Vous êtes sur la page 1sur 36

Edition999 présente ce manuscrit gratuitement

Épiphanie & le triangle


magique

Texte : Raphaël Nomézine

Illustrations : Mÿmÿ
Edition999 présente ce manuscrit gratuitement

Cet ebook a été mis en ligne par Edition999

© Raphaël Nomézine, 2020

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction, intégrale ou partielle réservés


pour tous pays.
L’auteur et l’illustratrice sont seuls propriétaires des droits et responsables du contenu de
cet ebook.
Edition999 présente ce manuscrit gratuitement
Edition999 présente ce manuscrit gratuitement

A ma fille, Victoria, sans qui cette histoire ne serait jamais


née dans mon imaginaire. C'est pour elle que je l'ai écrite.
C'est à notre complicité que je la dois.

A mon fils, Vincent, né bien après que cette histoire n’ait pu


germer dans mon esprit. Tu pourras très bientôt la lire par
toi-même.

A vous deux oui, parce que je vous aime…

RN
Edition999 présente ce manuscrit gratuitement

Prologue : Le Manoir Allycante

Le Manoir Allycante était un château sombre, oublié, abandonné dans une


forêt inhospitalière, en lisière de la province de Melody, le royaume magique du
Triangle d'Or. Là, vivait la maléfique sorcière Elvira, autrefois Grande Prêtresse du
Triangle Noir, et reine. Une époque sinistre et révolue depuis longtemps, depuis
qu'Epithète, le nouveau souverain du royaume magique avait regagné le trône en
combattant l'ignoble Elvira. A l’issue de sa défaite, elle fut condamnée à l'exil dans
ce manoir. Mais elle n'aspirait qu'à une chose : mettre fin au règne des Melody, et
se venger de ce royaume qui l'avait rejetée comme une malpropre. Et l'occasion
allait bientôt se présenter.
La bâtisse était immense et presque en ruine. La maîtresse des lieux
arpentait les couloirs glacés, envahis de courants d'air.
— Casspié ! Casspié, où es-tu, bon sang ?
Le vent cinglait son visage creusé par les rides et s'engouffrait dans sa longue cape
noire, ébouriffant ainsi ses cheveux blanchis par l'âge. Elle était vieille, aigrie,
donc redoutable.
— Casspié !
Un majestueux faucon se posa sur son épaule avec délicatesse.
— Je suis là, Grande Prêtresse.
— Je ne suis plus Grande Prêtresse, et ça, tu le sais !
— Pardon, Elvira…
— Où étais-tu passé, piaf de malheur ? Je te cherche depuis des heures...
— J'étais au palais de Melody, à l'affut des nouvelles royales, comme vous me l'avez
demandé !
— Et alors, où en est notre bon roi ?
— Son pouvoir magique s'affaiblit. Il fonde de grands espoirs sur la princesse
attendue par sa jeune épouse. Il sait que cet enfant sera le rempart contre votre
sorcellerie.
— Un bébé ? Voilà l'occasion que nous attendions, Casspié, jubila la sorcière. Ce
bébé sera l'instrument de ma vengeance. Montons au sommet du donjon.
— Mais pourquoi ? s'inquiéta le rapace.
— J'ai besoin de l'aide de mon fidèle Norton pour que mon plan fonctionne.
— Non, pas Norton ! Il me déteste...
— Il suffit !
— Ça ne me dit rien qui vaille…
— Ne discute pas mes volontés, c'est moi qui décide ! Et si tu tentes, ne serait-ce
qu'une seule fois, de planter tes griffes dans ma peau, minable volatile, je
t'expédie sur la lune en format Chronopost ! C'est compris ?
Edition999 présente ce manuscrit gratuitement
Edition999 présente ce manuscrit gratuitement

