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12/09/2018 Vicente Palomera : Commencer une psychanalyse ?

| Le Pont Freudien

Vicente Palomera : Commencer une psychanalyse ?


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Bonsoir. D’abord je veux remercier Annick pour sa présentation et son texte, que je crois
très pertinent pour introduire notre sujet d’aujourd’hui. Deuxièmement, je veux m’excuser
pour mon français ; je dois parler la langue de l’autre, ici. Mais enfin, je pense qu’on parle
presque toujours, en fait, la langue de l’autre. Mais ce n’est pas facile de venir ici à
Montréal, dans cette belle ville de Montréal, c’est la première fois que je suis ici ; j’ai pu
apprécier la beauté de la ville et l’accueil que j’ai reçu de vous tous, surtout des membres
qui constituent le Pont Freudien, parce que j’ai été invité ici pour faire un séminaire demain
et dimanche matin, au Pont Freudien. C’est un groupe, un groupe de psychanalystes, de
psychologues, de thérapeutes qui travaillent dans la perspective de l’extension et de la
formation dans la psychanalyse.
J’ai été invité à parler – Annick a fait un witz, ce que Freud a nommé un witz (un mot
d’esprit) quand elle m’a présenté, en disant « étant donné qu’il a fait la sortie, on l’a invité
pour parler de l’entrée » – donc c’est un peu l’histoire de la psychanalyse, c’est‑à‑dire on
finit pour recommencer une autre fois le parcours de la formation d’un psychanalyste.
Donc j’ai été invité à Montréal pour parler du travail analytique, de l’entrée en analyse et
de la fin de l’analyse. De tout. Je suis un peu coupable d’avoir accepté cette proposition
de travailler sur cette triple dimension de l’entrée, du déroulement de la cure et de la fin
de la cure. Mais je vous dirais qu’aujourd’hui, j’avais pensé parler de l’entrée en analyse,
mais j’ai choisi de faire une expérience : je vous parlerai d’un cas clinique. De l’entrée dans
le travail analytique de la part d’un patient à moi qui travaille dans son analyse depuis trois
ans.
Le titre, c’est : Commencer une psychanalyse ? La demande, c’est donc : comment
commencent les analyses ? D’abord, on peut dire qu’une analyse commence par le
consentement, de la part de l’analyste, à admettre quelqu’un à l’opération analytique.
C’est‑à‑dire qu’on ne doit y consentir, à l’opération analytique, à admettre quelqu’un dans
l’opération analytique, qu’à la condition de s’assurer que les symptômes qui motivent la
demande d’analyse sont des symptômes de type analytique. C’est‑à‑dire qu’ils ne sont
pas des symptômes de type médical, par exemple.
Il faut encore s’assurer d’une deuxième chose : non pas seulement que les symptômes en
question sont d’ordre analytique, mais bien que le patient – le candidat – est capable de
fournir un texte à lire, du texte à lire. Et même qu’il est capable de lire de façons diverses
ce que lui‑même amène. Le texte à lire, le texte analysable, c’est ce qu’on appelle le texte
de l’association libre, tel qu’Annick vient de le rappeler. L’association libre, c’est‑à‑dire
des signifiants, des pensées en liberté que le sujet est capable de produire sans reculer
devant l’incohérence, devant l’absurdité, devant l’obscénité, devant le non‑sens. Il faut
qu’il soit capable des produire des signifiants qu’il ne maîtrise pas lui‑même. Au fond,
c’est un critère d’analysabilité, ça, que cette capacité d’association libre. Je parlais hier à
l’université, précisément, que l’association libre, ça ne consiste pas à se laisser aller
(heureusement) ; ca consiste à parler sans écarter les pensées qui vous traversent et dont
vous ne voudriez rien savoir. Que vous préféreriez laisser à côté. C’est‑à‑dire que la
parole, dans l’association libre, est une parole qui va en sens opposé à l’intention du
refoulement.
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Qu’est‑ce qui peut bien pousser quelqu’un devenu adulte à entreprendre de combattre le
refoulement qui le constitue depuis son plus jeune âge ? Il faut de puissantes raisons pour
y consentir. Ces raisons vont bien définies en termes de symptômes. Car le principal
moteur du traitement est la souffrance du patient et le désir de guérir que cette
souffrance génère. Pour le patient, ce qui fait croiser le seuil de l’analyse, traverser le seuil
de l’analyse, c’est la demande d’être débarrassé d’un symptôme.
Un symptôme peut se présenter au sujet de trois façons diverses. D’abord, comme
quelque chose qui ne va pas, qui ne va pas. Comme une faille. Quelque chose qui ne va
pas, comme une faille. Deuxièmement, comme quelque chose dans le symptôme que le
sujet ne peut pas comprendre, comme un « non‑sens ». Et troisièmement, comme une
souffrance dont lui ne peut pas se débarrasser. À mon avis, c’est seulement quand ces
trois visages, ces trois aspects négatifs d’un symptôme se présentent au sujet qu’il sera
vraiment poussé à faire une analyse.
Maintenant, je voudrais vous montrer ce qu’une femme nous apprend sur ce que «
commencer une analyse » signifie. Il s’agit en effet de quelqu’un qui est arrivé avec une
grande angoisse, bien qu’elle ne fût pas homogène. Il fallut « lire » divers types
d’angoisse. Par « pas homogène », je veux dire qu’il y a divers niveaux angoisse, il n’y a
pas une homogénéité dans l’angoisse. Divers types d’angoisse perceptibles dans des
moments différents.
Premier temps, donc. Il s’agit d’une angoisse liée à l’attente d’un enfant chez une jeune
femme venue me voir au moment de sa première grossesse. Les premiers entretiens, qui
durent s’interrompre à cause de l’accouchement, l’ont soulagée de cette angoisse. Nous
ne savions pas, au départ, quelles étaient les coordonnées de cette angoisse de maternité
– on peut dire angoisse face à la maternité. Nous les apprendrons plus tard, les
coordonnées de cette angoisse. On commence avec ça et on comprend ; il y a un temps
de comprendre.
Dans un second temps, il n’était plus question de cette angoisse maternelle. Elle
m’appelle au téléphone, très angoissée et ne sachant quoi faire. L’angoisse était rééditée
après la naissance, du fait de la rencontre avec la présence réelle de l’enfant. Son bébé ne
dormait pas et elle se sentait impuissante. Il s’agissait donc d’une angoisse plus liée au
pulsionnel du corps qu’à la subjectivité, c’est‑à‑dire une angoisse qui surgissait devant le
corps du bébé. Non pas un objet fantasmatique, une fantaisie, mais un objet bien réel.
L’enfant pleure, ne dort pas la nuit et ne laisse pas dormir ses parents. Il s’agit donc d’une
difficulté pour initier le bébé à une régulation horaire. Dès lors, elle parlera du petit corps
de son fils, se sentant captive de celui‑ci, surtout par son regard, qui la fige dans un état
d’impuissance.
Dans cette conjoncture, elle me présente son bébé comme un fardeau, dont elle n’arrive à
se séparer qu’au prix de sa propre division, de sa propre angoisse. Quand je parle de
division, ça se traduit, au niveau des affects, comme angoisse. Elle ne peut pas se
déplacer pour venir aux séances. Je l’invite alors à venir avec son bébé, ce qui ne s’avéra
pas nécessaire. Rassurée, elle peut s’arranger pour venir seule.
Il y avait aussi quelque chose dans l’attitude de son mari à son égard qui renvoyait à un
troisième type d’angoisse. Non pas l’angoisse devant l’enfant vivant, mais plutôt
l’angoisse face aux reproches du mari, qui voulait lui apprendre ce qu’elle avait à faire en
tant que mère. Il est certain que cela eut une incidence sur le développement de l’enfant,
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lorsque le mari lui signifia qu’elle n’était pas une bonne mère. Une incidence chez la mère,
bien entendu, mais aussi dans la constitution du désir de l’Autre pour l’enfant. C’est‑à‑dire
que quand le père dit à la mère : « Tu n’es pas une bonne mère », ça a eu des
conséquences, pas seulement sur la mère, mais aussi sur l’enfant. Le désir de l’Autre,
c’est ça.
Une incidence... La cure introduisait donc une dialectique à partir d’une autre angoisse
mise en jeu. On va voir maintenant un autre type d’angoisse, ce n’est pas l’angoisse de
maternité, c’est pas l’angoisse face à la naissance du bébé, c’est un troisième type
d’angoisse ; c’est pour cela que je parlais, au début, d’une hétérogénéité. Ce sont des
types différents d’angoisse. Les premiers entretiens ont été dédiés à différencier ces
types d’angoisse, à ne pas se mêler dans cette confusion, à n’être pas au service de la
voix de l’angoisse, on peut dire.
Donc la cure va introduire une dialectique à partir d’une autre angoisse mise en jeu par
l’analyse, cette fois‑ci angoisse féminine. Voyons de quelle façon une opposition
accentuée – dans ce cas c’est très clair : l’opposition accentuée entre la figure de la
femme et la figure de la mère – s’est présentée dans l’inconscient de cette jeune
analysante.
Dans les entretiens qui se sont succédé, elle me parlera d’abord d’un symptôme, gênant
pour elle, qui prend la forme, chez elle, la forme obsédante de se voir obligée, de manière
compulsive, à regarder les femmes qu’elle croise en fixant son regard sur leurs seins et
sur leurs fesses. C’est un symptôme qui apparaît après l’angoisse de maternité,
curieusement. Et au moment de la résolution de ce que nous pouvons appeler la première
couche d’angoisse. Ce symptôme transitoire indique la nature féminine de l’angoisse au
moment où commence la compulsion à regarder les caractères secondaires de sexuation
de l’être féminin.
