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Socio-logos
Revue de l'association française de sociologie

6 | 2011
Varia
Articles

La santé : un enjeu de plus en plus


central dans les politiques
publiques de développement
international?
P ierre-Marie David
https://doi.org/10.4000/socio-logos.2550

Résumés
Français English
La santé occupe aujourd’hui une place centrale dans les problématiques de développement
international. Cette place paraît toutefois ambiguë dans les discours et politiques publiques
de développement : présentée à la fois comme fin mais aussi comme moyen du
développement. Réinterroger les notions de santé et de développement dans leur historicité
nous permet de mieux cerner l’importance relative de la santé dans le développement. En
explorant les contextes, savoirs et politiques sur trois périodes depuis 1945, nous faisons
ressortir les enjeux politiques de la santé dans les stratégies actuelles de développement. La
santé apparaît alors comme un élément de plus en plus important des transformations
sociales contemporaines.

Is health a more central issue in international public development policies?


Health appears nowadays as a central issue in international development’s field. This issue
is nevertheless ambiguous: health is whether presented as an end, whether as a simple mean
of development.Analysing health and development as historical concepts enables us to
evaluate the relative contribution of health to development. We explored contexts,
knowledge and public politics since 1945 in order to give a clearer picture of health political
stakes in current policies and development strategies. In this perspective health appears as
an important operating mean through which social transformations occur.

Entrées d’index
Mo ts-clé s : santé, développement international, discours, politiques publiques
Ke ywo rds: Health, international development, discourse, public policies
Texte intégral

I Introduction : dénaturaliser les notions de


santé et de développement
1 « U ne meilleure santé est essentielle au bonheur et au bien être. U ne meilleure
santé contribue également de manière importante au progrès économique,
puisque les populations en bonne santé vivent plus longtemps, sont plus
productives et épargnent plus » (Organisation Mondiale de la santé 2009). C’est en
ces termes que l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) positionne le lien entre
santé et développement. On remarquera d’emblée les ambigüités de ces deux
phrases qui présentent la santé successivement comme une fin puis comme un
moyen : tantôt comme bonheur et bien être, tantôt comme moteur du progrès
économique. Les discours « santé et développement » apparaissent ainsi
polysémiques et capables de fonder et d’intégrer des registres de possible très
différents et par là des positions épistémologiques, éthiques et politiques pouvant
parfois sembler antinomiques. Comprendre comment le discours se lie avec la
mise en œuvre concrète de politique paraît ainsi nécessaire pour comprendre les
ressorts de pouvoir et les dynamiques politiques sous jacentes liant «santé et
développement».
2 Pour ce faire, l’historicisation des notions de développement et de santé, deux
notions tellement centrales et utilisées dans nos sociétés occidentales que rarement
réinterrogées et généralement prises pour acquises, permet de questionner ces
discours. L’analyse que propose de Gilbert Rist (1996) du développement comme
un mythe occidental permet de relativiser une notion construite, propre à
l’occident en ceci qu’elle consisterait à définir un certain rapport à l’autre : le
traditionnel, l’archaïque, le sous-développé, non-développé...définissant du même
coup l’occident comme moderne, non archaïque et développé. La définition de
Georges Canguilhem (1966) de la santé comme adaptation du vivant à son milieu
permet d’emblée de relativiser le normal et le pathologique. Le normal et la
pathologique, deux catégories déterminantes dans les interventions de santé dans
les pays en développement seraient de l’aveu du médecin –et philosophe- non pas
des propriétés naturelles mais bien un jugement plus caractéristique du regard
médical que d’une propriété de son objet. De plus, l’intervention de l’homme sur
son milieu et même de l’homme sur l’homme amène à cette évidence que la santé,
elle aussi, a une histoire.
3 Le cadre théorique foucaldien permet de problématiser le lien entre santé et
développement sur deux niveaux complémentaires. Premièrement, en donnant
une place centrale aux discours qui se définiraient comme des réseaux dans
lesquels les sujets sont pris, c’est-à-dire comme un univers dans lequel s’expriment
des contraintes. Ceci permet alors de poser l’hypothèse d’un lien constitutif entre
discours et politique, définie dans son sens générique comme les relations de
pouvoir mobilisées dans l’espace public pour le contrôle des actions qui ont pour
objet des biens considérés comme collectifs. Dans le domaine du développement
international, les discours et les politiques de santé seraient ainsi intrinsèquement
liés.
4 U n deuxième niveau, sur lequel la théorie foucaldienne est heuristique, est celui
plus thématique directement relié à la santé. Dans La Volonté de savoir (1976),
Michel Foucault définit le « seuil de modernité biologique » comme le passage
d’une société fondée sur le « faire mourir » et « laisser vivre » à une société basée
sur le « faire vivre » et le « laisser mourir »; décrivant par là le passage d’un
pouvoir de souveraineté à un biopouvoir beaucoup plus diffus s’exprimant par
des institutions (hôpitaux, prison, asiles…) mais aussi des discours. Essayer de suivre
ce passage à travers les discours de santé dans la littérature du développement
permettrait alors d’appréhender l’articulation entre le niveau global et le niveau
local, entre l’élaboration du savoir et le pouvoir et de faire l’hypothèse que la santé
constituerait alors le lieu concret d’inscription de cette transformation politique
majeure du monde contemporain et qui n’est pas exclusive1 aux pays développés
occidentaux.
5 Pour tester ces hypothèses, les objectifs de ce travail sont de faire ressortir les
tendances des discours et des politiques de développement liées à la santé; évaluer
de manière critique leur part dans les politiques de développement en général et
essayer de saisir quel « espace politique de la santé » (Fassin 1996) est ainsi défini au
niveau global.
6 Pour ce faire la méthode sera socio-historique et généalogique basée sur des
données de la littérature du développement international définissant un lien entre
santé et développement à travers l’articulation de discours –oraux ou écrits-, des
politiques et des financements effectifs. Le plan suivi sera chronologique,
présentant pour chacune des périodes étudiées a) le contexte socio-historique, b)
les savoirs développés et c) les politiques mises en œuvre ainsi que les financements
alloués. Les discours sélectionnés seront remis dans leur contexte, faisant ainsi
ressortir comment ils sont significatifs de leur époque et en quoi ils sont
représentatifs de manières de concevoir le développement historiquement situées.
Ainsi, l’analyse de discours visera à faire ressortir le lien entre discours et politique
de même que le lien entre la place de la santé dans le discours et la part de la santé
dans l’aide publique au développement, à travers les données de l’Organisation de
Coopération et de Développement Économique (OCDE) notamment.