1 : Oraclius et le roi

Dans la cour intérieure du palais royal, pavée d’une mosaïque de bleus


turquoise et marine, le souverain Épithète de Melody faisait les cent pas. Les yeux
rivés sur l’immense horloge solaire au cadran de marbre, le vieux roi
s’impatientait. Quand l’aiguille indiqua midi et que le soleil fut au zénith,
illuminant de sa bienveillante chaleur les terres saphir du royaume magique du
Triangle d’Or, un grand homme tout en jambes traversa à pied le pont-levis et
franchit la Grande Porte du Ciel.
— Oraclius ! s’exclama Epithète, paraissant minuscule à côté du prophète. Je me
faisais un sang d’encre...
— Majesté, je vous avais dit que je reviendrais pour midi, et il est midi.
— Votre ponctualité m’étonnera toujours.
— Majesté, allons droit au but, que voulez-vous de moi ?
— J’aimerais savoir si l’enfant que porte mon épouse, la reine Ophélia, sera assez
puissant pour garantir le bonheur aux sujets de mon royaume et les protéger contre
la sorcière Elvira.
— La petite princesse sera la plus grande magicienne qui ait jamais existé en ce bas
monde. Personne ne pourra la battre.
— Ce sera une fille, vous en êtes sûr ?
— Je suis formel. Sa toute-puissance garantira le bonheur du royaume pour les
douze prochaines années.
— Douze années seulement ? Et après, que se passera-t-il après ?
Oraclius gratta sa longue barbe, comme s’il s’accordait un temps de réflexion
avant de répondre.
— Les astres ne sont pas très clairs au-delà. C’est assez flou.
— Elle va mourir ?
— Non, il y aura probablement une lutte de pouvoir. Peut-être même une guerre. Il
faudra lui apprendre à maîtriser son énergie magique dès son plus jeune âge pour
qu’elle soit prête à affronter son destin quand il sonnera à sa porte.
— J’y veillerai, Oraclius, j’y veillerai. Merci pour tout. Je ne vous retiens pas plus
longtemps, je sais que vous avez beaucoup à faire…
— Majesté…
Le prophète se retira du palais, grimpa sur sa calèche pour se rendre au fin fond de
la campagne. Un couple de paysans l’avait sollicité pour qu’il l’éclaire sur leur
devenir.
Edition999 présente ce manuscrit gratuitement
Edition999 présente ce manuscrit gratuitement

2 : La triste prédiction d’Oraclius

Émilien et Émilienne travaillaient aux champs et élevaient des bêtes afin de


nourrir leurs six filles : Érine, Émeline, Évelyne, Esthérine, Ebony et Élodie. Leurs
modestes conditions de vie les avaient rendues fragiles et chétives, incapables
d’aider leurs parents dans leur dur labeur quotidien. Quand Émilienne tomba
enceinte de son septième enfant, le couple pria pour que le bébé soit un garçon,
robuste et suffisamment bien bâti pour devenir l’homme de la situation, celui qui
allait subvenir aux besoins de la famille. Aussi, malgré leurs maigres revenus, ils
avaient fait appel au prophète Oraclius. Lui seul pouvait leur prédire l’avenir.
La grossesse de la paysanne était difficile. Lorsqu’Oraclius pénétra dans
l’unique pièce de la chaumière, elle était alitée et avait beaucoup de fièvre. Le
prophète, qui était un peu guérisseur, posa une main sur le front d’Émilienne.
— L’enfant sera un garçon. En bonne santé. Mais votre dame mourra peu de temps
après sa naissance.
— Vous ne pouvez rien faire ?
— Votre fils naîtra demain. Dans quarante-huit heures, vous serez veuf. Son état ne
me permet pas de la soigner. Il est trop tard.
Toute la maisonnée se mit à pleurer. Puis, Émilien accompagna le prophète jusqu’à
sa calèche. Il voulut lui payer sa consultation, mais le sage homme refusa.
— Gardez ce sou pour votre fils.
Et il partit dans un nuage de fumée.
Edition999 présente ce manuscrit gratuitement

3 : Et Casspié devint cigogne…

À quelques encablures de là, au Manoir d’Allycante, Elvira et Casspié


parvinrent au sommet du donjon. La sorcière effleura une pierre enchâssée dans le
mur et celle-ci pivota pour laisser place à un écran d’ordinateur. Un visage carré
aux yeux orange apparut. Celui de Norton.
— Bonjour Elvira.
— Mon cher Norton…
— Cela fait bien longtemps depuis ta dernière visite ! Aurais-tu besoin de moi ?
— C’est-à-dire que j’étais pas mal occupée ces derniers temps, alors…
— Menteuse ! Tu ne viens me voir que quand ton pouvoir est déficient !
— C’est pour demain, Norton. L’heure de ma vengeance a sonné. Et oui, j’ai besoin
de toi pour que mon astucieux plan fonctionne !
— Et qu’est-ce qu’il fait là, ton stupide piaf ?
— Vous savez ce qu’il vous dit, le piaf ? s’énerva le faucon.
— Du calme vous deux ! Nous devons unir nos forces pour réussir.
— Approche, Elvira, et appuie ta paume sur mon front, ordonna Norton.
La sorcière s’exécuta. Sa marque de naissance, un triangle noir dessiné sur son
avant-bras, vira au rouge flamboyant. La mise à jour de ses pouvoirs se terminait.
Elle entama une incantation en fermant les yeux.
— Hana Hira Labah…
— C’est qui Anna ? coupa le rapace.
Furieuse, Elvira les rouvrit en tendant l’index vers l’oiseau frondeur. Un rayon
rougeâtre s’abattit sur lui et le transforma en crapaud.
— Abruticus volatilus ! Casspié, tu n’es décidément qu’un… casse-pied ! Tu m’as
fait rater ma formule !
— Croaaaaah !
— Norton, crois-tu qu’il me reste assez d’énergie ?
— Oui Elvira, mais ne te déconcentre pas cette fois.
— Hana Hira Labah Méh Patouah…
Le faisceau de lumière changea enfin Casspié en cigogne.
— Elvira, à quoi jouez-vous ? s’indigna-t-il.
— J’ai lu la prophétie d’Oraclius. La naissance de l’héritière du royaume du
Triangle d’Or est prévue pour demain. La cigogne que tu es devenue doit se
tromper dans la livraison des bébés. Ainsi, le roi Epithète n’aura jamais de fille…
— Mais enfin, Elvira, je ne peux pas faire ça !
Edition999 présente ce manuscrit gratuitement