De situer ce symptôme a permis à l’analysante de vérifier rétroactivement, dans l’analyse,
que l’angoisse de maternité était, en réalité, une angoisse devant la perte possible de la
féminité. C’était donc l’indice de la division, chez cette analysante, entre deux rôles : la
mère et la femme.
Elle fera allusion, entre autres choses, autres symptômes – elle présente ça comme un
symptôme – à sa frigidité. Ce qui voulait dire, plus précisément, qu’elle était mal à l’aise et
restait froide pendant les rapports sexuels avec son époux. En vérité, elle signalait là
qu’elle arrivait à jouir, dans les rapports sexuels, grâce à un fantasme dans lequel elle
s’imagine prostituée. Pour être plus précis, elle fantasme qu’elle est une prostituée – c’est
intéressant – qui dit ce qu’elle ressent pendant les rapports sexuels. Ce fantasme nous
intéresse certainement, car il consiste à amener la prostituée à la dignité de la parole, ce
qui n’est pas l’usage habituel qu’on en fait. Nous pouvons situer ici la parole attendue de
la prostituée comme parole qui viendrait là où elle manque dans l’Autre, du fait que la
jouissance énigmatique de la femme ne peut pas se dire. Mais la prostituée le dit. Je lui
demande ce que dit, dans ce fantasme, la prostituée. Elle ne sait pas le dire. Enfin, c’est
un fantasme où elle parle, mais elle ne sait pas ce qu’elle dit. Bon, c’est intéressant, cette
présentation de la problématique.
C’est ce qu’elle reproche toujours à sa mère – ici vient directement son histoire – c’est ce
qu’elle reproche toujours à sa mère, de ne pas lui avoir dit, de ne pas l’avoir présentifiée,
cette jouissance de la femme. Cela se trouve dans l’inconscient, où ce fantasme, assez
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vif, permet à notre analysante de jouir de ce qu’elle pense de ce que devrait dire une «
spécialiste ».
Ici c’est la présentation de cette femme. L’un des thèmes de cette première phase de
l’analyse, de cette première phase du traitement fut la naissance d’un frère alors qu’elle
avait douze ans. Très important : à l’âge de douze ans, il y a la naissance d’un frère. Ce fut
justement à cet âge que se produisit « une irruption – comme elle dit – brutale de la
sexualité ». Selon ses propres termes. D’un côté, la menstruation ; de l’autre, l’excitation
sexuelle d’avoir eu son petit frère nouveau‑né avec elle dans son lit. Et en troisième lieu, le
fait d’avoir passé deux heures à dessiner des femmes sensuelles, les copiant d’un
dessinateur de bandes dessinées (« elles avaient de fortes poitrines et la taille fine »). Il
faut ne pas oublier que le symptôme transitoire était de regarder les femmes à cette place
précise, la poitrine, les fesses... et à douze ans, elle faisait ça, dessiner. C’est la naissance
d’un frère, comme je viens de dire, l’émergence de la sexualité et cette activité de
dessiner, de copier, etc., des bandes dessinées.
En ce qui concerne ce frère – elle parle dans l’association libre, elle évoque tout ça – en ce
qui concerne ce frère, sa mère décrivait toujours son accouchement comme ayant été
héroïque. La mère. L’accouchement avait été long et aurait pu entraîner la mort de son
frère par l’obstination de la mère à ne pas accepter une césarienne. Deux ans plus tard, la
mère a accouché d’un troisième enfant, un deuxième frère, alors que l’analysante avait
quatorze ans. Ici, c’est plutôt la mère sacrifiée qu’elle évoque dans l’analyse, la mère
sacrifiée, souffrante, qu’elle nous présente dans cette phase, une façon de signifier ce qui
était pour elle son propre symptôme, constitué à partir du deuxième mode d’identification
selon Freud, c’est‑à‑dire le symptôme comme métaphore d’elle‑même en tant que mère.
Parce qu’elle vient me voir au moment où elle va devenir mère. Donc, pourquoi l’angoisse
au début de l’analyse ? Pourquoi cette angoisse de maternité ? C’est la question qu’il faut
éclairer.
Lorsqu’elle a seize ans, sa mère meurt dans un accident de la route. C’est alors qu’elle
adopte le rôle de mère de son premier frère. Sa mère est morte très jeune, à l’âge de 34
ans.
Confrontée à la perte due à la disparition de l’idéal maternel, elle accomplit le travail de
deuil. Ce n’était pas tant d’avoir perdu la possibilité de savoir ce qu’était pour elle l’être
ainsi perdu qui était douloureux. Le plus déchirant était le fait qu’elle n’allait jamais savoir
ce qu’elle avait été pour l’être aimé, irrémédiablement perdu. Elle avait perdu l’appui
signifiant qui lui permettait un savoir sur le désir de l’Autre. Cependant, il s’avéra que cette
perte d’appui dans l’idéal maternel avait pris consistance dès avant cette mort.
Si la naissance du frère supposait un événement signifiant majeur, c’est parce qu’elle
établissait le dédoublement de l’objet maternel entre, d’une part, une mère qu’elle voyait
jeune, et une mère qu’avant de mourir, elle voyait vieillie et négligée. Il y a un changement
entre la mère jeune et après la naissance de son frère, la mère vieillie, la mère négligée ; il
y a comme un avant et un après. Elle nous décrira très bien comment, dans son
inconscient, – ce sont des signifiants de l’inconscient – dans son discours, il y a une
opposition accentuée entre les figures de la mère et de la femme. Et elle situera très
précisément comment sa mère, à partir du moment où elle est devenue mère, cesse d’être
une femme.
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Ça nous indique que, ou on saisit là pourquoi ces deux figures opposées ont donné lieu à
toute une série de souvenirs, organisent toute une série de chaînes signifiantes dans
l’inconscient. Un souvenir fondamental, évoqué en de nombreuses occasions, consiste en
des promenades avec sa mère, les gens ne sachant pas si elles étaient mère ou fille.
Époque mythique, donc, signalant la fracture entre un avant et un après.
Une autre série de souvenirs nous révélera qu’elle n’aimait pas la façon dont sa mère
s’habillait et se faisait belle. Elle ne trouvait pas sa mère belle. Elle la voyait plutôt
maquillée comme une vieille et en rien séduisante. Elle s’est longtemps demandé ce que
son père lui trouvait. Sa mère lui raconta un jour que son père ne la voyait jamais nue,
qu’elle se déshabillait dans une autre chambre. C’est une mère très particulière. Ainsi, à
une occasion, celle‑ci voulut espionner sa mère pour la voir nue.
Lorsqu’elle avait onze ans, c’est‑à‑dire juste avant la naissance du premier frère, ce
moment de rupture, sa mère était pour elle jeune, belle et séductrice (tout ceci au niveau
imaginaire, c’est une description des images de la mère), mais lorsque son frère naquit,
elle ne fut plus que mère, c’est‑à‑dire que la femme disparaît ; la femme dans la mère
disparaît. Et c’est la mère qui mange la femme, si on peut dire. Et elle ne fut plus que
mère, la mère négligée qui ne fait pas attention à elle, la mère que le père ne désire plus et
qui, en plus, supporte que le père séduise une autre femme.
À partir de ce moment, on commence à comprendre l’angoisse qui se présente au
moment de devenir mère elle‑même. C’est dans ce moment de la maternité que tous les
signifiants de son histoire – de la mère, de toute cette histoire – apparaissent, se mettent
en scène.
En effet, une scène qu’elle put observer en descendant un escalier se dédouble en deux
scènes en temps réel : d’un côté, elle voit sa mère assise dans le salon en train de
feuilleter une revue, visiblement furieuse, tandis que de l’autre côté, elle voit son père
dans la cuisine faisant la cour à une amie de la famille, pendant qu’elle prépare le repas.
Dans cette scène est certainement accentué – c’est une scène qui vient beaucoup de fois
– est certainement accentué le fait que la mère incarna pour notre analysante l’image du
moi idéal féminin – en termes freudiens – du moi idéal et non pas de l’idéal du moi. On
peut dire qu’il y a la mère comme idéal (la mère avant la naissance du frère), et la mère
après la naissance du frère, où l’idéal du moi devient moi idéal, comme elle‑même. Le
miroir s’est inversé – c’est comme un phénomène d’inversion du miroir – le miroir s’est
inversé et elle a incarné l’image déchue de la féminité, celle de la mère. L’un des
symptômes – un autre symptôme de cette femme – l’un des symptômes dont elle se
plaignait, au moment où elle vint, chaque fois qu’elle se regardait dans le miroir, lorsqu’elle
se regardait dans le miroir, comme si elle se sentait… chaque fois… il y a une erreur dans
mon texte… chaque fois qu’elle, par exemple, se regardait dans le miroir, elle avait le
sentiment un peu – ce n’était pas un phénomène de dépersonnalisation exactement – mais
le sentiment que quelqu’un, dans le miroir, la regardait. Par exemple, si elle était dans la
toilette, elle allumait la lumière de la toilette, elle voyait son image tout de suite dans le
miroir, mais elle avait le sentiment que quelqu’un la regardait comme cette, comment on
appelle, la police utilise ça pour les interrogatoires, n’est‑ce pas ?…
Annick Passelande : Un miroir sans tain ?
