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ÉRIC GEOFFROY
INITIATION
AU SOUFISM
FAYARD
L'ESPACE INTÉRIEUR
Documents spirituels
4 ea et son ange
uns Liran et laphilosophie
: Abin Daniélou
: Shiva et Dionysos
Va Le
LA
FRE secrète de la déesse Tripurà
1 réduit du sanskrit parMichel Hulin
| … L'Edda poétique
textesradin
: des langues scandinaves
He du Régis Boyer
a Re _ Julius Evola
A . ©Leyoga tantrique
PER ER Haïku
anthologie réunie et adaptée en français
1067 pur Roger Munier
| préfæede Yves Bonnefoy
Hatha-Yoga-Pradip ikâ
| mduit” sanskrit par TireMichaël
bio Tzutsu
Le kôan Zen
Christian Jamber
L'acte d’être
Digitized by the Internet Archive
in 2023 with funding from
Kahle/Austin Foundation
https://archive.org/details/lesoufismevoiein0000geof
INTTIATION AU SOUFISME
DU MÊME AUTEUR
Initiation au soufisme
Fayard
Système de translittération des caractères arabes
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7
AVANT-PROPOS
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DÉFINITIONS ET BUTS
1MCOr 5763;
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Une mystique?
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APPROCHES
Connaissance et amour
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à la
n’était pas nécessaire de donner un nom particulier
alors
voie intérieure de l'islam. La nouvelle religion était
vécue dans sa plénitude, exotérique comme ésotérique,
car les Compagnons de Muhammad voyaient dans le
Prophète le modèle de l'homme « réalisé ». Le compa-
gnonnage (s#4ba) résumait à lui seul tout le bénéfice spi-
rituel que l’entourage du Prophète retirait de lui. Dans
cette proximité de la source lumineuse prophétique, ter-
minologie et doctrine n'avaient pas lieu d’être. Un
cheikh du x‘ siècle affirmait : « Le soufisme était aupara-
vant [à l’époque du Prophète] une réalité sans nom; il
est maintenant un nom sans réalité’. » Pour Shibli, l’un
des grands maîtres de Bagdad, qui affectionnait le para-
doxe, le fait que les soufis aient reçu un nom provient
des résidus de leur ego. S'ils avaient été réellement
transparents, dénués d’attributs propres, aucun nom
n'aurait pu leur être attribué.
. La doctrine et la terminologie du tasawwuf prennent
forme pour l'essentiel au 1x° siècle, époque de la « col-
lecte » ou «codification » (/zdæwfîn) de la doctrine :isla-
mique, qui dès lors se constitue en différentes sciences :
les « fondements du droit », les « fondements de la reli-
gion», le «droit comparé», la «terminologie du
hadîth », le « commentaire coranique » n’existaient pas
plus du temps du Prophète que le « soufisme ». Le
terme sa/afi, qui désigne les musulmans modernes se
réclamant des premiers croyants (s4/af) et rejetant tous
les apports doctrinaux, notamment mystiques, apparus
au cours des siècles, n’a pas davantage d’appui scriptu-
raire*.C’est donc un devoir de mémoire pour les musul-
mans contemporains de porter au soufisme un égard
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La Voie initiatique
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Nous les
auront lutté [spirituellement] en Nous, certes
sur Nos chemins. Dieu est avec ceux qui
dirigerons
définir la
recherchent l’excellence » (Cor. 29: 69). Pour
é-
Voie initiatique, les maîtres utilisent le symbole géom
sente la Loi divin e
tique du cercle. Le cercle repré
(Shart‘a). La plupart des hommes resten t toute leur vie
-
sur cette limite, c’est-à-dire se contentent d’une obser
vance extérieure de la religion. Seuls certains entre-
prennent le voyage initiatique qui les conduira jusqu’au
centre, là où ils ont accès à la Réalité intérieure (Hagîqa)
du message divin et, au-delà, de toute chose manifestée.
Sharî'a
Loi cosmique et humaine
Norme extérieure de toute religion
Voie large, commune
Tariqa
Voie étroite,
reliant l'extérieur à l'intérieur
l'apparence à l'essence
l'écorce au noyau
Haqîqa
Réalité intérieure de
tout ce qui est crée, de toute
Loi, de toute religion.
Dieu sous son Nom
al-haga, le Réel
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désignée »
parmi nous qui n’ait une station (#”agâm)
(Cor. 37 : 164). Le premier à avoir évoqué une gradation
plus
initiatique en dix étapes serait l’imam ‘A, mais
en
généralement on attribue la formulation de la Voie
stations et états à Dhû I-Nûn Misrf (m. 859).
repen-
Parmi les stations figurent, entre autres, le «
»,
tir », le « renoncement », le « dénuement face à Dieu
l’« endurance », le « contentement ». Parmi les états: te
la
« désir de Dieu », l’«amour », la « contemplation »,
« proximité de Dieu », l’« intimité ». Au regard du carac-
tère ambivalent de la conscience humaine, certains états
ou stations sont présentés par couples, ceux-ci étant à la
fois opposés et complémentaires : la « crainte de Dieu »
fait face à l’« espoir » placé en Lui, le « resserrement » à
la « dilatation », etc. Ces classifications restent « schéma-
tiques », comme le rappelle René Guénon*, car le
nombre et l'ordonnance des stations et états varient
considérablement d’un auteur à l’autre. Certains soufis
laissent entrevoir « mille stations» ou «des stations
innombrables ». La Voie initiatique, en effet, n’est pas
exempte d'illusions d'optique: « Chaque fois que je
croyais être parvenu au terme de la Voie, confesse Abû
Yazîid Bistâmf, on me signifiait que c’en était le début”. »
De la même façon, ce qu’un soufi définit comme une
«station » peut être qualifié d’« état» par un autre. Il
faut donc nuancer l’opposition entre ces deux formes, car
l’une et l’autre sont interdépendantes. Ansârî Harawî ras-
semble les deux sous le nom de « demeures » (”anûâail).
À un certain degré d'initiation, le soufi est libéré de la
dualité; pour lui, «il n’y a plus ni état ni station* ». Ibn
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LAC COnREL TR
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Se
même Ruwaym, dans lequel le gnostique voit Dieu
e de
révéler. Dhû I-Nûn insiste sur cette saisie direct
Dieu: « Comment as-tu connu ton Seigneur? », lui
demanda-t-on. «J'ai connu mon Seigneur par Lui-
même!. »
Inspiration et dévoilement sont indispensables pour
celui qui veut se frayer un chemin vers ce Dieu qui Se
présente comme « la Lumière des cieux et de la terre »
(Cor. 24 : 35). C’est pour cette raison que tous les soufis
ont cherché à accueillir en eux l’« irradiation » (tajalfi) de
cette lumière. Dégageant la nature humaine de son opa-
cité, de la même façon que le soleil chasse l’obscurité?,
cette théophanie révèle Dieu au cœur de l’homme. Le
simple croyant, observe Sarrâj, voit par la lumière de
Dieu, tandis que le gnostique voit par Dieu Lui-même É
Plus tard, Ibn ‘Arabî expliquera comment la multiplicité
se déploie à partir de l’Unicité, par une succession inin-
terrompue de théophanies prenant des formes innom-
brables. Le soufi voit donc Dieu en tout être, en toute
chose manifestée. À la différence de l’ascète, il ne rejette
pas le monde puisque celui-ci est pour lui illuminé par la
Présence divine. « Les êtres n’ont pas été créés pour que
tu les voies, mais pour que tu voies leur Maître en eux »,
dit Ibn ‘Atâ Allâh*. Le Coran incite l’homme à maintes
reprises à décrypter les « signes » (4y4/), à contempler
Dieu en contemplant Sa Manifestation. « Nous leur
montrerons Nos signes dans l’univers et en eux-mêmes
jusqu’à ce qu'ils voient que c’est le Réel [Dieu] »
(Cor. 41:53).
12 /403,D.23185.
PC COOP Nr
3. Luma', p. 41.
4. La Sagesse des maîtres soufis, traduit de l’arabe par É. Geoffroy,
Paris, 41996/p:51E
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plei-
femmes se réclamant du fasawwuf aspirent à vivre
et non pas
nement l'islam, dans toutes ses dimensions
seulement en adhérant au dogme ou à la loi. En aucun
que
cas, le soufisme ne saurait être assimilé à une mysti
ou à un ésotérisme parallèle ou contraire à l'isla m. Si cer-
tains soufis, en réaction au formalisme autori taire des
juristes, ont adopté des attitudes antinomiques et provo-
»
catrices, ils sont toujours restés — sauf « déviations
caractérisées — dans la sphèr e de l’isla m.
Bibliographie :
Maintes définitions du soufisme sont données dans les
manuels de soufisme que nous citons de l’arabe. Deux manuels
seulement ont été traduits en français:
Kalâbâdhi, Traité de soufisme, wad. par Roger Deladrière, Paris,
1981.
Hujwiri, Somme spirituelle, trad. par Djamshid Mortazavi,
Paris, 1988.
Voir par ailleurs :
Titus Burckhardt, {ntroduction aux doctrines ésotériques de
l'islam, Alger-Lyon, 1955 (rééd. récemment).
René Guénon, Aperçus sur l'ésotérisme islamique et le taoïsme,
Paris, 1973:
SOUFISMES
1. Jbid., p. 316.
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1. Luma”, p. 107. |
p. 38-46.
2. Ibid., p. 212; Kalâbâdhi, Traité de soufisme,
3. Kashf al-mahjäb, p. 403-508.
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à un
tiatiques, ou « confréries », répondront elles aussi
autre. Les manue ls
tempérament spirituel plutôt qu'à un
et le
distinguent également le « cheminant» (s4/k)
s vu,
«ravi en Dieu » (#ajdhñb). Le premier, nous l’avon
parcourt la Voie entraîné par sa propre volonté, ou du
moins croit qu'il en est ainsi: selon l'expression d’un
maître persan, il est « volontaire de la Volonté divine ».
Quant au second, Dieu l’a attiré à Lui par Sa volonté.
Par ailleurs, les maîtres soufis définissent plusieurs
degrés dans l’échelle de la sainteté. Pour les soufis, en
effet, le monde est régi par les saints (2æ/iy4’), chacun
occupant, selon un schéma hiérarchique, des fonctions
correspondant à son degré spirituel : le Pôle des saints
(gurb) est entouré de deux assesseurs (74m); en dessous
se trouvent les quatre piliers (zæ/äd), puis les sept — ou
quarante, suivant les auteurs —, substituts (zbda)), etc. Il
y aurait ainsi cent vingt-quatre mille saints, soit autant
que le nombre de prophètes qu’a connus l'humanité.
Lorsque l’un d’entre eux meurt, il est aussitôt remplacé
par un autre saint de la catégorie inférieure.
Dans cette hiérarchie, seul le Pôle a une connaissance
intime de toutes les demeures spirituelles. Un simple
initié ne reconnaît donc pas obligatoirement l'autorité de
celui qui lui est supérieur et qui a atteint un niveau de
« réalisation » auquel il ne peut accéder. Des soufis
s’imaginent ainsi avoir atteint le summum de la sainteté,
car ils minimisent ou ignorent les progrès spirituels
accomplis par d’autres initiés : « Si Abû Yazîd [Bistâmiî]
se trouvait parmi nous, lance Shiblf un siècle après la
mort du saint, il apprendrait son islam de l’un ou l’autre
de nos novices! ! » Bien des déclarations de ce genre
égrènent l’histoire du soufisme.
12 Lima, p.897.
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L'’alchimie intérieure
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aussi
déconcertante, mais qui peut se révéler tout
les nomb reux
authentique. Il s'illustre encore dans
des
débats qui ont cours dans le monde soufi à propos
prati quer
techniques initiatiques (faut-il, par exemple,
? Est-il
l’invocation (4ikr) à voie haute ou à voix basse
profitable sur le plan spirituel de s’adonner à l'audition
î et
de chant et de musique?), de l’orthodoxie d’Ibn‘Arab
l’Etre », des relati ons
de la doctrine de «l’unicité de
avec les autres religions (de la totale ouver ture méta-
physique à l’enfermement confessionnel), etc. Si
aujourd’hui le soufisme est pour une bonne part l’héri-
tier de l’humanisme spirituel et de l’universalisme de
l'islam, il existe par ailleurs un soufisme « intégriste »,
qui se pose comme une réaction au matérialisme venu
d'Occident. Qu’y a t-il, encore, de commun entre la rete-
nue d’un mystique goûtant la doctrine de l'élite et les
agapes pratiquées dans certaines confréries populaires,
entre un savant soufi au sunnisme strict et policé et un
derviche de quartier, grisé par l’ivresse mystique. et
peut-être par un peu d’herbe?
En définitive, si le soufisme offre des voies multiples,
c’est parce qu’il émane de l'islam, lui-même très pluriel.
Pas plus qu’il n’y a en islam de magistère suprême, équi-
valent de la papauté, il n'existe dans le soufisme une
autorité spirituelle unique: Ibn ‘Arabî n’a été appelé le
« Grand Maître » (4/-Shaykh al-Akbar) que par certains
soufis, et son œuvre demeure controversée. Jalâl al-Dîn
Rûmf est considéré comme un autre pôle de la spiritua-
lité islamique, ce qui a bien souvent été vécu par leurs
disciples respectifs en termes de rivalité. D'où, sans
doute, cette parole de Ruwaym, reprise au fil des siècles
par plusieurs maîtres : « Les soufis ne cesseront de bien
se porter tant qu'ils auront des positions divergentes”. »
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Bibliographie :
Frithjof Schuon, Le Soufisme voile et quintessence, Paris, 1980
(concernant les différents niveaux de la littérature soufie).
SOUFISME ET CHIISME
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s
risme morbide, qui sont l’un et l’autre peu compatible
plutôt le
avec l’idée de gnose; dans le vécu sunnite, c’est
juridisme régnant et le poids des coutumes qui font obs-
tacle à la connaissance.
Sur le fond, soufisme et chiisme partagent un même
héritage muhammadien, qui se transmet par un ensei-
gnement ésotérique. La plupart des chaînes initiatiques
(silsila) des ordres soufis passent par ‘Ali, et les sunnites
font également leur cette parole du Prophète : « Je suis
la cité de la connaissance, et ‘Alf en est la porte » (Taba-
rânî). Il n’est donc pas étonnant qu’au fil des siècles les
Imams Ja‘far Sâdiq, Müsà Kâzim et ‘Alf Ridâ, descen-
dants de ‘Al, aient exercé une maîtrise spirituelle sur
des soufis tels que Bishr Hâfi, Bistâmi et Ma‘rûf Karkhi,
et qu'ils figurent à leur tour dans la chaîne initiatique des
ordres soufis. Ja‘far Sâdiq, en particulier, était reconnu
par tous comme une autorité spirituelle, notamment
dans le domaine de l'interprétation ésotérique du Coran.
Les affinités doctrinales et initiatiques entre les deux
voies sont indéniables, en particulier l’idée que le cycle
de la « sainteté initiatique » (wa/äâya) succède à celui de
la prophétie (ubuwwa), ce qui garantit la présence tou-
jours vivante d’une voie ésotérique en islam.
Les chiites décèlent dans ces affinités une influence
de leur propre doctrine sur le soufisme, influence que les
soufis nient le plus souvent. Ils invoquent à cet effet la
précocité de leur ésotérisme et de leur attachement ini-
tiatique à la famille du Prophète. L’investiture du
« manteau » (#/irga), qui s’est longtemps pratiquée dans
le soufisme, a bel et bien pour source le geste du Pro-
phète recouvrant de son manteau ‘Alf, Fâtima et leurs
enfants Hasan et Husayn. Mais le Prophète n’était pas
plus « chiite » que « sunnite », et les chiites ne sont pas
les seuls à vénérer la famille du Prophète (44/7 al-bayr)".
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successeurs omeyyades, qui ont persécuté les imams; ils n’en restent
pas moins « sunnites » puisque leur doctrine se réfère à la personne
du Prophète.