— Tais-toi ! Tu dois m’obéir. Je compte sur toi. Et si tu te dérobes, je m’occuperai


personnellement de toi en te coupant les ailes. Va, Casspié, et ne reviens que
quand ta mission sera accomplie...
La sorcière effleura le mur de sa main osseuse, et l’écran d’ordinateur disparut.
— Au revoir, Norton.
— Reviens vite me voir, Elvira !
Casspié n’eut pas d’autre choix que celui de s’envoler pour le Centre de
Distribution des Nourrissons.
Edition999 présente ce manuscrit gratuitement
Edition999 présente ce manuscrit gratuitement

4 : Bébé express

— Bébé Express, Barnome à votre service, j'écoute ! Non, Madame, on ne peut pas
programmer votre livraison plus tôt... Moi non plus, ça ne m'arrange pas, je devais
être en vacances la semaine prochaine... Non, aujourd'hui ce n'est pas possible,
c'est l'Épiphanie, et on est débordés... C'est ça, au revoir Madame...
Le standardiste-cigogne ôta ses écouteurs, exténué, et avisa un instant son étrange
visiteur.
— Ah, c'est vous le stagiaire ! Pôle Emploi m'avait prévenu de votre arrivée. Allons,
ne restez pas planté dans le hall d'entrée comme un garde suisse, approchez !
Il tendit la patte à son interlocuteur.
— Je me présente, Barnome, répartiteur des tournées Bébé Express. Le vrai nom de
l'entreprise est Centre de Distribution des Nourrissons, mais plus personne ne nous
appelle comme ça ! Toi, c'est Cass-role, c'est ça ?
— Euh, non, Casspié...
— Peu importe. Tu connais le boulot de livreur ?
— Euh, non.
— Tu verras, Casse-noix, ce n'est pas compliqué. On va te remettre un listing et un
sac de nouveau-nés à livrer. Normalement, tu aurais dû faire ta tournée avec
Bernard, mais il est malade. Et le jour de l'Épiphanie, ça tombe mal !
— Ah bon, pourquoi ?
— C'est le jour où on a le plus de travail ! Les mères de famille choisissent toutes
cette date pour mettre au monde leur gosse. Va savoir pourquoi... Tiens, voilà ton
listing et ton lot de bébés. Et respecte bien ce qui est écrit. En mille ans
d'existence, aucune cigogne ne s'est jamais trompée. Il en va de la réputation de
notre entreprise ! Allez, bonne chance Cass-osse…
— Moi, c'est Casspié...
Mais déjà, Barnome était retourné à son standard et n'écoutait plus la jeune
cigogne paumée qu'était devenu l'envoyé d'Elvira. Un baluchon braillard posé à
même le sol lui écorchait les oreilles. Sous son aile, le fameux listing, sa feuille de
route. En tête de cette liste qu'il scrutait de ses yeux chaussés de binocles, la
princesse de Melody suivie du fils d'une famille paysanne. Casspié eut alors l'idée
d'inverser les deux bébés. Au cours de sa tournée, il déposa donc le garçon dans le
couffin royal et la petite fille dans un lit improvisé, constitué de paille et de foin.
Le tour était joué. Personne ne s'apercevrait de l'erreur et Elvira pourrait alors
régner sur le royaume magique du Triangle d'Or.
Edition999 présente ce manuscrit gratuitement