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Vicente Palomera : C’est ça. Donc elle explique ça comme... on voit ici comme une
inversion de l’image. Comme cette scène où elle voit, dédoublées, la mère et la femme –
qui est avec le père, qui incarne l’idéal – et la mère, qui incarne le moi idéal. C’est comme
un phénomène d’inversion. Et ce symptôme, c’est très gênant pour elle. Et cette gêne est
due à sa façon d’être dépendante du regard – supposé toujours – du désir de l’Autre. Elle
est dépendante du regard supposé du désir de l’Autre. De même, l’énigme du désir de
l’Autre est la plus fidèle compagne de notre analysante dans sa solitaire contemplation
d’une femme devant le miroir. La matrice de la scène dans laquelle la mère apparaît
comme son moi idéal met en relief le mode par lequel le sujet méconnaît l’énigme de son
être de se voir comme un dans son moi idéal. Ainsi, ce que l’analysante présentait comme
une difficulté à « circuler, comme elle dit, parmi les hommes », elle le traduisait comme le
fait qu’elle‑même n’avait pu acquérir ces choses féminines, cette séduction que possède
la femme. Elle dira ne pas savoir comment faire pour séduire, ni si elle revêt l’habit
adéquat.
Le sujet de la vêture devient alors la question fondamentale. Plusieurs souvenirs
l’assiègent. Sa mère ne la laissait pas s’acheter du prêt‑à‑porter. Elle l’amenait toujours
chez la même couturière, marraine, d’autre part, de son premier frère. Et elle profitait de
ses visites régulières chez la marraine pour converser et dormir. Très particulier, cette
histoire. Elle avait l’habitude de s’allonger – la mère – avait l’habitude de s’allonger dans
une des chambres de la maison de la modiste, seul lieu où elle pouvait dormir. Notre jeune
analysante s’interroge sur l’insomnie de sa mère et ses dépressions. Ses dépressions de
cette époque après la maternité du frère. De quel lieu ? Elle, qui accompagnait toujours sa
mère, n’avait pas le droit d’interrompre les conversations et restait en dehors. Ces
conversations entre femmes ne se limitaient pas aux visites chez la modiste. Elles se
produisaient aussi avec son professeur particulier de langues, marraine, elle, de son
second frère.
Nous avons ainsi cette mère déprimée et insomniaque dans un contexte de femmes. Il n’y
avait pas d’hommes dans cette réunion. Toutes femmes. C’est une jouissance de femmes
entre elles. Avec l’exclusion de l’homme. Non moins important, c’est dans ce contexte de
femmes entre elles, et par l’intermédiaire de la modiste marieuse, qu’elle rencontra celui
qui devint son mari.
Récapitulons un peu. Dans cette phase de l’analyse, de quoi s’agit‑il ? Elle s’était attelée
jusque‑là à voir que l’angoisse concernant la féminité se référait au personnage maternel.
Elle se situe toujours au niveau des images, jusqu’à ce moment‑là : mère, les images de la
mère, et les images de la femme. Mais il y avait un pas de plus sur notre axe qui sépare
l’imaginaire ... j’aurais besoin d’un tableau pour... mais je ne l’ai pas... Lacan a simplifié, a
différencié le niveau imaginaire et le niveau symbolique à partir de deux axes. Donc il
situe, on peut situer tout ce qui parle de cette femme, les images de la mère, les images
de la femme dans un axe : c’est le rapport du sujet avec sa propre image et toutes les
difficultés qu’elle a, et de l’autre côté ce qui est l’axe symbolique, c’est‑à‑dire les rapports
de l’inconscient et les effets de l’inconscient sur le sujet, c’est‑à‑dire que c’est une autre
chaîne qui n’a pas consistance imaginaire.
Donc pour résumer, il y avait un pas de plus sur l’axe symbolique. Qu’est‑ce qu’on va
rencontrer, sur cet axe symbolique, dans l’analyse ? Que rencontrons‑nous à ce niveau
pour déterminer le désir maternel, déchiffrer quelle mère elle fut pour l’analysante ? Nous
trouvons le signifiant « mort », la mort. Je vais l’expliquer maintenant. Mais avant cela,
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nous avons le registre de la jouissance maternelle. Non pas celui de la jouissance de


l’enfant. Comme vous vous souvenez, tout a commencé avec le récit de l’accouchement
de la mère. Et son propre accouchement. Il y a tout un lyrisme de la douleur, un mode de
jouissance lié aux douleurs de la mère, quand la mère parlait de sacrifice, de la difficulté
au moment de l’accouchement, etc. Puis il y a une mère qui va chez la modiste : c’est une
autre mère. La mère qui va chez la modiste, chez le professeur. Et qui va dormir avec, à
ses côtés, l’autre femme, après avoir parlé de toutes ses adversités, pouvant finalement,
s’endormir. Alors qu’elle ne peut dormir dans la chambre du mari, quelque chose la
maintenant éveillée. Il y a donc toute une dimension de jouissance dont l’homme est
relativement absent dans le discours maternel, ou, du moins, dans le discours de
l’analysante dans l’analyse. Il y a donc toute une dimension de jouissance dont l’homme
est relativement absent, à l’exception d’une image, une photo du jeune homme qui
deviendra son futur mari. La patiente évoque sa propre présence dans ce contexte, même
si elle se vit comme une petite fille exclue de cette communauté, de cette jouissance
maternelle typique.
Dans les années écoulées entre la mort de la mère et le mariage ultérieur du père – le père
s’est remarié avec une jeune femme du même âge que l’analysante – elle demeure très
attentive aux successifs rapprochements du père avec d’autres femmes. En réalité, les
femmes de l’entourage familial collaborent fébrilement à son remariage. Lorsqu’il prend la
décision de se remarier, la femme élue ne plaît à personne, y compris l’analysante. «
Qu’est‑ce qu’il a bien pu lui trouver ? » se demande‑t‑elle à plusieurs reprises. Elle assure
que la marâtre « est entrée dans la maison du mauvais pied », comme elle dit. Elle y
entrait effectivement volontiers, et régulièrement sans dire bonjour, montant dans la
chambre de son père avec lequel elle restait de longues heures. L’analysante s’irritait
devant cette jouissance sans pudeur. C’en était trop ! Un week‑end, son père l’invite à
venir avec eux dans une maison de vacances. De façon inopinée, elle les découvre par
terre, enlacés. Jalouse et en larmes, elle fait un scandale, leur disant qu’elle ne peut plus
supporter cette situation. Mais il n’y a pas de doute que dans le choix de son mari, il y a
aussi l’amour, qui permet de condescendre au désir. C’est d’être aimée qui compte pour
elle avant tout.
Cependant, au cours de l’analyse, le père est apparu après l’évocation de signifiants du
désir de l’Autre maternel et après le rêve d’angoisse suivant… Donc que trouvons‑nous
dans l’axe symbolique, maintenant, à part les images de la mère dont nous avons parlé ?
J’ai parlé de la mort. Donc, le rêve suivant : elle rêve – c’est le rêve fondamental de
l’analyse ; le texte se lit ainsi : « Je suis en train de tomber à grande vitesse dans un puits
très profond. En arrivant au fond, je vois depuis le lit la statue d’une vierge. Je vois que la
vierge regarde d’un côté avec beaucoup de haine et, tout d’un coup, elle tourne la tête,
me clouant du regard. Je suis paniquée, je suis paralysée et je ne peux articuler un seul
mot et mon regard reste rivé à ces yeux de morte vivante. » Elle est réveillée par la
terreur, après cette confrontation à ce qui ne peut se dire. Une demande face à laquelle il
n’y a pas de mots. Elle appela ce rêve « le rêve de la vierge », « du regard de la vierge ».
Donc si nous avons fait référence aux images, il faut maintenant évoquer une autre chose.
Il s’agit de la jouissance et de ses signifiants. Nous trouvons ces signifiants non seulement
dans l’opposition femme‑mère, mais aussi du côté de la mère : les deux signifiants
majeurs paradigmatiques. Elle nous a parlé, d’abord, de ses fantaisies avec la prostituée.
Donc un signifiant, c’est la prostituée. Et le deuxième, c’est la vierge, maintenant. Ces
deux signifiants ne correspondent pas seulement à des images – la prostituée, la modiste,
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la belle femme et la mère, ça fait une série de signifiants – mais ils correspondent aussi à
deux impératifs du surmoi, ceux que le rêve a mis en jeu. Pourquoi dans le rêve ? Le rêve
évoque – le rêve de la vierge évoque – d’une manière assez frappante que le nom de la
volonté maternelle est la vierge. C’est le personnage qui apparaît et qu’elle identifie avec
sa mère morte. Le regard, la méchanceté du regard de la mère dans le rêve, si terrifiante,
présentifie très clairement, présentifie quasiment l’impératif de sacrifice qui renvoie au
symptôme de cette femme. C’est‑à‑dire c’est la mère qui sacrifie, la mère qui sacrifie.
Qu’est‑ce qu’elle sacrifie, la mère ? (et ce qui se présente dans le symptôme de cette
femme). Elle sacrifie la jouissance agréable du rapport sexuel, comme le cas entier
l’indique. Le regard de la vierge n’est alors pas véritablement, dans ce cas, un regard
d’amour, d’une mère aimante, qui protège. C’est le regard d’une mère féroce qui interdit.
