origine physique à des
pouvoirs paranormaux. Mais par ailleurs, à un niveau d’abstraction générale et hypothétique, la Science peut
admettre que le cerveau humain et les forces naturelles soient potentiellement capables de pouvoirs paranormaux
(comme la télépathie) : c’est juste que la Science actuelle connaît très peu de choses à ce sujet. Les romans et films
du genre Star Trek et XMen ne comportent aucune croyance dans le Surnaturel et la Magie : tous les pouvoirs
paranormaux qu’on y trouve auraient une origine purement physique et une explication purement scientifique 
même s’il s’agit d’une science-fiction anticipatrice du Futur  alors que la série des Star Wars mélange la Science
et la Magie, puisque les pouvoirs paranormaux, dans un contexte futuriste de civilisation technologique, tirent
leur origine dans le Surnaturel  « La Force » y étant essentiellement une mystérieuse énergie magique. Par
exemple : si un membre des X-Men déplace un objet par la pensée ( = télékinésie, psychokinésie), ce pouvoir
paranormal provient d’une origine biophysique (le cerveau modifié d’un « mutant » biogénétique), alors que si un
membre des Jedi déplace un objet par la pensée, ce pouvoir paranormal provient d’une origine métaphysique
(l’énergie surnaturelle que le Jedi manipule par magie ). Prenons un autre exemple : celui des arts martiaux d’origine
orientale. Dans la conception matérialiste américaine de ces arts martiaux, le développement de pouvoirs spéciaux
de combat se base seulement sur des facteurs physiquement corporels (biomécaniques et neurologiques) : on entraîne
les muscles, les membres, les réflexes nerveux ( neuro-moteurs), la respiration, la concentration et la coordination
cérébrales, la maîtrise cérébrale de la volonté et des émotions, la santé médicale  sans aucune référence à des
pouvoirs ou forces d’origine surnaturelle ( sauf lorsqu’il s’agit d’imiter de la religion orientale seulement pour aider la
concentration du cerveau). Alors que dans la conception spiritualiste extrême-orientale de ces mêmes arts martiaux,
les techniques de gymnastique purement physique doivent obligatoirement et essentiellement être nourries par une
philosophie religieuse (le taoïsme ou le bouddhisme chinois, ou encore, le bouddhisme zen japonais ) et par un culte
magique de la « force vitale » (= tch’i en chinois, ou k’i en japonais)  le physique seul ne suffit pas.

L’originalité philosophique des films de la série Star Wars, c’est qu’on y trouve plus que des batailles
militaires de vaisseaux et d’armes futuristes. Il y a une certaine réflexion au sujet du Surnaturel et sur le choix
moral entre le Bien et le Mal. Ce dernier point, d’ordre éthique, se retrouve toujours dans les films de science-
fiction, mais c’est habituellement sous une forme politique : des méchants empires dictatoriaux ( comme ceux
des Klingons et des Romulans dans la série Star Trek) menacent des peuples plus libres et démocratiques  à
l’américaine, comme la Fédération des peuples dirigée par l’Humanité, dans Star Trek. On retrouve cela dans
la trilogie classique de Star Wars (et dans le film de 2005) : il y a d’une part une méchante dictature, The
Empire, et d’autre part les bons guerriers qui veulent rétablir la démocratie intersidérale  The Republic. Dans
la plupart des films de science-fiction, c’est l’orientation politique ( sociale) qui détermine l’orientation éthique
(morale). Par ailleurs, dans la série Star Wars, la définition du Bien et du Mal, exprimée surtout en tant que
Lumière et Ténèbres, provient fondamentalement de l’association de l’individu à des valeurs spirituelles. Il

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n’y a pas un dieu suprême, dans Star Wars, comme les chrétiens l’entendent, mais il y a une réflexion sur
l’influence mystérieusement magique et moralement contradictoire d’une Force surnaturelle!
Ainsi donc, dans la vision du monde de Star Wars, il y a plus qu’une perspective scientifique ( surtout
astrophysique et high-tech) : il y a aussi une perspective métaphysique et magique ( la Force et les êtres
exceptionnels qui peuvent en maîtriser les pouvoirs). Avant d’en traiter la perspective éthique ( morale) et
politique, il nous reste à relier la métaphysique de Star Wars à la métaphysique des premiers philosophes
grecs. Après avoir examiné la dimension métaphysique, surnaturelle et magique de la Force, dans Star Wars,
nous en arrivons ainsi à sa dimension éthique : quelle est l’origine et la définition du Bien et du Mal dans cette
série de films, et en quoi sa conception morale peut-elle être utile pour comprendre les problèmes humains
actuels?
Sur la conception morale de STAR WARS

