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Droit administratif

Droit administratif
26 e édition

2016

Jean Waline
Professeur émérite de l'Université Robert-Schuman de Strasbourg

Ancien président de l'Université


MENTIONS LÉGALES

31-35 rue Froidevaux, 75685 Paris cedex 14

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© Éditions Dalloz-2016
ISBN numérique : 978-2-247-16586-5
ISBN papier : 978-2-247-16193-5
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TABLE DES MATIÈRES

ABRÉVIATIONS

PRÉFACE DE LA 22E ÉDITION

PRÉLIMINAIRES

BIBLIOGRAPHIE GÉNÉRALE
A. Traités et précis
B. Répertoires et collections
C. Mélanges
D. Revues
E. Jurisprudence
F. Textes
G. Avis
H. Droit administratif européen
I. Bases de données juridiques
INTRODUCTION GÉNÉRALE

Section 1. DÉFINITIONS ET NOTIONS DE BASE


§ 1. L'Administration
§ 2. Le droit administratif
§ 3. La science administrative

Section 2. LA FORMATION HISTORIQUE DU RÉGIME ADMINISTRATIF FRANÇAIS


§ 1. L'œuvre de l'an VIII
§ 2. Les facteurs d'évolution
§ 3. Les résultats de l'évolution

Section 3. LES CLÉS DU DROIT ADMINISTRATIF


§ 1. Le principe de séparation des autorités administrative et judiciaire
§ 2. La dérogation au droit commun
§ 3. Le principe de légalité
§ 4. Le contrôle de l'Administration

PREMIÈRE PARTIE LES ORGANES DE L'ACTION ADMINISTRATIVE

SOUS-PARTIE 1 LES ORGANES DE DROIT PUBLIC

CHAPITRE 1 LES NOTIONS FONDAMENTALES DE L'ORGANISATION ADMINISTRATIVE

Section 1. ÉTAT UNITAIRE ET ÉTAT FÉDÉRAL

Section 2. CENTRALISATION ET DÉCENTRALISATION

Section 3. LA DÉCONCENTRATION

Section 4. LE CONTRÔLE ADMINISTRATIF ET FINANCIER

CHAPITRE 2 THÉORIE GÉNÉRALE DES PERSONNES PUBLIQUES

Section 1. LA PERSONNALITÉ MORALE

Section 2. LA DISTINCTION DES PERSONNES MORALES DE DROIT PUBLIC ET DE DROIT PRIVÉ


§ 1. Les personnes morales de droit privé
§ 2. Les personnes morales de droit public

Section 3. L'ÉVOLUTION DE LA DISTINCTION ENTRE PERSONNES MORALES PUBLIQUES


ET PRIVÉES
§ 1. L'évolution des personnes morales de droit privé
§ 2. L'évolution des personnes morales de droit public

TITRE 1 L'ADMINISTRATION D'ÉTAT

CHAPITRE 1 L'ADMINISTRATION CENTRALE DE L'ÉTAT

Section 1. LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE


§ 1. L'évolution des rôles respectifs du Président de la République et du chef du Gouvernement
§ 2. Les attributions administratives
§ 3. Les services de la Présidence de la République

Section 2. LE PREMIER MINISTRE


§ 1. Les attributions administratives
§ 2. Les services du Premier ministre

Section 3. LES MINISTRES


§ 1. Les attributions administratives
§ 2. L'organisation-type d'un ministère

Section 4. LES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES


§ 1. La vogue des Autorités administratives indépendantes
§ 2. Les pouvoirs des Autorités administratives indépendantes
§ 3. Le contrôle des Autorités administratives indépendantes

Section 5. LES AGENCES

Section 6. LA COORDINATION DE L'ACTION DES AUTORITÉS CENTRALES

CHAPITRE 2 L'ADMINISTRATION TERRITORIALE DE L'ÉTAT

Section 1. L'ESSOR DE LA DÉCONCENTRATION

Section 2. LES SERVICES RÉGIONAUX DE L'ÉTAT


§ 1. La résolution des problèmes posés par la loi du 16 janvier 2015
§ 2. Les organes de la circonscription régionale
§ 3. Les compétences de la circonscrition régionale

Section 3. LES SERVICES DÉPARTEMENTAUX DE L'ÉTAT


§ 1. Le préfet
§ 2. Les services du préfet

Section 4. L'ARRONDISSEMENT

Section 5. LA COMMUNE

CONCLUSION LA RÉFORME DE L'ÉTAT

TITRE 2 LES PERSONNES ADMINISTRATIVES SPÉCIALISÉES

SOUS-TITRE 1 LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

CHAPITRE 1 L'ÉVOLUTION DE LA DÉCENTRALISATION DEPUIS 1958

Section 1. LA DÉCENTRALISATION DANS LA CONSTITUTION DE 1958

Section 2. LA DÉCENTRALISATION DANS LA LOI DU 2 MARS 1982


§ 1. Le volet organique et fonctionnel
§ 2. La répartition des compétences entre l'État et les collectivités territoriales
§ 3. Le statut de la fonction publique territoriale

Section 3. LA RÉFORME OPÉRÉE À PARTIR DE LA LOI CONSTITUTIONNELLE DU 28 MARS 2003


§ 1. La codification du système existant
§ 2. Les innovations de la loi du 28 mars 2003
§ 3. La loi du 13 août 2004

Section 4. LE RAPPORT BALLADUR ET LA LOI DU 16 DÉCEMBRE 2010


Section 5. LES RÉFORMES DU GOUVERNEMENT AYRAULT
§ 1. La loi organique et la loi du 17 mai 2013
§ 2. La loi du 27 janvier 2014
§ 3. La loi organique et la loi du 14 février 2014

Section 6. LES RÉFORMES DU GOUVERNEMENT VALLS

CHAPITRE 2 LA COMMUNE

Section 1. ÉVOLUTION DU RÉGIME DES COMMUNES

Section 2. LE CONSEIL MUNICIPAL


§ 1. Composition.
§ 2. Élection
1. Communes de moins de 1 000 habitants
2. Communes de plus de 1 000 habitants
§ 3. Durée du mandat
§ 4. Statut des élus municipaux
§ 5. Fonctionnement
§ 6. Attributions

Section 3. LE MAIRE
§ 1. Statut
§ 2. Attributions

CHAPITRE 3 LE DÉPARTEMENT

Section 1. LE CONSEIL DÉPARTEMENTAL


§ 1. Évolution du mode d'élection du Conseil
§ 2. Le système de la loi du 17 mai 2013
§ 3. Fonctionnement
§ 4. Attributions

Section 2. LE PRÉSIDENT DU CONSEIL DEPARTEMENTAL


§ 1. Élection
§ 2. Attributions

Section 3. LES DÉPARTEMENTS D'OUTRE-MER


§ 1. Le système antérieur à la loi du 28 mars 2003
§ 2. Les innovations de la loi du 28 mars 2003

CHAPITRE 4 LA RÉGION

Section 1. L'ÉVOLUTION DU SYSTÈME RÉGIONAL


§ 1. Les premières ébauches
§ 2. La réforme de 1964
§ 3. Le projet de réforme de 1969
§ 4. La réforme de 1972
§ 5. La loi du 2 mars 1982
§ 6. La loi du 16 janvier 2015

Section 2. LES ASSEMBLÉES RÉGIONALES


§ 1. Le Conseil régional
§ 2. Le Conseil économique, social et environnemental régional

Section 3. LE PRÉSIDENT DU CONSEIL RÉGIONAL

Section 4. LES RÉGIONS À STATUT PARTICULIER


§ 1. La Corse
§ 2. Les régions d'Outre-Mer

CHAPITRE 5 LES COLLECTIVITÉS À STATUT PARTICULIER

Section 1. PARIS ET LA RÉGION D'ÎLE DE FRANCE


§ 1. L'évolution
§ 2. Les collectivités de la région parisienne
§ 3. Le régime de Paris
§ 4. L'administration régionale

Section 2. LES RÈGLES COMMUNES À PARIS, LYON ET MARSEILLE


§ 1. Les organes de l'arrondissement
§ 2. Les moyens de l'arrondissement
§ 3. Le régime électoral applicable à Paris, Lyon et Marseille

CHAPITRE 6 LE CONTRÔLE DE L'ÉTAT SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES


§ 1. Les contrôles administratifs
§ 2. Le contrôle financier

SOUS-TITRE 2 LES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS

CHAPITRE 1 LES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS SECTORIELS

Section 1. ÉVOLUTION

Section 2. L'ÉTABLISSEMENT PUBLIC CLASSIQUE


§ 1. Caractères généraux
§ 2. Régime juridique
§ 3. Modalités

Section 3. ÉTABLISSEMENT PUBLIC ET ENTREPRISE PUBLIQUE


§ 1. La notion d'entreprise publique
§ 2. Origines
§ 3. L'opération de nationalisation
§ 4. L'opération de privatisation
§ 5. L'économie des entreprises publiques
§ 6. Le régime juridique de l'entreprise
§ 7. La distinction des entreprises publiques, personnes publiques ou personnes privées

CHAPITRE 2 LES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS TERRITORIAUX

Section 1. LA FUSION DE COMMUNES ET LES COMMUNES NOUVELLES

Section 2. LA COOPÉRATION ENTRE LES COMMUNES


§ 1. Le syndicat de communes
§ 2. La communauté urbaine
§ 3. La communauté de communes
§ 4. La communauté d'agglomération
§ 5. Les métropoles
§ 6. Le Pôle Métropolitain

Section 3. LES TROIS MÉTROPOLES


§ 1. La Métropole du Grand Paris
§ 2. La Métropole de Lyon
§ 3. La Métropole Aix-Marseille-Provence

Section 4. LES RÈGLES COMMUNES À TOUS LES EPCI

Section 5. LA COOPÉRATION INTERDÉPARTEMENTALE

Section 6. LA COOPÉRATION INTERRÉGIONALE

Section 7. LA COOPÉRATION TRANSFRONTALIÈRE

SOUS-TITRE 3 LES AUTRES PERSONNES PUBLIQUES SPÉCIALISÉES

Section 1. LA BANQUE DE FRANCE

Section 2. LES GROUPEMENTS D'INTÉRÊT PUBLIC


Section 3. L'AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS

SOUS-PARTIE 2 LES ORGANES DE DROIT PRIVÉ

CHAPITRE 1 LES ORGANISMES PRIVÉS GÉRANT UN SERVICE PUBLIC

Section 1. L'INVESTITURE CONTRACTUELLE

Section 2. L'INVESTITURE LÉGALE OU RÉGLEMENTAIRE


§ 1. L'apparition du phénomène
§ 2. Les catégories de personnes privées assumant le service public
§ 3. Régime juridique

Section 3. L'AIDE DE L'ADMINISTRATION AUX ACTIVITÉS PRIVÉES D'INTÉRÊT GÉNÉRAL

CHAPITRE 2 LES ENTREPRISES PUBLIQUES EN FORME DE SOCIÉTÉS COMMERCIALES

Section 1. LES SOCIÉTÉS NATIONALES

Section 2. LES SOCIÉTÉS D'ÉCONOMIE MIXTE

CHAPITRE 3 LES ORDRES PROFESSIONNELS

DEUXIÈME PARTIE L'ACTION DE L'ADMINISTRATION

TITRE 1 LE PRINCIPE DE LÉGALITÉ

CHAPITRE 1 LA LÉGALITÉ EN PÉRIODE ORDINAIRE

Section 1. LES DIFFÉRENTES SOURCES DE LA LÉGALITÉ


§ 1. La Constitution
§ 2. Les lois organiques
§ 3. Les traités internationaux
§ 4. Les règles communautaires européennes
§ 5. La Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales
§ 6. La loi et le règlement
A. Le domaine de la loi avant 1958
B. La distinction de la loi et du règlement dans la Constitution de 1958
C. La codification des lois et règlements
§ 7. Les ordonnances de l'article 38
§ 8. La règle jurisprudentielle et les principes généraux du droit
A. La jurisprudence
B. Les principes généraux du droit
§ 9. Le pouvoir réglementaire

Section 2. LA HIÉRARCHISATION DES SOURCES DE LA LÉGALITÉ


§ 1. Le contrôle de la conformité des traités internationaux et du droit communautaire à
la Constitution
§ 2. Le contrôle de la constitutionnalité des lois
§ 3. Le contrôle de la conformité de la loi aux traités internationaux

CHAPITRE 2 LA LÉGALITÉ DANS LES PÉRIODES EXCEPTIONNELLES

Section 1. LA LÉGALITÉ DE CRISE ORGANISÉE PAR UN TEXTE


§ 1. L'article 16 de la Constitution
§ 2. L'état de siège
§ 3. L'état d'urgence

Section 2. LA THÉORIE JURISPRUDENTIELLE DES CIRCONSTANCES EXCEPTIONNELLES

CHAPITRE 3 LE PROBLÈME DES ACTES DE GOUVERNEMENT

Section 1. L'ÉVOLUTION DE LA CATÉGORIE DES ACTES DE GOUVERNEMENT


§ 1. Le mobile politique
§ 2. La liste des actes de Gouvernement
Section 2. L'INTERPRÉTATION DE CES SOLUTIONS
§ 1. L'introuvable acte de gouvernement
§ 2. L'acte de gouvernement exercice de la fonction gouvernementale

TITRE 2 LES MISSIONS DE L'ADMINISTRATION

SOUS-TITRE 1 LA POLICE ADMINISTRATIVE


§ 1. Les buts de la police administrative
§ 2. Les procédés de police
§ 3. L'aménagement du pouvoir de police
§ 4. Les limites du pouvoir de police

SOUS-TITRE 2 LE SERVICE PUBLIC

CHAPITRE 1 THÉORIE GÉNÉRALE DU SERVICE PUBLIC

Section 1. DÉFINITION
§ 1. Les diverses acceptions reçues
§ 2. Le service public et l'intérêt général
§ 3. Le service public relève d'une personne publique

Section 2. LE RÉGIME JURIDIQUE DES SERVICES PUBLICS


§ 1. La remise en question de la définition du service public par la gestion publique
§ 2. Les principes fondamentaux du service public

Section 3. SERVICES PUBLICS ET DROIT COMMUNAUTAIRE

CHAPITRE 2 LES MODES DE GESTION DES SERVICES PUBLICS

Section 1. LES SERVICES EN RÉGIE

Section 2. LES CONTRATS DE CONCESSION

Section 3. LA CONCESSION DE SERVICE PUBLIC


§ 1. caractères généraux
§ 2. L'acte de concession
§ 3. Les obligations du concessionnaire
§ 4. Les droits du concessionnaire
§ 5. Le contentieux de la concession
§ 6. La fin de la concession

TITRE 3 LES ACTES DE L'ADMINISTRATION

CHAPITRE 1 LA DÉCISION EXÉCUTOIRE

Section 1. LA NOTION DE DÉCISION EXÉCUTOIRE


§ 1. Actes juridiques, opérations matérielles et actes décisoires
§ 2. L'acte d'une autorité publique administrative

Section 2. LA CLASSIFICATION DES DÉCISIONS EXÉCUTOIRES

Section 3. LA SAISINE DE L'ADMINISTRATION

Section 4. L'ÉLABORATION DE LA DÉCISION EXÉCUTOIRE


§ 1. La compétence
§ 2. La procédure d'élaboration de la décision

Section 5. L'APPLICATION DE LA DÉCISION EXÉCUTOIRE


§ 1. L'entrée en vigueur
§ 2. L'accès aux documents administratifs
§ 3. L'absence de rétroactivité
§ 4. Les effets de la décision exécutoire

Section 6. LA FIN DE LA DÉCISION EXÉCUTOIRE

Section 7. LA VALIDITÉ DES DÉCISIONS EXÉCUTOIRES


§ 1. Les degrés dans l'invalidité
§ 2. La constatation de l'invalidité

CHAPITRE 2 LES CONTRATS ADMINISTRATIFS

Section 1. CARACTÈRES GÉNÉRAUX DES CONTRATS ADMINISTRATIFS


§ 1. Critères du contrat administratif
§ 2. Le régime du contrat administratif

Section 2. LA FORMATION DU CONTRAT ADMINISTRATIF


§ 1. Les limitations apportées à la liberté contractuelle
§ 2. Les atteintes à l'égalité des contractants

Section 3. L'EXÉCUTION DES CONTRATS ADMINISTRATIFS


§ 1. Les prérogatives de l'administration
§ 2. Le principe de l'équilibre financier du contrat
SECTION 4. LA RESPONSABILITÉ CONTRACTUELLE.
§ 1. La responsabilité contractuelle pour faute
§ 2. La responsabilité contractuelle sans faute

Section 5. LA FIN DU CONTRAT ADMINISTRATIF

TITRE 4 LA RESPONSABILITÉ ADMINISTRATIVE

CHAPITRE 1 L'ÉVOLUTION DU DROIT DE LA RESPONSABILITÉ DE LA PUISSANCE PUBLIQUE

Section 1. LA SITUATION INITIALE : L'IRRESPONSABILITÉ

Section 2. L'ABANDON DE L'IRRESPONSABILITÉ

Section 3. LA SUBSTITUTION DE LA RESPONSABILITÉ DE L'ÉTAT À CELLE DE SON AGENT

Section 4. L'AMÉNAGEMENT DU RÉGIME DE LA RESPONSABILITÉ

CHAPITRE 2 LES CONDITIONS DE LA RESPONSABILITÉ DES PERSONNES PUBLIQUES

Section 1. LE DOMMAGE

Section 2. L'IMPUTABILITÉ

CHAPITRE 3 LA RESPONSABILITÉ POUR FAUTE

Section 1. LA FAUTE DU SERVICE

Section 2. LE DEGRÉ DE GRAVITÉ DE LA FAUTE : LE PROBLÈME DE LA FAUTE LOURDE

Section 3. LA PREUVE DE LA FAUTE

CHAPITRE 4 LA RESPONSABILITÉ SANS FAUTE

Section 1. LE FONDEMENT DE LA RESPONSABILITÉ SANS FAUTE

Section 2. LA RESPONSABILITÉ SANS FAUTE D'ORIGINE JURISPRUDENTIELLE

Section 3. LA RESPONSABILITÉ SANS FAUTE D'ORIGINE LÉGISLATIVE

Section 4. L'INDEMNISATION DES VICTIMES DU SIDA

Section 5. L'AVENIR DE LA RESPONSABILITÉ SANS FAUTE

Section 6. L'INDEMNISATION DE L'ALÉA THÉRAPEUTIQUE

CHAPITRE 5 LA RESPONSABILITÉ DES AGENTS POUR FAUTE PERSONNELLE

Section 1. LA FAUTE PERSONNELLE

Section 2. LES MODALITÉS DE L'ENGAGEMENT DE LA RESPONSABILITÉ DE L'AGENT

CHAPITRE 6 LA RESPONSABILITÉ DE L'ÉTAT EN DEHORS DE L'ACTION DU POUVOIR EXÉCUTIF

Section 1. RESPONSABILITÉ À RAISON DES ACTES DU POUVOIR LÉGISLATIF

Section 2. RESPONSABILITÉ DU FAIT DE LA FONCTION JURIDICTIONNELLE


TROISIÈME PARTIE LE CONTRÔLE DE L'ADMINISTRATION

TITRE 1 LE CONTRÔLE NON JURIDICTIONNEL DE L'ADMINISTRATION

Section 1. LE CONTRÔLE INTERNE À L'ADMINISTRATION


§ 1. Les recours administratifs
§ 2. Les corps d'inspection
§ 3. La mise en jeu de la responsabilité disciplinaire

Section 2. LE DÉFENSEUR DES DROITS


§ 1. Nomination et statut
§ 2. Organisation
§ 3. Compétence
§ 4. Saisine
§ 5. Pouvoirs du Défenseur
§ 6. Appréciation

Section 3. LE CONTRÔLE PARLEMENTAIRE DE L'ADMINISTRATION

TITRE 2 LE CONTRÔLE JURIDICTIONNEL DE L'ADMINISTRATION

CHAPITRE 1 LA DUALITÉ DES ORDRES DE JURIDICTION

Section 1. L'ORIGINE DE LA DUALITÉ DES ORDRES DE JURIDICTION

Section 2. LE TRIBUNAL DES CONFLITS


§ 1. Composition
§ 2. Fonctionnement
§ 3. Compétences

Section 3. LA RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION


Sous-section 1. Les règles législatives
Sous-section 2. Les règles jurisprudentielles
§ 1. L'évolution du critère de compétence
§ 2. Le système actuel de répartition des compétences

CHAPITRE 2 LES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES

Section 1. L'ÉVOLUTION DE LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE


§ 1. La réforme de 1953
§ 2. La réforme de 1987
§ 3. Les réformes de 1995
§ 4. Les problèmes actuels
§ 5. La prévention du contentieux

Section 2. LES TRAITS GÉNÉRAUX DE LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE


§ 1. Séparation des juges administratifs et des administrateurs actifs
§ 2. Compétence consultative des juridictions administratives
§ 3. Caractère constitutionnel de la juridiction administrative

Section 3. LE CONSEIL D'ÉTAT


§ 1. La composition du Conseil d'État
§ 2. L'organisation du Conseil d'État
§ 3. Les attributions du Conseil d'État

Section 4. LES COURS ADMINISTRATIVES D'APPEL


§ 1. Composition et organisation
§ 2. Recrutement
§ 3. Carrière et statut
§ 4. Compétence

Section 5. LES TRIBUNAUX ADMINISTRATIFS


§ 1. Organisation
§ 2. Recrutement et statut
§ 3. Attributions

CHAPITRE 3 LES RECOURS CONTENTIEUX

Section 1. CARACTÈRES GÉNÉRAUX DES RECOURS CONTENTIEUX

Section 2. LES DIVERS TYPES DE RECOURS CONTENTIEUX

Section 3. LE RECOURS POUR EXCÈS DE POUVOIR


Sous-section 1. Développement et caractères
Sous-section 2. Les conditions de recevabilité du recours pour excès de pouvoir
§ 1. La nature de l'acte
§ 2. La personne du requérant
§ 3. Procédure, formes, délais
§ 4. Absence de recours parallèle
Sous-section 3. Les cas d'annulation
§ 1. Généralités
§ 2. L'incompétence
§ 3. Le vice de forme
§ 4. Le détournement de pouvoir
§ 5. La violation de la loi
Sous-section 4. Le jugement du recours
§ 1. Les particularités de la procédure
§ 2. Contenu et effets du jugement
§ 3. Les voies de recours

CHAPITRE 4 LA PROCÉDURE DEVANT LES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES

Section 1. TRAITS GÉNÉRAUX


§ 1. Les principes
§ 2. Caractères généraux

Section 2. LES GRANDES LIGNES DE L'INSTANCE


§ 1. La règle de la décision préalable
§ 2. L'introduction de l'instance
§ 3. Les mesures d'urgence : les référés
§ 4. L'instruction de l'affaire
§ 5. Le jugement

Section 3. LES VOIES DE RECOURS CONTRE LES DÉCISIONS DES JURIDICTIONS


ADMINISTRATIVES
CONCLUSION GÉNÉRALE

INDEX ALPHABÉTIQUE
ABRÉVIATIONS
AJDA Actualité juridique, Droit administratif
C. marchés Code des marchés publics
CRPA Code des relations entre le public et l'administration
CAA Cour administrative d'appel
Cons. const. Conseil constitutionnel
CE Conseil d'État
CEDH Cour européenne des droits de l'homme
CGCT Code général des collectivités territoriales
Chron. chronique
CJA Code de justice administrative
CJEG Cahiers juridiques électricité-gaz
CJCE Cour de justice des Communautés européennes
CJUE Cour de justice de l'Union européenne
D. Recueil Dalloz
Dr. adm. Droit administratif
Dr. soc. Droit social
DS Recueil Dalloz-Sirey
EDCE Études et documents du Conseil d'État
GACA Les grands arrêts du contentieux administratif.
GAJA Les grands arrêts de la jurisprudence administrative
Gaz. Pal. Gazette du Palais
GDCC Les grandes décisions du Conseil constitutionnel
JCP Juris-classeur périodique
JO Journal officiel de la République française
LPA Les petites affiches
Nouv. cah. CC Les Nouveaux Cahiers du Conseil Constitutionnel
PFRLR Principes fondamentaux reconnus par les lois de la République
RD publ. Revue du droit public
Rec. Recueil des arrêts du Conseil d'État (Lebon)
Rev. adm. Revue administrative
RFAP Revue française d'administration publique
RFD const. Revue française de droit constitutionnel
RFDA Revue française de droit administratif
RID comp. Revue internationale de droit comparé
RISA Revue internationale des sciences administratives
RPDA Revue pratique de droit administratif
RRJ Revue de la recherche juridique – Droit prospectif
RTD com. Revue trimestrielle de droit commercial
RTD eur. Revue trimestrielle de droit européen
S. Recueil Sirey
TA Tribunal administratif
T. confl. Tribunal des conflits
PRÉFACE DE LA 22 ÉDITION E

Cette 22e édition 1 du Précis Dalloz de Droit administratif se situe dans la continuité de l'ouvrage de Jean Rivero. Selon le
vœu qu'il avait lui-même formulé celui-ci a été refondu afin de suivre au plus près les évolutions qui ont marqué le droit
administratif au cours des dernières décennies et selon un plan d'exposé le plus simple possible.
Cette nouvelle édition s'efforce donc de rester fidèle à la méthode didactique à laquelle Jean Rivero était si passionnément
attaché : s'en tenir à l'essentiel, insister sur les notions fondamentales – même si cela devient de plus en plus difficile compte
tenu de l'évolution de notre système administratif – mais aussi, suivre au plus près les mutations profondes que connaît
actuellement le droit administratif français.
Ainsi, cet ouvrage doit beaucoup à Jean Rivero qui y reste très présent tant par la pensée que par l'écriture, et s'efforce de
rester fidèle au grand juriste et à l'Homme qu'il a été. Mais, les années ayant passé, il n'est plus possible de le mentionner
expressément en tant qu'auteur, ce qui conduirait à lui imputer des positions sur lesquelles, par la force des choses, il n'a pas
pu se prononcer.

Jean Waline
PRÉLIMINAIRES

I. – Le présent volume correspond à l'enseignement du droit administratif général tel qu'il est programmé en deuxième
année de DEUG dans les Facultés de Droit. La plupart des concours administratifs ne s'en écartent guère mais en raison de
ceux-ci, une place importante a été donnée à la description de l'organisation administrative française.
II. – Il n'y a, pour l'exposé d'une matière, qu'un bon plan : celui dans lequel chaque chapitre s'appuie sur les connaissances
acquises dans les chapitres antérieurs, et n'anticipe pas sur les développements suivants. Il est malheureusement impossible
de présenter le droit administratif selon cette méthode : l'allusion à ce qui ne sera analysé que plus tard y est, dès le début,
fréquente et inévitable. C'est pourquoi une longue introduction, destinée à initier le lecteur, dès l'abord, aux notions
fondamentales, a paru nécessaire ; les étudiants sont parfois portés à négliger ces préliminaires : c'est vouloir entrer dans une
maison tout en en refusant les clefs ; on peut y parvenir, mais cela demande beaucoup plus d'efforts. Cette présentation
synthétique des grands principes qui fondent le droit administratif, que l'on trouvera dans l'introduction générale, est, pour
cette raison, intitulée « Les clefs du droit administratif ».
III. – L'ouvrage étudiera, en trois parties, les organes de l'action administrative, puis les règles qui commandent l'action
de l'Administration et, enfin, le contrôle de l'Administration.
IV. – Dès les premières pages de tout ouvrage de droit administratif, on est amené à citer des arrêts de jurisprudence. Il
faut donc avertir le lecteur non initié que la jurisprudence joue, en droit administratif, un rôle plus créateur qu'en droit privé.
V. – Dans la plupart des universités les questions relatives aux personnes et aux biens que l'administration utilise pour son
action font l'objet d'un enseignement distinct et plus tardif, dispensé pendant les troisième et quatrième années des études
juridiques. Mais la théorie générale à laquelle est consacré cet ouvrage ne peut éviter les allusions à ces questions.
Que le lecteur soit donc averti :
1o que l'action de l'administration est exercée par des personnes physiques, les agents publics, régis par des statuts assez
divers, les principaux d'entre eux ayant la qualité de fonctionnaires publics soumis au Statut Général de la Fonction
publique.
2o que cette action requiert une masse considérable de biens de toute nature, dont les plus importants constituent le
domaine public. Les immeubles qui en font partie peuvent être acquis par le procédé autoritaire de l'expropriation pour cause
d'utilité publique. Leur aménagement et leur entretien constituent des travaux publics soumis à un régime particulier.
VI. – Cet ouvrage a été rédigé avec le parti pris de s'en tenir à l'essentiel, même si cela devient de plus en plus difficile en
raison de la complexité croissante de notre système administratif. On juge inutile, dans un « Précis », d'embarrasser les
étudiants en leur proposant à la fois des détails de réglementation ou de jurisprudence appelés à de fréquents changements, et
des notions fondamentales qui, elles, évoluent beaucoup plus lentement. C'est de celles-ci, et d'elles seules, que cet ouvrage
voudrait faciliter la compréhension, car c'est à partir d'elles que peuvent se comprendre les réformes incessantes et profondes
qui affectent aujourd'hui la discipline.
VII. – Depuis maintenant plus d'une décennie, en effet, les réformes ne cessent de se multiplier. Tout d'abord en raison
d'une véritable boulimie législative qui accumule des textes trop souvent pointillistes et mal rédigés. Mais aussi en raison du
développement du droit communautaire qui devient une source de plus en plus importante du droit administratif. C'est une
raison de plus pour maintenir la ligne de conduite définie plus haut, et s'attacher, plutôt qu'aux réglementations qui passent,
aux notions fondamentales dont la connaissance seule permet de prendre la mesure des réformes qui peuvent les mettre
en cause.
BIBLIOGRAPHIE GÉNÉRALE

On signalera, à propos des diverses questions, les principaux ouvrages ou articles qui leur sont consacrés. On se bornera à
indiquer ici les livres qui traitent du droit administratif dans son ensemble, et les revues ou recueils qui constituent les
instruments de base de tout travail en ce domaine.

A. Traités et précis

1o Ouvrages récents ou régulièrement mis à jour :


– Y. Gaudemet, Traité de droit administratif, Tome I (Théorie générale), 16e éd., 2001 ; T. II, 14e éd., 2011 ; T. III, A. de
Laubadère et J.C. Venezia, 6e éd., 1997 ; T. V, 11e éd. L'ensemble forme le tableau le plus complet du droit administratif
français. Droit administratif, LGDJ, 21e éd., 2015
– G. Braibant et B. Stirn, Le Droit administratif français, 7e éd., 2005.
– R. Chapus, Droit administratif général, T. I, 15e éd., 2001 (le tome II, 15e éd., 2001 porte sur le programme de
e
III année).
– J. Morand-Deviller, Cours de droit administratif, 13e éd., 2013.
– Ch. Debbasch et Fr. Colin, Droit administratif, 9e éd., 2010.
– G. Dupuis, M.-J. Guédon et P. Chrétien, Droit administratif, 10e éd. 2007.
– M. Rougevin-Baville, R. Denoix de Saint-Marc, D. Labetoulle, Leçons de droit administratif, 1989.
– J.-M. de Forges, Droit administratif, 4e éd., 1998.
– Ch. Guettier, Droit administratif, 3e éd., 2009.
– J.F. Lachaume, H. Pauliat et C. Deffigier, Droit administratif, 15e éd. 2010.
– J.F. Lachaume, H. Pouliat, C. Boiteau, C. Deffigier, Droit des services publics, 2e éd. 2015
– M. Lombard, G. Dumont et J. Sirinelli, Droit administratif, 11e éd. 2015.
– J.-Cl. Ricci, Droit administratif général, 5e éd. 2013
– J. L. Autin et C. Ribot, Droit administratif général, 4e éd. 2005.
– P. L. Frier et J. Petit, Précis de droit administratif, 8e éd. 2013.
– B. Seiller, Droit administratif, Tome I, 2013, Tome II, 2013.
– M. C. Rouault, Droit administratif, 2013.
– D. Truchet, Droit administratif, 5e éd., 2013.
Le volume de la Collection « Que sais-je ? », no 1152 consacré au Droit administratif par P. Weil et D. Pouyaud est une
excellente introduction à la matière (2013). Dans le même esprit : Pierre Delvolvé, Le droit administratif, 6e éd. 2014, et
B. Stirn, Les sources constitutionnelles du droit administratif, 8e éd. 2015.
On consultera aussi, en raison de l'étroite liaison entre la théorie générale et le contentieux administratif, les ouvrages
suivants :
– R. Odent, Cours de contentieux administratif, 6 fascicules, 1981.
– J.-M. Auby et R. Drago, Traité de contentieux administratif, 2 vol., 3e éd., 1984.
– J.-M. Auby et R. Drago, Traité des recours en matière administrative, 1992.
– R. Chapus, Droit du contentieux administratif, 13e éd., 2008.
– Ch. Debbasch et J.-C. Ricci, Contentieux administratif, 8e éd.
– O. Gohin, Contentieux administratif, 7e éd. 2012.
– B. Pacteau, Traité de contentieux administratif, 2008.
– B. Pacteau, Contentieux administratif, 7e éd. 2005.
– D. Turpin, Contentieux administratif, 5e éd., 2010.
– J. Lemasurier, Le contentieux administratif en droit comparé, 2001.
– G. Darcy et M. Paillet, Contentieux administratif, 2001.
– M. Guyomar et B. Seiller, Contentieux administratif, 2012.
– A. Courréges et S. Daël, Contentieux administratif, 4e éd. 2013.
– C. Broyelle, Contentieux administratif, 2e éd. 2013.
– J. Cl. Ricci, Contentieux administratif, 3e éd. 2012.
Il faut attirer l'attention des étudiants sur la nécessité de travailler sur la plus récente édition d'un ouvrage : la très grande
rapidité de l'évolution jurisprudentielle et législative imposant de constantes mises à jour.
2o Parmi les traités ou précis qui ne sont plus à jour, ceux qui sont cités ici conservent une grande importance, par la
valeur de leurs analyses juridiques, qui gardent leur actualité. Ce sont, d'après l'ordre chronologique de leur dernière édition :
– É. Laferrière, Traité de la juridiction administrative, 2 vol., 1896.
– L. Duguit, Traité de droit constitutionnel, 5 vol., 1921, 1928 (l'ouvrage fait une large place au droit administratif).
– M. Hauriou, Précis de droit administratif, 12e éd., 1933.
– G. Jèze, Principes généraux du droit administratif, 6 vol., 1925-1936.
– H. Berthélemy, Traité élémentaire de droit administratif, 13e éd., 1933, complété par : H. Berthélemy et Jean Rivero,
Cinq ans de réformes administratives, 1933-1938.
– R. Bonnard, Précis de droit administratif, 4e éd., 1943.
– P. Duez et G. Debeyre, Précis de droit administratif, 1952, mise à jour 1954.
– L. Rolland, Précis de droit administratif 11e éd., 1957.
– M. Waline, Droit administratif, 9e éd. ; 1963 Précis de droit administratif, T. I, 1969 ; T. II, 1970.
– F.-P. Bénoit, Le droit administratif français, 1968.
– J. Moreau, Droit administratif, 1989.
– G. Vedel et P. Delvolvé, Droit administratif, 12e éd., 1992, 2 vol.
3o On consultera avec profit les Cours polycopiés de doctorat de droit administratif de la Faculté de Droit de Paris. Ceux
de Ch. Eisenmann (1948 à 1973) ont été réunis et publiés en 2 volumes, 1982.
4o A. Van Lang, G. Gondouin et V. Inserguet-Brisset, Dictionnaire de droit administratif, 7e éd. 2015
– C. Guettier, Droit administratif (sous forme de dictionnaire), 6e éd., 2011.

B. Répertoires et collections

Les principaux répertoires sont le Répertoire de droit public et administratif (2 vol.), dans le cadre de l'Encyclopédie
juridique Dalloz, le Répertoire Dalloz de contentieux administratif, sous la direction de MM. Gazier et Drago, le Répertoire
Dalloz des collectivités locales, sous la direction de M. Bénoit, le Répertoire Dalloz de la responsabilité de la puissance
publique, le Juris-Classeur administratif (10 vol.) et le Juris-Classeur Collectivités Territoriales. La « Bibliothèque de droit
public » est une collection qui publie les principales thèses de droit administratif depuis 1956.

C. Mélanges

On désigne sous ce nom des recueils collectifs d'études publiés en hommage à un maître ou à une institution, et qui
abordent, dans la discipline à laquelle ils se sont consacrés, des sujets très variés. Pour le droit administratif, les principaux
sont : Livre jubilaire pour le 150e anniversaire du Conseil d'État, 1952 ; L'évolution du droit public, Mélanges Achille
Mestre, 1956 ; Mélanges Louis Trotabas, 1970 ; Mélanges Michel Stassinopoulos, 1974 ; Mélanges Marcel Waline, 2 vol.,
1974 ; Mélanges Charles Eisenmann, 1975 ; Mélanges Paul Couzinet, 1975 ; Mélanges Georges Burdeau, 1977 ; Mélanges
Robert Pelloux, 1980 ; Mélanges Robert Charlier, 1981 ; Mélanges Claude-Albert Colliard, 1984 ; Mélanges Paul-Marie
Gaudemet, 1984 ; Mélanges Georges Péquignot, 1984 ; Mélanges Jean Boulouis, 1991 ; Mélanges René Chapus, 1992 ;
Mélanges Jean-Marie Auby, 1992 ; Mélanges Guy Braibant, 1996 ; Mélanges Roland Drago, 1996 ; Mélanges Georges
Dupuis, 1997 ; Mélanges Gustave Peiser, 1995 ; Mélanges Jacques Robert, 1998 ; Mélanges Pierre Sandevoir, 2000 ;
Mélanges Jean Waline, 2002 ; Mélanges Louis Dubouis, 2002 ; Mélanges Benoît Jeanneau, 2002 ; Mélanges Jacques
Moreau, 2003 ; Mélanges Franck Moderne, 2004 ; Mélanges Paul Amselek, 2005 ; Mélanges Gérard Timsit, 2004 ;
Mélanges Michel Guibal (contrats publics), 2006 ; Mélanges Daniel Labetoulle, 2007 ; Mélanges Jean-François Lachaume,
2007 ; Mélanges Michel Prieur, 2007 ; Mélanges Jacqueline Morand-Deviller, 2008 ; Mélanges Yves Jégouzo, 2009 ;
Mélanges Jean-Arnaud Mazeres, 2009 ; Mélanges Jean-Paul Costa, 2011 ; Mélanges Étienne Fatôme ; 2011 ; Mélanges
Laurent Richer, 2013 ; Mélanges Marceau Long, 2016.
Les principaux articles publiés par les professeurs de Laubadère, Mathiot, Rivero et Vedel ont été réunis sous le titre
Pages de Doctrine, 1980.

D. Revues

Les principales publications périodiques exclusivement consacrées au droit administratif sont l'Actualité juridique (droit
administratif) qui donne chaque semaine, outre des articles de doctrine, le texte des principaux arrêts et une vue d'ensemble
de l'évolution législative et jurisprudentielle en matière administrative et, depuis 1984, la Revue française de droit
administratif, bimestrielle. D'autre part, l'importante Revue du droit public et de la science politique fait au droit
administratif une large place. La Revue administrative, la Revue internationale des sciences administratives, la Revue
française d'administration publique s'orientent plutôt vers les méthodes et l'organisation des administrations, sans négliger
pour autant leurs aspects juridiques. Droit social, la Revue internationale de droit comparé, Les Petites Affiches, Les Cahiers
juridiques de l'électricité et du gaz, publient également des articles de droit administratif. Cf. aussi les chroniques du Recueil
Dalloz, qui lui sont parfois consacrées. Enfin, le Conseil d'État, depuis 1947, publie, sous le titre Études et documents, un
recueil annuel qui est une source précieuse de doctrine et d'informations. De même paraissent, sous l'égide du Conseil
constitutionnel, les Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel (Dalloz).

E. Jurisprudence

L'étude des arrêts est fondamentale pour le droit administratif. Le Recueil Lebon paraît sous l'autorité du Conseil d'État
mais seules les décisions les plus importantes du Conseil d'État y sont désormais publiées ainsi que les décisions du Tribunal
des conflits (1 vol. par an). Le Recueil des décisions du Conseil constitutionnel paraît chaque année.
Les recueils de jurisprudence publient, à un rythme plus rapide, des décisions importantes, accompagnées en général, soit
des conclusions du Rapporteur public, soit d'une note doctrinale : Recueil Dalloz, Recueil Sirey (fusionnés depuis 1965),
Semaine juridique (dite aussi Jurisclasseur périodique), Gazette du Palais. Cf. surtout les arrêts commentés, et les analyses
de jurisprudence, de l'Actualité juridique (Droit administratif) et de la Revue française de droit administratif, et aussi ceux de
la Revue du droit public et de la science politique.
Le meilleur commentaire de la jurisprudence entre 1889 et 1926 est constitué par les notes d'arrêts d'Hauriou, recueillies
en 3 volumes sous le titre : La jurisprudence administrative. Les notes d'arrêt de Marcel Waline ont été publiées par les
éditions Dalloz en trois volumes (avec une préface de Daniel Labetoulle).
Enfin, les arrêts les plus importants sont réunis et commentés dans l'ouvrage de MM. Long, Weil, Braibant, Delvolvé et
Genevois, Les grands arrêts de la jurisprudence administrative, 20e éd., 2015, qui constitue, pour les étudiants, le
complément nécessaire du cours ou du manuel. C'est à la dernière édition de cet ouvrage que renvoient les références
données dans ce précis pour ceux des arrêts cités qui y sont rapportés sous le numéro qui leur est attribué. Dans la même
collection, la jurisprudence du Conseil constitutionnel est présentée dans un ouvrage créé par MM. Favoreu et Philipp, par
P. Gaïa, R. Chevontian, F. Mélin– Soucramanien, E. Oliva et A. Roux, Les grandes décisions du Conseil constitutionnel,
17e éd., 2013. Voir également, L. Touvet, J. Ferstenbert et C. Cornet, Les grands arrêts du droit de la décentralisation, 2e éd.,
2001 ; C. Franck, Les grandes décisions de la jurisprudence, droit constitutionnel, 2e éd., 2001 ; B. Genevois, La
jurisprudence du Conseil constitutionnel, Principes directeurs, STH, 1988 ; J.-Cl. Bonichot, P. Cassia et B. Poujade, Les
grands arrêts du contentieux administratif, 5e éd. 2016 ; C. Chamard-Heim, F. Melleray, R. Noguellou et Ph. Yolka : Les
grandes décisions du droit administratif, 2013.

F. Textes

La Librairie Dalloz publie régulièrement un « Code administratif » (37e éd., 2014) qui contient les principaux textes
législatifs et réglementaires concernant le droit administratif accompagnés d'un commentaire fort complet.
– J. M. et Y. B. Auby, Code de droit public, 1985.
– B. Stirn et S. Formery, Code de l'Administration commenté, Litec, 3e éd. 2008.
– Th. S. Renoux et M. de Villiers, Code constitutionnel, Litec, 1994.
– M. Lascombe, Code constitutionnel et des droits fondamentaux, 1re éd., 2012.

G. Avis

– Y. Gaudemet, B. Stirn, Th. Dal Farra, F. Rolin, Les grands avis du Conseil d'État, Dalloz, 3e éd., 2008.

H. Droit administratif européen

– J.-B. Auby et J. Dutheil de la Rochère, Droit administratif européen, Bruylant, 2e éd., 2014.
– M. Fromont, Droit administratif des États européens, 1re éd., 2006.
– B. Stirn, Vers un droit public européen, 2e éd. LGDJ, « Clefs ».

I. Bases de données juridiques

Depuis 1984 le service public des bases de données juridiques est chargé de rassembler et de mettre sous forme de bases
ou de banques de données informatiques la production jurisprudentielle et normative française et communautaire. Le site
Internet Legifrance a vocation à diffuser gratuitement les données juridiques publiques (www. legifrance. gouv. fr). Ce site
permet d'accéder, notamment à :
– www.journal-officiel.gouv.fr
– www.conseil-etat.fr
– www.service-public.fr
– www.conseil-constitutionnel.fr
La librairie Dalloz a mis en place le site :
– www.dalloz.fr
INTRODUCTION GÉNÉRALE

Le droit administratif, dont on entreprend l'exposé dans le présent ouvrage, n'est qu'une partie – même si celle-ci est
particulièrement importante – du droit public français qui avec le droit privé, constitue le système juridique de notre Pays.
Encore faut-il préciser, comme l'a relevé Ch. Eisenmann que cette distinction classique du droit public et du droit privé n'est
qu'une division d'objets d'étude ou d'enseignement dépourvue de prétention scientifique 2.
Mais il faut immédiatement souligner avec force que le contexte dans lequel se développe le système juridique français
qui les réunit connaît depuis plusieurs décennies une très profonde mutation dont on ne soulignera jamais assez
l'importance. En effet selon un système bien établi l'ensemble de nos règles de droit intervenait dans le cadre d'un État
souverain. Pour reprendre la formule de Carré de Malberg 3 : « Quand on dit que l'État est souverain, il faut entendre par là
que, dans la sphère où son autorité est appelée à s'exercer, il détient une puissance qui ne relève d'aucun autre pouvoir et qui
ne peut être égalée par aucun autre pouvoir ». Le propre de l'État était donc d'être souverain ce qu'affirmaient déjà les
anciens juristes français, à l'instar, par exemple, de Loyseau au début du XVIIe siècle : « La souveraineté de l'État est du tout
inséparable de l'État ». Or, la construction européenne a mis fin à ce système séculaire ; pour n'en donner qu'un seul exemple,
sur la base du Traité de Maastricht l'euro, monnaie unique se substituant au franc, est entré en vigueur en France à compter
du 1er janvier 1999, alors que l'un des attributs les plus caractéristiques de la souveraineté de l'État est précisément le droit de
battre monnaie. Ainsi, pour reprendre l'expression citée par J. Cl. Groshens 4, nous assistons à la « désouverainisation » de
l'État. De plus en plus souvent le droit administratif – comme d'ailleurs les autres branches du droit – se trouve soumis à des
règles qui s'imposent à nous de l'extérieur et qui ne sont que la conséquence des abandons de souveraineté consentis au profit
de l'Union européenne (v. ss 318 s.). Cela modifie profondément l'esprit et les règles de l'ensemble du droit
administratif français.

SECTION 1. DÉFINITIONS ET NOTIONS DE BASE


Le droit administratif apparaît, de prime abord, comme la branche du droit public qui régit l'administration. Mais cette
formule approximative doit être précisée ; pour ce faire, il est indispensable de définir l'administration et l'évolution de cette
notion (§ 1), et d'analyser les rapports entre l'administration et le droit (§ 2).

§ 1. L'Administration

1 Les acceptions courantes du mot ◊ Dans la langue courante, le mot désigne tantôt une activité – le fait
d'administrer, c'est-à-dire de gérer une affaire – tantôt l'organe – ou les organes – qui exercent cette activité. On dit : « la
bonne administration de telle entreprise », et aussi « il est entré dans l'administration des Finances ».
Dans ces deux sens – dont le premier est dit « matériel », le second « organique » – le mot s'emploie aussi bien pour les
affaires privées que pour les affaires publiques : l'un des organes directeurs des sociétés anonymes porte le nom de « Conseil
d'administration ».
Mais, en un sens plus étroit, et aussi plus courant, c'est à l'administration publique seule que ce mot se rapporte : quand on
parle en France de « l'Administration » tout court, avec une majuscule, on entend désigner un ensemble d'organes par
lesquels sont conduites et exécutées des tâches publiques. Dans cette perspective, l'administration est conçue tout à la fois
comme essentiellement différente de l'activité des particuliers et comme distincte de certaines autres formes de l'activité
publique : la législation, l'exercice de la Justice. C'est dans ces deux directions – par rapport à l'action des particuliers, par
rapport aux autres activités publiques – qu'il faut préciser le concept d'administration.

2 A. Administration et action des particuliers ◊ Comme toute activité humaine, l'une ou l'autre poursuivent un
but en mettant en œuvre certains moyens : mais, sur ces deux terrains, leurs différences s'accusent, même si l'on admet de
plus en plus souvent que le but poursuivi par l'administration publique, et les moyens nécessaires à leur réalisation, peuvent
être confiés à des particuliers.

3 1o Le but de l'administration : l'intérêt public 5 ◊ Être social, l'homme ne peut se suffire à lui-même. Le libre
jeu des initiatives privées lui permet de pourvoir à certains de ses besoins, grâce à la division du travail et aux échanges, mais
il en est d'autres, et des plus essentiels, qui ne peuvent recevoir satisfaction par cette voie soit que, communs à tous les
membres de la collectivité, ils excèdent par leur ampleur les possibilités de n'importe quel particulier – ainsi du besoin de
défense nationale – soit que leur satisfaction soit par nature exclusive de tout profit, de telle sorte que nul ne s'offrira à
l'assurer. Ces nécessités auxquelles l'initiative privée ne peut répondre, et qui sont vitales pour la communauté tout entière et
pour chacun de ses membres, constituent le domaine propre de l'administration, c'est la sphère de l'intérêt public.
Le moteur normal de l'action des particuliers est la poursuite d'un avantage personnel – profit matériel, réussite humaine,
ou, chez les plus désintéressés, mise en accord de leurs actes avec un idéal –. Souvent, il y a coïncidence entre le but ainsi
poursuivi et le bien de tous. Mais la coïncidence n'est nullement nécessaire, et elle ne saurait masquer le caractère personnel
de l'entreprise privée : le boulanger assure la satisfaction du besoin de pain qui est important dans la collectivité française,
mais ce n'est pas le souci désintéressé de nourrir les affamés qui a dicté sa vocation, c'est l'intention – d'ailleurs entièrement
légitime – de gagner sa vie en vendant du pain.
Le moteur de l'action administrative, au contraire, est essentiellement désintéressé : c'est la poursuite de l'intérêt général,
ou encore de l'utilité publique, ou, dans une perspective plus philosophique, du bien commun.
L'intérêt général n'est donc pas l'intérêt de la communauté, considérée comme une entité distincte de ceux qui la
composent et supérieure à eux. C'est, plus simplement, un ensemble de nécessités humaines – celles auxquelles le jeu des
libertés ne pourvoit pas de façon adéquate, et dont la satisfaction conditionne pourtant l'accomplissement des destinées
individuelles. La délimitation de ce qui entre dans l'intérêt général varie avec les époques, les formes sociales, les données
psychologiques, les techniques ; pourtant, si le contenu varie, le but reste le même : l'action administrative tend à la
satisfaction de l'intérêt général 6. Mais ce but n'exclut pas la recherche d'une gestion attentive à la rentabilité et même au
profit là où il est possible. Il y a aujourd'hui une tendance à inclure dans la poursuite de l'intérêt général une préoccupation
d'ordre économique qui entraîne un certain rapprochement avec les activités privées.

4 2o Les moyens de l'action administrative : les prérogatives de puissance publique ◊ À la


différence des buts correspond une différence des moyens. Les relations entre particuliers sont fondées sur le postulat de
l'égalité juridique. Nulle volonté privée n'est, par essence, supérieure à une autre, de telle sorte qu'elle puisse s'imposer à elle
contre son gré. C'est pourquoi l'acte qui caractérise les rapports privés est le contrat, c'est-à-dire l'accord des volontés.
L'administration, elle, doit satisfaire à l'intérêt général. Dans les rapports entre l'Administration et les particuliers il y a
donc en présence l'intérêt général – incarné par l'Administration – et des intérêts particuliers – ceux des administrés. Cette
fois-ci le principe ne peut plus être celui de l'égalité car il faut, bien sûr, faire prévaloir l'intérêt général sur les intérêts
particuliers, aussi honorables que ceux-ci puissent être. Si, par exemple, l'Administration a absolument besoin d'un terrain
appartenant à un particulier pour construire un ouvrage qui servira à l'ensemble de la collectivité, et que son propriétaire
refuse de le vendre à l'amiable, il faut donner à l'Administration les moyens de contraindre le particulier à le lui céder, dans
des conditions donnant toutes les garanties nécessaires au propriétaire. L'Administration a donc reçu le pouvoir de vaincre
les résistances des particuliers au moyen d'un certain nombre de prérogatives de puissance publique c'est-à-dire de privilèges
qu'on lui reconnaît pour faire prévaloir l'intérêt général lorsqu'il se trouve en conflit avec des intérêts particuliers 7 (v. ss 37).
Pour n'en citer qu'un seul ici, l'Administration a le privilège de la décision exécutoire c'est-à-dire le pouvoir de prendre
unilatéralement des décisions qui s'imposent aux particuliers même sans leur consentement (v. ss 424 s.).
Mais le recours à des procédés autoritaires n'est pas toujours nécessaire. Lorsque, dans la poursuite de l'intérêt général, la
volonté de l'administration rencontre celle des particuliers, elle peut utiliser la technique du contrat, ce qui se produit de plus
en plus souvent. L'Administration doit donc réduire au strict minimum nécessaire le recours aux procédés de puissance
publique.

5 3o L'évolution de la notion d'administration publique 8 ◊ Traditionnellement les tâches d'administration


publique, c'est-à-dire les activités visant à la satisfaction des besoins d'intérêt public, étaient confiées à des personnes
publiques, qu'il s'agisse de l'État, des collectivités territoriales ou des établissements publics (v. ss 235). C'était la conception
organique de l'Administration qui permettait aisément de la distinguer des personnes de droit privé. Mais, de plus en plus
souvent, on en est venu à confier des tâches d'administration publique à des personnes morales de droit privé, ou à de
simples particuliers. C'est l'abandon du critère organique 9 : il y a des « tâches administratives » et celles-ci peuvent être
confiées soit à des personnes publiques – ce qui naturellement reste l'hypothèse de base – soit à des personnes privées 10.
La description de l'administration publique englobe donc l'étude des personnes de droit public et de droit privé qui en ont
la charge.

6 B. L'administration dans l'ensemble des activités publiques ◊ Si l'on reprend la célèbre trilogie de Locke
et Montesquieu, il y a dans l'État trois pouvoirs – le pouvoir législatif, le pouvoir judiciaire et le pouvoir exécutif –
correspondant aux trois missions qui lui incombent : légiférer, juger, gouverner. L'administration doit donc être distinguée de
la législation, de la juridiction, et au sein du pouvoir exécutif du gouvernement.
a) Légiférer, c'est poser des règles générales et impersonnelles qui régissent dans la communauté nationale l'ensemble
des activités, privées ou publiques ; le législateur a achevé son œuvre lorsque la loi entre en application, c'est-à-dire
lorsqu'elle a été promulguée. Dans les régimes parlementaires, fondés sur une séparation nuancée des pouvoirs, c'est
l'exécutif, et plus spécialement le gouvernement, qui est placé à la tête de l'administration. Mais le Parlement joue pourtant
dans la vie administrative un rôle essentiel : son action législative s'étend aux lois proprement administratives, qui donnent à
l'administration sa structure, ses buts et ses moyens. Son rôle budgétaire lui assure la maîtrise des crédits qui commandent
chaque année l'action administrative ; enfin, le contrôle qu'il exerce sur le gouvernement et sur l'Administration s'étend à la
façon dont ceux-ci conduisent leur action.
b) Juger, c'est appliquer le droit à la solution des litiges. C'est dire que le juge n'intervient qu'en cas de contestation, et
que son rôle est terminé lorsqu'il a rappelé la règle applicable au cas litigieux et énoncé les conséquences qui en résultent
dans l'espèce. Ainsi, il intervient indirectement dans l'administration, par le jugement des litiges qu'elle suscite. En France,
l'existence d'une juridiction spécialisée dans les litiges administratifs aboutit à conférer à cette action du juge à l'égard de
l'administration une influence primordiale.
c) Gouverner est la mission qui revient au pouvoir exécutif. Malheureusement il est assez difficile de marquer la limite
exacte entre gouvernement et administration. Gouverner c'est exercer les grandes options politiques, prendre les décisions
essentielles qui engagent l'avenir national ; administrer est quelque chose de beaucoup plus quotidien et de beaucoup plus
technique : c'est prendre toutes les décisions nécessaires pour mettre en œuvre, rendre effectives, les décisions politiques du
gouvernement. Cela va jusqu'aux actes les plus humbles : la tournée du facteur, le geste de l'agent qui règle la circulation. Il
ne faut jamais oublier que les grandes décisions qui sous-tendent l'action de l'Administration sont des décisions politiques –
d'où la célèbre formule que, parfois, « l'intendance ne suit pas ». Seulement il est très difficile de déterminer la frontière
exacte entre les deux domaines d'autant plus que ce sont parfois les mêmes organes qui ont en charge tout à la fois le
gouvernement et l'administration : par exemple, les ministres. Telle nomination de haut fonctionnaire aura une portée
gouvernementale si elle marque un changement de politique, ou une signification purement administrative. La distinction n'a
donc pas de portée juridique.

7 Définition ◊ Au terme des développements qui précèdent, l'administration apparaît donc comme l'activité par laquelle les
autorités publiques, et parfois privées, pourvoient, en utilisant le cas échéant des prérogatives de puissance publique, à la
satisfaction des besoins d'intérêt public.

§ 2. Le droit administratif 11
Il y a nécessairement un certain rapport entre l'action administrative et le droit mais ce rapport n'est ni nécessaire, ni
constant. Il faut donc en préciser la nature.
L'Administration est soumise au droit ce qui, dans une perspective historique, n'a pas toujours été le cas (v. ss 39). Cette
liaison de l'Administration par la règle de droit c'est ce que l'on appelle le principe de légalité (v. ss 40). Les règles qui
s'imposent à l'Administration sont, tout à la fois, de plus en plus nombreuses et de plus en plus diverses – nationales
ou internationales.
L'existence d'un droit administratif entendu comme le droit applicable à l'Administration pose trois problèmes :
– celui de son contenu, c'est-à-dire de l'autonomie du droit administratif ;
– celui de sa codification ;
– celui de son caractère jurisprudentiel.

8 A. L'autonomie du droit administratif ◊ L'Administration peut-elle être soumise aux mêmes règles de droit que
les particuliers, ou doit-elle être soumise à des règles spécifiques ? En France, elle est parfois soumise au même droit que les
particuliers mais, le plus souvent, soumise à des règles dérogatoires à celles-ci que l'on désigne alors sous l'appellation de
« droit administratif stricto sensu ».

9 1o L'Administration soumise au même droit que les particuliers ◊ Le principe de la soumission de


l'administration au droit n'entraîne pas nécessairement l'existence d'un droit administratif pris au sens de droit spécial à
l'administration. Elle peut être régie par le même droit que les particuliers, c'est-à-dire par le droit privé. Dans ce cas il y a
bien soumission de l'administration au droit mais non pas droit administratif stricto sensu.
Pour prendre un exemple à l'étranger, l'administration anglaise est longtemps restée soumise, en principe, au même droit
que n'importe quel particulier britannique. Il y a, en Angleterre, comme dans tous les pays, des lois qui organisent
l'administration, décrivent ses organes, fixent leur statut. Mais, lorsqu'elle agit, ce sont, sous réserve d'exceptions établies par
le Parlement souverain, les procédés juridiques du droit commun qu'elle utilise : ses contrats sont les mêmes que ceux des
particuliers, sa responsabilité est engagée dans les mêmes cas. Il n'y a donc pas en Angleterre, tout au moins en principe, un
régime juridique propre à l'action administrative. Mais, en pratique, l'évolution a modifié cette situation en multipliant les
textes qui dérogent à la Common Law au profit de l'administration 12.
En France, l'administration utilise fréquemment les procédés du droit privé ; si le propriétaire de l'immeuble dont elle a
besoin accepte de le lui vendre à un prix raisonnable, elle passera avec lui un contrat de vente régi par le Code civil. Ce
recours au droit privé est la solution normale pour les entreprises industrielles ou commerciales dont l'administration assure
la gestion. Elles fonctionnent sous un régime analogue à celui des entreprises privées similaires (v. ss 400). On nomme
gestion privée ce recours de l'administration aux procédés juridiques de droit commun 13. Cette distinction de la gestion
publique, qui implique le recours à des prérogatives de puissance publique (v. ss 4), et de la gestion privée est aussi ancienne
qu'importante en droit administratif. Le problème de l'autonomie du droit administratif ne se pose, bien sûr, que dans
l'hypothèse de la gestion publique.

10 2o L'administration soumise à des règles dérogatoires au droit commun 14 ◊ Le principe, en France,


est la soumission de l'administration à un droit particulier, différent de celui qui régit les activités privées en ce que, à des
problèmes semblables (les contrats, la responsabilité) il apporte des solutions distinctes. C'est ce que l'on exprime en parlant
de l'autonomie du droit administratif, de son caractère dérogatoire au droit commun, c'est-à-dire au droit privé.
Mais, trop souvent, on en déduit, à tort selon moi, que dans le cadre de la gestion publique, c'est-à-dire lorsque
l'administration utilise des prérogatives de puissance publique et relève à ce titre de la compétence de la juridiction
administrative, on écarterait par principe les règles du droit privé. C'est la thèse de l'inapplicabilité, par système, des règles
du droit privé, et notamment du Code civil, à l'action administrative. À l'appui de celle-ci on cite toujours le célèbre arrêt
Blanco rendu par le Tribunal des conflits le 8 février 1873 (GAJA, no 1) qui affirme que la responsabilité que l'administration
peut encourir du fait des personnes qu'elle emploie dans le service public ne peut être régie par les principes établis dans le
Code civil pour les rapports de particulier à particulier et que cette responsabilité a ses règles spéciales. Mais cette
affirmation du Tribunal des conflits – qui, au surplus, sort de son rôle en indiquant les règles qui doivent, sur le fond,
permettre de trancher le conflit alors qu'il n'est qu'un juge des compétences (v. ss 571) – ne concerne que le seul droit de la
responsabilité publique et c'est par une interprétation singulièrement constructive que l'on a voulu l'étendre à l'ensemble du
droit administratif. Dans la pratique, et c'est cela qui importe, on constate que les cas où le juge administratif fait application
à l'administration – dans le cadre de la gestion publique – de règles du droit privé ne sont pas rares 15. Afin de
« sauvegarder » cependant l'autonomie du droit administratif dans ces hypothèses on fait observer que s'il y a alors
application des règles du droit privé c'est parce que le juge administratif l'a bien voulu alors que rien ne l'y obligeait. Mais il
va de soi que l'autonomie d'une branche du droit ne peut pas être une autonomie « formelle » – l'autonomie des sources –
mais doit être une autonomie « foncière » – sur le fond la règle est-elle semblable ou différente 16. On en arrive ainsi à une
constatation pleine de bon sens et en harmonie avec l'unité du système juridique français 17 : lorsque la règle de droit privé ne
permet pas de satisfaire aux exigences de l'action administrative, elle est tout naturellement écartée et on lui substitue une
règle originale, spécifique ; mais lorsque la règle de droit privé ne contredit pas les nécessités de l'action administrative, il n'y
a strictement aucune raison de ne pas en faire application à l'administration. L'autonomie du droit administratif n'est donc
qu'une autonomie relative.

11 B. Le droit administratif n'a pas fait l'objet d'un code ◊ Il n'existe pas, en droit administratif, une
codification semblable à celles intervenues pour les grandes disciplines du droit privé au XIXe siècle. La codification en
France, au moment du Consulat et de l'Empire, a consisté à prendre d'une discipline juridique une vue d'ensemble et à
l'organiser de façon complète et cohérente à partir de quelques principes assurant l'homogénéité du tout. Ainsi sont nés les
grands codes qui ont assuré la cohérence et la longue continuité du droit civil, du droit pénal, ou du droit commercial, et
facilité leur connaissance et leur application.
Selon l'observation du Doyen Vedel 18, la codification du droit civil a été à la fois rassemblement, choix et exclusion à
partir de règles d'origine diverses et de sens divers mais déjà existantes. Bref, « penser le droit civil ce n'était pas le créer ».
Pour cette raison – l'absence d'un corps de règles suffisant – la codification du droit administratif, au sens du droit privé, était
matériellement impossible, bien sûr au XIXe siècle, mais même encore dans la première moitié du XXe siècle.
Mais depuis, en matière administrative, le législateur s'est le plus souvent contenté d'aller au plus pressé : des lois
successives et fragmentaires, souvent liées aux circonstances et aux nécessités, ont mis en place les organes administratifs et
décrit certaines des procédures utilisées par eux. Elles ont très rarement posé des principes ayant une portée générale ou
donné des définitions. Cette prolifération, qui est allée en s'accélérant, des textes législatifs et surtout réglementaires, qui
poussent souvent à l'extrême la minutie des détails, ainsi que la multiplication des réglementations d'origine communautaire
(v. ss 318), rendrait hautement souhaitable l'élaboration d'un véritable Code administratif au sens que l'on donne à ce terme
en droit privé. Reste à savoir si cela est possible (v. ss 721).
Pour l'instant il n'y a que des codifications au sens que l'on donne à cette expression en droit administratif. Elle consiste à
regrouper, de manière cohérente, tous les textes – lois et règlements – concernant une même matière administrative – par
exemple l'urbanisme, le droit des collectivités locales – sans y apporter d'autres changements que les modifications de pure
forme qu'appelle ce regroupement ; on a ainsi un « Code de l'urbanisme » ou un « Code général des collectivités
territoriales ». C'est ce que l'on appelle la codification à droit constant (v. ss 332). Ce travail facilite la recherche des textes,
mais il ne prétend pas définir des principes généraux assurant la cohérence de la discipline 19.

12 C. Le caractère jurisprudentiel du droit administratif ◊ On a longtemps caractérisé le droit administratif


comme étant un « droit jurisprudentiel » 20 c'est-à-dire très largement créé par le juge. Dans une perspective historique la
chose est certaine. Obligé de résoudre les litiges pour lesquels la loi ne lui fournissait aucun principe de résolution – par
exemple en matière de responsabilité de la puissance publique – le juge administratif a dû construire, souvent de toutes
pièces, la règle dont il allait faire application. Ce travail d'élaboration a été l'œuvre du Conseil d'État, qui a longtemps
concentré dans ses mains la quasi-totalité de la juridiction administrative. Il en a résulté des conséquences très importantes :
1o Du point de vue formel, beaucoup de règles de droit administratif n'ont pas d'autre origine que l'arrêt dans lequel le
Conseil d'État les a formulées : la connaissance des grands arrêts (désignés par le nom du requérant) joue donc pour l'étude
de ce droit le même rôle que la connaissance, en droit civil, des articles fondamentaux du Code.
2o Plus profondément le droit administratif, œuvre du juge, envisage les problèmes dans l'optique du juge. Par exemple,
alors que le droit civil étudie le problème de la nullité des actes juridiques en lui-même, le droit administratif, lui, n'a
longtemps abordé ce problème que par le biais du contentieux : dans quels cas le juge annulera-t-il les actes administratifs
qui lui sont déférés ? De même, beaucoup de théories fondamentales du droit administratif n'ont eu d'autre but que de
résoudre le problème de la compétence du juge administratif : c'est, par exemple, à l'occasion de la détermination des cas
dans lesquels le juge administratif, plutôt que le juge judiciaire, devait connaître d'un litige portant sur un contrat qu'a été
élaborée la définition du contrat administratif.
3o L'esprit général des règles du droit administratif reflète leur origine. Le juge, qui les posait pour pouvoir statuer sur le
litige qui lui était soumis, avait le souci, en les formulant, de ne pas se lier trop étroitement pour l'avenir, de façon à pouvoir
tenir compte, plus tard, des circonstances propres à chaque espèce : d'où le caractère très souple des règles, et la marge
d'incertitude qui les entoure. Celle-ci s'accroît du fait que le Conseil d'État a l'habitude, explicable par l'histoire, de rédiger
les motifs de ses décisions avec une concision qui frise parfois l'hermétisme, ou l'extrême subtilité : il faut, pour en pénétrer
le sens, une initiation à ce style particulier 21. Le droit administratif doit à cette circonstance un certain ésotérisme, qui n'est
pas sans attrait, mais fort discutable d'un point de vue pratique car le Droit n'est pas fait pour la délectation intellectuelle de
quelques-uns ! Tout cela aboutit à en faire une construction intellectuelle originale, alliant curieusement, à l'empirisme et au
sens des réalités, la subtilité et le goût des nuances 22.
Mais l'inflation législative et réglementaire que nous connaissons depuis quelques décennies, ajoutée à l'invasion des
textes de droit communautaire, a sensiblement modifié la situation. En ce qui concerne le droit écrit ce n'est plus la pénurie
mais le trop-plein qu'il faut maintenant craindre. Le rôle du juge administratif, dès lors, devient beaucoup plus classique :
c'est celui d'appliquer, aux espèces dont il est saisi, les règles générales posées par le législateur et le pouvoir réglementaire,
mais aussi, et surtout, d'interpréter ces textes ce qui est loin d'être aisé compte tenu de leur caractère bien souvent
ésotérique 23. Ceci réduit la place laissée à l'initiative créatrice du juge.

13 Définition du droit administratif ◊ Au sens large le droit administratif est l'ensemble des règles juridiques
applicables à l'activité administrative, que celles-ci soient des règles de droit privé ou qu'elles soient différentes de celles-ci.
Mais, par commodité, au sens restreint, on réserve l'expression de droit administratif pour désigner les seules règles
originales, c'est-à-dire distinctes de celles du droit privé. On peut accepter une telle définition – les ouvrages de droit
administratif n'étudient que les seules règles originales, renvoyant implicitement, pour les règles de droit privé, aux ouvrages
des privatistes – à la condition de ne pas perdre de vue que, ce faisant, on ne décrit pas la totalité des règles applicables à
l'action administrative 24.
§ 3. La science administrative

14 Le droit n'est jamais que la mise en forme juridique des conceptions éthiques, sociales, économiques qui prévalent dans une
certaine civilisation. Ainsi du droit administratif : ses règles présupposent un certain nombre d'options fondamentales,
touchant soit les relations de l'administration avec les particuliers, soit les meilleures méthodes d'aménagement et de gestion
de l'organisme administratif. Le régime administratif d'un pays est donc défini, tout à la fois, par les règles juridiques qui
constituent son droit administratif, et par ces options, dont le droit retient et sanctionne les principales, mais qui méritent
d'être étudiées en elles-mêmes, dans une perspective technique et non juridique. La question de savoir s'il vaut mieux confier
le pouvoir de décision, dans un service, au chef de la hiérarchie siégeant à Paris, ou à ses représentants locaux, ne relève pas
du droit, mais de la technique et de la politique administratives ; de même, la meilleure façon de découper le territoire pour y
implanter les divers services. La solution une fois adoptée, elle prend, si un texte la consacre, force juridique. On appelle
science administrative l'étude des diverses méthodes d'organisation et de gestion de l'administration, et des facteurs humains
et techniques qui les commandent. L'étude du droit administratif ne peut, bien que son objet soit différent, se désintéresser
des données qui expliquent les règles dont ce droit se compose 25.

SECTION 2. LA FORMATION HISTORIQUE DU RÉGIME ADMINISTRATIF


FRANÇAIS
Il ne s'agit pas, dans cette section, d'étudier pour eux-mêmes, selon les perspectives de l'histoire, les régimes
administratifs qui se sont succédé en France, mais seulement leur apport au régime actuel, incompréhensible sans cet
inventaire des héritages successifs dont il se compose 26.

§ 1. L'œuvre de l'an VIII


Si l'on choisit l'an VIII comme point de départ, c'est que la structure donnée à l'administration française par le Premier
Consul n'avait, jusqu'aux réformes récentes, fait l'objet d'aucune rénovation radicale ; si profonde qu'ait été l'évolution, c'est
dans le cadre imposé par Napoléon qu'elle s'est déroulée. Mais l'œuvre de l'an VIII ne prend son relief que par rapport aux
deux traditions à l'égard desquelles elle a dû prendre position : celle de l'Ancien Régime, celle de la Révolution.

15 A. L'administration d'Ancien Régime ◊ Elle est, comme toutes les institutions de l'ancienne France, un produit
du temps, plutôt qu'une construction de l'esprit. D'où son extrême complexité. Mais, dans cet enchevêtrement historique, la
volonté royale insère progressivement la cohérence et la centralisation :
1o L'enchevêtrement est le legs de la période féodale. Il se manifeste dans les domaines les plus divers.
Enchevêtrement des activités publiques et privées : les Corps et Communautés, locaux ou professionnels, laïques ou
ecclésiastiques, assument une large part des tâches d'intérêt général en même temps qu'ils défendent leurs intérêts propres.
La frontière du privé et du public se laisse mal discerner.
Enchevêtrement dans le découpage géographique du pays : les circonscriptions sont différentes, selon leur objet, et selon
leur origine historique. Le régime des collectivités locales n'est pas moins bigarré, faisant, à leur autonomie administrative,
une place très variable. Enchevêtrement, enfin – pour s'en tenir à l'essentiel – de l'action administrative et de l'action
judiciaire, les Parlements ne cessant de s'immiscer dans l'activité des agents du roi.
2o La création progressive de l'administration royale. Dans ce chaos émerge progressivement, à partir du XVIe siècle,
une organisation cohérente, centralisée, hiérarchisée, qui est l'œuvre de la Monarchie et qui, au XVIIIe siècle surtout, tend à
concentrer en elle l'essentiel de l'action administrative. On y trouve déjà les pièces qui seront celles du régime de l'an VIII :
des organes centraux (secrétaires d'État, Conseil du roi), des représentants locaux du pouvoir central, dotés d'une compétence
administrative très large, les intendants, dans chaque généralité ; des corps administratifs spécialisés – Ponts et Chaussées,
Mines, Eaux et forêts, etc. – ; des procédures particulières pour certaines tâches administratives, par exemple en matière de
travaux publics ; enfin, des juridictions spécialisées dans les litiges intéressant l'administration royale, notamment le Conseil
des Parties.

16 B. L'œuvre de la Révolution ◊ On peut la ramener à trois points principaux.


1o D'abord une œuvre de destruction : la quasi-totalité de l'administration d'Ancien Régime disparaît. C'est, au moins en
apparence, la table rase, la rupture totale avec le passé. Seuls subsistent les corps administratifs spécialisés, en raison de leur
caractère technique.
2o Sur le sol ainsi déblayé, la Révolution va tenter d'édifier une administration rationnelle, uniforme et cohérente. Des
divers essais qui se succèdent en ce sens, un seul élément positif subsistera : le découpage territorial de la France en
départements et en communes. Mais la méthode par contre survivra : l'esprit de système et le goût de l'uniformité
caractériseront longtemps le régime administratif français.
3o Enfin, et surtout, la Révolution formule les principes de philosophie politique qui resteront la base de toute
l'élaboration ultérieure : le primat de la loi, la séparation des autorités administrative et judiciaire, le libéralisme politique,
l'égalité des citoyens devant l'administration, le libéralisme économique. De cette idéologie, certaines composantes se sont
estompées, notamment en matière économique, mais la plupart ont gardé leur autorité ; elles fournissent au droit
administratif l'essentiel de ses principes généraux.

17 C. L'œuvre de l'an VIII ◊ À chacune des deux traditions précédentes, le Premier Consul a emprunté les éléments qui
lui paraissaient de nature à servir l'autorité de l'État, et l'efficacité de l'action administrative.
1o L'organisation du territoire est uniforme et centralisée. À chacun des échelons de la division territoriale héritée de la
Constituante – département, arrondissement (ancien district), commune – on trouve les mêmes organes : un administrateur,
placé sous l'autorité du pouvoir central, un conseil, essentiellement consultatif ; préfet et conseil général au département,
sous-préfet et conseil d'arrondissement, maire et conseil municipal, tous sont nommés. De cet ensemble se détache le préfet,
représentant direct du pouvoir central dans le département, muni de larges pouvoirs, mais étroitement contrôlé, qui reprend la
tradition de l'Intendant.
2o Les services administratifs, souvent continuateurs des corps administratifs du XVIIIe siècle, sont, quant à leur objet,
spécialisés dans des tâches précises, excluant toute pénétration dans le domaine économique, réservé aux particuliers. Leur
organisation est du style militaire, centralisée et hiérarchisée. Leur action, enfin, s'exerce essentiellement par voie autoritaire,
et, bien que soumise en principe à la légalité, est, en fait, fort peu bridée étant donné le faible développement du
droit administratif.
3o Une justice administrative distincte de la juridiction ordinaire apparaît, mais elle est encore sommaire, et offre peu de
garanties au particulier.
4o Au cœur de l'édifice, le pouvoir central concentre l'essentiel de l'autorité, tant sur ses agents que sur les administrés. Si
l'envahissante personnalité de Napoléon laisse dans une ombre relative les ministres, chefs des administrations, elle tolère
cependant la coopération active, à l'ensemble de l'œuvre administrative, du Conseil d'État, organe consultatif, qui reprend,
pour l'essentiel les différents rôles assumés par le Conseil du Roi.

§ 2. Les facteurs d'évolution

18 Schéma général ◊ Depuis l'An VIII la France n'avait pas connu de révolution comparable à la table rase de 1789.
Pendant longtemps on a certes modifié notre organisation administrative mais celle-ci connaissait une stabilité relative qui
contrastait avec l'instabilité des institutions politiques, et peut-être l'expliquait-elle en partie en maintenant ainsi la continuité
nécessaire à la vie nationale par la limitation de l'incidence des bouleversements politiques 27. Faut-il en déduire que la
stabilisation de nos institutions politiques a permis les très profondes réformes, actuellement en cours, de nos institutions
administratives ? Toujours est-il que c'est à un très vaste renouvellement de celles-ci que nous assistons actuellement.
Trois facteurs expliquent les évolutions de notre système administratif depuis l'An VIII :
– l'avènement de la démocratie ;
– l'interventionnisme de l'État ;
– la décentralisation.

19 A. L'Avènement de la Démocratie ◊ Le développement de la liberté politique a suscité la nécessité de protéger le


citoyen contre le pouvoir. Ceci résulta tout d'abord de la séparation de l'exécutif et du législatif et de la primauté reconnue à
ce dernier. De même on a vu se développer les garanties légales et juridictionnelles destinées à lutter contre l'arbitraire.
Enfin, dernière exigence de la démocratie, on a organisé la participation des citoyens à l'exercice du pouvoir qui les régit,
cette exigence ne s'étant guère imposée dans les rapports des administrés et de l'État jusqu'à une époque récente 28.

20 B. L'interventionnisme de l'État ◊ Plus radicale encore que la transformation politique a été l'accroissement
considérable des tâches publiques né des répercussions, sur la structure de la société, du développement scientifique et
technique. Non que le but de l'action administrative ait changé : il reste défini par la satisfaction de l'intérêt général.
Mais la conception de l'intérêt général s'est profondément transformée, à partir de la fin du XIXe siècle (v. ss 3). Elle a
entraîné, dans les faits, un recul progressif – remis en question par les institutions européennes – de la conception libérale de
l'État, amené à accroître le champ de ses interventions.
1o Au point de départ, l'intérêt général n'englobe qu'un nombre limité de tâches bien définies : la défense nationale et
l'action internationale, le maintien de l'ordre, la création des conditions générales permettant le jeu de l'économie – monnaie,
voies de communication –, la Justice. À cela s'ajoutent, dans des régimes autoritaires qui ne se désintéressent pas de l'ordre
dans les esprits, l'Université et les Cultes. Enfin, les Finances pourvoient à la réunion des moyens nécessaires pour faire
vivre cet ensemble. C'est l'État-gendarme, reflet, tout à la fois, d'un certain état de l'opinion, dominée par le libéralisme
économique, et d'un certain état de la société et de la technique : une France encore rurale pour l'essentiel.
2o Les révolutions des XIXe et XXe siècles. Les révolutions techniques et scientifiques qui se succèdent à un rythme
accéléré créent des moyens nouveaux, dont la mise en œuvre ne peut, dans certains cas, être assurée par l'initiative privée,
soit parce qu'elle se prête mal au jeu de la concurrence (chemins de fer, moyens de communication), soit parce qu'elle n'est
pas rentable (développement de l'hygiène publique, protection de l'environnement). L'intérêt général exige pourtant que les
possibilités ainsi offertes à la collectivité ne soient pas négligées : l'action de l'État s'en trouve élargie d'autant.
Au plan économique, l'utilisation des techniques nouvelles par les particuliers transforme la structure du pays. Les
entreprises concentrées, à tendance monopolistique, acquièrent dans la vie nationale une importance telle que l'intérêt
général s'attache, tantôt à leur protection – car leur ruine serait un désastre pour la communauté – tantôt à leur mise en tutelle
– car leur excès de puissance peut recéler une menace pour le pouvoir politique. De même il faut veiller à assurer la
meilleure répartition possible, sur l'ensemble du territoire, des hommes et des moyens de production : c'est l'apparition de la
politique d'Aménagement du Territoire.
L'évolution économique et la croissance des villes qu'elle entraîne, au détriment de l'ancienne société rurale, développent,
au plan social, des faiblesses et des misères : celles du prolétariat industriel que l'intérêt général ne permet pas d'abandonner
à son sort, celles des banlieues défavorisées, où l'extrême pauvreté est génératrice de désordre et d'insécurité. D'où le
développement d'une administration sociale, et des services qu'impose l'aménagement de la vie urbaine.
Cette évolution se répercute dans le domaine psychologique : l'homme réclame de l'État une protection accrue, un niveau
de vie décent et la sauvegarde de sa sécurité. Succédant au thème de l'État-gendarme, c'est le thème de l'État-Providence qui
s'affirme. Les courants idéologiques qui se développent, et notamment les diverses formes du socialisme, sont allés
longtemps dans le même sens.
3o Le contrecoup de ces transformations est triple. D'une part, les tâches traditionnelles de l'État subissent, du fait des
bouleversements techniques, un extraordinaire gonflement. La défense nationale, dans un État moderne, implique un
contrôle permanent sur de larges secteurs de l'industrie ; les communications, domaine traditionnel de l'État, se réduisaient
jadis à la construction et à l'entretien des routes par le service des « ponts et chaussées » ; elles s'accroissent du rail, du
transport aérien, du transport de l'énergie, des réseaux de télécommunication. Même quand il fait « la même chose » que
l'État du XIXe siècle, l'État moderne est conduit à étendre considérablement son action, et à la diversifier.
Plus décisive encore que l'extension des tâches traditionnelles est l'apparition de tâches entièrement nouvelles : c'est tout
le développement des services économiques et sociaux, c'est aussi la prolifération des textes et des contrôles en matière
d'urbanisme, de circulation, de protection de l'environnement.
Enfin, la nature même de l'activité de l'administration se modifie. Elle ne se borne pas à gérer le présent : il lui incombe
de préparer l'avenir. Cette attitude prospective exige des instruments nouveaux – plans de développement, d'urbanisme,
directives, etc. – et remet en question nombre de solutions acquises 29.

21 C. La Décentralisation ◊ Le droit administratif classique s'était construit essentiellement autour de la personne


morale que constitue l'État. C'était la centralisation, apparue sous la France de l'Ancien Régime et systématisée par le
Consulat et l'Empire, qui présidait à l'organisation administrative. Or, après les réformes des aurores de la IIIE République, la
Cinquième République s'est engagée dans une politique résolue de décentralisation qui, outre qu'elle suscite un fort vif débat
politique, modifie en profondeur bien des données du droit administratif. Désormais les collectivités territoriales jouent un
rôle de plus en plus important dans l'Administration de la France. Pour n'en donner ici qu'un seul exemple, mais
symptomatique, elles assument désormais les trois quarts des investissements publics de notre Pays.

§ 3. Les résultats de l'évolution

22 Vue d'ensemble ◊ Les transformations imposées au régime administratif par les facteurs qu'on vient de recenser se
ramènent à trois ordres d'idées 30.
1o Évolution des cadres. Dans l'ensemble, les cadres territoriaux issus de la Révolution – communes, départements –
subsistent mais, d'une part, leur contenu a changé, dénaturant plus ou moins profondément l'institution. On retrouve toujours,
dans la commune, un conseil municipal et un maire : mais ils sont devenus, du fait de la décentralisation, les organes d'une
collectivité qui s'administre d'autant plus librement que le contrôle exercé sur elle par l'État s'est allégé. D'autre part, des
structures différentes s'y sont ajoutées, soit entièrement nouvelles, les Régions, soit regroupant les collectivités
traditionnelles (communautés d'agglomération, communautés de communes, etc.). On ne saurait trop insister sur l'importance
de plus en plus grande que revêtent ces structures de coopération intercommunale. Quant aux administrations de l'État, elles
ont conservé leur structure hiérarchique, avec cependant l'apparition des Autorités administratives indépendantes (v. ss 96),
mais le développement des garanties accordées aux agents publics, le rôle assigné à leurs syndicats, et surtout, plus
récemment, le clivage entre leurs organes centraux et leurs services déconcentrés sont en train de les modifier. Les réformes
décentralisatrices, sur la base de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 (v. ss 128) ont encore accentué cette évolution.
2o Retour à la complexité. L'administration de l'an VIII, à partir de la table rase de 1789, était simple dans ses lignes. La
structure administrative contemporaine a pris une complexité qui la rapproche, par des voies différentes, de celle de
l'Ancien régime.
La différenciation des activités publiques et privées s'est atténuée : elles s'exercent souvent, désormais, dans les mêmes
domaines, ce qui les conduit à utiliser des procédés juridiques identiques. Il est fréquent de voir des personnes privées
associées à des tâches d'intérêt général, et dotées, à ce titre, de prérogatives de puissance publique. À l'inverse, la
réhabilitation, dès 1983, des modes de gestion propres aux entreprises privées, puis, en 1986, et dans le cadre de la
construction européenne, de l'économie de marché, pénètre dans le secteur public, et jusque dans les administrations
traditionnelles : modernisation, performance, rentabilité, soumission au droit de la concurrence, évaluation sont des mots
d'ordre qui, même si leur contenu reste parfois imprécis, y sont à l'ordre du jour et inspirent nombre de réformes.
La complexité résulte aussi de la nouvelle répartition des compétences entre l'État et les collectivités territoriales nées de
la décentralisation. L'urbanisation croissante, la désertification des campagnes entraînent une différenciation des règles
applicables aux diverses collectivités.
Enfin, les relations des particuliers avec l'administration se sont, elles aussi, différenciées : à côté des rapports de sujétion,
dans lesquels le particulier apparaît comme un administré, se sont créées des situations dans lesquelles il possède, en qualité
d'usager du service, un pouvoir d'exiger, ou des situations de collaboration (v. ss 434). L'administré devient tout simplement
un citoyen, traité en tant que tel 31
3o Développement du droit et des garanties juridictionnelles. Par l'action du législateur, et par l'effort créateur du juge
administratif, l'administration a vu son action enserrée dans une double limite : le principe de légalité, dont le contenu s'est
considérablement enrichi, est sanctionné par l'annulation par le juge administratif des décisions contraires au droit, grâce au
développement du recours pour excès de pouvoir ; d'autre part, le développement de la responsabilité administrative impose
aux personnes publiques l'indemnisation des particuliers auxquels elles ont causé un dommage. Mais ces progrès ont une
contrepartie : la multiplication des recours a entraîné, dans l'exercice de la Justice, une inévitable lenteur, qui en
compromettrait l'efficacité, et qui a rendu nécessaire une profonde réforme de la juridiction administrative, notamment par la
loi du 31 décembre 1987 (v. ss 616). On a également vu apparaître, à côté du contrôle juridictionnel, un contrôle non-
juridictionnel (le Médiateur de la République, remplacé par le Défenseur des Droits) qui se révèle important.
4o Au terme de cette longue histoire, il n'est que trop évident que le droit administratif est aujourd'hui en pleine
évolution 32 (v. ss 718). Les tâches nouvelles qu'assume l'administration – aménagement du territoire, urbanisme, animation
culturelle, protection sociale, lutte contre les pollutions, recherche d'une meilleure « qualité de la vie » – s'accommodent mal
des structures et des méthodes traditionnelles, dont le caractère autoritaire s'avère peu compatible avec ces nouvelles
activités. Dans ces domaines, d'autre part, la prolifération, l'instabilité, la technicité de la réglementation la rendent
difficilement connaissable, et d'autant plus facile à éluder que, s'attachant souvent à des comportements quotidiens, la
sanction qui devrait en assurer le respect devient aléatoire, donc peu dissuasive 33. D'où la recherche d'un facteur
d'obéissance à la règle autre que la seule contrainte : l'adhésion des assujettis, par l'explication de la décision prise, voire la
participation à son élaboration. D'où, aussi, le développement d'une « politique contractuelle » qui tend à réduire la part des
décisions autoritaires en multipliant les accords entre l'État et les autres personnes publiques, collectivités locales ou
établissements publics d'une part, et d'autre part entre l'ensemble des personnes publiques et les organisations privées,
associations ou entreprises.
Enfin, et peut-être surtout, la construction de l'Europe, qui s'accélère, et donc le développement des règles
communautaires ont déjà, et auront dans l'avenir proche, de profondes répercussions sur le droit des administrations
nationales, de plus en plus liées par les décisions prises par les institutions européennes en matière économique, et par la
mise en œuvre des droits de l'homme dans le cadre européen.
Au total, les changements sont particulièrement sensibles dans quatre domaines essentiels : la notion et le régime du
service public ; l'organisation des administrations de l'État et des collectivités locales ; la juridiction administrative, sa
structure et ses pouvoirs à l'égard des administrations ; les relations entre l'Administration et les administrés. Sur ces quatre
questions, les réformes ne cessent de se poursuivre.

SECTION 3. LES CLÉS DU DROIT ADMINISTRATIF


Le droit administratif français repose sur quelques grands principes qui font son originalité et son intérêt. Ces principes
seront exposés longuement dans le cadre de cet ouvrage. Mais il paraît nécessaire, dès maintenant, d'en donner une vue
synthétique afin de permettre au lecteur d'avoir une vue globale du régime administratif français, ce qui ne peut qu'en
faciliter la compréhension.
Afin de ne pas en alourdir inutilement la présentation, on n'a pas jugé utile, à propos de chacun d'eux, de faire référence à
l'exposé plus complet qui en sera donné dans la suite de l'ouvrage.
On évoquera successivement, comme principes fondateurs du droit administratif français, le principe de la séparation des
autorités administrative et judiciaire (§ 1), la dérogation au droit commun (§ 2), le principe de légalité (§ 3), le contrôle de
l'Administration (§ 4).

§ 1. Le principe de séparation des autorités administrative et judiciaire

23 A. Les origines du principe de séparation ◊ Le principe de séparation des autorités administrative et judiciaire
a été posé par la loi des 16-24 août 1790 votée par la Constituante. L'article 13 de ce texte dit : « Les fonctions judiciaires
sont distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions administratives. Les juges ne pourront, à peine de forfaiture,
troubler de quelque manière que ce soit les opérations des corps administratifs, ni citer devant eux les administrateurs pour
raison de leurs fonctions ». Cette interdiction fut réitérée par le décret du 16 Fructidor An III. Les hommes de la Révolution
n'avaient pas oublié le conflit permanent des Parlements et de l'administration royale. Ils ne voulaient pas que le corps
judiciaire reprenne, à l'encontre de l'administration nouvelle, la tradition d'ingérence et d'opposition qui était la sienne sous
l'Ancien Régime. Lui interdire de statuer sur les litiges dans lesquels l'administration est en cause était, sans mauvais jeu de
mots, un remède souverain.

24 B. L'apparition de la dualité des ordres de juridiction ◊ Le principe posé par la loi des 16-24 août 1790
était purement négatif : il interdisait au corps judiciaire de trancher les affaires dans lesquelles était impliquée
l'Administration mais il ne disait pas à qui incomberait désormais cette mission.
Au lendemain de la loi on appliqua tout simplement le système de l'administrateur-juge : c'était donc l'administration
elle-même qui tranchait les litiges l'opposant aux administrés. Le système n'offrait aucune garantie à ceux-ci puisque
l'administration était, au sens strict, juge et partie et l'on peut penser que les administrés ne l'auraient pas toléré
bien longtemps.
Mais, la Constitution de l'An VIII créa le Conseil d'État qui, à côté de son rôle législatif, était conçu comme le grand
conseil juridique de l'Administration. Il va donc tout naturellement être consulté par celle-ci sur les réclamations présentées
par les administrés et, en pratique, les avis du Conseil d'État furent toujours suivis. On était donc dans un système de justice
« retenue » : le Chef de l'État se réservait l'exercice de la justice même si, dans la pratique, ce rôle était assuré par le Conseil
d'État. Il ne restait plus qu'à mettre en harmonie le fait et le droit, ce qui fut fait avec la loi du 24 mai 1872 qui confia au
Conseil d'État la justice déléguée, c'est-à-dire le soin de trancher lui-même les litiges opposant l'Administration
aux administrés.
Par ailleurs, toujours en l'An VIII, on avait créé dans chaque département un Conseil de Préfecture, présidé par le préfet.
C'était une juridiction d'attribution, c'est-à-dire ne pouvant statuer que sur les seuls litiges pour lesquels la loi lui attribue
expressément compétence, essentiellement les contributions directes et les travaux publics.
Avec la loi du 24 mai 1872 il y a donc désormais, en France, à côté des juridictions judiciaires, un deuxième ordre de
juridiction – celui des juridictions administratives – comprenant un juge de premier ressort à compétence d'attribution, les
Conseils de Préfecture, et un juge de droit commun, le Conseil d'État.
On considère que l'apparition d'un ordre de juridiction spécialisé dans les litiges administratifs a permis l'apparition d'un
droit administratif (au sens strict), seul un juge spécialisé pouvant créer un droit spécialisé, ce que les juridictions judiciaires
n'auraient pas su, ou voulu, faire.
Il faut examiner maintenant les problèmes qui découlent de l'existence de deux ordres de juridiction.

25 C. Les problèmes nés de la dualité des ordres de juridiction ◊ À partir du moment où existent deux
ordres de juridiction se pose un problème de répartition des affaires contentieuses entre eux. Afin d'éviter, dans toute la
mesure du possible, les contrariétés de jurisprudence, un certain type d'affaires doit être de la compétence de l'un ou de
l'autre ordre, mais il ne doit pas y avoir de chevauchements des compétences. À l'inverse toute affaire doit nécessairement
trouver un juge acceptant de la trancher, le déni de justice étant intolérable.
Dans l'immense majorité des cas la ventilation des compétences s'opérera par accord tacite entre les deux juridictions
suprêmes, le Conseil d'État et la Cour de cassation. Mais au cas de désaccord entre elles, il faut un organe pour arbitrer le
conflit de compétences : c'est le Tribunal des conflits. Par ailleurs, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice –
c'est-à-dire dans l'intérêt des justiciables – il est nécessaire qu'existe un « critère des compétences » c'est-à-dire un principe,
le plus simple possible, permettant de répartir de manière rationnelle les affaires entre les deux ordres de juridiction.