Si nous retrouvons toujours dans l’inconscient de la petite fille une mère qui interdit – on
la trouve dans toutes les analyses de femmes, on trouve toujours la mère qui interdit –
mais si nous la trouvons toujours dans l’inconscient de la petite fille, cette mère qui
interdit, ceci est exemplaire dans le rêve de l’analysante. C’est très clair. Après ce rêve
crucial – c’est un tournant, un moment tournant – entrent en jeu les reproches de la fille à
la mère pour avoir renoncé à sa féminité, ou plutôt pour avoir renoncé à soutenir le désir
de son mari. En définitive, le reproche à sa mère d’être captivée par d’autre chose, qu’elle
ne sait pas : c’est énigmatique pour elle. Cette mère insomniaque, qui ne pouvait pas
dormir chez elle, etc. Ce que nous rencontrons ici, ce n’est pas la jouissance des femmes
entre elles, mais bien plutôt la mort.
Ajoutons finalement quelque chose sur le type de père, quelque chose du côté du père.
C’est un père qui a des ressources, on peut dire, c’est comme le père de Dora. Il est riche,
il a des affaires, de l’argent, il est riche, il réussit dans les affaires. Plusieurs souvenirs
datant de l’âge de quatre ans sont centrés sur le fait qu’elle se présente comme étant
digne de l’amour du père. Sa position à la sortie de l’Œdipe, comme nous disons, est bien
féminine. Le père est objet d’amour, et ce qu’elle n’a pas, elle le recevra plus tard de lui,
sous l’espèce d’un enfant. Un rêve est venu lui signifier que l’enfant est toujours l’enfant
du Nom‑du‑Père. Il y a un rêve fabuleux, fantastique : « Dans une fête – elle se trouve
dans une fête – je vois une amie, dit‑elle. Il y a beaucoup de monde. J’y vais avec ma
famille. Je vois la figure de mon père comme un cadavre – c’est comme ça : la figure d’un
père comme un cadavre. Cette femme m’interroge – la femme dans le rêve – m’interroge
sur mon enfant, dit‑elle. Je lui réponds : “ Oui, c’est l’enfant de mon père ”. Mon amie
reste confuse. Et je dis : “ J’ai une famille très confuse. ” » Voici la seconde partie du rêve
: « Je me dis : Que tu es stupide ! Tu sais que cet enfant est à ton mari. Comment as‑tu
pu dire cela à ton amie ? » C’est le texte du rêve.
Elle raconte qu’une amie lui a certainement dit une fois que les enfants sont toujours
enfants du père. Dans le rêve, il y a le père cadavre ; elle voit le père comme un cadavre.
Le père cadavérisé, on pourrait dire, la fait associer sur un grand‑père mort dont elle ne
se rappelle pas bien le nom. Bon, elle dit – c’est là que c’est intéressant – qu’elle a choisi
de venir me voir à partir de mon nom. Elle suppose que ce grand‑père s’appelait Vicente.
Et c’est pour cela qu’elle a choisi l’analyste, c’est‑à‑dire à partir, on peut dire, du Nom‑du‑
Père. À partir du nom, pas de l’image, mais du nom. Dont équivoquant avec le signifiant,
nous pourrons dire qu’il s’agit d’un père « (a) Dora », qui adore. Elle adore son père, adore
son père. « (A) Dora » pour jouer avec le cas Dora, qui adora. Nous avons des indications
qui permettent de poser que le père est un homme qui aime les femmes, son père, d’une
hétérosexualité patente, et aussi que la fille s’est attelée à soutenir le père mort, le Nom‑
du‑Père, en tant que le Nom‑du‑Père, ce concept lacanien. Le Nom‑du‑Père n’est pas le
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père, mais un signifiant ; n’est pas le père réel, n’est pas le père imaginaire, mais c’est le
signifiant. Ainsi, le père du rêve mort présentifie très bien que le vivant lui est soustrait,
que la meilleure façon de représenter le Nom‑du‑Père, c’est en soustrayant le vivant du
père : seulement reste le cadavre, on peut dire ça. Extraire le vivant, il reste le nom, le
symbole.
La fête qui suit dans le rêve évoque la libido en mouvement. Chaque fois qu’il y a une fête,
il y a libido en mouvement. Donc il y a une fête ; dans une fête, beaucoup de libido circule,
on pourrait dire. Et elle dit : « Mon fils est fils de mon père. » L’intéressant ici n’est pas
dans le thème classique freudien (pour une femme, l’enfant de l’homme renvoie, en
dernière instance, au fils attendu du père), mais au contraire, le thème classique lacanien,
où le père apparaît plutôt comme un cadavre (pour évoquer après, au‑delà de la figure du
père, le grand‑père mort).
Si tout au long de la cure – pour le moment, ça fait deux ans et demi ; cette femme
travaille beaucoup, comme on voit ; elle a un inconscient vraiment formidable, avec ses
rêves... – si tout au long de la cure, l’analysante parlera de ce père qui jouit des femmes et
à quel point cela lui semblait insupportable, dans le rêve, elle impulse et donne
consistance, justement, au père mort, c’est‑à‑dire à celui qui est le plus capable de
représenter le pur Nom‑du‑Père.
Ainsi, avec la multiplicité des identifications qui, au début, s’ordonnaient dans l’axe
imaginaire, l’identification hystérique au désir de l’Autre se fait patente, à savoir la
question : qu’est‑ce qui intéresse mon père chez une femme ? Question qu’elle se pose au
point d’où son père regarde les femmes. On voit ici l’identification d’elle‑même avec le
père, identification virile, parce qu’elle regardait les femmes comme un homme peut
regarder les femmes. C’est une identification inconsciente au père. Donc il y a encore,
dans ce cas, un autre niveau : c’est le niveau pas encore résolu dans l’analyse, c’est le
niveau pas encore suffisamment développé dans l’analyse, qui indique la question du
mystère maternel dans lequel ... c’est une question sans réponse, on peut dire, la question
du mystère de la mère. Il s’agit de quelque chose d’encore non suffisamment développé
dans l’analyse, qui indique cependant que l’identification hystérique recouvre toujours
l’identification virile à l’homme, dans la femme, et recouvre toujours le rapport obscur à la
mère, intersection où se loge le partenaire‑symptôme. Quand je dis « le partenaire‑
symptôme », j’évoque *ici que son mari – elle s’est fiancée à son futur mari, l’actuel mari,
après la mort de sa mère – c’est‑à‑dire il vient tout de suite, dans le deuil, après la mort
de sa mère ; c’est un choix, le choix du partenaire comme tel, vient à cette place.
Bon, j’ai voulu montrer, avec ce cas, comment se fait l’entrée en analyse, à partir de
l’angoisse et à partir de ses symptômes, et comment la logique de la cure, c’est‑à‑dire à
partir du travail de l’inconscient, cette femme non seulement a une idée des coordonnées
de cette tension entre la mère, l’idéal de la mère et l’idéal de la femme – ce sont des
idéaux incompatibles ‑– sa division face à ces deux idéaux – la maternité et la féminité –
elle a découvert ça ; elle a découvert la raison du déclenchement de l’angoisse à partir du
moment où elle s’adresse à l’inconscient et aux signifiants de l’inconscient de son histoire,
avec le soulagement, on peut dire, thérapeutique que tout cela a entraîné dans sa vie.
C’est‑à‑dire qu’il y a eu un bénéfice thérapeutique, mais après avoir obtenu un savoir des
coordonnées de cette angoisse initiale par laquelle elle s’est présentée à l’analyse.
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Bon, j’ai voulu montrer, alors, non seulement l’entrée, mais les coordonnées du premier
mouvement de son analyse. Et avec ça, je termine cette expérience de présenter un cas
clinique à un public dans une autre langue, et aussi dans un public pas particulièrement,
on peut dire, occupé de la formation analytique, c’est‑à‑dire un public de Montréal qui...
au grand public, c’est ça.
Bon, si vous voulez me poser des questions, ou parler à partir des résonances de ce cas,
je serai très content de vous répondre dans la mesure que je puisse le faire.
Une participante : Écoutez, c’est entendu que j’imagine que ça doit être soulageant de
connaître le mobile de ce qui vous arrivera, angoisse ou bonheur ; mais après cela, vous
devez finalement affranchir cette angoisse. Comment ça se fait ? Juste par le fait
d’apprendre quelle est la raison et quel est le mécanisme, est‑ce qu’enfin elle disparaît,
cette angoisse ?
V. P. : Ah oui ! Mais oui, Madame ! C’est‑à‑dire à partir de trouver la cause de l’angoisse,
les coordonnées. La première façon de soulager l’angoisse, c’est quand on invite
l’analysant, le patient, à situer le moment du déclenchement de l’angoisse, c’est‑à‑dire à
suivre le moment où elle apparaît et la séquence qu’elle suit. Parce que l’angoisse
n’apparaît pas comme n’importe quoi. Elle apparaît suivant des coordonnées très
précises. Elle se déplace comme la lumière. La lumière ne se déplace pas comme...
hétérogènement ; elle suit les lois de la physique. Donc l’angoisse a des lois. Et ces lois de
l’angoisse, c’est bien clair ; c’est‑à‑dire que cette femme s’angoisse au moment où elle va
devenir mère. Et ça a à voir avec son histoire, la maternité de la mère, la naissance de son
frère, c’est‑à‑dire... et aussi même quand elle devient femme, quand elle a douze ans,
treize ans, elle se trouve avec le traumatisme du changement de la puberté de
l’adolescence. C’est‑à‑dire qu’en conjoncture dans sa vie à douze ans, entre douze ans et
quatorze ans, tout a changé. Tout le corps commence à signifier, a commencé à signifier.
