Vous êtes sur la page 1sur 200

Université Catholique de Louvain

PUBLICATIONS DE L'INSTITUT D'ÉTUDES MÉDIÉVALES

GEORGE CHASTELAIN
LE MIROIR DE MORT

Edition critique
par

Tania VAN HEMELRYCK

LOUVAIN-LA-NEUVE
1995
CP
—…
| Gétege CHASTÉLAIN
ST —

| LE MIROIR DE Mer

Tanis VAN HEMBEE ER ;

‘as

nn

CE

C2 2
:
Université Catholique de Louvain
PUBLICATIONS DE L'INSTITUT D'ÉTUDES MÉDIÉVALES
— Textes, Études, Congrès, vol. 17 —

George CHASTELAIN

LE MIROIR DE MORT

Edition critique
par

Tania VAN HEMELRYCK

LOUVAIN-LA-NEUVE
1995
Conformément à la règle établie par l'Institut d'Études Médiévales, le manuscrit du
présent volume a été soumis à un comité de lecture composé de Mme C. Storms, de
M. CI. Thiry, professeurs à l'Université Catholique de Louvain, et de Mlle M.
Tyssens, professeur ordinaire à l'Université de Liège.

Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation reservés pour tous pays.


Copyright ©1995 Institut d'Etudes Médiévales de l'Université Catholique de Louvain

Collège Erasme, Place Blaise Pascal, 1


B 1348 LOUVAIN-LA-NEUVE
Dépôt légal : 1995/1739/1
« (...) en matière de critique de textes, il ne faut
pas se faire un point d'honneur d'avoir réponse à
tout [,] (...) le grand secret est, au contraire, de
savoir déterminer où s'arrête notre pouvoir de
connaître.
Dire ces choses, ce n'est pas, il s'en faut, préconi-
ser une méthode paresseuse.»

Joseph Bédier

«La mort dont nous ne savons rien posera sa main


sur notre épaule dans le secret d'une chambre ou
elle nous giflera dans la lumière du monde —c'est
selon. Le mieux que nous puissions faire en at-
tendant ce jour est de lui rendre sa tâche légère :
qu'elle n'ait presque rien à prendre parce que nous
aurions déjà tout donné. Qu'elle n'ait à tenir entre
ses doigts que quelques fleurs d'amandier.»

Christian Bobin, L'Inespérée


..
.
7
L

(I
L8s

n|
RS
"

LR
pas
5

PR
dd
2LR
«
Le

DM
AVANT-PROPOS

Avant toute chose, je voudrais remercier toutes les personnes


qui m'ont suivie lors de l'élaboration de ce travail dans le cadre de mon mé-
moire en Philologie romane, puis qui m'ont guidée lors de la révision du ma-
nuscrit en vue de la publication. Il était impérieux de le faire «avant» afin que
toutes perçoivent dans cette préséance l'expression de ma profonde et sincère
reconnaissance.

Tout d'abord, je voudrais remercier Monsieur Claude Thiry,


professeur aux Universités de Louvain et de Liège. C'est sous sa direction qu'il
me fut permis de faire mes premières armes dans l'école du médiévisme. Il m'y
a enseigné la rigueur, l'esprit critique et surtout ce profond sentiment d'humilité
que doit cultiver tout chercheur. Ce travail est le fruit de l'enseignement riche
et rigoureux qu'il a toujours su dispenser sans aucun impérialisme intellectuel,
mais avec cette superbe modestie qui accompagne le vrai savoir.

J'adresse également mes plus vifs remerciements aux différents


lecteurs de ce travail en tant que mémoire puis en tant que publication. Tous
ont contribué par leurs remarques et leurs conseils à l'amélioration de ce
travail. Ainsi, je remercie Mademoiselle Madeleine Tyssens, professeur à
l'Université de Liège, ainsi que Madame Colette Storms et Monsieur Michel
Francard, professeurs à l'Université Catholique de Louvain.

Ensuite, je désirerais exprimer ma reconnaissance aux biblio-


thécaires de la Bibliothèque Générale et de Sciences Humaines de l'Université
Catholique de Louvain, et tout spécialement à Mademoiselle Christine Moulin,
Madame Véronique Six-Hendrickx et à Monsieur Benoît Muraille. Tous les
trois, je les remercie pour leur disponibilité incomparable, leur patience, leurs
conseils, leur humour : bref, pour leur «bibliophile complicité».
1
suis die ee -
D EE —
sen vb visités of db aol sébieg inoen fuit plug ait
sup Alta vjnrem mie si 2 avivqgni fut 1 notealtdug ef db genes
an mode dom m9 se mp È
Lou : RTE
ne nan DA M LEE DE
Le
ET ui éapahvbiber fs aol couren dÙ rire tt200 :
pr pe ne
ar meme ci bi hpisens h
adoit Insmangiäène sb ri oùdo lines
t 29“tone Ras. wii
rsHot ep
: rene oee-eces-Sehermaerniene mentmare-eirion %
:/ thovsz iervsfsngaqmaon dupe sboctt straque aise arr fée

as aus Erampineun Àiy auiq run msnslag) senbat * sut


AOL: MON sepIna)ne4e) ounnèar oùp:dei0 tva 902 trois
INTRODUCTION

CHAPITRE I : l'auteur

Lorsqu'en 1923 Pierre Champion rédige l'avant-propos de son


Histoire poétique du quinzième siècle, il note qu'il a «(..) voulu faire un
spicilège des biographies de ceux que je considérais comme les plus représen-
tatifs de ce temps»!. Peu de personnes s'étonneront que le nom de George
Chastelain ne figure pas dans cette Histoire poétique du quinzième siècle. En
effet, George Chastelain, poète? et indiciaire bourguignon, n'est pas connu du
grand public. De façon générale, les anthologies? et les présentations de la
littérature médiévale ne sont guère prolifiques sur la période du XVe siècle
littéraire, si ce n'est pour des figures magistrales, comme celle de Villon; de
plus elles ne citent pas, ou peu, George Chastelain comme poète ou chroni-
queur.

Ip. CHAMPION , Histoire poétique du quinzième siècle, t. I, Paris, Champion, 1923


Piège du XVe siècle, XXVID, VII.
Certes, nous reconnaissons que l'oeuvre poétique de Chastelain n'égale pas l'ampleur de sa
Chronique. Néanmoins, cette oeuvre poétique mérite plus d'attention que celle qu'elle a reçue
jusqu'à présent. Certains critiques ont déjà comblé cette lacune [Voir note 5].
Deux présentations de la littérature médiévale et une anthologie ont attiré notre attention. La
première présentation de la littérature médiévale : A. BERTHELOT, Histoire de la littéra-
ture française du Moyen Âge, Paris, Nathan, 1989 (Nathan Université/Série «études linguisti-
ques et littéraires»). Nous y comptons 29 pp. (pour un total de 317 pp.) sur le XVe s., 6 pp.
sur «la grande rhétorique», 8 11. sur Chastelain poète [p. 265] et 1 1. pour sa Chronique [citée
p. 281]. La deuxième présentation de la littérature médiévale : M. ZINK, Le Moyen Âge.
Littérature française, Nancy, Presses Universitaires de Nancy, 1990 (Phares). Nous y rele-
vons 32 pp. (sur un total de 167 pp.) sur le XVe s., 2 pp. sur «les grands rhétoriqueurs» où
Chastelain est cité une fois [p. 134] et il obtient 8 11. en tant que chroniqueur [p. 139]. L'ou-
vrage de Zink paru aux Presses Universitaires de France n'est pas plus fécond en la matière.
En effet, Chastelain est cité quatre fois [p. 293, p. 298, p. 308, p. 349] et reçoit un petit déve-
loppement de 15 11. à la page parlant des chroniqueurs [p.309], cf. M. ZINK, Littérature fran-
çaise du Moyen Âge, Paris, P.U.F., 1992 (ler cycle). L'anthologie : A. LAGARDE et L. MI-
CHARD, La littérature française. 1. Du Moyen Âge à l'âge baroque, Paris, Bordas-Nathan,
1921 (Bibliothèque des connaissances essentielles). Nous dénombrons 301 pp. sur le Moyen
Âge (sur 637 pp.). L'ouvrage aborde la littérature médiévale par genre littéraire : Chastelain
remporte 7 Il. en «poésie» [p. 170] et au chapitre historique il obtient même une mini-biogra-
phie [p. 279]. Notons que celle-ci comporte une erreur grossière. En effet, ce n'est pas Charles
le Téméraire qui fit de Chastelain son chroniqueur officiel [cf. p. 279], mais bien son père
Philippe le Bon en l'an 1455.
Nonobstant, l'érudit médiéviste connaît, généralement, le nom
de George Chastelain, mais essentiellement comme chroniqueur. En effet,
plusieurs monographies{ ont été rédigées sur Chastelain. Cependant peu de ces
études s'étendent sur sa poésie, préférant sa prose historique. Sa poésie est
généralement jugée très pauvre par rapport à sa Chronique. Ainsi, son poème
didactico-moral, Le Miroir de Mort, est souvent qualifié comme possédant
«peu de valeur poétique».

Notre propos n'est pas de réhabiliter la figure de George


Chastelain comme poète ou encore de favoriser l'étude de sa poésie, mais de
présenter ce grand auteur trop peu connu du XVe siècle et de sensibiliser le
lecteur à une poétique très dense où la gratuité verbale n'a pas de place. En
effet, une réhabilitationé de la poésie du «Grand George» ne pourrait s'envisa-
ger que sur la base de l'étude de toute sa production poétique, mais nous ne
pouvons pas prétendre à une telle entreprise à la seule lumière du Miroir de
Mort.
Nommer ce premier chapitre «Biographie de George Chaste-
lain» eût été téméraire. Non pas que les renseignements biographiques sur
Chastelain fassent défaut, au contraire ceux-ci sont très nombreux par rapport
aux quelques conjectures biographiques que nous offre un poète comme Villon,
mais les monographies et articles sur la vie et les oeuvres de Chastelain font à
ce point autorité qu'une nouvelle biographie aurait fait figure de redite. De
plus, les recherches en cours de M. Graeme Small, non encore publiées,
ébranlent quelque peu la biographie de Chastelain/. Dès lors, le présent chapi-
tre se contentera-t-il d'épingler les dates et faits significatifs de la vie de George
Chastelain. Son contenu paraîtra sans doute obsolète après la parution des
travaux de Graeme Small$.

4Comme par exemple : J.-CI. DELCLOS, Le témoignage de Georges Chastellain, historio-


graphe de Philippe le Bon et de Charles le Téméraire, Genève, Droz, 1980 (Publications ro-
manes et françaises, CLV) / L. HOMMEL, Chastellain 1415-1474, Bruxelles, La Renaissance
du Livre, 1945 (Notre Passé. Série 3, 2) / K. URWIN, Georges Chastelain : la vie, les oeu-
vres, Paris, Impr. Pierre André, 1937, etc.
SK. URWIN, op. cit. p. 55.
6De nombreux travaux ont déjà été effectués sur divers aspects de la production poétique de
Chastelain, et plusieurs démontrent explicitement la densité des oeuvres étudiées : cf. MR.
JUNG, «Les "Douze Dames de Rhétorique" [Jean Robertet, George Chastelain]», dans Du
Mot au Texte. Actes du Ille Colloque international sur le moyen français, Düsseldorf. 17-19
sept. 1980, publiés par Peter Wunderli, Tübingen, Narr, 1982 (Tübingen Beiträge zur Lin-
guistik, 175), pp. 229-240 - G. CHASTELAIN, Le Temple de Bocace. Edition commentée par
Susanna Bliggenstorfer, Berne, Francke, 1988 (Romanica Helvetica, 104) - G. GROS,
«"Querant l'un oeil envers les cieulx entendre ..". Etude sur la «Louenge» mariale de Chaste-
lain», dans Le Moyen Age, XCVIII, 1992, pp. 429-445, etc.
Un aperçu en a été fourni lors d'une conférence donnée le 29 mars 1993 aux Facultés Uni-
yersitaires Saint-Louis à Bruxelles.
BLes ouvrages précédemment cités de K. URWIN et de L. HOMMEL sont la base essentielle
de ce chapitre.

10
«Biographie»

George Chastelain? est né en 141510 dans le comté d'Alost. Il


se dit «escolier» à Louvain en 143011, Dans les années 1433-1434, il entre au
service de Philippe le Bon comme écuyer. En 1435, il est en France. Il reste à
la cour de Charles VII jusqu'en 1446. Pendant ces onze années passées à la
cour de France il s'adonne aux plaisirs mondains. Durant cette période il aurait
considérablement voyagé, ce qui lui valut, comme l'affirme de Reiffenberg!2, le
surnom d'«Aventurier». Luc Hommel croit que ce sont les batailles qu'il livra
aux côtés de Pierre de Brezé qui lui auraient valu le surnom d'«Aventurier» 13,
En 1446 il revient à la cour du duc de Bourgogne pour ne plus la quitter. Il est
successivement écuyer panetier, diplomate (il remplit plusieurs missions en
France), écuyer tranchant, et est enfin nommé chroniqueur officiel du duc de
Bourgogne en 1455. A partir de cette date sa consécration est assurée : il reçoit
un gîte à l'hôtel ducal de la Salle-le-Comte à Valenciennes!4. Là, il rédige la
Chronique, oeuvre qui lui a valu sa postéritél5, Le 13 février 147416 (1475 n.
st.) Chastelain meurt à Valenciennes, suivant le receveur de la ville!7.

IComme le signale V. L. SAULNIER, «il serait bon d'écrire ce nom : «George Chastelain»,
comme l'homme signait. (Voir un acte de 1470 cité par K. Urwin, (...), p. 169).» dans «Sur
George Chastelain poète et les rondeaux qu'on lui attribua», dans Mélanges de langue et de
littérature du Moyen Âge et de la Renaissance offerts à Jean Frappier, t. I, Genève, Droz,
1970 (Publications romanes et françaises, CXID), p. 987, n. I.
Certains allèguent 1405 en vertu de son épitaphe où on lit : «Et au comble de LXX ans dé-
céda de ce siècle, le XX mars MCCCC LXXII» [citée par S. LE BOUCQ, Histoire ecclé-
siastique de la ville et du comté de Valentienne [sic]. Ed. par A. Dinaux, Valenciennes, A.
Prignet, 1844, p. 47.]. Mais cette date véhicule certains non-sens. En effet, Chastelain serait
trop âgé lors de faits où il se déclara «jeusne enfant» [Voir L. HOMMEL, op. cit., p. 25 et K.
URWIN, op. cit., p. 7]. Son âge, lors du décès, doit être une faute de copiste qui a peut-être lu
LXX pour LX.
Luc Hommel affirme que «son nom [Chastelain] ne figure pas sur les matricules de l'Alma
Mater» [p. 27]. Dans un compte rendu de l'ouvrage de Luc Hommel [dans Revue d'histoire
ecclésiastique, t.XLI, 1946, pp. 141-142.], Omer Jodogne déclare avoir trouvé «dans la table
conservée de la première matricule : "Gregorius Casteleyn de Gandavo"» et «dans le registre
de la Faculté des Arts : "Determinavit 14 novembris 1430 Georgius Casteleyn; Bac. art. 16
martii 1432 Georgius C."'»[p. 142]. Cette découverte pourrait prouver que Chastelain fut
«escolier» à Louvain et pourrait même faire penser que Chastelain serait né en 1405, même si
17 ans était un âge normal pour un bachelier.
l2de REIFFENBERG, Chronique métrique de Chastellain et de Molinet avec des notices sur
ces auteurs et des remarques sur le texte corrigé, Bruxelles, J. M. Lacrosse, 1836, p. 1.
13Voir L. HOMMEL, op. cit., pp. 29-30.
Sur le séjour de Chastelain à Valenciennes voir G. SMALL, «Georges Chastelain à Valen-
ciennes», dans Valentiana, n° 4, décembre 1989, pp. 26-31.
Nous ne citons que cette oeuvre magistrale. Pour la chronologie des oeuvres de G. Chaste-
lain il est bon de se référer à K. URWIN, op. cit., pp. 18-22.
Notons que dans l'ouvrage de Luc Hommel, une coquille ou le mélange des dates nouveau
et ancien style fait mourir Chastelain le 13 février 1473 [p. 36]. Or, le 2 mai 1473 il est pré-
sent au douzième chapitre de la Toison d'Or tenu à Valenciennes [p. 35].
17Voir K.d.L. [éd. sc.], op. cit. t. I, XXXVII.

11
CHAPITRE II : introduction thématique

D'aucuns reconnaîtront que la thématique de la mort traverse le


poème de George Chastelain, ne fût-ce qu'à l'audition ou à la lecture du titre.
Cette thématique est un motif récurrent de toute la littérature médiévale en
langue vulgaire depuis au moins le XIIe siècle. Au départ, la littérature témoi-
gnait de deux sentiments très différents vis-à-vis de la mort : le premier était le
\ témoin d'une entière acceptation sereine de la mort. La mort n'était pas crainte,
‘elle était «apprivoisée»!, elle était la voie naturelle qui menait à Dieu et à la
vraie vie. C'est ce sentiment à l'égard de la mort que l'on retrouve dans bon
nombre de romans arthuriens. Cependant, un second sentiment très différent se
développa également, il s'agit d'un mouvement qui naquit d'une littérature édi-
fiante élaborée par le clergé. En effet, ce dernier confectionna nombre d'ouvra-
ges qui visaient à convertir les fidèles; pour ce faire, la
peur était le meilleur
sentiment à aviver pour obtenir quelque résultat. Dès lors, le clergé se mit en
quête d'épouvantails pour effrayer la foule des pauvres hères qui peuplait les
paroisses. Il finit par adopter deux figures centrales : la Mort et le Diable.
Selon nous, l'alliance de ces deux concepts fondamentaux finit par entacher la
mort d'une dimension négative qu'elle ne possédait nullement à l'origine. De ce
fait, au fur et à mesure, les sentiments à l'égard de la mort vont subir des mu-
tations radicales pour enfin aboutir à une optique entièrement négative aux
XIVe et XVe siècles. Durant ces deux siècles, le macabre se déploie dans toute
sa splendeur et sur tous les plans de l'expression : aussi bien en littérature
(comme en témoigne le Miroir de Mort) que dans les arts plastiques et
architectoniques?.
Le thème de la mort est donc inhérent à toute la littérature mé-
diévale. Néanmoins, nous ne pouvons pas prétendre en donner un aperçu com-
plet, car cette ambition périlleuse nécessiterait un trop long développement. De
plus, la critique moderne reste encore assez pauvre sur ce sujet. Certes, il existe
quelques très bons ouvrages abordant la question, ou du moins une partie de la
thématique de la mort?, mais ceux-ci restent assez limitatifs dans leur perspec-
tive.

1 Nous reprenons le terme de Philippe Ariès qui sut dégager avec brio les différents senti-
ments que l'homme développa à l'égard de la mort à travers les siècles; cf. Ph. ARIES,
L'homme devant la mort, 2 vol., Paris, Seuil, 1985 (Points. Histoire 82-83) [19771].
2A ce sujet 1l convient de consulter le superbe ouvrage d'Emile Mâle sur L'art religieux de la
fin du Moyen Âge en France : étude sur l'iconographie du Moyen Âge et sur ses sources
d'inspiration, 2e éd. rev., Paris, Colin, 1922.
Songeons au livre, se limitant aux XVe et XVIe siècles, de Christine Martin -Génieys.
Cet ouvrage est le seul, avec celui de Claude Blum, qui se soit penché sur l'épineuse question
fe-| du thème de la mort dans la littérature française. Malheureusement, ce genre d'étude est tou-
jours limitative; dès lors, nous pouvons espérer que la critique trouvera quelques pistes de

12
Ce chapitre ne veut pas pallier ce manque documentaire, mais
il désire souligner les différents motifs qui accompagnent cette thématique
générale de la mort dans le Miroir de Mort. Selon nous, le Miroir de Mort
développe trois thèmes centraux qui accompagnent naturellement la thématique
de la mort. Il s'agit tout d'abord‘ de l'ars moriendi, du contemptus mundi, et
enfin de l'Ubi sunt. Nous ne tenterons donc pas une approche globale du thème !
de la mort dans le Miroir, mais nous nous attarderons sur ces trois motifs qui
sont la parfaite illustration du sentiment éprouvé à l'égard de la mort au XVe
siècle dans la littérature édifiante de langue vulgaire. Ces trois points seront
abordés successivement; chacun fera l'objet d'un bref aperçu historique et d'un
développement de son rôle dans le Miroir de Mort.

1. L'ars moriendi

Ce serait en Allemagne du Sud, chez un Dominicainÿ de


Constance que l'ars moriendi aurait vu le jour. Selon les critiques modernes, ce
Dominicain aurait travaillé sur la dernière séquence de l'Opusculum triparti-
tum de Jean Gersonf.
L'ars moriendi connut un immense succès comme en témoi-
gnent les nombreuses éditions xylographiques et typographiques. C'est essen-
tiellement entre les années 1450 et 1530 que ce thème tardif fut l'objet d'une
diffusion massive liée au développement de l'imprimerie. Car, bien qu'il existât |
des exemplaires manuscrits (assez rares) de l'ars, comme le Dispositorium
moriendi de Nider ou encore l'ouvrage précité de Jean Gerson, ceux-ci étaient
des opuscules servant aux prêtres et aux prédicateurs. Le succès de l'ars

recherche dans cette riche thématique qu'il faudrait encore exploiter. Voir Chr. MARTI-
NEAU-GÉNIEYS, Le thème de la mort dans la poésie française de 1450 à 1550, Paris,
Champion, 1978 (Nouvelle bibliothèque du Moyen Âge, 6) et CI. BLUM, La représentation de
la mort dans la littérature française de la Renaissance, 2 vol., Paris, Champion, 1989
(Bibliothèque littéraire de la Renaissance. 2e série 23). Signalons la récente parution d'un re-
cueil d'articles sur la mort : D. ALEXANDRE-BIDON et C. TREFFORT {s. dir.], À réveiller
les morts. La mort au quotidien dans l'Occident médiéval, Lyon, Presses Universitaires de
Lyon, 1993.
Nous énumérons les différents motifs suivant leur importance et non suivant leur ordre d'ap-
pusen tout au long du poème.
L'importance des Dominicains et des Franciscains fut considérable dans le prêche sur les fins
dernières, comme en témoignent les influences indéniables qu'ils eurent sur l'élaboration de la
Danse Macabre et de l'ars moriendi.
Alors qu'Emile Mâle focalisait toute son attention sur l'origine française de l'ars (imputable à
l'influence de Gerson), aujourd'hui celle-ci n'est plus d'actualité. Notons que, selon lui, les
gravures devaient aussi être françaises : «Toutefois, comme le texte laisse deviner une in-
fluence de la France, il sera peut-être sage de se demander si les gravures ne seraient pas
françaises», op. cit., p. 381.

13
|incombe,
l
|
en majeure partie, aux différentes gravures qui présentaient en onze
scènes l'agonie de l'homme : cinq tentations diaboliques, cinq inspirations an-
| géliques et enfin la bonne mort’. L'ars moriendi fut l'objet d'une large diffusion
à travers toute l'Europe, en partant de la Flandre et de l'Allemagne vers la
France et l'Italie, puis vers l'Espagne et l'Angleterre.
Dans l'histoire du sentiment vis-à-vis de la mort, l'ars moriendi

cette attention obsédante sur les ultimes minutes de la vie de l'homme une
passion débordante pour la vie, car il s'agit bien des derniers instants de la vie
de l'être. L'ars témoigne de ce changement fondamental de l'eschatologie qui ne
place plus le Jugement dernier à la fin des temps. Maintenant, au XVe siècle,
chaque homme voit son destin se décider au terme de sa vie, au pied de son lit
où apparaissent les deux royaumes qui se partagent l'au-delà : l'Enfer et le
Paradis. La mort devient le pivot sur lequel se joue toute l'éternité; une dernière
fois l'agonisant est tenté par l'Adversaire qui essaie de s'approprier son âme par
un dernier péché, par son abandon à la désespérance, car il se sait voué à
l'Enfer; tandis qu'en regard du Diable, l'ange apparaît accompagné de toute la
cour céleste. Les cinq inspirations angéliques précèdent toujours la bonne mort.
En somme, l'ars moriendi peut se résumer facilement en trois phases :
«l'attitude du mourant, l'assaut des Diables, la revanche de la foi»$.
Le Miroir de Mort se base en grande partie sur l'ars moriendi.
En effet, les trois moments constitutifs de l'ars apparaissent du vers 345 au
vers 648, soit durant trois cent trois vers, ce qui représente près d'un tiers de
l'oeuvre. Chastelain suit la même progression, c'est-à-dire l'agonie, l'assaut du
Diable et la bonne mort. Alors que selon A. Tenenti dans l'ars moriendi «la
douleur ne trouve pas de place (...), elle ne joue aucun rôle»”, dansleMiroir de
Mort la douleur est omniprésente : Chastelain insiste tant sur la douleur du

tiellement par souci de contraste, pour montrer au mourant que sa peine égoïste
est minime face aux douleurs affreuses que le Christ endura pour nous. Et
tandis que dans l'ars le Christ en croix apparaissait avec toute la cour céleste
pour sensibiliser l'agonisant, dans le Miroir de Mort il montre au mourant sa
| douleur et son agonie, maïs ici celles-ci n'ont rien de salvateur, elles ne sont que
l'expression d'un dolorisme pessimiste.

TPour les gravures nous renvoyons le lecteur à l'ouvrage d'Alberto Tenenti [La vie et la mort à
travers l'art du XVe siècle, Paris, A. Colin, 1952 (Cahiers des Annales, 8)] et aux pages 380-
389 de l'ouvrage d'Emile Mâle.
8A. TENENTI, «Ars Moriendi. Quelques notes sur le problème de la mort à la fin du XVe
siècle», dans Annales E.S.C., 6, 1951, p. 436.
Tbidem, p. 437.

14
Ainsi,leMiroir de Mort est foncièrement sombre. Certes, l'ars
moriendi montre l'agonie du chrétien comme celle d'un pécheur, mais en der-
nière instance celui-ci est sauvé par la miséricorde divine grâce à son repentir,
alors que dans le Miroir, la bonne mort est véritablement éludée, expédiée en
un vers. Chastelain s'appesantit beaucoup plus sur le péché inhérent à l'homme
que sur la rédemption finale. De même il insiste plus sur la souffrance du
Christ lors de sa Passion que sur la valeur salvatrice de cet acte. /

Pour conclure, malgré la filiation incontestablel® entre le Mi-


roir de Mort et l'ars moriendi, le Miroir de Mort témoigne d'une exploitation
personnelle d'un motif du fond eschatologique du XVe siècle. Comme nous le
verrons pour le motif de l'Ubi sunt, le mérite de Chastelain est d'avoir adapté
des thèmes ancestrauxà sa propre création; jamais il ne devient l'esclave de
motifs antérieurs.

2. Le contemptus mundil1

La doctrine du contemptus mundi imprégna toute la pensée re-


ligieuse du Moyen Âge. C'est un petit ouvrage qui est à la base de ce mouve-
ment moral important: il s'agit du De miseria humane conditionis souvent
appelé De contemptu mundi'? de Lothaire de Sergi, qui sera lui-même élevé au
trône pontifical sous le nom d'Innocent III. Lothaire acheva son oeuvre entre le
25 décembre 1184 et le 13 avril 1195 et dédia l'ouvrage à Pietro Gallocia, évé-
que de Porto et de Ruffino. Le texte connut un succès considérablel3, comme
en témoignent les quatre cent trente-cinq manuscrits et les quarante-huit édi-
tions recensés.
Lorsque Lothaire écrit son livre, son but est d'abattre l'orgueil,
racine de tous les vices (cf. Ecclésiastique X, 12-13). Dans la doctrine chré-
tienne, l'orgueil s'oppose à l'humilité. Cependant, si l'homme se rappelle sa
condition humaine misérable, cette image le poussera à l'humilité. La misère de
l'homme est triple. En effet, il y a la misère de sa condition humaine, de sa vie

10Celle-ci est imputable aux différentes gravures qui ornaient l'ars et dont le Miroir de Mort
se fait l'expression verbale.
Nous nous basons essentiellement sur l'article de Robert Bultot «Mépris du monde, misère
et dignité de l'homme dans la pensée d'Innocent IP», dans Cahiers de Civilisation médiévale.
Xe - XIIe siècle, 4, 1961, pp. 441-456.
Les manuscrits eux-mêmes ne s'accordent pas sur le titre, mais à partir de 1246 la dénomi-
nation De contemptu mundi d'Albert de Brescia se fera fréquente. [cf. R. BULTOT, loc. cit.].
Notons l'adaptation française d'Eustache Deschamps, le Double lai de fragilité humaine [cf.
Lai 309 bis, dans E. DESCHAMPS, Oeuvres complètes. Publiées d'après le manuscrit de la
Bibliothèque Nationale par le Marquis de Queux de Saint Hilaire, vol. 2, Paris, Firmin Didot,
1878].

15
morale et enfin la misère de son état cadavérique et du sort réservé aux pé-
|cheurs. Selon Lothaire, l'homme ne peut être humble que s'il prend conscience
de sa condition. De ce fait, pour démontrer à l'homme sa misère et surtout la
voie de l'humilité, il articule son oeuvre selon trois principes fondamentaux : la
misère, le mépris du monde et l'humilité.
Certes, la doctrine du contemptus mundi d'Innocent II
[Lothaire] est peut-être vue ici d'une manière quelque peu réductrice, mais
notre propos n'est pas de développer celle-ci par plaisir d'érudition. Cette brève
explicitation trouve sa place dans une exposition thématique du Miroir de
Mort.
Dans le Miroir de Mort, la doctrine du contemptus mundi oc-
|cupe une place de choix. En effet, tout le poème développe cette pensée, con-
formément à la visée morale de l'oeuvre. La pensée du mépris du monde appa-
raît toujours en toile de fond dans le poème. Il y a une véritable mise en accu-
sation de toute la vie humaine. A ce thème du mépris du monde, et donc de la
— vanité des biens terrestres, s'ajoutent celui de l'Ubi sunt et celui de la Danse
( Macabre. Car l'impossibilité de réponse à la question Ubi sunt ? est la preuve
de la vanité de notre vie terrestre, étant donné que tous nous mourrons. Quantà
la Danse Macabre, elle est la transposition iconographique et scénique de ce
thème, qui apparaît comme topos de la littérature édifiante.

3. L'Ubi sunt\4

Ce thème biblique ancestral apparaît dès le livre de la Sagesse,


où il évoque la vanité des biens matériels, et ainsi le mépris du monde. Le lien
avec le thème du contemptus mundi est donc évident. La formule de l'Ubi sunt
traverse toutes les Ecritures : du livre d'Isaïe (XXXIIT, 18) à Baruch (IL, 16-
19). Ce thème alimenta tous les discours moraux et philosophiques du Moyen
Âge, à tel point que la formule devint vite une «banalité théologique»
(GILSON, p. 19) aux XIIe et XIIIe siècles. Mais chemin faisant la question
s'accompagna désormais de noms d'hommes ou de femmes illustres. C'est sous
cette forme que nous retrouvons le thème dans le Miroir de Mort (cf. vv. 108-
176). Le poème exploite la question de l'Ubi sunt conformément à la thémati-
que du mépris du monde dans lequel il s'englobe.

l4Cf£. E. GILSON, «De la Bible à François. Villon», dans Les Idées et les Lettres, Paris, Vrin,
Fe1032, Essais d'art et de philosophie), pp. 9-30. Pour les différentes références à ce thème
“voir ID., «Appendice. Tables pour l'histoire du thème littéraire Ubi sunt ?», dans Ibidem, pp.
31-38. Notons que le Miroir de Mort n'y est pas mentionné.
Nous ne développerons pas ce thème, car celui-ci fait l'objet d'une longue note explicative aux
pages 115-118.

16
* La Danse Macabre

Cette dernière partie ne sera pas à proprement parler thémati-


que!$, Nous tenterons essentiellement de dissiper certains malentendus en ce qui
concerne le prétendu rapport du Miroir de Mort avec la Danse Macabre. En
effet, certains rapprochements!6 ont été faits entre le Miroir et la Danse Maca-
bre sur la base d'une représentation à Bruges en 1449 qui aurait été inspirée
par le Miroir de Mort. Mais les faits récusent cette hypothèse.
Tout d'abord, le poème ne présente pas la structure caractéris-
tique de la Danse Macabre, c'est-à-dire un mort entraînant un vivant. Cepen-
dant, certaines confusions ont pu être entretenues par l'énumération de quelques
personnages durant six strophes (du vers 265 au vers 312). Certes, l'auteur
s'adresse à la dame (O jouvente de belle dame, v. 265), au chevalier (A noble
arroy de chevalier, v. 281), à l'abbé (Dampt abbé, v. 297) et au bourgeois (Le
bourgois qui boit du melleur, v. 305), mais cet ordre n'est pas décroissant ou
hiérarchique comme dans la danse. De plus, il n'y a ici aucun mort entraînant
un vivant dans sa ronde infernale. Il n'y a pas de dimension scénique dans cet
extrait qui pourrait faire référence au mouvement de la Danse Macabre.
Ensuite, même si une Danse Macabre a effectivement été re-
présentée à Bruges en 1449, aucun texte ne mentionne Chastelain comme
source. En effet, les archives de Lille prouvent que Bruges fut bien le théâtre
d'une représentation sur le thème de la Danse Macabre. En voici l'extrait : «A
Nicaise de Cambrai, painctre, demourant en la ville de Douay, pour lui aidier à
deffrayer au mois de septembre l'an MCCCCXLIX, de la ville de Bruges,
quant il a joué devant mondit seigneur, en son hostel, avec ses autres compai-
gnons, certain jeu, histoire et moralité sur le fait de la danse macabre … VIII
francs» 17.

Rien ne prouve donc que le Miroir de Mort inspira cette


«histoire et moralité sur le fait de la danse macabre». De plus, signalons que la
Chronique de Chastelain ne nous éclaire pas plus sur ce point, car l'année 1449
est manquante. Nonobstant, nous pensons pouvoir expliquer cette comparaison
non fondée. En effet, dans un article de 1921, Otto Cartellieril8 énumère une

1Spour plus de précisions à ce sujet, nous renvoyons, entre autres, à l'ouvrage de Joël SAU-
GNIEUX : Les danses macabres de France et d'Espagne et leurs prolongements littéraires,
pre E. Vitte, 1972 (Bibliothèque de la faculté de lettres de Lyon, fasc. XXX).
16Nous pensons à l'article de Tilde SANKOVITCH, «Death and the Mole : two Fifteenth
Century Dances of Death», dans Fifteenth Century Studies, vol. 2, 1979, pp. 211-217.
17A. de LABORDE, Les ducs de Bourgogne : étude sur les lettres, les arts et l'industrie pen-
dant le XVe siècle et plus particulièrement dans les Pays-Bas et le duché de Bourgogne, t. I,
Ile partie, n° 7399.
8 O. CARTELLIERI, «Theaterspiele am Hofe Herzog Karls des Kühnen von Burgund», dans
Germanisch-Romanische Monatschrift, 9, 1921, pp. 168-179.

17
série de pièces qui furent représentées à la cour de Bourgogne. Il cite notam-
ment les pièces sur le thème de la Danse Macabre, jouées à Bruges en 1449.
Immédiatement après, il mentionne La Paix de Péronne, pièce écrite par
George Chastelain. Textuellement : «Georges Chastelain schriebf das Stück /
"La Paix de Péronne" (...)!%». Nous sommes d'avis que la promiscuité des deux
phrases a induit certains lecteurs en erreur. Ceux-ci auront donc attribué la
pièce à George Chastelain à cause d'une faute de lecture. Reconnaissons qu'une
lecture rapide peut facilement prêter à confusion. C'est elle qui est, selon nous,
responsable de ce rapprochement qui s'est effectué entre le Miroir de Mort et la
Danse Macabre.

bide, p. 170.

18
CHAPITRE II : l'oeuvre

1. Le titre

Il peut paraître étrange de consacrer une partie de ce travail au


titre du Miroir de Mort. Néanmoins, les quelques considérations suivantes
devraient dissiper certains malentendus, étant donné que dès le premier volume
de l'édition des Oeuvres de Chastelain, Kervyn de Lettenhove sème le trouble
[peut-être sans en prendre vraiment conscience]. En effet, il nomme Pas de la
Mort le poème de Chastelain!. Selon lui, «ce poëme paraît avoir porté indiffé-
remment pour titre : Le Pas de la Mort ou Le Miroir de Mort»?. Dans toute la
tradition manuscrite, (sauf dans le manuscrit 3521 de la Bibliothèque de l'Ar-
senal, ms. À, et uniquement dans l'incipit), le texte porte le titre de Miroir de
Mort où Le Mirouer de la Mort. Aïnsi, la tradition manuscrite actuelle, seule
garante de la dénomination de l'oeuvre, ne désigne qu'une seule fois (sur un
total de douze témoins) l'oeuvre de Chastelain comme Pas de la Morfi: cette
unique appellation ne doit pas être l'originale.

De plus, nommer ce poème Pas de la Mort ne peut que le faire


confondre avec un autre poème qui porte effectivement ce titre. Il s'agit du Pas
de la Mort écrit pour Isabelle de Bourbon, comtesse de Charolais, par Amé de
Montgesoie, autre poète bourguignon. Thomas Walton a étudié à plusieurs
reprises le poème d'Amé de Montgesoiet. Ce dernier affirme clairement qu'«il

1G. CHASTELAIN, Oeuvres complètes. Publiées par le baron Kervyn de Lettenhove, t. I,


Bruxelles, Heussner, 1863, (Académie royale de Belgique. Commission pour la publication
des oeuvres des grands écrivains), LIL. Selon nous, K.d.L. fut induit en erreur par l'incipit
[qu'il transforme en explicit] de son premier témoin, le ms. À (Ars. 3521), qui déclare : «Ce
traittié cy pour enseignier/Fist George l'Aventurier [-1]/Afin que chascun ay remort/De penser
au Pas de la Mort/Ditté en belle retoricque/Afin que chascun s'i applicque.» (ms. À f° 267 r°).
Or, comme nous le mentionnons ci-après [pp. 46-49], lors de son édition du Miroir de Mort
[ef. t. VI, V-VII (introduction) et pp. 49-65] il utilisera le ms. L (ms. B.R. 21530) comme base
de son édition. Le manuscrit de la Bibliothèque Royale ne possède pas l'incipit présent dans
À. En revanche, il comporte un explicit : «Explicit le Miroir de Mort (...)» (ms. L f° 225 r°).
Donc, la logique éditoriale de K.d.L. aurait dû lui faire préférer le titre de Miroir de Mort en
accord avec le manuscrit de base ! De plus, le texte lui-même ne parle point de «pas», mais
bien de «miroir» (cf. vv. 81-88). C'est fausser tout le texte que lui attribuer un titre erroné.
ZIbidem, t. VI, V-VIL.
FNotons que G. DOUTREPONT nomme également l'ouvrage de Chastelain Pas de la Mort.
(cf. La littérature à la cour des ducs de Bourgogne (...), Paris, Champion, 1909, (Bibliothèque
du XVe siècle, 8), p. 326, n. I).
4Th. WALTON, «Amé de Montgesoie, poète bourguignon du XVe siècle», dans Annales de
Bourgogne, t. II, 1930, pp. 134-158. [Résumé dans Medium Aevum, t. II, n°1, mars 1933, pp.
1-33.].

19
n'y a aucun rapport entre le Pas (ou, plus correctement, le Miroir) de la Mort
de Georges Chastellain [sic] et le poème d'Amé de Montgesoie.»*.
De ce fait, appeler le Miroir de Mort de George Chastelain
Pas de la Mort ne pouvait et ne peut que prêter à confusiont. Dès lors, nous
adopterons le titre de Miroir de Mort pour désigner le poème de Chastelain.

2. La date

Le Miroir de Mort est généralement considéré comme indata-


ble. En effet, l'oeuvre ne contient aucune référence textuelle relative à la vie de
Chastelain ou à son époque. Malgré tout, les critiques modernes s'accordent à
placer le poème dans la période mondaine de Chastelain, après son poème
L'Oultré d'Amour’. Car, bien que ce poème ressortisse à la poésie morale, le
| début de l'oeuvre et son motif principal sont courtois. L'Oultré d'Amour est
daté d'avant 1450; de ce fait, le Miroir de Mort dut être composé après 1450.

Malgré cette incertitude chronologique, un élément externe


permettrait de dater approximativement le Miroir de Mort. Il s'agit de l'oeuvre
de François Villon (essentiellement le Testament) qui semble avoir été influen-
ps
cée par le Miroir de Mort de George Chastelain$. Le Testament de Villon
pourrait dès lors apparaître comme ferminus ad quem. Car, si Chastelain a
influencé Villon, ce dut être avant (ou pendant) la rédaction du Testament.
Généralement, les critiques estiment que Villon aurait rédigé celui-ci entre 1461
et 1462. Aïnsi, nous avancerons l'hypothèse que Chastelain aurait composé le
Miroir de Mort avant 1461-1462°, mais aussi après 1430 (date à laquelle il est
encore à Louvain). Nous pourrions même préciser et estimer qu'il aurait dû
écrire le Miroir de Mort lors de son séjour à la cour de Charles VII, ce qui
expliquerait la large diffusion du poème en France. Dès lors, le poème aurait
pu être composé entre les années 1436 et 1445.

STh. WALTON, «Les poèmes d'Amé de Montgesoie (fl. 1457-1478) Le Pas de la Mort et La
complainte sur la mort d'Isabelle de Bourbon», dans Medium Aevum, t. IL, n°1, mars 1933,
#1.
Notons que ce serait un énorme non-sens. En effet, on s'obstinerait à appeler un poème Pas
de la Mort, alors que textuellement on lit : «(...)ay fait et escript de mes mains,/ainsy come je
l'ay trouvé,/ce traitié que j'ay compilé/et nommé [nous soulignons] le Miroir de Mort.»(vv. 84-
87).
IC EL HOMMEL, op. cit., p. 41. [«Ce poème est certainement postérieur à L'Oultré
d'Amour]. ‘
Nous ne développerons pas ici les différents éléments qui nous ont permis d'avancer cette
hypothèse, et nous renvoyons le lecteur à notre article, «Villon lecteur de Chastelain ?», dans
Les Lettres romanes, 48, 1994, n° 1-2, pp. 1-13.
Même avant 1455, car alors il devient historiographe officiel et abandonne ses péchés et son
inspiration de jeunesse.

20
Penser pouvoir proposer une date plus précise serait un leurre.
Seuls des éléments extra-textuels, tels que l'influence de l'oeuvre ou encore sa
diffusion, permettent d'avancer prudemment une date, ou plutôt une hypothéti-
que tranche chronologique comprise entre 1436 et 1450.

3. Résumé

Le poème ouvre sur la lamentation de l'acteur dont la maîtresse


fut ravie par la Mort (vv. 1-8). Tout d'abord, celui-ci présente l'état maladif
dans lequel l'a plongé cette perte (vv. 9-16). Ensuite, il s'attarde à décrire
|
l'agonie de sa belle (vv. 25-56). Avec beaucoup de pudeur, l'amante s'exprime :
elle insiste sur la vanité de notre vie mondaine, car, quoi qu'il en soit, notre
corps pourrira (vv. 32-40). Troublé, le poète se pâme. Sa maîtresse rejoindra le
séjour des justes après que l'on a éloigné son ami (vv. 41-56).

Cette scène introductive fait place à une réflexion morale du_


poète sur lesfins dernières et sur l'âpreté de la mort (vv. 57-64). Après la mort
de sa dame, qui fut un exemple de conduite, il invite le commun à fuir les vils
plaisirs de ce monde (vv. 65-80). Pour ce faire, et pour aider les mondains, il a
composé le Miroir de Mort (vv. 84-88) afin de les convertir à la doctrine du
contemptus mundi et pour leur montrer ce que nous devenons en mourant. Le ,OR
miroir est à la fois l'objet qui reflète ce que nous deviendrons quand nous se-
rons morts et l'exemple de la bonne vie qui allège la mort (vv. 89-140).
Le discours moralisateur commence, à proprement parler, à
partir du vers 105. S'englobant dans la masse, le poète s'interroge sur le devenir
des hommes (vv. 106-144) et des femmes illustres (vv. 145-176) de ce monde;
l'éternel thème biblique de l'Ubi sunt ? se déploie tout au long de ces vers (vv.
105-176). «Nous mourrons tous», de ce fait nous ne devons pas succomber au
péché d'orgueil qui fut la ruine de Satan et de ses anges (vv. 177-192). L'Enfer
et la damnation éternelle sont le salaire de ce crime envers le Seigneur. Senten-
cieusement le poète conclut qu'il faut éviter de pécher. Le thème biblique du
pulvis es (vv. 197-208) et l'exemple de la Passion de notre Seigneur Jésus-
Christ renforcent considérablement son discours moralisateur (vv. 209-224).
De plus, étant donné que rien, et sûrement pas la richesse, ne met l'homme à
l'abri de la mort subite et prématurée (vv. 225-264), il importe que celui-ci
délaisse les plaisirs terrestres qui lui seront superflus une fois mort.
Ensuite, le poète s'adresse personnellement à la femme puis à
l'homme. Ironiquement, il constate que la Mort a surpris la belle dame (vv.
265-272) et que maintenant il est nécessaire qu'elle abandonne ses parures et
ses divertissements futiles (vv. 273-280). De même il questionne le chevalier

21
orgueilleux (vv. 281-288). De toute façon, la vie de ce dernier sera aussi courte
que ses vêtements (vv. 289-296). Enfin, il constate que ni l'abbé perverti (vv.
297-308) ni le riche bourgeois (vv. 305-309) ne trouveront de parade à l'atta-
que de la Mort (vv. 310-312). De ce fait, l'homme doit vivre conformément aux
Ecritures, de sorte que la mort lui soit plus douce (vv. 313-320). Pour sensibi-
liser les pécheurs (vv. 321-336), Chastelain use de l'exemple du bon Lazare qui
craignit la mort malgré sa bonté et sa grandeur d'âme.
Après, en vue de persuader son auditoire, le poète relate l'as-
sautde Satan au chevet de l'homme agonisant. Cette scène et celles qui suivront
lui ont été inspirées par l'iconographie de l'ars moriendi. D'abord, nous som-
mes les spectateurs de la dernière heure d'un homme assailli par le Diable (vv.
345-352). L'homme souffre péniblement : son corps se tord de douleur (vv.
353-360) et lui, exsangue, muet (vv. 361-368), est harcelé par la Mort et le
Diable (vv. 369-376). Alors, l'Adversaire s'approche de lui et déclare senten-
cieusement que désormais son âme lui est échue (vv. 377-384). Satan passe en
revue tous ses acquis, toutes ses activités mondaines qui nuisent à sa place au
Paradis (vv. 385-456). Tout ce qu'il a possédé s'envolera comme la poussière
méprisable qu'il est intrinsèquement : ses conquêtes amoureuses (v. 385), ses
bijoux (v. 387), ses bâtiments (v. 388), ses oiseaux, ses chiens, ses chevaux,
tout cela fondra comme neige au soleil lorsqu'il pourrira en terre et que son âme
brûlera en Enfer (vv. 390-392). L'homme subira éternellement les affres de
l'infernale loge puisqu'il n'a pas vécu chrétiennement (vv. 401-408). De plus,
rien ne pourra apaiser le feu du Léviathan, car son devenir importe peu à ses
descendants (vv. 409-416). Aucun de ses proches ne fera de prière d'interces-
sion pour le salut de son âme. De toute façon, il n'aura désormais qu'un tom-
beau, un suaire et des vers comme seules possessions (vv. 422-424). Satan, au
nom de la souffrance future du mourant, remet en cause sa naissance (vv. 425-
432) : pourquoi être né si ce n'est que pour souffrir éternellement ? (vv. 433-
440). Ensuite, le Diable parle des indicibles et inimaginables peines infernales
(vv. 441-448) pour, dans un dernier élan, forcer le mourant à le suivre (vv.
449-453).
Le pécheur est alors plein de désarroi (vv. 454-456) jusqu'à ce
que vienne le bon ange, conformément au déroulement de l'ars moriendi (vv.
457-460). L'émissaire divin tient un discours sentencieux au mourant (vv. 460-
642). Si ce dernier se repent de bonne foi, le Seigneur lui accordera sa miséri-
corde (vv. 461-464). Tout le discours de l'ange est un hymne à la gloire du
Christ qui pour nous endura la mort; de ce fait, nous ne pouvons que l'implorer
de nous pardonner nos péchés (vv. 465-472). L'ange devise largement de la
Passion du Christ (vv. 473-496). II s'attarde sur les douleurs physiques que le
Christ a endurées : le coup de lance dans son côté (v. 476), les clous dans ses
mains et pieds (vv. 477-480), les coups de fouet (vv. 481-488) et la couronne
d'épines (vv. 489-490). II rend la scène encore plus pathétique lorsqu'il décrit la
douleur de la Vierge Marie, témoin de la souffrance de son Fils (vv. 497-536).
Il donne même la parole à celle-ci durant quelques vers (vv. 499-536) pour que

22
la détresse de la mère du Seigneur sensibilise le pécheur. La très sainte Vierge
retrace toute sa vie de manière elliptique depuis l'Annonciation (vv. 502-504)
jusqu'à la Passion de son Fils en passant par la fuite en Egypte (vv. 508-509).
Elle souhaite vivement prendre part à la souffrance de son Fils (vv. 513-514)
ou même mourir avec Lui (vv. 515-520). Puis, la Vierge se lamente sur le
destin de Jésus et sur l'horreur de la croix, engin qui Le tourmente pour le
rachat de l'humanité (vv. 529-536). Enfin, l'ange reprend la parole et cette fois,
il décrit l'angoisse de la Mère face à l'agonie de son Fils (vv. 537-552). La
Vierge Marie souffrit autant que le Christ, dès lors la peine du pécheur est peu
de chose en face de celle-ci (vv. 553-560). Au moment de mourir le pécheur
doit reconnaître tous ses péchés et implorer grâce à Dieu (vv. 569-576).
L'exemple du bon larron suffit pour motiver le fait que Dieu pardonne toujours
à celui qui se repent. Le pécheur doit louer et adorer le Seigneur (vv. 585-592),
de sorte que le Diable soit vaincu (vv. 593-600). Les conduites des saints qui
louent le Seigneur en chantant «Te Deum laudamus» (vv. 601-608) sont la
preuve de la nécessité de prier et d'adorer Dieu. Puis le récit de l'ange laisse la
place à la prière des saints à la Vierge (vv. 617-636). L'ange conclut qu'au
moment de son trépas l'homme doit prier Dieu afin qu'il lui octroie son pardon
(vv. 637-658). Ici, prend fin le discours de l'ange suivi par le combat de ce
dernier et du Diable au chevet de l'agonisant. Cette lutte se solde par la victoire
de l'ange (v. 664).

Le poème se clôt sur une interrogation : si les justes se sauve-


ront avec beaucoup de peine, que fera le pécheur ? (vv. 665-680). Ensuite, dix
strophes anaphoriques s'enchaînent du vers 689 au vers 768. Elles résument les
thèmes centraux du poème, c'est-à-dire le pulvis es et le contemptus mundi qui
doivent logiquement mener à une vie juste en accord avec le Christ et sa Pas-
sion. Si nous abandonnons les vanités terrestres et si nous nous repentons de
bonne foi, Dieu nous accordera sa miséricorde.

23
CHAPITRE IV : les manuscrits du Miroir de Mort

Jusqu'il y a peu, la tradition manuscrite du Miroir de Mort


se limitait aux trois manuscrits utilisés par Kervyn de Lettenhove pour son
édition de 18641. Mais la récente redécouverte d'un article d'E. Droz et de C.
Dalbanne? ainsi que d'un ouvrage d'A. Louant*, jusqu'ici passés inaperçus,
porte désormais à onze4 le nombre des manuscrits et à un celui des incunabless.

une description sommaire de tous les manuscrits du Miroir de Mort, c'est-à-


dire des onze témoins manuscrits subsistants; ensuite, nous détaillerons les
critères de sélection du manuscrit de base. Nous ne nous attarderons pas à
décrire la tradition manuscrite et les différents liens unissant les manuscrits.

ln s'agit des manuscrits suivants : B.R. 21530, B.N. 15216 et Ars. 3521. Notons que dans son
ouvrage, paru en 1937, Kenneth Urwin [op. cit., p. 24] ne mentionne que le B.R. 21530 dans
la liste des manuscrits qu'il a retrouvés [pp. 23-29]. Pourtant, il cite à plusieurs reprises l'édi-
tion des Oeuvres par Kervyn de Lettenhove. Un recensement des différentes bibliothèques et
une prospection rigoureuse de l'édition de K.d.L. auraient permis d'établir une liste des ma-
nuscrits existants plus exacte.
2E. DROZ et C. DALBANNE, «Le Miroir de Mort de Georges Chastellain» in Gütenberg
Jahrbuch, 1928, pp. 89-92. Seule Susanna Bliggenstorfer mentionna cet article dans son édi-
tion du Temple de Bocace de George Chastelain [p.*144]
3A. LOUANT , Le «Livre de Ballades» de Jehan et Charles Bocquet bourgeois de Mons au
XVIe siècle, Bruxelles, Palais des Académies, 1954 (Académie royale de Belgique. Classe des
lettres et des sciences morales et politiques. Collection des anciens auteurs belges. Textes et
études. Nouvelle série n°4).
Lors de la parution de l'article en 1928, le nombre des manuscrits se portait à douze (en te-
nant compte du manuscrit de Mons étudié par A. Louant). Or, un des manuscrits mentionnés
[ms. cod. XXI.L.v.9] provenait de la Bibliothèque de Turin (incendiée en 1904) et actuelle-
ment celui-ci ne figure plus dans le catalogue [Dott. Albano SORBELLI, /nventari dei manos-
critti delle biblioteche d'Italia, vol. XXVIII, Firenze, Léo S. Olschki, 1923]. Cependant, il dut
bien exister un manuscrit du Miroir de Mort à Turin, car nous avons retrouvé sa description
dans un catalogue de 1749. [cf. Codices manuscripti Bibliothecae Regii Taurinensis Athenaei
(...) recensuerunt et animadversionibus illustrarunt Josephus Pasinus, Antonius Rivautella et
Franciscus Berta, pars I, Taurini, 1749, p. 459]. Il y porte la cote cod. II e. III 44 et est attri-
bué à Olivier de la Marche.
Lorsque Henri Stein [dans Olivier de la Marche : historien, poète et diplomate bourguignon,
Bruxelles, Hayez, 1888, p. 107] récuse l'hypothèse selon laquelle Olivier de la Marche aurait
composé le Miroir de Mort, il cite deux incunables. Le premier est celui analysé par E. Droz
et C. Dalbanne (ancien n° 2861 de la Bibliothèque de la Vallière, actuellement B.N. Ye 171).
Le second aurait été conservé dans la bibliothèque de M. de Kerdonet. Henri Stein renvoie
«les curieux» à une «description très complète et très exacte» de M. de la Villemarqué qui fut
publiée par M. Arthur de la Borderie dans le Bulletin du bibliophile breton, pp. 5-7, Rennes,
Plihon, 1884. Nous n'avons pas pu consulter cet article.

24
1. Les manuscrits

A : Paris, Bibliothèque de l'Arsenal, ms. 3521, f° 267 - f° 275 r° / Papier /


XVe siècle / 285 x 195 / reliure en maroquin rouge à fils d'or / 299 feuillets /
Pieds de mouche; lettres d'attente / filigranes : tête de boeuf à yeux et à nez
surmontée d'une croix [60-65 mm] (Briquet, 14239, att. 1478-1483; Briquet,
14244, att. 1486-1487), licorne tête baissée [100-105 mm] (pas de correspon-
dance dans Briquet), licorne tête levée [95-100 mm] (pas de correspondance
dans Briquet) / frontispice : «Tout ce volume manuscrit me parait etre d'Alain
Chartier à l'exception du ler morceau [il s'agit de L'instruccion d'un josne
prince (...) f 1 - f° 29 v°] que j'ay d'ailleurs seul dans un beau manuscrit sur
velin avec miniatures que j'ay place à la morale. Il est de Georges Chatelain
Flamand mort en 1475 attaché au duc de bourgogne.» / Bibliographie :
MARTIN (Henry) et FUNCK-BRENTANO (Frantz), Catalogue des manus-
crits de la Bibliothèque de l'Arsenal. Catalogue général des manuscrits des
bibliothèques publiques de France : Paris, t. II, Paris, Plon, 1887 - Pour une
description complète du volume voir : The Poetical Works of Alain Chartier.
Edited by J.C. LAIDLAW, Cambridge, Cambridge University Press, 1974, pp.
115-116.

C : Paris, Bibliothèque Nationale, ms. f. fr. 15216, f° 105 v° - f° 124 v° / Par-


chemin / XVe siècle / 154 feuillets / 232 x 165 / reliure velours rouge, bois,
ferrure dorée / Miniatures en grisailles parfois rehaussées à la peinture d'or /
Initiales rouges et bleues / Pieds de mouche; piqûres / f° 105 v° «Le miroir de
mort fait messire Phelippe/de Croy conte de Chimay» / Miniature manquante
(acte de vandalisme : cf. trace de coupure) : lacune de 3 strophes / Bibliogra-
phie : OMONT (H.), Catalogue général des manuscrits français. Ancien
supplément français, t. TI n° 13091-15369 du fonds français, Paris, E.
Leroux, 1896.

Ca : Carpentras, Bibliothèque municipale, ms. 410 (L.406), f° 1 - 22 v° / Pa-


pier / XVe siècle / 116 feuillets / 260 x 190 / reliure carton, recouvert de soie /
f° 1 : frontispice «Le Miroir de la mort de Thomas Gerson XVe siècle», f° 1 r°
«Le miroir de la mort composé par Thomas de Gerson Chantre de Tours 1463
- Les louanges à la sainte Vierge / le livre de Mathéolus contre la bigamie».
[Ecritures du XVIIe siècle]. f° 1 v°, gravure du XVIIe siècle avec un commen-
taire / Initiales ornées / 13 dessins à la plume rehaussés d'or du maître du
Champion des dames ornent le texte / f° 2 r° : l'auteur contemple un mort (la
tête est effacée) / f° 3 r° : l'auteur, plus jeune, au chevet de son amie agonisante
/ f° 4 r° : évanouissement du poète que l'on emmène / f° 6 v° : quatre cavaliers /
f° 7 v° : mort d'Agrippine que Néron «fist ouvrir» / f° 9 r° : chute de Satan et
des anges rebelles / f° 13 r° : le diable au chevet d'un mourant / f° 14 v° : le
diable épouvante le mourant / f° 16 r° : l'ange au chevet du mourant / f° 18 r° :

25
Crucifixion / f° 18 v° : percement du flanc du Christ sur la croix / f° 20 v° :
combat de l'ange et du diable au chevet du mourant / f° 22 r° : représentation
de l'auteur./ Il manque vraisemblablement quatre feuillets au manuscrit, dont
un devait être historié (voir plus loin). Bibliographie : MALRAUX (A.) fe. a.],
Les manuscrits à peintures en France du XIIIe au XVIe siècle. Exposition à la
B.N., Paris, Bibliothèque Nationale, 1955, p. 144. - DUHAMEL (M.), Cata-
logue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France.
Départements : Carpentras, t. XXXIV, Paris, Plon, 1901. - LAMBERT (C.-
G.-A.), Catalogue descriptif et raisonné des manuscrits de la Bibliothèque de
Carpentras, t. 1, Carpentras, E. Rolland, 1862 - PORCHER (]J.), «Les peintres
de Jean de Wavrin», dans La Revue Française, avril 1956, pp. 17-22.

Ch : Chantilly, Musée Condé, ms. 506 (897), f° 29 - f” 44 / Parchemin / XVe


siècle / 44 feuillets / 210 x 143 / reliure de maroquin rouge aux armes de
Bourbon-Condé / f° 29 initiales ornées / Deux miniatures. Les monogrammes
E.A. et F.R. apparaissent souvent dans les bordures; pour le monogramme
FR, il s'agit peut-être de François Bourbon-Vendôme, de la branche cadette de
la maison capétienne, mort en 1495 / Bibliographie : Catalogue général des
manuscrits des bibliothèques publiques de France. Paris. Bibliothèque de
l'Institut. Musée Condé à Chantilly. Bibliothèque Thiers. Musée Jacquemart-
André à Paris et à Chaalis, Paris, Plon, 1928 - RIS-PAQUOT (0. E.), Dic-
tionnaire encyclopédique des marques et monogrammes, chiffres, lettres,
initiales, signes figuratifs, (.…) contenant 12.156 marques etc., 2 t., Paris,
Henri Laurens, s.d..

G : Grenoble, Bibliothèque municipale, ms. 871, f° 56 v° - f° 71 v° / Papier/


XVe siècle / 211 feuillets / Trois manuscrits du XVe siècle réunis : premier ms.
feuillets 1-107, deuxième ms. feuillets 108-187, troisième ms. feuillets 188-211
/ 295 x 208 / reliure bois, couvert de basane / Bibliographie : FOURNIER
(P.), MAIGNIEN (E.) et PRUDHOMME (A), Catalogue général des manus-
crits des bibliothèques publiques de France. Départements : Grenoble, t. VII,
Paris, Plon, 1889. - WALTON (Th.), «Notes sur le manuscrit 871 de la Biblio-
thèque municipale de Grenoble», dans Romania, t. LIV, 1928, pp. 465-475.

J : Paris, Musée Jacquemart-André, ms. 11 (686) ancien Lyon 653, pp. 286-
310 / Parchemin / XVe siècle / 310 pages / 285 x 150 / Reliure veau fauve à
compartiments de mosaïque / Bibliographie : Catalogue général des manus-
crits des bibliothèques publiques de France. Paris. Bibliothèque de l'Institut.
Musée Condé à Chantilly. Bibliothèque Thiers. Musée Jacquemart-André à
Paris et à Chaalis, Paris, Plon, 1928. - Note sur la publication du Catalogue
du Musée Jacquemart-André, dans Romania, t. XLIII, 1914, pp. 471-472. -
DELANDINE (A.-F.), Manuscrits de la Bibliothèque de Lyon (...), t. I, Paris,
Renouard, 1812 - The Poetical Works of Alain Chartier. Edited by J.C.
LAIDLAW, Cambridge, Cambridge University Press, 1974, pp. 118-119.

26
L : Bruxelles, Bibliothèque Royale, ms. 21530 (4632), f° 220 v° - f° 225 r° /
Papier / XVe siècle / 229 feuillets / Ecriture gothique bâtarde / Décoration
initiale / Deux colonnes f° 220-229; réglures; lettres d'attente; signatures; fili-
granes (Briquet, 1895, att. 1469-1473; Briquet var. 3819, att. 1461-1486; Bri-
quet 8599, att. 1462-1468; Briquet var. 9184, att. 1483) / Propriétaires : Phi-
lippe de Lannoy; provient de la Bibliothèque des Bollandistes; Gand; Serrure
(C.-P.) / Acquis par la BR. en 1857 / Bibliographie : VAN DEN GHEYN
(J.), Catalogue des manuscrits de la Bibliothèque Royale de Belgique, t.VII
Histoire des pays : Allemagne, Angleterre, Autriche, Belgique (Histoire
générale), Bruxelles, Henri Lamertin, 1907 (Ministère des sciences et des
arts). - Fichier codicologique de la Bibliothèque Royale - The Poetical Works
of Alain Chartier. Edited by J.C. LAIDLAW, p. 98.

La : Londres, British Museum, ms. Landsdowne 380, f° 93 - f° 109 / Biblio-


graphie : À catalogue of the Landsdowne manuscripts in the British Museum,
with indexes of Persons, Places, and Matters, London, 1819 (Reprint Hil-
desheim - New York, Olms Verlag, 1974) - The Poetical Works of Alain
Chartier. Edited by J.C. LAIDLAW, p. 142.

M : Mons, Archives de l'Etat à Mons, ms. divers 114, f° 75 - f° 90 / Papier/


XVIe siècle / reliure : parchemin brouillon d'acte d'homme du fief daté du
18.09.1529 / filigrane : lettre P / Bibliographie : LOUANT (A.), Le «Livre de
Ballade» de Jehan et Charles Bocquet bourgeois de Mons au XVIe siècle,
Bruxelles, Palais des Académies, 1954 (Académie royale de Belgique. Classe
des lettres et des sciences morales et politiques. Collection des anciens
auteurs belges. Textes et études. Nouvelle série n°4).