26 1o Le Tribunal des conflits ◊ La solution logique au problème des conflits de compétence entre les deux ordres de
juridiction est de les faire trancher par une juridiction spécialement constituée à cet effet et comprenant à égalité des
membres des deux juridictions suprêmes, le Conseil d'État et la Cour de cassation. C'est ce que fait la loi du 24 mai 1872 qui
crée un Tribunal des conflits réunissant quatre représentants du Conseil d'État et quatre de la Cour de cassation. Au cas de
partage des voix, notamment du fait de la parité, c'était le ministre de la Justice, Garde des Sceaux qui venait « vider le
partage » du Tribunal des conflits ; désormais le partage est tranché par une formation élargie comprenant quatre membres
de plus.
Le Tribunal des conflits est un organe départiteur des compétences ; à ce titre : – il juge le conflit positif ou conflit
d'attribution ; – il intervient pour prévenir les conflits de compétence ; – il juge, le cas échéant, le conflit négatif. À titre tout
à fait exceptionnel le Tribunal des conflits peut également être un juge du fond.

27 a) Le conflit positif ou conflit d'attribution ◊ Ce type de conflit se produit lorsque le juge judiciaire est saisi
d'une affaire que l'Administration estime ne pas être de sa compétence. Dans l'immense majorité des cas c'est parce que
l'Administration estime que l'affaire devrait être portée devant la juridiction administrative. C'est le préfet qui est alors chargé
de soulever l'incompétence de la juridiction judiciaire et, au cas de désaccord avec celle-ci, il pourra saisir le Tribunal des
conflits qui désignera l'ordre de juridiction compétent pour trancher l'affaire sur le fond. En ce cas, à vrai dire, il n'y a pas
conflit entre les deux ordres de juridiction mais entre le juge judiciaire et l'Administration. On peut regretter qu'il n'existe pas
une procédure symétrique qui permettrait au juge judiciaire de réclamer une affaire engagée à tort devant la
juridiction administrative.

28 b) La prévention des conflits de compétence ◊ Mieux vaut prévenir que guérir. Le Tribunal des conflits sera
saisi afin d'éviter, lorsqu'un ordre de juridiction s'est déclaré incompétent, que l'autre ordre de juridiction, qui estime cette
décision erronée, se déclare également incompétent : il doit alors saisir le Tribunal des conflits qui désignera l'ordre
compétent pour trancher l'affaire. Par ailleurs toute juridiction rencontrant une délicate question de compétence peut, à titre
de précaution, demander au Tribunal des conflits de désigner l'ordre de juridiction compétent.

29 c) Le conflit négatif ◊ Le conflit négatif est destiné à éviter le déni de justice. Il se produit lorsque chacun des deux
ordres de juridiction a décliné sa compétence pour connaître d'une affaire, au motif que c'est l'autre ordre de juridiction qui
est compétent, ce qui ne peut se produire que lorsque la juridiction saisie en second n'a pas repecté la procédure de
prévention du conflit (v. ss 27 b). C'est alors le Tribunal des conflits qui désignera l'ordre de juridiction qui doit statuer
sur l'affaire.

30 d) Le Tribunal des conflits juge du fond ◊ C'est à titre tout à fait exceptionnel que le Tribunal des conflits est
appelé à trancher une affaire sur le fond car sa mission naturelle est d'être le régulateur suprême des compétences. Cependant
la loi du 20 avril 1932, qui est une loi de circonstance, lui a confié le soin de trancher lui-même une affaire sur le fond tout
simplement pour éviter l'injustice résultant du fait que, sur le fond, un tribunal judiciaire et un tribunal administratif ont
rendu des décisions contradictoires, logiquement inconciliables, et qu'il en résulte une iniquité. Schématiquement, lorsque
deux tribunaux, de chacun des deux ordres de juridiction, ont rendu sur le fond deux décisions devenues définitives,
contradictoires et qu'il en résulte un déni de justice, la victime de ces décisions peut saisir le Tribunal des conflits qui tranche
alors l'affaire sur le fond.

31 e) Le Tribunal des conflits juge des recours en responsabilité pour durée excessive d'une
procédure juridictionnelle ◊ Le Tribunal des conflits est alors seul compétent pour indemniser le préjudice résultant
de cette durée excessive d'une procédure.
La répartition des compétences est donc opérée par les juridictions des deux ordres, et plus spécialement par les deux
juridictions suprêmes avec, le cas échéant, l'arbitrage du Tribunal des conflits. Encore faut-il savoir sur la base de quelle idée
directrice est opéré le partage.

32 2o Le critère de compétence ◊ Le problème du critère de compétence est un problème de principe, celui de savoir
autour de quelle idée-force se construit le droit administratif. Mais c'est aussi, beaucoup plus prosaïquement, un problème
pratique : permettre à un justiciable de savoir, avec la plus grande certitude possible, quel est l'ordre de juridiction qu'il
convient de saisir lorsqu'il veut engager un procès.
Le problème du critère de compétence se trouve au cœur du droit administratif pour ceux qui pensent qu'il y a une liaison
de la compétence et du fond, c'est-à-dire que le juge administratif applique nécessairement et uniquement le droit
administratif au sens strict. En effet, désigner le juge compétent c'est alors, de ce seul fait, choisir la règle de droit qui, sur le
fond, permettra de trancher le litige. C'est pour cette raison que certains parlent alors du « critère du droit administratif ».
Mais, selon moi, il n'y a pas de lien nécessaire entre la compétence et le fond.
Il est vrai que l'on a soutenu qu'il n'était pas souhaitable qu'il existe un critère gouvernant la répartition des contentieux 34.
C'est ce que l'on a appelé « l'existentialisme juridique ». Pour B. Chenot, la réalité serait trop mouvante et échapperait de ce
fait à toute systématisation. Bien plus, celle-ci ne serait pas souhaitable afin de ne pas obérer la liberté d'appréciation du juge.
Dans un article qui est un classique du droit administratif, Jean Rivero a sévèrement condamné cette thèse en soulignant
combien le Droit administratif avait besoin d'une systématisation 35.
Cette nécessité admise encore faut-il trouver le concept fédérateur. Sur ce point les idées ont passablement évolué.

33 a) Le critère du service public 36 ◊ De quelques arrêts rendus au début de ce siècle, par le Conseil d'État et le
Tribunal des conflits et plus spécialement du célèbre arrêt Blanco (T. confl. 8 févr. 1873, GAJA, no 1), les principaux auteurs
de cette période – notamment Duguit 37 et Jéze – ont cru pouvoir conclure que le droit administratif trouverait son unité dans
la notion de service public (v. ss 384).
Pour ces auteurs, la différence essentielle entre l'activité des particuliers et l'activité publique réside dans le fait que celle-
ci est toute entière consacrée à la gestion des entreprises propres à satisfaire l'intérêt général, c'est-à-dire des services publics.
Ces activités, dans le monde libéral, sont foncièrement différentes, par leur objet, des activités privées ; elles ont leurs
exigences propres, qui commandent leur régime juridique particulier. Dès lors, on peut définir le droit administratif comme
étant le droit des services publics. Dans cette conception, le service public trace la frontière du droit administratif – et par là
même celle de la compétence du juge administratif. Il lui fournit aussi son contenu : toutes les solutions propres au droit
administratif s'expliquent par les nécessités du service public. Cette conception a animé la jurisprudence et inspiré la
majorité de la doctrine jusqu'aux années 1950.

34 b) La crise de la notion de service public ◊ Dès le départ il est apparu que la thèse voulant faire du droit
administratif le droit des services publics comportait, pour le moins, deux exceptions : – tout d'abord, l'administration ne se
borne pas à gérer des services publics ; la réglementation de l'activité des particuliers dans le cadre de la police
administrative (v. ss 373), notamment, qui est une partie importante de son action, ne constitue pas à proprement parler la
gestion d'un service. Le droit administratif a donc un objet plus large que le service public. – en second lieu, et à l'inverse, la
gestion du service public n'utilise pas toujours les procédés du droit administratif, il lui arrive, on l'a vu (v. ss 9) de faire
appel aux procédés du droit privé.
Mais surtout, au lendemain de la 1re guerre mondiale, on a vu apparaître avec l'arrêt dit du Bac d'Eloka (T. confl. 22 janv.
1921, Sté Commerciale de l'Ouest Africain, GAJA, no 35) une nouvelle catégorie de services publics, les services publics
industriels et commerciaux qui réalisent des interventions des collectivités publiques dans le secteur industriel ou
commercial et qui, pour cette raison, sont très largement soumis au droit civil et au droit commercial, ainsi qu'à la
compétence des juridictions judiciaires. Voilà donc un ensemble de services publics – qui est longtemps allé en s'élargissant
– qui échappe en majeure partie au droit administratif.
Dans le même ordre d'idées, l'État confie à des organismes privés, soumis au droit privé – par exemple les Caisses de
Sécurité sociale – des services publics. Bien plus, au sein même des services traditionnels, l'emploi des procédés de droit
privé se fait plus considérable. Au total il apparaît de plus en plus que le service public n'appelle pas nécessairement pour sa
gestion, le droit administratif.
Dans ces conditions, il n'est plus possible de trouver dans la notion de service public, ni le champ d'application du droit
administratif, ni le critère de la compétence de la juridiction administrative, en dépit des efforts du Conseil d'État pour
restaurer une notion à laquelle il reste attaché 38.

35 c) La recherche d'un autre critère de compétence ◊ Le Doyen Vedel a mis en avant la notion de puissance
publique 39. Pour lui le droit administratif c'est « le droit commun de la puissance publique ». On voit la logique d'un tel
système : c'est lorsqu'une personne agit en utilisant les prérogatives de la puissance publique ou des procédés différents de
ceux du droit commun qu'il paraît légitime de lui appliquer un régime de droit administratif. Malheureusement, aussi
séduisantes que soient ces idées, elles ne correspondent pas à l'état actuel du droit positif car elles ne permettent pas de
synthétiser l'ensemble de la jurisprudence. La puissance publique ne peut donc pas être présentée, même si on le regrette,
comme le critère de la compétence de la juridiction administrative.
À la vérité on peut se demander pourquoi il faudrait fonder le droit administratif sur une notion unique, ce qui confine
presque au pari stupide. Aucune autre branche du droit n'a une telle prétention : se construire autour d'une notion unique. Il
nous semble que deux notions sont au cœur du droit administratif : celle de service public et celle de puissance publique 40.
En effet, en ce qui concerne le service public, il ne faudrait pas passer d'un excès à un autre : ce qui est critiquable c'est l'idée
que l'ensemble du droit administratif pourrait se construire autour de cette notion, mais il n'en demeure pas moins que le
service public continue à jouer un rôle important en droit administratif. On en arrive ainsi, par exemple, à la thèse de René
Chapus 41 qui voit dans la puissance publique le critère de la compétence du juge administratif et dans le service public le
critère fondamental du droit administratif 42.
Si l'on examine le problème du critère de la compétence de la juridiction administrative, sous l'angle du seul intérêt du
justiciable, on peut se demander dans quelle mesure il ne serait pas souhaitable que le législateur vienne régler cette question
par voie d'autorité en énumérant tout simplement les catégories d'affaires de la compétence de la juridiction administrative.
Rien n'interdirait, bien sûr, que cette énumération s'inspire d'une ou deux idées directrices.
On vient de le constater, l'une des caractéristiques du système administratif français est donc la possibilité de déroger au
droit commun.

§ 2. La dérogation au droit commun


36 La logique du système français, on l'a vu (v. ss 10), est qu'il faut reconnaître des pouvoirs exorbitants à ceux qui exécutent
des tâches administratives lorsque cela est absolument nécessaire. Cela peut, a priori, inquiéter en raison du risque d'abus
toujours possibles, surtout si on fait la comparaison avec le système anglo-saxon qui applique une logique inverse : aligner
les droits de l'Administration sur ceux des particuliers.
La réalité est beaucoup plus nuancée. Tout d'abord parce que le système n'est pas à sens unique : si l'intérêt public exige
que l'on reconnaisse des droits exorbitants à l'Administration, ce même intérêt général exige qu'on lui impose aussi des
obligations, également exorbitantes (v. ss 38).
D'autre part, et surtout, parce qu'il faut juger un système à ses résultats. On verra (v. ss 566) que l'exercice des pouvoirs
exorbitants se fait sous le contrôle du juge qui sanctionnera tout abus. Par ailleurs, l'expérience montre que, ce qui peut
paraître paradoxal, le système français peut se révéler plus protecteur des droits des particuliers que le système anglo-saxon.
Par exemple, en ce qui concerne la responsabilité de la puissance publique, c'est dès 1873 que le droit administratif français a
admis que l'Administration pouvait être responsable des dommages que son action cause aux particuliers ; il a fallu attendre
1946 pour que cela soit admis par le droit fédéral américain et 1947 en ce qui concerne la Grande-Bretagne.

37 A. Les prérogatives de puissance publique ◊ On l'a vu (v. ss 4) c'est parce que l'Administration, ou ceux qui
administrent, agissent dans l'intérêt public, c'est-à-dire dans l'intérêt de l'ensemble de la collectivité, qu'il faut leur
reconnaître des droits exorbitants. Nombre de prérogatives de l'Administration découlent d'un principe fondamental : son
pouvoir d'action d'office. Si un particulier prend une décision qui porte atteinte aux intérêts d'un autre particulier, il ne peut
pas l'exécuter d'autorité, c'est-à-dire se faire justice à lui-même. Par exemple, un créancier ne peut pas saisir d'office un bien
de son débiteur pour se payer. Il devra, pour obtenir satisfaction, suivre toute une procédure : demander à un juge de
reconnaître le bien fondé de sa créance, c'est-à-dire condamner le débiteur récalcitrant à payer. Ce n'est qu'après avoir obtenu
une décision de justice, revêtue de la formule exécutoire, qu'il pourra demander le concours de la force publique pour obtenir
satisfaction. L'Administration a, elle, le privilège de prendre unilatéralement des décisions qui sont obligatoires pour les
particuliers : c'est ce que l'on appelle le privilège de la décision exécutoire. L'Administration se délivre à elle-même le titre
exécutoire que les particuliers, eux, doivent demander au juge. Bien plus, si le particulier ne se plie pas à cette décision, dans
un certain nombre de cas, l'Administration pourra passer à l'exécution forcée sans recourir au juge : c'est le privilège de
l'exécution forcée. On désigne souvent les deux privilèges – de la décision exécutoire et de l'exécution forcée – sous
l'appellation de privilège d'action d'office. Il faut souligner, ce qui est une limitation importante, que l'Administration ne doit
recourir à ces privilèges que lorsque cela est absolument nécessaire et doit limiter ce recours au strict
minimum indispensable.

38 B. Les sujétions de puissance publique ◊ Comme l'a souligné Jean Rivero 43 la puissance publique ne se
caractérise pas seulement par des « dérogations en plus » mais aussi par des « dérogations en moins ». Il faut, dans l'intérêt
public, imposer à ceux qui administrent des obligations, des sujétions, plus rigoureuses que celles qui pèsent sur les simples
particuliers. Par exemple, un particulier a toute latitude pour choisir à sa fantaisie la personne avec laquelle il va passer un
contrat. Cela est interdit à l'Administration. En effet, lorsqu'elle passe un contrat celle-ci engage les finances publiques : il
faut avoir la certitude qu'elle contractera au meilleur coût financier et avec le plus apte à bien exécuter la prestation.
C'est dans ce but que toute une série de règles – notamment celles du Code des marchés publics – s'imposent à
l'Administration lorsqu'elle désire passer un contrat. De même, lorsque l'Administration désire recruter du personnel elle
doit, en principe, recourir au procédé du concours alors qu'une entreprise privée pourra choisir librement son personnel.
Toute la dialectique du droit administratif consiste à concilier, de la manière la plus heureuse possible, l'exercice des
prérogatives de puissance publique que l'on doit reconnaître à celui qui administre et la sauvegarde des droits des
administrés. C'est un équilibre difficile à trouver : pendant la phase de construction du droit administratif on avait mis
l'accent sur les droits qu'il convient de reconnaître à l'Administration ; depuis quelques décennies on met beaucoup plus
volontiers en œuvre les droits qu'il faut reconnaître à l'administré face à l'Administration.
Mais ce qui rend acceptable les droits exorbitants de l'Administration ce sont deux données essentielles du droit
administratif : – le principe de légalité, et – le contrôle de l'Administration.

§ 3. Le principe de légalité

39 A. L'Administration peut n'être pas soumise au droit ◊ Il est difficile de concevoir, aujourd'hui, une société
dans laquelle l'administration serait totalement arbitraire, c'est-à-dire dans laquelle le bon plaisir des administrateurs ne
serait tempéré par aucune règle de quelque nature que ce soit.
Mais si l'action administrative paraît appeler l'existence d'une règle, celle-ci peut ne pas présenter les caractères de la
règle juridique. Il peut s'agir de règles purement internes à l'administration et que, de ce fait, l'administré ne peut pas
invoquer à son profit, à supposer d'ailleurs qu'il les connaisse.
Un tel schéma n'est nullement théorique, il correspond à ce que les auteurs allemands du siècle dernier appelaient l'État de
police, dans lequel l'administration est bien soumise à une « police », c'est-à-dire à une réglementation, mais sans valeur
juridique ; telle était l'administration du XVIIIe siècle, sous l'empire du despotisme éclairé.

40 B. L'administration soumise au droit : le principe de légalité ◊ Cette conception de l'État de police –


qu'il ne faut pas confondre avec « l'État policier » au sens polémique de l'expression – a fait place, de façon générale, à celle
de l'État de droit 44 : dans toutes les démocraties modernes, il est admis que l'administration est liée par la règle de droit. C'est
là un des principes fondamentaux du libéralisme politique : c'est l'idéologie de 1789 qui explique son développement. C'est
ce que l'on appelle « le principe de légalité » – la légalité désignant ainsi l'ensemble des règles juridiques – : il signifie que
l'Administration doit agir conformément au droit.
Traditionnellement les règles de droit dont le respect s'impose à l'Administration étaient essentiellement des règles
d'origine nationale ; elles sont, de plus en plus souvent, des règles transnationales.

41 1o Les règles d'origine nationale ◊ Elles comprennent :


a) Au sommet de toutes celles-ci la Constitution – norme suprême – qui est la source directe ou indirecte de toutes les
compétences qui s'exercent dans l'ordre administratif.
b) Les lois organiques, qui sont des lois expressément prévues par la Constitution et qui viennent compléter un article
de celle-ci.
c) La loi qui est l'acte voté par le Parlement selon la procédure législative. La loi vient poser des règles générales et
impersonnelles et ne peut intervenir que dans les seules matières limitativement énumérées à l'article 34 de la Constitution.
d) Les ordonnances de l'article 38 de la Constitution par lesquelles le Gouvernement, sur habilitation du Parlement, prend
des mesures qui relèvent normalement du domaine de la loi.
e) Le règlement qui est un acte, à portée générale, élaboré par une autorité exécutive à l'échelon national ou local. Au plan
national, l'article 37 de la Constitution prévoit que « les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un
caractère réglementaire » ; elles relèvent donc, selon l'article 21 de la Constitution, du Premier ministre. Le pouvoir
réglementaire s'exerce soit sous la forme de décrets (Président de la République et Premier ministre), soit sous la forme
d'arrêtés. À l'échelon local le Maire, par exemple, exerce un pouvoir réglementaire en matière de police administrative
(v. ss 176).
f) À côté de ces sources de droit écrit, l'Administration est également soumise aux « principes généraux du droit »,
formulés par le juge administratif et qui constituent l'une des originalités du droit administratif. Il s'agit de règles qui ne
résultent directement d'aucune source écrite et que l'administrateur doit cependant respecter. Autrement dit, ce sont des
règles non écrites et qui cependant sont obligatoires pour l'Administration. Il s'agit, par exemple, du principe d'égalité de
tous les citoyens devant le service public ou encore du principe de la non-rétroactivité des actes de l'Administration.
L'existence des principes généraux du droit découle de ce que le Conseil d'État estime que notre Droit s'inspire d'un
certain nombre de grands principes qui constituent le fondement même de nos Institutions. Ils font partie de notre droit et
sont donc obligatoires pour l'Administration alors même qu'ils n'ont pas été expressément formulés par un texte de droit
écrit. Au fond, ils sont élaborés par le juge pour des motifs supérieurs d'équité et afin de sauvegarder les droits
des administrés.

42 2o Les règles transnationales ◊ Parmi les règles dont le respect s'impose à l'Administration, celles découlant des
Traités internationaux ratifiés par la France n'ont, pendant fort longtemps, joué pratiquement aucun rôle. Les choses ont
commencé à changer lorsque la Constitution de 1946 leur a reconnu valeur de droit positif. Actuellement, l'article 55 de la
Constitution énonce que les traités « ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois ». Ainsi, non seulement
ils s'imposent à l'Administration mais aussi au législateur.
Mais ce qui a le plus profondément modifié le droit administratif français c'est l'apparition de l'Union européenne et donc
du droit communautaire qui génère un très grand nombre de textes, mais aussi une jurisprudence, s'imposant à
l'Administration. En effet, non seulement l'Administration est liée par les dispositions des Traités communautaires (Traité de
Rome de 1957, de Maastricht, d'Amsterdam, de Nice, de Lisbonne) mais elle est aussi liée parce que l'on appelle le « droit
dérivé » c'est-à-dire par les règles prises par les organes de l'Union européenne et notamment par les règlements et les
directives européens. Après l'échec du Traité dit « Constitution européenne », qui a été rejeté par la France (au référendum)
et la Hollande, le Traité de Lisbonne, signé le 13 décembre 2007, est entré en vigueur le 1er décembre 2009 à la suite de sa
ratification par les 27 États de l'Union européenne et notamment par celle de l'Irlande. C'est sur la base de celui-ci que se
poursuit la construction européenne. Il faut à nouveau le souligner : le droit de l'Union européenne prend une place de plus
en plus importante au sein du principe de légalité.

43 La Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés


fondamentales ◊ Il s'agit d'une Convention conclue, dans le cadre du Conseil de l'Europe, le 4 novembre 1950. Elle
vient reconnaître aux ressortissants des États parties à la Convention un certain nombre de droits et libertés publiques. Mais
ce qui fait son importance et sa grande originalité c'est qu'elle donne la possibilité à un citoyen, qui estime que les droits qu'il
tient de la Convention ont été méconnus par l'Administration de son pays, de former un recours individuel devant la Cour
européenne des droits de l'homme siégeant à Strasbourg 45. Si le recours est fondé, l'État sera condamné. Les décisions de la
Cour européenne prennent une importance de plus en plus grande dans le système juridique français.

44 C. Conséquences ◊ Le principe de légalité comporte deux séries de conséquences.


La première – la plus évidente – est la liaison de l'administration par la règle de droit : elle ne peut l'enfreindre sans que
son acte se trouve dénué de toute valeur. Notamment, l'administration est liée par ses propres règles, c'est-à-dire les règles
qu'elle a elle-même posées. Cela est remarquable lorsque celles-ci viennent reconnaître des droits aux administrés. Il s'agit
alors d'un phénomène d'auto-limitation.
La seconde conséquence est non moins importante : les contraintes que le principe de légalité fait peser sur
l'administration ne sont pas toujours les mêmes. Le principe de légalité n'est pas un principe à contenu constant. Dans les
circonstances exceptionnelles les textes – par exemple l'article 16 de la Constitution – ou la jurisprudence vont substituer une
légalité de crise, à la légalité ordinaire. Dans certaines situations de crise, le respect de toutes les règles qui s'imposent en
période ordinaire à l'Administration, risquerait de paralyser l'administration, en lui interdisant de prendre les mesures
nécessaires, ou en les retardant. Il faut parfois choisir entre l'efficacité – qui peut aller jusqu'à concerner la survie de l'État –
et le respect strict du droit.
Le principe de légalité est donc une garantie donnée aux administrés et une limitation de l'Administration. Mais il ne
suffit pas de poser le principe de la soumission de l'Administration au droit. Encore faut-il avoir la certitude qu'il sera
respecté et que l'Administration sera sanctionnée lorsqu'elle aura manqué au droit. C'est pour cette raison que le problème du
contrôle de l'Administration est une question essentielle dans la logique du droit administratif français. Un contrôle efficace
de l'Administration est la condition même de la reconnaissance de prérogatives de puissance publique à celle-ci.

§ 4. Le contrôle de l'Administration

45 De manière un peu surprenante il n'y a pas, dans la doctrine contemporaine, de théorie générale du contrôle de
l'Administration 46. Cela s'explique par le fait que pendant très longtemps on a confiné le problème du contrôle de
l'Administration au seul contrôle par le juge. Mais il a bien fallu reconnaître que, quel que soit le très grand mérite de celui-
ci, il ne pouvait subvenir à toutes les nécessités d'un contrôle efficace ; on a donc vu apparaître, parallèlement au contrôle
juridictionnel, un contrôle non juridictionnel de l'administration.

46 A. Le contrôle juridictionnel de l'Administration ◊ Ce qui caractérise le droit administratif c'est la très


grande importance qu'il accorde au contrôle juridictionnel c'est-à-dire au contrôle de l'Administration par un juge spécialisé,
le juge administratif, qui a le pouvoir d'annuler les décisions illégales de l'Administration. Au fond, on considère que si
l'Administration manque au Droit c'est au juge administratif qu'il revient de la sanctionner. Pour cela les administrés
disposent d'un certain nombre de recours, l'un de ceux-ci, le recours pour excès de pouvoir ayant une importance
toute particulière.

47 1o Les différents recours contentieux ◊ Il faut procéder à une classification des recours que les administrés
peuvent présenter au juge car ceux-ci n'obéissent pas tous aux mêmes règles pour leur jugement. La classification moderne
des recours repose sur la nature de la question posée au juge par le requérant. Sous cet angle on distingue :
– le contentieux de l'excès de pouvoir ;
– le plein contentieux ;
– le contentieux de la répression.
a) Le contentieux de l'excès de pouvoir. Dans le contentieux de l'excès de pouvoir une seule question est posée au juge :
celle de la légalité ou de l'illégalité d'une décision de l'Administration. Il s'exerce par le biais du recours pour excès de
pouvoir ou du recours en appréciation de légalité lorsque le juge judiciaire demande au juge administratif de se prononcer
sur la légalité, ou l'illégalité, d'un acte de l'Administration qui est invoqué devant lui.
b) Le contentieux de pleine juridiction. Il s'agit d'un contentieux où le juge, allant au-delà de l'annulation d'un acte, peut
prendre « toute décision utile » : annuler un contrat, accorder une indemnité, annuler une imposition, annuler une élection
etc. Il a alors le pouvoir de substituer sa propre décision à celle qui lui est déférée.
c) Le contentieux de la répression. C'est un contentieux extrêmement particulier destiné à la réparation de dommages
causés à certains biens appartenant à des personnes publiques (contraventions de grande voirie).
Compte tenu de son importance, il faut souligner ce qui fait l'originalité du recours pour excès de pouvoir.

48 2o Le recours pour excès de pouvoir ◊ Le recours pour excès de pouvoir est souvent présenté comme « LA »
garantie des administrés face à l'Administration. À cet égard on a rappelé la parabole du « Meunier de Sans-Souci » :
Frédéric II voulait exproprier un moulin uniquement pour l'extension et l'embellissement de l'une de ses résidences
personnelles et donc point dans un but d'intérêt général. Le meunier résista aux menaces du Roi en lui disant : « Il y a des
juges à Berlin ! ». On serait tenté de dire, à l'identique « Il y a des juges au Palais Royal ! » (siège du Conseil d'État).

49 a) Traits généraux ◊ A priori, on pourrait être sceptique sur l'efficacité du recours pour excès de pouvoir et ceci pour
au moins deux raisons. Tout d'abord il faut que l'administré connaisse la possibilité de recours qui lui est offerte. En second
lieu il pourrait hésiter à y recourir soit pour des raisons techniques, soit pour des raisons financières. Or, et ceci est important,
le recours pour excès de pouvoir échappe très largement à ces obstacles. Le nombre des recours présentés chaque année au
juge montre que ce recours est loin d'être ignoré de l'administré. Par ailleurs, ce qui caractérise le recours pour excès de
pouvoir c'est tout à la fois la simplicité et la gratuité. Simplicité, parce qu'il est difficile de trouver un recours moins
formaliste : aucune formule « sacramentelle » il suffit de prendre une feuille de papier et de formuler les griefs que l'on
articule à l'encontre de la décision attaquée, en joignant celle-ci au recours. Gratuité, parce que le recours est dispensé du
ministère d'avocat et qu'il n'y a aucun frais d'enregistrement.

50 b) Les ouvertures au recours pour excès de pouvoir ◊ On a essayé de classer, par grandes catégories, les
griefs que l'on peut articuler à l'encontre d'une décision pour en démontrer l'illégalité. C'est ce que l'on appelle « les
ouvertures au recours pour excès de pouvoir ». On les regroupe en deux ensembles : – L'illégalité externe qui comprend
l'incompétence (l'acte a été fait par une personne qui n'avait pas le pouvoir de l'accomplir) le vice de procédure (on a
méconnu l'une des règles organisant la procédure d'élaboration de la décision) le vice de forme (non-respect des règles
relatives à la présentation extérieure de l'acte). – L'illégalité interne qui comprend ce que l'on appelle souvent « la violation
de la loi » (erreur de droit ; erreur de fait ou erreur de qualification des faits) et le détournement de pouvoir (l'auteur de la
décision a utilisé son pouvoir dans un but autre que celui pour lequel on le lui avait donné).

51 c) La procédure de jugement du recours ◊ La procédure suivie pour le jugement du recours se caractérise par
trois traits qui contribuent à donner des garanties au requérant.
– La procédure a un caractère essentiellement écrit. Toute l'argumentation s'opère par écrit. À l'audience il n'y a pas, le
plus souvent, de véritables plaidoiries mais de simples observations orales, au moins devant le Conseil d'État.
– La procédure a un caractère inquisitoire. Cette formule veut dire que le juge va pouvoir jouer, dans l'instruction de
l'affaire, un rôle actif. Par exemple, si la preuve de ce qu'avance le requérant se trouve dans le dossier de l'Administration, il
pourra ordonner qu'il soit produit devant lui.
– L'intervention lors du jugement d'un « Rapporteur public », dénomination substituée à celle traditionnelle de
« Commissaire du Gouvernement » (décr. 7 janvier 2009) à la suite de pressions fort regrettables exercées par la Cour
européenne des droits de l'homme. Il s'agit de l'un des membres de la juridiction qui, en toute indépendance, va, en tant que
juriste émérite, donner son opinion sur l'affaire. L'expérience montre que dans l'immense majorité des cas celle-ci sera
suivie. Son intervention constitue une garantie pour le requérant : si celui-ci est incapable de formaliser le raisonnement
juridique démontrant l'illégalité de la décision qu'il attaque, le Rapporteur public pourra le faire à sa place.
À l'issue de l'affaire il n'y a que deux solutions possibles : – soit la décision attaquée est annulée rétroactivement
(l'annulation pouvant n'être que partielle) – soit le recours est rejeté.

52 B. Le contrôle non juridictionnel de l'Administration ◊ Quels que soient les grands mérites du contrôle
juridictionnel de l'Administration on a, de plus en plus, admis qu'il ne pouvait pas, à lui seul, assumer un plein contrôle de
l'Administration. Pour ne donner qu'un seul exemple, si la décision de l'Administration dont se plaint l'administré est
conforme au droit, mais non à l'équité 47, le recours pour excès de pouvoir ne lui est d'aucune utilité puisqu'il ne peut porter
que sur la légalité de la décision et non sur son opportunité. Il y a donc place, à côté du contrôle juridictionnel, pour un
contrôle non juridictionnel, ces deux formes de contrôle étant complémentaires.
C'est dans cet esprit qu'avait été créé, par la loi du 3 janvier 1973, « le Médiateur » intitulé ensuite « Médiateur de la
République ». Il s'agissait d'une personnalité, nommée en Conseil des ministres, qui recevait les réclamations des administrés
dans leurs relations avec les administrations de l'État, des collectivités territoriales, des établissements publics et de tout autre
organisme investi d'une mission de service public. Le Médiateur n'avait pas de pouvoir de décision mais émettait
des recommandations.
L'expérience a montré que la création d'un tel organisme de contrôle correspondait à un véritable besoin et son institution
fut une belle réussite.
La loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 substitue au Médiateur de la République un « Défenseur des Droits » (v. ss
558 s.) assisté d'un Défenseur des Enfants, d'un Adjoint chargé de la déontologie dans le domaine de la sécurité et d'un
Adjoint chargé de la lutte contre les discriminations et de la promotion de l'égalité. Cet ensemble est régi par la loi-organique
du 29 mars 2011.

53 Plan de l'ouvrage ◊
On étudiera :
– dans une Première Partie : les organes de l'action administrative ;
– dans une Seconde Partie : l'action de l'Administration ;
– dans une Troisième Partie : le contrôle de l'Administration.
PREMIÈRE PARTIE
LES ORGANES DE L'ACTION ADMINISTRATIVE

SOUS-PARTIE 1 LES ORGANES DE DROIT PUBLIC

SOUS-PARTIE 2 LES ORGANES DE DROIT PRIVÉ


La description du système français d'administration, compte tenu de l'évolution qui s'est produite (v. ss 5) comporte
l'étude des Organes de droit public (Sous-Partie 1) et des Organes de droit privé (Sous-Partie 2) qui en ont la charge.
SOUS-PARTIE 1
Les organes de droit public

CHAPITRE 1 LES NOTIONS FONDAMENTALES DE L'ORGANISATION ADMINISTRATIVE


CHAPITRE 2 THÉORIE GÉNÉRALE DES PERSONNES PUBLIQUES

TITRE 1 L'ADMINISTRATION D'ÉTAT

TITRE 2 LES PERSONNES ADMINISTRATIVES SPÉCIALISÉES


Pendant fort longtemps, les organes de droit public ont constitué, à eux seuls, ce que l'on appelait « l'Administration ». Ils
demeurent aujourd'hui, bien sûr, les éléments essentiels de notre système administratif.
À la base de cette organisation se trouvent un certain nombre de notions fondamentales (Chapitre 1) et une certaine
conception de ce que sont les personnes publiques administratives (Chapitre 2). On étudiera ensuite l'organisation
administrative de l'État (Titre 1), puis les personnes administratives spécialisées (Titre 2).
CHAPITRE 1
LES NOTIONS FONDAMENTALES DE L'ORGANISATION
ADMINISTRATIVE

Section 1. ÉTAT UNITAIRE ET ÉTAT FÉDÉRAL


Section 2. CENTRALISATION ET DÉCENTRALISATION
Section 3. LA DÉCONCENTRATION
Section 4. LE CONTRÔLE ADMINISTRATIF ET FINANCIER
Lorsqu'il s'agit d'organiser l'État, il faut tout d'abord trancher une option essentielle entre deux grands types
d'organisation : celui de l'État unitaire ou celui de l'État fédéral (Section 1).
L'organisation administrative de l'État unitaire repose sur un certain équilibre entre centralisation et décentralisation
(Section 2). La centralisation nécessite le recours, dans la pratique, à une certaine déconcentration (Section 3), de même la
décentralisation suscite un système de tutelle sur les collectivités territoriales, appelé désormais contrôle (Section 4).

SECTION 1. ÉTAT UNITAIRE ET ÉTAT FÉDÉRAL

54 La France constitue ce que l'on appelle un État unitaire, cette forme d'organisation de l'État s'opposant à celle de l'État
fédéral, système pratiqué par un grand nombre de pays parmi les plus importants (États-Unis, Allemagne, Brésil, Belgique,
Canada, Mexique, etc.).
Ce qui distingue l'État unitaire de l'État fédéral c'est le statut des entités constitutives de l'État. Dans l'État fédéral, les
États fédérés tiennent de la Constitution fédérale leurs compétences mais elles fixent elles-mêmes la forme de leurs
institutions. Dans l'État unitaire l'ensemble du statut des composantes de l'État est fixé par celui-ci : elles n'ont pas le pouvoir
d'y introduire des modifications et leur statut peut toujours être modifié par l'autorité centrale.
D'autre part, dans l'État fédéral, les collectivités composantes, les États fédérés, sont, en tant que telles, associées à
l'exercice du pouvoir central, ce qui n'est pas le cas dans l'État unitaire.
En troisième lieu, dans l'État fédéral, les compétences des États fédérés peuvent s'étendre aux domaines législatif et
judiciaire, alors que les collectivités de l'État unitaire n'ont de compétences que dans l'ordre administratif.
Enfin, alors que, dans l'État fédéral, les États membres sont souverains en ce qui concerne les matières que la Constitution
fait entrer dans leur compétence, les collectivités, dans l'État unitaire, demeurent toujours placées sous le contrôle de l'État,
qui vérifie, au minimum, la légalité de leur action.
D'un point de vue théorique, l'opposition est donc fort nette entre ces deux principes d'organisation de l'État. Dans la
pratique, les choses sont plus nuancées.
En effet, si l'on examine les pouvoirs réels des collectivités membres de l'État on peut estimer que la différence entre
l'État unitaire et l'État fédéral est beaucoup moins importante qu'elle ne l'était autrefois car l'État fédéral a évolué dans le sens
d'une plus grande centralisation, alors que l'État unitaire est de plus en plus décentralisé.
La France a toujours constitué un État unitaire.

SECTION 2. CENTRALISATION ET DÉCENTRALISATION

55 A. La centralisation ◊ La centralisation, sous sa forme la plus rigoureuse, ne reconnaît aux collectivités membres de
l'État aucune vie juridique ; l'État, seule personne publique pour l'ensemble du territoire national, assume seul, sur son
budget, par ses agents, la satisfaction de tous les besoins d'intérêt général pris en charge par la puissance publique. Ceci
n'exclut évidemment pas le découpage du territoire en circonscriptions plus ou moins étendues. Mais il ne faut pas confondre
les circonscriptions 48, simples cadres destinés à permettre une implantation rationnelle des services de l'État sur l'ensemble
du territoire et les collectivités territoriales, qui correspondent à des ensembles humains préexistants dotés d'une vie
juridique propre. Un régime de centralisation pure comporte des circonscriptions, mais ne reconnaît pas de collectivités.
Par ailleurs, c'est un second aspect de la centralisation, complémentaire du premier, l'Administration d'État y est
rigoureusement hiérarchisée. Le pouvoir de décision est concentré au sommet de la hiérarchie, entre les mains du ministre.
Les échelons subordonnés ne font que transmettre et exécuter : transmettre les questions de l'endroit du territoire où elles se
posent jusqu'au ministre compétent pour les trancher ; transmettre, dans le sens inverse, la décision ministérielle et exécuter
les tâches concrètes selon les ordres reçus. Ainsi, par la centralisation, une volonté unique, partant du centre de l'État, se
transmet jusqu'aux dernières extrémités du Pays 49. Naturellement un État strictement et uniquement centralisé ne serait
qu'une vue de l'esprit.

56 B. La décentralisation ◊ La décentralisation consiste à retirer certains pouvoirs de décision en matière administrative


à l'autorité centrale pour les remettre à des autorités indépendantes du pouvoir central.
1o Dans la décentralisation territoriale, l'autorité locale qui reçoit les pouvoirs transférés constitue ce que l'on appelle une
collectivité territoriale (on parle aussi de collectivité locale) parce qu'elle se définit par référence à un certain territoire, une
certaine aire géographique, et cette collectivité a la personnalité morale (v. ss 63), ce qui lui permet d'accomplir tous les
actes de la vie juridique. La décentralisation implique une distinction, parmi la masse des besoins auxquels l'administration
doit pourvoir, entre ceux qui intéressent l'ensemble de la population – tous les Français ont besoin d'être défendus en cas de
guerre – et ceux qui demeurent particuliers à une collectivité – l'adduction d'eau au village, le tramway qui relie la gare à la
Place Kléber de Strasbourg. La décentralisation repose donc sur la distinction des affaires nationales et des affaires locales,
seules les dernières relevant de la décentralisation 50.
Le second élément qui caractérise la décentralisation est l'indépendance, au regard de l'échelon central, de l'autorité locale
qui reçoit les compétences transférées. Pratiquement cette condition est satisfaite lorsque les organes des collectivités
bénéficiaires des transferts de compétences procèdent de l'élection, ce procédé, dans une perspective historique, s'étant
substitué à celui de la nomination par le pouvoir central. Dès lors que l'État n'intervient en aucune manière dans la
constitution des organes de la collectivité territoriale, ceux-ci sont indépendants de lui ; l'État n'a pas le pouvoir hiérarchique
sur les responsables des collectivités territoriales ; il ne peut pas leur donner d'ordres.
L'un des grands problèmes de l'organisation de l'État unitaire est celui de savoir quel équilibre il convient de réaliser entre
centralisation et décentralisation territoriale.
2o La décentralisation sectorielle. La notion de décentralisation, telle que l'on vient de la présenter, s'est formée à propos
des rapports entre État et collectivités territoriales. Mais les mêmes procédés juridiques, plus ou moins transposés, ont été
également utilisés en ce qui concerne l'organisation de l'administration de l'État lui-même afin de mettre en échec la
centralisation de celle-ci. En effet, certains services, nettement individualisés par leur objet ou leur structure (par exemple,
les universités) sont mis en quelque sorte en dehors de la hiérarchie, dotés de la personnalité juridique (v. ss 63), d'un
patrimoine et d'organes chargés de diriger leur action ; ces organes bénéficient d'une certaine autonomie, l'autorité supérieure
n'exerçant plus sur eux le pouvoir hiérarchique mais seulement un contrôle analogue à celui qu'elle exerce sur les
collectivités territoriales (v. ss 59). Normalement ces services reçoivent le statut d'établissement public (v. ss 235). À cette
méthode on donne le nom de décentralisation par services, pour tout à la fois la rapprocher et la distinguer de la
décentralisation territoriale. Quelle que soit la valeur du rapprochement, il ne faut pourtant pas perdre de vue les différences
profondes qui séparent les deux procédés : l'élection, capitale dans la décentralisation territoriale, ne joue
qu'exceptionnellement pour la désignation des dirigeants de l'établissement public (c'est le cas, cependant, des universités) :
celui-ci, en effet, ne correspond que rarement à une communauté préexistante. Il n'est qu'un procédé juridique permettant la
meilleure gestion d'un service public.

SECTION 3. LA DÉCONCENTRATION 51

57 Un système d'administration totalement centralisé ne serait pas viable. Selon la formule de Lammenais, ce serait
« l'apoplexie au centre et la paralysie aux extrémités ». Le système ne peut fonctionner que si l'on recourt à la
déconcentration. Celle-ci consiste à remettre certains pouvoirs de décision à des agents locaux du pouvoir central. Par
exemple, ce n'est plus le ministre de l'Intérieur qui, depuis Paris, prend la décision ; celle-ci est prise, dans chaque
département, par le préfet représentant local du Gouvernement et donc du ministre de l'Intérieur. Selon le mot d'Odilon
Barrot, dans la déconcentration, « c'est toujours le même marteau qui frappe, mais on en a raccourci le manche ». On voit
donc la différence entre décentralisation et déconcentration. Dans la déconcentration, la décision est toujours prise au nom
de l'État par un de ses agents ; il y a seulement substitution d'un agent local au chef de la hiérarchie. L'État ne s'est dessaisi
d'aucun de ses pouvoirs. Dans la décentralisation, la décision n'est plus prise au nom et pour le compte de l'État par un de ses
agents, mais au nom et pour le compte d'une collectivité territoriale par un organe qui émane d'elle. Mais les deux procédés
ont un grand avantage commun : rapprocher l'administration – c'est-à-dire celui qui prend la décision – des administrés. C'est
pourquoi la loi du 6 février 1992 (v. ss 102) les rapproche : les progrès de la décentralisation exigent que le représentant local
du pouvoir central dispose de pouvoirs importants, et donc déconcentrés. Mais la différence entre ces deux procédés, du
point de vue juridique, reste pourtant essentielle.
Il ne faut pas confondre la déconcentration avec la notion de délocalisation 52 apparue plus récemment dans le
vocabulaire administratif. La délocalisation consiste à déplacer hors de Paris un certain nombre d'organismes relevant de
l'administration d'État, dont le Gouvernement estime que leur implantation dans la capitale n'est nullement nécessaire bien
que leur activité présente un intérêt national et non local. L'exemple le plus connu de cette pratique est le transfert de l'ENA à
Strasbourg 53. Elle correspond à une certaine politique d'aménagement du territoire national, mais n'a aucune
portée juridique.

SECTION 4. LE CONTRÔLE ADMINISTRATIF ET FINANCIER

58 On ne peut pas accepter qu'une autorité administrative exerce ses pouvoirs sans aucun contrôle (v. ss 45 s.). Ainsi, dans une
administration centralisée, le supérieur possède, à l'égard des actes du subordonné, les plus larges pouvoirs ; il peut, sous
certaines réserves non négligeables 54, les réformer ou les annuler, non seulement pour des raisons d'illégalité mais aussi
lorsqu'il les juge inopportuns. C'est le contrôle hiérarchique.
En ce qui concerne les collectivités territoriales il n'y a pas de pouvoir hiérarchique de l'État et donc pas de contrôle
hiérarchique. Doit-il en résulter qu'aucun contrôle ne doive peser sur celles-ci ? Ce n'est pas envisageable. L'État va exercer
sur les collectivités territoriales ce que l'on appelait traditionnellement la « tutelle », terme remplacé désormais par celui de
« contrôle » ; en effet, la loi du 2 mars 1982 (v. ss 118) intitule deux de ses chapitres « suppression de la tutelle
administrative » et « suppression de la tutelle financière ». D'ailleurs, l'article 72 de la Constitution de 1958 confie au
délégué du Gouvernement (le préfet) la charge « du contrôle administratif » des collectivités territoriales. Ce contrôle est
nécessaire, à la fois dans l'intérêt de l'État lui-même qui doit sauvegarder son unité politique et veiller au respect de la loi,
mais aussi dans l'intérêt de la personne décentralisée, qui serait la première victime de la mauvaise gestion de ses
représentants, et dans l'intérêt des administrés, qui peuvent avoir besoin d'une protection contre l'autorité décentralisée.
59 1o L'autorité chargée du contrôle ◊ Elle est tout naturellement, déconcentrée. Le contrôle est confié au préfet et la
loi du 2 mars 1982, qui a supprimé la tutelle, lui maintient en la matière un rôle important (v. ss 118). Ce même texte précise
bien qu'il ne doit pas y avoir de tutelle d'une collectivité territoriale sur une autre.

60 2o L'objet du contrôle ◊ Lorsque l'État veut contrôler les collectivités territoriales, ce contrôle peut se proposer deux
objets bien différents : il peut s'agir d'un contrôle de légalité ou d'un contrôle d'opportunité.
a) Le contrôle de légalité vise à vérifier que la décision prise est « légale », c'est-à-dire conforme au droit. Il va de soi
que personne, et notamment pas les collectivités territoriales, ne peut avoir une sorte de « droit à l'illégalité ». Si celles-ci
prennent une décision illégale il est naturel qu'elle soit annulée. Cependant, il est souhaitable que ce soit un juge, dont c'est le
rôle, et non l'autorité de tutelle, qui se prononce sur ce point.
b) Le contrôle d'opportunité est quelque chose de fort différent. Cette fois-ci on ne discute plus de la conformité au
droit de la décision ; on se demande, ce qui n'est pas du tout la même chose, si celle-ci est « raisonnable », si elle correspond
à un standard de bonne administration. Bref, si elle est opportune ou inopportune. Si l'autorité de contrôle a le pouvoir
d'apprécier l'opportunité des décisions prises par les collectivités territoriales, c'est le principe même de la décentralisation
qui est remis en cause. Selon un adage bien connu : « donner et retenir ne vaut ».
Désormais le contrôle de l'État sur les collectivités territoriales ne porte plus que sur la légalité.

61 3o Les techniques du contrôle ◊ Le contrôle des collectivités territoriales peut porter soit sur les personnes des élus,
mais ce pouvoir est alors toujours étroitement limité, soit sur les actes. En ce qui concerne ces derniers, plusieurs procédés
peuvent être utilisés : on les évoquera en allant du plus acceptable au moins acceptable du point de vue de la
décentralisation ;
a) La saisine du juge. Ce procédé ne peut jouer que lorsque c'est la légalité d'une décision qui est en cause. Il est tout à
fait satisfaisant puisque le débat entre le représentant de l'État et la collectivité territoriale sur la légalité d'une décision est
arbitré par un tiers, dont c'est le métier, le juge administratif ;
b) Le pouvoir d'approbation. La décision ne devient applicable que lorsqu'elle a été approuvée par le représentant de
l'État. La décision d'approbation peut être expresse ou implicite, le silence gardé pendant un certain temps valant alors
approbation. Compte tenu du nombre de décisions prises par les collectivités territoriales, c'est ce système d'approbation
implicite qui permet alors au système de fonctionner.
c) Le pouvoir d'annulation. Cette fois-ci l'atteinte au principe de décentralisation est évidente puisque le représentant de
l'État a le pouvoir d'annuler une décision de la collectivité territoriale.
d) Le pouvoir de substitution d'office. Avec ce procédé on permet au représentant de l'État de se substituer aux organes
normalement compétents de la collectivité territoriale pour prendre, en leur lieu et place, une décision relevant des
attributions de cette collectivité. Ce procédé peut paraître choquant. On verra (v. ss 234) cependant qu'il est nécessaire dans
certains cas.
CHAPITRE 2
THÉORIE GÉNÉRALE DES PERSONNES PUBLIQUES

Section 1. LA PERSONNALITÉ MORALE


Section 2. LA DISTINCTION DES PERSONNES MORALES DE DROIT PUBLIC ET DE DROIT PRIVÉ
§ 1. Les personnes morales de droit privé
§ 2. Les personnes morales de droit public
Section 3. L'ÉVOLUTION DE LA DISTINCTION ENTRE PERSONNES MORALES PUBLIQUES ET PRIVÉES
§ 1. L'évolution des personnes morales de droit privé
§ 2. L'évolution des personnes morales de droit public
Les personnes publiques ont la qualité de personnes morales (Section 1) ; parmi celles-ci on distingue les personnes
morales de droit public et les personnes morales de droit privé (section 2) ; l'évolution a diminué l'opposition entre
personnes morales de droit public et de droit privé (Section 3).

SECTION 1. LA PERSONNALITÉ MORALE

62 A. Le problème de la personnalité morale 55 ◊ La civilisation occidentale, essentiellement humaniste, fait


coïncider, en principe, la qualité de personne humaine et celle de sujet de droit. La personnalité morale met cette coïncidence
en échec : elle consacre l'existence de sujets de droit qui ne sont pas des personnes humaines.
C'est cette particularité qui explique les discussions longtemps poursuivies entre ceux qui affirmaient que les personnes
morales étaient des personnes réelles, et ceux qui y voyaient de simples fictions 56. Inconsciemment, les uns et les autres
partaient de l'idée que les sujets de droit sont, normalement, les personnes humaines ; d'où les efforts des partisans de la
« réalité » pour assimiler, contre tout bon sens, personne morale et personne physique ; d'où les conclusions de ceux qui,
constatant la différence évidente entre personnes physiques et personnes morales, déniaient à celles-ci toute réalité : « Je n'ai
jamais déjeuné avec une personne morale », s'exclamait Gaston Jèze.
Ce débat d'école avait une portée très pratique, et même politique : si les personnes morales sont des réalités, en effet,
l'État n'est pas libre de les créer ou de les supprimer : elles s'imposent à lui. Si au contraire elles sont de pures fictions, l'État
en est le maître. Dans les luttes engagées à la fin du XIXe siècle, en Allemagne, puis en France, autour des personnes morales
à caractère religieux, notamment des congrégations, les deux thèses justifiaient des attitudes opposées.
Cette façon de poser le problème l'a considérablement obscurci. L'histoire enseigne, en effet, que la liaison entre la
personnalité humaine et la personnalité juridique n'est ni constante, ni nécessaire : des civilisations entières ont connu des
sujets de droit qui n'étaient point des hommes, et refusé à des hommes, par l'esclavage, la qualité de sujets de droit.
L'expérience montre également que la personnalité juridique peut exister sans les attributs de la personnalité humaine,
raison, liberté, volonté : le nouveau-né est sujet de droit, et de même l'aliéné.
La qualité de sujet de droit, l'aptitude à la vie juridique, est donc une qualité abstraite, que chaque civilisation attache aux
réalités qu'elle juge dignes de la protection du droit. La personne humaine, dans notre civilisation, est la principale de ces
réalités, mais d'autres, intérêts collectifs, entreprises, communautés, peuvent bénéficier de la même protection.
D'où la définition de Marcel Waline, qui voit, dans la personne morale, un centre d'intérêts juridiquement protégés.

63 B. Les éléments de la personnalité morale ◊ Il y a, dans toute personne morale, deux séries d'éléments.
D'abord, la réalité de base qu'il faut protéger, c'est-à-dire une somme d'intérêts qui ne sauraient se réduire à des intérêts
individuels. Le plus souvent, ces intérêts correspondent à l'existence d'un groupe humain possédant une certaine
homogénéité (habitants d'une commune). Parfois, ils ont bien une réalité objective, mais sans qu'une communauté se soit
formée autour d'eux (intérêts des indigents, des malades).
Le second élément est le procédé juridique utilisé pour protéger ces intérêts. Il est tout à fait faux de dire qu'il consiste à
les traiter comme ceux d'une personne humaine. En réalité, l'octroi de la personnalité morale a un effet triple :
1o Tous les actes concernant les intérêts en question sont rattachés à un seul et même centre érigé en sujet de droit : c'est la
personne morale.
2o Ce sujet se voit reconnaître la permanence, malgré le renouvellement incessant des individus intéressés.
3o Des organes sont créés pour agir au nom du sujet de droit.

64 C. Personnes morales et personnes physiques ◊ On aperçoit dès lors les différences qui les séparent sur le
terrain juridique.
1o La personne morale échappe à la précarité des personnes humaines : sa durée n'est pas limitée par la mort naturelle.
2o Alors que la personne humaine est libre et peut poursuivre n'importe quel objet licite, la personne morale ne peut agir
qu'en fonction des intérêts pour le service desquels elle est créée : c'est le principe de la spécialité des personnes morales 57.
3o La personnalité juridique est acquise de plein droit, à toute personne humaine ; au contraire, seuls sont appelés à la vie
juridique les intérêts jugés dignes d'une protection spéciale. C'est donc l'intervention de l'autorité publique qui, en principe,
fonde l'existence de la personnalité morale, soit directement, soit en fixant les conditions auxquelles les particuliers devront
satisfaire pour créer une personne morale d'un certain type (lois sur les associations, sur les sociétés). Toutefois, il est admis
que l'octroi de la personnalité morale par la loi peut être tacite : il suffit qu'elle ait consacré l'existence d'un groupement et la
licéité de son action pour que celui-ci accède de plein droit à la personnalité morale 58.
4o Alors que toutes les personnes physiques jouissent normalement de la même capacité, celle des personnes morales peut
être plus ou moins large, le législateur restant maître de graduer la protection qu'il accorde.
5o Les personnes morales se différenciaient des personnes physiques dans la mesure où, contrairement à celles-ci, elles
échappaient à toute répression pénale. Le nouveau Code pénal a mis fin à cette situation : l'article 121-2 pose le principe de
la responsabilité pénale des personnes morales, à l'exception de l'État 59.

SECTION 2. LA DISTINCTION DES PERSONNES MORALES DE DROIT PUBLIC


ET DE DROIT PRIVÉ
La distinction des personnes morales de droit privé et de droit public est fondamentale. Bien que les premières relèvent
d'autres disciplines que le droit administratif, il est nécessaire d'en prendre ici une vue sommaire (§ 1) pour deux raisons :
c'est par rapport à elles que s'affirment les caractères propres des personnes de droit public ; certaines d'entre elles intéressent
au premier chef l'action de l'administration, soit par les contrôles qu'elle exerce sur elles, soit par l'utilisation qu'elle en fait,
notamment pour son action économique 60. Il conviendra ensuite de caractériser les personnes publiques (§ 2).

§ 1. Les personnes morales de droit privé

65 A. Caractères généraux ◊ Toutes les personnes morales de droit privé ont en commun les traits suivants, qui les
opposent aux personnes publiques.
1o Leur création résulte en principe de l'initiative privée. La loi se borne à déterminer les conditions de cette création ; les
particuliers mettent en œuvre, s'ils le souhaitent, les possibilités qui leur sont ainsi offertes.
2o La liberté qui préside à la création se retrouve dans l'appartenance au groupement : nul n'est tenu d'y adhérer, nul ne
peut être contraint d'y rester.
3o La capacité des personnes morales, variable selon leur nature, est toujours limitée à des actes de droit privé ; elle
exclut, normalement, toute prérogative de puissance publique.

66 B. Principaux types ◊ Ces traits communs laissent subsister de profondes différences de régime entre les diverses
personnes privées. La distinction essentielle découle du caractère lucratif ou non lucratif du but poursuivi.
1o Les personnes morales à but lucratif sont les sociétés civiles et commerciales ; toutes se caractérisent par la
recherche d'un profit pécuniaire. Elles ont été les premières à connaître la faveur du législateur du XIXe siècle. Aujourd'hui
encore, elles bénéficient de la capacité la plus étendue. Ces constatations s'expliquent par l'adhésion de l'État au libéralisme
économique, qui le poussait à faciliter au maximum la recherche du profit, et par l'évolution technique qui exigeait la
concentration des capitaux pour mettre les entreprises à même d'utiliser les moyens puissants, mais onéreux qu'elle leur
offrait. À l'heure actuelle, cette faveur n'exclut pas un certain contrôle exercé par l'État sur les personnes à but lucratif, qui
peut aller jusqu'à l'association, dans le cadre de la société anonyme, des capitaux publics et des capitaux privés (économie
mixte), ou encore à la création, par les personnes publiques, de sociétés qui restent, de par leur forme, des personnes privées,
et possèdent ainsi une plus grande liberté d'action.
2o Les personnes morales à but non lucratif n'ont été admises que tardivement par le législateur français ; dans
l'ensemble, leur régime est plus sévère que celui des personnes à but lucratif.
Cette défiance a des causes historiques : l'individualisme révolutionnaire condamnait les groupements, dans lesquels
l'homme peut aliéner une part de sa personnalité ; la plupart des régimes du XIXe siècle redoutaient que la liberté d'association
permît le regroupement des opposants ; enfin, le libéralisme économique dénonçait le phénomène dit de la mainmorte : les
personnes morales désintéressées attirent les dons, leurs patrimoines tendent à s'enfler, et leur caractère perpétuel aboutit à
mettre les biens ainsi accumulés hors du circuit économique normal. Il fallut attendre la fin du XIXe siècle pour que cédassent
ces divers éléments d'hostilité. Le développement du régime démocratique, le recul de l'individualisme dans une société où le
groupement apparaissait seul à l'échelle des problèmes nouveaux qui se posaient à l'homme, ont amené le législateur à
autoriser le développement des personnes morales à but non lucratif. Néanmoins, leurs régimes, qui varient selon leur objet,
sont moins libéraux, dans l'ensemble, que les précédents. On distingue, parmi elles :
a) Les syndicats professionnels (loi du 21 mars 1884, C. trav., art. L. 2111-1 s.). Ce sont des groupements ayant pour but
la défense des intérêts professionnels ; ils bénéficient d'un régime particulièrement favorable. Leur étude relève du droit du
travail. Ils intéressent le droit administratif par de nombreux points : extension du droit syndical aux fonctionnaires publics,
et rôle des syndicats de fonctionnaires en ce qui concerne le régime de la fonction publique, participation des syndicats à de
très nombreux organismes administratifs, association des syndicats à l'exercice du pouvoir réglementaire en matière de
régime du travail par le procédé de la convention collective, etc. 61
b) Les associations (loi du 1er juill. 1901) 62. Ce sont des groupements que les individus, dès lors qu'ils poursuivent un but
légal, et non lucratif, peuvent créer librement. S'ils désirent développer leur action en obtenant la personnalité morale, elle
leur est acquise du seul fait de leur déclaration à la préfecture ; mais la capacité des associations déclarées reste limitée. Pour
l'accroître, l'association doit obtenir la reconnaissance d'utilité publique, accordée par décret, qui s'accompagne d'un contrôle
particulier. Longtemps, l'administration ne s'est occupé des associations que pour les surveiller, dans les limites fixées par la
loi ; aujourd'hui, il est fréquent de voir l'administration confier à des associations, qu'elle soumet, dès lors, à un contrôle plus
strict, des tâches d'intérêt général 63. Souvent même, la création d'une association de la loi de 1901 est un procédé auquel les
personnes publiques recourent pour agir dans un domaine qui requiert plus de souplesse que n'en permettent les procédures
administratives et notamment les règles strictes de la comptabilité publique : le procédé a été vivement dénoncé par la Cour
des comptes. Des associations proprement dites, il faut rapprocher divers types de groupements que la loi soumet à un
régime particulier, soit plus sévère (congrégations religieuses) soit plus libéral (sociétés mutualistes).
c) Les fondations. Un particulier affecte un patrimoine à une tâche désintéressée, et organise la gestion de ce patrimoine
en vue de cette tâche. L'œuvre ne peut fonctionner que si elle obtient la personnalité. C'est un décret qui la lui accorde, en la
déclarant d'utilité publique. Les fondations, en France, entrent donc dans la catégorie des « établissements d'utilité publique »
(v. ss 242). On remarquera qu'ici, la reconnaissance d'utilité publique crée la personnalité alors qu'en matière d'associations,
elle ne fait qu'élargir la capacité. Un effort a été tenté pour faciliter et développer l'initiative privée dans ce domaine 64,
notamment en permettant aux entreprises à but lucratif qui le souhaitent de créer des fondations à but désintéressé dans les
domaines culturel et humanitaire (mécénat d'entreprise). La loi du 10 août 2007 « relative aux libertés et responsabilités des
universités » crée au profit de celles-ci deux types de fondations destinées à faciliter leur financement : la fondation
universitaire et la fondation partenariale.

§ 2. Les personnes morales de droit public 65

67 A. Caractères généraux ◊ Ils s'opposent radicalement à ceux des personnes morales de droit privé.
1o La création des personnes de droit public n'est jamais le résultat de l'initiative privée ; c'est l'autorité publique seule qui
y procède.
2o Les particuliers n'ont aucune liberté d'adhésion ; sitôt qu'ils remplissent certaines conditions de fait, ils relèvent ipso
facto de telle personne publique. Fixer son domicile, c'est s'agréger à la commune, au département, à la région, dans lesquels
ce domicile est situé. L'appartenance à ces collectivités en découle nécessairement.
3o Les buts assignés aux personnes publiques ne sont pas d'ordre privé : toujours, c'est la satisfaction de certains intérêts
généraux qui leur est confiée. Il en résulte qu'elles ne poursuivent jamais une fin purement lucrative ; la réalisation d'un
bénéfice, si elle n'est nullement exclue dans nombre de cas, ne saurait justifier à elle seule la création d'une personne
publique, même dans l'ordre économique.
4o La capacité des personnes publiques, si elle varie, s'étend toujours au-delà des moyens d'action du droit privé ; elles
ont à leur disposition des prérogatives de puissance publique : pouvoir d'exproprier, d'imposer, d'agir par voie d'autorité.

68 B. Principaux types ◊ Les personnes publiques, on l'a vu, se classent en deux grandes catégories.
1o Les principales, du point de vue de l'organisation administrative, correspondent à des entités territoriales (v. ss 56)
c'est-à-dire à des groupes humains, liés par la vie en commun sur un même sol : outre l'État, personnification juridique de la
communauté nationale, ce sont la région, le département et la commune.
2o Une seconde catégorie correspond à ce que l'on appelle la décentralisation par services, c'est-à-dire des établissements
publics (v. ss 56). Selon que la tâche qui leur est confiée intéresse la nation tout entière ou une collectivité territoriale, les
établissements publics sont rattachés à la collectivité correspondante (établissements publics nationaux, régionaux,
départementaux ou communaux).
Initialement, les établissements publics assuraient la gestion de services publics d'ordre social (hôpitaux) ou intellectuel
(Universités, Facultés) ; par la suite, le procédé a été utilisé pour des services publics industriels et commerciaux ; il a été
appliqué aussi à certains services d'organisation et de représentation professionnelle (Chambres de commerce, d'agriculture).
De plus, le législateur a qualifié d'établissements publics des personnes morales regroupant, en vue de résoudre leurs
problèmes communs, des collectivités territoriales, communes, départements ou régions (v. ss 264 s.). Les groupements
d'intérêt public (GIP), créés à partir de 1982, qui réunissent des personnes publiques et des personnes privées en vue d'une
tâche commune (recherche, culture, sport, etc.), ne sont pas des établissements publics mais des personnes sui generis (v. ss
282). Cette multiplicité d'applications a abouti à une très grande différenciation dans le régime juridique des divers
établissements publics.

69 C. Personnalité morale et autonomie des personnes publiques ◊ Dans l'analyse classique des personnes
publiques il y a un lien nécessaire entre reconnaissance de la personnalité juridique et autonomie. C'est pour accorder une
importante autonomie aux collectivités territoriales ou aux établissements publics qu'on leur reconnaît la
personnalité morale.
L'évolution a montré que cette relation n'est pas systématique : il y a des cas où il y a personnalité sans autonomie et, à
l'inverse, autonomie sans personnalité juridique. À l'origine de ces phénomènes il y a la multiplication des démembrements
de l'État, qui sont devenus pratique courante, de même que la prolifération des organismes agissant dans l'orbite des
collectivités territoriales.
On a recherché, à travers ces créations, avant tout l'autonomie de gestion, le problème de la personnalité juridique des
organismes créés n'apparaissant pas comme essentiel. On s'éloigne ainsi du schéma traditionnel. Par exemple, à l'intérieur
des universités (établissements publics dotés de la personnalité) on trouve un certain nombre de composantes – les UFR –
n'ayant pas la personnalité mais établissant leur propre budget, ce qui représente une autonomie de gestion loin d'être
négligeable 66. De même l'arrondissement, circonscription de l'Administration d'État (v. ss 113) n'a pas la personnalité
juridique ; et cependant, jusqu'à la deuxième guerre mondiale, il disposait pour sa gestion d'un Conseil d'arrondissement, élu,
ce qui lui conférait une certaine autonomie. À l'inverse, à l'intérieur des universités on peut également trouver des unités
elles-mêmes dotées de la personnalité morale et qui sont cependant loin de jouir de l'autonomie que devrait leur conférer
cette qualité. De manière plus générale ce sont souvent les statuts fondateurs d'un organisme doté de la personnalité juridique
qui déterminent les conditions dans lesquelles l'exercice de telle compétence peut être délégué.

70 D. Les conséquences attachées à la qualification de personne morale de droit public ◊


1o Le principe de spécialité 67. L'activité des personnes de droit public – à l'exception de l'État – comme celle d'ailleurs
des personnes morales de droit privé, est dominée par le principe de spécialité. Appliqué aux collectivités territoriales, le
principe signifie que la compétence de celles-ci s'étend à l'ensemble des intérêts généraux de la collectivité, tels que la loi les
définit, mais à eux seuls. Le principe de spécialité, en ce qui les concerne, s'entend donc d'une spécialité territoriale et de la
définition de ce que sont « les affaires propres de la collectivité » que les textes leur confient. Dans la pratique on a de
grandes difficultés à définir ce que sont de telles affaires (v. ss 163).
Le principe de spécialité est surtout lié à la notion d'établissement public. Il signifie que celui-ci doit limiter ses activités
aux seules missions qui lui ont été assignées par les textes constitutifs. Par exemple, une Caisse des Écoles, qui a pour
mission de faciliter la fréquentation des écoles publiques, méconnaît le principe de spécialité si elle vise également la
fréquentation des écoles privées (CE 22 mai 1903, Caisse des Écoles du 6e arrondissement de Paris, S. 1905. 3. 33 note
Hauriou). Toutefois il n'est pas rare que la spécialité de l'établissement public soit définie de manière assez large, ce qui lui
enlève alors une bonne part de son caractère contraignant.
Le principe de spécialité n'est pas applicable à l'État, car « l'État, par définition, n'a pas de spécialité ; il a une vocation
générale pour l'ensemble des activités qui ne sont pas confiées à une autre personne morale de droit public, soit réservées au
secteur privé » (concl. G. Braibant, sous CE 29 avr. 1970, Sté Unipain, AJDA 1970. 430).
2o Les privilèges inhérents à la qualité de personne publique. On l'a vu (v. ss 4) la qualité de personne publique
entraîne la disposition d'un certain nombre de prérogatives de puissance publique, c'est-à-dire de prérogatives qui
n'appartiennent pas aux simples particuliers. Mais la qualité de personne publique permet également d'échapper à un certain
nombre de procédures qui s'appliquent aux particuliers.
a) Les personnes publiques ne peuvent pas faire l'objet de voies d'exécution, c'est-à-dire de procédures permettant
d'obtenir, par la force, l'exécution d'un acte ou d'un jugement qui reconnaît à quelqu'un une prérogative ou un droit. On s'était
demandé si cette exemption devait être limitée aux seuls établissements publics ou si elle jouait en faveur de l'ensemble des
personnes publiques. La Cour de cassation a tranché en faveur de cette seconde hypothèse (Civ. 1re, 21 déc. 1987, Bureau de
Recherches géologiques et minières, RFDA 1988. 771, concl. Charbonnier, note Pacteau). Le principe peut paraître logique
dans la mesure où l'État a le monopole de la contrainte organisée ; il ne peut pas se contraindre lui-même, si l'on peut dire.
Mais cela pose problème lorsque l'État se fait commerçant public. Par ailleurs, la contrepartie de cette exemption des voies
d'exécution devrait être, de la part des personnes publiques, l'exécution spontanée des décisions de justice rendues à leur
encontre. Cela est loin d'être toujours le cas (v. ss 710).
b) Dans le même esprit, les personnes publiques ne peuvent pas faire l'objet de procédures de redressement ou de
liquidation judiciaire.
c) La tradition voulait que les personnes publiques ne puissent pas recourir à la procédure de l'arbitrage pour le règlement
des litiges dans lesquels elles se trouvent impliquées (v. ss 621). On considérait que les affaires concernant les personnes
publiques ne peuvent être jugées que par la justice « officielle » : CE, Ass., 13 déc. 1957, Sté nationale de vente des surplus,
D. 1958. 517, concl. Gazier. Toutefois la loi du 9 juillet 1975, art. 5, – insérée dans le Code civil, art. 2060 – a prévu que, par
exception à ce principe, certaines catégories d'établissements publics industriels et commerciaux dont la liste serait fixée par
décret, pourraient recourir à l'arbitrage. Le décret n'a jamais été pris mais plusieurs lois ont autorisé l'arbitrage pour telle ou
telle entreprise publique (SNCF, la Poste, France-Telecom, Réseau ferré de France, Chambres de Commerce).
Cet état du droit positif avait été critiqué par la doctrine (v. par ex. Y. Gaudemet, « L'avenir de l'arbitrage en droit
administratif français », Mélanges Moreau, p. 165). Cela a conduit le Vice-Président du Conseil d'État a créé un groupe de
travail, présidé par D. Labetoulle, chargé d'étudier « les hypothèses et les conditions dans lesquelles les personnes morales de
droit public pourraient recourir à l'arbitrage pour la solution des litiges autres que ceux relatifs au contentieux des actes
administratifs unilatéraux » 68. Le Rapport, qui limitait les recours à l'arbitrage au seul domaine des contrats – ce que je
regrette – n'a toujours pas abouti à la réforme préconisée, ce qui ressemble fort à un abandon.

SECTION 3. L'ÉVOLUTION DE LA DISTINCTION ENTRE PERSONNES


MORALES PUBLIQUES ET PRIVÉES
L'abandon de la conception organique de l'Administration a fait qu'il a été de plus en plus fréquent de confier des tâches
d'Administration publique à des personnes morales de droit privé (v. ss 5). Cela a eu pour conséquence de rapprocher les
deux catégories de personnes morales au point de faire apparaître des situations intermédiaires. Dans la pratique, parfois, il
est difficile de dire si telle personne morale (par exemple un hospice ou une caisse d'épargne) appartient à l'une ou à
l'autre catégorie.

§ 1. L'évolution des personnes morales de droit privé

71 L'autorité publique, désormais, prend souvent l'initiative de créer elle-même une personne morale privée – association,
fondation, société – afin de donner plus de souplesse à son action dans le domaine qui lui est confié. Ainsi, par exemple, la
Fondation française des sciences politiques (Ord. du 9 octobre 1945).
Par ailleurs, il est fréquent que des personnes publiques s'associent avec des particuliers dans le cadre d'une personne
morale privée ; ainsi des Sociétés d'économie mixte, qui sont des sociétés anonymes dont les actions appartiennent pour
partie à des capitalistes privés et pour partie à des personnes publiques (v. ss 297 s.). À la limite, les particuliers peuvent être
totalement éliminés sans que la personne morale perde son caractère privé : c'est le cas des sociétés nationales (v. ss 296)
dont l'État détient toutes les actions.
La logique de cette évolution conduit à octroyer à certaines personnes morales de droit privé, en raison de l'intérêt général
qui s'attache à leur action, des prérogatives de puissance publique : par exemple, elles pourront recourir à l'expropriation,
recouvrer les cotisations de leurs adhérents par voie autoritaire, ou prendre des règlements comme des autorités publiques.
Le système est logique même si on peut, a priori, trouver étrange qu'un simple particulier se voit confier des prérogatives de
puissance publique.
Parfois des personnes morales privées participent à l'action des organismes publics : ainsi de certaines associations ayant
pour objet la protection de la nature et de l'environnement (L. 10 juill. 1976, art. 40). On aboutit, par ces diverses voies, à la
catégorie intermédiaire des personnes privées d'intérêt général (CE 20 déc. 1935, Sté des Établissements Vezia, RD publ.
1936. 119, concl. Latournerie).

§ 2. L'évolution des personnes morales de droit public

72 Parmi les établissements publics (v. ss 235) on a vu se développer des établissements dont les activités, analogues à celles
que peuvent se proposer les particuliers, ont pour effet de les soumettre, dans une large mesure, au droit privé ; c'est le cas
pour les établissements à caractère industriel et commercial, voire pour les établissements publics de coopération culturelle
créés par la loi du 4 janvier 2002.

73 Le rapprochement entre personnes morales de droit public et de droit privé qui s'est effectué a pris tout son relief avec la
création, par le législateur, de personnes morales qu'il a chargées, sans préciser leur nature, de l'organisation et de la
discipline des professions. Les unes (comités d'organisation) ont disparu avec le régime de Vichy qui les avaient créées ;
mais les autres, les ordres professionnels (des médecins, des pharmaciens, etc.) se sont maintenues. Le Conseil d'État n'a pas
voulu trancher le problème de la nature publique ou privée de ces organismes ; il s'est borné à affirmer le caractère de service
public de la mission à eux confiée, tout en leur refusant la qualité d'établissement public (CE 31 juill. 1942, Monpeurt,
GAJA, no 49 ; pour les comités d'organisation : 2 avr. 1943, Bouguen, GAJA, no 50 ; pour les ordres professionnels,
v. ss 303). La doctrine est partagée, certains y voyant des personnes privées chargées d'un service public – ce que je pense –
d'autres des personnes publiques d'un type nouveau 69. Cette dernière conception peut d'ailleurs s'appuyer sur la création, par
le législateur, d'autres organismes publics qu'il se refuse à qualifier d'établissements publics tout en les dotant de la
personnalité : Agence France-Presse 70 (L. 10 janv. 1957), « Ensembles urbains » (L. 10 juill. 1970), etc. Ainsi pourrait se
confirmer l'existence d'une nouvelle catégorie de personnes publiques « innommées ».
TITRE 1
L'ADMINISTRATION D'ÉTAT

CHAPITRE 1 L'ADMINISTRATION CENTRALE DE L'ÉTAT


CHAPITRE 2 L'ADMINISTRATION TERRITORIALE DE L'ÉTAT
CONCLUSION LA RÉFORME DE L'ÉTAT

74 Vue d'ensemble ◊ Dans un pays longtemps centralisé, comme la France, la part des tâches administratives considérées
comme d'intérêt national et assurées, dès lors, par l'État, reste considérable. C'est l'administration d'État qui constituait,
jusqu'aux réformes de 1982, l'essentiel de l'armature administrative française.
Malgré les réformes intervenues depuis un quart de siècle, l'administration d'État garde un poids important dans la vie
nationale, même s'il tend progressivement à se réduire sous la double influence de la décentralisation et des compétences
croissantes de l'Union européenne.
Il faut insister sur l'importance des transformations qui sont en cours en matière d'organisation administrative. La
physionomie administrative de la France, dont les traits essentiels n'avaient que peu changé depuis l'An VIII, est en train de
se modifier profondément, les réformes succédant aux réformes.
L'Administration d'État comprend des éléments qui correspondent à la centralisation de notre système administratif, c'est
l'Administration centrale de l'État (Chapitre 1) et des éléments qui permettent la déconcentration, c'est l'Administration
territoriale de l'État (Chapitre 2).
CHAPITRE 1
L'ADMINISTRATION CENTRALE DE L'ÉTAT

Section 1. LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE


§ 1. L'évolution des rôles respectifs du Président de la République et du chef du Gouvernement
§ 2. Les attributions administratives
§ 3. Les services de la Présidence de la République
Section 2. LE PREMIER MINISTRE
§ 1. Les attributions administratives
§ 2. Les services du Premier ministre
Section 3. LES MINISTRES
§ 1. Les attributions administratives
§ 2. L'organisation-type d'un ministère
Section 4. LES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES
§ 1. La vogue des Autorités administratives indépendantes
§ 2. Les pouvoirs des Autorités administratives indépendantes
§ 3. Le contrôle des Autorités administratives indépendantes
Section 5. LES AGENCES
Section 6. LA COORDINATION DE L'ACTION DES AUTORITÉS CENTRALES
Les organes de l'Administration d'État sont de deux sortes : d'une part, les autorités investies, dans l'ordre administratif, de
compétences générales : le Président de la République (Section 1) et le Premier ministre (section 2), placés à la tête du
système administratif. D'autre part, en dessous d'eux, des organes spécialisés dans la direction d'un groupe de services, les
Ministres et leurs collaborateurs (Section 3). À côté de ces structures classiques ont été créés, depuis une trentaine d'années,
des organismes qui échappent à la subordination hiérarchique en raison de la nature des missions qui leur sont confiées, les
Autorités administratives indépendantes (Section 4). On a également vu se multiplier des organismes jouant un rôle
déterminant dans la mise en œuvre des politiques publiques, les agences (Section 5). La dispersion des tâches
administratives entre ces différentes autorités pose le problème, dans un souci de cohérence de l'action des autorités
administratives centrales, de la coordination de leurs actions (Section 6).

SECTION 1. LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE


Le bicéphalisme du pouvoir exécutif à la tête de l'État – c'est-à-dire le fait que le pouvoir exécutif suprême est partagé
entre deux personnes, le Président de la République et le Premier ministre – commande la ventilation des attributions
administratives entre ces deux autorités (§ 1) ; dans le système actuel, le Président de la République possède des attributions
administratives importantes (§ 2) ; il dispose, pour les exercer, d'un certain nombre de services (§ 3).

§ 1. L'évolution des rôles respectifs du Président de la République et du chef


du Gouvernement

75 Les lois constitutionnelles de 1875 ne connaissaient que le seul Président de la République. Mais le problème du
bicéphalisme du pouvoir exécutif se posa, dès les débuts de la IIIe République, lorsqu'apparut, de manière strictement
coutumière, le Président du Conseil des ministres. Dans la pratique ce fut ce dernier qui exerça les attributions
administratives extrêmement importantes que la Constitution attribuait au Président de la République, ce qui est un fort bel
exemple de coutume constitutionnelle.
La Constitution de 1946 devait, en quelque sorte, rédiger cette coutume ; son article 47 prévoit que « le Président du
Conseil des ministres est chargé de l'exécution des lois », ce qui signifiait, si l'on se réfère à la tradition constitutionnelle
française, qu'il est le chef du pouvoir exécutif, avec tout ce que cela implique. Dans un tel contexte le Président de la
République n'a pratiquement plus aucun rôle à jouer en matière administrative, si ce n'est formel.
La Ve République a maintenu le bicéphalisme de l'exécutif mais en renversant le rapport des forces, c'est-à-dire en faisant
du Président de la République, « clef de voûte des institutions » selon la formule bien connue de Michel Debré, le véritable
chef du pouvoir exécutif et lui donnant donc un rôle important en matière administrative. Mais si l'intention est certaine, elle
ne se traduit qu'imparfaitement dans les textes qui ne sont pas exempts d'ambiguïté. En effet, si l'article 13 de la Constitution
(v. ss 76) confie expressément d'importantes attributions administratives au Président de la République, l'article 20 de ce
même texte n'en prévoit pas moins que le Gouvernement – c'est-à-dire l'ensemble formé par le Premier ministre et les
ministres – « dispose de l'Administration » et que « le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation »,
l'article 21 ajoutant que le Premier ministre « assure l'exécution des lois » (v. ss 80).
La pratique de la Ve République a fait du Président de la République le véritable chef de l'Administration. Il n'en va
autrement qu'en période de « cohabitation » où l'on en revient à l'application stricte des textes, le Premier ministre étant alors
le chef de l'Administration 71.
Le « Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République »,
dit Comité Balladur, dans le Rapport remis au Président de la République, avait proposé de lever cette ambiguïté en précisant
à l'art. 5 de la Constitution que le Président « définit la politique de la nation » et à l'art. 20 que le gouvernement « conduit »
celle-ci. Cette proposition n'a pas été retenue.

§ 2. Les attributions administratives 72


Il faut distinguer les attributions administratives du Président de la République en période « ordinaire » et en période
« exceptionnelle », c'est-à-dire d'application de l'article 16 de la Constitution.

76 A. En période ordinaire ◊ Les attributions administratives du Président en période ordinaire figurent aux articles 13,
15, et 38 de la Constitution. Ce sont :
1o La signature des décrets délibérés en Conseil des ministres (art. 13, 1er alinéa). La règle est importante puisqu'elle
signifie que dès qu'un décret a été délibéré en Conseil des ministres il requiert la signature du Président, ce qui pose la
question de savoir quels sont les décrets examinés en Conseil des ministres. Les textes exigeant expressément un « décret en
Conseil des ministres » sont relativement rares : en dehors de ce cas, aucun texte n'indique quels sont les décrets qui doivent
venir en Conseil des ministres. Dans la pratique, – et par révérence envers le Président de la République, chef du pouvoir
exécutif – les décrets les plus importants sont examinés en Conseil des ministres. Toutefois, en période de cohabitation, on
n'y fera venir que ceux pour lesquels une telle formalité est exigée.
Si un décret a été pris en Conseil des ministres, alors que cela n'était pas obligatoire, il ne peut plus être abrogé ou
modifié que par le Président de la République en Conseil des ministres (CE, Ass., 10 sept. 1992, Meyet, Rec. 327, concl.
D. Kessler ; CE, 19 juin 2013, M. C., AJDA 2013. 1894) mais le décret modificatif peut prévoir qu'à l'avenir il pourra l'être
par décret du Premier ministre (CE 9 sept. 1996, Min. de la Défense c/ Callas, D. 1997. 129, note O. Gohin) 73.
2o La signature des ordonnances de l'article 38 de la Constitution. L'article 38 de la Constitution (v. ss 333) prévoit
que les ordonnances sont délibérées en Conseil des ministres, et l'article 13 de la Constitution exige pour celles-ci la
signature du Président.
Lorsque la Constitution prévoit qu'un décret ou une ordonnance sont signés par le Président, se pose le problème de
savoir s'il peut refuser sa signature, problème qui, dans la pratique, ne peut se poser qu'en période de cohabitation. Il semble
difficile de considérer que le Président est alors une sorte de « distributeur automatique » de signatures. S'il signe c'est qu'il a
aussi le pouvoir de ne pas signer. Le problème s'est posé en 1986 lorsque le Président a refusé de signer les ordonnances
relatives au découpage des circonscriptions électorales qui avaient été délibérées en Conseil des ministres. La raison donnée
par le Président – à savoir que l'on ne pouvait pas procéder à ce découpage par Ordonnance – n'était certainement pas
pertinente car l'article 38 de la Constitution ne limite pas les matières pouvant faire l'objet d'ordonnances (le Gouvernement
peut y recourir « pour l'exécution de son programme »). Les ordonnances ont alors tout simplement été transformées en un
projet de loi qui a été voté sans aucun délai par le Parlement… et la loi ainsi votée promulguée par le Président.
3o La nomination aux emplois civils et militaires de l'État (Const., art. 13, 2e al.). La Constitution énumère un certain
nombre de hauts-fonctionnaires (ambassadeurs, préfets, conseillers d'État…) qui sont nommés en Conseil des ministres et,
pour les autres emplois, renvoie à une loi organique le soin de fixer ceux auxquels il est pourvu en Conseil des ministres
ainsi que les conditions dans lesquelles le Président peut déléguer son pouvoir de nomination. L'Ordonnance du
28 novembre 1958 énumère donc les autres emplois pourvus en Conseil des ministres, ceux qui le sont par décret simple du
Président de la République (par exemple les Professeurs d'Université), le pouvoir de nomination pour les autres emplois
étant délégué au Premier ministre.
La loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, modifiant l'article 13 de la Constitution (5e al.) a créé une procédure
soumettant à l'avis préalable du Parlement un certain nombre de nominations effectuées par le Président de la République. La
L.O. du 23 juillet 2010 énumère les 51 emplois concernés (dirigeants de grandes entreprises publiques, présidents d'autorités
administratives indépendantes…) et la loi du 23 juillet 2010 précise laquelle des Commissions permanentes de chaque
Assemblée a, dans chaque cas, compétence pour formuler l'avis. Il s'agit d'un avis mais la nomination n'est pas possible si
l'addition des votes négatifs représente au moins les trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions.
La procédure s'applique à la nomination du Défenseur des Droits et à celle des membres du Conseil constitutionnel mais
celles faites par le Président de chacune des deux assemblées sont soumises au seul avis de la commission compétente de
l'assemblée concernée 74.
4o Les attributions en matière de Défense nationale (Const., art. 15). Le Président de la République « chef des
Armées », préside les Conseils et Comités supérieurs de la défense nationale.
Depuis la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 le Président de la République ne préside plus le Conseil supérieur de
la magistrature.
Aux termes de l'article 19 Const. les décisions prises par le Président de la République dans le cadre de ses attributions
administratives sont soumises au contreseing (signer avec) du Premier ministre et des « ministres responsables », c'est-à-dire
ceux auxquels incombent, à titre principal, la préparation et l'application des actes en cause.

77 B. En période d'application de l'article 16 de la Constitution ◊ Lorsqu'une menace grave et immédiate


pèse sur les institutions de la République ou l'indépendance de la Nation et que le fonctionnement régulier des pouvoirs
publics constitutionnels est interrompu, le Président de la République peut, sous sa seule signature, décider la mise en œuvre
de l'article 16 de la Constitution (v. ss 354). Cela lui permet de prendre « les mesures exigées par les circonstances ». Les
décisions ainsi prises, après avis du Conseil constitutionnel, peuvent comprendre non seulement des décisions générales dans
les domaines tant législatif que réglementaire et modifiant ou complétant les textes antérieurs, mais encore des décisions
particulières, conformes ou non aux lois et règlements 75.

§ 3. Les services de la Présidence de la République 76

78 Alors que, en 1958, on a donné d'importants pouvoirs au Président de la République, on n'a pas pour autant constitué autour
de lui une véritable administration. Cela tient, pour partie, à l'exiguïté du Palais de l'Élysée (le Général de Gaulle avait songé
à installer la présidence au château de Vincennes). Cela veut dire que, dans un certain nombre d'hypothèses, la présidence
utilisera soit les Services de Matignon, soit ceux de tel ou tel ministère (par exemple, pour préparer un projet de texte).
Autour du Président se trouvent :
1. Le Secrétariat général de la Présidence de la République 77, composé d'un Secrétaire général, du Secrétaire général-
adjoint et d'une trentaine de conseillers techniques et de chargés de mission qui ont en charge les relations avec un ou
plusieurs ministères.
Le Secrétariat général étudie les affaires que lui confie le Président mais peut également lui soumettre une question qui lui
paraît mériter son attention.
2. Le Cabinet, ayant à sa tête le directeur du cabinet, qui est chargé de l'organisation matérielle et financière de la
Présidence, ainsi que de l'agenda du Président.
3. L'État-major particulier qui assiste le Président dans son rôle de chef des Armées.

SECTION 2. LE PREMIER MINISTRE 78


Sous la Ve République, le Premier ministre détient des attributions administratives importantes (§ 1) ; pour les exercer il
dispose de services étoffés (§ 2).

§ 1. Les attributions administratives


La mission générale dévolue au Premier ministre (le Titre III de la Constitution est intitulé « Le Gouvernement » et non
« le Premier ministre ») est définie à l'article 20 de la Constitution : « le Gouvernement détermine et conduit la politique de
la Nation. Il dispose de l'administration et de la force armée ». C'est l'article 21 de la Constitution qui énumère les
attributions du Premier ministre.

79 A. La direction de l'action du Gouvernement ◊ La formule de l'article 21 de la Constitution selon laquelle « le


Premier ministre dirige l'action du Gouvernement » est susceptible de deux interprétations : soit le Premier ministre n'est
qu'un primus inter pares, c'est-à-dire le premier parmi ses pairs, soit il est le supérieur hiérarchique des ministres – au sens
que le droit administratif donne à cette expression – ce qui implique, par exemple, le pouvoir de réformation des décisions
prises par ceux-ci. La question a été tranchée, sous la IVe République, le Conseil d'État ayant jugé que le Président du
Conseil n'était pas le supérieur hiérarchique des ministres : CE 12 nov. 1965, Cie Marchande de Tunisie, AJDA 1966. 167,
concl. Questiaux.

80 B. Le Premier ministre assure l'exécution des lois ◊ (Const., art. 21). Cette formule a toujours été
interprétée comme conférant à son titulaire le pouvoir réglementaire général, c'est-à-dire le pouvoir de statuer par voie
générale même lorsqu'aucun texte ne vient expressément lui donner cette compétence (CE 8 août 1919, Labonne, GAJA,
no 34 79 ; CE 28 juin 1918, Heyriès, GAJA, no 30). L'article 21 de la Constitution fait application de cette jurisprudence en
précisant expressément que « sous réserve des dispositions de l'article 13, il (le Premier ministre) exerce le pouvoir
réglementaire » 80. L'article 34 C. n'a pas retiré au Chef du gouvernement les attributions de police qu'il exerçait
antérieurement (CE 19 mars 2007, Mme Le Gac, Rec. 123). En résumé, le Premier ministre a le pouvoir réglementaire lorsque
le décret n'est pas délibéré en Conseil des ministres (la compétence revient alors au Président de la République, v. ss 76), ou
lorsqu'aucun texte ne vient donner compétence à une autre autorité administrative. Il détient, notamment, le pouvoir
réglementaire de l'article 37 de la Constitution.

81 C. La nomination aux emplois civils et militaires ◊ Il exerce cette compétence, pour certains emplois, par
délégation du Président de la République (v. ss 76).

82 D. Le Premier ministre est responsable de la Défense nationale ◊ Cette disposition crée une ambiguïté
puisque le Président de la République est le « chef des armées » (v. ss 76). Le Comité consultatif pour la révision de la
Constitution (dit « Comité Vedel ») avait proposé, en 1993, de préciser que le Premier ministre est responsable de
l'organisation de la Défense nationale.

83 En ce qui concerne l'exercice de ces différentes attributions, l'article 22 de la Constitution prévoit que « les actes du Premier
ministre sont contresignés, le cas échéant, par les ministres chargés de leur exécution ». Selon la jurisprudence, il s'agit des
ministres qui ont compétence « pour signer ou contresigner les mesures réglementaires ou individuelles que comporte
nécessairement l'exécution des actes en cause » (CE, Ass., 27 avr. 1962, Sicard, AJDA 1962. 284, commentaires M. Galabert
et M. Gentot).
§ 2. Les services du Premier ministre 81
À la différence de l'Élysée on trouve autour du Premier ministre des services aussi nombreux qu'importants. Ils
comprennent : – le Cabinet ; – le Secrétariat général du Gouvernement ; – les services rattachés au Premier ministre.

84 A. Le Cabinet ◊ Les membres du cabinet préparent les décisions du Premier ministre et servent de relais entre celui-ci et
les ministres.

85 B. Le Secrétariat général du Gouvernement 82 ◊ Il s'agit d'un rouage très important – bien que le plus souvent
méconnu – de l'Administration française ; il a à sa tête le Secrétaire général du Gouvernement (qui est le plus souvent un
membre du Conseil d'État) et comprend essentiellement des juristes. C'est le Secrétariat général du Gouvernement qui
permet au Premier ministre d'assurer effectivement la fonction de direction de l'administration.
1. Il prépare l'ordre du jour du Conseil des ministres, dont il assure le secrétariat, ainsi que la mise en forme des décisions
qui y sont prises. Le Secrétaire général du Gouvernement assiste au Conseil des ministres.
2. Il a en charge la préparation et la coordination des textes élaborés par le Gouvernement. C'est lui qui, le cas échéant,
transmettra les projets de loi ou de règlement aux organismes appelés à donner leur avis sur ceux-ci. Il transmet les projets de
loi au Parlement, assure le service du contreseing etc. Il assure la conservation et l'archivage des décisions.
3. Il est chargé de la documentation générale du Gouvernement et des services d'études.

86 C. Les services rattachés au Premier ministre ◊ Un certain nombre de services de l'Administration sont
directement rattachés au Premier ministre, soit parce que leur mission déborde le cadre d'un seul département ministériel,
soit parce que, du fait de leur importance, il paraît préférable qu'ils soient « dans le giron » du Premier ministre. Parmi les
services rattachés on peut citer, à titre d'exemple, la Commission d'accès aux documents administratifs (v. ss 443), la
Commission nationale consultative des droits de l'homme, le Haut-Conseil de l'intégration, l'Observatoire de la parité entre
les femmes et les hommes etc. Le décret du 21 avril 2006 a créé sous l'autorité du Premier ministre, un « Secrétariat général
de l'Administration » pour suivre les problèmes des agents constituant l'encadrement supérieur des administrations. 83
Deux services méritent une mention particulière :
1. Le Secrétariat Général aux Affaires européennes (SGAE), créé par un décret du 17 octobre 2005, a succédé au
Secrétariat général du Comité interministériel pour les questions de coopération économique européenne (SGCI) qui était
l'organe chargé des relations entre l'Administration française et l'Union européenne ; c'est dire que son rôle a été de plus en
plus important. Le SGAE, qui compte quelque 200 agents, assure la coordination de la position des différentes
administrations françaises sur l'ensemble des questions communautaires. C'est, ensuite, cette position, prenant en compte, le
cas échéant, les résolutions votées en la matière par le Parlement (Const., art. 88-4), qui sera défendue par les représentants
de la France auprès de l'Union européenne (v. ss 318). Le SGAE est placé sous l'autorité du Premier ministre mais la
nomination à sa direction du Conseiller Europe du Président de la République le place, en fait, dans l'orbite de la Présidence
de la République. Cela paraît assez logique puisque c'est le Président de la République, et non le Premier ministre, qui assiste
au Conseil européen. Le décret du 17 octobre 2005 crée également, sous la présidence du Premier ministre, un Comité
Interministériel sur l'Europe.
2. Le Secrétariat général de la défense nationale (SGDN). Le SGDN, organisme de plus de cinq cents personnes, prépare
les délibérations des Conseils et Comités de défense, informe le Gouvernement sur les questions de défense et participe à la
coopération internationale en matière de défense.