II 1945-1987 : la santé, une notion


périphérique dans les discours et les
politiques de développement

A) Santé et développement dans le contexte de


l’après-guerre
7 Les discours sur le développement tels que nous les connaissons actuellement
émergent au sortir de la seconde guerre mondiale avec un nouvel
ordonnancement du monde autour de valeurs universelles. Toutefois, un double
ancrage caractérise ces discours : leur universalisme et leur pragmatisme. En effet,
le discours de Roosevelt sur les quatre libertés dès avant la fin de la guerre en 1941
(Roosevelt 1941). Les quatre libertés essentielles évoquées sont i) la liberté de parole
et d’expression –partout dans le monde, ii) la liberté de chacun d’honorer Dieu
comme il l’entend, iii) être libéré du besoin et iv) être libéré de la peur. Dans ce
discours prononcé devant le Congrès des Etats-U nis, chacune de ces libertés est
ponctuée dans le discours par un retentissant «partout dans le monde» affi rmant le
positionnement universel de ces libertés. Ce discours inspirera les travaux de la
commission qui débouchera sur la Déclaration U niverselle des droits de l’Homme
de 1948, dont la présidente était précisément Madame Roosevelt. Ainsi, dès avant la
fin de la guerre la réponse est à la mesure du conflit : mondial. Le traumatisme
propagée par les informations sur les camps de concentration puis d’extermination
viendront renforcer ce nouvel ordre mondial autour de valeurs universelles. Les
discours sur le développement se fonderont, au moins en partie, sur cet universel.
8 D’un autre côté, les discours sur le développement se rapportent à des
préoccupations très pragmatiques : la reconstruction de l’Europe au premier chef.
U n ensemble de dispositifs politiques et économiques sont mis en œuvre et
concrétisent ce discours : plan Marshall et création des institutions de Bretton
Woods. La doctrine Truman vient alors renforcer et préciser le discours sur le
développement et créer de nouvelles possibilités. Le quatrième point de son
discours d’investiture prononcé le 20 janvier 1949 place au centre de tout
développement le bien être matériel : « notre but devrait être d’aider les peuples
libres du monde à produire, par leurs propres efforts, plus de nourriture, plus de
vêtements, plus de matériaux de construction, plus d’énergie mécanique afin
d’alléger leur fardeau ». Les ressources techniques sont alors présentées comme la
solution aux souffrances humaines : « Pour la première fois de l’histoire, l’humanité
détient les connaissances techniques et pratiques susceptibles de soulager la
souffrance de (ces) gens ». Il s’agit sans doute directement de la première définition
du concept de développement dans son utilisation contemporaine. Indirectement,
un lien est également établi entre santé au sens large (absence de souffrance) et
développement. Ce lien est important en ceci qu’il justifie les futures interventions
de développement et fixe le discours sur le développement dans un énoncé aux
valeurs universelles. De plus, la technologie et les avancées scientifiques, elles même
entretenues par des programmes de financement gouvernementaux massifs,
justifient le développement des faits scientifiques en même temps que celui de la
médecine dont les avancées ne sont pas sans avoir déjà bénéficié aux militaires
durant la seconde guerre mondiale (Tansley in Bynum 2006).
9 En parallèle de ce discours, un autre discours basé sur le consensus des Nations-
U nies après la guerre prend forme. En 1946, la conférence internationale tenue à
New-York le 22 juin fonde l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). La santé n’est
alors plus définie négativement comme l’absence de maladie mais comme « un état
de complet bien être, physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une
absence de maladie ou d’infirmité » (préambule, 1946). Cette définition de la santé,
devenue depuis la marque de l’OMS, intègre ainsi le bien être matériel alors au
centre des discours sur le développement. L’OMS, qui est alors créée par 27 Etats
membres, se structure comme une agence du système des Nations U nies lors de la
première Assemblée Mondiale de la Santé qui se tient à Genève en 1948. Ainsi, le lien
entre santé et développement se présente relativement clairement dans les discours
et s’institutionnalise dans des organisations internationales telles que l’OMS ou les
Nations-U nies en général. Quels sont les ressorts de ces discours? Comment la santé
et le développement y sont construits et présentés? Ces éléments apparaissent dans
les savoirs qui sous-tendent les énoncés.