5 : Le petit garçon était une fille

Émilien était aux champs. Le bébé venait de naître, mais il ne le savait pas.
Des pleurs de nourrisson envahissaient la chaumière. Émilienne était trop fatiguée
pour se lever. La fièvre n’était pas tombée. Esthérine, l’aînée de la maisonnée,
s’approcha du lit de paille et de foin. L’enfant était enveloppé dans un lange. Il
avait besoin qu’on lui change sa couche. Sa grande sœur le prit dans ses bras,
l’allongea sur la table, lui ôta ce qui lui servait de culotte et s’aperçut que son
petit frère était en réalité une fille. Passée sa stupéfaction, Esthérine rhabilla sa
petite sœur, la confia à Évelyne, sa cadette, et courut rejoindre son père.
— Papa ! Papa ! Ça y est, le bébé est arrivé !
Émilien interrompit son labeur.
— Et alors ? C’est un beau garçon ?
— Non, papa, c’est une fille…
— Une fille ? Pourtant, la prédiction d’Oraclius annonçait…
— La naissance d’un petit gars et le décès de maman, je sais. Peut-être s’est-il
trompé pour les deux !
— Comment est-ce possible ?
Émilien s’assit sur sa charrette et se tut. Le regard dans le vague, il était déçu.
— Papa, comment va-t-on l’appeler ?
— Choisis son prénom, ça m’est égal. Je voulais un fils…
— Et si on l’appelait Épiphanie ? C’est joli comme prénom, Épiphanie ! Tu ne
trouves pas ?
Elle retourna vers la chaumière. Le nourrisson était profondément endormi dans
son couffin de fortune. La jeune fille de ferme remarqua alors une petite marque
noire sur son avant-bras droit. Elle trempa un linge dans de l’eau savonneuse et
frotta délicatement la trace, mais elle ne s’atténuait pas, bien au contraire.
Esthérine frotta plus énergiquement, réveillant ainsi la plus petite de ses sœurs,
qui reprit instantanément ses vocalises.
— Excuse-moi, bébé ! Pardon Épiphanie, je ne voulais pas te faire mal…
La marque de naissance prenait peu à peu la forme d’un triangle. Pendant ce
temps, la vie quittait le corps d’Émilienne.
Edition999 présente ce manuscrit gratuitement
Edition999 présente ce manuscrit gratuitement

6 : La petite princesse était un prince

Au même moment, dans l'enceinte du palais royal, Épithète, le souverain,


patientait dans la Salle du Trône. L'enfant tant attendu et espéré était enfin né.
Mais il ne l'avait pas encore vu.
— Votre Majesté ! Votre Majesté ! accourut Agrippine, une servante du château. Le
prince est né, il est en parfaite santé et sa maman aussi !
— Qu'est-ce que vous dîtes ? s'étonna le roi. Un prince ? Quel prince ?
— Votre fils, pardi ! C'est un bon gros petit gars qui sourit tout le temps...
— Oraclius, le scélérat ! Il m'a menti...
— Alors, Votre Majesté, comment allons-nous appeler le prince héritier ?
— Donnez-lui donc le prénom de son grand-père, Abscisse. Vous pouvez vous retirer,
Agrippine.
La servante fit la révérence et quitta la pièce pour rejoindre la nursery.
— Gaspard ! Gaspard ! Gaspard ! hurla Épithète.
Le valet personnel du roi se précipita auprès de son maître.
— Votre Majesté, vous désiriez me voir ?
— Oui, Gaspard. Contactez Oraclius au plus vite !
— Je crains que cela ne soit pas possible, Votre Majesté.
— Pourquoi ? Vous avez perdu son adresse mail ? Vous avez égaré son numéro de
portable ?
— Non, Votre Majesté, bien sûr que non ! Vous connaissez mon côté minutieux, vous
savez, celui qui vous agace tellement...
— Abrégez, mon ami, abrégez ! En quoi cela vous paraît si difficile de joindre ce
pseudo-prophète ?
— Eh bien, vous n'êtes pas sans savoir que Norton, le complice de la machiavélique
Elvira, brouille toutes les télécommunications depuis hier matin !
— Je n'ai pas été mis au courant, non. Et c'est inadmissible !
— Que Votre Majesté m'en excuse, vous n'étiez pas d'humeur très causante...
— Ah, la barbe ! Vous n'êtes en rien excusable. Et ce mécréant d'Oraclius l'est
encore moins ! Pour la peine, vous allez parcourir le royaume à sa recherche, et
vous me le ramènerez...
— À pied, Votre Majesté ?
— Évidemment, à pied, Gaspard. Auriez-vous donc oublié votre phobie des
chevaux ?
— Non, mais…
Edition999 présente ce manuscrit gratuitement

— Très bien, ça vous fera les pieds... Qu'est-ce que vous faites encore planté là ?
Vous devriez déjà être à Melody Plaine !
— Je suis parti, Votre Majesté. J'y cours, j'y vole…