SECTION 3. LES MINISTRES 84


Le ministre est un véritable Janus à double visage : – tout d'abord, homme politique, siégeant en tant que tel au
Gouvernement ; – mais aussi autorité administrative, supérieur hiérarchique d'un secteur de l'administration (sauf le cas,
rare, du ministre « sans portefeuille »). En principe tous les ministres sont sur un pied d'égalité, même si, dans la pratique, on
peut craindre le primat du ministre en charge des Finances qui a un représentant – le contrôleur financier – dans chaque
ministère et même à Matignon. La formule de Michel Debré : « L'État ne doit pas être une entreprise menée par son
caissier » ne correspond pas toujours à la réalité.
Le nombre des départements ministériels dans un Gouvernement n'est pas fixé par la loi. En pratique, les nécessités
politiques jouent un rôle essentiel dans la détermination du nombre des ministères, en fonction des personnes que le chef du
gouvernement juge utile de s'associer. Le nombre des ministères était de 17 avant 1950, il oscille maintenant autour de la
trentaine 85. Cela reflète le développement des attributions de l'État : création d'un ministère de la Protection de la nature et
de l'environnement (1971), secrétariat d'État aux Droits de l'homme, à la francophonie etc.
On étudiera les attributions administratives du ministre (§ 1) et le schéma type d'organisation d'un ministère (§ 2).

§ 1. Les attributions administratives


Le ministre a des attributions importantes, même si elles ne figurent pas dans la Constitution. Elles se rattachent toutes à
cette idée que le ministre est le supérieur hiérarchique de son Administration. Elles comprennent :

87 A. L'organisation de ses services ◊ Il appartient au ministre, même dans le silence des textes (CE 7 févr. 1936,
Jamart, S. 1937. 3. 113 note Rivero, GAJA, no 45) de prendre tous les règlements nécessaires à l'organisation et au bon
fonctionnement de ses services.

88 B. La gestion de la carrière de ses agents ◊ Supérieur hiérarchique de son administration, le ministre doit
prendre toutes les décisions relatives à la carrière des fonctionnaires de ses services. Cela peut représenter une masse
considérable de décisions à prendre s'il s'agit, par exemple, de l'Éducation nationale qui compte près d'un million d'agents, ce
qui, au surplus, démontre la nécessité de déconcentrer de tels pouvoirs de décision

89 C. Le pouvoir d'instruction ◊ Supérieur hiérarchique, le ministre a le pouvoir de donner des instructions à ses
subordonnés. Ce pouvoir peut prendre la forme d'ordres collectifs ou individuels.
1. Les ordres collectifs se présentent sous la forme d'instructions de service ou de circulaires ministérielles (v. ss 426).
Ces dernières jouent, dans le fonctionnement pratique de l'administration française, un rôle important : c'est la « bible » et le
« parapluie » du fonctionnaire !
2. Les ordres individuels sont naturellement obligatoires pour les personnes qui les reçoivent. Il se pose, cependant, le
problème de l'ordre illégal. Aux termes de la jurisprudence, si l'ordre est entaché d'une « illégalité manifeste et évidente »
c'est alors la désobéissance qui est le devoir du subordonné (CE 10 nov. 1944, Lagneur, D. 1945. 88, concl. Chenot).

90 D. Le pouvoir de réformation des décisions des subordonnés ◊ Le ministre, soit spontanément, soit sur
requête d'un administré (il s'agit alors d'un recours hiérarchique, v. ss 555) peut soit annuler, soit modifier (ne serait-ce qu'en
procédant à une substitution de motifs, c'est-à-dire en substituant une motivation pertinente à la motivation initiale de l'acte
qui ne l'était pas), la décision prise par son subordonné. Ce pouvoir était, traditionnellement, présenté (sous réserve des
règles gouvernant le retrait et l'abrogation, v. ss 452 s.) comme très étendu. J. Cl. Groshens a montré qu'en réalité il était
enfermé dans des limites strictes 86.

91 E. Le problème du pouvoir réglementaire des ministres ◊ Aussi curieux que cela puisse paraître a priori,
les ministres (y compris le ministre de l'Intérieur) n'ont pas le pouvoir réglementaire c'est-à-dire le pouvoir de statuer par
voie générale ; à la réflexion cela n'est pas illogique puisque le pouvoir réglementaire général appartient au Premier ministre
(v. ss 80). Le ministre ne dispose d'un pouvoir réglementaire que dans deux cas : – tout d'abord pour l'organisation de ses
services (v. ss 87), – en second lieu lorsqu'un texte le lui confère expressément, ce qui n'est pas rare (par exemple pouvoir
donné au ministre des Transports de prendre les règlements relatifs aux transports).
Mais la réalité nécessite que l'on nuance sérieusement l'affirmation, toute théorique, que les ministres n'ont pas de pouvoir
réglementaire. Tout d'abord le ministre pourra suggérer au titulaire du pouvoir réglementaire, par exemple le Premier
ministre, de prendre tel ou tel décret. En ce cas, il est plus que probable qu'on lui demandera de préparer, c'est-à-dire de
rédiger, le texte en cause. À l'arrivée, le ministre devra contresigner le décret. Enfin, la pratique montre qu'il n'est pas rare
que, sous le couvert de circulaires, le ministre prenne de véritables règlements (v. ss 426) 87.
Le ministre statue, normalement, par voie d'arrêté ministériel, comprenant l'indication des textes qui fondent la décision
(visas), et la décision elle-même, divisée en articles (dispositif). Lorsque celle-ci est défavorable, elle doit, depuis la loi du
11 juillet 1979, indiquer ses motifs (v. ss 437). L'arrêté ministériel est, selon son contenu, individuel ou réglementaire. Si la
décision à prendre relève de plusieurs ministres elle prend la forme d'un arrêté interministériel.

§ 2. L'organisation-type d'un ministère 88


Les ministres étant libres d'organiser leurs services à leur convenance il y a une assez grande diversité dans l'organisation
des services des différents ministères. Cependant, ceux-ci comportent un certain nombre d'éléments communs : en effet, on
trouve toujours :

92 A. Le cabinet 89
◊ C'est le groupe des collaborateurs directs du ministre, librement choisis par lui, à raison de la
confiance qu'ils lui inspirent ; leurs fonctions prennent fin lorsque lui-même abandonne le ministère. En pratique, les
principaux membres des cabinets ministériels sont fréquemment pris parmi le personnel des grands corps de l'État : Conseil
d'État, Inspection des finances, Cour des comptes. Le cabinet est organisé selon une hiérarchie particulière (directeur du
cabinet, chef de cabinet, attachés, chargés de mission). Sa composition, longtemps laissée à l'appréciation du ministre, ayant
parfois donné lieu à un gonflement abusif, est, théoriquement au moins, limitée par les textes 90.
Les fonctions du cabinet, toujours importantes, dépendent des conceptions propres à chaque ministre. Elles sont pour
partie d'ordre politique (rapports du ministre avec le Parlement et les électeurs du ministre), pour partie d'ordre administratif,
le ministre préférant souvent confier à ses collaborateurs personnels, plutôt qu'aux bureaux, l'étude de questions
particulièrement importantes ou délicates. Les membres des cabinets ne sont pas nécessairement des fonctionnaires.

93 B. L'administration centrale proprement dite ◊ Ce sont « les bureaux du ministère », organes permanents de
préparation et d'exécution des décisions. Ils sont – à la différence du cabinet – composés de fonctionnaires qui y font leur
carrière. Bien que dénués de tout pouvoir propre (leur rôle se limite à la préparation, le ministre seul décide), ils n'en
possèdent pas moins, en fait, une puissance considérable, qui tient d'une part à leur stabilité – les ministres passent, les
bureaux demeurent – d'autre part, à leur technicité – c'est eux qui mettent le ministre au courant des problèmes qu'il doit
résoudre – enfin au nombre des décisions incombant au ministre, si considérable qu'il ne peut prendre, de chaque dossier,
une connaissance personnelle, et, souvent, est obligé de s'en remettre à l'avis de ses collaborateurs. Ainsi s'expliquait, sous la
IVe République, la relative continuité, malgré l'instabilité politique, de la vie administrative française, les bureaux
poursuivant souvent, à travers les changements politiques, leur propre tradition 91.
L'organisation de chaque ministère est fixée par décret. Elle varie de l'un à l'autre. Partout, cependant, la subdivision
essentielle est la direction, ou la direction générale, regroupant des bureaux et des divisions.
Le personnel est hiérarchisé ; à la tête des directions, les directeurs ou directeurs généraux sont de hauts fonctionnaires,
nommés par décret en Conseil des ministres, qui jouent dans la vie nationale un rôle souvent ignoré, mais essentiel. Sous leur
autorité les agents relèvent, soit du cadre supérieur des administrateurs civils, issus, en principe, de l'École nationale
d'administration, soit, pour les emplois moins importants, du cadre des attachés d'administration centrale, recrutés par un
concours distinct.
Dans certains ministères (Finances, Intérieur, Défense, Agriculture par exemple) la coordination des services est confiée à
un Secrétaire général dont les attributions sont fixées par le décret 2014-834 du 24 juillet 2014.

94 C. Les corps d'inspection et de contrôle 92 ◊ Ce sont des corps de fonctionnaires chargés, pour le compte du
ministre auquel ils sont directement rattachés, d'inspecter les services déconcentrés du ministère, soit au point de vue
technique (inspecteurs généraux de l'enseignement secondaire), soit au point de vue financier (contrôleurs généraux des
Armées, et surtout Inspection générale des Finances). Il faut faire une place à part à ce dernier corps, qui, au-delà de ses
fonctions propres, a pris dans la vie administrative un rôle de premier plan. Il arrive également que le Ministre les charge
d'étudier ou de préparer une réforme qu'il désire entreprendre. Sur les conditions de nomination à l'emploi de chef du service
de l'inspection générale de l'administration : CE Ass., 11 juillet 2012, Synd. autonome des inspecteurs généraux et
inspecteurs de l'administration au ministère de l'Intérieur, Rec. 275.

95 D. Les organismes consultatifs 93 ◊ Ce sont des organes placés soit auprès de l'ensemble du gouvernement, soit
auprès d'un ministre pour donner un avis, avant décision, sur certaines catégories de projets préparés par l'administration
centrale. Ils sont très – trop – nombreux, et très divers mais il faut mettre à part deux organes partiellement consultatifs, dont
l'existence est consacrée par la Constitution, et dont le rôle est d'une extrême importance : le Conseil d'État, organe
consultatif commun à tous les ministères, en même temps que juridiction administrative (v. ss 633), et la Cour des comptes
qui, outre ses attributions contentieuses à l'égard des comptes des comptables publics, « assiste le Parlement dans le contrôle
de l'action du Gouvernement. Elle assiste le Parlement et le Gouvernement dans le contrôle de l'exécution des lois de
finances… ainsi que dans l'évaluation des politiques publiques » (Const., art. 47-2).
1o Statut. Il varie de l'un à l'autre ; le texte institutif fixe leur nom (comité, conseil, commission, etc.), leur durée
(quelques-uns sont provisoires, la plupart sont institués à titre permanent), le régime de leurs sessions : ils se réunissent, soit
sur convocation du ministre, soit selon une périodicité imposée.
2o Composition. Les membres des conseils ne sont normalement appelés à y siéger qu'en raison de leur activité ou de leur
fonction principales, qui fait présumer leur aptitude à donner des avis utiles. Cette aptitude tient, soit à leur compétence
technique, soit à leur autorité personnelle, soit à leur caractère représentatif (délégués des professions ou des intérêts en
cause) : dans ce cas, l'administration consultative peut constituer un moyen de participation des intéressés à l'administration.
La composition des conseils est donc extrêmement variée, comprenant aussi bien des particuliers que des fonctionnaires.
3o Attributions. Un trait est constant : les conseils sont de simples donneurs d'avis, sans aucun pouvoir de décision.
L'avis est normalement sollicité par un ministre, soit que les textes lui en fassent une obligation, soit qu'il le demande
librement ; mais il ne lie jamais le ministre qui, même lorsqu'il est tenu de le demander, reste libre de ne pas le suivre, hormis
les cas très rares où les textes prévoient que la décision doit être prise sur « avis conforme » du Conseil. Parfois, le Conseil
peut se saisir lui-même et prendre l'initiative d'un avis. Parfois aussi, il a le droit de s'enquérir des suites que le ministre a
réservées à son avis.
4o Les conseils sont soit rattachés à un ministère, soit interministériels ; d'autres sont rattachés directement au Premier
ministre (v. ss 86) ; on en trouve aussi dans les services déconcentrés, auprès du préfet.
5o À côté des organes consultatifs permanents, les gouvernements font souvent appel à des Commissions d'étude,
provisoires, composées de personnalités très variées auxquelles le vocabulaire récent confère une présomption de
« sagesse », pour procéder à l'examen approfondi d'un problème. On les désigne souvent par le nom de leur président. Les
rapports qui font la synthèse de leurs travaux sont parfois à l'origine de réformes importantes ; plus souvent, ils tombent dans
l'oubli. Ce même type d'étude peut être confié, non à une commission, mais à une seule personne, notamment à un
parlementaire en mission.
6o La multiplication des conseils est un des traits de l'administration contemporaine 94. Les avantages en sont évidents, sur
le terrain de la compétence technique et plus encore de l'association des intéressés à la vie administrative. Les risques ne sont
pas moindres : dilution des responsabilités si le ministre cherche un paravent dans l'avis du conseil pour éviter de se
prononcer lui-même, gaspillages de force dans les cas, nombreux, où les avis demeurent sans suites ; toujours, retard ;
parfois, fausse sécurité, certains membres des conseils ne pouvant consacrer qu'un minimum d'attention à des affaires qui
demeurent étrangères à leurs préoccupations principales ; d'où un effort pour en réduire le nombre. Cependant le
recensement annexé au projet de loi de finances pour 2010 recense 719 comités ou instances consultatives… après
suppression de 225 de ceux-ci et 668 en 2012 ! Un décret du 23 mai 2013 en a supprimé également 64. Ces problèmes ont
fait l'objet de l'ordonnance 2004-637 du 1er juillet 2004. Le décret du 8 juin 2006 relatif à la création, à la composition et au
fonctionnement des commissions administratives à caractère consultatif a réalisé en la matière une simplification certaine.
Un décret du 23 mai 2013 a supprimé un certain nombre de commissions administratives à caractère consultatif et modifie le
décret du 8 juin 2006. D'autre part, l'article 16 de la loi du 17 mai 2011 « de simplification et d'amélioration de la qualité du
droit », donne la possibilité de recourir, préalablement à l'adoption d'un acte réglementaire, à la consultation publique sur un
site internet de toutes les personnes concernées par le projet. Cette procédure a fait l'objet du décret no 2011-1832 du
8 décembre 2011. Le Titre III du CRPA codifie « l'association du public aux décisions prises par l'administration » et,
notamment, tout ce qui concerne les consultations ouvertes sur Internet.
L'ordonnance 2014-1329 du 6 novembre 2014 et le décret 2014-1627 du 26 décembre 2014 organisent les délibérations à
distance des instances administratives à caractère collégial.
Le problème de l'Administration consultative est apparu suffisamment important pour faire l'objet du Rapport annuel du
Conseil d'État pour 2011 95.
SECTION 4. LES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES 96
Depuis plus d'une trentaine d'années on a vu apparaître au sein des administrations centrales de l'État ce que l'on appelle
des « Autorités administratives indépendantes ». Le phénomène a pris de plus en plus d'ampleur (§ 1) ; il pose le problème
des pouvoirs qu'il convient de leur reconnaître (§ 2) et donc de leur contrôle (§ 3).

§ 1. La vogue des Autorités administratives indépendantes

96 À l'origine de l'apparition des Autorités administratives indépendantes, il y a la volonté de donner plus de liberté et
d'indépendance à certains services des administrations centrales parce qu'ils ont la responsabilité de secteurs « sensibles »,
c'est-à-dire touchant aux droits et libertés des citoyens, tels, par exemple, que les fichiers, l'informatique ou le contrôle de la
radio et de la télévision. Pour cela on ne passe pas par le biais de la reconnaissance de la personnalité morale – il ne s'agit pas
de « services personnalisés » – mais leur indépendance provient du fait qu'ils ne sont pas soumis à l'autorité hiérarchique
d'un ministre ; ils prennent leurs décisions en toute liberté.
Certains ont dénoncé, dans cette technique, un processus de démembrement du pouvoir central. On a même fait observer,
d'un point de vue constitutionnel, qu'elles échappaient très largement au Premier ministre, alors, cependant, que celui-ci
« dispose de l'Administration » (art. 20 Const.) et qu'il répond du fonctionnement de celle-ci devant le Parlement.
La première autorité administrative indépendante a été créée, en 1978, pour veiller au respect des droits des administrés
en ce qui concerne les fichiers : il s'agit de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) 97. Depuis on a
vu apparaître, sans que cette liste soit exhaustive, la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA), également
en 1978 (v. ss 441) ; la Commission de la concurrence à laquelle s'est substituée l'Autorité de la concurrence 98 (L. 4 août
2008 et Ord. 13 nov. 2008) ; la Commission des opérations de bourse, remplacée par l'Autorité des marchés financiers qui,
aux termes de l'art. L. 621-1 Code monétaire et financier, est « une autorité publique indépendante dotée de la personnalité
morale » (v. ss 283) ; parallèlement, l'Ordonnance du 21 janvier 2010 a créé l'Autorité de contrôle prudentiel, par fusion des
autorités d'agrément et de contrôle de la banque et de l'assurance ; la Commission nationale de déontologie de la sécurité 99 ;
l'Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires (L. 12 juil. 1999) ; l'Autorité de régulation des communications
électroniques et des postes (ARCEP) qui s'est substituée à l'ART (L. 20 mai 2005) ; la Haute autorité de la communication
audiovisuelle, créée par la loi du 29 juillet 1982, a été remplacée par la Commission nationale de la communication et des
libertés (L. 30 sept. 1989), à laquelle a succédé le Conseil supérieur de l'audiovisuel (L. 17 janv. 1989), instance suprême en
matière de radio et de télévision ; la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE –
L. 30 déc. 2004) qui relève désormais du Défenseur des Droits ; la Haute Autorité de Santé (L. 13 août 2004) ; l'Agence
française de lutte contre le dopage (L. 5 avr. 2006) ; l'Autorité de sûreté nucléaire (L. 13 juin 2006) ; le Contrôleur général
des lieux de privation de liberté (L. 30 oct. 2007) 100 ; l'Autorité de régulation des activités ferroviaires (L. 8 déc. 2009) ;
l'Autorité de régulation des jeux en ligne (L. 12 mai 2010) ; la Haute Autorité de la transparence de la vie publique (L.-O. et
loi du 11 octobre 2013) ; la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) créée par la loi du
24 juillet 2015 sur le renseignement. Selon le rapport de l'Office parlementaire d'évaluation de la législation 101 on
dénombrait, en 2006, 39 AAI (44 aujourd'hui) présentées comme constituant des « objets juridiques non identifiés » et un
véritable « patchwork » juridique. Pour leur composition il faut mentionner l'ordonnance 2015-948 du 31 juillet 2015
« relative à l'égal accès des femmes et des hommes au sein des autorités administratives indépendantes et des autorités
publiques indépendantes ».
Cette multiplication d'organismes administratifs d'un type nouveau témoigne d'une volonté de modernisation de
l'administration traditionnelle. Mais l'étendue des pouvoirs qui leur sont reconnus et l'extrême diversité de leur régime
juridique posent problème. En exécution de la loi du 11 octobre 2013 sur la transparence de la vie publique les membres des
Autorités administratives indépendantes doivent déposer une déclaration de patrimoine.

§ 2. Les pouvoirs des Autorités administratives indépendantes

97 Les pouvoirs reconnus aux Autorités administratives indépendantes sont extrêmement variables. Certaines n'ont qu'un simple
pouvoir d'avis, d'autres peuvent prendre de véritables règlements 102, certaines ont même le pouvoir d'infliger des sanctions,
parfois extrêmement lourdes 103. Le Conseil constitutionnel a jugé que ce pouvoir de sanction n'était contraire à aucun texte
ou principes constitutionnels et qu'il devait s'exercer dans la mesure nécessaire à l'accomplissement de la mission de
l'Autorité à laquelle il est confié dès lors que son exercice est assorti par la loi de mesures destinées à assurer la protection
des droits et libertés constitutionnellement garantis (Cons. const. no 2009-580 DC du 10 juin 2009, Loi favorisant la diffusion
et la protection de la création sur Internet, p. 107). Mais il a sanctionné l'absence de séparation, au sein de l'autorité, entre
les fonctions de poursuite et d'instruction et celles de jugement (Cons. const., décis. no 2013-331 QPC du 5 juillet 2013,
AJDA 2013. 1421). D'autres, par exemple l'Autorité de la concurrence, possèdent de véritables pouvoirs juridictionnels 104.
Ceci pose le problème des garanties qu'il convient de donner à ceux qui relèvent de telles instances.

§ 3. Le contrôle des Autorités administratives indépendantes 105

98 La logique voudrait, s'agissant d'Autorités administratives, que le contentieux des Autorités administratives indépendantes
relève de la compétence des juridictions administratives. Mais il est de plus en plus fréquent que les assignations de
compétence opérées par le législateur se fassent au profit de la juridiction judiciaire (v. ss 587). C'est ce qui se passe assez
souvent en ce qui concerne les Autorités administratives indépendantes. Ainsi, à titre d'exemple, les décisions de sanction
prises par l'Autorité des marchés financiers relèvent de la compétence des juridictions judiciaires, et plus spécialement de la
Cour d'appel de Paris, mais les actions en responsabilité causées par son fonctionnement défectueux relèvent, elles, de la
compétence administrative (T. confl. 2 mai 2011, Société Europe finance et industrie, AJDA 2011. 932) 106.
Sur le fond, et c'est cela l'essentiel, les deux ordres de juridiction considèrent que les dispositions de l'article 6-1 de la
Convention européenne des droits de l'homme (v. ss 322) sont applicables aux autorités administratives indépendantes : pour
la juridiction administrative, v. : CE, Ass., 3 déc. 1999, Didier, GAJA no 98 ; CE, Sect., 27 oct. 2006, M. Parent et autres, RD
publ. 2007. 610. Ainsi, la Commission de contrôle des assurances lorsqu'elle exerce une fonction juridictionnelle doit
respecter le principe d'impartialité : CE 28 oct. 2002, M. Laurent, AJDA 2002. 1492, note D. Costa ; CE 26 juill. 2007, M. P.,
AJDA 2007. 1947 ; CE 22 déc. 2011, Union mutualiste générale de prévoyance, AJDA 2012. 670.
Un rapport de l'Assemblée nationale préconise un regroupement fonctionnel des Autorités administratives indépendantes
ainsi qu'un renforcement de son contrôle sur celles-ci. 107 Le Sénat, de son côté, est fort critique à l'égard de celles-ci,
notamment dans un rapport rendu public le 4 novembre 2015 (AJDA 2015. 2060). Il souhaite pour elles un statut général et a
voté deux propositions de loi en ce sens (D. 2016. 381).

SECTION 5. LES AGENCES 108

99 Depuis les années 1960, on a vu se multiplier des organismes – le plus souvent sous l'appellation d'agences – jouant un rôle
important dans la mise en œuvre des politiques publiques. Elles se présentent sous les formes juridiques les plus diverses :
établissement public administratif, service à compétence nationale, établissements publics industriels et commerciaux,
groupements d'intérêt public ou même associations ou sociétés. Il s'agit, par exemple, de l'Office National des Forêts (ONF),
du Pôle Emploi, ou encore des Agences régionales de Santé. Le Rapport du Conseil d'État en dénombre 103 représentant un
budget de 330,4 milliards d'euros et recourant aux services de 145 000 équivalents temps plein !
Les Agences sont des organismes opérationnels, pas indépendants mais autonomes et rattachés à une autorité de tutelle.
Le risque est bien sûr qu'elles constituent des démembrements de l'État même si, pour le Vice-Président du Conseil d'État
« l'agence ce n'est pas moins d'État, c'est l'État autrement ». Il paraît pour le moins indispensable d'encadrer strictement le
recours aux agences, ce que se propose de faire une circulaire du Premier ministre du 9 avril 2013 (AJDA 2013. 716).
L'Inspection Générale des Finances a dressé un constat très critique de celles-ci (AJDA 2012. 1708).

SECTION 6. LA COORDINATION DE L'ACTION DES AUTORITÉS CENTRALES


La ventilation des attributions administratives entre le Président de la République, le Premier ministre, les ministres et les
Autorités administratives indépendantes pose le problème de la cohérence des actions menées à l'échelon central. Toute
contradiction en la matière, ou même une insuffisante complémentarité, serait hautement dommageable. Cela est loin d'être
aisé. Si l'on prend, par exemple, les problèmes relatifs à l'enseignement on constate qu'un grand nombre de ministères ont à
intervenir en la matière : – Éducation nationale ; – Santé publique ; – Agriculture ; – Travail ; – Armées ; – Industrie ; –
Affaires étrangères.
À côté des moyens traditionnels (A) de la coordination interministérielle, existent des structures (B) spécialement créées à
cet effet.

100 A. Les moyens classiques de la coordination ◊ Au sommet, la coordination peut tout d'abord être assurée par
les délibérations du Conseil des ministres 109. Mais elle est surtout le fait des Conseils ou Comités interministériels. Il s'agit
d'instances présidées soit par le Président de la République, soit par le Premier ministre, qui réunissent les seuls ministres
intéressés par la question traitée ; ceux-ci peuvent venir accompagnés des hauts-fonctionnaires qui, au sein de leur
administration, suivent le problème traité. L'objectif le plus général de tels conseils ou comités est d'assurer la coordination
au niveau gouvernemental. De même c'est la fonction par essence du Secrétariat général du Gouvernement (v. ss 78) que
d'être l'organe de la coordination et de la continuité gouvernementales.

101 B. Les structures « ad hoc » de la coordination ◊ Depuis quelques décennies on recourt également à ce que
l'on appelle quelquefois la « coordination horizontale », c'est-à-dire que l'on crée spécialement un organisme auquel on
confie la coordination de l'action des administrations centrales dans un secteur déterminé. C'est par exemple dans ce but que
l'on a créé, en 1963, la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale (DATAR) qui correspond à ce que
l'on appelle une « administration de mission », c'est-à-dire qu'elle doit faire faire, sans faire elle-même. La DATAR a pour
mission de coordonner l'action des différentes administrations en matière d'aménagement du territoire, les décisions
nécessaires étant prises par le Comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire (CIADT). La
DATAR a été remplacée par la « Délégation interministérielle à l'aménagement et à l'attractivité régionale » (Décr. du
14 sept. 2009) qui a été à son tour supprimée par le décret du 31 mars 2014 créant le Commissariat général à l'égalité des
territoires. C'est dans le même esprit qu'a été créé, en 1946, le Commissariat général au Plan appelé à prendre en charge la
planification « à la française » et jouant donc un rôle important en ce qui concerne la coordination des actions économiques.
Le Commissariat au Plan avait été remplacé par le « Centre d'analyse stratégique », auquel on a substitué le « Commissariat
général à la stratégie et à la prospective » (Décr. du 22 avril 2013). Placé auprès du Premier ministre « il apporte son
concours au Gouvernement pour la détermination des grandes orientations de l'avenir de la nation et des objectifs à moyen et
à long terme de son développement économique, social, culturel et environnemental ainsi que pour la préparation des
réformes décidées par les pouvoirs publics ».
CHAPITRE 2
L'ADMINISTRATION TERRITORIALE DE L'ÉTAT 110

Section 1. L'ESSOR DE LA DÉCONCENTRATION


Section 2. LES SERVICES RÉGIONAUX DE L'ÉTAT
§ 1. La résolution des problèmes posés par la loi du 16 janvier 2015
§ 2. Les organes de la circonscription régionale
§ 3. Les compétences de la circonscrition régionale
Section 3. LES SERVICES DÉPARTEMENTAUX DE L'ÉTAT
§ 1. Le préfet
§ 2. Les services du préfet
Section 4. L'ARRONDISSEMENT
Section 5. LA COMMUNE
L'État a des services répartis géographiquement sur l'ensemble du territoire. Ce sont eux qui permettent
la déconcentration.
La déconcentration de l'organisation administrative de l'État prend de plus en plus d'importance (Section 1). Sur cette base
les Services de l'État sont organisés à quatre niveaux d'importance fort inégale : la région (Section 2), le département
(Section 3), l'arrondissement (Section 4), la commune (Section 5).

SECTION 1. L'ESSOR DE LA DÉCONCENTRATION 111

102 Pendant longtemps, il n'y a pas eu de véritable politique en ce qui concerne la déconcentration. De temps en temps on
décidait un « train de mesures de déconcentration » qui était trop souvent un moyen commode pour les administrations
centrales de se débarrasser d'un certain nombre de compétences peu « gratifiantes » : on déconcentrait, par exemple, le
pouvoir de décider l'agrandissement des cimetières communaux, ou celui de décerner la médaille d'honneur des pompiers !
Mais depuis plus d'une vingtaine d'années tous les gouvernements ont souligné la nécessité et l'importance de la
déconcentration, ne serait-ce que pour accompagner les progrès de la décentralisation : les collectivités territoriales
auxquelles on transfère de nouvelles compétences doivent en effet trouver, à l'échelon local, un représentant de l'État
disposant également de réels pouvoirs.
C'est une véritable politique de la déconcentration que l'on a mise en place avec la loi du 6 février 1992 (relative à
l'Administration territoriale de la République). Ce texte confie aux administrations centrales « les seules missions qui
présentent un caractère national ou dont l'exécution, en vertu de la loi, ne peut être déléguée à un échelon territorial ». Toutes
les autres missions sont confiées aux services déconcentrés (appellation qui se substitue à celle de « services extérieurs »). Le
législateur avait prévu qu'un décret en Conseil d'État viendrait mettre en œuvre ce principe nouveau de répartition des
compétences ; il était intervenu avec le décret du 1er juillet 1992 portant « Charte de la déconcentration ».
L'importante réforme de la décentralisation opérée par la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 (v. ss 128) et mise en
œuvre par la loi du 13 août 2004, ainsi et surtout que la réforme régionale mise en place par la loi du 16 janvier 2015 ont
provoqué tout naturellement un nouvel approfondissement de la déconcentration. Les services déconcentrés de l'État sont en
pleine transformation pour mettre en place dans les départements et les nouvelles régions ce que l'on a appelé « l'État
interministériel ».
Le décret 2015-510 du 7 mai 2015 a donc mis en place une nouvelle Charte de la déconcentration qui se substitue à celle
de 1992 112. Son art. 1er définit ainsi la déconcentration : « La déconcentration consiste à confier aux échelons territoriaux des
administrations civiles de l'État le pouvoir, les moyens et la capacité d'initiative pour animer, coordonner et mettre en œuvre
les politiques définies au niveau national et européen, dans un objectif d'efficience, de modernisation, de simplification,
d'équité des territoires et de proximité avec les usagers et les acteurs locaux… ».
La Charte a pour ambition de « donner aux Préfets et aux chefs des services de l'État sur le territoire les marges de
manœuvre et la capacité d'initiative nécessaires pour rendre l'État plus efficace dans la mise en œuvre des politiques
publiques ». Ce qui est important, la déconcentration pourra désormais permettre des organisations différentes selon les
territoires, en fonction des réalités locales. Le décret du 7 mai 2015 organise les rôles respectifs des administrations centrales
et des services déconcentrés, en renforçant les compétences et les moyens de ces derniers. Les textes ayant une influence sur
les services déconcentrés devront faire l'objet d'une étude d'impact et les objectifs hiérarchisés et coordonnés seront
pluriannuels.
Il est créé auprès du Premier ministre une « Conférence nationale de l'administration territoriale », présidée par le
Secrétaire général du Gouvernement, qui doit veiller « à la bonne articulation des relations entre les administrations centrales
et les services déconcentrés et au respect des principes de déconcentration fixés par le présent décret » (art. 17). Le décret
2015-55 du 26 janvier 2015 crée un Coordonnateur national de la réforme des services déconcentrés de l'État placé, pour
deux ans, auprès du Secrétaire général du Gouvernement.
SECTION 2. LES SERVICES RÉGIONAUX DE L'ÉTAT 113
La région est tout à la fois une collectivité territoriale (v. ss 200 s.) et une circonscription de l'administration de l'État.
C'est en cette dernière qualité qu'on l'étudiera ici.
La France métropolitaine était divisée en 22 régions (sans compter la Corse qui a un statut particulier) auxquelles
s'ajoutent les 4 régions d'Outre-Mer.
Cette organisation a été bouleversée par la loi du 16 janvier 2015 qui réduit le nombre des régions métropolitaines de 22 à
13, 6 conservant leur ancien périmètre mais les 7 autres sont issues du regroupement de 16 anciennes régions. Cela a donc
nécessité une restructuration complète des circonscriptions régionales de l'administration d'État.

§ 1. La résolution des problèmes posés par la loi du 16 janvier 2015

103 Il a donc fallu réduire le nombre des Préfectures de région. Celles dont le territoire n'a pas été modifié demeurent, mais il
était nécessaire d'organiser les services des 7 nouvelles régions. Pour accomplir cette mission, on a nommé 7 Préfets dits
« préfigurateurs ». Ils étaient investis d'une double mission : – concevoir la répartition de l'ensemble des actuelles directions
et de leurs agents sur le nouveau territoire régional : – arrêter le choix du siège des chefs-lieux provisoires des 7 régions.
À cet égard la loi du 16 janvier 2015 a désigné Strasbourg comme le chef lieu de sa nouvelle région, les autres chefs-lieux
devant être fixés après avis des conseils régionaux élus au mois de décembre 2015. Dans chaque région fusionnée il y aura,
outre un seul Préfet de région, un seul directeur général d'agence régionale de santé et un seul directeur régional pour
chacune des administrations de l'État 114. Le Gouvernement veut qu'un tiers des nouvelles directions régionales soient
implantées en dehors du chef-lieu. En ce qui concerne l'éducation nationale, il a également été nommé 9 Recteurs
« coordonnateurs » chargés de refondre la carte des académies en 13 régions académiques. Naturellement la réforme aura un
important impact en ce qui concerne les personels. On a évalué à 1000 – ce qui paraît assez optimiste – le nombre de
fonctionnaires qui devront changer d'affectation géographique dans les années à venir. Il est prévu, pour ceux dont les
emplois seront supprimés, un dialogue social renforcé, un suivi personnalisé, des priorités de recrutement dans d'autres
services et des aides à la mobilité.

§ 2. Les organes de la circonscription régionale


Le Préfet de région est l'organe essentiel de l'État à l'échelle de la Région. Il dispose de services relativement
peu nombreux.

104 A. Le préfet de région 115 ◊ Le préfet de région est le préfet du département chef-lieu de la région. Il est le dépositaire
de l'autorité de l'État, a la charge des intérêts nationaux et du respect des lois ; il représente le Premier ministre et chacun des
ministres. Depuis le décret du 29 avril 2004 relatif aux Préfets, on était resté dans un « flou artistique » en ce qui concerne la
nature exacte des liens régissant les relations entre le Préfet de Région et les Préfets des départements de sa région. De
manière très heureuse le décret du 16 février 2010 vient lever toute ambiguïté en donnant au Préfet de région garant de la
cohérence de l'action de l'État dans la région, une autorité hiérarchique sur les préfets de département qui prennent leurs
décisions « conformément aux instructions que leur adresse le préfet de région ». Bien plus, le préfet de région peut évoquer
tout ou partie d'une compétence des préfets de département à des fins de coordination régionale 116. Il arrête, après
consultation du Comité d'Action Régional (CAR) le projet d'action stratégique de l'État dans la région (PASER) qui
hiérarchise les priorités de la politique gouvernementale pour l'adapter aux particularités de la région.
Les services de l'État dans la région sont organisés en Directions régionales. Le décret 2015-1689 du 17 décembre
2015 organise les services de l'État dans les régions créées par la loi du 16 janvier 2015. Aux termes de son article 1er ceux-ci
comprennent : – 1° les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement ; 2° les directions
régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt ; 3° les directions régionales des affaires culturelles ; 4° les
directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ; 5° les secrétariats
généraux pour les affaires régionales. À quoi s'ajoute l'Agence régionale de santé.
Le décret du 16 février 2010 renforce le rôle du préfet de région, en matière financière : il est associé au processus
budgétaire en faisant au gouvernement des propositions d'objectifs et d'allocation de moyens. Il reçoit délégation, sous forme
de dotations globales, des autorisations de programme relatives aux investissements civils exécutés ou subventionnés
par l'État.
Le Préfet de région est le délégué territorial des établissements publics de l'État comportant un échelon territorial et
figurant sur une liste établie par décret en Conseil d'État (art. 33 déc. 16 févr. 2010).

105 B. Les services du préfet de région 117 ◊ Pour l'assister dans l'exercice de ses attributions, le préfet de région
dispose d'un Secrétaire général pour les affaires régionales (SGAR), ainsi que d'un certain nombre de chargés de mission
outre, bien sûr les chefs des pôles régionaux. Il est assisté par le Comité de l'administration régionale (CAR) qui s'est
substitué, en 2004, à la Conférence administrative régionale. Le Comité comprend, les préfets des départements, les chefs
des services régionaux, le Secrétaire général pour les affaires régionales, et le Secrétaire général du département chef-lieu de
la région. Il joue le rôle d'une sorte de Conseil d'administration de l'État en région : il assiste le préfet de région dans
l'exercice de ses attributions, il est consulté sur les orientations stratégiques de l'État dans la région et examine les moyens
nécessaires à leur mise en œuvre.

§ 3. Les compétences de la circonscrition régionale


106 L'article 5 du décret du 7 mai 2015, portant Charte de la déconcentration, définit ainsi les missions de la circonscription
régionale : elle est l'échelon territorial « 1° De l'animation et de la coordination des politiques de l'État ; 2° De la mise en
œuvre des politiques nationales et de l'Union européenne en matière d'emploi, d'innovation, de recherche, de culture, de
statistiques publiques, de développement économique et social, et d'aménagement durable du territoire ; 3° De la
coordination des actions de toute nature intéressant plusieurs départements de la région ; 4° De la conduite d'actions de
modernisation des services déconcentrés dans les domaines de la simplification de leur activité administrative et de
l'amélioration de leurs relations avec les usagers ; 5° De la définition du cadre stratégique de la politique immobilière des
services déconcentrés de l'État ».

SECTION 3. LES SERVICES DÉPARTEMENTAUX DE L'ÉTAT 118


Les services départementaux de l'État ont été longtemps l'échelon de base des services déconcentrés de l'État. Cette
fonction, on l'a vu, est maintenant dévolue à la Région.
Comme la région, le département est tout à la fois une collectivité territoriale (v. ss 178) et une circonscription pour
l'organisation des services de l'État. C'est en cette seconde qualité qu'on l'étudie ici.
À cet égard, le département c'est un homme, le préfet, ayant des attributions importantes (§ 1), et une administration
placée sous son autorité (§ 2).

§ 1. Le préfet 119

107 Le préfet est une création de la loi du 28 pluviôse An VIII (son uniforme est typiquement un habit du Consulat) mais il n'a
pas été créé « ex nihilo » : il est l'héritier, en ligne directe, de l'Intendant de l'Ancien Régime. Bonaparte attachait à la
fonction préfectorale une importance telle qu'il en a choisi personnellement les premiers titulaires et qu'il avait déclaré : « Je
veux que le bonheur des français date de l'institution des préfets ».
De nos jours, ce qui est fort rare, l'institution préfectorale a reçu une consécration constitutionnelle : l'article 72, 3e alinéa,
de la Constitution de 1958 dispose en effet : « Dans les départements, le délégué du gouvernement a la charge des intérêts
nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois ». Le statut des préfets n'a pas été modifié en 1982 : il reste celui
fixé par le décret du 29 juillet 1964 (modifié, bien sûr, à plusieurs reprises et notamment par le décret du 16 février 2010 et
celui du 15 mai 2015).
On examinera successivement le statut du préfet, puis ses attributions.

108 A. Le statut du préfet ◊ Le recrutement et les garanties de carrière du préfet sont fonction d'un choix initial : soit le
gouvernement souhaite conserver à son entière discrétion ses représentants ce qui conduit à leur refuser toute garantie de
carrière ; soit, à l'inverse, il préfère trouver en eux des spécialistes de l'administration, ce qui implique une formation et des
garanties de stabilité. En pratique, les deux aspects coexistent et sont également essentiels ; il a donc fallu aboutir à un
compromis. Il existe bien un corps préfectoral, dans lequel on peut faire carrière, mais les garanties de carrière sont réduites
pour laisser au gouvernement toute liberté à l'égard de ses représentants directs.

109 1o Le recrutement ◊ Les préfets sont nommés par décret du Président de la République pris en Conseil des ministres
(art. 13 Const.). Dans la proportion des 2/3, ils sont choisis parmi les sous-préfets ou administrateurs civils ayant atteint la
hors classe de leur grade, corps qui se recrutent essentiellement à la sortie de l'ENA. Mais pour 1/3 des postes la nomination
a lieu « au tour à l'extérieur », c'est-à-dire que le Gouvernement a alors une totale liberté de nomination, aucune condition
n'étant mise à cette nomination. A priori, on peut penser que ce moyen de diversifier le recrutement des préfets est judicieux,
à condition toutefois qu'il n'y ait pas d'abus du procédé, ce qui n'a pas toujours été le cas 120.
La nomination implique une affectation à un poste territorial.

110 2o Les garanties de carrière ◊ De tous les fonctionnaires, le préfet est celui qui a le moins de garanties de carrière :
en effet, l'emploi de préfet figure parmi « les emplois à la discrétion du gouvernement ». Cela veut dire qu'ils n'ont que des
garanties disciplinaires extrêmement réduites : uniquement la communication du dossier. Mais surtout le retrait d'emploi est
à la discrétion du gouvernement et peut intervenir pour n'importe quelle raison. Les préfets ont une obligation de loyalisme
politique 121 et n'ont ni le droit syndical (ils se réunissent, cependant, au sein de l'Association du corps préfectoral) ni, a
fortiori, le droit de grève.
En contrepartie de ces obligations strictes, le préfet, dans l'intérêt même de la fonction, bénéficie d'avantages matériels
destinés à assurer son prestige : logement, service, parc automobile, etc.
En pratique, la carrière préfectorale – hormis les crises politiques graves – assure à l'heure actuelle, à ses membres, une
relative sécurité, qu'exige le développement de leur rôle administratif par rapport à leur rôle politique 122.

111 B. Les attributions du préfet ◊ L'article 72 de la Constitution (v. ss 107) définit de manière générale la mission du
préfet : délégué du Gouvernement, il a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois. Ces
formules sont précisées par les articles 9, 10 et 11 du décret du 29 avril 2004. Le préfet de département met en œuvre les
politiques nationales et communautaires sous l'autorité du préfet de région ; il « assure le contrôle administratif du
département, des communes et des établissements publics locaux » ; il a « la charge de l'ordre public et de la sécurité des
populations » ; il est compétent « en matière d'entrée et de séjour des étrangers, ainsi qu'en matière de droit d'asile ». Dans le
cadre de la décentralisation opérée en 1982 (v. ss 118) un certain nombre de compétences transférées aux collectivités
territoriales étaient déconcentrées. De ce fait, les préfets ont, à l'époque, connu une diminution sensible de leurs attributions.
Mais, à l'inverse, elles ont augmenté avec la « Charte de la déconcentration », (v. ss 102), qui est venue préciser le rôle
dévolu au département en tant qu'échelon de l'administration déconcentrée.
Il résulte de cet ensemble de textes que, dans le département, le préfet est tout à la fois : – le représentant de l'État ; – le
représentant du Gouvernement ; – un rouage de l'Administration générale ; – le chef des services de l'État.
1o Le représentant de l'État. À l'échelle du département le préfet incarne l'État. C'est pour cette raison qu'il a la
préséance dans toutes les cérémonies et que Napoléon voulait qu'il vive dans de véritables palais en ayant un grand train de
maison ! Il assure la représentation juridique de l'État en signant en son nom les contrats, en le représentant en justice etc.
2o Le représentant du Gouvernement. C'est l'aspect politique de son rôle. À ce titre, le préfet a une mission générale
d'information : il doit tenir le Gouvernement au courant de l'évolution de l'opinion publique dans le département ; à l'inverse
il doit, auprès de celle-ci, expliciter la politique des pouvoirs publics et l'orienter en faveur des gouvernants. Pendant
longtemps, la tâche essentielle des préfets, aux yeux des gouvernements, était de leur préparer des élections conformes à
leurs vœux. L'évolution des modes de communication (interventions radio-télévisées du Gouvernement, sondages d'opinion)
a diminué le rôle dévolu au préfet en la matière.
3o Le préfet, organe de l'administration générale
a) Le maintien de l'ordre. Le préfet a la charge de l'ordre public. À ce titre, il exerce la police administrative (v. ss 379)
dans l'ensemble du département, celle-ci visant, à titre préventif, au maintien de l'ordre public, c'est-à-dire au maintien de la
sécurité, de la tranquillité et de la salubrité publiques.
Les problèmes du maintien de l'ordre se posant avec de plus en plus d'acuité, en de nombreux endroits, il est possible,
depuis 1972 (Décr. 20 sept. 1972 ; Décr. 23 sept. 1989) de nommer auprès du préfet du département un Préfet adjoint pour
la Sécurité ayant en charge uniquement ces problèmes de sécurité
Par contre, la loi du 4 janvier 1993 lui a retiré les pouvoirs de police judiciaire qu'il tenait de l'article 10 de l'ancien Code
de procédure pénale en ce qui concerne les crimes intéressant la sûreté de l'État et qui, bien que réduits, n'en étaient pas
moins contraires aux principes fondamentaux du libéralisme en matière de sécurité.
b) Le contrôle administratif. C'est au préfet qu'il revient d'assurer le contrôle administratif – ce que l'on appelait
traditionnellement la tutelle – sur les communes et sur le département. Cela représente un travail important mais exercé avec
le concours des sous-préfets (v. ss 230).
c) Les procédures d'intérêt général. Le préfet intervient dans toute une série de procédures d'intérêt général. Par exemple,
il lui revient, le cas échéant, d'élever le conflit d'attribution devant les juridictions judiciaires (v. ss 573), ou encore de
conduire la phase administrative de la procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique, d'intervenir en matière de
réquisitions, etc.
4o Le préfet, chef des services de l'État dans le département
De même qu'à l'échelon central il faut assurer la coordination des actions menées par les différentes administrations, à
l'échelle du département, il faut également assurer la coordination de l'action des différents services déconcentrés. C'est au
préfet que revient cette mission : il dirige tous les services de l'État dans le département à l'exception des services de
l'Éducation nationale, de l'Inspection du Travail, des services financiers et fiscaux et des organismes juridictionnels.
Compte tenu de la tendance des chefs des services déconcentrés à vouloir échapper à l'autorité du préfet, en traitant
directement avec leur administration centrale, le décret du 14 mars 1964, repris par celui du 10 mai 1982, a pris un ensemble
de mesures permettant au préfet d'assumer effectivement la direction des services de l'État.
Dans l'exécution de ses missions le préfet est assisté d'un collège des chefs de service qui comprend, sous son autorité, les
membres du corps préfectoral en fonction dans le département ainsi que les chefs des services de l'État dans le département.
Dans le souci de recentrer les préfectures sur leurs missions essentielles (sécurité et protection des populations ; respect
des libertés publiques et de la démocratie ; dossiers de proximité) les services départementaux de l'État ont fait l'objet d'une
profonde restructuration. Depuis le 1er janvier 2010 ils comprennent, selon l'importance de la population, deux ou trois
structures interministérielles : – la Direction départementale de la cohésion sociale ; – la Direction départementale de la
protection des populations ; – la Direction départementale des Territoires.
Les décisions du préfet prennent normalement la forme de l'arrêté, soit individuel (nomination, autorisation etc.), soit
réglementaire (en matière de police administrative, par exemple). Parfois la décision est précédée de l'avis d'un organe
consultatif (v. ss 95). Le préfet peut déléguer une partie de ses pouvoirs de décision au secrétaire général (v. ss 112) ou aux
sous-préfets dans leur arrondissement (v. ss 113).

§ 2. Les services du préfet 123

112 Aux termes de l'article 7 du décret du 16 février 2010 le préfet est assisté dans l'exercice de ses fonctions d'un secrétaire
général, d'un directeur de cabinet, des chefs des services déconcentrés de l'État, et des sous-préfets d'arrondissement. Outre la
possibilité de confier les tâches du maintien de l'ordre à un Préfet pour la Sécurité placé auprès du Préfet, le décret no 2005-
1621 du 22 décembre 2005 prévoit la possibilité de nommer auprès de lui un « Préfet pour l'égalité des chances » pour ce
qui concerne la cohésion sociale, l'égalité des chances et la lutte contre les discriminations.
Pour exercer ses importantes attributions le préfet dispose d'un cabinet et des bureaux de la préfecture.
1o Le cabinet. Le préfet dispose d'un directeur de cabinet, qui est un jeune sous-préfet, et d'un ou plusieurs chargés de
mission ; leur nombre varie en fonction de la taille du département. Le directeur du cabinet est le collaborateur direct et
personnel du préfet.
2o Les bureaux de la préfecture. Ils jouent auprès du préfet le même rôle de préparation et d'exécution que
l'administration centrale auprès du ministre. Ils sont composés de fonctionnaires de l'État qui constituent deux cadres
distincts : attachés de préfecture et secrétaires administratifs de préfecture, recrutés au concours.
À la tête des services de la Préfecture se trouve le Secrétaire général de la préfecture, qui est un sous-préfet ayant déjà
une ancienneté certaine ; dans les départements les plus importants il peut avoir le grade de préfet. C'est le collaborateur le
plus important du préfet. De manière significative, les attributions du Secrétaire général ne sont fixées par aucun texte. Cela
veut dire qu'il exerce les fonctions que le préfet lui confie : tout dépend donc des relations de confiance qui s'établissent entre
eux. Le plus souvent ces fonctions sont importantes. Il n'a qu'une seule attribution de plein droit : assurer l'intérim du préfet
au cas de vacance ou d'empêchement.

SECTION 4. L'ARRONDISSEMENT

113 Créé par la loi du 28 pluviôse An VIII, l'arrondissement est une circonscription de l'Administration d'État relativement peu
importante car sans décentralisation et qui, pour cette raison, n'a pas la personnalité morale.
L'arrondissement c'est essentiellement le sous-préfet, c'est-à-dire le fonctionnaire de l'État ayant la responsabilité de
cette circonscription.
Le rôle du sous-préfet est défini par l'article 14 du décret du 29 avril 2004 modifié par le décret du 16 février 2010.
Délégué du préfet dans l'arrondissement, « il participe à l'exercice du contrôle administratif et au conseil aux collectivités
territoriales ». Le préfet peut lui confier des missions particulières. Il constitue donc un échelon de l'État proche des
administrés et notamment des maires qu'il connaît bien et auprès desquels il peut constituer une précieuse agence de services
et de conseils. C'est ce qui a fait dire à un Premier ministre qu'ils devaient constituer « les postes avancés de l'État sur le
Territoire » 124. Cependant le ministère de l'Intérieur a lancé une Mission de concertation autour de l'évolution du réseau des
sous-préfectures ((AJDA 2012. 1827). Très clairement il s'agit de supprimer un certain nombre de celles-ci (de l'ordre de
70 sur 238). À l'heure actuelle les Préfets des Régions Alsace et Lorraine sont chargés, à titre d'expérimentation, de proposer
la rénovation du réseau des sous-préfectures dans les deux départements du Rhin et de la Moselle. Pour moi il est
absolument impératif de maintenir les sous-préfectures en milieu rural.

SECTION 5. LA COMMUNE

114 La commune est presque exclusivement une collectivité territoriale. Il se trouve seulement que, dans certains cas, l'État
« emprunte » à la commune son maire pour en faire un agent de l'État pour certaines affaires. Il s'agit, par exemple, de
l'exécution du service de l'état-civil, ou encore d'attributions en matière électorale (établissement des listes électorales,
délivrance des cartes électorales), délivrance de certains permis de construire etc. 125
Lorsqu'il agit en tant qu'agent de l'État, le maire est alors soumis au pouvoir hiérarchique du préfet et, le cas échéant, c'est
la responsabilité de l'État que son action engagera.
CONCLUSION
LA RÉFORME DE L'ÉTAT 126

115 Le problème de la réforme de l'État est un thème récurrent dans le discours politique. Dans le gouvernement de Manuel
Valls, J.M. Baylet est Ministre de l'Aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales ; Estelle Grelier
est, auprès de lui, Secrétaire d'État en charge des collectivités territoriales. J.V. Placé est Secrétaire d'État auprès du Premier
Ministre en charge de la Réforme de l'État et de la simplification.
Nombre de réformes intervenues ces dernières années vont dans le sens d'une importante transformation de l'État. C'est le
cas de la décentralisation (v. ss 118 s.) qui modifie l'équilibre entre l'État central et les collectivités territoriales ; de même, la
déconcentration remet en cause la ventilation des attributions entre l'échelon central et les services déconcentrés. Mais c'est
aussi, et peut-être surtout, le cas de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) du 1er août 2001 qui, en
bouleversant la présentation des crédits de l'État – reposant sur 48 missions définissant les différentes politiques publiques et
170 programmes – a pour objectif non seulement de clarifier mais aussi de modifier les politiques publiques de l'État 127.
Comme le constatent Ch. Waline et P. Desrousseau 128 la LOLF suppose que le Parlement renonce a priori lors de l'examen
du projet de budget à une partie de son pouvoir pour mieux l'exercer a posteriori lors de son exécution ou de la reddition des
comptes. Il s'agit, tout simplement – si l'on peut dire – d'introduire une culture du résultat.
D'autre part, la mise en œuvre par la France du Traité européen sur la stabilité, la coordination et la gouvernance a
nécessité le vote de la loi organique du 17 décembre 2012 129 « relative à la programmation et à la gouvernance des finances
publiques » 130. Comme le souligne Michel Lascombe, cette loi « modifie la nature des lois de programmation des finances
publiques introduites en droit interne par la révision du 23 juillet 2008 » et « constitue une révolution dans la conception
même de notre droit budgétaire tant par le principe qu'elle affirme que par les actes et les mécanismes qu'elle met en place ».
Le décret du 22 janvier 2014 a créé un Conseil stratégique de la dépense publique chargé de proposer et de suivre la
réalisation des économies structurelles dans le cadre du programme de stabilité de la France.
La volonté de réforme de l'État s'était cristallisée dans la mise en œuvre par Nicolas Sarkozy de la Révision Générale des
Politiques Publiques (RGPP) lancée au mois de juin 2006 et confiée au Conseil de Modernisation des Politiques Publiques
présidé par le Président de la République. Celui-ci se fixait un triple objectif :
– le retour à l'équilibre des finances publiques ;
– l'amélioration de la qualité des services publics ;
– la simplification administrative.
La RGPP avait fait l'objet de critiques tant du Parlement 131, que du Conseil Économique, Social et Environnemental et
posé problème en ce qui concerne son application aux collectivités territoriales 132. Le gouvernement de J.M. Ayrault avait
décidé de mettre fin à la RGPP et a demandé un bilan de celle-ci 133. Elle est remplacée par la « Modernisation de l'Action
Publique » (MAP). Celle-ci a été mise en place par deux décrets du 30 octobre 2012, le premier (no 2012-1198) créant le
Secrétariat Général pour la Modernisation de l'Action publique (SGMAP), sous l'autorité du Premier ministre et rattaché au
Secrétariat général du gouvernement 134 ; son action et ses moyens sont définis par le décret n° 2015-1165 du 21 septembre
2015. Le second (no 2012-1199) créant le Comité Interministériel pour la modernisation de l'action publique (CIMAP). La
modernisation de l'action publique se propose un triple objectif :
– favoriser et soutenir les travaux en vue d'évaluer et de moderniser l'action publique ;
– améliorer le service rendu aux citoyens et aux usagers ;
– contribuer à la bonne gestion des deniers publics.
Tout cela n'est pas substantiellement différent de ce que se proposait la RGPP. L'examen des travaux des premiers CIMAP
montre l'importance attachée à l'évaluation des politiques publiques 135ainsi qu'à la simplification administrative 136.
Il va de soi que la Cour des comptes, à travers ses Rapports publics (par ex. celui de 2008), participe également aux
réflexions relatives à la réforme de l'État.
Le rôle dévolu au Parlement, en la matière, a été consacré par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 précisant à
l'art. 24 C. que le Parlement « évalue les politiques publiques » 137. L'Assemblée nationale a donc modifié son Règlement
pour créer un « Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques », création avalisée par le Conseil constitutionnel
non sans quelques réserves (Cons. const. no 2009-581 DC du 25 juin 2009, p. 120). Ce problème a également fait l'objet de la
loi no 2011-140 du 3 février 2011 « tendant à renforcer les moyens du Parlement en matière de contrôle de l'action du
Gouvernement et d'évaluation des politiques publiques » 138. La loi no 2015-411 du 13 avril 2015 prévoit que le
Gouvernement remet chaque année au Parlement un rapport visant à la prise en compte des nouveaux indicateurs de richesse
dans la définition des politiques publiques.
Une autre innovation mérite d'être soulignée : l'établissement, depuis 2006, d'un véritable bilan comptable de l'État à
l'instar de ce qui se fait pour une entreprise. En effet la Cour des comptes certifie maintenant les comptes de l'État. Pour
l'année 2008 le solde des opérations de l'exercice s'établit, par exemple, à –73,1 milliards d'euros, avec un passif supérieur à
l'actif de 686 milliards d'euros (AJDA 2009. 1075) 139.
TITRE 2
LES PERSONNES ADMINISTRATIVES SPÉCIALISÉES

SOUS-TITRE 1 LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

SOUS-TITRE 2 LES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS

SOUS-TITRE 3 LES AUTRES PERSONNES PUBLIQUES SPÉCIALISÉES


À côté de l'État qui a une vocation générale, notamment en matière administrative, il existe des personnes publiques dont
le rôle, en matière administrative, est limité par le principe de spécialité.
Les personnes administratives spécialisées se définissent soit par un certain territoire, soit à partir de certaines tâches
d'intérêt général qui leur sont confiées.
Ce sont les collectivités territoriales (Sous-titre 1) et les établissements publics (Sous-titre 2), auxquelles il faut ajouter,
maintenant, d'autres personnes publiques spécialisées (Sous-titre 3).
SOUS-TITRE 1
LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES 140

CHAPITRE 1 L'ÉVOLUTION DE LA DÉCENTRALISATION DEPUIS 1958


CHAPITRE 2 LA COMMUNE
CHAPITRE 3 LE DÉPARTEMENT
CHAPITRE 4 LA RÉGION
CHAPITRE 5 LES COLLECTIVITÉS À STATUT PARTICULIER
CHAPITRE 6 LE CONTRÔLE DE L'ÉTAT SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
La Ve République a réalisé de grands progrès en ce qui concerne la décentralisation. Après avoir pris la mesure de cette
évolution (Chapitre 1), on examinera l'organisation administrative des différentes collectivités territoriales : la commune
(Chapitre 2), le département (Chapitre 3), la région (Chapitre 4), les collectivités à statut particulier (Chapitre 5). On
étudiera ensuite le contrôle de l'État sur ces collectivités (Chapitre 6).
CHAPITRE 1
L'ÉVOLUTION DE LA DÉCENTRALISATION DEPUIS 1958

Section 1. LA DÉCENTRALISATION DANS LA CONSTITUTION DE 1958


Section 2. LA DÉCENTRALISATION DANS LA LOI DU 2 MARS 1982
§ 1. Le volet organique et fonctionnel
§ 2. La répartition des compétences entre l'État et les collectivités territoriales
§ 3. Le statut de la fonction publique territoriale
Section 3. LA RÉFORME OPÉRÉE À PARTIR DE LA LOI CONSTITUTIONNELLE DU 28 MARS 2003
§ 1. La codification du système existant
§ 2. Les innovations de la loi du 28 mars 2003
§ 3. La loi du 13 août 2004
Section 4. LE RAPPORT BALLADUR ET LA LOI DU 16 DÉCEMBRE 2010
Section 5. LES RÉFORMES DU GOUVERNEMENT AYRAULT
§ 1. La loi organique et la loi du 17 mai 2013
§ 2. La loi du 27 janvier 2014
§ 3. La loi organique et la loi du 14 février 2014
Section 6. LES RÉFORMES DU GOUVERNEMENT VALLS

116 La Monarchie n'a pu réaliser l'unité française qu'en opposant au foisonnement des collectivités de toute nature issues de la
période féodale, fortes de leurs privilèges et enracinées dans la tradition, un effort continu de centralisation administrative.
Les pouvoirs des Intendants, le développement au XVIIIe siècle des administrations d'État (Ponts et Chaussées, Corps des
mines etc.), sont les instruments les plus connus de cette action.
La tradition centralisatrice ainsi fondée a été reprise par le Consulat et l'Empire.
Le mouvement décentralisateur s'est amorcé dès le début de la Monarchie de Juillet 141. Mais le véritable point de départ
de l'évolution contemporaine de la décentralisation se situe à l'aube de la IIIe République avec la loi du 10 août 1871 sur le
département et la loi du 5 avril 1884 sur la commune.
Il est tout à fait extraordinaire de constater que l'on va vivre ensuite presque un siècle sur la base de ces deux textes. Bien
sûr, ils seront modifiés à d'assez nombreuses reprises, mais uniquement sur des points de détail ; sur le fond rien de
véritablement important. De même, la volonté décentralisatrice affirmée par le constituant de 1946 n'a pas pu prévaloir sur
les forces centripètes et est demeurée lettre morte 142.
Ce n'est qu'avec la Ve République que l'évolution dans le sens d'une plus grande décentralisation va reprendre. Elle est
maintenant irréversible.
Par ailleurs, le développement de l'Union européenne pose l'important problème de savoir le rôle qui est réservé aux
collectivités territoriales au sein de cet ensemble 143.
Inscrite dans le texte initial de la Constitution (Section 1), la décentralisation va connaître cinq importantes étapes 144 :
celle des années 1982 (Section 2), la réforme du 28 mars 2003 (Section 3) puis sur la base du Rapport Balladur, la loi du
16 décembre 2010 « de réforme des collectivités territoriales » (Section 4), les réformes entreprises par le gouvernement de
J.M. Ayrault (Section 5), enfin celles du gouvernement de M. Valls (Section 6) 145.

SECTION 1. LA DÉCENTRALISATION DANS LA CONSTITUTION DE 1958 146

117 L'article 72 de la Constitution de 1958 affirme le principe de la libre administration des collectivités territoriales, c'est-à-dire
de la décentralisation : « Ces collectivités s'administrent librement par des conseils élus et dans les conditions prévues par la
loi ». Pour savoir ce qui, en la matière, relève de la loi, il faut donc se reporter à l'article 34 de la Constitution qui prévoit que
la loi détermine les principes fondamentaux « de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et
de leurs ressources » 147.
Ces formules, même si elles restent relativement imprécises, n'en ont pas moins une conséquence capitale : elles élèvent
au niveau constitutionnel le principe de la décentralisation (v. ss 129). Ce principe constitutionnel de la libre administration
des collectivités territoriales est, bien sûr, très important mais il doit se concilier avec d'autres principes également à valeur
constitutionnelle, par exemple celui du contrôle pesant sur celles-ci, ce qui en réduit la portée car le Conseil constitutionnel
est assez compréhensif à l'égard des textes qui doivent se concilier avec le principe de la libre administration.
Il y a eu, en 1976, un important effort de réflexion mené pour repenser globalement l'organisation et le fonctionnement
des collectivités locales : c'est le « Rapport Guichard » intitulé « Vivre ensemble » 148. Il avait débouché sur un projet de loi
« pour le développement des responsabilités des collectivités locales » qui n'a pas eu de suites dans l'immédiat.
SECTION 2. LA DÉCENTRALISATION DANS LA LOI DU 2 MARS 1982 149

118 Le Gouvernement issu des élections législatives de juin 1981, sous l'impulsion notamment de Gaston Defferre, s'est engagé
dans une importante réforme de la décentralisation. De manière tout à fait symbolique, ce dernier prend le titre de Ministre
de l'Intérieur et de la décentralisation ; de même on substitue au titre de préfet, legs du centralisme napoléonien, celui de
Commissaire de la République 150 et surtout la loi du 2 mars 1982 est intitulée « loi relative aux droits et libertés des
communes, des départements et des régions ».
De nombreux textes ont suivi la loi du 2 mars 1982 qui donnait, en quelque sorte, le coup d'envoi de la réforme : – lois du
7 janvier et du 22 juillet 1983 relatives à la répartition des compétences ; – loi du 19 novembre 1982 relative au mode
d'élection des conseils municipaux, etc. Au total cette réforme décentralisatrice a compté une douzaine de lois et un nombre
impressionnant de décrets.
Depuis la réforme de 1982-1983 et dans son prolongement on a vu se multiplier les interventions du législateur relatives à
la décentralisation. Mais cette multiplication de textes, plus ou moins fragmentaires, n'a pas toujours contribué à simplifier et
à clarifier le droit positif. En se limitant aux seuls textes généraux, sont ainsi intervenues successivement : – les lois des
9 janvier et 19 août 1986 ; – la loi du 13 janvier 1989 ; – la loi du 5 janvier 1988, dite « d'amélioration de la
décentralisation » 151 ; – la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération
intercommunale ; – la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité.
La réforme de 1982-1983 comprend trois grands volets :
– un volet organique et fonctionnel ;
– une nouvelle répartition des compétences entre l'État et les collectivités locales ;
– un statut de la fonction publique territoriale.

§ 1. Le volet organique et fonctionnel


Ce sont quatre lois qui viennent modifier l'organisation et le fonctionnement des collectivités locales.

119 A. La loi du 2 mars 1982 ◊ Elle réalise des réformes essentielles et c'est, de manière emblématique, que l'on
commence par celles-ci :
1. Tout d'abord elle supprime la principale anomalie de la décentralisation qui faisait du préfet, représentant de l'État,
l'exécutif de la Région et du Département, collectivités décentralisées. Désormais ce sera le Président du Conseil régional,
d'une part, et d'autre part le Président du Conseil général, qui exécuteront (après les avoir préparées) les délibérations votées
par leurs assemblées respectives.
2. Elle supprime la tutelle remplacée par un contrôle administratif. Le contrôle administratif est exercé, a posteriori, par le
Tribunal administratif.
3. Enfin la loi permet, dans une mesure appréciable, l'intervention des collectivités territoriales dans le secteur
économique et social.

120 B. La loi du 22 juillet 1982 ◊ Elle est obligée de remettre l'ouvrage sur le métier en ce qui concerne le contrôle
administratif des collectivités territoriales pour tenir compte de la décision du Conseil constitutionnel (Décis. no 82-137 DC
du 25 févr. 1982, Rec. 38) qui avait déclaré contraire à la Constitution la disposition prévoyant que les actes des autorités des
collectivités territoriales étaient de plein droit exécutoires avant même leur transmission au représentant de l'État, ce qui
privait celui-ci de la possibilité de saisir la juridiction administrative pour en empêcher l'entrée en vigueur (v. ss 232).

121 C. La loi du 10 juillet 1982 ◊ Elle vient créer les Chambres régionales des comptes, juridictions financières
appelées, entre autres, à intervenir dans le contrôle financier des collectivités locales.

122 D. Enfin la loi du 19 novembre 1982 ◊ Elle réalise un important changement dans le mode d'élection des
Conseils municipaux (v. ss 155).
Ces différents textes restent fidèles à la tradition d'uniformité dans les statuts, et même la renforcent : non seulement ils
n'introduisent aucune distinction nouvelle entre les communes selon leur dimension 152, mais encore ils soumettent à des
règles identiques, à quelques détails près, les trois catégories de collectivités : commune, département, région.

§ 2. La répartition des compétences entre l'État et les collectivités territoriales

123 Au départ ce sont trois lois (7 janv., 22 juill. et 29 déc. 1983) qui viennent régler cet important problème. Ces textes posent
les principes qui gouvernent la répartition des compétences ; – ils fixent les grandes lignes de celle-ci ; – ils aménagent les
moyens permettant leur exercice.

124 A. Les principes gouvernant la répartition ◊ Ils font l'objet du titre 1er de la loi du 7 janvier 1983 qui est
intitulé : « Des principes fondamentaux et des modalités des transferts de compétences ». On peut en distinguer trois :
1o Les transferts de compétences ne doivent pas aboutir à la tutelle d'une collectivité territoriale sur une autre (art. 2 de la
loi). Le risque d'une telle tutelle est fort grand, en effet, du fait des « financements croisés ». Faute de ressources suffisantes
pour la réalisation d'un investissement, la commune, par exemple, est bien obligée de faire appel au concours financier du
département et de la région. Ceux-ci peuvent, à cette occasion, établir une tutelle de fait sur les communes qui n'ont pas un
droit acquis à l'obtention de ces subventions.
2o Éviter les chevauchements de compétences (art. 3). En principe les transferts de compétences sont globaux : chaque
domaine est attribué en totalité soit à la région, soit au département, soit à la commune. Mais le texte, trop prudemment,
assortit cette règle d'une réserve : « …dans la mesure du possible ». Très malheureusement c'est la réserve qui, dans la
pratique, est devenue la règle. La volonté simplificatrice s'est heurtée à certaines impossibilités ou à certaines habitudes. Il
n'y a que fort peu de « blocs » de compétences et ce problème n'est toujours pas réglé à l'heure actuelle.
3o Le transfert des moyens. Chaque transfert d'une compétence nouvelle à une collectivité territoriale doit s'accompagner
du transfert des moyens (matériels et humains) nécessaires à l'exercice de cette compétence.

125 B. Les grandes lignes de la répartition 153 ◊ La décentralisation traditionnelle se fondait sur la distinction entre
affaires nationales et affaires locales (v. ss 56). La réforme, sans abandonner cette distinction, la nuance. La formule de
l'article 1er de la loi du 7 janvier 1983 est révélatrice de ce changement : les lois antérieures, qui subsistent, confiaient aux
conseils municipaux ou généraux « les affaires de la commune » ou « du département » ; ils règlent en plus, désormais, « les
affaires de leur compétence », c'est-à-dire celles dont le législateur estime qu'elles seront mieux traitées au niveau
communal, départemental ou régional qu'au niveau national.
Dans la pratique, pour la répartition des compétences – que l'on étudiera (infra) à propos de chaque collectivité territoriale
– le législateur n'a pas procédé par collectivité (région, département, commune) mais par matière (enseignement, aide
sociale…).
Dans quelques matières, l'essentiel des compétences a pu être attribué à une collectivité déterminée :
– à la région : planification, économie, apprentissage ;
– au département : action sociale et sanitaire, transports scolaires ;
– à la commune : urbanisme.
Mais, même dans ces matières, la compétence prédominante laisse souvent place, soit à l'action d'une autre collectivité,
soit à celle de l'État. Exemple de la première situation : si la région élabore le plan de développement régional, les communes
peuvent s'associer pour établir une « charte de développement et d'aménagement » 154 dans les domaines économique, social
et culturel. Exemple de la seconde situation : la prépondérance de la Commune dans le domaine de l'urbanisme laisse à l'État
l'essentiel du pouvoir en ce qui concerne la sauvegarde du patrimoine et des sites.

126 C. Les moyens pour exercer les compétences transférées ◊ Les collectivités territoriales doivent disposer
des moyens nécessaires à un bon exercice des compétences transférées. Il s'agit : – des personnels ; – des biens ; – des
ressources financières.
1o Les moyens en personnel. La loi du 7 janvier 1983 distingue :
– Le transfert des compétences d'État aux départements et aux régions s'accompagne du transfert des services
correspondants. Une convention conclue dans chaque département et chaque région entre le représentant de l'État et le
président du Conseil général ou régional assure la mise en œuvre du transfert, en attendant la réorganisation des
services transférés.
– Les transferts de compétence aux communes n'entraînent pas, à leur profit, transfert des services, au moins dans
l'immédiat. Mais ceux-ci sont « mis à leur disposition » pour l'exercice de leurs nouvelles compétences.
Plus généralement, la mise à la disposition des services non transférés, mais utiles à l'exercice des compétences locales,
vaut pour toutes les collectivités.
2o Les biens tant mobiliers qu'immobiliers affectés aux services transférés sont mis à la disposition de la collectivité
chargée du service, à titre gratuit, mais avec l'obligation pour elle d'en assurer désormais la charge. Lorsque ces biens
appartiennent à l'État, la propriété pourra, par la suite, être transférée à la collectivité territoriale. Au cas contraire
(immeubles loués pour le service), celle-ci succède à l'État en tant que locataire.
3o Les ressources financières. C'est le problème essentiel et le plus délicat. Le principe est, évidemment, la corrélation
entre le transfert des compétences et les ressources nécessaires à leur exercice, après évaluation de celles-ci.
Techniquement, les transferts financiers de l'État aux collectivités locales s'opèrent par le biais de subventions. Pendant
longtemps celles-ci ont été le meilleur moyen de l'État pour mettre sous tutelle les collectivités territoriales : il suffisait de
refuser la subvention destinée à tel ou tel investissement pour que celui-ci ne puisse pas être réalisé. La globalisation des
subventions, sous forme de dotation, a donc constitué un progrès certain. À côté des deux dotations versées aux collectivités
territoriales – la dotation globale de fonctionnement (DGF) et la dotation globale d'équipement (DGE) – on a créé une
dotation générale de décentralisation destinée, au moins en principe, à compenser intégralement les charges financières
correspondant aux compétences transférées.
Mais il y a eu un grave malentendu à ce sujet. En effet, l'État a bien transféré aux collectivités territoriales les crédits que
lui-même consacrait aux compétences transférées. Ceux-ci étant notoirement insuffisants les collectivités territoriales,
soucieuses d'un bon exercice de leurs nouvelles compétences (par exemple les lycées pour la région et les collèges pour le
département), ont du abonder très largement les crédits de l'État en puisant dans leurs ressources propres. La décentralisation
est donc devenue un important vecteur de transfert de charges financières de l'État sur les collectivités territoriales
(v. ss 133).
Le problème ne pourra être résolu que par un remaniement complet tant de la fiscalité d'État, que de la fiscalité locale,
impliquant un transfert aux collectivités territoriales de certains impôts d'État 155.

§ 3. Le statut de la fonction publique territoriale 156

127 Le dernier volet des réformes intervenues dans la continuité de la loi du 2 mars 1982 a été la fixation par l'État du statut des
agents des collectivités territoriales, ce que l'on appelle la fonction publique territoriale, par la loi du 26 janvier 1983
(portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale) et la loi du 12 juillet 1984 (relative à la formation
des agents de la fonction publique territoriale). Ce dernier texte a été modifié par la loi no 2007-209 du 19 février 2007
« relative à la fonction publique territoriale ». La décentralisation ne va donc pas jusqu'à permettre aux collectivités
territoriales de fixer elles-mêmes le statut de leurs agents.
L'étude du statut des agents publics, d'après les programmes universitaires, fait l'objet d'enseignements et d'ouvrages
particuliers. On se limitera donc ici à quelques observations générales en ce qui concerne le statut de la fonction
publique territoriale.
1o Le nouveau statut est unique, et uniforme : tous les agents locaux, quelle que soit la collectivité qui les emploie,
commune, département ou région, sont regroupés dans un seul et même ensemble, la fonction publique territoriale, et
soumis au même statut.
2o Ce statut, très proche de celui qui régit la fonction publique de l'État, confère à tous les agents locaux, sauf rares
exceptions, la qualité de fonctionnaires publics, et les soumet au régime qui en découle.
3o Les fonctionnaires territoriaux sont, comme ceux de l'État, répartis entre trois catégories (A, B, et C) 157 selon le niveau
de leur emploi, et regroupés en corps, en fonction de la nature de leur activité. Ils sont recrutés par des concours organisés,
selon la catégorie, au plan national (catégorie A), régional (B), ou départemental (C). Leur carrière (avancement, positions
diverses, discipline) est régie par des règles analogues à celles qui s'appliquent aux fonctionnaires de l'État, et bénéficie des
mêmes garanties. Cette quasi-identité des statuts permet le passage d'une catégorie à l'autre : entre la fonction territoriale et
la fonction publique d'État, la loi organise une certaine perméabilité.
4o La gestion des carrières est confiée à des établissements publics administratifs, les Centres de gestion, réunissant des
élus locaux, au plan national (catégorie A), régional (B) et départemental (C). Les collectivités sont obligatoirement tenues
de faire connaître au Centre dont elles relèvent les emplois vacants. Le Centre assure la publicité de la vacance, recueille les
candidatures, et les transmet à l'exécutif local, président du Conseil régional ou départemental, ou maire. Celui-ci choisit
librement, parmi les candidats, celui qui lui convient. Si aucun ne lui agrée, le poste reste vacant jusqu'à ce qu'un concours
permette de le pourvoir. Une fois nommé, le fonctionnaire relève de l'autorité hiérarchique du chef de l'exécutif local.
5o Un Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, composé pour moitié de représentants syndicaux des
fonctionnaires territoriaux, et pour moitié de représentants des collectivités, est chargé d'étudier, à titre consultatif,
l'application du statut et ses modifications éventuelles. Il joue dans certains cas, notamment en matière disciplinaire, le rôle
d'instance de recours.
6o Au total, la réforme, paradoxalement, aboutit à limiter de façon stricte la liberté des organes locaux dans le choix de
leurs personnels. Elle distend les liens entre les collectivités et leurs agents en permettant à ceux-ci de passer de l'une à
l'autre au cours de leur carrière. Enfin, on s'accorde à souligner la lourdeur, la complexité et le coût du système.

SECTION 3. LA RÉFORME OPÉRÉE À PARTIR DE LA LOI


CONSTITUTIONNELLE DU 28 MARS 2003 158

128 La loi constitutionnelle du 28 mars 2003 « relative à l'organisation décentralisée de la République » réalise une très
importante réforme de la décentralisation. On l'a parfois présentée comme « l'acte II » de la décentralisation. Selon ses
auteurs c'est une erreur car la « nouvelle décentralisation » ne veut pas s'inscrire dans les pas des réformes de 1982. Elle a
pour ambition d'opérer un changement beaucoup plus important. En effet, la révision se propose un triple objectif : – relancer
la décentralisation en supprimant les obstacles constitutionnels qui, jusqu'à maintenant, empêchaient certaines mutations ; –
définir et organiser des transferts de compétences de l'État vers les Collectivités territoriales, dans le but de « faire émerger
une République des proximités », tout en veillant à satisfaire l'exigence de cohérence dans l'action publique ; – permettre
l'expression directe des citoyens dans les débats locaux, en organisant un véritable « principe de participation populaire ».
Sur un certain nombre de questions la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 n'innove pas réellement. Elle apparaît comme
une sorte de « codification » de principes déjà admis, mais avec, cependant, une conséquence importante : élever au rang de
« règles constitutionnelles » – avec tout ce que cela implique – certaines règles qui n'avaient pas jusqu'à maintenant
nécessairement ce caractère. Sur d'autres points, en revanche, la loi constitutionnelle apporte d'importantes innovations.

§ 1. La codification du système existant

129 A. La confirmation du principe de « décentralisation » ◊ Le Conseil constitutionnel avait déjà eu à


plusieurs reprises l'occasion d'affirmer la valeur constitutionnelle du principe de la libre administration des collectivités
territoriales 159. L'article 1er de la loi constitutionnelle aux termes duquel : « son organisation (de la République) est
décentralisée » est donc une confirmation solennelle du principe ainsi que la volonté de conforter, si besoin était, sa
valeur constitutionnelle.

130 B. Les collectivités territoriales à statut particulier ◊ Le 1er alinéa du nouvel article 72 de la Constitution fait
figurer dans la liste des collectivités territoriales de la République, les collectivités à statut particulier. La possibilité de créer
de telles collectivités n'est pas, en soi, nouvelle. Le législateur avait, par exemple, par la loi du 13 mai 1991, érigé la Corse
en « Collectivité territoriale de la Corse » (v. ss 211) et le Conseil constitutionnel avait, à cette occasion, confirmé la
possibilité pour le législateur de créer « une nouvelle catégorie de collectivité territoriale, même ne comprenant qu'une
unité » et de la doter d'un statut spécifique 160.
En revanche, ce qui est nouveau, c'est la possibilité de créer de nouvelles collectivités territoriales « le cas échéant en lieu
et place d'une ou plusieurs collectivités mentionnées au présent alinéa » (art. 72, 1er al.) c'est-à-dire existantes (les régions et
les départements). L'échec de la première application que l'on a essayé de faire de cette disposition en organisant, en Corse,
un référendum (sur la base de l'article 72-1 nouveau) sur la création d'une collectivité unique qui aurait regroupé l'actuelle
collectivité territoriale de Corse et les deux départements de la Haute-Corse et de la Corse du Sud, n'est pas très
encourageant 161 d'autant plus qu'un second échec est intervenu avec le référendum du 7 avril 2013 en Alsace 162.
Dans le même sens, mais sur la base de l'article 72-4, 1er alinéa de la Constitution (qui oblige à consulter, Outre-Mer, les
populations concernées lorsque l'on envisage une modification des collectivités les concernant), la population de la
Martinique et celle de la Guadeloupe ont rejeté, au mois de décembre 2003, la proposition de créer une collectivité
territoriale unique, se substituant, dans chaque cas, au département et à la région 163. Mais si par référendum du 10 janvier
2010 la Martinique et la Guyane ont refusé de se transformer en Collectivité d'Outre-Mer régie par l'article 74 C., elles ont
accepté, par celui du 24 janvier 2010, la création d'une collectivité unique se substituant au département et à la région 164.

131 C. L'expérimentation au moyen de lois ou de règlements ◊ L'article 3 de la loi constitutionnelle,


modifiant l'art. 37 de la Constitution, prévoit que « la loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet et une durée
limités, des dispositions à caractère expérimental ». Ici encore le phénomène n'a rien de nouveau ; il n'est pas rare qu'en
matière administrative on utilise la méthode expérimentale pour tester, en grandeur nature, la réforme projetée. Pour ne
donner qu'un seul exemple, le décret du 14 mars 1964 réorganisant les services extérieurs de l'État avait été précédé du
décret du 10 avril 1962 réorganisant, à titre expérimental, les services dans quatre départements. La jurisprudence avait bien
délimité le régime juridique de cette pratique : notamment, le législateur doit clairement préciser les procédures d'évaluation
conduisant au maintien, à la modification, à la généralisation ou à l'abandon de l'expérience, à l'issue du délai fixé pour celle-
ci.

132 D. Le pouvoir réglementaire des collectivités territoriales ◊ Le nouvel article 72, 3e al. de la Constitution
prévoit que les collectivités territoriales « disposent d'un pouvoir réglementaire pour l'exercice de leurs compétences ». Ce
qui est intéressant, ce n'est pas la mention du pouvoir réglementaire, puisque les collectivités territoriales ont toujours
disposé d'une telle faculté (par exemple le pouvoir de police du maire) mais la précision que ce pouvoir leur est donné « pour
l'exercice de leurs compétences ». Cela peut paraître un truisme. Mais, a contrario, cela veut dire qu'elles n'ont pas un
pouvoir réglementaire « autonome » contrairement à ce que certains avaient voulu soutenir 165.

133 E. Le problème de l'autonomie financière et fiscale des collectivités territoriales 166 ◊ L'un des
grands problèmes de la décentralisation est celui de la réforme des finances des collectivités territoriales – bien délicat à
résoudre – et de la marge d'autonomie financière qui doit leur être laissée. Celle-ci n'a cessé de se réduire ces dernières
années, l'État supprimant des impôts bénéficiant aux collectivités territoriales (et dont elles pouvaient fixer le taux) pour les
remplacer par des compensations, pas toujours intégrales, des pertes de recettes ainsi provoquées. Cela a pour effet de
diminuer la marge de manœuvre fiscale des collectivités au moment où elles votent leur budget en raison de la part
croissante, dans celui-ci, des subventions compensatrices de l'État sur lesquelles, bien sûr, elles n'ont aucun pouvoir.
Afin d'éviter la poursuite d'une telle politique, on s'était tourné vers le Conseil constitutionnel pour qu'il s'érige en
défenseur de l'autonomie fiscale des collectivités territoriales. Dans sa décision du 12 juillet 2000 (loi de finances
rectificatives pour 2000, p. 104), le Conseil a érigé en principe que les règles posées par la loi « ne sauraient avoir pour effet
de diminuer les ressources globales des collectivités territoriales ou de réduire la part des recettes fiscales dans ces
ressources au point d'entraver leur libre administration ». Mais il n'a, dans la pratique, encore jamais considéré que tel fut
le cas.
Le Sénat ayant déposé une proposition de loi constitutionnelle, relative à « la libre administration des collectivités
territoriales et à ses implications fiscales et financières », avait voté, au mois d'octobre 2000, un texte prévoyant que « les
ressources hors emprunt de chacune des catégories de collectivités territoriales sont constituées pour la moitié au moins 167 de
recettes fiscales et autres ressources propres ». La discussion de ce projet de loi n'a pas dépassé le stade du vote par le Sénat
en première lecture, en raison du dépôt par le Gouvernement du projet de loi constitutionnelle « relative à l'organisation
décentralisée de la République ». Très malheureusement, la loi constitutionnelle se contente de prévoir que les recettes
fiscales et les autres ressources doivent représenter « une part déterminante » de l'ensemble de leurs ressources. On renonce
donc à tout pourcentage chiffré au profit d'une notion qui n'a strictement aucun caractère juridique 168. La loi organique du
29 juillet 2004 relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales donne une définition des « ressources propres »,
partiellement censurée par le Conseil constitutionnel (décis. no 2004-500 DC du 29 juill. 2004, p. 116) et qui laisse subsister
bien des interrogations.
D'autre part, la disposition de la loi constitutionnelle relative à la compensation financière des compétences transférées
par l'État aux collectivités territoriales, consolide, en la constitutionnalisant (!), une solution regrettable. En effet, l'article 72-
2, 4e alinéa, prévoit l'attribution aux collectivités territoriales « de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à
leur exercice ». Or, on l'a vu (v. ss 126), le plus souvent les ressources que l'État consacrait à l'exercice de ces compétences
ne permettent pas un exercice « normal » de la compétence transférée, pour reprendre la formule qui figurait, à ce propos,
dans la loi du 7 janvier 1983 169.

134 F. La coopération entre collectivités territoriales ◊ Depuis la loi du 2 mars 1982 se pose le problème de la
coordination des actions conjointes entreprises par plusieurs collectivités territoriales sur un seul et même objet, d'autant plus
que le principe qu'il ne doit pas y avoir de tutelle d'une collectivité sur une autre a maintenant valeur constitutionnelle
(art. 72, 5e al.). À cet effet, la loi du 28 mars 2003 prévoit que « lorsque l'exercice d'une compétence nécessite le concours de
plusieurs collectivités territoriales, la loi peut autoriser l'une d'entre elles, ou un de leurs groupements, à organiser les
modalités de leur action commune ».

§ 2. Les innovations de la loi du 28 mars 2003


Les innovations de la loi constitutionnelle portent essentiellement sur trois points :
– la possibilité pour les collectivités territoriales de déroger aux lois et règlements ;
– l'application d'un principe de subsidiarité à la ventilation des compétences ;
– l'appel au peuple, à travers le droit de pétition et le référendum.

135 A. Le pouvoir de déroger aux lois et règlements ◊ Avec ce pouvoir on est au cœur de l'expérimentation. C'est
un point essentiel, l'un de ceux qui nécessitaient l'intervention du constituant pour le permettre, mais c'est aussi l'un de ceux
qui soulèvent le plus d'interrogations.
L'article 72, 4e al., indique que dans les conditions prévues par une loi organique, et sauf lorsque sont en cause les
conditions essentielles d'exercice d'une liberté publique ou d'un droit constitutionnellement garanti, les collectivités
territoriales, ou leurs groupements, peuvent, lorsque, selon le cas, la loi ou le règlement l'a prévu, déroger à titre
expérimental et pour un objet et une durée limités, aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l'exercice de
leurs compétences.
Cette disposition est une conséquence directe des problèmes soulevés par la loi du 22 janvier 2002 relative à la Corse. En
effet, le Parlement avait voté une disposition permettant à l'Assemblée de Corse de procéder à des expérimentations
comportant des dérogations aux règles législatives en vigueur. Le Conseil constitutionnel avait jugé 170 que cette possibilité
donnée à la Corse de prendre des mesures relevant du domaine de la loi était contraire à la Constitution et notamment à son
article 34, et que le législateur ne saurait déléguer sa compétence dans un cas non prévu par la Constitution, toutes choses
difficilement contestables. Autrement dit, une telle expérimentation ne pouvait être possible qu'à la suite d'une révision
levant l'obstacle constitutionnel. C'est ce que fait la loi du 28 mars 2003.
En revanche, il n'y avait aucun problème en ce qui concerne la dérogation aux dispositions réglementaires, celle-ci ayant
été admise par le Conseil constitutionnel, sauf lorsqu'est en cause l'exercice d'une liberté ou d'un droit fondamental.
Les conditions mises à l'expérimentation ont été précisées par la loi organique du 1er août 2003 171. Une loi doit définir
l'objet et la durée (qui ne peut excéder 5 ans, avec prorogation possible d'un an) de l'expérimentation, ainsi que les
dispositions auxquelles il peut être dérogé. Les collectivités territoriales se portent alors volontaires et le Gouvernement,
après vérification que les conditions légales sont remplies, dresse par décret la liste des collectivités autorisées à participer
à l'expérimentation.
Mais le plus important est sans doute la manière dont s'achève l'expérimentation. Au vu d'un rapport transmis par le
Gouvernement, le Parlement, avant l'expiration du terme fixé par la loi, décide : – soit de mettre fin à l'expérimentation ; –
soit de la prolonger en en modifiant le cas échéant les modalités ; – soit de généraliser les mesures prises à titre expérimental.
Ce mécanisme, complètement nouveau, de l'expérimentation permettant à des collectivités territoriales de déroger à des
dispositions législatives, pose d'épineux problèmes juridiques. Par exemple, quelle sera la place, dans la hiérarchie des
normes, des actes pris en la matière par les collectivités territoriales ? Quel sera le sort de celles-ci au cas où le Parlement
met fin, purement et simplement, à l'expérimentation ? ; – Le Parlement pourra-t-il légiférer sur les questions faisant l'objet
de l'expérimentation, pour les collectivités qui n'y sont pas incluses, alors que le Parlement ne peut pas renoncer de son
propre chef à exercer sa compétence (ce que l'on appelle parfois « l'incompétence négative ») ?
C'est la loi de finances pour 2007, du 21 décembre 2006, qui, pour la première fois, a mis en œuvre cette nouvelle
procédure 172. Il semble que les collectivités territoriales soient assez hésitantes face à cette innovation 173.

136 B. Le principe de subsidiarité en ce qui concerne la répartition des compétences ◊ On l'a vu


(v. ss 125) il y a un enchevêtrement très regrettable des compétences des différentes collectivités territoriales, la politique des
« blocs de compétence » ayant largement échoué. La loi du 28 mars 2003 aurait pu être l'occasion de remettre de l'ordre en la
matière. C'est une attitude complètement différente qu'a adoptée le Gouvernement en constitutionnalisant (art. 72, 2e al.) un
concept complètement nouveau, du moins en droit interne : celui de la subsidiarité. Il est formulé très clairement : « Les
collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être
mises en œuvre à leur échelon ».
Ainsi formulé (les collectivités territoriales « ont vocation ») on peut se demander s'il ne s'agit pas plus d'un vœu, d'une
intention, que d'une véritable obligation juridique. Mais surtout, sa mise en œuvre suppose que soit résolu au préalable un
problème particulièrement délicat : comment déterminer, pour une question précise, quel est le meilleur niveau d'exercice
d'une compétence ?
Très concrètement, on peut se demander comment le principe de subsidiarité sera mis en œuvre. Il semble difficile, en se
fondant sur lui, de procéder à une redistribution générale des compétences actuellement dévolues aux différentes collectivités
territoriales. Le principe ne jouerait donc que pour l'avenir. Encore faudrait-il s'y tenir : la loi du 13 août 2004 (v. ss 138) n'en
fait guère application.
La seule expérience, jusqu'à maintenant, visant à mettre en œuvre un principe de subsidiarité est celle de l'Union
européenne au sein de laquelle il fut introduit par le Traité de Maastricht. Il n'y a guère prospéré.