B) Les savoirs invoqués : fonctionnalisme et théorie


de la modernisation
10 Bien que remise en lumière à la fin de la seconde guerre mondiale, les politiques
internationales de colonisation et de « civilisation » s’appuyaient déjà sur des
valeurs universelles. La santé et le développement (de la colonie aussi bien que de
la métropole) étaient déjà fortement liés. En effet, la médecine coloniale avait
globalement trois grandes fonctions : i) soigner les colons et les agents coloniaux
pour qui l’entreprise de civilisation se terminait souvent dans le tombeau (Dozon
1991), ii) soigner et civiliser les autochtones (Dozon 1985) iii) créer une force de
travail permettant de « mettre en valeur » les territoires conquis (Marks 1997).
Ainsi, même si les discours sur le développement proposés après guerre diffèrent
des discours civilisateurs des puissances coloniales, il n’en demeure pas moins que
le lien entre santé et développement s’est préalablement construit dans le rapport
colonial où la santé des indigènes se construisait comme un souci de développement
de la métropole comme le montrent les politiques coloniales natalistes et de prise en
charge de la santé dans les années 1920 en Afrique centrale (Dozon 1985).
11 Cette vision fonctionnaliste de la santé se révèle en accord avec la théorie de la
modernisation qui sous tend les discours sur le développement explicitement
jusqu’aux années 70 (So 1990) et plus implicitement par la suite. Des
développements techniques se concrétisent également dans le domaine de la santé
avec l’émergence d’une thérapeutique plus fiable grâce aux antibiotiques, et d’une
prophylaxie généralisable grâce au développement des vaccins. Les traitements
par les pénicillines se généralisent et permettent de traiter notamment certaines
maladies sexuellement transmissibles et la vaccination contre la variole symbolise le
développement de la médecine «universelle»2 sur tous les continents.
12 Fort de ces avancées et sur le modèle de la transition démographique, la
transition épidémiologique se construit comme également comme un modèle
universel organisant l’évolution des populations dans l’espace et dans le temps.
Abdel Omran (1971) la définit en 1971 et présente l’évolution de trois âges : celui de
la «pestilence et de la famine», celui du recul des pandémies et enfin celui des
maladies de dégénérescence et des maladies de sociétés. Selon ce modèle
l’espérance de vie convergerait vers 75 ans. Les développements ultérieurs ont
permis de relativiser l’universalité de ce modèle qui est, néanmoins, révélateur des
modèles produits dans le courant de la théorie de la modernisation, alors dominant
dans les discours sur le développement à cette époque, dont le développement
économique est le moteur jusqu’au début des années 1970.
13 Finalement, ces différents éléments montrent comment les théories
fonctionnalistes de la santé et les théories de la modernisation permettaient aux
discours sur la santé et le développement de se rejoindre et de se justifier
mutuellement, mais aussi de mettre en place des politiques internationales donnant
visibilité aux agences occidentales et aux gouvernements post-coloniaux émergents.
14 C) Politiques de modernisation
15 Toutefois, la place de la santé dans les politiques de développement n’apparaît
pas comme centrale. Les politiques de «santé internationale», terminologie alors
utilisée, se définissaient entre états souverains. La problématique de la santé se
trouvait ainsi englobée dans un tout dont le dernier mot revenait aux politiques
nationaux; situation qui contraste avec les politiques de développement des années
90 et l’émergence de la problématique de «santé globale» comme espace politique
transnational suivant logiquement les réformes engagées dans les années 1980
comme nous le verrons plus bas. De plus, la santé est véritablement vue comme une
conséquence du développement et de la modernisation. L’éradication de certaines
maladies comme la variole en 1978 appuient cette vision de la santé comme produit
du développement économique. Il s’agirait toutefois au fond plus d’un
développement économique et technologique qu’économique et social. En effet, la
médecine représente alors de plus en plus pour la majorité des pays l’accès à une
modernité dont peuvent bénéficier les populations3.
16 La Conférence d’Alma Ata en 1978 organisée par l’OMS et l’U NICEF fixe les
orientations internationales en matière de santé et les objectifs de «la santé pour tous
en 2000». Les soins de santé primaires restent une des principales préoccupations.
L’accès à ces soins doit être assuré par leur gratuité et ils doivent intégrer la
médecine traditionnelle, promue par l’OMS lors de la treizième assemblée
mondiale de la santé en 1977, partie intégrante des soins de santé primaires. La santé
se présente alors comme un droit et un fruit du développement à partager.
17 Toutefois, la période 1978-1987 verra l’émergence de la santé comme problème
économique prendre une place centrale dans les discours sur la santé et le
développement. En effet, la crise des années 1970 remet en cause le financement de
la santé dans de nombreux pays ainsi qu’au niveau international. Les rapports de
Mach et Abel-Smith pour l’OMS « planning the finances of the health sector : a
manual for the developomg countries » et de de Ferranti pour la Banque Mondiale
« paying for health services in developing countries : an overview »
respectivement publiés en 1983 et 1985 sont révélateurs, précisément en ceci qu’ils
traduisent bien le déplacement des discours du développement sur la santé dont le
financement est de plus en plus perçu comme problématique. Les politiques
d’ajustement structurel des années 1980 promues par le Fonds Monétaire
International (FMI) et la Banque Mondiale renforcent cette problématique du
financement des programmes sociaux en général et de santé en particulier.
Toutefois, comme nous le verrons plus bas ces changements ne sont pas
qu’économiques mais également institutionnels et politiques.
18 Voyons maintenant comment ces discours et ces politiques se concrétisent à
travers la part de la santé dans l’aide publique au développement. L’aide publique
au développement, dans sa définition du Comité d’Aide au Développement de
l’Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE),
comprend les dons et prêts préférentiels faits des pays développés vers les pays en
développement. La place de la santé peut y être abordée de deux façons. En
volume, l’aide publique au développement consacrée à la santé augmente jusqu’au
début des années 80 puis stagne graphique 1, (OCDE 2008). En pourcentage, la part
de la santé augmente de 4 à 6% de 1975 à 1985 pour retomber à 4% en 1990. Ces
éléments permettent d’aborder l’importance, apparemment décroissante de la
santé dans les politiques de développement, même si la quantité d’investissements
dans la santé ne traduit pas nécessairement l’effi cacité avec laquelle ces fonds sont
utilisés. La question de l’effi cience apparaîtra plus précisément dans les années 1990
avec des outils économiques et organisationnels pour rendre compte de la
«performance» des systèmes de santé.

Graphique 1 : Tendances de l’aide au développement dans le secteur de la santé, 1973-2006 en prix constants
2006, extrait de Measuring Aid to health, OCDE, 2008.

Graphique 2 : Part de l’aide à la santé dans l’APD totale, 1973-1998 : moyenne mobiles sur 5 ans

19 Finalement, la santé dans les discours de développement entre 1945 et 1987 est
présentée généralement comme produite par le système de santé étatique qui est
lui-même un produit de la croissance économique. Ainsi, la santé des individus se
présente généralement comme le produit indirect de la croissance économique.
Les discours liant santé et développement à cette époque, quel qu’ait été leur
processus de production (développementaliste dans la perspective américaine ou
universaliste dans la perspective des Nations-U nies), convergent vers une
approche technique et médicalisée de la santé et dont la conférence d’Alma Ata en
1978 était le point culminant, même si d’autres approches comme la médecine
traditionnelle y étaient évoquées. Toutefois, la crise économique des années 1970 et
la remise en cause de l’Etat providence, dans les années 1980, par une décennie de
politiques néolibérales, ont reposé le problème de l’accès à la «santé pour tous»
avec acuité. Avec les problèmes de financement de l’Etat, la responsabilité de la
santé semble s’être déplacée de l’Etat aux individus, marquant ainsi le passage d’une
subjectivité de «sujet» à celle d’individu rationnel, autonome et surtout responsable
pouvant et devant participer aux coûts de santé mis en œuvre sous la forme de
«recouvrement des coûts» ou de «paiement des usagers». La remise en cause de la
gratuité des services de santé est révélatrice de ce passage. Le financement de la
santé devenait alors un enjeu central des politiques nationales occidentales en
même temps que le thème central des discours sur la santé et le développement à
partir du milieu des années 1980.

III 1987-2000 : la santé prend une place


plus importante dans les discours sur le
développement, moins dans les politiques