Pa : Paris, Bibliothèque Nationale, ms. n. acq. fr. 1541, f° 32 - f° 47 v° / Pa-


pier / XVe siècle / 74 feuillets / 208 x 142 / demi-reliure / pied de mouche;
réglures / filigranes relevés : coquille Saint-Jacques, licorne, armoiries avec
trois fleurs de lys (Briquet 1685, att. 1471-1480; Briquet 1686, att. 1474-
1480) / provient des Archives nationales sans n° / Bibliographie : OMONT
(H.), Catalogue général des manuscrits français. Nouvelles acquisitions
françaises, t. 1 n° 1-3060, Paris, E. Leroux, 1899.

Pi : Paris, Bibliothèque Nationale, ms. f. fr. 1816, f 1 - f° 16 v° / Vélin / XVIe


siècle/ [cf. illustration de couverture] Miniature f° 1 r° : tableau représentant
l'auteur devant le tombeau de sa dame; dans un miroir suspendu à une croix
apparaît la Mort et le reflet du poète; une croix est devant le tombeau; petite
croix à gauche de l'auteur (?) / bordures géométriques fleuries; réglures; piqû-
res; lettrines; monogramme «ii» ou «il» ou «h» non identifié dans RIS-PA-
QUOT / Bibliographie : Catalogue des manuscrits français, t. 1 Ancien
fonds, Paris, Firmin-Didot, 1868. (Bibliothèque impériale - Département des

27
manuscrits) - RIS-PAQUOT (O. E.), Dictionnaire encyclopédique des
marques et monogrammes, chiffres, lettres, initiales, signes figuratifs, (...)
contenant 12.156 marques etc., 2 t., Paris, Henri Laurens, s.d.

2. L'incunable

Ye 171 : Paris, Bibliothèque Nationale, in-fol. gothique/ 16 feuillets, 24 lignes


par page / Nous ne reproduirons pas la description très complète fournie par E.
Droz et C. Dalbanne. Bibliographie : DROZ (E.) et DALBANNE (C.), «Le
Miroir de Mort de Georges Chastellain», in Gütenberg Jahrbuch, 1928, pp.
89-92. - Le titre et le colophon sont reproduits dans : CLAUDIN (A.),
DELISLE (L.) et LACOMBE (P.) [e. a.], Histoire de l'imprimerie en France
au XVe et au XVIe siècle, t.IIT, Nendeln, Kraus -Thomson, 1976, p. 178 - H.
STEIN, Olivier de la Marche : historien, poète et diplomate bourguignon,
Bruxelles, Hayez, 1888, pp. 106-107 - BRUNET (J.-Ch.), Manuel du libraire
et de l'amateur de livres, Se éd., t. IT, Berlin, Altmann, 1922, col. 783.

3. Choix du manuscrit de base

Comme nous l'avons déjà signalé au début de ce chapitre,


cette édition critique du Miroir de Mort de George Chastelain est établie sur la
base du manuscrit L, B.R. 21530. Dans les pages suivantes nous exposerons
les raisons de ce choix.

Tout d'abord, selon nous, les fautes contre le mètre, c'est-à-


dire la présence de vers hypermétriques ou hypométriques dans un texte versi-
fié, témoignent d'erreurs de la part du copiste. Bien sûr, ce genre de considéra-
tion suppose un original parfait, mais avouons qu'intrinsèquement la poésie est
rimée, rythmée, métrique donc rigoureusement établie. Suivant cette logique,
nous considérons que les erreurs de mètre sont le résultat de distractions du
copiste ou d'innovations peu heureuses de sa part. Dès lors, la présence de vers
hypermétriques et hypométriques nous permet d'évaluer qualitativement la
copie d'un texte versifié. Les manuscrits présentant trop d'erreurs métriques ne
pourront pas être pris en compte, et nous ne retiendrons que le manuscrit com-
portant le moins d'erreurs de ce genre, c'est-à-dire le manuscrit L.
Ensuite, le choix du manuscrit de base justifié, nous nous
attarderons à relever les leçons que nous jugeons peu ou pas satisfaisantes dans

28
L; et enfin, nous mentionnerons les leçons que nous qualifierons d'erreurs par
rapport au texte de notre manuscrit de base. Nous tenterons de juger les leçons
des autres manuscrits le plus objectivement possible, c'est-à-dire que pour
évaluer les leçons divergentes des autres manuscrits nous nous baserons essen-
tiellement sur des critères syntaxiques et morphologiques, plutôt que sur des
critères stylistiques.

Voici le relevé des vers hypermétriques et hypométriques


de tous les manuscrits du Miroir de Mort; celui-ci est en ordre croissant :
L cinq vers hypométriques (243-321-388-637-638), un vers hypermétrique
(708) [total = 6] ; À quatre vers hypométriques (115-126-150-710), six vers
hypermétriques (19-171-190-601-670-709) [total = 10] ; Pi six vers hypomé-
triques (34-50-157-187-544-606), quatre vers hypermétriques (169-220-509-
737) [total = 10] ; C six vers hypométriques (157-422-489-537-542-625), six
vers hypermétriques (146-169-246-704-709-716) [total = 12] ; J huit vers hy-
pométriques (37-70-97-157-234-262-277-520), sept vers hypermétriques (169-
186-291-308-415-724-738) [total = 15] ; M treize vers hypométriques (26-49-
244-309-341-385-400-410-419-451-456-477-486), six vers hypermétriques
(187-392-519-670-672-675) [total = 19] ; Ca : dix vers hypométriques (22-43-
114-230-244-436-441-446-619-713), douze vers hypermétriques (2-18-145-
146-205-254-425-470-597-717-728-739) [total = 22] ; Ld seize vers hypomé-
triques (30-37-105-155-174-244-319-346-365-422-461-515-555-575-591-
739), douze vers hypermétriques (60-190-247-309-351-371-389-395-434-664-
704-708) [total = 28] ; G quinze vers hypométriques (37-137-187-208-244-
319-376-422-456-467-478-492-684-690-723), seize vers hypermétriques (27-
123-146-169-173-196-302-307-371-436-460-471-488-542-716-741) [total =
31] ; Ch vingt-trois vers hypométriques (26-37-145-155-170-235-301-306-
319-396-412-416-432-452-474-512-513-532-583-589-633-635-648), dix-neuf
vers hypermétriques (38-50-105-169-230-325-392-395-500-546-627-647-665-
685-704-708-741-749-753) [total = 42] ; Pa quarante-quatre vers hypométri-
ques (6-21-26-27-34-35-37-115-143-145-157-181-193-197-215-224-229-236-
244-252-255-262-323-353-357-361-364-374-399-510-516-538-540-544-615-
625-637-667-718-737-741-740-744-761), quatorze vers hypermétriques (48-
146-184-297-390-425-447-522-560-612-704-708-723-747) [total = 58].

Nous remarquons aisément que le manuscrit L est la


meilleure copie. En effet, elle ne présente que six vers métriquement faux.
Après une analyse minutieuse du texte, nous remarquons qu'elle ne comporte
que onze leçons que nous avons jugées insatisfaisantes. Cinq nuisent au sens
(12, 50, 340, 555, 657, 733), deux faussent le schéma des rimes (508, 730) et
enfin, les quatre dernières n'altèrent pas le sens, mais les formes rencontrées ne
sont pas attestées ou peuvent prêter à confusion (125, 211, 300, 562). Notons
que par rapport aux dix autres manuscrits, L est amputé d'une strophe (vv.
329-336). De plus, par rapport au manuscrit Ch, il lui manque trois strophes.

29
Nous ne considérons pas la lacune des trois strophes (vv. 641-648, vv. 649-
656 et vv. 681-688) comme une erreur, car seul Ch les possèdef. Quant à ce
manuscrit, il comporte vingt-trois vers hypométriques et dix-neuf vers hy-
permétriques; de plus, nous dénombrons trois inversions de vers qui nuisent au
sens (135-136-143-144-254-256), trois erreurs contre le schéma des rimes
(297-460-462). Le nombre total des fautes relevées est de soixante-sept; trente-
six d'entre elles sont des fautes grossières : 20-35-58-74-80-82-140-141-164-
233-236-245-262-279-288-298-395-412-422-425-436-438-448-457-474-485-
519-528-624-627-662-665-716-734-744-765. Les trente et une fautes moins
importantes sont les suivantes : 42-61-90-94-97-99-104-113-132-183-187-
201-219-239-296-302-327-350-373-385-390-399-423-451-485-538-552-601-
629-674-763.
Si nous considérons les autres manuscrits, le constat est
parfois plus accablant. Ainsi, bien que À n'ait que dix vers métriquement faux,
il est le plus mauvais des onze manuscrits. Effectivement, il manque trente-six
strophes, soit deux cent quatre-vingt-huit vers, ce qui représente plus d'un tiers
du texte. Les groupes de vers manquants sont les suivants : 241-256 / 321-384
/ 401-408 / 425-440 / 449-472 / 497-504 / 521-536 / 545-600 / 641-648 / 649-
656 / 673-680 / 737-760. Ces nombreuses lacunes nuisent considérablement au
poème qui se voit dès lors mutilé dans son unité sémantique primordiale. No-
tons que ce manque n'est pas dû à une malveillance ou à la détérioration du
manuscrit, comme cela a pu arriver pour d'autres copies. De plus, cette copie
ne renferme pas moins de septante-quatre leçons insatisfaisantes sur les quatre
cent quatre-vingts vers subsistants. Trente-huit d'entre elles peuvent être jugées
comme des erreurs : 14-20-28-35-59-74-80-112-115-140-141-145-164-175-
232-233-259-264-268-278-279-287-288-309-412-422-444-476-492-543-544-
581-666-696-716-722-728-734; tandis que les trente-six dernières ne nuisent
pas fortement au sens. Il s'agit des leçons suivantes : 34-40-42-46-61-94-97-
122-132-184-187-190-201-225-226-239-262-271-272-289-296-302-385-398-
399-423-485-495-514-537-538-542-579-655-729-763.
Le manuscrit Pi présente également dix vers métriquement
incorrects; de plus, il possède trois inversions qui altèrent le sens de certains
groupes de vers, comme : 135-136-143-144-254-255; cinq fois il entrave le
schéma des rimes (284-285-286-287-288). Enfin, ce dernier renferme vingt-
neuf erreurs grossières, dont vingt introduisent des contresens ou ne satisfont
pas assez le sens : 14-35-118-160-164-175-194-199-233-287-378-414-421-
422-492-516-528-540-624-734. Les neuf moins graves sont les suivantes : 42-
76-94-132-201-239-399-629-674.
La copie C est insatisfaisante, car elle comporte une faute
contre le schéma des rimes aux vers 42-43. De plus, en raison d'une mal-
veillance, un feuillet vraisemblablement historié a été arraché, ce qui explique
la mutilation de trois strophes au début du manuscrit. Enfin, cette dernière

6Dès lors, nous considérons ces trois strophes comme apocryphes. Elles ne bénéficieront d'au-
cun commentaire textuel, bien qu'elles intègrent le texte édité.

30
renferme cinquante-quatre fautes, dont trente et une sont des erreurs
manifestes: 2-35-92-164-165-187-206-211-233-239-262-271-308-371-422-
456-461-476-492-518-528-540-579-583-590-598-624-628-661-728-734. Les
vingt-trois fautes, moins importantes, sont les suivantes : 34-44-56-61-76-94-
128-175-201-265-307-362-399-439-484-586-599-601-629-674-739-747-763.
Le manuscrit J renferme trente-cinq leçons peu satisfai-
santes. Dix-neuf d'entre elles nuisent fortement à l'intelligibilité du texte : 14-
81-93-126-164-168-171-199-233-278-288-299-308-309-624-564-567-567-
733; quant aux seize autres, ce sont des erreurs somme toute minimes : 42-61-
94-109-150-187-163-164-201-218-239-296-302-358-362-376. De plus, il
manque trois vers à ce manuscrit, (52-205-272), et nous dénombrons cinq
inversions : 556-557-558-559-560.
Quant à M, il possède également trente et une leçons peu
satisfaisantes. Ici, dix-huit d'entre elles nuisent à la compréhension du poème :
14-94-80-164-209-288-349-350-354-422-441-520-528-540-577-624-673-716.
Les treize moins importantes se retrouvent dans les vers suivants : 42-61-94-
187-201-239-296-302-399-423-425-674-692. Il y a trois inversions de vers
(135-136-143-144-476-480) et deux fautes contre la rime (577-630).
Le manuscrit Ca ne présente que vingt-huit erreurs. Seize
introduisent des contresens ou nuisent au sens : 14-35-164-233-288-292-295-
309-323-429-455-528-624-627-722-734; et les douze autres sont peu impor-
tantes : 14-42-61-93-04-187-189-201-239-296-302-629-763. Notons égale-
ment l'inversion des couples de rimes 135-136 et 143-144, ainsi que la double
entrave au schéma des rimes aux vers 526 et 615. L'état actuel de la copie
présente une lacune de quatre feuillets qui ont disparu après une dégradation du
manuscrit. Cependant, le texte devait être complet auparavant, car certains
feuillets subsistants présentent soit des fins de strophes soit des débuts; de plus,
les restes de feuillets (coin de papier, etc.) sont observables dans le pli central
du manuscrit. Voici la liste des vers manquants : vv. 381-423 / vv. 483-506 /
vv. 545-587 / vv. 673-711. D'après nos calculs ces vers devaient donc se ré-
partir sur quatre feuillets dont un devait être historié (groupe vv. 483-506).
La copie Ld possède soixante leçons que nous pouvons
considérer comme des erreurs; trente-cinq sont manifestes et nuisent considé-
rablement au sens : 14-20-28-35-74-95-140-141-164-213-220-233-279-288-
373-387-400-410-412-417-422-512-527-528-568-607-624-627-629-667-671-
699-716-722-734; quant aux vingt-cinq dernières, ce sont celles-ci : 42-54-61-
69-89-94-97-132-187-190-201-239-258-296-302-385-399-423-448-533-538-
629-674-747-763. Nous relevons aussi quelques inversions : 135-136-143-
144-517-518-519-520-667-668-707-708 qui s'accompagnent parfois d'entorse
au schéma des rimes comme dans le groupe 517-518-519-520. Notons que
cette copie a un vers supplémentaire après le vers 205; nous le nommerons
205*.
Comme l'indiquait le relevé susmentionné, le manuscrit G
comporte trente et un vers métriquement faux. Nous ajoutons à cela trente-six

31
leçons insatisfaisantes. Vingt-deux sont des erreurs grossières : 14-91-122-
123-164-169-175-201-233-288-323-374-422-436-482-520-528-548-624-711-
722-734 et quatorze sont moins importantes. Il s'agit des leçons suivantes : 14-
42-61-76-94-201-265-399-485-489-629-674-747-763. Nous dénombrons
également sept inversions (740-741-742-743-744-766-767) et six entorses au
schéma des rimes (460-740-741-742-743-744).
Quant à notre dernier manuscrit, Pa, il est le plus mauvais
selon notre critère de sélection, car il renferme quarante-quatre vers hypométri-
ques et quatorze vers hypermétriques, soit un total de cinquante-huit vers faux.
A tout cela s'ajoutent quarante-huit leçons considérées comme des erreurs.
Vingt-neuf sont des erreurs manifestes qui introduisent des contresens : 14-20-
35-74-86-160-233-263-288-292-297-299-309-323-371-382-408-422-423-
425-505-528-568-572-580-610-624-716-734. Les dix-neuf autres, moins im-
portantes, sont les suivantes : 42-61-94-131-184-187-201-216-232-239-265-
296-298-364-385-399-439-674-763. Ajoutons de nombreuses inversions de
vers (vv. 21-22 / vv. 450-451 / vv. 492-493-494 / vv. 505-516 / vv. 548-551 /
vv. 707-708) qui nuisent parfois au schéma des rimes, comme dans les exem-
ples suivants : 450-451, 492-493-494 et 548-551.

Ainsi, cette analyse des différents manuscrits du Miroir de


Mort et de leurs leçons respectives nous a permis de démontrer que le manus-
crit L est de loin le plus satisfaisant de tous. En effet, il ne présente qu'un nom-
bre réduit de vers hypométriques et hypermétriques (six au total), quant aux
leçons «fautives» elles ne sont que onze. Bien sûr, nous admettons que le
manuscrit L puisse avoir des faiblesses sémantiques; parfois d'autres manus-
crits possèdent des leçons plus «heureuses». Dans ce cas, les notes explicatives
mentionnent les propositions des autres manuscrits, si celles-ci peuvent appor-
ter un supplément d'explication au texte ou un enrichissement. Nous ne consi-
dérons nullement notre manuscrit de base comme une copie parfaite, mais c'est
celui qui répond le mieux à nos critères de sélection et qui d'après nous est le
plus fiable.

32
CHAPITRE V : étude linguistique de L!

A. PHONETIQUE

1. Vocalisme

a) Graphie -ar- pour la graphie -er- [GOSSEN, p. 50]. Cette hésitation est
caractéristique en MF, et elle est plus répandue en syllabe initiale. Cette gra-
phie témoigne de la tendance à rapprocher l'articulation de [a] et de [e] devant
-r-. MARCH, pp. 73-74] : darrain (21), darrenier (26).

b) Graphie -aige (< -aticu) à côté de la graphie -age [GOSSEN, p. 54]. En


picard ces deux graphies étaient interchangeables. Généralement les mêmes
graphies riment entre elles dans le manuscrit L cf. 41 : 43 : 44 et 138 : 141 :
142. On explique la graphie -aige par la palatalisation de a devant [3] et la
graphie -age par la réduction de la diphtongue descendante ai qui devait se
prononcer avec un fort accent sur le premier élément [MARCH p. 75]. Ymage
(41), visage (43), corage (44), sage (208), éage (234), passage (249), avan-
tage (271), mais coraige (117), Cartaige (138), dammaige (141), raige (142,
407), linaige (551), saige (552).

c) Réduction des terminaisons -iée du participe passé féminin (issues de yod +


-ata ou de i + yod + -ata [cf. crucifiie, sainctifiie]) à -ie ou -iie en picard
[GOSSEN, p. 55] : abaissie- muchie (: annemie, VV. 74-78), lessies (244),
chambgie (401 et 504), crucifiie (544) [: partie] , percie (545), sainctifiie
(547), esplorie (548).

d) Graphie -an/m- pour -en/m- étymologique [GOSSEN, p. 65] : tamps (2,


277, 290, 383), samble (246), tramble (351), trambler (430, 671, 690), re-
samblant (493). En francien, la prononciation de en est englobée par an dès le
XIe siècle. Mais la graphie an ne rend pas compte de la prononciation picarde
[£] contrairement aux autres parlers dialectaux, n'a pas fait aboutir les groupes
e ouvert + nasale + cons. / e fermé tonique + nasale + cons. / i tonique + nasale
+ cons. à [ä] par confusion avec an issu de a + nasale + cons. [NYROP, I,
$.215 et MARCH, pp. 78-79]

e) Evolution de -e fermé /-i + nasale à -ain en picard [GOSSEN, p. 68] : faint


(43), paines (259), paine (405, 501, 528, 560, 673, 692, 738), vaines (4838),
plaine (498, 502), Magdalaine (585), alaine (587), vaine (588), plains :

1 Nous adoptons le système de l'A.P.I.

33
mains (606). Le picard ignore l'évolution survenue à l'Est et à une échelle
nationale dans certains mots qui aboutit à oin : cf. minus > mains (83).

f) Evolution du o fermé libre à ou en picard, puis comme en francien il aboutit


à eu. Le o fermé libre a abouti à la diphtongue [ow] graphiée o, ou dans tout le
domaine d'oïl. Puis, il y a eu une monophtongaison en [œ]; cette prononciation
est rendue par la graphie eu. Cette évolution a lieu aux XIe et XIIe siècles dans
le Nord où la graphie eu en était le témoin direct. Néanmoins, la graphie ou est
fréquente à côté de eu comme le témoignage d'un stade plus ancien de la
langue. [GOSSEN, p. 80] Dolour (348, 352, 514, 741), mais doleur (51, 59,
192, 211 (: ceur), 327, 367), honneur (119, 171, 307, 467, 522, 524, 711),
horreur (279, 526), fureur (131), pecheur (335, 454), etc.

g) Les o toniques ont été ouverts dans des mots mi-savants ou dans des em-
prunts en -oria, -oriu [GOSSEN, p. 82] : glore (402, 609, 640, 764), memore
(553), hystore (555, 635), nottore (556).

h) Réduction de -ei roman protonique devant -s à -i- en picard : congnissoit


(49), congnissant (52), tresanguisseux (340), anguisseuse (348) mais angois-
seusement (543) [GOSSEN, p. 88].

1) Graphie oe. Cette graphie est le résultat de l'évolution du o ouvert tonique,


cf. o>uo>ue XIe s. > monophtongaison en [œ] devant consonne ou en [9] en
finale. Ce stade de l'évolution était écrit de différentes manières : eu, oeu, oe,
oue : poelt (102, 497, 662), moert (320), soeffre (500), troevent (504, 735), …

2. Consonantisme

a) Evolution de c + -e/-i initial ou postconsonantique, de c + yod interne, et de


+ yod postconsonantique à [tf] (écrit c ou ch) en picard [GOSSEN, pp. 91-92].
Le problème est essentiellement graphique, car l'affriquée est écrite c ou ch
pour [t/], le texte témoigne de ce caractère composite (cf. graphies des démons-
tratifs). Voici les évolutions rencontrées : Franchois (121), chiel (183, 590,
625), canchon (697), fachon (758). Selon Gossen, les adjectifs et pronoms
démonstratifs sont fréquemment écrits avec c : celle (35), ce (36, 38), ceste
(42), etc., mais nous rencontrons aussi : che (43, 62, 200, 246, 389), chelly
(107, 115, 137, 179), cheux (109, 233, 412), cheulx (185), ch! (257), chelle
(49).

b) Evolution de c + yod, f + yod et cons. + ce finaux à c{h) en picard, à côté


d'une finale -z en francien [GOSSEN, p. 94]. La graphie -ch se trouve surtout
dans les régions d'Artois, Flandres, Hainaut, St-Quentin et Noyon. Quant à la
prononciation, bien qu'elle soit incertaine, Gossen pense qu'il y avait une forte

34
tendance à réduire la finale à -s. Cette finale -ch est une graphie picarde des
mi-occlusives [ts] ou [tf] : vich (41), euch (44), logich (126), mech (460),
voelch (536).

c) Traitement picard de c + a initial et intérieur postconsonantique à [k] (écrit


c, k, qu) [GOSSEN, pp. 95-100] : casteté (172), peciet (193, 202, 550) mais
pechiet (468), peceur (214, 570, 582, 659, 675) mais pecheur (381, 454),
campion (222), trencisons (229), empecement (293), porcier (271), rice (387),
cevaulx (395), ocquoison (432), detrencée (484), empecier (536), pecez
(565), campyon (572), raccateur (573), canchon (697), etc. Dans un même
texte il est fréquent de rencontrer un mot identique avec une initiale ch- ou une
initiale k-. Normalement nous devrions rencontrer k- partout, mais un texte
entièrement picardisé n'existe pas comme en témoignent les différents mots
avec -ch- : chargat (50), chascun-chascune (60, 88, 173, 285, 406, 613),
Charlemaine (121), despiecha (136), chetif (179), entechiet (195), desem-
buschiet (196), dechèons (226), chault (228 / [verbe] 310, 414), chasteau
(251), chier (272, 535), chiere (306), chaulra (386), chasteal (388), chambgie
(401, 504), chierement (473), char (481, 484), chief (489), rachat (535),
chantent (608), etc.

d) Introduction d'un e svarabhaktique dans les groupes consonnes + liquides


[GOSSEN, p.103] : esperit (53, 181, 255, 538, 637). Ce phénomène est fré-
quent au futur et au conditionnel des verbes de la Ille et IVe conjugaison :
perderez (37), vivera (319, connoitera (739). Il est pertinent pour le mètre et
reflète donc la langue de George Chastelain.

e) Conservation du f final issu de -atu, -itu, -utu, -ate, -ute qui aboutit à -ef, -it
ou -ut en picard [GOSSEN, pp. 104-106]. Le fait que dans un même texte des
mots identiques soient écrits alternativement avec ou sans -f prouverait que ce
-t était purement graphique, mais caractéristique de la scripta picarde, entre au-
tres. Le -1 final se rencontre essentiellement dans les participes passés et dans
quelques substantifs : 1. Participes passés : volut (47), tuet (143), eubt (151),
entechiet (195), desembuschiet (196), heubt (242), matet (344), mesadvenut
(419), vescut (420). 2. Substantifs : pitet (141), peciet (193, 202, 550), escut
(572), vanitet (723).

f) Absence de la consonne intermédiaire (b ou d) dans les groupe /'r, n'r, alors


que cette consonne intermédiaire est toujours présente dans le groupe "'r.
[GOSSEN, pp. 116-119] : soubstinrent (124), devinrent (189), devenra (256,
278, 698), prenre (261), chaulra (386), faulra (701), advenra (737) mais
voldra (272), fauldra (436), vendra (676).

g) Alternance des graphies -(i)gn(i)- / -(i)hng- et -(ijngn(i) pour la représenta-


tion graphique du n mouillé. Ces deux formes sont concurrentes dans la gra-

35
phie picarde. [GOSSEN, p.119] Congnissoit (49), congnissant (52, 82), Es-
paignes (122), congnoist (175, 372), dongnon (251), congnoisse (316), sou-
viengne (382), mingnon (385), doingnon (388), recongnoy (461), daingnez
(464), poingnant (490), recongnois (570), recongnoistre (684), ygnorance
(734), congnoistre (736). Signalons que ce phénomèné n'est pas exclusivement
picard.

3. Lettres sans valeur phonologique ou quiescentes

a) Subsistance -du -/- implosif qui normalement s'est vocalisé depuis le XIIe
siècle. Selon BRUNOT, le -/- implosif réapparaît au XVe siècle, mais il n'est
pas prononcé [cf. MARCH. pp. 84-85]. Ainsi dans le manuscrit L nous avons
les rimes : oyseaux (393) : cevaulx (395) : saulx (396). Il est présent pour
montrer que le groupe voyelle + x qui précède le -/- n'est pas en hiatus
[BRUNOT, I, p. 546] : oultrepasse (3), ceulx (15) mais cheux (109, 233,
412), doulceur (20), faulse (24), yeulx (27), coulchiez (27), beaulté (40), mais
beauté (169, 294), fault (67, 90, 91), hault (75, 77), vault (94), chault (95),
poulrir (112), haulx (134), treshault (153), voelt (285, 313, 358, 360, 377),
etc. Parfois le -/- implosif est présent à défaut de la marque de la vocalisation :
polvoit (10), bealté (186), volsist (268), voldra (272), maldire (431, 445), etc.
Notons que nous ne pouvons expliquer la forme poelt (102, etc.) que par ana-
logie avec la graphie voelt.

b) Résurgence de -b- étymologique qui était tombé devant une consonne autre
que / ou r [BRUNOT, I, p. 545] : doibt (88, 654), doubtée (150), eubt (165),
debvons (184, 671), doubta (215), heubt (242), debvoit (328), soubz (396),
chambgie (401, 504), subtil (408), doibz (430, 587), doibt (431, 670), soubs-
tenir (511), soubstient (664), doibs (694, 713), doubtez (708), doubte (713,
714, 715, 716, 717, 718, 719, 720, 744), redoubtant (747), doubteuse
(explicit), obscure (631 et explicit).

c) Résurgence de -d- étymologique qui s'était effacé : adjoindre (23), parad-


vant (25), admirer (91), advant (125, 167, 357, 517), adfin (222, 501, 591),
blédz (262), nud (417), mesadvenut (419), advance (459), rends (468), pied
(478).

d) Réapparition de -p- implosif étymologique qui s'était effacé devant con-


sonne. Ce dernier réapparaît dans des mots savants, mais il ne semble pas
articulé. Ainsi dans L nous avons les mots suivants à la rime : dehors (50) :
corps (53) : mors (54) / princeps (449) : provinces (451) : minces (452). Voici
la liste des mots où -p- est purement graphique : tamps (2, 145, 167, 178, 277,
290, 383, 403), concepvoir (10), dampné (11, 181), corps (36, 53, 99, 698),
racompter (57), percepvoir (719), escript (84), princeps (113, 449), dampnés

36
(187), decepvant (247), dampt (297), sepmaine (406), dampnez (415), baptu
(480), cops (483), bouptes (574), compte (579, 701), mais comte (373, même
sens), decepvoir (716), temptation (731), dampnement (755). [MARCH., P.
85]

e) Le -s implosif qui s'était amuï réapparaît et est même parfois ajouté après e
«pour annoncer que c'est un e masculin.» [BRUNOT, I, p. 546 et MARCH, p.
84] : maistresse (5), nostre (7), prist (8), estre (12), desespoir (13), peuyst
(14), deffist (17), prist (19), desjoindre (24), trespas (25), desperer (29), fist
(30), dist (31), vostre (36), misne (40), ceste (42), estre (47), tantost (51),
estoit (59), chascun et chascune (60), tost (77), ceste - estoit (78), chascun
(88), choisist (99), tost (104), despuis (109), reconquist (122), soubstinrent
(124), mist (125), etc.

f) Présence purement graphique de c dans le groupe cg : doncquez (193),


oncquez (326), bracquez (394).
Ainsi que dans le groupe occlusif ct et cg : sancté (238), facture (355), sancg
(482) et sainctifye (547), tressaincte (583). [MARCH p. 85]

g) Présence graphique de qg dans le groupe cg : avoecq (48), seloncq (314),


ocquoison (432).

4. Equivalences phonétiques et graphiques

a) Finales arbitraires -s et -z. Dans L, -s et -z sont mis l'un pour l'autre, ce qui
peut entraîner des mélectures. Ainsi, nous rencontrons -s pour -Zz dans : cuidiés
(267), avés (270) et ariés (296). Et -z pour -s : soubz (19), jusquez (21), tout-
tez (23), aprez (51, 134, 189, 319, 616), autrez (111), ilz (120, 126, 605, 609,
611), certez (150), aultrez (170), angelez (199), doncquez (193), sommez
(195), guerez (227), jusquez (235), dittez (266), mesmez (280), aultrez (286),
estez (289), oncquez (326), léz (369), guerez (386), bracquez (394), soubz
(396), moindrez (398), asquelz (399), jamez (405), filz (411), dampnez (415),
jamez (429), doibz (430), povrez (452), daingnez (464), jusquez (490), laissez
(533), pecez (565), prez (567), voellez (568), autrez (586), doibz (587), join-
tez (605), auprez (615), lettrez (626), obscurez (631), chosez (632), lesquellez
(633), hystorez (635), jusquez (637), doubtez (708). Depuis longtemps -s et -z
représentent le même son, bien qu'au XVe siècle ils ne soient guère plus articu-
lés. L'alternance de ces deux lettres dans la graphie témoigne de l'hésitation à
choisir entre -s ou -z. Au départ, le -z était présent étymologiquement dans des
mots dont la consonne finale était -f, -d, -n, n mouillé, -/ mouillé, mais ce -z
(affriqué) s'est réduit dès le XIIIe siècle à -s. Sous l'influence du francien, où ce
-z était courant même dans des mots où il n'était pas étymologique, le picard
adopta cette finale dès le milieu du XIIIe siècle, toujours à côté de la finale -s et

37
surtout à partir du XIVe siècle. Notons que parfois le -z était la marque propre
du pluriel des mots à finale en [e] (ex. costéz 371, blédz 362) et du c.s.sg. et
c.r.pl. de certains participes passés (ex. coulchiéz 27, tombéz 46, néz 112,
demoréz 240, alléz 241, estuvéz 299, crevéz 362, passéz 372, nétz 425). De
sorte que nous accentuons le -e qui précède le z pour les adjectifs, les substan-
tifs et les participes passés afin qu'ils ne soient pas confondus avec les formes
verbales de la deuxième personne du pluriel. [NYROP, IL, $ 268 et $ 285 et
GOSSEN, pp. 94-95]

b) Graphies simples ou géminées [ce phénomène concerne uniquement la


consonne M]:
* M : comme (11, 97, 120, 135, 242, 308, 418, 527, 535, 632, 702, 712) /
come (83, 85) - graphies géminées : damme (17, 80, 265, 298, 385), lamme
(19), famme (20), amme (431, 436, 544, 700, 716), Rommains (130), dam-
mage (141), infamme (267).

B. MORPHOLOGIE

1. Le nom et l'adjectif

* Subsistance de la déclinaison. [NYROP, II, $$ 275-276 et


BRUNO, I, pp. 431-432]. Bien qu'au début du XIVe siècle la flexion n'existe
plus dans la langue parlée, on rencontre encore le -s désinentiel dans la graphie,
mais celui-ci est souvent placé au hasard. Le texte rend compte de la désagré-
gation du système casuel, principale caractéristique du moyen français. Néan-
moins, certains vestiges subsistent : a) c.s.sg. : tombéz (46), riens (47 : biens,
695), Dieux (60, 323), néz (112), estuvéz (299), nétz (425), povrez et minces
(452). b) c.r.sg: fil (158, 615). Mais l'ajout de -s peut aussi être fait au hasard
comme en témoigne : riens C.r.sg. (165, 302, 456). Remarquons que Dieux
garda le plus longtemps sa forme avec -x, au moins jusqu'au XVIe siècle.

* Adjectif épicène. [NYROP, IL $$ 385-386 et MARCH. pp. 101-


102]. Seul le cas de grant (6, 51, 257, 321, 738) / grand (543, 673, 739) fut
relevé. Grant est un adjectif épicène de la deuxième classe dont le féminin ne
possède pas de -e. Alors que l'addition d'une terminaison -e analogique s'est
produite depuis les XIIe et XIIIe siècles pour les adjectifs épicènes, l'adjectif
grant/grand est celui qui garda le plus longtemps son uniformité. En effet, ce
n'est qu'à la fin du XVe siècle qu'il s'est systématiquement pourvu d'un -e. La
forme grande se retrouve aussi dans une strophe anaphorique où elle est ma-
joritaire pour satisfaire aux exigences métriques.(737, 740, 741, 742, 743, 744

38
vs 738, 739). Cette disparité est fréquente jusqu'à la fin du XVe siècle.

* Comparatif et superlatif. [NYROP, IL $$ 451-478]


1. Comparatif organique : moindrez (398).
2. Construction avec omission de l'adverbe «plus» : Mise en torment qui ne
fauldra (437).
3. Superlatif absolu : formé par l'emploi de sy ou de tres qui sont joints à l'ad-
jectif ou à l'adverbe. Parfois, sy détermine l'agglutination de tres et de l'adjectif.
Treshault roy (153), sy noblement (185), tresamere pation (218), trestous
(245), sy infamme (267), sy tresamere (322), tresanguisseux (340), tresamere
(347), tresmal (420), sy dolentement (426), tres piteusement (480), sy beau
(494), tresamee (505), tresindigne (521), trespistoyable (555), sy nottore
(556), tresdoloreux (558), sy amere (560), tressaincte (585), sy doloureux
(660).

2. Les déterminants

* L'article défini : formes contractées


à + le = au : 21, 89, 97, 209, 252, 311, 330, 358, 364, 370, 453, 467, 486,
553, 554, 557, 604, 659, 674, 741, 750, 753.
à + les = as : 409, 595.
en + le = ou : 54, 277.
en + les = es : 334.

* Pronoms et adjectifs démonstratifs


Le texte renferme une alternance de formes du système picard, c'est-à-
dire avec un ch- initial, et de formes du système francien. Pour l'adjectif dé-
monstratif masculin : ce (36, 73, .…) / che (43, 246) /cest (495), et le féminin :
celle (217, 447, 497, 500, 512) / ceste (42, 78, 547, 548, 666, 667). En ce qui
concerne le pronom démonstratif masculin singulier : chelly (107, 115, 137,
179) / celly (83, 128, 174, 208, 323) et le pluriel : cheulx (185) / cheux (109,
233, 412) / ceux (92). Le pronom démonstratif féminin : chelle (49) / celle (35,
507), et enfin le neutre : che (62, 200, 389) /
ce (38, 56, …).

* Les adjectifs et pronoms possessifs


La totalité des formes suit notre usage moderne, si ce n'est l'élision du
possessif féminin ma devant un substantif commençant par la consonne h, alors
que l'usage moderne emploie une forme masculine, cf. m'honneur (18). Remar-
quons une forme picarde de l'adjectif possessif féminin de la troisième personne
du singulier : se (734). Cet emploi rejoint celui de le comme pronom personnel
féminin.

59
* Pronoms personnels
Les formes des pronoms personnels ne diffèrent pas de nos formes
modernes. Exception faite de la graphie en (710) pour le pronom indéfini on,
de la graphie luy (331) ou Ly (95, 109, 164, 307, 363, 449, 464, 583, 661, 678)
pour lui, pronom personnel indirect troisième personne du singulier. Ajoutons-y
la graphie il (189, …) pour le pronom personnel troisième personne du pluriel
ils. Cette forme sans -s rappelle la forme étymologique du c.s.pl. venant de ülli.
Jusqu'au XVIIe siècle l'usage hésitera entre les formes i/, iz et ils. Néanmoins,
le texte présente un particularisme picard quant au pronom personnel féminin
singulier. En effet, le picard emploie le pronom le pour marquer le sujet et
l'objet féminin. Selon Gossen, les textes utilisent une des trois formes; or L
utilise majoritairement le pronom féminin la, sauf aux vers 160 : «le fist ouvrir,
qui fu pité» et 763 : «Prions qu'Il le [sa grâce] nous habandonne». Comme nous
l'expliquons en note, l'ambiguïté d'interprétation est peut-être voulue.
[GOSSEN, pp. 121-122]

3. Le verbe

a) Indicatif présent
* mech (460), 1re pers. sg. v. «metre» / voelch (536), 1re pers. sg. v. «voloir».
La désinence épithétique picarde -ch est la marque de l'indicatif présent pour
quelques verbes. Cette terminaison s'est généralisée dans toutes les conjugai-
sons à côté des formes étymologiques. [FOUCHÉ, pp. 185-186] (voir 2. Con-
sonantisme). Cette désinence est analogique dans les deux cas précités.
[GOSSEN, pp. 132-133]

b) Parfait
* fisent (540), 3e pers. pl. v. «faire». (< fecerunt). Dans le Nord, avant la chute
des voyelles finales, la forme *feiset < fecit a déterminé la réfection de *feirent
en feisent devenu fisent à la suite de la généralisation du radical fiz-.
[GOSSEN, p. 135 et FOUCHE, pp. 275 et sv.]

* yich (41), re pers. sg. v. «vëêoir» / euch, 1re pers. sg. v. «avoir». Le -ch
épithétique se généralise en picard au parfait des Ile, Ille et IVe conjugaisons à
côté des formes étymologiques comme faciam > fac(h). [GOSSEN, pp. 132-
133 et FOUCHÉ, p. 273]

c) Subjonctif présent
*prende (317), 3e pers. sg. v. «prendre». Le subjonctif de «prendre» varie
suivant les dialectes, ainsi dans le Nord et dans le Nord-Est on rencontre les
formes du subjonctif avec -d-. Etymologiquement la forme prende est correcte,
(< prendat). [FOUCHÉ, pp. 106-108]

40
* crainde (710), 3e pers. sg v. «criembre». Alors que sous l'influence de plain-
dre (plaigne, etc.) il y a eu réfection des paradigmes de criembre (FM crain-
dre) en craigne, certaines formes avec radical en -d- se rencontrent jusqu'au
XVIIe siècle. [FOUCHEÉ, pp. 143-144]

d) Subjonctif imparfait
* peüyst (14), 3e pers. sg. v. «pooir». (< potuisset). Après la chute du -e
protonique on obtient la désinence -sr. Bien que la réduction de l'hiatus -eü- fut
plus précoce en picard (XIIIe siècle pour la subjonctif imparfait) qu'en francien
(XIVe-XVe), ici, l'hiatus est maintenu [MARCH p. 58]

C. SYNTAXE

1. Usage du pronom personnel

* Fay tant pour la mere de toy (516) : la forme «de + pronom tonique» tient
souvent la place du possessif en MF. [WILMET, $ 272 1°]

2. Confusion entre le relatif «dont» et dont marquant la conséquence

*[nitialement dont est adverbe de lieu conformément à son étymologie (< *de
unde). Il indique l'origine et se traduit par «d'où» en FM. [MENARD, $ 73 1°]:
Vèons dont nous venons naissant (197) et Dont sourt habundance de grasce
(576).

* Il peut avoir la valeur d'un relatif précédé de la préposition de et signifie «de


laquelle, pour lequel, etc.» : [l'heure] Dont sa povre amme est cremeteuse
(376). [MENARD), $ 73 3°]

* Dont, adverbe relatif, peut introduire une proposition consécutive et se tra-


duit alors par «si bien qu'à cause de cela» : Dont ilz l'aourent jointez mains
(605) et Dont, pour jamez seras en paine (405). [MENARD, $ 73 3° Rem]

* Dont, adverbe correspond à «donc» en FM et est souvent écrit dont. L'ad-


verbe a un sens conclusif comme en FM : Rien n'y vault dont nom dominant
(94), Mirons nous dont et remirons (105) et Pourcoy fus tu dont nétz de mere
(425).

41
3. Se conjonction hypothétique

En AF et MF, c'est essentiellement la conjonction se, rarement si sauf à


l'Ouest, qui est employée dans les hypothétiques : Se nous en sommez entechiet
(195), Se tu vis jusquez en viellesse (235), Ne se tu te dampnez pour eulx
(415), Se tu ly daignez demander (464), Se tu n'as Ses commandemens (566),
Lesquellez se sont invisibles (633). Les graphies sy/si renvoient à l'adverbe
«si» qui peut être intensif (cf. usage dans les superlatifs), particule de liaison
entre des propositions ou encore adverbe de manière. [MENARD), $ 263 et $
311]. Notons qu'au vers 606 se n'est pas une conjonction introduisant une hy-
pothétique, mais un adverbe de liaison.

4. La conjonction combien que

Derrière la conjonction concessive combien que, l'indicatif et le subjonctif


alternent sans grande raison. [WILMET, $ 91]. Exemple d'usage avec l'indica-
tif : Combien que tu ne crains peril (707), Combien qu'il esperoit son mieulx
(333); usage avec le subjonctif : Combien que soit la droitte passe (61),
Combien que l'en crainde ta main (710), (705, 706, 708, 709, 711).

42
CHAPITRE VI : versification

Le texte du Miroir de Mort contenu dans le manuscrit L se


compose presque uniformément d'octosyllabes, compte tenu de cinq vers
hypométriques : vers 243, 321, 388, 637 et 638, ainsi que d'un vers
hypermétrique, le vers 708. ‘

Le poème compte sept cent soixante-huit vers qui se


répartissent en quatre-vingt-seize huitains d'octosyllabes construits sur le
schéma de rimes abaabbcc. Cette disposition, abaabbcc, du huïitain est
inconnue au XIVe siècle. Selon Henri Chatelain, l'invention pourrait être de
George Chastelain, car après lui cette disposition connut un vif succès!. Avant
lui, dans son Art de rhétorique, Jean Molinet mentionna une «autre taille de
vers huitain qui se fait par autre croisure, de laquelle monsieur l'Indiciaire fut
principal inventeur»?.Chaque huitain est construit sur trois rimes.

a) Qualité de la rime

Nous dénombrons comme rimes suffisantes : 1-3-4, 2-5-6, 10-


13-14, 15-16, 17-19-20, 25-27-28, 31-32, 33-35-36, 41-43-44, 42-45-46, 47-
48, 49-51-52, 55-56, 57-59-60, 58-61-62, 66-69-70, 73-75-76, 79-80, 81-83-
84, 87-88, 97-99-1000, 98-101-102, 113-115-116, 119-120, 127-128, 130-133-
134, 138-141-142, 143-144, 145-147-148, 154-157-158, 159-160, 169-171-
172, 170-173-174, 185-87-188, 186-189-190, 193-195-196, 201-203-204,
202-205-206, 207-208, 209-211-212, 215-216, 217-219-220, 218-221-222,
223-224, 225-227-228, 231-232, 233-235-236, 241-243-244, 249-251-252,
255-256, 266-269-270, 265-267-268, 279-280, 282-285-286, 297-299-300,
298-301-302, 305-307-308, 306-309-310, 313-315-316, 322-325-326, 327-
328, 329-331-332, 335-336, 337-339-340, 338-341-342, 345-347-348, 346-
349-350, 351-352, 359-360, 361-363-364, 362-365-366, 367-368, 369-371-
372, 370-373-374, 375-376, 377-379-380, 386-389-390, 393-395-396, 394-
397-398, 399-400, 401-403-404, 402-405-406, 407-408, 409-411-412, 410-
413-414, 418-421-422, 423-424, 425-427-428, 426-429-430, 431-432, 439-
440, 442-445-446, 447-448, 449-451-452, 455-456, 457-459-460, 465-467-
468, 471-472, 473-475-476, 489-491-4929, 497-499-500, 498-501-502, 506-
509-510, 511-512, 514-517-518, 521-523-524, 522-525-526, 527-528, 535-

ICf. H. CHATELAIN, Recherches sur le vers français au XVe siècle. Rimes, mètres et
strophes, Genève, Slatkine Reprints, 1974, pp. 101 et 103 [Paris, 19081].
2Cf. E. LANGLOIS, Recueil d'arts de seconde rhétorique, Paris, Imprimerie
Nationale, 1902 (Collection de documents inédits sur l'histoire de France).

43
536, 546-549-550, 551-552, 553-555-556, 554-557-558, 562-565-566, 567-
568, 569-571-572, 570-573-574, 575-576, 585-587-588, 586-589-590, 593-
595-596, 601-603-604, 602-605-606, 607-608, 617-619-620, 657-659-660,
665-667-668, 671-672, 673-675-676, 689-691-692, 690-693-694, 695-696,
705-707-708, 711-712, 713-715-716, 714-717-718, 719-720, 721-723-724,
730-733-734, 735-736, 737-739-740, 738-741-742, 753-755-756, 762-765-
766.

Le poème compte des rimes pauvres : 7-8, 9-11-12, 18-21-22,


26-29-30, 65-67-68, 74-77-78, 82-85-86, 89-91-92, 90-93-94, 105-107-108,
106-109-110, 114-117-118, 121-123-124, 122-125-126, 129-131-132, 137-
139-140, 146-149-150, 153-155-156, 161-163-164, 162-165-166, 178-181-
182, 194-197-198, 210-213-214, 226-229-230, 234-237-238, 239-240, 242-
245-246, 257-259-260, 274-277-278, 281-283-284, 290-293-294, 303-304,
319-320, 321-323-324, 330-333-334, 343-344, 378-381-382, 383-384, 385-
387-388, 415-416, 417-419-420, 433-435-436, 434-437-438, 441-443-444,
450-453-454, 458-461-462, 463-464, 466-469-470, 474-477-478, 481-483-
484, 482-485-486, 490-493-494, 495-496, 503-504, 505-507-508, 513-515-
516, 519-520, 529-531-532, 537-539-540, 538-541-542, 543-544, 545-547-
548, 561-563-564, 583-584, 594-597-5908, 599-600, 609-611-612, 610-613-
614, 615-616, 618-621-622, 625-627-628, 658-661-662, 663-664, 666-669-
670, 674-677-678, 679-680, 689-691-692, 697-699-700, 706-709-710, 722-
725-726, 727-728, 729-731-732, 743-744, 745-747-1748, 746-749-750, 754-
757-758, 759-760, 767-768.

Le nombre de rimes riches n'est pas négligeable : 23-24, 34-


37-38, 39-40, 50-53-54, 63-64, 71-72, 95-96, 103-104, 111-112, 135-136,
151-152, 167-168, 175-176, 177-179-180, 183-184, 186-189-190, 191-192,
199-200, 247-248, 250-253-254, 258-261-262, 263-264, 271-272, 273-275-
276, 287-288, 289-291-292, 295-296, 311-312, 314-317-318, 353-355-356,
354-357-358, 391-392, 479-480, 487-488, 530-533-534, 559-560, 577-579-
580, 578-581-582, 591-592, 623-624, 626-629-630, 631-632, 633-635-636,
634-637-638, 639-640, 698-701-702, 703-704, 751-752, 761-763-764.

Dans l'ensemble du poème nous dénombrons nombre de rimes


équivoques et de rimes léonines. En voici le relevé :

-les rimes équivoques :


passe (58 / v.) - passe (61 / subst.) - passe (62 / subst.)
mains (83 / superlatif de peu) - mains (84 / subst.)
helas (177 / interj.) - et las (179 / adj.)
las (179 / adj.) - las (180 / subst.)
lassus (183 / adv.) - là sus (184 /adv. + prép.)
passé (247 ] p.p.) - passé (248 / p.p.)
fort (251 / subst.) - fort (252 / adj.)
vers (258 / subst.) - vers (262 / adj.)
point (266 / subst.) - point (269 / subst.) - point (270 / nég.)
court (289 / adj.) - court (291 / adv.) - court (292 / subst.)
commune (306 / adj.) - commune (309 / subst.)
moyen (311 / subst.) - moyen (312 / subst.)
sera (389 / v.) - sera (390 / v.)
cousté (475 / p.p.) - costé (476 / subst.)
plaine (498 / adj.) - plaine (502 / adj.)
fin (407 / subst.) - fin (408 / adj.)
vins (418 / v.) - vins (422 / subst.)
point (455 / v.) - point (456 / adv.)

-rimes léonines :
concepvoir (10) - voir (14)
dampné (11) - né (12)
fait (15) - desfait (16)
adjoindre (23) - desjoindre (24)
vermine (39) - misne (40)
assouvie (55) - vie (56)
revenir (63) - venir (64)
pardurable (71)- durable (72)
monde (73)- habonde (75)- onde (es
mort (87) -remort (88)
mirer (89)- admirer (91) - miner (92)
mirant (90) - minant (93) - donimant (94)
abregier (95) - bregier (96)
face (99) - efface (100)
terre (113) - Angleterre (116)
passé (135) - trespassé (136)
departie (151) - partie (152)
roy (153) - desarroy (155)
esmervelle (173) - velle (174)
helas (177) - las (179) - las (180)
mors (199) - remors (200)
orgoel (202) - doel (205) - oel (206)
pation (218) - compation (221)
viellesse (235) - lesse (236)
assailly (253) - sailly (254)
vers (258) - divers (261) - vers (262)

45
porcier (271) - chier (272)
atours (273) - tours (275)
tousjours (295) - ours (296)
vive (313) - avive (315)
conscience (314) - patience (317) - science (318)
depart (349) - part (350)
apalie (361) - faillie (363) - lie (364)
eulx (415) - maleureux (416)
nud (417) - mesadvenut (420)
mere (425) - amere (427)
dire (442) - maldire (445)
ancelle (506) - cancelle (510)
chier (535) - empecier (536)
mere (559) - amere (560)
desservie (561) - vie (563)
comprendre (577) - rendre (579) - aprendre (580)
misericorde (578) - recorde (581) - acorde (582)
Magdalaine (585) - alaine (587)
acors (617) - corps (619)
bienfais (745) - fais (747)
deslogier (751) - logier (752)
pardonne (761) - habandonne (763) - donne (764)
face (765) - efface (766)

b) Le compte des syllabes appelle deux remarques :

Parfois l'élision du e muet final devant un mot à initiale


vocalique n'a pas lieu: 157 Fors l'emperessé Agrappine, 410 N'à messe quë on
face dire, 7111 Combien d'honneur quë on te fasse.

Certains hiatus ont été maintenus : véons (92, 106, 197), roÿne
(147, 154, 161, 623), Olympias (154), véoir (158), suÿr (175), fuÿr (176,
177), dechèons (226), ëage (234), surgÿen (446), véoit (484), eslëu (598),
veüe (601), lÿesse (610), äourer, desäourer.

46
CHAPITRE VII : critique de l'édition Kervyn de Lettenhove

1. Introduction

La première édition du Miroir de Mort, due aux soins du ba-


ron Kervyn de Lettenhove, fut publiée en 1864 dans le tome VI des Oeuvres
complètes de Georges Chastellain!. Kervyn de Lettenhove est le seul à avoir
publié la totalité des oeuvres de George Chastelain; aussi, son ouvrage est-il
l'unique matériel dont dispose le lecteur moderne pour approcher l'indiciaire et
poète bourguignon qu'est Chastelain?.
Nous sommes en droit de nous interroger sur la valeur philo-
logique et critique de l'édition des Oeuvres de Chastelain, et plus spécialement
sur celle du Miroir de Mort.
Dans les pages qui suivent nous analyserons donc critiquement
l'édition de Kervyn de Lettenhove.

2. L'édition Kervyn de Lettenhove

Bien que l'édition du Miroir de Mort par le baron Kervyn de


Lettenhove soit la seule que nous possédions, cela ne la met pas à l'abri des
foudres de la critique. Au contraire, nous ne pouvons que nous interroger sur la
valeur de cette édition du dix-neuvième siècle. Mais avant de nous engager
dans la critique textuelle proprement dite, penchons-nous quelque peu sur l'édi-
teur et son édition.
Quand en 1863 parut le premier volume des Oeuvres de
George Chastelain, K.d.L. définit son travail d'éditeur en ces termes :

1G. CHASTELAIN, Oeuvres complètes. Publiées par le baron Kervyn de Lettenhove,


Bruxelles, Heussner, 8 vol., 1863-1868 (Académie royale de Belgique. Commission pour la
percer des oeuvres des grands écrivains.)
Notons qu'en 1825, M. Buchon fut le premier à se pencher sur la prose historique de Chaste-
lain. Il publia quelques fragments de la chronique de Chastelain dans sa collection Chroni-
ques nationales françaises, Chronique des ducs de Bourgogne par Georges Chastellain pu-
bliées pour la première fois par M. Buchon, Paris, Verdière, 2 vol., 1825-1827.[Mais pour-
quoi transforme-t-il G. Chastelain, indiciaire bourguignon, en chroniqueur français ?]. A pro-
pos de cette collection K.d.L. déclare : «(...) collection dont on ne peut dissimuler les défauts,
mais qui rendit toutefois d'incontestables services en excitant et en facilitant les recherches
sérieuses.», dans Oeuvres complètes (.….), t. I, 1863, VIII.

47
(...) en ce qui concerne notre travail comme édi-
teur, nous nous bornerons à faire observer que
nous avons suivi l'orthographe des manuscrits, en
adoptant toutefois de préférence, lorsque le même
mot était écrit diversement, la forme qui se rap-
proche le plus de l'orthographe moderne. Quel-
ques notes ont été ajoutées pour éclaircir ou pour
compléter la narration de l'auteur. (.….) il nous
reste aussi à faire connaître les manuscrits qui
nous ont été indiqués ou que nous avons retrou-
vés. Dans un supplément à cette introduction, qui
trouvera sa place dans un autre volume, nous
mentionnerons ceux qu'auront pu nous faire dé-
couvrir, soit nos recherches ultérieures, soit les
obligeantes communications des savants, qui déjà
ont bien voulu nous apporter un utile concours et
auxquels nous adressons ici un nouvel appel.?

En ce qui concerne l'édition du Miroir de Mort, K..d.L. ne fera


rien de ce qu'il déclare dans ce que nous appelons «ses principes d'édition», si
ce n'est agrandir le nombre des manuscrits. Reprenons un à un les divers points
de ses principes et soumettons-les à une critique rigoureuse.
Tout d'abord, K.d.L. prétend avoir conservé l'orthographe des
manuscrits, sauf lorsqu'un même mot était écrit de différentes manières; dans
ce cas, il prenait le droit de le ramener à une seule graphie moderne. Or, dans
l'édition du Miroir de Mort, rien de cela. En effet, K.d.L semble avoir pris le
manuscrit L comme manuscrit de base. Mais après une collation minutieuse
du texte imprimé par K.d.L et du manuscrit L, nous constatons de singulières
différences entre ce qu'il aurait dû éditer en conservant l'orthographe du ma-
nuscrit et ce qu'il a réellement publié. Ainsi, son édition ne rend-elle aucune-
ment compte du manuscrit L. C'est un savant amalgame des trois manuscrits
(avec une prédominance pour le manuscrit À) agrémenté de quelques
innovations de son cru. Nous. pensons pouvoir expliquer tout cela. très
simplement. En effet, comme nous l'avons mentionné, à la fin de sa préface,
K.d.L. avouait que le nombre de ses manuscrits n'était pas encore défini. Dans
ce premier tome de 1863, il ne mentionne qu'un seul manuscrit du Miroir de
Mort (le manuscrit A); tandis que dans le sixième tome (de 1864), il note en
bas de page:

3K.d.L. [éd. sc.], op. cit., XLVI-XLVIL.


Nous pensons pouvoir l'affirmer en vertu de sa note en bas de page :«Publié d'après le ms. de
la Bibl. de Bourgogne [L], collationné sur les ms. [sic] de Paris, Bibl. de l'Arsenal, IV, 314
A] et Bibl. imp. 15216 [C}», t. VI. p. 49.
K.d.L. [éd. sc.], op. cit., LIT-LIII. Notons qu'il l'intitule Pas de la mort, titre que nous réfutons
(cf. Introduction, Chapitre I : l'oeuvre). De plus, il transforme l'incipit du manuscrit À en
explicit : «Ce poëme se termine par les vers suivants : Ce traittié-cy (...)». Nous avouons ne
pas avoir saisi la logique de ce changement.

48
Une grande partie de ce volume était imprimée
quand j'ai découvert à Bruxelles un texte qui ren-
ferme deux cents vers de plus que celui de Paris.
Il a fallu recomposer tout ce poëme, et c'est ce qui
explique comment des chiffres supplémentaires
ont, par suite d'une impérieuse nécessité, été em-
ployés dans la pagination. (...) Enfin un manuscrit
de la Bibliothèque impériale de Paris, mentionné
plus haut, nous a offert, au moment même où ce
volume s'achève, un troisième texte, mutilé au
commencement, mais différant des deux autres
par de nombreuses variantes dont nous avons été
heureux de faire usage.6

Aussi, tout s'explique par ce court extrait : K.d.L. avait déjà


effectué tout son travail d'édition du Miroir de Mort sur la base du manuscrit
À, le plus lacunaire des trois, lorsqu'il découvrit les deux autres manuscrits
nettement supérieurs. Cependant, il conserva son travail initial, bien qu'il se
soit targué d'avoir «recompos{é] tout ce poëme» sur la base de L. Or nous pen-
sons qu'il n'a qu'ajouté les trente-deux strophes manquantes dans À. Car, après
le collationnement de son édition d'après L, nous constatons qu'il effectue un
nombre impressionnant de changements. Ces changements sont autant de mo-
dernisations ou d'archaïsmes personnels que de variantes empruntées aux ma-
nuscrits À et C. Parfois il est même impossible de trancher : prenons le vers 62
«Che n'est pas ju de passe passe» que K..d.L. édite de cette manière : «Ce n'est
point jeu de passe-passe»; en ce qui concerne le substantif «jeu», sa graphie
est-elle une modernisation ou une variante de À ou de C (car les deux
manuscrits attestent cette graphie «moderne») ? Sur les vingt-cinq pages que
compte son édition, nous ne dénombrons sn huit notes qui pourraient faire of-
fice d'apparat critique’.
K.d.L. ne publie pas le manuscrit L, de plus il affirme que C
diffère «des deux autres par de nombreuses variantes dont nous avons été heu-
reux de faire usage®». Or, le manuscrit C est apparenté au manuscrit À, celui
qui servit de base à toute l'édition de K.d.L. malgré toutes ses réticences
avouées ou non. En somme, cette note [fausse !] concernant C l'excuse scienti-
fiquement de ne pas l'avoir exploité dans le cadre de son édition.
Nous ne pouvons qu'avertir le lecteur. Ce texte renferme un
nombre impressionnant de variantes, non avouées, empruntées indifféremment
aux manuscrits À et C, d'archaïsmes forgés de toute pièce par K.d.L. (par
exemple, vers 164 luy /L ly, A lui, € ly), de vers faux soit initialement présents

6K.d.L. [éd. sc.], op. cit. t. VI, VI-VIL n. I.


Respectivement : quatre pour le manuscrit €, deux pour L et deux pour À.
8K.d.L. [éd. sc.], op. cit. t. VI, VIL

49
dans un des manuscrits soit créés par K.d.L. (par exemple le vers 191 [+1]), de
nombreuses variantes inexplicables ou à mettre sur le compte d'une mauvaise
lecture (par exemple aux vers 375 et 641, lecture «briesfve») ainsi que des mo-
dernisations graphiques?. Voici quelques spécimens des grandes catégories de
divergences entre le manuscrit L et l'édition de K.d.L. :

* modernisations : 271 g'ung vs qu'un / 480 baptu vs battu


* leçon de À : 765 voyons vs véons
* leçon de C : 52 congnissant vs congnoissant
* leçon commune à À-C : 448 susseance Vs surséance
* id. ou modernisation : 290 tamps vs temps
* archaïsme : 45 fut vs fust
* changement personnel : 281 Ha vs O
* changement inexpliqué : 573 raccateur vs Créateur
* création de vers [+1] : vers 601
* création de vers [-1] : vers 581

Après avoir «suivi l'orthographe des manuscrits», K.d.L. af-


firme avoir uniformisé les différentes graphies d'un même mot vers une graphie
plus moderne. Certes, nous ne pouvons pas lui reprocher de faciliter la
compréhension du texte, car il est vrai que dans les trois manuscrits certains
mots ont plusieurs graphies. Prenons par exemple le verbe «être» à la troisième
personne du singulier de l'indicatif passé simple, [fy], dans les trois manus-
crits10 :

vers 45 : L fut, À fust, C fust, K.d.L. fust


vers 80 : L fu, À fist, C fut, K.d.L. fur
vers 112 : L fut, À fut, C fu, K.d.L. fur
vers 141 : L fut, À fut, C fu, K.d.L. fut
vers 143 : L fu, À fu, C fu, K.d.L. fu
vers 159 : L fu, À fu, C fu, K.d.L.fu
vers 160 : L fu, À fut, C fu, K.d.L. fur

Dans ce petit tableau, nous remarquons facilement qu'aucun


des trois manuscrits ne présente une seule graphie pour la troisième personne
de l'indicatif du passé simple du verbe «être». Donc, si nous suivons ses

ÎLe relevé exhaustif des variantes par rapport au manuscrit L peut être consulté dans le
mémoire de licence [T. VAN HEMELRYCK, Le Miroir de Mort de George Chastelain.
Edition critique, Louvain-la-Neuve, Université Catholique de Louvain/Faculté de Philosophie
et Lettres : mémoire de licence, 1994, I-XXI]. Celui-ci comporte également l'explication de
ces changements entre parenthèses ainsi qu'un tableau synthétique des différentes
divergences.
ous nous limitons à 160 vers.

50
principes d'éditions, K.d.L. devait uniformiser ces diverses graphies quel que
fût le manuscrit choisi. Cependant, sur cent soixante vers nous sommes en pré-
sence d'un magnifique mélange de trois formes différentes, à savoir fust, fu et
fut, qui sont parfois situées à un vers d'intervalle.
Ce n'est pas seulement un défaut d'édition, mais aussi une en-
torse à la logique la plus évidente. Il est suprenant que cette édition ne présente
pas de graphies uniformes des modernisations apportées. L'écart impression-
nant entre les principes d'éditions de K..d.L. et son édition nous laisse perplexe
et sans explication.

Pour conclure, les problèmes majeurs de l'édition de K.d.L.


sont, d'une part, de ne pas avoir mentionné explicitement tous les changements
qu'il a apportés à ce texte et, d'autre part, de ne pas avoir dirigé cette édition
selon une logique implacable.

SE
CHAPITRE VII : principes d'édition

L'apparat critique est donné en bas de la page du texte sur


deux alinéas. Le premier donne les leçons rejetées du manuscrit de base ac-
compagnées de la mention des manuscrits qui ont fourni la correction entre
crochets droits. Les variantes sont énumérées dans l'ordre de leur apparition et
les mots qui les encadrent sont désignés par leur initiale suivie d'un point. Les
variantes comportent toutes les divergences entre les différents manuscrits,
même les divergences graphiques. Signalons que nous modifions très peu le
manuscrit de base. En effet, les changements furent opérés lorsque la leçon
proposée par le manuscrit L ne faisait pas sens, mais toujours sur la base d'une
autre copie. Parfois, même si la leçon du manuscrit de base n'était pas excel-
lente, nous l'avons conservée en mentionnant dans les notes une leçon alterna-
tive supérieure le cas échéant. Quant aux fautes contre le mètre elles furent :
résolues soit par l'ajout de syllabes entre crochets droits, [ ], soit par le retrait
de syllabes ou mots entre parenthèses, ( ).