137 C. La démocratie de proximité : le recours au droit de pétition et au référendum 174 ◊ La plus


grande innovation de la loi du 28 mars 2003, avec la possibilité de déroger aux lois, est sans doute la volonté de faire appel
au Peuple. L'exposé des motifs de la loi formule le désir que les citoyens soient plus souvent consultés, la décentralisation
des compétences devant aller de pair avec cette expression directe des citoyens.
Tout d'abord, les électeurs peuvent, par l'exercice du droit de pétition, demander l'inscription à l'ordre du jour de
l'assemblée délibérante d'une collectivité d'une délibération relevant de sa compétence (art. 72-1) 175. Le droit de pétition est
lié à notre plus ancienne tradition constitutionnelle puisqu'il figurait déjà dans la Constitution de 1791. Très
malheureusement il est très largement tombé en désuétude, probablement par défaut d'information du public sur le droit qui
lui est ainsi reconnu. On peut espérer que, le phénomène associatif aidant, il n'en sera pas de même à l'échelon local. C'est
une loi ordinaire qui doit fixer les conditions d'exercice de ce droit. En second lieu, les projets de délibération ou d'acte
relevant de la compétence d'une collectivité territoriale peuvent, à son initiative, être soumis par la voie du référendum à la
décision des électeurs, système qui peut se combiner avec le droit de pétition, si celle-ci porte sur l'inscription à l'ordre du
jour de l'assemblée délibérante de l'organisation d'un référendum sur une question déterminée. La loi organique du 1er août
2003 « relative au référendum local » et le décret 2005-433 du 4 mai 2005 fixent les conditions dans lesquelles on peut
recourir au référendum. Il y a, tout d'abord, pour les assemblées délibérantes, une sérieuse « clause de sauvegarde » : elles
seules peuvent décider le référendum, même si celui-ci est demandé par voie de pétition. Le référendum n'est pas possible
dans les six mois qui précédent le renouvellement total ou partiel de l'assemblée délibérante de la collectivité territoriale ainsi
que pendant les campagnes électorales (présidentielles, législatives, sénatoriales) ou si un référendum a été décidé à l'échelon
national. Les textes organisent l'information des électeurs ainsi que l'organisation de la campagne référendaire.
En revanche, et c'est un pas essentiel qui est franchi, le référendum a un caractère décisoire, à la condition que la moitié
au moins des électeurs inscrits ait participé à celui-ci.
Le dispositif est en place : pour la première fois on organise dans notre système juridique, du moins à l'échelon local, le
recours à l'initiative populaire et au référendum décisoire. Sera-t-il utilisé en dépit des réticences traditionnelles des élus
locaux envers cette forme de la souveraineté du peuple ? Ce sera l'une des choses les plus intéressantes à observer dans
l'application de la loi du 28 mars 2003.
De ce référendum « décisoire » il faut distinguer celui organisé par l'article 122 de la loi du 13 août 2004 (CGCT,
art. L. 1112-6) et qui permet aux assemblées délibérantes de consulter les électeurs sur les décisions qu'elles envisagent de
prendre, mais dont le résultat ne lie pas l'assemblée. L'organisation d'une telle consultation peut être demandée par 1/5e des
électeurs communaux et 1/10e des électeurs départementaux ou régionaux.

§ 3. La loi du 13 août 2004 176

138 Il restait à mettre en œuvre les principes et les réformes établis par la loi constitutionnelle du 28 mars 2003. C'est ce que fait
la loi du 13 août 2004 « relative aux libertés et responsabilités locales ». Elle a été soumise à l'examen du Conseil
constitutionnel qui, dans une décision assez brève, n'a déclaré qu'un seul de ses articles contraire à la Constitution (Cons.
const. no 2004-503 DC du 12 août 2004, Rec. 144). De longues précisions pour son application figurent dans une circulaire
du 21 décembre 2004, AJDA 2005. 175.
La discussion de ce texte au Parlement a été, par moments, assez vive, reflétant la méfiance qu'inspire à certains élus,
désormais, la décentralisation, essentiellement en raison des transferts de charges financières de l'État sur les collectivités
territoriales qu'elle peut provoquer.
Il s'agit d'un texte touffu (202 articles) modifiant un grand nombre de dispositions concernant le droit des collectivités
territoriales. La loi procède à des transferts de compétences au profit des trois catégories de collectivités et traite longuement
de la coopération intercommunale. C'est donc en traitant plus loin de ces questions que l'on analysera les principales
dispositions de ce texte.

SECTION 4. LE RAPPORT BALLADUR ET LA LOI DU 16 DÉCEMBRE 2010 177

139 Un décret du 22 octobre 2008 a créé un « Comité pour la réforme des collectivités locales » présidé par Édouard Balladur.
La lettre de mission que lui a adressée le Président de la République partait du principe que : « Le temps de mettre à l'étude
et de décider une profonde réforme de l'administration locale est venu ». Après avoir souligné ce que la situation actuelle
avait de peu satisfaisant (prolifération des échelons de décision, confusion dans la répartition des compétences et des
moyens, uniformité des règles appliquées, etc.) il était demandé au Comité d'évoquer toutes les modifications d'ordre
administratif, juridique ou fiscal qui lui paraîtront utiles avec une priorité à accorder à la modification des structures en vue
de leur simplification et à la répartition des compétences en vue de leur clarification. Ce rapport a été remis au Président de
la République le 5 mars 2009 et publié (JO du 6 mars 2009, p. 4161).
Sa conclusion essentielle est formulée ainsi : « La bipolarisation des institutions locales au profit de la région et de
l'intercommunalité a semblé au Comité permettre un désenchevêtrement des compétences ». Le Comité formule ensuite
vingt propositions dont la plupart seront reprises dans le projet de loi « de réforme des collectivités territoriales ». Depuis la
L. O. du 15 avril 2000 les projets de loi doivent faire l'objet d'une « étude d'impact » définissant les objectifs que le projet
poursuit et justifiant le système qui a été retenu. Celle de la loi du 16 décembre 2010 (85 pages + annexes) est très
intéressante et constitue une importante documentation sur les collectivités territoriales. La discussion du projet de loi a
donné lieu au Parlement à des débats passionnés et à une vive opposition entre l'Assemblée nationale et le Sénat 178. Avant sa
promulgation, le texte voté a fait l'objet d'un recours au Conseil constitutionnel ; dans sa décision no 2010-618 DC du
9 décembre 2010, Rec. 367, celui-ci a écarté la quasi-totalité des objections qui avaient été formulées à son encontre 179. Le
texte promulgué comporte 90 articles (49 p. du JO !) concernant essentiellement :
– la création des conseillers territoriaux ;
– la réforme de l'intercommunalité ;
– le problème de la fusion de départements, de régions ou de la région et des départements ;
– le problème de la répartition des compétences ;
– la création de « métropoles » ;
– la création du « Grand Paris ».
Le décret no 2012-124 du 30 janvier 2012 est intervenu « pour la mise en œuvre de certaines dispositions de la loi » 180.
On exposera l'apport de la loi du 16 décembre 2010 à propos de l'examen (infra) de chacune de ces questions.

SECTION 5. LES RÉFORMES DU GOUVERNEMENT AYRAULT 181


Le gouvernement de J.M. Ayrault, reflétant l'hostilité de sa majorité à l'encontre des réformes opérées lors du précédent
quinquennat, a souhaité modifier sur des points importants le droit positif et mettre en œuvre de nouveaux dispositifs en
matière de décentralisation. Ceci s'est traduit par la loi organique et la loi du 17 mai 2013, par la loi du 27 janvier 2014 et par
la loi organique et la loi du 14 février 2014.

§ 1. La loi organique et la loi du 17 mai 2013 182

140 Ces deux textes concernent « l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers
communautaires ». On en étudiera la portée lorsque l'on examinera ces diverses élections (v. ss 155, 179 s., 264 s.). Mais dès
maintenant il faut souligner que la loi du 17 mai 2013 abroge le système du conseiller territorial mis en place par la loi du
16 décembre 2010 et qui devait siéger tout à la fois au Conseil régional et au Conseil général, désormais intitulé « Conseil
départemental ». Il ne sera donc jamais entré en application. Pour ce dernier elle met en place le système du « binôme ».

§ 2. La loi du 27 janvier 2014

141 La loi du 27 janvier 2014 « de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles » 183est un
modèle de ce que l'on ne devrait jamais faire ! Ses 94 articles remplissent 79 pages du JO (!) et mélangent des réformes
importantes, par exemple la création de la grande Métropole de Paris, ou des Métropoles de Lyon et Aix-Marseille-Provence,
avec des dispositifs d'une grande technicité ; mais qu'il faille, par exemple, 16 pages de JO pour organiser la Métropole de
Lyon laisse pantois. Que serait-ce si l'article 34 de la Constitution ne limitait pas la compétence du législateur en la matière à
la seule détermination des principes fondamentaux de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs
compétences et de leurs ressources ? On examinera les principales innovations de ce texte à propos de l'étude de chacune des
collectivités territoriales et de leurs regroupements. Mais la loi met aussi en place un important dispositif destiné à assurer la
clarification et la coordination de l'action de ces collectivités.

142 La coordination de l'action des collectivités territoriales et de leurs regroupements : la conférence territoriale de
l'action publique. L'art. 4 de la loi du 27 janvier 2014 (codifié à l'article L. 1111-9-1 CGCT) crée la Conférence territoriale
de l'action publique. Celle-ci, présidée par le Président du Conseil régional, comprend les présidents des conseils
départementaux, les présidents des EPCI de plus de 30 000 habitants, un représentant de ceux de moins de 30 000 habitants
et des représentants des communes distingués selon la population de celles-ci. Le Préfet de Région y assiste si se pose un
problème de délégation d'une compétence de l'État ou à sa demande.
La Conférence est chargée de « favoriser un exercice concerté des compétences des collectivités » et débat des projets qui
lui sont présentés par les collectivités. Cela aboutit à des Conventions territoriales d'exercice concerté d'une compétence.

143 Les collectivités territoriales chefs de file ◊ L'article 3 de la loi du 27 janvier 2014 (CGCT, art. L. 1111-9)
prévoit que lorsque l'exercice des compétences des collectivités territoriales nécessite le concours de plusieurs collectivités
des délégations de compétence sont organisées dans le cadre de la Convention territoriale d'exercice concerté. Mais surtout
ce texte énumère les domaines dans lesquels la région, le département et la commune sont respectivement chefs de file.

§ 3. La loi organique et la loi du 14 février 2014

144 Le problème de la limitation du cumul des mandats électoraux était un « classique » du débat politique. On en parlait
beaucoup mais c'était l'Arlésienne car on se heurtait à l'hostilité des parlementaires dont un grand nombre sont des
« cumulards ». Le gouvernement de J.M. Ayrault, en dépit de cette hostilité, a fait voter la loi organique du 14 février
2014 184 interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur, et la loi du 14 février
2014 185 interdisant le cumul des fonctions exécutives locales avec le mandat de représentant au Parlement européen. Ces
dispositions s'appliqueront aux renouvellements des assemblées qui auront lieu après le 31 mars 2017. Toujours en ce qui
concerne le statut des élus territoriaux un certain nombre de ceux-ci doivent déposer une déclaration de situation
patrimoniale en exécution de la loi du 11 octobre 2013 sur la transparence de la vie publique.

SECTION 6. LES RÉFORMES DU GOUVERNEMENT VALLS 186

145 Le Gouvernement de Manuel Valls a fait adopter deux lois importantes en ce qui concerne les collectivités territoriales et
donc la décentralisation.
La première est la loi 2015-29 du 16 janvier 2015 « relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et
départementales et modifiant le calendrier électoral » 187. Cette loi réduit le nombre des régions métropolitaines de 22 à 13,
plus la Corse, ce qui n'a pas été sans provoquer de très vives controverses (v. ss 103). Elle fixe le nombre des conseillers
régionaux à élire dans chaque section départementale et décalait les élections régionales au mois de décembre 2015 188.
La seconde, qui a été adoptée après un long et très animé débat parlementaire, est la loi 2015-991 du 7 août 2015
« portant nouvelle organisation territoriale de la République » (NOTRe) 189. Ce texte est un « fourre-tout » abominable
comme on a la faiblesse d'en fabriquer de plus en plus souvent : 136 articles sur 97 pages de Journal Officiel ! Le Titre
premier supprime la clause de compétence générale pour la région et renforce les responsabilités régionales. Le Titre II vise
la rationalisation de l'intercommunalité et le renforcement de l'intégration communautaire. Le Titre III supprime la clause de
compétence générale des départements et garantit la solidarité et l'égalité des territoires. Le Titre IV veut améliorer la
transparence et la responsabilité financières des collectivités territoriales. Enfin, le Titre V regroupe les dispositions relatives
aux agents.
CHAPITRE 2
LA COMMUNE

Section 1. ÉVOLUTION DU RÉGIME DES COMMUNES


Section 2. LE CONSEIL MUNICIPAL
§ 1. Composition.
§ 2. Élection
§ 3. Durée du mandat
§ 4. Statut des élus municipaux
§ 5. Fonctionnement
§ 6. Attributions
Section 3. LE MAIRE
§ 1. Statut
§ 2. Attributions

146 Traits généraux ◊ Trois traits caractérisent la structure communale française 190 :
– l'ancienneté : héritières des paroisses de l'Ancien Régime, les communes constituent, et de beaucoup, la plus ancienne
de nos collectivités territoriales. Rares sont les agglomérations qui se sont formées après le Moyen Âge, et beaucoup ont une
origine plus ancienne, parfois romaine ou même préromaine ;
– la multiplicité : la France comptait, au 1er janvier 2015, 36 658 communes 191 c'est-à-dire, à elle seule, plus que les cinq
autres pays fondateurs de la CEE, plus la Suisse ;
– l'exiguïté : plus d'un dixième des communes n'ont pas 100 habitants (il y a même, dans les statistiques du ministère de
l'Intérieur « des communes sans population »), 22 700 communes ont moins de 500 habitants (elles n'étaient que 15 800 en
1851) et 42 seulement ont plus de 100 000 habitants.
Ces traits expliquent, tout à la fois, la force du patriotisme communal – chaque collectivité a une nette conscience de son
existence propre, héritage d'une longue tradition – et la relative pauvreté de la vie administrative locale dans les petites
communes, où le manque de ressources se prête mal au développement d'une véritable autonomie municipale 192.
La Commune ne se réduit pas à l'agglomération qui lui donne son nom : elle a un territoire, souvent fort vaste, limité par
celui des communes voisines, l'ensemble du territoire national ayant été, à partir de 1821, partagé entre les communes.
Les modifications aux limites territoriales des communes, leur suppression éventuelle, ainsi que le changement de nom
d'une commune, relèvent du pouvoir exécutif (CGCT, art. L. 2112-2 s.).
L'organisation des collectivités territoriales françaises, et donc de la commune, repose sur le schéma le plus simple qui
soit : une assemblée délibérante, élue au suffrage universel, qui choisit en son sein l'exécutif de la collectivité.
Après un rappel de l'évolution du régime des communes (Section 1), on étudiera le conseil municipal (Section 2) et le
maire (Section 3).

SECTION 1. ÉVOLUTION DU RÉGIME DES COMMUNES

147 A. Jusqu'à l'an VIII ◊ 1o L'Ancien Régime. Jusqu'à la Révolution, la plus grande diversité régnait en matière
communale ; les paroisses du plat pays, les communautés d'habitants ne possédaient pas de vie juridique propre. Celle qui
avait été conférée à un grand nombre de collectivités urbaines ou rurales trouvait son principe dans des chartes particulières,
consacrant des statuts très divers selon les régions et les époques.
2o La Révolution. Elle substitua, à cette diversité née de l'histoire, un régime de rigoureuse uniformité. Toutes les
paroisses accèdent à la vie juridique et à la qualité de commune ; c'est cette mesure absolument capitale qui a entraîné la
prolifération des petites communes, caractéristique initiale du système français d'administration locale. D'autre part toutes les
communes, quelle que soit leur importance, sont dotées du même statut.
Ce statut, fut, tour à tour un régime de décentralisation intégrale (loi du 14 déc. 1789), une vigoureuse centralisation de
fait avec la Convention, enfin, avec la loi du 5 fructidor an III, la recherche d'un équilibre entre ces deux extrêmes. Mais le
principal intérêt de cette loi est dans sa tentative de réaction contre l'uniformité ; déjà consciente du problème posé par les
petites communes, elle les regroupait, au-dessous de 5 000 habitants, dans le cadre du canton, pour une administration
collective (municipalité de canton).

148 B. La centralisation de l'an VIII ◊ La loi du 28 pluviôse an VIII marque le point de départ de l'évolution ; elle
rétablit l'uniformité ; elle y ajoute la centralisation. La commune conserve la personnalité morale ; mais le maire qui
l'administre, et le conseil municipal, assemblée principalement consultative composée de 10 à 30 membres selon
l'importance de la commune, sont nommés par le pouvoir central, et placés sous l'autorité hiérarchique du préfet.
149 C. Les étapes de la décentralisation ◊ 1o L'élection est acquise, pour le conseil municipal dès la loi du 21 février
1831, pour le maire, seulement avec la loi du 28 mars 1882.
Le conseil municipal devient assemblée délibérante, et non plus organe consultatif, en 1837 ; des lois successives
étendent ses attributions et allègent la tutelle sur ses délibérations, en 1867, 1884 et 1926.
2o C'est la grande loi municipale du 5 avril 1884 qui va constituer le texte de base de la commune,
collectivité décentralisée.
3o Le mouvement de décentralisation connaît ensuite une longue interruption. Même si on laisse de côté la parenthèse du
régime de Vichy, rigoureusement centralisateur en accord avec son caractère autoritaire, la tendance centralisatrice s'est
nettement réaffirmée dès les années 1930. De nombreux textes de détail ont renforcé la tutelle en matière financière surtout,
transféré à l'État tout ou partie de certaines matières jusque-là purement communales (maintien de l'ordre, hygiène publique),
imposé aux communes, pour l'organisation de leurs services et le statut de leur personnel, des règles impératives qui limitent
leur liberté d'action.
4o En réaction contre cette tendance, un certain retour à la décentralisation, notamment par l'allégement de la tutelle,
s'affirme avec l'ordonnance du 5 janvier 1959 et la loi du 31 décembre 1970. Ce mouvement se parachève avec la loi du
2 mars 1982 et la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 (v. ss 128) qui consacrent le triomphe de la décentralisation.

150 D. Le renouvellement des problèmes de la commune ◊ On peut se demander si la décentralisation suffit à


résoudre les problèmes que pose aujourd'hui la collectivité communale. C'est sa structure même qui est remise en cause. Le
passage d'une civilisation rurale à une société industrielle et urbaine aboutit au dépérissement des petites communes,
cependant que les agglomérations qui englobent plusieurs communes en un seul ensemble autour d'une métropole n'ont ni le
statut ni les moyens permettant de coordonner leur gestion. De plus en plus le problème essentiel est celui de la coopération
intercommunale, seul moyen de pallier le trop grand nombre de communes françaises. C'est à travers les établissements
publics de coopération intercommunale (EPCI : art. L. 5210-1 CGCT) que seront résolus les problèmes de la collectivité
communale (v. ss 263 s.). Les EPCI prennent de plus en plus d'importance dans le paysage administratif local notamment
avec la loi du 16 décembre 2010 193 et du 7 août 2015.

151 E. Le régime actuel ◊ Sa base reste la loi du 5 avril 1884, fréquemment modifiée, et dont la substance est passée dans
le Code général des collectivités territoriales (cité sous l'abréviation CGCT). Il s'est longtemps caractérisé par son uniformité,
héritée de la Révolution : la loi ne distinguait pas, contrairement à beaucoup de législations étrangères, entre communes
rurales et urbaines ; elle ne prenait en considération le chiffre de la population que sur des points de détail (par exemple pour
fixer le nombre des conseillers municipaux). Cette situation est en voie d'évolution. La distinction entre la ville et les
communes rurales s'est affirmée. Mais surtout les problèmes sociaux propres aux banlieues, l'insécurité qu'elles connaissent
souvent justifient des mesures spécifiques pour les zones dites « sensibles », et la création, pour les localités en difficulté
économique, de « zones franches » destinées à faciliter, par la création d'entreprises, la lutte contre le chômage local. Trois
grandes villes (Paris, Lyon, Marseille) ont un régime propre (v. ss 223). La loi du 27 janvier 2014 a profondément accentué
leur particularisme en les érigeant en métropoles à statut particulier. La loi du 13 juillet 1991, qui reconnaît aux citoyens un
« droit à la ville », au contenu d'ailleurs incertain, cherche à faciliter par des mesures appropriées la construction de
logements sociaux, ainsi que les équipements, les services, et la réhabilitation des quartiers anciens ou dégradés.
Le régime actuel des communes se soucie également, de plus en plus, de développer la participation des habitants à la
gestion communale. Cette volonté d'introduire dans celle-ci un supplément de démocratie est une des orientations de la loi du
6 février 1992 (sur l'administration territoriale de la République), de la loi du 27 février 2002, relative, précisément, « à la
démocratie de proximité » 194, et de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 (v. ss 137). « Les communes constituent le
premier niveau d'administration publique et le premier échelon de proximité » (art. 145, L. 13 août 2004). Ces textes visent :
– à une meilleure information des habitants par la mise à leur disposition de toute une série de documents (budget et
documents financiers, arrêtés municipaux etc.) ;
– à rapprocher l'administration des administrés par la création, dans les communes de 80 000 habitants et plus, de
« quartiers », dotés d'un conseil de quartier qui peut être consulté par le maire ou lui faire des propositions et la possibilité
de nommer des adjoints de quartier 195 (CGCT, art. L. 2143-1 ; L. 2122-2-1 ; L. 2144-2) ;
– à donner un pouvoir de décision aux administrés par le moyen du référendum (v. ss 137).
– à associer des personnes étrangères au conseil municipal à la gestion de la commune par la participation à des comités
consultatifs, d'associations locales, de jeunes ou de résidents étrangers ;
– à permettre à la population de participer à l'élaboration de grands projets d'aménagement ou d'équipement, par le biais
de procédures de consultation. De manière plus générale, les articles 135 et 136 de la loi du 27 février 2002 prévoient une
concertation réciproque entre l'État et les collectivités territoriales pour leurs projets de travaux, d'aménagement ou
d'ouvrages dont le coût est supérieur à un certain seuil.
Aux termes de l'art. L. 2121-40 CGCT le maire reçoit du préfet les informations nécessaires à l'exercice des attributions
de la commune et fournit à ce dernier les informations dont il peut également avoir besoin à ce sujet.

SECTION 2. LE CONSEIL MUNICIPAL 196

§ 1. Composition.

152 Le nombre des conseillers municipaux varie en fonction de la population de la commune, de 7 pour les communes de moins
de 100 habitants, à 69 pour les communes de plus de 300 000 habitants. Ce nombre est supérieur pour Paris, Lyon et
Marseille. Les conseillers municipaux sont toujours en nombre impair afin d'éviter, dans toute la mesure du possible, le
partage par moitié du Conseil.
§ 2. Élection 197

153 A. Électorat ◊ Sont électeurs toutes les personnes inscrites sur les listes électorales de la commune. Les Français établis à
l'étranger peuvent se faire inscrire sur la liste électorale d'une commune avec laquelle ils ont une attache : commune de
naissance, de leur dernier domicile etc. (C. élect., art. L-12).
En vertu des dispositions du Traité de Maastricht sont également électeurs les ressortissants des États membres de l'Union
européenne qui résident en France et qui en ont fait la demande. Cette disposition a nécessité une révision de la Constitution
qui réservait l'électorat aux seuls nationaux français. C'est l'article 88-3 de la Constitution (issu de la loi constitutionnelle du
25 juin 1992) et la loi organique du 25 mai 1998 qui règlent la question. Il y aurait, d'après l'INSEE, plus d'un million de
citoyens de l'Union européenne vivant en France, mais assez peu, (150 000 semble-t-il), utilisent la faculté de voter aux
élections municipales en France.

154 B. L'éligibilité ◊ Sont éligibles tous les électeurs âgés de 18 ans, attachés à la commune par un lien légal, qui peut être,
soit le domicile (pour les ¾ des élus), soit la qualité de contribuable dans la commune. Il existe des inéligibilités absolues,
qui interdisent d'être candidat dans n'importe quelle commune, et des inéligibilités relatives : les préfets (CE 6 mai 2015,
AJDA 2015. 1779), les magistrats, les membres de la police, ne peuvent être candidats dans les communes de leur ressort
territorial ; les agents communaux ainsi que les salariés du centre communal d'action sociale ne peuvent l'être dans la
commune qui les emploie 198 ; les personnes exerçant au sein du Conseil départemental ou régional des fonctions de
direction, ne peuvent l'être dans les communes du département ou de la région concernée (C. électoral, art. L. 231-8) ; les
entrepreneurs et concessionnaires de travaux et de services publics, dans celles avec lesquelles ils sont en relation d'affaires.
Des incompatibilités frappent certains élus : préfets et fonctionnaires supérieurs de la police doivent opter entre leur
mandat et leurs fonctions ; de même, nul ne peut demeurer simultanément conseiller municipal dans deux communes. Par
contre, il n'y a pas d'incompatibilité entre le mandat municipal et ceux de conseiller départemental, de conseiller régional ou
de membre du Parlement, sous réserve des règles générales relatives au cumul des mandats électoraux. L'incompatibilité
entre le mandat de conseiller municipal et les fonctions de militaire de carrière est contraire à la Constitution (Cons. const.
Décision n° 2015-471 QPC du 29 mai 2015, p. 538).
Sur la base du Traité de Maastricht les électeurs ressortissants d'un État de l'Union européenne, inscrits sur la liste
électorale de la commune, sont éligibles. Toutefois, le conseiller municipal qui n'a pas la nationalité française ne peut être élu
maire ou adjoint (CGCT, art. L.O. 2122-4-1). Selon le ministre de l'Intérieur, 204 ressortissants de l'Union européenne
avaient été élus lors des municipales de 2001 dans les communes de plus de 3 500 habitants.

155 C. L'opération électorale ◊ L'élection du Conseil municipal est régie par la loi du 19 novembre 1982, modifiée par
la loi du 17 mai 2013, qui est une excellente loi électorale. En effet, elle garantit dans toutes les communes de plus de
1 000 habitants la constitution d'une majorité « de gouvernement » tout en assurant la représentation des minorités. Il s'agit,
en fait, d'un scrutin majoritaire tempéré d'une certaine dose de représentation proportionnelle.
La loi du 17 mai 2013 distingue les communes de moins de 1 000 habitants et celles de plus de 1 000 habitants.
Normalement, chaque électeur est appelé à désigner tous les conseillers. Il n'en va autrement que dans les communes
composées de plusieurs agglomérations distinctes ; il faut éviter, dans ce cas, que l'agglomération se trouve privée de toute
représentation au conseil. D'où la procédure du sectionnement électoral dans les communes de plus de 20 000 habitants. Il
est décidé par le Conseil départemental : la commune est, pour le vote, divisée en sections dont chacune élit un nombre de
conseillers correspondant à sa population (deux au minimum) 199.

1. Communes de moins de 1 000 habitants


Il s'agit d'un scrutin plurinominal majoritaire à deux tours. Les listes ne sont pas obligatoires et il y a la possibilité de
candidatures individuelles mais celles-ci sont désormais obligatoires alors qu'avant la loi du 17 mai 2013 on pouvait voter
pour des personnes qui ne s'étaient pas portées candidates, ce qui constituait l'un des attraits de ce mode de scrutin. Sont élus
au premier tour de scrutin les listes ou les candidats individuels ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés
(parmi lesquels on ne compte toujours pas les votes blancs !). Peuvent seuls se présenter au second tour les candidats du
premier tour, sauf si le nombre de candidats est inférieur au nombre des sièges à pourvoir.

2. Communes de plus de 1 000 habitants


a) C'est un scrutin de liste : le dépôt des listes est obligatoire et elles doivent comporter autant de candidats que de sièges
à pourvoir ; les électeurs ne peuvent pas les modifier. En application de la révision constitutionnelle du 9 juillet 1999,
instituant le principe de parité, la loi du 31 janvier 2007 dispose que « la liste est composée alternativement d'un candidat de
chaque sexe », système appelé familièrement « chabadabada » !
b) Si une liste obtient au premier tour de scrutin la majorité absolue des suffrages exprimés (c'est-à-dire plus de la moitié
de ceux-ci), elle reçoit la moitié des sièges à pourvoir arrondie à l'entier supérieur, les autres étant répartis à la représentation
proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne entre toutes les listes ayant obtenu plus de 5 % des voix, y compris
la liste majoritaire 200. Cette dernière a donc l'assurance de disposer d'une majorité importante au sein du Conseil.
c) Si aucune liste n'a obtenu la majorité absolue il y a lieu à un second tour de scrutin. Ne peuvent se présenter à celui-ci
que les seules listes ayant obtenu au moins 10 % des suffrages exprimés au 1er tour. Par ailleurs, les listes restant en présence
peuvent être modifiées pour y intégrer des candidats qui figuraient sur une liste du 1er tour ayant obtenu au moins 5 % des
suffrages exprimés. Dans la pratique, cette possibilité a été jusqu'à maintenant assez peu utilisée. La règle de répartition des
sièges est la même que celle du premier tour : la liste arrivée en tête, même si elle n'atteint pas la majorité absolue, reçoit la
moitié des sièges arrondie à l'entier supérieur, les autres sièges étant répartis à la proportionnelle comme indiqué ci-dessus.

156
D. Contentieux ◊ Les contestations de l'élection sont portées devant le Tribunal administratif et, en appel, devant le
Conseil d'État. Le recours est ouvert à tout électeur, dans les cinq jours, et au préfet, dans les quinze jours. Le Tribunal a trois
mois pour statuer ; passé ce délai, il est dessaisi et le dossier transmis au Conseil d'État, qui statue alors en premier et dernier
ressort 201.
Les dispositions propres à Paris, Lyon et Marseille ont fait l'objet de la loi du 31 décembre 1982 (v. ss 223).

§ 3. Durée du mandat

157 1o Le Conseil est élu pour six ans. Le renouvellement a lieu, pour la France entière, au mois de mars.
2o Le Conseil peut être dissous par décret pris en Conseil des ministres lorsqu'il est dans l'impossibilité, notamment du
fait de tensions politiques en son sein, de remplir ses fonctions 202. S'il y a urgence, il peut être suspendu pour un mois par le
représentant de l'État. Dans les deux mois de la dissolution, les électeurs désignent un nouveau Conseil, mais celui-ci ne
reste en fonction que jusqu'à la fin des six années en cours. Entre-temps, les affaires courantes sont gérées par une délégation
spéciale nommée par le représentant de l'État. Les mêmes règles s'appliquent en cas de démission collective du Conseil, ou
d'annulation de son élection par le Tribunal administratif ou le Conseil d'État sur appel.
3o Le mandat de chaque conseiller peut prendre fin, outre le décès, par la démission. Celle-ci peut être prononcée d'office
par le Tribunal administratif à l'égard du conseiller qui, sans excuse valable, refuse de remplir une des fonctions qui lui sont
dévolues par la loi 203. La démission est définitive dès la réception par le maire de la lettre la présentant (CE 12 févr. 2003,
Commune de la Seyne-sur-Mer, AJDA 2003. 112). Le décès ou la démission ne donne jamais lieu à élection partielle. Dans
les communes de plus de 1 000 habitants, le remplacement du conseiller élu sur une liste est assuré par le candidat qui venait
immédiatement après le dernier élu de cette liste, jusqu'à ce qu'elle soit épuisée. Dans toutes les communes, il y a lieu à
élections partielles lorsque le Conseil a perdu un tiers de ses membres, ou s'il doit élire un nouveau maire.

§ 4. Statut des élus municipaux 204

158 Pendant la durée de leur mandat, les conseillers municipaux bénéficient de l'ensemble des garanties sociales accordées par la
loi du 3 février 1992 à tous les élus locaux. Lorsqu'ils sont salariés, l'employeur est tenu de leur laisser le temps nécessaire à
l'exercice de leurs fonctions, la perte de salaire qui en résulte pouvant, dans certaines limites, être compensée par la
collectivité dont ils relèvent. Les absences liées à ces fonctions ne peuvent entraîner pour eux ni licenciement, ni
déclassement professionnel, ni sanction disciplinaire. La loi aménage leur situation par rapport à la Sécurité sociale. D'autre
part, ils peuvent recevoir, à la charge de la collectivité, la formation nécessaire à l'exercice de leur mandat. Leurs fonctions
normalement gratuites sauf remboursement des frais de mission, peuvent, sur décision du conseil municipal, à certaines
conditions et dans certaines limites, faire l'objet d'une indemnité. L'ensemble de ce statut de l'élu est repris dans le titre II de
la loi du 27 février 2002 « relative à la démocratie de proximité ». La loi du 31 mars 2015 « visant à faciliter l'exercice, par
les élus locaux, de leur mandat » comprend une « charte de l'élu local » qui doit être lue lors de la première réunion du
conseil municipal suivant son élection. La loi améliore le crédit d'heures dont bénéficient les élus pour l'exercice de leur
mandat, et leur accorde un « droit individuel à la formation » 205.

§ 5. Fonctionnement

159 A. Organisation intérieure ◊ Comme toute assemblée délibérante, le Conseil élabore son règlement intérieur ; il
peut désigner dans son sein des commissions spécialisées dans l'étude de certains problèmes (commission des finances, de
l'enseignement etc.). Les conseillers prennent rang selon « l'ordre du tableau », déterminé par la date de la première élection,
et le nombre des voix obtenues.

160 B. Régime des réunions ◊ Il a été profondément modifié par la loi du 31 décembre 1970, dans le sens d'un
assouplissement. Jusque-là, le conseil municipal tenait obligatoirement quatre sessions annuelles, dont la loi fixait la durée
maximum. Désormais la loi prévoit simplement l'obligation, pour le conseil, de se réunir au moins une fois par trimestre. Il
peut tenir des réunions supplémentaires chaque fois que le maire le juge utile, ou sur demande de la moitié des conseillers
(un tiers seulement dans les communes de plus de 3 500 habitants), ou sur demande motivée du préfet. La convocation, faite
par le maire trois jours au moins avant la réunion, doit en indiquer l'ordre du jour. 206 Au-delà de 3 500 habitants, le délai est
de cinq jours et la convocation doit s'accompagner d'une note sur les affaires à débattre ; s'il s'agit de la discussion du budget,
un débat sur ses orientations générales doit se dérouler dans les deux mois précédents.
Les séances sont présidées par le maire, éventuellement remplacé par un adjoint ; elles sont publiques, sauf formation en
comité secret pour certains débats mettant en cause des particuliers 207 ; la loi impose des conditions de quorum.
La commune assure l'information des élus « par les moyens matériels qu'elle juge les plus appropriés » (CGCT,
art. L. 2121-13-1).

161 C. Les délibérations ◊ Les réunions du Conseil, qui peuvent comporter des questions orales posées par les conseillers
sur les affaires de la commune, et être diffusées par des moyens audiovisuels, aboutissent normalement à des délibérations,
votées à la majorité des suffrages exprimés. L'entrée en vigueur des actes des collectivités territoriales est régie par l'art. L.
222-1 du CRPA. Le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution l'art. L. 2121-21 CGCT qui prévoit la
possibilité d'un vote à bulletins secrets (Cons. const. Décision n° 2015-471 QPC 29 mai 2015, D. 2015. 1158). Par ailleurs le
Conseil d'État applique aux délibérations du Conseil municipal la jurisprudence « Danthony » (v. ss 671) qui veut que toute
illégalité de procédure n'entraîne pas nécessairement l'annulation de l'acte (CE Sect., 23 oct. 2015, Sté CFA Méditerranée,
AJDA 2015. 2382, Concl. Bohnert). Les délibérations constituent soit des décisions possédant tous les caractères juridiques
de l'acte administratif unilatéral, soit des avis, que le Conseil est fréquemment appelé à donner en application des textes ou
sur demande des autorités de l'État, soit des vœux, qu'il émet de sa propre initiative. Certaines décisions, il faut le rappeler
(cf. v. ss 137), peuvent être prises directement par les électeurs de la commune statuant par voie de référendum.

§ 6. Attributions

162 Elles sont définies à la fois par la formule traditionnelle de l'article L. 2121-29 CGCT : « le Conseil municipal règle par ses
délibérations les affaires de la commune », et, par celle de la loi du 7 janvier 1983 « les communes règlent par leurs
délibérations les affaires de leur compétence », ce qui veut dire, les affaires que le législateur estime qu'elles seront mieux
traitées au niveau communal ou, tout simplement, qu'elles relèvent du niveau communal par application du nouveau principe
de subsidiarité (v. ss 136).

163 La commune conserve la clause de compétence générale 208


, alors que la loi NOTRe du 7 août 2015 supprime celle du
département et de la région.

164 A. Champ d'action du Conseil municipal ◊ 1o Les « affaires de la commune » 209. Tout ce qui concerne la
collectivité communale et elle seule relève du conseil ; il constitue en quelque sorte, l'autorité communale de droit commun.
Toutefois la loi apporte à ce principe des exceptions : certaines matières communales sont réservées au maire (police).
Surtout, la délimitation des affaires communales et des affaires de l'État est loin d'être facile, et laisse place à beaucoup
d'arbitraire : longtemps, l'État n'a pas hésité à réputer « communales » des tâches onéreuses, par exemple, la construction et
l'entretien des bâtiments nécessaires à certains services d'État implantés dans la commune (bâtiments scolaires, palais de
justice etc.) tout simplement pour en transférer la charge financière aux communes. Les anciens contrats de plan État-
Régions, rebaptisés désormais « contrats de projets » (v. ss 462), peuvent aussi être l'occasion de financements communaux
pour des opérations qui ne relèvent pas directement des « affaires de la commune ».
Dans le champ ainsi délimité le Conseil peut déléguer certaines de ses compétences – dont la liste est fixée par la loi du
31 décembre 1970 – au maire. Celui-ci doit rendre compte des décisions ainsi prises en vertu de la délégation, qui est
toujours révocable. (CGCT, art. L. 2122-22).
2o Les compétences sectorielles. Elles concernent, essentiellement, les domaines suivants :
– Planification : les communes comprises dans un périmètre arrêté par le préfet peuvent s'associer pour élaborer une
« charte intercommunale de développement et d'aménagement » dans les domaines économique, social et culturel.
– Urbanisme : c'est dans ce domaine que la compétence communale trouve sa plus grande extension : de la commune
relèvent désormais l'élaboration des plans locaux d'urbanisme (nouvelle appellation depuis la loi SRU du 13 décembre
2000 des anciens POS), la délivrance du permis de construire, et celle des autres autorisations relatives à des immeubles
(lotissements, permis de démolir, de clôturer, aménagement de campings, etc.). Conscient, semble-t-il, des difficultés
auxquelles vont se heurter les petites et moyennes communes pour l'exercice de ces compétences, en raison tant de leur
aspect technique que de la réglementation touffue, changeante et complexe dont elles font l'objet, le législateur privilégie en
la matière le rôle des organismes intercommunaux. D'autre part, la prépondérance reconnue à la commune en matière
d'urbanisme laisse une place à la concertation avec les autres collectivités et l'État. Enfin, celui-ci par son représentant se
réserve, sur quelques points essentiels, soit un pouvoir de contrôle pouvant aller jusqu'à la substitution après mise en
demeure, soit une compétence exclusive (schémas de mise en valeur de la mer). Son rôle devient prépondérant en matière de
sauvegarde du patrimoine et des sites : si la loi prévoit, dans ce domaine une concertation avec les autorités locales, c'est au
préfet qu'elle réserve, pour l'essentiel, la décision.
– Logement : la commune peut élaborer un programme local de l'habitat, notamment en ce qui concerne la rénovation de
l'habitat social, mais elle n'a pas la maîtrise des moyens permettant de le réaliser.
– Ports : seuls relèvent de la commune, pour leur création et leur exploitation, les ports de plaisance.
– Enseignement public : la commune décide de la création et de l'implantation des écoles et des classes élémentaires et
maternelles ; elle en assure la construction, l'entretien et le fonctionnement, à l'exclusion de la rémunération des maîtres, qui
incombe à l'État. En ce qui concerne les établissements des niveaux supérieurs (collèges, lycées), qui ne relèvent pas de la
commune, elle est, sur certaines questions, appelée à donner un avis, voire un accord.
– Action sociale et santé : la commune n'a pas reçu, dans ces domaines, d'attributions propres, mais elle peut, par voie
d'accord avec le département, prendre en charge les compétences attribuées à celui-ci.
La loi du 13 août 2004 donne compétence à la commune pour l'enseignement artistique initial et pour l'organisation et
l'exploitation des ports de commerce qui leur sont transférés. Elles ont, de surcroît, la possibilité de créer un Office municipal
de tourisme et de participer à la construction de logements pour étudiants. Enfin, à titre expérimental, elles peuvent créer des
établissements publics locaux d'enseignement primaire et prendre en charge la lutte contre l'habitat insalubre.

165 B. Le vote du budget communal 210 ◊


1o Règles générales. Le budget est l'acte qui prévoit et autorise chaque année les dépenses et les recettes de la commune.
Il doit être voté en équilibre réel et avant le 31 mars de l'exercice auquel il se rapporte. Dans les deux mois qui précèdent le
budget primitif doit avoir lieu, dans les communes d'au moins 3 500 habitants, un débat d'orientation budgétaire. En cours
d'exercice peut intervenir un budget supplémentaire qui tient compte de ce qui a été déjà exécuté, et corrige ou complète le
budget primitif. Préparé par le maire, le budget, dans sa forme, emprunte obligatoirement le cadre imposé par les ministères
des Finances et de l'Intérieur ; il comporte une section de fonctionnement qui comprend les dépenses et les recettes appelées
à se reproduire chaque année, et une section d'investissement.
Le chapitre 3 de la loi du 12 avril 2000 contient un certain nombre de dispositions relatives à « la transparence
financière ».
2o Les dépenses. On distingue les dépenses obligatoires, dont la loi du 2 mars 1982 a réduit la liste (CGCT, art. L. 2321-
2) et les dépenses facultatives. Les dépenses les plus importantes correspondent au fonctionnement des services –
rémunération du personnel, entretien des locaux et du matériel etc. – au remboursement des emprunts, aux travaux ne
correspondant pas à des investissements, aux subventions accordées à des organismes privés 211. Le problème des
subventions accordées par les personnes publiques mériterait une étude exhaustive ; il me semble qu'à l'heure actuelle il n'y a
pas de droit à obtenir une subvention même lorsque l'on remplit les critères arrêtés par la personne publique 212 Sur la base
du principe de laïcité, les subventions aux cultes, directes ou indirectes, sont interdites 213. Les subventions à l'enseignement
libre du premier degré le sont aussi (sous réserve de l'application des lois sur l'aide à l'enseignement privé sous contrat), mais
en vertu d'un texte formel qui ne s'applique pas aux autres ordres d'enseignement, et qui, d'autre part, n'interdit pas de faire
bénéficier des mêmes avantages tous les enfants des familles peu fortunées, quelque école qu'ils fréquentent.
3o Les recettes. On évoquera rapidement un problème complexe dont l'étude relève du droit financier plus que du
droit administratif.
Les recettes des communes sont diverses : revenus des biens, produits des services rendus, mais, surtout fiscalité,
subventions d'État et emprunts.
L'insuffisance de la fiscalité dont disposent les collectivités territoriales les fait dépendre dans une proportion qui n'est que
difficilement compatible avec la décentralisation 214 – il n'y a pas d'autonomie réelle sans autonomie financière (v. ss 133) –
des subventions versées par l'État et de l'emprunt qui, lui, pose le problème du taux d'endettement des
collectivités territoriales.
a) La fiscalité. L'un des grands problèmes de la décentralisation est celui de la réforme des finances des collectivités
territoriales et plus spécialement de la fiscalité locale. Les communes ne peuvent pas créer elles-mêmes d'impôts, mais
seulement percevoir ceux que la loi met à leur disposition. Or, ceux-ci sont assis sur des bases qui n'ont aucune véritable
réalité économique, ce qui a le grave inconvénient de contraindre les collectivités territoriales, pour équilibrer leur budget, à
voter régulièrement des augmentations des taux des impôts locaux.
En dehors de quelques taxes de faible importance offertes au libre choix des communes (taxe sur la publicité, taxe de
séjour, etc.), l'essentiel des ressources fiscales locales provient de quatre impôts directs, perçus obligatoirement, que des
ordonnances de 1959 ont substitués au système ancien des centimes additionnels. On désignait par là des contributions
établies sur la base d'impôts directs autrefois perçus au profit de l'État : contribution mobilière, contributions
foncières, patente.
Les centimes additionnels ont été remplacés par quatre taxes, qui s'attachent aux mêmes éléments : les taxes foncières sur
la propriété bâtie et sur la propriété non bâtie, la taxe d'habitation, et la taxe professionnelle 215qui a été supprimée par la loi
de finances pour 2010 216 et remplacée par la contribution économique territoriale composée d'une cotisation foncière des
entreprises et d'une cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises dont le taux est fixé au plan national. La suppression de la
taxe professionnelle entraînant des pertes de recettes pour les collectivités territoriales ces dernières seront compensées par
un transfert de recettes fiscales de l'État vers les collectivités.
L'assemblée locale fixe elle-même, chaque année, le taux des taxes ; mais ce pouvoir est enfermé dans certaines limites.
b) Les subventions de l'État 217. On l'a vu (v. ss 126) la globalisation des subventions versées par l'État aux collectivités
territoriales – dotation globale de fonctionnement ; dotation globale d'équipement ; dotation globale de décentralisation –
constitue un progrès certain. Mais le mécanisme de calcul de ces dotations est d'une rare complexité. C'est pour cette raison
que le Gouvernement souhaite engager une profonde révision des mécanismes internes de répartition des dotations. La loi de
finances pour 2004 a amorcé une simplification de la DGF (sur tous ces points, v. : F. Aubert, AJDA 2003. 1692).
c) Les emprunts 218 sont le plus souvent contractés auprès d'organismes publics contrôlés par l'État (Caisse des dépôts et
consignations, Crédit foncier).
Sur la base de la loi du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation de l'activité bancaire a été mise en place l'Agence
France Locale pour le financement des investissements des collectivités territoriales (CGCT, art. L. 1611-3-2) 219.

166 C. Les interventions dans le secteur économique 220


◊ Il s'agit de ce que l'on appelle le « socialisme
municipal » : les communes peuvent-elles intervenir dans le secteur économique soit en subventionnant des activités privées
industrielles ou commerciales, soit en créant elles-mêmes des entreprises commerciales et industrielles ?
Les données du problème sont assez simples. A priori, de telles initiatives sont contraires au principe de la liberté du
commerce et de l'industrie posé par la fameuse loi des 2-17 mars 1791, même s'il a, depuis, connu bien des avatars. Par
ailleurs, il y a le risque d'une concurrence déloyale, faite aux entreprises privées, car celles-ci ont l'obligation d'équilibrer
leur gestion alors que la collectivité peut fort bien, le cas échéant, supporter une exploitation déficitaire. À l'inverse, peut-on
accepter que la municipalité, qui a en charge l'avenir de la population de la commune, voie la situation de l'emploi et de
l'économie se dégrader sur le territoire communal sans pouvoir y remédier ? Encore faut-il que cela n'aboutisse pas à soutenir
à fonds perdus des entreprises qui ne sont plus viables 221.
Le Conseil d'État, saisi de recours contre ces mesures soit par des contribuables, soit par des commerçants atteints par
cette concurrence, s'est d'abord montré extrêmement rigoureux (29 mars 1901, Casanova, GAJA, no 8). Il a maintenu cette
rigueur, et la fidélité au libéralisme économique dont elle procédait, même après qu'un décret du 5 novembre 1926 fut venu
étendre le champ d'action des communes aux entreprises industrielles et commerciales intéressant le ravitaillement, le
logement, l'urbanisme, l'assistance, l'hygiène, la prévoyance sociale ; le Conseil d'État n'hésita pas à affirmer, contre
l'évidence, que ce texte n'avait eu « ni pour objet, ni pour effet, d'étendre en matière de services industriels et commerciaux
les attributions conférées au conseil municipal par la législation antérieure » (CE 30 mai 1930, Chambre syndicale du
commerce de Nevers, GAJA, no 41 et la jurisprudence citée). Mais, depuis, la position jurisprudentielle s'est transformée,
notamment à partir des arrêts Lavabre (CE 23 juin 1933, Rec. 677) et Zénard (24 nov. 1933, Rec. 1100). Les solutions
acquises peuvent se résumer ainsi :
– Les communes, comme l'État lui-même, ont pour principe d'action l'intérêt général, non la recherche du profit : dès lors,
celles de leurs interventions qui se justifieraient par ce seul mobile demeurent illégales.
– Dans les domaines qui ressortissent traditionnellement à l'intérêt général (hygiène, assistance), la création d'un service,
même commercial, est légale (CE 12 juill. 1939, Chambre syndicale des maîtres buandiers de Saint-Étienne, Rec. 478).
– En dehors de ces domaines, la création d'un service économique est admise lorsqu'il vise à la satisfaction d'un besoin
public auquel l'initiative privée ne pourvoit pas 222. Les deux termes de cette formule sont entendus de plus en plus
largement : l'intérêt public justifie par exemple la création d'un théâtre de verdure ayant pour but de mettre à la disposition de
la population, pendant l'été, des possibilités de distraction en plein air (CE 12 juin 1959, Syndicat des exploitants de cinémas
de l'Oranie, D. 1960. J. 402), ou la création d'un camping municipal lorsque les campings privés ne suffisent pas à faire face
au nombre croissant des campeurs (CE 17 avr. 1964, Cne de Merville-Franceville, AJDA 1964. 304, et la note, p. 288) ; il
justifie également des initiatives qui constituent le prolongement naturel de l'activité d'un service lui-même légal – par
exemple, l'adjonction d'une station-service à un parc municipal de stationnement (CE 18 déc. 1959, Delansorme, D. 1960.
J. 371). D'autre part, la carence de l'initiative privée n'a plus besoin d'être totale : le service municipal pourra être légal s'il
améliore les conditions dans lesquelles le besoin public reçoit satisfaction (par ex., : initiatives des communes en matière de
logement, CE 22 nov. 1935, Chouard, Rec. 1080 ; de soins dentaires, CE 20 nov. 1964, Ville de Nanterre, AJDA 1964. 686 ;
de consultations juridiques, CE 23 déc. 1970, Commune de Montmagny, AJDA 1971. 166 ; d'équipement en piscines, 23 juin
1972, Sté La Plage de la Forêt, AJDA 1972. 463).
Ces solutions sont-elles remises en cause par la loi du 2 mars 1982 ?
Ce texte a eu le grand mérite de provoquer, au Parlement, un débat de fond sur la question et de permettre au législateur
de fixer les principes, et les limites, des interventions économiques des collectivités territoriales, en rappelant que c'est l'État
qui a la responsabilité de la conduite de la politique économique et sociale. C'est ce qu'exprime le 1er alinéa de l'article 5 de
la loi du 2 mars 1982 : « L'État a la responsabilité de la conduite de la politique économique et sociale, ainsi que de la
défense de l'emploi. Néanmoins, sous réserve du respect de la liberté du commerce et de l'industrie, du principe de l'égalité
des citoyens devant la loi ainsi que des règles de l'aménagement du territoire définies par la loi approuvant le plan, la
commune peut intervenir en matière économique et sociale dans les conditions prévues au présent article ». Dans ce cadre les
communes peuvent octroyer des aides directes 223 ou indirectes destinées soit à favoriser le développement, soit à faciliter le
redressement, dans l'intérêt de la population, d'entreprises en difficulté, soit enfin à assurer, en milieu rural, le maintien des
services nécessaires 224. Enfin, les participations dans des sociétés commerciales n'ayant pas pour objet la gestion d'un
service ou d'une activité d'intérêt général demeurent subordonnées à une autorisation par décret en Conseil d'État.
Les conditions dans lesquelles les personnes publiques peuvent intervenir dans le secteur économique ont fait l'objet d'un
important arrêt : CE, Ass., 31 mai 2006, Ordre des Avocats au barreau de Paris, AJDA 2006, Chron. Landais et Lenica,
p. 1592. Par ailleurs, selon la constatation de Sophie Nicinski : « En droit français rien ne permet de s'opposer à l'offre de
services gratuits par les personnes publique » (commentaire de l'arrêt du Conseil d'État du 16 juillet 2014, Sté Sigmalis,
AJDA 2014. 1876). La loi du 5 janvier 1988, dite « loi pour l'amélioration de la décentralisation » subordonne l'aide que la
commune peut accorder pour assurer le maintien en milieu rural des services qu'exige la satisfaction des besoins de la
population à une convention avec le bénéficiaire de l'aide fixant les obligations de celui-ci. Elle peut, dans le même but,
passer des conventions avec d'autres collectivités. L'article 10 de la loi du 12 avril 2000, relative aux droits des citoyens dans
leurs relations avec les administrations, prévoit l'intervention d'une convention pour toute subvention dépassant un certain
seuil financier (actuellement 23 000 euros annuels) 225. La loi précise également les conditions de certaines interventions
dans l'ordre économique (garantie d'emprunt à une personne de droit privé, participation au capital de certains établissements
de crédit). Dans la pratique, ces interventions restent assez peu fréquentes.
Les interventions économiques des collectivités territoriales ont fait l'objet d'un rapport fort – trop ? – critique de la Cour
des comptes qui pense qu'il est nécessaire de « les revoir fondamentalement » (AJDA 2007. 2228 et AJDA 2014. 2213).
Le décret no 2012-716 du 7 mai 2012 fixe le cadre réglementaire des interventions financières des collectivités
territoriales (AJDA 2012. 919).

167 D. La création et l'organisation des services publics communaux 226 ◊


1o Le Conseil municipal décide la création et fixe l'organisation des services publics communaux. Sur ce point, sa liberté
n'est pas complète puisque la loi lui impose la création de services considérés comme indispensables (état civil, pompes
funèbres 227, désinfection etc.). L'art. 79 de la loi NOTRe du 7 août 2015 prévoit que « un Centre communal d'action sociale
est créé dans toute commune de 1 500 habitants et plus » et son art. 88 qu'« un Conseil de développement est mis en place
dans les établissements publics à fiscalité propre de plus de 20 000 habitants ».
2o Quant au mode de gestion des services, le Conseil peut choisir dans une gamme de procédés assez étendue (régie
directe, régie dotée de l'autonomie financière, régie dotée, en plus, de la personnalité morale ; concession ; société
d'économie mixte 228 ; société publique locale) 229. À chacun de ces procédés, correspondent des règles d'organisation
détaillées, prévues pour chacun, par le CGCT 230. La loi du 2 mars 1982 les a assouplies ; les cahiers des charges et
règlements types établis par le ministère de l'Intérieur, jusque-là obligatoires, ne sont plus, désormais que des modèles
proposés aux communes. Enfin, il existe également des règles propres à certains services, selon leur objet (par ex. : abattoirs,
poids publics, musées, cf. CGCT, art. L. 2224-1 s.). Ces différents modes de gestion contractuelle avaient été regroupés sous
l'appellation « délégation de services publics » (L. 6 févr. 1992) (v. ss 407). Les conventions de délégation sont soumises à
une publicité préalable (CGCT, art. L. 1411-1). La même règle s'applique aux conventions de délégation de services publics
des départements et des régions.
La Société publique locale, qui a été créée par la loi no 2010-559 du 28 mai 2010 231, est une stucture à statut privé mais à
capital entièrement public susceptible de se voir confier sans mise en concurrence les interventions économiques et, plus
généralement, les opérations d'intérêt général, des collectivités territoriales, selon la définition qu'en donne Sophie
Nicinski 232. Sur le contrôle de celles-ci : TA Lille, Ord. 29 mars 2012, Cté de Cnes Sambre-Avesnois, TA Montpellier,
23 mars 2012, FADUC, Mme Fraysse, AJDA 2012. 1521, note S. Brameret ; CE 6 nov. 2013, Cne de Marsannay-la-Côte,
AJDA 2014. 60, note G. Clamour.
3o Les communes de plus de 10 000 habitants doivent créer une Commission consultative des services publics locaux
pour l'ensemble des services publics confiés à un tiers par convention ou exploités en régie dotée de l'autonomie financière.
Elle est présidée par le maire et les usagers y sont représentés (CGCT, art. L. 1413-1).
4o Les maisons des services publics. Afin de faciliter les démarches des administrés et d'améliorer la proximité des
services publics, l'article 27 de la loi du 12 avril 2000 prévoit la création, par convention, de maisons des services publics qui
font l'objet du décret 2001-494 du 6 juin 2001.
168 E. La gestion des personnels communaux 233 ◊ Dans les petites communes, il est réduit au seul secrétaire de
mairie ; dans les grandes villes le personnel est nombreux. Leur statut a été longtemps arrêté par les Conseils municipaux.
Ceux-ci se bornent désormais à fixer la liste des emplois, ceux qui sont appelés à les occuper relevant du statut de la fonction
publique territoriale (v. ss 127). Seuls les emplois les plus élevés des communes les plus importantes peuvent être pourvus
de façon discrétionnaire.

169 F. La gestion des biens communaux ◊ La commune est propriétaire d'un certain nombre de biens qui constituent
son domaine. C'est au Conseil municipal qu'il revient de prendre les décisions relatives à la gestion de ce domaine. Les
revenus domaniaux figurent dans les recettes du budget communal. Ils peuvent parfois être relativement importants (cas, par
exemple, des communes forestières).

170 G. Divers ◊ Le Conseil autorise la conclusion, par le maire, des contrats et décide des actions à exercer en justice ; il
statue également sur les travaux publics à effectuer, notamment en ce qui concerne la voirie communale (ord. 59-115 du
7 janv. 1959). Dans le prolongement de cette activité, le Conseil établit le plan d'alignement qui fixe les limites des rues et
chemins ruraux par rapport aux propriétés qui les bordent, et surtout, il joue un rôle déterminant dans l'élaboration des plans
destinés à soumettre le développement de la localité aux règles de l'urbanisme, notamment les plans locaux d'urbanisme
(v. ss 163).

SECTION 3. LE MAIRE 234

171 Le maire est un rouage essentiel de la commune ; à l'échelle communale on constate aussi le phénomène de la
« personnalisation du pouvoir ». On pourrait parler d'un régime présidentiel à l'échelle de la commune.
Pour exercer ses importantes attributions (v. ss 175) le maire est aidé par un certain nombre de conseillers municipaux
que l'on appelle « les adjoints au maire ». Le Conseil fixe librement le nombre de ceux-ci, sans qu'il puisse excéder
30 pour 100 de son effectif (CGCT, art. L. 2122-2). Dans les communes de moins de 1000 habitants les adjoints sont élus,
selon le système utilisé pour l'élection du maire, et immédiatement après celle-ci ; ils siègent dans l'ordre de leur élection.
Dans les communes de 1000 habitants et plus, un nouveau système a été mis en place par la loi 2007-128 du 31 janvier
2007 relative à « l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives ». Les adjoints
sont élus au scrutin de liste, l'écart sur celle-ci entre les candidats de chaque sexe ne pouvant être supérieur à un. L'élection a
lieu à la majorité absolue aux deux premiers tours et à la majorité relative si un troisième tour est nécessaire. Aux termes de
l'article 10 du décret 2007-1670 du 26 novembre 2007 (CGCT, art. R. 2121-3) l'ordre du tableau est déterminé « entre
adjoints élus sur la même liste, par l'ordre de présentation sur la liste ».
On désigne parfois sous le nom de « municipalité » le groupe formé par le maire et ses adjoints ; mais ceci ne doit pas
faire illusion : l'exécutif communal est confié à un seul homme : le maire. Cependant la loi du 31 décembre 1970 crée, entre
le maire et ses adjoints, une certaine solidarité : s'il y a lieu pour le Conseil de désigner un nouveau maire, par suite de décès
ou de démission, il doit, en même temps, désigner à nouveau les adjoints. La loi tend donc à créer une « équipe municipale ».
Il reste que les adjoints n'ont pas d'attributions propres ; le maire peut seulement leur déléguer une partie des siennes, ces
délégations étant toujours révocables 235 : le conseil municipal doit, en ce cas, se prononcer sur le maintien de celui-ci dans
ses fonctions (CGCT, art. L. 2122-18). Le Premier adjoint assure la suppléance du maire en cas d'empêchement.
On examinera successivement le statut du maire (§ 1), puis ses attributions (§ 2).

§ 1. Statut

172 A. Désignation ◊ Longtemps nommé par le pouvoir central, en toute liberté d'abord, puis parmi les conseillers
municipaux, le maire, depuis 1882, est élu par le conseil municipal, parmi ses membres (CGCT, art. L. 2122-4). Aux termes
de l'article 88-3 de la Constitution, les ressortissants de l'Union européenne, éligibles au Conseil, ne peuvent pas exercer les
fonctions de maire ou d'adjoint. Nul ne peut être élu maire s'il n'est âgé de 18 ans révolus (CGCT, art. L. 2122-4). L'élection
a lieu normalement à la première séance qui suit le renouvellement du conseil ou la sortie de charge du maire précédent si
ses fonctions prennent fin de façon prématurée. Dans ce dernier cas, le conseil devant être au complet pour cette élection, il y
a lieu, le cas échéant, à une élection partielle.
Si deux tours de scrutin successifs ne permettent pas d'aboutir à une élection à la majorité absolue (plus de la moitié des
votants), l'élection est acquise, au troisième tour, à la majorité relative ; en cas d'égalité des voix, c'est le plus âgé qui est
proclamé élu. Dans la pratique, il n'y a guère de problème dans les communes de plus de 1 000 habitants puisque le mode de
scrutin municipal y dégage des majorités cohérentes. Le maire est tout simplement celui qui a mené la liste aux élections et
de facto il est donc élu au suffrage universel ; il est le chef de la majorité du conseil municipal : d'où son autorité sur lui.
Il n'existe qu'un cas d'inéligibilité : un maire qui a fait l'objet d'une mesure de révocation ne peut être réélu avant un an ;
d'autre part, certaines fonctions, compatibles avec le mandat de conseiller, ne le sont pas avec celui de maire.
Aux termes de la loi organique du 14 février 2014 les fonctions de maire et d'adjoint au maire sont incompatibles avec le
mandat de député ou de sénateur mais, importante concession faite aux parlementaires, cette incompatibilité ne leur sera
applicable qu'à compter du premier renouvellement de l'assemblée à laquelle ils appartiennent suivant le 31 mars 2017 236.
C'est ce qui explique que nombre de députés ou de sénateurs maires ont pu se représenter aux élections municipales de mars
2014. Quant au mandat de député européen, aux termes de la loi du 14 février 2014, il est compatible avec un seul mandat
local. Le Conseil constitutionnel a jugé conforme à la Constitution les dispositions de l'article L. 2122-16 du CGCT qui
permet la révocation des maires et des adjoints par le pouvoir exécutif (Décis. no 2011-210 QPC du 13 janv. 2012, AJDA
2012. 546, note Verpeaux). Ils ne peuvent être révoqués que par décret motivé pris en Conseil des ministres 237. Par ailleurs,
les maires d'une commune de plus de 20 000 habitants et les adjoints d'une commune de plus de 100 000 habitants sont tenus
de déposer une déclaration de leur patrimoine (loi du 11 octobre 2013). Ces réformes vont avoir un double effet : en premier
lieu, dans nombre de villes importantes, le maire ne sera plus parlementaire et, en second lieu, on devrait voir augmenter le
nombre de femmes devenant maire 238.

173 B. Durée du mandat ◊ En principe, le maire et les adjoints sont élus pour toute la durée du mandat du conseil
municipal, c'est-à-dire jusqu'au renouvellement normal du Conseil, ou exceptionnellement jusqu'à sa dissolution.
Les fonctions de maire peuvent cependant prendre fin de façon anticipée, soit par décès, soit par la survenance
d'inéligibilités (par ex. condamnation) ou d'incompatibilités qui aboutissent à la perte du mandat de conseiller municipal, soit
par démission, celle-ci pouvant être une première fois refusée par le représentant de l'État, mais devenant définitive un mois
après avoir été présentée une seconde fois 239, soit enfin par révocation par décret en Conseil des ministres, celle-ci pouvant
être précédée d'une mesure de suspension prise par arrêté ministériel 240. Dans tous ces cas, le maire élu en remplacement et
les adjoints élus en même temps que lui restent en fonction jusqu'à l'expiration du mandat du Conseil.
Il faut souligner le fait que, si le conseil municipal choisit le maire, il ne peut pas, juridiquement du moins, décider de
mettre fin à ses fonctions : le régime municipal n'est pas un régime parlementaire.

174 C. Rémunération 241 ◊ Le mandat de maire, longtemps gratuit, est aujourd'hui rémunéré, selon un barème fixé par l'art.
3 de la loi du 31 mars 2015, en fonction de l'importance des communes ; le maire a droit, en outre, au remboursement de ses
frais de mission. L'abandon du principe de la gratuité se justifie pleinement étant donné le caractère absorbant des fonctions
de maire dans les communes de quelque importance.

§ 2. Attributions 242
On a déjà décrit le rôle du maire en tant qu'agent de l'État (v. ss 114) ; on examinera maintenant son rôle en tant qu'organe
exécutif de la commune. À ce titre il a des attributions au regard du Conseil municipal et des pouvoirs propres. Son action est
susceptible d'entraîner certaines responsabilités.

175 A. Attribution vis-à-vis du Conseil municipal ◊ À l'égard du Conseil municipal le rôle du maire est triple :
1o Il prépare ses délibérations et notamment le budget, avec le concours des adjoints et des agents municipaux. Il ne faut
pas sous-estimer cet aspect des fonctions du maire. La manière dont est constitué et présenté le dossier qui sera soumis à la
délibération du Conseil a une influence certaine sur l'orientation de la discussion qui s'instaurera. Ce rôle est encore plus
important lorsqu'il s'agit du budget car, compte tenu de sa technicité, celui-ci ne sera modifié – s'il l'est ! – qu'à la marge en
cours de discussion et ceci, d'autant plus, qu'il y a eu un débat d'orientation budgétaire.
2o Le maire préside les séances et a la police de celle-ci.
3o Il exécute, avec le concours de ses adjoints, les délibérations 243 (CGCT, art. L. 2122-21).
Il passe les contrats tels qu'ils ont été approuvés par le Conseil, délivre les alignements, procède à l'ordonnancement des
dépenses, dirige les travaux, représente la commune en justice, etc. Dans sa fonction d'exécution, il est placé sous le contrôle
du conseil municipal qui, s'il n'a pas juridiquement le pouvoir de le désinvestir, peut lui demander des explications : ses
membres ont, à certaines conditions, le droit d'être informé de tout ce qui touche aux affaires de la commune (CE 9 nov.
1973, Cne de Pointe-à-Pitre, RD publ. 1974. 1148, notes Waline, T. 1, no 68 ; CE, Sect., 23 avr. 1997, Ville de Caen/Paysant,
Rec. 158). La loi du 6 février 1992 confirme et développe ce droit, de même que la loi du 27 février 2002 (possibilité de
créer une mission d'information et d'évaluation sur une question d'intérêt communal : CGCT, art. L. 2121-22-I) 244. Si le
conseil est en désaccord avec la politique du maire, il peut, par une attitude d'opposition systématique à ses projets, l'amener
en pratique à démissionner, ou provoquer sa propre dissolution par l'autorité de tutelle, les électeurs arbitrant alors
le différend.
Le Conseil, en outre, statue chaque année sur les comptes présentés par le maire en exécution du budget, dans une séance
à laquelle celui-ci n'assiste pas ; le refus d'approuver une dépense irrégulière peut aboutir à la mise en jeu de la responsabilité
civile du maire vis-à-vis de la commune.

176 B. Pouvoirs propres ◊


1o Le maire détient, en propre, la police municipale, pouvoir qu'il exerce sans le concours du Conseil municipal. La police
rurale, qui s'applique sur l'ensemble du territoire non-urbanisé de la commune, lui est également confiée. Le maire est une
autorité importante en ce qui concerne la police administrative (v. ss 379). C'est là, pour le maire, une attribution essentielle ;
il l'exerce sous le contrôle administratif du préfet. Mais, dans un grand nombre de communes, ses attributions en matière de
maintien de l'ordre ont été transférées au préfet (v. ss 379).
2o La loi 2007-297, du 5 mars 2007, « relative à la prévention de la délinquance », associe le Maire à celle-ci. Il est
informé des infractions concernant un trouble à l'ordre public et il anime sur le territoire de la commune la politique de
prévention de la délinquance en en coordonnant la mise en œuvre (v. art. L. 132-1 et s. du Code de la sécurité intérieure). Ce
dispositif a été complété par la loi du 14 mars 2011 (LOPPSI 2) qui prévoit que le Maire peut convenir avec l'État des
modalités nécessaires à la réalisation des actions de prévention et rend obligatoire, pour les communes de plus de
50 000 habitants, la création d'un Conseil pour les droits et devoirs des familles.
3o Le maire est le chef hiérarchique des agents communaux ; il les nomme, les note, dirige leur action, dans les conditions
fixées par leur statut et dans les limites définies pour l'ensemble de la fonction publique territoriale (v. ss 127).
Il délivre les permis de construire et diverses autres autorisations individuelles en matière d'urbanisme.
Il a des fonctions de représentation importantes dans les grandes villes.
Le maire, enfin, peut prendre, en matière de gestion des biens et intérêts communaux, des mesures conservatoires, jusqu'à
ce que le conseil puisse intervenir et statuer définitivement.
Les décisions du maire revêtent la forme de l'arrêté 245.

177 C. Les responsabilités nées de l'activité du maire ◊


1o Responsabilité civile. Selon qu'il agit dans l'exercice de ses attributions d'agent de l'État ou d'agent de la Commune, le
maire, par ses fautes de service, engage la responsabilité de la personne morale correspondante 246. En outre, sa
responsabilité propre est engagée, selon le droit commun, par ses fautes personnelles (v. ss 541), soit, vis-à-vis des
particuliers, soit, dans certaines hypothèses tout au moins, vis-à-vis de la commune. Elle l'est encore, mais sur la base de
divers articles du Code civil, en ce qui concerne les fonctions d'Officier de l'État—Civil.
2o Responsabilité pénale. La responsabilité pénale du maire peut entraîner des conséquences particulièrement lourdes.
C'est pourquoi une loi du 18 juillet 1974 avait étendu aux maires, ainsi qu'aux adjoints et aux conseillers municipaux, pour
leur éviter des poursuites arbitraires, la procédure protectrice de mise en cause pénale applicable aux magistrats et aux
préfets lorsque le crime ou le délit se rattache à l'exercice des fonctions 247. Mais ce privilège leur a été retiré par la loi du
4 janvier 1993. Il reste que la responsabilité pénale reconnue aux personnes morales autres que l'État, par le nouveau Code
pénal 248, est assumée par le maire en tant que représentant de la commune, et peut entraîner pour lui une condamnation.
Toutefois, la loi du 13 mai 1996, dans le cas où les faits ont mis en danger la personne d'autrui, excluait la responsabilité du
maire « s'il avait accompli les diligences normales ». La même règle s'applique aux responsables des autres
collectivités territoriales.
Cet état du droit positif, et un certain nombre d'inculpations pénales de maires dans des affaires où leur « culpabilité »
était loin d'être évidente, avaient soulevé de très vives protestations de la part des élus locaux. Bien plus il était de nature à
décourager nombre d'élus de se représenter aux élections municipales. On a donc mis en chantier sur cette question une
délicate réforme législative destinée à empêcher les procédures abusives sans pour autant accorder aux élus locaux des
privilèges ou immunités indus. Après de sérieuses oppositions entre les deux chambres du Parlement, a été votée la loi du
10 juillet 2000 « tendant à préciser la définition des délits non-intentionnels » 249. Aux termes de l'article 1er de ce texte, il y a
délit en cas de faute d'imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité « s'il est
établi que l'auteur des faits n'a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions
ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait ». Ce texte, général, est de
nature à apaiser les craintes des élus locaux. Sur l'application de ce texte, v. : Crim. 24 oct. 2000, D. 2002. 514, note J.-
C. Planque ; TGI La Rochelle, 7 sept. 2000, D. 2000, no 34, Dern. Actualité ; Crim. 4 juin 2002, D. 2003. 95, note S. Petit (la
non-conformité de buts de football ne constitue pas une faute caractérisée au sens de la loi du 10 juillet 2000). Pour la
responsabilité du Maire de La Faute-sur-Mer et de son adjointe pour les conséquences tragiques de la tempête Xynthia : TGI
Les Sables d'Olonne, 12 déc. 2014, AJDA 2014. 2447, obs. de Montecler ; CA Poitiers, 4 avr. 2016, AJDA 2016. 631, note de
Montecler 250.
Par une circulaire du 13 juin 2013 le ministre de l'Intérieur a rappelé aux maires que leur refus de procéder au mariage de
personnes de même sexe, prévu par la loi du 17 mai 2013, était susceptible de les exposer à des poursuites pénales 251. Mais
le Conseil d'État a renvoyé au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité portant sur une éventuelle
atteinte à la liberté de conscience des maires du fait de cette obligation. Par sa décision n° 2013-353 QPC 18 oct. 2013
(p. 1002) le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution la disposition ne permettant pas aux officiers d'état-
civil de se prévaloir de leur désaccord avec les mariages de personnes de même sexe. Faut-il cependant rappeler ici qu'à un
moment donné le Président de la République avait lui-même envisagé la possibilité d'une clause de conscience en la
matière ? 252
CHAPITRE 3
LE DÉPARTEMENT 253

Section 1. LE CONSEIL DÉPARTEMENTAL


§ 1. Évolution du mode d'élection du Conseil
§ 2. Le système de la loi du 17 mai 2013
§ 3. Fonctionnement
§ 4. Attributions
Section 2. LE PRÉSIDENT DU CONSEIL DEPARTEMENTAL
§ 1. Élection
§ 2. Attributions
Section 3. LES DÉPARTEMENTS D'OUTRE-MER
§ 1. Le système antérieur à la loi du 28 mars 2003
§ 2. Les innovations de la loi du 28 mars 2003

178 C'est l'Assemblée constituante qui, pour mettre fin à l'enchevêtrement des circonscriptions du Royaume, a posé le principe
d'une nouvelle division de la France en départements par la loi du 22 décembre 1789. En ce qui concerne le découpage
départemental, Thouret avait proposé une division géométrique du territoire en « carrées » de 18 lieues (soit environ 70 km)
de côté. Sous l'influence de Mirabeau l'Assemblée, par la loi du 15 janvier – 16 février 1790, créa 83 départements, se
subdivisant en districts et cantons. Le principe retenu pour le découpage est bien connu : il fallait que tout habitant du
département puisse se rendre (à cheval, bien sûr) au chef-lieu dans la journée.
À l'origine, le département n'était qu'une circonscription de l'Administration d'État (v. ss 107). Ce n'est que
progressivement qu'il est devenu une collectivité décentralisée : création des conseils généraux en l'An VIII ; élection des
conseils généraux (1833) ; affirmation de la personnalité morale du département (avis du Conseil d'État du 27 août 1834) ;
loi du 10 mai 1838 qui accroît les pouvoirs du conseil général, enfin, et surtout, la grande loi d'organisation du département,
celle du 10 août 1871. Depuis (v. ss 119) la loi du 2 mars 1982 a retiré au préfet son rôle d'exécutif du département.
On présente parfois le département comme une circonscription artificielle. Le reproche est injuste car le découpage
auquel il a été procédé en 1790 n'était pas si artificiel que cela : on avait pris pour base les Provinces du Royaume. Mais
surtout, à supposer qu'il l'ait été initialement, il a maintenant la réalité sociologique qu'il tire de deux siècles d'existence. C'est
l'hommage que lui a rendu la Commission Guichard (v. ss 117) lorsqu'elle écrit : « Le département est apparu à la
Commission comme l'un des plus sûrs niveaux de développement des responsabilités locales » 254.
D'ailleurs, chaque fois que l'on remet sur le métier la ventilation des compétences décentralisées, on annonce que celle-ci
se fera au détriment du département et c'est le contraire qui se produit. Ainsi, la loi du 13 août 2004 transfère au département
d'importantes compétences (v. ss 190).
Comme la commune, le département, collectivité territoriale, comprend une assemblée délibérante, le Conseil
départemental (Section 1) et un exécutif, le Président du Conseil départemental (Section 2). Les départements d'Outre-Mer
ont un régime particulier (Section 3).

SECTION 1. LE CONSEIL DÉPARTEMENTAL 255


Depuis la loi du 28 Pluviôse An VIII l'assemblée du département prenait le nom de « Conseil général ». Cette
dénomination, bien que traditionnelle, avait l'inconvénient de ne pas indiquer clairement aux non-initiés qu'il s'agissait de
l'assemblée gérant le département collectivité territoriale. La loi du 17 mai 2013 256 a donc décidé de substituer l'appellation
de « Conseil départemental » à celle de « Conseil général ». « Il y a dans chaque département un Conseil départemental qui
représente la population et les territoires qui le composent » (CGCT, art. L. 3121-1). Le Conseil départemental est l'organe
essentiel de la décentralisation à l'échelle du département.

§ 1. Évolution du mode d'élection du Conseil

179 Jusqu'à la loi du 16 décembre 2010, le principe était extrêmement simple : il y avait, dans un département, autant de
conseillers généraux qu'il y a de cantons, puisque chacun de ceux-ci élisait un – « son » – conseiller général. Le nombre des
cantons, d'un département à l'autre, variait de 25 à la cinquantaine. Il en résultait, dans la composition des conseils, une nette
prépondérance de l'élément rural sur l'élément urbain même si des réformes successives avaient réduit quelque peu ce
déséquilibre en créant de nouveaux cantons urbains. À ce reproche fait au Conseil général d'être une « chambre
d'agriculture » on répondait que « la terre doit être représentée ». Les conseillers étaient élus au scrutin uninominal
majoritaire à deux tours.
180 La réforme de la loi du 16 décembre2010 257. Depuis assez longtemps on se demandait, en ce qui concerne l'organisation
administrative, s'il n'y avait pas un échelon de trop ; autrement dit s'il ne convenait pas de supprimer soit le département soit
la région. La plupart de ceux qui se posaient cette question optaient pour la suppression du département. À cette question le
Comité Balladur (v. ss 139) avait donné une solution originale : on conserve le département et la région mais pour supprimer
les inconvénients qui résultent de cette dualité, ce sont les mêmes élus – les conseillers territoriaux – qui siégeront au Conseil
général et au Conseil régional. C'est ce que décidait la loi du 16 décembre 2010 : « Il y a dans chaque département un
Conseil général. Il est composé de conseillers territoriaux ». Cela avait nécessité le découpage des départements en nouvelles
circonscriptions pour l'élection de ces conseillers. Après de vives controverses il avait été décidé de les faire élire au scrutin
majoritaire à deux tours dans toutes les circonscriptions.

§ 2. Le système de la loi du 17 mai 2013 258


La loi du 17 mai 2013 a supprimé le système des conseillers territoriaux – qui n'aura donc jamais été appliqué – et
organise un système de « binôme » pour l'élection du Conseil départemental.

181 A. Électorat ◊ Sont électeurs, pour la désignation des conseillers départementaux, toutes les personnes de nationalité
française inscrites sur les listes électorales du canton. La loi du 17 mai 2013 ayant décidé la suppression de la moitié des
cantons il a fallu procéder dans chaque département à un redécoupage cantonal. Le nombre des cantons dans chaque
département comptant plus de 500 000 habitants ne peut être inférieur à dix sept et il ne peut être inférieur à treize dans
chaque département comptant entre 150 000 et 500 000 habitants.
Le projet de découpage est préparé par le Préfet. Puis on applique les dispositions de l'art. L. 3113-2 du CGCT : le
découpage est décidé par décret en Conseil d'État après consultation du Conseil départemental qui se prononce dans les six
semaines à compter de sa saisine, à l'expiration de ce délai son avis étant réputé rendu (sic). Le territoire de chaque canton
doit être défini sur des bases essentiellement démographiques et être continu ; par ailleurs doit être entièrement comprise
dans le même canton toute commune de moins de 3 500 habitants. Le législateur avait prévu qu'un certain nombre de
dérogations pouvaient être apportées au critère démographique afin de limiter le pouvoir discrétionnaire du gouvernement et
l'obliger à prendre en compte toutes les situations locales dans le découpage. Dans sa décision du 16 mai 2013 (préc.) le
Conseil constitutionnel a jugé que certaines de ces dérogations étaient trop précises et donc contraires à la Constitution. Pour
le contentieux provoqué par ce découpage des cantons : CE 21 mai 2014, M. Hyest, Rec. 138 ; CE 4 juin 2014, Commune de
Dieuze, Rec. 155 ; CE, Sect., 5 novembre 2014, M. Ceccaldi, Rec. 324 ; CE Sect., 5 novembre 2014, Commune de Ners, Rec.
329, Concl. A. Bretonneau.
Le redécoupage effectué par le gouvernement – et faut-il rappeler ici qu'une telle opération n'est jamais indemne de
préventions politiques ? – réduit le nombre des cantons de 3 971 à 2 068, mais le nombre des conseillers passant, lui, de
3 971 à 4 136. Cette réduction drastique du nombre des cantons renforce le poids des zones urbaines par rapport aux zones
rurales. C'est un peu la fin de la « France du seigle et de la châtaigne ».
Il est assez préoccupant que 56 départements sur 98 aient rejeté le projet de découpage cantonal, d'autant plus que ce rejet
n'est pas nécessairement motivé par des raisons politiques, puisque 17 départements « de gauche » en font partie.

182 B. Éligibilité ◊ Est éligible tout électeur âgé d'au moins 18 ans demeurant dans le département ou inscrit au rôle des
contributions directes dans celui-ci. On a supprimé la règle qui limitait au quart des élus la proportion des conseillers non-
domiciliés dans le département.
Les inéligibilités particulières concernent, d'une part un certain nombre de fonctionnaires de l'État dans le ressort où
s'exerce leur compétence (C. élect., art. L. 195), d'autre part les conseillers ayant fait l'objet de certaines sanctions.

183 C. Mode de scrutin 259 ◊ On a, depuis maintenant une dizaine d'années, tout mis en œuvre pour promouvoir le principe
de parité en politique, notamment en matière électorale, et cela ne peut qu'être approuvé sans la moindre réserve. Mais il ne
faut pas oublier que l'excès en tout est un défaut ! Ainsi, par exemple, il était pour le moins pittoresque de voir que l'on avait
modifié le Règlement de l'Assemblée nationale pour permettre à un groupe parlementaire de se doter conjointement de deux
présidents de sexe différent, disposition heureusement déclarée contraire à la Constitution par le Conseil
constitutionnel. 260Or il y avait un problème en ce qui concerne le Conseil départemental qui ne comptait qu'environ 15 % de
femmes. La seule manière de le résoudre serait, bien sûr, de passer à un scrutin de liste mais cela ne serait guère souhaitable
car, selon moi et par expérience, je pense qu'il est indispensable que l'une des assemblées territoriales procède d'un scrutin
uninominal qui crée un lien réel entre l'élu et la population du canton.
Le législateur de 2013 a cru pouvoir résoudre le problème en inventant un mode de scrutin sans exemple et ceci pas
seulement en France : l'élection d'un binôme. Le remède est pire que le mal. En effet, aux termes de l'art. 32 de la loi : « les
électeurs de chaque canton du département élisent au conseil départemental deux membres de sexe différent, qui se
présentent en binôme de candidats dont les noms sont ordonnés dans l'ordre alphabétique ». Ils déposent une déclaration
conjointe de candidature avec mention dans chaque cas de la personne, de même sexe, appelée à les remplacer. Pour
l'élection on applique le scrutin majoritaire à deux tours avec la condition d'avoir obtenu au moins 10 % des électeurs inscrits
pour pouvoir figurer au second tour qui doit opposer au moins deux binômes. Si, au second tour, plusieurs binômes de
candidats obtiennent le même nombre de suffrages l'élection est acquise au binôme qui comporte le candidat le plus âgé.
C'est ce mode de scrutin où chaque canton élit désormais deux personnes et non plus une seule qui a obligé le législateur
à diviser par deux le nombre des cantons de chaque département afin d'éviter une inflation d'élus. Mais ce qu'il y a peut-être
de plus critiquable encore est que, une fois élu, chaque membre du binôme retrouve son entière liberté de manœuvre
pouvant, par exemple, ne pas s'inscrire au même groupe politique. Tout ceci explique que lors de la discussion du projet de
loi, le Sénat, incarnation des collectivités territoriales de la République a, à trois reprises, voté contre le système du binôme.
La suppression du conseiller territorial laisse non résolu le problème du doublon région-département auquel il faudra bien
trouver une solution. Pour ma part je pense que l'idée de faire gérer ces deux collectivités par les mêmes élus était une bonne
solution ; ce qu'il aurait fallu remettre en cause était le mode d'élection des conseillers territoriaux en s'orientant vers un
système où certains auraient été élus au scrutin majoritaire (dans les circonscriptions rurales) et les autres à la proportionnelle
(dans les circonscriptions urbaines), à supposer, bien sûr, que cela paraisse possible au Conseil constitutionnel !

184 D. Renouvellement ◊ Traditionnellement les conseillers généraux étaient élus pour six ans, chaque Conseil se
renouvelant par moitié tous les trois ans. La loi du 17 mai 2013 met fin à ce système ; désormais les conseillers
départementaux sont élus pour six ans, sont rééligibles et les Conseils se renouvellent intégralement.
En cas de décès le conseiller est remplacé par son suppléant qui achève le mandat de celui auquel il succède.
Si le fonctionnement du Conseil se révèle impossible, il peut être dissout par décret en Conseil des ministres, et le
Parlement en est informé. Dans ce cas il y a lieu à élection dans les deux mois. Il ne peut pas y avoir de dissolution des
Conseils départementaux par voie de mesure générale.

185 E. Statut des élus ◊ Les conseillers généraux bénéficient des garanties sociales que la loi du 6 février 1992 accorde à
l'ensemble des élus locaux (v. ss 158) : s'ils sont salariés, garanties de maintien de l'emploi ; pour tous, droit à une formation
en vue de l'exercice des fonctions. Ils reçoivent une indemnité de fonctions et sont remboursés de leurs frais de déplacement.
L'art. 11 de la loi du 11 octobre 2013 fait obligation aux conseillers départementaux de déposer une déclaration
de patrimoine.

§ 3. Fonctionnement

186 Le Conseil départemental se réunit au moins une fois par trimestre (on a supprimé l'ancien système des sessions) à l'initiative
de son Président. Il peut, en outre, se réunir à la demande, soit de la Commission permanente, soit d'un tiers de ses membres.
En cas de circonstances exceptionnelles le Gouvernement peut le convoquer par décret.
À l'instar des assemblées délibérantes des autres collectivités territoriales, le Conseil départemental ne peut siéger que si
la majorité absolue de ses membres sont présents.
Les séances sont publiques (le Président a la police de la séance) mais le Conseil peut décider suite à la demande de son
Président, ou de cinq de ses membres, de siéger à huis clos. Le représentant de l'État peut y être entendu avec l'accord du
Président ou sur demande du Premier ministre.
Le Conseil départemental élabore son règlement intérieur. Il constitue en son sein des commissions (finances, culture,
sport etc.) qui préparent les délibérations des assemblées plénières.
Après l'élection du Président (v. ss 193) le Conseil fixe le nombre des vice-présidents (de 4 à 15, dans la limite de 30 %
de l'effectif) et des autres élus qui constituent, avec le Président, la Commission permanente. Les membres de la Commission
permanente, autres que le Président, sont élus au scrutin de liste composée alternativement d'un candidat de chaque sexe, à la
représentation proportionnelle à la plus forte moyenne, sans panachage, ni vote préférentiel (CGCT, art. L. 3122-5). Il n'y a
pas lieu à scrutin si une seule candidature a été déposée pour chaque poste à pourvoir, c'est-à-dire en cas d'accord entre les
groupes politiques pour sa désignation. La Commission permanente qui se réunit, dans la pratique, chaque mois, est un
rouage important du Conseil général car elle reçoit de nombreuses délégations (CGCT, art. L. 3211-2) 261 – peut-être trop –
accordées par le Conseil. Le Président et les membres de la Commission permanente ayant reçu une délégation, constituent
le bureau, organe dépourvu de tout pouvoir et qui ne semble pas avoir d'existence réelle.
La loi du 14 février 2014 interdit le cumul d'un mandat de député ou de sénateur avec les fonctions de Président ou de
Vice-Présidents d'un Conseil départemental à compter du premier renouvellement du Conseil qui suivra le 31 mars 2017.
Les délibérations, prises à la majorité des suffrages exprimés, constituent soit des décisions possédant tous les caractères
juridiques de l'acte administratif unilatéral, soit des avis. Les textes imposant un avis du Conseil départemental sont très
nombreux et portent souvent sur des questions de peu d'importance. Il n'en va cependant pas toujours ainsi : par exemple le
Conseil est consulté sur le plan régional de développement et d'équipement, et sur son exécution.
Enfin le Conseil peut prendre des vœux, à son initiative, sur toutes les questions économiques, d'administration générale
ou même politiques, et adresser directement au ministre compétent des réclamations et observations au sujet des services
publics implantés dans le département.

§ 4. Attributions

187 Traditionnellement, le Conseil départemental bénéficiait d'une clause de compétence générale aux termes de laquelle il
« règle par ses délibérations les affaires du département ». Après bien des péripéties, l'art. 94-2° de la loi du 7 aôut 2015 (loi
NOTRe) a supprimé cette clause de compétence générale. Désormais, aux termes de l'art. L. 3211-1 CGCT : « Le conseil
départemental règle par ses délibérations les affaires du département dans les domaines de compétences que la loi lui
attribue » 262. Le département devient donc une collectivité territoriale spécialisée. Mais les lois des 7 janvier et 22 juillet
1983 ont élargi de manière importante les attributions du département. Il en a été de même avec la loi du 13 août 2004 263.

188 A. Création et organisation des services publics départementaux ◊ Dans les limites légales (principe de
laïcité, respect de la liberté du commerce et de l'industrie) le Conseil décide la création des services publics départementaux
et pourvoit à leur gestion. Il fixe le nombre des emplois départementaux qui ne cessent d'augmenter en raison de la
décentralisation et notamment des transferts de personnels de l'État car les services gérés par le département, jusqu'ici peu
nombreux, se développent avec celle-ci.
En ce qui concerne l'intervention dans le secteur économique, les règles sont celles qui ont été exposées à propos du
socialisme municipal (v. ss 166).
Le Conseil peut accorder des subventions aux activités d'intérêt général 264 ; elles ont, en pratique, une grande importance.
En ce qui concerne les subventions accordées à une autre collectivité territoriale le Conseil d'État a jugé que, sans
méconnaître le principe qu'il n'y a pas de tutelle d'une collectivité sur une autre, le département pouvait moduler ses
subventions selon le mode de gestion du service public en cause (CE, Ass., 12 déc. 2003, Département des Landes, AJDA
2004. 195, note F. Donnat et D. Casas).

189 B. Le vote du budget 265 ◊ Préparé par le Président du Conseil départemental et précédé d'un débat d'orientation
budgétaire, il obéit, de façon générale, aux règles qui s'appliquent au budget communal, v. ss 165 : distinction du budget
primitif et du budget supplémentaire, des sections de fonctionnement et d'investissement, des dépenses obligatoires et
facultatives. Les recettes sont identiques à celles des communes, posent les mêmes problèmes, et sont, pour l'essentiel, régies
par les mêmes textes. Ceci vaut pour les subventions, pour les impôts directs (la substitution aux centimes additionnels des
quatre taxes créées en 1959 s'applique aux départements comme aux communes), pour les emprunts, et pour les ressources
liées aux transferts de compétence (dotation globale de décentralisation). Cf. v. ss 165. Les départements ont été autorisés,
pour les années 2014 et 2015 à augmenter le plafond des droits de mutation à titre onéreux. Pour tenir compte des difficultés
financières de plus en plus grandes que connaissent les départements par suite des transferts de charges indues opérées à leur
détriment par l'État, la loi de finances rectificative pour 2015 a créé un Fonds de soutien exceptionnel en faveur des
départements connaissant une situation financière particulièrement dégradée, notamment du fait du poids de leurs dépenses
sociales ; il se monte à 50 millions d'euros 266. Comme pour les communes, la dotation globale de fonctionnement prend en
compte la plus ou moins grande richesse des départements pour transférer aux plus pauvres une part des sommes attribuées
aux plus aisés ou réputés tels. Le principe de la péréquation destinée à favoriser l'égalité financière entre collectivités
territoriales « riches » et « pauvres » a maintenant valeur constitutionnelle (Const., art. 72-2, 5e al.) 267.

190 C. Attributions en matière sociale et sanitaire ◊ En ce qui concerne l'action sociale, la compétence du
département devient prépondérante ; c'est un véritable « bloc de compétences » qui est ainsi constitué. Les dépenses d'action
sociale représentent, en moyenne, 60 % du budget de fonctionnement des départements
La loi du 1er décembre 1988 instituant le revenu minimum d'insertion (RMI) avait conféré au département un rôle
important en ce qui concerne sa mise en œuvre. À compter du 1er janvier 2004 c'est la responsabilité totale de cette prestation
qui a été transférée au département. L'augmentation du nombre des « Rmistes » a provoqué un surcroît de charges que le
gouvernement s'était engagé à compenser. Au 1er juin 2009 le Revenu de solidarité active (RSA) a remplacé le RMI. Celui-ci
représente pour le département une charge de plus en plus lourde : en 2014 plus de deux millions de foyers en bénéficient ce
qui représente une charge de près de onze milliards d'euros. Mais la catastrophe financière, pour les départements, provient
du fait que l'État qui devrait en supporter la charge totale, ne compense plus les dépenses à ce titre des départements qu'à
concurrence de 71,3 %. Au total, c'est plus de huit milliards d'euros cumulés que cette décentralisation aura coûté aux
départements. Les véhémentes protestations des départements 268 ont abouti à l'ouverture de discussions sur la
recentralisation du RSA (AJDA 2016. 409). En effet, le Premier ministre serait prêt, semble-t-il, à reprendre en charge, dans
le budget de l'État, le versement de cette prestation 269.
En second lieu, le département doit mettre en œuvre le revenu minimum d'activité (RMA) pour les bénéficiaires du RMI
depuis au moins une année. Il s'agit d'un contrat à durée déterminée (20 heures hebdomadaires sur 18 mois au maximum)
passé entre un employeur et le bénéficiaire du RMI.
D'autre part, et surtout, la loi no 2001-647 du 20 juillet 2001 a créé une allocation personnalisée d'autonomie (APA)
destinée à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées. L'application de ce texte constitue une très lourde
charge financière pour les départements qui ont la responsabilité de la gestion de l'allocation qui a nécessité des recrutements
de personnels et parce que le Fonds créé pour son financement n'accorde aux départements qu'une partie de la prise en
charge de l'APA. Il y avait plus d'un million de bénéficiaires au 31 décembre 2006 et, en 2003, la charge financière totale de
l'APA représentait déjà une dépense se situant entre 3,6 et 3,9 milliards d'euros 270.
Dans le même esprit, le département a désormais la responsabilité de l'animation du dispositif local d'insertion.
Enfin, le département sera de plus en plus l'échelon d'exercice des compétences décentralisées en ce qui concerne les
handicapés. Ainsi la loi no 2005-112 du 11 février 2005 « Pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la
citoyenneté des personnes handicapées » met à la charge des départements la prestation de compensation pour les personnes
handicapées ainsi que les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) qu'elle crée, véritables guichets
uniques au service de celles-ci.
Si l'on ajoute le rôle du département en ce qui concerne la santé : lutte contre certains fléaux sociaux ; les vaccinations ; la
protection maternelle et infantile etc., on voit l'ampleur de la tâche qui lui est dévolue en matière sociale et sanitaire.