Le corps, c’est... la place de l’angoisse, c’est toujours le corps. Donc elle a pu situer, à
partir de l’angoisse dans son corps, ça a pu séparer en sachant quelque chose sur la
cause de l’émergence de l’angoisse, c’est‑à‑dire que ça concerne quelque chose qui
déclenche l’angoisse, que ça concerne son rapport avec sa mère. D’abord. Et – ça c’est
très important pour elle, parce que ça l’a soulagée – savoir qu’il y avait une conjoncture
précise, que ça ne se présentait pas comme n’importe quoi.
La même participante : C’est entendu que dans le cas d’une angoisse en face d’un
accouchement, bon, on pourrait toujours dire que c’est une expérience qui peut se répéter
une ou deux fois encore, il y a d’autres situations où l’angoisse revient très souvent, je
suppose, parce qu’enfin, le phénomène se répète beaucoup plus souvent ; mais
supposons qu’elle aura un deuxième enfant, est‑ce qu’elle risque d’être angoissée de
nouveau ?
V. P. : Non, non, elle a eu un autre enfant, et il n’y a pas eu d’angoisse.
La même participante : Je dois vous avouer qu’étant ignorante, moi, je ne comprends
pas comment, strictement par la compréhension du mécanisme, on peut se guérir de
l’angoisse elle‑même, mais je ne vais pas insister là‑dessus...
V. P. : Vous êtes médecin ?
La même participante : Non, je ne le suis pas du tout, justement, c’est pour ça...
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V. P. : Non, parce que peut‑être vous avez une explication de.... L’angoisse, c’est un
affect. Mais c’est un affect qui ne trompe pas. C’est‑à‑dire que c’est face à un réel, le réel
le plus solide du sujet. Chacun a à voir avec un réel, quelque chose qui concerne le sujet
directement. Et ce réel, c’est quelque chose qu’on ne peut pas symboliser avec les mots,
avec le symbolique, avec les pensées. C’est quelque chose qui s’échappe et se présente
de cette façon inquiétante, dans des façons, on peut dire, comme cette femme nous en
témoigne, pas seulement face à la maternité, parce que ce n’est pas une angoisse face à
la maternité, c’est une angoisse face à la possibilité que l’arrivée de la maternité éteigne la
femme, la femme qui... c’est le conflit entre la femme et la mère, si on peut dire. Et je
pense que l’effet thérapeutique, le soulagement de l’angoisse est venu au moment où elle
voit, dans ce parcours, avec l’aide du traitement analytique, avec le parcours analytique,
cette conjoncture. Ça c’est très important. Je ne peux pas généraliser à d’autres cas de
mères et de maternités, parce que je pense que ça dépend de chaque cas; c’est dans
cette perspective que je ne peux pas généraliser, je parle de la particularité de ce cas. En
psychanalyse, nous parlons toujours de cas par cas.
La même participante : Oui, je vous comprends très bien.
V. P. : Je n’oserais pas faire une généralisation.
La même participante : Donc autrement dit, vous dites qu’elle a compris, disons, qu’il y a
une possibilité de vivre une vie de femme et une vie de mère. C’est ça que vous dites.
Autrement... mais je ne veux pas insister...
V. P. : Oui, avec la difficulté que ça représente pour elle. Parce que ce n’est pas si facile
pour une femme, en général – je ne parle pas de cette femme ‑– la maternité et la
féminité, ce sont des idéaux complètement différents, en contradiction. Alors, c’est
difficile pour une femme de faire cohabiter les deux choses.
La même participante : Pour ma part, je vous remercie, je pourrais vous mettre beaucoup
d’autres questions sur le même sujet, mais je vous remercie, je ne veux pas... prendre...
C’est tout. Merci beaucoup.
V. P. : Merci à vous pour votre question.
Une participante : Bonsoir. Peut‑être pour répondre, si j’ai bien compris, un peu, à la
question de la dame, par rapport à sa question, ça m’a fait penser, dans les Cinq
psychanalyses, où, dans L’homme aux rats, si mes souvenirs sont bons, l’homme aux rats
pose la question à Freud, quand il vient, en lui demandant : « Mais qu’est‑ce que ça va
m’apporter – ce n’est pas dans ces termes‑là – mais en disant : qu’est‑ce que ça va
m’apporter de savoir d’où vient mon symptôme ? » Et Freud répond quelque chose qui est
comme ça, en disant, en faisant le rapprochement par rapport à l’archéologie, en disant :
« C’est comme en archéologie, ce n’est pas parce qu’on va découvrir quelque chose qu’on
va résoudre le problème ; mais c’est toute l’histoire qui se coud autour. » Par rapport à
l’angoisse, ce n’est pas parce qu’on a mis consciemment ce qui était inconscient dans
l’angoisse que ça a résolu le problème, mais c’est toute l’histoire des idéaux maternels,
des idéaux de l’image de la mère, de l’image de la vierge, de l’image de la femme qui ont
fait que ça a résolu quelque chose du symptôme. Le symptôme peut être là, mais il y a
une séparation par rapport à ce que vit la femme, la dame avec son symptôme. C’est dans
les Cinq psychanalyses, c’est un peu quelque chose comme ça, c’est une mise à distance
; ce n’est pas une résolution en tant que tel.
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Un participant : J’ai beaucoup apprécié la synthèse que vous avec faite de cette analyse
et comment vous avez démontré, effectivement, justement, tout ce qu’il y a autour de
l’objet archéologique qui est trouvé, toute l’histoire autour, comment vous avez
reconstitué… Mais c’est vrai, la question que la première dame a posée, je me la pose
aussi, parce que la vision que vous avez apportée est une vision très intellectuelle, je
dirais ; c’est la vision que vous vous faites maintenant, vous, après coup... peut‑être que
cette analyse est en cours actuellement… Mais la question qui m’intéresse, moi, c’est :
comment cette personne‑là s’est mise au travail ? Exactement, comment ç’a démarré ?
Parce que là, vous nous donnez le fruit de ce travail‑là, de façon très intéressante, mais
comment cette personne‑là est entrée en analyse, précisément ? Vous êtes passé un peu
vite là‑dessus, à mon sens. Et une sous‑question, peut‑être, qui est reliée à ça, c’est :
vous avez parlé, vous avez élaboré son histoire en faisant presque tout le temps
l’économie du transfert, selon moi, sauf pour le nom de Vicente ; mais en fait, pour le
reste, il n’a pas du tout été question du lien entre vous et elle, qui me semble être... enfin,
je ne l’ai pas entendu dans votre compte rendu et pourtant ça me semble être un moteur
fondamental de la cure telle que je la comprends.
V. P. : C’est le transfert.
Le même participant : Oui, c’est ça, exactement.
V. P. : Le moteur... il y a les symptômes, mais la vérité du symptôme, ce n’est pas
l’angoisse. La vérité du symptôme, qui se loge dans le symptôme – parce que notre
hypothèse, c’est qu’il y a une vérité dans le cœur du symptôme, l’être de vérité du
symptôme – donc c’est l’opacité de tout symptôme, c’est ça. Donc cette femme se
présente d’abord avec l’angoisse. L’angoisse, ce n’est pas la voie, elle nous indique
quelque chose du réel pour elle. On ne sait pas au début de quoi il s’agit. Mais quand elle
commence à parler, c’est‑à‑dire à associer dans la perspective, et à avoir des rêves, etc.,
on commence à ouvrir des chaînes – ce n’est pas intellectuel, ça – ce sont des souvenirs,
c’est la mémoire inconsciente qui se révèle, qui se pose dans la surface. Une analyse, ce
n’est pas une question de mystère intellectuel, c’est de lire un texte et de voir le rapport,
les relations entre une chose et l’autre ; et si un sujet fait ce travail, comme cette femme,
par le transfert, ça veut dire qu’elle s’adresse à la supposition d’un savoir qu’elle n’a pas
sur le moment. C’est‑à‑dire qu’une analyse fonctionne à partir d’une supposition d’un
savoir dans ce que le sujet présente comme symptôme, le plus énigmatique du
symptôme, ce qu’il méconnaît.
Donc à partir de cette supposition, à partir de l’hypothèse qu’il y a une explication de ça,
elle associe ; cette femme associe. C’est le transfert, et cette dimension du transfert
l’adresse à la vérité qui se trouve dans l’inconscient, pas dans les affects, pas dans
l’angoisse. La vérité se trouve dans les signifiants de l’inconscient. C’est‑à‑dire la mère,
les souvenirs de la modiste, la question de... enfin, tous ces souvenirs que je viens de
raconter. Mais ce n’est pas n’importe quoi ; ce sont toujours les mêmes éléments, on
tourne sur des chaînes de souvenirs précis, on tourne sur ces mêmes éléments. Donc
c’est vrai que la fonction de l’analyste, dans le transfert, c’est de l’aider : il y
l’interprétation. C’est moi qui à quelques moments ai sollicité, on peut dire, la
collaboration de l’analysante pour voir qu’elle parlait de ça et de ça, et qu’il s’agissait de
l’opposition entre une chose et l’autre, etc. En signalant ce qu’elle‑même disait. Et ça a
permis, pour elle, de vérifier après coup que dans ses symptômes, ce qu’elle appelle le
symptôme de la féminité, le symptôme de la maternité, ce qui se liait aux rapports avec
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son mari, etc., il y avait des dénominateurs communs, des constances, des éléments qui
se répètent et qui ne sont pas n’importe quoi. C’est ça, l’analyse, c’est une opération de
lecture. Et dans ce sens, je crois que c’est pour cela que c’est la voie de la... la dignité, on
peut dire, de cette femme, c’est qu’elle a pu obtenir une guérison de ses symptômes, de
son angoisse, avec un savoir de la cause de ce qui s’est traversé dans sa vie. Et c’est vrai
que l’angoisse peut apparaître pour cette femme, pour tout le monde – on peut trouver
que tous, nous sommes ouverts à une rencontre avec le réel, avec une chose qui va nous
produire l’angoisse. Personne ne peut dire : je suis protégé d’une rencontre avec le réel.