Nous n'utilisons la majuscule qu'au début des phrases, non au


commencement de chaque vers. La numérotation des vers s'est faite tous les
quatre vers. Dans la transcription nous avons respecté les graphies disparates
de certains mots. Les abréviations furent généralement résolues grâce à la
graphie du mot en toutes lettres que nous avons rencontrée dans le corps du
texte. La notation des nombres en chiffre romain a été maintenue. Nous avons
accentué les e fermés finaux et nous avons distingué les lettres 1/j et u/v. Nous
avons également accentué le à préposition pour le distinguer du a auxiliaire, le
là adverbe de lieu pour le distinguer de l'article défini ou pronom personnel
féminin et le où pronom et adverbe de lieu pour le distinguer de la conjonction
disjonctive ou.

Les notes explicatives se situent après le texte. Elles sont es-


sentiellement thématiques. Effectivement, les faits linguistiques récurrents déjà
mentionnés dans l'étude linguistique ne furent pas reproduits, sauf si cela évi-
tait un malentendu. Dès lors, les notes ne comportent que des explications
sémantiques.

Le glossaire renferme généralement les mots vieillis ou dont le


sens diffère du FM. Les mots bénéficiant d'une note explicative sont précédés
d'un astérisque.

52
LE MIROIR DE MORT
CHAPTURE
VU :prineipes d'édéthome > ns ©

d à L :

Pape Grtèque taf élennt eu bas dés Le pagede tte mur


deux airs, Le prermier dorme lus bmons mister du fiasco@: base.
ahaigriqunus de ta emut.c4 den marectite cart ot fenuni de conwition nine
vaches frotte Les anus <a pracnpiotes dupe l'ordre de feux apparition et
deu otre 4er os Stanton vont Ms gré par iGur asia vive d'un point Les
VOAURE CPE 2 s. rein ee | ler eants tonaécritn, +
+
he des divcrgr: tés pou ke f

mununch de be En effet, les chatgnentets Damet. opécts Lomme La lexoe


trapente par lemanvmerit À,a Énüialt jus tre, rashs éoaoun mods Lese durs he
——
VA
PE
are copie. Pastsus, some ai là fcoem du-puuumorkt de hne a'était pas éxcri-
lente. vas lens wseevéc en sorionment dans lis notes une leçue alersr
tive supérieure le Cas étiuns Cumnt #0x suites contre le mrûene elles furet LE
sésoliss soitpar lwiooi desyllabes entre croche droits, | [Amleghe-xtres 14 :
dé aplidtes ou mots entré portathèses,
{à, | 4%

fine utilisons Da majuscthe Gu'an-débun des phrases, vo au


+ amas de chaque vers La misent dles vers west frite tous Re.
Quétre verz Lans le trmvertption for avons vémrté Le graphes dlisnrenmes
de-cans mins, Les dréviatins foress pantalons rémlyig grâce à La
daptnedu mer en Laion lalives qu pas avan enmet abs Lecorpe
tedu
tete. 1-4 notés don nomtrén ai Lhffré roomuin, ne Put maatenne. Nous Avans
méppiué
ds #fennés finaux
esnoûs vous discngué les hottoek Ve nv. Nous
avons épalcrnent noudutuélàà prénenibun pote de diriger dl er tuniiaive, Le 0 ©
Ha advèxbe de Len pour dediinyuct de larteie.déini oui priont personal
noie à Le û pros et mdve dede leo pour 1e dstinguer ds fa space ©
éitpuctive 04 "+ E

Les notes explicatives sé uen aprés le us ls «0800 EE

sentiolhement Ihémutiques. lfincthveent, les Eu Moynietiquies 26e


masse dans Ptude linguistique né firent pat coproduite. dé
tof ui malentendu, Us note cie m5
(Ée traittié cy pour enseignier
fist George l'Aventurier, [-1]
afin que chascun ay remort
de penser au Pas de la Mort,
ditté en belle retoricque
afin que chascun s'i applicque.]

1 dle fus indigne serviteur 220 v°


en tamps de ma prime jonesse
de l'oultrepasse de valeur,
+ la joye de mon povre ceur,
ma parassouvie maistresse.
Mais la Mort par sa grant rudesse,
envieuse de nostre bien,
8 prist son corps et laissa le mien.

ombié de mort et agrevé

plus qu'on ne polvoit concepvoir,


souffrant torment comme .I. dampné,
12 desirant de [non] estre né,
je fus ainsy qu'en desespoir
le plus dolant qu'on peuÿst voir
de tous ceulx que Nature ot fait,
16 par la Mort qui m'avoit desfait.1

1: Leçon de L rejetée : 12 Desirant de moy estre né [A-Ca-Ch-G-J-Ld-M-Pa-Pi]

A INCIPIT - € 2 strophes manquantes (v. 1 - v. 16) - 1 Ca servite - 2 A-J-Ld-Pa Au temps d. m. p.


jeunesse, Ca Au temps d. m. premiere jonnesse [+1], Ch Du temps d. m. p. jeunesse, G Ou temps d. m. p.
jonnesse, M En temps d. m. p. jeunesse, Pi Ou temps - 3 A-M valleur, Ca outrepasse, Ch outrepasse d.
valleur, J En o., Ld ouctrepasse d. valleur - 4 À cuer, Ca-M coeur, Ch pouvre coeur, G-Ld-Pa pouvre cueur,
J cueur, Pi joie - 5 À parassoufie, Ca-M parassouffie, Ch Parassouvye ma, J parassouvye, Ld parassovye - 6
Ca ruidesse, Pa M. L. m. par sa rudesse [-1], Pi grand - 7 J envyeuse - 8 A-Ld-Pa Print, Ch Print s. c. e. I. 1.
myen, G-J-M-Pi Prinst - 9 A-G-Pa agravé, Ca aggrevé, Ch C. d. deul e. agravé, Ld-M-Pi aggravé - 10 A-J-
Ld-M pourroit, Ca pouroit, Ch pourroit concevoir, G porroit, Pa porroit concevoir, Pi Qué o. n. porroit
concevoir - 11 A-J-M S. tourment c. ung d., Ca Souffrans tourment c. ung d., Ch com ung, G tourmant c.
ung, Ld-Pi ung, Pa Soufrant tourment c. ung dempné - 12 A-Ca-Ch-G-J-Ld-M-Pa-Pi D. d. non e. n. - 13
A-Ch-G-Pa fuz ainsi, J-Ld-Pi ainsi - 14 A-M-Pa pourroit, Ca pouirroit, Ch doulant q.'o. pouvoit v., G
doulant q.'o. pourroit v., J dolent q.'o. pourroit veoir, Ld pourroit veoir, Pi dolent q.'o. pourroit v. - 15 Ca
ceulz, Ch eult, M faict, Pa a f. - 16 M quy m'a. desfaict.

55
Pie desfist premiers ma damme,

ma chierté et m'honneur mondain,

et enversa et mist soubz lamme


20 bonté, doulceur, le bruit et famme.
Du premier jusquez au darrain
Dieu l'avoit faite de sa main
pour touttez virtus y adjoindre,
24 que faulse Mort volut desjoindre.

Peu paradvant de son trespas


et en son darrenier parler,
les yeulx coulchiéz en contre bas,
28 volut que moy, dolant et las,
la visse pour desesperer,
car elle me fist appeller,
et me dist basset, à voix casse :
32 «Mon amy, regardez ma fasse?

2: C strophe manquante (v. 17 - v. 24) - 17 A-Ca dame, Ch E. desfeist premier m. dame, G-J-Pa-Pi
premier m. dame, Ld E. desfit premier m. dame, M premier - 18 A-J e. honneur, Ca M. chiereté e. l'onneur
m. [+1], Ch-G-Ld-Pi l'onneur, M e. amour, Pa M. joyë e. honneur m. - 19 À soubx la lame [+1], Ca-Ch-G-
J-Ld-Pa-Pi lame, M E. adversa e. m. s. lame - 20À B. d. et bruit de fame, Ca B. doucheur 1. b. e. fame, Ch
et bruyt de fame, G-M-Pi fame, J 1. b. la fame, Ld et b. de femme, Pa B. d. le bon e. fam - 21 A-Ca-Ch-G-
J-Ld-Pi jusques à. derrain, M derrain, Pa Dieu l'avoit fait de sa main [-1] / INVERSION - 22 Ca Dieus l'a.
fait d. s. m. [-1], Ch-J faitte, G-Ld-Pi faicte, Pa Du premié jusques au derrain / INVERSION - 23 A-Ca-Ld-
M toutes vertus, Ch-G-J-Pi toutes vertuz, Pa toute vertu - 24 À vollut, Ca Q. fausse M. voulut d., Ch Q.
faulce M. voulut d., G-M voulut, J-Ld voulu, Pa Q. f. M. y voult d., Pi volu - 25 A-Pa Pou paravant, C-Ca-
Ch-G-J-Ld-M-Pi paravant - 26 A-C-G-J-Ld derrenier, Ch En s. derrenier p. [-1], M dernier [-1], Pa Ens.
dernier p. [-2], Pi deirenier - 27 A-C-J-Ld-M couchiéz, Ca L. yeulz couchiés, Ch couchéz, G L. y. arachéz
e. c. b. [+1], Pa L. y. couchiéz entre b. [-1], Pi L. yeux couchéz - 28 À Vollut q. m. dollant helas, C-G
Voulu, Ca Vollu, Ch Voulut q. m. doulant, J-Pi Voulu q. m. dolent, Ld Voulut q. m. doullant hellas, M-Pa
voulut - 29 À L. vêisse p. desesper, C-Ca-Ch-G-Ld-M-Pa-Pi veisse, J L. veisse avant son passer - 30 Ch
feist appeler, G C. celle, Ld C. me f. pour a. [-1], M fit, Pi feit appeler - 31 C E. m. d. à basse voix quasse,
Ca quasse, Ch-Pa dit, M E. m. dit à basse v. c. - 32 À M. a. regarder m. face, C-Ca-Ch-J-Pa-Pi face, G
regarde m. face, Ld regardes, M regardes m. face.

56
«Aoyez que fait dolente Mort :
ne l'oublyez desoremais !
Celle que vous aymez tant fort
36 et ce corps vostre vil et ort, 220 v° b
vous perderez pour .I. jamais.
Ce serat puant entremais
à la terre et à la vermine;
40 dure Mort toutte beaulté misne .»

Euant je vich la dolante ymage,


ceste piteuse ramembrance,
che taint et apally visage,
Le je n'euch ne volloir ne corage
qui n'en fut en desesperance .
Tombéz envers par dolëéance,
jJ'eusse volut moy estre riens
48 ou morir avoecq tant de biens.3

3: 33 À Veez q. f. dollante M., C-J-Pa-Pi Voiez, Ca Voyés q. f. doulente M., Ch Voiez q. f. doulente, Ld
Voiés q. f. dollente, M Voyés q. faist doulante - 34 À Et n. l'oublier desormais, C Et n. l'o. desormais, Ca
Et n. l'oubliés desormes, Ch-G-J-Ld Et n. l'oubliez desormais, M Et n. l'oublyés desormais, Pa Et . l'oubliez
jamais [-1], Pi Ne l'oubliez desormais [-1] - 35 À C'est c. q. amiez sy f., C amiés, Ca amyés, Ch C'est c. q.
aymiez t. f., Ld C'est c. q. amiés si f., Pa C. q. aymiez t. f. [-1], Pi amiez - 36 À E. c. votre corps v. €. o.,
Ca viel, Pa vilz - 37 A-M V. perderés p. ung j., C-Ca ung james, Ch-Ld V. perdrez p. ung Jj. [-1], G V.
perdrés p. ungj. [-1], J V. perdrez à toujours mais [-1], Pa V. perdrez p. toutj. [-1], Pi p. à j. - 38 A-G-Ld
sera, C C. sera p. entremes, Ca C. sera p. entremez, Ch C. sera paravant entremetz [+1], J C. sera p.
entremaiz, M-Pi C. sera p. entremetz, Pa entremetz - 39 C-M sa v. - 40 À D. m. toute b. fine, C-Ca-Pi
toute beauté mine, Ch-J toute b. myne, G-Ld-Pa toute b. mine, M toute biaulté myne - 41 À Q. j. viz ce
dollant y., C-Ca Q. j. vey ce dolant ymaige, Ch veiz ce doulant ymaige, G vy ce dolent ymaige, J-Ld vis ce
dolent ymaige, M vis ce doulant y., Pa vis ce dolant y., Pi veiz ce dolent y. - 42 A-Ca-Pa Et trop, C
INVERSION Ce t. et appaly visaige, Ch-G-J Et trop p. remembrance, Ld Et tant p. remembrance, M Et tres
p. r., Pi Et trop p. remenbrance - 43 C INVERSION Et trop, Ca Ce t. e. pally v. [-1], Ch-Pa Ce t. e. apaly
visaige, G Ce t. e. appaly visaige, J Ce t. e. tant paly visaige, Ld Ce t. e. appalli visaige, M Ce t. e. a.
visaige, Pi Ce - 44 À J. n'euz n. voulloir n. couraige, C J. n'euz volente n. coraige, Ca vouloir n. courage,
Ch-Ld J. n'euz n. vouloir n. couraige, G J. n'eu n. vouloir n. couraige, J J. n'euz n. vouloir n. courage, M
voulente n. courage, Pa J. n'eulx n. vouloir n. couraige, Pi J. n'euz n. voloir n. courage - 45 A-Ld Q,. ne fust,
C-Ca-Ch fust, G-J Q. ne feust, Pa Q. ne, Pi Qu'il ne - 46 À Tumbay e. p. desplaisance, C-G-J-Ld-Pa-Pi
Tumbé, Ca Tumbé enviers, Ch Tombé e. p. douléance, M Tombé e. p. dolléance - 47 A-C J'e. moy voullu e.
rien, Ca J'e. moy volu, Ch-Ld-M J'e. moy voulu, G J'e. moy voulu e. rien, J J'e. voulu m. e. rien, Pa J'e. bien
voulu e. rien, Pi J'e. moy volu e. rien - 48 À aveuc t. d. bien, C-Pi avec t. d. bien, Ca avoec, Ch-Ld mourir
avec, G-J mourir avec t. d. bien, M mourir, Pa avecques t. d. bien [+1].

50
net qui congnissoit mon ceur
chargat qu'on me porta{s]t dehors.
Tantost aprez, par grant doleur,
92 congnissant son vray Createur,
son esperit partit du corps
et est mis ou nombre des mors
la chose la plus assouvie
56 de tout ce qu'aujourd'huy at vie.

Be racompter mon infortune


il est force que je m'en passe;
c'estoit doleur non pas commune,
60 Dieux en gart chascun et chascune !
Combien que soit la droitte passe,
che n'est pas ju de passe passe,
car on s'en va sans revenir :
64 Dieux nous y laisse bien venir.4

4: Leçon de L rejetée : 50 Chargat qu'on me portait dehors [C-Ca-Ch-G-J-Ld-Pa-Pi]

49 À Celle q. c. m. cuer, C-Pi Celle q. congnoissoit, Ca Celle qui congnoissoit m. coeur, Ch Elle q.
congnoissoit m. cueur, G Celle q. congnissoit m. cueur, J-Pa Celle q. congnoissoit m. cuer, Ld Celle q.
congnoissoit m. cueur, M Celle quy congnoist m. cuer [-1] - 50 À Cherga quë on m. porta hors, C-G Charga
quë on m. portast hors, Ca Cherga quë on m. portast hors, Ch Charga que l'on m. portast d. [+1], J Chargea
que l'en m. portast hors, Ld Charga que l'on m. portast hors, M Charga que l'en m. porta hors, Pa Charga
que l'en m. portast hors, Pi Charga q.'o. m. portast hors [-1] - 51 A-M dolleur, C-G apres, Ca-Ch-J-Ld-Pa
apres p. g. douleur, Pi grand - 52 A-C-Ch-G-M-Pa-Pi congnoissant, Ca-Ld Congnoissans, J [Vers
manquant] - 53 C-Pi party, Ca-M parti, J L'e. partist de son c., Ld partist, Pa S. esprit departit d. c. - 54 Ca
mys, Ch E. le mist, G-M-Pa au n., J E. est ou n. d. m. [-1], Ld mise - 55 À assousfie, Ca assoufie, Ch-J-Ld
assouvye, M assouffie - 56 A-Ch-G-Ld-M-Pa-Pi a.'uy a, C D. tous ceulx q.'a.'uy ont v., Ca a, J a.'uy a vye-
57 A-C-Ch-J-Ld-M-Pa raconter, Pi racomter - 58 Ch q. j. me p. - 59 À doulceur, Ca-Ch-J-Ld-M-Pa
douleur - 60 A-C-Ch-G-J-M-Pa Dieu e. gard, Ca Dieus e. gard, Ld Dieu e. garde chescun e. chescune [+1],
Pi Dieu e. gard chacun e. chacune - 61 A-J c'est, C-Ca-M-Pa c'est 1. droite p., Ch-G-Ld c'est 1. droicte p. -
62 A-Ca Ce n'e. point jeu, C-Ch-J-Ld-M-Pa Ce n'e. p. jeu, G jeu, Pi gieu - 63 Ld l'en, Pa l'en y v. - 64 A-C-
Ch-G-J-Ld-Pa Dieu, Ca Dieus, M Dieu n. y lesse.

58
Ha lil fault morir une fois,
et ne scet on quant ne comment, nr cerlet. a Pass
et fault porter le fais et pois Étibe ra po f\
68 de ce donton a pris le chois D ON pr
pour attendre son jugement,
qui sera de joye ou tourment
dont l'ung et l'autre est pardurable :
72 joye mundaine est peu durable.

S y fault haÿr ce flatant monde


dont la doulceur est annemie :
le plus hault bien qui y habonde 2211%a
76 tout ossy tost passe que l'onde,
qui est de hault tost abaissie;
ceste chose m'estoit muchie
et ne l'eusse sceu percepvoir,
80 mais ma damme m'en fu miroir.5

5: 65 Ca-Pa foiz, Ch Mais i. f. mourir, G-Ld mourir u. foiz, J mourir, Pi L. y f. - 66 J sceit, M l'en - 67 C-
La faiz, Ca poiz, Ch-J poix, G f. le p., M faut p. I. fait e. poid, Pa faiz e. poix - 68 A-Ch-J-Ld prins, C
prins 1. choiz, Ca choiz, G don, Pa prins I. choix, Pi donc o. a prins - 69 C-M atendre, Ch-G-Pa actendre,
La P. entendre - 70 C joie, Ca-G-Pa j. en t., Ch torment, J joye tourment [-1], M quy, Pi joie o. torment -
71 À l'une. l'autre, C-Ca-G-M-Pa l'un, J l'une - 72 A-Ca J. mondaine e. pou d., C Joie mondaine, Ch
Nostre vie est peu durable, G-Ld-M mondaine, J-Pa mondaine e. pou, Pi Joie mondaine e. pou d. -73 Ca
haïr, Ch-G-Pa Si, J S'il f. h. c. flattant m., Ld Si f. b. c. dolent, M Si faut haïr, Pi Si f. haïr - 74 À dolleur e.
ennemie, C-M ennemie, Ca D. 1. doucheur e. ennemye, Ch-Ld-Pa douleur e. ennemie, G annemie, J
ennemye, Pi Donc 1. d. ennemie - 75 J b. qu'en ce h., Ld Car le hault bien, M quy y habunde - 76 A-Ca Est
aussy, C-G-Pi Et aussi, Ch Est aussi toust, J-Ld-M-Pa Est aussi - 77 G-Ld-Pa abaissee, M quy, Pi
abbaïissie - 78 À maichie, C muchye, Ch musiee, G mussee, Ld mussé, M cose, Pa mucee, Pi m'etoit muciee
- 79 C-J-M-Pi percevoir, Ca perchevoir, Ch concevoir, G-Pa parcevoir, Ld peu parcevoir - 80 A-Ch-M
dame m'e. fist, C-Pa dame m'e. fut, Ca-Pi dame, G dame m'e. f. mirouer, J dame m'e. fust, Ld dame m'e. fut
mirouer.

59
Pour coy, pour mirer les mondains,
congnissant ma fragilité
come celly qui scet le mains,
84 ay fait et escript de mes mains,
ainsy come je l'ay trouvé,
ce traitié que j'ay compilé
et nommé le Miroir de Mort :
88 chascun en doibt havoir remort.

Pour au Miroir de Mort mirer,


penser y fault en remirant,
et sy nous fault tous admirer
92 de ceux que nous véons miner.
Par la Mort qui nous va minant,
rien n'y vault dont nom dominant;
il ne ly chault pour abregier
96 non plus d'ung roy que d'ung bregier.6
PT
ALP

6: 81 A-C-Ca-Ld-M-Pa-Pi P. quoy, Ch Pourcquoy, G Paar quoy, J P. quoy à - 82 A-C-G-J-Ld-M-Pa-Pi


congnoissant, Ca congnoissans, Ch congnoissant sa - 83 À Comme celui q. s. L. moins, € Comme celluy,
Ca-Pa Comme cellui, Ch Comme celluy q. s. 1. moins, G celluy q. s. 1. moins, J Comme cil q. en s. 1.
moins, Ld Comme cellui q. s. 1. meins, M celuy, Pi Comme celuy - 85 A-Ca comme, C-Ch-J-Ld-M-Pa-Pi
Ainsi comme, G Ainsi - 86 A-J C. traittié q. j'a. compillé, Ca-Pi traictié, Ch-G-Ld traictié q. j'a. compillé,
M traitiét q. j'a. copilé, Pa C. miroir - 87 G-Ld-Pi mirouer, M Est nommét, Pa nomé - 88 A-C-Ca-Ch-Gr-J-
Pa doit avoir, Ld Chescun e. doit avoir r., M avoir, Pi Chacun e.doit avoir - 89 Ch-G mirouer, Ld mirouer
d. m. venir - 90 Ch P. nous f., M faut - 91C-J E. si n. f. t. amirer, Ch INVERSION De ceulx que nous
vouldrons mirer, G E. si n. f. tout en mirer, Ld-Pa-Pi si, M E. si n. faut t. amirer - 92 À D. ceulx q. n. v.
mirer, C D. ceulx q. n. voulrons m., Ca D. ceulz q. n. voions m., Ch INVERSION Et si nous fault tous
admirer, G-Ld D. ceulx q. n. voyons m., J D. ceulx q. n. voyons myner, M voyons, Pa D.ceulx q. n. voyons
mirer, Pi D. ceulx q. n. voions m. - 93 Ca-J mirant, Ch mynant - 94 À KR. n'y v. don non mie nampt, C-G
Riens n'y v. don non mie nant, Ca Riens n'y v. don non mie nampt, Ch R. n'y v. don ne mye nampt, J R. n'y
v. donc non mye nant, Ld R. n'y v. don non mye namp, M Riens n'y vaut don nommies nampt, Pa Riens n'y
v. don nommé nampt, Pi Riens n'y v. don nommie nant - 95 A-Ca-J lui, Ch-G-Pa luy, Ld I. n. leur, M lei
chaut, Pi abreger - 96 A-C-Ca-M d'un r. q. d'un b., Ch-Ld bergier, G-J-Pa d'un r. q. d'un bergier, Pi berger.

60
ant Uepr-3e= orfre (bus ue. 6- A... XX

Éomme au miroir y est la glace,


là l'eur on voit sa ramembrance,
on y choisist et corps et face,
100 mais de legier elle s'efface
car elle n'a point de souffrance;
elle ne poelt havoir grevance
que de legier ne soit cassée :
104 nostre vie est plus tost passée.

Mirons nous dont et remirons;


véons où est le premier né,
chelly de qui nous tous venons.
108 Où sont les vaillans campyons,
cheux qui despuis ly ont esté ?
Où est le Troyen aduré
qui faisoit les autrez morir ?
112 Il ne fut néz que pour poulrir !7

7: 97À C. ou m. sy, Ca il est la glace, Ch-Ld mirouer si, G miroer, J m. est 1. g. [-1] - 98 A-C-Ca-M-Pa L.
où, Ch L. où l'on, G-Ld-Pi L. où o. v. s. remembrance, J Où o. percoit s. remembrance - 99 À choisit, Ca Là
on c., Ch O. le, Ld L'en, M Où on c., Pa L'en y c. e. cuer e. f. - 100 Pi leger - 102 A-J-M-Pa E. n. puet avoir
g., C-Ca-Ch-Ld-Pi E. n. peut avoir g., G peult avoir - 103 Ca quassee, Pi leger -104 Ch tantost, J finee, Pa
bien t. - 105 C-G-Pa donc, Ca doncq, Ch doncques [+1], J M. n. bien e. remyrons, Ld M. dont e. r. [-1] -
106 Ca-M-Pi Voions, Ch-G-J-Ld-Pa Voyons - 107 A-Ca Celui, C Celluy d. cuy, Ch-G Celuy, J-Ld-Pa
Cellui, M Cely d.quy, Pi Cely - 108 A-C-Ch-G-J-Ld-Pa-Pi champions, Ca-M campions - 109 À Ceulx q.
depuis lui, C-Ch-G-Ld-Pa Ceulx q. depuis luy, Ca Ceulz q. depuis lui, J Ceulx q. ont devant nous esté, M
Ceulx q. d. luy, Pi Ceulx q. depuis - 110 C-Ca-G-Pi Troien - 111 A-C-Pi aultres, Ca-G-Pa autres, Ch-J
autres mourir, Ld aultres mourir, M Quy f. 1. autres m. - 112À L. n. f. fait q. p. pourrir, C I. n. fu né q. p.
pourrir, Ca-M-Pi fu ». q. p. pourir, Ch-G-Ld né q. p. pourrir, J I. n. fust né q. p. pourrir, Pa né q. p. pourir.

61
Eà sont les princeps de la terre ? 221r°b
Où est Alexander d'Aillier,
chelly qui tout vollu conquerre ?
116 Où est le bon roy d'Angleterre,
Artus et son coraige fier ?
Et Lanselot, bon chevalier,
qui fut gardé de son honneur ?
120 I1z sont mors comme .IL. laboureur !

harientaitie roy des Franchois,

qui les Espaignes reconquist ?


Rolant et Ogier le Danois,
124 qui soubstinrent les fais et pois
advant ce que la foy le[s] mist ?
I1z ont logich ossy petit
et aussy bien par dedens terre
128 que celly qui va son pain querre !8

8: Leçon de L rejetée : 125 Advant ce que la foy le mist [A-C-Ca-Ch-G-J-Ld-M-Pa]

113 A-C-G-J-Ld-Pa-Pi princes, Ca-M prinches, Ch premiers - 114 À Alixandre d'Allier, C-Ch-J-Ld-M-Pa
Alixandre d'Alier, Ca Alxandre d'Alier [-1], G Alixandre d'Alyer, Pi Alexandre d'Aaliier - 115 À Celui q.
tant vault concquerre [-1], C-Ca-Ch Celluy q. tant voulu c., G Celuy, J Cellui q. tant voulu, Ld Cellui q.
tant voulut, M Cely quy tant volu concquere, Pa Cellui q. tant voult concquerre [-1], Pi Celui q. tant voulu -
116 Ca-M Engleterre - 117 A-G-J-Pa couraige, Ca-M corage, Ch Arthus e. s. couraige f., Ld-Pi courage -
118 À E. Lansselot b. chevallier, C-G-J-Ld-Pa Lancelot, Ca Lansselot, Ch E. Lancelot b. chevallier, Pi E.
Tristan le bon chevalier - 119 C-Ca-J fu, M Quy fu - 120 A-C-Ca-Ch-G-J-Ld-M-Pa ung, Pi morts c. ung -
121 A-C-G-J-Pa-Pi François, Ca C. roix d. Franchoix, Ch-Ld Charlemaigne r. d. François, M Charlemagne
- 122 À deconquist, Ca-Pa-Pi Espaingnes, G Ou, M Quy I. Espaingnes - 123 À Rolland, C Dannois, Ca
Roland, Ch Rollant e. O. 1. Dannois, G Roland e. Olivier 1. Dannoys [+1], J Roulant e. O. 1. Dannois, M
Rollant, Pi Roland e. Oger 1. Danoys - 124 À Q.'soustinrent le, € Q. soustindrent 1. f. e. poiz, Ca-Ch-Pi Q.
soustindrent le, G Q. soustindrent le f. e. poix, J-Pa Q. soustindrent le faiz e. poix, Ld Q. sousteindrent le
faix e. poix, M Q. soustinrent le faix - 125 A-Pa Avant c. q. 1. f. les m., C-G-J-Ld-M Avant c. qu'à 1. f. les
m., Ca Avant c. qu'à I. f. les mit, Ch Avant c. q. 1. mort les print, Pi les - 126À Ilz logis aussy petit [-1], C-
Ld-Pi logis aussi p., Ca logeiz aussy, Ch logeis aussi, G logeiz aussi, J Passéz sont par mort qui tout nuyt,
M Il o. L. aussi, Pa logiz aussi - 127 C-J-Ld-M-Pi aussi, Ch-G-Pa E. aussi b. p. dedans t. - 128 A-Ca-J-Ld
celui, C Comme celluy q. v. p. q., Ch-G celluy, Pa cellui, Pi cely.

62
EU le grant renommé Pompée
qui aux Rommains fist tant de biens,
que par fureur de son espée
132 leur subjuga tant de contrée
que .XXIL. roys furent siens ?
Aprez tous ses haulx fais terriens,
il est comme .I. foible passé,
136 car despiecha est trespassé.

Eheuy qui les Alpez passa,


Hanibal le duc de Cartaige ?
Doloureusement desvya
140 par le venin qui l'abuvra,
dont ce fut pitet et dammaige.
Samson qui de force fist raige ?
il fu tuet piteusement,
144 à cop ainsy qu'en ung moument.?

9: 129 Ch E. I. craint r. P., Pi grand - 130 A-C-G-J-Pa bien, Ca Q. auz R. f. t. d. bien, Ch Q. au R. fit, Ld
Romains, M Quy a. Romnains, Pi feit t. d. bien - 131 Pa Qui p. force - 132 A-Ch-Ld toute c., Pi tante c. -
133 À Q. vingt et deux roix f. sien, € Q.vingt deux rois f. sien, Ca Q. .XX. et deux furent sïen, Ch Q. vingt
deux r. f. sien, G sien, J Q. .XXII. furent sien -134À A. son beau fait terrien, C-Ca-Ch-G-J-M-Pa-Pi Apres
son bien fait terrien, Ld Apres ses biens faiz - 135 A-Ca-Pi Il fu tué piteusement, C-G ung, Ch-Ld-Pa Il fut
tué piteusement, J Il fust livré à grant tourment, M Il fu tuéz piteusement - 136 À Tout ainsy qu'en ung
mouvement, C-G de pieça, Ca Ainsi come en ung mouvement, Ch Ainsi comme en ung movement, J Et
mourust bien piteusement, Ld-Pi Ainsi comme en ung mouvement, M Ainsi commé en ung moument, Pa
Ainsi commé en ung moment - 137 A-J Celui q. 1. Alpes p., C-Ca Celluy q. 1. Alpes p., Ch Celluy, G Celui
q. l. mers p. [-1], Ld Cellui q. 1. espes p., M Celly q. 1. Apes p., Pa Cellui q. 1. Alpes p., Pi Cely q. 1. Alpes
p. - 138 C Carthaige, Ca-J-Pi Cartage, Ch Hannibal, G H. 1. roy, M ducq d. Cartage - 139 À
Dollereusement devia, C-J Douloureusement devya, Ca-Pa Douloureusement devia, Ch Douloureusement
desvia, G Doloreusement trespassa, Ld Doloreusement devia, M devia, Pi Dolereusement devia - 140 A
qu'on lui donna, C-Ca l'abeuvra, Ch-Ld qu'on luy donna, G abuvra - 141 A-Ch A boire. Dont ce fut
dommaige, C fu pitié e. dommaige, Ca fu pitié e. dommage, G pitié e. dommaige, J fust pitié e. dommaige,
Ld A boire. Dont ce fut dommaige, M fu pité e. domaige, Pa pitié e. dommage, Pi Donc c. fu pitié e.
dommage - 142 À Sansson, C-G Sanson, Ca Sansson q. d. f. f. rage, Ch Sanson q. d. f. fit, J Sanson q. d. f.
f. rage, Ld Sampson q. d. f. fit, M Sanson quy d. f. f. rage, Pa Sampson, Pi feit rage - 143 A-Ca-J-Ld Il est
comme ung foible passé, C-G tué, Ch Il est com ung foible passé, M Il est comme un fleble passé, Pa Est
comme ung foible passé [-1], Pi Il est comme ung floibe passé - 144 A-Pa-Pi Car de pieça est trespassé, C
Ainsi comme en ung mouvement, Ca-M Car de piecha est trespassé, Ch Car ja pieça est trespassé, G Ainsi
comme, J Car despieça est trespassé, Ld Car despiessa est trespassé.

63
6 sont les preux du tamps jadis
qui ferirent tans cops d'espée ?
La roÿne Semiramis ?
148 La renommée Thamaris ?
Et la belle Pantaphillée ?
certez toutte la plus doubtée,
at eubt dolente departie
152 et dure mort en sa partie.

ER la mere du treshault roy, 221v a


Olympias, noble roÿne ?
qui morru par .I. desarroy,
156 la plus dolente que je voy
fors l'emperessé Agrappine,
que son fil pour véoir le signe
et le lieu où il fu porté,
160 le fist ouvrir, qui fu pité.l0

10: 145 À O. s. I. princes de jadis, C-G-Ld ©. s. 1. preuses de jadis, Ca ©. s. 1. prouesses de jadiz [+1], Ch
p. d. jadis [-1], J ©. s. L. dames de jadis, M O. s. I. preusses de jadis, Pa O. s. IL. p. de jadiz [-1], Pé O.s. 1.
preuses de jadiz - 146 À coups, C Q. f. tant de c. d'e. [+1], Ca Q. f. tant de copz d'e. [+1], Ch Q. firent tant
de coups d'e., G-Pa Q. f. tant de coups d'e. [+1], J-Ld tant coups, M Q. firent tant de cop d'e., Pi Ou f. tant
copz d'e. - 147 Ca Semiramiz, Ch Semyramis, Pa roÿnne Semyramis - 148 Ca L. renomnée Thamariz, Ch
Themaris, G regnommée - 149 A-C-Ld-Pi Panthasilée, Ca-Ch-G Panthasillée, J Panthazillée, M Pantasilée,
Pa Penthasilée - 150 À Certes la plus doubtée [-2], C-Ca-Ch-G-Ld-Pa Certes toute, J Qui en son temps fut
redoubtée, M Certes, Pi Certe toute - 151 À A eu dollante d., C-Ca-Ch-G-Ld-M-Pa-Pi À eu, J Elle eust -
152 Ca E.d. mor[tache] - 153 Pa d'un t.r., Pi tresgrand r. - 154 A-C-Ca-Ch-G-Ld-Pi Olimpias, Pa roÿnne -
155 À Q. morut en tresgrant desroy, C-Pi Q. moru p. ung d., Ca morut p. ung desaroy, Ch Elle mourust par
d. [-1], G-Pa morut p. ung, J mourut pour ung desaroy, Ld Elle morut p. d. [-1], M Quy morut pour ung
desaroy - 156 À dollante, Ca dolante, Ch doulente - 157 À F. l'empereïs Agripine, C F. l'empereÿs Agripine,
Ca F. l'empereïs Agrippine, Ch Agripine, G F. l'emperiïers Agrepine, J F. l'emperis Agripine [-1], Ld F.
l'emperis Aggripine [-1], M F. l'emperiïs Aggripine, Pa F. l'emperris Agrapine [-1], Pi F. l'emperris Agrepine
[-1] - 158 A-C-Ch-G-J-Ld-M-Pa-Pi filz, Ca veïr - 159 Ca portéz, Ch-G-J-Ld-Pa fut - 160 À fut, Ca pitéz,
Ch Fit o. q. fut grant p., G La f. o. q. fust pitié, J fut pitié, Ld La fit o. q. fut pitié, Pa L.f. morir q. fut pitié,
Pi La feit o. que

64
Ha bonne roÿne Hecuba,
femme du noble roy Priant ?
laquelle vit et regarda
164 que Mort tous les siens ly hosta
qu'elle n'eubt riens de demorant.
Elle choisy Troye brullant
advant le tamps de son termine,
168 et puis elle devint vermine.

Eh est d'Elaine la beauté,


sur touttes aultrez non parelle ?
Où est l'honneur et la chierté
172 de Lucrece, et sa casteté
de quoy ung chascun s'esmervelle ?
Eureux est celly qui y velle,
et qui congnoist qu'il fault suÿr :
176 helas, nous ne poons fuÿr !11

11: 161 G Hettuba, Pa roÿnne - 162 G-Pa Priam, J F. au bon noble r. P. - 163 C Laquele, Ca vey, J A qui
mort tous les siens osta - 164 A-Ca-Ld Q. M. tout le sien lui osta, € Q. M. tout le sien, Ch-G-Pi tout le sien
luy osta, J De fait à elle s'arresta, M tout le sien ly osta, Pa luy osta - 165 A-G-Pa Q'e. n'ot r. d. demourant,
C Q'e. n'eut r. du demourant, Ca Q.'e. n'eust r. d. demourrant, Ch-Ld n'eut r. d. demourant, J demourant,
M n'eult r. d. demourant, Pi eut - 166 A-Ch choisit, C-Pi E. choisist Troie brulant, Ca-Ld-Pa choisist T.
brulant, G choisist, J brulant, M choisit T. brulant - 167 A-C-Ca-Ch-G-J-Ld-Pa-Pi Avant 1. temps, M
Avant - 168 J Dont p. - 169 À d'Helaine 1. beaulté, C de Helaine [+1], Ch-J de Helayne 1. beaulté [+1], G
de Helesie [+1], Ld beaulté, M biauté, Pa d'Elaynne 1. beaulté, Pi de Helaine 1. beaulté - 170 À-G-J-PaS.
toutes autres n. pareille, C-Pi S. toutes aultres n. pareille, Ca Sus toutes autres n. pareille, Ch S. toutes la
non pareille [-1], Ld S. toutes femmes n. pareille, M autrez - 171 À O. e. l'onneur e. 1. clareté [+1], € ©. e.
honneur, Ca-Ch-G-Ld-M-Pa-Pi onneur, J l'amour - 172 A-Ca-Ch-G-J-Ld-Pa D. Lucresse e. s. chasteté, C-
Pi chasteté - 173 A-C-Ca-Ch-J-Ld-Pa esmerveille, G se s'esmerveille [+1], Pi chacun s'esmerveille - 174
A-J-Pi celui q. y veille, C-G celluy q. y veille, Ca Eureulkx e. cellui q. y veille, Ch Heureux e. celluy q. y
veille, Ld cil q. y veille [-1], M cely quy, Pa cellui q. y veille - 175 À-G E. qu'il congnoit q.'i. f. finir, €
sievir, Ca congnoit qui f. morir, Ch congnoit q.'i. f. finir, J finir, M E. quy congnoit q.'i. faut suïr, Pa suïr,
Pi E. qu'il congnoit q.'i. f.suir - 176 A-Ca Elas n. n. povons f., C-G povons fuïr, Ch pouvons, J n'y povons f.,
Ld Hellas n. n. povons f., M fuïr, Pa Ellas n. n'y povons f., Pi povons faillir.

65
Nous ne poons fuÿr, helas !
Ne recouvrer le tamps passé.
Chelly est bien chetif et las
180 qui ne craint le doloureux las
de l'esperit qui fu dampné,
qui par orgoel fut renversé
et tous les siens du chiel lassus.
184 Nous debvons bien penser la sus,

Euant cheulx sy noblement créés,


et en leur bealté tant loables
furent pour tout jamais dampnés
188 et souldainement transmués,
quant d'angelez il devinrent dyables,
et par orgoel espoentables 221 v°D
en supplice eternelement
192 et doleur sans amendement.!2

12: 177 À povons f. elas, C-Ch-G-Pi povons fuïr, Ca-J povons, Ld povons f. hellas, M fuïr, Pa n'y povons f.
hellas - 178 A-C-Ca-Ch-G-J-Ld-Pa-Pi temps - 179 À Celui e. b. chetifz, C Celluy, Ca Cellui e. b. chetifz,
Ch-G Celuy, J-Ld-Pa Cellui, M Celi, Pi Cely - 180 À dollereux, C crient 1. doulereux, Ca crient, Ch-Ld-
Pa douloureux, G doloreux, J les douloureux, M doulereux, Pi dolereux - 181 A-C-Ch-G-J-Ld fut, Pa D.
l'esprit q. f. dempné [-1] - 182 À Et p. orgueil f. enverssé, C-G-Ld orgueil f. enversé, Ca-Pi orgueil fu
enversé, Ch Et p. orgueil f. enversé, J orgueil, M orguel fu enversé, Pa orgueil f. enverssé - 183 A-M-Pa
ciel là sus, C-Ca-G-Ld ciel, Ch O tous les adherans L., J-Pi ciel çà jus - 184 À Bien y devons penser çà jus,
C-Ca-Ch-G-J-Ld-M devons, Pa Nous y devons b. p. çà jus [+1] - 185 A-M ceulx s. n. crééz, C-Ch-G-J-Pa-
Pi ceulx si n. crééz, Ca ceulz s. n. crééz, Ld ceulx si - 186 A-Ld leurs beaultés t. louables, C beauté t.
louables, Ca leurs beautéz, Ch leurs beaultéz t. louables, G leurs beautés t. louables, J leurs beaultées [+1],
M beautéz t. louables, Pa beaulté t. louables, Pi beauté - 187 À F. pour jamais condempnés, C EF. p. à j.
dampnéz, Ca-J F. pour jamais condampnéz, Ch-Pa F. pour jamais condempnéz, G-Pi F. pour j. dampnéz [-
1}, Ld F. pour jamais condampnés, M condampnés [+1] - 188 A-Ca-J-M soudainement transmuéz, C-G-Pi
soubdainement transmuéz, Ch transmuéz, Ld soubdainement - 189 A d'angeles ilz, C d'angeles ilz
devindrent deables, Ca angeles y devindrent deables, Ch anges ilz devindrent, G angelz i. devindrent
diables, J angres si devindrent deables, Ld-Pa anges ilz devindrent deables, M angles y devinrent deables,
Pi angres ilz devindrent deables - 190 A-Ld E. p. leur orgueil espoventables [+1], C-Ca orgueil, Ch-G-J-Pa
orgueil espoventables, Pi orgueil espoantables - 191 A-M supplisse, Ca-Pa-Pi eternellement - 192 A
dolleur, Ca doulour, Ch-J douleur, Ld amandement, Pa douleur s. admendement.

66
Bardons nous doncquez de peciet
quy est à Dieu tant desplaisant;
se nous en sommez entechiet,
196 faisons qu'il soit desembuschiet.
Vêéons dont nous venons naissant
et que nous sommes en morant;
et aprez, que nous serons mors,
200 che nous sera humble remors.

renons en nous humilité


et laissons ce peciet d'orgoel !
Pensons à nostre humanité,
204 voyons bien nostre povreté
et nostre ceur en ara doel;
souspirons et plorons de l'oel
contemplant nostre briesve vie :
208 sageest celly quipeus'yfie.l3 4°UP1 LS
AE NA Re LD
X L
x
Don, Le. € 40.2 LA. 2

13: 193 À du pechié, C donques d. pechié, Ca doncques d. pechié, Ch doncques d. peichié, G-J-Ld
doncques du pechié, M doncques du pecié, Pa G. n. donc du pechié [-1], Pi donques d. pechié - 194 A-C
Qui, Ca Qui e. tant à D. desplaisans, Ch-G-Ld Qui . tant à, M tant à D., Pa Qui tant est à D. d., Pi Qui tout
est à D. d. - 195 A-C-G-J-M-Pa-Pi sommes entechié, Ca sommes entechiés, Ch sommes entaichié, Ld
sommes entachié - 196 A-C desembuschié, Ca desembuschiés, Ch-J-Ld desambuchié, G q.'i. nous s.
desembuché [+1], M Fasons q.'i. s. desembuchié, Pa desembuchié, Pi desembucié - 197 C Voions, Ca
naissans, Ch-J-Ld Voyons, Pa Voyons d. v. n. [-1] - 198 À devenons, Ch-G-Ld-M mourant, J E. quelz n. s.
e. mourant - 199 CE. apres quant, Ca-Ch-G-Ld-M-Pa apres, J E. apres q. n. sommes m., Pi sommes - 200
A-C-Ca-Ch-J Ce, G Se, Ld De, Pa Ce 5. h. remort, Pa Ce n. s. h. recordz - 201 A-Ch-G-J-Ld-M-Pa P.
doncques h., C-Pi P. donques h., Ca Prendons doncques h. - 202 A-C-Ca-G-Ld-Pa pechié d'orgueil, Ch
peichié d'orgueil, J-Pi le pechié d'orgueil, M leissons c. pecié d'orguel - 204 A-G Vëons, C-Ca-Pi Voions,
Ch-Pa pouvreté - 205 A-J cuer e. aura dueil, C-Pi aura dueil, Ca coeur e. avera dueil [+1], Ch cueur e. aura
deul, G cueur e. aura dueil, Ld* [vers suppl.] Et que nous sommes en mourant/ cueur en aura dueil, M cuer
e. aura duel, Pa cuer e. aura deuil - 206 A-Ca plourons de l'ueil, € plourons de dueil, Ch-M plourons d.
l'uel, G-Ld Souppirons e. plourons d. l'ueil, J pleurons d. l'ueil, Pa plourons d. l'euil, Pi oeil - 207 A-Pi
povre, C Contemplons, Ca-M brieve, Ch Contemplons n. pouvre v., J Contemplons n. povre v., Ld pouvre -
208 À Saige e. celui q. pou, C Saige e. celluy q. pou s'i f., Ca cellui q. pou, Ch Saige e. celluy q. pou s'i fye,
G Saiges e. qui p. s'y f. [-2], J Saiges e. qui petit s'i fye, Ld Saige e. cellui q. p. s'i, M celuy q. p. s'i, Pa
Saige e. cellui q. pou s'i, Pi celui q. p. s'i.

67
Ayons fiance au Createur
qui pour nous la mort endura,
à telle amertu[mlJe et doleur,
212 que la pensant dedens son ceur
habundance de (son) sang sua.
Le povre peceur que fera
quant son Dieu tant doubta la mort ?
216 Il a mestier de son confort.

S y fault havoir celle souffrance


et tresamere pation = Pare
à l'heure de sa doleance
220 en doloureuse ramembrance,
et piteuse compation,
adfin qu'elle soit campion
contre Satham et son malice :
224 ilne nous est rien plus propice.l4

14: Leçons de L rejetées : 211 A telle amertune et doleur [A-Ch-G-J-Ld-M-Pi-Pa] / 213 Habundance de
son sang sua [A-C-Ca-Ch-G-J-Ld-M-Pa]

209 À ou C., C Aions, M aux, Pi Aions f. ou - 211 À En t. amertume e. dolleur, € A tele aventure, Ca En
celle aamertune e. douleur, Ch-Ld-M amertume e. douleur, G-Pi amertume, J Et. t.-amertume e. douleur, Pa
En t. amertume e. douleur - 212 À Q. lui p. d. s. cuer, Ca coeur, Ch-G-Ld-Pa dedans s. cueur, J-M cuer -
213 A-Ch d. sang s., C-Ca-G-J-Pa Habondance d. sang s., Ld Habondance d. sang seigna, M Habondance
d. sancg s., Pi Habondance [+1] - 214 A-C-Ca-J-M-Pi pecheur, Ch-G-Ld-Pa pouvre pecheur - 216 Pa I. a
bien m. de confort - 217 A-Ca avoir, C S'il f. avoir ceste s., Ch-Pi Si f. avoir telle s., G-J-Ld-Pa Si f. avoir,
M faut avoir - 218 A-C-Ca-G-Ld-M-Pa-Pi passion, Ch tresamaire passion, J De t. passion - 219 À l'eure d.
s. dolleance, C-Ca-G-J-Ld-Pa-Pi eure, Ch eure d. la, M eure d. s. douleance - 220 À dollereuse, C-Ca-M-
Pa douloureuse, Ch-J douloureuse remembrance, G dolereuse remembrance, Ld Et douloureuse
remembrance, Pi Et en dolereuse remembrance [+1] - 221 À compacion, C-Ca-Ch-G-J-Ld-Pi compassion,
M-Pa En p. compassion - 222 A-C Afin q.'e. s. champion, Ch-G-J-Ld-Pa-Pi Affin q.'e. s. champion, M Afin
- 223 A-C-Ca-Ch-G-J-Ld-M-Pa-Pi Sathan - 224 A-C-Ca-Ch-Ld-Pi riens, G riens si p., M riens p. propise,
Pa Riens ne nous est plus proppice [-1].

68
\ | Loge nÆor ; …
N
ol € ” \
APT
rs { ; C nee jt
lu : uant nous cuidons estre plus hault,
»
X FN plus subitement dechëons. 22213
Il ne nous fault guerez d'assault :
228 ung petit de froit ou de chault
nous fait avoir les trencisons
ou les mules à nos talons,
ou tout subitement morir
232 sans regarder nostre loisir.

Be cheux que tu vois en jonesse,


en ton éage premerain,
se tu vis jusquez en viellesse,
236 tu trouveras que Mort ne lesse
ne vieux, ne josne, ne mondain;
ung en sancté mora demain.
Tu vois souventesfois assez
240 plus de mors que de demoréz.15

15: 225 À bien h., Ch cuydons - 226 A Bien soubitement, J subtivement - 227 A-Ch-Pa-Pi gueres, C
guaires, Ca-G-J-Ld gaires, M faut gaires - 228 Ca-M chaut - 229 À trenquisons, C trenchizons, Ca
trenchisons, Ch tranchaisons, G-Ld-Pi tranchoisons, J trenchesons, M trensoisons, Pa N. f. a. L. frissons [-1]
- 230 A-G mulles à noz tallons, C-Pi noz, Ca O. 1. mulles auz tallons [-1], Ch O. I. mulles à deux à deux
tallons [+2], J-Ld mulles à noz, M no tallons, Pa mulles - 231 A-Pa soubitement, Ch-G-Ld mourir, J
soubitement mourir - 232 À S. r. n'avoir L., Ch loysir, Pa S. actendre n. loysir - 233 À D. ceulx q. t. vize.
jeunesse, C D. ceulx q. t. viz e. jonece, Ca ceulz q. t. veiz e. jonnesse, Ch ceulx q. t. veiz e. jeunesse, G
ceulx q. t. v. e. jeunesse, J-Ld-Pa ceulx q. t. vis e. jeunesse, M ceulx, Pi ceulz q. t. veis e. joennesse - 234
C éaige, Ch Et e. t. aage premier an, G äaige primerain, J age primerain [-1], Ld-Pa äage primerain, Pi
primerain - 235 À vifz jusques, C jusques e. viellece, Ca-M-Pa jusques, Ch S. viz jusques e. vieillesse [-1],
G vifz jusques e. vielesse, J viz jusques ta v., Ld-Pi jusques e. vieillesse - 236 A-G-Ld-Pi laisse, Ch n.
celle, Pa Trouveras q. M n. laisse [-1] - 237 A-Ca-Ch-G N. viel n. jeune, C N. viel n. jone, J Vieille n.
jeune, Ld N. vieil n. jeune, M viel, Pa N. viel n. jeusne, Pi N. vieil n. joenne - 238 A-C-Pi santé morra, Ca
santé, Ch-G-J-Ld santé mourra, M santé moura, Pa L'u. e. santé morra - 239 À T.. en voiz souvent et assés,
CT. les vois souvent et assez, Ca-Ld-M-Pa-Pi T. en v. souvent et assez, Ch-J T. en voiz souvent et assez,
G bien souvent et a. - 240 À demourés, C-Ca-Ch-G-M-Pa demouréz, J mortz q. d. demouréz, Ld mort q. d.
demouréz.

69
Megarde où sont allez nos peres
quy ont heubt vie comme nous,
nos parens, [et] soeres et freres :
244 il ont lessies ces miseres
esquelles nous sommez trestous.
Che monde, qui nous samble doux,
est decepvant et tost passé :
248 eureux est qui l'a bien passé.

ar c'est ung passage de mort


doloureux et tantost failly.
Tu n'as dongnon, chasteau, ne fort
252 quite puisse garder au fort
que tu ne soyes assailly.
Tu aras bien de loing sailly
quant ton esperit s'en yra
256 et ton corps cendre devenra.16

16: Leçons de L rejetées : 243 Nos parens soeres et freres [-1]

A 2 strophes manquantes (v. 241 - v. 256) - C-Ch aléz noz, G-Ld noz, Pa aléz - 242 C-Ca-Ch-G-J-Ld-Pa-
Pi Qui o. eu, M eu - 243 C-Ch-G-J-Ld Noz p. et aussi noz f., Ca Noz p. et aussy noz f., M-Pa-Pi N. p. et
aussi nos f. - 244 C-Pi I1z o. delaissié c. m., Ca laissié [-1], Ch lz o. laissés [-1], G Ilz o. laissé [-1], J Iz o.
laissé les grans m., Ld-Pa Ilz o. laissié [-1], M IIz ont leissiés [-1] - 245C-Ca-G-J-Ld-Pa sommes, Ch
prevismes tous, Pi sommes trestouz - 246 C C. m. q. n. semble estre doulz [+1], Ca Ce m. q. n. s. dous, Ch-
J-Ld-Pa-Pi Ce m. q. n. semble doulx, G Se m. q. n. semble doulx, M Ce m. q. n. s. douls - 247 C-Pi
decevant, Ca dechepvans, Ch decheant, G Et decevant est t. p., Ld Nous e. d. e. t. p. [+1], Pa En decevance
est t. p. - 248 M quy - 249 C-Ch-G-Ld-Pa passaige - 250 C-Ca-Ch-J-Ld-M-Pa Douloureux, G Doloreux,
Pi Dolereux - 251 C-Ca-Ch-G-Pa-Pi donjon, J T. n'a chasteau donjon n. f., Ld dongnon, M dongon casteau
- 252 M Quy, Pa Q. t. puist [-1] - 253 C Q. t. n'en soies a., Ca Q. t. n'y s. assailli, J-Pa-Pi soies, Ld-M n'y -
254 C-G-J-Ld-Pa auras, Ca T. averas b. d. loingz s. [+1], Ch INVERSION Quant ton esperit s'en ira, M
auras b. d. 1. sally, Pi INVERSION Quant ton esprit s'en ira - 255 Ch INVERSION Et ton corps cendre
deviendra, Pa esprit s'en ira [-1], Pi INVERSION Tu auras bien de loing sailly - 256 Ch INVERSION Tu
auras bien de loing failly, G-J-Ld-Pa devendra.

70
Eniest grant folie de parer
ce qui sera viande aux vers;
ce que tu paines d'amasser,
260 il le te fault tantost lesser
et prenre abillemens divers. at D
Tu n'aras pour tous tes blédz vers
que ta dolente sepulture
264 et ta puante poulreture.

LE]jouvente de belle damme,


et que dittez vous à ce point ?
Cuidiés vous la mort sy infamme
268 qu'elle volsist avoir ce blasme
de vous assaillir en ce point ?
Certez, vous n'y avés .L. point
plus d'avantage q'ung porcier,
272 et vous aye qui voldra chier !17

17: 257 A-Ch C'est g. follie, C-Ca-G-J-Ld-Pa C'est, Pi C'est grand - 258 Ca auz, G à v., Ld C. que, M quy -
259 À E. que metz paine d'a., C peinnes, Ch-Ld-Pa penses, G Se q. t. peines, M-Pi peines - 260 À I. te
faulra t. laissier, C I. le f. t. delaisser, Ca I. te fauldra t. laissier, Ch-J-Ld I. te fauldra t. laisser, G laisser, M
L te faura t. leissier, Pa I. te faulra t. laisser, Pi I. te f. t. delaisser - 261 A-C-Ca-Ch-G-Ld-Pi prendre
habillemens, J habillemens, M prendre, Pa prandre habillemens - 262 À T. n'auras p. t. telz blés v., CT.
n'auras pas t. t. bléz v., Ca T. n'averas p. tes bléds v., Ch auras point t. t. bléz v., G Car t. n'auras p. t. bléfz
v., J T. n'auras p. tes bléds v. [-1], Ld auras, M T. n'averas p. tes blés v., Pa T. n'auras p. t. bléz v. [-1], Pi
T. n'auras p. t. t. bléz v. - 263 À dollante, Ch-M doulente, Pa Seulement que ta nourriture - 264 À
nourreture, C-Ca-G-J-Ld pourreture, Ch-Pa-Pi pourriture, M A t. p. poureture - 265 A-Ch-Pi dame, C-G-
Pa O jouvence d. b. dame, J strophe manquante (v. 265 - v. 272), Ld O jovente d. b. dame - 266 A-M-Pi
dittes, C-Pa dites, Ca-Ch-G-Id dictes - 267A-C Cuidiez v. 1. m. s. infame, Ca infame, Ch-G-Pa-Pi Cuidez
v. . m. si infame, Ld Cuidés v. 1. m. si infame, M si infame -268 À voulsist a. tel ame, C-G-Ld-Pa-Pi
voulsist, Ca vaulsist, Ch voulsist porter c. b., M voulsist a. c. blame - 270À avez ung, C-Ca-G-Ld-M-Pa-Pi
Certes v. n'y avez ung p., Ch Certes v. n'y a. ung p. - 271 À P. d'avantaige q'un bergier, C d'un porchier, Ca
q'un porchier, Ch-G avantaige que u. porchier, Ld avantaige qu'ung porchier, M porchier, Pa avantaige
qu'un porchier, Pi porcher - 272À E. v. aime q. aura c., C-Ca-Ch-Ld-Pa vouldra, G ait q. vouldra, M aide
quy vouldra, Pi vouldra cher.

71
4 fault laissier vos haulx atours
et vos robes à longue queue,
et vous fault oblyer les tours
276 que vous aprenez à ces cours
ou tamps que vous faittez la reue.
Vostre frescheur devenra bleue,
vostre regart ferat horreur
280 mesmez à vostre serviteur !

Ma ! noble arroy de chevalier,

qui est ozé pour t'assallir ?


Tu es oultre mesure fier;
284 quant tu es dessus ton coursier,
chascun voelt devant toy fremir;

toy, qui fais les aultrez cremir,


tu devenras abhominable :
288 joye mundaine est peu durable.18

18: 273 A-C voz, Ca voz haulz, Ch laisser voz, G laisser voz beaux, J laisser les haults, Ld voz beaulx, M
lessier, Pa I. vous f. 1. vos atours, Pi laisser v. haultz - 274 A-C-Ca-Pi voz, Ch-J voz r. à longues queues,
Ld voz robbes, M longes, Pa longues queues - 275 A-C-Ca-Ch-G-J-Ld-Pa-Pi oublier, M oublyer - 276 A
aprenés, Ca aprendez - 277 A-C temps q. v. faites, Ca-Pa Au temps q. v. faictes, Ch-Ld-Pi temps q. v.
faictes, G Au t. q. v. faictes, J Au temps q. faisiez L. r. [-1], M Au t. q. v. faittes - 278 À Vostre frestheur
demoura b., C Vostre, Ca-G-Pa devendra, Ch-Ld deviendra, J demourra -279 A-Ld regard sera, C-J-Pi
regard fera, Ca-Pa fera, Ch sera, G regard, M fera orreur - 280 A-C-J-M Meismes, Ca-Ch-G-Ld-Pa-Pi
Mesmes - 281 À A. n. a. d. chevallier, Ca-M aroy, Ch chevallier - 282 À de t'assaillir, C-Ca-Ch-J-Pa-Pi
assaillir, G-Ld osé p. t'assaillir, M Quy e. ozézp. t'assaillir - 283 J ez, M outre - 284 J ez, M courchier, Pi
INVERSION Chascun veult devant toy fremir - 285 A-C-G-J-Pa veult, Ca voeult d. t. fuïr, Ch veult d. t.
fuyer, Ld chescun veult, M voet, Pi INVERSION Tu qui fais les aultres cremir - 286 A-Ca-Ch-Ld-Pa
autres, C'aultres, G-J faiz 1. autres, M quy, Pi INVERSION Tu devendras abhominable - 287 À demourras,
Ca-G-J-Pa devendras, Ch-Ld deviendras, Pi INVERSION Ce monde n'est pas pardurable - 288 À Ce
monde n'est point pardurable, € Joie mondaine, Ca-Ch-J-Ld-M Ce monde n'est pas pardurable, G
mondaine, Pa Ce monde cy n'est pas durable, Pi INVERSION Quant tu es dessus ton coursier.

72
[y

#ous qui estez vestus de court,


gentil homme du tamps present,
pensez que vous le ferez court :
292 ne vous ne scavez tour de court
qui y sceust mettre empecement.
La beauté de vostre jouvent
ne vous sauvera pas tousjours,
296 quant ariés force de cent ours !

Bampt abbé ne sera lessié


avoec la damme de ses biens; 222N23
s'il est estuvéz ou baignié,
300 il sera(r)t en terre ploingié
et ne sera son corps que fiens.
Nostre vie ne durra riens
que pour avoir doel en la fin :
304 Dieux scet qui est bon pellerin.1?

19: Leçon de L rejetée : 300 Il serart en terre ploingié [A-C-Ca-Ch-G-J-Ld-M-Pa]

289 A Vous estes bien vestus d. c., C-Ca-G-Ld Estes, Ch-J estes vestuz, M quy, Pa-Pi estes vestu - 290 A-
C-G-J-Pi temps, Ca tempz, Ch-Ld-Pa Gentilz hommes d. temps - 291 J P. que vous que vous [+2], M
Pensés - 292 À scavés, Ca N. v. n. 5. tant d. c., Ch-Ld-Pi savez, G Et si ne savez, J Car vous ne savez, M
savez tourt, Pa Vous n'y savez - 293 A-C empeschement, Ca-Ch-Ld mectre empeschement, G sceult mectre
empeschement, J sceut m. empeschement, M Quy y s. m. empeschement, Pa saiche mectre empeschement
[+1], Pi sceut m. empescement - 294 A-Ch-Ld-Pa-Pi beaulté - 295 A-C saulvera, Ca amera - 296 À Vous
finirez dollant voz jours, Ca-Ld Vous finerez dolant voz jours, Ch Vous finerez doulant voz jours, G-Pi
auriez, J Vous finerez dolens voz jours, M-Pa Vous finerez dolant vos jours - 297 A-C-Ld Damps abbés n.
s. laissié, Ca Damps abbés n. s. laissiés, Ch Damp a. n. s. laissé, G Damps à. n. s. laissé, J Damp à. n. 5.
laissié, M Damps abbés n. s. leissié, Pa Pardurablement ne serez laisséz [+2], Pi Dampz abbés n. s. laissié -
298 A-Pi Aveuc 1. dame, C-G-J-Ld Avec 1. dame, Ca dame, Ch Avec 1. dame d. leurs, M avecq, Pa Avec I.
dame d. telz - 299 A-C-Ld-Pi estuvé, Ca baingniés, Ch-G estuvé o. baigné, J S'i. a escuvié ne b., M estuvés
o. bagnié, Pa Car soit estuvés o. rentéz - 300 A-C-Ch-G-J-Ld-M sera e. t. plongié, Ca sera e. t. plongiés,
Pa sera e. t. plungéz, Pi plongié - 301 Ch sera corps [-1], Pa feans - 302 A-Ca-Ch-J-Ld-M-Pa dure, C dura,
G durera [+1], Pi No v. n. durera - 303 A-C-Ca-G-J-Ld-Pa-Pi dueil, Ch deul, M duel - 304 A-Ch-Ld-Pa
Dieu, C-G-J-M-Pi Dieu s. q. e. b. pelerin, Ca Dieus s. q. e. b. pelerin.

73
He bourgois qui boit du melleur
et à tous fait chiere commune,
Mort ne ly fera plus d'honneur
308 comme à ung povre laboureur,
ou à aultre de la commune.
Il ne l'en chault où elle plume,
au grant, au petit, au moyen :
312 contre elle n'y a nul moyen !