1. C. Bonaud, L'Imam Khomeyni, un gnostique méconnu du XX siècle,
Paris, 1997.
2. H. Corbin, En islam iranien, Paris, 1972, t. IL, p. 149-213.
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Bibliographie :
Mohammad Ali Amir-Moezzi, Le Guide divin dans le shf'isme
originel, Lagrasse, 1992.
Henry Corbin, En islam iranien, t. WI, Paris, 1972.
Préface à La Méthode spirituelle d’un maître du soufisme iranien,
Nur Ali-Shah, par M. de Miras, Paris, 1973.
Seyyed Hossein Nasr, « Chiisme et soufisme », dans Essais
sur le soufisme, Paris, 1980, p. 145-169.
Thierry Zarcone, « L’Iran », dans A. Popovic et G. Veinstein,
Les Voies d'Allah, p. 314-321.
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Bibliographie :
Nelly et Laroussi Amri, Les Femmes soufies ou la passion de
Dieu, Saint-Jean-de-Braye, 1992.
Michel Chodkiewicz, « La sainteté féminine dans l’hagio-
graphie islamique », dans Saints orientaux, Paris, 1995, p. 99-115.
Annemarie Schimmel, Le Soufisme ou les dimensions mystiques de
l'Islam, Paris, 1996, p. 518-531.
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Le soufisme = quiétisme,
et recherche égoïste du salut individuel
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l'islam,
sa souplesse, il a largement contribué à répandre
comm e les Bal-
notamment dans les zones périphériques
noire ou
kans, les steppes d’Asie centrale, l'Afrique
nt
l'Asie du Sud-Est. Dans bien des cas, les soufis étaie
ment
des commerçants ou l'inverse. Ils assumèrent égale
la défense des territ oires de l’isla m en prati quant le
«jihäd mineur», qu'ils ne disso ciaie nt pas du «/hâ d
majeur », ou lutte contre l’ego'. Certa ins group es soufis
sont devenus célèbres pour s’être opposés au colonia-
lisme européen ou à l’impérialisme soviétique, voire
chinois.
Au sein des sociétés musulmanes, l'influence des
maîtres soufis s’exerçait à plusieurs niveaux. Ainsi, les
miracles qu’on leur attribuait étaient presque toujours
tournés vers la communauté (guérison, multiplication de
la nourriture, faire apparaître de l’argent pour le don-
ner...). Très sollicités par la population, les maîtres
étaient les intercesseurs privilégiés du peuple auprès des
dirigeants — parfois à leur détriment; ils arbitraient les
conflits (entre musulmans et chrétiens, par exemple),
avaient vocation à accueillir et héberger tous les passants
dans leur xéwiya (établissement pour soufis), à intégrer
les marginaux et les exclus; ils avaient aussi souvent une
fonction de thérapeute (ils prenaient les maladies sur
eux, guérissaient de la folie, de la possession...), etc.
Cette fonction d’«homme-charnière*», de médiateur
entre les hommes et Dieu, entre les hommes et le pou-
voir temporel, ne signifie pas que les cheikhs inter-
féraient dans la relation directe que le fidèle musulman
entretient avec le divin, ou pis qu'ils cherchaient à
50
APPROCHES
JL
APPROCHES
52
APPROCHES
\
riences intérieures des autres. Les Occidentaux ont ainsi
désigné sous le terme « maraboutisme » le charisme mi-
magique, mi-spirituel de cheikhs maghrébins ou afri-
cains. Or la doctrine soufie insiste sur le nécessaire déta-
chement par rapport à l’initiation : celle-ci ne doit assou-
vir aucun appétit mondain, même d'ordre subtil, et ne
saurait servir à délivrer des « recettes ».
Depuis la fin du xix° siècle, le soufisme a été bousculé
par la pensée réformiste puis par les rapides mutations
sociales qu’a connues le monde musulman. Il en ressort
aujourd’hui épuré, et les fidèles s’y engagent désormais
par conviction, et non par tradition. L’élite des ulémas y
reste souvent attachée. Il est donc erroné de présenter le
soufisme comme un espace de liberté qui ferait contre-
poids à la sècheresse de la religion islamique. Dans la
doctrine comme dans l’histoire, soufisme et islam ne se
sont opposés que lorsqu'ils se sont mal compris, ou en
cas de conflit d’autorité, lorsque l’un critiquait l’autre
pour garder ses ouailles sous sa coupe.
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SOUFISME ET ISLAM
e. Sans
les spirituels juifs andalous médiévaux est avéré
ques juifs, saint
doute par l'intermédiaire de ces mysti
par la spiri tua-
Jean de la Croix aurait pu être influencé
se serait
lité shâdhilie maghrébine, et Ignace de Loloya
es sou-
peut-être lui aussi inspiré de disciplines initiatiqu
fies dans ses Exercices spirit uels.
On pourrait multiplier les exemples dans un sens ou
dans l’autre’. La théorie des emprunts n’apporte cepen-
dant pas grand-chose sur le fond, d'autant plus que ces
emprunts sont souvent tardifs. En réalité, les analogies
entre les doctrines et les pratiques de traditions dif-
férentes sont dues bien plutôt aux invariants de l’expé-
rience psychologique et spirituelle de l'être humain.
Ainsi, les « affinités surprenantes » existant entre l’hin-
douisme et l'islam tiendraient au fait que « les deux reli-
gions dans leur ensemble ont une vision analogue des
thèmes majeurs de la métaphysique” ». Les influences
réciproques survenues au cours des siècles entre ces
deux spiritualités n’expliquent en rien leur proximité
quant au principe. L'expérience de l'extinction du
« moi » dans le « Soi » divin, par exemple, représente un
passage obligé dans le processus initiatique menant
l’adepte à la délivrance, c’est-à-dire lui permettant de
dépasser la conscience de l’ego. Les soufis l’ont expri-
mée en termes de f4r4’, les hindous de wirvâna, et les
mystiques chrétiens parlent d’ «anéantissement de
l’âme en Dieu ». Chaque spirituel vit son expérience
dans le moule de sa propre tradition, qui lui donne une
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SOUFISME ET ISLAM
LE MODÈLE CORANIQUE
59
SOUFISME ET ISLAM
1. Cf. snfra, p. %.
2. Traduction de la Mishkât al-anwär, par R. Deladrière, Paris,
1981.
3. Qût al-qulib, Le Caire, 1961, t. I, p. 119.
60
SOUFISME ET ISLAM
34-39.
1. M. Chodkiewicz, Le Sceau des saints, p.
61
SOUFISME ET ISLAM
62
SOUFISME ET ISLAM
et son Mi'rä].
1. J.-L. Michon, Le Soufi marocain Ahmad Ibn ‘Ajfba
la mystiq ue musulm ane, Paris, 1975, p. 143.
Glossaire de
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SOUFISME ET ISLAM
1. Luma', p.74.
64
SOUFISME ET ISLAM
1. Jbid., p. 89.
65
SOUFISME ET ISLAM
1. Jbid., p. 106.
2. Comme en convient un spécialiste de l’exégèse réformiste
moderne (A. Mérad, L'’Exégèse coranique, Paris, 1998, p. 71).
66
SOUFISME ET ISLAM
1. Luma, p. 92.
.
2. Ibn al-Jawzi, Talbis Iblis, Le Caire, s.d., p. 319-325
3. M. Chodkiewicz, Un océan sans rivage, p. 177.
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SOUFISME ET ISLAM
68
SOUFISME ET ISLAM
platifs !». Ils ont donc été médités au long des siècles par
les soufis, et figurent parmi les textes scripturaires les
plus cités. Celui qu’affectionnent tout particulièrement
les spirituels musulmans est celui-ci : « Quiconque mani-
feste de l’hostilité envers un de Mes “élus” [les saints],
Je lui déclare la guerre. Mon serviteur ne cesse de se rap-
procher de Moi par des œuvres surérogatoires jusqu’à ce
que Je l’aime. Et quand Je l’aime, Je suis son ouïe par
laquelle il entend, sa vue par laquelle il regarde, sa main
avec laquelle il saisit et son pied avec lequel il marche »
(Bukhäâri). Ce Aadith quasi est souvent invoqué pour
rendre compte d’un état spirituel avancé chez le soufi,
état de transparence à l’Étre divin, d’effacement total du
moi individuel qui a conscience, dès lors, de n'être plus
que l'instrument de la force divine’.
Bibliographie :
Titus Burckhardt, {ntroduction aux doctrines ésotériques de
l'islam, Alger-Lyon, 1955.
Henry Corbin, L'Imagination créatrice dans le soufisme d'Ibn
‘Arabf, Paris, 1958.
Denis Gril, art. « Coran », Dictionnaire crifique de l’ésotérisme,
Paris, 1998, p. 338-340.
Pierre Lory, Les Commentaires ésotériques du Coran, Paris, 1980.
de l'islam,
1. T. Burckhardt, Zntroduction aux doctrines ésotériques
| '
p. 43.
se reporte r à la traduct ion françai se de 101 4adifh
2. On pourra
ad. par M. Vâl-
quasi choisis par Ibn ‘Arabf: La Niche des Lumières,
san, Paris, 1983.
69
SOUFISME ET ISLAM
LE MODÈLE MUHAMMADIEN
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SOUFISME ET ISLAM
71
SOUFISME ET ISLAM
s
détDieus (Mie Ô toi le Prophète, Nous t’avon
bonnes nou-
envoyé comme témoin, annonciateur de
—
velles, avertisseur, comme celui qui appelle à Dieu
avec Sa permission — et comme ## flambeau qui illumine »
(33 : 45-46). Toutes les créatures doivent leur existence
au nr muhammadi, de même que tous les prophètes de
l'humanité y puisent leur propre lumière. Dans une
prière célèbre, Muhammad demande à Dieu de l’enve-
lopper de toutes parts de lumière”.
Ce thème n’est pas sans rappeler celui du Logos chré-
tien ou de l’avatara hindou. Mais, ici encore, la théorie
des emprunts se révèle insatisfaisante”. Il ne s’agit pas
d’une doctrine qui serait le fruit de « déviations » surve-
nues dans le soufisme, car elle apparaît déjà chez un dis-
ciple de Hasan Basrî (m. 728), et est implicite chez un
des premiers exégètes du Coran, Muqâtil (m. 767). Selon
Sahl Tustarî (m. 896), qui l’a explicitée, le #ûr muham-
madi a une dimension cosmique mais aussi mystique,
puisque cette « lumière » établit un lien entre Dieu et
l’homme: «Le Muhammad primordial représente le
cristal qui attire sur lui la Lumière divine, l’absorbe en
son cœur, la projette à toute l’humanité dans le Coran, et
illumine l’âme du mystique”. » De fait, les soufis qui
s’adonnent à la retraite spirituelle (#/a/wa) peuvent
expérimenter la vision intérieure du #ûr muhammadï sous
une forme ou une autre.
72
SOUFISME ET ISLAM
La Réalité muhammadienne,
médiatrice entre les plans divin et humain
73
SOUFISME ET ISLAM
Pour le
Dieu », rapporte-t-on du Prophète (Muslim).
al-Akbar
courant akbarien, c’est-à-dire attaché au Shaykh
donc le miroir
Ibn ‘Arabf, la Réalité muhammadienne est
ède des attributs
de Dieu; en ce sens, Muhammad poss
et le
divins tels que le Premier et le Dernier, l’Apparent
nd cette
Caché... Au xv° siècle, ‘Abd al-Karîm al-Jili repre
plus
affirmation à plusieurs reprises dans son œuvre et,
près de nous, l’'émir Abd el-Kader (m. 1883), qui s’est
fait enterrer auprès d’Ibn ‘Arabî à Damas, se montre très
-
audacieux sur ce point. Dans sa somme spirituelle intitu
lée Le Liore des Haltes (kitâb al-mawägif ), il ident ifie qua-
siment 4/-Hagg (Dieu) et la Zagîga muhammadiyya”. Sem-
blable doctrine, toutefois, a inquiété les docteurs de
l’islam, pour lequel le fait d’ « associer » quelqu'un ou
quelque chose à Dieu (s4ir£) constitue le plus grave
péché.
Il faut donc distinguer entre le thème initial de la
« Lumière » du Prophète, qui a de solides appuis serip-
turaires (Coran et surtout hadîths), et son extension
métaphysique en tant que « Réalité », moins préhen-
sible par le commun. Ainsi, à une époque où les ismaé-
liens plaçaient la source de lumière en priorité chez
l’Imam chiite, et les philosophes dans l’Intellect pre-
mier, Ghazâli (xI° siècle) se fondait sur le #àr muhammadi
pour créditer la prééminence cosmique du Prophète :
dans son Tabernacle des Lumières (Mishkât al-anwâr)*, 1
convoqua cette doctrine pour renforcer le sunnisme —
c’est-à-dire la fidélité à la Swrna —, inquiété par diverses
dissidences. Le rûr muhammadï sert la cause sunnite
aux yeux d'Ibn Taymiyya également, lequel valide la
74
SOUFISME ET ISLAM
La Sunna intérieure
15
SOUFISME ET ISLAM
76
SOUFISME ET ISLAM
1. Jbid., p. 104.
jo
SOUFISME ET ISLAM
78
SOUFISME ET ISLAM
79
SOUFISME ET ISLAM
tous
qu’ils appartiennent ou non à une confrérie, ont
le
conscience de puiser leur influx spirituel (baraka) chez
ils ne font que le représenter dans cette
Prophète;
humanité post-prophétique. Un auteur mystique a
comparé les maîtres soufis à autant de lunes, qui réflé-
chissent sur terre la lumière du soleil qu’est le Prophète.
Les plus « réalisés » d’entre eux entretiennent un lien
subtil avec Muhammad, le « Sceau des prophètes », et
reçoivent de lui à la fois des enseignements spirituels et
des indications quant à leur conduite en ce monde. Dans
les voies initiatiques, nous l’avons vu, la chaîne (si/sila)
est le garant, de génération en génération, de la transmis-
sion régulière de l’influx divin, puis muhammadien.
Dépositaire de cette araka, le cheikh la fait rayonner sur
ses disciples et au-delà. Lorsque le disciple prend le
pacte avec un maître, il répète celui que les Compagnons
ont conclu avec le Prophète à Hudaybiyya!.
De son vivant, le Prophète a dispensé à certains de ses
Compagnons un enseignement ésotérique. Ce qu'il
disait au premier Bédouin venu l’interroger sur l'islam
n'avait aucune commune mesure avec les paroles qu'il
tenait à Abû Bakr, par exemple, auquel il était lié par
une relation d'intimité. Il échangeait avec lui des propos
allusifs qui restaient incompréhensibles pour les autres
Compagnons. Les «Gens de la Banquette» (447 al-
suffa), au nombre de trois cents environ, qui vivaient
dans la mosquée du Prophète et se consacraient aux
dévotions, ont également bénéficié d’un enseignement
particulier. Le Prophète répétait souvent qu'il faut adap-
ter son discours à son interlocuteur, et que toute vérité
n’est pas bonne à dire : « Si vous saviez ce que je sais,
vous ririez peu, et pleureriez beaucoup... » (Bukhäâri). Il
répondait différemment à des questions identiques, en
ki China Det
80
SOUFISME ET ISLAM
4
1. Hujwiri, Kashf al-mahjàb, p. MS EUE al-
g de Kharrâ z, et le Kräb
2. Voir par exemple le Kiräb al-Sid
Tawäsin de Hallâj.
81
SOUFISME ET ISLAM
hommes,
[de la réalisation spirituelle] sont fermées aux
»?
sauf à ceux qui suivent les traces de l’'Envoyé de Dieu
nom par la suite la
Voici déjà énoncé ce qui aura pour
hamma diyya ) :
«Voie muhammadienne » (4/-fariq al-mu
au-delà des particularismes liés à telle famille spirit uelle,
à telle « confrérie », les soufis ont conscience jusqu’à nos
jours d’appartenir à une même Voie initiée par le Pro-
phète puis par ses « substituts », les maîtres du /asawwuf.