191 D. Le Service départemental d'incendie et de secours (SDIS) 271 ◊ La loi du 3 mai 1996 a opéré la
départementalisation des services d'incendie et de secours, le service départemental étant appelé à fédérer l'ensemble des
corps de sapeurs-pompiers et à se substituer, sauf exceptions, aux services communaux et intercommunaux 272. Il s'agit d'un
service obligatoire pour le département, constitué sous la forme d'un établissement public (CGCT, art. L. 1424-1). La loi du
27 février 2002, relative à la démocratie de proximité, a considérablement renforcé le poids du département dans la gestion
du service mais aussi, et surtout, dans son financement 273.

192 E. Autres attributions ◊


– Le département a la charge de l'entretien des routes départementales. Cette charge s'est considérablement alourdie avec
le transfert aux départements de 20 000 km de routes nationales, sur la base de l'article 18 de la loi du 13 août 2004 274 ; on
peut redouter qu'il s'agisse là, une fois de plus, d'un transfert de charges financières sur les départements, sous couvert de
décentralisation. Le transfert de ces routes a entraîné, par voie de conséquence, le transfert d'une grande partie des personnels
des services déconcentrés du Ministère des Transports et de l'Équipement (DDE) aux départements 275.
– Depuis 1983 le département a la responsabilité de la construction et de l'entretien des collèges, ce qui constitue pour lui
une charge financière importante. La loi du 13 août 2004 a transféré au département les personnels techniques, ouvriers et de
service des collèges, le choix leur étant laissé de conserver leur statut de fonctionnaire de l'État ou d'opter pour celui de
fonctionnaire territorial 276 ;
Parmi les autres compétences du département figurent notamment :
– l'aménagement rural (équipement, remembrement, réorganisation foncière) ;
– les ports maritimes de commerce et de pêche ;
– les soins aux aliénés ;
– le tourisme (aménagement des itinéraires de randonnée) ;
– des compétences en matière culturelle (bibliothèques centrales de prêt ; centralisation des archives locales) ;
– la loi 2007-308 du 5 mars 2007, relative à la protection juridique des majeurs, fait également appel au département en
ce qui concerne la « mesure d'accompagnement social personnalisé » 277.
À l'instar du Conseil municipal, le Conseil départemental assure la gestion des biens et des intérêts du département.
À cette fin, il décide des contrats à passer, des actions à intenter ou à soutenir, des travaux à faire. Parmi ces biens, un certain
nombre d'immeubles, bien qu'affectés à des services d'État, sont placés dans le domaine du département, qui a ainsi la charge
de leur entretien. Par ailleurs (L. 13 août 2004, art. 97), le département, au même titre que les autres collectivités territoriales,
peut demander le transfert de monuments historiques de l'État. La loi de 2004 limitait cette possibilité aux monuments
figurant sur une liste établie par décret en Conseil d'État ; cette restriction a été supprimée par la loi de finances pour
2010 278.
Le Conseil départemental possède quelques attributions extra-départementales ; il intervient, exceptionnellement, dans
l'administration des communes (il statue, par exemple, sur le sectionnement électoral, v. ss 155). Le Conseil est appelé, par
les textes, à donner des avis sur des matières concernant l'administration d'État. Chaque année, il entend le rapport du préfet
sur l'activité des Services de l'État dans le département qui peut être suivi d'une discussion fructueuse.
Enfin, à titre individuel, les conseillers départementaux participent à l'élection des sénateurs, ce qui leur confère une
importance politique au plan national.

SECTION 2. LE PRÉSIDENT DU CONSEIL DEPARTEMENTAL 279


Le transfert de la qualité d'organe exécutif du département du préfet au président du Conseil départemental est sans doute
la réforme la plus spectaculaire apportée par la loi du 2 mars 1982. On étudiera successivement son élection (§ 1er) puis ses
attributions (§ 2).

§ 1. Élection

193 Le Conseil départemental élit son président lors de la réunion qui suit son renouvellement. La majorité absolue est exigée
aux deux premiers tours de scrutin ; au troisième, la majorité relative suffit. Au cas d'égalité de voix, est proclamé élu le
candidat le plus âgé. Les mêmes règles s'appliquent à l'élection des vice-présidents (v. ss 186).

§ 2. Attributions

194 Les attributions du président figurent aux articles L. 3221-1 s. CGCT.


Le président prépare et exécute les délibérations du Conseil général.
À ce dernier titre, le président exécute le budget, est l'ordonnateur des dépenses, le chef des services départementaux et de
leurs agents ; il passe les contrats, représente le département en justice. Chargé de la gestion du domaine du département, il
est habilité à exercer les pouvoirs de police inhérents à cette gestion, notamment en matière de circulation sur les
dépendances domaniales 280. Aux termes de l'art. L. 3121-22 CGCT après l'élection de la Commission permanente le Conseil
général peut déléguer à son président certaines attributions qu'il énumère.
Il peut déléguer certaines de ses fonctions à des vice-présidents (CGCT, art. L. 3221-3).
Le contrôle du conseil général sur son organe exécutif se manifeste :
– par l'obligation faite au président d'adresser à chaque conseiller, huit jours avant les réunions, un rapport sur les affaires
figurant à l'ordre du jour ;
– par la présentation, chaque année, d'un rapport sur la situation du département, de ses services et de ses finances. Le
rapport est suivi d'un débat.
Pour l'exercice de ses attributions, le président dispose de services qui se sont étoffés avec la décentralisation de 1982
(ceux des bureaux de la préfecture nécessaires à l'exercice des attributions du président ont été, à la suite d'une convention
entre lui et le préfet, placés sous son autorité exclusive : v. ss 126).
Les transferts de compétences ont entraîné de profondes restructurations de l'administration départementale, par exemple
pour l'équipement ou les affaires sociales (v. ss 192).
Les services, qui sont organisés en directions, sont placés sous l'autorité d'un directeur général des services. Au moins au
début de la décentralisation on a vu des préfets, ou d'autres membres du corps préfectoral, rejoindre les services
des départements.
Le président dispose d'un cabinet, composé d'un directeur, de conseillers techniques et de chargés de mission.

SECTION 3. LES DÉPARTEMENTS D'OUTRE-MER


Il existait traditionnellement quatre départements d'Outre-Mer : Guadeloupe, Guyane, Martinique, Réunion. Un
cinquième a été créé avec la L.O. 2009-969 du 3 août 2009 qui décide « qu'à compter de la première réunion suivant le
renouvellement de son assemblée délibérante en 2011 la collectivité territoriale de Mayotte est érigée en une collectivité
régie par l'art. 73 C., qui prend le nom de « Département de Mayotte » et exerce les compétences dévolues aux départements
d'outre-mer et aux régions d'outre-mer ». Mayotte est donc devenu le 101e département français le 31 mars 2011 jour de
l'installation de son assemblée unique 281.
On exposera ce que sont les grandes lignes de leur organisation administrative (§ 1), avant de voir les modifications
apportées par la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 (§ 2).

§ 1. Le système antérieur à la loi du 28 mars 2003 282

195 Les quatre « vieilles colonies » ont été départementalisées par la loi du 19 mars 1946. Alors que pendant assez longtemps les
DOM avaient présenté un très fort particularisme au regard de l'organisation des départements métropolitains, il faut
souligner que, dès lors, celui-ci a très largement disparu.
L'article 73 (initial) de la Constitution de 1958 déclarait : « Le régime législatif et l'organisation administrative des
départements d'Outre-Mer peuvent faire l'objet de mesures d'adaptation nécessitées par leur situation particulière ».
Ce texte est fort clair : il ne peut s'agir que de simples adaptations du régime de droit commun ; il n'y a place pour aucun
particularisme. C'est d'ailleurs bien ainsi qu'il a été interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 2 décembre
1982 (loi portant adaptation de la loi du 2 mars 1982, p. 70) : le législateur avait prévu de substituer, dans les DOM, au
Conseil général et au Conseil régional une assemblée unique élue à la représentation proportionnelle dans une
circonscription unique ; le Conseil constitutionnel déclare cette disposition contraire à la Constitution car elle va au-delà
d'une simple mesure d'adaptation puisque la nouvelle assemblée aurait été très différente des conseils généraux de métropole
(sur cette décision v. la chronique de L. Favoreu, RD publ. 1983. 377).
Sur le fond, il y a une extension des pouvoirs du préfet relatifs à la sécurité intérieure et extérieure, ainsi qu'à la
tarification de certains produits. Les Conseils généraux doivent donner leur avis sur tout projet de loi ou de règlement ayant
pour objet de procéder à l'adaptation de l'organisation administrative ou de la législation dans les DOM. Le Conseil général
peut, de son propre chef, saisir le Gouvernement de propositions d'adaptation ou demander des dispositions spéciales pour
les DOM.

§ 2. Les innovations de la loi du 28 mars 2003 283

196 La loi constitutionnelle du 28 mars 2003 fait une large place aux problèmes de l'Outre-Mer qui sont l'objet d'une
profonde rénovation.
Le 1er alinéa de l'article 72-3 de la Constitution commence par situer les populations d'Outre-Mer dans la République :
« La République reconnaît, au sein du peuple français, les populations d'Outre-Mer, dans un idéal commun de liberté,
d'égalité et de fraternité ».
Le second alinéa de cet article énumère, comme l'on dit maintenant, les « Outre-Mers » en ne reprenant pas la distinction
classique entre départements d'Outre-Mer (DOM) et Territoires d'Outre-Mer (TOM). Le nouveau clivage distingue, d'une
part les DOM et Régions d'Outre-Mer ensemble, et, d'autre part, les Collectivités d'Outre-Mer. La Nouvelle-Calédonie ne
constitue pas une collectivité territoriale au sens de l'art. 72 Const. ; (CE, Sect., 13 déc. 2006, M. Genelle, AJDA 2007. 363,
chron. Lenica et Boucher).
Les DOM (et ROM) sont régis par les dispositions de l'article 72-4 et 73 de la Constitution.
On distinguera en ce qui les concerne le problème du changement de statut (A), de la modification des structures (B) et du
régime juridique applicable (C).

197 A. Le changement de statut ◊ Aux termes de l'article 72-4, 1er alinéa de la Constitution, aucun changement de
régime vers l'un ou l'autre de ceux prévus par les articles 73 et 74 – c'est-à-dire le passage au régime des DOM-ROM ou au
régime des Collectivités d'Outre-Mer – ne peut se faire sans que le consentement des électeurs de la collectivité, ou de la
partie de collectivité intéressée, ait été préalablement recueilli. L'opération se déroule alors en trois temps : – proposition du
Gouvernement ; – consultation de la population ; – loi organique opérant le changement de statut. En application de ces
dispositions la loi organique no 2007-223 du 1er février 2007 a érigé en Collectivités d'Outre-Mer deux communes de la
Guadeloupe : Saint-Barthélemy et Saint-Martin 284. En revanche, par le référendum du 10 janvier 2010, la Martinique et la
Guyane ont refusé le statut de Collectivité d'outre-mer (v. ss 130). À l'inverse, on vient de le voir, Mayotte, par le référendum
du 29 mars 2009, a opté pour le statut de département et région d'outre-mer.

198 B. Modification des structures ◊ L'article 73, 7e alinéa de la Constitution concerne l'hypothèse où le législateur
voudrait créer une collectivité nouvelle se substituant au département et à la région, ou qui, sans fusionner ces deux
collectivités, créerait une assemblée délibérante unique pour celles-ci. Une telle réforme ne peut intervenir qu'avec le
consentement des électeurs.
On le sait, (v. ss 130) il a déjà été fait usage de cette possibilité. En effet, par décrets du 29 octobre 2003, le Président de
la République avait décidé de consulter les électeurs de la Martinique et de la Guadeloupe sur la création, dans chacun de ces
territoires, d'une collectivité territoriale unique se substituant à la région et au département. Dans chacun de ces deux cas, la
population a, par le référendum du 7 décembre 2003, rejeté la proposition qui lui était faite 285. Mais, par le référendum du
24 janvier 2010 la Martinique – modifiant donc sa position – et la Guyane ont voté pour la création d'une collectivité unique
se substituant au département et à la région 286. À la suite de cette consultation la Martinique et la Guyane ont été rayées de la
liste des départements d'Outre-Mer et leur statut, fort détaillé, est fixé par la loi no 2011-884 du 27 juillet 2011 287.
199 C. Le régime juridique 288 ◊ L'article 73, 1er alinéa, Const. réaffirme le principe traditionnel : « Dans les départements
et régions d'Outre-Mer, les lois et règlements sont applicables de plein droit. Ils peuvent faire l'objet d'adaptations tenant aux
caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités. »
L'adaptation pour tenir compte des « caractéristiques et des contraintes particulières de ces collectivités » peut être le fait
du législateur lui-même ou du pouvoir réglementaire.
Mais l'adaptation peut également être le fait des collectivités, dans les matières où s'exercent leurs compétences, si elles y
ont été habilitées par la loi. La demande doit en être faite par la collectivité concernée, l'habilitation n'étant pas possible
lorsque sont en cause les conditions essentielles d'exercice d'une liberté publique ou d'un droit constitutionnellement garanti.
L'article 73, 3e alinéa, contient une innovation beaucoup plus audacieuse. En effet, pour tenir compte de leurs spécificités,
et par dérogation à la disposition qui rend de plein droit applicables Outre-Mer les lois et règlements, les collectivités
peuvent être habilitées à fixer elles-mêmes les règles applicables relevant du domaine de la loi, pour leur territoire 289. Il ne
s'agit plus d'une simple adaptation ni même, comme en métropole, d'une expérimentation limitée dans le temps : il s'agit, bel
et bien, de faire la loi. Ce pouvoir, bien sûr, fait l'objet d'importantes restrictions. Tout d'abord, la Constitution énumère une
liste de matières exclues de cette faculté (droit civique, droit pénal, organisation de la justice…). D'autre part cette possibilité
est exclue lorsque sont en cause les conditions essentielles d'exercice d'une liberté publique ou d'un droit
constitutionnellement garanti.
À la demande d'un parlementaire réunionnais, rejetant ce qu'il appelle les « lois-pays », l'adaptation par les collectivités
elles-mêmes et la possibilité de prendre en certaines matières des dispositions législatives est exclue en ce qui concerne la
Réunion (art. 73, 5e al.). L'intention de l'auteur de cet amendement, qui a été voté, est de faire de la Réunion « un
département français comme n'importe quel département métropolitain ».
La loi organique no 2007-223 du 21 février 2007, portant dispositions statutaires relatives à l'Outre-Mer, est intervenue
pour l'application des dispositions de l'article 73 de la Constitution 290. Comme toute loi organique ce texte a été examiné par
le Conseil constitutionnel avant sa promulgation (Cons. const. no 2007-547 DC, 15 févr. 2007, p. 60) : celui-ci en a déclaré
deux dispositions contraires à la Constitution, mais, surtout, a énoncé de nombreuses réserves d'interprétation (v. ss 312) 291.
Les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution ont fait l'objet d'une nouvelle loi organique, celle du 27 juillet
2011 292, reconnue conforme à la Constitution à une réserve d'interprétation près 293. L'élection des conseillers à l'Assemblée
de Guyane et à celle de la Martinique est régie par le décret no 2012-105 du 27 janvier 2012 294.
La loi 2015-1268 du 14 octobre 2015 « d'actualisation du droit des outre-mer » (JO 15 oct. 2015, texte n° 2) est un vaste
« fourre-tout » sans aucune ambition 295.
CHAPITRE 4
LA RÉGION 296

Section 1. L'ÉVOLUTION DU SYSTÈME RÉGIONAL


§ 1. Les premières ébauches
§ 2. La réforme de 1964
§ 3. Le projet de réforme de 1969
§ 4. La réforme de 1972
§ 5. La loi du 2 mars 1982
§ 6. La loi du 16 janvier 2015
Section 2. LES ASSEMBLÉES RÉGIONALES
§ 1. Le Conseil régional
§ 2. Le Conseil économique, social et environnemental régional
Section 3. LE PRÉSIDENT DU CONSEIL RÉGIONAL
Section 4. LES RÉGIONS À STATUT PARTICULIER
§ 1. La Corse
§ 2. Les régions d'Outre-Mer
La région est la dernière née de nos collectivités territoriales puisqu'elle n'a reçu la qualification de « collectivité
territoriale » qu'en 1982 et qu'elle ne l'est devenue effectivement qu'en 1986, date de la première élection des conseils
régionaux au suffrage universel. Mais, ce qui frappe, c'est la rapidité avec laquelle les régions se sont imposées dans le
paysage administratif français.
On retracera l'évolution qui a conduit au système régional actuel (Section 1). La région, collectivité territoriale, comprend
deux assemblées : le conseil régional et le conseil économique, social et environnemental régional (Section 2), ainsi qu'un
exécutif, le président du Conseil régional (Section 3). Il y a également des régions à statut particulier (Section 4).

SECTION 1. L'ÉVOLUTION DU SYSTÈME RÉGIONAL

§ 1. Les premières ébauches

200 Si on laisse de côté le régionalisme de Vichy – qui rêvait d'un retour aux Provinces de l'Ancien Régime – les premières
réalisations régionales sont intervenues pour les nécessités de la conduite de l'économie ; plus précisément la région est née
des nécessités de la planification du développement économique et social et de l'aménagement du Territoire. Au moment de
la préparation du 3e Plan de développement, on s'est rendu compte que le département était un cadre trop exigu pour la
prospective économique. Le décret du 30 juin 1955 décida l'élaboration de « programmes d'action régionale » et pour cela un
arrêté du 28 novembre 1956 divisa la France en 22 régions de programme. L'élaboration de ces programmes souleva
d'ailleurs beaucoup de difficultés : en 1958, huit plans seulement étaient approuvés par le Gouvernement.
Le décret du 2 juin 1960 pose le principe de l'harmonisation des circonscriptions des services extérieurs de l'État sur le
découpage régional (v. ss 103) et le modifie en prévoyant 21 circonscriptions d'action régionale.

§ 2. La réforme de 1964

201 Au moment de la préparation du 5e Plan (1966-1970) on se rendit compte qu'il ne suffisait pas d'avoir découpé le territoire en
21 circonscriptions ; encore fallait-il que celles-ci disposent de structures appropriées à leur action.
On expérimenta donc une réforme régionale dans deux régions pilotes (v. ss 131), puis la réforme fut réalisée par un
important décret du 14 mars 1964. On crée un préfet de région, qui est nécessairement le préfet du département chef-lieu de
la région (v. ss 104) – afin de ne pas créer une administration supplémentaire – qui dispose d'un petit état-major : la mission
régionale. On crée également une assemblée consultative, la Commission de développement économique régional (CODER),
qui regroupe des politiques et des représentants des secteurs économiques et sociaux. La mission confiée au préfet de région
est définie par l'article 2 du décret du 14 mars 1964 : mettre en œuvre la politique du gouvernement concernant le
développement économique et l'aménagement du territoire. Mais la région n'a pas de budget propre.

§ 3. Le projet de réforme de 1969 297

202 À partir de 1964, le problème de la région n'avait pas cessé d'être posé dans le débat politique. Le 24 mars 1968 le Président
de la République déclarait, à Lyon : « L'évolution générale porte, en effet, notre pays vers un équilibre nouveau. L'effort
multiséculaire de centralisation, qui fut longtemps nécessaire pour réaliser et maintenir son unité malgré les divergences des
provinces qui lui étaient successivement rattachées, ne s'impose plus désormais. Au contraire, ce sont les activités régionales
qui apparaissent comme les ressorts de la puissance économique de demain ».
Dans cet esprit fut élaboré un projet de loi « relatif à la création de régions et à la rénovation du Sénat ». Il modifiait
l'article 72 de la Constitution pour faire de la région une collectivité territoriale ; on conservait le découpage régional (donc
les « petites » régions regroupant de 2 à 8 départements) ; une Assemblée unique comprenait les députés, des conseillers
territoriaux et des socio-professionnels. Mais le projet était surtout important en ce qui concerne les pouvoirs de
l'Assemblée : celle-ci recevait des pouvoirs de décision, elle votait le budget de la région alimenté par des ressources propres
et elle réglait « les affaires de la région ».
Le texte fut rejeté par le référendum du 27 avril 1969 non par hostilité envers la réforme régionale mais en raison de la
« rénovation » du Sénat.

§ 4. La réforme de 1972 298

203 On aurait pu craindre que l'échec du référendum de 1969 entraîne la mise à l'écart, pour longtemps, de la réforme régionale.
Ce n'est pas ce qui s'est produit mais le problème fut repris avec le régionalisme prudent et tempéré prôné par le Président
Pompidou, ce qui aboutit à la loi du 5 juillet 1972 299.
Juridiquement la région n'est toujours pas une collectivité territoriale mais un établissement public, l'Établissement public
régional, ayant donc la personnalité morale.
En ce qui concerne ses organes on conserve, bien sûr, le préfet de région, mais la CODER fait place à deux assemblées :
le Conseil régional et le Comité économique et social. Le Conseil régional est l'organe politique et a donc le pouvoir de
décision ; il comprend trois séries de membres : – les parlementaires de la région ; – les représentants des collectivités
locales, élus par les conseils généraux ; – les représentants des agglomérations. Le Comité économique et social, qui n'a
qu'un pouvoir d'avis, représente les organismes et activités à caractère économique, social, professionnel, éducatif,
scientifique, culturel et sportif de la région.
Les attributions de la région, qui s'exercent dans le respect des attributions des départements et des communes, restent
limitées au domaine économique et social et consistent en études, propositions et participations à des financements. En
revanche, et cela est important, le Conseil régional vote le budget de la région reposant sur des recettes fiscales propres
(plafonnées à un certain montant).

§ 5. La loi du 2 mars 1982


Une étape importante est franchie avec la loi du 2 mars 1982 qui fait de la région une collectivité territoriale et décide le
principe de l'élection des conseillers régionaux au suffrage universel, qui ne sera organisée que par la loi du 10 juillet 1985,
la première élection sur la base de ce texte ayant eu lieu le 16 mars 1986.

§ 6. La loi du 16 janvier 2015

204 La loi du 16 janvier 2015 a bouleversé la carte régionale de la France en réduisant le nombre des régions métropolitaines de
22 à 13, 6 de celles-ci conservant leur ancien périmètre, mais les 7 autres étant issues du regroupement de 16 anciennes
régions. Très malheureusement cette réforme si importante a été réalisée sans la moindre concertation, les régions n'ayant
même pas été consultées sur leur future étendue. Un recours formé devant le Conseil d'État avait invoqué, non sans raison,
sur cette question, l'exception d'inconventionnalité à l'encontre de la loi du 16 janvier 2015, comme contraire aux
dispositions de la Charte européenne de l'autonomie locale élaborée dans le cadre du Conseil de l'Europe et approuvée par la
France. En effet, l'article 5 de ce Traité dispose que « pour toute modification des limites territoriales locales, les collectivités
locales concernées doivent être consultées, éventuellement par voie de référendum là où la loi le permet ». Le Conseil d'État
a rejeté le recours en estimant que cette disposition ne régit que les relations entre États signataires et ne produit donc pas
d'effet direct à l'égard des particuliers (CE 27 oct. 2015, trois arrêts, AJDA 2015. 2005 et 2374, Chr. Dutheillet de Lamothe et
Odinet). Autrement dit c'est le permis pour la France de violer en toute impunité les engagements qu'elle a pris en signant la
Charte ! Le Conseil de l'Europe s'est ému de ce manquement.
À l'heure actuelle, la région continue à être régie par la loi du 5 juillet 1972 modifiée, notamment, par la loi du 2 mars
1982 et les lois de décentralisation qui l'ont suivie, ainsi que par la loi du 16 janvier 2015 et par la loi NOTRe du
7 août 2015.
Pour les sept régions regroupant d'anciennes régions, leur nom provisoire est constitué par la juxtaposition des noms des
régions regroupées. Leur chef-lieu provisoire a été fixé par décret et le chef-lieu définitif le sera par décret en Conseil d'État
après avis du Conseil régional et cela avant le 1er octobre 2016. Toutefois Strasbourg est désigné par la loi comme chef-lieu
de la région Alsace, Champagne-Ardenne et Lorraine. Avant le 1er juillet 2016 le conseil régional des régions constituées
par le regroupement de plusieurs anciennes régions doivent voter une résolution comportant : – l'avis relatif à la fixation du
nom définitif de la région ; – l'avis relatif à la fixation du chef-lieu définitif de la région ; – l'emplacement de l'hôtel de la
région ; – les règles de détermination des lieux de réunion du conseil régional et du conseil économique, social et
environnemental régional.

SECTION 2. LES ASSEMBLÉES RÉGIONALES


La région est la seule collectivité territoriale comportant deux assemblées : une assemblée délibérante, le Conseil régional
(§ 1), une assemblée consultative, le Conseil économique, social et environnemental régional (§ 2)

§ 1. Le Conseil régional
« Les régions sont administrées par un Conseil régional élu au suffrage universel direct » (CGCT, art. L. 4131-1). Les
conseillers régionaux sont élus pou 6 ans ; ils sont rééligibles et les Conseils régionaux se renouvellent intégralement.
L'élection a lieu en même temps que le renouvellement général des conseils départementaux (C. électoral, art. 336).
On examinera successivement : – le mode d'élection (A) ; – le fonctionnement (B) ; – les attributions (C) du
Conseil régional.

205 A. Mode d'élection ◊ On l'a vu (v. ss 180-181) la loi du 16 décembre 2010 avait prévu de faire siéger les conseillers
territoriaux au conseil régional.
Ce texte ayant été abrogé on en est revenu, pour l'élection du Conseil régional, au système de la loi du 11 avril 2003.
Depuis 1985 on a modifié à deux reprises le mode d'élection du Conseil régional sans, malheureusement, trouver un
système satisfaisant c'est-à-dire permettant de dégager des majorités « de gouvernement » au sein du conseil.
La loi du 10 juillet 1985 prévoyait que les conseillers régionaux étaient élus dans chaque département de la région – ce
qui n'était guère logique – au scrutin de liste à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne, les sièges étant
répartis entre toutes les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés.
Ce système s'était révélé assez catastrophique, notamment en 1988, car il empêchait trop souvent la constitution de
majorités cohérentes pour l'administration des régions, avec toutes les conséquences que cela comporte.
On avait donc remis l'ouvrage sur le métier en s'inspirant du système de la loi du 19 novembre 1982 utilisé pour les
municipales mais en l'édulcorant. Tel fut l'objet de la loi du 19 janvier 1999. L'élection avait lieu à l'échelle de la région et
non plus du département. Il s'agissait d'un scrutin de liste. Si, au premier tour, une liste obtenait la majorité absolue elle
recevait seulement le quart des sièges arrondi à l'entier supérieur. Les autres sièges étaient répartis à la proportionnelle entre
les listes ayant obtenu au moins 3 % des suffrages exprimés. Sinon il y avait un deuxième tour auquel pouvaient se présenter
les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages au 1er tour. Au 2e tour on utilisait le même système de répartition des
sièges qu'au premier tour au bénéfice de la liste arrivée en tête. Un tel système ne permettait guère d'atteindre l'objectif que
l'on se proposait.
Le mode de scrutin a donc été, à nouveau, modifié par la loi du 11 avril 2003 300, qui a soulevé de sérieuses polémiques
lors de sa discussion au Parlement. Il reste un scrutin de liste à deux tours.
Les listes continuent à être déposées au niveau régional mais elles comportent autant de « sections départementales » qu'il
y a de départements dans la région. L'article 5 de la loi du 16 janvier 2015 fixe l'effectif des différents conseils régionaux (de
209 pour l'Ile de France à 77 pour le Centre) ainsi que le nombre de candidats par section départementale. Chaque liste doit
respecter la stricte alternance des candidats de chaque sexe et comporter un nombre de candidats égal au nombre des
conseillers à élire dans le département augmenté de deux (afin de pourvoir aux éventuelles vacances de sièges en cours de
mandat). Quel que soit le département où il vote, l'électeur vote pour l'ensemble de la liste, c'est-à-dire que toutes les sections
départementales doivent figurer sur le bulletin de vote !
Si, au premier tour de scrutin, une liste obtient la majorité absolue des suffrages exprimés – ce qui est pratiquement une
hypothèse d'école – elle reçoit le quart des sièges (arrondi à l'entier supérieur), à pourvoir au conseil régional. Les sièges
restant étant répartis à la proportionnelle à la plus forte moyenne entre toutes les listes ayant obtenu au moins 5 % des
suffrages exprimés. Pour l'attribution du dernier siège, si plusieurs listes ont enregistré la même moyenne, il revient à celle
qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages.
Ayant déterminé le nombre de sièges revenant à chaque liste, il reste à les répartir entre les sections départementales. Ceci
se fait au prorata des voix obtenues par la liste dans chaque département. Si, par exemple, une liste a obtenu 20 sièges à
l'échelle de la région, en recueillant la moitié de ses voix dans un département, 30 % de celles-ci dans un second département
et 20 % dans un troisième département, la ventilation des sièges sera la suivante : 10 élus pour le premier département,
6 pour le second et 4 pour le troisième.
S'il n'y a pas de résultat au premier tour de scrutin, se pose le problème des conditions exigées pour pouvoir se présenter
au second tour. C'est sur cette question que la polémique avait fait rage. Après de multiples péripéties juridiques et la
décision du Conseil constitutionnel du 3 avril 2003 (no 2003-468 DC, Rec. 325) il a été décidé que peuvent se présenter au
second tour les listes ayant obtenu 10 % des suffrages exprimés au premier tour.
Dans cette décision du 3 avril 2003 le Conseil constitutionnel, se référant au principe d'intelligibilité de la loi avait
souligné « la complexité que revêt ce mode de scrutin, s'agissant en particulier de la répartition des sièges entre sections
départementales » et avait demandé au Gouvernement « de prévoir toutes dispositions utiles pour informer les électeurs et les
candidats (sic) sur les modalités du scrutin et sur le fait que c'est au niveau régional que doit être appréciée la représentativité
de chaque liste ». C'est ce que s'efforce de faire le décret 2004-30 du 9 janvier 2004.
Il reste à préciser qu'il doit y avoir au moins deux listes au second tour (art. 4, loi 11 avril 2003) et que les candidats des
listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés au premier tour, peuvent se reporter sur des listes du second tour.
À l'issue du second tour, les sièges sont attribués selon le système qui a été exposé à propos du 1er tour de scrutin ; la
prime du quart des élus allant à la liste qui a recueilli le plus de voix. Si, après cette répartition des sièges, un département
dont la population est inférieure à 100 000 habitants ne compte pas au moins deux conseillers régionaux, un ou deux sièges
de la liste arrivée en tête au niveau régional sont réattribués à la section départementale correspondante de cette liste. Il en va
de même pour les départements de plus de 100 000habitants s'ils ne comptent pas au moins quatre conseillers régionaux.
Les conditions d'éligibilité, les incompatibilités, sont analogues à celles qu'on a rencontrées pour le conseil départemental
(v. ss 181). Le contentieux de l'élection relève du Conseil d'État.

206 B. Fonctionnement ◊ Les règles sont calquées, pour l'essentiel, sur celles qui s'appliquent au conseil départemental
(v. ss 186). . Après l'élection de son Président (v. ss 209) le Conseil doit élire les Vice-présidents et la Commission
permanente. Ces élections sont régies par l'art. 3 de la loi du 1er février 2007 qui organise un système d'une grande
complexité et dont on ne décrira ici que les grandes lignes. Les membres de la Commission permanente sont élus selon un
scrutin de liste à la proportionnelle à la plus forte moyenne (sauf le cas où une seule liste a été déposée) ; mais les listes
doivent être composées alternativement d'un candidat de chaque sexe (et il a bien fallu prévoir l'hypothèse où un groupe ne
disposerait pas de candidats de chaque sexe en nombre suffisant !). Le Conseil fixe ensuite le nombre des Vice-présidents (de
4 à 15 dans la limite de 30 % de l'effectif) et ceux-ci sont élus selon un scrutin de liste à la majorité absolue aux deux
premiers tours de scrutin et à la majorité relative au troisième.
Le Conseil élabore son règlement intérieur et peut créer des commissions. Il se réunit, à l'initiative de son président, au
moins une fois par trimestre, et en outre, à la demande de la Commission permanente 301, d'un tiers de ses membres, ou du
gouvernement en cas de circonstances exceptionnelles. Tout membre d'un Conseil régional qui, sans excuse valable, a refusé
de remplir une des fonctions qui lui sont dévolues par les lois, est déclaré démissionnaire par le Conseil d'État.

207 C. Attributions 302 ◊ Traditionnellement le Conseil régional bénéficiait de la clause de compétence générale. : « Le
Conseil régional règle par ses délibérations les affaires de la région » Mais, comme pour le département, la loi NOTRe du
7 août 2015 l'a supprimée. Désormais « le conseil régional règle par ses délibérations les affaires de la région dans les
domaines de compétence que la loi lui attribue » (CGCT, art. L. 4433-1). Comme le département, la région est maintenant
une collectivité territoriale spécialisée à compétence d'attribution, même si celles-ci sont très importantes.
Au départ (v. ss 200) la vocation de la région concernait presque exclusivement l'économie et l'aménagement du territoire.
Son rôle en ces matières reste essentiel, mais il s'est très sensiblement élargi avec les lois du 2 mars 1982, 13 août 2014 et
surtout la loi NOTRe du 7 août 2015. Désormais le Conseil régional a compétence : « pour promouvoir le développement
économique, social, sanitaire, culturel et scientifique de la région, le soutien à l'accès au logement et à l'amélioration de
l'habitat, le soutien à la politique de la ville et à la rénovation urbaine et le soutien aux politiques d'éducation et
l'aménagement et l'égalité de ses territoires, ainsi que pour assurer la préservation de son identité et la promotion des langues
régionales, dans le respect de l'intégrité, de l'autonomie et des attributions des départements et des communes »(CGCT, art.
L. 4221-1, 2° al.).Tout simplement!
1o Dans le domaine économique et l'aménagement du territoire. Dans ces secteurs l'art. 2 de la loi NOTRe consacre la
région en tant que collectivité responsable de la définition des orientations en matière de développement économique et la
charge d'élaborer le « Schéma régional de développement économique, d'innovation et d'internationalisation » (SRDEII), qui
s'imposera aux autres collectivités sous l'angle de la compatibilité. Il définit les orientations en matière d'aide aux
entreprises 303, de soutien à l'internationalisation et d'aides à l'investissement immobilier ainsi qu'à l'innovation des
entreprises. Il organise la complémentarité des actions menées par la région en matière d'aides aux entreprises avec celles
menées par les autres collectivités territoriales ou leurs groupements.
Par ailleurs, la loi NOTRe procède à une clarification de la répartition des compétences en matière d'aide aux entreprises.
La capacité pour les collectivités territoriales et leurs groupements d'octroyer des aides aux entreprises est strictement
encadrée par ce texte. Les régions sont seules compétentes pour définir les aides et les régimes d'aide générale en faveur de
la création ou de l'extension d'activités économiques ou des entreprises en difficulté. Le bloc communal (communes, EPCI à
fiscalité propre et métropole de Lyon) est seul compétent pour définir les aides et leur régime à l'immobilier d'entreprises et
le département n'a que des compétences résiduelles. Mais il y a des possibilités de délégations de compétences entre la
région et soit le bloc communal, soit le départrement.
Pour l'aménagement du territoire l'art. 10 de la loi NOTRe prévoit l'élaboration, par la région, d'un « Schéma régional
d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires » (SRADDET). Il a vocation à se substituer aux
documents sectoriels régionaux tel, par exemple, que le schéma régional de cohérence écologique. Les modalités de son
élaboration sont définies par délibération du Conseil régional.
Il faut souligner l'importance de ce que l'on appelait depuis l'origine les contrats de plan « État-Régions », rebaptisés
« contrats de projet » 304. Il s'agit de documents négociés entre l'État et les collectivités territoriales de la région, celle-ci
jouant le rôle de chef de file. Le contrat fixe les objectifs à atteindre pendant la période qu'il couvre (les contrats actuels
concernent la période 2014-2020) mais aussi, et surtout, les engagements financiers de l'État et des collectivités pour leur
réalisation. Le Conseil d'État a reconnu à ces contrats le caractère de contrats administratifs (CE, Ass ; 8 janv. 1988,
Communauté urbaine de Strasbourg, RFDA 1988. 25) ; mais un tel contrat n'emporte par lui-même aucune conséquence
directe (CE 25 oct. 1996, Assoc. Estuaire-Écologie, RFDA 1997. 339, concl. Stahl et note Madiot).
2o Le vote du budget. Le budget de la région a la même structure que celui des communes et des départements (v. ss
165). Il est alimenté par un certain nombre de ressources propres. Un débat d'orientation budgétaire a lieu dans les dix
semaines précédant l'examen du budget. Le conseil régional établit son règlement budgétaire et financier. Le budget doit être
voté en équilibre réel.
3o Les transports. La loi NOTRe transfère à la région les compétences des départements en matière de transports non
urbains à compter du 1er janvier 2017. Pour les transports scolaires, le transfert des compétences des départements se fera à
compter du 1er septembre 2017. Il y a également la possibilité de transferts d'aérodromes de l'État et des
ports départementaux.
En ce qui concerne les transports ferroviaires régionaux 305, l'art. 67 de la loi du 4 février 1995 avait permis de tester, dans
six régions, le transfert des lignes ferroviaires à la région. La loi du 13 décembre 2002 a décidé sa généralisation à toutes les
régions. En dépit du bilan « mitigé » qu'en dresse la Cour des comptes (AJDA 2009. 2196) mon expérience m'a convaincu
que ce transfert s'est révélé particulièrement heureux et a sauvé du désastre les lignes ferroviaires régionales 306.
4° Divers. Le Conseil a également compétence pour :
– la construction et l'entretien des lycées et des établissements d'enseignement spécialisés ; la loi du 13 août 2004 (art. 82)
confie aux régions le recrutement et la gestion des personnels techniciens, ouvriers et de service dans les lycées 307 ;
– l'art. 6 de la loi du 27 janvier 2014 prévoit que le schéma régional de l'intermodalité coordonne à l'échelle régionale, en
l'absence d'une autorité organisatrice de transport unique, les politiques conduites en matière de mobilité par les collectivités
publiques ;
– l'apprentissage et la formation professionnelle ;
– certains équipements culturels (archives, bibliothèques, musées), ainsi que l'inventaire général du patrimoine culturel ;
– l'art. 8 de la loi NOTRe prévoit qu'est élaboré, à l'initiative et sous la responsabilité du Président du Conseil régional, un
« Plan régional de prévention et de gestion des déchets ». Il est établi en concertation avec les représentants des collectivités
territoriales et est soumis à enquête publique ;
– la création et la gestion de canaux et de ports fluviaux.
Comme le département (v. ss 192) la région peut être candidate au transfert de monuments classés ou inscrits appartenant
à l'État.

§ 2. Le Conseil économique, social et environnemental régional

208 Il se compose de représentants des organismes et activités de la région dans les domaines économique, social, professionnel,
familial, éducatif, scientifique, culturel et sportif. Les décrets du 11 octobre 1982, du 12 mai 1989 et du 4 septembre
1995 fixent la proportion respective de ces organismes, regroupés en trois catégories ; ils désignent eux-mêmes leurs
représentants, auxquels s'ajoutent 5 % de personnalités qualifiées, nommées par le préfet. Le mandat est de six ans,
renouvelable. Le Conseil élit son bureau, se réunit en séances publiques, et se divise, pour l'étude des questions qui lui sont
confiées, en sections, dont la liste est fixée par décret. Assemblée exclusivement consultative. « il a pour mission d'informer
le conseil régional sur les enjeux et conséquences économiques, sociaux et environnementaux des politiques régionales, de
participer aux consultations organiséesà l'échelle régionale, ainsi que de contribuer à des évaluations et à un suivi dees
politiques publiques régionales » (CGCT, art. L. 4134-1). L'art. L. 4241-1 CGCT donne la liste des questions qui, outre le
budget, doivent obligatoirement lui être soumises. 308.

SECTION 3. LE PRÉSIDENT DU CONSEIL RÉGIONAL


Depuis la loi du 2 mars 1982 le président du Conseil régional est substitué au préfet de région comme exécutif de la
région, collectivité territoriale.

209 A. Élection ◊ Le mode de scrutin pour la désignation du président du Conseil régional est le même que pour l'élection du
maire et du président du Conseil général (v. ss 172) : scrutin majoritaire à trois tours, la majorité relative suffisant au 3e tour
de scrutin. En cas d'égalité de voix c'est alors le plus âgé qui est élu 309.
Mais, compte tenu de l'absence de majorité cohérente au sein de certains conseils régionaux, la loi du 7 mars 1998 a
voulu faciliter la constitution d'une majorité autour du président. À cette fin « Nul ne peut être élu président, s'il n'a,
préalablement à chaque tour de scrutin, remis aux membres du Conseil régional, par l'intermédiaire du doyen d'âge, une
déclaration écrite présentant les grandes orientations politiques, économiques et sociales de son action pour la durée de son
mandat » (CGCT, art. L. 4133-1).
Les fonctions de Président du Conseil régional seront incompatibles avec le mandat de député ou de sénateur à compter
du premier renouvellement du Conseil suivant le 31 mars 2017. Le président est également astreint au dépôt d'une
déclaration de patrimoine.

210 B. Attributions ◊ Les attributions du Président du Conseil régional sont tout à fait similaires à celles du président du
Conseil départemental (v. ss 194). Après l'élection de la Commission permanente, le Conseil peut lui déléguer l'exercice de
certaines de ses attributions en vertu de l'article L. 4221-5 CGCT. Comme le président du Conseil départemental il est
chargé, à l'égard du Conseil, de la préparation et de l'exécution de ses délibérations. Dans cette tâche il est assisté par des
vice-présidents qui peuvent recevoir délégation. Les rapports du Président avec le Conseil sont régis par les mêmes règles
que celles applicables dans le cadre du département. Le président a autorité sur les personnels de la région. Le transfert sous
l'autorité du président des services de la préfecture nécessaires à l'exercice de ses attributions a été, comme pour le
département, réglé par convention.

SECTION 4. LES RÉGIONS À STATUT PARTICULIER


Si l'on excepte la région parisienne, qui sera étudiée au chapitre suivant, la Corse (§ 1) et les régions d'Outre-Mer (§ 2)
ont un statut particulier.

§ 1. La Corse 310

L'article 30 de la loi NOTRe crée, à compter du 1er janvier 2018, une collectivité à statut particulier au sens de l'art. 72 de
la Constitution, la « Collectivité de Corse » qui se substituera à la collectivité territoriale de Corse et aux départements de
Corse-du-Sud et de Haute-Corse. On étudiera donc, successivement, ces deux systèmes.

211 A. Le système Corse jusqu'au 1er janvier 2018 ◊ Si la Corse est divisée en deux départements relevant du
droit commun, en revanche peut-on parler encore d'une « région de Corse » 311 ? La loi du 13 mai 1991 substitue à cette
qualification celle de « collectivité territoriale de la Corse ». L'article 1er, allant plus loin, faisait du « peuple corse » une
« composante du peuple français ». Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 9 mai 1991 (Rec. 50), a jugé que cette
formule, mettant en cause l'unité du peuple français et l'indivisibilité de la République, était contraire à la Constitution. Elle a
donc disparu de la loi. Cependant, l'insularité de la Corse, sa spécificité, l'acuité des tensions politiques qui s'y manifestaient
depuis plusieurs années, avaient déjà conduit à la soustraire pour partie au droit commun régional, et à élaborer pour la
région de Corse une loi spécifique.
La loi du 13 mai 1991 s'engage davantage encore dans cette voie, qu'il s'agisse des organes ou des compétences. En ce qui
concerne ces dernières, la loi 2002-92 du 22 janvier 2002 apporte de profonds changements.
1o Les organes. Ce sont l'Assemblée de Corse, le Conseil exécutif, et le Conseil économique, social et culturel de Corse.
a) L'Assemblée est composée de 51 membres élus pour 6 ans, avec renouvellement intégral, la Corse constituant pour
l'élection une circonscription électorale unique. L'élection a lieu au scrutin de liste à deux tours, selon des règles différentes
de celles qui s'appliquent aux conseils régionaux. Elle tient chaque année deux sessions ordinaires de trois mois maximum.
Elle élit son Président et son bureau. Les fonctions de président, de membre du conseil exécutif et de président de
l'assemblée ne pourront pas se cumuler avec le mandat de député ou de sénateur à compter du premier renouvellement qui
suivra le 31 mars 2017. Le Président de l'assemblée, le président du conseil exécutif ainsi que les conseillers exécutifs sont
soumis à la déclaration de patrimoine.
b) Le Conseil exécutif. Il est élu, ainsi que son Président, par l'Assemblée. Si certains membres du Conseil le sont déjà de
l'Assemblée, ils doivent démissionner de celle-ci : les deux fonctions sont incompatibles.
c) Le Conseil économique, social et culturel. Organe consultatif, il est placé auprès de l'Assemblée et du Conseil exécutif.
Il comporte deux sections. Il élit son président et son bureau. Les fonctions de membres du Conseil sont incompatibles avec
l'appartenance à l'Assemblée et au Comité exécutif.
2o Les compétences 312. a) Elles ont été profondément modifiées par la loi du 22 janvier 2002 et le décret 2002-823 du
3 mai 2002 313. L'Assemblée « règle par ses délibérations les affaires de la Corse. Elle contrôle le Conseil exécutif.
L'Assemblée vote le budget, arrête le compte administratif, adopte le plan d'aménagement et de développement durable de la
Corse » (CGCT, art. L. 4422-15).
Le texte de loi voté par le Parlement prévoyait que le Parlement pouvait autoriser la collectivité territoriale de Corse à
procéder à des expérimentations comportant des dérogations aux règles (législatives) en vigueur. Dans sa décision du
17 janvier 2002 314, le Conseil constitutionnel a jugé que cette possibilité donnée à la Corse de prendre des mesures relevant
du domaine de la loi était contraire à la Constitution, ce qui est difficilement contestable. On l'a vu (v. ss 135) cela a entraîné
la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 qui, sous certaines conditions, autorise, à titre expérimental, à déroger à la loi.
En revanche l'Assemblée de Corse est consultée sur les projets et propositions de loi ou de décret comportant des
dispositions spécifiques à la Corse 315. Symétriquement, l'Assemblée peut, soit spontanément, soit à la demande du Conseil
Exécutif ou du Premier ministre, présenter des propositions tendant à modifier ou à adapter les lois ou règlements. En ce qui
concerne l'exercice du pouvoir réglementaire, dans le cadre des compétences qui lui sont dévolues par la loi, la collectivité
territoriale peut demander à être habilitée par le législateur, en ce qui concerne les décrets pris pour l'application des lois, à
fixer des règles adaptées aux spécificités de l'île sauf lorsqu'est en cause l'exercice d'une liberté individuelle ou d'un
droit fondamental.
En dehors de ces dispositions générales la loi donne à la collectivité de Corse d'importantes compétences en matière
culturelle, en ce qui concerne l'aménagement et le développement, notamment économique, les transports et
l'environnement. La loi du 6 décembre 2011 met en œuvre le Plan d'Aménagement et de développement durable de la
Corse 316. Enfin la loi comporte un important train de mesures fiscales et sociales et prévoit un programme exceptionnel
d'investissements d'une durée de 15 années.
b) Le Conseil exécutif. Son président exerce toutes les compétences propres aux organes exécutifs des Assemblées
(représentation en justice, préparation et exécution des délibérations, direction des services, ordonnancement des dépenses,
etc.). Il peut déléguer certaines de ses fonctions aux membres du conseil.
c) Le Conseil économique, social et culturel. Il est saisi par le Président du Conseil exécutif des principaux problèmes
relevant de ses compétences. Il peut émettre des avis sur tout ce qui relève de ces domaines.
3o Les rapports entre les organes. Chaque année, le Président doit présenter à l'Assemblée un rapport sur la situation de
la collectivité de Corse. Mais, surtout, l'une des principales originalités du statut de la Corse est le pouvoir reconnu à
l'Assemblée d'adopter, à l'égard de l'Exécutif, une motion de défiance l'obligeant à démissionner, selon les principes du
régime parlementaire.
4o Le représentant de l'État en Corse. Il dispose, tant à l'égard des services déconcentrés de l'État qu'en ce qui concerne
les contrôles juridictionnels et financiers qui s'exercent sur les organes de la collectivité, des mêmes pouvoirs, à quelques
nuances près, que les préfets de région (v. ss 104). Le décret no 2003-716 du 1er août 2003 transfère un certain nombre de
services de l'État à la collectivité territoriale de Corse ; il énumère également les services mis à sa disposition.

212 B. Le système applicable à compter du 1er janvier 2018 ◊ Aux termes de l'art. L. 4421-1 CGCT : « La
Corse constitue une collectivité territoriale de la République au sens de l'article 72 de la Constitution. Elle s'administre
librement dans les conditions fixées au présent titre ainsi que par les dispositions non contraires de la première partie, des
livres 1er à III de la présente partie et des lois n° 72-619 du 5 juillet 1972 portant création et organisation des régions et n
° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions ». En effet, l'art. 72 de
la Constitution, suite à la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, permet de réunir au sein d'une « collectivité à statut
particulier » une région et les départements qu'elle comprend (v. ss 130). Rappelons, cependant, que par le référendum du
6 juillet 2003, les corses avaient refusé la création d'une telle collectivité.
L'art. L. 4421-3 CGCT crée une « Conférence de coordination des collectivités territoriales » qui se substitue à celle de
l'art. L. 1111-9-1 CGCT. La Collectivité de Corse exerce de plein droit les compétences que les lois attribuent aux
départements (CGCT, art. L. 4424-42).

§ 2. Les régions d'Outre-Mer

213 Le particularisme des régions d'Outre-Mer provient, en partie, du fait qu'il s'agit de régions mono-départementales. Le
Gouvernement avait voulu en tirer les conséquences en faisant voter une loi substituant (à la Guadeloupe, en Guyane, à la
Martinique et à la Réunion) au Conseil général et au Conseil régional, une assemblée unique élue dans une circonscription
unique. Le Conseil constitutionnel avait estimé que ce texte était contraire à la Constitution (Cons. const. 2 déc. 1982,
Rec. 70) car dépassant le stade de la simple adaptation prévue par la Constitution. Ceci est possible désormais, sur la base de
loi constitutionnelle du 28 mars 2003, et, on l'a vu (v. ss 198) la Martinique et la Guyane ont adopté ce système. Le régime
des régions d'Outre-Mer a été fixé par la loi du 31 décembre 1982, modifiée notamment par la loi du 6 janvier 1986, les
attributions des régions d'Outre-Mer étant fixées par la loi du 2 août 1984.
En ce qui concerne leur organisation il n'y a qu'une seule particularité : il y a, auprès du Conseil régional, deux
assemblées consultatives : – le Comité économique et social ; – le Comité de la culture, de l'éducation et de l'environnement.
Les attributions des régions sont plus larges qu'en métropole. Ainsi, le schéma d'aménagement régional comporte des
dispositions relatives à la destination des sols. La région a en charge, notamment, la mise en valeur des ressources de la mer
et des ressources minières. Pour l'exercice de ses attributions, elle peut créer des agences, qui sont des établissements
publics. Ce qui est le plus remarquable c'est que la région peut intervenir dans les relations internationales. En effet, elle
peut être saisie, pour avis, de projets d'accords de coopération intéressant la zone géographique où elle se trouve.
En ce qui concerne l'application des lois dans la région, leur adaptation, ou la possibilité de fixer des règles législatives
propres à la région, la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 et la loi organique du 21 février 2007 fixent exactement les
mêmes règles que pour les DOM (v. ss 199).
CHAPITRE 5
LES COLLECTIVITÉS À STATUT PARTICULIER

Section 1. PARIS ET LA RÉGION D'ÎLE DE FRANCE


§ 1. L'évolution
§ 2. Les collectivités de la région parisienne
§ 3. Le régime de Paris
§ 4. L'administration régionale
Section 2. LES RÈGLES COMMUNES À PARIS, LYON ET MARSEILLE
§ 1. Les organes de l'arrondissement
§ 2. Les moyens de l'arrondissement
§ 3. Le régime électoral applicable à Paris, Lyon et Marseille

214 Vue d'ensemble ◊ On a déjà relevé l'uniformité traditionnelle de l'organisation administrative des collectivités
territoriales (v. ss 151). Mais il existe depuis longtemps des situations qui s'accommodent mal du régime de droit commun et
pour lesquelles des textes spécifiques sont nécessaires. À situation particulière, régime juridique particulier.
Cette dérogation au droit commun est restée fort limitée en ce qui concerne les régions et les départements. Pour les
premières, si l'on excepte le cas, à tous égards, fort particulier de la Corse, la diversification ne s'opère qu'en ce qui concerne
l'Outre-Mer. Il en va de même pour les départements.
Mais en ce qui concerne le régime municipal, les dérogations sont plus nombreuses et plus importantes.
Il y a surtout les problèmes de l'agglomération parisienne qui ont entraîné, dans leur sillage, les villes de Lyon et
de Marseille.
Jusqu'à 1982, seules la ville et la région de Paris faisaient l'objet, parmi les collectivités décentralisées, d'un statut
particulier. Celui-ci a été modifié par deux lois importantes du 31 décembre 1982 317.
L'ensemble de cette évolution s'est faite dans deux directions apparemment inverses. D'une part, le droit commun a fini
par remplacer, pour Paris, le régime dérogatoire qu'elle avait longtemps connu. De même c'est le droit commun des régions
qui s'est finalement appliqué à la région île de France. Mais, d'autre part, en sens inverse, le droit commun, dans les deux cas,
laisse place à des dérogations importantes. Initialement celles-ci ne devaient concerner que la seule ville de Paris et, plus
spécialement, les pouvoirs du maire de Paris. Pour apaiser les soupçons d'ordre politique qu'elles suscitaient – on est en 1982
et le maire de Paris est Jacques Chirac – elles ont été étendues, au moins en partie, à deux métropoles régionales, Lyon et
Marseille. Il y a donc à la fois, pour ces collectivités, confirmation de la tradition administrative qui privilégiait l'uniformité
du statut de chaque catégorie de collectivités et, à l'opposé, application de la tendance récente à différencier ce statut en
fonction des situations concrètes et des dimensions des collectivités.
Par ailleurs, et surtout, en dehors de leur régime municipal particulier les agglomérations de Paris, Lyon et Marseille
viennent de faire l'objet de très importantes réformes avec la création, par la loi du 27 janvier 2014, de la Métropole du
Grand Paris, de la Métropole de Lyon et de la Métropole d'Aix-Marseille-Provence. On les étudiera à propos de l'examen des
établissements publics permettant le regroupement de collectivités territoriales (Sous-Titre 2, Chapitre 2 de la
présente partie).
On étudiera ici, d'une part les règles qui restent propres à Paris et à sa région (Section 1), d'autre part les règles
communes à Paris, Lyon et Marseille (Section 2).

SECTION 1. PARIS ET LA RÉGION D'ÎLE DE FRANCE 318

§ 1. L'évolution

215 A. Le problème ◊ Il est double, politique d'une part, humain et économique d'autre part.
Le problème politique, seul perçu jusqu'à une époque récente, est né de l'histoire. Paris, capitale de la France, est le siège
des pouvoirs publics. Or, les révolutions, depuis 1789, ont toutes été, au départ, des révolutions parisiennes. Soucieux de
durer, les divers régimes avaient donc refusé de donner à Paris une organisation municipale puissante, qui eût pu se poser en
rivale des gouvernements, et surtout, d'abandonner à des autorités décentralisées le maintien de l'ordre dans la capitale ; par
là s'expliquaient les particularités du régime municipal de Paris, et du régime de l'ancien département de la Seine.
Le problème humain et économique est posé par l'agglomération parisienne. Elle forme un vaste ensemble de plus de dix
millions d'habitants. Les questions qu'elle pose appellent des solutions d'ensemble. Or, l'agglomération n'avait pas d'unité
administrative : elle relevait d'un grand nombre de communes, de plusieurs départements, ce qui interdisait toute unité de
vue ; unité d'autant plus indispensable que le développement de l'agglomération parisienne est un phénomène d'importance
nationale, et qu'il y a, dans sa croissance désordonnée, un risque grave pour l'équilibre du pays. Le tracé traditionnel des
circonscriptions de la région parisienne (départements et arrondissements) ne répondait d'ailleurs plus à la situation
démographique et économique, et aboutissait à la sous-administration de nombre de secteurs où se posent, pourtant, des
problèmes administratifs aigus.

216 B. Les solutions ◊ 1o Contre la crainte historique d'un pouvoir parisien susceptible de balancer le prestige des autorités
nationales, un mouvement d'opinion réclamait depuis longtemps, au nom de la logique démocratique, l'application à Paris du
droit municipal commun. C'est ce mouvement qui a inspiré, dans une large mesure, la loi du 31 décembre 1975, entrée en
vigueur lors des élections municipales de 1977, qui a donné un maire à Paris. La tradition antérieure et la spécificité de la
situation parisienne ont conduit cependant à maintenir au statut de Paris un certain particularisme, qui subsiste, bien
qu'atténué, dans la loi du 2 mars 1982.
2o L'évolution, en ce qui concerne la région parisienne est plus récente. Mais elle s'est faite, comme la précédente, dans le
sens d'un retour au droit commun. Le district de Paris, créé en 1959, devenu en 1961 District de la Région parisienne, était
un établissement public appelé à une tâche de coordination. En 1964, un nouveau découpage des départements entourant
Paris a eu pour but de remédier à la sous-administration de la banlieue. Un décret de 1966 a étendu la réforme régionale
réalisée en 1964 pour le reste de la France (v. ss 201) à la région parisienne, qui s'ajoutait ainsi aux 21 régions déjà créées ; le
District devenait, sous l'autorité du préfet de région, l'instrument d'étude et de réalisation de la politique régionale.
L'alignement sur le droit commun est plus net encore avec la loi du 6 mai 1976, jumelle de la loi du 31 décembre 1975
réformant le statut de Paris : la région d'Ile-de-France (RIF), sous ce nom nouveau, est un établissement public dont les
organes et les attributions sont voisins de ceux dont la loi de 1972 (v. ss 203) a doté les autres régions. La réforme a entraîné
la suppression du District. Enfin, la loi du 2 mars 1982 a étendu à l'Ile-de-France la quasi-totalité des réformes apportées au
statut des autres régions, réduisant ainsi à très peu de choses son particularisme.

§ 2. Les collectivités de la région parisienne

217 1o Elle comprenait initialement :


a) La ville de Paris, subdivisée depuis le XIXe siècle en 20 arrondissements (à ne pas confondre avec les arrondissements
départementaux, v. ss 113).
b) Le département de la Seine, qui englobait, avec Paris, les communes de la proche banlieue.
c) Le département de Seine-et-Oise et une partie de la Seine-et-Marne.
Ces deux départements, et les communes qui les composent, étaient en principe soumis au droit commun. Par contre,
Paris et la Seine obéissaient à un régime propre, qui se caractérisait par une centralisation accusée, et par une confusion
partielle de leur administration. Paris élisait un Conseil municipal dont les compétences étaient limitativement énumérées.
Son président, élu, n'avait ni le titre de maire, ni les compétences correspondantes. Son rôle se bornait à la présidence des
séances. Le Conseil général de la Seine, comprenant les conseillers municipaux de Paris plus les élus des secteurs
suburbains, exerçait sa compétence sur l'ensemble du département, Paris inclus. Les fonctions d'exécution étaient partagées,
en ce qui concerne tant les délibérations du Conseil général de la Seine que celles du Conseil municipal de Paris, entre deux
représentants de l'État, le préfet de la Seine investi, pour Paris, de l'ensemble des fonctions administratives dévolues ailleurs
au maire, sauf la police, et le préfet de police, celui-ci exerçant à Paris l'ensemble des pouvoirs de police des maires, et dans
les communes de la Seine, la police du maintien de l'ordre, les maires de ces communes conservant les autres attributions
de police.
2o La loi du 10 juillet 1964 :
a) Supprime les départements de la Seine et de la Seine-et-Oise.
b) Répartit leurs territoires entre six départements nouveaux (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne, Essonne,
Yvelines, Val-d'Oise), soumis au droit commun, tel qu'il a été décrit v. ss 178 s.
c) Fait de la ville de Paris, qui cesse d'être incluse dans un département, « une collectivité territoriale à statut
particulier », à la fois commune et département, cumulant des compétences communales et départementales, exercées par le
Conseil de Paris, qui succède au conseil municipal et au conseil général de la Seine, le Préfet de Paris (ancien préfet de la
Seine) et le Préfet de police.
3o La loi du 31 décembre 1975, modifiant cette dernière solution, instaure, sur le territoire parisien, deux collectivités
territoriales juridiquement distinctes, bien que gérées par la même assemblée élue : la commune de Paris et le département
de Paris.
4o Ce sont ces collectivités – Paris, et les six nouveaux départements auxquels s'ajoute la Seine-et-Marne que la réforme
de 1964 a laissé subsister – qui forment la région d'Ile-de-France.
Dans cet ensemble, seuls les régimes de Paris et celui de la région présentent, par rapport au droit commun,
certaines particularités.

§ 3. Le régime de Paris

218 La soumission au droit commun est le principe posé par la loi du 31 décembre 1975, tant pour la commune de Paris que pour
le département de Paris, régis respectivement par le CGCT et par la loi du 10 août 1871. Une première dérogation, liée à
l'identité territoriale des deux collectivités, concerne leur assemblée délibérante : elle est unique, le Conseil de Paris jouant le
double rôle d'un conseil municipal et d'un conseil général. Un second groupe de dérogations porte sur l'exécutif communal.
Enfin, l'administration de chacun des 20 arrondissements de Paris avait été assez largement modifiée.
1o Le Conseil de Paris. Son mode d'élection a été modifié par une loi du 31 décembre 1982, qui s'applique aussi aux
conseils municipaux de Lyon et de Marseille, v. ss 228. S'il peut, comme les autres conseils municipaux, être dissous par
décret motivé pris en Conseil des ministres, il ne peut par contre faire l'objet d'une mesure de suspension, comme les conseils
départementaux.. Il élabore ses règlements intérieurs, applicables l'un à son rôle de conseil municipal, l'autre à son rôle de
conseil général (L. 29 déc. 1986). Le droit commun s'applique au régime de ses réunions, et surtout à ses compétences,
encore que la distinction, dans le cas de Paris, entre les « affaires de la commune », celles du département et celles qui
revêtent une importance nationale et relèvent dès lors de l'État, pose des problèmes difficiles.
2o L'exécutif de Paris. a) L'institution d'un maire de Paris est la nouveauté essentielle de la loi de 1975. La crainte de
voir le maire de Paris acquérir un poids politique dangereux pour les autorités nationales avait longtemps arrêté la réforme.
Le maire est élu par le Conseil de Paris, selon le droit commun. Il est assisté de 18 adjoints, auxquels peuvent s'ajouter
9 adjoints supplémentaires. Aux attributions normales d'un maire, il ajoute la présidence du Conseil de Paris lorsque celui-ci
exerce ses compétences départementales, et depuis la loi du 22 juillet 1982, le rôle d'exécutif du département de Paris
lorsque le Conseil de Paris exerce les attributions d'un conseil départemental. Si l'essentiel des pouvoirs de police reste
confié, pour Paris, au préfet de police, la loi du 29 décembre 1986 a rendu au maire en ce domaine, certaines compétences
(salubrité, maintien de l'ordre dans les foires et marchés, conservation du domaine public de la ville) 319. Pour les questions
relevant de la compétence du préfet de police, celui-ci a accès au Conseil de Paris et peut y prendre la parole. Il exécute les
délibérations qui le concernent.
b) Le Préfet de Paris subsiste également, mais il perd ses attributions antérieures d'organe exécutif du Conseil de Paris,
que celui-ci statue en matière municipale ou départementale. Il est, en outre, préfet de région pour l'Ile-de-France.
3o Pour porter remède au gigantisme de Paris, qui rend théorique le contact entre la population et ses élus, la loi avait
instauré, dans les 20 arrondissements, un embryon de représentation. La loi du 31 décembre 1982, commune à Paris, Lyon et
Marseille, est allée beaucoup plus loin dans cette voie (v. ss 223).
4o La loi, et les nombreux décrets qu'a exigés sa mise en œuvre, règlent les difficiles problèmes posés par le passage de
l'ancien régime au nouveau, en ce qui concerne :
– les finances : les deux budgets de la commune et du département, auxquels s'ajoute un budget spécial pour la préfecture
de police, sont votés de façon distincte par le Conseil de Paris ;
– les immeubles : un décret détermine ceux qui iront au département, les autres restant à la commune ;
– les personnels : la nécessité de respecter les droits acquis a fait écarter, en ce qui les concerne, l'application du droit
commun des agents territoriaux. Ils sont répartis entre les deux collectivités.

§ 4. L'administration régionale

219 La région d'Ile-de-France (L. 6 mai 1976) présente la même dualité que les autres régions : circonscription pour
l'administration de l'État depuis le décret du 10 août 1966, avec à sa tête un préfet de région assisté d'un Comité de
l'administration régionale (v. ss 105), elle constituait aussi, depuis la loi du 6 mai 1976, un établissement public doté
d'organes et de compétences calqués sur ceux que la loi du 5 juillet 1972 avait institués pour le reste du pays (v. ss 203). Les
particularités de la région parisienne avaient imposé certaines dérogations au droit commun régional. Mais la loi du 2 mars
1982 a effacé les plus importantes.

220 1. Les organes de la région ◊ On y retrouve une assemblée délibérante, le conseil régional, une assemblée
consultative, le conseil économique et social, et un organe exécutif, le président du conseil régional qui succède dans cette
qualité au préfet de région.
a) Le Conseil régional. La loi du 16 janvier 2015 fixe à 209, avec répartition entre les 8 sections départementales, le
nombre des conseillers régionaux d'Île-de-France. Ceux-ci sont élus au suffrage universel selon le système de la loi du
11 avril 2003 (v. ss 205).
Les règles de fonctionnement applicables à l'ensemble des conseils régionaux ont été étendues à l'Ile-de-France.
Toutefois, le conseil ne peut élire comme président le maire de Paris.
b) Le Conseil économique, social et environnemental régional (L. 21 mai 1976) comprend 128 représentants des
organismes et activités économique, sociale, professionnelle, familiale, éducative, scientifique, culturelle et sportive de la
région. Leur dosage, leur mode de désignation, et les règles de fonctionnement du comité sont celles qui ont été analysées
v. ss 208.
c) Le Président du conseil régional est, depuis la loi du 2 mars 1982, l'organe exécutif de la région, selon les règles
applicables dans les autres régions, v. ss 209.

221 2. Les attributions de la région ◊ Celles que les lois de 1972 et de 1982 confèrent aux autres régions (v. ss 207)
restent, là encore, la base du régime. Mais elles sont quelque peu élargies.
a) Dans deux domaines d'une particulière importance en Ile-de-France – les espaces verts, la circulation et le transport des
voyageurs – la région « définit la politique régionale », ce qui implique un pouvoir de décision, et « assure sa mise en
œuvre », par l'intermédiaire, en ce qui concerne les espaces verts, d'un établissement public régional, l'Agence des espaces
verts de la région d'Ile-de-France (décr. 2 oct. 1976). Il faut rappeler que la loi du 27 janvier 2014 a mis en place le schéma
régional de l'intermodalité en ce qui concerne la coordination de l'ensemble des politiques publiques en matière de transport.
b) La région est chargée de coordonner les investissements d'intérêt régional réalisés par les établissements publics et les
sociétés d'économie mixte dont un décret du 22 novembre 1976 a dressé la liste.
c) En matière d'équipements collectifs, elle peut, à la différence des autres régions, passer outre à l'opposition des
collectivités locales intéressées, et les prendre elle-même en charge, sur autorisation donnée par décret en Conseil d'État. Elle
conserve alors la propriété des immeubles acquis en vue de ces investissements.

222 3. Les moyens d'action de la région ◊ Ses ressources comprennent, outre celles dont bénéficient les autres
régions (v. ss 207), celles que le district percevait antérieurement. Elle a été autorisée (décr. 3 oct. 1976) à pratiquer la
coopération interrégionale aux conditions analysées, v. ss 279.

SECTION 2. LES RÈGLES COMMUNES À PARIS, LYON ET MARSEILLE


La principale réforme envisagée initialement pour Paris par le législateur était la création dans chaque arrondissement
d'un conseil élu au suffrage universel, et d'un maire, dotés de pouvoirs susceptibles d'atténuer l'autorité du Conseil et du
Maire de Paris. L'extension de la réforme à Lyon et Marseille en a réduit la portée politique, et entraîné une diminution
importante des compétences envisagées pour les organes de l'arrondissement (L. no 82-1169 du 31 déc. 1982). Mais la
réforme a entraîné, pour les trois villes, une modification du régime des élections municipales, les électeurs étant appelés à
désigner par un seul et même vote les membres du conseil municipal et ceux des conseils d'arrondissement (L. no 82-1170 du
31 déc. 1982).
Les deux lois s'appliquent aux vingt arrondissements de Paris et aux neuf arrondissements de Lyon ; elles regroupent en
huit circonscriptions électorales les seize arrondissements de Marseille. Elles laissent en suspens la question de la nature
juridique de l'arrondissement, et de sa qualité de personne morale. Dans le silence des textes, il semble difficile de lui
reconnaître cette qualité.

§ 1. Les organes de l'arrondissement 320

223 1o Le conseil d'arrondissement ◊ Il est composé, d'une part, des conseillers municipaux élus dans l'arrondissement,
d'autre part d'un nombre double de conseillers d'arrondissement, tous élus au suffrage universel selon les règles indiquées
v. ss 228. Les règles qui régissent les conseils municipaux s'appliquent tant au fonctionnement du conseil d'arrondissement
qu'au statut de ses membres.
Toutefois, la transmission des délibérations au représentant de l'État pour vérification de leur légalité (v. ss 232) s'opère
par l'intermédiaire du maire de la commune, qui peut demander au conseil une seconde lecture, et, quelle que soit la décision
du représentant de l'État, saisir lui-même de la délibération qu'il pense illégale le tribunal administratif avec, le cas échéant,
une demande de suspension selon une procédure accélérée.
Les compétences du conseil d'arrondissement sont réduites 321. Elles s'exercent, pour l'essentiel, en liaison avec le conseil
municipal, soit que le conseil d'arrondissement le saisisse d'une question intéressant l'arrondissement, soit que l'initiative
vienne du conseil municipal, tenu de recueillir l'avis du conseil d'arrondissement avant toute délibération concernant les
affaires dont l'exécution est prévue dans l'arrondissement, notamment l'octroi de subventions aux associations et l'urbanisme.
Mais le pouvoir de décision reste au conseil municipal. La compétence du conseil d'arrondissement s'élargit s'agissant des
équipements sociaux, culturels et sportifs intéressant l'arrondissement. S'il ne peut les créer lui-même, la décision, sur ce
point encore, appartenant au conseil municipal, il en assure la gestion.

224 2o Un comité d'initiative et de consultation ◊ Il réunit, dans l'arrondissement, les représentants des associations
locales qui le demandent. Ils peuvent, sur les questions concernant leurs activités, participer aux débats du conseil avec
voix consultative.

225 3o Le maire d'arrondissement ◊ Il est élu par le conseil d'arrondissement parmi ceux de ses membres qui sont, en
même temps, conseillers municipaux. Il est assisté d'adjoints, également élus. Les règles relatives aux maires et adjoints
municipaux s'appliquent à leur statut. Les attributions du maire se limitent, outre la présidence du conseil d'arrondissement, à
l'état civil, au respect de l'obligation scolaire et aux listes électorales, c'est-à-dire à des matières dans lesquelles le maire de la
commune agit en qualité de représentant de l'État (v. ss 114). En outre, il donne des avis au maire de la commune, et reçoit
obligatoirement de celui-ci des informations sur diverses questions intéressant l'arrondissement.

§ 2. Les moyens de l'arrondissement

226 1o Les ressources ◊ L'arrondissement n'a ni ressources propres, ni budget. Un « état spécial d'arrondissement », annexé
au budget de la commune, récapitule chaque année les dépenses et les recettes de fonctionnement du conseil
d'arrondissement. Les recettes proviennent, d'une part, d'une dotation de gestion locale et d'une dotation d'animation locale
attribuée à chaque arrondissement par le conseil municipal, d'autre part des redevances provenant des équipements gérés par
le conseil d'arrondissement. Le calcul, par le conseil municipal, de la dotation, et sa répartition entre les arrondissements
prend en compte, d'une part, les charges réelles incombant à chacun d'eux, d'autre part, la composition socioprofessionnelle
de leur population. Sur la base de la dotation envisagée par le conseil municipal, le conseil d'arrondissement établit l'état
spécial d'arrondissement. Si celui-ci n'est pas en équilibre réel, il est renvoyé par le conseil municipal au conseil
d'arrondissement pour une seconde délibération. En cas de désaccord, le dernier mot reste au conseil municipal. Les états
spéciaux sont adoptés par lui ; ils deviennent exécutoires avec le budget communal. Les dépenses sont ordonnancées par le
maire d'arrondissement, avec pouvoir de substitution du maire de la commune. Quant aux dépenses d'investissement, elles
sont arrêtées par le conseil municipal seul, après avis d'une commission réunissant les maires de la commune et
des arrondissements.

227 2o Le personnel ◊ Il est composé d'agents communaux mis par le maire de la commune à la disposition de
l'arrondissement. La nomination du Secrétaire général d'arrondissement s'effectue sur proposition du maire d'arrondissement.
Celui-ci, d'autre part, peut demander la mise à sa disposition de services de la commune.

§ 3. Le régime électoral applicable à Paris, Lyon et Marseille


228 Les règles fixées pour les communes de plus de 1 000 habitants (v. ss 155) s'appliquent, mais avec les particularités
suivantes :
Les trois villes sont divisées en secteurs électoraux ; chacun correspond à un arrondissement (deux pour Marseille,
Décr. 6 mai 1988). La loi fixe le nombre de sièges au conseil municipal attribués à chaque secteur, soit au total 163 au
conseil de Paris 322, 73 à Lyon et 101 à Marseille.
Comme l'opération électorale concerne à la fois la désignation du conseil municipal et des conseils d'arrondissement,
chaque liste doit comprendre autant de candidats qu'il y a de sièges à pourvoir dans le secteur au titre des deux conseils.
Les candidats de chaque liste arrivés en tête sont élus au conseil municipal, selon les règles fixées par la loi du
19 novembre 1982, qui combine, on l'a vu, scrutin majoritaire et représentation proportionnelle. Selon les mêmes règles, les
sièges du conseil d'arrondissement sont répartis entre les candidats qui suivent, dans l'ordre de chaque liste, les
élus municipaux.
Le siège devenu vacant, en cours de mandat, au conseil municipal, est attribué au conseiller d'arrondissement qui venait,
sur la liste, après le conseiller municipal qu'il s'agit de remplacer. De même, s'il y a lieu de remplacer un conseiller
d'arrondissement, le candidat qui le suivait sur sa liste occupe le siège vacant. Lorsque l'épuisement des listes ne permet plus
ces remplacements automatiques, de telle sorte que le conseil d'arrondissement en vienne à perdre plus d'un tiers de ses
membres, il y a lieu, dans l'arrondissement, à un renouvellement intégral tant des élus de l'arrondissement au conseil
municipal que des conseillers d'arrondissement.
CHAPITRE 6
LE CONTRÔLE DE L'ÉTAT SUR LES COLLECTIVITÉS
TERRITORIALES 323

§ 1. Les contrôles administratifs


§ 2. Le contrôle financier

229 Vue d'ensemble ◊ La « suppression » de la tutelle par la loi du 2 mars 1982, qu'une loi du 22 juillet 1982 a modifiée et
complétée sur ce point, porte essentiellement (v. ss 119) sur le mot, qui disparaît du vocabulaire officiel, mais pas sur la
« chose ». En effet, le contrôle que la loi maintient sur les collectivités demeure, au sens juridique du terme, un contrôle de
tutelle, c'est-à-dire, par opposition au contrôle hiérarchique, un contrôle étroitement limité par les textes 324.
À ce contrôle, la loi apporte cependant, par rapport aux règles antérieures, des modifications essentielles :
– Le contrôle ne conditionne plus l'entrée en vigueur de l'acte pris par les autorités locales. Tous les contrôles a priori, les
autorisations expresses ou tacites, disparaissent. L'acte est exécutoire par lui-même. Le contrôle s'exerce uniformément a
posteriori.
– Le contrôle ne porte que sur la légalité de l'acte, à l'exclusion de tout contrôle d'opportunité.
– Si le représentant de l'État reçoit le pouvoir de mettre le contrôle en mouvement, c'est une autorité juridictionnelle –
tribunal administratif, ou, dans une mesure beaucoup plus limitée, Chambre régionale des comptes en matière financière –
qui l'exerce pour l'essentiel.
– Le contrôle, enfin, est unifié à un double titre. Alors que le droit antérieur soumettait à des règles différentes chaque
catégorie de collectivités, le même régime, à quelques détails près, s'applique désormais aux communes, aux départements,
aux régions, à leurs établissements publics, et aux divers organismes créés entre eux : communautés urbaines, syndicats
intercommunaux, interdépartementaux, ou mixtes, communautés d'agglomération ou de commune. D'autre part, l'unification
s'applique à toutes les catégories de décisions prises par les organes de chaque collectivité, assemblée délibérante et organe
exécutif, alors que, jusque-là, les délibérations, et les décisions du maire, relevaient de régimes différents.
L'ensemble de ces règles porte sur le contrôle des actes. Le contrôle sur les organes et les personnes, qui demeure
(dissolution des assemblées, suspension ou révocation), reste régi par des règles différentes selon les collectivités. La loi de
1982 les a seulement atténuées, en y ajoutant certaines garanties 325. Comme elles se rattachent directement au statut des
divers organes, elles ont été étudiées avec ce statut (cf. pour la commune, v. ss 157).
La loi du 13 août 2004 n'apporte que de simples retouches au système. On l'a regretté (F. Rolin : « La réforme du contrôle
de légalité : un projet qui manque d'ambition ? », AJDA 2003. 2006). On peut surtout y voir la preuve que le système actuel
n'appelle pas de « grandes réformes ». Le gouvernement s'attache à recentrer le contrôle sur quelques questions prioritaires
en abandonnant la fiction d'un contrôle exhaustif (v. AJDA 2005. 2265 et la circulaire du 17 janv. 2006 relative à « la
modernisation du contrôle de légalité » ainsi que la circulaire du 13 déc. 2010, AJDA 2011. 6) 326. On envisagera
successivement, selon le plan suivi par le législateur, les contrôles administratifs (§ 1) et les contrôles financiers (§ 2).

§ 1. Les contrôles administratifs

230 A. Champ d'application ◊ 1o La loi du 2 mars 1982 soumettait au contrôle, sans aucune réserve, les « délibérations,
arrêtés, actes » des diverses autorités locales, ainsi que les contrats qu'elles passent. Ces dispositions prévoyant la
transmission à l'autorité de tutelle de l'ensemble des actes des collectivités territoriales n'étaient guère judicieuses car
irréalistes. La loi du 22 juillet 1982 a donc modifié cette disposition dans un sens restrictif et l'art. 140 de la loi du 13 août
2004 a également retiré un certain nombre de décisions de la liste de celles soumises à l'obligation de transmission aux
termes de l'art. L. 2131-2 CGCT. Il en va de même de l'Ordonnance 2009-1401 du 17 novembre 2009 « portant
simplification du contrôle de légalité. » Selon le Rapport qui précède celle-ci, « afin de permettre un contrôle plus efficace
des actes reçus par le représentant de l'État la présente ordonnance tend à alléger la liste des actes obligatoirement transmis
en matière de voirie routière et de fonction publique territoriale ». La politique des pouvoirs publics a donc consisté, de
manière fort judicieuse, à fixer des priorités en ce qui concerne les contrôles exercés. Ainsi la circulaire du 25 janvier
2012 donne aux Préfets « une définition nationale des actes prioritaires » et, parmi ceux-ci, les actes dont le contrôle présente
« un enjeu majeur et nécessitent un contrôle particulièrement vigilant ». Sont désormais soumis au contrôle :
– les délibérations des assemblées, et les décisions des organes auxquels elles ont délégué une partie de leurs
compétences ;
– les décisions réglementaires et individuelles prises en matière de police par le maire ou le président du conseil
départemental (le président du conseil régional n'a pas de compétences en matière de police) ;
– les décisions réglementaires prises en toutes autres matières par les autorités locales ;
– les décisions concernant les garanties fondamentales de la fonction publique et les décisions relatives à l'entrée dans la
fonction publique territoriale ;
– les principaux contrats : marchés, emprunts, concession ou affermage des services industriels et commerciaux,
accompagnés de toutes les pièces du dossier nécessaires à un contrôle effectif.
Restent au contraire hors du champ d'application du contrôle :
– les décisions individuelles, à l'exception des décisions de police ;
– les contrats autres que ceux énumérés ci-dessus ;
– les « multiples actes d'administration quotidienne et notamment les échanges de correspondance entre les élus locaux et
les administrés », selon les termes de la circulaire commentant la loi du 22 juillet 1982.
Il faut donc distinguer, parmi les actes des autorités locales, ceux qui sont soumis aux règles qu'on va exposer, et ceux qui,
moins importants, échappent à ces règles, le contrôle de légalité ne s'exerçant à leur égard que selon le droit commun du
recours pour excès de pouvoir.
2o Restent également en dehors du champ des nouvelles règles de contrôle :
– les actes pris par le maire en tant qu'agent de l'État, qui relèvent, comme par le passé, du contrôle hiérarchique ;
– les actes régis par le droit privé ;
– les prises de participation de la commune et du département dans le capital de sociétés n'ayant pas pour objet la gestion
d'un service public ou une activité d'intérêt général, qui exigent une autorisation préalable du préfet.
3o Si les décisions prises en matière de police relèvent des règles générales de contrôle, la carence des autorités locales
dans ce domaine autorise, de la part du préfet, l'exercice d'un pouvoir de substitution après mise en demeure non suivie
d'effet (v. ss 381).

231 B. Organes de contrôle ◊ S'agissant d'un contrôle de légalité exercé a posteriori c'est, logiquement, le tribunal
administratif qui est compétent pour procéder à l'annulation des actes qu'il estime illégaux. Mais c'est le représentant de
l'État, chargé par la Constitution (art. 72) « du contrôle administratif et du respect des lois », qui saisit le tribunal. Le Conseil
constitutionnel a jugé que l'obligation ainsi faite au représentant de l'État de soumettre au contrôle juridictionnel les actes des
autorités locales au lieu de se prononcer lui-même sur leur légalité n'avait pas restreint de façon inconstitutionnelle la portée
de l'article 72 (Cons. const. 25 févr. 1982, AJDA 1982. 294). En pratique, la saisine est exercée pour les communes par le
sous-préfet ou le préfet, compétent aussi à l'égard des autorités du département, et pour les autorités régionales au préfet
de région.

232 C. Procédure ◊ 1o La transmission au représentant de l'État. Le caractère exécutoire de plein droit des actes des
autorités locales, affirmé par la loi du 2 mars 1982 (art. 2, 45, 69), reste subordonné à deux conditions. La première relève du
droit commun : la notification ou la publication de l'acte (v. ss 438). La seconde résulte de l'invalidation par le Conseil
constitutionnel, dans sa décision précitée du 25 février 1982, des dispositions qui ne permettaient pas au représentant de
l'État d'avoir connaissance des actes locaux, et partant, d'exercer sur eux le contrôle dont il est chargé par la Constitution,
avant leur entrée en vigueur. La circulaire du 5 mars 1982 (AJDA 1982. 293), tirant les conséquences de cette décision,
précisait donc que la transmission de l'acte au représentant de l'État en conditionne l'entrée en vigueur.
Mais la loi du 22 juillet 1982 limite la portée de cette règle : elle s'applique aux seuls actes soumis au contrôle, d'après
l'énumération limitative qui en est donnée (v. ss 230). Pour les autres, le droit commun s'applique : la notification ou la
publication suffit à rendre l'acte exécutoire, sans transmission au représentant de l'État.
La loi du 22 juillet 1982 a supprimé l'obligation, imposée par la loi du 2 mars 1982, d'effectuer la transmission dans les
quinze jours qui suivent l'acte. Aucun délai n'est plus imposé aux autorités locales pour cette transmission. Mais c'est
toujours elle qui conditionne l'entrée en vigueur de l'acte. Cependant, pour les décisions individuelles la transmission doit
intervenir dans les quinze jours à compter de la signature. La loi du 13 août 2004 a prévu que la transmission des actes peut
s'effectuer par voie électronique ; cette procédure est organisée par le décret no 2005-324 du 7 avril 2005.
2o L'appréciation du préfet. Lorsqu'il reçoit l'acte, le représentant de l'État en apprécie la légalité externe et interne, au
sens où elle est définie par la jurisprudence administrative. À la suite de cet examen, il a le choix entre trois solutions :
– S'il estime l'acte légal, il doit, lorsque l'autorité locale en cause lui en a fait la demande, informer celle-ci de sa décision
de ne pas saisir le tribunal administratif ; mais cette décision ne le lie pas, et il peut revenir sur elle au vu d'éléments
nouveaux. Le refus du Préfet de saisir la juridiction administrative ne peut pas faire l'objet d'un recours : CAA Bordeaux,
20 déc. 2011, Compagnie guadeloupéenne de service public, AJDA 2012. 80, note J. M. Vié.
– S'il croit y découvrir une illégalité, il défère l'acte au tribunal dans les deux mois qui suivent la transmission. Il doit
informer sans délai l'autorité qui a pris l'acte, en lui indiquant les illégalités qu'il y a décelées ; il lui est d'ailleurs
recommandé de l'alerter avant même le déféré, afin qu'elle puisse prévenir une annulation en corrigeant elle-même
l'illégalité. Le déféré peut concerner une décision implicite des autorités locales (CE, Sect., 28 févr. 1997, Cne du Port, JCP
1997, no 22897, note Dupont-Marillia) 327.
– S'il l'estime nécessaire, il peut assortir son recours d'une demande de suspension (v. par ex. : CE, Juge des référés,
9 juill. 2001, Préfet du Loiret, Rec. 337) ; il doit la formuler dans les dix jours lorsque la décision déférée concerne
l'urbanisme, les marchés ou les délégations de service public. L'exécution est alors suspendue pour une durée d'un mois.
Les administrés qui ont intérêt à l'annulation peuvent, selon le droit commun, former eux-mêmes contre l'acte qu'ils
estiment illégal un recours pour excès de pouvoir. Mais ils peuvent aussi demander au préfet de mettre en œuvre la procédure
précédente. S'il a déjà eu connaissance de l'acte et l'a estimé légal, il devra procéder à un nouvel examen au vu des arguments
fournis par l'administré. S'il s'agit d'un acte non soumis à l'obligation de transmission (v. ss 230), il lui appartient, s'il l'estime
illégal, de le déférer au tribunal administratif selon le droit commun du recours pour excès de pouvoir ; la règle vaut,
d'ailleurs, quelle que soit la voie par laquelle il a pu avoir connaissance de l'acte illégal non soumis à transmission.
3o Le jugement 328. a) Demande de suspension. Si le préfet a assorti son recours d'une demande de suspension, il est fait
droit à cette demande si l'un des moyens invoqués paraît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la
légalité de l'acte attaqué. À la différence des autres contentieux visant à la suspension des décisions de l'Administration
(v. ss 702) la condition d'urgence n'est pas exigée lorsqu'il s'agit d'un déféré préfectoral. Il est statué sur celui-ci dans un délai
d'un mois.
– Lorsque l'acte déféré au tribunal est de nature à compromettre l'exercice d'une liberté publique ou individuelle, la
procédure est accélérée : le Président du Tribunal statue seul, dans les 48 heures, sur l'octroi de la suspension.
b) Sur le fond, le tribunal, au vu des arguments présentés par le représentant de l'État, accueille ou rejette le recours. Dans
le premier cas, il annule l'acte, dans le second, celui-ci est définitivement validé, sauf appel éventuel.
c) L'appel. Contre le jugement qui rejette sa demande d'annulation, le représentant de l'État peut faire appel devant la
Cour administrative d'appel. La décision relative à la suspension d'un acte de nature à compromettre l'exercice d'une liberté
publique ou individuelle est susceptible, elle, d'appel devant le Conseil d'État dans la quinzaine de la notification. Le
Président de la Section du contentieux, ou le conseiller délégué, statue dans un délai de 48 heures. En matière de déféré seul
le ministre de l'Intérieur peut former le pourvoi en cassation : CE, Ass., 15 oct. 1999, Min. de l'Intérieur c/ Cne de Savigny-
le-Temple, RFDA 2001. 128, note Marceau et Verpeaux (cet arrêt, rendu sur conclusions contraires de M. Touvet, interprétant
l'article 3 de la loi du 2 mars 1982, distingue le recours gracieux – lettre d'observation à la collectivité – du
déféré préfectoral).
4o Le contrôle ainsi organisé, qui, malgré quelques particularités de procédure, apparaît comme une modalité du recours
pour excès de pouvoir 329, appelle plusieurs remarques :
– À la différence du recours pour excès de pouvoir, qui ne peut être formé que contre une décision unilatérale, le déféré
s'applique aussi aux contrats, et peut entraîner leur annulation si le juge y décèle une illégalité.
– Le recours pour excès de pouvoir fait normalement l'objet d'une procédure contradictoire. Ici, il n'est fait aucune
allusion à la possibilité pour l'autorité locale de défendre son acte devant le tribunal. Mais le tribunal est tenu de
communiquer à celle-ci le déféré du préfet en application du principe général du contradictoire.
– L'exclusion, affirmée par la loi, de tout contrôle d'opportunité se trouve sensiblement limitée du fait que la légalité, telle
qu'elle est définie par la jurisprudence, inclut, dans des domaines importants, une large part d'opportunité (v. ss 433).
– De même, la suppression de tout contrôle a priori trouve sa limite dans les facilités données au représentant de l'État
pour demander et obtenir la suspension, qui empêchera l'exécution avant que la légalité de l'acte ait été vérifiée.
– On peut s'interroger sur la conformité de la loi du 22 juillet 1982 à la décision du Conseil constitutionnel du 25 février
1982, puisque, désormais, le contrôle confié par la Constitution au représentant de l'État ne porte pas sur la totalité des
décisions des autorités locales. Seules des raisons pratiques justifient cette restriction.
– Par contre, on ne peut qu'approuver la recommandation adressée aux préfets de signaler aux autorités locales les
illégalités qui pourraient justifier une saisine du tribunal. Ce retour à un contrôle préventif, souhaité par les élus des petites et
moyennes communes, peu informés en général des exigences multiples et complexes de la légalité, permet au représentant
de l'État de reprendre auprès d'eux son rôle traditionnel de conseiller sans, pour autant, réduire leur liberté. C'est donc de
manière judicieuse que l'on a mis sur pied tout un système permettant le dialogue et la concertation entre l'autorité de tutelle
et les collectivités. Il vaut toujours mieux prévenir que guérir !
Pour la responsabilité encourue par l'autorité de contrôle, v. ss 511, 2e.
Le 22e Rapport du Gouvernement au Parlement sur « Le contrôle a posteriori exercé par le représentant de l'État sur les
actes des collectivités territoriales » permet de faire le point sur l'évolution de ce contrôle 330. Sur la période 2010-2012 le
nombre des actes transmis a été de 5 millions, alors qu'il était de 8 millions en 2004. Il reflète la politique de « priorisation »
puique si seulement 22,6 % des actes ont été contrôlés en 2012, en revanche ce taux est de 91,5 % pour les actes prioritaires.
Un certain nombre de préfectures reconnaissent limiter leur contrôle faute d'effectifs et de temps. Dans son Rapport 2016 la
Cour des comptes souhaite que l'État donne à ses services déconcentrés « la capacité d'exercer pleinement ces missions,
garantes du respect du principe d'égalité devant la loi » 331.

§ 2. Le contrôle financier
La suppression, au moins verbale, de la tutelle financière, qui, dans le texte de la loi, fait pendant à celle de la tutelle
administrative, laisse, plus encore que celle-ci, une large place au contrôle des finances locales. Ce contrôle porte
essentiellement sur le budget, aux stades de son élaboration et de son exécution. Il se caractérise par l'étendue du pouvoir de
substitution que conserve le représentant de l'État.

233 A. Les organes de contrôle ◊ Outre le préfet (communes, département) et le préfet de région pour les finances
régionales, ce sont :
1o La Chambre régionale des comptes 332. . Depuis la loi du 16 janvier 2015 il y a 13 chambres régionales
métropolitaines et 5 ultra-marines. Elles sont régies par la loi du 10 juillet 1982, le décret du 23 août 1995 et la loi du
21 décembre 2001. Ses membres (3 au minimum, dont le président) sont des magistrats, inamovibles comme tels. Un
concours particulier est prévu pour leur recrutement, mais des membres de la Cour des comptes peuvent être appelés à la
présidence des Chambres ou détachés auprès d'elles. Elles ont, d'une part, des attributions consultatives en matière de
contrôle budgétaire, d'autre part des attributions juridictionnelles : elles jugent les comptes des comptables des collectivités
publiques, avec appel possible devant la Cour des comptes.
2o Les comptables des collectivités. Ils sont nommés par le ministre du Budget, après information de l'autorité locale
concernée. Pour le département et la région, ils ne peuvent, contrairement à la solution antérieure, cumuler leurs fonctions
avec celles de comptables de l'État. Le cumul, par contre, reste possible pour les communes. Leur nomination par l'État est
une atteinte au principe de la décentralisation.