Personne ne peut dire ça. À un moment donné, quelque chose peut vaciller. Mais la
psychanalyse, c’est précisément l’opportunité, l’occasion pour ne pas être aveugle, ne pas
avancer sans savoir. Tu peux savoir, on peut dire, si tu vas en analyse, si tu commences
une analyse, tu peux savoir quelque chose de la cause de ta souffrance, du symptôme, de
l’angoisse, etc.
Le même participant : C’est là‑dessus que j’aimerais vous entendre parler. Parce que là,
vous parlez d’une lecture ; assurément, la personne a à lire ses propres rêves, en fait, et
les décoder, et tout ça, mais c’est une lecture qui se fait à deux voix : vous, comme
interprète, et puis elle aussi, comme interprète ; en fait, il y a deux interprétations qui se
font, qui génèrent ensemble des assonances, des dissonances, bon, une relation,
assurément, et puis... pourriez‑vous parler de comment ça s’est établi entre vous et elle ?
V. P. : Si nous disons « lire », c’est... celui qui parle, ce n’est pas l’analyste. Celui qui parle,
c’est le patient. Et « parler », je le traduis en « lire ». On lui dit, au patient : « Répétez ça,
s’il vous plaît ». Non, je... Freud faisait ça, par exemple, il disait... Quelqu’un venait, et il
racontait un rêve. Et Freud lui demandait, au patient : « Voulez‑vous, s’il vous plaît,
répéter le rêve ? » Et alors on vérifie une chose : jamais on ne peut répéter la même chose
deux fois de la même manière exactement. Il y a toujours quelque chose de différent. Et
Freud constatait, avec la répétition, qu’il y avait un élément qui n’était pas dans la
répétition, et ça c’était l’élément crucial. Et l’analyse, ça consiste à faire dire la même
chose une autre fois. « Venez et racontez‑moi ça une autre fois. » Et à partir de ça, on va
voir qu’on ne peut pas répéter une chose deux fois de la même façon. Et donc, à partir de
ça, on progresse. Et c’est une façon de lire chaque fois mieux. Lacan disait que l’analyse
consiste à bien dire. Bien dire, ça veut dire lire chaque fois, ou dire chaque fois... Lire,
c’est dire ce qui résiste, c’est le réel qui résiste au symbolique, de le redire chaque fois
mieux. On pourrait dire que c’est comme un roman : quand on lit un roman, chaque fois…
Par exemple, Madame Bovary. On lit Madame Bovary quand on a seize ans. Je le reprends
quand j’ai vint‑cinq ans, à quarante ans la troisième fois. Et chaque fois, je le lis d’une
façon différente. Et peut‑être que je vois quelque chose que je n’ai pas pu lire à quatorze
ans. En analyse, c’est comme ça. Il s’agit de lire le texte de l’inconscient, propre
inconscient, jusqu’au moment où on peut diriger… Bon, on peut dire : « Je suis fatigué, je
ne veux plus suivre la lecture, je m’arrête ici. » Bon, c’est une façon. On peut lire le livre
de l’inconscient, ce texte, et aussi l’éditer. C’est, bon, c’est‑à‑dire quand, arrivé à la fin, et
édité le livre de l’inconscient, et après je ne m’intéresse plus à mon inconscient, je le jette
à la corbeille et je m’occupe d’en aider d’autres à lire leur inconscient. C’est comme un
livre. En fait, une analyse, c’est comme aider quelqu’un à éditer son inconscient, comme
un livre.
Une participante : Je voulais vous dire, je voulais vous demander : Mais, quand on a fait
cette lecture, c’est quand même pour une prise en charge, pour un choix, pour un acte, je
voudrais que vous développiez sur ça : qu’est‑ce qu’on fait de la lecture ? Est‑ce que....
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V. P. : Après ?
La même participante : Bien, après, en même temps...
V. P. : Si on n’est pas arrivé à bien lire le livre, ça peut... vous pouvez retourner relire le
livre. On reprend une analyse. On commence une analyse, on finit cette analyse, on
reprend une autre analyse. Mais l’idée, mon idée, c’est d’arriver à la fin de la lecture,
jusqu’à l’os. Réduire tout le livre à l’os. Et après, on peut le jeter. Ça ne m’intéresse plus.
C’est ce que Lacan appelait « se séparer de l’inconscient, se désabonner de l’inconscient
», à partir d’une phrase de Joyce. Il parle de Joyce, que Joyce était désabonné du sens.
Joyce était un écrivain qui n’était pas intéressé par le roman, par Madame Bovary. Il
écrivait, il jouait avec les mots, mais sans aucun sens. En faisant, en vidant le sens...
L’opération analytique, ça consisterait, à la fin, à se séparer des résonances du sens –
parce que l’inconscient, c’est une machine à produire du sens – donc, à se séparer du
sens, de la production du sens de l’inconscient. On jouit du sens de l’inconscient...
La même participante : Ça, pour moi, c’est...
V. P. : ... ça fait jouir, le sens, les significations que produit l’inconscient, les rêves... il y a
des gens complètement intéressés, on voit, quand on ne peut arriver à la fin de l’analyse,
on s’intéresse beaucoup aux lapsus, aux actes manqués, aux symptômes des autres, on
interprète, je m’interprète, je t’interprète, c’est l’infinitude, c’est maintenir dans la
dimension du sens.
La même participante : Je sais que, bon, il n’y a pas à chercher le sens, que c’est la
signification qui est importante. Simplement, je me disais qu’il y avait quelque chose à
choisir ou un acte à faire, et quand vous parlez de Joyce, Finnegans’s Wake, qui est un
langage dépourvu de sens, ou très peu, ou qu’on peut trouver mais qui n’existe peut‑être
pas complètement, il y a quelque chose qu’il a fait comme choix ; il y a une action, il y a un
acte qui a eu lieu à la suite de l’analyse ou de la lecture du texte. Est‑ce que ça fait partie
de l’analyse de faire un choix qui ne soit pas seulement de… qui ne soit pas donner sens,
justement ? Qui soit autre chose que donner sens, mais qui conduise à…
V. P. : C’est intéressant, toutes ces questions que vous posez...
La même participante : Mais je ne sais pas comment les dire, voilà.
V. P. : C’est vrai, c’est très intéressant, votre question. Le problème, c’est de répondre
avec précision. Ce que je peux vous dire, c’est qu’il y a une perspective, la perspective de
Freud. Il avait fini avec… il avait écrit un texte qui s’appelle Analyse terminable et
interminable. Et il disait : les analystes, chaque cinq ans, doivent retourner à l’analyse.
Une tranche. L’idée de Lacan, je pense que c’est différent. Il pense, Lacan, à la fin de son
enseignement, dans les années soixante‑dix, seize… soixante‑seize, 1976, oui, il écrit que
la poursuite du travail de l’inconscient, c’est‑à‑dire l’idée qu’à partir du signifiant, à partir
de la parole, on peut recouvrir tout, l’idée de tout recouvrir avec l’inconscient, c’est‑à‑dire
le réel et le symbolique (il parle de ça), ça produit l’infinitisation de la ... c’est‑à‑dire que
ça produit une connexion du sujet avec l’inconscient, c’est‑à‑dire que ça produit la
religion, ça produit la production du sens – ou signification, c’est la même chose. C’est‑à‑
dire que si on ne se sépare pas de cette poursuite, cette recherche du sens, c’est
l’analyse infinie. L’idée de Lacan, au contraire, c’était de se séparer de la voie du sens,
c’est‑à‑dire que c’est pour cela que Lacan parle de déranger la position de défense, c’est‑
à‑dire de voir que la poursuite du sens, la poursuite de cette recherche de sens, va dans
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la ... c’est la conséquence de la fuite du sujet face à cette chose de laquelle lui se défend.
C’est‑à‑dire que le sujet se défend face au non‑sens du traumatisme. Et pour se
défendre, il se connecte à l’inconscient, pour précisément, répéter toujours, pour ne pas
savoir le réel qui le constitue. C’est une façon d’éviter de voir... il se défend de quelque
chose qu’il ne veut pas savoir.