A) Contexte de réforme :
20 Les années 1980 se caractérisent par une « épidémie de réforme » pour
reprendre l’expression de Leppo (citée par Lee et al., 2001) et les services de santé
n’y échappent pas. Le lancement de l’«Initiative de Bamako» en 1987 par l’U NICEF
visait à répondre à un état de fait : la gratuité des soins de santé primaire affi chée à
Alma-Ata se révélait être une gratuité de pénurie : absence de médicaments
essentiels dans les postes de santé, personnel peu motivé du fait du paiement
irrégulier des salaires, etc. La disponibilité virtuelle des services de santé
constituait donc un problème de santé publique majeur et le financement de ces
services est alors apparu comme une traduction légitime de ce problème. La
solution retenue à Bamako en 1987, découlant de cette problématisation de la
situation, était celle du paiement des usagers, parfois appelé également
«recouvrement des coûts», qui vise à faire payer aux personnes malades les soins,
notamment à travers le paiement des médicaments. Ce système était sensé permettre
de dégager une marge et ainsi i) de motiver le personnelle (les fameuses
«ristournes») et ii) de prendre en charge les indigents.
21 Parallèlement à ce contexte de réforme économique des services sociaux, la fin
des années 1980 voit apparaître la thématique du développement durable et du
droit à la santé. Le rapport de Madame Brundtland en 1987 tente de replacer au
centre du développement l’action de l’homme dans son environnement aussi bien
social qu’écologique. Ce discours sur le développement durable n’est toutefois pas
antinomique avec la réforme des systèmes de santé puisqu’une des justifications de
la réforme est bien le caractère «non durable» d’une offre de santé qui ne serait pas
la réponse à une demande «solvable» de santé.
22 La fin des années 1980 est également propice à l’émergence d’un discours sur la
santé comme un droit au niveau international. Le droit à la santé ainsi proposé
prolonge manière plus concrète «la santé pour tous» affi chée en 1978, notamment
grâce aux écrits d’Amartya Sen avec le concept de « capabilité » (Sen 1985) qui
fonderont le concept de «développement humain» au début des années 1990. Ce
concept renvoi à la liberté positive, c'est-à-dire à la capacité concrète qu’ont les
citoyens de vivre et de profiter de leurs droits. En ce sens l’accès à la santé et à
l’éducation sont fondamentaux pour les « capabilités » des personnes dans un
espace de droit. Amartya Sen a d’ailleurs contribué à l’intégration de la santé dans
des indicateurs innovants du développement comme l’Indice de Développement
Humain (IDH). Ce dernier intègre la santé sous sa composante espérance de vie, la
scolarisation mesurée par le taux brut de scolarisation et le niveau de vie sous
forme d’un logarithme du produit intérieur brut.

B) Des savoirs qui se globalisent


23 Le rôle fondamental joué par Sen et son discours est de remettre au premier
plan les valeurs universelles des droits de l’homme des Nations U nies de 1948 en les
adaptant aux réalités économiques qui permettent leur mise en pratique concrète.
Ce droit à la santé prendra de plus en plus de place dans les discours sur le
développement comme l’a montré son utilisation par le mouvement féministe
Women Health Coalition lors de la conférence internationale du Caire sur la
population en 1994 (Halfon 2007).
24 Le problème de l’accès pratique aux services sociaux dans le contexte suivant les
réformes d’ajustement structurel ont vu le champ de l’économie de la santé investir
des espaces jusque là réservés strictement au politique. En effet, l’économie de la
santé, ayant véritablement émergé dans les pays occidentaux lors de la crise des
années 1970, s’est renforcée dans les années 1990 par l’utilisation de nouveaux
concepts et de nouveaux outils comme le DALY : Disability Ajusted Life Years.
Miroir du QALY (Quality Adjusted Life Years) pour les pays en développement, le
DALY se définit comme une année de vie ajustée sur l’incapacité. Le DALY intègre
donc le caractère invalidant ou limitant des pathologies chroniques en intégrant
des échelles de préférences pour différents états de santé par des méthodes
d’échange temporel ou de pari standard. La quantité mais aussi la qualité de vie
sont ainsi intégrées et les pathologies chroniques aussi bien qu’infectieuses peuvent
ainsi être comparées sur une même échelle, c’est àa dire en regard des DALYs
qu’elles font perdre à une population donnée. L’objectif des chercheurs ayant mis
au point cet outil était effectivement la comparaison de la charge des différentes
maladies («global burden of disease») pour établir des priorités d’intervention et
ainsi gagner en effi cience. De plus, un coût par DALY pouvait être calculé dans
l’optique de maximiser l’effet des interventions et d’en minimiser les coûts. Comme
nous le verrons plus bas cet outil semble fondamental pour faire entrer l’espace de
la santé internationale dans la sphère et la rationalité économique : quel que soit
l’endroit et le moment des interventions de santé pourraient être comparées par
ces outils; contribuant ainsi à la représentation «globale» de la santé.
25 Les discours sur la santé dans les années 1990 se voient, en effet, de plus en plus
accolés au terme « global ». Alors que la santé, dans le thème du développement,
avait jusque là été désignée comme «internationale», elle devenait «globale».
Qu’était donc à voir dans ce changement sémantique? U n simple changement
sémantique sans conséquences ou un changement sémantique impliquant des
changements de pratiques? Ce changement dans le discours a quoi qu’il en soit été
révélateur. Comme le montre Brown et al. (2006) ce changement d’appellation
traduit bien un changement organisationnel des institutions responsables de la santé
au niveau mondial. L’auteur montre que l’OMS, leader incontesté de la «santé
internationale» jusque dans les années 1990, a vu son leadership remis en cause dans
ces mêmes années. Le changement d’appellation en «santé globale» serait significatif
du changement des alliances de pouvoir et du rôle de l’OMS au sein d’un réseau
plus vaste d’intervenants dans le domaine de la santé au niveau international. En
effet, en réponse au contexte politique international, l’OMS se serait repositionné en
coordinateur, planificateur stratégique et leader des initiatives de santé globale
dont les acteurs se multipliaient : organisations non gouvernementales
internationales, nationales, universités, instituts de recherche, autres agences des
Nations-U nies etc. Cette hypothèse est celle confirmée et étayée par Lee et Goodman
(2002) dans l’ouvrage collectif «Health Policy in a globalizing world». L’émergence
et la multiplication des acteurs et la structuration d’un réseau international autour
des questions de la santé, en lien direct avec des organismes de développement tels
que l’agence de développement international américaine, l’U SAID et la Banque
Mondiale ont ainsi joué un rôle déterminant dans cette redéfinition en créant une
scène transnationale d’échanges d’informations, des données, d’outils et de discours.