Sous ce rapport, la personnalité du cheikh terrestre
compte peu pour le disciple, puisque le maître réel est le
Prophète. Ainsi Shiblf fit-il attester un jour à son disciple
qu’il était Muhammad, l'Envoyé de Dieu. Semblable
attitude paraît scandaleuse aux yeux de celui qui ne peut
concevoir l'identification essentielle du maître au Pro-
phète. Maints soufis témoignent avoir fait l'expérience
de ce qu’on appelle à partir du xvur° siècle « l'extinction
dans l'Envoyé » (a/-fan4’fi I-rasûl), cet état dans lequel
l’individualité s’estompe, car elle est investie par l’entité
spirituelle (r#hâniyya) du Prophète. Cette extinction
peut survenir lors d’une visite à la mosquée du Prophète
à Médine — ce fut le cas de l’émir Abd el-Kader — mais
également en toute autre circonstance. Avant d’abîmer
son ego en Dieu (a/-fan4 fi Lläh), l'initié s’annihile
d’abord dans l'Envoyé, présence médiatrice, « isthme »
entre les réalités divine et humaine. Toute forme de
sainteté en islam, ou de maîtrise spirituelle, n’a donc de
sens que vivifiée par le lien subtil qui rattache l’initié à
l'entité spirituelle du Prophète. C’est en ce sens qu'il
faut comprendre cette parole d’un maître : « Si la vision
de l’'Envoyé de Dieu m'était retirée un seul instant, Je
ne me compterais plus parmi les musulmans. »
La vision (74'y4) constitue en effet le mode d’accès au
monde spirituel. Il arrive que les initiés « voient » des
maîtres du passé, des anges, des prophètes antérieurs à
Muhammad. Pour autant, la vision du Prophète joue un
rôle éminent dans la vie spirituelle des musulmans, et
82
SOUFISME ET ISLAM
t. I, p. 280-281.
1. Ibn al-Mubârak, Kit4b al-lbriz, Damas, 1984,
p. 29.
2. Sha‘râni, 4/-Tabaqât al-sughrâ, Le Caire, 1970,
83
SOUFISME ET ISLAM
La dévotion au Prophète
84
SOUFISME ET ISLAM
Bibliographie :
Muhammad Ali Amir-Moezzi (sous la direction de), Le Voyage
initiatique en terre d’islam, Louvain-Paris, 1996.
Michel Chodkiewicz, « Le modèle prophétique de la sainteté
en islam », dans Sociétés et cultures musulmanes — Les chantiers de la
recherche. Lettre d'information de l'AFEMAM n° 10, 1996, p. 505-
alé.
Denis Gril, article « Muhammad », dans Dictionnaire critique de
l'ésotérisme, Paris, 1998, p. 869-871.
‘Abd al-Karîm al-Jfli, —- L'Homme universel, Paris, 1986.
ALKamälôt al-iléhiyya fi !-sifêt al-muhammadiyya, Le Caire,
1997.
Nikos Kaptein, Muhammad's Birthday Festival, Leyde, 1993.
85
SOUFISME ET ISLAM
es de
Annemarie Schimmel, Le Soufisme ou les dimensions mystiqu
l'islam, Paris, 1996, p. 268-284.
80
SOUFISME ET ISLAM
87
SOUFISME ET ISLAM
88
SOUFISME ET ISLAM
89
SOUFISME ET ISLAM
90
SOUFISME ET ISLAM
|
1. Voir les chapitres 68 à 72.
es extraits des Minah sont traduits dans le livre de
2. Quelqu
vingtiè me siècle. Le cheikh Ahmad al-
M. Lings, Un saint musulman du
Alawf, Paris, 1982, p. 219 et sg.
91
SOUFISME ET ISLAM
inté-
le soufisme n’est rien d’autre que l'islam, à la fois
quelque
rieur et extérieur, esprit et lettre. Il donne en
ce
sorte du relief aux normes édictées par l'islam. En
é qu'il fallait avoir une orient a-
sens, certains ont avanc
ent
tion soufie pour comprendre et pratiquer véritablem
l'islam: comment intégrer les symbo les utilis és par
l’islam, comment travailler avec les Noms divins….?
Beaucoup de savants ont cherché, à une étape ou à une
autre de leur vie, à spiritualiser leur vécu de l'islam. Pour
autant, on ne saurait réduire la dimension spirituelle de
l'islam au seul sasaææuf. « Nous avons assez insisté
sur les valeurs spirituelles de l'Islam comme tel,
remarquaient Mohamed Arkoun et Louis Garde t, pour
nous demander s’il n’est pas quelque peu abusif de
réserver l'appellation “mystique” au seul tasawvuf.
Comme si l'islam officiel était tout de rigueur et de
précisions juridiques, et que les Sûfis seuls aient eu
soif de la présence de Dieu. Bien des courants, bien
des œuvres qui ne relèvent pas du sûfisme sont pré-
gnants d’intériorisation!.»
La réalisation spirituelle (#74gîg) ne consiste pas en
une augmentation des pratiques des piliers, mais en un
éveil intérieur qui les illumine et éclaire leur sens. « Abû
Bakr, disait le Prophète à ses Compagnons, ne vous
devance pas par un surcroît de prière ou de jeûne, mais
par quelque chose qui s’est déposé en son cœur » (Tir-
midhfî). Pour le soufi, la « soumission » à laquelle invite
l'islam sera, par exemple, de vivre pleinement l'instant
présent, sans projection dans le passé ou le futur, tel que
Dieu le veut. Cet exercice a valu au soufi d’être appelé
« le fils de l'instant ».
92
SOUFISME ET ISLAM
93
SOUFISME ET ISLAM
ha sur son
phète interrogea un matin le Compagnon Hârit
nu véritable-
état, celui-ci lui répondit qu'il était deve
Le Prophète lui dit alors: « À
ment (4agg") croyant.
é essentielle
chaque vérité (444q) correspond une réalit
le monde
(kagiga). » La Shari‘a, qui est concernée par
sous-
sensible, renvoie donc à la Hagiga qui lui est
e de l'Espr it. Appré -
jacente, et qui correspond au mond
hender la Hagîga, c’est servir le seul Réel. A/-Ha gg, c’est
par ce nom que les « hommes de l'Intérieur » aiment à
évoquer Dieu. La Skari'a a évolué et évolue en fonction
des époques, voire des lieux; elle connaîtra une fin à
l'instar de tout ce qui est créé. Elle n’a de vie que nour-
rie par la Hagîga. Les maîtres utilisent souvent cette
image : la Réalité est occultée dans la Loi comme le
beurre est caché dans le lait; c’est en battant le lait que
le beurre apparaît : il n’y a pas de beurre sans lait.
Dans notre monde de l’incarnation, Shari'a et Hagîga
sont indissociables. « Leur relation mutuelle, commente
Hujwiri, est comparable à celle du corps et de l'esprit :
quand l'esprit quitte le corps, le corps vivant devient un
cadavre, et l'esprit disparaît comme le vent”. » Pour Ibn
‘Arabf, ce n’est qu’en se soumettant aux injonctions de la
Loi que l’homme peut restaurer sa nature divine ori-
ginelle, et connaître la sainteté/proximité de Dieu. Il
opère une identification complète entre S#arfa et
Hagîga, car l’une et l’autre partagent une même
essence”. « La Loi n’est pas le vêtement ou le symbole
de la Aagîga, d’une vérité cachée qu’on ne pourrait
atteindre que par la transgression. Elle es7 la hagiqa*. »
Mais cette équation ne vaut que pour le gnostique
accompli. Pour la plupart des musulmans en quête spiri-
94
SOUFISME ET ISLAM
2)
SOUFISME ET ISLAM
onnes
à Dieu : « Ma connaissance n’exige pas que tu aband
proph étiqu e
Ma loi, mais que tu suives une pratique
p-
(sunna) plutôt qu'une autre. » Comme l'explique l'Egy
tien Sha‘râni, ces cheikhs envisagent les rites de l'islam
selon leur dimension ésotérique et ne sauraient être jugés
par ceux qui n’ont accès qu'à l'écorce de la Loi.
Ils invoquent sur ce point la supériorité de Khadir (ou
Khidr), telle que suggérée dans le Coran, sur Moïse, le
prophète de la Loi hébraïque. Dans la sourate 18 (v. 65-82),
Khadir, personnage énigmatique, initiateur des pro-
phètes et des saints, met à l'épreuve Moïse par trois fois,
en accomplissant des actes qui contreviennent en appa-
rence à la Loi : il coule un bateau, tue un jeune homme,
reconstruit un mur contre toute logique. Moïse, qui s’en
tient aux normes extérieures de la Loi, se montre impa-
tient et révolté. Khadir, quant à lui, perçoit la réalité pro-
fonde des choses et juge selon la Hagfga : il explique à
Moïse le bien-fondé de ses actes, puis le laisse là.
Le grief de « laxisme » imputé parfois par les juristes
aux soufis ne s'applique généralement qu'aux pseudo-
mystiques, ou à ceux qui se situent délibérément dans
l'hétérodoxie du /asawwuf et qui sont stigmatisés par les
maîtres eux-mêmes. Pour l'essentiel, les véritables sou-
fis, en quête de l’excellence ou #4sên, s'imposent souvent
plus de charges, dans la pratique des œuvres, que ne le
font les autres musulmans. Témoin l’anecdote suivante,
dans laquelle un « juriste » vient éprouver Shiblf sur sa
connaissance de la SZarf'a:
— Quel est le montant de l’aumône légale (xz£4?) que
l’on doit verser si l’on possède cinq chameaux ?
— Du point de vue de la Loi, répond Shibff, il s'élève
à une brebis, mais pour des gens comme nous [les sou-
fis], c’est la totalité de ce que l’on possède qui doit être
versée.
96
SOUFISME ET ISLAM
La science du « dévoilement »,
science de la Sharî'a
97
SOUFISME ET ISLAM
exotéristes
spirituels musulmans ont ainsi reproché aux
s avoir été initiés ni à
de vouloir juger leur art sans jamai
l’ada ge, « qui
son langage ni à son contenu. Or, selon
ignore une chose s’en fait l'ennemi ».
Aux veux des soufis, les exotéristes ont amputé la S#%a-
solli-
ri‘a de sa dimension essentielle : le fait que Moïse
e que la quête
cite d’être guidé par Khadir est la preuv
la
initiatique incombe autant aux fidèles que celle de
ment
science eXOtÉriIque, Sur laquelle est mis habituelle
l'accent. Si la Loi est une réalité qui s’impose à l'homme,
souligne Qushayri, la Réalité à son tour est une loi, car la
connaissance de Dieu, la gnose, s’impose également à
l’homme. Abû I-Hasan Shâdhilf allait jusqu’à dire que
«la personne qui ne s’est pas imprégnée de la science
des soufis durant sa vie est comparable à celle qui meurt
sans s'être repentie de ses péchés majeurs ».
Sur le plan expérimental, la science des soufis est le
plus souvent présentée comme le fruit du « dévoile-
ment » (#as4f). Quel est le rapport du « dévoilement » —
auquel on adjoint fréquemment « l'inspiration » (1/hâm) —
à la Loi? Les soufis divergent quelque peu à ce sujet.
Certes, ils sont unanimes à affirmer qu'il faut mesurer
l'expérience mystique à l’aune de la Loi et écarter tout
ce qui contreviendrait à celle-ci. Ce conseil d’Abû
I-Hasan Shâdhili résume leur position : « Si ton dévoile-
ment contredit le Livre et la Swrna, laisse le premier et
agis en conformité avec les seconds; dis-toi que Dieu te
garantit l’infaillibilité de ces deux sources, et non celle
de ton dévoilement ou de ton inspiration. »
Ahmad Sirhindî (m. 1624), réformateur indien du sou-
fisme, se montre très sourcilleux sur ce point: tout ce
qui déborde du cadre admis par les docteurs de la Loi
1. Risâla, p. 83.
2. Ibn al-Sabbâgh, Durrar al-asrâr, Qéna (Ég.), 1993..n..i 17:
98
SOUFISME ET ISLAM
99
SOUFISME ET ISLAM
accorder à
seconds!. Un autre savant, Suyûti, va jusqu’à
dont
la science des soufis un statut quasiment infaillible,
il prône la reconnaissance dans les milie ux exotér istes .
100
SOUFISME ET ISLAM
Bibliographie :
Michel Chodkiewicz, Un océan sans rivage, Paris, 1992.
Ibn Khaldûn, La Voie et la Loi, aduit par R. Pérez, Paris,
1991.
Suyûti, A/-Hâvf lil-farävwf, Beyrouth, s.d.
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2 0
CHAPITRE III
LE SOUFISME
DANS LA CULTURE ISLAMIQUE :
APERÇU HISTORIQUE
103
LE SOUFISME DANS LA CULTURE ISLAMIQUE
104
LE SOUFISME DANS LA CULTURE ISLAMIQUE
105
LE SOUFISME DANS LA CULTURE ISLAMIQUE
106
LE SOUFISME DANS LA CULTURE ISLAMIQUE
vie du
1. Cf. É. Geoffroy, « Le voile des apparences, ou la double
asiatique,
grand cadi Zakariyyâ al-Ansarî (m 926/1520) », Journal
n° CCLXXXII, 1994, 2, p. 271-280 .
107
LE SOUFISME DANS LA CULTURE ISLAMIQUE
De l'ascèse à la mystique
108
LE SOUFISME DANS LA CULTURE ISLAMIQUE
109
LE SOUFISME DANS LA CULTURE ISLAMIQUE
profère
propos extatique, paradoxal puisque la créature
grande est
le discours divin : « Gloire à Moi! Combien
de la
Ma puissance! », s’exclame Bistâmf sous l’emprise
seule fois
Présence. « Mieux vaut pour toi me voir une
que voir ton Seigneur mille fois! » dit-il à un disciple.
Après le muezzin qui témoigne que Dieu est très grand,
il enchérit : « Je suis encore plus grand ! »
Bistâmi tient ces propos en état d'ivresse spirituelle,
-
cette ivresse qui rompt l’univocité de la Loi pour remon
ter à l’équivocité première du langage et de l’expérience
mystique. Il veut saisir les vérités spirituelles dans leur
intégralité, et donc avec leur contraire. Ses exigences à
l'égard de lui-même ruinent tout conformisme : prati-
quant scrupuleux, Bistâmf affirme que la Loi peut être
un voile; mystique, il met en garde contre les leurres qui
parsèment la Voie. Ses paradoxes font dire à certains de
ses contemporains, même dans les milieux spirituels,
qu’il est plus mécréant que Pharaon, qui prétendait à la
divinité. La postérité va cependant l’absoudre.
110
LE SOUFISME DANS LA CULTURE ISLAMIQUE
111
LE SOUFISME DANS LA CULTURE ISLAMIQUE
es chiites
Hallâj est suspecté de collusion avec des group
esclaves
qui menacent le pouvoir abbasside : les Zanj,
qui se
noirs transplantés dans la basse Mésopotamie,
branche ismaé-
révoltent de 868 à 883, et les Qarmates,
à prêcher
lienne alors en insurrection. Mais il continue
feu. Il est
ses thèses hétérodoxes, jetant de l'huile sur le
a donc
arrêté et jugé coupable. Son exécution, en 922,
égal emen t polit iques,
des motivations religieuses, mais
éloig née, ne
voire sécuritaires. Bistâmî, dans sa province
représentait pas le même danger que Hall].
Il y a sans doute une part de provocation dans le
comportement de Hallâj, car celui-ci semble bien n’avoir
jamais quitté le giron du sunnisme. Il aurait même dirigé
des groupes se réclamant du calife Abüû Bakr al-Siddîq et
luttant contre le chiisme d’État des Bouyides. Toute sa
vie, Hallâj a entretenu l’ambiguïté. Sa personnalité réelle
nous échappe; il est sûr, cependant, qu'il a cherché le
martyre. Il a d’ailleurs avoué avoir voulu anticiper sa
mort physique, par désir de l'union.