Je ne sais pas si je vous ai répondu. Mais il y a deux perspectives : ou bien... C’est‑à‑dire,
on peut faire... Un analyste, la question, c’est plus intéressant. La question c’est : quel
inconscient l’analyste fait exister dans une analyse ? Il peut faire exister l’inconscient dans
la ... sémantique, on pourrait dire – l’inconscient sémantique, c’est l’inconscient à la
recherche du sens – ou bien l’inconscient qui a à voir avec le réel. Pas avec.... on pourrait
dire l’inconscient a‑sémantique. A‑sémantique, ça veut dire l’inconscient qui sépare le
sujet de la poursuite du sens. Et ça donne deux types de finales d’analyse. Et c’est pour
cela que Lacan a réfléchi sur la question du comment élaborer une théorie, une doctrine
sur la fin de l’analyse. À partir, précisément, d’un choix qui ne soit pas celui de
l’inconscient sémantique, de l’herméneutique, de la poursuite de sens, etc., de la religion,
en fait. L’idée qu’il y a une vérité, à la fin. L’idée qu’il y a le sens du sens. Tout ça nous
conduit à la religion. Et pour Lacan, c’est la voie qui ne convient pas. Pour Lacan,
l’orientation de Lacan, c’est vers la science, c’est‑à‑dire qu’il y a un réel. Un réel, et il faut
que chaque sujet qui est en analyse puisse avoir une petite idée du réel qui le constitue.
Du symptôme qui ne bougera jamais, qui sera toujours là. Qui ne va pas changer. Qu’on ne
peut pas écarter avec le sens. Je ne sais pas si... j’ai essayé de répondre à votre question,
mais, ça c’est un programme, vraiment, c’est un programme de lecture de la psychanalyse
contemporaine.
La même participante : Je voulais juste compléter ma question par le fait que... je pense
qu’on distingue « sens » et « signification », même si moi je ne sais pas très bien ce que
c’est, mais je voudrais avoir des précisions là‑dessus, parce que moi je pense que la
psychanalyse, justement, permet d’éviter la recherche indéfinie du sens, mais qu’il y a
d’autre chose à faire avec le texte, quand même.
V. P. : Oui. Il faudrait... Vous voulez que je réponde à cette question ? Mais c’est la
différence entre Sinn – ce que Frege...le mathématicien, le logicien a écrit – c’est la
différence entre Sinn, le sens, et Bedeutung, la signification. En fait, Lacan traduit la
Bedeutung comme le référent. Et dans l’analyse, il s’agit de voir que ce référent devient
réel. Ce que nous appellons Bedeutung, la signification, c’est le référent, à la fin de
l’analyse. C’est‑à‑dire que se réfère à un réel incontournable, un réel qui n’a rien à voir
avec le signe, avec le sens. Et, bon... c’est une lecture que je ne prends pas directement
de la lecture de Freud, c’est une lecture qu’a faite, dans ses derniers cours à l’Université
de Paris VIII, Jacques‑Alain Miller dans son cours de l’orientation lacanienne, où il a
travaillé cette question du symptôme à partir de Sinn et Bedeutung, à partir de Frege....
Bon. Mais ce que je voulais vous indiquer, seulement, à titre de réflexion, c’est qu’il y a
une voie qui va vers la recherche du sens, le sens du sens, on pourrait dire, et que cette
voie… Je crois que Lacan se sépare de ça parce que ça l’intéresse plutôt de parler qu’il y a
le symptôme comme un réel, à la fin, et qu’il faut.... le réel, c’est cette chose qui s’est
séparée du sens. Il n’y a pas de sens du réel. Et encore, il n’y a pas une loi du réel, il n’y a
pas de sens du réel dans cette perspective, on ne peut faire une loi du sens du réel. Et
tout ça, ça nous indique une voie que... on pourrait dire que le but d’une analyse, la fin
d’une analyse n’a rien à voir avec la thérapeutique ; c’est conduire le sujet vers ce qui
n’est pas, on pourrait dire, guérissable du sujet, l’incurable du sujet. C’est… il y a un point
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qu’on ne peut... on peut guérir un sujet de la passion du sens, mais on ne peut pas guérir
un sujet de son réel, on pourrait dire, du réel qui le constitue. Alors, c’est là que Lacan dit
que le symptôme réduit, à la fin de l’analyse. C’est intéressant, parce que je venais parler
de « commencer l’analyse », et nous parlons de la fin de l’analyse, rapidement, mais il
faudrait laisser un peu la question en suspens pour demain, pour le séminaire, n’est‑ce
pas ?
Un participant : Alors je reprendrais peut‑être une question qui a été posée tout à
l’heure, au‑devant : j’aurais aimé savoir, dans la petite vignette que vous nous avez
présentée, à partir de quand on peut dire effectivement qu’il y a eu début d’analyse, et si
ce temps‑là – finalement on avait l’impression, en quelque part, que c’était un temps qui
était déterminé un peu par l’analyste – et je me demandais si c’est important que la
personne… si la personne, elle, le sait à partir de quand elle commence quelque chose, si
c’est repérable uniquement par la personne qui entend et qui est capable de lire ce qui est
dit, ou s’il y a quelque chose qui est aussi repris par l’analysant et qui peut le situer, lui,
dans un lieu, dans le lieu de sa cure, dans le lieu de sa cure ?
V. P. : Je crois que j’ai perdu un peu quelques mots... en général j’ai compris, mais il y a
quelques nuances...(explications données par Annick Passelande).
V. P. : Ah ! Une analyse, quand on commence une analyse ! Il y a des gens, je veux dire,
qui commencent l’analyse à la première séance avec l’analyste. Directement. Il y a des
gens qui ont besoin d’un an d’entretiens préliminaires, et il y a des gens qui ont beaucoup
de temps et n’entrent jamais en analyse. Cette femme, immédiatement elle entre, elle a
commencé un travail, elle entre en analyse, pas à la première séance, après… Si vous
demandez exactement quand on peut considérer qu’elle s’est mise dans le travail
proprement analytique, c’est à partir du moment où elle a raconté son symptôme, ce
qu’elle considérait comme un symptôme transitoire, c’est‑à‑dire de regarder les femmes ;
à partir de ce moment‑là, à partir de la naissance de son fils. Parce qu’il y a eu le premier
moment, où elle se présente à l’analyste, angoissée. Elle va avoir un fils. Elle ne vit pas
dans la même ville et doit se déplacer pour me voir. Donc, c’était le sixième mois de sa
grossesse. On a arrêté, elle a eu son enfant, après trois mois, elle m’a téléphoné pour...
elle était angoissée aussi par la difficulté d’introduire le réel de l’existence de cet enfant,
de son bébé, dans le symbolique, on va voir, dans la régulation horaire.
Je voudrais faire un commentaire ici. Les kleiniens – je ne sais pas s’il y a des kleiniens ici
– mais les kleiniens sont préoccupés, toujours, par le rapport avec le sein, l’alimentation
de l’enfant, l’importance de l’alimentation, de donner le sein, le sevrage et tout ça. Mais la
chose la plus fondamentale, ce n’est pas ça ; c’est comment on introduit le bébé dans le
symbolique, c’est‑à‑dire dans la régulation horaire.
…les complaintes de son mari, de son époux pour le fait qu’elle… les reproches de son
mari pour ce qu’elle n’est pas une bonne mère. Donc, une autre fois l’incidence sur le
signifiant « maternité, la mère, le sacrifice », tout ça. Elle ne savait rien de tout ça, mais
quand elle me demande, elle était angoissée, je lui dis « Venez avec votre fils », ça l’a
soulagée, elle a arrangé, quelques mois après, un voyage, elle a commencé à voyager
régulièrement, et je peux dire que quand elle… avec ce – on peut dire – transfert positif,
elle commence à parler de choses plus difficiles : ses symptômes, avec le regard des
choses qui concernent un symptôme particulier. Donc à partir de ça, l’association libre... Il
y a un travail immédiat, directement.
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Tandis qu’il y a des cas, comme peut‑être vous avez voulu le faire remarquer dans votre
question, il y a des cas où ce passage n’est pas si immédiat. Ça dépend, ça prend du
temps.
(Intervention d’Annick Passelande)
V. P. : Qui lit dans l’analyse ? Je viens de le dire, celui qui lit, c’est le patient. Et celui qui
aide la lecture, qui fait la ponctuation, on peut dire, et qui aide à faire l’édition du livre,
c’est l’analyste. Ce n’est pas l’analyste qui lit, c’est l’analyste qui peut signaler : « Écoutez,
ici il y a une erreur dans le texte ». C’est comme l’imprimeur, le typographe, non, non : la
fonction de l’analyste, c’est plutôt... ce n’est pas qu’il aide à lire, il interroge : « Ici, il y a
une erreur » ou « Il y a une répétition ». C’est ça. Mais pour cela, il lui faut lui‑même avoir
lu son livre et s’être séparé de son propre livre. Parce que si l’analyste est encore
intéressé à son propre livre, il n’écoute pas, il ne peut pas aider à lire le livre de l’autre, on
peut des fois... une façon plus comique…
Mario Lortie : Si j’ai bien compris, le travail d’une analyse consiste à atteindre l’os de son
symptôme. Le travail qui permet d’y arriver, c’est un travail à partir de la répétition. Une
répétition à partir du récit de sa propre histoire. Une répétition qui n’est jamais la même
répétition. À quel moment l’analysant peut‑il se permettre de conclure ? À quel moment
l’analysant peut‑il se permettre de dire que dans cette répétition arrive une fin, puisque,
finalement, la répétition n’est jamais la même ? On pourrait dire qu’elle pourrait toujours
se poursuivre, d’une manière toujours différente. Et comment l’analysant peut‑il aussi, au
moment où il a l’impression d’en arriver à la fin, surgit, à un moment donné, quelques
années plus tard, une autre... un autre désir, finalement, de vouloir reprendre ce même
parcours‑là... Est‑ce que, finalement, on... Bon, je ne sais pas trop si on peut vraiment
être assuré d’une fin de cure. Comment est‑ce qu’on peut... ?