C) Redéfinition du rôle des acteurs politiques


26 Pour comprendre comment ces savoirs correspondent à une redéfinition des
pouvoirs et des instances de définition des politiques de santé au niveau
international un changement de perspective semble nécessaire. Comme le
soulignent Lee et Goodman (2002) une méthode basée sur le « global policy
networks » permet de mettre à jour les assemblages complexes qui sont au
fondement de la définition des politiques globales de santé : universités, institutions,
banque de développement, organismes multi-bilatéraux, États. Les politiques de
«santé internationale» au sens où elles seraient définies uniquement par les Etats ne
sont plus vraiment de mise dans les années 1990. A côté de l’espace politique
classique de la souveraineté, se développe un nouvel espace politique de la vie et
de la survie (Abélès 2006)4.
27 De 1987 à 1993 les éléments suivants retiennent notre attention : i) le lancement et
l’évaluation de l’initiative de Bamako, ii) le développement de l’analyse coût-
effi cacité par l’OMS (rapport Creese et Parker : « cost analysis in primary health
care. A training manual for programme manager » en 1991 et iii) le rapport de la
Banque Mondiale de 1993, «investir dans la santé». Ces éléments sont décisifs en ceci
qu’ils permettent la mise en place d’un réseau institutionnel et l’élaboration d’un
langage commun sur lequel vont se construire progressivement les logiques
d’intervention.
28 De 1994 à 2000 les éléments précédents sont réintégrés par l’OMS et le réseau des
institutions et organisations internationales se concrétise. En 1998, Madame
Brundtland alors devenue directrice de l’OMS intègre l’équipe du World
Developement Report de 1993 de la Banque Mondiale (Murray, Lopez et Jamison)
au sein de l’OMS. La Commission Macroéconomie et santé dirigée par Jeffrey Sachs
en 2000 présente une perspective économique des problématiques de santé en
posant la santé non pas simplement comme conséquence de la croissance
économique mais aussi comme moteur. Finalement, ce sont bien les liens entre les
différentes banques de développement et les organes des Nations U nies impliquées
dans la définition des politiques de santé (OMS, U NICEF, U NFPA) qui se trouvent
renforcés.
29 Les politiques de santé dans les pays en développement voient également émergé
une myriade de nouveaux acteurs privés, associations, ONG définissant des
interventions privées et décentralisées. Les années 1990 ont également été le théâtre
d’interventions d’un nouveau type désigné par le « devoir d’ingérence » repris et
redéfini par les nations U nies en droit d’ingérence. Les interventions au Kurdistan,
en Bosnie et en Somalie ont été les plus marquantes d’un changement de paradigme
dans ces années fin 1980, début 1990. L’anthropologue Marc Abélès (2006) parle
dans cette perspective de « politique de la survie » par opposition à la politique de
l’action sociale qui s’était définie depuis la seconde guerre mondiale et la
constitution de l’Etat providence comme forme d’élaboration du rapport au
politique. En effet, la «convivance» définie dans les limites de l’état-nation ne serait
plus l’espace indépassable d’élaboration du politique, les logiques globales et
transnationales de la «survie» permettant d’expérimenter de nouvelles formes de
rapport au politique à travers l’espace créé par le discours sur la santé et le
développement.
30 La mise en perspective de ces éléments avec les niveaux d’aide au
développement liés à la santé montre une stagnation de l’aide dans les années 1990;
pour repartir à la hausse à la fin des années 1990 (OCDE, 2008). Tout se passe ainsi
comme si les décaissements de l’aide publique au développement avaient attendu la
réforme des politiques globales et locales de santé. En effet, l’arrivée de l’économie
de la santé dans le champ «santé et développement» a permis de cibler les
interventions et d’en circonscrire les coûts et les effets comme montré
précédemment.
31 Finalement, de 1987 à 2000, la santé prend une place de plus en plus centrale dans
les discours sur le développement que ce soit par l’affi rmation de droits à la santé
ou la nécessité d’envisager des voies alternatives au financement de la santé. La santé
apparaît ainsi plus naturellement comme un secteur à réformer dans le contexte
suivant les ajustements structurels des années 1980. La raison humanitaire qui se
dessine depuis la fin des années 1970 apparaît de plus en plus intégrée dans un
espace politique de la survie plutôt que dans un espace politique de l’action sociale,
dont la nouvelle scène transnationale serait plus le produit que la cause.
32 La « santé internationale » devient « santé globale » dans le contexte évoqué de
« global policy networks » dont l’analyse des politiques de santé ne peut faire
l’économie : la réforme économique est indissociable de ces réformes politiques et
culturelles. Enfin, les savoirs économiques entourant et redéfinissant la santé,
malgré les discours sur les droits humains, montrent une réémergence des théories
de la modernisation basée notamment sur la médecine fondée sur les preuves ou
données probantes de la science (Evidence Based Medicine) et sur les études coûts-
effi cacité (Cost effectiveness Analysis) visant à maximiser la santé (estimée en années
de survie pondérées de l’incapacité) et minimiser les coûts; autrement dit, revoir
toutes les interventions de santé avec le souci de l’optimisation.

IV A partir de 2000 : la santé prend une


place centrale dans les discours et les
politiques de développement

A) Contexte global
33 La santé en contexte de globalisation fait émerger de nouveaux problèmes.
Premièrement, la globalisation est une réalité de termes de santé : la mondialisation
économique affecte la santé des individus qui y sont impliqués. Deuxièmement la
globalisation porte une réalité politique et façonne la réponse à ces problèmes de
santé : moins étatique et plus globale comme nous l’avons évoqué précédemment.
En ce sens la mise en place de partenariats globaux pour la santé (global health
partnership) dans différentes affections (paludisme, sida, tuberculose,
vaccination…) est révélatrice.
34 Ce contexte a également été marqué par la globalisation des résistances et des
menaces en réponse au nouvel ordre mondial. Les attentats du 11 septembre 2001
ont ainsi profondément redéfini la vision occidentale d’un monde où la sécurité
devenait un problème global, avec l’intériorisation par les individus de ne plus être
à l’abri nulle part. L’attaque à l’anthrax en 2001 aux Etats-U nis a également objectivé
et contribué à définir la menace biologique comme un risque global. On se
souvient également des menaces d’armes de destruction massives biologiques
comme d’un argument nécessaire et suffi sant pour légitimer la guerre en Irak de
2003. U lrich Beck (2005) place d’ailleurs ces risques globaux et technologiques au
cœur de ce qu’il désigne comme la seconde modernité; tout comme Anthony
Giddens (1991) qui voit dans ces risques des moyens de médiatisation abstraits et
d’une intégration systémique entre des personnes éloignées dans le temps et
l’espace.
35 Les discours sur le développement s’organisent à partir des années 2000 autour
de la lutte contre la pauvreté. Les documents stratégiques de réduction de la
pauvreté (DSRP) deviennent la condition à toute aide au développement ou
réduction de la dette, notamment via l’initiative pays pauvres très endettés : IPPTE.
Les objectifs du millénaire pour le développement (ODM) intègrent ces aspects
stratégiques de réduction de la pauvreté et tentent de fixer des objectifs mesurables
dans ce domaine. La santé est représentée dans les objectifs 4, 5 et 6 des ODM :
«réduction de la mortalité infantile, amélioration de la santé maternelle et combat
contre le VIH/sida, le paludisme et autres maladies». Ces objectifs sont ambitieux
mais les moyens pour les mettre en œuvre ne sont pas assurés. L’objectif de 0,7% du
produit intérieur brut (PIB) pour l’aide au développement, dont les pays
développés renouvellent l’engagement périodiquement comme lors de la
conférence de Monterrey en 2003, semble de plus en plus utopique. Les objectifs
du Millénaire fixés pour 2015 ne le seront vraisemblablement pas et les critiques
altermondialistes des politiques des huit pays les plus industrialisés du monde (G8)
se formulent de manières plus ou moins radicales au début des années 2000
(Chossudovky 2003, Stiglitz 2002).