***

En toute fin d'après-midi, Gaspard et Oraclius franchirent ensemble la


Grande Porte du Ciel. Epithète arpentait la Galerie des Glaces, contrarié.
— Majesté, je suis venu dès que votre valet m'a prévenu de la naissance du
prince...
— Un prince, oui ! s'énerva le roi. Et vous vous dîtes prophète ? Oraclius, vos
prédictions n'étaient qu'un tissu d'élucubrations !
— Je vous jure, Majesté, que les astres étaient formels. Puis-je voir l'enfant royal ?
— Mais certainement. Suivez-moi !
Le prophète suivit son roi jusqu'à la nursery. Dans le couffin brodé de bleu et d'or,
un charmant poupon joufflu en grenouillère Bambi faisait des bulles et riait aux
éclats en s'amusant avec son mobile Winnie l'ourson. Oraclius l'arracha de son lit
douillet et le porta comme un sac de patates jusqu'à la table à langer. Le nouveau-
né chouina tout ce qu'il pouvait pour manifester son désaccord.
— Faites attention, bon sang ! C'est un bébé, pas un paquet de linge sale ! s'indigna
le roi.
Mais Oraclius ne l'écoutait pas et examina l'avant-bras droit du petit prince.
— Il n'a pas de marque de naissance. La lignée est rompue. Il n'aura aucun pouvoir
magique.
— Qu'est-ce que vous dîtes ?
— Ce garçonnet est tout à fait ordinaire. Il ne porte pas le signe du Triangle d'Or. Il
n'est animé d'aucune énergie cosmique !
— Diantre ! Que pouvons-nous faire ? Et si nous engagions les meilleurs précepteurs
de magie du monde ? Croyez-vous que cela lui serait profitable ?
— Il vous reste douze ans pour en faire le plus puissant magicien de l'univers. Après,
la guerre éclatera, soyez-en persuadé, et votre seul pouvoir sera inefficace contre
celui d'Elvira et de Norton. Il n'y a pas une minute à perdre...
Edition999 présente ce manuscrit gratuitement

7 : « Je ne peux rien contre la prophétie… »

Au sommet du donjon du Manoir Allycante, la sorcière était en grande


conversation avec Norton.
— Pourquoi devoir patienter si longtemps ? Pourquoi ?
— Elvira, je ne peux rien contre la prophétie d'Oraclius. Notre énergie cosmique est
impuissante contre les astres. La prédiction annonce douze ans de bonheur pour le
royaume...
— Je le savais, Norton, je savais qu'un beau jour tu serais dépassé. J'aurais dû te
remplacer par Kapersky...
— Ne m'oblige pas à user de représailles contre toi, Elvira ! Sans moi, tu n'es rien...
— Alors que proposes-tu pour que je retrouve enfin ma place de souveraine ?
— Affaiblir le roi, son pouvoir magique. Mais lentement. Je vais créer un virus qui
va le tuer à petit feu. Et dans douze ans, tu pourras prendre sa place sans aucun
problème...
— Je refuse d'attendre encore tout ce temps, de moisir dans ce château pourri !
— Tu n'as pas le choix, Elvira. Ta sorcellerie ne te sera d'aucun secours.
— Va au diable, Norton !
La sorcière brisa l'écran mural en balançant son talon aiguille contre le verre qui
protégeait son compagnon et l'image trembla avant de s'éteindre.
Edition999 présente ce manuscrit gratuitement
Edition999 présente ce manuscrit gratuitement

8 : Les rebelles

Les années passèrent. Émilien ignorait totalement sa dernière fille,


Épiphanie. Sa blondeur étincelante, la clarté de ses yeux, sa peau laiteuse ne lui
rappelaient en rien sa femme. Elle était pour lui une étrangère. Heureusement,
Esthérine s'occupait d'elle comme une deuxième maman. Une complicité de tous
les instants les unissait.
Ce jour-là, les demoiselles lavaient leur linge à la rivière. Épiphanie portait
toujours des robes à manches longues pour cacher le triangle noir, devenu au fil du
temps doré, cette marque de naissance qu’elle trouvait si laide.
— Pourquoi ne relèves-tu pas tes manches pour faire la lessive ? demanda sa grande
sœur.
— À cause de cette tache sur mon avant-bras. J’ai beau la frotter, elle ne veut pas
partir, et je trouve ça moche. Je suis la seule à avoir ça sur ma peau, je n’ai pas
envie qu’on se moque de moi à l’école.
— Personne ne se moquera de toi, tu es très jolie…
— Non, je ne suis pas jolie, je suis différente ! Je ne ressemble à rien, ni personne,
personne…
Épiphanie pleurait. Elle ne savait pas que cette marque de naissance faisait d’elle
une princesse.

***

Au palais royal, Abscisse avait lui aussi beaucoup grandi. Il était plutôt
costaud, débrouillard, mais il était surtout le champion du monde des bêtises. Il
désobéissait sans cesse, n’écoutait pas les leçons que l’on essayait de lui inculquer.
Il n’aimait pas être un prince, et il le faisait savoir en piquant d’énormes colères.
Sa mère, la très belle et très douce reine Ophélia, ne savait plus comment s’y
prendre avec lui.
— Abscisse, qui vous a autorisé à quitter la table ?
Le garçonnet se retourna pour faire face à sa mère.
— J’en ai marre, Maman, je n’y arriverai jamais…
— Mais enfin, mon chéri, c’est pourtant simple. Ça fait la centième fois que je vous
explique comment un prince doit se tenir au cours d’un dîner officiel…
— Je m’en fous, je ne veux pas être un prince, je veux être un petit garçon comme
les autres…
— Abscisse, vous êtes l’héritier du trône, vous n’êtes pas comme les autres !
— Je ne suis pas digne d’être votre fils, Maman, je ne sais rien faire de princier ou
de royal… Même en magie, je suis nul !
Edition999 présente ce manuscrit gratuitement

— C’est parce que vous ne faites pas l’effort de vous concentrer...