Tuez-moi, Ô mes amis ! Car c’est dans la mort que se trouve
ma vie, et c'est dans la vie qu'est ma mort!
Plus tard, des maîtres interpréteront cet aveu comme
une déficience spirituelle. Selon Ghazâli, Hallâj fut vic-
time d’une illusion. Les soufis de son époque l’ont perçu
ainsi. Peu l’ont défendu lors de l’inquisition menée à
Bagdad par Ghulâm Khalil, un prêcheur « ascète »
opposé aux partisans de l’amour divin. Ils lui repro-
chaient de divulguer le «secret» et d’exhiber des
miracles au milieu de la foule. Par la suite, les ulémas
affirmeront que l’homme peut expérimenter tous les
états spirituels imaginables, pourvu qu'il les garde en son
intimité. Il peut évoluer librement dans sa vie intérieure
tant qu’il n’ébranle pas le credo du simple croyant.
Junayd, un des maîtres de Hallâj, l’a bien compris, qui
adopte la discipline de l’arcane : on ne peut évoquer les
112
LE SOUFISME DANS LA CULTURE ISLAMIQUE
115
LE SOUFISME DANS LA CULTURE ISLAMIQUE
114
LE SOUFISME DANS LA CULTURE ISLAMIQUE
Les persécutions
IX.
1. M. Chodkiewicz, Le Sceau des saints, chap. VIII et
2. Cf. supra, p. 76.
G. Gobillot, et
3. Sur Tirmidhî, on se reportera aux travaux de
1996.
notamment au Livre de la profondeur des choses, Lille,
115
LE SOUFISME DANS LA CULTURE ISLAMIQUE
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LE SOUFISME DANS LA CULTURE ISLAMIQUE
sont le hana-
1. Les quatre écoles juridiques de l'islam sunnite
isme.
fisme, le chaféisme, le malékisme et le hanbal
117
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119
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120
LE SOUFISME DANS LA CULTURE ISLAMIQUE
Bibliographie :
Jacqueline Chabbi, « Remarques sur le développement histo-
rique des mouvements ascétiques et mystiques au Khurasan »,
Studia Islamica, n° XLVI, 1977, p. 5-72.
Louis Massignon, La Passion de Halläj, Paris, 1975 (rééd.).
Abdelwahhab Meddeb, Les Difs de Bistâmf, Paris, 1989.
Sulami, La Lucidité implacable. Épître des Hommes du Blâme,
traduit par R. Deladrière, Paris, 1999.
121
LE SOUFISME DANS LA CULTURE ISLAMIQUE
1. Cf. son S41/4’ al-s@'il, traduit par KR. Pérez sous le titre La Voie et
la Lot, Paris "1991, p.111:
188
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sou-
1. Traduit en français par R. Deladrière sous le titre Traité de
fisme, Paris, 1981.
2. Cf. La Lucidité implacable, op. ait.
127
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129
LE SOUFISME DANS LA CULTURE ISLAMIQUE
l'identité
lui attribue la réconciliation du sunnisme, dont
est désormais bien dégagée, avec le soufisme. Son œuvre
majeure, Revivification des sciences de la religion ([hy4’
droit et
‘ulèm al-din), opère une fusion entre théologie,
mystique et, à vrai dire, doit beaucoup aux manuels que
nous avons évoqués, notamment à La Nourriture des cœurs
de Makkî. Mais, à leur différence, elle ne mesure pas le
soufisme à l’aune de l’orthodoxie : elle éclaire l'islam à la
lumière du soufisme.
Ghazâli, comme beaucoup de soufis que nous venons
d'évoquer, est khorassanien, acharite et chaféite. Doté
d’une intelligence hors du commun, il est aussi très
cultivé. À ce titre, il reçoit les faveurs du pouvoir seld-
joukide et devient le fer de lance de la politique pro-
sunnite du grand vizir Nizâm al-Mulk. Faisant figure de
« penseur officiel! », il accompagne le mouvement seld-
joukide d’est en ouest, de Nichapour à Bagdad, selon
l'itinéraire de la conquête turque. Ses œuvres succes-
sives font penser à des opérations militaires contre les
adversaires doctrinaux du pouvoir. Enseignant dans la
fameuse »”adrasa Nizâmiyya de Bagdad, il acquiert rapi-
dement une grande notoriété, puis traverse une grave
crise intérieure qui se traduit par une maladie nerveuse.
Il quitte alors toutes ses fonctions, et mène une vie de
pérégrination et de retraite spirituelle durant onze ans.
Parmi les motifs que l’on a invoqués pour expliquer
cette crise, il faut retenir sa propre remise en cause de
son savoir d’intellectuel, son rejet de l’approche légaliste
de la religion, et son besoin d’expérience personnelle du
divin. Sans doute aussi Ghazâlf a-t-il conscience d’être
instrumentalisé par un pouvoir dont les options se
détachent de plus en plus des siennes.
130
LE SOUFISME DANS LA CULTURE ISLAMIQUE
131
LE SOUFISME DANS LA CULTURE ISLAMIQUE
confor-
vécue au sein du sunnisme, car lui seul garantit la
mité de l'expérience au message de la Révélation.
il
Ghazäli finit sa vie en soufi, à Tûs, sa ville natale, où
a fondé une #h@ng@h. Sa Revivification des sciences de la reli-
gion se diffuse rapidement dans le monde musulman, car
il est conçu comme un guide complet de la vie reli-
gieuse, associant la piété sunnite traditionnelle et la dis-
cipline introspective du soufisme. Sous sa bannière se
place le courant de plus en plus large des « savants sou-
fis » — généralement acharites, mais débordant le rite
juridique chaféite — et également de nombreux maîtres
du soufisme « sobre ». Toutefois, certains spirituels iront
moins loin que lui dans le rejet de la raison dialectique et
la prééminence de la gnose.
La pensée mystique de Ghazâlf est plus complexe
qu’il n’y paraît à première vue. D'un côté, en effet, Gha-
zâlt désarme les « juristes » en expliquant que le désir
des soufis de s’unir au divin ne signifie aucunement la
prétention à une union de substance (ittihâd), mais qu'il
tend simplement à effacer la créature contingente
devant l’Absolu, ce que Junayd avait auparavant formulé
en «extinction de l’ego dans l’Unicité divine » (fan@”fi
Ltavwhid). Voilà bien la réalisation ultime de la servitude,
de l’is/âm, et du dogme de l’Unicité divine, sur laquelle
il n’y a rien à redire. Mais, parallèlement, dans la Revrui-
Jfication (Jhy4”), Ghazäff disulle des éléments de la future
doctrine de l’unicité de l’Etre (wahdat al-wujñd), tels que
«ll n’yfasriensdansil'existencetsitcetn'esmDieuahAl
L'existence n'appartient qu’au seul Réel, l’'Unique! ».
Quelques passages du Zabernacle des Lumières préfigurent
de façon plus nette cette doctrine, mais ils ont échappé
le plus souvent à la censure des exotéristes.
133
LE SOUFISME DANS LA CULTURE ISLAMIQUE
134
LE SOUFISME DANS LA CULTURE ISLAMIQUE
Bibliographie : -
Denis Gril, « Spiritualités », dans Évats, sociétés et cultures du
monde musulman médiéval - X-xN° siècle, Paris, 2000, t. IL, p. 421-
452.
Margaret Malamud, « Sufi Organizations and Structures of
Authority in Medieval Nishapur », International Journal of
Middle East Studies, Cambridge, 1994, n° 3, vol. 26, p. 427-442.
POÉSIE ET MÉTAPHYSIQUE
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vertu ou les
1. Traduit en français sous le titre Les Voies de la
haleines de la familiarité, Paris, 1999.
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par E. Der-
1. Traduction du texte et d’un de ses commentaires
menghem, sous le titre L'Éloge du vin, Paris, 1980.
1987.
2. La Grande Taiyya, waduction par C. Chonez, Paris,
143
LE SOUFISME DANS LA CULTURE ISLAMIQUE
La terminologie soufie
144
LE SOUFISME DANS LA CULTURE ISLAMIQUE
al-
1. Voir par exemple Les Termes techniques des soufis (stilähât
sâfiyya) de Qâshânf, auteur de l’école d’Ibn ‘Arabî.
,
2, L'ouvrage a été traduit en français par M. Gloton, Téhéran
1994.
3. A. J. Arberry, Le Soufisme, p. 126-128.
145
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LE SOUFISME DANS LA CULTURE ISLAMIQUE
fran-
1. Il existe une anthologie des Furñhâr, extraits traduits en
[/lumina tions de La Mecque, sous la directio n de
çais et en anglais : Les
M. Chodkiewicz, Paris, 1988 (rééd. en poche).
147
LE SOUFISME DANS LA CULTURE ISLAMIQUE
leur exis-
Dieu seul est, et les créatures Lui empruntent
dans
tence grâce à Sa théophanie sans cesse renouvelée
autant:
le monde. Mais les choses ne sont pas Dieu pour
. » Le
« Le Réel est le Réel, le créaturel est le créaturel'
fois
cheikh affirme finalement que le monde est à la
dépas ser l'opp ositi on
«Lui et non Lui». L’initié doit
entre immanence (#ashbfh) et transcendance (tanzfh); de
façon générale, il doit réaliser l'union des contraires s’il
veut saisir les réalités divines.
Bien d’autres thèmes métaphysiques et cosmolo-
giques trouvent leur maturation dans les ouvrages d’Ibn
“Arabi :la Réalité muhammadienne et l'Homme univer-
sel, la création perpétuelle, l'héritage prophétique, le
monde imaginal, la prédominance de la miséricorde
divine sur la colère. Certains ont déjà germé chez des
auteurs précédents, d’autres apparaissent pour la pre-
mière fois sous sa plume; ensemble, 1ls constituent un
« dépôt sacré » que le Shaykh al-Akbar, pressé par l'inspi-
ration, ne fait que transmettre.
Loin d’être un système clos, l'œuvre d’Ibn ‘Arabf a
avant tout une portée initiatique; elle n’est jamais
exempte d’opérativité. Cependant, dans le siècle qui suit
sa mort, les disciples du maître figent son enseignement
en lui donnant un tour philosophique. Dès le xiv° siècle,
des censeurs stigmatisent ce qu'ils appellent le « sou-
fisme philosophique » (a/-trasawwuf al-falsafr) des
Modernes, qui trahirait la Révélation pour s'appuyer sur
la spéculation humaine. Ils visent ici l’école d’Ibn ‘Arab,
et davantage encore la pensée d’Ibn Sab'’în. Par opposi-
tion, ces censeurs louent le « soufisme des vertus spiri-
tuelles » (4/-tasawwuf al-akhläqi) des Anciens, soit celui
des mystiques antérieurs au xur° siècle, dont l’expérience
serait modelée sur les seules sources scripturaires. Or
148
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LE SOUFISME DANS LA CULTURE ISLAMIQUE
Hohens-
reçoit de la part de l'empereur Frédéric II de
-islamique, des
taufen, très attiré par la civilisation arabo
métaphysiques, appelées « questions siCi-
questions
chez Suh-
liennes », auxquelles 1l va répondre. Comme
sophie
rawardî d'Alep, en lui convergent soufisme, philo
cen-
et hermétisme. L’amalgame effectué par maints
et celle
seurs, entre la doctrine de l’'Unicité d’Ibn ‘Arab
d’Ibn Sab’în, est dénué de fondement. En témoigne la
postérité très contrastée de leurs œuvres respectives : par
sa métaphysique intransigeante, [bn Sab‘în sera toujours
un marginal, traqué par les exotéristes (de Ceuta à Bou-
gie, puis à La Mecque), et gênant les soufis qui préfèrent
se taire à son sujet. Selon une rumeur infondée, il se
serait suicidé en s’ouvrant les veines à La Mecque.
Bibliographie :
— sur la terminologie soufie:
Louis Massignon, Essai sur les origines du lexique technique de la
mystique musulmane; Paris, 1999 (rééd.).
Jean-Louis Michon, Le Soufi marocain Ahmad Ibn ‘Ajfba et son
Mi'räj. Glossaire de la mystique musulmane, Paris, 1973.
Paul Nwyia, Exégèse coranique et langage mystique. Nouvel essai
sur le lexique technique des mystiques musulmans, Beyrouth, 1991
(rééd.)
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a
1. Pour un tableau exhaustif des voies initiatiques, on se reporter
dans le monde
à l'ouvrage collectif Les Voies d'Allah. Les ordres mystiques
musulman des origines à aujourd'hui, Paris, 1996.
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Les Voies
1. On en trouvera des extraits, traduits par D. Gril, dans
d'Allah, p. 547-568.
157
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son
n’entament en rien l'authenticité du personnage ni
ascendant sur les soufis. Son influe nce initia tique gagne
l'Asie centrale et l’Inde aussi bien que le Proche-Orient,
où elle se distingue par la sobriété, la référence à la
Sunna et au patrimoine soufi classique. En Egypte par
exemple, elle se présente simplement sous le nom de
«voie de Junayd » : pour cette /zrfqa en particulier, le
contenu importe plus que la forme.
Parmi les voies qui naissent au x1° siècle, la R1f4’1yya
est sans conteste celle qui se met le plus rapidement en
place. En réalité, Ahmad Rifâ‘î (m. 1182), hérite d’une
communauté déjà constituée. Après avoir été initié par
son oncle, il forme des disciples dans un grand
«couvent» (rw4g, sorte de xéwiya) situé dans une
région isolée du sud de l'Irak, où il attire des milliers
d’adeptes. Son enseignement s'étend au Moyen-Orient,
où il délègue son autorité à de nombreux représentants
(#hulafa”). Rifaî prône un strict respect de la Swrna et
recommande l'humilité et la compassion. Par l’amour
qu’il porte à toutes les créatures, en particulier aux ani-
maux, il est parfois comparé à saint François d’Assise. À
partir du xu° siècle, ses disciples vont introduire des pra-
tiques peu conformes à son enseignement : ils marchent
sur des tisons, avalent des serpents, se transpercent le
corps. Ces exercices, expliquent-ils, sont inoffensifs en
vertu du pouvoir initiatique du saint et de la protection
qui en découle,
158
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LE SOUFISME DANS LA CULTURE ISLAMIQUE
à
naire du Khwarezm. Son surnom « Kubrâ », qui renvoie
l'expression coranique a/-1âmma al-kubrä, « le cataclysme
majeur »', lui viendrait de son grand talent à convaincre
ses adversaires lors de controverses. Parti étudier les
sciences islamiques au Proche-Orient, Najm al-Diîn y est
initié par plusieurs cheikhs, dont deux disciples d‘Abû
Najib Suhrawardî. De retour dans son pays natal, il
construit une ##éngâh où, s'inspirant de la règle de
Junayd, il forme une pépinière de disciples, ce qui lui
vaut d’être surnommé «le modeleur de saints ». Bien
que rattaché à la tradition irakienne, il fonde une école
initiatique originale : sa méthode repose sur la percep-
tion des centres subtils du corps humain (/4r4'if) et vise à
l’illumination progressive de l'être intérieur. Il professe
un sunnisme sans équivoque, mais plusieurs de ses héri-
tiers spirituels vont s'orienter vers le chiisme. Il meurt en
martyr lors de l'invasion mongole. Il a laissé plusieurs
petits traités en arabe, portant essentiellement sur ses
expériences visionnaires, en particulier Les Éclosions de la
beauté (Fawä'ih al-jamäl).