B) Des savoirs ciblés et expérimentaux


36 Les années 2000 voient les analyses économiques en évaluation de la santé,
amorcées auparavant, se généraliser. C’est ainsi que la Banque Mondiale donne son
feu vert sur le financement des traitements contre le sida dans les pays en
développement : la charge économique de la maladie serait telle qu’elle justifierait
l’accès au traitement des populations des pays en développement. Cet épisode
montre bien le changement dans le mode d’intervention qui, en restant politique,
doit se fonder sur une rationalité économique. Les travaux diffusés par Moatti sur
le changement de paradigme dans la prise en charge de l’infection à VIH sont
exemplaires de ces dynamiques (Moatti et al. 2003). L’espace politique de la santé se
définit ainsi de plus en plus en regard des contraintes et potentialités économiques.
37 Les critères d’effi cacité des programmes et le nécessaire rendu de compte
(accounting) aux bailleurs le confirment. Les pathologies et les populations doivent
être ciblées, depuis l’évaluation initiales des interventions jusqu’au suivi de
«satisfaction» vis-à-vis de l’intervention. U n nouveau vocabulaire permet ainsi de
définir les sujets de l’intervention : « population cible », « bénéficiaires »,
« population vulnérable », « population à risque »… La santé dans les politiques de
développement devient un secteur de plus en plus circonscrit définissant une
ingénierie sociale très spécifique et faisant parfois fi des dynamiques sociales de la
maladie dans une société. Ces pratiques contribuent d’ailleurs souvent à créer de
nouveaux réseaux sociaux d’entre-aide et de nouvelles relations sociales en réponse
aux programmes de santé qui s’institutionnalisent et des droits sont revendiqués
dans des contextes les états peinent a assumer leurs fonctions régaliennes.
38 U ne vision économique des services comme une offre répondant à une demande
s’accompagne également par le renouveau de la théorie micro-économique. La
méthode expérimentale en économie du développement permet en effet de définir
ou d’adapter les programmes et d’utiliser les « savoirs contre la pauvreté » (du nom
de la chaire internationale crée par l’Agence Française de Développement (AFD)
au Collège de France en 2008). Des études d’élasticité prix/demande sont réalisées,
les coûts marginaux sont calculés et les effets produits par l’amélioration des
services sur la capacité et la volonté de payer sont analysés. Des modèles
épidémiologiques de l’apprentissage social sont ainsi proposés (Duflo 2008). On
assiste au fond à la construction de l’individu rationnel «type» tel que défini par la
théorie économique. On retrouve ainsi en filigrane une déclinaison de la théorie de
la modernisation plus expérimentale mais qui resterait focalisée sur la même
problématique : moderniser les esprits pour moderniser la société.
39 Ce mouvement se confirme au niveau global par l’intégration des politiques
économiques et sociales. Les DRSP constituent plus un exercice dans l’accès aux
ressources économiques qu’une véritable mobilisation pour trouver des solutions
locales dans la lutte contre la pauvreté dans un pays donné. De la même manière les
approches de lutte contre la pauvreté ou la maladie tendent à se définir dans des
approches intégrées (Audibert 2006). Les institutions classiques intervenant dans le
développement comme les ministères des affaires étrangères tendent à voire leur
champ d’action redéfini par des institutions s’apparentant plus à des banques de
développement, dépendant généralement directement des ministères de
l’économie. La redéfinition des rôles de l’Agence Française de Développement et la
réduction des budgets du Ministère des Affaires étrangères en France, même si elles
ne sont que des exemples, sont à ce titre remarquables.
40 Toutefois, ces intégrations entre politiques économiques et politiques sociales ne
sont pas sans créer de frictions comme l’a montré au début des années 2000
l’opposition entre le droit des malades et le droit du commerce. Cet épisode a
atteint son paroxysme avec la mobilisation citoyenne internationale faisant suite au
dépôt d’une plainte par 39 firmes pharmaceutiques contre l’Etat Sud Africain pour
la promulgation d’une loi en 1997 permettant de contourner les brevets pour
importer des médicaments génériques. La conférence de Durban en 2000 fut une
formidable caisse de résonnance pour cette mobilisation et déboucha en 2001 sur le
retrait de la plainte portée par les groupes pharmaceutiques. C’est ainsi que les pays
en développement ont pu obtenir une clause pour échapper aux règles de
l’Organisation Mondiale du Commerce dans le cas de la mise en cause de la santé
publique de leur population (déclaration de Doha et droits de la propriété
intellectuelle tels que révisés le 30 août 2003). Le droit à la santé ainsi proposé
semble avoir fait plier le droit du commerce international. Remarquons qu’il s’agit
toutefois d’une définition bien restrictive de la santé se réduisant à sa plus simple
expression, c’est-à-dire celle de la vie biologique. En ce sens, si le discours «santé et
développement» a permis de faire bouger des lignes de force au niveau du droit
international des brevets, il semble que la santé du même coup s’en trouve
significativement modifiée, relativement à la définition initiale formulée par l’OMS.
Cet aspect montre bien au fond le caractère parfois malléable des notions de santé
et de développement, et en tous cas toujours construit historiquement, dans les
pratiques même du développement et les processus sociaux qu’il implique.
41 Cette période est également le moment d’émergence de nouveaux savoirs
reposant sur une critique des politiques formulées et mises en œuvre par le FMI et
la Banque Mondiale sur l’impulsion des pays les plus industrialisés du monde; les
effets pervers des interventions de santé verticales avec leurs effets déstructurant
sur les systèmes nationaux de soins est également pris en compte. Cette critique a
également pris la forme de contestations actives en favorisant le développement de
coopérations sud-sud, particulièrement en Amérique du Sud. Le passage du G8 au
G20 est à ce titre exemplaire de la prise en compte des contestations d’un côté mais
peut être également de leur relative normalisation dans le champ des relations
internationales.