Le prince bouillonna intérieurement, se saisit d’une assiette dressée sur la table et
la jeta par terre.
— Abscisse !
— Mais j’en ai plus qu’assez, Maman ! J’aimerais trop pouvoir me rouler dans la
boue, voler d’arbre en arbre, rechercher un trésor sur une île perdue, être un
aventurier, un cow-boy ou un pirate… Au moins, je ne serai pas obligé d’apprendre
des trucs qui ne servent à rien…
Laissant sa phrase en suspend, le jeune héritier s’enfuit en courant.
— Abscisse ! Revenez ici ! Abscisse !
Edition999 présente ce manuscrit gratuitement
Edition999 présente ce manuscrit gratuitement

9 : Norton est tout chiffon

De son côté, au Manoir Allycante, Elvira se mirait dans le miroir de sa


coiffeuse. Elle enrageait de se voir vieillir sans rien pouvoir faire. Elle ruminait sa
vengeance. Elle n’en pouvait plus d’attendre. Et ce fichu volatile qui n’arrêtait pas
de la saouler de paroles…
— Elvira, vous devriez vous réconcilier avec Norton. Je doute qu’il accepte de vous
aider le moment venu si vous êtes toujours fâchés.
— Casspié, j’ai changé son écran, lui ai offert la haute définition et la technologie
3D. Tout cela m’a d’ailleurs coûté une fortune. Que lui faut-il de plus ?
— Que vous vous excusiez, par exemple. Parce que tout à fait entre nous, vous ne
l’aviez pas raté avec votre talon aiguille. La haute définition ne lui est d’aucune
utilité, son image est toute chiffonnée, toute fripée. On dirait une vieille pomme
desséchée !
— Et qu’est-ce que ça peut te faire, stupide piaf ? Tu as toujours détesté Norton…
— Je suis comme lui, Elvira, je rêve de retrouver mon apparence d’avant.
— Ton costume de cigogne te va parfaitement bien, pourtant.
— Je ne suis pas né cigogne ! Je suis un faucon ! C’est ce que je suis. Et si vous
restez fâchée avec Norton, je suis condamné à vivre comme une cigogne.
— Norton n’est pas du genre à se défiler, Casspié. Il a contaminé le roi, l’a affaibli,
et dans quelques semaines, il m’aidera à conquérir ce trône que je convoite depuis
si longtemps. Et lorsque je serai enfin reine, je te rendrai ton apparence initiale :
faucon, tu redeviendras !
Edition999 présente ce manuscrit gratuitement

10 : La boîte à musique

Dans la Salle du Trône du palais royal, le roi Epithète recevait Oraclius.


— Majesté, le temps de la paix est bientôt révolu. Votre maladie gagne peu à peu
du terrain, et votre pouvoir n’est plus assez puissant pour vaincre Elvira.
— Je le sais, Oraclius. Pourtant, j’ai engagé les meilleurs précepteurs de magie du
monde pour que mon fils prenne ma succession. Et c’est un échec. Il n’a même pas
acquis les bases pour faire voler un vélo !
— J’aurais bien une solution. Lui offrir pour Noël la boîte à musique magique. Elle
est capable de transformer un être ordinaire en un magicien de talent.
— Et ça marche à tous les coups ?
— Avec les filles oui. Avec les garçons, ça n’a jamais été expérimenté.
— On peut toujours essayer…

***

Le matin de Noël, dans le Grand Salon, au pied d’un sapin vertigineux,


Abscisse déballait ses cadeaux. Lorsqu’il découvrit une petite boîte toute rose,
flanquée d’une clé argentée, il fit une drôle de tête.
— Qu’est-ce que c’est que ça ? Ce n’est pas ce que j’ai commandé au père Noël !
— Ouvre, lui répondit la reine Ophélia, c’est une surprise…
Le jeune prince ouvrit la boîte et apparut un couple d’amoureux qui dansait au son
d’une valse viennoise.
— Il a dû se tromper, le père Noël, je ne suis pas une fille !
— C’est ton héritage, lui souffla sa maman. Quand les cours de magie ne
fonctionnent pas, on donne cette boîte à musique à l’héritier du trône et il devient
le plus grand magicien du monde.
— C’est vrai ? demanda Abscisse, émerveillé.
— Oui, c’est vrai.
— Mais elle est rose ! C’est pour les filles !
— Va la tester dehors au lieu de bougonner…
Le prince se mit à chevaucher son cheval blanc et parcourut la forêt pour s’isoler
avec la boîte à musique. Il ne voulait pas que ses copains le voient et se moquent
de lui. Il remonta le mécanisme à l’aide de la clé argentée, ouvrit le fermoir qui
libéra le couple de danseurs et la musique. Mais il ne se passa rien d’autre.
— Pff ! pesta Abscisse.C’est trop naze, ça ne marche même pas ! Je suis sûr que ce
n’est qu’un gadget de pacotille !
Edition999 présente ce manuscrit gratuitement

De rage, le garnement balança la boîte à musique dans les fourrés, et rentra à


cheval au palais royal, déçu.