‘Al al-Dawla Simnânî (m. 1336) est l’une des grandes
figures de la Kubrawiyya. Issu d’une famille de grands
administrateurs du Khorassan travaillant pour les IIKk-
hanides mongols, il entre très jeune à leur service. À
vingt-quatre ans, il abandonne le monde à la suite d’une
crise intérieure et se consacre à la vie spirituelle. Initié
dans la voie de Kubrâ, il fonde bientôt sa #/@ngäh et
reste attaché au soufisme sunnite tout en entretenant
des relations avec les représentants d’autres religions —
notamment les moines bouddhistes voisins. Il est
influencé par Ibn ‘Arabi, bien qu'il réfute certaines for-
l'Coran 994
2. Les Éclosions de la beauté et les parfums de la mayesté, Nîmes,
2001. La traduction de P. Ballanfat est précédée d’une riche intro-
duction (p. 8-127).
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en donne
renoncé au monde. Le mot français « fakir»
un lointain écho. Les soufis sont arrivé s dans le sous-
continent dès le xr° siècle (Hall âj y séjou rne vers
les conqu é-
l'an 900), accompagnant les marchands puis
de nombreux der-
rants. Au contact des yogis hindous,
viches de la mouvance des Qalandars ont adopté un
mode de vie errant et ascétique, pratiquant le célibat et
le végétarisme. Dans un style très différent, sous les
Ghaznévides, au xr siècle, une mystique de langue per-
sane illustrée par Hujwiri, saint patron de Lahore, fleurit
au Penjab. Les premières grandes voies initiatiques
venues du Moyen-Orient suivent la fondation du sulta-
nat de Dehli, nous sommes au xui° siècle. C’est l’époque
où la Suhrawardiyya s'implante en Inde, tandis que
l'ouvrage de ‘Umar Suhrawardi, Les Dons de la Connais-
sance (‘Avwârif al-ma‘ärif), sert de référence aux autres
voies naissantes, notamment à la Shishtiyya.
Mu’în al-Dîn Shishtf (m. 1236) appartient à un courant
de derviches issus d’Asie centrale. Comme Kubrâ, il
voyage en Irak, puis s'établit à Ajmer (Rajastan). La
SAishtiyya s'organise et s'étend dans toute l'Inde musul-
mane sous l'égide du troisième successeur de Shishti,
Nizâm al-Dîn Awliyâ’ (m. 1325), qui a pour disciple le
grand poète Amîr Khrusraw. Les deux hommes sont à
l’origine d’une culture soufie indo-persane, qui se carac-
térise par son ouverture sur l’hindouisme. Ce sont les
Shishtis qui ont mis au goût du jour les »a/fñxâr, ces
recueils de sentences ou de « dits » des maîtres, compi-
lés par des disciples; ce genre littéraire n’est pas nou-
veau dans le soufisme, mais prend un tour particulier en
Inde.
Aux xiv° et xv° siècles apparaissent de grandes ramifi-
cations des premières voies, telles que la Sxarräriyya.
Issue de la Suhrawardiyya, elle se considère comme
indépendante et supérieure aux autres voies. De fait,
elle adopte des positions peu conformes à celles de la
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les bêtes
illettré, strictement végétarien, qui vit parmi
sauvages; il enseigne dans une langu e simpl e ce que les
façon sophi stiqu ée.
mystiques orientaux expriment de
Maroc
Quant à Ibn Hirzihim (vénéré de nos jours au
e de
sous le nom de Sîdî Harazem), il adhère à la pensé
GhazAli, qu’il fait connaître à Abû Madyan. Après un
voyage initiatique en Orient et au terme d'années de
retraite, Abû Madyan se fixe à Bougie (Bijâya, en Algé-
rie), une des étapes de la route reliant l'Espagne à
l'Orient. Il y exerce un rayonnement sans précédent au
Maghreb. Certains disciples restent en Occident musul-
man, fondant des groupes autonomes; d’autres
répandent la voie au Proche-Orient. Convoqué au Maroc
par le sultan almohade Ya‘qûb al-Mansûr, Abû Madyan
meurt en route et est enterré près de Tlemcen.
La censure qu’exerce l’école juridique malékite
explique le caractère piétiste de l’enseignement d’Abû
Madvyan, qui ne s’aventure guère dans les développe-
ments métaphysiques plus en cours en Orient!. Par le
brassage d'hommes et de doctrines qu’il suscite, Abû
Madyan opère une synthèse entre les soufismes maro-
cain, andalou et oriental. Ibn ‘Arabî n’a jamais rencontré
le saint de Bougie, mais il le cite plus que tout autre
maître dans son œuvre. Abû Madyan est une source ini-
tiatique majeure du soufisme maghrébin. S'il n'a pas
fondé d’ordre, il est comparable à un arbre dont les rami-
fications couvrent le Maghreb et une partie du Proche-
Orient; certaines s'appellent Madyaniyya, comme en
Ifrigiya (actuelle Tunisie) et en Égypte, mais la plupart
prennent d’autres noms.
À partir du xiv° siècle, le soufisme maghrébo-andalou
revêt d’abord un aspect communautaire. Implantées sur-
tout au Maroc et issues pour la plupart de l’école d’Abû
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rique ». C’est son fils Sultan Walad (m. 1312) qui fonde
l’ordre mevlevi (la Maw/awiyya en arabe) et codifie la
célèbre danse giratoire. La Pirkhâne de Konya, où les cel-
lules des adeptes sont disposées autour du mausolée de
Mevlâna, devient le centre de l’ordre. À partir du xv° siè-
cle, les Ottomans triomphants prennent en faveur les
Mevlevis, ces soufis orthodoxes qui leur servent de rem-
part contre les derviches frondeurs des campagnes anato-
liennes. La Mawlâwiyya suit les traces des conquérants
ottomans dans les Balkans et en pays arabe.
Comme Rûmî, Hajji Bektâsh (m. 1337) a été poussé
par l'invasion mongole vers l’Anatolie. Au confluent du
courant turc d’Ahmad Yasawi et des Qalandars iraniens,
le saint devient une figure emblématique pour les der-
viches et, plus largement, pour les tribus turkmènes éta-
blies en Anatolie. Le syncrétisme que vont pratiquer les
Bektashis est déjà, semble-t-il, en germe chez lui. Le
christianisme anatolien, en particulier, a une influence
évidente sur les rituels qu’il met en place, même si
celle-ci a été parfois exagérée par les détracteurs de
l’ordre. Quoi qu’il en soit, le formalisme religieux n’est
pas de mise dans cette région où, selon la formule bek-
tashie, « un saint est pour tout le monde ». La souplesse
dogmatique des Bektashis leur a paradoxalement permis
d’être des agents actifs de l’islamisation de l'Asie
Mineure et des Balkans. Vers 1500, Balim Sultan apporte
des innovations dans l’ordre — il encourage par exemple
le célibat des derviches — et lui donne sa règle définitive.
Au début du xv°siècle, un mouvement issu du
chiisme extrémiste enseigne un système cabalistique
reposant sur la valeur numérique des lettres, d’où le nom
de la secte, al-Hurafiyya (hurâf signifie «lettres» en
arabe). Le fondateur Fadlullâh, qui prône le supra-
confessionnalisme et revendique pour lui-même la divi-
nité, est exécuté pour hérésie par les Timourides en
1394. Le hurûfisme a contaminé les Bektashis, dont les
chefs tentent cependant de minimiser l'influence.
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Bibliographie :
Sur les voies initiatiques, « ordres » ou « confréries », se réfé-
rer à l’ouvrage collectif: Les Voies d'Allah. Les ordres mystiques
dans le monde musulman des origines à aujourd'hui, dirigé par
Alexandre Popovic et Gilles Veinstein, Paris, 1996.
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INTÉGRATION ET RAYONNEMENT :
« LE SOUFISME, CŒUR DE L'ISLAM »
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le pou-
1. La fatwa est un avis donné par un savant consulté par
e usuelle ment un point juridiq ue
voir ou par un privé. Elle concern
touchant à la vie cultuell e ou aux relation s humaine s.
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que ne
dans la société. Pour autant, la dimension mysti
les « petits
pénètre pas tout le milieu des clercs:
nture
juristes », en particulier, restent étrangers à l'ave
spirituelle que proposent les soufis.
Hanbalisme et soufisme
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nu la
plus éminents juristes et théologiens ont recon
influencé
supériorité des soufis ». Ibn Taymiyya a aussi
ites. Parmi eux, Ibn Kathîr
plusieurs savants chafé
connu pour son commentaire du Coran,
(m.1373),
rique
reconnaît dans d’autres ouvrages la hiérarchie ésoté
des saints et emploie la terminologie soufie . Quant à Ibn
Hajar ‘Asqalânî (m. 1449), spécialiste du Hadfîth et grand
cadi, il justifie le langage allusif des soufis et commente
les vers mystiques d’Ibn al-Fârid. Par la suite, les hanba-
lites continueront à s’ouvrir à la dimension intérieure de
l’islam, et certains se montreront perméables aux doc-
trines d’Ibn ‘Arab.
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s salât
(dhikn). Les séances de prière sur le Prophète (wajli
ète, appa-
’alà l-nabi), nuits d’oraison dévolues au Proph
la mos-
raissent à al-Azhar à la fin du xv° siècle, puis à
dent
quée des Omeyyades de Damas; elles se répan
bientôt dans d’autres région s du mond e musul man.
Ribât, khângâh et zâwiya constituent parfois des
complexes monumentaux. Une grande z4wiya comprend
en général une mosquée, une ”74drasa, une hôtellerie et
des parties privatives. Les ensembles les plus importants
sont concentrés autour du tombeau (”4z4r, magâm) du
saint fondateur ou d’un de ses successeurs. Ce sanctuaire
sert de lieu de rassemblement aux soufis et draine des
foules de plus en plus nombreuses.
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Bibliographie : !
Éric Geoffroy, Le Soufism e en Egypte et en Syrie sous les derniers
Mamelouks et les premier s Ottoman s : orientat ions spirituelles et enjeux
culturels, IFEAD, Damas, 1995.
Ibn Khaldûn, La Voie et la Loi, présenté et traduit par
R. Pérez, Paris, 1991.
saint
Catherine Mayeur-Jaouen, A/-Sayyid al-Badawf, un grand
de l'islam égyptien, Le Caire, IFAO, 1994.
189
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/ l
SOUFISME ET RÉFORMISME (XVIII‘-XX° S.)
Un déclin du soufisme?
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La Voie muhammadienne
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te au xx siècle,
1. R. Chih, Le Soufisme au quotidien. Confréries d'Égyp
Paris, 2000.
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urs
les sciences islamiques à Fès, celui-ci s’affilie à plusie
de la Shâdhiliyya, bien ancrée dans cette
branches
métropole de l'islam. Puis il s'établit à La Mecque qui
est alors, avec Médine, la plaque tournante des soufis
réformistes. Il prône l’affiliation directe au Prophète et la
pratique de l’y#hâd spirituel. Pour lui, le fidèle n’a pas
besoin d’intermédiaires pour avoir accès au Coran et à la
Sunna. Son rejet des quatre écoles juridiques du sun-
nisme lui vaut l’ire des juristes mecquois, ce qui l’oblige
à s’exiler dans la région de ‘Asîr, au Yémen. L'impor-
tance d’Ibn Idrîs ne réside pas tant dans son œuvre,
modeste, que dans le rayonnement énigmatique de sa
personnalité. Par son érudition et son souci de réforme
intérieure, il tient en respect les wahhabites auxquels 1l
est confronté. Le panislamisme dont il se réclame sera
utilisé comme une dernière arme politique par le sultan
ottoman ‘Abd al-Hamîd (m. 1909). Il annonce l’appel
pressant des ulémas réformistes à dépasser les divisions
entre musulmans.
Plusieurs disciples d’Ibn Idrîs créent des arfga, qui
devaient transformer le paysage initiatique d’une partie
du monde musulman, du Maghreb jusqu’à l’Asie du
Sud-Est. Le plus proche d’Ibn Idrîs est sans doute
Muhammad Sanûsf (m. 1859). Né en Algérie, il acquiert
lui aussi à Fès sa formation dans les sciences islamiques
puis, en Arabie, prend Ibn Idrîs pour maître. À la mort de
ce dernier, il implante la Sanûsiyya en Libye et dans les
zones sahariennes voisines, où il s'emploie à « réislami-
ser pacifiquement, hors de toute visée politique, les
populations déshéritées de la région’ ». La doctrine de
Sanûsf est centrée sur la Réalité muhammadienne. Au
début du xx° siècle, les Sanûsis mènent le 7144 armé
contre l’envahisseur italien en Libye, anglais en Égypte,
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confrérie
1. J.-L. Triaud, La Légende noire de la Sanàûsiyya. Une
musulmane saharienne sous le regard français , Paris, 1995.
le rôle
2. Selon A. Hampaté Bâ, cette voie « joue, dans lislâm,
», c’est-à- dire qu’elle synthét ise
que l’islâm joue parmi les religions
voies initiati ques antérie ures (Vie ef enseigne ment de
et parachève les
1980, p. 230).
Tierno Bokar, le Sage de Bandiagara, Paris,
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LE SOUFISME DANS LA CULTURE ISLAMIQUE
el-Kader
_ L'émir Abd el-Kader. La vie de l’émir Abd
in inverse
(m. 1883) emprunte en quelque sorte un chem
revendi-
à celui du Mahdfî soudanais. Chez l’émir, nulle
titure
cation, ni spirituelle ni temporelle, mais une inves
e les
qu’il reçoit malgré lui. Défendant son pays contr
il a su arrête r le //4d mineu r
Français entre 1832 et 1847,
pour le transmuer en 7/44 majeu r, en conq uête mys-
tique, car il voyait dans l’un comme dans l’autre un effet
de la Volonté divine qu’il convient d’apprécier en toute
circonstance. Ses ennemis ne s’y sont pas trompés : der-
rière le « sabreur magnanime » Bugeaud avait discerné
« une espèce de prophète! ». Au cours de sa captivité en
France, qui se prolongea jusqu’en 1852, l’'émir a pris
conscience qu’il était chargé d’une mission, celle de
« féconder la France de sa spiritualité pour que la France
féconde l'Orient de sa technicité” ». Cela explique la
grande curiosité de l'émir à l'égard du progrès tech-
nologique, mais aussi l'intérêt qu’il a suscité jusqu’à nos
jours en France, qui était appelée à devenir une « puis-
sance musulmane ».
En 1853, Abd el-Kader émigre en Orient puis s’ins-
talle en 1855 à Damas, où repose Ibn ‘Arabî. En effet,
bien que rattaché à plusieurs voies initiatiques, il est
d’abord le disciple, par-delà les siècles, du S%aykh al-
Akbar avec lequel il communique, dit-on, dans le monde
spirituel. L’émir connaît de fréquents états de « ravisse-
ment » (/adhb), observés par plusieurs témoins. Inter-
prète autorisé d’Ibn ‘Arabî dans son Livre des Haltes (kirâb
al-mawäqif), 1 adapte la doctrine du maître au nouveau
contexte. Pourfendant l’imitation en matière juridique
(taglid), le fin théologien qu'il est redéfinit les rapports
entre rationalisme et mystique en islam. Il exerce une
200
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201
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204
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92.
1. Cité par le cheikh ‘Alawf, dans sa Risälat al-Nâsir Ma’räf, p.
1998,
2. T. Ramadan, Aux sources du renouveau musulman, Paris,
p. 182.
205
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210
LE SOUFISME DANS LA CULTURE ISLAMIQUE
Bibliographie :
Les Cahiers de l'Orient, n° 50, «Les soufis à l’assaut de
l'islam », Paris, 1998.
Johan Cartigny, Cheikh AT Alawi. Documents et témoignages,
Paris, 1984. ‘
Émir Abd el-Kader, Écrits spirituels, présentés et traduits par
M. Chodkiewicz, Paris, 1982.
Bruno Étienne, Abdelkader, Paris, 1994.
Marc Gaborieau et Nicole Grandin, « Le renouveau confré-
rique », dans Les Voies d'Allah, Paris, 1996, p. 68-83.
Tariq Ramadan, Aux sources du renouveau musulman, Paris,
1998.