C) Des politiques verticales et sécuritaires


42 Il est toujours plus diffi cile de repérer les tendances actuelles des politiques dans
la dynamique «santé et développement», n’ayant pas le recul que nous pouvions
avoir pour les périodes précédentes. Nous proposons ainsi de nous pencher sur les
tendances de l’aide publique au développement liée à la santé avant de tirer les
grandes tendances des politiques «santé et développement» après les années 2000.
43 On remarque premièrement que la santé augmente en volume et en part de l’aide
publique au développement (évolution visible sur les graphiques 1 et 2). En effet,
alors que l’aide consacrée à la santé en volume augmentait d’environ 3% par an
dans les années 70 et 80, des taux de 15% de croissance par an sont enregistrés pour
la période 2000-2006 (OCDE 2008).
44 En volume, le graphique 2 montre que la totalité des sommes allouées passe
d’environ 5,5 milliards en 1999 à environ 10 milliards en 2005 (en dollars constants
2006). En pourcentage, la santé représentait environ 4% de l’aide en 2001 contre
11% en 2007.
45 Même si ces chiffres peuvent être nuancés au vu de la diversité des données et au
vu des définitions parfois différentes de ce que recouvre la santé (sida, population,
santé reproductive, etc…), il n’en demeure pas moins que la tendance de l’élévation
significative des dépenses de santé dans l’aide publique au développement, aussi
bien en volume qu’en pourcentage, semble être une tendance « lourde ». Ceci
d’autant plus que les fondations privées comme la fondation Bill et Melinda Gates
prennent de plus en plus de poids dans le domaine de la santé et du développement
international (plus de 1 milliards de dollars par an sur la santé dans les pays en
développement). Enfin, on remarquera que la problématique du sida n’est pas
étrangère à cette explosion des dépenses de santé puisqu’environ un tiers des
budgets de santé y seraient consacrés directement ou indirectement (Boidin 2007).
L’engagement des Nations U nies en 2001 à s’engager résolument dans la lutte contre
le sida, y compris par l’accès aux traitements a été déterminant dans l’augmentation
sans précédent de l’aide au développement, représentant environ un tiers des
programmes sida.
46 Ces tendances étant dégagées des données disponibles sur l’aide publique au
développement, l’analyse des politiques paraît moins partiale et fondée sur des
jalons pouvant faire l’objet de discussion. U ne première formalisation concrète des
politiques « santé et développement » est la mise en place de programmes
verticaux, c’est-à-dire ne passant pas par les canaux classiques nationaux du budget
de l’Etat. Ces programmes des partenariats public-privé visant à offrir les services
directement aux populations cibles, via les circuits habituels de service public ou
pas. Intégrés dans les activités de la santé, la lutte contre le sida, la tuberculose ou le
paludisme font souvent l’objet de directions spécifiques dans les ministères de la
santé des pays concernés. Les institutions internationales telles que la Banque
Mondiale ont même financé depuis le début des années 2000 des comités
multisectoriels de lutte contre le sida qui apparaissent comme des entités plus ou
moins artificielles dépendant directement de la présidence ou de la primature des
pays concernés. Ainsi, alors que l’«aide projet» (aide affectée spécifiquement)
perdait du terrain face à l’«aide programme» (approche budgétaire par secteur),
les politiques verticales de lutte contre les maladies se caractérisaient par la mise en
place de canaux parallèles de décision et de financement. Les récentes évaluations
des initiatives globales pour la santé («global health initiatives») montrent d’ailleurs
les effets de ce mode d’administration vertical sur les systèmes de santé nationaux
(Samb et al. 2009).
47 De nouveaux acteurs ont émergé sur la scène internationale suite à l’engagement
unanime de la communauté internationale contre le sida et pour l’accès aux
traitements suite à l’Assemblée Générale Spéciale des Nations U nies en 2001. Cet
engagement s’est traduit par la mise en place du Fonds Mondial de lutte contre le
sida, la tuberculose et le paludisme. Cette institution opère comme un bailleur de
fonds fixant ses règles de gouvernance et ses conditionnalités par rapport aux
demandes faites par les pays. En réponse, les États-U nis ont mis en place le PEPFAR
(President’s Emergency Plan for Aids Relief) en 2003 pour favoriser les industries et
les organisations américaines dans un espace humanitaire se structurant de plus en
plus comme un marché où des intérêts économiques sont à défendre. L’ensemble
des médicaments achetés sur ce fonds doivent en effet avoir été préalablement
enregistrés auprès des autorités américaines compétentes (Food and Drug
Administration). Ainsi, cette verticalité des programmes de santé liés au
développement à partir des années 2000 traduit tout aussi bien l’exigence
d’effi cacité (laissant de côté la question de la pérennité, pourtant essentielle dans
une problématique comme celle de l’accès aux traitements contre le sida) que celle
des pays donneurs de voir leur argent utilisé selon les règles qu’ils auront établies.
48 U n deuxième élément nous paraît centrale dans la définition des politiques
« santé et développement » au cours des années 2000 : l’aspect sécuritaire. En effet,
comme nous l’avons évoqué plus haut la globalisation transforme les menaces
locales sur la santé en risque global. En effet, plus qu’une simple détermination
univoque du global sur le local, l’«intégration systémique» évoquée précédemment
permet de saisir comment les conditions globales et locales interagissent. Les
épidémies dans un système mondialisé présentent ainsi une menace à l’échelle de la
planète. Des maladies comme le syndrome respiratoire aigüe sévère (SRAS), mis en
évidence en mars 2003, avec une diffusion révélatrice des nouveaux échanges
globaux, a montré avec acuité les nouvelles menaces sanitaires posées dans un
système-monde. La grippe aviaire, le sida ou l’actuelle grippe porcine en sont des
rappels périodiques récurrents. Ainsi, la mondialisation du risque sanitaire amène
à la définition concrète de politiques sécuritaires basées sur le principe de
précaution ou de prévention, elles aussi réunies dans les discours « santé et
développement ». ces politiques sanitaires et sécuritaires définissent
paradoxalement des espace d’inclusion et d’exclusion qui deviennent de véritables
enjeux sociaux comme le montre les débats sur l’accès aux vaccin contre le virus de
la grippe A H1N1 dans les pays occidentaux, mais aussi dans les pays en
développement.
49 Dans son article « aide au développement et santé comme droit humain », Boidin
(2007) en vient à se poser la question des critères d’orientation de l’aide publique
au développement relativement à la santé. La santé semble de plus en plus se définir
comme un bien public mondial et ce pour trois raisons majeures : une première
éthique, une seconde historique et une troisième faisant référence aux externalités
des actions de santé. Toutefois, ces nouveaux discours sur la santé et le
développement gardent toute leur ambigüité vis-à-vis de la santé présentée
indifféremment comme un bien public mondial final ou intermédiaire. U ne
attention plus grande portée à cette nuance du discours «santé et développement»
permettrait sans doute aux politiques de gagner en cohérence en tenant compte
notamment des effets politiques des interventions de santé.