W'ors qui voelt bien morir bien vive,


seloncq Dieu et sa conscience
et ses commandemens avive.
316 Congnoisse sa vie faintive,
et prende tout en patience.
Il fera tant par sa science
qu'aprez sa mort il vivera :
320 envis moert quy apris ne l'a.20

20: 305 A-C-Ch-G-Ld-Pa-Pi meilleur, Ca L. bourgoiz q. b. d. meilleur, J bourgeois q. b. d. meiïlleur, M


quy - 306 A-Ca-Ld-M-Pa E. fait à tous, Ch E. fait à tous cher c. [-1] - 307 AÀ-J lui, C luy f. point d'onneur,
Ca-Ld lui f. p. d'onneur, Ch luy, G lui f. p. de h. [+1], Pa-Pi luy f. p. d'onneur - 308 C u. homme I., Ch
pouvre, G-Ld-Pa Quë à u. pouvre, J Qu'à u. p. homme de labeur [+1] - 309 A-Ca-J-Pa ©. ung autre, Ch-G
autre, Ld O. à ung autre [+1], M O. autre [-1], Pi ung - 310 A-J-Ld-Pa lui, C-Pi ly, Ca-Ch-G luy, M li
chaut - 311 Ca-Ch-J-M-Pa Ou g. ou p. ou m., € moien, Pi Ou g. ou p. ou moien - 312 A-Ca-Ch-J-Ld-M-
Pa Encontre e. n'y a m., C-Pi Et c. e. n'y a moien, G Et c. e. n'y a m. - 313 A-Ca-Pi Lors q. veult, C-Pa
veult, Ch Lors q. veult b. mourir, G-J veult b. mourir, Ld voelt - 314 A-C-Ca-Ch-G-J-Ld-Pa-Pi selon - 315
C abive, Ch E. le c., M les - 316 Ch fainctive - 317 À pacience, C-J-Pa-Pi E. prengne t. e. pacience, Ca
prengne, Ch preigne t. e. pacience, G-Ld preigne t. e. pascience, M prenge t. e. passience - 318 J Et saiche
par experience - 319 C-Ca-Pa apres, Ch-G-Ld Q.'apres s. m. i. vivra [-1], J Qué apres s. m. 1. vivra - 320 À-
C meurt q. aprins, Ca Enviz muert qui apriz, Ch-J-Ld meurt qui aprins, G meur qui aprins, Pa-Pi meurt
qui.

74
Mais ce n'est pas merveil[le] grant
s'on crient chose sy tresamere.
Celly que Dieux fist revivant,
324 à qui il fist de grasce tant,
le ladre à la Marie frere,
oncquez despuis n'eult que misere
et toutte doleur à penser
328 cremant ce qu'il debvoit passer.

[L'orreur de la Mort fu emprainte


telement au devant ses yeulx,
qui luy donna pensée mainte
332 tant que, tous jours il fu en crainte
combien qu'il esperoit son mieulx,
et qu'il eust son entente es cyeulx.
Que fera donques le pecheur
336 quant le juste en avoit si peur ?] 21

21: Leçon de L rejetée : 321 Mais ce n'est pas merveil grant [-1] [C-Ca-Ch-G-J-Ld-M-Pa-Pi]

A 2 strophes manquantes (v. 321 - v. 336) - 321 C-Ch-J-Ld-M-Pa merveille, Ca-G merveilles, Pi merveille
grand - 322 C-G craint c. si t., Ca Se l'en craint c. sy amere, Ch Se on craint c. si amaire, J-Ld-Pa-Pi Se l'en
craint c. si amere, M Se l'en craint cose si amere - 323 C Celluy q. Dieu, Ca Celluy q. Dieu fu ravivant, Ch
Celuy q. Dieu fit, G Celuy q. Dieu fut, J Cellui q. Dieu f. ravivant, Ld Cellui q. Dieu, M Cely q. Dieu fit
ravivant, Pa Qui fut Dieu ravivant [-2], Pi Celui q. Dieu fait - 324 C-Ch-Ld fit d. grace, Ca-G-J-Pa grace,
M quy, Pi Au quel i. feit d. grace t. - 325 Ch L. lazare à Magdaleine f. [+1], M lazre, Pi lardre - 326 C
Onques depuis n'eut, Ca Oncques depuis n'ot, Ch Oncques depuis n'eut, G-J-Ld-Pi Oncques depuis n'eust,
M Oncques, Pa Oncques d. n'ot - 327 C En toute, Ca-J-Ld-Pa-Pi toute douleur, Ch toute douleur et p., G
toute, M dolleur - 328 C-Ch-Ld-M devoit, Ca c. qui devoit, G-J-Pa Craingnant c. q.'i. devoit, Pi Creignant
c. q.'i. devoit - C-Ca-Ch-G-J-Ld-M-Pa-Pi strophe supplémentaire (v. 329 - v. 336) : texte de C.

75
S ‘il n'en prent moyen et refuge
à la tresoriere de grasce
qu'elle moyene vers le juge,
340 [qu'en] son tresanguisseux deluge,
lors que la voix sy sera casse,
et la vie dolente et lasse,
il puist estre lors secourru 2224" D
344 et Satham matet et vaincu.

3À equet en horrible figure


se demonstrat en son regart;
quy est tresamere pointure
348 et dolour anguisseuse et dure
à l'amme qui crient le depart.
Le corps travelle à l'autre part,
tramble, tressault et sans vigour,
352 par habundance de dolour;22

22: Leçon de L rejetée : 340 Que son tresanguisseux deluge [C-Ca-Ch-G-J-Ld-M-Pa-Pi]

À 2 strophes manquantes (v. 337 - v. 352) - 337 C S'i. ne prend moien, Ca-Pa ne p. m. e. reffuge, Ch-Ld-M
ne, G moien e. reffuge, J ne p. m. ou r., Pi Si n'e. prend moien - 338 C-Ca-Ch-GJ-Ld-Pa-Pi grace - 339C-
G-Pi moienne, Ca-J-Ld-M-Pa moyenne - 340 C-G Qu'en s. tresangoisseux, Ca Qu'en ce tresangousseux,
Ch-Ld-M-Pa-Pi Qu'en ce tresangoisseux, J Qu'en s. tresangoiseux - 341 C-G-J-Pi si, Ca quasse, Ch luys.
c., Ld en s. c., M Lors que la voix sera casse [-1], Pa lui - 342 Ch doulante, M doullente - 343 C-G-J-M IL.
p. lors estre secouru, Ca-Ch-Pa secouru, Ld lors estre secoru, Pi I. puissé estre secoru - 344 C-G-Ld E.
Sathan mathé, Ca-Ch-Pi E. Sathan matté, J maté, M Satan maté, Pa Sathan maté - 345 Ch-Ld-M orrible -
346 C demoustra e. s. regard, Ca S'amoustrera e. s. regard, Ch demonstra, G demonstra e. s. regard, J-PiS.
monstrera e. s. regard, Ld monstra [-1], M-Pa S. monstrera - 347 C-Ca-J-Ld-Pa-Pi Qui, Ch Qui e.
tresamaire poincture, G Qui e. t. painture - 348 C-G-Ld-Pa-Pi E. doleur angoisseuse, Ca doulour
angousseuse, Ch-J douleur angoisseuse, M doleur - 349 C-G-J-Ld-Pa-Pi ame q. craint, Ca ame, Ch ame q.
crainct, M ame q. craint et d. - 350 C traveillie, Ca-G-Pa traveille, Ch travaille et d'autre part, J L. c.
tremble de l'a. p., Ld travaille, M t. et d'a. p., Pi traveille à l'aultre - 351 C Tremble t. e. s. vigheur, Ca
vigeur, Ch-G-Pa-Pi Tremble t. e. s. vigueur, J Fremist t. e. s. vigueur, Ld Tremble t. e. est s. vigeur [+1],
M tressaut e. s. vigeur - 352 C-G-Ld-M-Pi P. habondance d. doleur, Ca-Ch-J-Pa P. habondance d. douleur.

76
Aus oultre pooir de Nature,
car elle l'habandonne lors.
Il n'a ne membre ne facture
356 qui ne sente sa poureture;
advant que l'esperit soit hors,
le ceur qui voelt crever au corps,
haulce et sourlieve la poitrine
360 qui se voelt joindre à son eschine.

Ha face est tainte et apalie


et les yeulx crevéz en la teste;
la parolle ly est faillie,
364 car la langue au palais se lie;
le poulx tressault et sy halette :
la Vie fuit, la Mort est prette.
Il a doleur à demesure
368 en attendant sa sepulture.23

23: À 2 strophes manquantes (v. 353 - v. 368) - 353 C-Ca-G-Ld-Pi Qui e. o. povoir n., Ch Qui e. o.
pouvoir, J Qui e. povoir oultre n., M Quy est o. p. n., Pa Qui e. o. par n. [-1] - 354 C-Ca-G-J-Ld-Pa-Pi
abandonne, Ch C. l'abandonne elle 1., M e. abandonne - 355 C-Ca faiture, Ch I. n'a m. n'aussi faicture, J
faitture, Ld-M faicture - 356 C-J pourreture, Ch-G-Ld-Pa-Pi pourriture, M Quy n. s. s. pourreture - 357 C-
Ca-Ch-G-J-Ld-M-Pi Avant, Pa Avant q. l'esprit [-1] - 358 C veult, Ca L. coeur q. veult, Ch-G cueur q.
veult, J ceur lui veult, Ld cueur q. veult grever, M cuer, Pa cuer q. veult, Pi veult c. ou - 359 C Haulche, Ca
Hauche e. s. 1. poittrine, Ch soubzlieve sa poictrine, G soublieve, J sa poittrine, Ld Haulse e. solieve 1.
poictrine, M Hausse, Pa soubzlieve - 360 C-Ca-G-J-Ld-Pi veult, Ch-Pa veult j. à l'e., M Quy - 361 Ch
taincte e. appalye, G taincte e. appalie, J Sa f. e. fort t. e. palie, Ld taincte e. apallie, M fache e. t .e.
appalie, Pa Sa f. a t. e. palie [-1], Pi apallie - 362 C treilliéz, Ca yeulz c. e. I. tieste, J y fonsséz, Pi yeux -
363 C L. parole luy, Ca-J-Ld lui, Ch luy e. faillye, G-Pa luy, M fallie - 364 C ou p. s. lye, Ca palaix, Ch-Pi
lye, Ld ou palaiz, M palay, Pa C. langue a paralisie [-1] - 365 € L. poulz t. e. si h., Ca L. poux t. e. s.
hallette, Ch poux si t. e. allecte, G De paour t. e. si halecte, J si hallette, Ld e. hallecte [-1], M pouls t. e. si
h., Pa si, Pi poux t. e. si hallette - 366 C-Ca-Ch-G-Ld-M-Pi preste, J-Pa fuyt 1. m. e. preste - 367 Ca-Ch-J-
Pa douleur à desmesure, G-Ld-M-Pi desmesure - 368 C-M atendant, Ch-G-Ld-Pa-Pi actendant.

41,
EUR os desjoindent à tous léz;

il n'a nerf qu'au rompre ne tende;


assaillis est par tous costéz,
372 et congnoist tous ses fais passéz
de quoy il fault que comte rende;
et n'a plus loisir qu'il s'amende,
car l'heure est briesve et doloureuse
376 dont sa povre amme est cremeteuse.

Hors le voelt mettre en desespoir


l'adversaire de nostre foy
qui s'amonstre hideux et noir,
380 espoentable oultre pooir,
disant : « Pecheur, tu es à moy ! 223114

Te souviengne de ton desroy


et du tamps que tu as perdu,
384 cartues à ta fin venu.24

24: À 2 strophes manquantes (v. 369 - v. 384) - 369 Ca desjoincte, G desoingnent, J-Pi oz - 370 C-Ca-Ch-
G-J-Ld-M-Pa-Pi q.'à - 371 C Si a assault de t. c., Ca S'est assailliz, Ch S'est assailly de t. coustéz, G Si est
assailly [+1], J S'est assailly, Ld Et assailli e. de t. coustés [+1], M S'est assaly, Pa C'est à savoir par tous
costéz, Pi S'est assailly à tous costéz - 372 Ca-M congnoit, Ch congnoit t. les f. passé, J-Ld faiz, Pi
congnoit t. s. faiz - 373 C-Ca-G-J-M-Pa compte, Ch qu'il compte r., Ld De moy i. f. q. compter.-374CE.
n'a 1. qué il s'a., Ca E. n'a le I. qui s'a., Ch-Ld n'a le 1. q.'i. s'amande, G Et n'a loisir qu'il qu'il s'a., J le 1. qui,
Pa E. n'a loisir q. s'a. [-1], Pi E. n'a nul - 375 C-Ch-J l'eure e. b. e. douloureuse, Ca C. l'eure e. brieve e.
douloureuse, G-Ld eure e. b. e. doloreuse, M eure e. b. e. doulereuse, Pa eure, Pi eure e. b. e. dolereuse -
376 C-Ca-Ld-M-Pa ame, Ch pouvre ame, G pouvre ame e. doubteuse [-1], J D. la p. ame, Pi Donc s. p.
ame - 377 C--J-Pi veult, Ca-Ch-G-Ld-Pa veult mectre - 378 Ca aversaire, Pa adverssaire, Pi loy - 379 C
hydeux, Ca Q. s'amoustre hydeus et lais, Ch se demonstre hydeux, G-J-Ld-Pi se monstre, Pa se monstre
hideulx - 380 C-Ca-J-Ld-Pa espoventable o. povoir, Ch espoventable o. pouvoir, G espoventable outre
povoir, Pi espoantable o. povoir - Ca vers manquants (v. 381 - v. 384) - 381 Ch peicheur, J Disans p. t. ez-
382 C souviegne, Pa T. souvient il - 383 C-G-J-Ld-Pa-Pi temps, Ch temps q. t. a p. - 384 J ez.

78
Et sy n'a damme ne mingnon
à qui guerez de toy chaulra, = e Le,
Jueal tant soit rice ne bon,
388 chasteal, palaix, [fort] ne doingnon :
che qu'à toy fut aultruy sera,
et ton amme en torment sera
pardurable tyson d'enfer
392 en la presence Lucifer.»

] te fault lessier tes oyseaux,


tes chiens, tes bracquez, tes levriers,
la pompe de tes beaux cevaulx
396 qui soubz toy faisoient les saulx,
la route de tes escuyers;
les moindrez de tes officiers
asquelz tu delesses tes biens
400 ne te tiennent ja que pour fiens.»25

25: Leçon de L rejetée : 388 Chasteal, palaix, ne doingnon [-1] [A-C-Ch-G-Ld-M-Pa-Pi]

Ca 2 strophes manquantes (v. 385 - v. 400) - 385 A-Ch-J-Ld-Pa Tu n'as ne dame n. mignon, C E. si n'a
dame ne mignon, G dame n. mignon, M Tu n'as damme ne mignon [-1], Pi Si n'a dame n. mignon - 386 À-
Pa gueres, C guaires, Ch gaires, G-J gaires d. t. chaurra, Ld gaires d. t. chaura, M quy gaires d. t. chaura,
Pi gueires d. t. chauldra - 387 A-M Joyau t. s. riche, C-Pi Joiau t. s. riche, Ch Joyaulx t. fort riche n. don, G
Joyel t. s. riche, J Jouel t. s. riche, Ld Joyaulx t. soient riche, Pa Joyaulx t. s. riche - 388 À Chastiau pallais
fort n. donjon, C-G-Pa Chasteau palais fort n. donjon, Ch Chasteaulx palais fort n. donjon, J Chasteaulx
palais fort, Ld Chasteau p. fort n. donjon, M Chasteaux p. fort n. donjon, Pi Chasteau pallais fort n. doujon
- 389 A-M Ce q'à t. f. autruy aura, C Ce q.'à t. fu aultrui ara, Ch Ce q.'à t. f. autruy l'aura, G Ce qui t. f.
autruy aura, J Ce q.'à t. f. autruy l'aura, Ld Ce que à t. fu a. aura [+1], Pa Ce q'à t. f. ung autre aura, Pi Ce
que à t. fu aultry aura [+1] - 390 A-C-J-M ame e. tourment, Ch-Ld ame à moy s., G corps e. tourment, Pa
E. tourment à ton ame sera [+1], Pi ame - 391 A-G-M-Pa-Pi tison, C thison, Ch perdurable - 392 Ch-M-Pa
p. de L. [+1] - 393 À laissier t. oiseaulx, C-Ld laissier t. oyseaulx, Ch laisser t. oiseaulx, G-J laisser t.
oyseaulx, M faut leissier t. oiseaux, Pa laissier, Pi laisser t. oiseaux - 394 A-Jd bracques, C bracquets, Ch-
G-J bracquetz, Pa brachetz et 1., Pi brachetz - 395 A-C-J beaulx chevaulx, Ch Tes beaulx destriers tes
beaulx chevaulx [+1], G-Pa chevaulx, Ld Tes beaulx destriers et tes chevaulx [+1], M haulx chevaux, Pi
chevaux - 396 À soubx, Ch Q. s. f. 1. saults [-1], M Quy s. t. f. L. saux, Pi saulz - 397 A L. routte d. t.
escuiers, C-G-J-Pa-Pi escuiers, Ch routte - 398 À Le nombre d. t. officyers, C-G-Pi moindres, Ch-J-M Le
moindre, Ld Le maindre, Pa Le mendre - 399 À A qui t. laissez de t. b., C-Ch-G-J-Ld-Pi A qui t. laisses de
t. b., M A quy t. lesses de t. b., Pa A qui t. laisses t. b. [-1] - 400 Ch N. t. tiendront lors q. p. f. , Ld tenroit
soit q. p. f., M N. tiennent [-1].

79
«HBien est chambgie ta fierté,
et ossy ta glore mundaine.
Le tamps que Dieu t'avoit presté
404 tu l'as perdu et degasté;
dont, pour jamez seras en paine,
et chascun jour de la sepmaine
raige de tourmens et sans fin :
408 tu fus subtil, mais moy plus fin !»

«Ne t'attens plus as Euvangilles,


n'à messe que on face dire :
tu n'as parens, ne filz, ne filles,
412 ne tous cheux qui ont de tes billes
qui se puisse tenir de rire;
il ne leur chault de ton martire,
ne se tu te dampnez pour eulx :
416 tuenes seul le maleureux.»26

26: À strophe manquante (v. 401 - v. 408) - Ca 2 strophes manquantes (v. 400 - v. 416) - 401 € changyé,
Ch-G-J-Ld changée, Pa-Pi changie - 402 C-Ch-G-J-Ld-Pa-Pi E. aussi t. gloire mondaine, M aussy t. g.
mondaine - 403 C-Ch-G-J-Ld-Pa-Pi temps - 405 C-G-J-Ld jamais, Ch-Pa jamais s. e. peine, M painne, Pi
Donc p. jamais - 406 Ld chescun, Pi chacun - 407 Ch tormens, G rage, J En rage d. t. s. f., Ld-Pi rage d.
tormens, Pa tourment - 408 Ch et m, J T. fuz subtilz et m., Pa soubtil m. bien par fin - 409 À N. t'atens
point aux e., Ch-G-J-Ld-M-Pa N. t'atens pas aux, Pi N. t'atens p. aux Evangiles - 410 À N'à m. qu'on te fait
d., C N'à messes qu'on te f. d., Ch qu'on te, Ld que l'en saiche, M Ne m. que l'en, Pa que l'en, Pi Ne aux
messes qu'on face dire - 411 A-Ch fille - 412 A-Zd ceulx q. sont d. t. villes, C-J-Pa-Pi ceulx, Ch N. tous q.
sont d. t. villes [-1], G ceulx q. o. d. t. villes, M ceulx quy o. d. t. villes - 413 A-C-J-Ld-Pa puissent, Ch Q.
pour toy se tiengne de rire - 414 M chaut, Pi I. n. l'eüst d. leur m. - 415 À N.s. t. t'es dampné, C-Ch-Ld-Pi
tu es dampné, G tu es d., J Se t. es dampné p. e. [-1], M t'es, Pa t'ez dempné - 416 À malleureux, Ch T. seul
en le malheureux [-1].

80
ar tu t'en revas ainsy nud FREE
comme tu en ce monde vins.
IL t'est par trop mesadvenut,
420 quant tu as sy tresmal vescut
que tu n'es plaing de tes voisins.
Tu n'aras pour tous biens et vins
q'ung seul tombeau et .I. suaire,
424 et vermine pour toy desfaire.»

«Bourcoy fus tu dont nétz de mere


pour sy dolentement morir,
et doleance sy amere
428 et insupportable misere
que pour jamez te fault souffrir ?
Tu doibz bien trambler et fremir,
et ton amme doibt bien maldire
432 l'ocquoison de ton grant martire.»27

27: Ca strophe manquante (v. 417 - v. 423) - 417 À nu, C-Ch-G-Pa aussi nu, J C. t. en r. aussi, Ld revais
ainsi nu, M-Pi ainsi nu - 418 À Si c. e. c. monde tu v., Ch C. e. c. m. tu y vins, Ld C. en ce monde tu v. -
419 A-Ch-G-Pa mesadvenu, C-Ld-Pi mesavenu, J mal advenu, M I. t'e. trop mesavenu [-1] - 420 À vestu,
C-Ch-G-J-Ld-M-Pa-Pi si t. vescu - 421 À Q|. t. n'ez plaingz, C-Ch-G plaint, J n'ez plaint, Ld Q. ne es
plains, M plains, Pa n'ez plaint, Pi t'es plains - 422 À Et sy n'auras p. t. tes v., C T. n'auras de tous tes v. [-
1], Ch Et si n'auras de t. tes v., G-Ld T. n'auras p. t. tes v. [-1], J Et si n'a. p. t. tes vins, M-Pi Et si n'auras
p. t. tes v., Pa Ne de nulz autres tes affins - 423 A-Ch-J-Ld-M Que ton t. e. ton s., C Quë ung tumbeau e.
ung s., G-Pi Quë ung t. e. ung s., Pa Et si n'auras pour tout sallaire - 424 Ca vermée, Ch En v., G-M-Pi te,
J vermyne, Pa Que ton tumbeau et ton suaire - À strophe manquante (v. 425 - v. 432) - 425 C P. quoy f. t.
d. né, Ca P. quoy f. t. doncques né d. m. [+1], Ch P. quoy fuz oncques néz d. m., G P. quoy fuz t. donc né, J
P. quoy f. oncques né, Ld P. quoy f. t.donc né, M P. quoy fu t. d. néz, Pa P. quoy f. t. oncques né [+1], Pi O.
quoy fu t. donc né - 426 C P. douloureusement morir, Ca-Pa-Pi si, Ch si doulentement bruÿr, G-M si
doulentement mourir, J-Ld si d. mourir - 427 C-G-Pi si, Ch En doulleance si amaire, J-Ld-Pa En d. si, M
En douleance si - 428 Ca insurportable, J E. en importable, Ld-M-Pa insuportable - 429 C-Ch-G-J-Pi
jamais, Ca Q. p. jamais t. f. morir, Ld Qu'à tout jamais, M jamais t. faut, Pa jamais t. f. soufrir - 430 C-Ca-
Ld dois, Ch-G-J-Pa-Pi dois b. trembler, M doibs - 431 C-Ch-G-J-Pi E. t. ame doit b. mauldire, Ca-Pa ame
doit b. maudire, Ld ame doit b. mauldire, M maudire - 432 C L'occhoison, Ca-M L'ochoison, Ch L'achoison
de t. m. [-1], G La chancon, J-Ld-Pa L'achoison, Pi L'achoison d. si grand m..

81
Eu fus doloureuse portée
à la mere qui t'enfanta;
ta folie desordonnée
436 a ton amme desesperée
mise en torment qui ne fauldra,
en laquelle vivant morra.
Et par tes puans faulx delis
440 tous jours aura de mal en pis.»

«Pius que nul n'oseroit penser,


ne que langue ne polroit dire
par cryer et par souspirer,
444 on y ot Dieu desäourer
et souvent sa vie maldire,
et n'y a surgÿen, ne mire,
pour allegier celle souffrance
448 seulement d'une susseance.»28

28: A strophe manquante (v. 433 - v. 440) - 433 C-Ch-Pa douloureuse, G-J fuz douloureuse, La doloreuse,
M-Pi doulereuse - 434 Ld q. te e. [+1], M quy - 435 Ch follye - 436 C-J-M-Pi ame, Ca ame desesprée [-1],
Ch-Pa Et t. ame, G ame est d. [+1], Ld adme - 437 C-Ca tourment, M tourment quy, Pa tourment q. n.
faulra - 438 C laquele, Ca-M mora, Ch E. icelluy v. mourra, G-Ld mourra, J menrra - 439 C E. p. t. grans
puans deliz, Ca faulz deliz, Ch delictz, G pour t. p. f. delitz, J faulx puans delitz, Ld delitz, M faux, Pa
devis, Pi faultz puans delitz - 440 C-Pa-Pi auras, Ch-J auras d. pis e. pis, Ld pis e. pis - 441 C-G-J nulz,
Ca P. qu'on [-1], Ch-J n. sauroit, Ld n. saurroit, M n. seroit - 442 A-Pa-Pi porroit, C-Ca-Ch-G-Ld pourroit,
M lange n. poroit - 443 A-J-Pa-Pi crier, C P. c. ne p. s., Ca P. crier ou, Ch crier ne, G crier n. p. souppirer,
Ld crier e. p. souppirer - 444 À Renoyer Dieu et despiter, C ©. y oit D. desavoer, Ca L'en y o. D. desavouer,
Ch oit D. desavourer, J desavouer, Ld oyt D. desavouer, M L'en y o. D. desavourer, Pa L'en y oit, Pi oit -
445 A-C-Ch-G-J-Ld-Pi mauldire, Ca-M-Pa maudire - 446 À Il n'est cyrurgïen, C-Ch-Ld E. n'est cyrurgiïen,
Ca E. n'est surgïen n. mirre [-1], G cisurgïen, J E. si n'est surgien, M E. n'est surgïen, Pa E. si n'est
cyrurgien, Pi E. n'est cirurgïen - 447A alleguier, Pa Qui puist alleger [+1], Pi alleguer - 448 A-Ca-G
Seullement d'u. surseance, C-M surseance, Ch Sceust d'u. seulle surceance, J sourseance, Ld Que mectre y
sceust surceance, Pa seurceance, Pi surceance.

82
F puis ly dist : «Je sui des princeps
de l'infernale mantion.
Il te fault lessier tes provinces :
452 je t'enmenray povrez et minces
au lieu de tribulation.»
Le pecheur quy sent l'aguillon
de la Mort qui le serre et point, 223 v° a
456 ne scet là riens penser à point,

Er il est en desesperance
et en faulte de vraye foy;
alors le bon angele s'advance
460 _ et sy le mech en souvenance,
disant : «Las chretien ! recongnoy
ton Salveur qui moru pour toy,
qui est prest de te pardonner
464 se tu ly daingnez demander.»2°?

29: À 2 strophes manquantes (v. 449 - v. 464) - 449 C-Ch-Pa luy d. j. suis d. princes, Ca lui d. j. suis d.
prinches, G-J lui d. j. suis d. princes, Ld lui dit j.suis d. princes, M dyt j. s. de prinche, Pi dit j. suis d.
princes - 450 C-Pi mansion, Ca-Ch-G-J-Ld infernalle mansion, M manssion, Pa INVERSION Il te fault
lessier tes provinces - 451 C-Ld laissier, Ca laissier t. provinches, Ch-G laisser les, M I. f. laissier t. p. [-1],
Pa INVERSION De l'infernale mansion, Pi-J laisser - 452 C J. t'emmenray povres e. minches, Ca povres e.
minches, Ch emenray pouvre [-1], G enmeneray pouvre, J te merray povres, Ld enmerray pouvres, M Je te
enmenray povre et minche, Pi povres - 453 Ch-G-J-Ld tribulacion, Pa tribullacion, Pi Ou - 454 C-Ca-G-
La-M-Pi qui, Ch peicheur qui s. l'aiguyllon, J qui s. l'anguillon - 455 Ca q. se s. - 456 C N. s. à, Ca Il n. s.
r. pensser, Ch lors, G-M N. s. riens [-1], J Il ne sceit rien, Pa Il n. s., Pi N. s. riens lors p. à p. - 457 Ch est
de d. - 458 C-Ca-Pa-Pi vraie, M faute - 459 C s'avance, Ca s'avanche, Ch-G-Ld ange s'avance, J-M-Pi
angle s'avance, Pa Adonc I. b. ange s'avance - 460 C-M-Pi E. si 1. met, Ca met, Ch INVERSION Disant
crestien recongnoy, G E. en souvenance lui monstra [+1], J E. si lui met, Ld si 1. mect, Pa Qui luy donne
vraie esperance - 461 Ct'es c., Ca recongnoiz, Ch INVERSION Ton sauveur qui mourut pour toy, J cristien,
La D. crestien [-1], Pi cretien - 462 C Saulveur, Ca-Pi Sauveur, Ch Tu dois avoir en luy fiance, G-J
Sauveur q. mourut, Ld Saulveur q. mourut, M Sauveur quy mouru, Pa Sauveur q. morut - 463 C-J d. toy p.,
Ch Car il e. p. te - 464 C-Ch-G S. t. luy daignes, Ca S. t. le daignes, J Se t. le daignes, Ld Se t. lui daignes,
M li daignes, Pa luy daingnes, Pi Mais que luy daignes d. .

83
se. on pooir est incomparable,
Sa misericorde infinie.
Fay Ly honneur, et honte au deable !
468 Rends toy de ton pechiet coupable,
et humblement mercy Ly prie.
Tu aras pardurable vie,
qui es Sa povre creature,
472 pour qui la mort Luy fu tant dure.»

«3 t'a chierement racheté,

par coy Il ne te veult lessier.


Tu Ly as grandement cousté :
476 pour toy fut ouvert Son costé
et sy Se fist crucifyer,
de claux Ses pied{[s] et mains percier,
estendu doloureusement
480 et baptu tres piteusement.»30

30: Leçon de L rejetée : 478 De claux Ses pied et mains percier [A-C-Ca-Ch-G-Ld-Pa-Pi]

A strophe manquante (v. 465 - v. 472) - 465 C S. povoir e. imcomparable, Ca-G-J-Ld-Pa-Pi povoir, Ch
pouvoir e. incomprenable - 466 J infinye - 467 C-Pi luy, Ca-J-Ld lui, Ch luy h. e. h. a. dyable, G F.
honneur honte au diable [-1], Pa Fais luy - 468 C-G-Ld-Pi Rens t. d. t. pechié coulpable, Ca Reng t. d. t.
pechié coulpable, Ch Rens t. d. t. peichié coulpable, J Ren t. d. t. pechié coulpable, M Rens t. d. t. pechié,
Pa Rendz t. d. t. pechiéz - 469 C-Ld lui, Ca merchy lui, Ch-G-Pa luy, J lui prye, M merchy li, Pi merci luy
- 470 C-Ch-G-J-Ld-M-Pa-Pi auras, Ca averas [+1] - 471 Ch-Ld-Pi pouvre, G Q. est en s. pouvre c. [+1], M
Quy - 472 C P. quy L. m. L. fut t. d., Ca-J-Pi lui, Ch P. la mort qui 1. fut, G lui fut, Ld P. la mort qui lui fut t.
d., M quy 1. m. ly, Pa fut - 473 À Dieu t'a, Ca rachetée, Ch-Ld rachapté, G rachecté, Pi rachaté - 474 A-C-
Ca-Pa Pour quoy I. n. t. v. laissier, Ch P. quoy I. t. v. laisser [-1], G-J-Pi Pour quoy L n. t. v. laisser, Ld P.
quoy I. n. t. v. laissier, M Pour quoy I. n. t. v. voet leissier - 475 A-Ca-J-Ld Lui, C-Ch-G-Pa-Pi Luy - 476 A
ton c., C P. quoy fu, Ca fu ouvers, Ch-G cousté, M INVERSION Et si se fist crucefyer, Pi fu - 477 A-Ca
crucefier, € Sy se fist Il c., Ch-G-J si s. f. crucifier, Ld si s. fit crucifier, M INVERSION De claux pieds et
mains perchier [-1], Pa si s. f. cruxiffier, Pi Et se souffry crucefier - 478 A-Ca Et d. cloux piés e. m.
perchier, C Et d. cloux mains e. piéz perchier, Ch-Pa Et d. cloux piéz, G D. cloz piéz e. m. percer [-1], J Et
d. cloux piédz e. m. perser, Ld Et de cloux piédz, M INVERSION Estendu doulereusement, Pi les piéz e. m.
percer - 479 A dolloureusement, Ca-J-Ld douloureusement, Ch estandu douloureusement, G estandu
doloreusement, M INVERSION Pour toy fu ouvert son costé, Pa estandu, Pi dolereusement - 480 A-Ca-Ch
E. batu, C-G-Pa E. batu plus p., J batu tant, M E. batut plus, Pi E. bastu plus.

84
4% a tendre char fu deschirée,
et Son virge sancg espandu
par les grans cops de l'escorée.
484 On vëêoit Sa char detrencée,
sur la pave dru et menu
les os se monstrerent au nu,
et en divers lieux descouvers
488 sy faisoyent vaines et nerfs.»

He chief fu couronné d'espine


poingnant jusquez à Son cerveau; 223 v°b
Sa face glorieuse et digne,
492 en qui resplent beaulté divine,
fu resamblant à ung meseau;
Ly qui devant estoit sy beau,
en cest estat fu rencontré
496 de la virge qui l'ot porté.»5l

31: 481 À S. t. peau fut d., Ca-M peau, Ch-G-Ld-Pa peau fut dessirée, J chair fut decyrée, Pi peau f.
descirée - 482 A-C-Ca-Ch-Pa-Pi vierge sang, G viaire sanc, J vierge sang respandu, Ld vierge sang
espendu, M vierge - Ca 2 strophes manquantes (v. 483 - v. 496) - 483 A-Ch-G-Pa coups d. l'escorgée, J g.
neuz d. l'escourgée, Ld-Pi escorgée, M escogée - 484 A detrenchée, C peau detrenchée, Ch chair
detrenchée, G voit s. chair detranchée, J voyoit s. chair detrenchée, Ld detranchée, M L'en v. s. c.
detrenchée, Pa L'en v. s. c. detranchée, Pi detrenciée - 485 À S. le peau, C-Ld-Pa-Pi S. le p., Ch S. 1. digne
peau e. trenchu, G Sa peau, M le peau d. e. menut - 486 À Ses o. s. monstroient, C s'en moustrerent, Ch
monstroient, G s'en monstreront, Ld oz s'amonstroient, M s. monstrent a. nut [-1], Pi L. o. s'en m. tout nu -
487 Ch-Ld plusieurs, M lieu - 488 À faisoient v. e. nerfz, C Si faisoient veines, Ch Si faisoient veines e.
nerfz, G Si faisoient et v. e. nerfz [+1], Ld Et faisoient, M faisoient v. e. ners, Pa-Pi-J Si faisoient v. e.
nerfz - 489 A-Pa fut, C Le chief couronné d'espine [-1], Ch fut c. d'espines, G L. c. sa couronne, J Son c. fut
c. d'espines, Ld espines, Pi chef f. c. d'espines - 490 À Poignant jusques, C P. jusques à S. cherveau, Ch
Poignans jusques à s. serveau, G-M-Pa jusques, J Poingnants jusques, Ld Poignant jusques a s. cerviau, Pi
Poignans jusques - 491 C-Ch-G-Ld La f., M fache - 492 À Et qui est la b. d., C Et qui est la beauté d., Ch-
La E. q. est la b., G E. q. est la beauté [-2], J En q. la beaulté est divine, M E. quy est la beauté d., Pa
INVERSION Fut ressemblant à ung meseau, Pi E. quoy est la - 493 À Fut ressamblant, C-G-Pi F.
ressemblant, Ch-Ld Fut ressemblant, Pa INVERSION Cellui par avant si tresbeau - 494 À Celui paravant
sy tresbeau, C Celluy qui paravant si b., Ch Celluy paravant si tresbeau, G Celuy qui paravant si b., J Celui
paravant si tresbeau, Ld Cellui paravant si tresbeau, M Cely paravant si tresbeau, Pa INVERSION En qui
est la beaulté divine, Pi Cil qui paravant si tresbeau - 495 À Fut tout en ce point rencontré, C Fu en cest
estat rencontré, Ch-J Fut en cest e., G Fu en cest e., Ld Fut en cest e. rancontré, M Fu en cest e., Pa Fut en
tel e., Pi Fu e. c. e. encontré - 496 A-Ch-G-M-Pa Vierge, C-Ld Vierge q. l'eut, J Vierge q. l'eust, Pi D. 1.
mere.

85
ue poelt lors dire celle mere
de sy grande amertume plaine,
qu'elle ne dist : «Mon Dieu, mon Pere,
500 que je soeffre celle misere
adfin que j'alege sa paine.
Ha! Gabriel, tu me dis plaine
de grace en me nommant Marie;
504 las !je me troeve bien chambgie.»»

4 ma tresamée portée,
o Createur de ton ancelle,
o fruit de celle desolée,
508 qui [te transporta de Judée]
lors qu'elle estoit josne pucelle.
Fay moy que plus je ne cancelle,
et que je puisse soubstenir
512 celle croix qui te fait faillir.»?2

32: Leçon de L rejetée : 508 Qui .IX. moys en soy te porta [A-C-Ca-Ch-G-Ld-Pa-Pi]

A strophe manquante (v. 497 - v. 504), Ca strophe manquante (v. 497 - v. 504) - 497 C-G peult, Ch-Pi peut,
J-Ld peust, M puelt, Pa puet - 498 C-G-J-Ld-Pi si grant, Ch si grant a. pleine, M-Pi si - 499 C-M S'e., Ch
Celle sy dit, G S'e. n. dit, Ld Celle si dit vray, J Celle, Pa-Pi dit - 500 C-G-J seuffre, Ch Fay q. j. seuffre
ceste m. [+1], Ld Fay q. j. seuffre ce m., M-Pa sueffre, Pi souffre - 501 C Afin q. j'alige, Ch Affin q.
j'alleige ta peine, G-Ld-M Affin, J Affin q. j'a. ta, Pa Affin q. j'aleige s. peine, Pi Affin q. je allege ta peine
- 502 Ch diz pleine, J diz, M G. quy m. dist - 503 Ch-J e. moy n., M grasce - 504 C-G-J-Ld-Pa-Pi treuve
b. changie, Ch trouve b. changie, M troeuve - Ca vers manquants (v. 505 - v. 506) - 505 Pa tresamere - 508
A-C-Ca-Ch-G-J-Ld-M-Pa-Pi Qui te transporta de Judée - 509 A-Ch-G-J-Ld jeune, C-M jone, Ca jonne,
Pa jeusne, Pi joenne - 510 C-G-J-Ld-Pi chancelle, Ca Fais, Pa Faiz q. p. j. n. chancelle [-1] - 511 A-C-Ca-
Ch-G-J-Ld-M-Pa-Pi soustenir - 512 A-C Ceste, Ca fallir, Ch qui te faillir [-1], J pallir, Ld fault, M quy.

86
E mon enfant, escoutte moy :
je doy à ta dolour partir.
Mon Dieu, mon signeur et mon roy,
516 fay tant pour la mere de toy
qu'advant ta mort puisse morir,
car je ne te puis secourir,
et sy te voy tant desolé.
520 Helas ! à quoy t'ay je porté, »

« FE suy ta serve tresindigne


non suffissant de tel honneur.
O Elizabeth, ma cousine,
524 tu me monstras honneur et signe
qu'en moy estoit ton Createur;
et je le voy en telle horreur,
qu'il le tiennent comme une beste 224r° a
528 en paine horrible et deshonneste.»33

33: 513 A-C-J-Ld-M-Pi escoute, Ca-G-Pa enffant escoute, Ch Mon e. escoute m. [-1] - 514 À J. vueil à t.
dolleur p., C-G-M-Pi doleur, Ca-J-Ld-Pa douleur, Ch dois à t. douleur - 515 A-C-Ca-Ch-G-J seigneur, Ld
seigneur mon t. [-1], Pa segneur, Pi M. D. souverain et m. r. - 516 Ca Fais, Ld INVERSION Qu'avant ta
mort puisse mourir, Pa Faiz t. p. l'onneur d. t. [-1], Pi F. t. que - 517 A-C-Ca-Ch-M-Pa-Pi avant, G-J avant
t. m. p. mourir, Ld INVERSION Car ne te puis secourir - 518 C Ou, Ch j. n. puis te, Ld INVERSION Et si
te voy tant desolé - 519 C-J-Pa-Pi si, Ca desollé, Ch si t. v. t. desolée, G Si t. v. je, Ld INVERSION Hellas
à quoy t'ai ge porté, M si t. voye [+1] - 520 C H. pour q., Ca t'ai ge, G pour q. tant, J j. aporté [+1], Ld
INVERSION Fay tant pour la mere de toy, M t'a je, Pa Hellas - À strophe manquante (v. 521 - v. 528) - 521
C-Ch-G-J-Pi suis, Ld suis t. mere, M Quy, Pa suit serfve - 522 C N. souffisant à, Ca souffissans, Ch-J-Ld
suffisant, G souffisant, M souffissant, Pa suffisant d. telle, Pi suffisant à t. - 523 C-Ld Elisabeth, Ch
Helyzabeth, G-Pa Helizabeth, Pi Ha - 524 C-G-M moustras, Ca moustras amour - 525 Ch mon c. - 526 C-
G-J-Pi e. tel, Ca tel horreu, Ld tel orreur, M voye e. tel - 527 C-G-M-Pi Q.'iz I. t. mieulx u. b., Ca Q'ilz 1.
t. mieulz, Ch Q.'iz 1. t. mieulx que, J Qui IL. t. mieulx, Ld Q.'iz 1. treuvent mieulx qu'u. b., Pa Qui - 528 C-
Ch-G-J-Pi Qu'iz ne font chose plus honneste, Ca Qui ne font chose plus honneste, Ld Qui ne font chose
point honneste, M Qu'ilz ne font cose plus honneste, Pa Qui est chose bien deshonneste.

87
FA croix, ingien de grant torment,
tu es chose bien inhumaine,
quant ton Createur innocent,
532 plus pur que n'est le firmament,
tu me laissez, et tu l'enmaine.
O generation humaine,
comme ton rachat couste chier,
536 lequel je ne voelch empecier.»

A quant elle le vit en croix,


lors qu'il rendit son esperit,
les elemens à une fois
540 fisent .I. doloureux exploit
pour le Createur qui les fist.
Pense qu'en soy elle souffrit
de Sa pation grand partie :
544 son amme fu crucifiie.»34

34: Leçon de L rejetée : 544 Son amme fu crucifye lu [ii]

A strophe manquante (v. 529 - v. 536) - 529 C-Ca-M engien d. g. tourment, Ch-Ld engin, G angin d. g.
tourment, J-Pa engin d. g. tourment, Pi engin d. grand - 531 M inocent - 532 Ch P. p. que le f. [-1], J P.
purs, Ld p. cler - 533 C laisses e. t. l'emmaine, Ca-G laisses, Ch laisse e. t. l'emmeine, J laisses e. si, Ld
laisses e. on, M lesse, Pi laisse e. t. l'emmaine - 534 Ch-G-J-Ld-Pa generacion - 535 Ch cher, G Combien
t. r. c. cher, J Comment, Ld Comment t. rachapt c. cher, M rachet - 536 C veul empeschier, Ca voeul
empeschier, Ch-M veul empescher, G vueil empescher, J vueil empeschier, Ld-Pi veuil empescher, Pa
veuil empeschier - 537 À E. q. celle, C E. q. elle vite. c. [-1], Ca vey, Pi veit - 538 A-Ld Où il rendy, C-M
rendi, Ca L. qui rendy, Ch rendoit, G rendy, Pa rendist s. esprit [-1], J rendist, Pi rendy - 539 Ca-Pi
ellemens, G foiz, J ellements à u. foiz, Ld-Pa ellemens à u. foiz, M foix - 540À Firent sy dollereux explois,
C Faire si d. exploiz, Ca Faire sy douloureux esplois, Ch Firent si douloureux explois, G Firent moult
doloreux exploictz, J Faire si douloureux exploitz, Ld Firent si doloreux exploiz, M Faire si doulereux, Pa
Firent douloureux exploitz [-1], Pi Faire si dolereux exploiz - 541 A-Ch fit, Ld C'est - 542 À Pensez que la
Vierge s., C P. en s. qu'elle s., Ca Pensez q.'e. s. e. souffrist, Ch-Ld-M Pensez, G Pensez que en s. e.
souffrist, J Pensez q.'e. s. e. souffrist, Pa Pensez q.'e. s. e. soufrist - 543 À D. s. passion grant pitié, C-Ch-
Ld-Pa passion grant, Ca-J la passion grant, G-M-Pi passion - 544 À Quant vit son filz crucefié, C ame fut,
Ca-Ch ame f. crucefiée, G ame fut cruciffiée, J ame fut crucifiée, Ld ame fut crucifier, M ame f. crucefye [-
1], Pa S. ame y fut cruxiffie [-1], Pi ame f. crucifie [-1].

88
HE angoisseusement percie
avoec le costé de son fils,
ceste virge sainctifiie,
548 ceste mere tant esplorie,
souffrit trop plus que je ne dis
par le premier peciet commis
du pere de l'humain linaige;
552 qui ne le sçeut il n'est pas saige.»

«Maich au secré de ta memore


et au clos de ton souvenir
[ceste] trespistoyable hystore,
556 _ et telle angoisse sy nottore
où fut ton Dieu jusqu'au morir,
et le tresdoloureux souffrir
de sa tendre et piteuse mere;
560 ta paine n'est pas sy amere !»35

35: Leçons de L rejetées : 547 Ceste virge sainctifye lu [ii] / 555 Estre trespitoyable hystore [Ch-G-Ld-Pa-
Pi]

À 2 strophes manquantes (v. 545 - v. 560), Ca 2 strophes manquantes (v. 545 - v. 560) - 545 C perchée, Ch-
G-Ld percée, J persée, M anguisseusement perchiée, Pa perciée, Pi perchiée - 546 C-J-Pa-Pi Avec I. c. d.
s. filz, Ch avecques 1. cousté d. s. filz [+1], G avecq L. cousté d. s. filz, Ld avec 1. cousté d. s. filz, M avecq I.
c. d. s. filz - 547 C Celle v. saintifyée, Ch vierge sainctifiée, G-Pa Celle vierge sainctiffiée, J-Ld Celle
vierge sanctifiée, M Celle vierge saintifiée, Pi Celle vierge sainctiffiée - 548 C-Pi esplorée, Ch C. vierge, G
explorée, J Celle m. t. esplourée, Ld espleurée, M esplourée, Pa INVERSION Souffrit trop plus hault que
ne diz - 549 C-Ld souffry, Ch diz, J souffrist t. p. q. j. n. diz, M Souffri t. p. q. j. n. dy, Pa INVERSION Par
le premier pechié commis, Pi Souffry t. p; q. j. n. dys - 550 C-G-J-M-Pi pechié, Ch peichié, Ld pechié
premier c., Pa INVERSION Du pere de l'umain lignage - 551 C-J-Ld-M-Pi umain lignage, Ch-G umain
lignaige, Pa INVERSION Celle mere tant esplourée - 552 C-Ld-M-Pi sçet i. n'e. p. sage, Ch le craint, J
sceit, Pa 1. croit - 553 C Mets a. secret d. t. memoire, Ch-Pa Mectz a. secret d. t. memoire, G secret d. t.
memoire, J Met a. secret d. t. memoire, Ld Mais a. secret d. t. memoire, M Mes, Pi Met ou secret d. t.
memoire - 554 C-Ch-J-Ld cloz, Pa clous, Pi ou - 555 C Cest trespiteablé histoire, Ch-Pa Ceste trespiteable
hystoire, G-J-Pi Ceste trespiteable histoire, Ld Ceste piteable histoire, M Cest trespitoiable ystore - 556 C-
Ld-Pa-Pi E. celle à. si notoire, Ch E. celle à. et notoire, G si notoire, J INVERSION Où fust ton Dieu
jusqu'au mourir, M celle anguisse si notoire - 557 C-Pi fu, Ch jusques au mourir [+1], G fu t. D. ja.
mourir, J INVERSION Et le tres douloureux souffrir, Ld mourir, M fu t. D. jusque au - 558 C-Ch-Pa
tresdouloureux, G tresdouloureux souppir, J INVERSION De sa tendre et piteuse mere, Ld tresdouloreux,
M tresdoulereux, Pi tresdoloreux - 559 C D. la t., J INVERSION Ta paine n'est pas si amere - 560 C-Pi T.
peine n'e. p. si a., Ch peine n'e. p. si amaire, G-Ld-M si, Pa T. peine n'en sera p. si a. [+2], J INVERSION
Graces en dois à Dieu son pere.

89
«HE aquelle tu as desservie
et ilz estoyent innocens,
et fu pour te rendre la vie, 224500

564 toy, qui n'es heure ou demie


que tu ne pecez en tes sens.
Se tu n'as Ses commandemens
de prez gardés à ton pooir,
568 desplesir en voellez havoir.»

Je en grande contrition
recongnois que tu es peceur;
requiers Ly que Sa pation
572 te soit escut et campyon,
sy vray qu'il est ton raccateur.
Ne te bouptes en folle esreur,
croy qui est le piler et masse
576 dont sourt habundance de grasce.»56

36: À 2 strophes manquantes (v. 561 - v. 576), Ca 2 strophes manquantes (v. 561 - v. 576) - 561 C Laquele,
Ch-J desservye - 562 C-Ch-G-Ld-Pi-Pa estoient, J estoient innocent, M E. 1. en estoit ignocens - 563 C toy,
Ch-J Ce fut p. toy, Ld Ce fut p. t. saulver, M Ce f., Pa fut - 564 C n'est h. ne d., Ch n'as h. ne demye, G ne
demye, J n'est h. n. demye, Ld-M-Pi ez h. ne, Pi ne - 565 C-Ch-G-J-Ld-M-Pa-Pi peches - 567 C D. pres
gardéz à t. povoir, Ch-Ld pres gardé à t. devoir, G pres garder à t. povoir, J De toy garder à ton devoir, M
pres garder à t. devoir, Pa-Pi gardé à t. povoir - 568 C Desplaisir e. veulles avoir, Ch-J Crye mercy à ton
povoir, G Desplaisir e. vueilles avoir, Ld Crye mercy de ton povoir, M Crye merchy de ton pooir, Pa Crie
mercis et fais devoir, Pi Desplaisir e. porras avoir - 569 Ch-G-Ld-Pa contriction, J constriction - 570 C-G-
Ld-M-Pi pecheur, Ch peicheur, J Recongnoy q. t. ez pecheur, Pa Recongnoïz q. t. e. pecheur - 571 C-Ch-
Pa Luy q.s. passion, G-Ld Lui q. s. passion, J Requier Lui q. s. passion, M-Pi passion - 572 C-Ch-G-J-Ld-
M-Pi escu e. champion, Pa estu e. champion - 573 C-Ch-G-J-Ld-M-Pa Si v. q.'i. e. t. racheteur, Pi Si v.
q.'i. e. t. rachateur - 574 C-Ld boutes e. fol erreur, Ch-G-M-Pa boutes e. f. erreur, J-Pi boute e. f. erreur -
575 C Quoy qu'il e. l. pillier e. mace, Ch-G-Pi pillier, J pillier e. mace, Ld qu'il e. piller [-1], M piller, Pa
Crois qu'il e. 1. pilier - 576 C-G-J-Ld-M-Pa habondance d. grace, Ch grace, Pi Donc sourt l'abondance d.
grace.

90
[er
«Hng monde ne scaroit comprendre
que c'est de Sa misericorde.
Puis que ce vient à compte rendre,
580 ilte fault à morir aprendre.
Advise bien et sy recorde,
qu'il n'est peceur qui ne s'acorde
vers Ly s'il ly requiert pardon,
584 exemple par le bon laron.»

«ar la tressaincte Magdalaine,


par autrez tant que sans nombrer,
tu ne doibz havoir poulx, n'alaine,
588 virtu de nerf, pooir de vaine,
qu'il ne faille tout eslever
envers le chiel et äourer,
adfin que Jhesus te regarde
592 ette baille Sa saulvegarde.»37

37: Ca strophes manquantes (v. 577 - v. 584) et (v. 585 - v. 587) - 577 A-Ch-G-J-Ld sauroit, M seroit, Pa
saroit comprandre, Pi scauroit - 579 À P. q. c. v. à raison r., C sans c. r., G-J-Pa au c., Pi comte - 580 Ch-
G-J-Ld mourir, M faut, Pa Il te faulra morir au prandre - 5814 Aussy bien et sy recorde, C-Ch-G-Ld-Pa si,
J-M-Pi Avise b. e. si - 582 A-C-G-Ld-M-Pa-Pi pecheur, Ch peicheur q. n. s'accorde, J pecheur q. n.
s'accorde - 583 A-J-Ld V. Lui s'i. Lui r. p., € V. Luy s'on Luy, Ch V. Luy s'i. requiert p. [-1], G V. Luy s'i.
Luy, M si le, Pa Luy si Luy - 584 A-C-Ch-G-J-Ld-Pa-Pi larron - À strophe manquante (v. 585 - v. 592) -
585 C tressainte, Ch-Pi Magdaleine, G Magdeleine, J tressainte Magdalene, Ld tresaincte Magdelaine, M
Madelaine, Pa tresainte Magdaleine - 586 C P. aultres t. q. s. nombre, Ch-G-J-M-Pa autres, Ld-Pi aultres -
587 CT. n. dois avoir poulz n'a., Ch-Pi dois avoir poux, G dois avoir pouz, J-M dois avoir, Ld doiz avoir
poux, Pa dois avoir p. n'alayne - 588 C Vertus d. nerfs povoir, Ca-G-J-Ld-Pi Vertu d. nerfz povoir, Ch
Vertu d. nerfz pouvoir d. veine, M Vertu d. nerfs, Pa Vertu d. nerfz povoir d. vayne - 589 Ca-G-Ld Qui, Ch
n. fault [-1], M Quy - 590 C chief, Ch ciel e. l'adourer, G-Pi ciel e. adorer, J ciel e. adourer, Ld-Pa ciel -
591 C Afin, Ca-Ch-G-J-Pa-Pi Affin, Ld Affin q. J. t. garde [-1], M Affin q. Jesus - 592 C ta sauvegarde,
Ca-Ch-G-J-M-Pa-Pi sauvegarde.

91
« te donra son paradis,

et sera le deable vaincu.


Tu feras peur as annemis
596 qui se trouveront esbabhis,
car tu haras sur eulx virtu,
puis que tu seras esléu.
Tu aras chois de ton souhait
600 _ et de ton desir le parfait.»

Hn la veüe du Saulveur,
en quoy se delittent les saincs, 224 v° a
la presence du Createur
604 leur donne suffissance au ceur
dont ilz l'äourent jointez mains,
et se sont de joye sy plains
que les angeles en leur salus
608 chantent: Te Deum laudamus.»38

38: À strophe manquante (v. 593 - v. 600) - 593 J donrra - 594 Ch deable, G-Ld diable - 595 C-J-Ld-M-Pa
paour aux ennemis, Ca paour auz ennemys, Ch paour aux ennemys, G paour aux annemis, Pi paour aux
ennemiz - 596 Ch esbahyz, Ld esbais, M Quy, Pa-Pi esbahiz - 597 C-Ch-G-J-Ld-M-Pa auras s. e. vertu,
Ca averas s. eulz vertu [+1], Pi auras s. eulz vertu - 598 C Depuis - 599 C Ton choix auras, Ca T. averas
choiz d. t. souhet, Ch-J-Ld auras, G-Pa auras choix, M auras choïps d. t. souhet, Pi auras c. d. t. souhet -
600 Ca-M parfet, Ch perfaict - 601 À E. I. v. de no Saulveur [+1], C-Ch venue, Ca-G-M-Pa-Pi Sauveur, Ld
saint S. [+1] - 602 A-C-Ca-Pa-Pi delitent 1. sains, Ch delectent 1. saints, G-Ld delictent 1. sains, M delitent
- 603 Pa En 1. p. [+1] - 604 A-M souffissance a. cuer, C souffissance, Ca souffisance a. coeur, Ch-G-Ld
souffisance a. cueur, J suffisance à. cuer, Pa suffisance a. cueur, Pi suffisance - 605 À D. i. le loent jointes
m., C D. i. äourent jointes m., Ca-G joinctes, Ch le louent joinctes, J-Ld-Pa jointes, Pi donc i. l'a. jointes -
606 A-G E. si s., CE. si s. d. joie si p., Ca E. sy, Ch-J-Ld-M-Pa E. si s. d. j. si, Pi E. sis. d. joies plains [-
1] - 607 A-C-Ca leurs, Ch anges a. leurs salutz, G angelz e. leurs, J angles e. leurs, Ld Q. leurs anges, M
angles, Pa anges, Pi angles e. leurs salutz.

92
Az ont glore sans terminer
et lÿesse parassouvie.
I1z ne font sy non Dieu lüer,
612 car ce qu'il voellent demander
ung chascun jour leur multiplie,
et voient la Virge Marie
auprez de son fil couronnée,
616 aprez Ly la plus honnourée.»

«NX,ouvent dient en leurs acors:


Ave celorum regina,

benoit soit le ventre et le corps


620 qui sceut comprendre les trezors
où la deité s'äumbra.
O ave gratia plena,
roÿne de beatitude,
624 Fort resjoyst ta plenitude.3?

39: À 2 strophes manquantes (v. 609 - v. 624) - 609 C-Ch-G-J-Ld-Pa gloire, Ca Ils o. grant gloire s.
nombrer - 610 C-Ca-G-M-Pi leesse, Ch-J-Ld leesse parassouvye, Pa INVERSION Laquelle si est infinie -
611 € N'i. n. f. si n., Ca il, Ch-G-J-M si n. D. louer, Ld-Pi si, Pa Et n. f. si n. D. louer - 612 C-Pi q'iz
veulent, Ca De c. q.'ilz veullent, Ch-J-Ld ilz veullent, G En c. q.'ilz vueillent, M ilz, Pa Ayant ce qu'ilz
veullent d. [+1] - 613 C-Ca-M mouteplie, Ld chescun, Pa INVERSION Et toute lyesse assouvie, Pi chacun -
614 C-Ca-G-Pi Vierge, Ch voyent, J En voyant 1. Vierge, Ld-M voyent 1. Vierge, Pa INVERSION Ung
chascun jour leur multiplie - 615 € Empres d. s. filz, Ca filz couronné, Ch-G-J-Ld-M Aupres d. s. filz, Pa
INVERSION Voyant la mere de Dieu [-1], Pi Aupres d. s. filz coronnée - 616 C Apres Luy, Ca Lui L. p.
honnourée, Ch Apres Luy 1. p. hounourée, G Apres Lui 1. p. honnorée, J-Ld Apres Lui, M Li, Pa Roÿnne de
ce noble lieu, Pi Luy 1. p. honnorée - 617 Ca accordz, Ch-Ld accors, G-J accords, Pa actordz - 618 Ch Ave
regina celorum - 619 Ca B. s. 1. v. et corpz [-1], Ld-Pa-Pi benoïist - 620 C-Ca-G-J-Ld-Pi tresors, Ch sceust
c. l. tresors, M le tresors, Pa sceult c. 1. tresors - 621 C s'aombra, Ch s'enombra, G s'auombra, J s'enumbra -
622 Ch De, G-J-Ld-Pa gracia - 623 Pa roÿnne, Pi roïne - 624 C-Ca-Ld-Pa-Pi resjoist ton habitude, Ch Soit
resjoye ton habitude, G resjouist ton habitude, J ton habitude, M resjoyt ton habitude.

93
3 n'est chiel, ne terre, ne mer,

ne clers tant lettrez en estudes


qui sceussent de toy comparer,
628 ne qui suffissent pour nombrer
les noms de tes beatitudes.
Ce sont de grasces plenitudes
obscurez à l'humanité,
632 comme chosez de deité.

Besquetlez se sont invisibles,


par la fragilité du corps,
il n'est par hystorez ne bibles
636 qu'elles te soyent compatibles.
«Jusquez [que] l'esperit soit hors,
pryle] Dieu qu'à l'heure de lors
il te donne sa gratitude
640 et de sa glore plenitude.»40

40: Leçons de L rejetées : 637 Jusquez l'esperit soit hors [-1] [C-Ca-Ch-G-Ld-M-Pa-Pi] / 638 Pry Dieu
qu'à l'heure de lors [-1] [C-Ca-Ch--G-Ld-M-Pa-Pi]

À 2 strophes manquantes (v. 625 - v. 640) - 625 C Il n'est chiel terre ne mer [-1], Ca-Ch-G-J-Ld-Pi ciel, Pa
ciel t. n. m. [-1] - 626 C-Pa N. clercs t. L. e. estude, Ca clerc t. lettré e. estude, Ch-G clercs t. lectréz, J
clercs, Ld clercs t. lectrés, Pi clercz - 627 Ca-J-Ld-Pa de my, Ch de my racompter [+1], M Quy s. d. moy -
628 C souffissant, Ca suffissent, Ch-J-M-Pi souffissent, G-Pa souffisent, Ld souffisissent [+1] - 629 C-G
Le moins, Ca Le moins d. ces, Ch-J-Ld Le moins d. ses, M ces, Pa ses, Pi L. moins - 630 C-J-Ld-Pa-Pi
graces, Ca grace, Ch-G Se s. d. graces, M grasses - 631 C-Ca-G-J-Pi Obscures à h., Ch-Pa Obscure à h.,
Ld Obscures, M à h. - 632 C-Pi choses, Ca-Ch-G-J-Ld-Pa chose, M cose d. deyté - 633 C Lesquelles si,
Ca-J-Ld-M-Pi Lesquelles te, Ch Lesquelx te [-1], G-Pa Lesquelles - 634 J P. ta f. du corps - 635 C-J pas
histoires, Ca-G-Ld histoires, Ch I. n'e. hystoire n. b. [-1], M histores, Pa pas hystoires, Pi pas histoire - 636
C-Ca-J-Ld-M-Pa-Pi soient, Ch Qui t. soient impressibles, G soient comparables - 637 C-Ca-Ch-G-Ld-M-
Pi Jusques que, Pa Jusques que l'esprit [-1] - 638 C-Ca-Ch-G-J-Ld-Pa-Pi Prie D. q.'à l'eure, M Prye D. q.'à
l'eure - 640 C-Ca-Ch-G-J-Ld gloire, Pa grace.

94
[Se tu as la grace de Dieu,
tu auras sa gloire en la fin
et verras son throsne et son lieu,
644 en paradis droit ou milieu,
environé de seraphint,
qu'il te mectra comm afin,
avec(ques) les benoitz à la dextre :
648 bienheureux [est] qui y peut estre.]

[Se tu es dampné ou saulvé


c'est à tousjours et sans rappel;
l'estat où tu seras trouvé
652 soit bien tost mal sera prouvé;
lors auras couronne ou chappel
que tu y laisseras la pel,
car nul ne t'y peut secourir :
656 pense doncques de bien mourir.]#!

41: Strophes supplémentaires : Ch, vv. 641-656, fol. 42r° et fol. 42v°.

95
«HE 'heure est briesve de [tJon trespas, 224 v° b

il t'en fault faire ton proffit.»


Le peceur quy se voit au bas,
660 combré de sy doloureux las,
et ot ce que l'angele ly dist,
ne poelt sonner mot tant petit;
lors dist le deable qu'il est sien,
664 l'angele soubstient qu'il n'y a rien.