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CHAPITRE IV
LE SOUFISME
TEL QU'IL SE VIT
MAÎTRE ET DISCIPLE
22%
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LE SOUFISME TEL QU'IL SE VIT
Un seul maître
219
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progresser.
cheikh, car il juge celui-ci plus apte à le faire
ait atteint la
Si le cheikh meurt avant que son disciple
doit prendre un
«réalisation » spirituelle, ce dernier
ent 1rrem-
autre guide. Mais le premier maître reste souv
e » (r#/4-
plaçable et, après sa mort, son « entité spirituell
é.
niyya) peut continuer à instruire un disciple avanc
220
LE SOUFISME TEL QU'IL SE VIT
221
LE SOUFISME TEL QU'IL SE VIT
222
LE SOUFISME TEL QU'IL SE VIT
p. 94.
1. Sha‘rânî, Durar al-ghawwäs, Le Caire, 1985,
Sulamf , traduit par À. Zein, Milan, 1990.
2. Titre d’un ouvrage de
223
LE SOUFISME TEL QU'IL SE VIT
224
LE SOUFISME TEL QU'IL SE VIT
1. Cor. 2 : 30-34.
225
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226
LE SOUFISME TEL QU'IL SE VIT
228
LE SOUFISME TEL QU'IL SE VIT
Bibliographie :
Paul Ballanfat, « De l’aspiration à l’amour, l’éducation soufie
chez ‘Umar Suhrawardî et ‘Izz al-Din Kashanî », Journal asia-
rique 285.2 (1997), p. 325-361.
Cheikh Khaled Bentounès, Le Soufisme cœur de l'islam, Paris,
1996.
Rachida Chih, Le Soufisme au quotidien. Confréries d'Égypte au
xx siècle, Paris, 2000.
Michel Chodkiewicz, « Les maîtres spirituels en Islam »,
dans Connaissance des religions, n° 53-54, 1998, p. 33-48.
229
LE SOUFISME TEL QU'IL SE VIT
230
LE SOUFISME TEL QU'IL SE VIT
491
LE SOUFISME TEL QU'IL SE VIT
AT
LE SOUFISME TEL QU'IL SE VIT
a
du Prophète. Fait peu connu, la multiple affiliation
été largement observée au cours des siècles . Dans le
soufisme primitif, les aspirants sur la Voie se dépla-
çaient beaucoup, côtoyant plusieurs maîtres à la fois,
cherchant «la source la plus fraîche », selon l’expres-
sion de Shâdhili.
Les procédures de l’affiliation se sont formalisées avec
l'apparition des différentes familles spirituelles. Pour
autant, le soufisme est resté un monde fluide, où les
diverses influences initiatiques se sont interpénétrées et
enrichies mutuellement. Doctrines et rituels présentent
souvent des similitudes, et un membre d’une /arîga peut
généralement participer aux séances de dhkr d’autres
ordres, ou chercher l’intercession de saints défunts issus
d’une famille spirituelle autre que la sienne. La plupart
des soufis ont conscience de suivre la même Voie
muhammadienne, ce qui doit relativiser l'appartenance à
telle ou telle voie particulière. Les initiés passent ainsi
d’une farfga à une autre ou, comme le préconise Ibn
‘Arab lui-même, multiplient les rattachements. Sha‘rânî
évoque ses vingt-six affiliations, tandis qu’un autre dit
avoir pris le pacte avec soixante cheikhs!
Il reste qu’un soufi ne peut prêter allégeance qu’à un
seul maître à la fois et, pour certains, seul le premier
pacte est valide. Dans les faits, les deux modes d’affilia-
tion coexistent car ils sont complémentaires : le disciple
a un maître attitré, mais côtoie d’autres cheikhs qui sont
autant de relais initiatiques. La quasi-règle de la multi-
ple affiliation contraste avec ce qui se pratique dans les
mondes chrétien, hindou et bouddhiste'. Elle a permis
une large couverture initiatique du monde musulman, et
une diffusion de la culture soufie dans toute la société.
234
LE SOUFISME TEL QU'IL SE VIT
AE À
L'initiation uwaysf
295
LE SOUFISME TEL QU'IL SE VIT
r
son nom au fait que le saint a été instruit par Khadi
directement.
Parmi les væwaysf les plus reconnus, citons Abû Yazîd
Bistâmi (m. 875), instruit en esprit par l’Imam Ja’far
Sâdiq (m. 765), et Kharaqânî (m. 1029) initié à son tour
par Bistâmf. Ce mode d'initiation a eu cours en parti-
culier au sein de la Naqshbandiyya, qui inclut ces
maîtres dans son lignage. Ainsi le maître éponyme de la
voie, Bah’ al-Dîn Naqshband (m. 1389), était en contact
avec le cheikh Ghujduwânf (m.1220). Les disciples
communiquent avec leur initiateur par l'intermédiaire de
son «entité spirituelle » (r#44niyya), qui peut prendre la
forme d’un corps subtil. Ce mode d’initiation est souvent
associé à un rattachement à un maître vivant, Ce qui per-
met de préserver une initiation formelle.
Bibliographie :
Éric Geoffroy, Le Soufisme en Égypte et en Syrie, Damas,
IFEAD, 1995, p.194-203.
Michel Chodkiewicz, « Note complémentaire sur les rites
d'initiation dans les turuq », dans ‘Ay» a/-hayât — Quaderno di
Studi della Tariga nagshbandiyya, n° 5, 1999, p. 45-64.
RÈGLES DE VIE
236
LE SOUFISME TEL QU'IL SE VIT
cessemrenouvelémsilnréalisesencluit lUnicitésdivine
(awhid), au lieu de simplement l’affirmer. La prise en
charge de tous les aspects de la vie quotidienne est très
caractéristique de l'islam, qui n’opère pas de divorce
entre la matière et l’esprit. Pour les maîtres, le respect de
ces convenances a une telle importance qu’il résume à
lui seul le contenu du soufisme!.
Dès le x° siècle, des maîtres ont rédigé des traités de
«règles de conduite » (444b) à l’usage des novices. Ces
règles tendent à façonner la juste attitude intérieure que
doivent acquérir les aspirants. Le comportement exté-
rieur, disent les maîtres, révèle ce que vit le disciple
intérieurement, et chaque action doit être considérée
comme un pas sur la Voie. Voyant un homme accomplir
la prière rituelle tout en montrant des signes de distrac-
tion, le Prophète fit cette remarque : « Si son cœur était
plongé dans le recueillement, cela se traduirait dans ses
membres » (Suyûti). Les règles concernant la vie spiri-
tuelle sont dites « intérieures » et celles touchant à la vie
sociale « extérieures », mais il n’y a pas de scission entre
telle ou telle attitude. Pour les soufis, le modèle en ce
domaine est le Prophète, qui incarne toutes les vertus,
intérieures comme extérieures.
À chacun des cinq sens (ouïe, vue, odorat, toucher,
goût) correspondent des règles de conduite particulières.
En toute circonstance, le disciple ne doit activer ses sens
qu’en recherchant l'agrément divin. Les règles le plus
souvent mentionnées dans les manuels ont trait à l’ali-
mentation, à l’habillement, au sommeil, au voyage et,
plus généralement, à l’«étiquette spirituelle » qu'il
convient d'observer en société. Elles définissent un idéal
vers lequel l’aspirant doit tendre sans cesse. Donnons-en
quelques exemples :
231
LE SOUFISME TEL QU'IL SE VIT
que pos-
_ Alimentation. L’aspirant doit limiter autant
Il se nourrit
sible l'absorption d’aliments et de boissons.
mais pour prendre
non pour assouvir son désir charnel,
on avait eu
des forces en vue de l’adoration. « Si Phara
Sei-
faim, note Bistâmÿ, il n’aurait pas dit “Je suis votre
-
gneur suprême !”!'» Après s'être lavé les mains, l’aspi
rant commence son repas par « Au nom de Dieu », prend
un peu de sel, et ne met dans son bol que le nécessaire.
Il n’avale que des petites bouchées, qu'il mâche soi-
gneusement. Il ne parle pas et ne regarde pas ce que
mangent les autres. Il termine son repas en disant « Dieu
soit loué», prend un peu de sel, puis va se laver les
mains et se rincer la bouche.
1. CCor 795174:
2338
LE SOUFISME TEL QU'IL SE VIT
259
LE SOUFISME TEL QU'IL SE VIT
,
des «convenances spirituelles » que les vrais soufis
entre
affirme Suhrawardî, peuvent respecter l'équilibre
cir-
exotérique et ésotérique, en toute chose et en toute
la
constance. Lorsque le soufisme s’est enraciné dans
culture islamique, ces codes spirit uels ont été adopt és en
partie par les croyants.
Entre frères
240
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L'invocation (dhikr)
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246
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1957, p.5 du
1. Fawä'ih al-jamäl, éd. par F. Meier, Wiesbaden,
-
texte arabe. par
, présent é et traduit
2. N. Isfarayini, Le Révélateur des mystères
H. Landolt, Lagrasse, 1986, p. 47-48.
247
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248
LE SOUFISME TEL QUIL SE VIT
4 |
1. Anvër, t. I, p. 43.
et
2. Cf. par exemple N. Kubrâ, Eclosions, p. 73-76; G. Anawati
L. Gardet, Mystiqu e musulma ne, Paris, 1961, p. 223-226 .
249
LE SOUFISME TEL QU'IL SE VIT
t
niveaux sont étroitement liés; l’un et l’autre peuven
être pratiqués de concert, ou alternativem ent.
L'invocation de la conscience intime (dhikr al-sirr) peut
être mise en relation avec l’ésén, l’« excellence » qui
coiffe la « soumission » (is/4m) et la « foi » (mn). À ce
niveau, toute trace de dualité disparaît, le disciple étant
annihilé dans l’Invoqué.
Ces trois degrés restent très schématiques, et les
maîtres distinguent parfois cinq à huit étapes. Chez cer-
tains Nagshbandis, la progression dans le #kr s'effectue
en corrélation avec les centres subtils (/ar4'1f) de
l’homme: ceux-ci sont généralement au nombre de cinq,
une position dans le corps et une couleur particulière
correspondant à chacun d’entre eux.
250
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LE SOUFISME TEL QU'IL SE VIT
265
LE SOUFISME TEL QU'IL SE VIT
soufi n’est
vous ne les saisissez pas » (Cor. 17: 44). Le
l se
donc pas seulement ce visionnaire devant leque
t égale ment
lèvent les voiles du monde sensible; il perçoi
du
les sons terrestres comme autant de réminiscences
monde spirituel, ce qui peut faire naître chez lui une
grande nostalgie. Ce fut en particulier la voie de Rûmi:
256
LE SOUFISME TEL QU'IL SE VIT
297
LE SOUFISME TEL QU'IL SE VIT
258
LE SOUFISME TEL QU'IL SE VIT
e des Der-
1. En ouverture d’un double CD consacré à la musiqu
Paris, 1999.
oiches tourneurs de Damas, Le Chant du monde,
259
LE SOUFISME TEL QU'IL SE VIT
Bibliographie :
Georges Anawati et Louis Gardet, Mystique musulmane, Paris,
1961, p. 187-234 (développements profonds sur le dhikr, ouverts
au comparatisme interreligieux, mais parfois confus).
Rachida Chih, Le Soufisme au guofidien, p. 250-263.
Éric Geoffroy, Le Soufisme en Égypte et en Syrie, p. 407-422 (sur
les débats soulevés par le #zkr et le samä”).
Ibn ’Atà’ Allâh, Zraité sur le nom ALLAH, introduction et tra-
duction par M. Gloton, Paris, 1981.
Najm al-Dîn Kubrâ, Les Éclosions de la beauté et les parfums de
la majesté, présenté et traduit par P. Ballanfat, Nîmes, 2001.
Les Voies d'Allah, p. 150-155; 157-172; 515 notamment.
Litanies et oraisons"
260
LE SOUFISME TEL QU'IL SE VIT
1. Voir à ce sujet la scission qui eut lieu chez les Tijânis, entre les
adeptes de la pratique des « onze grains » et ceux qui introduisirent
les « douze grains »: À. Hampaté Bâ, Vie ef enseignement de Tierno
Bokar, p. 57 et sq.
2. En 1258. Cf. La Sagesse des maîtres soufis, p. 277-283, où l’on
trouvera une présentation et une traduction du Æixb.
262
LE SOUFISME TEL QU'IL SE VIT
La retraite (khalwa)
219.
1. J. L. Michon, Le Soufi marocain Ahmad Ibn ’Ajfba, p.
263
LE SOUFISME TEL QU'IL SE VIT
264
LE SOUFISME TEL QU'IL SE VIT
s.
1. A/-Mungidh min al-daläl, p.99-100 du texte françai
265
LE SOUFISME TEL QU'IL SE VIT
266
LE SOUFISME TEL QU'IL SE VIT
des
1. É. Geoffroy, « La mort du saint en islam », Revue de l'histoire
|
religions, n° 215, 1998, p. 17-34,
f, dans
2. On peut encore visiter celle d’Abû I-Hasan Shâdhil
rs enchâs sé dans un grand
son sanctuaire de Tunis qui est d’ailleu
cimetière.
267
LE SOUFISME TEL QU'IL SE VIT
268
LE SOUFISME TEL QU'IL SE VIT
témoignages, p.76,
1. J. Cartigny, Cheikh AI Alawi. Documents et
86-87. £
Syrie, p. 129.
2. É. Geoffroy, Le Soufisme en Egypte et en
269
LE SOUFISME TEL QU'IL SE VIT
Bibliographie :
Michel Chodkiewicz, « Les quatre morts du soufi », Revue de
l’histoire des religions, Paris, janvier-mars 1998, t. 215, p. 35-57.
LE SOUFISME
ET L'OUVERTURE
INTER-RELIGIEUSE
271
LE SOUFISME ET L'OUVERTURE INTER-RELIGIEUSE
aux tribus;
qui a été révélé à Abraham, à Isaac, à Jacob et
a été
à ce qui a été donné à Moïse et à Jésus; à ce qui
donné aux prophètes, de la part de leur Seign eur. Nous
nous
n'avons de préférence pour aucun d’entre eux;
soumis à Dieu” » (Cor. 2 : 136). Muhammad est
sommes
le «sceau» — c’est-à-dire le dernier — des prophètes,
dont le nombre s’est élevé selon lui à 124000. Or le
Coran mentionne seulement vingt-sept prophètes, préci-
sant que « pour toute communauté il y a un envoyé »
(Cor. 10 : 47). Il faut donc rechercher les autres à une
échelle très large dans l’histoire de l’humanité. Les
savants musulmans reconnaissent ainsi volontiers en
Bouddha, Zoroastre ou encore Akhenaton des prophètes.
Ils ont relevé dans le Coran deux allusions au Bouddha,
et certains d’entre eux ont vu dans les « avatars », ou
incarnations divines du bouddhisme, l’équivalent des
prophètes de l’islam. De la même façon, des ulémas
indiens ont considéré les Védas, textes sacrés de l’hin-
douisme, comme inspirés par Dieu et ont compté les
hindous parmi les « Gens du Livre », c’est-à-dire les
peuples ayant reçu une écriture révélée.
Le Coran évoque à plusieurs reprises la « Religion pri-
mordiale » ou « immuable » (4/-dîn al-gayyim). Toutes les
religions historiques seraient issues de cette religion sans
nom*°, et auraient donc une généalogie commune.
L'’islam considère cependant la diversité des peuples et
des religions comme une expression de la Sagesse
divine”. Il existe ainsi une théologie du pluralisme reli-
gieux en islam, même dans son versant le plus exoté-
rique. « À chacun de vous, Nous avons donné une voie
et une règle » (Coran 5 : 48): ce verset justifie la diver-
sité des traditions religieuses, lesquelles se trouvent
unies, de façon sous-jacente, par l’axe de l’Unicité divine
272
LE SOUFISME ET L'OUVERTURE INTER-RELIGIEUSE
218
LE SOUFISME ET L'OUVERTURE INTER-RELIGIEUSE
com-
primordiale ». Ils éprouvent plus que d’autres cette
l’hum anité au-del à
munauté d’adoration que constitue
de la diversité des croyances. Leur ouver ture aux autres
confessions découle d’une évidence métaphysique : « la
doctrine de l’Unicité divine ne peut être qu’une » (af
tawhid wâhid).