234 B. Le contrôle du budget 333


◊ 1o Élaboration. En tant qu'il constitue une délibération du conseil municipal,
départemental, ou régional, le budget est soumis aux règles de contrôle administratif analysées ci-dessus : exécutoire de plein
droit, comme toute délibération, transmis au représentant de l'État, il peut être déféré par celui-ci, pour illégalité, au tribunal
administratif. Mais en outre, il est soumis à des contrôles financiers, assortis d'un pouvoir de substitution 334, dans les cas
suivants :
– Si le budget n'est pas voté avant le 31 mars de l'exercice auquel il s'applique, le représentant de l'État saisit la Chambre
régionale des comptes ; au vu des propositions qu'elle lui transmet, dont il peut s'écarter en motivant sa décision, il règle lui-
même le budget et le rend exécutoire.
– Il en va de même si le budget n'est pas voté en équilibre réel, cette notion étant définie par la loi (sur la recevabilité du
recours d'un particulier lorsque le préfet n'a pas saisi la Chambre régionale : CE 16 mars 2001, Commune de Rennes-les-
Bains c/ Lacan, Rec. 129). La Chambre, saisie par le représentant de l'État, propose des mesures de redressement au Conseil
de la collectivité en cause ; s'il refuse de les adopter, le représentant de l'État se substitue à lui comme dans le cas précédent.
– Sont obligatoires pour les collectivités les dépenses nécessaires au paiement de leurs dettes et celles qui leur sont
imposées par une loi. Si une dépense obligatoire ne figure pas au budget, la Chambre régionale, saisie par le représentant de
l'État, par le comptable de la collectivité, ou par tout intéressé, adresse au Conseil une mise en demeure ; si elle reste sans
effet, le représentant de l'État procède d'office aux redressements nécessaires.
– Enfin, si l'arrêté des comptes de l'exercice précédent fait apparaître, par rapport aux prévisions budgétaires, un déficit
égal ou supérieur au pourcentage fixé par la loi (5 % ou 10 %, selon les collectivités), et si le budget de l'exercice suivant ne
comporte pas les mesures de redressement que la Chambre, saisie par le représentant de l'État, propose au Conseil de la
collectivité, il y a encore lieu à règlement par substitution.
On remarquera que, dans tous ces cas, la Chambre régionale, bien qu'elle soit un organe juridictionnel, n'émet que des
propositions, la décision appartenant au représentant de l'État. On ne peut donc pas, en matière financière, parler d'une
véritable juridictionnalisation du contrôle.
2o Exécution des dépenses. a) Le comptable de la collectivité doit exercer, sur les ordres de paiement qu'il reçoit de
l'organe exécutif de la collectivité, ordonnateur des dépenses, un contrôle de légalité, excluant toute appréciation de
l'opportunité. Mais, si l'ordonnateur passe outre à la décision de suspension que le comptable lui notifie lorsqu'il estime la
dépense illégale, et lui adresse un ordre de réquisition, celui-ci est tenu de régler la dépense, sauf exceptions limitativement
énumérées. La responsabilité de l'ordonnateur est, dans ce cas, substituée à celle du comptable.
b) Si l'organe exécutif de la collectivité ne procède pas au mandatement d'une dépense obligatoire, le représentant de
l'État, après mise en demeure, et sans intervention de la Chambre régionale des comptes, y procède d'office. Ces procédures
sont notamment utilisées lorsque la collectivité refuse d'exécuter une décision de justice rendue à son encontre (v. ss 714).
3o Plus largement, la Chambre régionale, à partir du contrôle juridictionnel qu'elle exerce sur les comptes des comptables,
et après avoir entendu les ordonnateurs locaux, peut « présenter aux collectivités locales des observations sur leur gestion ».
Elles utilisent assez largement cette faculté. Ces observations, et les réponses des autorités locales, prennent place dans le
rapport public annuel de la Cour des comptes. Les chambres ont tendance à resserrer leur contrôle, notamment sur les
entreprises locales d'économie mixte.
SOUS-TITRE 2
LES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS

CHAPITRE 1 LES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS SECTORIELS


CHAPITRE 2 LES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS TERRITORIAUX
On l'a vu (v. ss 68) traditionnellement les personnes publiques autres que l'État répondaient à un classement binaire : – les
collectivités territoriales ; – les établissements publics. Comme dans Molière (« Tout ce qui n'est point prose est vers ») tout
ce qui n'était pas collectivité territoriale était nécessairement établissement public. Mais on a vu apparaître des organismes de
droit public ne rentrant dans aucune de ces deux catégories. On les étudiera dans un troisième Sous-titre.
L'établissement public reste une catégorie importante des personnes publiques même si le contenu de celle-ci est devenu
de plus en plus imprécis. On peut recourir à ce procédé pour donner à un service une certaine autonomie de gestion : c'est ce
que l'on appelle, habituellement, la « décentralisation par services », mais qu'il paraît préférable de qualifier de
« décentralisation sectorielle » (Chapitre 1). Le procédé de l'établissement public est également utilisé pour organiser la
coopération entre collectivités territoriales : ce sont les établissements publics territoriaux (Chapitre 2).
CHAPITRE 1
LES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS SECTORIELS 335

Section 1. ÉVOLUTION
Section 2. L'ÉTABLISSEMENT PUBLIC CLASSIQUE
§ 1. Caractères généraux
§ 2. Régime juridique
§ 3. Modalités
Section 3. ÉTABLISSEMENT PUBLIC ET ENTREPRISE PUBLIQUE
§ 1. La notion d'entreprise publique
§ 2. Origines
§ 3. L'opération de nationalisation
§ 4. L'opération de privatisation
§ 5. L'économie des entreprises publiques
§ 6. Le régime juridique de l'entreprise
§ 7. La distinction des entreprises publiques, personnes publiques ou personnes privées

SECTION 1. ÉVOLUTION 336

235 A. La conception classique de l'établissement public ◊


1o Définition. La définition de l'établissement public, telle qu'elle s'est dégagée dans la seconde moitié du XIXe siècle,
après une longue période d'incertitude où l'expression désignait indifféremment des personnes publiques et des personnes
privées d'intérêt général, s'attache à trois éléments : l'établissement public est une personne morale ; c'est une personne de
droit public ; elle a pour objet la gestion d'un service public.
À côté des personnes publiques qui correspondent à une collectivité (régions, départements, communes) et qui donnent
son assise à la décentralisation territoriale, l'établissement public personne publique correspondant à une activité spécialisée,
est l'instrument de la « décentralisation sectorielle ». Lorsqu'il apparaît que la gestion d'un secteur de l'administration sera
mieux assurée s'il est individualisé et doté d'une certaine autonomie juridique, financière, et administrative, c'est le procédé
de l'établissement public qui est utilisé.
2o Applications. Dans la conception initiale, l'octroi de la personnalité à un service répond à deux motifs : lui permettre
de bénéficier de la générosité privée que suscite son but charitable ou culturel, en recueillant dons et legs (hospices et
hôpitaux, bureaux de bienfaisance devenus bureaux d'aide sociale) ; lui assurer à l'égard de la hiérarchie une certaine
autonomie, garante de la liberté intellectuelle qu'exige sa mission (établissements d'enseignement supérieur et secondaire).
Après 1919 apparaît la préoccupation d'assouplir, par la personnalisation, les méthodes administratives : les établissements
créés à ce moment prennent souvent le nom d'office, qui n'a d'ailleurs aucune signification juridique, pas plus que celui
d'agence, en vogue depuis quelques années.
3o Régime. Alors que les personnes publiques territoriales de même type, régions, départements et communes, sont toutes
soumises au même statut législatif, chaque établissement public, ou chaque catégorie d'établissements publics (les
universités, les bureaux d'aide sociale), voient leur régime juridique défini par un texte particulier. Néanmoins, les
différences qui les séparent ne sont pas telles qu'un corps de règles communes à tous les établissements publics quel que soit
leur objet n'ait pu se dégager. Ces règles ont été déduites par la jurisprudence, la doctrine, et la pratique administrative, des
deux éléments de la définition rappelés ci-dessus : la qualité de personne publique, la gestion d'un service public. Il en
résulte que le régime applicable est essentiellement un régime de droit public : en principe, l'établissement public est régi,
quant à son organisation et à son fonctionnement, par le droit administratif, et son contentieux relève du juge administratif.
La catégorie des établissements publics possède donc, au point de vue juridique, une homogénéité certaine.
4o Portée. À la période considérée, qui s'achève approximativement vers 1940, le droit ne connaît pas d'autres types de
personnes publiques que les personnes territoriales et les établissements publics : toute personne publique qui n'est ni l'État,
ni un département, ni une commune, relève donc nécessairement de la catégorie de l'établissement public.

236 B. La désagrégation de la conception classique ◊ Cette homogénéité de la notion d'établissement public n'a
pas résisté au développement et à la différenciation des activités des personnes publiques, notamment dans l'ordre
économique. Si l'octroi de la personnalité morale et de l'autonomie financière n'est pas absolument indispensable aux
services industriels et commerciaux (il existe des entreprises commerciales publiques constituées en régie), il facilite
singulièrement leur gestion. Or, conférer la personnalité morale à ces nouveaux services, c'était nécessairement en faire des
établissements publics, puisqu'on ne connaissait pas, à cette époque, d'autre type de personne publique non territoriale.
D'autre part, l'absence d'un statut général de l'établissement public permettait d'introduire, dans le régime des nouveaux
établissements, toutes les adaptations nécessaires à leur activité économique.
Ce mouvement s'est traduit par une évolution, qui a affecté les trois aspects de la notion d'établissement public dégagés
plus haut : d'abord le régime juridique de l'établissement public, qui s'est différencié au point de perdre toute homogénéité ;
puis, sa définition même qui s'est trouvée remise en question ; enfin sa portée, qu'a transformée l'apparition de nouveaux
types de personnes publiques distinctes de l'établissement public.

237 1o La différenciation du régime ◊ Les statuts des premiers établissements industriels et commerciaux, tout en
s'orientant vers la gestion économique, demeuraient, dans l'ensemble, compatibles avec les principes de droit administratif
applicables à tous les établissements publics. Mais au fur et à mesure que s'accroît l'importance des établissements publics
industriels, les nécessités de leur insertion dans une économie nationale régie par le droit privé conduisent le législateur à
rapprocher davantage encore leur régime de celui des entreprises privées similaires. Dans cette voie, l'étape décisive a été
franchie avec les nationalisations consécutives à la Libération (v. ss 252) : pour maintenir aux entreprises nationalisées le
dynamisme indispensable à leur objet, on a entendu les soustraire au maximum à la rigidité des méthodes administratives et
les faire vivre dans un climat de droit privé.
Dès lors, sous le nom, maintenu, d'établissement public le législateur a créé des personnes publiques dont le régime
juridique, totalement orienté vers l'activité commerciale, échappe presque entièrement aux règles attachées jusque-là à la
qualification d'établissement public, c'est-à-dire au droit administratif.

238 2° La désagrégation de la définition ◊ La définition classique se caractérisait par un élément positif –


l'établissement public gère un service public – et un élément négatif : c'est une personne morale non territoriale. Or,
l'évolution a progressivement miné ces deux éléments.
a) Établissement public et service public 337. Même à la période classique, la liaison entre les deux notions n'était pas
constante : la qualité d'établissement public avait été reconnue aux associations syndicales de propriétaires, groupements
créés par des particuliers en vue d'effectuer à frais communs, sur leurs propriétés, des travaux d'intérêt général (défense
contre l'inondation, assainissement, irrigation), dont l'exécution ne constitue évidemment pas un service public (T. confl.
9 déc. 1899, Association syndicale du Canal de Gignac, GAJA, no 7). De même, si les Chambres de commerce 338,
établissements publics réunissant les commerçants d'une même circonscription, peuvent éventuellement gérer des services
publics (écoles de commerce, aéroports), leur objet normal est l'étude et la défense des intérêts professionnels, qui ne font
pas l'objet d'un service public.
On a longtemps pu admettre qu'il ne s'agissait là que de simples exceptions. Mais elles sont allées en se multipliant. Le
législateur a qualifié d'établissements publics des entreprises économiques dont l'activité, identique à celle d'entreprises
privées, peut difficilement être considérée comme l'exécution d'un service public bien que la loi du 31 juillet 1963 relative au
droit de grève des agents publics (v. ss 402) ait cru pouvoir procéder à cette assimilation sur ce point particulier : ainsi de
l'Entreprise minière et chimique (décr. 20 sept. 1967), établissement public industriel et commercial né de la fusion des
Mines domaniales de potasse d'Alsace et de l'Office national industriel de l'azote, qui produit principalement des engrais
chimiques ; ainsi de l'exploitation des houillères, confiée, à la suite de leur nationalisation, à des organes de gestion, les
Houillères de bassin 339, et à un organe coordinateur, les Charbonnages de France, qualifiés d'établissements publics, sans
qu'il paraisse possible de voir, dans l'extraction du charbon, un élément de service public qui manquerait dans celle du fer.
Il existe donc, à l'heure actuelle des établissements publics qui ne gèrent pas un service public.
En sens inverse, la jurisprudence refuse la qualité d'établissement public à des personnes morales gérant un service public
sous un étroit contrôle de l'administration, bien que leur statut fasse apparaître des prérogatives et des sujétions dérogatoires
au droit commun (T. confl. 20 nov. 1961, Bourget, D. 1962. 389, note A. de Laubadère ; CE 4 avr. 1962, Chevassier,
D. 1962. 327). La dissociation entre service public et établissement public est donc acquise.
b) Établissement public et collectivités territoriales. Tant que des établissements publics (par exemple les ententes
interdépartementales) se sont contentés d'associer des collectivités publiques pour la gestion en commun d'un ou plusieurs
services publics, ils correspondaient encore à la définition classique de l'établissement public que leur donnait la loi.
Mais on a vu se multiplier les hypothèses (par exemple les communautés urbaines) dans lesquelles on recourt à
l'établissement public pour assurer la coopération entre collectivités territoriales. Ils correspondent, alors, à une communauté
humaine localisée, et ils ont, comme les collectivités territoriales, vocation à gérer des services très divers, contrairement à la
règle de spécialisation qui s'impose aux établissements publics traditionnels. On peut donc parler, désormais, d'une catégorie
nouvelle d'établissements publics : les établissements publics territoriaux 340, que l'on étudiera au chapitre suivant.
Au terme de cette évolution, il est devenu impossible de conserver la définition classique. Tout se passe comme si le
législateur, abandonnant cette définition, appliquait indifféremment la qualification d'établissement public à n'importe quelle
personne publique autre que les collectivités territoriales, faisant d'elle, en quelque sorte, le Maître Jacques de la catégorie
des personnes publiques : une qualification passe-partout, n'apportant guère de précisions sur la nature et le régime de la
personne à laquelle on l'applique.

239 3o La portée ◊ Par ailleurs, à plusieurs occasions, le législateur a renoncé, pour des raisons variables, à qualifier
d'établissement public les personnes créées par lui 341. Ce fut le cas, par exemple, des Comités d'organisation et des Ordres
professionnels créés par le régime de Vichy ; les textes leur conféraient la personnalité sans spécifier leur nature. Le Conseil
d'État (arrêts Monpeurt et Bouguen) (v. ss 73) a affirmé le caractère de service public de l'activité qu'ils exerçaient, mais a
refusé de voir en eux des établissements publics. Pour certains, il y aurait là des personnes publiques d'un type nouveau
(v. ss 73). De même, le législateur a également refusé la qualification d'établissement public à certaines entreprises créées par
lui et qu'on ne peut considérer comme personnes privées : c'était notamment le cas pour la Régie Renault avant que la loi du
4 juillet 1990 la transforme en société anonyme ou pour l'Agence France Presse 342. On voit donc apparaître de nouvelles
catégories de personnes publiques.

240 C. Les résultats de l'évolution ◊ 1o La qualification d'établissement public a perdu à peu près toute valeur
juridique : elle n'implique plus nécessairement, ni une activité de service public, ni une distinction fondamentale d'avec les
personnes territoriales ; elle ne fournit que peu de précisions sur le régime juridique de l'organisme. Tout ce qu'on peut en
déduire, c'est le caractère de personne publique de l'organisme considéré, d'où découle un contrôle exercé sur lui par une
autorité de tutelle et sa subordination à certaines règles de droit public. Mais le degré de cette subordination est
essentiellement variable : totale pour les établissements publics classiques, elle se réduit, pour certains établissements
commerciaux, à un minimum comparable à celui que l'on rencontre dans des entreprises privées d'intérêt général.
2o Il n'existe guère que deux règles importantes communes à tous les établissements publics. La première résulte de
l'article 34 de la Constitution, qui place dans la compétence du législateur « la création de catégories d'établissements
publics ». Une loi est donc nécessaire pour créer une telle catégorie ; il a été précisé :
– qu'un établissement public nouveau, sans équivalent, constituait, bien qu'unique, une catégorie, et ne pouvait être créé
que par la loi ; c'est ce qu'avait confirmé l'intervention du législateur pour la création de l'Office de la Radiodiffusion
Télévision Française (L. 27 juin 1964) 343 ;
– que la création inclut la détermination des règles essentielles appelées à régir la catégorie (Cons. const. 27 nov. 1959,
D. 1960. 518, note L. Hamon).
Le pouvoir exécutif peut donc seulement créer un nouvel établissement dans une catégorie déjà existante (par ex. : une
nouvelle Chambre de commerce).
La seconde règle commune est le principe de spécialité, en vertu duquel l'établissement public, à la différence de la
collectivité territoriale, voit son activité limitée au but précis qui a commandé sa création, c'est-à-dire, normalement, à la
gestion d'un service 344. Mais, s'agissant des établissements publics territoriaux, appelés à gérer des services variés, et des
établissements industriels et commerciaux qui, notamment par la prise de participations dans d'autres entreprises,
différencient leur action hors de leur domaine d'origine, le principe perd beaucoup de sa rigueur.
3o La désagrégation de la notion a conduit certains auteurs à distinguer, parmi les établissements publics, ceux qui
correspondent à un groupe humain préexistant (Chambres de commerce, d'agriculture, établissements territoriaux) et ceux
dont la fondation n'a d'autre but que de conférer la personnalité morale à un service. Les premiers rejoindraient les
collectivités locales dans la catégorie nouvelle des personnes publiques à caractère corporatif, les seconds constitueraient
celle des personnes publiques à caractère fondatif 345. Mais cette analyse, si elle rend compte de quelques-unes des solutions
du droit positif, lui demeure pour l'essentiel étrangère.
4o Le droit positif, en effet, reste dominé par la distinction, devenue traditionnelle, des établissements publics
administratifs, et des établissements publics à caractère industriel et commercial 346. Les premiers correspondent à des
services administratifs, ou même à des services dont le caractère économique n'est pas pleinement développé ; c'est à eux, et
à eux seulement, que s'appliquent désormais l'ensemble des règles naguère communes à tous les établissements publics. Ils
feront l'objet de la Section 2. Encore faut-il relever l'existence d'établissements publics qui, bien qu'administratifs, exercent
certaines activités se rattachant à l'exécution d'un service public industriel et commercial dans le cadre du droit privé (Office
national interprofessionnel des céréales, T. confl. 8 nov. 1982, AJDA 1983. 199), et d'autres, à l'inverse, qui, malgré leur
caractère industriel et commercial, se voient confier « des missions à caractère administratif » (Offices d'intervention en
matière agricole, L. 6 oct. 1982). Enfin, la relative unité de la catégorie des établissements publics administratifs doit
compter, depuis la loi d'orientation de l'enseignement supérieur du 12 novembre 1968, avec la catégorie des établissements
publics à caractère scientifique et culturel qui s'applique aux personnes morales prévues par la loi, universités et
éventuellement unités de formation et de recherche 347. La loi du 4 janvier 2002 a créé une nouvelle catégorie
d'établissements publics : ceux à caractère culturel 348. Pour les établissements publics à caractère scientifique et
technologique, créés par la loi du 15 juillet 1982, v. M.G. Calamarte-Doguet, AJDA 2002. 569. Enfin la loi no 2010-873 du
27 juillet 2010 « relative à l'action extérieure de l'État » 349 fixe le statut juridique des établissements publics contribuant à
l'action extérieure de la France.
5o Quant aux établissements publics industriels et commerciaux les plus avancés dans la soumission au droit privé, ils
relèvent désormais d'une catégorie juridique nouvelle, celle des entreprises publiques, qui regroupe avec eux les entreprises
industrielles auxquelles la qualification d'établissement public a été refusée, et les sociétés d'État. Quelles que soient les
différences de statuts qui séparent ces entreprises, il existe entre elles, du point de vue de leur régime juridique, assez de
traits communs pour qu'on puisse les englober sous une même dénomination. La section 3 sera consacrée à cette
catégorie nouvelle.

SECTION 2. L'ÉTABLISSEMENT PUBLIC CLASSIQUE

§ 1. Caractères généraux
Ils se déduisent de la définition donnée (v. ss 235).

241 A. L'établissement public est une personne morale ◊ Il en possède tous les attributs : la qualité de sujet de
droit, qui entraîne la constitution d'un patrimoine, l'autonomie financière, une certaine indépendance dans la gestion de
ses affaires.

242 B. C'est une personne morale de droit public ◊ Cette solution capitale ne s'est imposée que progressivement ;
dans la première moitié du XIXe siècle, la qualification d'établissement public était indifféremment donnée à des personnes
morales privées ayant bénéficié, en raison de leur caractère d'intérêt général, de la reconnaissance d'utilité publique et à des
personnes publiques ; progressivement, elle a été réservée aux secondes par la jurisprudence et la loi, les premières formant
la catégorie des établissements d'utilité publique. Les deux notions sont donc bien distinctes ; reste à les différencier dans la
réalité, c'est-à-dire, à dégager les caractères permettant de dire, en présence d'une personne morale déterminée, si on a affaire
à un établissement public, personne publique, donc soumise en principe au droit public et à la compétence administrative, ou
à un établissement d'utilité publique, personne qui reste privée malgré la reconnaissance d'utilité publique dont elle a pu
bénéficier, et relève dès lors du droit privé et du juge judiciaire.
1o Le problème est classique. Il ne se pose pas pour les personnes morales dont un texte a expressément défini la nature,
réserve faite des cas où le texte, remontant à une période antérieure à celle où la qualification d'établissement public a reçu
son sens précis, ne suffit évidemment pas à trancher la question ; il est nécessaire alors de préciser la vraie nature de
l'établissement. Il en va de même lorsque les textes n'ont pas qualifié la personne morale en cause : il appartient alors au juge
de procéder à cette qualification, en interprétant la volonté du législateur.
En pratique, la confusion est facilitée par le fait que l'initiative privée et l'action de l'administration s'exercent souvent de
façon parallèle, notamment en matière sociale : un dispensaire, un hospice, une caisse d'épargne, peuvent provenir aussi bien
de l'une que de l'autre ; à quels signes reconnaître, entre deux organismes poursuivant le même objet, lequel est établissement
public, lequel est établissement d'utilité publique ?
2o Aucun critère n'a paru, à lui seul, absolument déterminant :
– ni l'origine : en principe, l'établissement public est créé par une personne publique, l'établissement d'utilité publique
résulte de l'initiative privée. Mais un établissement public n'est parfois que le continuateur d'un établissement initialement
privé (ex. : Institut d'études politiques de Paris, succédant à l'École libre des Sciences politiques), et il arrive que l'autorité
publique confère, à une personne qu'elle crée, le statut d'établissement d'utilité publique (ex. : Fondation nationale des
sciences politiques) ;
– ni le degré de subordination de l'établissement à l'autorité publique, car ses interventions à l'égard des établissements
d'utilité publique les plus contrôlés rejoignent la tutelle qu'elle exerce sur les établissements publics les plus décentralisés ;
– ni la possibilité pour l'établissement de mettre en œuvre des prérogatives de puissance publique : normalement
attachées à l'établissement public, ces prérogatives, en effet, sont parfois conférées à des établissements d'utilité publique.
3o Mais la convergence, dans le statut d'un établissement, de plusieurs de ces éléments, dont aucun, isolé, n'est un critère
certain, permet de déterminer son appartenance à la catégorie des établissements publics ou à celle des établissements
d'utilité publique. C'est cette méthode fondée sur l'examen global du statut, que l'on qualifie souvent de technique des
« faisceaux de présomptions », qu'utilise la jurisprudence (CE 21 juin 1912, Pichot, Rec. 711 ; 20 juin 1919, Brincat,
Rec. 535 ; 27 févr. 1942, Mollet et autres, Rec. 64, à propos de la Cité Universitaire de Paris) ; elle laisse place à
beaucoup d'incertitudes.

243 C. C'est une personne morale assumant la gestion d'un service public ◊ 1o C'est ce trait qui distingue
l'établissement public des personnes publiques territoriales, dont le champ d'action s'étend à l'ensemble des affaires locales.
L'établissement public, au contraire, est une personne spécialisée : sa compétence se limite à l'exécution du service qui lui est
assigné ; le principe de la spécialité (v. ss 240) s'applique à lui de façon particulièrement stricte. Toutefois, ce caractère
s'atténue dans le cas des établissements publics territoriaux.
2o Cet élément de la définition, d'autre part, donne au procédé sa véritable signification : l'établissement public est un
procédé d'organisation des services publics. Alors que la décentralisation territoriale correspond à l'existence de collectivités
vivantes, la décentralisation sectorielle est une méthode administrative, que l'autorité publique utilise pour des raisons
techniques ; c'est pourquoi le procédé de l'élection par les intéressés des organes directeurs de la personne morale, essentiel
dans la décentralisation territoriale, n'intervient que de façon exceptionnelle en matière d'établissement public. C'est aussi la
raison pour laquelle la politique suivie en matière d'établissements publics est essentiellement variable : selon qu'un
gouvernement est sensible aux avantages du procédé – plus grande souplesse dans l'action administrative – ou à ses dangers
administratifs – dispersion, effritement de l'autorité centrale, « démembrement de l'administration » vivement dénoncé dès
1963 par la Cour des comptes – et surtout financiers – atteintes graves à l'unité budgétaire – il a tendance à multiplier ou à
supprimer les établissements publics. La tendance multiplicatrice paraît aujourd'hui l'emporter.
3o On a déjà indiqué que, même pour les établissements publics du type traditionnel, cet élément de la définition admet
des exceptions, en ce que certains d'entre eux ne correspondent pas à un service public, mais à des activités privées d'intérêt
général (Associations syndicales de propriétaires : CE 9 déc. 1899, Association syndicale du canal de Gignac, GAJA, no 7),
ou à des intérêts privés collectifs (Chambres de commerce, d'agriculture, des métiers). Leur régime n'en demeure pas moins
soumis aux règles communes à tous les établissements publics du type classique.
4o Une personne publique (la Banque de France) chargée par la loi de missions de service public qui sont pour l'essentiel
de nature administrative, n'a cependant pas le caractère d'établissement public « mais revêt une nature particulière et présente
des caractéristiques propres » – sic – : CE 22 mars 2000, Synd. nat. autonome du personnel de la Banque de France, p. 125
(v. ss 281).

§ 2. Régime juridique

244 A. Caractères généraux ◊ 1o Chaque établissement public s'il n'existe qu'à un seul exemplaire (Caisse des dépôts et
consignations) ou chaque catégorie d'établissements publics (les Chambres de commerce, les caisses de crédit municipal),
voit son régime défini par un texte qui lui est propre. Mais un corps de règles communes se dégage de cette multiplicité de
statuts 350.
2o L'établissement public classique est soumis au droit administratif et à la compétence du juge administratif, sauf pour
ceux de ses actes relevant de la gestion privée ; les exceptions n'apparaissent qu'avec les établissements industriels
et commerciaux.
3o Tous les établissements publics relèvent, en principe, d'une personne territoriale 351 : soit l'État, si leur activité recouvre
tout le territoire national (Office national interprofessionnel des céréales), ou, même limitée territorialement, présente un
intérêt pour toute la nation (Universités), soit la région, le département ou la commune (bureaux d'aide sociale). Les
établissements publics sont nationaux, régionaux, départementaux ou communaux ; ce rattachement détermine en partie
l'autorité de tutelle 352 ; mais celle-ci, en ce qui concerne les établissements locaux, échappe aux règles posées par la loi de
décentralisation et reste exercée par le préfet. La règle comportait une exception pour les Chambres de commerce, mais le
Conseil d'État a reconnu aux divers organismes de cette famille le caractère national (29 nov. 1991, Crépin, AJDA 1991. 919,
pour une Chambre d'agriculture).
245 B. Régime administratif ◊ 1o Création. Elle est soumise à la règle constitutionnelle étudiée, v. ss 240 et commune à
tous les établissements publics, qui réserve au législateur la détermination des règles concernant la création de catégories
d'établissements publics.
2o Organisation. Elle se caractérise par un certain degré d'autonomie. L'établissement public échappe en principe à la
subordination hiérarchique ; il est doté d'organes propres qui l'administrent avec pouvoir de décision, sous un contrôle de
tutelle 353.
Le plus souvent, ces organes sont une assemblée délibérante, et un agent exécutif. La composition de l'assemblée, qui
prend souvent le nom de conseil d'administration, varie considérablement : fonctionnaires, représentants des intérêts privés,
parfois du personnel ou des usagers, personnalités qualifiées par leur compétence, etc. Le mode de désignation varie aussi :
nomination par le pouvoir central, désignation par des organismes représentatifs, parfois élection dans les cas exceptionnels
où l'établissement a, à sa base, une communauté organisée (Chambres de commerce, Universités). Le statut de l'agent
exécutif est également très variable : souvent nommé (proviseurs des lycées), parfois désigné sur présentation par l'organe
délibérant, ce qui équivaut à une élection, parfois même élu (président de l'Université). Le décret no 2010-1035 du
1er septembre 2010 fixe la durée des mandats des dirigeants de certains établissements publics de l'État ainsi que les règles de
fonctionnement de leurs organes de direction 354.
La répartition des pouvoirs entre les deux organes varie, ainsi que le degré de la tutelle applicable à leurs actes ; mais, en
tout état de cause, celle-ci reste très stricte.
3o Fonctionnement. C'est le droit administratif qui s'applique. En règle générale, l'établissement public dispose de
prérogatives de puissance publique. Ses organes prennent des décisions exécutoires, passent des contrats administratifs (sauf
recours au contrat de droit privé) ; son personnel est composé d'agents publics, ses travaux sont effectués sous le régime des
travaux publics, sa responsabilité est engagée selon les règles du droit administratif.

246 C. Régime patrimonial et financier ◊ L'établissement public dispose d'un patrimoine propre, ce qui lui permet de
recueillir les dons et legs que peut appeler, de la part des particuliers, son objet charitable ou culturel – sauf s'ils sont grevés
d'une charge étrangère à sa spécialité –, de conserver les recettes provenant de son activité, de recevoir des subventions des
collectivités publiques.
Après un temps d'hésitation, le Conseil d'État a jugé que les établissements publics avaient un domaine public, c'est-à-dire
que certains de leurs biens sont soumis au régime exorbitant de la domanialité publique : CE 21 mars 1984, Mansuy, CJEG
1984. 274, concl. Dondoux ; RD publ. 1984. 1059, note Y. Gaudemet.
L'organe délibérant vote annuellement le budget ; celui-ci doit pourvoir à toutes les dépenses de l'établissement, au moyen
de ses ressources. En pratique, le degré d'autonomie réelle varie selon ces ressources ; il arrive souvent qu'elles soient
constituées en majeure partie par des subventions de l'État ; dans ce cas, l'autonomie financière n'est qu'une façade.
L'exécution du budget est soumise à toutes les règles de la comptabilité publique.

§ 3. Modalités

247 Établissements publics administratifs, scientifiques et culturels, industriels et


commerciaux ◊ 1o Le régime qu'on vient d'analyser s'applique intégralement aux établissements publics administratifs.
Cette catégorie comprend d'abord tous ceux qui correspondent à un service public sans caractère industriel ou commercial.
Ils sont fort variés : services sociaux (Assistance publique de Paris ; Pôle emploi selon l'arrêt CE 23 juill. 2014, Synd. SUD
travail-affaires sociales, RDP 2015. 556, chr. Pauliat), services intéressant la santé publique (hôpitaux), la protection de
l'environnement (Conservatoire de l'espace littoral, Agence nationale pour la récupération des déchets), services culturels
(Réunion des musées nationaux, Opéra National de Paris, Centre national de la cinématographie, Centre national d'art et de
culture Georges-Pompidou, etc.), services financiers (Caisse des dépôts et consignations, Caisses d'épargne), etc. Y figurent
également ceux qui correspondent à des intérêts privés collectifs (associations syndicales de propriétaires, Chambres de
commerce, d'agriculture, etc.).
2o Il faut mettre à part, au sein de la catégorie précédente, les établissements publics à caractère scientifique et culturel de
la loi du 12 novembre 1968 355 dont les plus importants sont les universités. Trois traits leur sont propres : tout d'abord, ils
élaborent eux-mêmes leurs statuts au lieu de les recevoir de la loi ou du règlement, qui n'en tracent que le cadre général ;
d'autre part, l'élection par les intéressés, enseignants, personnel administratif technique, ouvrier et de service et étudiants,
s'applique à la désignation de leurs conseils, qui élisent à leur tour leur président ; enfin les règles de tutelle sont
théoriquement allégées, notamment du point de vue financier. Pour les établissements publics à caractère culturel, ceux à
caractère scientifique et technologique, et ceux contribuant à l'action extérieure de la France v. ss 240.
3o Les établissements publics engagés dans les activités économiques, échappent davantage encore à ces règles 356. Selon
les exigences de leur mission, leur régime financier est soustrait aux principes de la comptabilité publique, le recours aux
procédés du droit privé leur est plus ou moins largement ouvert. Il en résulte une gamme de statuts extrêmement étendue,
selon la part respective plus ou moins large faite au régime de droit administratif et aux procédés de la gestion privée. Tel
était le cas du Bureau de recherches de pétrole, organe de coordination de la politique pétrolière française, qui, bien que
n'ayant pas le statut d'établissement industriel et commercial, avait pour mission essentielle de prendre des participations
dans les sociétés pétrolières, selon les procédés du droit commercial : il a été fusionné par un décret du 17 décembre 1965,
avec la Régie autonome des pétroles, dans le cadre de l'ERAP (entreprise de recherches et d'activités pétrolières), qui
constitue, elle, un établissement public industriel et commercial. Ces situations intermédiaires, dans lesquelles
l'établissement public demeure assez largement soumis au droit administratif, conduisent, par une série de transitions, aux
établissements publics dans le régime desquels la part du droit privé devient si importante que la qualification à eux donnée
par le législateur est à peu près vide de tout contenu juridique, et qui relèvent de la catégorie des entreprises publiques.
4o Encore ne peut-on se fier pleinement à la qualification retenue par le texte. Le Tribunal des conflits, en présence d'un
organisme auquel un décret avait conféré la qualité d'établissement public à caractère industriel et commercial, a écarté cette
qualification, et reconnu à l'établissement, au vu de sa mission et de ses modes d'action, un caractère purement administratif
(T. confl. 24 juin 1968, Sté Distilleries bretonnes c/ FORMA, AJDA 1969. 311). Mais il se considère comme lié par la
qualification si elle a été donnée par la loi.

SECTION 3. ÉTABLISSEMENT PUBLIC ET ENTREPRISE PUBLIQUE


L'un des éléments qui a donc le plus profondément perturbé la conception classique de l'établissement public a été
l'apparition des « entreprises publiques », car un certain nombre de celles-ci sont constituées sous la forme de l'établissement
public alors qu'elles sont soumises à un régime juridique particulier.
On étudiera le régime juridique de l'entreprise publique (car nombre de règles s'appliquent quelle que soit la forme
juridique que prend l'entreprise), avant de distinguer celles qui sont constituées sous la forme d'établissements publics
industriels et commerciaux – et constituent donc des personnes publiques – et celles qui revêtent la forme de sociétés
anonymes et ne constituent donc pas des personnes publiques.

§ 1. La notion d'entreprise publique 357

248 Bien que les contours de cette notion restent encore mal définis, elle englobe un ensemble de règles suffisamment important
pour qu'il soit nécessaire d'en donner une vue synthétique. Le législateur a tenté de la préciser ; plusieurs projets de statut
général des entreprises publiques ont été élaborés ; ils n'ont pas abouti 358. La loi du 26 juillet 1983 359 relative à la
démocratisation du secteur public a confirmé, à la fois, l'homogénéité de la notion, et son hétérogénéité : homogénéité, en ce
que les dispositions de la loi s'appliquent indifféremment à des entreprises ayant le statut d'établissement public industriel et
commercial, de société nationale, et de société d'économie mixte à participation majoritaire de l'État et d'autres personnes
publiques ; hétérogénéité, dans la mesure où toutes ces dispositions ne s'appliquent pas uniformément à l'ensemble des
entreprises concernées, ce qui conduit certains auteurs à distinguer des entreprises publiques de premier rang, soumises à
l'ensemble des règles légales, et des entreprises publiques de second rang qui n'en relèvent que pour partie.
Réserve faite de ces distinctions, il reste possible de circonscrire la matière : par entreprises publiques, on entend des
entreprises industrielles et commerciales qui échappent à l'appropriation exclusive par le capital privé, et relèvent, en
dernière analyse, de l'autorité de l'État.
On peut rapprocher cette définition de celle que donne le droit communautaire : « Toute entreprise sur laquelle les
pouvoirs publics peuvent exercer directement ou indirectement une influence dominante du fait de la propriété, de la
participation financière ou des règles qui la régissent. »
Les privatisations décidées par la loi du 2 juillet 1986 en application de l'idéologie néo-libérale de la majorité élue en
mars 1986, ont restitué au secteur privé un certain nombre d'entreprises publiques, réduisant ainsi le champ d'application de
la notion. Mais les privatisations prévues par cette loi, qui devaient s'échelonner jusqu'à 1991, ont été stoppées, d'abord pour
des raisons financières (le krach boursier d'octobre 1987), puis par le retour au pouvoir, en 1988, d'un gouvernement
socialiste : s'il n'est pas revenu sur les privatisations déjà effectuées, il a maintenu dans le secteur public les entreprises qui
figuraient sur la liste des entreprises à privatiser. Mais le retour au pouvoir d'une majorité de droite en 1993 a entraîné une
reprise des privatisations dont la loi du 19 juillet 1993 fixe les règles. Le gouvernement socialiste, constitué au mois de
juin 1997, a poursuivi une politique de privatisation, notamment sous la forme de l'ouverture du capital des entreprises
publiques au secteur privé (v. ss 253).
Les gouvernements qui ont suivi se sont également engagés dans une politique de cessions d'actifs publics (v. ss 253).

§ 2. Origines

249 Entreprises publiques et entreprises nationalisées 360 ◊ L'entreprise publique peut être créée directement par
l'État. Ce fut le cas pour l'Office national industriel de l'azote ou la Régie autonome des pétroles. Elle peut naître aussi de la
fusion de plusieurs entreprises publiques préexistantes : ainsi de l'ERAP (décr. 17 déc. 1965), et de l'Entreprise minière et
chimique (décr. 20 sept. 1967), dans le cadre de la tendance à la concentration commune à toute l'industrie. Mais en fait, les
entreprises publiques les plus importantes sont d'anciennes entreprises privées, dont une opération de nationalisation a
transformé le statut juridique. Cette origine a paru, pendant un certain temps, suffisamment caractéristique pour que les
entreprises nationalisées aient été considérées comme une catégorie distincte ; mais, au fur et à mesure qu'on s'est éloigné de
la période des nationalisations qui ont suivi la Libération, le particularisme des entreprises qui en sont issues s'est estompé :
les problèmes qu'elles posent sont identiques à ceux des entreprises publiques créées directement, et reçoivent les mêmes
solutions ; les nationalisations de la loi du 11 février 1982 n'ont pas modifié cette évolution, que la loi précitée sur la
démocratisation du secteur public confirme, dans la mesure où elle s'applique tant à des entreprises nationalisées qu'à des
entreprises créées directement par l'État. De même, le Haut Conseil du secteur public créé par la loi du 11 février 1982 est
chargé de « suivre l'évolution du secteur public » dans son ensemble, et de faire toutes propositions sur la gestion et ses
activités par un rapport bisannuel. Il est cependant nécessaire de préciser, d'une part les caractères de l'opération de
nationalisation, qui demeure le principal mode de création d'une entreprise publique, d'autre part ceux de l'opération inverse
de privatisation qui a restitué au secteur privé certaines entreprises publiques, et qui s'est déroulée, en application de la loi
précitée du 2 juillet 1986, jusqu'au mois d'octobre 1987, avant de reprendre après les élections de 1993, et de se poursuivre
dans le cadre, légèrement modifié par rapport à la loi de 1986, de la loi du 19 juillet 1993.

§ 3. L'opération de nationalisation 361


250 1o Définition ◊ La nationalisation a pour objet de transférer à la collectivité nationale la propriété d'une entreprise ou
d'un groupe d'entreprises privées, afin de les soustraire à la direction capitaliste, et d'organiser leur gestion selon les
exigences de l'intérêt général.
Cette définition met en relief :
– La nature de l'opération : c'est une forme d'expropriation, une dépossession de particuliers au profit de la collectivité.
– Son objet : alors que l'expropriation traditionnelle porte sur des immeubles, la nationalisation porte sur des entreprises,
c'est-à-dire sur des unités économiques de production, avec tous les biens et droits qui les composent et les charges et
obligations qui s'y rattachent.
– Son inspiration. Elle est double ; la nationalisation procède avant tout d'une hostilité à l'égard du capitalisme privé, et
de la volonté de donner, à la gestion, un autre mobile que la recherche du profit. Mais le choix du mot de nationalisation
témoigne d'un autre souci : la volonté d'éviter l'étatisation, en mettant sous ce terme l'application, à la conduite de
l'entreprise, des méthodes administratives traditionnelles. On a souvent cité la formule : « nationaliser n'est pas étatiser ». La
nationalisation exclut donc, a priori, la soumission de l'entreprise au droit administratif, et tend à la maintenir dans un cadre
de droit privé.

251 2o Modalités ◊ L'opération de nationalisation soulève de nombreux problèmes de fond et de technique juridique ; ils ont
reçu des solutions variables. Si le principe même de l'indemnisation des capitalistes dépossédés n'a été écarté que dans le cas
où la nationalisation était présentée comme la sanction d'agissements antinationaux durant la guerre de 1939/1945 (entreprise
Renault), les modalités de cette indemnisation ont varié. Quant à la technique du transfert de propriété, elle a pris deux
formes principales, selon que l'État entendait conserver la personne morale qui constituait le support juridique de l'entreprise
capitaliste ou confier les entreprises nationalisées à une personne morale nouvelle (Électricité, Gaz, Charbonnages), la
nationalisation pouvant s'accompagner alors d'une concentration et d'une réorganisation de la branche. Au premier cas, le
procédé utilisé a été le rachat par l'État des actions de la société : seul actionnaire, il devenait le maître de l'entreprise ; c'est
la solution qui a prévalu pour les nationalisations de 1982. Dans le second cas, le transfert de propriété a porté, non sur les
actions, mais directement sur les biens, droits et obligations ; les entreprises dépossédées ont été liquidées ; les
établissements créés pour leur succéder ont été mis en possession de leur actif et ont assumé la charge de leurs obligations,
sous certaines réserves.

252 3o Applications ◊ Trois séries de nationalisations se sont succédé.


Celles qu'a effectuées, en 1936, le gouvernement de Front Populaire, ne répondent qu'imparfaitement à la définition
précédente : on a estimé, à cette époque, que le maintien d'une fraction de capital privé dans l'entreprise était acceptable, dès
lors que l'État, majoritaire, devenait le maître de la gestion. Aussi les nationalisations effectuées alors (grandes compagnies
de chemin de fer, constructions aéronautiques) ont-elles abouti à la constitution, non d'entreprises publiques proprement
dites, mais d'entreprises d'économie mixte (SNCF, Sociétés nationales de constructions aéronautiques) (v. ss 299). Il est vrai
que la réduction progressive du capital privé dans ces sociétés en a fait de véritables entreprises publiques.
Des nationalisations plus importantes ont été effectuées au lendemain de la Libération ; elles ont porté sur la Banque de
France et les principales banques de dépôt, un nombre important de compagnies d'assurances, la production, le transport et la
distribution de l'électricité et du gaz (L. 8 avr. 1946), les Charbonnages (L. 17 mai 1946), la Compagnie Air-France,
l'entreprise Renault, la Société Gnome et Rhône (devenue Société nationale d'étude et de construction de moteurs d'avions).
Enfin, à la suite des élections de 1981, et conformément au programme de la majorité socialiste, la loi du 2 février 1982 a
procédé à une large extension du secteur public en nationalisant cinq grands groupes industriels (Compagnie générale
d'électricité, Saint-Gobain, Péchiney-Ugine-Kuhlmann, Rhône Poulenc, Thomson Brandt), toutes les banques françaises
dont les dépôts dépassaient un milliard de francs, et deux compagnies financières (Paribas et Suez).
Le principe de la nationalisation, inscrit à titre permanent dans le préambule de la Constitution de 1946, en termes
d'ailleurs imprécis, se trouve confirmé par l'article 34 de la Constitution de 1958, qui place « les nationalisations
d'entreprises » parmi les matières législatives. Le Conseil constitutionnel, dans la première des deux importantes décisions
qu'il a rendues sur la loi de nationalisation de 1982, a précisé les limites qu'assignent à cette compétence du législateur les
principes à valeur constitutionnelle de la Déclaration de 1789 : les nationalisations ne sauraient restreindre au-delà des
exigences de la nécessité publique, que le Parlement apprécie discrétionnairement sous réserve de l'erreur manifeste, le
champ de la propriété privée et de la liberté d'entreprendre (Cons. const. 16 janv. 1982, AJDA 1982. 202 et p. 209,
note Rivero).

§ 4. L'opération de privatisation 362

253 Elle a fait l'objet de la loi précitée du 2 juillet 1986, dont le Conseil constitutionnel a affirmé la constitutionnalité dans son
importante décision des 25 et 26 juin 1986 (AJDA 1986. 575, note Rivero), sous de « strictes réserves d'interprétation ». La
loi du 6 août 1986 en a précisé les modalités de mise en œuvre.
1o Champ d'application. Comme pour la nationalisation, l'article 34 de la Constitution réserve au législateur « la fixation
des règles concernant les transferts d'entreprises du secteur public au secteur privé ». Sa liberté d'appréciation quant à
l'opportunité de l'opération se heurte seulement, sous réserve de « l'erreur manifeste » que le Conseil constitutionnel peut
relever, aux dispositions du Préambule de 1946 qui imposent le maintien dans le secteur public des monopoles de fait et des
services publics nationaux, notamment de ceux dont l'existence découle de principes constitutionnels (Cons. const. 25 et
26 juin 1986, préc.). La compétence exclusive du législateur se limite toutefois aux privatisations proprement dites, c'est-à-
dire au retour au secteur privé des entreprises dont l'État détient la totalité ou la majorité du capital, et de celles qui ont été
nationalisées par une loi. Mais la cession des actions détenues par l'État dans les sociétés où il n'est pas majoritaire peut être
décidée librement par l'autorité administrative : la mesure concerne essentiellement les filiales des entreprises publiques,
souvent constituées en entreprises d'économie mixte.
2o Modalités. L'opération prend, pour chaque société, la forme d'une offre de vente par l'État des actions dont il est
propriétaire à des acquéreurs privés, sur le marché boursier. Le prix de l'action, fixé par le ministre de l'Économie, ne peut
être inférieur à celui qui résulte de l'évaluation de la valeur de l'entreprise par un Comité de la privatisation composé
d'experts indépendants. Les deux thèmes de la participation et du capitalisme populaire ont inspiré des conditions d'achat
particulièrement favorables pour les salariés de l'entreprise, d'une part, et pour les souscripteurs qui ne souhaitent acquérir
qu'un nombre limité d'actions. En outre, le gouvernement se réserve un certain contrôle sur l'achat d'actions par
des étrangers.
3o Mise en œuvre. La loi du 2 juillet 1986 donne, en annexe, la liste des 64 entreprises à privatiser. Elle englobe la
totalité des entreprises industrielles et financières nationalisées en 1982, les banques et les sociétés d'assurances nationalisées
en 1946, les sociétés Havas et Elf Aquitaine. La privatisation de la société TF1 a fait l'objet d'un texte distinct (loi du
30 septembre 1986, relative à la liberté de communication, art. 58 s.). Les transferts, qui, pour des raisons financières
évidentes ne pouvaient s'effectuer immédiatement et simultanément, devaient s'échelonner jusqu'au 31 mars 1991, le
gouvernement étant maître d'en fixer l'ordre. Avant l'arrêt, dès octobre 1987, puis l'abandon en 1988 par le gouvernement
socialiste revenu au pouvoir, des opérations de privatisation, une dizaine d'entreprises importantes ont été restituées au
secteur privé, notamment Paribas, la Société générale, le Crédit industriel et commercial, dans le domaine financier, et, dans
le domaine industriel, Elf-Aquitaine, Saint Gobain, la Compagnie générale d'électricité. La loi du 10 juillet 1989 a apporté
certains aménagements à leur régime ; elle permet la désagrégation des « noyaux stables » que l'État avait constitués parmi
les actionnaires 363.
De façon inattendue, le gouvernement socialiste, par le décret du 4 avril 1991, a autorisé l'introduction d'une part
minoritaire de capital privé dans quelques entreprises publiques, dont la nationalisation l'avait totalement éliminé. Des
raisons financières ont prévalu sur l'idéologie. Mais l'État conserve, avec la majorité du capital, la maîtrise de la gestion.
Ainsi se développe l'idée, reprise des nationalisations de 1936 (v. ss 252) que la qualité d'entreprise publique n'exclut plus le
procédé de l'économie mixte dès lors que l'État reste majoritaire 364.
4o La loi du 19 juillet 1993 365 recentre les privatisations qu'elle prévoit sur les entreprises publiques du secteur
concurrentiel. La liste des entreprises à privatiser qu'elle donne ajoute, aux 12 groupes dont la privatisation, prévue par la loi
de 1986, n'avait pas encore eu lieu, 12 autres entreprises (industrie, assurances, transports aériens et maritimes). Comme en
1986, le gouvernement choisit librement, pour chacun des groupes visés, la date de l'opération. Les principales modifications
apportées à la loi de 1986 concernent notamment la constitution des « noyaux durs » dont les actions sont réservées à des
entreprises nationales destinées à assurer à la gestion une certaine stabilité, le renforcement du contrôle exercé sur les
souscripteurs étrangers, et les avantages consentis aux salariés de l'entreprise désireux d'en devenir actionnaires, qui sont
dans l'ensemble confirmés.
5o Sous le gouvernement de Lionel Jospin une nouvelle impulsion a été donnée aux privatisations, notamment avec des
ouvertures du capital d'entreprises publiques. On peut citer : en 1997, l'ouverture du capital de France-Télécom ; en 1998, le
CIC, Thomson-CSF, le GAN, CNP Assurances, la Sté Marseillaise de Crédit, RMC ; en 1999, le Crédit Lyonnais, Eramet,
Aérospatiale-Matra, l'ouverture du capital d'Air-France ; en 2000, Thomson-Multimédias ; en 2001, la Banque Hervet, SFP ;
en 2002, ouverture du capital des Autoroutes du Sud de la France et de TDF.
D'après l'INSEE, les privatisations auraient rapporté 13 milliards d'euros sous le gouvernement de J. Chirac (1986-1988) ;
17 milliards d'euros sous celui d'Édouard Balladur (1993-1995) ; 9,4 milliards d'euros sous celui d'Alain Juppé (1995-1997)
et 31 milliards d'euros sous celui de Lionel Jospin (1997-2002) 366.
6o Les gouvernements Raffarin et de Villepin ont poursuivi les opérations de privatisation. Celle d'Air-France KLM,
préparée par la loi du 9 avril 2003 367, qui ramène la part de l'État dans le capital de cette société à 25,6 % ; cession au secteur
privé de la totalité du capital des sociétés d'autoroutes 368 ; vente de 8 % du capital de France-Telecom ; transfert au secteur
privé de la majorité du capital de la SNECMA ; ouverture minoritaire du capital de GDF et EDF 369 (v. ss 406). En 2007, le
« portefeuille » de l'État (sa participation dans les sociétés cotées) dépassait les 200 milliards d'euros. Depuis le lancement
des privatisations, en 1986, le total des recettes de cession d'actifs s'est élevé, en euros courants, à 82 milliards.
7o Le gouvernement Fillon a vendu 2,47 % des titres d'EDF (pour 3,7 milliards d'euros) afin de financer les universités.
Il reste propriétaire de 84,8 % du capital de cette société, alors que la loi lui fait obligation d'en détenir au moins 70 %. Le
décret du 25 février 2011 autorise le transfert de la société Transdev au secteur privé.
À l'inverse – et cela est nouveau – afin d'essayer de sauver l'entreprise, l'État a décidé d'acquérir 31,5 % du capital
d'Alstom, pour 300 millions d'euros.
8° Les gouvernements Ayrault et Valls. Un double mouvement se produit : on poursuit certaines privatisations mais
concomitamment l'État actionnaire mise des fonds dans de grandes entreprises privées. En ce qui concerne les privatisations,
on peut citer, par exemple, celles des aéroports de Toulouse (en vendant 49,99 % des actions car, au-delà, il faudrait voter
une loi de privatisation), ou encore de Lyon et de Nice. Celles-ci interviennent uniquement pour procurer des fonds au Trésor
public. Dans le même but, l'État veut réaliser des allégements au capital d'entreprises publiques. Mais, à l'inverse, on voit
également l'État placer des fonds dans des entreprises privées : par exemple, entrer à concurrence de 20 % au capital
d'Alstom ou prendre 14,4 % à l'augmentation de capital de PSA. Plus contestable, on a vu l'État acquérir, au mois d'avril
2015, une participation de 4,7 % chez Renault, uniquement pour atteindre les 15 % et imposer à l'assemblée générale, la
délibération des droits de vote doubles, avant d'être bien embarrassé pour les revendre, après coup, compte tenu de
l'évolution du cours des actions de cette société !

§ 5. L'économie des entreprises publiques 370

254 A. L'Agence des participations de l'État ◊ Au cours des dernières années les réflexions sur « L'État
actionnaire » se sont multipliées. Le Rapport Barbier de La Serre sur « l'État actionnaire et le Gouvernement des entreprises
publiques » 371, concluait que « l'État n'exerce pas sa fonction d'actionnaire de façon satisfaisante. Si des progrès ont été
récemment réalisés, ils ont atteint leurs limites dans l'organisation actuelle du fait de la confusion des rôles remplis par l'État
à l'égard des entreprises ». Pour l'année 2002, les entreprises publiques ont affiché des pertes records de 20 milliards d'euros
et un endettement de 130 milliards, en grande partie, il est vrai, imputables à France-Telecom.
C'est pour y porter remède qu'a été créée l'Agence des participations de l'État (Décr. 2004-963 du 9 septembre 2004) qui
doit assumer toutes les responsabilités d'actionnaire pour les entreprises dans lesquelles l'État détient une participation 372.
Elle a une triple mission : – valider et suivre la mise en œuvre de la stratégie des entreprises et fixer des règles de
gouvernement des entreprises ; – contrôler les risques et la qualité de la gestion ; – rechercher la valorisation du patrimoine
de l'État 373. Le décret no 2011-130 du 31 janvier 2011 modifie le décret de 2004, notamment en rattachant l'Agence
directement au ministre chargé de l'Économie 374. Le Fonds stratégique d'investissement est rattaché à l'agence 375
L'ordonnance no 2004-503 du 7 juin 2004 transpose la directive relative à la transparence des relations financières entre
les États et les entreprises publiques.
L'ordonnance 2014-948 du 20 août 2014 « relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à
participation publique » 376, et son décret d'application du même jour, veut rénover le cadre juridique de l'action de l'État
actionnaire pour lui donner une capacité d'influence réelle.

255 B. Les groupes publics ◊ Le phénomène le plus caractéristique de l'évolution des entreprises publiques est la
formation, autour d'une entreprise publique-mère, de filiales dont elle s'assure le contrôle, et qui, avec leurs sous-filiales
éventuelles, constituent un groupe public 377. L'entreprise-mère peut leur transférer la totalité de ses activités industrielles et
commerciales et ne conserver à leur égard que le rôle de holding (ERAP, Décis. 2 déc. 1975 et 4 mars 1976 ; EMC). Elle
peut aussi, par la création des filiales, diversifier ses activités malgré le principe de spécialité qui s'impose à elle quand elle a
le statut d'établissement public (filiales hôtelières et touristiques d'Air France), les orienter vers l'exportation (filiales
étrangères de Renault), décentraliser la gestion (filiales des groupes publics d'assurances), ou coordonner son action avec
d'autres entreprises publiques ou privées. Les filiales, constituées en sociétés anonymes, relèvent intégralement du droit
privé. L'entreprise-mère peut conserver la totalité de leur capital, mais, souvent, la filiale prend la forme d'une société
d'économie mixte (v. ss 297) comportant une part de capital privé, qui doit, pour que la filiale garde le caractère d'entreprise
publique, demeurer minoritaire. Le phénomène s'explique en partie par le souci de donner aux entreprises publiques les
dimensions accrues jugées nécessaires pour qu'elles puissent affronter la concurrence des groupes privés, notamment dans le
cadre européen. Il aboutit à rapprocher, dans leurs structures, leurs modes d'action et leur composition, les entreprises
publiques des entreprises privées. En témoignent notamment les importantes prises de participation de nombreuses
entreprises publiques dans des entreprises étrangères, souvent avec le concours financier de la Caisse des dépôts et
consignation, leurs efforts de diversification, et le rapprochement qui s'opère entre elles, en particulier entre banques et
groupes d'assurances. Le problème des filiales, tant françaises qu'étrangères, avait pris une importance particulière avec les
nationalisations de 1982 : les cinq groupes industriels et les deux compagnies financières qu'elles avaient affectés, en effet,
contrôlaient de nombreuses sociétés. Le Conseil constitutionnel a admis que celles qui ne correspondaient pas aux objectifs
de la nationalisation pourraient être cédées au secteur privé. La loi de privatisation du 2 juillet 1986 confirmait cette solution,
mais subordonnait à une approbation donnée par l'autorité administrative le retour des filiales au secteur privé. La loi de
1993 supprime cette exigence pour les filiales de faible importance.

§ 6. Le régime juridique de l'entreprise

256 A. La soumission de principe au droit privé ◊ Le trait commun à toutes les entreprises publiques est leur
soumission de principe au droit privé et principalement au droit commercial. La règle s'applique à tous les aspects de leur
activité. Elle a été réaffirmée par la loi du 11 février 1982 (art. 3).
1o Le personnel des entreprises 378 est composé de salariés soumis au droit du travail. Dans certains cas (Charbonnages,
Gaz et Électricité de France), le souci d'accorder au personnel une situation particulièrement favorable avait conduit le
législateur à prévoir la substitution, à la convention collective, d'un statut réglementaire (statut du personnel d'EDF, statut du
mineur). Mais ces statuts, d'ailleurs applicables, au-delà de l'entreprise publique, à tous les salariés de la branche considérée
(ex. : le statut du mineur s'appliquait aux salariés des mines de fer, et non des seules mines de charbon), relèvent du droit
privé. D'ailleurs, le procédé de la convention collective, destinée à compléter le statut, a fait son apparition dans certaines de
ces entreprises (EDF). Depuis la loi du 9 août 2004 (v. ss 406) la soumission au droit privé d'EDF et GDF résulte du fait que
ces entreprises sont désormais des sociétés anonymes. D'autre part, les litiges entre l'entreprise et ses agents sont portés non
seulement devant les juridictions judiciaires – solution qui s'applique à tous les salariés de droit privé des personnes
publiques – mais, plus spécialement, devant les Conseils des prud'hommes, qui, à l'époque où cette solution fut adoptée,
n'étaient compétents que pour les litiges entre employeurs et salariés de l'industrie et du commerce (Soc. 12 juill. 1950, JCP
1950. II, no 5727). L'application du droit commun du travail aux salariés des entreprises publiques, cependant, laisse place à
certaines dispositions plus avantageuses pour eux : la loi du 26 juillet 1983 élargit à leur profit le droit d'expression directe
reconnu aux salariés du secteur privé, facilite l'exercice du droit syndical, et accroît les attributions des comités d'entreprise.
2o L'activité de l'entreprise (rapports avec les fournisseurs, les clients, les tiers, prises de participation dans des sociétés
françaises ou étrangères) s'exerce selon les procédés du droit commercial, et éventuellement du droit civil.
3o Le régime financier échappe totalement aux règles de la comptabilité publique : l'entreprise n'a pas de budget, mais
des états de prévision ; les résultats de la gestion sont enregistrés au bilan annuel ; les procédés de financement font appel
aux techniques du crédit commercial. Si la réalisation d'un bénéfice n'est pas, à la différence de l'entreprise capitaliste,
l'unique but de la gestion, du moins reste-t-elle un de ses buts principaux : l'entreprise doit tendre à une gestion non
seulement équilibrée, mais encore bénéficiaire, afin de pouvoir utiliser, pour son développement, les procédés de
l'autofinancement, le surplus du bénéfice allant, selon des règles qui varient avec les textes, à l'État, à l'ensemble des
actionnaires, même privés, là où l'économie mixte a été introduite, ou, pour partie, aux salariés de l'entreprise.

257 B. Le caractère public des entreprises ◊ Il entraîne certaines exceptions à l'application du droit privé.
1o Certains dirigeants sont nommés et révoqués par décision administrative. Plus rarement, l'État se réserve le pouvoir de
statuer lui-même sur certains points essentiels pour la vie de l'entreprise (ex. : fixation de certains tarifs). Surtout, seul
actionnaire majoritaire, c'est lui qui décide des dotations en capital nécessaires au développement de l'entreprise.
2o L'entreprise peut se voir conférer diverses prérogatives de puissance publique (expropriation, recouvrement éventuel
des créances par le procédé administratif de l'état exécutoire). Elle échappe en outre à certaines contraintes qui pèsent sur
l'entreprise privée : il semble impossible qu'elle soit mise en faillite 379. Le recours éventuel des créanciers aux voies
d'exécution sur les biens est plus discuté ; l'arrêt qui l'a écarté dans le cas de la Société nationale des entreprises de presse se
fonde, non sur des règles communes à toutes les entreprises publiques, mais sur les particularités du statut de celle qui était
en cause (Cass. 9 juill. 1951, JCP 1951. II, no 6457).
3o L'entreprise est, par contre, assujettie à un certain nombre de règles qui limitent sa liberté d'action. La jurisprudence lui
déniait le droit, largement utilisé par les entreprises privées, de faire trancher ses litiges, non par le juge, mais par l'arbitre, en
concluant des compromis d'arbitrage (CE 13 déc. 1957, Société nationale de vente des surplus, Rec. 678). La loi du 9 juillet
1975, sans renverser la règle, a décidé que des exceptions pourraient y être apportées au profit de certaines catégories
d'établissements publics industriels et commerciaux désignés par décret. Le décret n'est jamais intervenu, Mais plusieurs lois
ont autorisé l'arbitrage pour telle ou telle entreprise publique (SNCF, la Poste, France-Telecom, Réseau Ferré de France), les
établissements publics à caractère industriel et commercial mentionnés à l'art. 146 du code minier et aux articles 2 et 3 de la
loi du 8 avril 1946 (décr. du 8 janv. 2002), v. ss 70, 469.
4o Le problème de la propriété des biens de l'entreprise 380 ne se pose pas dans les mêmes termes que pour l'entreprise
privée. Mis à part les biens du domaine public qui peuvent être affectés à l'entreprise et qui conservent leur statut, la question
se pose de savoir si la masse des biens qu'elle met en œuvre est sa propriété, ou celle de l'État. La controverse ne saurait
d'ailleurs faire perdre de vue qu'en fait, l'entreprise a, sur ces biens, tous les droits de la société privée : elle peut les vendre,
les échanger, sous la seule obligation de ne pas diminuer leur valeur globale qui constitue son capital social. Ils
n'appartiennent pas au domaine public.
5o Enfin, et surtout, l'entreprise publique est assujettie à de nombreux contrôles administratifs et financiers 381. Ces
contrôles sont très divers ; exercés soit en cours de gestion, par les ministres de tutelle et leurs représentants auprès des
organes directeurs (commissaires du gouvernement et contrôleurs d'État), soit a posteriori par la Cour des comptes, à
laquelle la loi du 22 juin 1976 a transféré les attributions antérieurement exercées dans ce domaine par la Commission de
vérification des comptes des entreprises publiques qui en était une émanation, soit enfin, pour le compte du Parlement, par
des commissions parlementaires 382, qui ont cessé d'être permanentes depuis 1958 ; ils avaient, en se développant, limité
assez sérieusement la liberté de gestion des entreprises. Cet état de choses a fait l'objet de vives critiques. La Commission
présidée par M. Nora, dans un rapport publié en 1967, a proposé de lui substituer, dans les relations de l'État et des
entreprises publiques, un système, fondé sur des « contrats de programme » pluriannuels, définissant les objectifs à réaliser
par les entreprises, qui, dans ce cadre, retrouvent une très large autonomie de gestion, les contrôles de l'État ne s'exerçant
qu'a posteriori. En pratique, ce contrôle n'a cessé de s'alléger, notamment du fait des impératifs économiques liés à la mise
en place progressive de l'Union européenne. De plus, la formule des contrats de programme préconisée par le rapport Nora a
reçu d'importantes applications.

258 C. Les entreprises publiques et la qualité de commerçant ◊ En présence des divers aspects de leur statut,
la question se pose de savoir si les entreprises publiques sont ou non des commerçants au sens du droit privé. L'affirmative,
pour quelques-unes, résulte soit de leur forme juridique (sociétés anonymes), soit d'un texte formel leur reconnaissant cette
qualité ; dans le silence des textes, la discussion reste ouverte. Il semble difficile, toutefois, de refuser la qualité de
commerçant à des personnes morales dont la raison d'être est l'exercice d'une activité commerciale. La création d'une
catégorie nouvelle de commerçants publics, proposée par le doyen Vedel, paraît seule en mesure de rendre compte à la fois
de la commercialité essentielle de ces entreprises et des restrictions apportées par le droit public à cette commercialité 383.

§ 7. La distinction des entreprises publiques, personnes publiques ou personnes privées


Il y a, on vient de le constater, un fond de règles communes à toutes les entreprises publiques.
Mais un certain nombre de données introduisent des divergences dans leur régime juridique, selon qu'elles gèrent ou non
un service public, qu'elles sont ou non issues d'une opération de nationalisation mais aussi, et surtout, en fonction de la
qualification juridique donnée à l'entreprise.

259 A. Entreprises assurant ou non la gestion d'un service public 384 ◊ Un premier groupe d'entreprises
publiques gère certainement des services publics : c'est notamment le cas lorsque l'activité considérée s'était vue reconnaître
ce caractère avant même d'être confiée à une entreprise publique (distribution de l'électricité et du gaz). À l'opposé, on
s'accorde à refuser le caractère de service public à des activités commerciales identiques à celles qu'exercent dans le même
secteur des entreprises privées (Régie Renault, ERAP). Entre ces deux limites, les auteurs sont divisés, les uns tendant à
penser que le fait même de la nationalisation implique le caractère de service public de l'activité visée (ce serait le cas des
Charbonnages), les autres faisant valoir que l'incertitude qui affecte actuellement la notion de service public rend la
question insoluble.
Lorsque l'entreprise gère un service public, la part du droit public s'accroît dans son régime juridique. Son autonomie de
gestion a longtemps été moindre, notamment en matière de tarifs (SNCF, EDF) ; la politique des contrats de plan (v. ss 462)
marque cependant une nette réaction contre cette tendance. De plus, les décisions de ses organes directeurs, lorsqu'elles
concernent l'organisation du service, sont considérées comme des actes administratifs, même si l'entreprise est constituée en
société anonyme (T. confl. 15 janv. 1968, Air-France c. Époux Barbier, GAJA, no 79).

260 B. Entreprises issues ou non d'une nationalisation ◊ Sur ce point, v. ss 249. La distinction a longtemps
conservé un certain intérêt, dans la mesure où l'idéologie de 1946 avait imposé, quant à la composition des organes de
direction des entreprises nationalisées, une formule uniforme, celle de la gestion tripartite, par les représentants de l'État, du
personnel, et des usagers, siégeant à égalité au conseil d'administration. Mais, d'une part, cette formule a été étendue, depuis
la nationalisation, à d'autres entreprises ; d'autre part, la composition des organes directeurs des entreprises nationalisées
s'était écartée, dans une certaine mesure, de la conception initiale (rupture d'équilibre entre les trois éléments, introduction
d'administrateurs choisis en raison de leur compétence technique). La loi du 11 février 1982 avait marqué un net retour au
tripartisme : les conseils d'administration des groupes industriels nationalisés comprenaient sept représentants de l'État, six
représentants des salariés, cinq personnalités compétentes, ou représentatives des consommateurs, les trois catégories étant
représentées à égalité pour les conseils des banques et des compagnies financières (cinq pour chacun). La loi du 26 juillet
1983 a confirmé l'abandon de toute distinction entre les entreprises nationalisées et les autres entreprises publiques en ce qui
concerne la composition des conseils d'administration.

261 C. Les entreprises publiques, personnes publiques ◊ Dans la pratique, c'est un grand privilège pour
l'Administration, que de pouvoir choisir le mode de gestion de l'entreprise et donc le régime juridique qui lui sera
applicable 385. En effet, l'Administration a, en la matière, un très large pouvoir d'appréciation puisque le choix du mode de
gestion de l'entreprise relève normalement du pouvoir réglementaire.
Nombre d'entreprises publiques se présentent donc sous la forme d'un établissement public industriel et commercial. C'est
le cas : du Commissariat à l'énergie atomique (ord. 18 oct. 1945) ; de l'ERAP (décr. 17 déc. 1965) ; de Réseau ferré de
France (loi du 13 févr. 1997) ; de la SNCF (loi du 30 déc. 1982).
Le Rapport Barbier de la Serre (v. s 238) propose de transformer toutes les entreprises publiques intervenant sur le
marché privé en sociétés anonymes, ce qui s'est produit pour la Poste avec la loi du 9 février 2010.
En ce qui concerne les structures de l'entreprise, la qualification d'établissement public est très pauvre de conséquences
juridiques. Pratiquement, les organes de direction sont à peu près identiques, et calqués sur ceux des sociétés privées : soit un
conseil d'administration et un président-directeur général, simple organe d'exécution d'après la majorité des statuts, mais
détenteur, en pratique, de très larges pouvoirs, soit un directoire et un conseil de surveillance (EMC). Cette similitude, qui
fait abstraction de la qualification juridique de l'entreprise, a été encore accentuée par la loi du 26 juillet 1983. Elle impose
aux conseils d'administration ou de surveillance des entreprises, qu'elles soient constituées en établissement public, en
société nationale ou en société d'économie mixte lorsque les personnes publiques détiennent 90 % du capital, une
composition tripartite : représentants de l'État, personnalités compétentes ou représentatives de l'environnement local et des
usagers, les uns et les autres nommés par décret, et pour un tiers au moins, représentants élus des salariés. La règle est
différente pour les sociétés d'économie mixte dont les personnes publiques détiennent moins de 90 % du capital : leurs
organes directeurs comprennent, pour un tiers en principe, des représentants élus des salariés, d'autre part, des représentants
des actionnaires publics et privés.
La formule de l'établissement public va permettre à l'entreprise de bénéficier d'une certaine application du droit
commercial mais aussi, simultanément, de prérogatives exorbitantes de droit public 386. L'EPIC a la qualité de commerçant et
peut donc, à ce titre, relever du Tribunal de commerce qui a alors la faculté de recourir à des procédures d'injonction de
payer ou de faire 387. Selon la formule de Gabriel Eckert, le régime juridique de l'établissement est fortement contrasté
puisque l'on trouve, tout à la fois : « une application sélective du droit commercial » et une « application renforcée du droit
administratif » 388.

262 Conclusion ◊ L'examen auquel on vient de procéder révèle l'extraordinaire complexité de la matière des établissements
publics et des entreprises publiques et l'absence de signification précise des qualifications juridiques données par les textes
aux organismes qu'ils créent. Un bon exemple de cette interchangeabilité des statuts est fourni par les régimes successifs du
service public de la radiodiffusion et de la télévision. Confié par l'Ordonnance du 4 février 1959 à un établissement public
industriel et commercial, dont la loi du 27 juin 1964 avait fait l'Office de la Radiodiffusion télévision française, ce service a
été réparti, par la loi du 7 août 1974, entre un établissement public industriel et commercial chargé de la diffusion
(Télédiffusion de France), quatre sociétés nationales dont l'État était l'unique actionnaire, chargées de la programmation
(TF 1, A 2, FR 3 et Radio-France) et une société chargée de produire et de commercialiser des émissions, qui pouvait
prendre la forme d'une société d'économie mixte (Société française de production audiovisuelle). La même diversité se
retrouvait dans la loi du 29 juillet 1982, qui mettait en place, sous la direction de la Haute autorité remplacée depuis,
successivement, par la Commission nationale de la communication et des libertés (1986), puis par le Conseil supérieur de
l'audiovisuel (1989), deux établissements publics industriels et commerciaux, plusieurs sociétés nationales, des sociétés
d'économie mixte et des sociétés régionales. Les lois du 30 septembre, du 27 novembre 1986 et du 27 janvier 1989, qui
définissent encore le statut actuel, si elles réduisent le secteur public par la privatisation d'une des sociétés nationales de
programme (TF 1), y maintiennent la même pluralité de statuts. Cette complexité, caractéristique de tout le secteur des
entreprises publiques, s'explique pour partie par la nécessité d'adapter des procédés anciens aux situations nouvelles nées du
développement des activités de l'État. Une clarification est indispensable ; elle devrait réserver aux seuls établissements
publics de type classique, soumis de manière générale au droit administratif, la qualification d'établissement public, qui
retrouverait ainsi sa cohérence, et développer l'autonomie de la catégorie des entreprises publiques.
CHAPITRE 2
LES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS TERRITORIAUX

Section 1. LA FUSION DE COMMUNES ET LES COMMUNES NOUVELLES


Section 2. LA COOPÉRATION ENTRE LES COMMUNES
§ 1. Le syndicat de communes
§ 2. La communauté urbaine
§ 3. La communauté de communes
§ 4. La communauté d'agglomération
§ 5. Les métropoles
§ 6. Le Pôle Métropolitain
Section 3. LES TROIS MÉTROPOLES
§ 1. La Métropole du Grand Paris
§ 2. La Métropole de Lyon
§ 3. La Métropole Aix-Marseille-Provence
Section 4. LES RÈGLES COMMUNES À TOUS LES EPCI
Section 5. LA COOPÉRATION INTERDÉPARTEMENTALE
Section 6. LA COOPÉRATION INTERRÉGIONALE
Section 7. LA COOPÉRATION TRANSFRONTALIÈRE
On a vu que l'action administrative de l'État repose sur des circonscriptions administratives (v. ss 55) et que
l'Administration décentralisée repose sur des collectivités territoriales dotées de la personnalité morale (v. ss 56). La
distinction des collectivités et des circonscriptions, si elle reste essentielle, ne suffit plus, depuis plusieurs décennies, à
définir tous les cadres territoriaux de l'action administrative. En effet une série de réformes successives ont donné naissance
à un nouveau type de subdivisions territoriales, qui se caractérisent par les traits suivants :
– elles regroupent des collectivités préexistantes : soit des communes, soit des départements, soit des régions ;
– comme les collectivités, ce ne sont pas de simples circonscriptions : elles sont dotées de la personnalité morale,
d'attributions et d'organes propres ;
– mais la qualité de collectivité leur a été refusée : les textes qui les créent les définissent comme des établissements
publics ; leurs compétences sont donc limitativement énumérées.
Ces établissements publics, d'un type complètement nouveau, ont contribué à la crise de cette notion. Il s'agit donc de
groupements à base territoriale, qui sont plus que des circonscriptions par l'octroi de la personnalité, mais moins que des
collectivités. Ils sont fort divers.
Depuis une vingtaine d'années ces établissements publics territoriaux ont fait l'objet de six importantes réformes ce qui
montre bien l'importance qui s'attache à ces questions.
La première, par le Titre III de la loi du 6 février 1992, intitulé « De la coopération locale », englobe l'ensemble des
procédés déjà organisés en vue de la collaboration des collectivités tant au niveau communal, que départemental ou régional,
tout en leur apportant, cependant, d'importantes modifications.
Cet ensemble a été profondément remanié par la loi du12 juillet 1999.
La troisième étape fut celle de la loi du 13 août 2004 contenant de longues dispositions relatives à l'intercommunalité
(une cinquantaine d'articles !) ; il est vrai qu'il s'agit essentiellement de dispositions techniques visant plus à améliorer le
fonctionnement des structures intercommunales qu'à les réformer en profondeur.
Des réformes très importantes ont été opérées par la loi du 16 décembre 2010. On l'a vu (v. ss 139) la réforme territoriale
qu'elle réalise repose sur l'intercommunalité et sur la région et, pour cette raison la loi contient de longues dispositions
(60 articles sur les 90 de la loi !) repensant complètement l'intercommunalité. La loi du 27 janvier 2014 crée des structures
regroupant des collectivités territoriales de niveaux différents avec l'institution de grandes métropoles nouvelles.
Enfin, la loi NOTRe du 7 août 2015 comprend un Titre II intitulé « des intercommunalités renforcées ».
À l'origine de tous ces textes il y a le problème du trop grand nombre de communes que connaît notre pays (v. ss 146). La
solution la plus radicale serait de mener une politique de fusion de communes ; elle avait très largement échoué jusqu'à la
mise en place des « communes nouvelles ». Dès lors, il avait bien fallu appliquer le bon vieux principe qui veut que « l'union
fait la force » et créer des structures juridiques permettant la coopération intercommunale. Depuis la création en 1890 du
syndicat à vocation unique, celles-ci se sont multipliées et on les désigne sous l'expression d'établissements publics de
coopération intercommunale : EPCI. Pendant longtemps, il fallait distinguer ceux dotés ou non d'une fiscalité propre.
Désormais tous les EPCI sont à fiscalité propre. On a franchi un pas supplémentaire, en 2014, en mettant en place des
structures beaucoup plus ambitieuses.
On étudiera donc successivement le problème de la fusion des communes et le système des « communes nouvelles »
(Section 1), puis les différentes structures de coopération intercommunale (Section 2), les grandes métropoles (Section 3), les
règles communes à tous les EPCI (Section 4), la coopération interdépartementale (Section 5), la coopération interrégionale
(Section 6) et la coopération transfrontalière (Section 7).
SECTION 1. LA FUSION DE COMMUNES ET LES COMMUNES NOUVELLES 389

263 La loi du 16 juillet 1971 avait fait un important effort en faveur d'une véritable politique de fusion des communes. Elle
prévoyait, en effet, l'élaboration dans chaque département d'un plan de fusions de communes à réaliser. Ce ne fut pas une
réussite malgré la majoration des subventions de l'État accordées aux communes fusionnées.
La procédure actuelle est celle des « Communes nouvelles » créées par la loi du 16 décembre 2010, modifiée par la loi du
16 mars 2015 « relative à l'amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes » 390
(CGCT, art. L. 2113-1 et s.).
Une commune nouvelle peut être créée en lieu et place de communes contiguës :
– soit à la demande de tous les conseils municipaux ;
– soit à la demande des deux tiers au moins des conseils municipaux des communes d'un EPCI à fiscalité propre
représentant plus des deux tiers de la population totale ;
– soit à la demande de l'organe délibérant d'un EPCI à fiscalité propre en vue de la création d'une commune nouvelle en
lieu et place de toutes ses communes membres ;
– soit à la demande du représentant de l'État dans le département.
Lorsque la demande ne fait pas l'objet de délibérations concordantes des conseils municipaux de toutes les communes
concernées, les électeurs des communes sont consultés sur l'opportunité de la création de la commune nouvelle 391. La
création ne peut être décidée par le représentant de l'État que si la participation au scrutin est supérieure à la moitié des
électeurs inscrits et que le projet recueille, dans chacune des communes, l'accord de la majorité absolue des suffrages
exprimés correspondant à au moins un quart des électeurs inscrits (CGCT, art. L. 2113-3). Il peut être créé, au sein de la
commune nouvelle, des communes déléguées. Schématiquement, la commune nouvelle est soumise aux règles applicables
aux communes.
La loi du 16 mars 2015 prévoit la possibilité d'une composition transitoire du conseil municipal de la nouvelle commune
permettant aux membres des conseils municipaux des anciennes communes d'y siéger. On prend en compte, dans les
documents d'urbanisme, les spécificités urbanistiques et architecturales des anciennes communes. Enfin, le plan financier
garantit le maintien, pendant 3 ans, des dotations budgétaires précédemment perçues, sans compter, dans certains cas, un
supplément de dotation de 5 %.
La loi du 16 mars 2015 se révèle extrêmement efficace. Alors que seule une douzaine de communes nouvelles avaient été
créées depuis la loi de 2010 jusqu'en 2014, depuis le 1er janvier 2016, 313 communes nouvelles regroupant 1 084 communes
ont été créées.

SECTION 2. LA COOPÉRATION ENTRE LES COMMUNES 392

264 La création des différentes structures de coopération ◊ « Le progrès de la coopération intercommunale se


fonde sur la libre volonté des communes d'élaborer des projets communs de développement au sein de périmètres de
solidarité » (CGCT, art. L. 5210-1).
En ce qui concerne la coopération intercommunale la plus ancienne formule proposée est celle du syndicat de communes,
d'abord à vocation unique (SIVU), puis à vocation multiple (SIVOM). Ensuite, en 1959, on avait créé le district, d'abord
qualifié « d'urbain », car le législateur ne le croyait pas adapté aux communes rurales, puis débarrassé de ce qualificatif pour
marquer sa vocation à s'appliquer aussi à celles-ci. En ce qui concerne les grandes agglomérations, la loi du 31 décembre
1966 a créé la Communauté urbaine. Puis, pour essayer de régler globalement le problème de la coopération
intercommunale, la loi du 6 février 1992 a créé deux nouvelles structures : la Communauté de villes et la Communauté de
communes. Enfin, la loi du 12 juillet 1999 « relative au renforcement et à la simplification de la coopération
intercommunale » a simplifié le choix des communes, en supprimant le district, en rénovant les anciennes structures et en
substituant à la communauté de villes, qui avait été un échec, la Communauté d'agglomération. Enfin, la loi du 16 décembre
2010 a créé les métropoles et les pôles métropolitains. Il va de soi que les problèmes de la coopération intercommunale sont
totalement différents selon que l'on se trouve en milieu urbain ou rural.

265 Le schéma départemental de coopération intercommunale ◊ Avec le temps on avait donc vu se


multiplier les structures de coopération avec souvent des périmètres peu rationnels. La loi du 16 décembre 2010, modifiée
par la loi NOTRe (art. 33 et s.), a donc décidé de repenser la cohérence de l'ensemble du système en prescrivant l'élaboration
d'un Schéma départemental de coopération intercommunale, « au vu d'une évaluation de la cohérence des périmètres et d'un
état des lieux de la répartition des compétences des groupements existants et de leur exercice ». Il s'agissait également
d'achever la carte de l'intercommunalité (CGCT, art. L. 5210-1-1). Toute commune doit faire partie d'un EPCI à fiscalité
propre mais aussi, et surtout, le schéma doit réduire de manière importante le nombre des EPCI. Le principe est donc que,
depuis la loi NOTRe, tout EPCI doit regrouper un minimum de 15 000 habitants. Ceci est de nature à poser bien des
problèmes en milieu rural 393 ou de montagne, aussi est-il prévu une adaptation possible de ce seuil, sans qu'il puisse être
inférieur à 5 000 habitants (art. 33 de la loi). Le projet de schéma est élaboré par le Préfet, et adressé pour avis aux conseils
municipaux et aux conseils délibérants des EPCI qui doivent se prononcer dans un délai de deux mois, leur silence valant
acceptation. Il revient ensuite devant la Commission départementale de la Coopération Intercommunale 394, à laquelle on
l'avait présenté, et dont on modifie la composition (40 % d'élus municipaux, 40 % de conseillers communautaires, 5 %
représentant les syndicats communaux, 5 % de conseillers régionaux et 10 % de conseillers départementaux) et qui dispose
d'un délai de trois mois pour se prononcer. La Commission peut amender le projet du Préfet à condition de respecter les
objectifs de la loi et de réunir les voix des deux tiers de ses membres. Le schéma est arrêté par le Préfet.
Les articles 10 et s. de la loi du 27 janvier 2014 organisent un projet de schéma régional de coopération intercommunale
pour les départements de l'Ile-de-France.
Il a été jugé que le schéma ne fait pas grief et n'est donc pas susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir
(CAA Nancy, 7 nov. 2013, Cté de Cnes du Val de Meurthe, AJDA 2013. 2441, Concl. J.M. Favret) ; le Conseil d'État ne le
considère pas comme un véritable règlement susceptible de modifier par lui-même la situation juridique des communes (CE
21 sept. 2012, Cne de Couvrot ; Cne de Poligny, AJDA 2013. 240, note B. Faure). Au fond il se rattache à ce que le Conseil
d'État a appelé le « droit souple » 395
« Forment la catégorie des établissements publics de coopération intercommunale les syndicats de communes, les
communautés de communes, les communautés urbaines, les communautés d'agglomération, et les métropoles » (CGCT,
art. L. 5210-1-1 A). On les étudiera successivement.

§ 1. Le syndicat de communes 396

266 « Le syndicat de comunes est un établissement public de coopération intercommunale associant des communes en vue
d'œuvres ou de services d'intérêt intercommunal » (CGCT, art. L. 5212-1). Il prend en charge la gestion d'un (syndicat à
vocation unique – SIVU) ou, depuis l'ordonnance du 9 janvier 1959, de plusieurs services (syndicats à vocation multiple –
SIVOM) ; ainsi trouvent-elles la possibilité, en se groupant, de faire face à des tâches (assainissement, enlèvement des
ordures ménagères, etc.) dont chacune, isolée, n'aurait pu venir à bout ou, dans le cas des agglomérations, de coordonner
leurs activités. Il s'agit d'un « syndicat mixte » s'il comprend également des départements ou d'autres établissements
publics 397.
1o Création. Le syndicat se forme entre communes limitrophes ou même non limitrophes. L'initiative devait initialement
réunir l'unanimité des conseils municipaux des communes intéressées. Mais cette exigence d'unanimité a longtemps freiné la
formation des syndicats, l'opposition d'un seul des conseils intéressés au projet suffisant à en empêcher la réalisation. Aussi
l'ordonnance du 9 janvier 1959, pour les syndicats à vocation unique, puis la loi du 31 décembre 1970 pour les syndicats à
vocation multiple, ont-elles prévu le cas où le projet réunirait, à défaut d'unanimité, une importante majorité tenant compte à
la fois du nombre des communes et du total des habitants ; dans ce cas, le syndicat devient obligatoire pour les communes
qui ont refusé leur adhésion. L'arrêté d'autorisation pris par le préfet fixe, sur avis conforme du Conseil départemental, la
liste des communes faisant partie du syndicat.
Le syndicat peut recevoir l'adhésion de communes qui n'ont pas participé à sa création.
La loi du 5 janvier 1988 a cherché à accroître la liberté des communes adhérentes vis-à-vis du syndicat. L'adhésion, dans
le cas des syndicats à vocation multiple, peut ne porter que sur certaines des activités exercées par eux : on parle parfois,
dans ce cas, de « syndicats à la carte ». D'autre part, les cas dans lesquels le retrait est possible ont été élargis. Il est prononcé
par le préfet, après réunion d'une commission de conciliation si elle n'a pu aboutir.
2o Attributions. Elles se limitent à la gestion d'un ou de plusieurs services intercommunaux, qui se trouvent de ce fait
soustraits à la compétence de chaque conseil et placés dans celle du syndicat. Les règles d'organisation et de gestion sont les
mêmes que pour les services municipaux (v. ss 167).
3o Organes. Le syndicat est administré par un comité, composé de délégués élus par chaque conseil municipal, à raison
de deux par commune, et de délégués suppléants en cas d'absence des titulaires. Le comité élit son président. Il prend des
délibérations, dont le président, assisté d'un bureau, assure l'exécution 398. Les règles qui régissent son fonctionnement et le
contrôle exercé sur ses délibérations sont les mêmes que celles qui s'appliquent aux conseils municipaux.
4o Ressources. Le budget du syndicat, voté par le comité, est alimenté principalement par la contribution de chacune des
communes associées, qui constitue pour elles une dépense obligatoire, et par les taxes et redevances correspondant aux
services ; la faculté de contracter des emprunts a été reconnue aux syndicats.
5o Le syndicat prend fin, soit par l'expiration du temps pour lequel il a été formé, soit par le consentement unanime des
conseils intéressés, soit par une mesure de dissolution prononcée par décret sur avis conforme du Conseil départemental et
du Conseil d'État. S'il a cessé toute activité depuis deux ans, la dissolution peut être décidée par le préfet.
6o Initialement, les syndicats ont été surtout constitués pour la distribution de l'électricité et l'adduction de l'eau dans les
communes rurales. Depuis, leurs objets tendent à se diversifier et à se multiplier.

§ 2. La communauté urbaine 399

267 On a signalé la gravité du problème que pose la discordance entre l'agglomération urbaine constituée par une grande ville et
ses communes périphériques, qui forment une unité économique et humaine, et la fragmentation administrative imposée à cet
ensemble par le régime municipal traditionnel, qui rend impossible une politique commune. Les formules mises à l'épreuve
pour rermédier à cete situation, notamment celle du district urbain, n'ont pas été jugées suffisantes. D'où la loi du
31 décembre 1966, modifiée notamment par les lois des 31 décembre 1982, 12 juillet 1999 et 16 décembre 2010, qui crée
une structure de coopération à l'usage des grandes agglomérations : la Communauté urbaine.
« La communauté urbaine est un établissement public de coopération intercommunale regroupant plusieurs communes
d'un seul tenant et sans enclave qui forment, à la date de sa création, un ensemble de plus de 250 000 habitants et qui
s'associent au sein d'un espace de solidarité, pour élaborer et conduire ensemble un projet commun de développement urbain
et d'aménagement de leur territoire » (CGCT, art. L. 5215-1).
La Communauté se superpose donc aux communes existantes qui subsistent avec leurs organes traditionnels et toutes les
compétences qui ne sont pas expressément transférées à la Communauté.
1o Création. La loi de 1966 exigeait une agglomération d'au moins 50 000 habitants pour créer une communauté. De
manière surprenante, ce seuil avait été abaissé à 20 000 habitants en 1992 ; la loi du 16 décembre 2010 exigeait un ensemble
de plus de 450 000 habitants, seuil abaissé à 250 000 habitants par la loi du 27 janvier 2014. La création est décidée par
décret, sur demande des représentants de la majorité des intéressés, (deux tiers des conseils représentant plus de la moitié de
la population, ou moitié des conseils représentant les deux tiers de la population). Le décret est pris en Conseil d'État si
toutes les communes n'ont pas donné leur accord. Il n'est pas prévu de création par voie autoritaire, sans demandes des
intéressés. Toutefois la loi de 1966 a créé de plein droit quatre communautés dans les agglomérations de Bordeaux, Lille,
Lyon et Strasbourg, qui correspondaient à quatre des huit métropoles régionales prévues pour équilibrer l'attraction de Paris.
Leur délimitation exacte a été opérée par décret, après consultation des conseils municipaux et généraux intéressés. Il existe
au 1er avril 2016 onze communautés urbaines (Grand-Paris, Saint-Étienne, Perpignan, Angers, Nancy, Dijon, Le Mans,
Dunkerque, Arras, Le Creusot, Alençon), neuf ayant été transformées en Métropole (Lyon, Lille, Marseille, Bordeaux,
Toulouse, Nantes, Nice, Strasbourg, Brest) et une en Commune nouvelle (Cherbourg).
2o Les attributions de la communauté. La Communauté urbaine exerce, de plein droit, au lieu et place des communes
membres, de nombreuses et importantes compétences détaillées à l'art. L. 5215-20 CGCT :
– en matière de développement et d'aménagement économique, social et culturel ;
– en matière d'aménagement de l'espace communautaire ;
– en matière d'équilibre social de l'habitat ;
– en matière de politique de la ville ;
– en matière de gestion des services d'intérêt collectif ;
– en matière de protection et mise en valeur de l'environnement et de politique du cadre de vie.
Elle est consultée lors de l'élaboration, de la révision ou de la modification des schémas et documents de planification.
Les communes peuvent décider de lui transférer d'autres compétences et elle peut gérer tout ou partie de l'aide sociale en
cas d'accord sur ce point avec le département.
3o La communauté est administrée par un conseil de communauté, dont la composition et le mode de désignation ont
fait l'objet de controverses. Le problème est maintenant réglé par la loi 2013-403 du 17 mai 2013 « relative à l'élection des
conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires ». À compter des élections
municipales de 2014 chaque commune est représentée par un nombre de représentants tenant compte de sa population défini
aux art. L. 5211-6-2 CGCT. Les conseillers sont élus selon le système de la loi du 17 mai 2013 (v. ss 276).
Le conseil de communauté, qui est régi en principe, quant à ses délibérations et aux contrôles exercés sur lui, par les
règles applicables aux conseils municipaux, élit son bureau. Le président est l'organe exécutif de la communauté et tombe
sous la règle de la limitation du cumul des mandats.
4o En ce qui concerne les ressources, la loi contient une disposition capitale : le conseil peut créer, au profit de la
communauté, des centimes additionnels aux trois contributions directes perçues par les communes (propriétés bâties, taxe
d'habitation, et l'ancienne taxe professionnelle, v. ss 165). Il s'y ajoute, notamment, le produit du versement correspondant
aux transports en commun.
5o L'institution, qui entend concilier le respect de l'existence des communes et la nécessaire unité de la gestion des
agglomérations urbaines, est, dans cette mesure, complexe. Elle a suscité des résistances. Mais elle a le mérite d'offrir une
bonne solution à un problème vital pour l'aménagement cohérent du territoire des grandes agglomérations.
Au 1er janvier 2015 ont été transformées par décret en métropoles les communautés urbaines qui forment un ensemble de
plus de 400 000 habitants dans une aire urbaine de plus de 650 000 habitants (art. 43 de la loi du 27 janvier 2014).
(v. ss 270).

§ 3. La communauté de communes

268 La communauté de communes (CGCT, art. L. 5214-1 s.) a été créée par la loi du 6 février 1992 afin de permettre la
coopération entre communes rurales ou semi-urbaines, à l'instar des syndicats. Il s'agit d'un établissement public regroupant
plusieurs communes d'un seul tenant et sans enclave dans un espace de solidarité en vue de l'élaboration d'un projet commun
de développement et d'aménagement de l'espace.
1o Création. Elle est créée par arrêté du préfet à la demande des 2/3 des communes intéressées représentant au moins la
moitié de la population concernée ou de l'inverse (1/2 des communes représentant les 2/3 de la population). Elle doit
nécessairement comprendre les communes dont la population représente à elle seule plus du quart de la population totale de
la communauté 400.
2o Organes. La communauté de communes est administrée par un Conseil de la communauté dont les membres sont élus
selon le système de la loi du 17 mai 2013 (v. ss 276). La répartition des sièges se fait en fonction de la population de chaque
commune, qui doit avoir au moins un siège, aucune commune ne pouvant, à elle seule, disposer de plus de la moitié
des sièges.
3o Attributions. Elles ont été modifiées par la loi NOTRe du 7 août 2015 (CGCT, art. L. 5214-16). La communauté de
communes exerce de plein droit sept compétences à savoir : – l'aménagement de l'espace ; – les actions de développement
économique ; – la gestion des milieux aquatiques ; – les aires d'accueil des gens du voyage ; – les déchets ménagers ; –
l'assainissement ; – l'eau. Elle doit également exercer au moins trois des groupes de compétences suivants : –
environnement ; – logement et cadre de vie ; – voirie ; – équipements culturels et sportifs ; – action sociale ; –
assainissement ; – eau ; – maisons de service au public.La communauté de communes dispose de recettes fiscales propres et
peut recevoir le produit de l'ancienne taxe professionnelle perçue sur les entreprises installées dans les zones d'activité
qu'elle gère.