LE miserable creature,

quant vient à ceste extremité


et en ceste amere pointure,
668 _ où est la force tant soit dure
ne sens qui ne soit oublyé ?
Nostre oel en doibt estre esploré
et debvons trambler en frachons
672 touttesfois que nous y pensons.#2

42: Leçon deL rejetée : 657 L'heure est briesve de son trespas [A-Ca-Ch-G-Ld-M-Pa]

657 A-Ca-Ch-G-J-Ld-M-Pa L'eure e. b. d. ton, C L'eure, Pi L'eure e. bresve - 658 A-Pa pourffit, C-Ca-Ch-
J prouffit, Ld I. te f. f. t. prouffit, M faut f. t. pourfit - 659 A-C-Ca-J-Ld-M-Pa-Pi peheur qui, Ch peicheur
qui, G pecheur - 660 À Comblé d. s. dollereux, C-Ch-Pa Comblé d. si douloureux, Ca Comblé d. s.
douloureux, G-Pi Comblé d. si doloreux, J Comblé d. si douloureux, Ld Comblé d. si douloureux laz, M
Comblé d. si doulereux - 661 À oyt c. q. l'a. lui dit, € Oÿr c. q. l'a. lui dit, Ca E. oit c. q. l'ame lui d., Ch E.
oyt c. q. l'ange lui dit, G anges lui, J Oyoit c. q. l'angle lui, Ld oyt c. q. l'ange lui dit, M oit c. q. l'angle li dit,
Pa oyt c. q. l'ange luy dit, Pi oit c. q. l'angle I. dit - 662 A-M-Pa puet, C-Ca-Ld-Pi peut, Ch peut s. m. ne p.,
G peult, J pot - 663 À L. le dyable dist, Ca L. le diable dist, Ch le dyable dit, G dit 1. diable, J L. le deable
dist, Ld L. le diable dit, M L. le deable dist q.'i. e. siens, Pa Le deable dit q.'i. e. sien, Pi dit - 664 A-C-Ca
soustient, Ch-G-Pa ange soustient, J-Pi L'angle soustient - Ld Et l'ange soustient [+1], M L'angle soustient
q.'i. n'y a riens - 665 Ch Ha ce [+1] - 666 À cestre, Ch celle - 667 À E. à ceste, Ch amaire poincture, Ld
INVERSION Où est la chose qui soit dure, Pa E. c. a. poincture [-1] - 668 Ld INVERSION Quant en ceste
amere pointure - 669 A-Ch-G-J-M-Pa-Pi oublié, C oubliéz, Ca oubliés, Ld No s. si est tout oublié - 670 À
N. oeil deveroit e. moullié [+1], € Noz yeulx doivent e. mouilliéz, Ch oeil devroit e. mouillié, G oeil devroit
e. moillié, J-Ld oeil devroit e. moullié, M debveroit e. mouillié, Pa oeuil devroit e. moullié, Pi oeil debvroit
e. mouillié - 671 À deverions t. frissons, C Devrions t. de frissons, Ch-G-Pa-Pi devrions trembler de
frissons, J devrions trembler frichons, Ld devroit trembler de frissons, M debveroit t. des frissons [+1] - 672
A-C-Ch-Pa-Pi Toutesfois, G Toutes les fois [+1], J toutesfoiz, Ld penssons.

96
A grand paine se saulvera
le plus juste qui au monde est;
et dont, le peceur que fera
676 quant ce terrible jour vendra,
que Dieu jugera le parfet ?
Mieulx ly vaulsist non estre fet
qu'estre en telle dampnation,
680 où est justice sans pardon.

[Icy encores dict l'acteur,


pour homme mortel adviser,
qu'il doit aymer son createur
684 et recougnoistre son sauveur:
si luy doit mercy demander.
Or nous veullons vers luy tourné,
pour bien vêoir cest a.b.c.
688 qui nous gardera d'estre dampné.]# [+1]

43: À strophe manquante (v. 673 - v. 680), Ca strophe manquante (v. 673 - v. 680) - 673 C A grant peine,
Ch grant peine, G-Ld grant, J-M grant p. s. sauvera, Pa grant peine s. sauvera, Pi peine s. sauvera - 674 C
L. p. j. qué ores est, Ch-G-J-Ld-Pa q. ores est, M quy ores, Pi justes q. ores - 675 C Donques I. pecheur,
Ch peicheur, G Dont 1. pecheur lors q. f., J Adont 1. pecheur, Ld pecheur, M E. donques 1. pecheur [+1], Pa
Doncques I. pecheur, Pi Donc 1. pecheur las - 676 C-M-Pi venra, Ch-G viendra - 677 Ch perfait, G-J-M-
Pa-Pi parfait, Ld Qu'onj. tout au parfait - 678 C M. lui vausist n. e. fait, Ch luy v. n. e. fait, G lui v. n.e.
fait, J-Ld lui, M Mieux luy vausist, Pa luy, Pi Mieux 1. v. n. e. fait - 679 C tele, Ch-Ld dampnacion, G
celle dampnacion, J Que estre e. t. dampnacion, Pa dempnacion / Strophe supplémentaire : Ch vv. 681-
688, fol. 43r°.

97
À toy dont, creature humaine,

à toy est l'heure de trambler,


à toy qui quiers joye mondaine,
692 à toy qui delairas en paine,
à toy qui ne fais que passer,
à toy qui en doibs souspirer,
à toy je dis que tu n'es riens,
696 toy et ta vie, fors que fiens.

PR > Vis
Bien sera ta canchon muée :

bien tost ton corps devenra cendre,


bien tost sera ta vie oultrée,
700 bien tost ton amme separée,
bien tost te faulra compte rendre,
bien tost moras comme le mendre,
bien tost seras en poulreture,

704 bien tost t'abandonra Nature.44

44: Ca 2 strophes manquantes (v. 689 - v. 704) - 689 Ch-G-J-Ld-Pa-Pi donc - 690 A-C-M eure, Ch-G-J-
Pa-Pi eure d. trembler - 691 C-Pi joie - 692 À le layras, C la lairas, Ch l'auras [-1], G lairas [-1], J-Ld la
lairras, M que la lairas, Pa la lairas e. peine, Pi tout lairas - 693 A-J faiz, Ch feras [+1], M quy n. faix - 694
À doiz souppirer, C-M-Pa-Pi dois, Ch doys, G doys souppirer, J doiz, Ld dois souppirer - 695 A-Ch diz q.
t. n'ezr., G dy, J dy q. t. n'ez, Pa ez - 696 Pa feons - 697 A-Pa chance, C-J-Ld-M-Pi chancon, Ch B. toust
s. t. chance, G chanson - 698 À deviendra, Ch B. toust t. c. deviendra, G B. ton c. devendra c. [-1], J-Ld-Pa-
Pi devendra - 699 Ch B. toust, Ld oultré - 700 A-C-G-J-Ld-Pa-Pi ame, Ch B. toust t. ame - 701 A-J-Ld-Pi
fauldra, Ch B. toust fauldra, M faura, 702 A-C-Pa-Pi morras, Ch B. toust mourras come 1. moindre, G-J
mourras, Ld mourras c. 1. mandre - 703 A-J pourreture, C sera e. pourreture, Ch B. toust s. e. pourriture, G-
Ld-Pa pourriture, M sera e. poureture, Pi porriture - 704 C-Ld-Pa t'abandonnera [+1], Ch B. toust
t'abandonnera [+1], J-Pi abandonrra.

98
Éombien que tu soyes gentil, 225 r° a
combien que tu soyes mondain,
combien que tu ne crains peril,
708 combien que (tu) ne doubtez exil,
combien que tu soyes humain,
combien que l'en crainde ta main,
combien d'honneur quë on te fasse :
712 comme le vent tantost se passe.

Poubte et cremeur tu doibs havoir :


doubte de Jhesu courouchier,
doubte de tant de biens voloir,
716 doubte ton amme à decepvoir,
doubte qu'il te fault trespasser,
doubte qu'il te fault tout lesser,
doubte que tu ne sçes comment,
720 doubte le jour du Jugement.45

45: Leçon de L rejetée : 708 Combien que tu ne doubtez exil [+1]

Ca 2 strophes manquantes (v. 705 - v. 719) - 705 C-J-Pa-Pi soies - 706 J-Pa-Pi soies - 707 Ld
INVERSION C. q. t. ne doubtes exil, Pa INVERSION craigne exil - 708 A-C-Ch-M-Pa doubtes [+1], G C.
q. tu doubtes e., J doubte, Ld INVERSION C. q. t. n. craignes peril [+1], Pi C. q. t. ne doubte exil - 709 À
C. q. t. s. inhumain [+1], C-J-Pa-Pi soies - 710 À C. quë on craind t. m. [-1], Ch le o., G craigne, J-Pa
craingne, Ld creigne, Pi quëé on - 711 A-C onneur q. o. t. face, Ch-M l'on t. face, G l'onneur qui l'en t. face,
J que l'en t. face, Ld onneur, Pa C. que d'onneur l'en t. face, Pi l'onneur q. o. t. face - 712 Ch tantoust, Pi
Comment - 713 À doiz avoir, C-Ch-G-J-Ld-M-Pa-Pi dois avoir - 714 A-J Jhesus couroucier, C Jhesus
courrouchier, Ch courroucer, G Jhesus courrousser, Ld corrocier, M Jesus, Pa Jhesus courroucier, Pi
corrocer - 715 À voulloir, C-Ch-Ld vouloir, G-J-M-Pa bien vouloir - 716 A-J-Ld Dont tu te puisses d., C
D. tu te puisse decevoir [+1], Ch Dont tu te puisses decevoir, G D. tu te puisses decevoir [+1], M Dont tu te
puisse d., Pa Dont tu te puisse decevoir, Pi D. tu puisses decevoir - 717 M faut - 718 À laissier, C-G-J-Ld-
Pi laisser, Ch f. delaisser, M faut, Pa f. laissier [-1] - 719 A-C-Ch-G-J-Pa scez.

99
Fn Dieu soit ta ferme esperance,
en ce faulx monde peu t'arrest,
en vanitet et en beubance,
724 en pompe et en oultrecuidance,
en orgoel quy à Dieu desplest,
en luxure quy tout desfet,
en ire, parece et envie,
728 en avarice et goutonnie.

W'ors seule satisfation,


force d'obeyr en const[ance],
force contre temptation,
132 force de requerre pardon,
force [en] virtueuse attemprance,
force contre folle ygnorance,
force quant on se troeve bas,
736 force de congnoistre son cas.46

46: Leçons de L rejetée : 730 Force d'obeyr en constrainte [A-C-Ca-Ch-G-Ld-M-Pa] / 733 Force et
virtueuse attemprance

721 Ca fiance e., J f. fiance, Pa E. D. f. ton e. - 722 A-J pou d'arrest, C t'arreste, Ca faus m. pou d'arest, Ch
a p. d'arrest, G-Ld d'arrest, M fau m. p. t'arest, Pa a pou d'arrest, Pi d'a. - 723 A-Ca-Ld-M vanité, C-Pi
vanité ne e. b., Ch vanité e. e. boubance, G vanité et bobance [-1], J vanité e. e. bombance, Pa vanité e. e.
vanitance [+1] - 724 A-Ca-Ld-Pa E. p. ne o., C E. p. ne en o., Ch Et en pensées d'oultrecuidance, G
outrecuidance, J p. en o. [-1], M ne outrecuidance, Pi n'en - 725 A-C-Ld-Pa E. orgueil qui à D. desplait, Ca
E. orgueil qui, Ch-G-J E. orgueil qui à D. desplaist, M orguel q. à D. desplet, Pi orgueil q. à D. desplaist -
726 A-C-Ch-Ld-M qui t. deffait, Ca qui, G-J-Pa qui t. desfait, Pi desfait - 727 A Envie paressë e. yre, C-
Ca E. envie preschë et yre, Ch E. paressë ire e. envye, G E. envie paressë e. yre, J E. envye paresce e. yre,
La-Pa E. envie paressé e. ire, M E. envie perechë e. yre, Pi E. envie peressé e. ire - 728 À en gloutire, C-G-
J-M-Pa-Pi n'y a mire, Ca E. a. ne a murmure [+1], Ch gloutonnye, Ld n'en gloutonnie - 729 A Forse seulle
satisfacion, Ca seulle sattisfacion, Ch F. de satisfacion, G-J-Ld-Pa seulle satisfacion, M seulle satifation,
Pi satisfaction - 730 A-C-Ca-Ld-M d'obeir e. constance, Ch-J-Pa constance, G obeir e. constraincte, Pi
obeir - 731 A-Ca-Ch-J-Ld-Pa temptacion, Pi temtation - 733 À F. vertueuse a., C atemprance, Ca-G-Pi
vertueuse, Ch F. de louable actemprance, J F. et vertueuse atrempance, Ld vertueuse actemprance, M F.
vertueuse atemprance, Pa vertueuse atemprance - 734 A-Ca-Ch-J-Ld-Pa-Pi F. c. son ignorance, C-G EF. c.
son, M ignorance - 735 À trouve, C-Ch-G-Ld-Pi treuve, Ca troeuve, J l'en s. treuve au, M l'en , Pa l'en s.
treuve.

100
Bhsande pité en advenra,
grant paine polra mieux souffrir,
grand povreté connoitera,
740 grande soufferte portera,
grande dolour jusqu'au morir,
grande patience et desir,
grande crainte et cremeur de Dieu LPS alto)
744 grande doubte où sera son lieu.

(1
#ivons en Dieu et en bienfais,
vivons errant le droit cemin,
vivons en redoubtant nos fais,
748 vivons pour regner à jamais,
vivons ainsy q'ung pellerin,
vivons pour partir au matin,
vivons pour tantost deslogier,
752 vivons où nous volons logier.47

47: À 2 strophes manquantes (v. 737 - v. 752) - 737 C pitié e. avenra, Ca grant pitié [-1], Ch pitié t'e.
adviendra, G pitié e. avendra, J pitié e. advendra, Ld pitié t'e. avenra, M avenra, Pa pitié e. aura [-1], Pi
advenira [+1] - 738 C-Ch G. peine pourra mieulx, Ca porra mieulz, G porra mieulx, J G. p. pour mieulx s.
[-1], Ld peine pourras mieulx, M poura, Pa peine porra mieulx, Pi Grand peine porra mieulx s. - 739 C
grant p. convoitera, Ca congnoistera, Ch pouvreté congnoistera, G pouvreté, J Grande p. congnoistra, Ld
pouvreté congnoistras [-1], M Grant p. congnoistera, Pa Grande pouvreté congnoistra - 740 C souffrete, Ca
souffraite, Ch souffrete pourtera, G INVERSION Grande douleur jusque au mourir, Ld souffrete porteras,
M soufrete, Pa Grant souffrette [-1], Pi souffrette - 741 C douleur, Ca-Ch G. douleur jusques au mourir
[+1], G INVERSION Grande pascience et desir, J douleur j.'a. mourir, Ld douleur j.'ou mourir, M Grant
doleur jusques au m., Pa Grant douleur j.'au mourir [-1], P£ doleur - 742 C-Ch-J-Pa-Pi pacience, G
INVERSION Grande crainte et timeur de Dieu, Ld pascience - 743 Ch craincte, G INVERSION Grande
doubte où sera son lieu - 744 Ch G. craincte, G INVERSION Grande souffrete portera, J le 1., M-Pa Grant
doubté o., Pi G. crainte - 745 Ch biens fais, G-J biens faiz, Ld-Pa bienfaiz, M bienfaix, Pi V. e. D. en
bienffais [-1] - 746 C-Ca-Ch-G-J-Ld-Pa-Pi chemin, M grant chemin - 747 C-G-Ld V. e. doubtant nostre
faiz, Ca-M-Pi V. e. doubtant nostre f., J V. redoubtant nostre faiz, Pa doubtant nostre meffaiz [+1] - 748 J-
Ld jamaiz - 749 C ainsi q'un pelerin, Ca qu'un pelerin, Ch ainsi com ung bon p. [+1], G-M-Pi ainsi qu'un
pelerin, J ainsi que pelerin, Ld ainsi qu'u. pelerin, Pa ainsi qu'un - 750 Ch Visons, Pi V. sans p. - 751 Ch
Visons p. tantoust desloger, Pa-Pi desloger - 752 C Visons o. n. voulons, Ca-Ch-G-J voulons, Ld devons,
Pa Visons o. n. voulons loger, Pi Visons o. n. voulons loger.

101
4
Mirons nous au grant Jugement,
mirons nous en la Pation,
mirons infer et dampnement,
756 mirons la mort et son tourment,
mirons nostre inclination,
mirons le monde et se fachon,

mirons nostre fragilité,


760 mirons nous pour estre saulvé.

ions à Dieu qu'il nous pardonne,


prions qu'il nous baille sa grasce,
prions qu'il le nous habandonne,
764 prions que Sa glore nous donne,
prions que nous voyons Sa face,
prions que nos peciés efface,
prions qu'Il nous voelle garder
768 _ et nos desfaultez pardonner.

48: À strophe manquante (v. 753 - v. 760) - 753 C ou, Ch jugemement [+1], Pi ou grand - 754 C-Ca-Ch-G-
Ld-M-Pa-Pi Passion, J à 1. Passion - 755 C-Ca-Ch-G-J-Ld-M-Pi enfer, Pa enffer e. dempnement - 756 Ch-
Ld-Pi torment - 757 Ch-G-J-Ld-Pa inclinacion - 758 C-G-J-Ld-Pa-Pi sa façon, Ca-Ch façon - 759 Ca
fragilité - 760 Ca-Ch-G-J-Pa-Pi sauvé - 761 Ca qui, Pa P. Dieu [-1] - 762 A-J donne s. grace, C-Ca-Ch-
G-Ld-M-Pa-Pi grace - 763 A-C-Ch-G-J-Pa q.T. ne n., Ca P. Lui qui ne n. h. [+1], Ld P. que ne n. - 764 A-
C-Ch-G-J-Ld-Pa-Pi gloire - 765 À vëons, C-Ca-M-Pi voions, Ch voyon, Ld veyons - 766 A-C noz pechiés,
Ca-M pechiés, Ch-J-M noz pechiéz, G INVERSION Prions qu'il nous vueille garder, Pa pechyéz, Pi pechéz
- 747 A-C-Ch veulle, Ca P. que n. veulle, G INVERSION Prions que noz pechiéz efface, J veuille, Ld
vueille, M voeulle, Pa-Pi veuille - 748 A-C-G-M desfaultes, Ca-Ch-J-Ld noz desfaultes, Pa defaultes, Pi
ma desfaulte.

102
AMEN
Explicit le Miroir de Mort
à glace obscure et tenebreuse,
. là où on voit chose doubteuse
et nature de desconfort.
Deo gratias 4?

Mourir con c'est chose s


nul n'en re de porrit
souvent ad vient selon nat ure|
et n'en sou à creat

49: Ca-Pi pas Amen - A-C-M-Pa pas d'explicit - J Explicit - Ca Et matiere d. d. - Ch mirouer / l'en /
matiere - G miroer /matiere - Ld Explicit speculum mortis / Nil certius morte nec eius hora mortius - Pi l'en
/ matere - Ca-Ch-Ld-M pas Deo Gratias - G Gracias - Pa Finis.

103
D
h L ‘

Lu
Us Smet |
rss More DOTE Ur

re,

1.
NOTES EXPLICATIVES

V. 1 : Je. Ce je en tête du poème est très intéressant, car il pose toute la pro-
blématique de la subjectivité littéraire au Moyen Âge. A ce sujet, Paul Zumthor
expose dans son Essai de poétique médiévale que «la loi générale de l'imper-
sonnalité narrative pourrait s'énoncer ainsi : la poésie médiévale ignore le récit
à la première personne. Cette loi comporte un petit nombre d'exceptions (...)»
[p. 1721, à savoir tout d'abord les textes en prose, sorte de Mémoires où nous
rencontrons l'universalité morale du je (cf. Historia Calamitatum de P. Abé-
lard ou les Confessions de saint Augustin), ensuite le Roman de la Rose, et
enfin tout ce qui se rattache à la tradition du grand chant courtois. Zumthor
note que dans ces trois catégories le je n'est que sujet grammatical, il n'a jamais
de prétention biographique. Par la suite, il répertorie les différentes expressions
du je [voir tableau p. 183]. De ce classement émerge une forme lyrique non
chantée, ce qu'il appelle les «dits», «(...) discours qui fait surtout, sinon exclu-
sivement, référence à l'énonciation, et se réalise le plus souvent en style
«personnel» (...)»[p. 405]. Il donne «l'exemple le plus ancien que l'on puisse en
citer (.…) [et] l'un des plus parfaits. Ce sont les Vers de la Mort du moine ]
Hélinand de Froidmond (...)» [p. 406]. La caractéristique formelle des Vers de/
la Mort est le «lyrisme de persuasion qui tient du discours démonstratif ou
délibératif.» [p. 410] Le je apparaît dans un rôle déterminé par le thème du
poème. Nous pourrions replacer le Miroir de Mort dans la tradition poétique
formelle et thématique des Vers de la Mort. En somme, le je de cette première un
strophe est personnel (il serait même très tentant de dire que Chastelain s'est
converti suite à une expérience personnelle qu'il relate ici, comme on a pu le
faire pour Hélinand, bien que cela demeure toujours des conjectures), mais à
des fins didactiques : il sert d'exemplum vivant, il exprime une subjectivité illu-
soire pour donner plus de poids à son discours, pour interpeller et apitoyer plus
facilement le lecteur; de telle sorte qu'il n'a plus rien à voir avec le sujet stric-
tement grammatical du grand chant courtois et devient un je persuasif. Le
Miroir de Mort serait un prototype de cette forme lyrique non chantée, le dit.
indigne : nous nous attardons sur cet adjectif essentiellement en raison
de l'ambiguïté de sa signification dans un poème oral. En effet, nous ne pou-
vons déterminer si le signifiant [indigne] est un simple adjectif ou un article
indéfini (un) suivi d'un adjectif. Lors d'une première lecture nous avions lu
«indigne», mais la compréhension de cette strophe nous échappait. En effet, si
le poète s'affirmait «indigne serviteur», pourquoi introduire le vers 6 (la puni-
tion, le ravissement du bonheur) par l'adverbe mais qui marque une opposition?
il aurait été plus logique d'avoir une conjonction de coordination, par exemple
«et», qui fasse le lien entre son indignité (la cause) et sa punition (l'effet). Mais
cette lecture pose problème, car elle fait de l'amant un soupirant parmi d'autres.
De ce fait nous ne trancherons pas entre les deux interprétations. Notons que
Chastelain a peut-être sciemment joué de l'ambiguïté du signifiant.

105
serviteur : allusion au service amoureux de la courtoisie. La courtoisie
était calquée sur la féodalité : l'homme était au service de sa dame, comme le
vassal à celui de son suzerain. En somme, ce premier vers pourrait faire penser
à une chanson courtoise. Selon nous, cette amorce n'est pas innocente, car il
faut captiver son auditoire dès le début. Pour ce faire, il faut lui offrir ce qu'il
entend le plus, ce à quoi il est habitué, c'est-à-dire des chants d'amour.

V.2 : prime jonesse : prime a le sens de «premier» et il doit être pris dans son
sens canonique : la première heure du jour. Ainsi, la prime jonesse devient une
élégante métaphore du début de la jeunesse, l'aube de la jeunesse. Nous som-
mes tentée de traduire par «le printemps de la vie»; d'ailleurs, comme substantif
«prime» signifie entre autres «printemps». Ce rapprochement sémantique n'est
peut-être pas anodin.

VV. 3-5 : énumération de compléments déterminatifs introduits une seule fois


par la préposition de. Ces différents compléments qualifient la personne dont le
poète fut indigne serviteur.

V. 4 : La joye de mon povre ceur : oxymore joignant deux termes opposés,


joye et povre (dans le sens de «malheureux»). Ce vers attire l'attention de
l'auditeur, car le chant d'amour semble quelque peu sombre.

V.5 : maistresse : initialement la maistresse désignait la gouvernante, la nour-


rice. Puis au XVe siècle, elle devient la femme aimée chez les poètes lyriques
(REY, dès le XIIIe siècle). Mais cette maistresse n'a plus rien à voir avec la
domina féodale. «La maistresse n'est plus à proprement parler la suzeraine :
l'apparition du mot avec son sens de «femme aimée» coïncide d'ailleurs avec
une certaine évolution à la fois sociale et littéraire du contexte, où s'inscrivent
les rapports entre amis et amies.» [ A. GRISAY [e.a.], Les dénominations de la
femme dans les anciens textes littéraires français, p. 211]. Notons qu'au
Moyen Âge maistresse n'a pas du tout notre sens moderne de concubine.

V. 6 : ce vers, du moins ses deux premières syllabes, peut encore donner l'illu-
sion du chant d'amour, car, vu le contexte initial, l'auditeur serait plus tenté de
comprendre le signifiant [lamor] comme «l'Amors» (le -s final n'est plus que
légèrement prononcé : cf. MARCH, p. 86) et non pas «la Mort». Ce n'est qu'à
la suite du vers qu'il réagirait, puisque [lamor] est de «grande rudesse». L'audi-
teur est dans le doute, il est d'autant plus captivé par ce singulier poème
d'amour tout en apparence. Cet argument est corroboré par la dimension orale
des textes médiévaux qui est capitale. Nous ne pouvons imaginer un texte
médiéval sans lecture à haute voix; la lecture silencieuse d'un texte est une
vision moderne. Selon Zumthor, avant l'arrivée de l'imprimerie (milieu du XVe
siècle) et cent ans après, nous étions dans une période «d'oralité mixte» :
l'écriture existait, mais ne faisait pas encore autorité à côté de ce qui était dit.

106
[P. ZUMTHOR, La lettre et la voix. De la "littérature" médiévale.] Même les
textes de dévotion personnelle étaient lus à haute voix. Ainsi, saint Augustin,
dans ses Confessions, s'étonne que saint Ambroise lise à voix basse : «Quand il
lisait, ses yeux parcouraient les pages et son intelligence en scrutait le sens,
mais sa voix et sa langue se reposaient. (...) Peut-être se gardait-il de lire à
haute voix, de peur qu'un auditeur attentif et charmé, (...) ne l'obligeât à des
explications (...). Au reste, quelle que fût son intention, elle ne pouvait être que
bonne chez un homme comme lui.» [p. 1091.

V.8 : son corps : le poète insiste sur la perte physique que provoque la Mort.
La Mort n'enlève pas seulement un être, mais aussi un corps. Ce corps, ravi
par la Mort, était la base même de l'amour du poète pour sa dame, tant dans
l'optique d'une admiration platonique que dans celle d'une passion charnelle. Il
est intéressant d'envisager cet attrait pour la dimension corporelle de l'être selon
l'eschatologie : en effet, ici, le corps est vu comme primordial (comme dans une
certaine vision courtoise), alors que dans la tradition chrétienne, comme dans la
tradition philosophique d'Aristote, le corps emprisonne l'âme et va jusqu'à la
corrompre par les plaisirs de la chair dont seule la mort la délivre. Le poète
n'aborde pas explicitement cette vision du corps comme prison de l'âme, mais
par la suite le refus des plaisirs séculiers, le contemptus mundi, animera son
récit. Après la mort de sa dame, le poète se convertit et ainsi la femme, que
nous pouvions envisager comme dépréciée, acquiert ici un pouvoir de conver-
sion non négligeable. Signalons que l'ambiguïté du discours sur le corps se
rencontre également dans le domaine sacré qui, paradoxalement, représentait
sous la forme d'un petit corps l'âme s'échappant de l'être. [cf. J. LE GOFF,
«Corps et idéologie dans l'Occident médiéval», dans L'imaginaire médiéval,
pp. 123-126]

VV. 1-8 : toute cette première strophe exploite à merveille le procédé d'attente.
L'auteur captive son auditoire : tout d'abord, il introduit un thème universel
chanté par tous les poètes médiévaux : l'amour. Ensuite, il laisse planer un
doute sur le thème profond de son oeuvre (v. 6), et enfin, il ne dévoile pas
d'emblée tout le cadre du poème, il décrit par touches successives tout un cadre
qui aboutira au vers 25.

V. 11 : Souffrant torment comme .I. dampné : sa souffrance est comparable


aux tourments de l'Enfer que subissent les damnés. Les supplices infernaux
étaient souvent décrits dans les ouvrages édifiants. De même, ils étaient omni-
présents dans les églises, centres vitaux de toute la communauté médiévale, et
ce tant dans le discours des prédicateurs que dans l'iconographie murale. Pen-
sons par exemple aux paroles de la mère de Villon dans la Ballade [pour prier
Nostre Dame] : «Au moustier voy, dont suis paroissienne,/ Paradis paint, où
sont harpes et leuz,/ Et ung enffer où dampnez sont bouluz./ L'un me fait
paour, l'autre joye et liesse.» [vv. 895-898]. Les prédicateurs utilisaient la fi-

107
gure du Diable et les supplices infernaux pour faire peur et pousser à la con-
version. [Voir E. MÂLE, pp. 461-475, pour l'historique de l'iconographie de
l'Enfer et surtout J. BASCHET, Les justices de l'au-delà. Les représentations
de l'Enfer en France et en Italie (XIIe-XVe siècle), pp. 407-495]

V. 12 : sa douleur est telle qu'il va jusqu'à pécher en desirant non estre né. Il
refuse la volonté de Dieu, il nie toute création, surtout la sienne ! Nous pou-
vons interpréter ce refus soit comme la négation catégorique du processus
naturel de la vie (qui aboutit naturellement à la mort), soit comme l'expression
de la lâcheté du poète qui ne peut (ou ne veut) plus supporter de tels tourments
qui le rapprochent vivant des peines de l'Enfer. Il semblerait que sa souffrance
terrestre lui ait révélé la grandeur que peuvent atteindre les affres de l'Enfer.
Vivant, il ne peut plus supporter les souffrances terrestres qui doivent être
moindres que les peines infernales, aussi refuse-t-il de mourir. Pour éviter la
mort, il nie sa propre naissance; conduite absurde, car vivants nous ne pouvons
pas refuser notre naissance ou notre mort. Il n'y a aucune solution face à la
mort, car la vie nous y conduit tout naturellement.

V. 13 : ainsy qu’ : la locution conjonctive ainsi que se rencontre à côté de


comme. Ainsi que exprime l'analogie et se traduit par «comme». [MARTIN-
WILMET, $ 398]
desespoir : terme dont notre époque a oublié le sens primordial. En
effet, dans la Bible, celui qui a cédé à la désespérance, à la desesperatio, a
douté de la miséricorde divine. Ainsi, Judas, prototype du suicidé, céda au
désespoir et mit fin à ses jours. Dès lors, le vers Je fus ainsy qu'en desespoir
laisserait croire que le poète a douté de la miséricorde divine, mais qu'il n'a pas
été jusqu'au bout de ses pensées; il n'a pas été jusqu'au suicide.

V. 19 : enversa : la Mort détruit, renverse l'ordre de la vie. Elle met le sens de


la vie «sens dessus dessous», elle lui ôte tout son sens.
soubz lamme : littéralement la lamme (< lamina) désigne la pierre
tombale. Il s'agit de la tombe médiévale de type horizontal qui était encastrée
dans le sol. La lame désigne à la fois la pierre et la fosse où reposait le corps.
Au Moyen Âge, la lame coïncide rarement avec le lieu où le corps était enseve-
li. Selon Ariès, la lame rappelait, par sa promiscuité avec la terre, que l'homme
sort de la terre et y retourne. Et Ariès de conclure que «la plate-tombe, presque
nue, mais identifiée par une gravure ou une sculpture, est donc bien une créa-
tion originale du génie médiéval et de sa sensibilité ambiguë : signe d'un com-
promis entre l'abandon traditionnel à la terre bénite et le besoin nouveau d'af-
firmer discrètement son identité.», [Ph. ARIES, L'homme devant la mort, t. I,
Le temps des gisants, p. 235].
Mais au second degré la lamme peut être la métonymie de la faux,
attribut de la Mort. Cependant, la faux attribuée à la Mort n'est pas un motif

108
français. En effet, c'est d'abord en Italie que l'on retrouve ce thème, dès le
premier quart du XIVe siècle dans la fresque du Campo Santo de Pise. Le
domaine italien insiste plus sur le caractère collectif de la Mort, sur l'universa-
lité de sa force destructrice, alors qu'en France elle est généralement représen-
tée par une momie noire vêtue d'un linceul blanc. Cette représentation insiste
plus sur le caractère individuel de son acte. [cf. MARTINEAU-GÉNIEYS, pp.
88-90 et MALE, pp. 347-354].
Absence d'article défini «la» due aux exigences du mètre. L'absence
d'article est fréquente devant des mots abstraits qui ne s'inscrivent pas dans un
contexte temporel et spatial déterminé. Cette absence d'article constitue le degré
zéro de la détermination. [MENARD, $ 6]

V. 20 : l'article défini le peut être interprété de trois façons distinctes : soit il est
mis pour les deux substantifs bruit et famme; dans ce cas-ci famme est de
genre masculin, soit il est article défini féminin picard se rapportant à famme
qui est dès lors de genre féminin, soit il est article masculin se rapportant au
substantif le plus proche, c'est-à-dire bruit. Signalons que dans l'ancienne
langue le substantif famme possède les deux genres [cf. FEW, IIL, 406a /
Tobler-Lommatzsch / God.].
le bruit et famme : deux substantifs dont les évolutions sémantiques
ont convergé vers la même signification, «réputation», mais dont les sens pre-
miers divergeaient. En effet, la forme fam/mJe du latin fama («le bruit qui
court») apparaît dès le XIIe siècle [F.E.W., III 405b], mais rapidement elle
sera évincée par «renommée» vers le XVe siècle. En revanche, le substantif
bruit est quelque peu plus complexe, ne fût-ce qu'étymologiquement. On le
rapproche de rugitus («rugissement»), mais rugitus aboutit à rut/ruït, aussi
explique-t-on le b- initial en le rapprochant de brugit («brame»). «Pour prouver
en outre la parenté de ruit et de bruit on avance le fait que ruit est attesté au
sens de «tumulte, trouble» (hapax,; picard, 1240) et à celui de «bruit, tumulte»
(picard, seconde moitié du XVe siècle) et qu'inversement bruit a parfois le sens
de «rut» (dans la seconde moitié du XIIIe siècle puis chez Froissart)». Même si
la pluralité des sens de bruit est vivace en ancien français, celle-ci s'est fondue
au XVe siècle dans des significations «d'honneur» et de «renommée» dont les
nuances sont multiples. [G. ROQUES, «La réputation dans la langue française
médiévale : ébauche d'un glossaire onomasiologique du moyen français», p.
50]. Ainsi, ces deux termes aux significations proches possèdent un passé
sémantique auquel Chastelain fait peut-être référence. De plus, leur sens
extrême et littéral est attesté en Picardie, terre d'accueil de Chastelain. Le bruit
devient dans cette optique une allusion grivoise au second degré.
bonté : ce terme peut signifier «chasteté de la femme» en MF [F.E.W,
I, 433a], et dans ce vers, il formerait dès lors, au second degré, un groupe
antithétique avec le substantif bruit.

109
V. 22 : allusion à la création des hommes, de la main de Dieu, ici la dame du
poète. Cf. «Alors Iahvé Elohim forma l'homme, poussière provenant du sol, et
il insuffla en ses narines une haleine de vie et l'homme devint âme vivante.»
(Gen. II, 7). Mais la dame est transformée en une figure exceptionnelle façon-
née par Dieu; elle n'est plus issue de la création du commun.

V. 24 : faulse Mort : la Mort est félonne, perfide (cf. GREIMAS, inter].


«Faulse mort»), païenne (sens attesté par le F.E.W., IT, 393a), car elle détruit
l'oeuvre de Dieu. La Mort devient ennemie de Dieu. Dans la tradition chré-
tienne, tout comme chez les Pères de l'Eglise, son origine diabolique ou divine
n'est pas clairement affirmée (elle est le prix du péché, mais aussi la voie du
salut) : «saint Jean Bouche d'Or la range dans l'ordre des créatures diaboliques,
comme saint Bernard la nommait,(...), «la fille du péché et de l'iniquité». Et
pourtant c'est bien elle que saint François appelle «ma soeur». Fille de Dieu,
guidant les hommes jusqu'à lui. Aimée des saints et des martyrs.»
[MARTINEAU-GÉNIEYS, p. 87]

V. 30 : Car elle me fist appeller. La dame sentant sa mort proche convoque le


poète. Ariès voit, dans cette attitude sereine devant la mort, une image ances-
trale venant de la préhistoire. Cet imaginaire populaire, «sachant sa mort ve-
nir», fut imposé par l'aristocratie chevaleresque du haut Moyen Âge. Ariès cite
la mort de Roland comme exemple. En effet, «Ço sent [nous soulignons] Rol-
lant que la mort le trespent / Devers la teste sur le quer li descent. / Desuz un
pin i est alet curant/ Sur l'erbe verte s'i est culchet adenz (...) [vv. 2355-2358]
Co sent Rollant de sun tens n'i ad plus [v. 2366]». La mort est acceptée puis-
M Ru ps
ä LT que «nous mourrons tous», elle est «apprivoisée». La mort de la dame ne fait
nullement appel à des cris ou à des pleurs. Au contraire, elle accepte sa mort
avec une grande pudeur. La mort de Roland s'est muée en mort du saint, les
esprits pieux ne redoutent pas la mort qui les rapproche de Dieu. Aussi, la
dame de Chastelain acquiert-elle une dimension de sainteté. Cette attitude
ancestrale devant la mort traverse les âges. Ariès la remarque chez les moines
du Moyen Âge, au XVe siècle, chez La Fontaine au XVIIe, pour aboutir chez
Tolstoï au XIXe.

V. 32 : ami, conserve le sens fort que lui confère la tradition courtoise et signi-
fie "amant" dès le XIIIe siècle. Le substantif conservera ce sens jusqu'au XVIIe
siècle. Cette signification ancienne, érotique et amoureuse, est toujours vivante
dans des syntagmes en français moderne, surtout au féminin (cf. "son amie") et
dans des syntagmes formés avec des adjectifs, comme par exemple "ami de
coeur", "petit ami" etc. [REY, s.v. «ami»].

V. 33 : voyez : importance de la vue. C'est elle qui est le germe de la relation


amoureuse, mais ici le poète doit contempler sa dame agonisante. Notons que
grâce à un subtil jeu d'attente le poète ne nous donne pas immédiatement sa

110
vision. Il attire l'attention de l'auditeur (v. 32), exacerbe celle-ci au v. 33, et la
satisfait aux vv. 41-43.

V. 36 : vil et ort : deux termes très négatifs pour qualifier le corps. La dame
rejette la dimension corporelle de son être, c'est elle qui suggère le contemptus
mundi au poète : elle devient la source de sa conversion spirituelle.

VV. 38-39: métaphore culinaire quelque peu morbide qui prouve que la dame
rejette la part corporelle de son être. Le corps, dans sa phase de décomposition
(cf. puant), est vu comme l'entremets (v. 38) de la terre et de sa vermine (v.
39). Outre le divertissement entre les repas, l'entremets désigne aussi le type de
plats servis après les rôtis (peut-être pendant les divertissements ?). [cf. B.
LAURIOUX, Le Moyen Âge à table, p. 132] En fait, le corps devient tant la
pâture que le divertissement de la terre et de ses vers !

V. 40 : dure Mort : nouvelle qualification négative qui laisse penser que Chas-
telain voyait dans la Mort plus un être diabolique que divin. [Voir note v. 24]

V. 47 : riens : pr. indéf., «nulle chose». Le -s final casuel est la marque du


c.s.sg. (attribut du sujet). Il semble être encore légèrement prononcé, cf. rime
avec biens au v.48.

V. 51 : par grant doleur, le poète rapporte la mort de sa dame comme très


douloureuse. Mais pour qui fut-elle douloureuse, pour lui, ou pour elle ? Toute
agonisante qu'elle était, elle garda une dignité et une pudeur irréprochables
devant la mort.

V. 53 : Son esperit partit du corps, nous pouvons peut-être déceler dans ce


vers une allusion à l'iconographie de l'ars moriendi qui se substitue à l'icono-
graphie du Jugement dernier au XVe siècle. Effectivement, dans l'ars moriendi,
l'âme du mourant était représentée sous les traits d'un petit enfant sortant de sa
|
bouche lorsque celui-ci expirait. La différence avec notre texte est que dans
l'ars moriendi le Diable et l'ange se disputent l'âme du défunt, alors qu'ici nous
n'avons aucune précision sur le sort de son esperit. Comme nous l'avons déjà
signalé (cf. note v. 8), représenter l'âme sous la forme d'un corps est assez
paradoxal pour une doctrine qui repousse la dimension corporelle de l'homme.

V. 54 : mors, terme génératif désignant tous les morts. Le poète ne mentionne


pas explicitement si l'âme de sa dame a pris place parmi les damnés ou parmi
les élus. Mais les vers 55-56 laissent penser qu'elle n'est pas damnée,
puisqu'elle est la chose la plus assouvie / de tout ce qu'aujourd'huy at vie (wv.
55-56).

111
V. 56: aujourd'huy, loc. «le jour où l'on est». Anciennement écrite «au jour
d'huy», la soudure survint à la fin du XIVe siècle [REY, s.v. «jour»]

VV. 57-58 : la locution «il est force de» du vers 58 insiste sur le fait que le
poète doit absolument renoncer à raconter son malheur. Son évocation évite la
dimension autobiographique et se tourne vers un horizon plus didactique et
moral. Cependant, il conservera encore le je pendant trois strophes avant de se
tourner vers le nous. Le début personnel du poème est motivé, car il rapproche
le poète de son public, et il est nécessaire pour que le passage au discours
moralisateur ne soit pas trop brusque.

V. 60 : Dieux en gart chascun et chascune : subjonctif de souhait avec para-


taxe de «que».

V. 62 : ju graphie picarde de «jeu» (< jocu > güow > güew > giew > puis i se
confond avec la consonne initiale > jeu). En picard, la diphtongue eu a pu se
réduire à 4 «par analogie avec les autres désinences en -ieu, -iu.» [GOSSEN,
pp. 77-79]
ju de passe passe : tour d'adresse des jongleurs (et spécialement, dès
Alain Chartier, «amusement, chose peu sérieuse», F.E.W., VIL 723b). Généra-
lement, par quelques astucieux mouvements, ils réussissent à subtiliser ou oc-
culter un objet, puis subitement ils le font réapparaître dans un endroit incon-
gru. Mais la mort n'a rien d'un jeu de passe passe, puisque lorsque la Mort
(joueuse) nous ôte de ce bas monde, nous n'y réapparaissons plus, car on s'en
va sans revenir (v. 63). Cette image de la Mort joueuse, donc pécheresse, se
rencontre déjà dans Les vers de la mort d'Hélinand de Froidmont.

VV. 65-66 : angoisse face à l'obligation naturelle de mourir. Le pire est que
l'homme ne sait jamais quand ni comment il mourra. Cf. Mt XXIV, 36 : «Mais
ce jour et cette heure, nul ne les connaît, ni les anges des cieux, ni le Fils, per-
sonne sinon le Père, et lui seul.» La mort, comme l'envisage Chastelain dans
Med ar + ces vers, n'a plus rien du sentiment de la «mort apprivoisée». Au contraire, ici,
il y a une mutation vers un sentiment plus personnel de la mort. Le «on» repré-
sente chaque être humain dans sa singularité devant la Mort.

VV. 67-68 : c'est ici-bas que l'homme décide (v. 68) de sa vie future et, en
attendant le Jugement dernier (v. 69), il vivra en [sup]portant (v. 67) les consé-
quences de ses actes et de ses décisions terrestres. Les choix de l'homme
séculier sont dépréciés, comme l'indiquent les substantifs fais et pois. Ceux-ci
insistent sur la charge, le fardeau que représentent ces choix. Par ailleurs, les
décisions humaines ne sont considérées comme pesantes que dans l'optique de
la mort. C'est une fois mort que nous soupèserons l'incidence de nos actes.

112
V. 69 : Pour attendre son jugement. L'eschatologie ne donne pas le Jugement
dernier comme première représentation de la fin du temps. En effet, auparavant
les morts attendaient l'Avènement du Christ avec l'Apocalypse. Les morts
dormaient paisiblement dans le sein d'Abraham, espérant l'Avènement. Même
l'iconographie restait très «optimiste». Elle ne faisait jamais allusion aux dam-
nés ou aux malédictions annoncées dans l'Evangile de saint Matthieu (XXV,
31-46). Ce n'est qu'au XIIe siècle que le thème du Jugement dernier apparaît,
toujours à côté des scènes apocalyptiques. Au XIIIe siècle, seule l'image terri-
ble du Jugement subsiste. Elle développe l'idée d'une cour de justice qui juge les
âmes des morts : le Christ préside cette cour céleste, saint Michel pèse les
âmes, la Vierge et saint Jean apparaissent comme intercesseurs. Au XIVe
siècle surgit le liber vitae, où sont consignées toutes les actions du mourant
dont il devra rendre compte devant la cour céleste. L'intervalle initial entre le
jugement et la résurrection a disparu; le mort n'est plus «mi vivant mi mort» en
attendant l'Avènement. En effet, tout se décide dans l'instant qui suit sa mort.
L'émergence du sentiment individuel de la mort, dévoilée par le jugement der-
nier, se poursuivra avec l'ars moriendi où nous assistons à une mort indivi-
duelle, car le jugement se passe alors dans la chambre du mourant. De surcroît,
l'influence exercée par l'ars moriendi est considérable, puisque le Miroir de
Mort le met en scène durant trente-huit strophes (vv. 345 à 648).

V. 76 : onde, l'onde est l'image par excellence de tout ce qui est instable, mou-
vant. L'eau ne demeure pas, elle s'écoule. Ainsi, les plaisirs du monde passent
comme l'eau; ils sont éphémères. Comme dit Héraclite, «on ne peut se baigner
deux fois dans le même fleuve» (fgt 91) ou encore, «ceux qui descendent dans
les mêmes fleuves reçoivent des eaux toujours nouvelles» (fet 12).

V. 80 : miroir, dans les textes médiévaux recouvre une symbolique très diver-
sifiée. [Nous nous inspirons de l'article de Margot SCHMIDT dans le Diction-
naire de Spiritualité (...), t. X, col. 1290-1303]. Tout d'abord, «il renvoie sa
propre image à l'homme qui s'y regarde; il sert à vérifier la propreté du visage
[etc.]; le miroir évoque ainsi la connaissance de soi avec l'idée d'une purifica-
tion (...). D'autre part, le latin speculum désigne au sens dérivé toute peinture
ou représentation (..). Le «miroir» devient ainsi moyen de connaissance et
apporte un enseignement soit purement informatif, soit normatif.» C'est généra-
lement ce dernier sens que développa toute la littérature des «miroirs» durant le
Moyen Âge (pensons au Speculum maius de Vincent de Beauvais ou au Miroir
des simples âmes de Marguerite Porete). La symbolique du miroir, basée sur le
principe de l'analogie, évoque la «manifestation du transcendant dans l'imma-
nent». Aussi, se développe-t-il des évocations traditionnelles de l'image du
Christ, de la Vierge, des saints, des anges comme miroir. À côté de cela, se
déploie également l'idée de l'homme comme miroir. Cette idée se fonde sur la
doctrine de l'homme à l'image de Dieu (Gen. I, 26). L'emploi de la métaphore
voit dans l'âme humaine «un miroir vivant qui reflète l'image de Dieu, à condi-

113
tion qu'elle soit pure». Ainsi, l'image de la dame de Chastelain comme miroir
est glorifiante pour celle-ci, sa mort devient exemplaire et pousse le poète à la
conversion spirituelle.

V. 81 : Pour coy pour mirer les mondains. Mirer, signifie «guérir». Chastelain
utilise consciemment cet homophone de «mirer» («regarder») et construit sur le
même radical que «miroir». Notons que la polysémie de ce verbe est très large,
car il peut également signifier «viser», «agresser».

VV. 85-86 : Ainsy come je l'ai trouvé. Nous décelons dans ce vers le topos
littéraire du refus de paternité de l'oeuvre. Le poète aurait découvert le texte.
Mais trouver peut également signifier «composer» [F.E.W. XIII2, 319a]. Ce
sens se retrouve dans les substantifs «troubadour» et «trouvère», qui provien-
nent tous les deux de la même racine, *tropare, et qui désignent littéralement
«celui qui invente, qui compose». L'ambiguïté du vers est certainement volon-
taire.

V. 88 : Chascun en doibt havoir remort. Chascun, pr. indéf. qui exprime


l'universalité. Ce vers permettra la transition du «je» au «nous». Toute la pre-
mière partie du poème était régie par le «je», c'était l'élaboration du cadre. Le
cadre fixé, le «je» disparaît et cède la place au «nous». Ce «nous» donne plus
de poids au discours didactique, il interpelle les auditeurs qui se transforment
en quelque sorte en «frères humains»... .

V. 89 : Pour au Miroir de Mort mirer. Chastelain exploite la polysémie du


substantif miroir. Le Miroir de Mort est d'abord un ouvrage exemplaire qui se
mue ensuite en miroir objet où l'homme mire la mort, sa mort. Relevons l'allité-
ration en m dans ce vers.

V. 93 : Par la mort qui nous va minant. La périphrase aler + gérondif exprime


la durée du procès et n'a aucune valeur de mouvement.

V. 94 : Rien n'y vault dont nom dominant. Le poète déclare qu'un nom illustre
n'aura donc pas de répercussion sur l'action de la Mort. Ce nom ne pourra pas
empêcher son action destructrice. Ce vers est très déformé par le reste de la
tradition manuscrite.

VV. 95-96 : ces deux vers témoignent de l'égalité des hommes devant la mort.
En effet, la Mort ne se soucie guère (ne ly chault, v. 95) du statut social de
celui qu'elle happe, qu'il soit roi ou berger (v. 96), elle abrège sa vie. Notons
c£2T
l'opposition entre roy et bregier. Ces deux catégories sociales représentent les
pôles de la société.

114
V. 97 : Comme au miroir y est la glace. Comme, annonçant une fausse com-
paraison, introduit une explication. [MENARD, $ 437]

V. 98 : Là l'eur on voit sa ramembrance. L'eur, renvoie à un moment précis,


peut-être celui de la mort. Ce sens est attesté vers 1450 [REY, s.v. «heure» et
F.E.W., IV, 467b : «temps où quelque chose (principalement la mort) doit arri-
ver»]. Dans un grand nombre de passages bibliques nous rencontrons le mot
heure avec le sens de «moment» [Dictionnaire de la Bible, t. III, col. 683-col.
686].
là, en picard /a, (adverbe de lieu) équivaut à «là où» [MENARD, $
382 Rem 2].
on, le discours tenu par le poète touche l'universalité des hommes. Le
pronom indéfini on possède ici notre sens moderne de générique. Il remplit la
fonction sujet et désigne un agent indéterminé [MENARD), $ 28]. Le vers peut
poser problème quant à sa construction, nous la détaillerons comme suit : /à,
adverbe de lieu, renvoie à la glace du miroir (v. 97), où l'eur (de la mort;
l'heure à laquelle on se mire dans le Miroir de Mort), on (sujet indéterminé,
générique) voit (verbe) sa ramembrance (ce COD renvoie à on et non à l'eur).

VV. 98-99 : l'heure de notre mort nous nous mirons dans le miroir de mort.
Tout d'abord, nous y apercevons notre corps et notre visage (v. 99), mais cette
ramembrance s'estompe (v. 100), car ce n'est pas là notre devenir. En effet,
notre corps laissera la place au squelette.

V. 100 : Mais de legier elle s'efface. Dans ce vers, ainsi que dans les vers
suivants, le sujet elle renvoie à ramembrance (v. 98).

VV. 102-103 : ne … ne, double négation qui équivaut à une affirmation. Notre
ramembrance aurait préjudice si la glace se brisait, même légèrement, car cela
signifierait la fin de notre vie.

V. 106 : développement du thème de l'Ubi est/sunt ? auquel va se joindre celui


des Neuf Preux et des Neuf Preuses. Ce thème biblique, qui apparaît dans le
livre de la Sagesse (8-15) [cf. GILSON, pp. 9-30], se rencontre durant tout le
Moyen Âge dans la poésie latine et française. Cette question, Ubi est/sunt ?, est
devenue progressivement un topos littéraire. Dans l'Ecriture Sainte, elle était
une apostrophe aux grands de ce monde pour leur montrer la vanité de leur
grandeur et l'inutilité des biens terrestres. Puis, elle fut exploitée par les Pères
de l'Eglise, toujours comme apostrophe, à des fins didactiques. C'est saint Bo-
naventure qui unifia le thème et y ajouta une liste de noms propres. Par la suite,
c'est cette forme qui perdura dans toute la littérature [cf. SICILIANO, pp. 257-
261]. C'est une question fictive, car elle ne suppose aucun interlocuteur, ni
réponse. Elle est «parole jetée au vent» [MARTINEAU-GENIEYS, p. 171]
comme la poussière que sont devenus les personnages énumérés. L'Ubi est/sunt

q13
véhicule l'idée du temps qui passe inexorablement, de la mort de tous les hom-
mes sans exception. Ce thème veut égaliser les différences terrestres, attendu
que ces prétendues disparités cessent dans l'au-delà, ce lieu qui répond à la
question Ubi est/sunt. Cette interrogation véhicule, presque toujours, une liste
de personnages illustres. Parfois ces personnages de renom correspondent aux
Neuf Preux et Preuses, ce qui est le cas dans le Miroir de Mort. La liste des
Neuf Preux apparaît en 1312 dans un texte de Jacques de Longuyon, Les
Voeux du Paon. De surcroît, ce texte est présent trois fois dans la librairie de
Bourgogne [cf. DOUTREPONT n° 110, 170 et 171], et la Bibliothèque Royale
possède encore un exemplaire du texte, ms. 11191. La liste se compose, dans
sa forme canonique, de trois héros païens (Hector, Alexandre, César), de trois
héros juifs (Josué, David, Judas Macchabée) et de trois héros chrétiens
(Arthur, Charlemagne, Godefroi de Bouillon). La liste des Neuf Preux, symbo-
les de vertu et de courage, connut un tel succès que l'on y greffa très vite celle
des Neuf Preuses. Selon Johan Huizinga [L'automne du Moyen Âge, pp. 73-
74], qui reprend Gaston Raynaud, second éditeur des oeuvres d'Eustache Des-
champs [Oeuvres complètes d'Eustache Deschamps, t. XI, pp. 221-227], ce
serait Eustache Deschamps qui ajouta la série des Neuf Preuses, ayant déjà
consacré nombre de ses poèmes aux Neuf Preux sous l'influence de son maître
Guillaume de Machaut (cf. numéros des pièces, ibidem, n. 4, p. 73). Voici un
extrait de la ballade où Deschamps introduit «ses» Neuf Preuses :

Venez a moy, li hault prince ancien,


IX. hommes preux, et ./X. femmes de terre,
Trois Sarrasin, trois Juif, trois Crestien : (...)
Semiramis avecques ces preux vien,
Deyphile, Marsopye o lui erre
Synoppe apres, Panthasilee tien,
Thanta que j'aim, va Thamaris requerre,
Yppolite, Menalope desserre,
Toutes et tous .XVIIL. saillez sus,
Mettez raison et le droit au dessus,
Et ne vueillez soustenir le triangle
Qui tort ara, monstrez li voz vertus :
Des or fust temps d'avoir paix, ce me semble.
[cf. Oeuvres complètes, t. I, pp. 199-200 / XCIII Autre balade (Il est temps de
faire la paix)]

Ce dernier aurait donc tiré un groupe de sept héroïnes classiques, comme Pen-
thésilée, Tomyris, Sémiramis, Marpésie, Antiope, Hippolyte, Ménalippe, de
Justin, Teute de Pline et enfin, Déïphile du Roman de Thèbes. De plus, tou-
jours selon J. Huizinga, c'est aussi lui qui défigura quelque peu les noms de ces
Preuses, ce qui n'altéra pas leur succès postérieur. Quoi qu'il en soit, la série
des Neuf Preuses est plus mouvante. En effet, selon les textes, l'ordre et les

116
personnages changent considérablement. Aïnsi, nous ne donnerons pas la
«liste» des Neuf Preuses. Signalons néanmoins que celle-ci se compose tou-
jours de femmes légendaires, parfois bibliques. La cristallisation des Neuf
Preux et Preuses engendra rapidement toute une production artistique diversi-
fiée. Ainsi, non seulement la littérature (par exemple l'Histoire des Neuf Preux
et des Neuf Preues de Sébastien Mamerot (1460)) [Voir M. LECOURT,
«Notice sur L'histoire des Neuf Preux et des Neuf Preues de Sébastien
Mamerot», pp. 529-537], mais également la peinture, la gravure [Voir A.
WITTERT, Les Preux et la gravure à Liège en 1444] et la tapisserie [Voir
article de M. J. GUIFFREY, «Note sur une tapisserie représentant Godefroi de
Bouillon et sur les représentations des Preux et des Preuses au quinzième
siècle», pp. 103 et s5gg.] représentèrent ces sujets. Les Neuf Preux étaient
parfois le prétexte de tournois, comme par exemple à Liège en 1444 [Voir A.
WITTERT, op. cit., pp. 45-52.] ou de processions comme à Arras en 1336
[Voir Récits d'un bourgeois de Valenciennes. Edition de K.d.L. (...)., pp. 51-
53]. Bref, les Neuf Preux et Preuses faisaient partie intégrante de la culture et
des mentalités de l'époque, comme en témoignent la littérature, la gravure, la
peinture, la tapisserie et même le mobilier. Notre texte cite neuf noms mascu-
lins : Alexander d'Aillier (v. 114), Artus (v. 117), Lanselot (v. 118), Charle-
maine (v. 121), Rolant et Ogier le Danois (v. 123), Pompée (v. 129), Hanibal
(v. 138) et Samson (v. 142). Trois appartiennent à la liste établie des Neuf
Preux, à savoir : Alexandre, Arthur et Charlemagne. Bien que le poème ne
comporte pas la liste canonique des Neuf Preux, nous pensons que Chastelain a
exploité sa forme et quelques exemples (trois pour les Preux et trois pour les
Preuses). De plus, le thème s'étend sur neuf strophes, comme pour délimiter
spatialement la thématique : cinq pour les Preux et quatre pour les Preuses. A
chaque fois, que ce soit pour les Preux ou pour les Preuses, aux trois person-
nages canoniques de la liste, Chastelain ajoute six autres figures tout aussi
prestigieuses, mais de son cru. Néanmoins, notre liste parfaite pourrait être
mise en cause par les vers 106 et 108, étant donné que ces deux vers mention-
nent également deux personnages (le premier né et le Troyen aduré), ce qui
porterait à onze le nombre des Preux. Malgré tout, la liste reste intacte vu
l'indétermination qui frappe ces deux héros. En effet, nous ne pouvons convenir
de l'identité du premier né ni de celle du Troyen aduré. De plus, ils viennent
avè l'énumération des noms propres et sont dès lors hors liste. De cette ma-
nière, selon nous, la démarche poétique de Chastelain est très subtile, car cet
artifice rhétorique, l'indétermination, lui permet de ne pas fausser la liste des
Neuf Preux qu'il exploite d'une manière personnelle, et de se rattacher à un
acquis culturel. Chastelain a peut-être introduit ces deux personnages pour que
sa première strophe d'amorce ne tourne pas à vide. Quant aux personnages
féminins, ils ne sont qu'au nombre de huit. Donc, notre hypothèse d'une liste
des neuf Preuses est vouée à l'échec. Malgré tout, nous pensons que nous
pourrions considérer la dame de Chastelain comme la neuvième Preuse aux
côtés de : Semiramis (v. 147), Thamaris (v. 148), Pantaphillée (v. 149),

7
Olympias (v. 154), Agrappine (v. 157), Hecuba (v. 161), Elaine (v. 169) et
Lucrece (v. 172).
le premier né : appellation métaphorique donnée à Adam.

V.110 : le Troyen aduré. L'indétermination plane sur l'identité de ce Troyen.


Au Moyen Âge, la connaissance de la guerre de Troie était véhiculée grâce à
des romans d'inspiration antique, comme les romans de Thèbes et d'Enéas et
surtout le Roman de Troie de Benoît de Sainte-Maure (vers 1184). De plus, la
maison de Bourgogne se rattachait à la légende troyenne tant par ses préten-
tions généalogiques que par l'ordre de la Toison d'Or. [A ce sujet, voir A.
BAYOT, La légende troyenne à la cour de Bourgogne, ainsi que M.
CHEYNS-CONDÉ, «L'épopée troyenne dans la «librairie» ducale bourgui-
gnonne au XVe siècle», pp. 37-65]. D'ailleurs, Philippe le Bon commanda une
compilation générale de la légende troyenne à Raoul Lefèvre; ce dernier rédigea
un Recueil des histoires de Troie [DOUTREPONT, n° 105] et un Roman de
Jason. Le Troyen est peut-être Hector qui, outre la vaillance qu'il manifesta
durant la guerre de Troie, est le premier des trois héros païens des Neuf Preux.
Voici ce que l'auteur des Voeux du Paon déclare au sujet d'Hector:

Voirs est qu'Ector fu large desmesuréement,


Car, si com les poetes nous vont ramentevant,
Quant li rois Menelaus a son efforcement
Vint assegier en Troie le riche roi Priant
Pour Elayne sa fame qu'il amoit durement
Que Paris ot ravie ainz cel assamblement,
Hector de la cité prist le gouvernement,
Es issues c'on fist par son enortement
Tua .xix. rois sus son cors deffendant,
Et amiraus et contes, ce croi je, plus de .c.
Puis l'occist Acillez mout traïteusement.
[P. MEYER, «Les neuf Preux», pp. 49-50/Bibl. nat. fr. 1590 (f°141 et sgg.)]

V.114 : Alexander d'Aillier. I s'agit d'Alexandre le Grand (Pella, 21.VIL. -356


— Babylone, 13.VI. -323). Fils de Philippe I, il fut roi de Macédoine. Alexan-
dre le Grand est la figure de proue de l'oeuvre du Pseudo-Callisthène. Cette
dernière inspira nombre de romans antiques dès le XIIe siècle. Quant à la
dénomination géographique accolée au nom d'Alexandre, d'Aillier (ou
d'Alier(s)), elle est inconnue. Certes, dans le Romans d'Alixandre de Lambert
li Tors et d'Alexandre de Bernay, nous apprenons qu'Alexandre le Grand passa
son enfance dans les plagnes d'Aliers (v. 31) et que c'est cette région qui lui
valut son surnom (en la tiere d'Alier de coi ot le sornom, v. 36), mais ce lieu
géographique reste inconnu; même F. Flutre avoue son ignorance.

118
VV. 116-117 : Artus. Arthur, roi breton, fils d'Uterpendragon et d'Igerne,
époux de Guenièvre et roi de Logres (vers le VIe siècle). Champion de la
résistance bretonne et du christianisme, ses exploits légendaires furent rappor-
tés par Nennius (Xe s.), Guillaume de Malmesbury, Geoffroy de Monmouth
dans son Historia regum Britanniae (XIIe s.) et, finalement, en France par le
Roman de Brut (v. 1155) de Wace. Ce dernier inspira tout le cycle des romans
de la Table ronde, depuis les romans de Chrétien de Troyes jusqu'aux intermi-
nables continuations en prose comme le Lancelot-Graal. Lors des inventaires
de 1467, 1487 et sgq., la librairie de Bourgogne possédait un «(...) livre, cou-
vert de rouge, de la Mort du roy Artus (...)» [IDOUTREPONT, n° 227] en plus
de volumes sur la matière arthurienne. Signalons que, dans la tradition des
Neuf Preux, Arthur est le premier héros chrétien, à propos duquel Jacques de
Longuyon déclare :

D'Artus qui tint Bretaingne va le bruit tesmoingnant


Que il mata Ruston, .j. jaiant, en plain champ,
Qui tant par estoit fort, fier et outrecuidant
Que de barbes de rois fist fere .j. vestement,
Liquel roi li estoient par force obeïssant;
Si vost avoir l'Artus, mais il i fu faillant.
Sus le mont saint Michiel en roccist .j. si grant
Que tuit cil del païs en furent merveillant.
En plusors autrez lieus, se l'estoire ne ment,
Vainqui cil rois Artus maint prince outrequidant.
[P. MEYER, op. cit., pp. 51-52.]

V. 118 : Lanselot. Lancelot, fils du roi Ban de Benoïc et amant de Guenièvre.


Le personnage de Lancelot fut rendu célèbre par le roman de Chrétien de
Troyes, Le chevalier de la charrette, et par tous les romans arthuriens posté-
rieurs. De surcroît, G. Doutrepont mentionne «(...) ung gros livre contenant
l'Istoire de Lancelot du Lac, escript en parchemin, de lettre courant, historié et
enluminé, à II colunnes commençant ou Ile fueillet -vent mes yeulx, et au
derrenier Accueilli avec lui, couvert de veluaul vermeil, garni de neuf gros
cloux de leton dorez et de III fermouers semblables» présent depuis l'inventaire
de 1393 jusqu'à celui de 1467. [DOUTREPONT, n° 68].