Les premiers ascètes ont probablement été influencés
par les moines et les ermites chrétiens du Proche-Orient.
Il semble même que leur modèle ait été davantage
Jésus, par sa vie ascétique et errante, que Muhammad.
Par la suite, des maîtres orthodoxes ont avoué leur véné-
ration pour Jésus. La littérature soufie cite abondam-
ment les propos du Christ, Ghazâlf en particulier, mais il
n’est pas le seul. Les moines chrétiens ont été respectés
au long de l’histoire de l’islam, si l’on excepte bien sûr le
terrorisme récent. Les soufis voient en eux des spirituels
suivant la voie du Christ, et certains cheikhs présentent à
leurs disciples la conduite des moines comme un idéal à
atteindre.
Hallâj professe évidemment l’universalisme de la
« Religion primordiale ». Après avoir tancé un musulman
qui s’en prenait à un juif sur le marché de Bagdad, il a
ces mots: « J'ai réfléchi sur les dénominations confes-
sionnelles, faisant effort pour les comprendre, et je les
considère comme un Principe unique à ramifications
nombreuses!.» Dans la même veine, le maître iranien
Ibn Abî I-Khayr affirme que « toutes les religions et tous
les hommes sensés reconnaissent que Celui qui est una-
nimement adoré et But suprême est un seul et même
Etre. Il est Un de tous les points de vue et la dualité est
impossible en Lui” ». Par leurs propos ou leurs attitudes,
Ahmad Rifâ‘f ou ‘Abd al-Qâdir Jîlânf témoignent d’une
274
LE SOUFISME ET L'OUVERTURE INTER-RELIGIEUSE
275
LE SOUFISME ET L'OUVERTURE INTER-RELIGIEUSE
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LE SOUFISME ET L'OUVERTURE INTER-RELIGIEUSE
219
LE SOUFISME ET L'OUVERTURE INTER-RELIGIEUSE
1. CE Cypra D: a.
2. M. Chodkiewicz, Le Sceau des saints, p. 103.
3. Les Tentations métaphysiques, introduction de Ch. Tortel, p. 27.
280
LE SOUFISME ET L'OUVERTURE INTER-RELIGIEUSE
imCfrGGr. Sartl0:
2. Le Sceau des saints, p. 103.
281
LE SOUFISME ET L'OUVERTURE INTER-RELIGIEUSE
Et Sanâ” :
282
LE SOUFISME ET L'OUVERTURE INTER-RELIGIEUSE
La tentation du syncrétisme
p. 164-165.
1. Rûmî, Le Livre du Dedans, Paris, 1982,
283
LE SOUFISME ET L'OUVERTURE INTER-RELIGIEUSE
284
LE SOUFISME ET L'OUVERTURE INTER-RELIGIEUSE
286
LE SOUFISME ET L’OUVERTURE INTER-RELIGIEUSE
p. 135.
1. P. Lory, Les Commentaires ésotériques du Goran,
Essais sur le soufism e, Paris, 1980, p. 176.
2. SH. Nasr,
287
LE SOUFISME ET L'OUVERTURE INTER-RELIGIEUSE
Bibliographie :
Michel Balivet, « Derviches, papadhes et villageois : note sur
la pérennité des contacts islamo-chrétiens en Anatolie cen-
trale », Journal asiatique, 1987, pp. 253-263.
—, « Chrétiens secrets et martyrs christiques en [slam turc »,
Islamochristiana 16, Rome, 1990, pp. 91-114.
SR Gilis, L'Esprit universel de l'islam, Beyrouth,
1998.
Leonard Lewisohn (dir.), The Legacy of Mediaeval Persian
Sufism, Londres, 1992.
Seyyed Hossein Nasr, Essais sur le soufisme, Paris, 1980.
CONCLUSION
SOUFISME D'HIER,
SOUFISME D’AUJOURD'HUI
La « dégénérescence du temps »
289
SOUFISME D'HIER, SOUFISME D'AUJOURD'HUI
général de
Il faut replacer ces jugements dans le cadre
ue siècle est
la tradition islamique, selon laquelle chaq
s'élo igne de la période
pire que le précédent : plus l’on
osé se dégrader.
prophétique plus le monde est supp
ue à tous les
Cette dégénérescence du temps s'appliq
s n'y
domaines de la culture islamique et les soufi
s des
échappent pas. Au fil des siècles, les constats amer
épo-
cheikhs sur la qualité du soufisme pratiqué à leur
parti e d’un e «rhé tori que
que relèvent donc en
flam me intér ieure des
pieuse!», destinée à raviver la
qu'à toute s
aspirants. Leur récurrence témoigne en outre
la dévia -
ses époques l'islam a paru entaché des maux de
tifs
tion et de la décadence. Néanmoins, des signes objec
de dégénérescence ont bien affecté le soufisme au cours
des âges, comme on l’a vu dans la troisième partie de cet
ouvrage.
290
SOUFISME D'HIER, SOUFISME D’AUJOURD'HUI
291
D'HUI
SOUFISME D'HIER, SOUFISME D'AUJOUR
ons ÉsOté-
tiques chrétiens ou de certaines organisati
le cas.
riques occidentales, ce qui est rarement
seulenét
Les soufis sont censés ne former qu'une
muham-
grande famille, puisqu'ils suivent la même Voie
Dès
madienne qui fédère toutes les voies particulières.
certaines confréries
lors, les rivalités qui existent entre
le
sont contraires à l'esprit de la Voie, si elles dépassent
spirit uelle. Le prosé -
cadre d’une simple incompatibilité
est donc la
lytisme qui sévit dans quelques confréries
négation même du tasawæwuf, lequel cherche la qualité et
non la quantité. L'extension trop grande d’une organisa-
tion initiatique « est, assez généralement, une des causes
premières d’une certaine dégénérescence ». Le sou-
fisme a compté de grands saints n’ayant eu qu'un petit
nombre de disciples, et en général plus un soufi est évo-
lué sur le plan intellectuel ou spirituel, moins il met en
avant son affiliation. Si le disciple doit considérer son
cheikh comme son «pôle», cela ne signifie pas que
celui-ci soit Æ Pôle. Il se doit donc d'inclure son cheikh
dans la communauté des saints muhammadiens et ne pas
manquer de politesse spirituelle (adab) à l'égard des
autres cheikhs. Lorsque ces codes de la Voie ne sont pas
respectés, on aboutit à des comportements de type sec-
taire qui sont à l'opposé de l’« ouverture » spirituelle et
humaine que le soufisme se donne pour but. Au nom
d’une doctrine élitiste mal comprise, cette discipline
d'éveil est alors instrumentalisée pour nourrir les pires
ostracismes.
Il ne faut pas non plus réduire le soufisme au phéno-
mène confrérique, qui n'apparaît de façon caractérisée
qu'entre le xvi et le xix°siècle. Le confrérisme a
coexisté jusqu’à nos jours avec un soufisme d’exigence,
mais qui ne se donne pas à voir. En outre, maître et
292
SOUFISME D'HIER, SOUFISME D’AUJOURD'HUI
293
SOUFISME D'HIER, SOUFISME D'AUJOURD'HUI
de
les disciples. Ils n’éprouvent plus le novice de peur
à en
le faire fuir. Si le vrai disciple a toujours été rare,
croire les maîtres, cela signifie qu’il est quasiment
inexistant de nos jours. « Désormais, entend-on fré-
quemment en milieu soufi, c’est le maître qui cherche
le disciple. » Les cheikhs ont toujours accueilli les aspi-
rants solides et motivés, mais aussi les âmes en détresse
ou en errance. Ils s’emploient maintenant avant tout à
contrecarrer la tentation matérialiste ainsi que l'emprise
du fondamentalisme, pour maintenir les fidèles dans un
islam spirituel.
Les disciples eux-mêmes perçoivent souvent qu’« ils
ne sont plus à la hauteur » des exigences de la Voie’. La
vie moderne, en Orient comme en Occident, est peu
propice à la contemplation, et la pression de la SOCIÉTÉ
pousse à l’activisme. La tradition islamique affirme
qu’en cette fin de cycle dont nous serions les témoins le
temps se contracte, ou plutôt que telle est notre percep-
tion. Les adeptes du soufisme ont dû s'adapter à ces
contraintes. Les pratiques ont été simplifiées. Ainsi, les
éléments de prière qui composent le wird, par exemple,
sont souvent répétés trente-trois fois et non plus cent.
De même, les retraites spirituelles (#/a/wa) se font plus
rares ou plus courtes et, au xx° siècle, les adversaires du
soufisme accusaient ceux qui s’y adonnaient de « quié-
tisme ». Sa pratique a parfois été abandonnée, et certains
ordres la réservent aux disciples avancés.
Ces changements, toutefois, ne devraient pas entamer
l'essence du soufisme. «Le soufi est le fils de son
temps », dit l’adage, et il peut plus que d’autres entre-
voir l’effet de la Sagesse divine dans n'importe quel
contexte. Il doit abandonner les formes archaïques qui
avaient une valeur par le passé, mais qui entravent main-
294
SOUFISME D'HIER, SOUFISME D’AUJOURD'HUI
médiévale,
1. Pour des exemples concernant la fin de la période
Égypte et en Syrie... p. 390, 412, 487-489 .
voir notre Soufisme en
295
SOUFISME D'HIER, SOUFISME D'AUJOURD'HUI
à
de l'humanité. À cet égard, le soufisme contribue
ouvrir le champ de vision des musul mans, en favori sant
les échanges interreligieux et le brassage des cultures.
Les attaques virulentes dont le soufisme fut l’objet de
la part des salafis comme des « modernistes » avaient, en
apparence, fait tomber le soufisme en disgrâce, et jusque
dans les années 1970 des orientalistes prophétisaient sa
mort. Un renouveau s’est nettement dessiné dans les
années 1980 et surtout 1990, à la suite de l’échec des
diverses idéologies qu’a connues le monde arabo-musul-
man au xx siècle (nationalisme, marxisme, islamisme...),
et du désenchantement de ceux qui suivaient le modèle
occidental. Malgré la phase critique qu’il a traversée, le
soufisme a maintenu son ancrage dans la culture 1sla-
mique. En 1989, Sa‘îd Hawwâ pouvait déclarer que, au
cours des siècles, 90 % des musulmans avaient eu, d’une
manière ou d’une autre, un lien avec le soufisme!. 90 %
des Sénégalais seraient affiliés à une confrérie, et on
avance le chiffre de un tiers pour les Égyptiens et de
deux tiers pour les Pakistanais (mais est-ce encore vrai
après la pénétration du virus wahhabo-taliban ?).
Le soufisme connaît actuellement un regain de
vigueur en pays musulman, alors qu’il suscite un intérêt
grandissant en Occident. En terre musulmane, la situa-
tion est en fait assez contrastée. Dans la plupart des
pays, les jeunes adhèrent en grand nombre aux confré-
ries, alors qu'il y a encore vingt ans l’âge moyen des
membres était assez avancé. Dans d’autres, le soufisme
apparaît en repli relatif. D’évidence, les aspirations spiri-
tuelles passent à l’arrière-plan lorsque l’esprit est acca-
paré par les préoccupations matérielles et le souci de la
subsistance, lorsque le contexte international et les
médias favorisent l'émergence d’idéologies faciles à
296
SOUFISME D'HIER, SOUFISME D’AUJOURD'HUI
L'aventure messianique
297
SOUFISME D'HIER, SOUFISME D’AUJOURD'HUI
Le soufisme en Occident
298
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299
SOUFISME D'HIER, SOUFISME D’AUJOURD'HUI
300
SOUFISME D'HIER, SOUFISME D’AUJOURD'HUI
301
HUI
SOUFISME D'HIER, SOUFISME D'AUJOURD'
spiri-
ties de sérieux nécessaires dans toute démarche
former le
tuelle, il est probable que l'Occident va trans
fait
soufisme en objet de consommation comme il la
e
d’autres techniques orientales. L’« ésotourisme » touch
même le monde musulman. Au Maghreb par exemple,
les Aïssaouas (de la confrérie populaire ‘Isawiyya), connus
pour leurs rites de possession et d’automutilation, sont
exhibés très officiellement pour attirer le client, tandis
qu’à Istanbul des Occidentaux se font rapidement « ini-
tier» par les derviches tourneurs mevlevis'. Entre
l'extrême ouverture qui dilue les contours de l’apparte-
nance religieuse et le sectarisme qui prétend à l’exclusi-
vité du salut, le soufisme occidental a parfois du mal à
trouver son équilibre. Encore faut-il distinguer le sou-
fisme américain, parfois folklorique, du soufisme euro-
péen, réputé plus sobre et certainement plus islamisé *.
Dans nos sociétés passablement destructurées, où la
diversité des expériences individuelles peut donner le
vertige, le soufisme a plus que jamais un rôle thérapeu-
tique, qu'il partage bien sûr avec d’autres voies spiri-
tuelles. « La première étape de la voie consiste à apaiser,
puis à faire disparaître, les conflits psychiques, les
complexes et les frustrations ainsi que les tendances
négatives et destructrices chez le disciple, afin qu'il par-
vienne à un équilibre psychique, mental et affectif. Puis
lors de la deuxième étape, le disciple recouvre les attri-
buts divins », confie Djavad Nurbakhsh, maître de la
Ni‘matullâhiyya et psychiatre de son état*. Il y a tous
302
SOUFISME D'HIER, SOUFISME D’AUJOURD'HUI
Bibliographie
Michel Chodkiewicz, « Le soufisme au xxI° siècle », dans Les
Voies d'Allah, Paris, 1996, p. 532-543.
Constant Hamès, « Situation présente et perspectives d’ave-
nir», dans Les Voies d'Allah, p. 521-531.
Faouzi Skali, Le Face à face des cœurs. Le soufisme aujourd ui,
Gordes, 1999.
Revue Soufisme d'Orient et d'Occident, éditée à Paris.
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INDEX DES PRINCIPAUX NOMS
DE PERSONNES, GROUPES,
ETHNIES ET DYNASTIES
‘Abd al-Hamîd (sultan ottoman) : ‘Alawiyya : 155, 194, 202, 259, 278,
196 300
Abd el-Kader (émir), ‘Abd al- ‘AI (cousin et gendre du Pro-
Qâdir al-Jazâ’iri :61, 74, 82, 199, phète) : 39, 40, 42, 81, 103, 104,
200, 202, 278 105 175,232235250
‘Abd al-Rahîm de Qéna: 169 ‘Alf Ridâ (Imam) : 40
‘Abduh (Muhammad) : 204 Alûsf :68
Abraham : 71, 272, 277, 281 Amina Ramliyya : 46
Abû Bakr al-Siddîq : 73, 80, 81, 92, Amolî (Haydar) : 41
97, 103, 112, 162, 250 Ansârî Harawî: 22, 89, 128-129,
Abû Dharr Ghifârf (Compagnon) : 182, 183
81, 103, 104 Ansârî (Zakariyyà) : 179
Abû I-Hajjâj : 169 l‘Antéchrist (4/-Dajjäl) : 161, 298
Abû Hamza : 116, 120 Atatürk : 207
Abû Hanîfa : 118, 122, 124 Aristote : 149
Abû Hurayra (Compagnon) : 81 Arslân : 152
Abû Madyan Shu‘ayb: 165-166, “Actâr : 135-137
169 Averroës : 147, 177
Abû Ya‘zà : 165 Avicenne : 181
Adam : 7, 10, 31, 59, 71, 224, 271 Awliyä’ (Nizâm al-Dfîn) : 164
Afghânt (Jamäl al-Dîn) : Z04 ‘Ayn al-Qudât Hamadäânîi: 134,
Ahbâsh : 209 280-281
ahl al-suffa, «les Gens de la Ban Ayyoubides : 44, 125, 152, 168
quette » : 80 Bâ (Amadou Hampaté) : 198, 277
Ahmadiyya : 171-172 Badawî (Ahmad) : 171-172, 187
Aïssaouas : 302 Bakrî (Mustafà) : 84, 194
Akbar (empereur) : 189, 284 Bamba (Amadou) : 201
Akhenaton : 272 Bannâ’ (Hasan) : 205
‘Alawi (Ahmad) : 91, 121, 201-203, barähima, les brahmanes : 277
269, 278, 280 Basrî (Hasan) : 15, 72, 104, 235
307
ETHNIES...