***

L’après-midi du même jour, Épiphanie se promenait dans la forêt à la


recherche de baies parfumées pour préparer un gâteau à sa sœur Esthérine, qui
fêtait alors ses vingt-cinq ans. En s’égarant dans les buissons, elle shoota dans une
petite boîte rose. La boîte s’ouvrit, et le couple d’amoureux se mit à danser au son
d’une valse viennoise. La fillette la ramassa et la prit au creux de sa main.
Soudain, la marque de naissance qu’elle portait sur son avant-bras droit se mit à
projeter des rayons de lumière rosée et fit fondre le tissu de sa manche. Effrayée,
Épiphanie jeta la boîte et s’enfuit à toutes jambes vers sa maison. Des larmes plein
les yeux, elle raconta son étrange aventure à sa sœur aînée. Celle-ci la consola en
la câlinant, comme l’aurait fait une maman.
Le soir venu, en allant se coucher, Épiphanie fut stupéfaite de retrouver la
mystérieuse boîte à musique sur sa table de nuit. Elle scintillait dans le noir. Ce
que la petite fille ne savait pas, c’est que cette boîte allait devenir sa plus grande
force.
Edition999 présente ce manuscrit gratuitement
Edition999 présente ce manuscrit gratuitement

11 :Le bal princier

— Majesté, le douzième anniversaire de votre fils approche, et vous allez de plus


en plus mal, constata Oraclius.
Le roi Epithète respirait avec difficulté, et les quintes de toux ne le quittaient plus.
— Qu’est-ce que vous proposez, Oraclius ?
— L’ultime solution : organiser un bal princier en y conviant toutes les princesses-
fées du monde. Seul un baiser de l’une d’elles pourra donner au jeune prince
suffisamment d’énergie cosmique pour combattre Elvira.
— Combattre ! Pourquoi toujours combattre ?
— Majesté, Norton nous a envoyé un mail aujourd’hui même. Elvira vous provoque
en duel le jour de l’Épiphanie. L’échéance est proche. Si elle gagne, elle
redeviendra la Grande Prêtresse du Triangle Noir, fera régner la tristesse, le
malheur sur l’ensemble du royaume et sur la totalité de vos sujets ! Il faut l’en
empêcher.
— Organisez ce bal avec Gaspard, mon fidèle valet. Je suis trop fatigué pour m’en
occuper. Maintenant, laissez-moi. J’aimerais me reposer, je n’en peux plus.
Une quinte de toux interrompit le souverain affaibli et Oraclius comprit qu’il ne lui
restait plus guère de temps à vivre. Le virus créé par Norton faisait son effet. Le
prophète sortit de la Suite Royale et rejoignit Gaspard pour que le bal princier
puisse avoir lieu.

***

À l’autre bout du royaume, au fin fond de son manoir, la maléfique sorcière


enrageait. Elle grimpa quatre à quatre les marches qui menaient au sommet du
donjon, suivie par son dévoué Casspié.
— Norton ! Norton ! Il faut empêcher ce bal, tu m’entends ?
L’écran pivota et Norton apparut, la mine défraîchie.
— Oh, ça va, Elvira ! Je ne suis pas sourd !
— Cet infâme Oraclius va réussir son coup, et je n’accéderai jamais au trône du
Royaume du Triangle d’Or !
— Et quand aura lieu ce bal ?
— La veille de l’Épiphanie. Douze ans ! Ça fait douze ans que j’attends, Norton !
— Calme-toi, Elvira. Les princesses-fées ne recevront jamais leur invitation. À
minuit, le prince héritier n’aura embrassé aucune d’entre elles. Et une fois
débarrassés de ce maudit roi, plus personne ne pourra contrer ton pouvoir…
— Dîtes-moi Norton, intervint Casspié, puisque vous semblez être dans un bon jour,
vous ne voudriez pas me rendre mon apparence de faucon ?
Edition999 présente ce manuscrit gratuitement

— Ne perturbe pas mon ami avec des futilités, se fâcha Elvira !


Dans un rai de lumière rouge orangé, elle transforma Casspié en statue de pierre.
— Elvira, contrôle tes pulsions ! s’écria Norton. Il ne méritait pas un pareil sort !