V. 119 : Qui fut gardé de son honneur, «Lancelot qui fut écarté de son hon-
neur». Allusion à l'épisode de la charrette d'infamie où Lancelot choisit claire-
ment l'amour et non l'honneur, comme en témoignent les vers suivants : «Mes
Amors est el cuer anclose / Qui li comandë et semont / Que tost an la charrete
mont. / Amors le vialt et il i saut, / Que de la honte ne li chault / Puis qu'Amors
le comande et vialt.», (vv. 376-381). [CHRETIEN DE TROYES, Le chevalier
de la charrette (Lancelot). Texte établi, traduit, annoté et présenté avec varian-
tes par Alfred Foulet et Karl D. Uïitti].

119
gardé (< *wardôn, F.E.W., XVII, 514a) peut avoir le sens de
«empêcher de» dans l'expression «garder qn de» (attesté depuis le XIIe siècle).

V. 120 : Jz sont mors comme .I. laboureur, ce vers profère l'égalité de tous les
hommes devant et dans la mort. Les puissants (bellatores) meurent comme de
simples laboureurs (laboratores). La Mort rétablit les hommes dans leur égali-
té première devant Dieu. Face à tous ces héros puissants et légendaires, le
laboureur est le parfait prototype de l'homme simple et modeste.

V. 121 : Charlemaine roy des Franchois. Charlemagne, roi des Francs et


empereur d'Occident (742-814). Fils aîné de Pépin le Bref et de Berthe aux
grands pieds, il se distingua par un puissant effort d'organisation administrative
de son empire. Le personnage historique de Charlemagne fut maintes fois
exploité dans des oeuvres littéraires, songeons à la Chanson de Roland ou
encore à plusieurs gestes relatant ses exploits. Dans la tradition des Neuf
Preux, Charlemagne est le deuxième héros chrétien, dont l'auteur des Voeux du
Paon déclare :

Charlemaine qui France ot toute a son commant


Suspedita Espaingne dont morut Agoulant.
Destier de Pavie toli son tenement
Et sormonta les Saisnes si tres parfaitement
Par mainte grant bataille, par maint toueillement,
Qu'il furent, maugré eus, a son conmandement.
EI lieu ou Dieux morut par nostre sauvement
Remist il le baptesme et le saint sacrement.
[P. MEYER, op. cit., p. 52]

V. 122 : Espaignes, référence aux expéditions de Charlemagne en Espagne. Il


échoua devant Saragosse et perdit son arrière-garde à Roncevaux en 778 (cf.
Chanson de Roland).

V. 123 : Rolant, neveu de Charlemagne dans la légende, il est le prototype du


héros épique. Il commanda l'arrière-garde de Charlemagne et périt à Ronce-
vaux. Bien qu'il ne fasse pas partie de la liste des Neuf Preux, sa présence est
motivée par l'allusion aux conquêtes espagnoles de Charlemagne.
Ogier le Danois, héros légendaire. Il apparaît dans de nombreuses
oeuvres. Tout d'abord, dans la Conversion Ogier (avant 1084), où il incarne la
figure de la fidélité dans le malheur. Ensuite, dans la Chanson de Roland, où il
combat les Sarrasins. Et enfin, dans la Chevalerie Ogier, où il symbolise la
vengeance. G. Doutrepont signale deux ouvrages traitant d'Ogier, à savoir les
numéros 101 [Ogier le Danoys] et 197 [Rommant Ogier]. Le numéro 101 est
présent dans la librairie depuis 1404 jusqu'en 1643. Selon Gaston Paris [cf. CR
de RAJNA (Pio), Le origini dell'epopea francese, dans Romania, XIII, 1884,

120
n. 3, p. 616], Ogier le Danois n'a rien de danois. En effet, si on l'a appelé dux
Daniae cela équivaut à duc de Danemarche, c'est-à-dire le chef de la marche
danoise (comme Roland était celui de la marche bretonne). De plus, si on l'a
fait fils de Godefrid ou Gaufroi, roi des Danois, et ennemi de Charlemagne,
c'est par une confusion postérieure. Notons que Gaston Paris ne mentionne pas
de quand daterait cette erreur.

V. 125 : Advant ce que la foy le[s] mist: d'une part, nous y voyons une allu-
sion à la mort exemplaire de Roland, véritable mort du saint qui rend un der-
nier hommage à Dieu [cf. «Deus, meie culpe vers les tues vertuz / De mes
pecchez, des granz e des menuz, / Que jo ai fait dès l'ure que nez fui / Tresqu'a
cest jur que ci sui consoùût ! / Sun destre guant en ad vers Deu tendut.» (vv.
2369-2373)], d'autre part, nous pensons déceler une allusion à la fin de la vie
d'Ogier, lorsque celui-ci se fit moine bénédictin dans la Conversion Ogier. De
ce fait, avec l'appui des autres manuscrits, nous corrigeons le pronom person-
nel singulier en pronom personnel pluriel, à savoir Les.

V. 126 : logich, ce terme s'utilise essentiellement en langage militaire, où il


signifie «avoir un camp, s'établir» [cf. HUGUET]. Le logich rappelle ironi-
quement la vie militaire des deux héros, mais ici il désigne leur sépulture, très
exiguë par rapport à leurs grands campements.

VV. 126-128 : à nouveau, le poète rappelle que tous sont égaux lorsqu'ils gi-
sent en terre. Les puissants ressemblent étrangement aux pauvres mendiants.
Toutefois, Roland ne fut pas enterré, mais placé dans un sarcophage, comme
en témoignent les vers suivants de la Chanson de Roland : «Entresqu'a Blaive
ad conduit sun nevold /(...) En blancs sarcous fait metre les seignurs: (...)»(vv.
3689 et 3692). Chastelain ne se soucie pas de la valeur historico-littéraire de
son exemple, au contraire il ne l'exploite que pour appuyer le thème de l'Ubi
sunt ? grâce à des personnages connus par son auditoire.

V. 129 : Pompée, (-106 - -48) Il fut le premier général et homme politique


romain à lever une armée de trois légions pour venir en aide à Sylla. Salué
comme imperator, il fut très populaire. En -60, il forma avec Crassus et César
le premier triumvirat. Il déclencha la guerre civile lorsqu'il somma César
d'abandonner son armée en Gaule alors que lui gardait ses légions et ses pro-
vinces. Vaincu à Pharsale, il se réfugia en Egypte où Ptolémée XIII, frère de
Cléopatre, l'assassina en -48 par crainte des représailles de César. Chastelain a
très probablement eu connaissance de l'Histoire Romaine de Tite-Live par les
décades traduites par Jean Bersuire entre 1352 et 1356 pour Jean II le Bon, roi
de France. G. Doutrepont mentionne la première, la deuxième et la tierce dé-
cade de Tite-Live dans la librairie de Bourgogne [DOUTREPONT, n° 241,
242].

121
V.133 : Que .XXII. roys furent siens ? lire «vingt et deux».

VV.135-136: leçon alternative. Dans les manuscrits A-Ca-Ch-Ld-M-Pa-Pi-


J (bien sûr quelques variantes affectent parfois ces deux couples de vers. Voir
apparat critique pour plus de détails), ces deux vers sont mis à la place des vers
143-144. Selon nous, l'état actuel du texte suivant le manuscrit de base (ainsi
que les manuscrits C et G), L, ne porte pas préjudice au sens. Néanmoins,
l'inversion des deux couples de vers suivant les autres manuscrits affine la
perception de la strophe. En effet, les vers 135-136 relatent la mort d'un foible.
Selon nous, seul Samson peut être comme .I. foible passé, attendu qu'il se
donne la mort [à ce stade-ci la mort de Samson n'est pas entièrement vue
comme un suicide, car sa mort sert la gloire de Dieu], écrasé sous les ruines du
Temple qu'il a détruit. Lui, incarnation de la force, meurt donc comme tous les
faibles; par contre, Pompée fut assassiné, c'est-à-dire qu'il fu tuet piteusement/
à cop ainsy qu'en ung moument. (VV. 143-144). De ce fait, l'inversion des deux
couples de vers (135-136 et 143-144) affine le sens des deux strophes. Malgré
tout, nous conservons l'ordre du manuscrit L.

V. 138 : Hanibal le duc de Cartaige, (-247 - -183) homme de guerre carthagi-


nois, il déclencha la seconde guerre punique. Il franchit les Pyrénées, puis les
Alpes, et marcha sur l'Italie. Il infligea quelques graves défaites aux Romains
comme celle de Cannes en -216. Renonçant à attaquer Rome, il s'établit avec
ses troupes à Capoue et décida d'y attendre du renfort. Cet arrêt permit aux
Romains de se ressaisir et d'infliger une terrible défaite à l'armée de secours
carthaginoise. Il rentra à Carthage en -203 pour contrer l'offensive de Scipion,
mais il fut vaincu à Zama en -202. Il ne parvint jamais à prendre sa revanche
sur Rome et il préféra s'empoisonner plutôt que de se livrer aux Romains. A
l'instar de ceux de Pompée, les exploits d'Hannibal étaient connus par l'Histoire
romaine de Tite-Live dans sa version française de Jean Bersuire. [cf. TITE-
LIVE, Histoire romaine, livre XXI et sgq.].
duc : latinisme sémantique signifiant «chef, général» (du latin dux,
ducis) et non titre de noblesse. Ce n'est qu'après la fin des institutions féodales
que le terme désignera, dans la hiérarchie nobiliaire, le personnage le plus élevé
après le prince. [REY, s.v. «duc»]

V. 142 : Samson, personnage biblique (/g. XIII-XVT). Consacré à Dieu, il ne


peut se raser les cheveux, où se réfugie sa force. Il lutte contre les Philistins,
mais il est trahi par Dalila qui le rase et le livre. Prisonnier, il renverse le
Temple sur lui-même et sur les Philistins.

V. 144 : en ung moument, loc. adv. «tout à coup».


Ici, s'achève l'exposition des neuf «nouveaux» Preux. Chastelain a ex-
ploité des acquis tels les Neuf Preux avec les personnages d'Alexander, Artus
et Charlemaine, mais peut-être aussi les douze Pairs en la personne de Roland

122
et Ogier, et il a ajouté des personnages tout aussi connus, mais relevant de son
choix personnel. Son mérite est d'avoir combiné les deux thèmes.

V. 145 : Où sont les preux du tamps jadis, nouvelle introduction du thème de


l'Ubi sunt. Ce vers peut prêter à confusion, car il semble annoncer une nouvelle
exposition de Preux. Or, ici les Preux cèdent la place aux Preuses. Donc, nous
préférons la leçon des manuscrits C-G-Ld-M-Pi (ou encore J où nous enten-
dons Villon : Où sont les dames de jadis) qui nous semble supérieure : Où sont
les preuses de jadis, tout en conservant le texte de L qui ne porte pas vraiment
préjudice au sens.

V. 146 : Qui ferirent tans cops d'espée. En AP, tant adv. ne doit pas être
obligatoirement suivi de la préposition de. De plus, il se décline comme un
adjectif de la première classe, ce qui explique le -s du c.r.pl. [(RAYNAUD, $
121]

V. 147 : roÿne, ce substantif peut encore être trisyllabique au début du XVe


siècle. [MARCH p. 61]
Semiramis, reine légendaire orientale. Veuve de Ninos, elle fonda la
ville de Babylone et conquit une grande partie de l'Asie Mineure. Elle aurait
élevé de somptueux bâtiments dont les jardins suspendus. Elle semble être une
figure stable de la liste des Neuf Preuses, car elle est présente dans les deux
listes que nous avons consultées. Tout d'abord, lors de l'entrée royale d'Henri
VI à Paris, le 2 septembre 1431, la déesse Fama est «acompaignée de person-
nages representans les anciens IX preux et IX preuses, dont les noms s'ensui-
vent : (...) la vieille Semiramis de Babilone (...)> [B. GUENEE et F. LEHOUX,
Les entrées royales françaises de 1328 à 1515, p. 64]. Enfin, dans l'Histoire
des neuf Preux et des neuf Preues de Sébastien Mamerot (1460), où elle est la
première des Preuses [M. LECOURT, op. cit., p. 530]. La figure de Sémiramis
est également présente dans la traduction du De claris mulieribus de Boccace.
La traduction française de cette oeuvre, Des cleres et nobles femmes, est
mentionnée par G. Doutrepont dans l'inventaire de la librairie de Bourgogne
sous le numéro 97. Ce manuscrit est aujourd'hui à la Bibliothèque Nationale
sous la cote f. fr. 12420. La récente édition critique de ce manuscrit permet de
considérer le texte même du manuscrit qui a appartenu à la maison de Bourgo-
gne [G. BOCCACCIO, «Des cleres et nobles femmes», Ms. Bibl. Nat. 12420
(Chap. I-LII). Edité par Jeanne Baroin et Josiane Haffen]. La quatrième rubri-
que de l'ouvrage traite de Sémiramis qui «fut une noble royne des Assiriens et
est tresancienne» (Il. 3-4, p. 19). Elle est présentée comme une femme guerrière
et de «noble et virile courage» (1. 67, p. 20). Mais, elle est aussi décrite comme
luxurieuse et incestueuse, entretenant une relation avec son fils. Après trente-
deux ans de règne, elle fut tuée par son fils. Elle est également mentionnée dans
la traduction du Factis et dictis mirabilis [Livre IX, chap. IL, étr. 4] de Va-
lère-Maxime faite par Simon de Hesdin et Nicolas de Gonesse. Cette oeuvre

123
décrit essentiellement Sémiramis comme une femme guerrière : alors qu'elle
était occupée à sa parure, on lui annonça que Babylone se révoltait. Elle ne
continua pas l'arrangement de sa chevelure et partit aussitôt remettre Babylone
sous ses lois. Cet épisode est d'ailleurs présent dans le ms. 12420 de la Biblio-
thèque Nationale. La Bibliothèque Royale possède un: exemplaire de l'oeuvre de
Valère-Maxime [ms. 9078] où nous lisons entre autre : «Pour ces tres grantes
choses qu'elle fit encore aujourd'ui la nombre l'en entre les .IX. preuses» (F
309 r°).

V. 148 : Thamaris, elle est citée dans la liste des Neuf Preuses de Sébastien
Mamerot, «VIIIe Preue, du royaume de Siche» [M. LECOURT, op. cit., p.
531], et figure également lors de l'entrée royale d'Henri II : la neuvième Preuse
est «la royne Thamaris» [B. GUENEE et F. LEHOUX, op. cit., p. 64]. Elle
semble donc faire partie de cette pseudo-liste fixe. La quarante-neuvième
rubrique du Des cleres et nobles femmes traite de «Thamire la noble, des
Sciches, aultrement diz Gechez, [qui] fut dame et royne.» (IL. 3-4, p. 161). Elle
est également présentée comme une mère vengeresse de la mort de son fils. En
effet, Valère-Maxime parle de Thamaris en ces termes :«Thamyris fit couper la
tête à Cyrus, et la plongea dans une outre remplie de sang humain, en repro-
chant à ce prince d'avoir été insatiable de carnage; elle se vengeait en même
temps de la mort de son fils, tombé sous les coups de Cyrus.» [Livre IX, chap.
10, étr. 1]

V. 149 : Panthaphillée, Panthesillée. Il s'agit d'une reine des Amazones. Elle


est reprise dans les deux listes que nous avons consultées : chez Sébastien
Mamerot elle est la «VIIe Preue, pucelle et royne de Siche et d'Amazone» [M.
LECOURT, op. cit., p. 531], tandis qu'elle occupe la première place lors de
l'entrée royale de 1431 [B. GUENEE et F. LEHOUX, op. cit., p. 64]. Nommée
dans le Des cleres et nobles femmes à la trente-deuxième rubrique, elle fut
«royne des Amazones et succeda a Orichie et Anthiope (...)» (IL 3-4, p. 101).
C'est elle qui «quant elle oy parler de la force et vertu de Hector le Troyen, elle
l'ama moult ardamment, combien que oncques ne l'eust veu (...)» (IL 19-22, p.
102). Prototype de la femme chaste et guerrière, elle périt sous les coups
d'Achille à Troie. Par ailleurs, elle est représentée sur une tapisserie que l'on
peut actuellement admirer au château d'Angers. Cette tapisserie porte le texte
suivant : «Au grant siege de Troie Diomedes requit/ A terre l'abatiz tant qu'il cy
est memoire/ Avec mon armee tant d'honneur ay acquit/ Que entre les princes
suis en bruyt triumfatoire.» [La tapisserie française du Moyen Âge à nos
jours, p. 37]. Ce fragment provient, très certainement, d'un groupe d'oeuvres
représentant les Neuf Preux et Preuses. [cf. op. cit., p. 36]

V. 153 : Et la mere du treshault roy, il s'agit d'Olympias, mère d'Alexandre le


Grand, et femme de Philippe IL, roi de Macédoine. Elle n'est mentionnée sur
aucune de nos deux listes.

124
V. 155 : Qui morru par .I. desarroy . Olympias fut exécutée sur l'ordre de
Cassandre. Orose relate la mort d'Olympias de cette manière [cf. Historia
contra paganos. Texte établi par M. P. ARNAUD-LINDET, Paris, Les
Belles-Lettres, 1990, Livre II, 23, 31-32] : «Quamquam et ipsa Olympias
continuo meritas crudelitatis poenas luit : nam cum muliebri audacia multas
principum caedes ageret, audito adventu Cassandri diffisa Macedonibus cum
Roxa nuru sua et nepote Hercule in urbem Pydnam concedit : ubi continuo per
Cassandrum capta et interfecta est». Cependant, dans cet état du texte, Orose
ne mentionne pas le fait que le corps d'Olympias fut exposé aux bêtes sauvages
et oiseaux de proies, comme nous pouvons le lire dans une autre version de
l'Historia de preliis (Br4) : « … et si mortua iacens remansit preda feris sevis-
simis devoranda». [cf. A. HILKA, Der altfranzüsiche Prosa-Alexanderroman,
XIX et D.J.A. ROSS, Studies in the Alexander Romance, London, The Pindar
Press, 1985, pp. 174 et 179-181].

V. 156 : La plus dolente que je voy, selon nous le verbe «voir» est ici d'une
importance capitale. Il certifie que le poète mire toujours dans le miroir ce que
nous devenons lorsque nous mourrons. Mais il pourrait aussi suggérer que le
poète regarde quelque tapisserie représentant soit l'histoire d'Alexandre le
Grand, soit les Neuf Preux et Preuses. Les ducs de Bourgogne affectionnaient
particulièrement les tapisseries qui motivaient leurs élans politiques et affi-
chaient leur grandeur. Ils aimaient beaucoup les tapisseries à sujets romanes-
ques, et G. Doutrepont signale les différents thèmes qui les couvraient; par
exemple, le roi Arthur, Charlemagne, les Douze Pairs, les Neuf Preux et Preu-
ses, Alexandre le Grand, Hector et bien d'autres. [Voir M. CHEYNS-CONDÉ,
«La tapisserie à la cour de Bourgogne : contribution d'un art mineur à la gran-
deur d'une dynastie», pp. 73-89]

V. 157 : Agrappine, épouse de Claude en seconde noce, elle permit à son fils
Néron de s'unir à Octavia, la fille que Claude avait eue d'un premier lit. A la
mort de Claude, Néron fut proclamé empereur après avoir évincé le propre fils
de l'empereur défunt, Britannicus. Néron ne supporta guère l'autorité de sa
mère et il la fit assassiner en 59.

V. 160 : le fist ouvrir, qui fut pité. Le est soit le pronom personnel féminin
picard au c.r.sg., soit le pronom personnel masculin au c.r.sg. Dans ce cas,
selon nous, le pronom personnel est féminin et se réfère à Agrippine.
L'ambiguïté est certainement voulue.
Dans ses Annales, Tacite ne nous relate pas ces faits, étant donné
qu'Agrippine fut brûlée la nuit même de son assassinat et reçut une misérable
sépulture (Annales, Livre XIV, 9). Tacite raconte qu'au moment où le centu-
rion tirait son épée pour la tuer, elle s'écria : « «Ventrem feri» (...) multrisque
vulneribus confecta est.» (Annales, Livre XIV, 8). Ensuite, Néron examina le

125
corps de sa mère avant de le faire brûler : «Haec consensu produntur. As-
pexerit ne matrem exanimem Nero et formam corporis eius laudaverit, sunt qui
tradiderint, sunt qui abnuant» (Annales, Livre XIV, 9); l'attitude du fils face au
cadavre de sa mère est encore plus équivoque et morbide chez Suétone :
«Adduntur his atrociora nec incertis auctoribus : ad visendum interfectare
cadaver accurrisse, contrectasse membra, alia vituperasse, alia laudasse, siti-
que interim oborta bibisse» (Nero, XXXIV) [Notons que chez Dion Cassius, le
passage est nettement plus scabreux,; cf. Histoire romaine, LXII, 13-14]. Au
Moyen Âge nombre de légendes fleuriront sur Néron; l'une d'elles, que l'on
retrouve dans La légende dorée de Jacques de Voragine, décrit Néron poussé
par une curiosité morbide à ouvrir le ventre du cadavre de sa mère afin de voir
comment et où il fut conçu. Cette légende serait née de l'attitude controversée
de Néron devant la dépouille de sa mère telle que le rapportent Tacite, Suétone
et Dion Cassius. [cf. J. M. CROISILLE, 59, Néron a tué Agrippine, Paris,
Editions Complexe, 1994, (La mémoire des siècles, 223), pp. 90-93 et 149 /
Ce dernier ne mentionne pas la source exacte de La légende dorée].

V. 161 : Hecuba, femme du roi Priam. Pendant la guerre de Troie, elle perdit
presque tous ses enfants et vit Priam massacré sous ses yeux (cf. vv. 163-164).
Chez Virgile, elle est emmenée captive par Ulysse. Le sort d'Hécube est claire-
ment décrit dans le Des cleres et nobles femmes à la trente-quatrième rubrique.
Elle «a esté congnue et renommee par tout le monde quant la maleureuse et
contraire fortune vint contre elle.» (11. 27-29, p. 105). Quant à sa fin, Boccace
ne tranche pas, car soit elle finit sa vie folle, hurlant comme un chien, soit elle
fut emmenée en captivité par les Grecs.

V. 166 : Elle choisy Troye brullant. Après un verbe de perception, «choisir»,


les formes en -ant s'emploient «là où le latin mettait un participe présent.»
[MENARD), $ 181]. «Elle vit Troie en train de brûler».

V. 169 : Où est d'Elaine la beauté. I s'agit d'Hélène de Sparte, femme de


Ménélas. Sa beauté légendaire fut à l'origine de la guerre de Troie. Ici, le thème
de l'Ubi est ne se limite plus au personnage féminin, mais il englobe également,
et essentiellement, ses qualités premières. Ces qualités sont prises comme des
modèles à suivre (cf. suÿr v. 175). A la trente-deuxième rubrique du Des cleres
et nobles femmes, il est dit de celle-ci : «Helene, si comme dient aucuns, tant
pour sa joliveté, cointise et mignotise et sa beauté charnelle comme pour la
longue bataille qui pour elle fut faite et encommencie, a esté moult congnue,
famee et renommee en tout le monde.» (11. 3-7, p. 111).

V. 172 : Lucrèce, chaste romaine femme de Collatin. Présente dans Valère-


Maxime (Livre VI, chap. I, 1) et dans Boccace à la quarante-quatrième rubri-
que (pp. 158-161). Elle est connue pour sa chasteté qu'elle voulut préserver à
tout prix. Outragée par Sextus Tarquin, elle se donna la mort. Dans la Cité de

126
Dieu, saint Augustin disserte contre ce suicide qu'il réprouve (cf. Livre I, chap.
19). Ce fait est mentionné dans le Des cleres et nobles femmes en ces mots :
«Selon nostre loy crestienne elle fist grant folie, si dapnee [sic], et pour ce la
reprent saint Augustin en son livre de La Cité de Dieu» (I. 119-121, p. 161).
Alors que dans la vision antique, il est perçu comme légitime, lors de circons-
tances exceptionnelles où il devient l'expression de l'honneur individuel; JeSui-

le suicidé était considéré comme la victime du Diable. C'était un être qui avait
douté de la miséricorde divine, qui avait succombé à la Desperatio. Le suicidé
était dès lors rejeté de la société, son cadavre ne recevait aucune sépulture
chrétienne (on enfermait son corps dans un tonneau qu'on laissait au gré des
flots), ses biens étaient confisqués (ce qui portait préjudice à ses parents et
enfants), et son âme était vouée à la damnation éternelle puisqu'il mourait im-
pénitent en état de péché mortel. [Voir M.-N. LEFAY-TOURY, La tentation
du suicide dans le roman français du XILe siècle, et surtout J.-CI. SCHMITT,
«Le suicide au Moyen Âge», pp. 3-28].

V. 176 : Helas, nous ne poons fuÿr, cette phrase exprime le désarroi de


l'homme face à son destin qui le conduit irrémédiablement à la mort. Ce vers
est répété au vers suivant, v. 177, sous une forme inversée : Nous ne poons
fuÿr, helas ! Comme le déclare Christine MARTINEAU-GÉNIEYS, cette
inversion «traduit le poids oppressant de l'angoisse qui, à cette pensée, étreint le
coeur du poète.» [p. 199].

V. 178 : tamps passé, métonymie de tous les plaisirs vécus. Dans l'optique du
contemptus mundi, puisque, quand nous sommes morts, les plaisirs vécus
auparavant sont perdus à tout jamais, mieux vaut les éviter de notre vivant, car
ils ne nous suivront pas dans l'au-delà et nous promettent inéluctablement l'En-
fer.

V. 181 : De l'esperit qui fu dampné, référence à Satan, l'ange déchu.

V. 182 : Qui par orgoel fut renversé, référence au péché de Satan, le plus beau
des anges, qui se crut supérieur à Dieu. Pour cela il fut damné, renversé c'est-
à-dire, littéralement, ilfut mis la tête en bas pour être précipité directement en
Enfer. Seuls les écrits intertestamentaires développent le récit de la chute des
anges. Le Livre d'Hénoch (1, VI-XT), en outre, mentionne la déchéance des
anges; celle-ci est attribuée au désir de ces derniers pour les femmes des hom-
mes. Ce n'est qu'à partir du IVe siècle que la thèse de l'orgueil et de la jalousie
supplantera la première [cf. J BASCHET, Les justices de l'au-delà. Les
représentations de l'Enfer en France et en Italie (XIIe - XVe siècle), p. 256].
Le terme renversé s'oppose au sens canonique de la verticalité qui nous
met la tête vers le ciel. De même, la Mort en général «enverse» le cours de la
vie, elle nous couche horizontalement en terre, et elle peut même nous

127
«enverser» complètement en nous précipitant la tête vers le bas en Enfer. Cette
idée de désordre des positions se rencontre dans les représentations de la chute
des anges; alors que les diables sont représentés la tête en bas, les bons anges
se tiennent droits [cf. Credo de Joinville, BN, n. acq. fr. 4509 f° 2 (XIIIe
siècle) cité par J. BASCHET, op. cit, n. 82, p. 256 et aussi le f° 9 r° du ma-
nuscrit Ca où est représentée la chute des anges, têtes vers le bas].
orgoel. L'orgueil est le principe fondamental du péché, cf. L'Ecclé-
siastique (X, 12-13) : «Car le commencement de l'orgueil, c'est le péché. / Qui
s'y attache fait pleuvoir l'abomination. / Aussi le Seigneur a rendu éclatantes
leurs détresses, / Il les a enversés [nous soulignons] jusqu'au bout». En 604, le
pape Grégoire donna à l'Occident une liste des péchés capitaux. L'orgueil est la
racine du vice et de lui découlent les sept péchés traditionnels que nous con-
naissons aujourd'hui. [A ce sujet voir, M. W. BLOOMFIELD, The Seven
Deadly Sins (...)].

V. 183 : Et tous les siens du chiel lassus. I] s'agit des anges du Diable («Le
Diable et ses anges» : Mr, XXV, 41) qui furent damnés avec lui.

V. 185 : quant, conjonction temporelle exprimant la simultanéité.

VV.191-192 : nous trouvons toujours cette insistance quasi méthodique sur les
peines de l'Enfer, salaire du péché et principalement de l'orgueil qui est l'origine
du péché. (cf. Si X, 12-13)

VV. 193-196 : doncquez, cette conjonction annonce le mouvement conclusif de


la strophe. Celle-ci entretient un lien sémantique étroit avec les précédentes : vu
le destin réservé aux pécheurs, gardons nous doncquez de peciet, car le péché
offense Dieu (v. 194). Malgré tout, si nous succombons à la tentation (v. 195),
purgeons-nous rapidement de tout vice (v. 196), car nous en avons la possibi-
lité, et surtout parce que le péché est une embûche au salut de l'homme.

VV. 197-198 : «Voyons ce que nous sommes en naissant et ce que nous deve-
nons en mourant»: poussière nous retournons en poussière ! Ici, se développe le
thème biblique du pulvis es qui insiste sur le cours cyclique de la vie, sur le
caractère misérable de l'homme. «Tu es poussière et à la poussière tu retourne-
ras.» (Gen. II, 19).Puisque l'homme n'est que poussière, il n'est rien et il ne
peut donc pas prétendre à une vie de fastes en complet désaccord avec ses
origines. L'orgueil est en opposition avec l'origine «poussiéreuse» de l'homme.

V. 200 : remors, dans le sens d'«action de rappeler une chose». Peut-être pou-
vons-nous y voir une allusion au Jugement dernier, attendu que l'Archange
lisait le liber vitae de chaque trépassé. Dans ce livre, le Liber vitae, étaient
consignées toutes les actions de la vie de chaque homme. Et qui plus est,
Chastelain mentionne clairement que cela se passera aprez que nous serons

128
mors (v. 199). Ainsi, si le chrétien a mené une vie en parfait accord avec sa
condition de poussière, la lecture de son Liber vitae ne peut que lui être agréa-
ble (humble remors, v. 200).

V. 201 : Prenons en nous humilité. Importance de l'humilité dans la doctrine


chrétienne qui est en opposition radicale avec le péché d'orgueil (cf. v. 202).
Cette pensée se déploie naturellement après l'exposition du pulvis es.

VV. 203-208 : Chastelain décrit l'homme s'apitoyant sur son sort, sur la briève-
té de sa vie. Face à cette réaction, il conclut sa strophe par un épiphonème
sentencieux : Sage est celly qui peu s'y fie.

VV. 209-210 : Référence à la Passion du Seigneur Jésus-Christ qui pour nous


la mort endura.

VV.212 et 215 : allusion à la prière du Christ à Gethsémani : Le XXII, 39-44 /


Mc XIV, 32-37 / Mt XXVI, 36-46. Le Christ a eu peur de la mort, il fut «pris
d'angoisse» (Le, XXII, 44).

V. 213 : habundance de (son) sang sua cf. Le XXII, 44. Pendant son agonie
au Mont des Oliviers, le Christ fut saisi d'une telle tristesse et d'une si grande
frayeur que ces conditions permirent à l'hématidrose de se produire.
[Dictionnaire de la Bible, t. VI, col. 1450 - col. 14551. 4,;eut,, Aloe À
©
VV.214-215 : pour inspirer la peur de la mort, Chastelain rappelle l'attitude du
Christ devant la mort. En effet, si le Fils de Dieu doubta la mort (v. 216), lui
qui mena une vie exemplaire entre toutes, que fera donc le misérable humain ?
Cet argument par l'exemple suprême ne peut qu'inspirer la crainte au simple
mortel et le pousser au contemptus mundi. Soulignons que, sans s'être vraiment
suicidé, le Christ fut responsable de sa mort puisqu'il avait les moyens de l'em-
pêcher, mais il ne l'a pas fait pour enlever le péché du monde.

VV. 217-224 : au moment de notre mort, nous devons songer à la Passion du


Christ, afin que cette pensée vainque la malice de Satan. Cette strophe se réfère
à l'ars moriendi. En effet, dans l'iconographie de l'ars, le Christ en croix appa-
raissait souvent au chevet du mourant, entouré de Marie, des anges et de saint
Jean. Cette scène devait pousser le pécheur au repentir.

V. 227 : Il ne nous fault guerez d'assault, ce vers souligne la fragilité de la vie


humaine. Effectivement, l'homme s'entoure de biens matériels, pensant ainsi
être à l'abri de tout, mais toutes ces richesses, toutes ces murailles ne le protè-
gent pas de la maladie qui lui ôte la santé (vv. 229-230) et parfois même la vie
(v. 231) ! Il suffit d'une variation climatique (un petit de froit ou de chault)
pour que cette vie soi-disant bien ancrée chavire. Aïnsi, Chastelain progresse

129
inlassablement dans l'exposition du contemptus mundi : les biens matériels ne
nous préservent point de la maladie, encore moins de la mort, donc oublions-
les.

V. 229 : trencisons < * trinicare, (F.E.W., XIII2, 280b). Ce sont des douleurs
très aiguës dans le ventre appelées communément coliques. Un des remèdes
proposés «contre espriensions» que nous trouvons dans une traduction du
Circa instans de Platearius [cf. P. MEYER, «Manuscrits médicaux en
français», in Romania, XLIV, 1915-1917, p.189 / ms. Sloane, 3525, fol. 177 b
et c, début du XIVe siècle] est le suivant : «Metez la poudre par dessus le
fondement avec coton; l'en le puet garder .ij. anz, mais mielz se garde avec
(177c) poivre .II. manières en sunt : domesche et salvage . Li salvages a noire
color et agüe savor, mais non quant l'en depiece le domesche, il en naissent une
branchetes,; li salvages n'est pas autresi».

V. 230 : les mules à nos talons, ce sont des engelures aux talons [cf. HU-
GUET]. Voici ce qu'un manuscrit médical du XIIIe siècle, Recettes variées,
propose contre les engelures [P. MEYER, loc. cit., p. 173 / ms. Sloane 1977,
fol. 46b]: «Pour mules. Prenés cras lart et burre de mai et jus de celoigne et jus
de racines de parele et confisiez toutes ces choses ensambles sanz metre sus le
feu».

V. 233 : Passage au pronom personnel Tu. Le poème devient plus personnel, et


la visée didactique se précise nettement. Chastelain veut frapper sa cible. En
effet, à ce stade le poète interpelle l'auditeur dans sa réalité individuelle, de
sorte qu'il le touche plus intimement. Chastelain a joué avec art de toutes les
catégories grammaticales puisque progressivement le poème cible son audi-
toire. Tout d'abord, il le captive avec ce Je si pathétique, ensuite il sympathise
avec ce Nous, et enfin il interpelle chaque auditeur par un Tu moralisateur. La
morale devient ad hominem et sensibilise beaucoup plus l'auditeur.

V. 235 : se, conjonction hypothétique «si» [MENARD), $ 197f]. Touche d'iro-


nie, car si l'homme vit jusquez en viellesse, il pourra constater l'action dévasta-
trice de la Mort. Cette proposition subordonnée hypothétique souligne la fra-
gilité de la vie et l'incertitude de son cours.

VV. 239-240 : peut-être pouvons-nous voir dans ces deux vers une allusion
aux désastres de l'époque ? En effet, non seulement la peste, mais aussi la
guerre et les épidémies décimèrent les populations durant le XVe siècle, ce qui
rendit la mort quotidienne à tous. De ce fait, on voyait souventesfois assez /
Plus de mors que de demoréz. (vv. 239-240).

V. 241 : Regarde où sont allez nos peres. Le retour au «nous» dans ce vers
entraîne la rupture de la progression et de l'organisation des catégories gram-

130
maticales. Ce retour au «nous» s'étale sur une strophe qui développe un argu-
ment sentimental commun à tous. En effet, il s'agit de la famille représentée par
nos aïeux (nos peres, V. 241), nos parens [et] soeres et freres (v. 243). En
somme, Chastelain attise sa critique ad hominem en se mettant au même plan
que l'accusé, le «tu».
Regarde, à nouveau nous retrouvons un verbe faisant appel à la vue
(cf. vers 233). L'homme doit toujours regarder dans le miroir, «mirer» ce que
sont devenus ses prédécesseurs.

V. 243 : Nos parens, [et] soeres et freres, ce vers souligne l'importance du


lignage et de la parenté dans la société médiévale. L'individu en tant que tel
n'existe pas, il est toujours issu d'une souche à laquelle il est lié. Dans ce vers,
Chastelain développe un argument affectif, car le sort de sa famille, de ses
proches, peut pousser l'homme à réfléchir. En effet, nos aïeux ont lessies ces
miseres / Esquelles nous sommez trestous (vv. 244-245); donc, faisons de
même et nous serons en communion avec nos ancêtres.
soere (< soror, F.E.W., XII, 115b) forme attestée depuis le 13e siècle.

V. 249 : c’, pronom démonstratif ayant pour antécédent le «monde» du vers


246. Le monde n'est que le passage vers la mort. Notre vie terrestre n'est qu'un
passage vers notre véritable vie, celle de l'au-delà. De ce fait, ne gâchons pas
notre vie future et préparons-nous à mourir. ete! ges E a es us,

V.251 : Tu n'as dongnon, chasteau, ne fort. Enumération de bâtiments dont la


fonction première fut défensive. En effet, primordialement le chasteau est
l'élément défensif d'une ville, d'une contrée. Celui-ci possède un dongnon dont
le rôle est protecteur. Il en va de même du fort, en concurrence avec
«forteresse», qui désigne également un lieu fortifié. Notons que dès le XIIIe
siècle fort apparaît comme «la substantivation de l'adjectif «fort» dans des
emplois comme château fort». [REY, s.v. «fort»]. Ce vers réunit deux subs-
tantifs dont les acceptions sont très proches, mais permet aussi de les unir dans
une même unité lexicale exprimant l'idée de sûreté. Remarquons que dans ce
vers Chastelain use de sens disparus ou désuets au XVe siècle. Effectivement,
au XVe siècle le château, ainsi que le donjon et le fort, n'incarnent plus la place
forte par excellence comme au XIIe siècle. Au contraire, le château se trans-
forme en lieu de plaisance. Alors qu'au XIIe siècle, il était le lieu de protection
lors des batailles, au XVe siècle il devient une construction de prestige, car
mmrrerentmnt
désormais les campagnes militaires se déroulent sur les champs de batailles et
non devant les châteaux. Cette fonction de résidence de cour l'emporte dès les
années 1450. Ainsi, on observe l'ouverture de l'enceinte, l'agrandissement des
fenêtres, l'apparition du jardin qui transforment le château en lieu de plaisance
des grands princes du temps. [J. FAVIER, s.v. «château»].

131
VV. 249-256 : première phase du contemptus mundi qui consiste à rejeter
toutes formes d'habitations luxueuses et défensives puisqu'elles ne mettent pas
l'homme à l'abri de la Mort.

V. 257 : Ch'est grant folie de parer. Dans un second mouvement, l'auteur


attaque la coquetterie. Celle-ci est vue comme une folie puisque l'on pare ce qui
deviendra la pâture des vers (v. 258). Le corps est à nouveau vu comme le
repas des vers (cf. vers 38-39).

V. 261 : abillemens divers, «habillements différents». Il s'agit du linceul, seul


vêtement qui accompagne le corps dans sa dernière demeure.

V. 262 : Tu n'aras pour tous tes blédz vers. Les blés désignent toutes les
céréales formant l'alimentation médiévale. Une distinction s'opérait, et s'opère
encore aujourd'hui, entre les blés d'hiver, froment ou seigle semés en automne
et qui subissent le froid de l'hiver, et les blés de printemps constitués d'orge ou
d'avoine. [J. FAVIER, s.v. «Blés»]

VV. 265-272 : l'ouverture de la strophe est une interpellation à une jeune dame
(O jouvente de belle dame). Celle-ci semble être sur le point de mourir ou, du
moins, être très accablée par quelque maladie (cf. Et que dittez vous à ce
point? v. 266). Le poète la questionne ironiquement : aurait-elle pu imaginer la
Mort si odieuse au point de l'assaillir aussi subitement ?(vv. 267-269). Cette
interrogation oratoire souligne nettement l'attitude moralisante adoptée par
Chastelain. Il n'est nullement compatissant; au contraire, la mort est le juste
salaire de la vie inconsciente que la jeune femme a allégrement menée.

VV. 270-272 : devant la Mort, la belle dame est l'égale du porcher. Cette image
est très forte, car elle unit deux termes aux connotations rigoureusement oppo-
sées. En effet, la beauté, la propreté et la richesse, qui les séparaient initiale-
ment, ont disparu, étant donné que la Mort a aplani toutes les différences.

V. 273 : Il fault laissier vos haulx atours. Les «atours» désignent soit les
vêtements en général, soit plus spécialement les coiffures des femmes. De toute
façon ce vers rejette toute forme de coquetterie parce qu'il est dangereux que
les soins du corps prévalent sur ceux de l'âme. Avec le bouleversement vesti-
mentaire du XIVe siècle (voir vers 289) apparaît la dénonciation morale du
vêtir puisque le corps devient sexué. Le vêtement est le miroir de l'orgueil et de
la luxure, vu qu'il devient objet de séduction et ne sert qu'à montrer ouverte-
ment les détails du corps qu'il recouvre. [Voir O. BLANC, «Vêtement féminin,
vêtement masculin à la fin du Moyen Âge. Le point de vue des moralistes»,
dans M. PASTOUREAU, Le Vêtement. Histoire, archéologie et symbolique
vestimentaires au Moyen Âge, pp. 243-253.].

132
V.274 : Et vos robes à longue queue, le fait d'assimiler les traînes des robes à
des queues est courant dans le discours des moralistes. En effet, les moralistes
animalisent les parures; ils rapprochent celles-ci du monde sauvage qui ne
respecte pas l'ordre divin et qui renvoie donc aux forces sataniques. Depuis
toujours le vêtement est l'expression de l'orgueil humain, du défi envers Dieu.
De plus, la parure incite à la luxure, car son seul but est d'attirer les regards et
de provoquer le désir. Chastelain s'inscrit dans la tradition du discours morali-
sateur sur l'habillement tant par l'animalisation de l'objet que par les liens im-
plicites qu'il tisse entre l'orgueil et la luxure féminins.

V. 277 : Ou tamps que vous faittez la reue. Selon URWIN, lui-même s'ap-
puyant sur J. CORBLET et R. DEBRIE [Glossaire étymologique et compa-
ratif du patois picard, p. 546], «reue» serait un picardisme signifiant «moue».
Or, «reue» désigne simplement la roue (celle que fait le paon pour se faire
admirer. Bien sûr, le paon est symbole d'orgueil). En effet, étymologiquement
le latin rofa aboutit dans certains parlers du Nord à «reue» : [rota > riuode >
roe > ruee / reue, puis il y a eu une réfection d'après la série «rouelle». Cf.
F.E.W., X, 490a et REY, s.v. «roue»]. Ici aussi, le vêtement est synonyme
d'orgueil. Notons qu'URWIN a peut-être simplement reproduit une coquille.
Reue est à la rime avec queue (274) et bleue (278); ainsi il est révéla-
teur de la langue de Chastelain.

VV. 278-280 : à l'article de la mort, la femme doit abandonner tout ce qui fai-
sait son bonheur et sa beauté. Elle deviendra horrible à voir : Vostre frescheur
devenra bleue / vostre regart ferat horreur /mesmez à vostre serviteur. Quel
que soit son statut, elle mourra comme un porcher (cf. v. 271).
Mesmez à vostre sèviteur : touche d'ironie. La dame fera même peur à
son «serviteur», à l'homme qui l'aimait, c'est-à-dire celui pour qui elle seule
importait. Soit Chastelain critique l'amour courtois qu'il considère comme su-
perficiel puisque l'amour s'attache seulement aux apparences physiques, soit la
dame devient horrible au point que personne ne puisse plus la dévisager.
Notons que ces deux strophes s'adressent aux femmes. Dans une
certaine optique moraliste, ce sont les femmes qui ont le plus besoin de conseils
moraux. En effet, c'est Eve qui est à l'origine de la perdition humaine. De ce
fait, lorsque Chastelain s'adresse aux femmes, il espère toucher celles qui
succombent le plus facilement à la tentation.

V. 283 : Tu es oultre mesure fier : la caractéristique première du chevalier est


la superbia, l'orgueil. Il se croit invincible, et défie en quelque sorte Dieu en
s'imaginant invulnérable, alors qu'il est mortel et qu'il devenra abhominable (+.
287). L'homme rejoint la femme dans le péché.

V. 284 : Quant tu es dessus ton coursier. Le coursier est une dénomination


particulière (relative à son emploi) qui dépasse le terme générique de «cheval».

136
C'est un cheval de guerre qui est parfois confondu avec le cheval de lance. Il est
plus petit que le destrier et répond, en campagne, aux exigences de la cavalerie
légère. [cf. GAY, t. I, s.v. «coursier»].

VV. 287-288 : la déchéance physique est le point ultime de tout être. Les plai-
sirs mondains ne sont qu'éphémères par rapport à la damnation éternelle qu'ils
promettent à celui qui s'y complaît.

V. 289 : Vous qui estez vestus de court. Le costume court émerge au XIVe
siècle (vers 1340) et remplace les longues tuniques. Il se compose d'un pour-
point court très ajusté et de chausses qui prennent alors une importance consi-
dérable. Ce genre de vêtements fut aussi la cible des moralistes. En effet, le
pourpoint et les chausses très longues mettent en évidence le corps de l'homme
et dévoilent sa nudité. Ainsi, de l'état de culture l'homme régresse vers celui de
nature, il se diabolise en quelque sorte.

V. 291 : Pensez que vous le ferez court. La locution «le faire court» signifie
«être bref». Cette petite touche ironique de la part de Chastelain rapproche la
justesse du vêtement de celle de la vie de cour ….. Il y a un subtil jeu d'homo-
phonies sur le mot [kur] dans un réseau de rimes équivoques.

V. 296 : Quant ariés force de cent ours. Quant est une conjonction adversative
lorsqu'il y a une opposition entre la subordonnée et la principale. [MENARD), $
236].
Ici se termine la seconde strophe destinée aux hommes. Notons que les
femmes et les hommes ont eu droit à deux strophes, dont la construction est à
peu près similaire. Tout d'abord, dans les premières strophes le poète interpelle
la dame (vv. 265-272) et le chevalier (vv. 281-288). Remarquons qu'il vouvoie
la dame et le courtisan, mais qu'il tutoie le chevalier. Serait-ce par familiarité
avec les gens de son rang qu'il considère comme des égaux ? Ensuite, les
secondes strophes développent des similitudes plus nombreuses : premiers vers
sur le vêtement (vv. 273-274 vs v. 289), vers sur les «tours de cour» (vv. 275-
276 vs v. 292) et enfin les vers sur la déchéance physique (vv. 278-279 vs vv.
294-295). Donc, le déroulement des couples de strophes est plus ou moins
identique. Chastelain ne sermonne pas plus les unes que les autres, même s'il
accorde à celles-ci une place de choix. Parallèlement, le thème de l'Ubi sunt
respectait la symétrie, mais alors que la préséance des hommes les glorifiait,
dans un discours moralisateur la première place accordée aux femmes a bien
sûr une tout autre incidence !

V.297 : Dampt abbé ne sera lessié : critique du clergé corrompu. Cette image
: est très courante dans la littérature médiévale. Et qui plus est, le clergé a tou-
jours été la cible favorite de la littérature profane des fabliaux. Les fabliaux se
délectaient de moines paillards et de prêtres concupiscents. Mais dans les

134
fabliaux «les conteurs ne font pas reproche au prêtre de manquer à ses voeux
de chasteté (...)», car cette conduite est normale et commandée par le genre.
[Ph. MENARD, Les fabliaux, p. 123] Or, ici Chastelain dénonce ce travers, ce
qui est conforme à tout discours moralisateur.

V. 298 : Avoec la damme de ses biens. L'abbé ne sera pas laissé avec la
damme de ses biens, c'est-à-dire avec la dame de ses plaisirs, la fille de joie.
Cette interprétation est toute motivée par le contexte général de critique du
clergé et par l'image des étuves, lieux de débauche, du vers 299. Le substantif
biens est du reste attesté dans le sens de «plaisir» [F.E.W., I, 323a]. Dès lors,
biens est vraisemblablement employé de manière antiphrastique dans le vers,
étant donné que ce substantif recouvre essentiellement une notion morale satis-
faisante (cf. l'emploi métonymique du pluriel les biens dans l'ancienne langue
qui sera supplanté par gens de biens), alors qu'ici la damme n'est pas une
personne recommandable; locataire des étuves, elle a plus le profil de la fille de
joie, la damme de ses biens, de son bon plaisir. [REY, s.v. «bien»].

V. 299: S'il est estuvéz ou baignié, image des étuves. Les étuves ou bains
publics étaient souvent présents dans les contes et fabliaux [lelien avec la
critique
du clergé se resserre !]. Ces établissements servaient tantà des fins
honnêtes que déshonnêtes. On n'y observait pas toujours les règles de la dé-
cence et, de ce fait, les autorités réservaient certains jours et heures aux fem-
mes, et d'autres aux hommes. Malgré cela, les étuves accueillaient de nombreu-
ses prostituées et étaient pourvues d'une literie importante face aux quelques
bains. [Voir J. ROSSIAUD), La prostitution médiévale, pp. 22-23 et pp. 204-
211.]

VV. 302-303 : retour au sermon d'intérêt général. Celui-ci traite du néant de


notre vie terrestre qui nous conduit inexorablement vers les douleurs de la mort.
(...) en la fin, loc. signifiant «à la fin», «au pas de la mort». [DI STE-
FANO]

V. 304 : Dieux scet qui est bon pellerin, loc. attestée par DI STEFANCO. Ce
dernier cite Chastelain (V, 24 / VI, 59 / Chron. 90), Deschamps et Gerson en
exemples. Cette locution désigne l'omniscience de Dieu lors de notre mort, Il
reconnaît toujours le bon chrétien. Il y a une relexicalisation ironique, car le
clergé ne sort pas de son lit ou des étuves, et donc fait défaut à son rôle
(inhérent normalement) de bon pellerin.

V. 305 : Le bourgois, ce nouveau «type humain» apparaît au XIIe siècle avec


la renaissance du commerce et le développement de l'infrastructure qui modi-
fient considérablement l'ancienne société tripartite. Le bourgeois est l'habitant
du bourg, de la ville. Celui-ci jouit de privilèges dans sa ville et participe aux
charges communes.

135
(...) qui boit du melleur. Melleur, superlatif absolu désignant le vin. Le
vin est la boisson principale de l'époque. Selon J. Favier [s.v. «vin»] le bour-
geois consomme par jour un à deux litres de vin. De plus, dès le XIVe siècle il
se lance dans la production personnelle qui lui vaut un certain prestige. Les
crus les plus renommés restent ceux de Bourgogne, plus spécialement ceux de
Beaune et de Chablis.

V. 309 : Ou à aultre de la commune. La commune est un phénomène nouveau


qui naquit avec la bourgeoisie et ses besoins. C'est une confédération des habi-
tants d'une ville tenus par la garantie d'un serment mutuel. Le nom de commune
ne désigne pas la ville, mais l'ensemble des habitants qui avaient prêté serment.
Les premières communes se développent avec les agglomérations. Elles vivent
de l'échange et de la production de marchandises, c'est-à-dire de besoins inexis-
tants auparavant et auxquels la féodalité ne peut subvenir. «La commune est
donc, au début, l'association des bourgeois en vue de parer aux nécessités
collectives qui s'imposent à eux.»[H. PIRENNE, Les villes et les institutions
urbaines, t. IL, p. 125 et sgg.]

V. 310 : en : pronom adverbial dans l'expression impersonnelle (à la forme


négative) construite avec le datif de personne : «il ne l'en chault». Les
manuscrits A-C-Ca-Ch-G-J-Ld-M-Pa-Pi ont résolu la difficulté en remplaçant
le groupe pronom personnel 3e p. sg. + pronom adverbial en par le pronom
personnel 3e p. sg. CR indirect seul : A-J-Ld-Pa lui, C-Pi ly, Ca-Ch-G luy, M
li.

V. 311 : Au grant, au petit, au moyen. Les besoins de la rime empêchent la


progression logique de l'énumération du plus grand au plus petit.

V. 313 : Fors qui voelt bien morir bien vive. Fors adverbe possédant un sens
adversatif [MENARD), $ 274]. La morale de tout le poème est résumée dans ce
vers : celui qui désire bien mourir, c'est-à-dire avoir le salut, doit vivre selon les
commandements divins.

V. 315 : Et ses commandemens avive. Allusions aux dix commandements du


Décalogue. Voir Ex. XX, 1-17 / Ex. XXXIV, 8 et Deut. V, 6-21.

“V. 317 : Prende tout en patience. «Prendre en pacience», loc. signifiant


«souffrir avec résignation», (F.E.W., VIII, 17b).

VV.318-319 : ceux qui observeront les commandements divins auront une vie
pardurable après leur mort. Une conduite juste durant leur vie leur garantit une
vie future, c'est-à-dire le Paradis qui les rapprochera de Dieu, tandis que ceux
qui ne se sont pas attachés à observer ces commandements (cf. v. 320) mour-
ront difficilement.

136
V. 321 : merveille. Dans la langue médiévale, le substantif «merveille» a le
sens de «chose qui étonne», alors que de nos jours il a essentiellement une
connotation positive et insiste plus sur la notion de «chose qui provoque l'admi-
ration». Dès lors, au Moyen Âge une chose «merveilleuse» pouvait autant
provoquer la joie que l'horreur.
A l'origine le vers est hypométrique en raison de la forme
merveil. Le copiste à peut-être adapté la forme de son substantif à la forme
graphique de l'adjectif épicène grant. Dès lors, il a fait varier en genre le subs-
tantif.

V. 323 : Celly que Dieux fist revivant, il s'agit de Lazare de Béthanie que Jésus
ressuscita, (/n, XI, 1-44). Il ne s'agit pas du pauvre de La parabole du riche et
de Lazare (Lc, XVI, 19-31), comme le prouve le vers 325 : «Le ladre à la
Marie frère».

V. 325 : Le ladre à la Marie frere. Le substantif ladre signifie «lépreux». Sa


première forme Lazre, attestée depuis 1160, trahissait son origine, mais celle-ci
a été modifiée en ladre dès 1170 environ. Ladre est issu de l'anthroponyme
latin «Lazarus», de l'hébreu «el'azar» (que Dieu a aidé). Deux hypothèses,
quant à l'évolution du nom, se concurrencent : la première renvoie au nom du
pauvre rongé d'ulcères qui gît devant la porte du mauvais riche de la parabole
de Luc (XVI, 19-27), tandis que la seconde, moins courante, se réfère à Lazare
de Béthanie, frère de Marthe et de Marie (cf. /n XI, 1-16), mort d'une maladie
(que l'Ecriture ne détermine pas) et ressuscité par le Christ. Les lépreux étaient
souvent considérés comme des cadavres vivants. [cf. REY, s.v. «ladre»]. Dans
ce cas-ci, ladre renvoie bien entendu à la seconde hypothèse.

V.327 : Et toutte doleur à penser. Toutte : adjectif. Devant un nom singulier


il marque l'expression globale d'un ensemble au sens de «tout entier» ou, devant
un singulier collectif (à valeur de pluriel), il indique la totalité. [MENARD, $
34 1°].

VV. 326-328 : l'auteur insiste sur la peur de Lazare à l'idée de mourir, puisqu'il
a déjà vu l'horreur de la mort. [cette idée sera encore développée dans la stro-
phe suivante]. |

V. 332 : tant que, conjonction consécutive signifiant «de sorte que».

VV. 323-336 : la mort de Lazare est prise ici à titre d'exemplum. Lui qui était
si bon et qui avait déjà sa place aux cieux (v. 334) craignit redoutablement la
mort, car il était déjà mort. Lazare devient la preuve «vivante» qu'il faut crain-
dre la mort, de telle sorte que l'auteur conclut : que fera donques le pecheur /

137
Quant le juste en [ la mort] avoit si peur ? (vv. 335-336). Cet exemple de
conduite devrait pousser le pécheur à la conversion.

VV.337-339 : le pécheur doit implorer la Vierge Marie (la tresoriere de gras-


ce, V. 338) pour qu'elle intercède (moyene, v. 339) pour lui auprès de Jésus-
Christ (juge, v. 339). Le culte marial s'est développé dès le XIIe siècle (cf.
culte de saint Bernard à la Vierge, etc.). Mère, elle écoute les peines. Miséri-
cordieuse, elle est hautement humaine dans sa splendeur divine. De plus, elle
semble plus proche du Père et du Fils. L'image que nous observons ici est celle
de la Vierge médiatrice qui apparaît dans le Jugement dernier, car grâce à elle
le pécheur peut être secourru / Et Satham matet et vaincu (VV. 343-344).
Notons que dans les artes moriendi, elle est toujours présente au chevet du
mourant et intervient comme intercesseur avec saint Jean.

VV. 345-346 : apparition de Satan à l'homme agonisant. Ceci nous fait penser
aux illustrations de l'ars moriendi où le Diable tente cinq fois le mourant
(tentation d'infidélité, de désespérance, d'impatience, de vaine gloire et enfin
d'avarice). L'ars moriendi se divise en trois parties : l'agonie, l'assaut du Diable
et l'apparition de l'ange suivie de sa victoire. Nous pourrions croire que l'ordre
est faussé, mais ces deux vers ne sont que l'anticipation de l'assaut diabolique.
En effet, vingt-sept vers d'agonie (vv. 350-376) succéderont à cette apparition
subite du mal, puis l'attaque du Diable emboîtera le pas.

V. 350 : travelle < travelier < tripaliare, «torturer avec le tripalium». En AF,
le verbe «travaillier» signifiait, en outre, «souffrir des douleurs de l'agonie»
(sens attesté dès 1190); en MF il conserve ce sens. [F.E.W., XIIL 2, 287b et
REY, 5.v. «travailler»].

VV. 350-352 : l'agonie du mourant est décrite avec un réalisme surprenant : la


douleur écartèle le corps et le torture affreusement.

V. 357 : Advant que l'esperit soit hors, nouvelle référence à l'âme qui doit
émigrer du corps à la mort de l'homme. (cf. vers 349) : à l'amme qui crient le
depart.

VV. 358-368 : description de l'agonie. C'est une véritable description médicale


que nous donne Chastelain; tout est très réaliste, ce qui corrobore son discours
moral. De plus, il se réfère à quelque chose de connu, c'est-à-dire l'agonie que
l'on retrouve, tant dans l'ars moriendi que dans la vie réelle. Cette description
est pathétique et insiste sur la vue. Tout d'abord, le visage en général est décrit,
son teint est blafard. Ensuite, les yeux attirent directement l'attention; ces yeux
sont morts, sans vie (cf. crevéz en la teste v. 362), comme si on les avait
véritablement crevés. Enfin, on descend sur la bouche, celle-ci a perdu sa
fonction première, car la parolle ly est faillie (v. 363) : la langue se lie au

138
palais. Puis, le regard descend sur le cou, s'attarde sur les veines jugulaires et
voit que le poulx tressault et sy halette (v. 365). En somme, après avoir regar-
dé ce visage, on perçoit clairement que la Vie fuit [et] la Mort est prette (v.
366).

V.359 : Haulce et sourlieve la poitrine. Sourlieve : devant / et n la consonne s


passe à à et aboutit à r en picard. [GOSSEN, p. 107]

VV. 369-370 : ensuite, toujours en s'attardant sur le devenir corporel de


l'homme, ce sont les os (Les os desjoindent à tous léz, v. 369) et les nerfs (11
n'a nerf qu'au rompre ne tende, V. 370) qui témoignent de l'état précaire du
moribond. Le poète acquiert une vision transparente pour constater le devenir
interne du corps. [Voir notre article sur Villon et Chastelain pour ce passage].
eldes
(

V.371 : Assaillis est par tous costéz, nouvelle allusion à l'iconographie de l'ars
moriendi, où le mourant est réellement «assailli» (v. 371) par le Diable et ses
sbires qui le tentent une dernière fois [voir les illustrations en annexe de l'ou-
vrage de TENENTI]. Ce combat n'est pas intérieur, mais il est bien présent
dans la chambre du mourant.

V. 372 : Et congnoist tous ses fais passéz, nouvelle réminiscence de l'ars


moriendi. En effet, l'assaut des diables s'accompagne de l'énumération de tous
les méfaits passés de l'homme. Les diables relatent toutes les mauvaises actions
de sa vie.

V.374 : Et n'a plus loisir qu'il s'amende. Ce vers rend compte d'une certaine
optique négative, puisque pour Chastelain le pécheur ne peut plus expier ses
fautes, car l'heure est briesve et doloureuse (v. 375). Or, dans l'optique des
artes moriendi, le pécheur peut se racheter s'il se repent sincèrement, tandis
que dans le Miroir de Mort Chastelain reste négatif. C'est peut-être parce que
le bon ange n'est pas encore présenté et qu'il ne peut pas encore pousser le
chrétien au repentir final qui le sauvera. Ici, le poème reste très sombre quant à
l'avenir de l'agonisant, il laisse planer le doute sur le salut possible du pécheur,
car le mourant est assailli par les diables qui lui expriment clairement que
l'ampleur de ses fautes ne pourra jamais le rapprocher d'un Dieu dont il a sys-
tématiquement bafoué les commandements.

V. 376 : Dont sa povre amme est cremeteuse. Remarquons que c'est l'amme
qui craint l'heure de la mort. Ce mouvement de pensée est tout à fait logique,
vu que c'est bien l'âme seule qui est concernée par le passage de vie à trépas;
c'est bien elle qui subira tous les tourments de l'Enfer, ou qui se délectera au
Paradis. Le corps, misérable enveloppe terrestre, pourrira en terre.

139
VV. 377-380 : (...) L'adversaire de nostre foy (...) : intervention du Diable
hideux et noir / espoentable oultre pooir (vv. 379-380). Durant dix strophes,
le Diable va énumérer toutes les mauvaises actions du mourant et va ressasser
ce que Chastelain a déjà développé, c'est-à-dire la vanité des biens de ce
monde. Le discours du Diable veut essentiellement montrer au mourant que sa
situation est desespérée, et que jamais Dieu ne lui accordera sa miséricorde.

V. 382 : Te souviengne de (..), v. impersonnel au subj. prés. 3e pers. sg.


Subjonctif de souhait avec parataxe du «que» utilisé comme un impératif d'or-
dre. Généralement, ce genre de tournure est employée pour rendre le texte
moins abrupt. [MENARD), $ 153 Rem 1]

V. 385 : Et sy n'a damme ne mingnon. A est un verbe impersonnel, 3e pers. sg.


ind. prés. Notons que l'omission du pronom i/ est fréquente devant les verbes
impersonnels; le FM possède encore quelques-unes de ces formes, par exemple:
«reste à savoir», etc.
Sy est adv. de liaison signifiant «alors», «dans ces conditions».
[MENARD, $ 197].
damme ne mingnon, condamnation implicite du péché de luxure. Selon
J. Huizinga, ce terme mingnon n'a aucune connotation homosexuelle. Cepen-
dant, pour Alain Rey, ce mot est d'abord attesté avec le sens péjoratif
d'«homosexuel passif», puis avec le sens d'amant. Il a spécialement été employé
pour désigner les jeunes gens de l'entourage de Charles VIL.

V. 386 : il importe peu aux partenaires de ses aventures amoureuses hétéro-


sexuelles (damme) ou homosexuelles (mingnon) ce que deviendra l'agonisant
après sa mort ! Le Diable souligne que tous l'abondonneront au moment de son
trépas.

V. 389 : Che qu'à toy fut aultruy sera. Ce vers souligne la vanité des posses-
sions terrestres (Jueal tant soit rice ne bon / Chasteal, palaix,[fort] ne
doingnon, VV. 387-388) qui ne durent point puisque che qu'à toy fut aultruy
sera (v. 389), alors que l'âme du mourant sera damnée et subira les tourments
de l'Enfer. Les possessions terrestres ne nous apportent que la damnation
éternelle et, en plus, nous les perdons irrémédiablement lorsque nous
trépassons. Le discours du Diable supplante celui de Chastelain et se fait l'écho
du prédicateur, le Diable n'est pas effrayant, mais moralisateur.

V. 391 : tyson d'Enfer. Tyson < titio (F.E.W., XII, 356 a-b). Jusqu'au XVIe
siècle le mot a désigné une pièce de bois (sans doute à brûler). Par figure, au
XVe siècle, il désigne ce qui fait naître une passion. Chastelain exploite ironi-
quement la polysémie de ce terme.