INDEX DES NOMS DE PERSONNES, GROUPES,
bâtiniyya, les Ismaéliens, mais 68, 74, 76, 78, 89, 90, 99, 112,
aussi d’autres courants ÉsOté- 113, 129-133, 136, 142, 165, 176,
ristes généralement issus de la 181, 215, 221, 257, 265, 274, 295
sphère du chiisme : 67, 68 Ghazäli (Ahmad) : 133-134
Baybars : 189 Ghaznévides : 164
Bentounès (‘Adda) : 278 Ghujduwânt (‘Abd al-Khâliq):
Bentounès (Khaled) : 218 162, 236
Bektashis : 42, 141, 173, 174, 284 Ghulâm Khalil («inquisiteur ») :
Bernard (saint) : 286 112, 116
Bistâmi (Abû Yazid): 22, 25, 31, Guénon (René): 11, 171, 210, 229,
32, 57, 67, 73, 77, 100, 109-110, 279, 287, 299
112 113 LIEMTIOUM LPS Habashî (‘Abdallah) : 209
2159230259 Häfi (Bishr) : 46
Bokar (Tierno) : 198, 271, 277 Häfiz : 136, 144
Bouddha : 245, 272 Hajjî Bektash : 173
Bouvyides : 125 Hallâj (Mansûr) : 13, 35, 36, 42, 73,
Burckhardt (Titus) : 171, 300 110-114, 116-117, 122, 123, 129,
Burhâniyya : 172, 300 133, 134, 137, 139, 164, 182,
Büûshanji: 289 274, 280
Bushîshiyya : 206 Hamadânî (Yûsuf) : 159, 162
Busîri : 84, 142 Hamallah : 198
Büûtf (Muhammad Saïd): 211 Hanaft (Muhammad) : 188, 268
Chodkiewicez (Michel) : 57 Hanafiyya : 171
Coomaraswamy : 287 Hârûn al-Rashîd : 189
Corbin (Henry) : 39, 42, 136 Hasan (petit-fils du Prophète) : 40,
Dabbâgh (‘Abd al-‘Azfz): 83, 235 104
Dante : 299 Hasan IT du Maroc : 209
Dârâ Shakûh : 284, 287 Haww (Sa‘td) : 205, 296
Dârânî (Abû Sulaymân) : 78, 115 Hermès : 149, 283
Dardîr : 195 Hifnf : 195
Darqâwi (al-‘Arabf) : 194, 220 Hujwiri : 62, 94, 128, 164
Darqâwiyya : 155, 194, 202 Hurûfiyya : 173
Dhahabis : 161 Husayn (petit-fils du Prophète):
Dhû I-Nûn Misri: 22, 26, 46, 61, 40
62, 116, 123 Huxley (Aldous) : 287
Disûqî (Burhân al-Dîn) : 172 Iblîs, nom coranique de Satan:
Emre (Yûnus) : 141 134, 224, 225, 226
Fâtima (fille du Prophète) : 40 Ibn ‘Abbâd : 167, 168
Fâtima de Nishapour : 46 Ibn ‘Abd al-Salâm (‘Izz al-Dîn):
Fatimides : 125, 152, 186 176, 259
François d'Assise (saint) : 158, 277 Ibn ‘Abd al-Wahhäb : 191, 203
Frédéric II de Hohenstaufen : 150 Ibn Abî I-Khayr (Abû Saïd): 117,
Frères Musulmans : 205, 208 124, 133, 136, 177, 228, 241,
«Gens du Livre » (a4/ al-kitäb): 274, 281
272 Ibn ‘Abidîn: 195
Ghazâli (Ab Hâmid) : 35, 42, 60, Ibn Adham (Ibrâhîm) : 106
308
INDEX DES NOMS DE PERSONNES, GROUPES, ETHNIES...
309
INDEX DES NOMS DE PERSONNES, GROUPES, ETHNIES...
Kubrawiyya : 35, 159-160, 161, 247 43, 159, 162-163, 170, 172, 189,
Kuftârû (Ahmad) : 211 195, 208-209, 236, 248, 250, 254,
Lings (Martin) : 171, 300 257, 263-267, 300
Loloya (Ignace de): 58 al-Nâsir (calife) : 153, 187
Louis (Saint) : 47 Nasr (Seyyed Hossein) : 44, 300
Lull (Ramon) : 299 Nawawi : 177
Madaniyya : 155, 194 Niffart : 77, 95
Madyaniyya : 166, 169, 172 Ni‘matullâhiyya: 161-162, 300,
Mahdî (le): 41, 161, 235, 298 302
le Mahdî soudanais, Muhammad Nizâm al-Mulk : 125, 130
Ahmad : 199 Nûr al-Dîn Zengui : 152
Mahmäüd (‘Abd al-Halîm) : 210 Nâûrbakhsh (Djavad) : 44, 302
Majnûn et Laylâ : 144 Nûrbakhsh (Muhammad) : 161
Makkî (Abû Tâlib) : 60, 127, 130 Nûrbakhshiyya : 161
Malâmatis : 31, 106, 107, 108, 123, Nûrt (Ahmad) : 78, 116
159, 162, 170, 224 Nursî (Sa‘îd) : 206
Mâlik (imam) : 119, 123 Nwyia (Paul) : 52, 57
Mamelouks : 125, 152, 189 Ottomans : 44, 174, 180, 190, 191
Marie (Maryam), la Vierge: 48, Ozal (Turgur) : 209
279, 280 Philon : 57
Maryamiyya : 279, 300 Pir Vilayat Khan : 301
Massignon (Louis) : 56, 117, 280 Platon: 149, 257, 283
Massoud (commandant) : 209 Plotin : 57
Mawdûdfî (Abû al-‘Al4”) : 206 Pythagore : 257
Mawlawiyya : 173 Qâdiriyya : 156, 183, 195, 206, 300
Mehmet le Conquérant : 174, 269 galandaris, Qalandaris, Qalandars:
Mevlevis : 138, 173, 221, 259 108, 159, 164, 173
moines bouddhistes : 57, 160 Qâshänf : 149, 286
moines chrétiens : 15, 242, 274 Qaysart : 149
Moïse : 33, 71, 96, 98, 215, 264, Qizilbashes : 175
212282 Qûnawî (Sadr al-Dîn): 41, 140,
Mollâ Sadrâ : 44, 206 149, 283
Mongols : 43, 137, 153, 160, 163, Qushayri:.25,#78; 981126; 183,
262 176, 269, 289
Mu‘âwiya : 15, 104 Räâbi‘a ‘Adawiyya : 46, 108, 109
Muhäâsibf (Hârith) : 31, 62, 120 Râzî (Fakhr al-Dîn) : 178
Mujaddidiyya : 163 Râzî (Yahyâ) : 109
Mudgâtil : 72 Ridâ (Rashid) : 204
Murîdiyya, Mourides : 201 Rifâ'î (Ahmad) : 158, 172, 228, 274
Mursî (Abû 1-‘Abbâs) : 170, 222 Rifâ‘iyya, rifâ‘is : 158, 251
Mûsa Kâzim (Imam) : 40 Rûmf (Jalâl al-Dfîn) : 13, 14, 38, 44,
Nâbulusi (‘Abd al-Ghanfî): 145, 135-141, 172, 174, 206, 256, 257,
191 281, 282
Naqshband (Bah4’ al-Dîn): 162, Ruwaym : 25-26, 38
163, 214, 236 Rûzbehân Baqflf: 134-135, 257
Nagqshbandiyya, Nagshbandis : 35, Sad ls7
310
INDEX DES NOMS DE PERSONNES, GROUPES, ETHNIES...
al-Sâdiq (Ja‘far) : 40, 65, 67, 118, Simnânf (‘Al al-Dawla) : 160-161
236 Sirhindî (Ahmad): 98, 163, 189,
Safavides : 39, 44, 45, 162, 175, 195
191 Suhrawardî (Abû Najfb) : 156, 160
Safawiyya : 175 Suhrawardî (‘Umar): 34, 76, 99,
Saladin : 152, 184 153, 157,-164, 181, 215, 240,
Salmân Fârist (Compagnon) : 103 265, 266
San’: 282 Suhrawardî (Yahyâ, al-Maqtüûl) :
Sanûsf (Muhammad) : 193, 196 SAS TMD UMIS3N285
Sanûsiyya : 197 Suhrawardiyya : 156-157, 164
Sarrâj (al-Tûsî) : 26, 31, 61, 76, 78, Sulami : 59, 78, 127, 128
126 Sultân Walad : 173
Satan : 89, 134, 224-225, 267 Suyûti : 75, 76, 83, 100, 179, 180,
Sâwi (Jamâl al-Dfîn) : 159 188, 193
Sayyid Ahmad Barelwi : 194 Sy (Mustafà) : 209
Sayyida Nafïsa : 46 MA (Did) : 118
Schuon (Frithjof): 34, 171, 279, Tal (Hajj ‘Umar) : 198
287, 300 tarîga ibrähîmiyya : 284
Seldjoukides : 125, 130, 152 Tijânt (Ahmad) : 84, 197
Shabestart : 136, 140, 145, 281, 283 Tijâniyya : 197-198, 209, 277, 300
Shâdhilî (Abû I-Hasan) : 98, 169- Timourides : 163, 173
170, 176, 186, 222, 234, 262 Tirmidhi (Hakîm) : 31, 62, 76, 78,
Shâdhiliyya: 35, 155, 167-172, PENSE
177, 194, 196, 202, 204, 257, 300 Tustari (Sahl): 62, 64, 72, 115,
Shäfi‘î (imam) : 46, 119-120, 124 127418632415
Shah (Idries) : 301 Tûst (Nâsir al-Dfîn) : 41, 149
Shâh Ismâ‘il : 44, 175 ‘Umar Ibn al-Khattâb: 81, 103,
Shâäh Ni‘matullâäh Walt : 161, 228 235
Shâh Waff Allâh : 193 Uways Qaranî : 235
Shams de Tabrîz : 138 Vâlsan (Michel) : 300
Sha‘rânt (‘Abd al-Wahhäb): 96, Wafiiyya : 171, 228
180, 193, 220, 227, 232-234, 249, wahhabites : 183, 191-192, 291
269 Wahid (Abdurrahman) : 209
Shâtibî (Abû Ishâq) : 177 Yâfi‘t (‘Abd Alläh) : 161
Shattârî (‘Abdallâh) : 165 Ya‘qûb al-Mansûr : 166
Shattâriyya : 164 Yasawi (ou Yesevi, Ahmad) : 141,
Shibli: 9, 16, 27, 32, 77, 82, 88, %, 159, 173, 248
116, 118, 122, 220, 258, 267, 293 Yashrûtiyya : 194
Shirwânt (Yahyà) : 174 Yâsîn (‘Abd al-Salâm) : 206
Shishti (Mu‘in al-Dîn) : 164, 186 vogi(s) : 13
Zarrûq (Ahmad) : 93, 168
Shishtiyya : 164, 206, 301
Subkt (Täâj al-Dfîn) : 177 Zenguides : 152
Shushtart (Abû 1-Hasan) : 144, 169 Zoroastre : 272
INDEX DES PRINCIPAUX
TERMES TECHNIQUES
(islamiques et soufis)
312
INDEX DES PRINCIPAUX TERMES TECHNIQUES
313
INDEX DES PRINCIPAUX TERMES TECHNIQUES
314
INDEX DES PRINCIPAUX TERMES TECHNIQUES
515
INDEX DES PRINCIPAUX TERMES TECHNIQUES
AVANT
UE OUS SU RER SE SRE Es ee ch os
CHAPITRE PREMIER
Approches
; 45
LA PART FÉMININE DU SOUFISME ......s..-e.sssese
+. 46
L’éternel féminin en mystique musulmane ......
48
Les effets du machisme ambiant .................
CHAPITRE II
Soufisme et islam
318
TABLE DES MATIÈRES
CHAPITRE Il
Le soufisme dans la culture islamique:
aperçu historique
Le «> 135
POÉSIE ET MÉTAPHYSIQUE ...... nn
La poésie mystique iranienne (xu°-xv ° 5.) : ‘Artôr, Râmi
tu UE E PT SES 135
CHIERAULTES Dnelnene
TABLE DES MATIÈRES
137
Rüûmfî : la musique et la danse ..................:
sai faste 141
La poésie mystique turque : Yûnus Bret
La poésie mystique d’expr ession arabe : Ibn ‘Arabî,
De AE ON CNE SP Ta ee se so 142
Ibn al: Farid
ité d'inte rpréte r la poésie mysti que ... 143
De la nécess
La termino logie soufie ....... ... RL . 144
Ibn ‘Arabî et la métaphysique de l’Etre ........... 145
Ibn Sab‘în, ou l’Unicité sans concession ........... 149
320
TABLE DES MATIÈRES
CHAPITRE IV
Le soufisme tel qu'il se vit
CHAPITRE V
Le soufisme et l’ouverture inter-religieuse
CONCLUSION
Soufisme d'hier, soufisme d’aujourd’hui
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Achevé d’imprimer en mars 2003
sur presse Cameron
dans les ateliers de
Bussière Camedan Imprimeries
à Saint-Amand-Montrond (Cher)
pour le compte de la librairie Arthème Fayard
75, rue des Saints-Pères - 75006 Paris
35-59-1103-7/01
ISBN 2-213-60903-9
Imprimé en France
Nâsir-e Khosraw
Le Livre réunissant les deux sagesses
traduit duepersan par Isabelle # CHERE
Leszek Kolakowski | va
en de la.. ne
Jacques Lacarrière
F2 : Sourates
| Emmanuel Lévinas
… Éthique etinfini
.
= (Rinzai |
Giuseppe Tucci
Théorie et pratique du mandala
Upanisad du renoncement |
traduit du sanskrit par Alyette Dear ces
Heinrich Zimmer
Le roi et le cadavre
. Maya, ou le rêve cosmique
dans la mythologie hindoue
préface de Madeleine Biardeau
le soufisme est la dimension intérieure de l'islam sunnite.
Prenant sa source dans le Coran et dans la Tradition prophétique,
dont
| ;la souvent été défini comme la « science des états spirituels »
_ [àmaîtrise doit permettre à l'initié de dépasser son ego pour
parvenir à la connaissance et à la contemplation de Dieu.
- Fondamentalement, le soufi aspire à puiser dans l’influx spirituel
_ (baraka) du prophète Muhammad, transmis depuis des siècles de
. maîrre à disciple, grâce auquel il pourra lutter contre les passions et
les illusions qui l’assaillent.
Mettant en relief l'universalisme du soufisme, Éric Geoffroy
explique comment s'est formée certe « science de l'intérieur », et
comment, au fil des siècles, les grands maîtres ont adapté les
doctrines et les pratiques initiatiques aux transformations du
_monde musulman. Il montre aussi que le soufisme constitue
. aujourd'hui un véritable antidote contre les divers intégrismes et
qu'il est appelé à jouer un rôle croissant en Occident.
Doc de couverture :
Coupole du portail latéral de la mosquée
de Thatta, Pakistan © Gérard Degeorge.
Photogravure MCP,.
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