***

— Tu as vu ça ? remarqua Esthérine en avisant une affichette. Ce soir aura lieu un


grand bal au palais royal.
— Oui, et j’aimerais bien y aller moi ! fit sa petite sœur.
— Voyons, Épiphanie seules les princesses y sont conviées.
— Ce n’est pas juste ! Pourquoi je ne suis pas une princesse, moi ?

***

Le buffet était dressé, l’orchestre était présent et jouait les plus grandes
danses de salon, mais les invitées étaient absentes et le prince était seul au beau
milieu de la Galerie des Glaces.
— Oraclius, demanda Gaspard, que se passera-t-il si aucune princesse ne vient ?
— Si aucune princesse-fée n’embrasse le prince avant minuit, tout sera fichu, Elvira
aura gagné.
Edition999 présente ce manuscrit gratuitement

12 : La magie de la boîte à musique

Épiphanie s’ennuyait dans son lit. Elle n’arrivait pas à s’endormir. Elle aurait
tellement aimé aller au bal princier. Elle se saisit de la boîte à musique qui reposait
sur sa table de nuit, la remonta à l’aide de la clé argentée et l’ouvrit. Le couple de
danseurs se mit à tourner au son de la valse viennoise et un éclair lumineux
propulsa la fillette au palais royal. Elle se retrouva au beau milieu de la Galerie des
Glaces, vêtue d’une très belle robe pailletée de rose et d’or. Le prince fut
subjugué par cette apparition. Il invita Épiphanie à danser. Le couple qui se forma
au milieu de la pièce ressemblait beaucoup à celui qui dansait dans la boîte à
musique. Le triangle d’or dessiné sur l’avant-bras de la jeune fille se mit à
étinceler de mille feux. Ébloui par la beauté d’Épiphanie autant que fasciné par
cette brillance aussi irréelle que magique, Abscisse lui fit un baiser d’amoureux
intense. La force de l’amour qui les unissait fit naître une puissante lumière
ambrée qui jaillit du couple. Sur l’avant-bras droit du prince se forma un triangle
scintillant. La lumière ambrée devint un rayon bleuté qui s’achemina jusqu’au
Manoir Allycante. L’énergie cosmique qui se dégageait de lui enferma Elvira dans
une petite boîte noire, fit éclater l’écran de Norton et brisa la statue de pierre qui
emprisonnait Casspié. Redevenu faucon, celui-ci s’envola en emportant la petite
boîte noire qu’il jeta au fin fond d’une rivière.
Abscisse était inquiet pour son père. Il craignait de le voir mourir. Mais grâce
à sa toute-puissance conjuguée à celle d’Épiphanie, le roi Epithète fut soigné du
virus créé par Norton et put assister au mariage princier. La cérémonie fut célébrée
quelque temps plus tard, et les représentants des plus grands royaumes du monde
assistèrent à l’immense fête donnée en l’honneur d’Épiphanie et d’Abscisse. Un
bonheur sans nuage régna sur le royaume pendant plus de deux mille ans.

FIN
Edition999 présente ce manuscrit gratuitement
Edition999 présente ce manuscrit gratuitement

Remerciements

À Vic, ma grande fille, c’est toi que je voulais avant tout remercier.
C’est en jouant ensemble à la «Barbie-Ken-Alladin-Raiponce-Flynn Rider»
que nous avons fait naître Elvira et Norton.
C’est en vivant au quotidien avec toi que j’ai pu m’imprégner
de ton univers pour créer cette histoire.
C’est pour toi que je l’ai écrite.
Et c’est grâce à toi que d’autres enfants
vont avoir l’opportunité de la découvrir.

Merci également à toi, Vincent, mon fils, d’être là, source de mon immense
bonheur d’être père. C’est à notre tour de jouer ensemble à la poupée, aux
princesses-fées et aux méchantes sorcières maléfiques.

Et merci à Laëti, mon épouse, la mère de nos deux enfants.

Je vous aime tous les trois, de tout mon cœur.

Merci à Émilie d’avoir si bien donné vie à mes personnages en illustrant mon récit.

Merci à toi, Frédéric, et à toute ton équipe,


d’avoir donné vie à mon projet, même s’il n’a pu survivre aux contraintes
économiques.

Merci à Jean-Michel et à toute l’équipe d’Edition999 de permettre à ce conte de


renaître de ses cendres afin qu’il puisse aller à la rencontre de son jeune public.

Et merci à vous, parents ou petits lecteurs, de me suivre dans mon histoire.


En espérant avoir peuplé un peu vos rêves d’enfants.

RN
Edition999 présente ce manuscrit gratuitement

Bonus : Les esquisses prépartoires de Mÿmÿ

Épiphanie :
Edition999 présente ce manuscrit gratuitement
Edition999 présente ce manuscrit gratuitement

Elvira :
Edition999 présente ce manuscrit gratuitement

La boîte à musique :
Edition999 présente ce manuscrit gratuitement

Vous aimerez peut-être aussi