140
V.393 : Il te fault lessier tes oyseaux. Ce vers condamne la fauconnerie, con-
sidérée comme un des grands travers aristocratiques. Le discours du clergé
rangeait la fauconnerie à côté des plaisirs mondains et il réprouvait la pratique
de celle-ci, car cette activité ludique éloignait l'esprit des réalités spirituelles
auxquelles tout homme devait consacrer sa vie. Baudouin Van den Abeele
remarque judicieusement que dans l'iconographie du Dit des trois morts et des
trois vifs, ainsi que dans la fresque du Campo Santo à Pise, les vivants sont
souvent représentés faucon au poing. Ces réminiscences iconographiques
prouvent que les oiseaux étaient considérés comme le digne attribut des plaisirs
mondains dans le registre macabre. [Voir B. VAN DEN ABEELE, La faucon-
nerie dans les lettres françaises du XIIe au XIVe siècle, p. 66, n. 177]

V.394 : Tes chiens, tes bracquez, tes levriers. Ce second vers, lié au vers 393,
fait le procès de la vénerie, autre activité mondaine des riches aristocrates et
des nobles médiévaux. Notons que la chasse était très appréciée des ducs de
Bourgogne, car Gaston Phébus, comte de Foix, dédia son Livre de la chasse à
Philippe le Hardi; cet ouvrage est présent dans l'inventaire de la librairie de
Bourgogne [cf. DOUTREPONT n° 240].

V. 397 : La route de tes escuyers. Escuyers est employé au sens d'officiers au


service d'un roi ou d'un prince, tels les écuyers tranchant ou de bouche, pane-
tier, de cuisine, etc. Apparemment le Diable a l'air de s'adresser à un noble,
peut-être même à un prince ou à un duc … Ces charges d'écuyers étaient très
prisées, car elles permettaient d'approcher le prince de très près. Les ducs de
Bourgogne privilégiaient les postes d'écuyers panetiers et d'échansons qui
commémoraient à chaque repas le sacrifice de la messe parce qu'ils étaient liés
au pain et au vin. [cf. M. CHEYNS-CONDÉ, «La tapisserie à la cour de
Bourgogne : contribution d'un art mineur à la grandeur d'une dynastie», p. 75].

V. 398 : les moindrez de tes officiers. Officiers, ce terme désigne toute per-
sonne pourvue d'une charge. Notre usage moderne, limité aux domaines poli-
cier et militaire, n'apparaît qu'au XVIe siècle.

V. 400 : Ne te tiennent ja que pour fiens. Les sujets de tiennent sont les
escuyers (v. 397) et les officiers (v. 398). Ces gens, aimables du vivant de
l'agonisant, ne sont que des hypocrites, car au moment de sa mort ils le consi-
dèrent comme du fumier malgré les biens qu'il leur laisse. Ce vers fait le procès
de l'hypocrisie qui est l'apanage de la vie de cour. Aucune bienveillance, aucun
souci n'affleure l'esprit des ces personnes en ce qui concerne le devenir post
mortem de l'agonisant. Il va sans dire que la comparaison avec le fumier est
très éloquente du peu de cas que ces individus feront de l'âme du mourant.

VV. 403-404 : Le tamps que Dieu t'avoit presté, métaphore de la vie. La vie
de l'homme résulte exclusivement de la volonté divine, chose que l'homme

141
oublie toujours. En effet, il se croit maître du monde et de sa vie, se complai-
sant dans le péché originel. Or, Dieu a littéralement prêté la vie à l'homme le
temps de son bref passage sur la terre. Dieu lui donne le temps de vivre, lui
concède un temps à vivre, mais l'homme en fait un très mauvais usage, car il l'a
perdu et degasté (v. 404). Cf. L'Ecclésiastique (X, 12) : «Le commencement
de l'orgueil de l'homme c'est s'éloigner du Seigneur, / Quand son coeur s'est
détaché de Celui qui l'a fait.»

VV. 405-408 : le Diable promet les supplices infernaux au mourant en contre-


partie de sa vie terrestre misérable en désaccord avec Dieu. En somme, l'Ad-
versaire, comme dans l'ars moriendi, fait peur au mourant, il lui affirme que sa
vie fut tellement contraire aux canons de l'Eglise qu'il ne doit que s'attendre à la
damnation éternelle. Le Diable ne veut pas que le mourant se repente; il condi-
tionne sa proie et la pousse à perdre confiance en Dieu vu le caractère déses-
péré de son cas. Mais toute la nuance de l'ars réside dans le fait que Dieu
accorde toujours sa miséricorde à celui qui se repent de bonne foi.

V. 409 : Euvangilles. Ce terme est emprunté au latin ecclésiastique evangelium


et signifie littéralement «bonne nouvelle de la parole du Christ». Le même mot
est également emprunté au grec euangelos : «qui apporte la bonne nouvelle».
La présente forme, euvangilles, témoigne de cette racine grecque par son
préfixe eu-. [REY, s.v. «évangiles»].

V. 410 : il ne doit pas attendre de messes d'intercession que son entourage (vv.
411-412) familial (parenz, ne filz,ne filles) ou professionnel (tous cheux qui
ont de tes billes) pourrait faire dire. Les proches du défunt n'ont que faire du
martyre qu'il va endurer, seul l'héritage importe. Le mourant ne pourra récolter
que des rires de moquerie (v. 413).

V. 412 : billes, s.f. «ordonnance», «requête» sens que l'on retrouve dans le
terme anglais bill. Cheux qui ont de tes billes, désigne ceux qui ont des res-
ponsabilités par rapport au mourant; ce vers affirme la thèse selon laquelle le
mourant serait un puissant puisqu'il a à son service des personnes subalternes
auxquelles il délègue des billes.
Billes peut aussi être un terme argotique désignant l'argent [cf. HU-
GUET, GOD.]: Dès lors, le mourant se mue en prêteur d'argent. L'usage d'un
terme de bas langage est peut-être motivé par le dédain que Chastelain porte à
l'argent.

V.416 : Tu en es seul le maleureux. L'argument du Diable est lourd de consé-


quence puisqu'il doit pousser l'agonisant au désespoir. Tout ce que le chrétien a
pu faire de mal durant sa vie ne pourra être racheté par quelques suffrages, ou
messes d'intercession (v. 410), car il importe peu aux parents (v. 411) du mou-
rant s'il est damné (v. 415). Cet argument sentimental le place seul devant le

142
péché et le condamne aux affres de l'Enfer. Le Diable insiste implicitement sur
le caractère effroyable de la situation en regard de la doctrine chrétienne.

VV. 422-424 : ces vers rétablissent un équilibre quelque peu sordide entre les
possessions terrestres (biens et vins, v. 422) et le tombeau, le suaire et la
vermine qui attendent l'homme pour l'éternité après sa mort. Mais ils sont mo-
tivés par la doctrine du contemptus mundi et du vanitas vanitatum.
vermine pour toy desfaire, réminiscence des vers de l'Ecclésiastique
[X, 11] : «Une fois que l'homme est mort, / Il a comme héritage les larves, les
bêtes et les vers.»
suaire : au sens de «linceul» le mot est littéraire. Il désignait initiale-
ment le linge où l'on pensait que le Christ avait été enveloppé. Ensuite, il dési-
gna tout linge enveloppant les morts. [REY, s.v. «suaire»]

VV. 430-432 : dans ces trois vers, le tu et l'amme semblent être séparés. Tan-
dis que le tu corporel tremble et frémit, l'amme maudit la cause de son martyre
éternel. En somme, l'âme maudit le corps de sa vie de débauche qui lui vaut la
damnation. Le fu n'est pas concerné par le devenir post mortem puisque son
enveloppe physique pourrira en terre, alors que c'est l'âme qui subira le Juge-
ment et les peines infernales.

V.435 : Ta folie desordonée. Expression redondante, car en soi la folie n'a rien
d'ordonné, puisqu'elle est l'expression du désordre. Il y a une rupture radicale
entre l'âme de l'homme et le fu, son corps. Ce sont les folies terrestres du fu qui
plongent l'âme, desesperée (v. 436), dans les tourments du désordre infernal. Il
y a un lien intime entre la conduite insensée de l'homme durant sa vie et son
séjour dans le royaume du désordre. Tandis qu'une vie ordonnée, ascétique, ne
peut que promettre l'ordre divin, le Paradis. En somme, il perdure dans le dés-
ordre. Cette réflexion sur la différence entre l'âme (qui survit) et le corps (qui
pourrit) a déjà été amorcée aux vers 430-432.

V. 438 : En laquelle vivant morra. Laquelle renvoie à folie; vivant est subs-
tantif masculin singulier. Le vivant meurt à cause de sa folie, c'est-à-dire à
cause de sa vie dépravée.

VV. 441-443 : ces quelques vers annoncent le caractère indescriptible de ce qui


va suivre. L'horreur de ve qui suit dépasse l'entendement humain. En fait, le

utilisé par les prédicateurs. Par exemple, Jean Gerson dans son A.B.C. des
simples gens parle de l'Enfer et de ses peines en ces termes : «Et si a tant
d'aultres painnes que on ne les pourroit dire, nommer ne penser.» [Jean GER-
SON, Oeuvres complètes, t. VIE I, n. 310, pp. 154-155.] # Pa
a Ans MVC ss

143
V. 444 : y, adv. de lieu, renvoie implicitement aux Enfers.
desäourer, Godefroi [t. II] qualifie ce mot de «douteux». Il le traduit
par «être désarçonné». Nous proposons une explication plus appropriée à notre
contexte. Desäourer se composerait d'un préfixe privatif des- et de aourer
(<adorare). Les variantes des autres manuscrits sont plus explicites pour
l'auditeur : À renoyer / C desavoer / Ca-Ld desavouer / Ch-M desavourer.

VV. 446-448 : Le Diable insiste sur la souffrance que l'on doit subir en Enfer.
Celle-ci est telle que l'on maudit Dieu (vv. 444-445); de plus, rien ne peut l'al-
léger. Parler de souffrance au moment de l'agonie du mourant n'est pas anodin.
Cela permet à l'homme de se représenter ce tourment futur qui sera vraisem-
blablement pire.

V. 446 : Et n'y a surgÿen ne mire. Surgÿen, [F.E.W., I1, 641a] et mire sont
synonymes; ils signifient tous deux «chirurgien, médecin». Au Moyen Âge, le
chirurgien était un barbier qui pratiquait les manipulations prohibées au méde-
cin, par exemple : les saignées, les ablations, les pansements, etc. Malgré l'op-
position des médecins qui voyaient d'un très mauvais oeil ces praticiens à bas
prix, les chirurgiens parviendront petit à petit à constituer des métiers organi-
sés. [J. FAVIER, s.v. «chirurgien»].

V. 451: Ilte fault lessier tes provinces. Les provinces désignent des posses-
sions terrestres assez importantes. En effet, la province représentait l'ensemble
des diocèses rassemblés sous l'autorité d'un évêque qui a le titre d'archevêque
depuis le IXe siècle. Ces divisions géographiques provenaient de l'Empire ro-
main, elles étaient plus des unités administratives, juridictionnelles, fiscales
(depuis le XIIIe siècle) que des entités spirituelles. [J. FAVIER, s.v.
«province»]

V. 452 : Je l'enmenray povrez et minces. Difficulté grammaticale, CS alors


que l'on attend un CR. Le s/z, vestige de la déclinaison, est motivé par le mètre,
sans quoi nous obtiendrions un vers hypométrique.

V. 453 : au lieu de tribulation, [F.E.W., XII2, 253b] < fribulare «adversités


considérées comme épreuves voulues par Dieu». Ce sens est toujours attesté de
nos jours dans un contexte religieux. Il va sans dire que ce lieu est l'Enfer.

VV. 454-455 : (...) l'aguillon / de la Mort (...) : l'aguillon désigne le dard d'un
animal. C'est un aiguillon du même genre que saint Paul, d'après les Septante,
attribue à la Mort; Cor XV, 55 : «Mort, où est ta victoire ? Mort, où est ton
aiguillon ? L'aiguillon de la mort, c'est le péché et la puissance du péché c'est la
loi.» Dans la Vulgate nous lisons : «Ubi est, mors, stimulus tuus.»
[Dictionnaire de la Bible, t. 1, col. 309].

144
V. 459 : Alors le bon angele s'advance. Conformément à l'ars moriendi,
l'assaut du Diable laisse la place à l'arrivée de l'ange.

VV. 461-464 : le discours de l'ange n'est point accablant, si ce n'est l'épithète


las de l'apostrophe las chrétien ! Dans cet appel, il semblerait que Chastelain
se découvre sous les traits de l'ange. A l'inverse du Diable, l'ange ne doute pas
de la miséricorde divine (v. 463). L'image du Christ et de sa Passion sont les
principaux points d'appui du discours angélique. La figure et le thème de la
Passion perdureront dans les strophes suivantes; ils en seront le moteur. En
renouvelant la Passion, on répète la Promesse, car la mort du Christ fait jaillir
la vie, sa mort détruit le péché, donc la mort. Mais l'ange insistera essentielle-
ment sur la souffrance et la mort du Christ. Ce sont les éléments négatifs qui le
préoccupent. La Passion est avant tout la mort de Jésus, avant d'être le motif de
notre rédemption et le jaillissement ultime de la Vie. En ce qui concerne le culte
de la Passion en général, celui-ci se développa considérablement au XVe siècle
————
et acquit une grande précision dans sa description, par exemple : le nombre de
plaies, d'épines, les instruments de la Passion étaient représentés en blason ou
devenaient les motifs d'hymnes, de méditations. Le culte de la Passion entraîne
inévitablement celui du sang, comme en témoignent l'apparition des pressoirs
mystiques et les dévotions spéciales au sang et aux plaies. La Passion produisit
tant des représentations iconographiques que des textes de dévotion. Christine
Martineau-Génieys donne deux explications à ce phénomène : soit il s'inscrit
dans le cadre de la sensibilité franciscaine, qui exerça une influence considéra-
ble dans ce domaine (cf. stigmates de saint François d'Assise et «invention» du
chemin de croix par les Franciscains de Jérusalem), soit ce culte devient peut-
être aussi l'expression d'une religion essentiellement fondée sur une mort qui
vivifie, car la mort du Christ détruit la mort et fait apparaître la vie.
[MARTINEAU-GÉNIEYS, pp. 99-102.]. Sur le pathétique dans l'art religieux,
voir MÂLE pp. 85-144.

V. 471 : povre creature, «basse dans l'ordre de la Création». L'ange rappelle à


l'homme qu'il n'est qu'un subalterne qui aura toujours un créateur supérieur.

V. 472 : Pour qui la mort Luy fu tant dure. Image et thème de la mort du
Christ pour nous, puisque la mort du Christ rachète le péché originel. Comme
le signale l'apôtre Paul dans son épître aux Romains : «Maïs en ceci Dieu nous
prouve son amour envers nous : Christ est mort pour nous alors que nous
étions pécheurs. Et puisque maintenant nous sommes justifiés par son sang, à
plus forte raison serons-nous sauvés par lui de la colère», (Rom, V, 8-9). Bien
qu'habituellement la mort du Christ fasse jaillir la vie en conjurant la mort, ici
l'ange insiste beaucoup plus sur la mort qui fu tant dure.

145
V. 474 : Par coy Il ne te veult lessier. Vu la souffrance qu'il a endurée, à plus
forte raison le Christ ne veut-il pas nous abandonner. Ce calcul est quelque peu
sordide de la part de l'ange. En effet, l'ange envisage la souffrance du Christ
lors de Sa Passion en termes comptables; il apprécie la mort du Christ de façon
quantitative et qualitative sur le plan de la souffrance, de telle sorte que la
Rédemption de l'homme découle naturellement de la souffrance que le Christ
endura. Il supprime l'acte de bonté du Père, qui a sacrifié Son Fils pour le salut
de sa créature, et transforme l'acte rédempteur en une conséquence logique du
sacrifice vu la peine endurée.

V. 476 : Pour toy fut ouvert Son costé, allusion à la plaie du Christ à son
flanc. Seul l'Evangile selon saint Jean relate l'épisode du coup de lance qui est à
l'origine de cette plaie : «Mais un des soldats, lui perça le côté avec sa lance, et
aussitôt sortirent du sang et de l'eau.», /n, XIX, 34. Comme l'indique Christine
Martineau-Génieys [p. 100], qui reprend Emile Mâle [p. 107], dans le culte de
la Passion c'est la plaie du côté qui est la plus sainte. On pensait même en
connaître la dimension qui était donnée par celle du fer de la lance.

V. 477 : la description de la crucifixion du Christ est développée dans les vers


suivants en résumé, puis largement dans les strophes suivantes.

V. 480 : Et baptu tres piteusement. Ce vers inverse la chronologie, car le


Christ fut flagellé avant sa crucifixion. Cf. Mt XXVII, 26 : «Quant à Jésus il le
fit flageller et le livra pour le crucifiement.».(Mc XV, 15 / Jn XIX, 1)

VV. 481-482 : ces vers donnent une véritable description anatomique et médi-
cale du corps de Jésus lors de sa Passion. La description est très visuelle et
s'inspire probablement de toutes ces oeuvres qui exprimèrent à merveille le
pathos christique du XVe siècle. Tout d'abord, la chair est déchirée et le sang
s'écoule des plaies (vv. 481-482). Le qualificatif virge pour le sang témoigne de
l'innocence du Christ que l'on met à mort, cf. les paroles de Judas : «J'ai péché
en livrant un sang innocent», (Mt XXVII, 4).

V. 483 : Par les grans cops de l'escorée. L'escorée est un fouet garni de
plusieurs lanières. En FM le mot survit sous la forme «escourgée». La variante,
escorgée, des manuscrits A-Ch-G-Pa-Ld-Pi [M *escogée], témoigne mieux de
la forme moderne. La Passion du Christ recevait tant de commentaires que
certains, comme Olivier Maillart, savaient que Jésus avait reçu 5475 coups de
fouet. La relation du Calvaire que nous fait l'ange débute par la flagellation du
Christ. Celle-ci avait été commandée par Pilate (Mt XXVII, 26) conformément
aux usages de l'époque où elle apparaissait comme préliminaire à la cruci-
fixion. Notons que les clous et le fouet étaient souvent représentés en blason.

146
V. 489 : Le chief fu couronné d'espine. (cf. Mt XXVII, 27-31; Mc XV, 16-20:
Le XXII,11 et /n XIX, 2-3). Allusion à l'épisode de la royauté de Jésus tour-
née en dérision, lorsque le Christ fut couronné d'épines. La couronne d'épines
faisait également figure de blason et, d'après le Speculum passionis, celle-ci
était faite de septante-sept épines composée chacune de trois pointes. [MÂLE,
p. 90]
espine : singulier collectif.

V. 496 : (...) La virge qui l'ot porté, l'ange désigne la Vierge Marie à qui il va
donner la parole. Par la suite, le discours de Marie se déploie comme un dis-
cours dans le discours. Cette prosopopée se développe du vers 499 au vers 536.
Toute la déclaration de la Vierge est très pathétique : l'ange fait intervenir celle-
ci pour sensibiliser le pécheur. La figure maternelle de la Vierge est capitale,
car dans ces quelques vers elle est la Mère qui s'apitoie sur le sort de son Fils.
L'apparition de la figure mariale est en accord avec la sensibilité de l'époque et
répond aux exigences de l'ars moriendi où le Christ en croix apparaissait dans
la chambre du mourant accompagné de sa Mère, des saints et de Dieu le Père.

V. 508 : la leçon de L, qui .IX. mois en soy te porta est rejetée, car elle fausse
la rime. Nous adoptons une leçon alternative : qui [te transporta de Judée].
Néanmoins, nous préférerions une leçon «qui te transporta en Judée», qui serait
plus en accord avec le déroulement chronologique de l'Ecriture. En effet, après
l'Annonciation et aux environs des jours de l'enfantement, Joseph partit en
Judée avec Marie, à Béthléem, pour le recensement, cf. Le, IL, 4. Mais ce vers
peut également être une allusion à la fuite en Egypte, après la naissance de
Jésus, pour échapper au massacre d'Hérode, cf. Mt I, 13-15. De toute façon
nous ne pouvons choisir entre ces deux hypothèses, car dans les deux cas la
Vierge est une josne pucelle.

V. 509 : pucelle, s.f. au sens moderne de «jeune fille vierge» et non celui par
extension de «jeune fille non mariée». Cette précision apportée par Marie au
vers 508 ne nous permet pas de trancher. En effet, lorsque, enceinte, elle trans-
porta le Christ en Judée, elle était vierge, de même qu'elle l'était toujours lors de
la fuite en Egypte. La conception virginale de Jésus ne nous permet pas de
mieux comprendre le vers 508.

VV. 513-520 : la Vierge veut prendre part (partir, v. 514) à la douleur de son
Fils, qui est à la fois son Dieu, son Seigneur et son roi (v. 515). La Vierge veut
trépasser avant son Fils. Ces quelques vers rendent compte du désespoir de la
mère de Dieu qui ne peut le secourir dans sa souffrance (v. 518), et qui pour
cette raison veut mettre fin à ses jours.

147
V. 520 : Hélas ! à quoy t'ay je porté, la Mère de Dieu se sent coupable de la
Passion et de la mort de Jésus, alors que celles-ci sont conformes à la volonté
du Père. Ce vers est l'antécédent de la relative du vers 521.

VV. 523-525 : allusion à la visite de Marie chez Elizabeth, lorsque cette der-
nière se rend compte que Marie porte son Seigneur. (cf. Le I, 39-45)

V. 523 : O Elizabeth, ma cousine. I s'agit d'Elizabeth, épouse de Zacharie et


mère de Jean-Baptiste. Selon saint Hippolyte, d'après Nicéphore Callixte, la
mère de la sainte Vierge et celle de sainte Elizabeth étaient soeurs. Donc,
Elizabeth et Marie étaient cousines. [Dictionnaire de la Bible, t. IL, col. 16891].
Il y a un mouvement de balancier entre les réminiscences de la vie de la
Vierge et le moment présent de la Passion. Ce mouvement insiste sur le côté
pathétique de la situation, la Vierge se remémore les bons moments furtifs de
sa vie à l'instant de la Passion de son Fils.

V. 524 : Tu me monstras honneur et signe. Le signe est la manifestation de la


présence du Sauveur qui fut ressentie par Elizabeth jusque dans ses entrailles :
«Quand la voix de la salutation m'est arrivée aux oreilles voilà que l'enfant
dans mon ventre a sauté d'allégresse.» (Lc I, 44).

V. 527 : Qu'il le tiennent comme une beste. Ce vers montre la brutalité avec
laquelle les soldats maltraitent le Christ, comme une bête, c'est-à-dire comme
quelque chose sans âme, alors que le Christ est bien le seul à avoir une âme.

V. 529 : O croix, ingien de grant torment. La Vierge s'adresse à la croix,


symbole de la mort de son Fils, étant donné qu'elle l'enmaine (v. 531) et qu'elle
est avant tout l'instrument du supplice.
La croix est vue négativement. Au Moyen Âge, on croyait que le bois
dans lequel fut fait la croix provenait d'un arbre issu d'un rameau de l'arbre du
péché originel. Il y aurait donc un cycle interne du bois et de l'arbre qui dans un
certain temps donnent à l'homme le péché et la mort; dans un second temps,
grâce à la mort du Christ, ils permettent le rachat du péché et le bannissement
de la mort.

V. 533 : tu me laissez (...). Cette proposition a le pronom personnel me comme


C.O.D. et non ton Createur (v.531). Le segment Tu me laissez est antéposé
pour les besoins de la rime alors que syntaxiquement il devrait être en
deuxième position.

VV. 535-536 : le rachat de la race humaine par la mort du Christ est vérita-
blement vu en terme de transaction, car il couste chier (v. 535). La Vierge ne
peut l'empêcher bien qu'il ôte la vie à son Fils. Tout sentiment maternel qu'elle

148
ait, il est sublimé par la volonté divine de racheter la race humaine du péché
originel.

V. 537 : retour au discours de l'ange comme l'indique la désignation de la


Vierge par le pronom personnel elle (v. 537). Nous sommes toujours dans la
Passion.

VV. 540-541 : Les elemens à une fois / fisent .I. doloureux exploit. Allusion
aux phénomènes supra-naturels qui accompagnèrent la mort de Jésus. Trois
évangélistes, Matthieu, Marc et Luc, font référence à ceux-ci. L'Evangile de
saint Matthieu (XXVII 45-54) mentionne le voile du sanctuaire qui se déchire,
la terre qui tremble, les rochers qui se fendent et les saints qui ressuscitent. Par
contre, chez Marc (XVI 33-38) et Luc (XXIII 44-46) seuls apparaissent les
ténèbres et le voile.

VV. 542-544 : l'ange s'adresse au mourant et développe un argument sentimen-


tal : la Mère souffrit autant que le Fils, pour preuve la crucifixion de Jésus est
vue comme celle de l'âme de la Vierge. La Passion essentiellement charnelle du
Christ se mue en Passion spirituelle de la Vierge.

V. 549 : Souffrit trop plus que je ne dis. La souffrance de la Vierge est


indicible. L'ange n'a pas pu en rendre compte parfaitement. Dès le XIVe siècle,
on parle de Mariae compassio qui apparaît comme l'écho de la Passion christi- _
que. MY (en

V. 550 : référence au péché d'Adam et Eve. Ici, l'ange considère qu'Adam est le
pere de l'humain linaige (v. 551) [Dictionnaire de la Bible, t. I, col. 170].
L'ange rappelle que la Passion et la mort du Seigneur ne sont que le fruit du
péché originel. L'homme ne doit pas oublier que la Passion nous sauve, mais
aussi qu'elle fit souffrir horriblement le Christ et sa Mère.

V. 552 : Qui ne le sceut il n'est pas saige. Nous devons savoir que c'est à
cause du péché d'Adam que le Christ fut mis à mort. Chaque chrétien doit
reconnaître que Dieu souffrit et est mort pour notre rédemption. Sachant cela
nous ne pouvons que lui rendre grâce et croire en lui.

VV. 553-560 : le chrétien mourant doit enfouir la Passion du Christ et la souf-


france de sa Mère la Vierge au fond de sa mémoire. Non pour l'oublier, mais
pour que cette pensée baigne son esprit et qu'elle imprègne tous ses actes. En ne
perdant pas de vue l'angoisse sy nottore / où fut (ton) Dieu jusqu'au morir
(vv. 556-557) ainsi que le tresdoloureux souffrir/de sa tendre et piteuse mere
(vv. 558-559); dès lors, il comprendra que sa paine n'est pas si amere (v. 560).
La souffrance du Christ le fortifie, et sa Passion se transforme en exemple de
conduite. L'homme agonisant ne peut pas se plaindre, car lui ne souffre que

149
pour lui-même. Au contraire, il doit sublimer sa souffrance en songeant à la
Passion.

V. 555 : {Ceste] trespistoyable hystore : correction du manuscrit L, car la


leçon «estre» n'est pas admissible et ne fait pas sens. En effet, il est impossible
de postposer un auxiliaire devant un superlatif absolu, la syntaxe attend tout au
plus un article défini ou un adjectif démonstratif. Cette leçon est proposée par
quelques manuscrits (Ch-G-Ld-Pa-Pi); quant aux manuscrits C et M, ils don-
nent tous les deux «cest», adjectif démonstratif masculin, qui est inadéquat, car
hystore est un substantif féminin et non masculin. Notons que les copistes de
ces deux manuscrits ont peut-être interprété cette leçon comme suit : démons-
tratif c' + est, mais elle brise la syntaxe de la strophe et produit un vers hypo-
métrique.

V. 562 : Et ilz estoyent innocens. Et, conjonction de coordination possédant


une valeur adversative [MENARD, $ 194, 3]. Ce vers fait référence au Christ
et à sa Mère.

V. 563 : Et fu pour te rendre la vie. Jaillissement de la vie de la mort. Confor-


mément à la religion chrétienne, la mort du Christ fait jaillir la vie, car elle an-
nihile le péché originel, donc la mort.

V. 569 : contrition, ce mot a perdu son sens étymologique de «action de dé-


truire» pour signifier le repentir. L'ange ne juge pas vraiment le mourant, il lui
montre la possibilité de se racheter s'il se repent.

VV. 572-576 : la locution estre le pilier est attestée par DI STEFANO, et


signifie bien sûr «être l'axe principal». Symboliquement, le pilier est l'axe du
monde, il exprime la relation entre deux entités : le monde d'ici-bas et les
Cieux. Le Christ est cet axe qui rapproche les hommes de Dieu par son sacri-
fice. Il «est le centre, l'axe de tout, du monde, de l'univers, au-delà et au-dessus
même de toute la création», comme le suggère l'enluminure du Livre des Oeu-
vres divines d'Hildegarde de Bingen. [cf. R. DELORT, La vie au Moyen Âge,
p. 80].

VV. 579-580 : nécessité de se préparer à la mort, c'est-à-dire soit de mener une


vie exemplaire soit de battre sa coulpe au moment de son trépas. Puis que ce
vient à compte rendre : image des comptes que l'on doit rendre au moment de
sa mort.

V. 584 : Exemple par le bon laron. Selon le Dictionnaire de la Bible [t. IV,
col. 94], en français ce nom est réservé aux deux criminels qui furent crucifiés
aux côtés du Christ. Effectivement, pour Alain Rey, ce substantif n'a gardé le
sens de brigand que dans le contexte biblique. [REY, s.v. «larron»]

150
Il s'agit bien sûr du bon larron, le malfaiteur crucifié qui n'insulta pas
le Christ, mais qui lui dit : «Tu n'as même pas la crainte de Dieu, toi qui subis
la même peine ! Pour nous, c'est juste : nous recevons ce que nos actes ont
mérité; mais lui [désignant le Christ, le bon larron s'adresse au mauvais larron]
n'a rien fait de mal.» Et il disait : «Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras
comme roi.» Le Christ sera ému par cette conversion et lui déclarera : «En
vérité, je te le dis, aujourd'hui tu seras avec moi dans le paradis.» (Le XXII,
33-43). La légende du bon larron se développa considérablement au Moyen
Age. On lui donna même le nom de Dinas ou Dismas. [cf. Histoire des saints
et de la sainteté chrétienne, 1, p. 282] + pe te Pare
|
V. 585 : Par la tressaincte Magdalaine, il s'agit de Marie-Madeleine. Dans
l'Ecriture rien ne permet de l'identifier avec la pécheresse qui répandit du par-
fum sur les pieds de Jésus (Le VII, 36-50). On s'accorde cependant sur le fait
que c'est elle qui découvrit le tombeau vide après la résurrection du Christ. Au
Moyen Âge, son culte connut une grande ferveur au XIIIe siècle, surtout à
l'abbaye de Vézelay qui prétendait posséder ses reliques. Elle est devenue la
patronne des pénitentes en raison de sa vie, dans un premier temps dissolue,
puis ascétique aux côtés du Christ. [cfr Histoire des saints et de la sainteté
chrétienne, t. I, p. 276 et sqgg.] Remarquons que le discours de l'ange suit à peu
près la progression chronologique de l'Ecriture.

VV. 587-590 : toute la vie de l'homme doit être vécue à la seule gloire du Sei-
gneur tout-puissant, car Il nous la concéda. Le poulx, l'alaine (v. 587), la virtu
de nerf et le pooir de vaine forment une seule métonymie qui désigne la Vie.
Tous ces témoins de notre existence physique doivent nous pousser à louer
Dieu qui nous l'accorda.

VV. 591-592 : l'adoration du Christ ne peut que nous apporter le Salut. En


effet, l'ange déclare au mourant, qui s'est transfiguré et incarne dès lors tout le
genre humain, qu'il doit eslever / envers le chiel et aourer la Création, qu'il
doit prier Dieu de sorte qu'il lui accorde le pardon de ses péchés. (vv. 591-592).
Bref, après avoir utilisé certains exemples (le bon larron, Marie-Madeleine)
l'ange espère que le mourant va se repentir et se plier in extremis aux canons de
l'Eglise.

V. 593 : explication de la saulvegarde que Dieu accordera au chrétien repenti.


En effet, Jésus donnera le Paradis et ainsi sera le deable vaincu. L'ange
souligne la nécessité de la conversion pour échapper aux griffes de Satan (v.
594). Qu'importe si le mourant mena une vie dépravée comme le Diable en fit
le tableau, maintenant il faut qu'il se repente et qu'il rende grâce à Dieu.

VV. 599-600 : ainsi, si le pécheur se repent et s'il implore sincèrement Dieu, il


pourra résider en Paradis, il aura son souhait (v. 599), son désir sera comblé

151
(v. 600). La conduite de l'homme est contradictoire, car pendant sa vie il fait
tout pour mériter l'Enfer, alors qu'il espère toujours l'éviter. Son existence ter-
restre irréfléchie le conduit droit en Enfer, tandis que s'il menait une vie en
accord avec ses aspirations paradisiaques, c'est-à-dire une vie sobre conformé-
ment à la volonté divine, il recevrait la promesse du Paradis de son vivant.

VV. 601-608 : description de la félicité des élus au Paradis. A partir de ces


vers, et jusqu'au vers 636, l'ange décrira la joie qui anime les saints du Paradis
qui se vouent et se vouèrent tout entier à Dieu. En effet, la seule vue du Christ
les transporte de joie, leur donne suffissance au ceur (v. 604).

V. 606 : Et se sont de joye sy plains : se équivaut à l'adverbe si. Cet adverbe


exprime la liaison entre deux propositions [MENARD), $ 311]. Signalons que
le cumul avec la conjonction de coordination ef est possible [MARTIN-WIL-
MET, $ 460]. Ce vers peut poser problème si l'on sait que normalement se est
mis pour la conjonction hypothétique si.

V. 608 : Te Deum laudamus : hymne liturgique exprimant la victoire triom-


phale du Christ. Ses origines et son auteur restent obscurs. [Dictionnaire
d'archéologie chrétienne et de liturgie, t. XV, col. 2028 - col. 2048].

V. 621 : Où la deité s'äumbra, incarnation du Verbe. Cf. Le I, 35 : «L'ange lui


répondit [à Marie] : «L'Esprit Saint viendra vers toi et te couvrira de son ombre
(...)»».

V. 626 : Ne clers tant lettréz en estudes. Le clerc est un homme d'Eglise


tonsuré, mais qui n'a pas forcément reçu les ordres sacrés. Ainsi, le clerc pou-
vait se marier, cependant il perdait certains privilèges et bénéfices. Générale-
ment, le vocable «clerc» désigne tout employé aux écritures. Ce dernier sens
semble prévaloir dans le contexte et est motivé par la suite du vers : tant lettréz
en estudes. [cf. J. FAVIER, s.v. «clerc»]

V. 636 : fin des paroles que l'ange attribue aux saints. Cet hymne glorifiait la
Vierge et ses saintes actions. Au Moyen Age celle-ci était souvent prise comme
figure d'intercesseur auprès de Dieu.

V. 637 : Jusquez [que] l'esperit soit hors : ce vers est hypométrique à l'origine.
La leçon de C-Ca-Ch-G-Ld-M-Pi-Pa Jusques que rétablit un nombre exact de
syllabes. Jusques que est la forme renforcée de la conjonction jusque, et se
traduit par «jusqu'à ce que» en FM.

V. 638 : toute sa vie l'homme doit prier Dieu pour qu'au moment de mourir il
lui donne Sa gratitude et le salut. Cette phrase suppose que le salut et le
pardon que Dieu accorde au mourant doivent être précédés d'une conduite

152
pieuse du vivant de l'homme. Elle occulte l'impression que Dieu donne toujours
sa miséricorde à l'homme qui se repent.
Pryle] Dieu qu'à l'heure de lors : vers hypométrique dû à l'absence de
-e désinentiel à la deuxième personne de l'impératif du verbe «prier» (<
*preca). Nous ajoutons donc le -e pour obtenir un nombre correct de syllabes
conformément aux leçons des autres manuscrits : C-Ca-Ch-G-Ld-M-Pa-Pi.

V. 659 : retour au texte narratif. Il y a comme un recul. La scène de l'ars


devient un spectacle au second plan. Toute l'exploitation de l'ars moriendi a
fait appel à la technique visuelle du plan rapproché et éloigné.

VV. 659-664 : ces quelques vers closent la scène empruntée à l'ars moriendi.
Nous ne participons plus directement au débat, mais nous l'observons en ar-
rière-plan. On dirait que Chastelain laisse peu de place à la rédemption de
l'homme. En effet, le texte a développé largement le discours moral à travers
les figures du Diable et de l'ange en usant habilement de l'artifice du discours
direct de la prosopopée, mais à l'issue de cette explicitation très édifiante, le
poète évacue littéralement l'action salvatrice de l'ange en faveur du mourant. Il
insiste beaucoup moins sur cette évidente et certaine rédemption qui ne pousse-
rait pas subitement l'auditeur à la conversion et à l'ascétisme. Le peu d'insis- |
tance sur la délivrance rend le texte assez négatif et exclusivement axé sur le
péché.

V. 662 : Ne poelt sonner mot tant petit, loc. «sonner mot». Selon DI STEFA-
NO), le sens de «dire quelque chose» paraît être moins fréquent que celui de «se
taire». Dans ce vers, le premier sens l'emporte, car le mourant est littéralement
abasourdi par les paroles de l'ange. (cf. Ef ot ce que l'angele ly dist, v. 661).

VV. 663-664 : comme il a été mentionné plus haut, le salut de l'homme n'inté-
resse pas Chastelain, il n'y croit pas, de telle sorte que son discours est essen-
tiellement condamnatoire. Cette absence du salut, ou plutôt cette façon de eee

l'éluder, éloigne le Miroir de Mort de sa réplique postérieure,le Miroir de Vie


de Jean Molinet. Ce dernier poème se veut beaucoup plus optimiste. En effet,
dans son oeuvre il dit ceci du Miroir de Mort : « (...) le miroir de mort, qui tout
afficque, / Me fut present (...) [vv. 11-12]» et «O tenebreux miroir espoentable,
/ Rabbat d'orguel pour aux mondains desplaire, / Spectacle horrible, imaige
destestable (etc.) [vv. 17-19]». Pour Molinet, le miroir de mort est le résultat
du péché d'Adam et du meurtre de Caïn sur le miroir de vie initial. Le miroir de
mort sera repoli par le sang du Christ et aboutira à l'ultime miroir de vie. L'op-
tique optimiste se remarque très bien chez Molinet qui est exclusivement as-
sailli par un ange. Ce dernier insiste surtout sur la vie absolue qui jaillit de la
mort du Christ, alors que pour Chastelain la mort du Christ culpabilisait le pé- ns

cheur, car elle était avant tout souffrance du Fils de Dieu. [J. MOLINET, Des
Faitz et Dictz. Edition de Noël Dupire, t. II, pp. 670-680]. Chastelain exprime

153
toute la sensibilité doloriste de la fin du XVe siècle, tandis que Molinet annonce
l'optimisme renaissant. [Sur le Miroir de Vie et la thématique de la mort, voir
MARTINEAU-GENIEYS, pp. 274-282.]

VV. 665-688 : ces trois dernières strophes de discours narratif, attribuable à


l'auteur, précèdent les dix huitains anaphoriques de conclusion. Dans ces vingt-
quatre vers, Chastelain invective le pécheur qualifié de miserable creature (v.
665). Il s'investit complètement dans son discours moralisateur et pousse une
dernière fois son auditoire à la conversion en usant d'un argument par l'exemple
qui ne peut que porter ses fruits.

V. 667 : ceste amere pointure. Pointure (< punctura, F.E.W., IX, 596a-597b):
ce substantif signifie «tourment moral, souffrance», mais aussi «piqûre». La
double signification du substantif rappelle tant la douleur morale et physique
ressentie au moment de l'agonie que la piqûre, l'aiguillon de la Mort, qui pique
le mourant pour le tuer.

V.671 : Et debvons trambler en frachons. L'expression «trambler en frachons»


est pléonastique, car les frissons sont des tremblements accompagnant une forte
impression. De ce fait, leur effet rejoint celui du verbe «trembler».

V. 673 : à grand paine, loc. adv. Le sens initial de cette locution fut
«difficilement». Puis elle prit le sens moderne de «pas tout à fait» dans la locu-
tion moderne «à grand-peine», qui se rencontre plus souvent sous la forme «à
peine». [REY, s.v. «peine»].

V. 674 : Le plus juste qui au monde est. Ce vers renvoie à une personne fictive
qui incarnerait la figure du chrétien parfait. L'argument par l'exemple de
Chastelain est très subtil. En effet, si un éventuel homme spirituellement parfait
accèdera difficilement au salut, que fera le pécheur ? (vv. 675-676). Chastelain
escamote à nouveau la réalité de la miséricorde divine attribuée au pécheur qui
se repent au moment de sa mort, peut-être parce que des âmes peu scrupuleuses
pourraient diriger leurs actes en fonction de cette rédemption in extremis, et
ainsi mener une vie dissolue en toute quiétude.

V. 675 : Et dont, le peceur que fera : la syntaxe est bouleversée pour la rime.
Nonobstant, en AF un procédé de mise en relief consiste à antéposer le sujet de
la proposition interrogative. [MENARD), $ 101].

V.677 : Que Dieu jugera le parfet. Que : adverbe relatif qui introduit un
complément de lieu. [MENARD), $ 71]

VV. 676-677 : (...) terrible jour/ que Dieu jugera le parfet. Selon nous, il ne
doit pas s'agir du jour du Jugement dernier vu que, comme nous le signalions

154
dans la note du vers 69, dès le XVe siècle l'image du Jugement dernier, qui
avait supplanté au XIIe siècle l'idée de l'Avènement du Christ avec l'Apoca-
lypse, fut progressivement évincée par le jugement personnel de chaque indivi-
du après sa propre mort. L'homme ne restait donc plus mi-vivant mi-mort en
attendant l'Avènement ou le Jugement, mais il était jugé individuellement après
son trépas. Cette idée du jugement personnel est très présente dans l'ars mo-
riendi qui en est l'illustration. Dès lors, étant donné que le Miroir de Mort se
base en majeure partie sur l'ars, le «terrible jour» englobe à la fois le jour de la
mort et celui du jugement puisqu'ils ne font qu'un dans l'optique de l'ars mo-
riendi.

VV. 678-679 : il serait préférable au mourant de n'avoir jamais vécu que de


vivre cette damnation qui l'attend inévitablement. Ces vers sont la variation, sur
le mode de l'altérité, du motif déjà rencontré au vers 12, lorsque le poète désire
de non estre né pour éviter toute souffrance. Ces vers soulignent que le néant
prévaut contre les peines infernales.

V. 680 : Où est justice sans pardon. Ce vers accentuerait la thèse selon


laquelle Chastelain réfute toute rémission des péchés par le Christ au moment
du trépas. Mais cette phrase témoigne-t-elle de l'impassibilité d'un Dieu terri-
fiant et insensible au moment du jugement personnel, comme Chastelain le
voudrait, ou de l'impossibilité de la rémission des peines en Enfer ? La justice
(v. 680) se réfère-t-elle à celle rendue par Dieu lors du Jugement ou à celle
rendue par les supplices infernaux ? De toute façon, dans les deux cas celles-ci
sont sans pardon. À quoi se rapporte le substantif dampnation (v. 679) : à la
damnation divine au moment du Jugement ou à la damnation infernale ? L'am-
biguïtéde l'interprétationlaisserait croire que Chastelain a une vision rigoureu-
sement pessimiste du devenir humain qu'il voue à la damnation, quelle que soit
sa moralité, qu'il soit juste ou pécheur. [l
2Ephal# .
VV. 689-768 : ces quatre-vingts derniers vers se divisent en dix strophes ana-
phoriques qui apparaissent comme une lancinante morale dont le seul but est de
marquer les esprits. L'anaphore corrobore cette idée, puisqu'elle est elle-même
justifiée par toute espèce d'insistance ou de persévérance. Comme le signale
Michel Zink dans son ouvrage sur la Prédication en langue romane avant
1300, les figures de rhétorique utilisées par les prédicateurs «sont les plus
simples : ce sont essentiellement la répétition, plus particulièrement l'anaphore
et l'énumération (...)»[p. 268]. L'anaphore confère une dimension tragique au
texte et elle est d'autant plus expressive oralement. Ce faittémoigne, bien sûr,
de la dimension orale de tous les textes médiévaux. De e plus, dans la première
de ces dix strophes [la symbolique du chiffre dix peut renvoyer aux dix com-
mandements qui s'organisent en trois et sept commandements] tous les vers
commencent par la lettre À, et ainsi de suite jusqu'au septième huitain débutant
par G. Selon Vallet de Viriville, il faut comprendre «A.G. : comme le cycle, ou

155
lettre, dominical» [Compte rendu de l'édition de K.d.L., n. 3 p. 190]. Explici-
tons quelque peu ce qu'est un «cycle (ou une lettre) dominical». Tout d'abord,
ce cycle permettait d'établir le calendrier religieux. Dans une séquence domini-
cale, les lettres A, B, C, D, E, EF, G, désignaient un jour quelconque de la se-
maine. Etant donné que chaque année commence par un jour de la semaine
désigné par une des lettres, au bout de sept ans chaque lettre aura ouvert l'an-
née. Ainsi, après avoir placé les différentes lettres en regard des 365 (ou 366)
jours de l'année, on constate que la lettre qui se trouve en face du premier
dimanche se trouve en face de tous les autres. Dès lors, c'est cette lettre qui est
dominicale durant toute l'année; tandis que l'année d'après, ce sera la lettre
suivante (en rétrogradant) qui sera dominicale; et ainsi de suite durant sept ans.
[cf. P. LAROUSSE, Grand dictionnaire universel du XIXe siècle, s.v.
«dominical»] Ces sept strophes, dont la symbolique numérique fait soit réfé-
rence aux sept péchés capitaux soit aux sept sacrements ou encore aux sept
jours de la Création, forment un tout sémantique. Car, comme nous l'observe-
rons plus loin, elles entretiennent des liens étroits de signification. Qui plus est,
elles sont liées par les mêmes sujets grammaticaux, c'est-à-dire ‘4 en majeure
partie et un on générique; alors que les trois dernières, dont la symbolique
numérique fait incontestablement référence à la Trinité, ont pour initiales
V/MPP. Ces dernières, liées par un même sujet grammatical nous, ont une visée
plus générale. Ces initiales V/M/P font peut-être référence à une séquence
pascale : VictiMae Paschali [laudes]. Cette séquence, oeuvre de Wipon (f
1050), chanoine de l'empereur Conrad II, fut très populaire au Moyen Âge
dans les drames et les mystères sur la Résurrection [cf. Dictionnaire de litur-
gie, s.v. «séquence»]. De ce fait, Chastelain achèverait sa strophe en rappelant
l'axe central de son oeuvre : la Passion du Christ qui doit pousser le pécheur à
la conversion. Ces trois strophes terminent le poème par un conseil moral uni-
versel motivé par le sujet même du texte.

VV.689-696 : la première strophe, débutant par la lettre A, a pour segment


anaphorique majeur le groupe à toy et plus spécifiquement à toy qui du vers
691 au vers 694. Ce huitain s'adresse à la creature humaine (v. 689), au tu, au
lecteur, à l'auditeur potentiel du Miroir de Mort. La strophe conclut par deux
vers sentencieux qui renouent avec le thème du pulvis es : «à toy je dis que tu
n'es riens / toy et ta vie fors que fiens.»

VV. 697-704 : deuxième strophe en B. Le premier vers bien sera ta canchon


muée commande les sept vers suivants qui apparaissent comme l'explicitation
de celui-ci. La canchon, qui était harmonieuse, agréable au vivant bien qu'elle
sonnât faux par rapport aux commandements de Dieu, est une métaphore
désignant la vie. Le segment anaphorique principal est bien tost qui est à cha-
que fois suivi par le devenir prochain de l'homme : il deviendra cendre (lien
avec les deux derniers vers de la strophe précédente) (v. 698), il lui faudra
rendre compte de sa misérable vie (v. 701), il sera abandonné (v. 702) et il

156
finira pourri (v. 703) ! La conclusion est que la Nature abandonnera le mou-
rant, elle ne pourra pas lui porter secours.

VV. 705-712 : la conjonction combien que, anaphorique dans ce cas-ci, fait le


lien avec la strophe précédente, car elle explicite le vers 704. Malgré toutes les
facilités matérielles et les qualités dont dispose l'homme, il passera comme le
vent : la Nature le délaissera.

V. 708 : Combien que (tu) ne doubtez exil. Vers hypermétrique. Nous propo-
sons de supprimer le pronom personnel tu pour rétablir un vers de huit sylla-
bes. L'absence de pronom sujet ne nuit pas à la syntaxe ou au sens de la
phrase.

V.712 : Comme le vent tantost se passe, cette image du vent rappelle les topoi
du pulvis es et de l'Ubi sunt. En effet, l'Ubi sunt devient une «parole jetée au
vent» qui balaie la misérable poussière humaine dans un non-lieu figuré par cet
Ubi impossible. L'association de l'Ubi sunt et du vent se retrouve également
chez Villon dans sa Ballade [en vieux langage françois], cf. le refrain (qui
faisait déjà figure de proverbe au XVe siècle) : «Autant en emporte ly vens».

VV. 713-720 : quatrième strophe commençant par la lettre D. Elle exploite la


même construction que la deuxième strophe. Un vers introducteur (Doubte et
cremeur tu doibs havoir, v. 713) motive les six vers suivants qui débouchent
enfin sur un vers conclusif qui résume toute la strophe : doubte le jour du
jugement. De même que l'anaphore résume aussi très bien l'action à mener :
doubte !

V. 720 : Doubte le jour du jugement, sur le problème de la notion du Jugement


voir les notes des vers 69 et surtout 676-677.

VV. 721-728 : la lettre E garnit ce cinquième huitain construit sur l'anaphore


de en. Ici, le premier vers énonce une vérité générale obligatoire à tout chrétien:
en Dieu soit ta ferme esperance. Le second vers se présente en antithèse, car il
concerne le monde, le siècle, qui ne peut pas préoccuper l'homme.

V. 722 : En ce faulx monde peu t'arrest. Tous les vers suivants répondent à
cette construction «peu t'arrest». Ils apparaissent naturellement comme une
énumération logique.

VV. 723-728 : ces six vers qui emboîtent le pas au verbe «peu t'arrest» déter-
minent les choses qui ne doivent point préoccuper l'homme dans ce monde
flatteur : l'orgoel (v. 725), la luxure (v. 726), l'ire (v. 727), la parece (v. 727),
l'envie (v. 727), l'avarice (v. 728) et la goutonnie (v.728). Notons que Chaste-

157
technique : SALIGIA, Superbia, Avaricia, Luxuria, /ra, Gula, Invidia, Acedia.
Signalons que le terme «paresse» se substituera au terme acedia à la fin du
XIVe siècle.

V. 728 : goutonnie, s.f. «gloutonnie». Cette graphie sans -/- est attestée par le
F.E.W. [IV, 173a] comme une forme du moyen français apparue aux environs
de 1350.

VV. 729-736 : sixième strophe débutant par la lettre F. L'anaphore du subs-


tantif force commande cette strophe en totale contradiction avec la précédente.
Nous avons l'impression que le tour «fors [adverbe conjonctif] + explication»
donne la réplique au vers 722, en ce faulx monde peu f'arrest.

V. 733 : Force [en] virtueuse attemprance, nous supprimons la conjonction ef


qui rompt la régularité de la strophe et nous la remplaçons par la préposition
en.

VV.737-744 : cette septième strophe enchaîne sur le dernier vers de la précé-


dente : force de congnoistre son cas. Le présent huitain explicite le substantif
cas, c'est-à-dire le crime de l'homme. Si l'homme connaît son crime, ses péchés,
il devra changer sa vie de mondain luxurieux et avare. Il sera dans l'obligation
de supporter la pauvreté (v. 739), la douleur (v. 741), il devra vivre avec la
crainte de Dieu (v.743).

V.743 : Grande crainte et cremeur de Dieu. L'optique négative de Chastelain


semble se préciser lorsqu'il peint un Dieu vengeur et impassible.

V. 744 : Grande doubte où sera son lieu. Le mourant craindra de ne pas


connaître le lieu où il passera l'éternité. Sera-ce en Enfer, au Paradis ou peut-
être au purgatoire ? L'idée du purgatoire n'apparaît pas garemen dans le

sans dire Le nue se trouve ici en porte--à-faux avec la eue


. eschatologique de l'époque où l'idée du purgatoire a déjà plus de trois siècles.
En effet, comme l'a étudié Jacques Le Goff dans son ouvrage La naissance du
purgatoire, c'est aux environs du XIle siècle que naît l'idée d'un lieu
intermédiaire entre le Paradis et l'Enfer.
Avec ces vers se terminent les sept strophes anaphoriques liées entre
elles par la suite alphabétique et par les mêmes sujets grammaticaux, fu et on.
Ces sept strophes se présentent comme une espèce de «ne faites pas cela …
faites ….». Enchaîneront trois derniers huitains (nous ne pouvons trop insister
sur la symbolique ternaire) dont les vers initiaux résument la direction que
prendra notre vie après avoir entendu, lu le Miroir de Mort : Vivons en Dieu et
en bienfais (v. 745) / Mirons nous au grand Jugement (v.753) / Prions à Dieu

158
qu'Il nous pardonne. (v. 761). Lestrois huitains ont une optique plus générale
etconclusive. Le sujet grammatical englobe toute l'humanité, tandis que les
huitains résument en trois temps les actions justes que tout chrétien doit obser-
ver.

VV. 745-752 : cette strophe récapitule les préceptes de toute vie exemplaire.

VV. 753-760: le verbe mirons rappelle anaphoriquement, donc avec insis-


tance, que le propos du poème fut de mirer aux mondains le miroir de mort
comme miroir (exemple) afin de les mirer
er (guérir) de leurs mondanités malsai-
… Le verbe est tant pronominal (vv. 753, 754, 760) que transitif direct.

VV. 761-768 : strophe de conclusion qui, conformément à l'esprit de toute


l'oeuvre, ne pouvait que pousser à la prière et à l'humilité devant Dieu.

159
are it
LRO ET,
ieño tiré és a 04et M AE
>
V. 2998 - smaentie2.f, j'était Co mit dt Aa A

ddr may chartolmet nl dhiuiès


de 11RX
at ave cab Dtsccsotionn egger 1ténim àvin
rm grrr
Pro acer eeRCA T | pat it xd
fapne. da : tpbque au vers 123,0 tips LE nest
EE LA.
hs
742. AvoiGlinevst-afilhonat
qui ronge is régné de = ain RM u
4 = 5
rs xs
NN, T5 erûe + rubôe sirplst sshaias: eutà
été 528 tan La prévent bn
three de rongraistre = SEE
t-d
dre, 6etdiet r de lisant Si Y'hoiere ec
decripoe 1.
di deara unies 13°vie de rate vain et at. 4
rer (x.T1 lédiètefv FEU ES
depauvress
Leéumen
crabes cr Dion (v.T48) | Le,
up" « :

+ se Dire.1 Épéquent
Et :
+ Confeie celte ef Créebée
243
ne prier Emcqu'é paré ts Con choeur eu
tenir :

Yi (inuuir doulué #ù ane sn ru l@ RE. k:


cemgilire le ren otr pansers Ticemté. Serie enEnfer, auf
êtie mu pucpiucire 7 Lie ms puupaioles apparait fins © de
drelogpanent de Chastolour. ce cui laissait peséet ILES
stsux tÉguiire Î 2 vedt que Se tot tu le qui Aus 5:
coms dit que Cela -2é tnaujit dj En pure” Thur avac
| enhtubenique. de Vésenne où Vo du payaove n ja pis
virage La pars gd
En eftur, cure |En Éd LEP SO Le Cht dlous St «
jurgataire, Ce Aux exrmroux ai, Us scie un tait Née dun Ueti
iterau sine œatpe %e he
oùJ'Ftiriiet
Partai
Avec ces vers pe mure des Sept Hop mines «
clics pur fe suite alpbaléüque el par les miles ages gruneaticaux, £N É ui.
Ce. sept stroghun st giiwalent Dnnie LS Cp de «2 faites per COR à.…
fuèrs = Enéhsnurt tosk Gender halte Lt mt pouvons fun males à
sur le svrubotique schomien) dérat a vers initinut résiucas la L L

prendre soc be pris avoir cnrs, ivlsAftrofr ve TRES


cn désrdnis y. TES) 1Mira putur dusgta Jégernentx. 733) 4
PI. I. — B.M. Carpentras, ms. 410 f° 2r° : l’auteur contemple un cadavre.
LC

PI. IL. — B.M. Carpentras, ms. 410 f° 4r° :


évanouissement de l’auteur plus jeune que l’on emmène.
; 4 + & SAR
L'AA Ë # "Ts AM à

PI. III. — B.M. Carpentras, ms. 410 f° 6v° : quatre cavaliers.


PI. IV. — B.M. Carpentras, ms. 410 f° 7v° : Agrippine que Néron « fist ouvrir ».
PL V. — B.M. Carpentras » ms. 410 f° Or° : chute de Satan et des anges rebelles.
i : LA +
PI. VI. — B.M. Carpentras, ms. 410 f° 14v° : le Diable épouvante le mourant.
FF
à

LL.
st
> .

PI. VIL. — B.M. Carpentras, ms. 410 f° 18r° : Crucifixion de N.-S. Jésus-Christ.
) Fe
PI VII. — B.M. Carpentras, ms. 410 f° 22r° : représen tation de l’auteur.
£
GLOSSAIRE SÉLECTIF

Nous ne mentionnons que les mots vieillis ou disparus de l'usage.


Les mots précédés d'un astérisque font l'objet d'une note.

À
abuvrer (abevrer), v. / 3e p. sg. pft abuvra :faire boire abondamment, v. 140.
adurer, v. / p.p. aduré : endurci, courageux, v. 110.
afin, adj. subst. : parent, allié, v. 646.
agrever, V. / p.p. agrevé : accablé, v. 9.
amendement, s.m. : réparation, amélioration, v. 192.
ancelle, s.f. : servante, v. 506.
[tres]anguisseux, adj. : violent, cruel, Vv. 340, 348.
*äombrer, v. réfl. / 3e p. sg. pft s'äumbra : s'incarner en parlant de Jésus-
Christ, v. 621
apalir, v. / p.p. apalie : pâli, devenu pâle, v. 361.
arroy, s.m. : manière qu'on affecte, contenance, V. 281.
assouvir, v. / p.p., [par-Jassouvi : qui a les qualités escomptées, parfait, v. 55.
*atour, s.m. : parure de femme, v. 273.
attemprance, s.f. : modération, tempérance, v. 133.
aviver, v. / 3e p. sg. subj. prés. avive : élever, exciter, V. 315.

B
bailler, v. / 3e p. sg. ind. prés. baïlle : donner, octroyer, VV. 592, 762.
basset, adv. : à voix basse, v. 31.
beubance, s.f. : faste, pompe / arrogance, v. 723.
*bien, s.m : plaisir, VV. 75, 298, 422, 715.
*biens, s.pl. : possessions / bonnes actions | aumônes, VV. 48, 75, 130, 399,
HZ TL.
*bille, s.f. : terme argotique, argent | ordonnances, v. 412.
*blédz, s.m. : blés, v. 262.
bonté, s.f. : chasteté | caresse, v. 20.
boupter, v. / 2e p. sg. ind. prés. bouptes : mettre, pousser, v. 574.
*bruit, s.m. : renommée ou rut, V. 20.

161
Œ
canchon, s.f. : chanson, v. 697.
cas, s.m. : crime, V. 7136.
chaloir, v. impers. / 3e p. sg. ind. prés. chault / nt: p. sg. fut. chaulra :
importer, VV. 95, 310, 386, 414.
chetif, adj.:malheureux, misérable, v. 179.
chier, loc. «avoir chier» : aimer, v. 272.
chierté, s.f. : bonté, charité, vv. 18, 171.
choisir, v. / 3e p. sg. pft choisist, choisy : voir, apercevoir, Vv. 99, 166.
comblé, adj. : rempli, v. 9.
combrer, v. / p.p. combré : brisé, v. 660.
comparer, v. : égaler, V. 627.
compatible, adj. : sensible (?), v. 636.
compiler, v. / p.p. compilé : disposer, rédiger, v. 86.
comprendre, v. : s'emparer de, embrasser, saisir, v. 620.
confort, s.m. : courage, V. 216.
court, «le faire court» : s'exprimer brièvement, v. 291.
court, s.f. : cour, v. 292.
cremeteus, adj. : craintif, V. 376.
crever, V. / p.p. crevéz : mourir, V. 362 ; ouvrir en faisant éclater, v. 358.

2
*dampt, s.m. : titre de dignité équivalant à «maître, seigneur, ….», v. 297.
decepvant, p.prés. : obséquieux, v. 247.
decevoir [decepvoir], v. : tromper, v. 716.
degaster, v. / p.p. degasté : ravager, v. 404.
deité, s.f. : divinité, vv. 621, 632.
delitter, v. réfl. / 3e p. pl. ind. prés. se delittent : se réjouir, v. 602.
deluge, s.m. : massacre, calamité, v. 340.
demesure, «à demesure» : outre mesure, v. 367.
demo(nystrer, v. réfl. / 3e p. sg. pft se demonstrat : se manifester, v. 346.
demorant, p.prés. : qui retarde, v. 165.
demoré, p.p. subst. : celui qui reste (?), v. 240.
departie, s.f. : séparation, départ, v. 151.
derrein, [darrain], adj. : dernier, v. 21.
derrenier [darrenier], adj. : dernier, v. 26.
*desäourer, v. : maudire, v. 444.
desarroy, s.m. : trouble, confusion, v. 155.
desembuschier, v. / p.p. desembuschiet : chasser, v. 196.
deservir, v. / p.p. desservie : mériter, v. 561.
desesperer, v. : perdre l'espoir [la foi en Dieu], v. 29.

162
desfaire, v. / p.p. desfait / 3e p. sg. pft desfist : abattre, consterner, détruire,
Vv. 16, 17, 424, 726.
despieça : VOIR pieça.
desroy, s.m. : vice, défaut, désordre, v. 382.
desvier, v. / 3e p. sg. pft desvya : mourir, v. 139.
detrencher, v. / p.p. detrencée : trancher, couper, tailler, v. 484.
doleance, s.f. : douleur, v. 46.
dolent, adj. : douloureux, malheureux, vv. 33, 151, 156, 263, 342.
dolentement, adv. : tristement, v. 426.
doubte, s.f. (parfois s.m.) : crainte, Vv. 713, 744.
doubter, v. / p.p. doubtée / impér. 2e p. sg. doubte / 3e p. sg. pft doubta :
craindre, vv. 150, 708, 720.
droit, adj. : juste, Vv. 61, 644, 746.
*duc, s.m. : chef, v. 138.

E
emperesse, s.f. : impératrice, v. 157.
entechier, v. / p.p. entechiet : affecter, v. 195.
entente, s.f. : désir, visée, v. 334.
*entremais, S.m. : entremets et divertissements, V. 38.
envers, adj. : renversé, V. 46.
envers, prép. : vers, V. 590.
enverser, v. / 3e p. sg. pft enversa : renverser, détruire, v. 19.
envis, adv. : difficilement, v. 320.
*escorée, s.f. : fouet à lanières, v. 483.
escut, s.m. : bouclier, V. 572.
esmerveiller, v. réfl. / 3e p. sg. prés. s'esmervelle : s'étonner, v. 173.

La
fachon, s.f. : construction / visage, v. 758.
facture, s.f. : forme, construction, création, v. 355.
faillir, v. / p.p. faillie / 3e p. sg. fut. fauldra : faire défaut, manquer, VV. 363,
437 ;faiblir, succomber, prendre fin, v. 512 ; v. impers. : falloir, v. 589.
failly, adj. : terminé, fini, v. 250.
faintif, adj. : fautif, v. 316.
fais, s.m. : fardeau, poids, v. 61.
*famme, s.f. et s.m. : renommée, v. 20.
*faulx, faulse adj. : perfide | païen, vv. 24, 439, 722.
ferir, v. / 3e p. pl. pft ferirent : frapper, assener, v. 146.
fiens, s.m. : fumier, ordure, VV. 301, 400, 696.
fier, adj. : fort, terrible (sens positif ou négatif), VV. 117, 283.