§ 4. La communauté d'agglomération

269 La loi du 6 février 1992 avait créé pour la coopération en milieu urbain la communauté de villes, qui était le symétrique de la
communauté de communes 401. Ce fut un échec complet. Le législateur de 1999 en a tiré les conséquences en substituant à la
communauté de villes la communauté d'agglomération, ce qui s'est révélé tout à fait judicieux. Elle est destinée à créer, entre
des communes, un espace de solidarité pour gérer en commun des projets de développement urbain et d'aménagement de
leur territoire (CGCT, art. L. 5216-1 s.).
1o Création. La communauté d'agglomération doit constituer un ensemble de plus de 50 000 habitants, d'un seul tenant et
sans enclave, autour d'une ou plusieurs communes de plus de 15 000 habitants ou autour du chef-lieu du département 402.
Elle est créée selon la règle des 2/3 de la ½ ou de la ½ des 2/3, comme pour les communautés de communes (v. ss 268).
2o Organes. La communauté d'agglomération est gérée par un conseil composé selon les mêmes principes que ceux qui
président à la constitution des conseils de communautés de communes.
3o Attributions. Elles ont été remaniées par la loi NOTRe du 7 août 2015. La communauté exerce tout d'abord les
compétences obligatoires suivantes : – le développement économique (notamment le tourisme et les activités
commerciales) ; – l'aménagement de l'espace (par exemple, création de ZAC) ; – l'équilibre social de l'habitat ; – la politique
de la ville ; – la gestion des milieux aquatiques ; – l'accueil des gens du voyage ; – la collecte et le traitement des déchets
ménagers ; – l'eau ; – l'assainissement. Par ailleurs elle doit exercer au moins trois des sept compétences suivantes : – voirie
communautaire ; – assainissement ; – eau ; – environnement ; – équipements culturels et sportifs ; – action sociale ; –
maisons de services au public. En ce qui concerne le plan local d'urbanisme et la carte communale, on en reste à la loi ALUR
qui permet à 25 % des comunes représentant au moins 20 % de la population de s'opposer à ce transfert. Par convention avec
le département la communauté peut exercer tout ou partie des compétences attribuées au département en matière d'action
sociale. Le budget de la communauté d'agglomération, en dehors des subventions et dotations, ainsi que du produit des
emprunts, comprend des ressources fiscales au premier rang desquelles l'ancienne taxe professionnelle unique (TPU).

§ 5. Les métropoles 403

270 Le Rapport Balladur (v. ss 139) avait souligné que l'on n'avait pas suffisamment pris en compte la montée en puissance du
« fait urbain » et la compétitition entre les grandes agglomérations européennes ou internationales qui n'a cessé de
s'accentuer. Pour y remédier il proposait la création de onze métropoles, qu'il énumère, regroupant 7,5 millions d'habitants, et
qui auraient constitué une nouvelle catégorie de collectivité territoriale à statut particulier. Sur ce dernier point il n'a pas
obtenu satisfaction puisque si la loi du 16 décembre 2010 crée les métropoles (sans en donner la liste) elle le fait sous la
forme des EPCI.
La loi du 27 janvier 2014 (art. 43 s.) refond complètement les dispositions régissant les métropoles qui sont ainsi
codifiées aux art. 5217-1 et s. nouveaux du CGCT.
1° Création. La métropole est un « EPIC à fiscalité propre regroupant plusieurs communes d'un seul tenant et sans
enclave au sein d'un espace de solidarité pour élaborer et conduire ensemble un projet d'aménagement et de développement
économique, écologique, éducatif, culturel et social de leur territoire afin d'en améliorer la cohésion et la compétivité et de
concourir à un développement durable et solidaire du territoire régional ». Ont été automatiquement transformés en
métropoles, par décret, le 1er janvier 2015, les EPIC de plus de 400 000 habitants dans une aire urbaine de 650 000 habitants
(Lille – dénommée « Métropole européenne de Lille » –, Strasbourg – dénommée Eurométropole de Strasbourg –, Toulouse,
Bordeaux, Nantes, Rennes, Rouen et Grenoble) 404. Ce statut peut également être attribué, sous réserve d'un accord exprimé
par deux tiers au moins des conseils municipaux représentant plus de la moitié de la population ou l'inverse, aux EPCI qui
forment un ensemble de plus de 400 000 habitants et dans le périmètre desquels se trouve le chef-lieu de la région
(Métropole de Montpellier, Décr. 2014-1605 du 23 déc. 2014), ainsi qu'à ceux centres d'une zone d'emploi de plus de
400 000 habitants qui exercent, à la date d'entrée en vigueur de la loi de 2014, les compétences que celle-ci attribue aux
métropoles (Métropole de Brest, Décr. 2014-1079 du 22 sept. 2014, et Métropole de Nice, Décr. 2014-1606 du 23 déc.
2014). Ce n'est pas de la plus grande simplicité !
2° Organes. La métropole est administrée par un Conseil de Métropole dont les conseillers sont élus selon le système de
la loi du 17 mai 2013 (v. ss 276). Il élit son Président. La Conférence métropolitaine réunit, autour du Président, les maires
des communes membres. C'est une instance de coordination entre la métropole et les communes, au sein de laquelle il peut
être débattu de tous sujets d'intérêt métropolitain ou relatifs à l'harmonisation de l'action de ces collectivités. Enfin, un
Conseil de développement réunit les représentants des milieux économiques, sociaux, culturels, éducatifs, scientifiques et
associatifs de la métropole. Il a un rôle consultatif.
3° Compétences. Les compétences des métropoles font l'objet de très longues dispositions législatives (CGCT, art.
L. 5217-2) ; on n'en donnera ici que l'essentiel. Tout d'abord, la métropole exerce de plein droit les compétences qui étaient
acquises à l'EPCI au moment de sa transformation en métropole. D'autre part, celle-ci est associée de plein droit à
l'élaboration, la révision et la modification des schémas et documents de planification ainsi qu'à l'élaboration du contrat de
plan conclu avec l'État. Enfin la loi de 2014, complétée par la loi du 7 août 2015, élargit les compétences pouvant être
transférées à la métropole. Celles en provenance de la commune (art. L. 5217-2-1) le sont de plein droit. Tel n'est pas le cas
des compétences qui peuvent être transférées par le département (art. L. 5217-2 IV) et par l'État (art. L. 5217-2 II et III).
C'est le Sénat qui a voulu que dans ces deux derniers cas le transfert ne soit pas obligatoire, privilégiant ainsi une logique de
contractualisation. Mais ce transfert « à la carte » est une source d'incertitude en ce qui concerne l'importance exacte de la
création des métropoles. Le Sénat s'est également opposé à la division de la métropole en « territoires » qui auraient été dotés
chacun d'un Conseil de territoire.
4° Finances. L'ordonnance 2014-1490 du 11 décembre 2014 fixe les règles applicables, en matière budgétaire, aux
Métropoles. La loi de 2014, comme celle de 2010, renvoie aux règles applicables aux communautés urbaines pour le calcul
des recettes, de la dotation d'intercommunalité et de la dotation de compensation. Selon la constatation de J. Cl. Douence
(op. cit.) : « Le régime financier reproduit purement et simplement celui de la communauté urbaine, c'est-à-dire que les
communes membres préservent l'essentiel de leur fiscalité propre ».

§ 6. Le Pôle Métropolitain 405

271 Le pôle métropolitain est également une création de la loi du 16 décembre 2010, modifiée par l'art. 77 de la loi du 27 janvier
2014. C'est un établissement public constitué par accord entre des EPIC, ainsi que, le cas échéant, la métropole de Lyon, en
vue d'actions d'intérêt métropolitain, afin de promouvoir un modèle d'aménagement, de développement durable et de
solidarité territoriale (CGCT, art. L. 5731-1). Les EPIC regroupés doivent former un ensemble de plus de 300 000 habitants,
l'un d'entre eux comptant plus de 100 000 habitants. Il est créé par arrêté préfectoral. Ce système a connu un certain succès
puisqu'une quinzaine de pôles métropolitains se sont constitués (par exemple, Strasbourg-Mulhouse).
SECTION 3. LES TROIS MÉTROPOLES 406
La loi du 27 janvier 2014 crée d'office trois grandes métropoles, chacune de celles-ci ayant son régime juridique propre ;
il s'agit de la Métropole du Grand Paris, de la Métropole de Lyon et de la Métropole d'Aix-Marseille-Provence.

§ 1. La Métropole du Grand Paris


Le Comité Balladur (v. ss 139) constatant, notamment, la sous-administration de la région parisienne, avait proposé la
création d'un « Grand Paris ». Dans un premier temps cela a entraîné la création de la « Société du Grand Paris » et, avec la
loi du 27 janvier 2014, de la « Métropole du Grand Paris ».

272 A. La Société du Grand Paris ◊ La loi du 3 juin 2010 crée un établissement public de l'État à caractère industriel et
commercial dénommé « Société du Grand Paris » dirigé par un directoire qui exerce ses fonctions sous le contrôle d'un
Conseil de surveillance.
Selon l'art. 1er de la loi, le Grand Paris est un projet urbain d'intérêt national qui unit les grands territoires stratégiques de
la Région Ile-de-France, au premier rang desquels Paris et le cœur de l'agglomération parisienne.
Sa mission principale est la création d'un ambitieux réseau de transport public de voyageurs dont le financement des
infrastructures sera assuré par l'État. Les dispositions de la loi du 3 juin 2010 relatives au « Schéma d'ensemble du réseau de
transport public du Grand Paris » sont modifiées par l'art. 58 de la loi NOTRe du 7 août 2015.

273 B. La Métropole du Grand Paris 407 ◊ L'art. 12 de la loi du 27 janvier 2014 crée, à compter du 1er janvier 2016, un
EPIC à statut particulier, intitulé « La Métropole du Grand Paris », regroupant Paris et l'ensemble des communes des
départements des Hauts-de-Seine, du Val-de-Marne et de la Seine-Saint-Denis. D'autres communes de la Région Ile-de-
France pourront s'y adjoindre sous certaines conditions mais seulement si leur conseil municipal en a délibéré favorablement.
Dans sa décision du 23 janvier 2014 (no 2013-687 DC, p. 76) le Conseil constitutionnel a estimé que le législateur pouvait
ainsi, dans un but d'intérêt général, imposer le regroupement de collectivités territoriales. La MGP comprend 131 communes.
Il avait été créée une Mission de préfiguration chargée de préparer les conditions juridiques et budgétaires de la création du
futur établissement (décr. 2014-508 du 19 mai 2014).
La Métropole est administrée par un « Conseil métropolitain » qui comprend 209 membres (Paris en désigne 62) 408,
20 vice-présidents et un président.
La Métropole exerce de plein droit les compétences communales en matière d'aménagement de l'espace métropolitain, de
politique locale de l'habitat, de politique de la ville, de développement et d'environnement. Les communes membres peuvent
lui transférer certaines autres compétences. Elle n'a pas compétence pour les transports qui relèvent de la Société du Grand
Paris. La métropole élabore un projet métropolitain ainsi qu'un plan local d'urbanisme. Mais si la Métropole a été créée à
compter du 1er janvier 2016, elle n'exercera ses principales compétences (logement et aménagement du territoire) qu'à
compter du 1er janvier 2017.
La loi supprime les 19 intercommunalités existantes dans le périmètre de la MGP qui est organisée en 12 Territoires (Paris
et 11 établissements publics territoriaux au statut d'EPCI sans fiscalité propre), d'un seul tenant et sans enclave, d'au moins
300 000 habitants. Le Conseil du Territoire, composé des délégués (de 72 à 92 conseillers) des communes incluses dans son
périmètre, adopte des délibérations pour l'exercice des compétences qui lui sont déléguées par le Conseil de la Métropole.
Paris conserve son Conseil municipal et départemental.
La loi NOTRe prévoit un schéma de financement ad hoc pour la période 2016-2020, notamment en matière fiscale.
Pendant cette période, les ressources fiscales de la GMP sont plus limitées que celles des métropoles de droit commun et des
règles spécifiques sont prévues en matière d'attributions de compensation à ses communes membres.

§ 2. La Métropole de Lyon

274 L'article 26 de la loi du 27 janvier 2014 (CGCT, art. L. 3611-1) crée, au 1er janvier 2015, une collectivité à statut particulier,
au sens de l'art. 72 de la Constitution, dénommée « Métropole de Lyon ». Celle-ci a une composition particulière puisqu'elle
réunit à la Communauté urbaine de Lyon le territoire du département du Rhône recouvrant la Communauté urbaine.
Autrement dit, le département aura disparu du territoire de la métropole et sera rétréci à ses territoires ruraux et la métropole
exercera les compétences du Conseil départemental sur l'étendue de son territoire. Conséquence logique, le siège de la
métropole étant fixé à Lyon le nouveau chef-lieu du département du Rhône devra être fixé ailleurs par décret en Conseil
d'État. Est également intervenue l'ordonnance 2014-1543 du 19 décembre 2014 « portant diverses mesures relatives à la
création de la métropole de Lyon » (JO 20 déc. 2014, texte n° 60).
« La Métropole de Lyon forme un espace de solidarité pour élaborer et conduire un projet d'aménagement et de
développement économique, écologique, éducatif, sportif, culturel et social de son territoire, afin d'améliorer la compétivité
et la cohésion » (CGCT, art. L. 3611-2).
La Métropole de Lyon est administrée par un Conseil de Métropole de 150 membres dont le régime électoral est fixé par
l'ordonnance 2014-1539 du 19 décembre 2014, ratifiée par la loi 2015-816 du 6 juillet 2015. On applique un scrutin de liste à
deux tours et les élections ont lieu en même temps que le renouvellement général des conseils municipaux. Le Conseil élit
son Président (scrutin à trois tours) ainsi que la Commission permanente.
Des Conférences territoriales des maires, dont le périmètre est déterminé par délibération du Conseil, peuvent être
consultées lors de l'élaboration et de la mise en œuvre de politiques de la métropole. Il est également créé une Conférence
métropolitaine, instance de coordination entre la métropole et les communes situées sur son territoire.
La métropole de Lyon bénéficie de compétences étendues. Tout d'abord, elle exerce de plein droit, toute une série de
compétences communales : en matière de développement et d'aménagement économique, social et culturel ; d'aménagement
de l'espace métropolitain ; de politique locale de l'habitat ; de politique de la ville ; de gestion des services d'intérêt collectifs
et en matière d'environnement. En second lieu elle exerce de plein droit les compétences que les lois attribuent au
département. De son côté la Région Rhône-Alpes peut lui déléguer certaines de ses compétences. Enfin, l'État peut
également lui déléguer par convention, à la demande de la métropole, certaines compétences.

§ 3. La Métropole Aix-Marseille-Provence

275 L'article 42 de la loi du 27 janvier 2014 (CGCT, art. L. 5218_1) crée, à compter du 1er janvier 2016, la Métropole d'Aix-
Marseille-Provence qui réunit autour de la Communauté urbaine de Marseille et de la Communauté d'agglomération des
Pays d'Aix-en-Provence, trois autres communautés d'agglomération et un syndicat d'agglomération, soit, au total
93 communes représentant une population de 1,8 million d'habitants. Ici encore il a été démontré qu'une collectivité pouvait
être incluse dans le territoire d'une métropole contre sa volonté. Le siège de la Métropole est fixé à Marseille. Les articles 39
et 89 de la loi NOTRe régissent également la Métropole d'Aix-Marseille-Provence.
Le Conseil de la Métropole comprend 240 sièges et leur répartition entre les différentes communes a été reconnue
conforme à la Constitution (Cons. const. Décis. n° 2015-528 QPC 19 févr. 2016, JO 21 févr. 2016, texte n° 24). À partir de
2020, ils seront désignés selon le système dit « du fléchage » (v. ss 276).
La métropole est divisée en Territoires dont les limites sont fixées par décret en Conseil d'État. Le Conseil du Territoire
réunit les conseillers de la métropole délégués des communes incluses dans le périmètre du Territoire. Il élit son Président.
Le Conseil du Territoire est saisi pour avis, avant leur examen par le Conseil de métropole, des rapports de présentation et
des projets de délibération. De même est instituée sur le territoire de la métropole une Conférence métropolitaine des maires
qui peut être consultée pour avis lors de l'élaboration et de la mise en œuvre de politiques de la métropole ainsi qu'un Conseil
de développement.
La métropole exerce tout simplement les compétences qui étaient, à la date de sa création, transférées par les communes
membres aux EPCI qui la composent.

SECTION 4. LES RÈGLES COMMUNES À TOUS LES EPCI 409

276 Alors qu'initialement le législateur posait des règles propres à chacune des structures de coopération intercommunale, il a
maintenant très nettement de plus en plus tendance à poser des règles communes à l'ensemble des EPCI, pris tout
simplement comme une nouvelle catégorie juridique. Il en va de même de la jurisprudence.
Déjà la loi du 12 juillet 1999, qui pose la distinction des EPCI à fiscalité propre et de ceux sans fiscalité intégrée, avait
uniformisé les règles de création des différents EPCI en donnant au préfet un important pouvoir d'appréciation en la matière.
Ce mouvement s'était encore accentué avec la loi du 13 août 2004 qui avait posé nombre de règles communes à tous
les EPCI.
Le phénomène est maintenant abouti puisque l'on dispose désormais d'une véritable codification des règles applicables à
l'ensemble des EPCI : elles constituent le chapitre premier (Dispositions communes) du Titre consacré aux EPCI dans le
CGCT. Sont successivement abordés les problèmes :
– de leur création (art. L. 5211-5) ;
– des organes et du fonctionnement (art. L. 5211-6) ;
– des modifications statutaires (art. L. 5211-16)
– et les dispositions financières (art. L. 5211-21).
Parmi les problèmes communs à l'ensemble des EPCI l'un était particulièrement important : celui du mode de
désignation, par les communes, de leurs représentants appelés à siéger dans les conseils des EPCI. L'élection par les conseils
municipaux était critiquée par ceux qui n'acceptaient pas une désignation au suffrage indirect et qui réclamaient, tout
simplement, l'élection au suffrage universel direct des délégués. Cette solution aurait eu, selon moi, plus d'inconvénients que
d'avantages. En effet l'élection au suffrage universel direct des délégués aux EPCI, par un scrutin particulier, risquerait de
devenir une sorte de troisième tour des élections municipales, avec un sérieux risque de divergence entre la légitimité de
l'élection au conseil municipal et celle de l'élection à l'EPCI, et tous les risques de blocage que cela comporterait. La solution
à ce problème a été proposée par le Comité Balladur, reprise dans un premier temps par le législateur de 2010 et
actuellement réglée par l'art. 33 de la loi du 17 mai 2013.
L'EPCI est administré par un organe délibérant composé de délégués des communes membres, élus dans le cadre de
l'élection municipale. Il faut donc distinguer le cas des communes de plus ou moins de 1 000 habitants.
Pour les communes de plus de 1 000 habitants les conseillers communautaires sont élus en même temps que les
conseillers municipaux. La liste des candidats aux sièges de l'EPCI figure de manière distincte sur le même bulletin que la
liste des candidats au conseil municipal dont elle est issue. Les candidats aux sièges de l'EPCI, figurent dans l'ordre de
présentation dans lequel ils apparaissent sur la liste des municipales, au moins en ce qui concerne le premier quart de la liste.
La liste des candidats est composée alternativement de candidats de chaque sexe. Les sièges de l'EPCI sont répartis entre les
différentes listes selon le système utilisé pour l'attribution des sièges au Conseil municipal. Ce système reposant sur le
scrutin de liste, c'est lui qui a provoqué son abaissement à toutes les communes de 1 000 habitants ; on avait même, à un
moment donné, envisagé de l'abaisser à 500 habitants.
Pour les communes de moins de 1 000 habitants les délégués à l'EPCI sont tout simplement les conseillers municipaux
pris dans l'ordre du tableau.

277 Conclusion ◊ L'évolution que l'on vient de décrire est importante et fort claire : certes on ne supprime aucune commune
mais leurs compétences se réduisent comme peau de chagrin, l'essentiel de celles-ci étant, de plus en plus, exercées à
l'échelle intercommunale. On voit même s'amorcer une évolution qui pourrait aboutir à dépouiller le maire, au profit du
président de l'EPCI, d'une de ses principales prérogatives : son pouvoir de police (v. ss 176). En effet, certains transferts de
celui-ci sont d'ores et déjà possibles sur la base de la loi du 16 décembre 2010 410. De même s'est posé lors de la discussion
de la loi du 21 février 2014 « de programmation de la ville », le problème du transfert à l'intercommunalité du plan local
d'urbanisme 411.
Après les réformes de 2010, si on laisse de côté la nécessaire réforme des finances des collectivités territoriales, un grave
problème n'est toujours pas résolu : celui du chevauchement des compétences des collectivités territoriales (v. ss 130). C'est
l'une des grandes déceptions du Rapport Balladur qu'il se soit résigné, en fait, à accepter l'enchevêtrement des compétences
de l'État et des collectivités territoriales et entre collectivités territoriales. Toutefois la suppression de la clause de
compétence générale du département et de la région est susceptible de réduire, à l'avenir, les hypothèses où il y a
enchevêtrement des compétences.
En revanche on vient de décider de s'attaquer à l'un des fléaux dont sont victimes les collectivités : la multiplication des
normes qui s'imposent à elles 412, par la création du Conseil national d'évaluation des norme (décr. 2014-446 du 30 avr.
2014) 413 et d'un médiateur des normes applicables aux collectivités territoriales (décret du 7 mars 2014) 414.
Un autre problème risque de devenir de plus en plus important : celui de la solidarité financière entre
collectivités territoriales.
La Cour des comptes a souvent fait preuve de sévérité à l'égard des EPCI estimant que ceux-ci avaient échoué, au moins
en partie, à créer des espaces de solidarité politique et économique mais surtout dénonçant la « dérive financière » 415 qu'ils
comportent. Il me semble que les réformes récentes sont de nature à apaiser, au moins dans une certaine mesure, ces craintes
avec la réforme de la carte de l'intercommunalité et la diminution très sensible du nombre d'EPCI.
En ce qui concerne la coopération intercommunale au 1er mars 2015 il y avait 2 133 EPCI se ventilant ainsi :
– 11 métropoles ;
– 9 communautés urbaines ;
– 226 communautés d'agglomération ;
– 1884 communautés de communes.
À la même date il existait environ 13 500 EPCI sans fiscalité propre, essentiellement des syndicats de communes.
Mais ce qui est important c'est que l'examen des schémas départementaux de coopération intercommunale (SDCI) déjà
adoptés montre que l'on s'oriente vers une forte baisse du nombre des intercommunalités (v. AJDA 2015. 2006 et AJDA
2016. 577).

SECTION 5. LA COOPÉRATION INTERDÉPARTEMENTALE

278 Le Rapport Balladur avait dénoncé le trop grand nombre de départements que comporte notre organisation territoriale, le
découpage de la France en départements remontant à la Constituante. L'article 26 de la loi du 16 décembre 2010 organise
donc une procédure de fusion entre plusieurs départements d'une même région. Celle-ci nécessite une délibération
concordante des conseils départementaux des départements concernés ainsi que, dans chaque département, l'accord de la
majorité absolue des suffrages exprimés correspondant au moins au quart des électeurs inscrits. La fusion est alors décidée
par décret en Conseil d'État. Selon moi il serait fort surprenant que de telles fusions se produisent.
Faute de fusion on en reste au système des conférences ou des ententes interdépartementales (CGCT, art. L. 5411-1 et
L. 5421-1).
1o Les conférences interdépartementales sont de simples réunions de délégués des conseils généraux intéressés, qui
discutent de leurs intérêts communs, mais sans pouvoir prendre de décision : le projet élaboré par la conférence doit faire
l'objet de délibérations concordantes des conseils.
2o Les ententes interdépartementales (L. 9 janv. 1930). Au moins deux ou plusieurs conseils généraux peuvent décider de
créer, même entre départements non limitrophes, des institutions ou services communs, dotés de la personnalité morale et de
l'autonomie financière ; ces établissements publics interdépartementaux sont administrés par des délégués des
conseils généraux.
La loi de 1992 prévoit la participation possible aux ententes interdépartementales de conseils régionaux et municipaux.
Elles sont régies, dans ce cas, par les règles applicables antérieurement aux syndicats mixtes (v. ss 266), qui réunissaient des
collectivités de niveaux différents, et leur conseil d'administration doit comprendre des représentants de toutes les
collectivités associées.

SECTION 6. LA COOPÉRATION INTERRÉGIONALE

279 Le Rapport Balladur avait également critiqué la densité insuffisante des régions françaises et souhaité que l'on s'oriente vers
une quinzaine de régions d'une population moyenne de l'ordre de 3 à 4 millions d'habitants. Cette réforme, on l'a vu (v. ss
204) a été réalisée par la loi du 16 janvier 2015 qui crée 13 régions métropolitaines. Cela est de nature à enlever bien de son
importance au problème de la coopération entre régions. Cependant, l'article 28 de la loi du 16 décembre 2010 prévoit que
« plusieurs régions formant un territoire d'un seul tenant et sans enclave peuvent, par délibérations concordantes de leurs
conseils régionaux, demander à être regroupées en une seule région ». Ce projet est soumis, pour avis, aux conseils généraux
concernés. Le Gouvernement ne peut donner suite à la demande que si le projet recueille, dans chacune des régions
concernées, l'accord de la majorité absolue des suffrages exprimés représentant au moins le quart des électeurs inscrits. La
fusion est alors prononcée par décret en Conseil d'État.
Sinon les régions peuvent recourir à l'entente interrégionale créée par la loi du 6 février 1992 (CGCT, art. L. 5621-1 s).
L'entente interrégionale est un établissement public qui associe plusieurs régions ayant un territoire continu. Une région
peut adhérer à plusieurs ententes. Elle est créée, sur délibérations concordantes des conseils régionaux intéressés, par un
décret en Conseil d'État. La décision créatrice peut être modifiée dans la même forme. Une région membre peut se retirer sur
décision unanime du conseil de l'entente. Elle peut être dissoute à la demande du conseil d'une région membre, selon une
procédure à préciser.
1o Organes. On retrouve les organes qui existent dans le cadre de chaque région :
– le conseil d'administration, composé de délégués des conseils régionaux élus par eux, la répartition des sièges entre les
régions étant fixée par le décret institutif ;
– une commission permanente, à laquelle le conseil peut déléguer certaines de ses attributions ;
– un président, élu par le conseil, qui est l'organe exécutif.
2o Compétences. On retrouve la formule habituelle : « Le conseil règle par ses délibérations les affaires relevant de la
compétence de l'entente ». Ces compétences sont celles que les régions lui ont attribuées en la créant, et qu'elle exerce à leur
place. Elle peut, dans ce cadre, passer avec l'État des contrats de plan. Elle est assujettie aux mêmes contrôles administratifs
et financiers que les régions. Le préfet de région qui réside dans la ville où le décret institutif a fixé le siège de l'entente
assure ces contrôles.
3o Coopération financière. Comme pour les communes (v. ss 264), la coopération interrégionale peut prendre une forme
non plus administrative, mais financière. Il y a des régions riches et des régions pauvres. Pour lutter contre ces déséquilibres,
la loi crée un « fonds de correction des déséquilibres régionaux », alimenté par des prélèvements sur les recettes fiscales des
régions favorisées et répartis entre les autres selon les règles fixées par la loi.
On retrouve, dans l'ensemble de ces dispositions, le même souci qu'on a rencontré à propos de la modification éventuelle
du cadre régional par fusion entre régions : donner aux régions françaises une structure adaptée à celle des régions des États
membres de l'Union européenne pour assurer leur compétitivité.

SECTION 7. LA COOPÉRATION TRANSFRONTALIÈRE 416

280 Dans la perspective de la construction européenne, la loi du 2 mars 1982 avait ouvert aux régions frontalières la possibilité
de nouer des contacts avec les collectivités locales étrangères ayant avec elles une frontière commune, en vue de coordonner
certaines de leurs actions. L'autorisation gouvernementale était nécessaire. La pratique avait étendu cette possibilité, assez
largement utilisée, aux collectivités locales autres que la région.
La loi du 6 février 1992 avait ouvert cette possibilité à toutes les collectivités territoriales. Actuellement c'est la loi 2014-
773 du 7 juillet 2014 « d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité
internationale » qui règle la question. Elle autorise les collectivités, dans le respect des engagements internationaux de la
France, à conclure des conventions avec des autorités locales étrangères pour mener des actions de coopération ou d'aide au
développement ou à caractère humanitaire (CGCT, art. L. 1115-1) 417. En ce qui concerne l'État, on l'a vu (v. ss 240), la loi du
27 juillet 2010, relative à l'action extérieure de l'État, fixe le statut des établissements publics contribuant à l'action extérieure
de l'État.
L'article 187 de la loi du 13 août 2004 prévoit que les collectivités territoriales peuvent créer avec les collectivités
étrangères un groupement dénommé « District européen » doté de la personnalité morale et de l'autonomie financière
(CGCT, art. L. 1115-4-1). C'est, à l'évidence, une disposition de circonstance afin de permettre la réalisation du district
européen réunissant Strasbourg et la ville allemande de Kehl. Le décret 2003-23 du 3 janvier 2003 avait déjà autorisé
l'adhésion de la Région Alsace, du département du Bas-Rhin et de la Communauté urbaine de Strasbourg au groupement
local de coopération transfrontalière « Euro-Institut ».
Une commission nationale, dite « de la coopération décentralisée », est chargée de suivre la mise en œuvre de ces
dispositions (CGCT, art. L.1115-6).
La loi 2008-352 du 16 avril 2008 « visant à renforcer la coopération transfrontalière, transnationale et interrégionale » par
la mise en conformité du CGCT avec le règlement communautaire relatif à un groupement européen de coopération
territoriale vise, selon son commentateur 418, à simplifier le droit français en la matière et à favoriser l'émergence
d'eurorégions frontalières.
Tout ceci est récapitulé par l'art. 9 de la loi du 27 janvier 2014 (CGCT, art. L. 1115-5) qui prévoit qu'une collectivité
territoriale, ou un groupement de collectivités, ne peut conclure une convention avec un État étranger, sauf dans les cas
prévus par la loi ou lorsqu'il s'agit de permettre la création d'un groupement européen de coopération territoriale, qu'en y
étant préalablement autorisé par le représentant de l'État dans la région.
SOUS-TITRE 3
LES AUTRES PERSONNES PUBLIQUES SPÉCIALISÉES 419

Parmi les crises de la notion d'établissement public il y a eu celle provoquée par le fait que des organismes créés par le
législateur sans spécifier leur nature juridique – par exemple les Comités d'organisation ou les Ordres professionnels – se
sont vus refuser expressément, par la jurisprudence, la qualité d'établissement public (v. ss 239) alors cependant qu'ils gèrent,
au moins pour partie, un service public. Mais on pouvait essayer d'expliquer cette anomalie en voyant, dans de tels
organismes, des personnes privées (par exemple, pour les ordres professionnels, v. ss 307).
La crise a été plus profonde dès lors que l'on a vu apparaître des organismes pour lesquels il y avait deux certitudes : – ce
sont des personnes publiques autre que l'État et les collectivités territoriales ; – ce ne sont pas des établissements publics.
Certains pensent que la liste de ces personnes publiques spécialisées, autres que les établissements publics, est appelée à
s'allonger dans l'avenir car il s'agit non d'une catégorie « finie » mais bien au contraire d'une catégorie « ouverte » 420.
D'ores et déjà on peut inclure dans cette catégorie : la Banque de France ; les Groupements d'intérêt public (GIP) et
l'Autorité des marchés financiers (AMF).

SECTION 1. LA BANQUE DE FRANCE 421

281 Nationalisée en 1945, la Banque de France constitue « une institution dont le capital appartient à l'État » (art. L. 142-1 Code
monétaire et financier), ce qui laisse entier le problème de la qualification de cette « institution ». La question a été tranchée
par la jurisprudence, même si celle-ci n'est pas exempte de quelque contradiction. Le Tribunal des conflits, en des termes
dépourvus de toute ambiguïté, a reconnu le caractère de « personne publique » à la Banque de France dans un arrêt du
16 juin 1997 (T. confl. 16 juin 1997, Sté La Fontaine de Mars c/ Banque de France, CJEG 1997. 363, concl. Arrighi de
Casanova). Une action en responsabilité étant engagée à l'encontre de la banque du fait de la gestion par elle du fichier
bancaire des entreprises, se posait le problème de la juridiction compétente pour en connaître et donc de la qualification de la
Banque de France. Le Tribunal des conflits tranche pour la compétence de la juridiction administrative car « il résulte de
l'ensemble des dispositions législatives la régissant que la Banque de France est une personne publique ». Statuant en matière
administrative, l'Assemblée générale du Conseil d'État a également admis la qualité de personne publique de la Banque mais
dans une formulation sensiblement différente : « Il résulte de l'ensemble de ces considérations que, ne pouvant être classée
dans aucune des catégories d'établissements publics, la Banque de France est une personne publique sui generis » (Grands
avis du CE no 35). Plusieurs arrêts du Conseil d'État et de la Cour de cassation allant dans le même sens, cela ne rend que
plus étrange l'arrêt de la 1re chambre civile de la Cour de cassation affirmant, il est vrai de manière incidente, que la Banque
de France est « un établissement public administratif » (Civ. 1re, 5 févr. 2002, D. 2002. 1128 note J.-P. Gridel). Le Conseil
d'État a maintenu son point de vue dans une formulation un peu compliquée en jugeant que la Banque « n'a pas le caractère
d'un établissement public mais revêt une nature particulière et présente des caractéristiques propres » (CE 2 oct. 2002,
Banque de France, AJDA 2002. 1345, note J.-P. Markus).
On a relevé que ce statut de la Banque de France correspondait au particularisme qui est le sien : la Banque a un capital,
elle n'est soumise à aucune tutelle en ce qui concerne les missions qu'elle accomplit dans le cadre de sa participation au
système monétaire européen et elle est très largement soumise au droit privé alors même qu'elle assure des missions de
nature essentiellement administrative 422.

SECTION 2. LES GROUPEMENTS D'INTÉRÊT PUBLIC 423

282 Les groupements d'intérêt public (GIP) réunissent des personnes publiques et des personnes privées en vue d'une tâche
commune : recherche, culture, sport etc. Ils sont apparus avec l'article 21 de la loi du 15 juillet 1982, d'orientation et de
programmation de la recherche, pour l'exercice d'activités de recherche et la gestion de matériels nécessaires à celle-ci. Par
la suite de nombreux textes ont repris la formule et les GIP se sont multipliés dans les domaines les plus divers
(enseignement supérieur, éducation physique, mécénat, hospitalisation etc.). Il devenait indispensable de les doter d'un statut
juridique : celui-ci a été, très heureusement, déterminé par les articles 98 à 117 de la loi no 2011-525 du 17 mai 2011 dite
« de simplification et d'amélioration de la qualité du droit » 424, ainsi que par le décret no 2012-91 du 26 janvier 2012 425.
Aux termes de l'article 98 de la loi : « Le GIP est une personne morale de droit public dotée de l'autonomie administrative
et financière. Il est constitué par convention approuvée par l'État soit entre plusieurs personnes morales de droit public, soit
entre l'une ou plusieurs d'entre elles et une ou plusieurs personnes morales de droit privé ».
En ce qui concerne leur nature juridique, plusieurs textes ont expressément qualifié les GIP de « personnes morales de
droit public dotées de l'autonomie administrative et financière ». Telle est également la position de la Section de l'Intérieur
du Conseil d'État dans un avis rendu le 15 octobre 1985 (EDCE 1986. 189) : « Il y a lieu d'admettre, en conséquence, que les
groupements d'intérêt public forment une catégorie de personnes morales de droit public ». Le Tribunal des conflits voit
également dans les GIP des personnes publiques et il ajoute : « Soumises à un régime spécifique » (T. confl. 14 févr. 2000,
GIP Habitat et interventions sociales pour les mal-logés et les sans-abri c/ Mme Verdier, GAJA, no 99, AJDA 2000. Chron.
jurisprudence 410).
Le décret 2013-292 du 5 avril 2013 crée une sorte de mini-statut des personnels de droit public des GIP (AJDA
2013. 712).
SECTION 3. L'AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS 426

283 On a vu (v. ss 96) que depuis une vingtaine d'années sont apparues, au sein des administrations centrales de l'État, des
« Autorités administratives indépendantes ». Il s'agit de services personnalisés qui ne sont pas soumis à l'autorité
hiérarchique du ministre, mais qui n'ont pas la personnalité morale.
Or, la loi du 1er août 2003, de sécurité financière, a créé, par substitution à la Commission des opérations de bourse
(COB) et au Conseil des marchés financiers (CMF), l'Autorité des marchés financiers (AMF). Aux termes de l'article L. 621-
1 du Code monétaire et financier celle-ci est « une autorité publique indépendante dotée de la personnalité morale ». Si le
trait distinctif de l'autorité administrative indépendante est l'absence de personnalité juridique, il est certain que l'Agence des
marchés financiers ne relève pas de cette catégorie. D'ailleurs le législateur la qualifie d'autorité publique indépendante et
non d'autorité administrative indépendante. Il s'agit donc bien, semble-t-il, d'un nouvel exemple de personne publique
spécialisée autre que l'établissement public.
En ce qui concerne les sanctions infligées par l'AMF, v. CE, Sect., 27 oct. 2006, Parent et autres, AJDA 2007, note
Collet ; CE 13 juill. 2006, Mme A., RFDA 2006. 1090.
SOUS-PARTIE 2
Les organes de droit privé

CHAPITRE 1 LES ORGANISMES PRIVÉS GÉRANT UN SERVICE PUBLIC


CHAPITRE 2 LES ENTREPRISES PUBLIQUES EN FORME DE SOCIÉTÉS COMMERCIALES
CHAPITRE 3 LES ORDRES PROFESSIONNELS
L'évolution de la notion d'administration publique (v. ss 5) a vu, de plus en plus, s'effacer la conception organique de
l'administration au bénéfice de la conception matérielle. De ce fait, des tâches d'administration publique sont plus souvent
qu'autrefois confiées à des personnes ou organismes privés. On serait presque tenté de dire qu'il y a désormais une fonction
d'administration et que celle-ci peut être confiée – sauf lorsqu'il s'agit de l'exercice des fonctions régaliennes – aussi bien à
des personnes publiques qu'à des personnes privées.
Après la description des organes de droit public de l'Administration (Sous-partie 1), il faut donc étudier maintenant les
organes de droit privé de l'Administration. Il s'agit, tout d'abord, des organismes privés gérant un service public
(Chapitre 1) ; ce sont, en second lieu, les entreprises publiques en forme de sociétés commerciales (Chapitre 2) ; il y a, enfin
le problème des ordres professionnels (Chapitre 3).
CHAPITRE 1
LES ORGANISMES PRIVÉS GÉRANT UN SERVICE PUBLIC 427

Section 1. L'INVESTITURE CONTRACTUELLE


Section 2. L'INVESTITURE LÉGALE OU RÉGLEMENTAIRE
§ 1. L'apparition du phénomène
§ 2. Les catégories de personnes privées assumant le service public
§ 3. Régime juridique
Section 3. L'AIDE DE L'ADMINISTRATION AUX ACTIVITÉS PRIVÉES D'INTÉRÊT GÉNÉRAL
Un service public peut être géré par une personne publique ou, plus rarement, par une personne privée.
La gestion des services publics par une personne publique sera décrite lorsque l'on exposera la théorie générale du service
public (v. ss 384 s.).
On étudiera, dans le présent chapitre, l'autre hypothèse, celle où le service public est pris en charge par une personne
privée. Le fait que celle-ci puisse participer, par le biais du service public, à l'administration est un phénomène ancien, voire
même très ancien. Au XIXe siècle il était classique de confier la gestion d'un service public à une personne morale de droit
privé par le biais de la concession de service public 428. Louis Rolland avait déjà souligné l'importance croissante de cette
participation des administrés à l'Administration 429. Mais un tournant décisif a été pris lorsque l'investiture de la personne
privée n'a plus découlé d'un contrat (Section 1) mais d'une situation légale ou réglementaire (section 2).

SECTION 1. L'INVESTITURE CONTRACTUELLE

284 La concession de service public est un mode de gestion d'un service dans lequel une personne publique, le concédant, charge
par contrat une personne privée, le concessionnaire, de faire fonctionner le service, pendant un temps généralement assez
long, en en assumant les charges, moyennant le droit de se rémunérer sur les usagers. Dans le contexte libéral de la seconde
moitié du XIXe siècle, il apparaissait logique de confier l'exercice d'activités industrielles ou commerciales à des personnes
privées. Jusqu'à la première guerre mondiale, cette formule connaît un grand succès (v. ss 411).
D'autres techniques contractuelles ont été également utilisées pour confier la gestion d'un service public à une personne
privée. Ainsi de l'affermage 430 qui est le contrat confiant la gestion du service public à un « fermier » moyennant le
versement à la personne publique d'une redevance déterminée. Les communes ont souvent recours à ce procédé pour
l'exploitation des services publics de distribution de l'eau ou encore, par exemple, pour les réseaux de transport urbain. On
peut également recourir à la régie intéressée 431, contrat par lequel la personne publique confie la gestion du service à un
particulier, dont la rémunération dépendra de sa plus ou moins bonne gestion.
Avec ces procédés on aboutit à ce que l'on a appelé la « gestion déléguée » des services publics.
Les différents procédés contractuels étaient inclus dans la « délégation de service public » 432, consacrée par la loi du
2 février 1992 sur l'administration territoriale de la République, et la loi du 29 janvier 1993 sur la prévention de la corruption
(dite « loi Sapin »). Aux termes de l'article 3 de la loi du 11 décembre 2001 « une délégation de service public est un contrat
par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d'un service public dont elle a la responsabilité à un
délégataire public ou privé dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l'exploitation du service »
(v. ss 407). Mais depuis l'ordonnance du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession, la délégation de service public
n'est plus qu'une sous-catégorie de concession à l'usage des collectivités territoriales.
Le service public peut également être confié à un particulier au moyen d'un contrat « innommé ». Cela a été jugé par le
Conseil d'État dans l'arrêt Époux Bertin (CE 20 avr. 1956, RD. publ. 1956. 869 concl. Long, note M. Waline) : en passant
avec les Époux Bertin un contrat verbal les chargeant de nourrir des ressortissants soviétiques, à la Libération, en attendant
leur rapatriement, l'Administration leur a confié « l'exécution même du service public alors chargé d'assurer le rapatriement
des réfugiés de nationalité étrangère se trouvant sur le territoire français ».
Le régime juridique de ces différents contrats sera décrit lors de l'étude des « Contrats administratifs » (v. ss 461 s.).

SECTION 2. L'INVESTITURE LÉGALE OU RÉGLEMENTAIRE


Il s'agit d'hypothèses où la jurisprudence a interprété les lois et les règlements comme ayant voulu confier à des personnes
privées une mission de service public. On examinera : – l'apparition de ce phénomène (§ 1) ; – les catégories de personnes
privées auxquelles le service est confié (§ 2) et le régime juridique s'appliquant à la gestion du service public lorsqu'il est
confié à une personne privée (§ 3).

§ 1. L'apparition du phénomène

285 C'est l'arrêt Caisse primaire aide et protection, en 1938, qui, le premier remet en cause la conception organique de
l'Administration en admettant qu'un service public puisse être confié à un particulier en dehors du système de la concession
de service public 433. Dans cet arrêt (CE, Ass. 13 mai 1938, Caisse primaire aide et protection, GAJA, no 48) le Conseil d'État
juge que « le service des assurances sociales est un service public » dont la gestion est confiée à des caisses primaires qui
constituent « des organismes privés ». Cette dissociation entre service public et organisme de droit public le prenant en
charge avait été amorcée par l'arrêt Ets. Vezia (CE 20 déc. 1935, RD publ. 1936. 119, concl. Latournerie) dans lequel le
Conseil d'État avait admis que les sociétés de prévoyance en Afrique présentaient un « caractère d'intérêt public » et de ce
seul fait pouvaient bénéficier de cette prérogative de puissance publique qu'est l'expropriation.
Depuis cet arrêt les organismes privés qui ont été reconnus comme gérant un service public administratif ou participant à
l'exécution d'une mission de service public administratif sont si nombreux qu'il est impossible de les énumérer tous 434.
À titre d'exemple, ont cette qualité :
– les groupements de défense contre les ennemis des cultures : CE 13 janv. 1961, Magnier, RD publ. 1961. 155, concl.
Fournier ;
– les centres régionaux de lutte contre le cancer : T. confl. 20 nov. 1961, Centre régional de lutte contre le cancer Eugénie
Marquis de Rennes, notes M. Waline, Tome 1, no 80 ;
– les fédérations départementales de chasseurs et de pêcheurs : CE 4 avr. 1962, Chevassier, D. 1962. 327, concl.
Braibant ;
– les associations communales de chasse agréées : CE 30 nov. 1977, Association des chasseurs de Noyant de Touraine,
Rec. 466 ;
– les associations pour l'aménagement des structures et exploitations agricoles : CE, Sect., 13 oct. 1978, ADASEA du
Rhône, D. 1979. 249, note P. Amselek et J. Waline ;
– des groupements sportifs : T. confl. 7 juill. 1980, Peschaud c/ Groupement de football professionnel, RD publ. 1981.
483, concl. Galabert ; T. confl. 4 nov. 1996, Sté Datasport c/ Ligue nationale de football, AJDA 1997. 142 ;
– les syndicats d'initiatives : CE 7 déc. 1960, Jardin, Rec. 681 ;
– les sociétés d'exploitation et de construction des autoroutes : CE 6 juill. 1994, SANEF, Rec. 349.

286 La multiplication, et la diversité, des organismes privés considérés comme gérant un service public pose le problème de leur
définition. Que faut-il entendre exactement par « personnes privées participant à une mission de service public » ?
Cela suppose que l'on définisse ce qu'est le « service public ». Aussi curieux que cela puisse paraître la notion n'a jamais
été définie par les textes (v. ss 384) et, pendant trop longtemps, la jurisprudence ne s'en était guère préoccupée. Le premier
effort important, en ce sens, est intervenu avec l'arrêt Narcy (CE, Sect., 28 juin 1963, notes Marcel Waline, Tome 2, no 171).
Cet arrêt, pour caractériser le service public, retient quatre éléments : – une mission d'intérêt général, ce qui va de soi ; – en
second lieu un droit de regard de l'administration sur les modalités d'accomplissement de cette mission, ce qui
malheureusement reste assez imprécis ; – des prérogatives de puissance publique, avec le problème de savoir, comme le
relève Marcel Waline, si celles-ci seront exigibles dans tous les cas ; – enfin, un contrôle de tutelle. De manière très heureuse
le Conseil d'État, dans un arrêt qui ressemble fort à un arrêt « de principe », a précisé ce que, selon lui, il faut entendre par
« mission de service public » : CE, Sect., 22 févr. 2007, Association du personnel relevant des établissements pour
inadaptés, Rec. 92, concl. Verot ; AJDA 2007. 793, chron. Lenica et Boucher ; RFDA 2007. 803, note C. Boiteau. Il relève,
tout d'abord, que, bien sûr, il n'y a pas de problème lorsque le législateur a lui-même entendu reconnaître ou exclure
l'existence d'un service public. Puis, en ce qui concerne le critère jurisprudentiel il reprend ceux de l'arrêt Narcy mais avec
une modification très importante : l'activité d'une personne privée peut se voir reconnaître le caractère d'un service public
alors même qu'elle n'est pas dotée de prérogatives de puissance publique. Cela pose le problème de savoir à quelles
conditions un organisme non pourvu de prérogatives de puissance publique peut être considéré comme assurant une mission
de service public ? Pour le Conseil d'État il en va ainsi « lorsque, eu égard à l'intérêt général de son activité, aux conditions
de sa création, de son organisation ou de son fonctionnement, aux obligations qui lui sont imposées ainsi qu'aux mesures
prises pour vérifier que les objectifs qui lui sont assignés sont atteints, il apparaît que l'administration a entendu lui confier
une telle mission ». Naturellement il n'y a aucun problème de qualification lorsque l'organisme dispose de prérogatives de
puissance publique. Il y a donc maintenant « une définition binaire du service public » 435. L'arrêt UGC-cinécité (CE 5 oct.
2007, AJDA 2007. 1903) reproduit le considérant, qui est donc bien de principe, de l'arrêt APREI.
Il y a enfin le cas où une personne, ne pouvant être regardée comme ayant reçu une mission de service public, se voit
cependant reconnaître le caractère d'un service public : v. ss 289.

§ 2. Les catégories de personnes privées assumant le service public


Le cas le plus simple est celui où le législateur crée spécialement l'organisme de droit privé auquel le service va être
confié. Sinon on utilisera une structure de droit privé existante.

287 A. Les organes créés spécialement par le législateur ◊ Sans revenir sur le cas des caisses d'assurances
sociales, on peut citer le célèbre décret de Moscou du 15 octobre 1812 créant la Société des comédiens français. De même la
loi du 16 août 1940 créant les Comités d'organisation, organismes professionnels chargés, pendant la guerre, de gérer la
répartition des matières premières et, participant, de ce fait, à l'exécution d'un service public (CE 31 juill. 1942, Monpeurt,
RD publ. 1943. 57, concl. Ségalat, note Bonnard) (v. ss 239). Les Groupements de défense contre les ennemis des cultures
(arrêt Magnier, préc.) ont été créés en application de l'ordonnance du 2 novembre 1945 et « le législateur a ainsi entendu
instituer un service public administratif dont la gestion est confiée, sous le contrôle de l'administration, à des organismes de
droit privé ». Il y a aussi le cas des ordres professionnels qui sera examiné plus loin (v. ss 303).

288 B. L'utilisation de structures privées préexistantes ◊ Le plus souvent, le législateur, au lieu de créer
spécialement l'organisme destiné à gérer le service, utilisera, tout simplement, une structure de droit privé existante :
– associations : Fédération départementale de chasseurs (arrêt Chevassier, préc.) ;
– syndicats : CE, Sect., 6 oct. 1961, Fédération nationale des huileries métropolitaines, Rec. 544 ;
– organismes mutualistes : Caisses régionales de Sécurité sociale : CE 2 févr. 1951, Melle Bodin, Rec. 70 ;
– sociétés : SAFER : CE, Sect., 13 juill. 1968, Capus, D. 1968. 674, concl. Bertrand ; sociétés
concessionnaires d'autoroutes.
Mais il arrive aussi que l'organisme privé ne soit qu'un « faux-semblant », c'est-à-dire une structure utilisée par une
personne publique pour échapper aux règles du droit public, et notamment à celles de la comptabilité publique ; c'est
l'Administration qui se camoufle derrière une structure de droit privé qui n'a aucune autonomie réelle. Dans ce cas, le juge
administratif n'hésite pas à rétablir la réalité derrière l'apparence en admettant sa compétence pour connaître du contentieux
relatif à ces organismes : CE 11 mai 1987, Divier c/ Association pour l'information municipale, Rec. 167 436.

289 C. L'attribution du label « service public » à une personne privée assurant de sa propre
initiative une activité d'intérêt général ◊ Quelques semaines seulement après l'arrêt APREI le Conseil d'État a
rendu un arrêt venant compléter et, en quelque sorte codifier, la définition du service public : CE, Sect., 6 avril 2007,
Commune d'Aix-en-Provence, RFDA 2007. 812, concl. Séners, note J.-C. Douence ; AJDA 2007. 1020, chron. Lenica et
Boucher. À propos des subventions accordées par les personnes publiques au Festival de musique d'Aix-en-Provence, le
Conseil d'État, propose un véritable tableau d'ensemble des diverses modalités de gestion du service public en examinant
successivement, par des « considérants de principe », le cas où la collectivité remplit elle-même la mission de SP, puis celui
où celle-ci est confiée à un tiers et enfin, ce qui est nouveau, celui où la collectivité reconnaît un tel caractère à une initiative
lancée par une personne privée. L'association en cause ne pouvait être considérée comme bénéficiant de la dévolution d'une
mission de SP, mais elle se voit cependant reconnaître le caractère d'un SP en raison de l'intérêt général qui s'y attache, de
l'importance qu'elle revêt aux yeux de la personne publique qui exerce sur son organisation un droit de regard et lui accorde,
le cas échéant, des financements.

§ 3. Régime juridique
Le régime juridique des personnes privées assumant un service public découle de la constatation qu'il s'agit de personnes
privées – ce qui appelle l'application du droit privé – mais qui assurent une mission de service public – ce qui appelle
l'application d'un certain nombre de règles de droit public. L'organisation et le fonctionnement de l'organisme relèvent du
droit privé ; son activité obéit à un régime juridique assez nuancé.

290 A. Les actes ◊ Les actes accomplis par les organismes de droit privé constituent des actes de droit privé (CE 23 juin
1965, SETA, RD publ. 1966. 343 ; 19 déc. 1988, Mme Pascau, AJDA 1989. 271, note Moreau). Mais ceux qui sont accomplis
dans le cadre de la mission de service public et de l'exercice de prérogatives de puissance publique constituent des actes
administratifs unilatéraux, soit réglementaires (T. confl. 15 janv. 1968, Époux Barbier c/ Cie Air-France, GAJA no 79), soit
non-réglementaires (arrêt Magnier, préc. ; CE 30 mars 1962, Association nationale de la Meunerie, D. 1962. 630, concl.
Bernard). On est dans la logique de la conception matérielle de l'Administration qui conduit à trouver « naturel » que l'on
puisse confier d'importantes prérogatives de puissance publique à des personnes privées.

291 B. Les contrats ◊ De manière quelque peu contradictoire avec ce qui précède, les contrats passés par les organismes
privés, même s'ils ont pour objet l'exécution même du service public ou s'ils comportent des clauses exorbitantes du droit
commun (v. ss 467) restent des contrats de droit privé : CE, Sect., 13 déc. 1963, Syndicat des praticiens de l'art dentaire du
département du Nord, Rec. 623. Il n'en va autrement que si le contrat peut être considéré comme conclu « pour le compte »
d'une personne publique (CE, 30 mars 1975, Sté d'Équipement de la Région Montpelliéraine, AJDA 1975. 345, note Franc
et Boyon).

292 C. La responsabilité ◊ Le régime de la responsabilité est plus complexe. Il appartient normalement au juge judiciaire
de connaître des actions en responsabilité dirigées contre l'organisme privé, mais la compétence revient à la juridiction
administrative si l'organisme met en œuvre des prérogatives de puissance publique (v. arrêt ADASEA du Rhône, préc.).
Mais se pose également le problème de savoir dans quelles hypothèses la personne publique qui « coiffe » l'organisme
privé peut voir sa responsabilité engagée du fait de l'action de ce dernier. Ce sera le cas, à titre principal, si la personne
privée a agi « pour le compte » de la personne publique (CE 29 janv. 1971, Association Jeunesse et Reconstruction, AJDA
1971. 279, chron. D. Labetoulle et P. Cabanes), ou à raison du rôle que la personne publique joue dans l'organisation du
service confié à la personne privée (CE 19 déc. 1969, Ets. Delannoy, RD publ. 1970. 787, concl. S. Grévisse, 1220, note
M. Waline). À titre subsidiaire, la responsabilité de la personne publique jouera au cas d'insolvabilité de la personne privée :
CE 13 nov. 1970, Ville de Royan, Rec. 683.

SECTION 3. L'AIDE DE L'ADMINISTRATION AUX ACTIVITÉS PRIVÉES


D'INTÉRÊT GÉNÉRAL

Tous les besoins d'intérêt général ressentis par la collectivité ne font pas l'objet d'un service public 437. La satisfaction de
nombre de ceux-ci est donc laissée à l'initiative privée. Ce n'est pas une raison pour que la puissance publique s'en
désintéresse ; il est donc naturel que l'Administration cherche à les encourager et à les aider.

293
A. Raisons d'être 438 ◊ Elles se ramènent toutes à l'idée que la collectivité a intérêt au maintien et au développement de
certaines activités purement privées ; mais cet intérêt résulte de considérations très diverses :
– parfois, l'activité privée s'assigne un but désintéressé, qui coïncide avec l'intérêt général (activités culturelles, sociales,
charitables, sportives, éducatives) ;
– parfois, le but visé est intéressé, mais conforme à l'intérêt économique du pays (mise en valeur des ressources naturelles,
plus largement, activités économiques de base) ;
– parfois enfin, le but visé n'est pas directement considéré comme d'intérêt général : c'est le cas des cultes dans un État
laïque ; mais l'intérêt général serait compromis si les fidèles des diverses religions n'étaient pas mis en mesure de pratiquer
leur foi, car l'harmonie de la collectivité nationale serait de ce fait menacée.
Dans tous ces cas, il incombe à l'autorité publique, gardienne de l'intérêt général, d'assurer, soit aux branches d'activité
considérées dans leur ensemble, soit aux groupements ou entreprises les plus importants, les conditions favorables à
leur développement.

294 B. Modalités ◊ L'aide des collectivités publiques, quelle que soit sa forme, présente un caractère constant : elle n'altère
pas le caractère purement privé de l'activité ou de l'entreprise bénéficiaire ; elle n'a pas pour effet de les transformer en
services publics. II faut donc distinguer les personnes privées investies d'une mission de service public, et celles qui exercent
une activité privée d'intérêt général. Mais la distinction est parfois délicate 439.
Un second trait est l'extrême diversité des formes que cette aide emprunte tant au point de vue de l'acte juridique par
lequel elle se réalise qu'au point de vue des moyens mis à la disposition des bénéficiaires.
1o La décision présente le plus souvent un caractère unilatéral : elle émane de l'autorité publique seule. Elle se concrétise,
de plus en plus fréquemment, sous la forme de l'agrément de l'organisme privé appelé à bénéficier de l'aide publique ; la
décision d'agrément définit, en même temps, les contrôles et les obligations qui sont la contrepartie de cette aide. Mais la
décision peut aussi prendre la forme d'un contrat, par lequel une personne privée s'engage à se soumettre à certaines
obligations, la personne publique, de son côté, s'engageant à lui fournir l'aide convenue. Un exemple typique de cette forme
d'aide se trouve dans les lois du 31 décembre 1959 et du 1er juin 1971 relatives à l'aide de l'État aux établissements
d'enseignement privé ayant conclu avec lui l'un des contrats types prévus par les textes.
2o Les avantages mis à la disposition des particuliers, très variés, peuvent être groupés autour de trois ordres d'idées :
a) Avantages d'ordre juridique. L'État peut, d'une part, assurer à un groupement un statut de droit privé qui lui permette
d'étendre son activité et ses ressources (cas des associations reconnues d'utilité publique, v. ss 66), d'autre part le faire
bénéficier de prérogatives de puissance publique : l'expropriation peut jouer au profit des concessionnaires de mines, de
certaines associations de prévoyance (CE 20 déc. 1935, Sté des établissements Vezia, concl. Latournerie, RD publ.
1936.119) ; l'organisme privé peut être autorisé à percevoir sur ses adhérents des redevances obligatoires à caractère
parafiscal, etc. L'agrément accordé à certaines associations peut les habiliter à se constituer partie civile en cas d'infractions
portant atteinte aux intérêts collectifs qu'elles ont pour objet de défendre (cf., pour les associations de protection de
l'environnement, L. du 30 déc. 1988).
b) Avantages financiers. 440 L'aide financière peut être indirecte (aménagements fiscaux, protection douanière, tarifs
postaux et de transport réduits dans le cas de la presse, p. ex. etc.) ou directe : elle emprunte alors, tantôt la forme de la
subvention ou de la garantie d'intérêt, tantôt celle de la souscription d'une partie du capital ; la personne publique se trouve
ainsi associée aux particuliers : c'est le procédé de l'économie mixte quand la participation publique au capital reste
minoritaire (v. ss 300). L'étude détaillée de ces procédés relève principalement du droit financier ; mais il faut prendre
conscience de leur extrême importance quant aux rapports de la puissance publique avec les particuliers.
Le système des aides aux entreprises fait l'objet d'une réglementation communautaire aussi complète que contraignante.
Le principe est que les aides accordées, notamment par les collectivités territoriales, ne doivent pas fausser le jeu de la libre
concurrence. Elles doivent être notifiées à la Commission de Bruxelles (v. ss 207) 441.
c) Avantages matériels. L'autorité publique peut mettre à la disposition des intéressés certaines dépendances de son
domaine public : c'est notamment le cas des édifices religieux antérieurs à la séparation des Églises et de l'État, laissés
gratuitement à la disposition des fidèles pour l'exercice du culte. Elle peut également leur « prêter » des agents publics
détachés auprès d'eux (cas de certains syndicats).
3o Parfois, l'aide de l'État prend une forme incitative : des avantages sont promis, par voie générale, à toutes les
entreprises qui acceptent d'orienter leur activité dans le sens souhaité, par exemple de s'installer dans une région
à développer.
4o L'ensemble de ces procédés nouveaux, étrangers aux formes classiques de l'action administrative, prend une
importance pratique croissante avec la valorisation de ce qu'on appelle aujourd'hui la société civile par rapport à la société
politique 442. Leur systématisation est encore imparfaite ; ils résultent d'une prolifération de textes limités chacun à une
activité déterminée, dont le vocabulaire est incertain (l'agrément est tantôt unilatéral, tantôt contractuel). Le pouvoir
discrétionnaire que l'administration se réserve dans l'usage de ces procédés est en général très large. La vogue du terme
« partenariat », souvent utilisé à propos de la collaboration qui se développe par ces divers procédés entre l'administration et
les organismes privés, bien qu'il soit dénué de tout sens juridique précis, est révélatrice de l'ampleur de ce mouvement.

295 C. Contreparties 443 ◊ Normalement, l'aide de l'État s'accompagne d'un contrôle sur l'entreprise ou le groupement
bénéficiaire. Parfois très réduit (contrôle des statuts des associations en vue de la reconnaissance d'utilité publique), il est
beaucoup plus développé lorsque l'aide est d'ordre pécuniaire ; de nombreux textes ont organisé et élargi le contrôle financier
des entreprises privées subventionnées. Il peut porter aussi sur les aspects techniques de l'activité (œuvres sociales,
L. 30 juin 1975).
Parfois, la contrepartie de l'aide pécuniaire de l'État est une participation aux bénéfices de l'entreprise, notamment dans le
cas de l'économie mixte.
À la limite, lorsque les contrôles sont particulièrement développés ou lorsque des prérogatives de puissance publique sont
conférées à l'organisme privé, la frontière s'estompe entre activité privée d'intérêt général et mission de service public
assumée par des particuliers : dans le domaine hospitalier, par exemple, la loi du 31 décembre 1970 qui avait confirmé son
caractère de service public, n'en avait pas exclu les hôpitaux privés à but non lucratif. La loi du 31 juillet 1991 reprend cette
solution : les hôpitaux privés non lucratifs peuvent, s'ils remplissent certaines conditions, soit assurer le service public, soit
être simplement associés au fonctionnement du service.
CHAPITRE 2
LES ENTREPRISES PUBLIQUES EN FORME DE SOCIÉTÉS
COMMERCIALES

Section 1. LES SOCIÉTÉS NATIONALES


Section 2. LES SOCIÉTÉS D'ÉCONOMIE MIXTE
On l'a vu (v. ss 248) les entreprises publiques, qui ne constituent pas une catégorie juridique homogène, comprennent soit
des personnes publiques – sous la forme d'établissements publics industriels ou commerciaux – soit des personnes privées
sous la forme de sociétés anonymes.
Parmi ces sociétés, il y en a dont le capital est entièrement public, ce sont les sociétés nationales (Section 1) et d'autres
qui associent capitaux publics et capitaux privés, les sociétés d'économie mixte (Section 2).

SECTION 1. LES SOCIÉTÉS NATIONALES 444

296 Les sociétés nationales peuvent avoir une double origine : – soit elles sont créées directement par l'État ; – soit elles sont le
produit des opérations de nationalisation.
L'État peut, tout d'abord, créer directement une société à capital public, soit pour répondre à un besoin nouveau, soit pour
réaménager un service existant. Par exemple, la loi du 27 mai 1921 crée la Compagnie nationale du Rhône chargée d'un
important programme d'aménagement du fleuve en vue, notamment, de produire de l'électricité. Exemples de sociétés
nationales créées par transformation de services de l'État : la Société nationale des poudres et explosifs (SNPE) créée par la
loi du 3 juillet 1970 ; la Société GIAT-Industries, pour les armements, par la loi du 23 décembre 1989 ; l'Imprimerie
nationale (loi du 31 décembre 1993). De même, l'ORTF, qui était un établissement public, a donné naissance, en 1974, à
quatre sociétés nationales, plus un établissement public de diffusion (TF1 a été privatisée en 1987).
On l'a vu (v. ss 252) un certain nombre de nationalisations se sont traduites par la constitution de sociétés nationales.
Ainsi, les Usines Renault, dans le système de la loi du 4 juillet 1990, et jusqu'en 1996 ; ou encore les grands groupes
industriels nationalisés en 1982 : CGE, Saint-Gobain, Rhône-Poulenc etc. ; les compagnies financières : la Compagnie
financière de Paris et des Pays-Bas, et la Compagnie financière de Suez ; les 36 banques etc. Mais, bien sûr, les opérations de
privatisation opérées à partir de 1986 ont considérablement diminué le nombre des sociétés nationales.
À la Libération on avait voulu mettre en place une gestion tripartite de ces sociétés (État, salariés, usagers) qui a
rapidement dévié (v. ss 260).
En principe les sociétés nationales sont soumises au droit commercial des sociétés anonymes. De ce fait, pour reprendre
l'expression de MM. Vedel et Delvolvé 445, leur « privatisation » est beaucoup plus marquée que celle des entreprises
publiques en forme d'établissements publics industriels ou commerciaux : – elles ne passent pas de contrats administratifs
(sauf le cas particulier des concessionnaires d'autoroutes, v. ss 465) ; leurs travaux ne sont pas des travaux publics ; elles
peuvent compromettre ; elles sont soumises aux voies d'exécution du droit commun ; elles peuvent, au moins théoriquement,
être mises en faillite.
Un problème important est celui de leurs rapports avec l'État. Ceux-ci doivent concilier deux considérations
antinomiques : l'entreprise étant publique elle doit être, tout naturellement, un instrument de la politique économique des
pouvoirs publics ; mais société anonyme, c'est-à-dire entreprise économique, soumise à la concurrence, elle doit conserver
une importante liberté de manœuvre. Afin d'essayer de résoudre la difficulté on a, en 1982, créé le Haut Conseil du secteur
public, chargé de suivre l'évolution du secteur public mais n'ayant qu'un pouvoir de proposition. De même a été créée
l'Agence des participations de l'État (v. ss 254).
Par ailleurs, on s'est orienté vers un système de relations contractuelles entre l'État et les sociétés nationales par le biais de
contrats de plan pluriannuels : l'État définit les objectifs à atteindre ; la société établit son plan d'entreprise, et le contrat fixe
les engagements réciproques.

SECTION 2. LES SOCIÉTÉS D'ÉCONOMIE MIXTE

297 A. Le procédé 446 ◊ L'entreprise d'économie mixte est une société anonyme dont les actions appartiennent pour partie à
des capitalistes privés, pour partie à des personnes publiques qui se trouvent de ce fait associées à sa gestion.
Cette association peut se réaliser par le jeu normal du droit des sociétés : la personne publique souscrit des actions, qui lui
confèrent les droits attachés à la qualité d'actionnaire au sein de l'assemblée générale. Mais, dans la société anonyme, régie
par le principe majoritaire, ces droits ne deviennent efficaces qu'autant que le volume d'actions détenu permet à la personne
publique d'imposer sa volonté dans l'assemblée.
C'est pourquoi, le plus souvent, l'État, lorsqu'il souscrit des actions, et a fortiori des obligations, lesquelles ne confèrent
aucun droit en matière de gestion, exige que lui soit réservé, au conseil d'administration, un certain nombre de sièges que le
jeu du droit commun, et du principe majoritaire, ne lui garantirait pas. Cette participation au conseil des représentants de
l'État est obligatoire dès que son apport atteint 10 % du capital, et s'accroît proportionnellement à cet apport
(L. 25 juill. 1949).
Mais la société d'économie mixte peut résulter aussi d'une décision de l'autorité publique, qui la crée de toutes pièces en
réservant une part au capital privé, ou en réintroduisant du capital privé dans une société publique.

298 B. Les buts ◊ 1o L'État peut, en prenant des participations, acquérir la maîtrise de l'entreprise : s'il devient le principal
actionnaire, le jeu du droit commun lui permet de désigner comme il l'entend les organes de direction.
2o L'État peut se contenter de pénétrer dans l'entreprise pour la contrôler du dedans (participation minoritaire avec réserve
de sièges au conseil d'administration).
3o Le procédé peut tendre à assurer la collaboration de personnes publiques et privées à des tâches qui intéressent les
unes et les autres (ex. : Compagnie nationale du Rhône, constituée en vue de l'équipement économique du fleuve et de sa
région). Parfois même, et de plus en plus fréquemment, la société ne groupe que des personnes publiques ; sous le nom
d'économie mixte, il n'y a plus alors qu'un procédé commode offert à l'association de personnes publiques dans un cadre de
droit privé.
4o Enfin, le procédé de l'économie mixte est utilisé pour la constitution des groupes publics (v. ss 255).

299 C. La mise en œuvre ◊ 1o Le procédé ne répond pas, comme la nationalisation, à une idéologie. Il suppose
l'acceptation, par l'État, du fait capitaliste, et en même temps, une volonté interventionniste ; il est essentiellement empirique.
2o En pratique, il a été utilisé dans des circonstances très diverses 447 ; on peut distinguer ;
– une économie mixte de crise : entre 1931 et 1934, l'État utilise le procédé pour renflouer des entreprises privées en
difficulté (Cie générale Transatlantique, Messageries Maritimes, Air-France) ; il a été repris en 1978, sous des formes
différentes et complexes, à l'égard de la sidérurgie en proie à de très graves dangers 448 ;
– une économie mixte de nationalisation : on a vu qu'en 1936 et 1937, l'acquisition de la majorité du capital social avait
été considérée comme suffisante pour « nationaliser » des entreprises privées (chemins de fer, constructions aéronautiques) ;
la solution a été reprise en 1981 pour la sidérurgie, dont les mesures prises en 1978 n'avaient pas suffi à redresser la situation,
et pour le groupe Dassault Bréguet ; elle est également utilisée pour des groupes que leur contrôle par des capitaux étrangers
ne permettait pas d'inclure dans la liste des nationalisations intégrales (Roussel Uclaf, Honeywell-Bull, I.T.T. France) mais,
dans ce cas, la participation de l'État n'est pas nécessairement majoritaire ;
– une économie mixte de hasard (participations acquises du fait des confiscations consécutives à la guerre et à la
Libération) ;
– une économie mixte de développement (mise en valeur depuis 1950, de l'Outre-mer et des économies régionales
métropolitaines) ;
– une économie mixte locale, les communes, les départements et les régions pouvant, dans certaines conditions, utiliser le
procédé, quitte à assumer les responsabilités correspondantes. La loi du 7 juillet 1983 a modifié le régime de ce type
d'entreprises en renforçant, dans leur gestion, le rôle des collectivités publiques 449. L'article 141 de la loi du 15 mai 2001,
relative aux nouvelles régulations économiques, modifie les articles 7, 8 et 9 de la loi relative à la démocratisation du secteur
public, pour consacrer le rôle qui doit être désormais prédominant du conseil dans les entreprises nationales comme dans les
établissements publics 450. Par ailleurs la loi 2002-1 du 2 janvier 2002, tendant à moderniser le statut des Sociétés d'économie
mixte locales, pose des règles relatives aux concours financiers apportés par les collectivités territoriales et à l'exercice du
mandat d'administrateur par les élus locaux 451.
– La Loi du 1er juillet 2014 a créé la Société d'Économie Mixte à Opération Unique (SEMOP) (v. ss 463). Il s'agit
d'autoriser la conclusion d'un contrat de la commande publique dont l'exécution sera confiée non à l'auteur de l'offre retenue
mais à une société mixte dont le lauréat de la mise en concurrence deviendra actionnaire aux côtés de la collectivité locale.
L'opérateur économique pourra détenir la majorité du capital social de la nouvelle société, la part réservée aux collectivités
locales étant réduite à 34 % du capital 452.
– On rencontre aussi, d'abord dans les secteurs pétrolier et minier, puis de façon plus générale, une économie mixte au
second degré, les entreprises publiques constituant, soit entre elles, soit avec des entreprises privées, des filiales et des
filiales de filiales, qui prolongent l'action de l'État dans de larges secteurs de l'économie (v. ss 255).
– Enfin, l'introduction de l'actionnariat des salariés dans certaines sociétés nationales (L. du 4 janv. 1973) avait mis
l'économie mixte au service de l'idée de participation. Le procédé avait été utilisé en 1973 pour les banques nationalisées en
1946. La loi du 11 février 1982 est revenue sur cette solution. Mais le procédé a été utilisé à nouveau en ce qui concerne
certains personnels d'Air France (juillet 1998). 453

300 D. Régime juridique ◊ 1o Création. L'entreprise d'économie mixte peut avoir ce caractère dès sa création. Elle peut
aussi résulter de la transformation d'une société privée ; la transformation peut se réaliser, soit par voie contractuelle (achat
d'actions en bourse, ou convention entre la société et l'État, réglant les modalités de l'association), soit par acte unilatéral,
l'État imposant son intervention et en fixant les modalités, soit par une combinaison des deux procédés. À l'inverse,
l'introduction de capital privé dans une société publique peut en faire une société d'économie mixte.
2o Statut. Même si l'État est majoritaire, l'entreprise reste une société anonyme, personne morale de droit privé, soumise,
quant à son organisation et à son activité, au droit commercial et à la législation des sociétés, réserve faite des dispositions
dérogatoires prises en faveur de l'État ou des autres actionnaires publics (ex. nomination par décret du directeur général). Un
contrôleur d'État exerce sur la gestion un contrôle interne, auquel s'ajoutent certains contrôles financiers.

301 E. Entreprise d'économie mixte et service public 454 ◊ L'entreprise d'économie mixte est parfois créée en vue
d'assurer la gestion d'un service public. C'est notamment le cas lorsque l'entreprise privée dans laquelle la personne publique
s'introduit était concessionnaire d'un service public ; après sa transformation, elle conserve cette qualité. Le procédé permet
au concédant de contrôler du dedans la gestion ; c'est ce qui s'est passé avec la création en 1937 de la SNCF, avant sa
transformation en établissement public par la loi du 30 décembre 1982.
Mais ces situations sont exceptionnelles ; le plus souvent, l'activité de l'entreprise est exclusive de toute mission de
service public : elle est alors un organe de collaboration entre l'administration et les particuliers dans un secteur
de l'économie.

302 F. Économie mixte et entreprise publique ◊ Le procédé de l'économie mixte, dans la mesure où il entend
associer des capitaux privés attirés par le profit, et des personnes publiques soucieuses de l'intérêt général, a été critiqué : on
a estimé que les deux perspectives étaient trop antinomiques pour qu'une gestion cohérente puisse naître de leur
rapprochement ; dès lors, dit-on, si l'État est majoritaire, les capitaux privés fuiront ; s'il est minoritaire, il assistera
impuissant à une gestion purement capitaliste.
L'expérience a démenti dans une large mesure ces pronostics ; après la période d'anti-capitalisme systématique de 1946, le
procédé a connu de nouveaux développements, notamment en facilitant l'association de personnes publiques en vue d'une
activité économique d'intérêt général dans un cadre de droit privé. Il est aujourd'hui un élément important de la
compénétration du « privé » et du « public » dans l'économie ; d'où les deux interprétations qu'on en a proposées, certains y
voyant un moyen de reconquête par le capital privé du secteur public, d'autres une technique de pénétration de l'État dans le
secteur privé, une « nationalisation silencieuse ». En réalité, la signification du procédé est très variable : lorsque l'État se
contente de contrôler du dedans la gestion, l'économie mixte est un moyen d'information et de coordination tout à la fois.
Lorsqu'il possède la maîtrise de l'entreprise par contre, celle-ci constitue en fait une véritable entreprise publique, qui ne se
distingue de celles qui ont été étudiées ci-dessus que par la pénétration minoritaire du capital privé, et par une liberté d'action
accrue. Tel est le cas, notamment, pour la Société nationale des poudres et explosifs (Décr. 23 déc. 1970), pour la Société
nationale industrielle aérospatiale (SNIAS, Décr. 27 déc. 1973), issue de la fusion de plusieurs sociétés de constructions
aéronautiques et pour les filiales d'entreprises publiques faisant appel au capital privé. À l'heure actuelle, la société
d'économie mixte à capital public majoritaire constitue donc, à côté de la société nationale et de l'établissement public
industriel et commercial, une des modalités du statut de l'entreprise publique. C'est d'ailleurs ce que confirme la loi du
26 juillet 1983, dans la mesure où le secteur public qu'elle entend démocratiser inclut les sociétés d'économie mixte où les
personnes publiques sont majoritaires.
CHAPITRE 3
LES ORDRES PROFESSIONNELS

303 A. Origine et raisons d'être 455 ◊ L'imbrication des activités publiques et privées, qui se manifeste dans le domaine
économique avec le développement des entreprises publiques, se retrouve sur un autre terrain : celui de l'organisation des
professions. En réaction contre le régime corporatif de l'ancienne France, les professions, au XIXe siècle, se sont vues refuser
toute existence juridique, les relations entre leurs membres relevant de la seule concurrence, selon les principes de
l'individualisme libéral. Seules faisaient exception les compagnies d'officiers ministériels (avoués, notaires) et les avocats,
organisés en barreaux.
La législation sur les syndicats a permis un retour volontaire à l'organisation professionnelle ; mais la liberté d'adhésion
qui caractérise les personnes morales privées (v. ss 65), et la limitation de leur action aux seuls procédés du droit privé, ne
permettent d'aboutir, par cette voie, qu'à des résultats limités,
Le régime de Vichy, en conformité avec sa doctrine corporative, a mis à la disposition de l'organisation professionnelle
des procédés de droit public en créant, pour les professions économiques et commerciales, les Comités d'organisation et pour
les professions libérales, les Ordres professionnels. Les premiers n'ont pas survécu à la Libération ; ils ont toutefois été
l'occasion de l'important arrêt Monpeurt (CE 31 juill. 1942, GAJA, no 49), dont les principes gardent leur valeur. Les ordres,
par contre, ont été maintenus et réorganisés ; la formule a même été étendue à de nouvelles professions libérales. Les
principaux sont ceux, outre celui des avocats, des médecins, des pharmaciens, des experts-comptables et des architectes 456.

304 B. Caractères généraux ◊ Ils découlent de ce qui précède.


1o Les ordres sont des organismes professionnels, tant par leur statut que par leurs attributions. C'est la profession elle-
même qui a reçu le pouvoir de s'organiser et de se discipliner.
2o Les ordres sont dotés de prérogatives de puissance publique, et assujettis de ce fait à un contrôle poussé de la part
de l'État.

305 C. Structure ◊ 1o L'ordre réunit tous les membres de la profession ; l'adhésion est, pour eux, obligatoire : par exemple,
nul ne peut exercer la médecine sans être inscrit au tableau de l'ordre des médecins.
2o Chaque ordre regroupe les membres de la profession à l'échelon local et à l'échelon national ; parfois, l'organisation
comporte trois degrés (départemental, régional, national).
3o À chaque échelon, un Conseil de l'ordre est élu par l'ensemble des ressortissants, ce qui souligne le caractère
professionnel de l'organisation.
4o La répartition des compétences entre les divers conseils s'effectue sur une double base :
– division des attributions, certaines questions relevant des organes nationaux, d'autres des organes locaux ;
– contrôle exercé par les échelons supérieurs sur l'exercice, par les conseils locaux, de leurs attributions.
5o La personnalité morale est attribuée à l'ordre tant au plan national qu'au plan local : chaque conseil, local ou national,
est donc l'organe de la personne morale correspondante.
6o L'ordre est assujetti, de la part de l'État, à un contrôle de tutelle (approbation de certaines délibérations, présence au
sein de certains conseils de représentants de l'administration).

306 D. Attributions ◊ L'ordre a un rôle de représentation de la profession auprès des pouvoirs publics, qui peuvent le
consulter sur les problèmes qui la concernent.
Mais surtout, il est chargé d'organiser la profession et d'assurer sa discipline. À cet effet :
1o Il exerce des attributions réglementaires : il établit le code de déontologie 457 de la profession, c'est-à-dire l'ensemble
des règles qui définissent son exercice correct (rapports entre confrères, avec les clients, etc.). Ce code, soumis à un contrôle
plus ou moins strict, selon les ordres, de la part de l'État, est un acte réglementaire qui s'impose à tous les membres de la
profession 458.
2o II contrôle l'accès à la profession : c'est lui qui prononce l'inscription des nouveaux membres au tableau de l'ordre. Il
exerce, ce faisant, un certain pouvoir discrétionnaire (appréciation des garanties de moralité et d'indépendance
des postulants).
3o Il exerce des attributions disciplinaires 459. Il sanctionne les fautes contre la morale professionnelle telle qu'elle est
définie par le code de déontologie. Il s'agit bien d'une répression disciplinaire : des fautes professionnelles sont punies de
sanctions professionnelles (p. ex. : interdiction d'exercer la profession) prononcées par des organes professionnels 460. Mais,
contrairement à ce qui se passe en matière de discipline de la fonction publique, la répression disciplinaire est ici entièrement
juridictionnalisée : les Conseils, lorsqu'ils statuent en matière disciplinaire, sont des juridictions, et rendent des décisions
juridictionnelles. Le Conseil constitutionnel en a déduit que le principe d'indépendance, qui caractérise les juridictions,
interdit que siège des représentants de l'État au sein de la chambre de discipline du conseil national de l'ordre des
pharmaciens : Cons. const. Décis. n° 2014-457 QPC du 20 mars 2015, AJDA 2015. 1322, note Fourassier et van den Brink.
En application des dispositions de la Convention européenne, les audiences doivent être publiques (CE, Ass., 14 févr. 1996,
Maublanc, AJDA 1996. 403). Le principe du double degré de juridiction s'applique : contre les décisions en premier ressort,
un appel est ouvert devant les instances supérieures 461. Sur le contrôle de cassation de la sanction disciplinaire et notamment
de la proportionnalité : CE, Ass. 30 déc. 2014, M. Bonnemaison, RFDA 2015. 67, concl. Keller.

307 E. Nature et régime juridiques ◊ Le législateur n'ayant pas précisé la nature juridique des organismes qu'il créait,
le Conseil d'État, dans l'arrêt Bouguen, du 2 avril 1943 (GAJA no 50), a tranché la question en faisant application aux ordres
professionnels des principes déjà posés pour les comités d'organisation par l'arrêt Monpeurt.
1o La mission confiée aux ordres, c'est-à-dire la réglementation et la discipline de la profession, constitue l'exercice d'un
service public.
Il en résulte que les décisions réglementaires (codes de déontologie) ou individuelles (inscriptions au tableau,
recouvrement des cotisations) prises par les conseils pour l'exécution du service à eux confié sont des actes administratifs
unilatéraux, auxquels s'attachent les prérogatives de la décision exécutoire, et qui sont assujettis au respect de la légalité : le
recours pour excès de pouvoir est recevable contre eux. Les dommages qu'ils peuvent causer s'ils sont entachés d'une faute
(par ex. : refus d'inscription injustifié) engagent la responsabilité de l'ordre selon les règles du droit administratif 462.
Quant aux décisions disciplinaires, elles sont considérées comme des jugements rendus par une juridiction administrative.
Aussi le recours en cassation est-il ouvert devant le Conseil d'État contre celles qui sont rendues en dernier ressort. Par
contre, leur caractère juridictionnel exclut la mise en jeu de la responsabilité de l'ordre, même lorsqu'elles sont reconnues
illégales à la suite d'un recours en cassation (v. ss 551).
Par la triple voie du recours pour excès de pouvoir, de l'action en responsabilité, et du recours en cassation, le Conseil
d'État exerce un contrôle poussé sur les décisions d'organismes qui, composés de professionnels parfois sans formation
juridique, risquaient, surtout à l'origine, de ne pas offrir à leurs ressortissants les garanties qu'appelait l'ampleur de leurs
attributions ; l'arrêt Comité de défense des libertés professionnelles des experts comptables (CE, Ass., 29 juill. 1950, GAJA
no 60) fournit un bon exemple, et de ce danger et de la façon dont le juge l'a conjuré 463.
2o Les ordres ne sont pas des établissements publics. La position négative prise sur ce point par le Conseil d'État autorise
deux interprétations : on peut voir dans les ordres, soit des personnes privées chargées d'un service public, soit des personnes
publiques d'un type nouveau.
À l'époque où le Conseil d'État rend l'arrêt Bouguen, la catégorie des personnes privées investies d'une mission de service
public est encore assez peu fournie (l'arrêt Caisse primaire aide et protection est de 1938 – v. ss 285). Cela pourrait expliquer
la position strictement négative du Conseil d'État nous disant ce que ne sont pas les ordres professionnels et non ce qu'ils
sont, ce qui évitait d'avoir à dire qu'ils sont des personnes privées investies d'une mission de service public. Désormais de
telles réticences n'ont plus cours. Si l'on examine le droit positif on constate que le fonctionnement interne des ordres
échappe au droit administratif et relève du droit privé : leurs agents sont des salariés de droit privé, leurs contrats sont des
contrats civils, leurs patrimoines sont des biens privés, leur régime financier échappe à la comptabilité publique. Il semble
donc logique, à l'instigation de Michel Lascombe (thèse préc.), de ranger les ordres professionnels dans la catégorie des
personnes privées investies d'une mission de service public, même s'ils exercent d'importantes prérogatives de
puissance publique.
3° On retrouve donc, avec les ordres professionnels, le même phénomène d'imbrication du droit public et du droit privé
qu'on a rencontrés tout au long de ce titre ; mais, comme l'a fait remarquer M. de Laubadère, contrairement à ce qui se passe
pour les établissements publics commerciaux, dont la structure relève du droit public et l'activité du droit privé, ici, le droit
privé régit la structure de l'ordre, et le droit public l'exercice de sa mission.
DEUXIÈME PARTIE
L'ACTION DE L'ADMINISTRATION

TITRE 1 LE PRINCIPE DE LÉGALITÉ

TITRE 2 LES MISSIONS DE L'ADMINISTRATION

TITRE 3 LES ACTES DE L'ADMINISTRATION

TITRE 4 LA RESPONSABILITÉ ADMINISTRATIVE


L'organisation administrative, que l'on vient d'étudier, n'est pas une fin en soi. Elle se propose de donner à ceux qui
administrent un cadre d'action efficace. Il est donc essentiel de connaître les règles qui, dans ce cadre, gouvernent l'action
de l'Administration.
Ce qui caractérise, en premier lieu, cette action c'est qu'elle est soumise au droit (v. ss 40). On étudiera donc, dans un
Titre 1, Le principe de légalité. Il faut, en second lieu, rechercher Les missions dévolues à l'Administration (Titre 2), ainsi
que les Instruments juridiques permettant d'assumer celles-ci (Titre 3). Enfin, dans la mesure où l'action de l'Administration
est susceptible de générer des dommages pour les administrés, on examinera La responsabilité de la puissance publique
(Titre 4).
TITRE 1
LE PRINCIPE DE LÉGALITÉ

CHAPITRE 1 LA LÉGALITÉ EN PÉRIODE ORDINAIRE


CHAPITRE 2 LA LÉGALITÉ DANS LES PÉRIODES EXCEPTIONNELLES
CHAPITRE 3 LE PROBLÈME DES ACTES DE GOUVERNEMENT

308 Le principe de légalité traduit l'idée que l'Administration est soumise au Droit, le terme de « légalité » étant pris dans son
acception la plus large, c'est-à-dire non seulement ce qui est conforme à la loi, au sens strict du terme, mais bien à l'ensemble
des règles de Droit.
La soumission de l'Administration au Droit se rattache, on l'a vu, à un certain type de civilisation et s'oppose à l'État de
police (v. ss 39). Elle répond à la volonté de protéger les individus contre l'arbitraire auquel ils seraient exposés si
l'Administration n'était liée par aucune règle préalable. Mais, en même temps, elle sert la cohérence de l'action
administrative, qui serait menacée si les agents publics étaient laissés à leur inspiration personnelle. Elle opère donc la
synthèse entre les exigences opposées de la liberté des administrés et de l'efficacité de l'Administration. Toute la dialectique
du droit administratif consiste à trouver un équilibre entre la nécessité de reconnaître à l'administration un certain nombre
de prérogatives de puissance publique et celle de protéger le mieux possible les droits des administrés face à
l'Administration.
Les règles de droit dont le respect s'impose à l'Administration peuvent être formulées par des autorités qui lui sont
extérieures : la loi, votée par le Parlement ; les décisions de justice, prises par l'autorité juridictionnelle, les règles du droit
communautaire prises par les autorités de l'Union européenne. Mais l'Administration est également liée par les règles qu'elle
pose elle-même : c'est le fameux adage « Patere legem quam ipse fecisti ». Dans nombre de situations c'est à
l'Administration qu'il revient de prendre les textes accordant des droits ou garanties aux administrés. L'un des paradoxes du
droit administratif est ce phénomène d'auto-limitation.
On étudiera, dans ce Titre :
– Les exigences de la légalité en période ordinaire (Chapitre 1) ;
– La légalité dans les circonstances exceptionnelles (Chapitre 2) ;
– Le problème de savoir si certains actes peuvent échapper au principe de légalité par le biais de la théorie des actes de
gouvernement (Chapitre 3).
CHAPITRE 1
LA LÉGALITÉ EN PÉRIODE ORDINAIRE 464

Section 1. LES DIFFÉRENTES SOURCES DE LA LÉGALITÉ


§ 1. La Constitution
§ 2. Les lois organiques
§ 3. Les traités internationaux
§ 4. Les règles communautaires européennes
§ 5. La Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales
§ 6. La loi et le règlement
A. Le domaine de la loi avant 1958
B. La distinction de la loi et du règlement dans la Constitution de 1958
C. La codification des lois et règlements
§ 7. Les ordonnances de l'article 38
§ 8. La règle jurisprudentielle et les principes généraux du droit
A. La jurisprudence
B. Les principes généraux du droit
§ 9. Le pouvoir réglementaire
Section 2. LA HIÉRARCHISATION DES SOURCES DE LA LÉGALITÉ
§ 1. Le contrôle de la conformité des traités internationaux et du droit communautaire à la Constitution
§ 2. Le contrôle de la constitutionnalité des lois
§ 3. Le contrôle de la conformité de la loi aux traités internationaux
On étudiera tout d'abord les différentes sources du droit administratif (Section 1). Mais ces différentes sources ne sont pas
sur un pied d'égalité : il existe entre celles-ci une véritable hiérarchisation. On examinera donc les problèmes que pose la
hiérarchisation des sources du droit administratif (Section 2).

SECTION 1. LES DIFFÉRENTES SOURCES DE LA LÉGALITÉ

309 Définition ◊ On entend par sources du droit, les procédés par lesquels s'élaborent les règles de droit. Il existe en effet,
pour « fabriquer du droit », diverses techniques, d'ailleurs en nombre limité : l'élaboration spontanée, qui aboutit à la règle
coutumière 465 ; l'élaboration par l'autorité publique, qui aboutit à la règle écrite dont la loi est le prototype ; enfin
l'élaboration par le juge, qui aboutit à la règle jurisprudentielle. Les divers systèmes juridiques – selon le temps et le pays –
recourent, de façon très inégale, à ces procédés, accordant la préférence à l'un ou à l'autre.
Mais, dans les dernières décennies, les sources du droit 466, en matière administrative, comme d'ailleurs dans l'ensemble
des disciplines juridiques, ont connu de profondes mutations. Elles se sont multipliées, diversifiées, et leur importance
respective a changé, tant pour les sources nationales que pour les sources internationales, qui prennent de plus en
plus d'importance.
Pour les sources nationales, la Constitution, dont l'autorité était restée longtemps plus théorique qu'effective, a vu sa
primauté s'imposer dans les faits de manière impressionnante, notamment du fait de la mise en œuvre d'un important contrôle
de la constitutionnalité des lois c'est-à-dire de la conformité des lois à la Constitution. D'autre part, la Constitution de 1958 a
transformé, dans une assez large mesure, les rapports de la loi et du règlement, et la montée des sources écrites a
sensiblement atténué le rôle, jusque-là essentiel, de la jurisprudence et des sources non écrites. Mais la transformation la plus
profonde – il s'agit, en réalité, d'un véritable bouleversement – est venue des traités qui ont fondé les institutions européennes
en conférant à celles-ci des compétences qu'elles utilisent très largement, qu'il s'agisse des textes élaborés par les instances de
l'Union européenne née du Traité de Rome ou de la mise en œuvre de la Convention européenne des droits de l'homme. La
jurisprudence des juridictions qui en sont issues – Cour de justice de l'Union européenne à Luxembourg et Cour européenne
des droits de l'homme à Strasbourg – joue un rôle de plus en plus important.
On étudiera successivement les différentes sources de la légalité dont le respect s'impose à l'Administration : la
Constitution (§ 1), les lois organiques (§ 2), les traités internationaux (§ 3), les règles communautaires européennes (§ 4), la
Convention européenne des droits de l'homme (§ 5), la loi (§ 6), les ordonnances de l'article 38 de la Constitution (§ 7), les
principes généraux du droit (§ 8), les règlements (§ 9).