Dans plusieurs religions, et même au cinéma, le Bien est prédestiné à toujours triompher du Mal. C’est le cas dans
le Monothéisme judéo-chrétien/islamique : Dieu est infiniment bon et lumineux, par définition et sans discussion
aucune. C’est aussi le cas dans la philosophie grecque classique : chez le grand penseur PLATON (428 à 347), la
principale qualité de la Divinité est le Bien, valeur suprême qui représente, pour Platon, l'Harmonie parfaite, la
Sagesse ordonnée et modérée. Pour Platon, tout comme pour la religion chrétienne, la Divinité ne peut pas être à
l'origine du Mal, car la Perfection divine ne peut contenir rien de laid ou de malicieux. Pour les chrétiens et pour
plusieurs philosophes grecs, le Mal apparaît quand les Âmes choisissent librement d’utiliser leur liberté pour se
rebeller contre la Lumière et l’Harmonie célestes et pour répandre le chaos et le conflit  la plupart du temps à
cause de l’égocentrisme orgueilleux, prétentieux, trop ambitieux et avide ( ce que les Grecs appelaient le vice de
l’ubris, dont provient le mot « hybride » pour désigner ce qui est démesuré, monstrueux ). Le mythe judéo-chrétien de
Lucifer, le trop brillant et orgueilleux archange qui s’est révolté contre Dieu, créant ainsi le Mal par sa révolte
égocentrique, illustre cette perspective que le Mal apparaît de l’extérieur de Dieu.
Si la très grande majorité des religions et des philosophies supposent la suprématie éternelle du Bien et de la
Lumière, il existe toutefois quelques conceptions spirituelles minoritaires qui ont essayé de poser une équivalence
essentielle entre deux Principes ( ou Esprits) métaphysiques, qui se retrouvent éternellement confrontés l’un à
l’autre :
le pôle positif Bien/Lumière/Ordre/Amour/Paix  et  le pôle négatif Mal/Ténèbres/Chaos/Haine/Conflit.

On appelle ce genre de morale métaphysique du « MANICHÉISME » (du prophète irakien Mani, qui vécut de +216 à
276, et qui donna son nom à toute forme de « dualisme » moral où aucun des deux termes n’est absolument assuré de
l’emporter sur l’autre).

Le créateur de Star Wars (G. Lucas), dans son design de l’idée de « Force », a fusionné deux conceptions
métaphysiques d’origines historiques différentes : l’ANIMISME (ou croyance dans l’Énergie vitale et magique qui
« anime » secrètement tous les êtres de l’Univers) + le MANICHÉISME (ou croyance ici que l’Énergie est polarisée
entre deux « côtés » inverses et opposés).

La « Force » est essentiellement divisée en deux pôles ou « côtés » qui représentent des valeurs métaphysiques et
morales contradictoires : le côté lumineux du Bien  et  le Dark Side maléfique. Aucun des deux côtés ne peut
l’emporter sur l’autre de façon permanente : leur lutte est éternelle, avec un dynamique mouvement de balancier
qui fait qu’un côté peut temporairement triompher de l’autre.