163
flater, v. / p.prés. flatant : séduire, tromper, v. 73.
force, s.f. : puissance morale, VV. 730-736.
fors que, loc. conj. : excepté, hormis, v. 696.
fors, adv. con]. : hormis, v. 729.
fors, adv.. : mais, v. 313.
fors, prép. : excepté, v. 157.
fort, loc. «au fort» : au bout du compte, v. 252.
*frachons, s.m. : frisson, v. 671.
fragilité, s.f. : facilité à succomber aux tentations, v. 82
fureur, s.f. et s.m. : rage, v. 131.

Œ
generation, s.f. : race, v. 534.
grevance, s.f. : préjudice, tort, tourment, v. 102.

ñ /4
*[h]Jabillemens, s.m. : équipement, habillement, v. 261.
honneur, s.m. et s.f. : honneur/ chasteté, vertu / renommée, vv. 18, 119, 171,
307, 467, 522, 524, 711.
humanité, s.f. : nature humaine / corruptibilité de la chair humaine, vv. 203,
631.
jamais, adv. [à jamais, tout jamais] : toujours, VV. 187, 748.
jamais, loc. «pour jamais» : pour toujours, v. 405.
jamais, s.m. : éternité, V. 31.
jouvente, s.f. employé adjectivement : jeunesse, v. 265.
*ju, s.m. : jeu, v. 62.
jueal, s.m. : joyau, v. 387.

Œ
*ladre, s.m. : lépreux, v. 325.
*lamme, s.f. : pierre tombale, v. 19.
las, adj. : misérable, malheureux, VV. 28, 179, 342, 461.
las, inter]. : hélas !, vv. 65, 504.
las, s.m. : corde, chaîne / pilier des fourches patibulaires, vv. 180, 660.
lassus, adv. : là-haut, v. 183.
legier (de), loc. : facilement, vv. 100, 103.
les, [léz] loc. «à tous les» : de tout côté, v. 369.
*logich, s.f. : cabane, loge | campement, v. 126.
loisir, s.m. : permission / plaisir, oisiveté, VV. 232, 374.

164
M
malice, s.f. (parfois s.m.) : méchanceté, v. 223.
mantion, s.f. : demeure / place au Ciel, v. 450.
mercy, s.f. : grâce, pitié, Vv. 469, 685.
*merveille, s.f. : chose étonnante (sens positif ou négatif), v. 321.
mesadvenir, v. impers. / p.p. mesadvenut : arriver malheur, v. 419.
mesel, s.m. : lépreux, v. 493.
mestier, loc. «avoir mestier de» : avoir besoin, être utile, v. 216.
mettre, v. : élire, v. 125.
mi(s)ner, v. / 3e p. sg. ind. prés. misne / p.prés. minant: menacer/ exterminer,
vv. 40, 92, 93.
mince, adj. : misérable, v. 452.
*mire, s.m. : chirurgien, v. 446.
mirer, v. : regarder dans un miroir/guérir, v. 81.
*miroir, s.m. : miroir/exemple, Vv. 80, 87, 89, 97.
moyen, s.m. : intercession, médiation, VV. 312, 337.
moyen, s.m. : puîné, v. 311.
moyenner, v. / 3e p. sg. sub]. prés. moyene : intercéder, v. 339.
mucier, v. / p.p. muchie : cacher aux regards, v. 78.
*mule, s.f. : engelure aux talons, v. 230.

&
ocquoison, s.f. : cause, V. 432.
ort, adj. : souillé, sale, v. 36.
oultre, prép. : au-delà de, VV. 283, 353, 380.
oultrecuidance, s.f. : arrogance, v. 724.
oultrepasse, s.m. : nec plus ultra, v. 3.

1par trop, loc. adv.: avec excès, v. 419.


paradvant, prép. : avant, V. 25.
parassouvie, p.p. : parfaite, Vv. 5, 610.
pardurable, adj. : éternel, vv. 71, 391, 470.
parfait, s.m. : accomplissement / perfection, Vv. 600, 661, 677.
parler, s.m. : discours, v. 26.
partir (à), v. : prendre part, v. 514.
passe passe (jeu de) s.m. : chose peu sérieuse, amusement, v. 62.
passe, s.f. : passage, v. 61.
pieça, adv. : naguère, v. 136.

165
pité, s.f., loc. «être pité» : être source de pitié, v. 160.
pité, s.f. : misère, v. 737.
plenitude, s.f. : perfection / intégrité, VV. 624, 630, 640.
poindre, v. / 3e p. sg. ind. prés. point : piquer, éperonner| percer, v. 455.
point, s.m. : moment, V. 269 ; sujet, propos, V. 266.
pointer, v. / 3e p. sg. ind. prés. point : frapper de la pointe | piquer un tissu, v.
455.
point, loc. «à point» : à juste titre, V. 456.
pointure, s.f. : pigûre | tourment moral, souffrance, VV. 347, 667.
pois, s.m. : charge, VV. 67, 124.
pompe, s.f. : cortège / parure, VV. 395, 724.
povreté, s.f. : malheur, vv. 204, 739.
premerain, adj. : premier / printanier, v. 234.
premiers, adv. : premièrement, V. 17.
prendre, loc. «prendre en patience» : souffrir avec résignation, v. 317.
*prime, adj. : premier (première heure du jour), v. 2.
prime, s.f. : printemps, v. 2.
profit, loc. «faire son profit de» : tirer avantage de, v. 658.
*pucelle, s.f. : vierge (femme non mariée), v. 509.

É|
querre, v. : chercher, v. 128.

EL
raccateur, s.m. : rédempteur, V. 573.
rage [faire rage], v. : faire des prouesses violentes, v. 142.
rage, s.f. : douleur aiguë, v. 407.
ramembrance, s.f. : souvenir / portrait, VV. 42, 120.
recorder, v. / impér. 2e p. sg. recorde : se rappeller, v. 581.
recouvrer, v. : rétablir, v. 178.
refuge, s.f. : moyen ou personne qui met en sûreté, V. 331.
*remors, s.m. : action de se rappeler quelque chose, v. 200.
remort, s.m. : avertissement, V. 88.
requerre, v. / impér. 2e p.sg. requiers : prier, demander, vv. 571, 732.
*reue, s.f. : roue, v. 271.
route, s.f. : troupe, v. 397.

S
saillir, v. / p.p. sailly : sortir, v. 254.
sentir, v. / 3e p. sg. sub]. sente : exhaler, v. 356.

166
serrer, V. / 3e p.sg. ind. prés. serre : étouffer, v. 455.
serve, s.f. : servante, v. 521.
signe, s.f. : manifestation, VV. 158, 524.
*soere, s.f. : soeur, v.243.
soubstenir, v. / 3e p. pl. pft soubstinrent / 3e p. sg. ind. prés. soubstient :
supporter, soutenir/alléguer, VV. 124, 511, 664.
souffrance, s.f. : trêve, délai, répit, v. 101.
soufisant (suffissant), adj. : considérable, v. 522.
sourdre (sourer), v. / 3e p. sg. ind. prés. sourt : prendre son essor, v. 576.
*çsuaire, s.m. : linceul, v. 423.
subjuguer, v. / 3e p. sg. pft subjuga : assujettir, v. 132.
susseance, s.f. : suspension momentanée, V. 448.
suÿr, v. : suivre, V. 175.

E
se tenir de, loc. : s'empêcher de, v. 413.
taindre, v. / p.p. tainte : pâlir, v. 361.
tantost, adv. : aussitôt, vv. 51, 250, 260, 712, 751.
termine, s.m. : fin, V. 167.
terrien, adj. : terrestre, v. 134.
tost, adv. : rapidement, V. 247, passim.
tost, adv. circonstanciel : aussitôt, v. 77.
transmuer, v. / p.p. transmués : changer totalement, v. 188.
*travaillier, v. : tourmenter |souffrir les douleurs de l'agonie v. 350.
*trencison, s.m. : colique, v. 229.
tresoriere, s.f. : gardienne (fig.), v. 338.
tressaillir, v. / 3e p. sg. ind. prés. tressault : sauter, dépasser, VV. 351, 365.
*tribulation, s.f. : tourment moral, v. 453.

#
venir, V. : revenir, partir, convenir, V. 64.
vil, adj. : abject, bas, v. 36.

167
prisé. sf bas, vais pitt : gear
pds « L
sutéde, M: 747 . QU
Pleine. JL : erfectlon ytmidgrisé rest

A FC Aa 2
poche, v. 4 Je pe ge teul prés. soit :#

r
er " «ñ irits-: dd Ég'ot KE
. .
L quFe: » SA
{tirs
ù re soûd NE ts à | Z “-
gorge ,d'OÎE de 2 pa tger 2e
200 ln ane ikjus pu og pre ange < tn
Fées, M. :prenne Jpe RAM peter ee: 4 ORNE TeL
grédien, mis, arotmiéremurt, 9 iv. 4 wi LE.
pute. (be esromte en psilance : souffrir vel he deag v M7,

|
pois, ae : Grenier Cpronière lors Au JOur},+.2 i - …
"ten Ai :peine, v. 2 LE |
Dofil_ lon, «faire AO :CE Se.
tydvelte, 3.1- berge (omis
mn mariée, POLE AT ET" sueist qq Ve Sbaier .
APT DIT LOS ORS FE av Menus : mai
& -
| F9 vie mr, :
PES 0 over :. EL
| era > za FA: ram 06
AMETEE: Ÿ Lchenvher,v. 124 Lane | | LE
BL .v Animalnio taanaks :ébarnañent
re a qre — ?
| DRE* sirogsi db snisluoh ei arf |tsursneot:smile — .
_ 5 = CES upon
:ae ete
sata, um. Srétlsmenr. v 973. K£biv 4) srmsibros : }.e aisinose
res bb Donges roc A D+ al
_ fast, Ldanienr sig 1e) ER .v Aro tismeessot : 2 moi
cireméeance, &.f,: pad narteas, vv. 42, [D
racer. v 1 von par: tr Lh de sé rapoetler, ® 701.
pete dv. habite nv. 178
GENS.6 4 AAC PPUTENT y
sir h. à CPR dr À Fripn mer. pers CR
remott, En... ét rérrefté, v, NX
+ ffifuere,
M l'inipér: 26 pat. dr” pi rai SV TA ve
=,
* roue, x [ : Patte, TT. | ‘4 :n .

ous 07: Fréaipie, V.301 . SANT LA T

s . Re ; = : … : eh ER

MAN, V / PE UT terti, v. ai. MERE :


ape 13ep dt Pen miras ds 158, :
INDEX DES NOMS PROPRES

Agrappine : Agrippine, v. 157.


Alexander d'Aillier : Alexandre le Grand, v. 114.
Artus : le roi Arthur, v. 116.

Charlemaine : Charlemagne, v. 121.

Elaine : Hélène, v. 169.

Hanibal : Hannibal, v. 138.


Hecuba : Hécube, v. 161.

Lanselot : Lancelot, v. 118.


Lucrece : Lucrèce, v. 172.

Ogier le Danois : Ogier le Danois, v. 123.


Olympias : Olimpias, v. 154.

Pantaphillée : Panthesillée, v. 149.


Pompee : Pompée, v. 129.

Rolant : Roland, v. 123.

Samson : Samson, v. 142.


Semiramis : Sémiramis, V. 147.

Thamaris : Thamyris, v. 148.

169
2

« E
de ’

" …
” C2

e =

. '

L
L y

€ +

= .2;

F d'u rc
FA mn

pal Te
L Le

L L
: +
{ .

ALAa
TS

Tu .
. = L 1[# . +
A us ee.
« Le.
nn

. L
.
L
=
Lu "+

& :
L
ÿ
D

=. LV L à |
- - ee L a 0 _oe
:
« 2 1
;
A
A 7: ni us
- l . LL
1 T ur Le CUT
Ln n
BIBLIOGRAPHIE

* Dictionnaires et études linguistiques

ANDRIEUX (Nelly), BAUMGARTNER (Emmanuèle), Systèmes morpholo-


giques de l'ancien français, Bordeaux, Bière, 1983 (Manuel du français du
Moyen Âge, 3).
BLOCH (Oscar) et VON WARTBURG (Walther), Dictionnaire étymologique
de la langue française, 6e éd., Paris, P.U.F., 1975.
BONNARD (Henri) et REGNIER (Claude), Petite grammaire de l'ancien
français, Paris, Magnard, 1989.
BRUNOT (Ferdinand), Histoire de la langue française des origines à nos
jours. Préface de la nouvelle édition par Gérald Antoine, t. I, De l'époque
latine à la Renaissance. Bibliographie établie par Jean Batany, nouv. éd.,
Paris, A. Colin, 1966.
CORBLET (Jules) et DEBRIE (René), Glossaire étymologique et comparatif
du patois picard, Marseille, Laffitte Reprints, 1978 [Paris, 18511].
DE LA CHAUSSÉE (François), /nitiation à la morphologie historique de
l'ancien français, Paris, Klincksieck, 1977 (Bibliothèque française et romane.
Série D : initiation, textes et documents, 10).
DE LA CHAUSSEE (François), Initiation à la phonétique historique de
l'ancien français, Paris, Klincksieck, 1974 (Bibliothèque française et romane.
Série D : initiation, textes et documents, 7).
DI STEFANO (Giuseppe), Essais sur le moyen français, Padova, Livinia,
1977 (Ydioma Tripharium, 4).
DI STEFANO (Giuseppe), Dictionnaire des locutions en moyen français,
Montréal, CERES, 1991 (Bibliothèque du moyen français, 1).
FLUTRE (Louis-Ferdinand), Le Moyen picard d'après les textes littéraires du
temps (1560-1660) : textes, lexique, grammaire, Amiens, Musée de Picardie,
1970 (Collection de la société de linguistique picarde, 13).
FOUCHÉ (Pierre), Le verbe français : étude morphologique / Morphologie
historique : le verbe, nouv. éd., Paris, Klincksieck, 1967 (Tradition de l'hu-
manisme, IV).
GAY (Victor), Glossaire archéologique du Moyen Âge et de la Renaissance,
2 t., Nendeln/Liechtenstein, Kraus Reprint, 1967 [Paris, 1887-19281].
GODEFROY (Frédéric), Dictionnaire de l'ancienne langue française et de
tous ses dialectes du IXe au XVe siècle, 10 vol., Nendeln/Liechtenstein, Kraus
Reprint, 3e éd., 1969 [Paris, 1880-19021].

171
GOSSEN (Charles-Théodore), Grammaire de l'ancien picard, Paris, Klin-
cksieck, 1970 (Bibliothèque française et romane. Série A: Manuels et études
linguistiques, 19).
GREIMAS (A.J.) et KEANE (T.M.), Dictionnaire du moyen français. La
Renaissance, Paris, Larousse, 1992 (Trésors du français).
HUGUET (E.), Dictionnaire de la langue française du seizième siècle, 7 vol.
Paris, Champion, 1925-1967.
IMBS (Paul) [s.dir.] et CNRS, Trésor de la langue française : dictionnaire de
la langue du XIXe et du XXe siècle (1789-1960), Paris, Gallimard, 1971-
KUKENHEIM (Louis), Grammaire historique de la langue française. Les
parties du discours, Leiden, Universitaire Pers Leiden, 1967 (Publications
romanes de l'Université de Leyde, 13).
KUKENHEIM, Grammaire historique de la langue française. Les syntagmes,
Leiden, Universitaire Pers Leiden, 1968 (Publications romanes de l'Université
de Leyde, 14).
LAROUSSE (Pierre), Grand dictionnaire universel du XIXe siècle (.….), 16
vol., Paris, Larousse, 1866-1877.
MARCHELLO-NIZIA (Christiane), «L'évolution du système des démonstratifs
en moyen français : accent tonique, ordre des mots, fonction pragmatique»,
dans Travaux de linguistique, n° 25, Novembre 1992, pp. 77-91.
MARCHELLO-NIZIA (Christiane), Histoire de la langue française aux XIVe
et XVe siècles, Paris, Dunod, 1992 (Série Langue française).
MARTIN (Robert) et WILMET (Marc), Syntaxe du moyen français, Bor-
deaux, SOBODI, 1980 (Manuel du français du Moyen Âge, 2).
MATORE (Georges), Le vocabulaire et la société médiévale, Paris, P.UEÆF.,
1985.
MENARD (Philippe), Syntaxe de l'ancien français, Bordeaux, Bière, 3e éd.
rev., 1988 (Etudes médiévales).
NYROP (Kristoffer), Grammaire historique de la langue française, vol. 1
(1967) / vol. 2 (1965) / vol. 3 (1936) / vol. 4 (1913) / vol. 5 (1925) / vol. 6
(1930), Copenhague, Gyldendal, 19--.
PICOCHE (Jacqueline), Précis de morphologie historique du français, Paris,
Nathan, 1988 (Nathan-Université / Linguistique générale).
PIERRET (Jean-Marie), Phonétique historique du français et notions de
phonétique générale, nouv. éd., Leuven, Peeters, 1994 (Série pédagogique de
l'Institut de linguistique de Louvain, 19).
RAYNAUD de LAGE (Guy) et HASENOHR (Geneviève), Introduction à
l'ancien français, nouv. éd., Paris, SEDES, 1990 (Moyen Âge).
REMACLE (Louis), Le problème de l'ancien wallon, Liège, Université de
Liège : Faculté de Philosophie et Lettres, 1948 (Bibliothèque de la Faculté de
Philosophie et Lettres de l'Université de Liège, CIX).
REY (Alain) fs.dir.], Dictionnaire historique de la langue française. Le
Robert : dictionnaire historique de la langue française, 2 vol., Paris, Le
Robert, 1992.

172
ROBERT (Paul), Le nouveau petit Robert 1 : dictionnaire alphabétique et
analogique de la langue française. Nouvelle édition remaniée et amplifiée sous
la direction de J. Rey-Debove et A. Rey, Paris, Le Robert, 1993.
TOBLER (Adolf) et LOMMATZSCH (Erhard), Altfranzôsisches Wôrterbuch,
11 vol., Berlin-Wiesbaden, Weidmann-Steiner, 1925-
VAN HOECKE (Willy), «Nature et cause de la «mutation» du code graphique
en moyen français», dans Travaux de linguistique, n° 25, Novembre 1992, pp.
137-152.
VON WARTBURG (Walther), Franzôsiches etymologisches Wôrterbuch :
eine Darstellung des galloromanischen Sprachschatzes, Tübingen, Mohr,
1946-sgg., 25 vol. + fasc.
WALKER (Douglas C.), Dictionnaire inverse de l'ancien français, Ottawa,
Editions de l'Université d'Ottawa, 1982 (Publications médiévales de l'Uni-
versité d'Ottawa, 10)
ZINK (Gaston), Le moyen français (XIVe et XVe siècles), Paris, P.U.F., 1990
(Que sais-je ? n° 1086).
ZINK (Gaston), Morphologie du français médiéval, Paris, P.U.F. 1989
(Linguistique nouvelle).
ZINK (Gaston), Phonétique historique du français, Paris, P.U.F., 1986
(Linguistique nouvelle).

* Versification

CHATELAIN (Henri), Recherches sur le vers français au XVe siècle : rimes,


mètres et strophes, Genève, Slatkine Reprints, 1974 [Paris, 19081].
ELWERT (W.Th.), Traité de versification française des origines à nos jours,
Paris, Klincksieck, 1965 (Bibliothèque française et romane. Série À : manuels
et études linguistiques, 8).
LOTE (Georges), Histoire du vers français I, II et II, 3 vol., Paris, Boivin-
Hatier, 1949-1955.
MAZALEYRAT (Jean), Eléments de métrique française, Paris, Colin, 1974
(Collection U2, 221).
MORIER (Henri), Dictionnaire de poétique et de rhétorique, 2e éd. augm.,
Paris, P.U.F., 1975.

173
*Divers

AHSMANN (H.P.J.M.), Le culte de la Sainte Vierge et la littérature profane


du Moyen Âge, Utrecht, Dekker en Van de Vegt en Van Leeuwen, 1930.
ALEXANDRE-BIDON (Danièle) et TREFFORT (Cécile) [s. dir.], À réveiller
les morts. La mort au quotidien dans l'Occident médiéval, Lyon, Presses
Universitaires de Lyon, 1994.
ARIES (Philippe), Essais sur l'histoire de la mort en Occident du Moyen Âge
à nos jours, Paris, Seuil, 1977 (Points. Histoire, 31)
ARIES (Philippe), L'homme devant la mort, 2 vol., Paris, Seuil, 1985 (Points.
Histoire, 82-83)
AUGUSTINUS (Aurelius, sanctus), Les confessions. Traduction, préface et
notes par Joseph Trabucco, Paris, Flammarion, 1964 (GF, 21).
BASCHET (Jérôme), «Image du désordre et ordre de l'image. Réprésentations
médiévales de l'enfer», dans Médiévales, 4, mai 1983, pp. 15-36.
. BASCHET (Jérôme), Les justices de l'au-delà. Les représentations de l'enfer
|| en France et en Italie (XIIe-XVe siècle), Rome, Ecole Française de Rome,
| 1993 (Bibliothèque des écoles françaises d'Athènes et de Rome. Fascicule
|| 279).
BAYOT (Alphonse), La légende de Troie à la cour de Bourgogne. Etudes
d'histoire littéraire et de bibliographie, Bruges, De Plancke, 1908 (Société
d'émulation de Bruges, Mélanges 1).
BERTHELOT (Anne), Histoire de la littérature française du Moyen Âge,
Paris, Nathan, 1989 (Nathan Université/Série «études linguistiques et
littéraires»).
BLOOMFIELD (Morton W.), The Seven Deadly Sins : an Introduction to the
History of a Religious Concept, with Special Reference to Medieval English
Literature, East Lansing, State College Press, 1952 (Srudies in Language and
Literature).
BLUM (Claude), La représentation de la mort dans la littérature française de
la Renaissance, 2 vol., 2e éd., Paris, Champion, 1989 (Bibliothèque littéraire
de la Renaissance. 2e série XXIII-XXIV).
BOCCACCIO (Giovanni), «Des cleres et nobles femmes», Ms. Bibl. Nat.
12420 (Chap. I-LII). Edition de Jeanne Baroin et Josiane Haffen, Paris, Belles
Lettres, 1993 (Annales littéraires de l'Université de Besançon, 498).
BONNARD (Jean), Les traductions de la Bible en vers français au Moyen
Âge, Paris, Imprimerie Nationale, 1884.
BOUCHER (François) et DESLANDRES (Yvonne), Histoire du costume en
Occident de l'antiquité à nos jours, nouv. éd., Paris, Flammarion, 1988.
BRADLEY (R.), «Backgrounds of the Title «speculum» in Mediaeval
Literature», dans Speculum, 29, 1954, pp. 100-105.
BRUN (Jean), Les présocratiques, Paris, P.U.F., 1968 (Que sais-je ?,
n°1319).

174
BULTOT (Robert), «Mépris du monde, misère et dignité de l'homme dans la
pensée d'Innocent Ill», dans Cahiers de Civilisation médiévale. Xe-XIle
siècles, 4, 1961, pp. 441-456.
CABROL (Fernand), LECLERCQ (H.) et MARROU (Henri) [e.a.], Diction-
naire d'archéologie chrétienne et de liturgie, 15 t. en 30 vol., Paris, Letouzey
et Ane, 1920-1953.
CAROUGES (Michel), SPICQ (C.) et BARDY (G.), L'enfer, Paris, Editions
de la revue des jeunes, 1950 (Foi vivante).
CARTELLIERI (Otto), «Theaterspiele am Hofe Herzog Karls des Kühnen von
Burgund», dans Germanisch-Romanische Monatshrift, 9, 1921, pp. 168-179.
CARTELLIERI (Otto), La cour des ducs de Bourgogne. Traduit par F.
Caussy, Paris, Payot, 1946 (Bibliothèque historique).
CERQUIGLINI-TOULET (Jacqueline), «Fama et les Preux : nom et renom à
la fin du Moyen Âge», dans Médiévales, 24, printemps 1993, pp. 35-44.
CHABAILLE (Polycarpe) [éd. sc.], Le roman de Renart; Supplément,
variantes et corrections publiées d'après les manuscrits de la Bibliothèque du
roi et de la Bibliothèque de l'Arsenal, Paris, Sylvestre, 1835.
CHAMPION (Pierre), Histoire poétique du quinzième siècle, t. I, Paris,
Champion, 1923 (Bibliothèque du XVe siècle, XXVI).
CHARTIER (Roger), «Les arts de mourir, 1450-1600», dans Annales. E.S.C.,
31e année, n°1, janvier-février 1976, pp. 51-75.
CHENU (MLD.), L'éveil de la conscience dans la civilisation médiévale,
Paris, Vrin, 1969 (Conférences Albert-le-Grand 1968).
CHEYNS-CONDÉ (Myriam), «L'épopée troyenne dans la «Librairie» ducale
bourguignonne au XVe siècle», dans Publication du centre européen d'études
bourguignonnes (XIVe-XVIe siècle), n° 31, 1991, pp. 37-65.
CHEYNS-CONDÉ (Myriam), «La tapisserie à la cour de Bourgogne : contri-
bution d'un art mineur à la grandeur d'une dynastie», dans Publication du
centre européen d'études bourguignonnes (XIVe-XVIe siècle), n° 25, 1985,
pp. 73-89.
CHIFFOLEAU (Jacques), La comptabilité de l'au-delà. Les hommes, la mort
et la religion dans la région d'Avignon à la fin du Moyen Âge (vers 1320 -
vers 1480), Rome, Ecole française de Rome, 1980 (Collection de l'Ecole
française de Rome, 47).
CHIOVARO (Francesco) [s. dir.], Histoire des saints et de la sainteté chré-
tienne, 11 vol., Paris, Hachette, 1986-1988.
CHIPPS SMITH (J.), «Portable Propaganda - Tapestry as Princely Metaphors
at the Courts of Philip the Good and Charles the Bold», dans Art Journal, 48,
1989, pp. 123-129.
CHRETIEN DE TROYES, Le chevalier de la charrette (Lancelot). Texte
établi, traduit, annoté et présenté avec variantes par Alfred Foulet et Karl D.
Uitti. Avant-propos de D. Poirion, Paris, Bordas, 1989 (Classiques Garnier.
Les classiques médiévaux).

175
CLARK (James M.), The Dance of Death in the Middle Ages and the
Renaissance, Glasgow, Jackson, 1950 (Glasgow University Publications, 86)
CREIZENACH (W.), Geschichte des neueren Dramas, IL. Mittelalters und
Frührenaissance, Halle, Max Nièemeyer, 1883.
CROISILLE (Jean-Michel), 59 : Néron a tué Agrippine, Paris, Editions
Complexe, 1994 (La mémoires des siècles, 223).
CURTIUS (Ernst Robert), La littérature européenne et le Moyen Âge latin.
Traduit de l'allemand par Jean Bréjoux, Paris, P.U.F., 1956.
DE LABORDE (Alexandre), Les ducs de Bourgogne : étude sur les lettres,
les arts et l'industrie pendant le XVe siècle et plus particulièrement dans les
Pays-Bas et le duché de Bourgogne, 3 vol., Paris, Plon, 1949-1952.
DE PREMIERFAIT (Laurent), Des cas des nobles hommes et femmes. Book
1. Translation from Boccacio, a critical edition based on six manuscripts by
Patricia May Gathercole, Chapel Hill, The University of North Carolina Press,
1968 (Studies in the Romance Language and Literatures, 74).
Death in the Middle Ages. Ed. by Herman Braet and Werner Verbeke, Leuven,
University Press, 1983 (Mediaevalia Lovaniensia, Series I, Studia IX).
DEHAISNES (Chrétien), Documents et extraits concernant l'Histoire de l'art
dans la Flandre, l'Artois et le Hainaut avant le XVe siècle, 2 vol., Lille, 1886.
DELARUELLE (Etienne), «La spiritualité aux XIVe et XVe siècles», dans
Cahiers d'histoire mondiale, 5.1, 1959, pp. 59-70.
DELMARCEL (Guy), «La présence de Boccace dans la tapisserie flamande
des XVe et XVIe siècles», dans Boccacio in Europe : Proceedings of the
Boccacio Conference, Louvain 1975. Ed. by Gilbert Tournoy, Leuven,
University Press, 1977 (Symbolae Facultatis litterarum et philosophiae
Lovaniensis. Series A-4), pp. 67-90.
DELORT (Robert), La vie au Moyen Âge, Paris, Seuil, 1982 (Points. His-
toire, 62).
DELUMEAU (Jean), Le péché et la peur. La culpabilisation en Occident
(XIIIe-XVIIle siècles), Paris, Fayard, 1983.
DESCHAMPS (Eustache), Oeuvres complètes. Editées par le Marquis de
Queux de Saint-Hilaire et Gaston Raynaud, 11 vol., Paris, Didot, 1878-1903
(SATF).
DOUTREPONT (Georges), La littérature à la cour des ducs de Bourgogne :
Philippe le Hardi, Jean sans Peur, Philippe le Bon, Charles le Téméraire,
Paris, Champion, 1909 (Bibliothèque du XVe siècle, 8).
DULAC (Lilianne), «Un mythe didactique chez Christine de Pizan : Semiramis
ou la veuve héroïque (Du De Mulieribus Claris de Boccace à la Cité des
Dames)», dans Mélanges de Philologie romane offerts à Charles Camproux,
t. I, Montpellier, Université Paul-Valéry Montpellier, 1978, pp. 315-343.
FAVIER (Jean), Dictionnaire de la France médiévale, Paris, Fayard, 1993.
GAUTIER (Léon), Les épopées françaises. Etudes sur les origines et l'his-
toire de la littérature nationale, 3 t., Paris, Victor Palmé, 1865-1868.

176
GERSON (Jean), Oeuvres complètes. Introduction, texte et notes par Mgr
Glorieux, vol.VII L'oeuvre française (292-339), Paris-Tournai-Rome-New
York, Desclée, 1965.
GILLIODTS-VAN SEVEREN (Louis), Inventaire [des chartes] de la ville de
Bruges. Section première du 13e au 16e siècle. Table analytique par Edw.
Gailliard, Bruges, Edw. Gailliard, 1883-1885.
GILSON (Etienne), Les Idées et les Lettres, Paris, Vrin, 1932, (Essais d'art et
de philosophie), pp. 9-30.
GRISAY (A.), LAVIS (G.) et DUBOIS-STASSE (M.), Les dénominations de
la femme dans les anciens textes littéraires français, Gembloux, Duculot,
1969 (Publications de l'institut de lexicologie française de l'Université de
Liège).
GUENEE (B.) et LEHOUX (F.), Les entrées royales françaises de 1328 à
1515, Paris, Ed. du C.N.R:S., 1968 (Sources d'histoire médiévale).
GUIFFREY (M.J.), «Note sur une tapisserie représentant Godefroy de
Bouillon et sur les représentations des preux et des preuses au quinzième siè-
cle», dans Mémoires de la société nationale des antiquaires de France, t.X 4e
série (t. XL), 1874, pp. 97-110.
GUREVIC (A.J.), «Conscience individuelle et image de l'au-delà au Moyen
Âge», dans Annales E.S.C., 37e année, n° 2, mars-avril 1982, pp. 255-275.
HEERS (Jacques), Le Moyen Âge, une imposture, Paris, Perrin, 1992 (Vérités
et légendes).
HELINANT DE FROIDMONT, Les vers de la mort. Ed. Fredrik Wulff et
Emmanuel Walberg, Paris, Didot, 1905 (SATF).
HERACLITUS, «Fragments», a Text and Translation with a Commentary by
T.M. Robinson, Toronto, University of Toronto Press, 1987 (Revue de la
société canadienne des études classiques. Tome supplémentaire XXII / Les
Pré-socratiques «Phoenis» tome IT).
HUIZINGA (Johan), L'automne du Moyen Âge. Traduit du hollandais par J.
Bastin. Nouvelle édition précédée d'un entretien avec Jacques Le Goff, Paris,
Payot, 1975 (Petite Bibliothèque Payot, 6).
JACQUART (D.) et THOMASSET (CL), Sexualité et savoir médical au
Moyen Âge, Paris, P.U.F., 1985.
JOUBERT (Fabienne), La tapisserie, Turnhout, Brepols, 1993 (Typologie des
sources du Moyen Âge occidental, fascicule 67).
KELLY (Henry Ansgar), Le diable et ses démons : la démonologie chré-
tienne, hier et aujourd'hui. Traduit par Maurice Galiano, Paris, Cerf, 1977.
KUKENHEIM (Louis) et ROUSSEL (Henri), Guide de la littérature fran-
çaise du Moyen Âge, 3e éd. rev., Leiden, Universitaire Pers Leiden, 1963
(Leidse romanistische reeks, 3)
La chanson de Roland. Traduction, préface, notes et commentaires par Pierre
Jonin, Paris, Gallimard, 1979 (Folio, 1150).
La tapisserie française du Moyen Âge à nos jours, Bruxelles, Ed. de la
connaissance, 1947 (Palais des Beaux-arts, Bruxelles).

ip)
LANGLOIS (E.H.), Essai historique, philosophique et pittoresque sur les
danses des morts, 2 vol., Rouen, A. Lebrument, 1852.
LAURIOUX (Bruno), Le Moyen Âge à table, Paris, Adam Biro, 1989.
LE BOUCQ (Simon), Histoire ecclésiastique de la ville et du comté de
Valentienne [sic]. Ed. par A. Dinaux, Valenciennes, A. Prignet, 1844.
Le diable au Moyen Âge : doctrine, problèmes moraux, représentations, Aix-
en-Provence, Publications du CUER-MA, 1979 (Senefiance, 7).
LE DON (Gérard), «Les structures de l'imagerie médiévale de l'enfer», dans
Cahiers de la Civilisation médiévale. Xe-XIle siècles, 22e année, n°4, octobre-
décembre 1979, pp. 363-372.
LE GOFF (Jacques), L'imaginaire médiéval. Essais, nouv. éd., Paris, Galli-
mard, 1991 (Bibliothèque des Histoires).
LE GOFF (Jacques), La naissance du Purgatoire, Paris, Gallimard, 1981
(Bibliothèque des Histoires).
LECOURT (Marcel), «Notice sur L'histoire des Neuf Preux et des Neuf
Preues de Sébastien Mamerot», dans Romania, t. XXXVII, 1908, pp. 529-
537.
LEFAY-TOURY (Marie-Noëlle), La tentation du suicide dans le roman
français du XIIe siècle, Paris, Champion, 1979 (Essais sur le Moyen Âge, 4).
Les Neufs Preux, gravure sur bois du commencement du quinzième siècle.
Fragments de l'hôtel de ville de Metz, Pau, E. Vignancour, 1864.
LESTOCQUOY (]J.), Deux siècles de l'histoire de la tapisserie (1300-1500).
Paris, Arras, Lille, Tournai, Bruxelles, Arras, Commission départementale
d'histoire et d'archéologie du Pas-de-Calais, 1978 (Mémoires de la Commis-
sion départementale des monuments historiques du Pas-de-Calais, 19).
LIVIUS (Titus), Histoire romaine. Traduction d'Eugène Lasserre, 10 vol.
Paris, Garnier, 1934-1943 (Classiques Garnier. Auteurs latins).
MACHABEY (Armand), «A propos de la «discussion» sur la Danse
Macabre», dans Romania, t. LXXX, 1959, pp. 118-129.
MÂLE (Emile), L'art religieux de la fin du Moyen Âge en France : étude sur
l'iconographie du Moyen Âge et sur ses sources d'inspiration, 2e éd. rev.,
Paris, Colin, 1922.
MARTINEAU-GÉNIEYS (Christine), Le thème de la mort dans la poésie
française de 1450 à 1550, Paris, Champion, 1978 (Nouvelle Bibliothèque du
Moyen Âge, 6).
MEHL (Jean-Michel), Les jeux au royaume de France du XIIIe au début du
XVIe siècle, Paris, Fayard, 1990 (Nouvelles études historiques).
MENARD (Philippe), Les fabliaux : contes à rire du Moyen Âge, Paris,
P.U.F., 1983 (Collection SUP. Littératures modernes, 32).
MEYER (Paul), «Les manuscrits médicaux en français», dans Romania, t.
XLIV, 1915-1917, pp. 161-214.
MEYER (Paul), «Les Neuf Preux», dans Bulletin de la société des anciens
textes français, IX, 1883, pp. 45-54.

178
MEYER (Paul), Alexandre le Grand dans la littérature du Moyen Âge, 2 vol.
Paris, F. Vieweg, 1886 (Bibliothèque française du Moyen Âge, 4 et 5).
MOLINET (Jean), Les Faictz et Dictz. Edition de Noël Dupire, 3 vol., Paris,
Société des Anciens textes français, 1936-1939 (SATF).
MONFRIN (Jacques), «La connaissance de l'Antiquité et le problème de l'hu-
manisme en langue vulgaire dans la France du XVe siècle», dans The Late
Middle Ages and the Dawn of Humanism outside Italy, Leuven-The Hague,
University Press-Martinus Nijhoff, 1972 (Mediaevalia Lovaniensia, Series 1,
Studia D), pp. 131-170.
MONFRIN (Jacques), «Le goût des lettres antiques à la Cour de Bourgogne au
XVe siècle», dans Bulletin de la société nationale des antiquaires de France,
t. 330, 1967, pp. 285-289.
MOURRE (Michel), Le petit Mourre. Dictionnaire de l'histoire, Paris, Bor-
das, 1990.
OHLER (Norbert), Sterben und Tod im Mittelalter, Zurich, Artemis, 1990.
OWEN (D.D.R.), The Vision of Hell : Infernal Journeys in Medieval French
Literature, Edinburgh, Scottish Academic Press, 1970.
PASTOUREAU (Michel), [s.dir.], Histoire, archéologie et symbolique
vestimentaire au Moyen Âge, Paris, Le TLéopard d'Or, 1989 (Cahiers du
Léopard d'Or, 1).
PAYEN (Jean-Charles), «Le «Dies Irae» dans la prédication de la mort et des
fins dernières au Moyen Âge. (A propos de Piramus v.708)», dans Romania, t.
LXXXVI, 1965, pp. 48-74.
PAYEN (Jean-Charles), Le motif du repentir dans la littérature française
médiévale (des origines à 1230), Genève, Droz, 1967 (Publications romanes
et françaises, XCVIIT).
PIRENNE (Henri), Les villes et les institutions urbaines, Se éd., Paris, Alcan,
1939.
POIRION (Daniel) [s. dir.], Grundriss der romanischen Literaturen des
Mittelalters. Band VII/1 : La littérature française aux XIVe et XVe siècles
(Partie historique), Heidelberg, Carl Winter, 1988.
PORCHER (Jean), «Les peintres de Jean de Wavrin», dans La Revue fran-
çaise, avril 1956, pp. 17-22.
PROST (B.-H.), Inventaires mobiliers et extraits des comptes des ducs de
Bourgogne de la maison de Valois (1363-1477), 2 vol., Paris, 1902-1913.
Récits d'un bourgeois de Valenciennes. Edition de Kervyn de Lettenhove,
Louvain, Lefever, 1877.
RICHÉ (Pierre) et LOBRICHON (Guy) [s. dir.], Le Moyen Âge et la Bible,
Paris, Beauchesne, 1984 (Bible de tous les temps, 4).
ROQUES (Gilles), «La réputation dans la langue française médiévale : ébau-
che d'un glossaire onomasiologique du moyen français», dans Médiévales, 24,
printemps 1993, pp. 45-56.

179
ROSS (D.J.A.), ««Les Trois Grands» : a Humanist Historical Tract of the
Fifteenth Century», dans Studies in the Alexander Romance, London, Pindar
Press, 1985, pp. 266-287.
ROSSIAUD (Jacques), La prostitution médiévale. Préface de Georges Duby,
Paris, Flammarion, 1988 (Nouvelle bibliothèque scientifique).
SAUGNIEUX (Joël), Les danses macabres de France et d'Espagne et leurs
prolongements littéraires, Lyon, E.Vitte, 1972 (Bibliothèque de la Faculté de
Lettres de Lyon, Fascicule XXX).
SCHMIDT (J. Margot), art. «Miroir», dans Dictionnaire de spiritualité (...), t
.X, 1980, Paris, Beauchesne, col. 1290 - col. 1303.
SCHMITT (Jean-Claude), «Le suicide au Moyen Âge», dans Annales. E.S.C.,
31, n°1, (Ganvier-février 1976), pp. 3-28.
SCHMITT (Jean-Claude), La raison des gestes dans l'Occident médiéval,
Paris, Gallimard, 1990 (Bibliothèque des Histoires).
SICILIANO (Italo), François Villon et les thèmes poétiques du Moyen Âge,
Paris, A. Colin, 1934.
STEIN (Henri), Olivier de la Marche : historien, poète et diplomate bourgui-
gnon, Bruxelles, Hayez, 1888 (Mémoires couronnés et Mémoires des savants
étrangers, tome 49).
SUETONIUS (Tranquillus Caius), Vie des douze Césars : Tibère-Caligula-
Claude-Néron, t. 2, Paris, Les Belles Lettres, 1932 (Collection des universités
de France).
TACITUS (Publius Cornelius), Annales. Traduction de Pierre Wuilleumier, t.
4 : Livres XIII-XVI, Paris, Les Belles Lettres, 1978 (Collection des universités
de France).
TENENTI (Alberto), «Ars moriendi. Quelques notes sur le problème de la
mort à la fin du XVe siècle», dans Annales E.S.C., 6, 1951, pp. 433-446.
TENENTI (Alberto), La vie et la mort à travers l'art du XVe siècle, Paris, A.
Colin, 1952 (Cahiers des Annales, 8).
VALERIUS MAXIMUS, Actions et paroles mémorables. Edition de Pierre
Constant, 2 vol., Paris, Garnier, s.d. (Classiques Garnier. Auteurs latins).
VAN DEN ABEELE (Baudouin), La fauconnerie dans les lettres françaises
du XIIe au XIVe siècle, Leuven, Leuven University Press, 1990 (Mediaevalia
Lovaniensia, Series I, Studia XVIIT).
VAN ZUYLEN VAN NYEVELT (Albert), Episodes de la vie des ducs de
Bourgogne à Bruges, Bruges, Cultura, 1937.
VIGOUROUX (Fulcran-Grégoire) [s. dir.], Dictionnaire de la Bible, 2e tirage
en 5 vol., Paris, Letouzey, 1908-1912.
VINCENT-CASSY (Mireille), «Les animaux et les péchés capitaux : de la
symbolique à l'emblématique», dans Le monde animal et ses représentations
au Moyen Âge (XIe-XVe siècles), Toulouse, Université de Toulouse-le-Mirail,
1985 (Travaux de l'Université de Toulouse-le-Mirail. Série A-Tome 31).
VOVELLE (Michel), La mort en Occident de 1300 à nos jours, Paris, Galli-
mard, 1983 (Bibliothèque illustrée des Histoires).

180
WALTON (Thomas), «Amé de Montgesoie, poète bourguignon du XVe siè-
cle», dans Annales de Bourgogne, t. IL, 1930, pp. 134-158.
WALTON (Thomas), «Les poèmes d'Amé de Montgesoie (f1.1457-1478) Le
Pas de la Mort et La complainte sur la mort d'Isabelle de Bourbon», dans
Medium Aevum, t. I, n°1, mars 1933, pp. 1-33.
WITTERT (A.), Les Preux et la gravure à Liège en 1444, Liège, Gothier,
1873.
ZINK (Michel), La prédication en langue romane avant 1300, Paris, Cham-
pion, 1976 (Nouvelle Bibliothèque du Moyen Âge, 4).
ZINK (Michel), Le Moyen Âge. Littérature française, Nancy, Presses Uni-
versitaires de Nancy, 1990 (Phares).
ZINK (Michel), Littérature française du Moyen Âge, Paris, P.U.F., 1992 (Jer
Cycle).
ZUMTHOR (Paul), Essai de poétique médiévale, Paris, Seuil, 1972
(Poétique).
ZUMTHOR (Paul), La lettre et la voix. De la «littérature» médiévale, Paris,
Seuil, 1987 (Poétique).
ZUMTHOR (Paul), Le masque et la lumière : la poétique des grands rhétori-
queurs, Paris, Seuil, 1978 (Poétique).

*Bibliographies et catalogues de manuscrits

À catalogue of the Landsdowne manuscripts in the British Museum, with


indexes of Persons, Places and Matters, London, 1819 (Reprint Hildesheim -
New York, Olms Verlag, 1974).
BALARD (Michel) [s. dir.], Bibliographie de l'histoire médiévale en France
(1965-1990), Paris, Publications de la Sorbonne, 1992 (Société des historiens
médiévistes de l'enseignement supérieur).
BALAYE (Simone), La Bibliothèque Nationale des origines à 1800. Préface
de André Miquel, Genève, Droz, 1988 (Histoires des idées et critique litté-
raire, 262)
BARROIS (Joseph), Bibliothèque protypographique ou librairie des fils du
roi Jean, Charles V, Jean de Berri, Philippe de Bourgogne et les siens, Paris,
Treuttel et Würtz, 1830.
BLUM (André), LAUER (Philippe) et de LABORDE (A), La miniature
française aux XVe et XVIe siècles, Paris, Van Oest, 1930.
BOSSUAT (Robert), Manuel bibliographique de la littérature française du
Moyen Âge, Paris, Librairie d'Argences, 1955 (Bibliothèque elzévirienne.
N.S.: études et documents).

181
BOSSUAT (Robert) et MONFRIN (Jacques), Manuel bibliographique de la
littérature française du Moyen Âge : supplément (1949-1953), Paris, Librairie
d'Argences, 1955 (Bibliothèque elzévirienne. N.S. : études et documents).
BOSSUAT (Robert), Manuel bibliographique de la littérature française du
Moyen Âge : second supplément (1954-1960), Paris; Librairie d'Argences,
1961 (Bibliothèque elzévirienne. N.S. : études et documents).
BOSSUAT (Robert), VIELLIARD (Françoise) et MONFRIN (Jacques),
Manuel bibliographique de la littérature française du Moyen Âge : troisième
supplément (1960-1980), 2 vol., Paris, CNRS, 1986-1991.
BRUNEL (Ghislain) et LALOU (Elisabeth) [s.dir.], Sources d'histoire médié-
vale. IXe - milieu du XIVe siècle, Paris, Larousse, 1992 (Textes essentiels).
BRUNET (Jacques-Charles), Manuel du libraire et de l'amateur de livres, 5e
éd., 6 vol., Berlin, Altmann, 1922.
Catalogue des manuscrits français, t. 1 Ancien fonds, Paris, Firmin-Didot,
1868 (Bibliothèque impériale - Département des manuscrits).
Catalogue général des bibliothèques publiques de France. Paris. Bibliothè-
que de l'Institut. Musée Condé à Chantilly. Bibliothèque Thiers. Musée
Jacquemart-André à Paris et à Chaalis, Paris, Plon, 1928.
CLAUDIN (A.), DELISLE (Léopold) et LACOMBE (Paul) [e.a.], Histoire de
l'imprimerie en France au XVe et au XVIe siècle, 5 t., Nendeln, Kraus-
Thomson, 1971-1976 / [1900-1905]1.
COCKSHAW (Pierre), Manuscrits à peintures du XVe siècle, Bruxelles,
Bibliothèque Royale Albert Ier, 1987.
Codices manuscripti Bibliothecae Regii Taurinensis Athenaei (..…) recensue-
runt et animadversionibus illustrarunt Josephus Pasinus, Antonius Rivautella
et Franciscus Berta, pars I et II, Taurini, 1749.
DELANDINE (A.-F.), Manuscrits de la Bibliothèque de Lyon (...), t.., Paris,
Renouard, 1812.
DOUTREPONT (Georges), Inventaire de la librairie de Philippe le Bon
(1420), Bruxelles, Kiessling, 1906 (Commission royale d'histoire, 27).
DUHAMEL (M.), Catalogue général des manuscrits des bibliothèques
publiques de France. Départements : Carpentras, t. XXXIV, Paris, Plon,
1901.
FOURNIER (P.), MAIGNIEN (E.) et PRUDHOMME (A.), Catalogue
général des manuscrits des bibliothèques publiques de France.
Départements: Grenoble, t. VII, Paris, Plon, 1889.
LAMBERT (C.-G.-A.), Catalogue descriptif et raisonné des manuscrits de la
Bibliothèque de Carpentras, t. I, Carpentras, E. Rolland, 1862.
LEMAIRE (Jacques), Introduction à la codicologie, Louvain-la-Neuve,
U.C.L. Institut d'Etudes Médiévales, 1989 (Publications de l'Institut d'Etudes
Médiévales - Textes, études, Congrès, vol. 9).
LOUANT (André), Le «Livre de Ballades» de Jehan et Charles Bocquet,
bourgeois de Mons au XVIe siècle, Bruxelles, Palais des Académies, 1954
(Académie royale de Belgique. Classe des lettres et des sciences morales et

182
politiques. Collection des anciens auteurs belges. Textes et études. Nouvelle
série n° 4).
MALRAUX (André), [e.a.], Les manuscrits à peintures en France du XIIIe au
XVIe siècle, Paris, Bibliothèque Nationale, 1955.
MARTIN (Henry) et FUNCK-BRENTANO (Frantz), Catalogue des manus-
crits de la Bibliothèque de l'Arsenal. Catalogue général des manuscrits des
bibliothèques publiques de France : Paris, t. III, Paris, Plon, 1887.
MICHELANT (Henri), «Inventaire des vaisselles, joyaux, manuscrits, etc. de
Marguerite d'Autriche, régente et gouvernante des Pays-Bas, dressé en son
palais de Malines le 9 juillet 1523», dans Compte rendu des séances de la
Commission royale d'histoire ou recueil de ses bulletins. Troisième série, t.
XII, 1870-1871.
MUZERELLE (Denis), Vocabulaire codicologique. Répertoire méthodique
des termes français relatifs aux manuscrits, Paris, Ed. CEMI, 1985
(Rubricae. Histoire du Livre et des textes -1-).
Note sur la publication du Catalogue du Musée Jacquemart-André , dans
Romania, t. XLIII, 1914, pp. 471-472.
OMONT (Henri), Catalogue général des manuscrits français. Ancien
supplément français, tIIL n° 13091-15369 du fonds français, Paris, E.
Leroux, 1896.
OMONT (Henri), Catalogue général des manuscrits français. Nouvelles
acquisitions françaises, t.I, n° 1-3060, Paris, E. Leroux, 1899.
PANTENS (Christiane), Manuscrits à peintures 1460-1486, Bruxelles,
Bibliothèque Royale Albert Ier, 1989.
PEIGNOT (Gabriel), Catalogue d'une partie des livres composant la biblio-
thèque des ducs de Bourgogne au XVe siècle, 2de éd. rev. et augm., Dijon, V.
Lagier, 1841.
POPOFF (Michel) [e. a.], Index général des manuscrits décrits dans le
catalogue général des manuscrits des bibliothèques de France, 3 vol., Paris,
Référence, 1993.
PROU (Maurice), Manuel de paléographie. Recueil de fac-similés d'écritures
du Ve au XVIIe siècle (manuscrits latins, français et provencaux), Paris,
Picard, 1904.
RIS-PAQUOT (Oscar Edmond), Dictionnaire encyclopédique des marques et
monogrammes, chiffres, lettres, initiales, signes figuratifs, (.…) contenant
12.156 marques, etc., 2 t., Paris, Henri Laurens, s.d.
SORBELLI (Dott. Albano), /Inventario dei manoscritti delle biblioteche d'Ita-
lia, vol. XX VII, Firenze, Leo S. Olschki, 1923.
The Poetical Works of Alain Chartier. Edited by J.C. Laidlaw, Cambridge,
Cambridge University Press, 1974.
VAN DEN GHEYN (Jean), Album belge de paléographie : recueil de
spécimens d'écritures d'auteurs et de manuscrits belges (VIle-XVIe siècles),
Bruxelles, Vandamme et Rossignol, 1908.

183
ID., Catalogue des manuscrits de la Bibliothèque Royale de Belgique, t.VII :
Histoire des pays : Allemagne, Angleterre, Autriche, Belgique (Histoire
générale), Bruxelles, Henri Lamertin, 1907 (Ministère des sciences et des
arts).
VERNET (André) et GENEVOIS (Anne-Marie), La Bible au Moyen Âge F
bibliographie, Paris, CNRS, 1989 (CNRS. Centre régional de publication de
Paris).
VIDIER (A.) et PERRIER (P.), Catalogue général des manuscrits français.
Table générale alphabétique des anciens et nouveaux fonds (n° 1-33264) et
des nouvelles acquisitions (n° 1-10000), t. I (C et D), t. IV (L et M), Paris, E.
Leroux, 1937.
WALTON (Th.), «Note sur le manuscrit 871 de la Bibliothèque municipale de
Grenoble», dans Romania, t. LIV, 1928, pp. 465-475.
WOLEDGE (Brian), Bibliographie des romans et nouvelles en prose fran-
çaise antérieurs à 1500, Genève, Droz, 1954 (Société des publications
romanes et françaises, XL).

* Chastelain

Nous ne mentionnons que les ouvrages que nous avons consultés personnelle-
ment. Pour une bibliographie complète sur George Chastelain, nous renvoyons
le lecteur aux bibliographies de J.-CI. Delclos, S. Bliggenstorfer et à l'article de
J. Dufournet.

BONENFANT (Paul), «Chastellain fut-il chevalier de la Toison d'Or ?», dans


Revue belge de Philologie, t. XXV, 1946-47, pp. 143-144.
BUCHON (J.A.C.), Choix de chroniques et mémoires de l'histoire de France.
Avec notices biographiques (..….), Paris, Panthéon Littéraire, 1842 (Panthéon
littéraire. Littérature française. Histoire).
CHASTELLAIN (Georges), Chronique des ducs de Bourgogne publiée pour
la première fois par J.A.C. Buchon, 2 vol., Paris, Verdière, 1827.
CHASTELLAIN (Georges), Oeuvres complètes. Publiées par la baron Kervyn
de Lettenhove, 8 vol., Bruxelles, Heussner, 1863-1868 (Académie royale de
Belgique. Commission pour la publication des oeuvres des grands écrivains).
CHASTELAIN (George), Le Temple de Bocace. Edition commentée par
Susanna Bliggenstorfer, Berne, Francke, 1988 (Romanica Helvetica, 104).
CHASTELAIN (George), Chronique : les fragments du Livre IV révélés par
l'Additional Manuscript 54156 de la British Library. Edition de Jean-Claude
Delclos, Genève, Droz, 1991 (TLF, 394).

184
de REIFFENBERG, Chronique métrique de Chastellain et de Molinet, avec
des notices sur ces auteurs et des remarques sur le texte corrigé, Bruxelles,
J.M. Lacrosse, 1836.
DELCLOS (Jean-Claude), Le témoignage de Georges Chastellain, historio-
graphe de Philippe le Bon et de Charles le Téméraire, Genève, Droz, 1980
(Publications romanes et françaises, CLV).
DROZ (E.) et DALBANNE (C.), «Le Miroir de Mort de Georges Chastel-
lain», dans Gütenberg Jahrbuch, 1928, pp.89-92.
DUFOURNET (Jean), «Retour à Georges Chastelain» , dans Le Moyen Âge,
88, 1982, pp. 329-342.
HOMMEL (Luc), Chastellain 1415-1474, Bruxelles, La Renaissance du Li-
vre, 1945 (Notre Passé. Série 3, 2).
HOMMEL (Luc), Pages choisies de Chastellain : avec introduction et notes,
Paris, Editions universitaires, 1949.
JODOGNE (Omer), Compte rendu de l'ouvrage de Luc Hommel, dans Revue
d'histoire ecclésiastique, t. XLI, 1946, pp. 141-142.
MARTINEAU-GÉNIEYS (Christine), «George Chastelain (1405 ? 1415 ? -
1475)», dans op. cit., pp. 191-219.
PEROUSE (Gabriel), Georges Chastellain : étude sur l'histoire politique et
littéraire du XVe siècle, Bruxelles, Hayez, 1910 (Académie Royale de
Belgique. Classe des lettres et des sciences morales et politiques et classe des
Beaux-Arts. Mémoires. Collection in-8. 2e série 7/1).
PINCHART (Alexandre), «Notes inédites sur Georges Chastelain et Julien
Fossetier», dans Archives des arts, sciences et lettres : documents inédits, 2
vol., Gand, Hebbelynck, 1860-1863.
SANDKOVITCH (Tilde), «Death and Mole : Two Fifteenth Century Dances
in the Middle Ages», dans Fifteenth Century Studies, vol. 2, 1979, pp. 211-
2UE
SAULNIER (V.L.), «Sur George Chastelain poète et les rondeaux qu'on lui
attribua», dans Mélanges de langue et de littérature du Moyen Âge et de la
Renaissance offerts à Jean Frappier, t. I, Genève, Droz, 1970 (Publications
romanes et françaises, CXID), pp.987-1000.
SMALL (Graeme), «Georges Chastelain à Valenciennes», dans Valentiana,
n°4, décembre 1989, pp. 26-31.
URWIN (Kenneth), Georges Chastelain : la vie, les oeuvres, Paris, Impr.
Pierre André, 1937.
VALLET DE VIRIVILLE (A.), Compte rendu de l'édition Kervyn de Letten-
hove, dans Journal des savants, 1867, pp. 186-188.
VAN HEMELRYCK (Tania), «Villon lecteur de Chastelain ?», dans Les
Lettres romanes, vol. 48, 1994, n° 1-2, pp. 3-15.

185
* Principes d'édition

BEDIER (Joseph), «De l'édition princeps de la Chanson de Roland aux édi-


tions les plus récentes : nouvelles remarques sur l'art d'établir les anciens tex-
tes», dans Romania, t. LXIV, 1938, pp. 145-224 et 489-521.
CERQUIGLINI (Bernard), Eloge de la variante. Histoire critique de la
philologie, Paris, Seuil, 1989 (Des travaux).
COLLOMP (Paul), La critique des textes, Paris, Belles Lettres, 1931
(Publications de la Faculté des Lettres de l'Université de Strasbourg. Série
initiation et méthode 6).
FOULET (Alfred) et SPEER (Mary B.), On Editing Old French Texts,
Lawrence, The Regent Press of Kansas, 1979.
KNUDSON (Ch. A.), «The Publication of Old French Texts : some Comments
and Suggestions», dans Speculum, XXIV, 1949, pp. 510-515.
LECOY (Félix), Critique et philologie, Montréal, CERES, 1984 (Le moyen
français, 12).

186
TABLE DES MATIÈRES

AVANT-PROPOS
INTRODUCTION
CHAPITRE I : l'auteur
CHAPITRE II : introduction thématique
CHAPITRE III : l'oeuvre
CHAPITRE IV : les manuscrits du Miroir de Mort
CHAPITRE V : étude linguistique de L
CHAPITRE VI: versification
CHAPITRE VII: critique de l'édition Kervyn de Lettenhove
CHAPITRE VIII : principes d'édition

LE MIROIR DE MORT
NOTES EXPLICATIVES 105
GLOSSAIRE SÉLECTIF 161
INDEX DES NOMS PROPRES 169
BIBLIOGRAPHIE mil
TABLE DES MATIÈRES 187

187
Imprimerie OLEFFE - 1490 Court-Saint-Etienne - Belgique - Tél. 010 /61.23.56
… COLLECTION «TEXTES, ÉTUDES, CONGRÈS»
publiée par l'Institut d'Études Médiévales de l'Université Catholique de Louvain

Volumes parus et disponibles :

1. M.-Th. LACROIX, L'hôpital St-Nicolas du Bruille (St-André) à Tournai. De sa fondation à sa mutation en


cloître (+ 1230-1611), 2 vol., 1977, 1044 p., 55 cartes et plans, 64 reprod. photogr. 2000 FB

3. R. CELLI, Pour l'histoire des origines du pouvoir populaire. L'expérience des villes-états italiennes (XIe-XIIe
s.), 1980, 70 p. 300 FB

4. Ph. GODDING et J. PYCKE, La Paix de Valenciennes de 1114. Commentaire et édition critique, 1981, 142 p. +
graph. 450 FB

6. PIERRE CRAPILLET, Recteur de l'Hôpital du Saint-Esprit de Dijon. Le «Cur Deus Homo» d'Anselme de
Canterbury et le «De arrha animae» d'Hugues de Saint-Victor traduits pour Philippe le Bon. Textes établis et
présentés par R. BULTOT et G. HASENORR, 1984, 462 p. et 9 ill. h.-t. Cet ouvrage a obtenu le prix de la Grange
de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres de France. 2950 FB

8. C. DELUZ, Le livre de Jehan de Mandeville. Une «Géographie» au XIVe siècle, 1988, LIX-511 p., cartes, 21 ill.
h.-t. 2200 FB

9. J. LEMAIRE, Introduction à la codicologie, 1989, XI-265 p., 67 reprod. sur 48 pl. h.-t. 1500 FB

10. Le travail au Moyen Âge. Une approche interdisciplinaire. Actes du Colloque International de Louvain-la-
Neuve, 21-23 mai 1987, édités par J. HAMESSE et C. MURAILLE-SAMARAN, 1990, VIIT-440 p. et 24 ill. h.-t.
1950 FB

11. Rencontres de cultures dans la philosphie médiévale. Traductions et traducteurs de l'Antiquité tardive au XIVe
siècle, édités par J. HAMESSE et M. FATTORI, 1990, VIII-402 p. et 8 ill. h.-t. 1750FB

12. B.-M. TOCK, Une chancellerie épiscopale au XIIe siècle : le cas d'Arras, 1992, XVIII-210 p. et 8 ill. h.-t.
1500 FB

13. Les problèmes posés par l'édition critique des textes anciens et médiévaux, édité par J. HAMESSE, 1992, XIII-
522 p. et 24 ill. h.-t. 2450FB

14. De l'homélie au sermon. Histoire de la prédication médiévale, Actes du Colloque International de Louvain-la-
Neuve, 9-11 juillet 1992, édités par J. HAMESSE et X. HERMAND, 1993, VIII-380 p. 1750 FB

15. Les métiers au Moyen Âge. Aspects économiques et sociaux, Actes du Colloque International de Louvain-la-
Neuve, 7-9 octobre 1993, édités par P. LAMBRECHITS et J.-P. SOSSON, 1994, XII-430 p. 2450 FB

16. Manuels, programmes de cours et techniques d'enseignement dans les universités médiévales, Actes du
Colloque International de Louvain-la-Neuve, 9-11 septembre 1993, édités par J. HAMESSE, XXII-477 p., 66
reprod. sur 15 pl. 2450 FB

Les commandes sont à adresser à :

BREPOLS Publishers ou Institut d'Études Médiévales


Steenweg op Tielen, 68 Collège Erasme-Place Blaise Pascal, 1
B - 2300 TURNHOUT B-1348 LOUVAIN-LA-NEUVE

Les prix sont TVA non comprise


George Chastelain est surtout connu comme le premier indiciaire des
ducs de Bourgogne. Mais le chroniqueur de Philippe le-Bon était également un
poète salué comme un maître jusqu'à la génération de Clément Marot. Son
oeuvre poétique n'égale certes pas l'ampleur de sa Chronique, mais elle est
riche en textes où la qualité de la versification va de pair avec la hauteur de la
pensée. Dans cet ensemble, le Miroir de Mort est une pièce remarquable et
souvent peu remarquée, tant ce versant de sa production a été délaissé par la
critique, faute peut-être d'une édition sûre et d'accès aisé.

Centré sur le thème de la mort, ce poème didactico-moral se présente


comme la parfaite synthèse des différentes expressions du macabre propre au
XVe siècle. Ainsi, le Miroir de Mort brasse les thèmes du contemptus mundi,
de l'ars moriendi, du pulvis es, de l'ubi sunt, des Neuf Preux et Preuses avec
une rare ingéniosité.

Ce poème intéressera les philologues et les historiens, mais aussi tous


ceux qui sont curieux des attitudes médiévales face à la mort. Il prouve que le
«Grand George» possédait une sensibilité qui le range aux côtés des poètes de
la densité verbale. Le Miroir de Mort est digne du grand indiciaire, qui fut
aussi chef de file des «Grands Rhétoriqueurs».

Le Miroir de Mort reçoit ici sa première édition critique commentée,


qui recense l'ensemble des onze manuscrits connus.

Tania Van Hemelryck, licenciée en philologie romane, est boursière-


chercheuse à l'Université Catholique de Louvain. Après avoir consacré son
mémoire de licence à l'édition du Miroir de Mort, elle prépare actuellement une
thèse de doctorat sur le thème de la paix dans la littérature française du XVe
siècle.

Illustration : B.N. ms. fr. 1816 f° 1 r°

Vous aimerez peut-être aussi