V Conclusion : politiques de santé,


révélatrices d’un changement de rapport au
politique
50 Finalement, cette généalogie des discours « santé et développement » ainsi que
leur lien avec les financements opérationnels laissent apparaître trois périodes :
l’une de l’après seconde guerre au milieu des années 1980 où la santé est présente de
manière relativement périphérique, l’autre de la moitié des années 1980 au début
des années 2000 où la santé prend une place importante dans les discours mais où
les financements se réduisent relativement et enfin la période à partir des années
2000 où la santé prend une place de plus en plus importante dans les discours et les
politiques de développement. Cette étude permet également de repérer l’évolution
et la récurrence des thématiques et des rhétoriques depuis la fin de la seconde
guerre mondiale. La santé y est généralement présentée comme essentiellement
produite par le développement et plus particulièrement par la modernisation des
techniques comme des mentalités. Toutefois, la vision occidentale contemporaine
de la santé et du développement laisse clairement apparaître que la santé est aussi
un moyen de produire du développement au sud (comme l’a reconnue la Banque
Mondiale par rapport aux traitements contre le sida) mais aussi au nord, où se
réalisent plus de 80% des budgets totaux de la santé. La santé et son discours au
niveau international prennent un poids important dans la justification des
politiques globales qui sont en rupture avec celles des Etats providence et qui
placent la vie biologique, et non la vie sociale, au centre de nouveau principes
d’action; conséquence remarquable d’un changement de rapport au politique plus
généralement comme le théorise Abélès (Abélès 2006).
51 Faire le lien entre discours, politiques et financements effectifs est un exercice
diffi cile et certaines des analyses ici proposées pourront sans doute être affi nées.
Notre travail montre cependant, à travers une démarche historique amenant un
regard critique, que : discours, politiques et financements dans le domaine des
politiques publiques de développement en santé ne sont pas toujours liés. Il montre
également que la santé, à partir des années 2000 apparaît bien comme un enjeu des
plus centraux des relations internationales dans un monde globalisé. En effet, même
si le discours sur la santé n’induit pas nécessairement des changements dans le
champ des politiques publiques de développement relatives à la santé, son
influence est également remarquable dans d’autres champs politiques. Ainsi, le
discours sur la santé permet par exemple le développement de politiques plus
sécuritaires, permettant parallèlement de contribuer à réformer les sociétés en
développement. Autrement dit, les discours sur la santé ne sont pas seulement
réformateurs en ceci qu’ils permettent de développer des politiques de santé : ils
débordent ces politiques largement – et incarnent même pour certains une
nouvelle forme du politique contemporain se concentrant sur la gestion des risques
(Beck 2005), la maximisation de la survie (Abélès 2006) et produisant des formes
d’inclusions sociales de plus en plus basées sur des critères biologiques (Petryna
2002, Rose 2008, Nguyen 2010).
52 Ainsi, la santé et ses discours semblent pouvoir être des objets permettant
d’informer et renouveler certaines théories en sciences sociales. En effet, en
dépassant ce pourquoi la santé fait consensus dans nos sociétés occidentales, la santé
historicisée peut être conceptualisée comme un prisme au travers duquel se
révèlent, mais aussi s’effectuent et s’actualisent, des relations de pouvoir tout à fait
heuristiques pour les sciences sociales. Les sociologies critiques se sont souvent
focalisées autour du féminisme et du post-colonialisme; la santé comme objet de la
perspective critique pourrait présenter l’avantage de renouveler ce type
d’analyses tout en articulant les dimensions locales et globales autour de l’enjeu
premier que représente la prise en charge du corps dans le monde contemporain.

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Notes
1 En effet, la notion de «seuil de modernité biologique» présentait l’inconvénient d’exclure
une bonne partie du monde en développement. Les analyses de Fassin citées plus loin
montrent précisément en quoi la santé peut -et doit- être appréhendée comme un lieu
d’intervention politique aussi bien en occident que dans le monde en développement.
2 D’autant plus «universelle» que cette campagne fut impulsée auprès de l’OMS par l’Union
des Républiques Soviétiques Socialistes (URSS) en 1958.
3 Les controverses se sont généralement développées à ce sujet pour faire la part entre
l’évolution des conditions de vie ou des techniques médicales dans l’allongement de la durée
de vie. Les thèses de Mc Keown sur le Royaume-Uni à la fin du 19ème siècle sont développées
dans «The modern rise of population», 1976.
4 Abélès place en effet le problème de la survie au cœur de la reconfiguration du politique ;
problème caractérisé entre autres par la place grandissante des espaces transnationaux, de
l’incertitude, des organisations non gouvernementales et plus généralement de ce qu’il
appelle le «global-politique». La thèse générale de l’auteur est le passage, marqué depuis le
début des années 2000 mais s’opérant depuis les années 1970 avec les premières fissures
apparues dans l’édifice de l’Etat-providence occidental, d’une politique de la «convivance»
basée sur «l’être ensemble et l’harmonie des êtres sociétaux» et fondée sur une rhétorique
du changement social pour un monde meilleur, à une politique de la «survivance» qui met
la «préoccupation du vivre et du survivre au cœur de l’agir politique» et qui se caractérise
par une éthique de la sollicitude où les idées de justice et de droit ne trouvent leur sens que
dans la perspective du risque et de la précaution. L’hypothèse fondamentale de ce travail et
qui en fait l’originalité et la profondeur est de poser l’émergence de cette nouvelle scène
transnationale, non comme la cause, mais la conséquence de ce changement sans
précédent du rapport à la politique.

Table des illustrations

Graphique 1 : T endances de l’aide au développement dans le secteur


Lég ende de la santé, 1973-2006 en prix constants 2006, extrait de Measuring
Aid to health, OCDE, 2008.
http://journals.openedition.org/socio-
URL
logos/docannexe/image/2550/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 44k
Graphique 2 : Part de l’aide à la santé dans l’APD totale, 1973-1998 :
Lég ende
moyenne mobiles sur 5 ans
http://journals.openedition.org/socio-
URL
logos/docannexe/image/2550/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 50k

Pour citer cet article


Référence électronique
Pierre-Marie David, « La santé : un enjeu de plus en plus central dans les politiques publiques de
développement international? », S ocio-logos [En ligne], 6 | 2011, mis en ligne le 03 mai 2011,
consulté le 17 novembre 2023. URL : http://journals.openedition.org/socio-logos/2550 ; DOI :
https://doi.org/10.4000/socio-logos.2550

Cet article est cité par


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Auteur
Pie rre -Marie David
Pharm. D, M Sc, Doctorant, «Médicaments et santé des populations», Méos groupe de recherché
sur le médicament comme objet social, Université de Montréal, pierre-
marie.david@ umontreal.ca

Droits d’auteur

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