V. P. : D’abord, je veux dire que bien que j’aie répété ce terme de « répétition », je ne
pense pas que l’analyse, c’est seulement une répétition. C’est une idée que Lacan lui‑
même critique dans les années... dans le Séminaire XI, de penser l’inconscient comme
répétition. Mais s’il y a répétition, d’autre part, s’il y a répétition, c’est parce qu’on laisse à
côté quelque chose qui... La répétition, c’est un circuit qui laisse à côté quelque chose.
C’est fait précisément pour se défendre de la jouissance du sujet. C’est‑à‑dire que la
répétition a une fonction homéostatique, on pourrait dire, dans la névrose. C’est dans ce
sens qui produit le manque‑à‑être du sujet. Qui maintient le sujet dans le manque‑à‑être,
dans l’attente du sens, comme nous venons de dire. Donc, mais la question, c’est comme
déranger la défense du sujet face à ce réel qui n’entre pas dans la répétition. Il y a quelque
chose qui n’entre pas ; comme faire entrer quelque chose qui toujours est laissé à côté. Et
la fonction de l’analyste, c’est lire, mais c’est signaler à côté ce qui, précisément, ne s’est
pas laissé introduire dans la répétition même. S’est maintenu, précisément, dans la
perspective qu’il y a quelque chose du réel qu’on laisse à côté. Pour répondre....
Mario Lortie : Mais comment... Merci, ça m’éclaire davantage, parce qu’effectivement,
vous l’avez dit, mais ça m’a finalement échappé, je pense que... Mais à quel moment peut‑
on conclure, à quel moment l’analysant peut‑il en arriver à conclure, justement, de cet à
côté avec lequel il a été sans cesse en butte et ... Bon, mais à quel moment arrive‑t‑il,
arrive cette fin d’analyse ?

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V. P. : Quand on arrive à approcher quelque chose de ce que je viens de dire, le truc, c’est
fini. C’est‑à‑dire, comment dire, il n’y a pas de... On pourrait continuer, c’est‑à‑dire on
continue chaque fois qu’il y a, qu’on n’a aucune idée de ce contre quoi le sujet se défend.
C’est pas… Bon, on va parler demain... On va laisser des choses pour un séminaire ; j’ai
été invité aussi à cette conférence, mais à un séminaire pour travailler cette question,
donc, si vous voulez, je respecterai le pacte d’un travail interne avec le Pont Freudien. Ce
n’est pas... On ne peut pas répondre à toutes les questions, je... Bon, ça suffit pour
aujourd’hui. (rires). Non ! À cette question ! Parce que si ça continue, ça...
Un participant : Vous avez parlé d’association libre, d’analyse de rêves. Lorsque le
patient est en face d’un blocus lors de l’analyse, c’est quoi les autres techniques...
V. P. : Pardon ?
Le même participant : Lorsque le patient est devant un blocus de souvenirs, il n’y a plus
aucune idée d’où est‑ce qu’il s’en va, on est face, vraiment, à un mur ; est‑ce qu’on peut
employer d’autres techniques comme l’hypnose, par exemple, ou ... Est‑ce que ça vous
est arrivé dans ce cas‑là ou dans d’autres cas, par exemple, d’utiliser d’autres techniques
que celles que vous avez mentionnées, euh, l’hypnose, par exemple, est‑ce qu’avec
d’autres patients qui étaient devant un mur, c’est approprié de l’utiliser, à ce moment‑là,
ou ...
V. P. : Non. Il y a d’autres moyens. Parce que si on utilisait l’hypnose... vous savez que
Freud a renoncé à l’hypnose, et c’est le commencement de l’histoire de la psychanalyse,
c’est au moment où Freud laisse de côté la suggestion, parce que l’hypnose... C’est‑à‑dire
que Freud s’est posé une question. Il utilisait l’hypnose, et il utilisait des moyens comme la
catharsis, imposer les mains, etc., pour faire, pour provoquer la réminiscence dans le
patient, les souvenirs qui viennent du traumatisme, etc. Il avait cette idée, au
commencement. C’est très intéressant qu’une femme lui a dit un jour, parce qu’il lui avait
dit : « Je vous invite à vous souvenir... donnez‑moi, dites‑moi ce que vous pensez à ce
moment‑là ». – « Ah !, je pense ... » Un jour, une femme lui a dit : « Ah, mais ne soyez pas
si insistant, soyez patient et la vérité viendra. C’est dans le futur, ce n’est pas dans le
passé. Écoutez‑moi parler, laissez‑moi parler, ne soyez pas si impatient ». C’est‑à‑dire, il
a accepté... c’est une décision, c’est un acte historique, de dire : « Je me tais, et j’écoute.
Et vous parlez. » Alors, c’est une femme, une patiente hystérique de Freud, qui a inventé
l’association libre. Et Freud l’a accepté. C’est‑à‑dire, ça a été insufflé par une femme.
Donc, à ce moment‑là, quand il y a un obstacle, que personne... parce que qu’est‑ce que
ça veut dire, l’association libre ? C’est pas si facile de comprendre ça. C’est partir de l’idée
qu’il y a un savoir que le sujet ne sait pas qu’il sait, on pourrait dire. C’est‑à‑dire qu’on va
le chercher en parlant, on va trouver quelque chose si on parle de cette façon, c’est‑à‑
dire en... pas en faveur du refoulement, pas en faveur de ne pas dire les choses qui
contredisent l’image que j’ai pour l’autre. Parce qu’on doit dire que chaque fois...
Par exemple, aujourd’hui nous parlons ici, et il y a des règles pour parler. Il y a une règle :
vous posez la question, je réponds ; il y a toujours des règles pour parler dans la société –
à l’école, dans la famille, avec les amis – vous ne parlez pas de la même façon avec vos
amis qu’avec votre père, votre femme, etc. Il y a des règles, il y a toujours une règle pour
s’adresser à l’Autre. Donc la règle analytique consiste... dans l’analyse, il y a aussi une
règle : c’est la règle de dire tout, sans résistance. C’est‑à‑dire si vous avez une idée pas
glorieuse de vous‑même, c’est‑à‑dire si vous avez une idée qui entre en contradiction
avec l’idée glorieuse que vous pouvez avoir de vous‑même, mais en contradiction de ça,
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vous devez le dire. On vous demande ça. Alors, si quelqu’un ne veut pas faire ça, on
l’hypnotise ? Je ne pense pas que ça va aider à la chose, parce qu’il ne s’agit pas de
forcer une personne qui ne veut pas... C’est‑à‑dire, l’analyse, c’est le contraire d’un acte
de maîtrise. L’analyste, ce n’est pas un maître d’école, ce n’est pas le père qui dit : « Tu
dois étudier, tu dois faire les choses », c’est le contraire, c’est la position, plutôt, c’est
plutôt taoïste. Vous savez, le taoïsme, c’est un peu avec la négativité, la patience, le
silence, etc., de mouvoir les puissances les plus fortes que vous connaissez, que vous
pouvez connaître. C’est‑à‑dire avec la position de l’analyste de Freud, il a changé l’histoire
de la thérapie, de la psychologie, il a fait connaître des puissances, en termes du sujet,
qu’on ne connaissait pas, en abandonnant cette position de maîtrise. Parce que cette
femme lui a demandé : « Non, non, arrêtez‑vous de cette position de médecin, d’insister
de me suggestionner. Ne me suggestionnez pas. Laissez‑moi parler. Je parlerai ; vous,
écoutez. » Il a dit « Bon, oui ». C’est‑à‑dire qu’il a abandonné la position de maîtrise, la
position de suggestionner, d’éduquer, de vouloir quelque chose.
Parce que la position de l’analyste, ce n’est pas... c’est de ne rien vouloir pour l’autre.
C’est incroyable, ça. Parce qu’on a pas l’idéal de vouloir quelque chose pour le patient. Si
tu ne veux, si tu n’as pas un idéal pour le patient, tu peux laisser… le patient parlera très
tranquillement, il parlera de choses qui le... sans aucune difficulté. Mais s’il y a un analyste
qui a un idéal : « Tu dois parler de ça, tu dois être... Je dois te guérir, tu dois te guérir
parce que tu viens me voir » et tout ça, ça arrête l’association libre, ça arrête tout. Donc
l’analyste ne dirige pas la personne, ne dirige pas l’inconscient, ne dirige pas la
suggestion ; l’analyste doit faire son métier. Seulement être analyste, c’est‑à‑dire occuper
la place pour que quiconque veut faire ce travail, qui veut parler, qui veut.. le laisser faire.
Et ça, c’est facile à dire, mais c’est très difficile d’arriver à cette position. C’est pourquoi
un analyste doit faire sa propre analyse. Parce que ce n’est pas facile d’arriver à une
position de dire... une position de sans faire, sans travailler, on peut dire, parce que celui
qui travaille, c’est le patient. Faire travailler. Ce n’est pas facile, ça.
Le même participant : Merci.
Annick Passelande : Est‑ce qu’il y a d’autres questions ? On va s’arrêter là, alors. Eh
bien, on vous donne rendez‑vous demain, à l’hôpital Notre‑Dame. Il y a des feuilles, si
vous ne les avez pas vues, à la sortie, qui indiquent où ça se trouve, les heures et ce qu’il
au programme. Donc, à demain pour la suite.

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