Un perpétuel conflit des Ténèbres et du Mal contre la Lumière et le Bien : telle est la conception
métaphysique et morale de Star Wars. Cette formulation demeure abstraite : mais comment le conflit se joue-
t-il de façon existentielle ?
Au niveau des individus, chaque être vivant est intérieurement affecté par le Conflit, puisque la Force
« anime » tous les êtres dans le plus profond d’eux-mêmes : le conflit interne à la Force s’exprime donc
nécessairement dans chacun des êtres vivants, qui se trouve alors à être psychologiquement et moralement
tiraillé entre un bon côté aimable et raisonnable  et  un dark side agressif et désordonné. Mais Star Wars
s’intéresse encore plus aux individus héroïques.
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Au niveau des individus héroïques, c’est-à-dire chez ceux où la Force s’avère être plus intense et qui ont reçu
un entraînement élitiste pour en développer les pouvoirs spéciaux  chez les bons chevaliers Jedi et les vilains
guerriers & sorciers du Dark Side (surtout les membres de la société secrète des Sith : Darth Sidious, Darth
Maul, Dark Tyrannis, Darth Vader)  le drame psychologique et moral intérieur du tiraillement entre les deux
côtés de la Force peut se jouer de façon passionnée et spectaculaire. Et pourtant, à un extrême, celui de la
Lumière, les grands héros Jedi semblent complètement identifiés au Bien : c’est le cas de Yoda, Obi-Wan
Kenobi, Mace Windu, qui ne sont jamais intérieurement séduits par le Dark Side. Aussi, à l’autre extrême,
celui des Ténèbres, il y a des anti-héros Sith qui ont été totalement possédés par le Mal : c’est le cas de Darth
Sidious/Palpatine et de son disciple Darth Maul. Mais par ailleurs, le drame psychologique et moral de la
Force divisée s’avère être plus ambivalent et problématique chez certains autres héros, qui sont moins
assimilés à l’un ou l’autre extrême : c’est le cas du comte Dooku (un noble Jedi qui se fait séduire par le Dark
Side et qui devient un Sith, sous le nom de Darth Tyrannis), c’est le cas de Luke Skywalker (un tout nouveau
Jedi qui réussit à résister à la séduction du Mal), et surtout, d’Anakin Skywalker (le très puissant Jedi qui se
fera avoir par le Dark Side, devenant dans l’épisode III de 2005 le féroce chevalier noir Darth Vader, pour
enfin redevenir un bon Jedi à la fin de l’épisode VI  déjà publié en 1983  par amour pour son fils Luke).
Indépendamment de la croyance métaphysique dans des influences surnaturelles, on peut s’interroger sur
les traits de personnalité et les faiblesses de caractère qui rendent les êtres humains vulnérables à déraper
vers le Mal. L’Histoire est remplie d’exemples célèbres d’individus qui étaient au départ du côté du Bien et
qui ont dramatiquement glissé vers le Mal.
Examinons le cas d’Anakin Skywalker, qui illustre le mieux ce qui rend un individu vulnérable au dark side
de la nature humaine  et faisons-le sans aucune référence à une « force » surnaturelle, juste par de la
psychologie morale. Anakin apparaît tout d’abord, dans l’épisode I ( 1999), sous la forme d’un gentil enfant
blond âgé de 10 ans. Sans tenir compte de son talent manuel pour la mécanique (construire & réparer des
machines + piloter des engins rapides), qui est présenté comme un don technique moralement neutre, il n’y a
rien de notable, dans la personnalité de l’enfant, qui indique un potentiel pour la violence et le Mal  c’est
pourquoi des critiques du film ont dénoncé cette absence d’un potentiel sombre qui aurait constitué un
enracinement passé pour ses vices d’adulte. Dans quelle mesure peut-on détecter, chez un enfant, un potentiel
moral et psychoaffectif pour le Mal? Ensuite, dans l’épisode II ( 2002), l’enfant est devenu un jeune adulte de
20 ans (sa crise d’adolescence n’a pas été traitée : elle s’est déroulée entre les deux films). Dans quelle mesure
la crise d’adolescence peut-elle moralement et psychologiquement faire déraper un enfant vers le Mal? Ceci
n’est pas traité dans les films, mais si on examine les traits et défauts de caractère du jeune homme de 20 ans,
on peut deviner ce qui s’est passé durant ces dix années. Au courant de son adolescence, l’enfant Anakin a été
le principal élève d’un professeur en arts martiaux : le Jedi Obi-Wan Kenobi. Diverses caractéristiques
psycho-morales d’Anakin apparaissent alors, à 20 ans, comme étant potentiellement très problématiques :
1) une impulsivité agressive de fonceur qui ne réfléchit pas assez avant d’agir + 2) une impulsivité
agressive de batailleur qui préfère les solutions violentes aux solutions modérées + 3) un orgueil
vaniteux qui demande trop d’attention et d’admiration + 4) une impulsivité orgueilleuse qui le
rend trop rebelle et indiscipliné face à ses éducateurs + 5) une égocentrique et ambitieuse « volonté
de puissance » qui recherche le Pouvoir sans la modération humaniste de la Sagesse + 6) une
opinion politique simpliste et autoritaire qui exprime un idéalisme fanatique qui préfère les
solutions radicales + 7) un manque de jugement modéré et sceptique qui le rend incapable de
détecter les manœuvres et les manipulations du Mal.
Dans le tragique épisode III (qui est sorti en mai 2005), ces traits de caractère et défauts de personnalité sont
exploités par un très intelligent manipulateur (le chancelier Palpatine, qui est en vérité le magicien noir Darth
Sidious). C’est souvent ce qui arrive, dans la Vie, aux hommes d’action trop agressifs, impulsifs, et moralement
irréfléchis : ils se font manipuler et embarquer par des dominateurs charismatiques qui savent donner un sens et un
cadre à toute cette énergie spontanée. Aussi, le manipulateur (lui-même un très ambitieux égocentrique) s'avère un
habile flatteur : il sait dispenser les compliments, récompenses, honneurs qui vont particulièrement séduire et
corrompre les narcissiques (dans le genre d'Anakin). Mais en fin de compte, c'est le dark side de la Force qui
pousse Anakin dans le Mal pur : le héros massacre des enfants et devient "Darth Vader".

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