§ 1. La Constitution

310 La Constitution 467 détermine les règles selon lesquelles s'acquiert, s'exerce et se transmet le pouvoir politique. Mais elle fixe
également les règles fondamentales concernant l'organisation de l'État. Elle est donc la source directe ou indirecte, de toutes
les compétences qui s'exercent dans l'ordre administratif auquel elle donne, selon la formule du doyen Vedel, ses « bases
constitutionnelles » 468. Mais en outre elle contient un certain nombre de principes fondamentaux qui intéressent l'action
administrative et s'imposent donc à l'administration 469.
La Constitution tient dans le système juridique français une place de plus en plus importante. Comme l'ont montré les
travaux de Louis Favoreu, depuis quelques décennies on assiste à une véritable constitutionnalisation de l'ensemble de notre
système juridique.
L'importance accrue de la Constitution tient au fait que, en 1958, on a supprimé l'une des principales anomalies du droit
public français par la création du Conseil constitutionnel 470 chargé d'exercer le contrôle de la conformité à la Constitution
des lois votées par le Parlement 471 (v. ss 351).
Le « bloc de constitutionnalité » 472, c'est-à-dire les règles de valeur constitutionnelle dont le respect s'impose tant au
législateur qu'à l'administration, n'a cessé de s'élargir depuis 1958. Il comprend tout d'abord les 89 articles de la Constitution
de 1958. Mais il comporte également le Préambule de la Constitution de 1946, ainsi que la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789, expressément maintenus en vigueur par le Préambule de la Constitution de 1958. La loi
constitutionnelle du 1er mars 2005 insère dans le Préambule de la Constitution la « Charte de l'environnement de 2004 » 473.
Celle-ci, qui fait notamment référence au « droit de vivre dans un environnement équilibré et favorable à la santé » ainsi
qu'au « devoir de prendre part à la préservation et à l'amélioration de l'environnement », fait aussi expressément référence au
« principe de précaution » qui acquiert ainsi valeur constitutionnelle 474 (v. ss 311).
Le Président de la République avait souhaité voir « approfondir la question de la modernisation du Préambule de la
Constitution ». Il avait nommé à cet effet un groupe de travail présidé par Simone Veil 475 qui a déconseillé une telle
évolution 476. Le projet a donc été abandonné. Je m'en félicite car, en la matière, c'est tout ou rien : ou l'on entreprend la
rédaction d'une grande Charte des libertés, tenant compte de tous les progrès et évolutions qui se sont produits depuis 1946,
et c'est alors une œuvre fort vaste et de longue haleine, ou l'on ne fait rien.
Sous la Constitution de 1946, la question s'était posée de savoir si les principes posés par son Préambule avaient valeur de
droit positif. Après une période de flottement, le Conseil d'État a reconnu valeur de droit positif au Préambule dans le célèbre
arrêt Dehaene rendu en matière de grève (CE, Ass., 7 juill. 1950, RD publ. 1950. 691, concl. Gazier, note Waline ; GAJA,
no 59). Le Conseil constitutionnel en a fait de même dans sa non moins célèbre décision de 1971 relative au droit
d'association (Cons. const. 16 juill. 1971, Loi relative au contrat d'association, AJDA 1971. 537, note Rivero). Encore faut-il
relever la technique utilisée pour une telle reconnaissance et qui est tout à fait extraordinaire : le Conseil constitutionnel se
contente de viser « la Constitution et notamment son Préambule ».
En ce qui concerne la Déclaration des droits de 1789 le Conseil d'État lui a reconnu valeur de droit positif en 1957 (CE
7 juin 1957, Condamine, notes Waline, Tome 1, no 103 ; v. égal. : CE, Sect., 12 févr. 1960, Sté Eky, JCP 1960, no 11629 bis,
note G. Vedel) 477. Selon l'expression de B. Jeanneau 478 le Conseil constitutionnel a également « juridisé » et « actualisé » la
Déclaration de 1789 en fondant ses décisions sur les dispositions de la Déclaration de 1789 en dépit de leur absence de
valeur normative. Ainsi, dans sa décision du 27 décembre 1973, Loi de finances pour 1974, p. 25, le Conseil constitutionnel
constate qu'une disposition de la loi « porte atteinte au principe de l'égalité devant la loi contenu dans la Déclaration de 1789
et solennellement réaffirmé par le Préambule de la Constitution ».
L'intégration de la Déclaration de 1789 et du Préambule de 1946 dans le bloc de constitutionnalité appelle deux
observations :

311 1o Certaines des dispositions de ces textes sont rédigées de manière bien générale. Par exemple la Déclaration de 1789
évoque les principes qui doivent tourner « au bonheur de tous » ; de même le Préambule de 1946 proclame, en termes fort
généraux, « la solidarité et l'égalité de tous les Français devant les charges qui résultent des calamités nationales ». Or, la
règle de droit est une règle de conduite sociale qui doit donc être rédigée avec une précision suffisante pour que l'on puisse y
voir une règle imposant une conduite ou une abstention bien déterminées. C'est pour cette raison que certaines dispositions
de la Déclaration ou du Préambule ont pu être considérées comme de simples déclarations d'intention ne pouvant recevoir
application que si une loi intervient pour les mettre en œuvre (CE 29 nov. 1968, Sieur Tallagrand, Rec. 607). Elles peuvent,
naturellement, être utilisées pour interpréter une disposition législative : CE, Ass., 14 déc. 2007, Département de la
Charente-Maritime, Rec. 472.
La question avait bien semblé se poser en ce qui concerne la Charte de l'Environnement au lendemain de son insertion
dans le Préambule de la Constitution, en 2005. En effet, si le Conseil d'État avait accepté de donner pleine valeur
constitutionnelle au principe de précaution figurant dans celle-ci (CE 6 avril 2006, Ligue pour la protection des oiseaux,
AJDA 2006. 1584, chron. Landais et Lenica) en revanche il avait semblé douter de son applicabilité directe pour les autres
dispositions (CE 19 juin 2006, Assoc. Eaux et Rivières de Bretagne, mêmes réf.). Le problème est maintenant tranché sans la
moindre ambiguïté. En effet le Conseil constitutionnel dans sa décision du 19 juin 2008 (Cons. const., DC no 2008-564, Loi
relative aux OGM, AJDA 2008. 1614, note O. Dord) a jugé que « l'ensemble des droits et devoirs définis dans la Charte ont
valeur constitutionnelle ». Le Conseil d'État a donc jugé que l'ensemble des droits et devoirs définis dans la Charte, à l'instar
de toutes les dispositions figurant dans le Préambule, ont valeur constitutionnelle (CE, Ass., 3 oct. 2008, Commune
d'Annecy, RFDA 2008. 1147, Concl. Aguila ; AJDA 2008. 2166, chron. Geffray et Liéber) 479. En ce qui concerne le principe
de prévention énoncé à l'art. 3 de la Charte : CE, Ass., 12 juill. 2013, Fédération de la pêche en France, RFDA 2014. 97,
concl. Cortot-Boucher et 115, note Robbe ; AJDA 2013. 1737, chron. Domino et Bretonneau.

312 2o Les dispositions du Préambule de 1946 ont reçu une interprétation extensive car dans la décision de 1971 précitée le
Conseil constitutionnel a reconnu valeur de droit positif aux principes fondamentaux reconnus par les lois de la République,
qui figurent dans ce texte (PFRLR). Dans l'esprit du constituant de 1946 cette formule visait, semble-t-il, à rendre hommage
aux lois républicaines intervenues, notamment sous la IIIe République. Elle a désormais valeur de droit positif ce qui pose le
problème de la détermination de son contenu exact laissé à la discrétion du Conseil constitutionnel. Selon l'interrogation de
Jean Rivero : « Quelle République ; Quelles lois ; Quels principes ? ». Le Conseil constitutionnel a pu ainsi élever au rang de
principe à valeur constitutionnelle (PFRLR) 480 :
– la liberté d'association (décision de 1971) ;
– la liberté de l'enseignement et la liberté de conscience (décision du 23 nov. 1977) ;
– l'indépendance de la juridiction administrative (décision du 22 juill. 1980) ;
– l'indépendance des professeurs d'université (décision du 20 janv. 1984) ;
– le principe qui réserve à la juridiction administrative l'annulation ou la réformation des décisions prises par
l'administration dans l'exercice de ses prérogatives de puissance publique (décision du 23 janv. 1987) ;
– le principe de l'importance des attributions conférées à l'autorité judiciaire en ce qui concerne la protection de la
propriété immobilière (décision du 25 juill. 1989) ;
– le respect des droits de la défense (décision du 23 juill. 1999) 481 ;
– le principe relatif à la justice des mineurs (décision du 29 août 2002) 482 ;
– le principe qui veut que les dispositions législatives et réglementaires particulières à l'Alsace-Moselle demeurent en
vigueur tant qu'elles n'ont pas été remplacées par des dispositions de droit commun ou harmonisées avec elles (décision
2011-157 QPC du 5 août 2011) 483.
En plus de la Déclaration de 1789 et du Préambule de 1946 certaines lois organiques peuvent être intégrées au bloc de
constitutionnalité (v. ss 313).
Tout ceci provoque un gonflement considérable du volume des règles constitutionnelles qui s'imposent directement à
l'administration, gonflement qui s'accroît encore avec les interprétations que la jurisprudence du Conseil constitutionnel en
donne dans l'exercice du contrôle de constitutionnalité des lois qui lui sont déférées notamment lorsque la loi examinée n'est
déclarée conforme à la Constitution que sous des « strictes réserves d'interprétation » c'est-à-dire à la condition de lui donner
l'exacte portée que le Conseil formule dans sa décision. Sans doute, ces interprétations ne concernent pas directement les
actes de l'administration. Mais elles tendent, en pratique, à s'incorporer aux textes constitutionnels dont elles procèdent, et
l'administration est tenue de les respecter 484. Sur la portée que le juge administratif doit accorder aux réserves
d'interprétation, v. les intéressantes conclusions de M. Olson sous CE, Sect., 22 juin 2007, Lesourd, Rec. 253 et la chron.
AJDA 2007. 2130 ; CE 6 mai 2009, FNATH, AJDA 2010. 283, note H. Rihal ; celles-ci ont l'autorité absolue de la chose
jugée : CE 15 mai 2013, Commune de Gurmençon, AJDA 2013. 1639, Concl. A. Lallet.
Dans le même esprit le Conseil constitutionnel utilise également, dans ses décisions, ce qu'il appelle des objectifs de
valeur constitutionnelle 485. Il s'agit de principes ou de règles qui ne figurent pas expressément dans la Constitution, mais qui
sont considérés comme des fondements de l'État. Par exemple, la sauvegarde de l'ordre public, le respect de la liberté
d'autrui, la préservation du caractère pluraliste des courants d'expression (décis. 2015-511 QPC 7 janv. 2016), ou encore
celui de l'accessibilité et de l'intelligibilité de la loi et celui de la bonne administration de la justice et même celui de la
possibilité pour toute personne de disposer d'un logement décent (décis. 2015-517 QPC 22 janv. 2016). Ils viennent donc
compléter, en fait, le bloc de constitutionnalité dont le respect s'impose au législateur et à l'administration. Tout repose donc
sur la sagesse du Conseil constitutionnel de ne consacrer que des objectifs incontestables mais il y a là, cependant,
potentiellement, au même titre qu'avec les PFRL, un instrument d'un éventuel Gouvernement du juge constitutionnel 486.
Toutefois, jusqu'à maintenant, aucune loi n'a été déclarée contraire à la Constitution pour la seule violation d'un objectif de
valeur constitutionnelle.
On avait pu penser que ces objectifs ne seraient pas « justiciables », c'est-à-dire qu'ils ne seraient pas mis en œuvre par le
juge « ordinaire ». Ce n'est pas ce qui s'est produit puisque certains d'entre eux ont pu être invoqués utilement devant le
Conseil d'État : par exemple celui de l'intelligibilité de la norme (CE 12 déc. 2007, Section française de l'observatoire
international des prisons, Rec. 653) 487
L'art. 62, 2e al. de la Constitution prévoit que : « Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun
recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles » 488. Elles sont
revêtues de l'autorité absolue de la chose jugée 489.
Les règles constitutionnelles prennent donc bien ainsi, non seulement parmi les sources du droit administratif, mais aussi
dans l'ensemble de notre système juridique, une importance qui ne cesse de croître.

§ 2. Les lois organiques 490

313 Jusqu'en 1958 l'expression « loi organique » était assez imprécise dans le vocabulaire juridique. Dans la Constitution de
1958, il s'agit d'une loi dont l'intervention est expressément prévue par la Constitution afin de compléter telle ou telle de ses
dispositions (par exemple, à l'article 6 pour l'élection du Président de la République ; à l'article 63 pour l'organisation et le
fonctionnement du Conseil constitutionnel). De même, neuf articles de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 renvoient à
une loi organique le soin d'en préciser leurs conditions d'application.
La loi organique est adoptée par le Parlement selon une procédure spéciale fixée par l'article 46 de la Constitution.
Mais surtout, elle est obligatoirement soumise à l'examen du Conseil constitutionnel, avant sa promulgation, pour
vérification de sa conformité à la Constitution. Il serait, en effet, particulièrement dommageable qu'un texte destiné à
détailler les dispositions d'un article de la Constitution vienne le contredire 491.
Une loi organique étant nécessairement conforme à la Constitution, on avait été tenté d'en déduire qu'elle s'incorporait de
ce seul fait au bloc de constitutionnalité et donc qu'une loi ordinaire, contraire à une loi organique, était contraire à la
Constitution. Il semble qu'il faille sérieusement nuancer le propos. Selon l'opinion de Louis Favoreu 492, seules certaines lois
organiques auraient cette qualité : par exemple, la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, ou encore la
loi organique du 22 juillet 1996 relative au financement social.

§ 3. Les traités internationaux

314 Les traités internationaux font partie des sources de la légalité dont le respect s'impose à l'administration 493.
De manière assez surprenante jusqu'à la Libération l'obligation pour l'administration de respecter les engagements
internationaux souscrits par la France était en quelque sorte une obligation naturelle puisque le juge administratif ne
sanctionnait pas la violation d'un traité par l'administration.
L'article 26 de la Constitution de 1946 a mis fin à cette anomalie en affirmant que « les traités diplomatiques
régulièrement ratifiés et publiés ont force de loi dans le cas même où ils seraient contraires à des lois françaises »,
l'article 28 de cette Constitution confirmant que ces traités ont bien une autorité supérieure à celle des lois internes. Le
principe a été repris par l'article 55 de la Constitution de 1958 qui déclare : « Les traités ou accords internationaux
régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour
chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie. » Il s'agit donc de règles incorporées à l'ordre juridique français
et dont le respect s'impose à l'administration. On peut donc, depuis 1946, invoquer à l'appui d'un recours devant le juge
administratif la violation d'un traité alors même que cet acte serait conforme à une loi nationale (CE 30 mai 1952, Dame
Kirkwood, RD publ. 1952. 781, concl. Letourneur, note Waline).
Le Conseil d'État a précisé les critères selon lesquels les dispositions d'un Traité doivent être considérées comme ayant un
effet direct en droit interne, c'est-à-dire qu'elles puissent être invoquées par un particulier : il faut que, compte tenu des
intentions exprimées par les parties, de l'économie générale du Traité ainsi que de son contenu elles n'aient pas pour objet
exclusif de régir les relations entre États et qu'elles « créent des droits dont les particuliers peuvent directement se
prévaloir », c'est-à-dire qu'elles ne nécessitent « aucun acte complémentaire pour produire des effets » ; qu'elles se suffisent à
elles-mêmes : CE, Ass., 11 avr. 2012, GISTI, RFDA 2012, concl. G. Dumortier et note M. Gautier ; AJDA 2012. 936, chron.
Domino et Bretonneau 494.
Le principe étant posé on peut s'interroger sur son effectivité dans la mesure où la France serait actuellement partie à
6 270 traités ou accords ! et qu'il est matériellement impossible à l'administration, et au juge, de les connaître tous et, a
fortiori, de les appliquer.
Mais les dispositions des conventions internationales ne sont pas toutes considérées comme étant « d'application
directe » 495.
En ce qui concerne, par exemple, la Convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant, le juge administratif
reconnaît un effet direct à certaines stipulations de la Convention mais point à d'autres 496. Pour le Pacte des Nations unies
sur les droits civils et politiques, v. par ex. : CE, Ass., Avis, 15 avr. 1996, Mme Doukoure, AJDA 1996. 507, chron. Chauvaux
et Girardot ; CE 26 sept. 2005, Assoc. de défense contre l'homophobie, Rec. 391. Pour des stipulations du Pacte international
des Nations unies relatif aux droits économiques, sociaux et culturels n'ayant pas d'effet direct : CE, Ass., 5 mars 1999,
M. Rouquette, Mme Lipietz, RFDA 1999. 357, concl. Maugüe ; CAA Paris, 12 févr. 2015, AJDA 2015. 14, concl. Oriol ; pour
une décision de la Cour de cassation admettant son effet direct, v. Soc. 16 déc. 2008, Eichenlaub c/ Sté Axa France-Vie,
Dr. Ouv. 2009. 87, note Bonnechère. La Déclaration universelle des Droits de l'homme ne peut pas être invoquée n'ayant pas
été ratifiée dans les conditions prévues à l'article 55 de la Constitution : CE, Ass., 21 déc. 1990, Conf. Nat. des Assoc.
familiales catholiques, Rec. 369, Concl. Stirn 497. Autres exemples, la Convention de Berne, relative à la conservation de la
vie sauvage crée seulement des obligations entre les États parties sans produire d'effets directs dans l'ordre juridique interne
(CE, juge des référés, 8 février 2006, Féd. transpyrénéenne des éleveurs de montagne, Rec. 236), mais la Convention de
Genève relative aux droits des réfugiés est applicable (CE 8 févr. 2006, Assoc. d'accueil aux médecins et personnels de santé
réfugiés en France, Rec. 64) de même que la Charte sociale européenne (CE 10 févr. 2014, AJDA 2014. 380).
Le Conseil d'État a jugé que l'incompatibilité de dispositions législatives ou réglementaires avec un traité n'était pas un
moyen qui pouvait être soulevé d'office par le juge : CE, 16 juin 2010, cité par C. Santulli in RFDA 2010. 830. Enfin, si l'on
peut appliquer en droit interne la coutume internationale, celle-ci ne saurait cependant prévaloir sur la loi interne en cas de
conflit entre ces deux normes (CE, Ass., 6 juin 1997, Aquarone, AJDA 1997. 570 ; CE 28 juill. 2000, Paulin, RFDA 2000.
1170 498). La coutume internationale est de nature à engager la responsabilité sans faute de l'État lorsqu'il résulte de son
application un préjudice grave et spécial : CE, Sect., 14 oct. 2011, Mme Saleh, RFDA 2012. 46, Concl. Roger-Lacan ; AJDA
2011. 2482, note C. Broyelle.
Les traités internationaux, en tant que source de la légalité administrative, posent trois problèmes :
– celui de la régularité de la procédure de ratification ;
– celui de l'interprétation des traités ;
– celui de la condition de réciprocité.

315 A. La régularité de la procédure de ratification 499 ◊ Traditionnellement le Conseil d'État ne se reconnaissait


pas le pouvoir d'apprécier la régularité de la procédure de ratification ou d'approbation des traités. Il a abandonné cette
jurisprudence en acceptant de contrôler le respect des dispositions de l'article 53 de la Constitution qui prévoit l'intervention
d'une loi pour permettre la ratification de certains traités : CE, Ass., 18 déc. 1998, SARL du Parc d'activités de Blotzheim,
Rec. 484, concl. Bachelier ; v. également : CE 23 février 2000, M. Bamba Dieng, RFDA 2000. 478. Mais le Conseil d'État
refuse de se prononcer sur le moyen tiré de ce que la loi autorisant la ratification du traité serait contraire à la Constitution
(conformément à son refus d'examiner tout recours portant sur la constitutionnalité de la loi, v. ss 351) : CE 8 juillet 2002,
Commune de Porta, AJDA 2002. 1005, chron. Donnat et Casas, ni sur la conformité à d'autres engagements internationaux :
CE, Ass., 9 juill. 2010, Féd. Nat. de la Libre pensée, Rec. 268, Concl. Keller. Le Conseil constitutionnel, lui, vérifie la
conformité à la constitution des stipulations d'un accord faisant l'objet de la loi autorisant sa ratification : décision no 2010-
614 DC du 4 nov. 2010, p. 305. Par ailleurs le Conseil d'État manifeste son désir de renforcer son contrôle sur la ratification
ou l'approbation d'un traité en acceptant de statuer sur une exception d'illégalité (v. ss 651) soulevée à l'occasion d'une
décision faisant application du traité : CE, Ass., 5 mars 2003, M. Aggoun, RFDA 2003. 1214, concl. Stahl, note
Lachaume 500.

316 B. L'interprétation des traités ◊ Selon une jurisprudence qui remontait à 1823 le juge administratif ne se
reconnaissait pas le pouvoir d'interpréter lui-même les dispositions d'un traité. Il renvoyait au Ministre des Affaires
étrangères le soin de donner l'interprétation convenable. Le Conseil d'État a abandonné cette position traditionnelle en
estimant que le juge administratif était compétent pour donner lui-même l'interprétation si elle était nécessaire, et que si, le
cas échéant, il sollicitait l'avis du ministère des Affaires étrangères, il n'était plus lié par celui-ci (CE, Ass., 29 juin 1990,
Gisti, AJDA 1990. 621, concl. Abraham, note Teboul ; CE 25 nov. 1998, Mme Teytaud, Rec. 436). 501 Le même revirement
s'est produit dans la jurisprudence de la Cour de cassation, qui s'est reconnue compétente pour interpréter les traités
internationaux sans prendre l'avis du Ministre des Affaires étrangères (Soc. 29 avr. 1993 ; Civ. 1re, 19 déc. 1995, Banque
africaine de développement, Gaz. Pal., 28-29 juin 1996, note Cohen Jonathan).
Pour interpréter le Traité le juge recherchera la commune intention des parties (CE 17 sept. 2010, SA Trans World
Finances, Rec. 348) et procédera, le cas échéant, à l'articulation des Traités entre eux (CE, Ass., 23 déc. 2011, M. Kandyrine
de Brito Paiva, AJDA 2012. 201, chron. Domino et Bretonneau ; RFDA 2012. 1, Concl. Boucher, p. 26, note D. Alland, Avis
d'amicus curiae (v. ss 703) de Gilbert Guillaume. La solution donnée par cet arrêt a été abandonnée : CE plén. 11 avr. 2014,
M. Giorgis, Rec. 89 et 24 nov. 2014, Min. du Budget / Sté Lufthansa, Rec. 348, commentés à la Chr. RFDA 2014. 789 et
2015. 158.

317 C. La condition de réciprocité ◊ La condition de réciprocité est apparue avec la Constitution de 1958 puisque son
article 55, en ce qui concerne l'application d'un traité, fait expressément la réserve de l'application par l'autre partie.
Selon la constatation de M. Stirn (concl. sous CE, Ass., 21 déc. 1990, Confédération nationale des associations familiales
catholiques et autres, Rec. 369) : « La condition de réciprocité n'a pas la même portée pour un traité qui prévoit, entre deux
parties, des obligations précises, de caractère synallagmatique, et pour une convention par laquelle de nombreux États
affirment leur attachement à des principes fondamentaux. Dans ce second cas, appliquer la condition de réciprocité revient à
s'assurer du caractère commun de cet attachement, non à opposer tel ou tel manquement isolé ». Il semble, en ce qui
concerne la première hypothèse (traité entre deux parties) que l'absence de réciprocité devrait entraîner l'inapplicabilité du
traité en droit interne 502.
Reste à savoir quand la condition de réciprocité est satisfaite ? Le Conseil d'État jugeait que cette question devait être
renvoyée à l'appréciation du Ministre des Affaires étrangères : CE, Ass., 29 mai 1981, Rekhou, RD publ. 1981. 1707, concl.
Henry. Il juge désormais, comme pour l'interprétation des traités, qu'il lui appartient de se prononcer lui– même sur la
réciprocité sans renvoi au Quai d'Orsay : CE, Ass., 9 juill. 2010, Mme Cheriet-Benseghir, RFDA 2010. 1133, Concl.
Dumortier, note Lachaume ; AJDA 2010. 1635, chron. Liéber et Botteghi 503.

§ 4. Les règles communautaires européennes 504

318 Le Traité de Rome, qui créa la Communauté économique européenne (devenue depuis l'Union européenne), ne se borne pas,
comme la plupart des autres accords internationaux, à poser des règles qui lient par elles-mêmes les États signataires ; il crée
des institutions (Commission, Conseil des ministres, Cour de justice des Communautés européennes dénommée, depuis le
Traité de Lisbonne, Cour de Justice de l'Union européenne, Parlement européen), et leur confère des compétences étendues.
Les règles élaborées par ces institutions constituent ce que l'on appelle le droit communautaire dérivé, qui s'ajoute aux
dispositions du traité, et s'impose, comme elles, aux États membres. Très malheureusement ce droit communautaire ne brille
pas toujours par sa « limpidité » et on a dû poser le problème de sa simplification et de sa codification (v. AJDA 2005. 2093).
On sait l'importance de plus en plus grande que prennent les règles communautaires dans l'ensemble de notre système
juridique et économique. Nombre de domaines – économie, fiscalité, monnaie, environnement, contrats, agriculture etc. –
échappent de plus en plus à la souveraineté du législateur national pour relever de normes élaborées à l'échelon européen. Le
Traité de Lisbonne, qui est entré en vigueur le 1er décembre 2009, comporte de nouveaux abandons de souveraineté
énumérés par la décision du Conseil constitutionnel le concernant (Décis. no 2007– 560 DC du 20 déc. 2007, Rec. 459).
Ces progrès de la construction européenne posent toute une série de problèmes juridiques que l'on va examiner
maintenant. Mais ils posent également un sérieux problème politique : celui du dessaisissement du parlement français dans
des domaines cruciaux. Pour y porter remède la révision constitutionnelle du 25 juin 1992 a créé un art. 88-4 nouveau de la
Constitution imposant au gouvernement de soumettre aux deux Assemblées les propositions d'actes communautaires « de
portée législative ». Cette saisine a été élargie par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 qui prévoit que le Gouvernement
soumet au Parlement « dès leur transmission au Conseil de l'Union européenne, les projets d'actes législatifs européens et les
autres projets ou propositions d'actes de l'Union européenne ». Chacune des deux assemblées peut adopter sur ceux-ci des
« résolutions européennes » qui n'ont, cependant, aucune force contraignante. Cette procédure a le grand avantage de
permettre au Parlement de discuter de questions qui ont été transférées à l'UE et qui ne relèvent donc plus de sa compétence
législative 505.
Les progrès de la construction européenne posent également le problème de l'adaptation de l'administration française à
cette nouvelle donne. Dans son Rapport public pour 2007 (EDCE 2007. 227 s.) intitulé précisément « L'Administration
française et l'Union européenne » le Conseil d'État constate que celle-ci ne s'est pas encore adaptée et que « La France peine
aujourd'hui à maîtriser l'ensemble des stratégies qui permettraient la poursuite, dans des conditions harmonieuses et
conformes aux intérêts nationaux, de la construction de l'Europe ».
L'insertion des règles communautaires dans l'ordre juridique français pose, pour ne s'en tenir qu'à l'essentiel, trois
problèmes importants :
– quelles sont les règles communautaires applicables sur le territoire des États membres ? (A).
– qui a compétence pour interpréter les règles communautaires ? (B).
– quelles sont les obligations pesant sur la France dans l'application du droit dérivé et comment est sanctionnée la
violation des règles communautaires ?

319 A. Les règles du droit dérivé ◊ Les autorités communautaires peuvent exercer leurs compétences par deux procédés
différents : elles prennent soit des règlements, soit des directives. 506Mais à côté des règles de droit écrit se pose en droit de
l'Union européenne, comme en droit interne, le problème des règles jurisprudentielles. C'est la catégorie des principes
généraux du droit de l'Union européenne. 507 Ces principes ne s'appliquent dans l'ordre juridique français que lorsque la
situation dont doit connaître le juge est régie par le droit de l'Union européenne (CE 4 juill. 2012, Confédération française
pour la promotion sociale des aveugles et des amblyopes, RFDA 2012. 1038. Mais leur violation engage la responsabilité de
l'État : CE 23 juill. 2014, SEPR, AJDA 2014. 1581.
1o Les règlements. Les règlements ne posent guère de problèmes. Selon la formule de l'article 288 TFUE « le règlement
a une portée générale. Il est obligatoire dans tous ses éléments et il est directement applicable dans tout État membre ». Il
s'intègre à la légalité qui s'impose à l'action administrative dès sa publication au Journal officiel des Communautés (CE
28 oct. 2009, Coopérative agricole l'Armorique maraîchère, RFDA 2009. 1300). Tout administré peut s'en prévaloir et les
lois postérieures ne peuvent pas faire obstacle à son application (CE 24 nov. 1990, Boisdet, RFDA 1991. 172).
2o Les directives 508. Les directives, à l'inverse des règlements, ont posé de très sérieux problèmes, leur régime juridique
n'ayant cessé de se nuancer et de se compliquer. Leur étude relève du droit communautaire et l'on se limitera à quelques
indications concernant leur insertion dans la légalité administrative.
Selon la formule de l'article 288 du Traité : « La directive lie tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre
tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens. » Elle fixe donc les objectifs et laisse
les autorités de chaque État membre maîtresses du choix des meilleurs moyens, compte tenu du droit national, permettant
d'atteindre cet objectif obligatoire.
L'État a l'obligation de prendre toutes les mesures nécessaires permettant la transposition des objectifs de la Directive. Le
Conseil constitutionnel a jugé qu'en application de l'art. 88-4 de la Constitution « la transposition en droit interne d'une
directive communautaire résulte d'une exigence constitutionnelle à laquelle il ne pourrait être fait obstacle qu'en raison d'une
disposition expresse contraire de la Constitution » (sur cette réserve, v. ss 350) 509. La non-transposition est de nature, le cas
échéant, à engager la responsabilité de la puissance publique (v. ss 321).
Le Conseil d'État sanctionne les dispositions d'un texte réglementaire pris en méconnaissance d'une directive (CE, Ass.,
11 mars 1994, Union des Transporteurs en commun de voyageurs des B.d.R., Rec. 116) ou des objectifs d'une directive (CE
7 déc. 1984, Féd. des Stés de protection de la nature, Rec. 410 ; CE, Ass., 11 mars 1994, U.T.C.V., Rec. 116 ; CE Sect.,
3 déc. 1999, Association France Nature Environnement, AJDA 2000. 171 ; CE, Ass., 30 juin 2000, Ligue Française pour la
défense des Droits de l'homme, AJDA 2000. 831, concl. Fombeur ; CE 10 janv. 2001, Assoc. France Nature Environnement,
CJEG, 2001 no 576, concl. Maugüe ; CE 6 juin 2007, Assoc. Le Réseau sortir du nucléaire, Rec. 242. Mais l'incompatibilité
d'un décret avec les objectifs d'une directive ne constitue pas un moyen d'ordre public que le juge devrait soulever
d'office 510. Pour les effets de la transposition incomplète d'une directive : CE 1er mars 2013, Sté Roozen France ; CRIIRAD ;
Association sortir du nucléaire, RFDA 2013. 823, concl. X. de Lesquen. En ce qui concerne la compatibilité d'une loi avec
une directive : CE, Ass., 30 juin 2000, Assoc. « Choisir la vie », AJDA 2000. 729, concl. Boissard ; RFDA 2000. 1305, note
Dubouis ; CE, Ass., 12 avr. 2002, Fédération des industries de la parfumerie, RFDA 2002. 678 ; CJCE 26 juin 2003,
Commission des communautés européennes c/ République française, AJDA 2004. 543, note Delaunay. Mais si les États
doivent s'abstenir, dès qu'une directive a été adoptée, de prendre des dispositions de nature à compromettre le résultat prescrit
par celle-ci, rien ne l'interdit lorsqu'elle est en préparation et alors même que les différentes institutions de l'Union auraient
donné leur accord de principe sur son contenu : CE, Ass., 24 mars 2006, Sté KPMG et Sté Ernst & Young Audit, Rec. 154.
À l'expiration du délai de transposition on ne peut pas laisser subsister des dispositions réglementaires incompatibles avec
une directive. Elles doivent être abrogées si une demande en ce sens est présentée (CE, Ass., 3 févr. 1989, Cie Alitalia,
RFDA 1989. 391, concl. Chaid-Nouraï, note Dubouis). Mais en l'absence d'une telle demande elles ne sont plus susceptibles
de recevoir application (CE, Sect., 20 mai 1998, Communauté de communes du Piémont de Barr, Rec. 201, concl. Savoie ;
AJDA 1998. 553).
De même il n'est pas possible, afin d'empêcher la transposition d'une directive qui doit intervenir par voie réglementaire,
de faire voter une loi par le Parlement. Le Conseil d'État a condamné cette volonté du législateur de paralyser ainsi une
directive dans la fameuse affaire des dates de la chasse aux oiseaux migrateurs. Il a jugé que le Premier ministre avait
l'obligation de tirer les conséquences de ce que les dispositions de la loi étaient incompatibles avec les objectifs de la
directive sur la chasse même s'il dispose, pour ce faire, d'un large pouvoir d'appréciation (CE, Sect., 3 déc. 1999,
Rassemblement des opposants à la chasse, RFDA 2000. 59, concl. Lamy) 511.
Tout naturellement, l'État ne peut pas se prévaloir d'une directive qu'il n'a pas transposée (CE, Sect., 23 juin 1995,
SA. Lilly France, Rec. 259, concl. Maugüe).
En ce qui concerne la transposition des directives la France s'efforce de rattraper un retard important. Sur la procédure
suivie pour la transposition des directives, v. la circulaire du 27 septembre 2004 (JO 2 oct. 2004, p. 16290). Afin d'essayer de
rattraper ce retard il n'est pas rare que le gouvernement se fasse habiliter à transposer les directives par voie d'ordonnances et,
plus largement, à prendre au moyen de celles-ci les dispositions nécessaires à l'application des règlements (v. par ex. : loi du
3 janv. 2001 ; loi du 18 mars 2004). Cela n'évite pas à la France d'être régulièrement condamnée du fait de cette carence par
la CJCE (v., par ex., CJCE 9 déc. 2008, Cion c /France, condamnant la France, pour non-transposition, à une amende de dix
millions d'euros, AJDA 2008. 2309).
Mais le véritable problème posé par les directives a été, pendant plusieurs décennies, ce que l'on pouvait appeler la
« querelle » de leur applicabilité directe. Si l'on s'en tient à la lettre du Traité les directives, à la différence des règlements, ne
sont pas d'application directe puisqu'elles se contentent de fixer des objectifs à atteindre dans un certain délai. On était donc
fondé à en déduire que les administrés ne pouvaient pas les invoquer directement à l'encontre de l'Administration. Mais sur
ce point il y avait eu de graves divergences d'interprétation entre le Conseil d'État et la CJCE. En effet, cette dernière, par
une interprétation pour le moins particulièrement constructive, avait reconnu aux directives un effet direct dès lors qu'elles
sont suffisamment précises pour être applicables par elles-mêmes (CJCE 4 déc. 1974, VanDuyn/Home Office, Rec. 1337,
Concl. Mayras). Dans un arrêt très remarqué le CE avait refusé de s'engager dans cette voie en jugeant qu'un requérant ne
pouvait pas invoquer directement les dispositions d'une directive (CE, Ass., 22 déc. 1978, Cohn-Bendit, D. 1979. 155, Concl.
Genevois et note Pacteau). Mais, pour reprendre l'expression des commentateurs de l'Actualité Juridique (AJDA 1998. 404)
« la guerre des juges n'a pas eu lieu » 512. En effet, la jurisprudence de ces deux Hautes juridictions a évolué dans le sens d'un
très net rapprochement. La CJCE en distinguant, notamment, ce que l'on a appelé l'effet direct « vertical » et l'effet direct
« horizontal » 513. Dans le premier cas, à l'expiration du délai fixé par la directive pour sa transposition, celle-ci n'est pas
intervenue ; les dispositions de la directive sont alors invocables par les administrés à l'encontre de l'État au cas où elles
apparaissent comme « étant du point de vue de leur contenu, inconditionnelles et suffisamment précises » : v. CJCE 12 déc.
2013, Portgàs – Sociedade de Produçào, AJDA 2014. 630, note M. Amilhat ; CE, Avis, 21 mars 2011, M. Jin, M. Thiero,
AJDA 2011. 1688, note Alcaraz. En revanche la CJCE refuse l'effet direct « horizontal » c'est-à-dire l'invocation de la
directive entre particuliers. Le Conseil d'État, de son côté, tout en maintenant l'affirmation de principe que les directives n'ont
pas d'effet direct, avait adopté une jurisprudence multipliant les hypothèses où une directive pouvait être invoquée, tant par
voie d'action que par voie d'exception (v. par ex. CE, Ass., 6 févr. 1998, M. Tête, AJDA 1998. 403). Cette évolution du CE
s'est achevée avec l'abandon pur et simple de la jurisprudence Cohn-Bendit : CE, Ass., 30 oct. 2009, Mme Perreux, RFDA
2009. 1125, Concl. Guyomar et 126 note Canedo-Paris ; AJDA 2009. 2385, chron. Liéber et Botteghi. Dans cet arrêt la Haute
Assemblée reconnaît l'effet direct des directives en permettant aux justiciables de se prévaloir de leurs dispositions
lorsqu'elles sont précises et inconditionnelles alors qu'elles n'ont pas été transposées dans le délai imparti. Autrement dit,
pour reprendre la formule des commentateurs de l'Actualité Juridique, un requérant peut alors « demander à ce que la règle
communautaire figurant dans la directive lui soit directement appliquée » 514.

320 B. L'interprétation des règles communautaires 515 ◊ Elles peuvent, comme toutes les règles juridiques, poser
un problème d'interprétation lorsqu'elles sont invoquées devant une juridiction nationale. Le plus souvent les juridictions
françaises procéderont à cette interprétation si elle ne présente pas de difficulté particulière, mais elles ont toujours la faculté
de renvoyer la question à la Cour de Luxembourg (art. 267 du Traité) 516. Mais cette faculté devient une obligation pour les
juridictions suprêmes (Cour de cassation et Conseil d'État) lorsque c'est devant elles que l'interprétation est en discussion. Le
Conseil d'État, longtemps réticent à l'égard de cette obligation, a abandonné cette réticence (CE 26 oct. 1990, Féd. nat. du
commerce extérieur des produits alimentaires, Rec. 294) 517.

321 C. La sanction de la violation des règles communautaires ◊ Elle peut prendre plusieurs formes,
notamment l'annulation des décisions administratives contraires (v. ss 319) 518. Toutefois la méconnaissance du droit
communautaire n'est pas un moyen d'ordre public : CJCE 7 juin 2007, Van der Weerd, AJDA 2007. 2250.
Le Conseil d'État a également admis que la non-transposition d'une directive dans le droit national entraînait la
responsabilité de l'État. Dans un premier temps, ce qui était pour le moins discutable, il l'avait fait sur la base de la
responsabilité sans faute : CE, Ass., 28 mars 1984, Sté Alivar, AJDA 1984. 396, note Genevois. La CJCE ayant rappelé
fermement que le principe de la responsabilité de l'État en cas de violation du droit communautaire « est inhérent au système
du traité » et que « les États sont obligés de réparer les dommages causés aux particuliers par les violations du droit
communautaire qui leur sont imputables » (CJCE 19 nov. 1991, Francovitch et Bonifaci, RFDA 1992. 1, note Dubouis) le
Conseil d'État admet maintenant qu'il s'agit d'une responsabilité pour faute, même si l'arrêt ne le dit pas expressément (CE,
Ass., 28 févr. 1992, Sté Arizona Tabacco Products, AJDA 1992. 210, concl. Laroque ; CE 24 juill. 2009, Min. Agriculture/Sté
Bruyagri, AJDA 2009. 2014, Concl. Geffray). Bien plus, le Conseil d'État, dérogeant au principe que le contenu d'une
décision juridictionnelle ne peut pas engager la responsabilité de l'État (v. ss 551) a engagé celle-ci pour « une violation
manifeste du droit communautaire ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers » : CE 18 juin 2008, Gestas,
RFDA 2008. 755, Concl. de Salins. La CJCE a, sur renvois préjudiciels, rappelé les principes applicables en la matière
(CJCE 5 mars 1996, Brasserie du pêcheur, RFDA 1996. 583, note Dubouis) 519. La responsabilité de l'État est naturellement
engagée au cas de retard dans la transposition d'une directive : CE, Ass., 30 oct. 1996, S.A. Jacques Dangeville, RFDA 1997.
1056, concl. Goulard. La responsabilité de l'État n'est pas engagée par l'absence d'un décret d'application d'une loi alors que
la Commission européenne a contesté, par un avis motivé, la compatibilité de cette loi avec le droit de l'Union européenne :
CE 22 oct. 2014, Sté Métropole télévision, AJDA 2014. 2413, Chr. Lessi et Dutheillet de Lamothe.
La CJCE a jugé que la responsabilité d'un État pouvait se trouver engagée pour violation du droit communautaire par une
juridiction suprême : CJCE 30 sept. 2003, Köbler/Autriche, AJDA 2003. 2146.
A fortiori la responsabilité de l'État se trouve engagée lorsqu'il ne respecte pas les arrêts de la CJCE (v. AJDA 2006.
116) 520. À l'inverse, la responsabilité de la France n'est pas engagée du fait de l'application d'une décision communautaire
directement applicable et ne laissant aucune marge d'appréciation aux autorités nationales : CE, Sect., 12 mai 2004, Sté
Gillot, RFDA 2004. 1021, concl. Seners.
Mais une juridiction nationale n'est pas tenue de réexaminer une décision devenue définitive pour contrariété au droit
communautaire : CJCE 16 mars 2006, Mme Rosemarie Kapferer c/ Schlang & Schick Gmbh, AJDA 2006. 634.
Symétriquement, la responsabilité de l'Union européenne peut être engagée du fait de son activité normative : CJCE
(Grde. Ch.) 9 sept. 2008, FIAMM, D. 2008. 3129, note Weisse-Marchal ; RFDA 2009. 329, note Coutron ; pour le retard
dans le jugement des affaires par les juridictions européennes : CJUE 26 nov. 2013, Gascogne Sack Deutschland GmbH,
AJDA 2014. 683, note J.-Cl. Bonichot.

§ 5. La Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales 521

322 La Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été signée à Rome, le
4 novembre 1950, par les Pays membres du Conseil de l'Europe. Il s'agit d'un texte reconnaissant aux ressortissants des États
membres un certain nombre de droits, essentiellement civils et politiques. Mais l'originalité de cette Convention est qu'elle
donne aux ressortissants des États qui ont accepté cette clause – c'est le cas de la France depuis un décret du 2 octobre 1982
– le droit de former un recours individuel devant la Cour européenne des droits de l'homme, qui siège à Strasbourg, pour
violation de l'un des droits qu'il tient de la Convention. Un tel recours n'est possible qu'après épuisement des voies de recours
offertes par le droit national 522. La possibilité d'un tel recours des citoyens des États parties à la Convention devant une
juridiction internationale est d'une grande originalité et constitue une garantie importante pour ceux-ci. En effet, la Cour
européenne des droits de l'homme peut être amenée à affirmer la non-conformité à la Convention européenne d'une décision
administrative ou même d'un comportement de l'administration, même si le juge national ne les a pas jugés illégaux.
Depuis l'adoption d'une Charte des Droits fondamentaux par l'Union européenne se pose le problème de son articulation
avec la Convention européenne 523. L'art. 6 § 2 du Traité de Lisbonne précise que l'Union adhère à la Convention européenne
et (§ 3) que les droits fondamentaux tels qu'ils sont garantis par celle-ci font partie du droit de l'Union en tant que principes
généraux 524. Ainsi, la Charte confirme les droits fondamentaux garantis par la Convention 525. C'est dans cet esprit que le
Conseil d'État a accepté de se prononcer sur la conformité d'une directive aux droits fondamentaux garantis par la
Convention européenne : CE, Sect., 10 avril 2008, Conseil national des barreaux, p. 129, Concl. Guyomar ; AJDA 2008.
1085, chron. Boucher et Bourgeois-Marchandeau. La Charte des droits fondamentaux s'applique aux États membres
uniquement lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union : CE 13 mars 2013, Mme Cherence, p. 50.
Le protocole no 11 de la Convention européenne a modifié très profondément l'organisation de la juridiction de
Strasbourg 526. Elle comporte désormais des formations de jugement de 7 membres pour les affaires « ordinaires » et une
« Grande Chambre » de 17 juges pour les affaires « sensibles ». Le Protocole 14 à la Convention, enfin ratifié par la Russie,
est entré en application le 1er juin 2010. Il met en œuvre des innovations procédurales destinées à accroître l'efficacité de la
Cour : institution du juge unique, nouvelles conditions de recevabilité, etc. (AJDA 2010. 361). Ce protocole s'est révélé
efficace puisque, fin 2015, le stock d'affaires en instance s'élevait à 64 850 alors qu'en septembre 2011 il s'élevait à
161 000 affaires. En 2015 la Cour a enregistré 40 650 affaires et en a jugé 45 576, la plupart de celles-ci étant écartées pour
irrecevabilité. En 2011, par exemple, la Cour avait rendu 1157 arrêts, donc sur des recours recevables.
On ne peut qu'être frappé par l'importance de plus en plus grande que prennent les décisions de la Cour européenne dans
le système juridique français 527. De plus en plus souvent les études de droit positif doivent intégrer ses décisions. De
manière révélatrice la Convention est maintenant invoquée dans près de la moitié des affaires soumises au Conseil d'État.
Sur le problème de savoir si les personnes publiques peuvent invoquer à leur profit la Convention, v. note Ph. Yolka sous
CAA Lyon, 24 nov. 2009, Féd. des ayants droit des sections de communes de la Haute-Loire, AJDA 2010. 559 et CE 4 mai
2011, CCI de Nîmes, Rec. 205 et RFDA 2012. 466. Parmi les articles le plus souvent invoqués il y a l'article 6 de la
Convention européenne qui garantit à toute personne un procès équitable dans un délai raisonnable et par un tribunal
indépendant et impartial.
La Cour a une interprétation très extensive des dispositions de l'article 6. Ainsi, de manière quelque peu inquiétante, elle a
estimé que l'absence de distinction stricte parmi les membres du Conseil d'État luxembourgeois (organisé selon le modèle
français) entre ceux qui exercent des fonctions consultatives et ceux qui exercent des fonctions juridictionnelles était
contraire à l'art. 6 (CEDH 28 sept. 1995, Procola c/ Luxembourg, RFDA 1996. 777, note Autin et Sudre). Toutefois dans son
arrêt Kleyn c/ Pays-Bas (CEDH 6 mai 2003, AJDA 2003. 1490, note Rolin) la Cour a estimé qu'il fallait rechercher si la
Section du contentieux possédait « l'apparence d'indépendance requise ou l'impartialité objective voulue » (réponse
affirmative en l'occurrence) alors que l'affaire avait été précédemment examinée par les formations administratives du
Conseil d'État néerlandais. Dans le même esprit la Cour européenne a mis en cause le rôle du Commissaire du gouvernement
– devenu depuis Rapporteur public – devant les juridictions administratives car ses conclusions sont prononcées en dehors de
toute procédure contradictoire et parce qu'il participe au délibéré, même s'il n'a qu'une voix consultative (CEDH 20 févr.
1996, Lobo Machodo c/ Portugal et Vermeulen c/ Belgique, RTD eur. 1997. 373, note Benoit-Rohmer). Mais cette prise de
position méconnaît la réalité du fonctionnement des juridictions administratives. Le Conseil d'État a jugé, à juste titre, que
l'intervention du Commissaire du Gouvernement dans la procédure contentieuse n'avait rien de contraire au principe du
contradictoire : CE 29 juill. 1998, Mme Esclatine, D. 1999. 85, concl. Chauvaux. Puis, dans l'affaire Kress (CEDH 7 juin
2001, LPA 3 oct. 2001, no 197, p. 13, note J.-F. Flauss ; RFDA 2001. 991, obs. B. Genevois ; p. 1000, obs. J.-L. Autin et
F. Sudre), la Cour européenne a jugé que le statut du Commissaire du Gouvernement ne contrevient pas aux exigences d'un
« procès équitable », au sens de l'article 6 de la Convention, mais que cette disposition ne permettait pas qu'il assiste au
délibéré. Après plusieurs autres péripéties (sur tous ces points, v. ss 705) un décret du 1er août 2006 prévoit que, devant le
Conseil d'État mais non devant les autres juridictions administratives, le Commissaire du gouvernement assiste au délibéré,
sauf si l'une des parties au procès s'y oppose. Cette bien mauvaise querelle s'est achevée avec le décret du 7 janvier 2009 qui
a « transformé » le Commissaire du Gouvernement en « Rapporteur public ». Je regrette très vivement ce mauvais procès fait
au Commissaire du gouvernement.
En application de l'article 6 le Conseil d'État impose la publicité des audiences des juridictions ordinales (CE, Sect.,
28 juin 1999, M. Le Goff, RFDA 1999. 1118), de la Cour de discipline budgétaire lorsqu'elle se prononce sur des amendes
(CE, Sect., 30 oct. 1998, Lorenzi, RD publ. 1999. 633, note Eckert), et des juridictions disciplinaires hospitalières (CE
23 févr. 2000, M. L'Hermite, AJDA 2000. 363). Il a estimé que le principe d'impartialité n'était pas respecté lorsque la Cour
des comptes juge qu'il y a gestion de fait après avoir évoqué l'affaire dans son rapport public (CE, Ass., 23 févr. 2000, Sté
Labor Métal, AJDA 2000. 404), mais qu'il n'interdisait pas au rapporteur d'une affaire de participer au délibéré (CE 3 déc.
1999, trois arrêts, AJDA 2000. 126).
L'article 6 s'applique désormais aux sanctions administratives (CE, Ass., 3 déc. 1999, Didier, p. 748) et un organisme qui
n'est pas une juridiction au sens du droit interne peut être un « tribunal » au sens de l'article 6. Mais la méconnaissance de
l'article 6 ne constitue pas un moyen d'ordre public : CE, Sect., 6 déc. 2002, Maciolak, AJDA 2003. 492, chron. Donnat et
Casias 528.
Il n'est pas rare que la France soit condamnée, sur la base de l'article 6, en raison de la trop grande lenteur des procédures
juridictionnelles. V., par exemple, pour une procédure ayant duré sept ans, CEDH 24 oct. 1989, H c/ France, LPA, 18 déc.
1989, note J.-F. Flauss ; CEDH 15 oct. 2002, Viéziez c/ France (10 ans et 19 jours pour juger un redressement fiscal !) et
Ottomani c/ France (une procédure pénale de six ans et cinq mois) : AJDA 2002. 1213. Par un étrange paradoxe il peut se
faire que la Cour européenne mette plusieurs années pour condamner un État en raison des lenteurs de son système
juridictionnel !
La jurisprudence de la Cour s'impose, en pratique, aux autorités françaises, sauf à prendre le risque d'une condamnation
au niveau européen. Toutefois, le Conseil d'État a jugé que la CEDH n'est pas une juridiction suprême s'imposant à lui et
qu'il n'a pas à rouvrir une procédure close, du fait de l'intervention d'une condamnation de la CEDH : CE 11 févr. 2004,
Chevrol, AJDA 2004. 439, chron. Donnat et Casas ; CE, Sect. 4 oct. 2012, Baumet, RFDA 2013. 103, note F. Sudre 529 ; la
Cour de cassation adopte la même attitude (Soc. 30 sept. 2005, Lemoine c/ SNCF, D. 2005. 2800). Mais l'exécution d'un
arrêt de la Cour européenne condamnant la France à propos d'une sanction administrative devenue défintive n'implique pas
que l'administration réexamine cette sanction en l'absence de procédure organisée à cete fin ; en revanche, lorsque l'autorité
compétente est saisie d'une demande de relèvement de cete sanction, elle est tenue d'apprécier si la poursuite de son
exécution méconnaît les exigences de la Convention : CE Ass., 30 juillet 2014, Sieur Vernes, Rec. 260, concl. von Coester ;
AJDA 2014. 1929, Chr. Lessi et Dutheillet de Lamothe.
Là encore, et dans le domaine des libertés, essentiel pour l'action administrative, le recul de la souveraineté absolue des
autorités nationales s'affirme. On peut cependant se demander si, à l'heure actuelle, la Cour européenne ne serait pas, on le
répète, victime de son succès 530.

§ 6. La loi et le règlement 531


Ce sont, avec la Constitution, qui leur donne leur assise, les sources écrites nationales du droit administratif. L'étude de
l'élaboration de la loi, œuvre du Parlement, relève du droit constitutionnel, et n'a donc pas sa place ici. Mais son domaine
d'application et son régime juridique doivent être étudiés. Il en va de même du règlement, qui est un acte de l'exécutif. Les
relations entre l'une et l'autre appellent un examen approfondi.

323 Définitions 532 ◊ Si, formellement, la loi est l'acte voté par le Parlement selon la procédure législative, matériellement,
c'est un acte juridique venant poser des règles générales et impersonnelles (si l'on néglige le cas, tout à fait exceptionnel,
d'une loi « individuelle » : par exemple celle qui exonère de droits la succession du Général de Gaulle). Mais certaines
autorités relevant du pouvoir exécutif, à l'échelon national ou local, peuvent également poser des règles générales et
impersonnelles. C'est cette différence d'origine qui fonde la distinction de la loi et du règlement : la loi est l'acte élaboré par
le Parlement, détenteur du pouvoir législatif, le règlement est l'acte à portée générale élaboré par une autorité exécutive. Il
s'agit donc d'actes qui ont, en principe, la même nature, aussi dit-on parfois que les règlements sont « des lois matérielles ».
Toutefois, en ce qui concerne leur intervention, ce n'est pas la même chose de devoir faire voter une loi par le Parlement,
que de faire prendre un règlement par le pouvoir exécutif. Mais surtout, leur régime juridique est différent : la loi, une fois
promulguée, qui était un acte incontestable, le demeure dans une certaine mesure, même s'il y a la réserve de son contrôle
exercé par la voie de la question prioritaire de constitutionnalité (v. ss 352) et de la possibilité de vérifier sa conformité aux
traités internationaux (v. ss 353), alors que le règlement est, par définition même, un acte toujours contestable, susceptible de
recours notamment en annulation.
Il y a donc le plus grand intérêt à savoir quand la compétence, pour poser des règles générales et impersonnelles, revient
au législateur et quand elle est celle de l'Exécutif. La réponse à cette question est fonction des rapports établis par le régime
constitutionnel entre pouvoir législatif et pouvoir exécutif. La primauté constitutionnelle du Parlement par rapport au
gouvernement a pour corollaire la subordination rigoureuse de la règle posée par celui-ci à la règle votée par le Parlement.
Cette subordination ne peut que s'atténuer lorsque l'équilibre des pouvoirs évolue dans un sens favorable au Gouvernement.
Telle est précisément l'évolution qui s'est produite en France. Celle-ci n'affecte d'ailleurs que les règlements pris à l'échelon
national ; elle n'intéresse pas les règlements locaux pris par des autorités administratives qui échappent aux contrecoups de
l'évolution politique, et que l'on retrouvera plus loin.

A. Le domaine de la loi avant 1958

Avant 1958, il faut distinguer l'analyse théorique, de la pratique suivie.

324 1o L'analyse théorique ◊ Œuvre du Parlement, la loi est l'expression de la volonté générale ; il en résulte
nécessairement qu'il n'est pas possible de lui assigner un domaine propre. Souverain, le législateur peut se saisir de n'importe
quelle matière et poser les règles qu'elle lui paraît appeler. C'est la bonne vieille formule britannique que le législateur peut
tout faire… sauf changer un Homme en Femme !
Le règlement, au contraire, émanation d'une autorité subordonnée, est lui-même subordonné à la loi. La jurisprudence
rattache le pouvoir réglementaire à la formule qui confie à l'exécutif le soin « d'assurer l'exécution des lois ». Le règlement
est pris sur la base d'une loi pour en régler les modalités d'application. Tout au plus peut-il intervenir, dans le silence de la
loi, pour régler une question, mais à la condition qu'il ne s'agisse pas d'une matière réservée à la loi, soit en vertu de la
Constitution, soit en vertu de la tradition républicaine (fixation des délits et des peines, régime des libertés publiques,
établissement des impôts, etc.). Mais, même en ce cas, le droit de dernier mot revient au Parlement qui peut se saisir de la
question réglée par l'exécutif pour annuler ou modifier ce que ce dernier a arrêté.
Le règlement n'a donc qu'un rôle second et subsidiaire.

325 2o La pratique suivie ◊ La pratique avait profondément modifié cette analyse, et ceci en plusieurs étapes :
a) Les règlements autonomes. Tout d'abord, on a dû reconnaître au gouvernement un pouvoir réglementaire
« autonome », c'est-à-dire le pouvoir de réglementer des matières dont le législateur n'avait pas cru devoir se saisir. En ce
cas, on ne pouvait évidemment pas rattacher le règlement à l'exécution d'une loi, puisque, par hypothèse, il n'en existait pas
sur ce point. Du moins a-t-on cru possible de le fonder sur l'exécution des lois en général, qui exige toujours un minimum
d'ordre dans l'État : le règlement autonome se justifiait par la nécessité de maintenir dans un domaine négligé par le
législateur cet ordre, sans lequel eût été compromis l'ensemble de l'exécution des lois. C'est la solution consacrée par le
Conseil d'État dans l'arrêt Labonne, du 8 août 1919 (GAJA, no 34) à propos du décret qui, en l'absence de toute loi relative à
la circulation automobile, constituait le premier « Code de la route » : les pouvoirs propres du chef de l'État l'habilitaient sur
ce point à prendre, même en l'absence de loi, les mesures générales exigées par la sécurité de la circulation.
b) Les décrets-lois de la IIIe République 533. À partir de 1926, le législateur ne veut pas, ou ne se sent plus en mesure de
faire entièrement face à sa mission. La multiplication des interventions de l'État suppose une production législative plus
abondante et des solutions rapides.
Dès lors, on voit apparaître, à des intervalles qui se font de plus en plus brefs, une technique nouvelle, celle des lois de
pleins pouvoirs, par lesquelles le Parlement confère à un gouvernement, pendant un laps de temps donné, le pouvoir de
réaliser par voie réglementaire toutes les modifications aux lois en vigueur que peut exiger le rétablissement de la situation.
Cette extension de compétence, outre qu'elle est enfermée dans un délai relativement bref, est assortie de conditions qui
visent soit le but à atteindre, soit la procédure à suivre.
Dans ce système, l'acte qui modifie la loi reste, formellement, un acte de l'exécutif, soumis dès lors au contrôle du juge ;
mais du point de vue de son autorité, il emprunte les caractères de la loi. C'est pourquoi la pratique lui donne le nom de
décret-loi.
c) La Constitution de 1946 534. Elle entendit restaurer dans sa plénitude la souveraineté du législateur et revenir à la
distinction classique. Elle proscrivit donc le procédé des décrets-lois ; telle était la signification de son article 13 :
« l'Assemblée nationale vote seule la loi ; elle ne peut déléguer ce droit ». Mais les nécessités qui s'étaient manifestées
entre 1926 et 1940 ne cessèrent point pour autant de se faire sentir, et même avec une force accrue ; d'où une gamme étendue
de procédés qui tentaient, par des artifices de forme ou de présentation, de donner le change sur leur vraie nature. Quelques-
uns des procédés employés durant cette période préparent directement les solutions actuelles.
1. La notion de domaine réservé au pouvoir réglementaire. L'article 6 de la loi du 17 août 1948 dresse une longue liste de
matières « ayant par nature un caractère réglementaire ». Si donc la loi a statué sur ces matières, c'est, en quelque sorte, par
erreur, et le gouvernement est toujours libre d'abroger, de modifier, ou de remplacer les dispositions en vigueur, par décret en
Conseil des ministres pris sur avis du Conseil d'État.
2. Les lois-cadres 535. On désignait sous ce nom des lois qui, dans un domaine déterminé, se bornaient à définir les
principes des réformes à réaliser, à tracer leur « cadre », et chargeaient le gouvernement, habilité pour ce faire à modifier la
loi, de procéder par décret à ces réformes (cf. par exemple la loi-cadre du 23 juin 1956 en ce qui concerne la réforme du
statut des territoires d'outre-mer).
3. Les délégations de compétence limitées. Un avis du Conseil d'État du 6 février 1953 (RD publ. 1953. 170) a donné, de
l'article 13 de la Constitution, une interprétation très souple propre à fonder un retour avoué au procédé du décret-loi,
maintenu cependant dans des limites raisonnables. La loi d'habilitation ne devait pas, d'après cet avis, conférer au
gouvernement le pouvoir de statuer sur les matières réservées au législateur par la Constitution ou la coutume ; elle devait en
outre se garder, dans l'énoncé des buts assignés aux pouvoirs spéciaux, d'une généralité et d'une imprécision qui eussent
abouti à transférer au gouvernement « l'exercice de la souveraineté nationale ». C'est de cet avis que s'inspirèrent – plus ou
moins fidèlement d'ailleurs – les lois de pleins pouvoirs très fréquemment intervenues entre 1953 et 1958.

B. La distinction de la loi et du règlement dans la Constitution de 1958 536

326 1o Le principe nouveau ◊ Le Constituant de 1958 (art. 34 et 37) pose un principe nouveau qui, à première vue,
constitue une véritable révolution puisqu'il renverse très exactement le principe qui avait cours jusque-là : désormais
l'article 34 énumère limitativement les questions qui sont du domaine de la loi (il s'agit donc d'une compétence d'attribution)
alors que l'article 37 prévoit que « … les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un caractère
réglementaire » (compétence de principe).
Si l'on compare les articles 34 et 37 aux principes qui étaient affirmés jusqu'en 1958, c'est effectivement une petite
révolution juridique. Mais si on les compare à la pratique qui s'était instituée sous la IVe République, on constate qu'il n'y a
pas grand-chose de changé : on a très largement constitutionnalisé les pratiques de celle-ci.
L'article 34 de la Constitution énumère (al. 1 et 2) une liste de matières pour lesquelles « la loi fixe les règles », c'est-à-
dire qui sont, en totalité, de la compétence du Parlement (par exemple, les droits civiques, la nationalité, la détermination des
crimes et délits etc.). Pour d'autres matières (al. 3) la loi détermine seulement « les principes fondamentaux » de celles-ci
(par exemple, de l'organisation générale de la défense nationale, de la libre administration des collectivités territoriales, de
l'enseignement, du droit du travail etc.). Il s'agit donc – ce qui pourrait poser un sérieux problème d'interprétation – de
questions qui sont partagées entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif. Après avoir mentionné les lois de finances, les
lois de financement de la Sécurité sociale, les lois de programme et les orientations pluriannuelles des finances publiques,
l'article 34 (dernier al.) prévoit que « les dispositions du présent article pourront être précisées et complétées par une loi
organique » 537.
En fait, toutes les questions d'importance figurent dans l'énumération de l'article 34 ; c'est, pour partie au moins, la
conséquence de la procédure suivie pour l'élaboration de la Constitution, la liste des matières législatives ayant été allongée à
la suite des avis du Comité consultatif constitutionnel et du Conseil d'État.
La Constitution de 1958 n'a pas altéré les définitions de la loi et du règlement. L'une et l'autre se caractérisent toujours par
l'autorité qui les élabore : la loi est l'acte voté par le Parlement ; le règlement est l'acte pris dans l'exercice du pouvoir
réglementaire attribué en principe au Premier ministre par l'article 21 Const. Dans toutes les matières relevant de la
compétence du Parlement, le règlement intervient dans son champ d'action traditionnel pour « l'exécution des lois » et reste
donc un acte subordonné à la loi. Dans les matières réglementaires (Const., art. 37), le Gouvernement exerce, en principe,
une compétence inconditionnée, et statue avec une liberté analogue à celle du législateur, puisqu'aucun texte de nature
législative n'y vient limiter cette liberté. Toutefois ces « règlements autonomes » sont soumis au contrôle du juge de l'excès
de pouvoir et au respect, notamment, des principes généraux du droit » (v. ss 344).
Enfin, les lois antérieures à 1958, qui ont statué sur des matières désormais réglementaires, perdent leur force propre :
elles peuvent être modifiées par décret, sous la seule réserve de l'avis du Conseil d'État.

327 2o La sanction de la délimitation des compétences ◊ Il ne suffisait pas de ventiler les compétences entre le
Parlement et le pouvoir exécutif ; encore fallait-il organiser les procédures permettant de sanctionner la méconnaissance de
cette répartition. Ce rôle revient tout à la fois au Conseil constitutionnel et au Conseil d'État. Il faut donc examiner le rôle
dévolu, en la matière, à chacune de ces deux juridictions, ainsi que le problème de la coordination de leur jurisprudence
a) Le Conseil constitutionnel. La nécessité d'empêcher le Parlement de sortir de la compétence que lui assigne
l'article 34 a été, semble-t-il, la cause impulsive et déterminante de la création du Conseil constitutionnel. L'étude de sa
composition, de son organisation et du statut de ses membres relève du droit constitutionnel. On étudiera ici les procédures
permettant au Conseil constitutionnel de sanctionner la répartition des compétences opérée par les articles 34 et 37. Dans
cette optique, il y a deux saisines possibles 538 :
– La saisine de l'article 41. Pendant la discussion d'un texte au Parlement, le Gouvernement peut – ce n'est pas une
obligation la répartition des compétences n'étant pas considérée comme d'ordre public – opposer l'irrecevabilité de
l'article 41 à toute initiative parlementaire jugée par lui étrangère au domaine de la loi. En cas de désaccord avec le Président
de la Chambre où se déroule la discussion, c'est le Conseil constitutionnel qui décide souverainement auquel des deux
domaines ressortit la matière. L'article 41 continue à être invoqué par le gouvernement lors des travaux parlementaires mais
le Conseil constitutionnel n'est plus jamais saisi sur la base de cette disposition tout simplement parce que le gouvernement
et le Président de l'assemblée en cause tombent d'accord sur l'interprétation qu'il convient de donner, en l'occurrence, à
l'art. 34 C. (presque toujours en faisant droit à l'exception d'irrecevabilité qui a été soulevée).
– La saisine de l'article 37, 2e alinéa. Elle vise à faire reconnaître le caractère réglementaire de textes de forme législative
intervenus depuis 1958. Lors de la discussion parlementaire le Gouvernement n'a pas invoqué l'irrecevabilité de l'article 41,
laissant ainsi empiéter sur son domaine de compétence. Après coup, le Gouvernement – ou, plus probablement, un autre
Gouvernement – veut récupérer sa compétence. Le Conseil constitutionnel est alors appelé à se prononcer et si sa réponse est
affirmative, la loi pourra être modifiée par décret 539.
b) Le Conseil d'État. Il s'agit de l'hypothèse inverse de celle qui précède : c'est le Gouvernement qui a empiété sur les
compétences du Parlement en réglant par décret une question relevant de l'article 34. Nul besoin alors de mettre sur pied une
procédure particulière : c'est un cas d'incompétence, et, saisi par la voie du recours pour excès de pouvoir, le Conseil d'État
annulera, pour cette raison, le décret.
c) La coordination des jurisprudences. L'article 62, 3° alinéa, de la Constitution devrait permettre d'éviter les
divergences de jurisprudence entre le Conseil constitutionnel et le Conseil d'État. En effet, « les décisions du Conseil
constitutionnel s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles », et donc au
Conseil d'État. Ceci n'exclut pas tout risque de conflit. En effet, les décisions du Conseil d'État ne s'imposent pas, elles, au
Conseil constitutionnel et si c'est le Conseil d'État qui a statué le premier sur l'interprétation de telle ou telle disposition de
l'article 34, le Conseil constitutionnel n'est pas lié par celle-ci. D'autre part, peut jouer l'effet relatif de la chose jugée. Mais,
dans la pratique, et c'est extrêmement heureux, le Conseil constitutionnel et le Conseil d'État mettent tout en œuvre pour
éviter des divergences de jurisprudence qui sont fort rares 540.

328 3o Appréciation de la délimitation ◊ Si l'on veut apprécier la situation qui résulte de ce qui était apparu, en 1958,
comme la principale innovation, d'un point de vue juridique, de la nouvelle Constitution, il faut revenir sur la question,
évoquée supra, de l'autorité respective de la loi et du règlement, et apprécier la pratique actuellement suivie en ce qui
concerne la loi et le règlement.
a) Autorité respective de la loi et du règlement 541. Sur ce point essentiel, la solution traditionnelle subsiste dans la plus
large mesure, tout au moins au niveau des principes, la pratique s'écartant parfois de leur application.
La supériorité de la loi est évidente pour les règlements pris, non sur la base de l'article 37, dans le domaine
réglementaire, mais sur celle de l'article 21, pour « assurer l'exécution des lois » : sur ce point, la subordination traditionnelle
du règlement à la loi demeure entière.
– Il en va de même pour les règlements appelés à statuer sur les matières dont la loi, d'après l'article 34, fixe seulement
« les principes fondamentaux » ; bien que ce qui excède ces principes entre dans le domaine réglementaire, le gouvernement,
en statuant, reste lié par la loi qui les a posés.
– Le même principe s'applique aux règlements intervenus sur la base de l'article 37 dans des matières exclusivement
réglementaires. Dans ces domaines, le gouvernement, en théorie, statue avec une liberté voisine de celle du législateur
puisqu'il n'existe, par définition, aucune loi régissant la matière, et que, dès lors, comme celui-ci, il ne trouve au-dessus de lui
qu'une règle écrite : la Constitution, à laquelle s'ajoutent désormais les traités internationaux et, notamment, les règles
communautaires. Mais sa décision reste un acte du pouvoir exécutif, soumis comme tel à la censure du juge, qui peut en
sanctionner l'irrégularité, et qui, par cette voie, a pu l'assujettir au respect des principes généraux du droit, v. ss 344 (CE
26 juin 1959, Syndicat général des ingénieurs conseils, GAJA, no 72 ; 12 févr. 1960, Sté Eky, D. 1960. 263).
– Depuis 1958 on relevait, à juste titre, que si une loi – ou plus exactement un projet ou une proposition de loi adopté par
le Parlement – pouvait être soumise au Conseil constitutionnel avant sa promulgation (art. 61 Const.) sitôt promulguée elle
échappait à tout contrôle. Ceci n'est plus exact depuis l'institution de la question prioritaire de constitutionnalité. Or, de
nombreuses questions prioritaires de constitutionnalité sont transmises au Conseil constitutionnel et celui-ci n'hésite pas à
déclarer contraires à la Constitution les dispositions législatives déférées (v. ss 352). La subordination désormais effective de
toutes les lois à la Constitution leur ôte, bien sûr, le caractère souverain qu'on leur reconnaissait traditionnellement.
– En résumé, le règlement demeure subordonné à la loi dans toutes les matières où les deux compétences réglementaire et
législative restent appelées à s'exercer l'une et l'autre : ce sont, compte tenu de la jurisprudence du Conseil constitutionnel,
les plus nombreuses en pratique. Même lorsqu'il ne lui est pas subordonné, dans les matières d'où est exclue toute
compétence législative, il lui demeure inférieur quant à sa force juridique.
b) La pratique actuelle 542. Le domaine de la loi qui, déjà dans les textes, a beaucoup d'importance, a encore été accru
par l'interprétation que la jurisprudence en a donnée, ainsi que par la pratique gouvernementale et parlementaire qui
s'est instaurée.
La jurisprudence, tant du Conseil constitutionnel que du Conseil d'État, a donné des dispositions de l'article 34, une
interprétation le plus souvent favorable à la compétence législative. D'autre part, et surtout, elle a pratiquement effacé la
différence entre les matières dont la loi « fixe les règles » et celles dont elle détermine « les principes fondamentaux » en
adoptant, comme critère général de répartition des compétences, la distinction entre la mise en cause des dispositions
antérieures, réservée au Parlement, et leur mise en œuvre, qui relève du pouvoir réglementaire. Pour l'application de ce
critère elle s'est inspirée souvent de la pratique suivie avant 1958. Mais demeure l'idée de base de la réforme qui est juste : au
législateur ce qui est important, au règlement ce qui reste accessoire.
Encore plus importante est la pratique gouvernementale et parlementaire qui s'est instaurée en la matière et qui a suscité
des critiques aussi acerbes que justifiées.
En effet, plusieurs déviations se sont produites en ce qui concerne les rapports entre la loi et le règlement. Tout d'abord,
on a vu des textes de loi se contentant de fixer les grandes lignes d'une réforme appelée à s'appliquer progressivement, selon
que les crédits budgétaires en permettront la mise en œuvre (lois de programme, lois d'orientation, loi « quinquennale » qui
se donne donc cinq ans pour recevoir sa pleine application) 543. En second lieu, on a vu se multiplier ce qu'un Vice-Président
du Conseil d'État a appelé « les lois bavardes » c'est-à-dire, pour reprendre cette fois les propos d'un Président du Conseil
constitutionnel, « la loi qui tâtonne, hésite, bafouille, revient à bref intervalle sur le même sujet », bref, des lois de moins en
moins normatives. On a même vu apparaître ce que l'on a appelé des « lois mémorielles » c'est-à-dire des lois qui,
ouvertement, n'ont strictement aucun objet normatif 544. Tel est le cas de la loi du 29 janvier 2001 par laquelle « la France
reconnaît le génocide arménien de 1915 » ou encore de la loi du 31 janvier 2006 prévoyant que « les programmes scolaires
reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord ». La Cour de
cassation a également dénié tout caractère normatif à la loi tendant à la reconnaissance de la traite et de l'esclavage. 545 Le
Parlement ayant voté un texte visant à réprimer la contestation de l'existence des génocides reconnus par la loi – mais sans
référence expresse au génocide arménien – le Conseil constitutionnel a jugé « qu'une disposition législative ayant pour objet
de reconnaître un crime de génocide ne saurait, en elle-même, être revêtue de la portée normative qui s'attache à la loi » et a
déclaré le texte contraire à la liberté d'expression et de communication 546. Enfin, on a vu proliférer ce qu'un Président du
Conseil constitutionnel a appelé « les neutrons législatifs » c'est-à-dire des intrusions de la loi dans le domaine réglementaire,
le plus souvent à l'initiative du gouvernement lui-même.
Ces pratiques ont soulevé de nombreuses et vives critiques. Tout d'abord d'un Président du Conseil constitutionnel qui
avait laissé entendre très clairement que la Haute Juridiction finirait par sanctionner ces errements, ou encore du Président de
l'Assemblée nationale – devenu depuis Président du Conseil constitutionnel – souhaitant une pratique plus respectueuse, de
la part du gouvernement, de la séparation des domaines de la loi et du règlement. De son côté le Conseil d'État lui a consacré
son Rapport public 2006, intitulé, de manière fort significative, « Sécurité juridique et complexité du droit » 547. Après avoir
dénoncé « l'intempérance normative », « le législateur submergé et contourné », « l'usager égaré » et « les juges perplexes »,
le Rapport évoque les remèdes nécessaires : notamment donner toute leur portée aux procédures constitutionnelles en
vigueur, respecter, bien sûr, les art. 34 et 37, mener des études d'impact de la loi etc. La doctrine, elle aussi, a été sévère pour
ces pratiques 548.
Celles-ci ont débouché sur deux séries de mesures. Tout d'abord le Premier ministre par une circulaire du 19 janvier 2006
(JO 21 janv. 2006, p. 1002) a enjoint aux membres du gouvernement de respecter les art. 34 et 37 (sic). En second lieu, en ce
qui concerne la loi du 31 janvier 2006, il a fait constater par le Conseil constitutionnel (Décis. no 2006-203, Loi du 31 janvier
2006, p. 37) le caractère réglementaire de la disposition « mémorielle », afin de pouvoir l'abroger par décret. Mais surtout le
Conseil constitutionnel a sifflé la fin de la récréation ! Il a tout d'abord rappelé que « la loi a pour vocation d'énoncer des
règles et doit par suite être revêtue d'une portée normative » ; que la Constitution impose au législateur « d'adopter des
dispositions suffisamment précises afin de prémunir les sujets de droit… contre le risque d'arbitraire, sans reporter sur des
autorités administratives ou juridictionnelles le soin de fixer les règles dont la détermination n'a été confiée par la
Constitution qu'à la loi » ; enfin il a réaffirmé l'objectif de valeur constitutionnelle « d'intelligibilité et d'accessibilité de la
loi » 549 (Cons. const. no 2005-512 DC du 21 avr. 2005, p. 72 ; Cons. const. no 2006-540 DC du 27 juill. 2006, Loi relative au
droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information, p. 88). En application de ces principes il a déclaré
contraires à la Constitution des dispositions manifestement dépourvues de toute portée normative (décision précitée,
considérant 17), a déclaré contraires à la Constitution des dispositions qui « ont à l'évidence le caractère réglementaire », ce
qui, d'ailleurs n'empêche pas leur promulgation (considérant 23) et a même sanctionné une disposition en raison de sa trop
grande complexité (Cons. const. no 2005-530 DC, du 29 déc. 2005, Loi de finances pour 2006, considérants 84 s., Rec. 168).
Le Conseil constitutionnel est également conduit à sanctionner les « cavaliers législatifs » c'est à dire des dispositions
introduites par voie d'amendement dans le texte en discussion mais qui n'ont aucun lien, même indirect, avec celui-ci. Pour
une décision censurant 27 cavaliers dans un seul et même texte (!) : Cons. const. 13 avril 2015, Décision n° 2015-719 DC,
AJDA 2015. 1566.
Il est devenu banal de dénoncer la « frénésie législative » 550. Pour ne citer qu'un seul chiffre, de juin 2012 au mois
d'octore 2014, l'Assemblée Nationale a voté 122 lois 551. Dans le même esprit on se préoccupe de plus en plus, pour
reprendre l'expression d'un Président de l'Assemblée Nationale, de « repenser la fabrique de la loi » 552. Il s'agirait, par
exemple, de créer un organe de contrôle des études d'impact ou encore de développer des « clauses de révision » amenant le
Parlement à débattre de l'efficacité du dispositif qu'il a adopté dans un certain délai après son entrée en vigueur.
Par ailleurs, l'élaboration des règlements est trop souvent d'une extrême lenteur 553. Il arrive même que cette lenteur soit
volontaire, et que les administrations concernées par une loi qu'elles jugent gênante pour leur action s'efforcent d'en paralyser
la mise en œuvre ; et parfois y réussissent. Pour n'en donner qu'un seul exemple, les décrets en Conseil d'État expressément
prévus par l'article 13 de la loi du 31 décembre 1987 (portant réforme du contentieux administratif) afin de prévenir le
contentieux en matière contractuelle et pour les actions en responsabilité, ne sont jamais intervenus 554. Il arrive aussi que les
règlements ne traduisent que de façon imparfaite l'intention du législateur, quand ils ne l'altèrent pas volontairement 555.
Il se peut que le décret ne soit pas nécessaire à l'entrée en vigueur de la loi (CE 25 juin 2014, Synd. des juridictions
financières, Rec. 196). Mais sa non intervention peut entraîner la responsabilité de l'État : CE 22 oct. 2014, Sté Métropole
Télévision, Rec. 312.

329 4o Régime juridique de la loi ◊ Les projets de loi du gouvernement sont délibérés en Conseil des ministres après
avis du Conseil d'État, avis qui désormais sont publics 556. Ils doivent faire l'objet d'une étude d'impact définissant les
objectifs qu'ils poursuivent (L.O. no 2009-403 du 15 avril 2009, art. 8) 557. Les propositions de loi des parlementaires
peuvent, désormais, être soumises à l'avis du CE sur décision du président de l'assemblée concernée et sauf opposition de
leur auteur (art. 15 LC du 23 juillet 2008). On ne peut, selon moi, qu'approuver tout ce qui favorise l'initiative législative des
parlementaires. 558 La loi du 27 décembre 2012 impose, pour l'environnement, la publicité des projets de textes afin que le
public puisse adresser ses observations à l'administration 559. Une loi promulguée ne peut faire l'objet que de la question
prioritaire de constitutionnalité (v. ss 352) ainsi que du contrôle de conventionnalité (v. ss 353). Aux termes de
l'art. 1er C. civ. elle entre en vigueur à la date qu'elle fixe ou, à défaut, le lendemain de sa publication ; toutefois l'entrée en
vigueur des dispositions qui nécessitent des mesures d'application est reportée à la date d'entrée en vigueur de celles-ci
(v. ss 347). Il n'y a pas de désuétude des lois et elles restent en vigueur jusqu'à leur abrogation qui peut être expresse ou
implicite, lorsqu'une disposition législative nouvelle contredit ses dispositions sans pour autant l'abroger formellement 560.
Toutefois, de manière que l'on peut pour le moins discuter, le Conseil constitutionnel s'oppose à l'abrogation d'une loi
reconnaissant des libertés si celle-ci n'est pas remplacée par une loi donnant des garanties équivalentes (Cons. const. no 83-
165 DC du 20 janv. 1984, Loi relative à l'enseignement supérieur, p. 30 ; Cons. const. no 2007-550 DC du 27 févr. 2007, Loi
relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, Rec. 81).
« La loi ne dispose que pour l'avenir ; elle n'a pas d'effet rétroactif » (C. civ., art. 2). Ce texte ayant seulement valeur
législative, le législateur peut adopter en matière civile des dispositions rétroactives, ce qui est parfois nécessaire, ne serait-ce
que pour exécuter une décision de Justice, mais le Conseil constitutionnel sanctionne à juste titre les lois pénales rétroactives
(Cons. const. no 80-127 DC des 19 et 20 janv. 1981, Loi renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes, p. 15)
et il faut, pour la justifier, d'impérieux motifs d'intérêt général : CE, Sect., avis, 18 juill. 2006, Ka, Rec. 356, concl. Vallée.
Sur l'application de la loi dans le temps, v. Dossier « Le droit transitoire » (AJDA 2014. 485 s.).

C. La codification des lois et règlements


561
L'abondance, l'hermétisme et l'enchevêtrement des textes applicables à une même matière ont fini par obliger les
562
pouvoirs publics à intervenir pour essayer de porter remède à une situation infiniment regrettable et rendent encore plus
nécessaire la codification du droit administratif.

330 1o L'inflation législative ◊ On a déjà évoqué la boulimie législative et réglementaire (v. ss 11, 328). « Trop de lois
tuent la loi » ; « L'inflation législative est paralysante » 563. On estime le nombre des lois actuellement en vigueur à environ
10 000, les décrets réglementaires à 120 000 564, à quoi il faut ajouter les textes d'origine communautaire 565.

331 2o Les lois de simplification 566 ◊ On a vu (v. ss 329) les principes posés par le Conseil constitutionnel pour lutter
contre l'hermétisme des lois. À cette fin, les gouvernements prennent régulièrement des textes tendant à simplifier le droit, le
plus souvent par voie d'ordonnance (v. ss 333). Pour ne citer que quelques textes assez récents : Loi no 2007-1787 du
20 décembre 2007 qui abroge 133 textes divers, par exemple une loi de 1935 tendant à la répression de la fraude sur le
guignolet ! ; Loi no 2009-526 du 12 mai 2009 (D. 2009. 1332) ; la loi no 2011-525 du 17 mai 2011 qui comprend très
exactement 200 articles ! 567 Il n'y a rien de plus compliqué que de simplifier ! L'article 2 de la loi du 12 avril 2000 pose le
principe que « les autorités administratives sont tenues d'organiser un accès simple aux règles de droit qu'elles édictent » ; il
ne reste plus qu'à le mettre en œuvre, mais, parfois, il y a loin de la coupe aux lèvres !
En ce qui concerne la qualité du droit, v. la circulaire du Premier ministre du 7 juillet 2011 (AJDA 2011. 1409).

332 3o La codification, au sens du droit administratif 568


◊ Il n'existe pas, en droit administratif, on l'a vu
(v. ss 11), de codification au sens du droit privé. Il n'y a qu'une codification « à droit constant », qui est un pis-aller, mais
singulièrement utile cependant. La codification répond à l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité
de la loi (Cons. const. décis. no 2007-561 du 17 janvier 2008, Code du travail, p. 41) 569
Pour remédier à l'enchevêtrement des textes, le décret du 10 mai 1948 a prévu une procédure permettant la codification
par décret pris en exécution d'une loi. Mais, de plus en plus, on s'oriente vers le système de la codification par voie
d'ordonnances de l'article 38 de la Constitution (v. ss 333). De même, on l'a vu (v. ss 319) on utilise le procédé en matière
communautaire. Cette codification se borne à une mise en ordre des textes, avec les modifications de forme nécessaires,
sans, dans la plupart des cas, toucher au fond 570. Les textes législatifs et les textes réglementaires, qui conservent leur
autorité respective, font, dans chaque Code, l'objet de deux parties 571, avec une numérotation distincte des articles, précédée
des lettres L pour la codification législative, R. pour la partie réglementaire (ex. : C. du domaine de l'État, art. L. 6 : art. 6 de
la partie législative de la codification des textes relatifs au domaine). Un grand nombre de codes sont intervenus ; ils
abrogent les textes qu'ils réunissent, et constituent, pour la matière, le seul document en vigueur sous réserve des textes non
encore intégrés dans les Codes, ce qui devrait faciliter la recherche. Cf. par ex. : Code général des collectivités territoriales,
des élections, des mines, de la santé publique, etc. Une Commission supérieure de la Codification a été créée par un décret
du 12 septembre 1989 572. Un rapport annuel public rend compte de ses travaux. Les principes, en matière de codification,
ont été rappelés par l'article 2 de la loi du 12 avril 2000 (relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les
administrations) qui déclare que « la codification législative rassemble et classe dans des codes thématiques l'ensemble des
lois en vigueur » et qu'elle se fait à droit constant. Toutefois l'article 34 de la loi du 2 juillet 2003 autorise le Gouvernement à
réaliser une codification « à droit non constant » 573. L'Ordonnance du 21 avril 2006, relative à la partie législative du Code
général de la propriété des personnes publiques, procède à une codification à droit non constant.
Une circulaire du Premier ministre du 27 mars 2013 a fixé le programme de codification des prochaines années (AJDA
2013. 715).

§ 7. Les ordonnances de l'article 38 574

333 Il y a, dans la Constitution de 1958, quatre sortes « d'ordonnances » : – celles de l'article 92 qui permettait au Gouvernement,
dans les quatre mois suivant la promulgation de la Constitution, de mettre en place les institutions de la Ve République 575 ; –
celles de l'article 47 permettant, le cas échéant, au Gouvernement de mettre en œuvre la loi de finances si celle-ci n'a pas été
votée dans les délais prévus par la Constitution ; – celles de l'art. 74-1 permettant au gouvernement d'étendre à l'Outre-Mer et
à la Nouvelle-Calédonie, avec les adaptations nécessaires, les dispositions de nature législative applicables en métropole 576 ;
– celles de l'article 38 qui sont, sous une appellation nouvelle, la constitutionnalisation des décrets-lois de la IIIe et de la
IVe République.
Aux termes de l'article 38 : « Le Gouvernement peut, pour l'exécution de son programme, demander au Parlement
l'autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi ».

334 A. Les conditions de l'habilitation ◊ Les conditions mises par l'article 38 à l'habilitation donnée au Gouvernement
ne sont guère contraignantes. Tout d'abord, c'est « pour l'exécution de son programme » que le Gouvernement peut demander
à procéder par ordonnances, ce qui n'exclut, a priori, aucune question. Le Conseil constitutionnel a jugé (Cons. const.
12 janv. 1977, Rec. 31) que cela faisait seulement obligation d'indiquer avec précision quelle est la finalité des mesures que
l'on se propose de prendre. D'autre part l'habilitation doit être demandée « pour un délai limité », quelle que soit donc la
durée de celui-ci. Une proposition de loi ne peut pas prévoir que le gouvernement sera habilité à procéder par ordonnance
(Cons. const. no 2004-510 DC du 20 janv. 2005, AJDA 2005. 173). La loi d'habilitation ne peut pas faire l'objet d'une QPC :
CE 23 janv. 2015, AJDA 2015. 587, concl. Bretonneau.
Aux conditions qui découlent de l'article 38, le législateur peut en ajouter d'autres : ainsi, dans la loi du 4 février 1960,
l'habilitation a été accordée au gouvernement en fonction, ce qui impliquait sa caducité en cas de changement de
gouvernement 577 ; la loi exigeait, pour les ordonnances, la signature du Général de Gaulle, ce qui impliquait qu'un
changement de Président de la République eût été une autre cause de caducité ; enfin, l'autorisation serait tombée en cas de
dissolution de l'Assemblée. L'habilitation, d'ailleurs, peut résulter, non d'une loi votée par le Parlement, mais d'une loi
adoptée par le peuple sur référendum ; on parle alors d'ordonnances référendaires 578.
Lorsqu'il y a habilitation parlementaire il n'y a pas normalement compétence concurrente : la loi d'habilitation dessaisit le
Parlement mais, le cas échéant, le Gouvernement n'a pas l'obligation d'opposer alors l'irrecevabilité de l'art. 41.

335 B. La procédure pour prendre les ordonnances ◊ Aux termes du 2e alinéa de l'art. 38 les ordonnances sont
délibérées en Conseil des ministres après avis du Conseil d'État. Elles doivent (art. 13) être signées par le Président de la
République ; son refus de signature bloque le processus, mais le gouvernement peut alors, tout simplement et comme il l'a
fait en 1986 (v. ss 76), revenir devant le Parlement en transformant le projet d'ordonnance en projet de loi.

336 C. Régime juridique des ordonnances 579 ◊ Dans le champ qui lui est ouvert, le Gouvernement statue avec la
même liberté que celle du législateur ; il peut donc modifier les lois antérieures, ou les remplacer par un texte nouveau. Mais,
à l'expiration de la période d'habilitation, les ordonnances prises ne peuvent plus être modifiées que par le législateur.
Les ordonnances entrent immédiatement en vigueur. Toutefois elles deviennent caduques – c'est-à-dire qu'elles cessent de
recevoir application – faute pour le Gouvernement d'avoir, avant la date fixée par la loi d'habilitation, déposé devant le
Parlement un projet de loi tendant à leur ratification 580.
Jusqu'à ce que le Parlement ait statué sur le projet de ratification, les ordonnances conservent leur nature propre d'actes du
pouvoir exécutif : leur régularité peut donc être contestée devant le juge administratif par la voie du recours pour excès de
pouvoir 581. Par contre, elles échappent, en tant qu'actes de l'exécutif, au contrôle du Conseil constitutionnel. Un
gouvernement, par le recours à l'article 38, pourrait donc, avec l'accord de sa majorité parlementaire, adopter des mesures
qui, prises par la voie législative, tomberaient sous le coup d'une déclaration d'inconstitutionnalité. Le contrôle du Conseil
d'État ne peut pas remédier à cette situation : s'il lui appartient de censurer la violation directe de la Constitution ou des
principes généraux du droit par une ordonnance – il l'a même fait pour une ordonnance prise sur la base d'une loi
d'habilitation adoptée par référendum (v. ss 334), – il ne peut, par contre, prendre en compte l'inconstitutionnalité qui
n'affecte l'ordonnance qu'à travers la loi qui la fonde. Mais le caractère législatif de l'ordonnance ratifiée la soumet au
mécanisme de la question prioritaire de constitutionnalité et par ce biais l'inconstitutionnalité de la mesure prise par voie
d'ordonnance pourra être sanctionnée 582.
La ratification a pour effet de conférer à l'ordonnance la nature juridique de la loi. Une requête en annulation de
l'ordonnance devient donc sans objet : CE 23 oct. 2002, Laboratoires Juva Santé, AJDA 2003. 27, note D. Costa. La
ratification peut donc être, tout simplement, le moyen d'éviter une annulation contentieuse de l'ordonnance. Le refus de
ratification entraîne, comme l'absence de dépôt d'un projet de ratification, la caducité de l'ordonnance, qui perd, à compter de
cette date, toute force juridique 583. Traditionnellement on admettait que la ratification pouvait être implicite ; l'article 14 de
la Loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 a mis fin à cette pratique en précisant qu'« Elles ne peuvent être ratifiées que de
manière expresse ».

§ 8. La règle jurisprudentielle et les principes généraux du droit

A. La jurisprudence 584

337 Le problème de la création du droit par le juge ◊ Pas plus que le juge judiciaire, le juge administratif ne tient
de la Constitution le pouvoir de poser des règles générales. Son rôle se borne à trancher les litiges particuliers qui lui sont
soumis, à dire, dans chaque cas concret, où est le droit ; sa décision ne statue que sur l'espèce qui la suscite.
Mais la décision suppose nécessairement une règle préexistante. L'acte juridictionnel implique la confrontation à la règle
de droit des prétentions opposées des parties. Le juge déduit, de cette confrontation, laquelle de ces prétentions est conforme
au droit.
Or, étant donné les caractères particuliers de la loi administrative, il était très fréquent, jusqu'au récent développement de
la règle écrite en matière administrative (v. ss 309), qu'aucun texte n'eût prévu le litige soumis au juge et c'est encore parfois
le cas aujourd'hui. Celui-ci, pourtant, ne peut s'abstenir de juger : il se considère comme lié par l'article 4 du Code civil, qui
défend au juge de se retrancher, pour refuser de statuer, derrière « le silence ou l'obscurité de la loi ». Dès lors, le juge
administratif n'avait qu'une ressource : formuler lui-même la règle générale qui lui permettrait de statuer 585. C'est ce qu'il a
fait, et les règles élaborées par lui (droit de la responsabilité, droit des contrats, contrôle des décisions administratives par le
recours pour excès de pouvoir) constituent le « noyau dur » du droit administratif, ce qu'il a de plus stable et de plus
spécifique 586.

338 1o La technique d'élaboration de la règle jurisprudentielle 587 ◊


a) Lorsque la solution du litige peut se déduire d'un texte de loi ou de règlement, le juge administratif, comme le juge
judiciaire et le juge constitutionnel, procède à l'interprétation de ce texte. Dans ce cas, il n'y a pas, de sa part, création d'une
règle jurisprudentielle proprement dite ; l'autorité de son interprétation se confond avec celle du texte interprété. Mais le juge
administratif a souvent fait preuve d'une très grande liberté dans son rôle d'interprète.
b) En l'absence de texte applicable au litige, le juge ne formule pas toujours, dans les considérants de son arrêt, la règle
dont il s'inspire ; dans ce cas, la règle se dégagera à la longue, du rapprochement des solutions données à des litiges
semblables. Mais parfois, la règle est formulée de façon expresse. On appelle arrêt de principe celui dans lequel le juge, à
propos d'une question nouvelle, ou à la suite du renouvellement d'une question ancienne, énonce la règle qu'il entend
appliquer à cette espèce, et à toutes celles qui poseront le même problème. L'arrêt de principe ne se distingue par aucun signe
extérieur, sinon parfois par l'autorité de la formation dont il émane (v. ss 631) ; c'est sa rédaction, éclairée par les conclusions
du Rapporteur public, dont on ne saurait trop souligner la liberté créatrice, et par les commentaires de la doctrine, qui le
rend reconnaissable.

339 2o Les caractères de la règle jurisprudentielle ◊ Le premier est la souplesse. Le juge administratif n'aime pas
les formules rigides, qui auraient l'inconvénient de le lier pour l'avenir de façon trop étroite : il entend se réserver la
possibilité de tenir compte, dans les arrêts qu'il rendra plus tard sur la même question, des particularités de chaque espèce.
Aussi se borne-t-il parfois à définir des standards 588, qui lui laissent une grande liberté d'appréciation. Cette volonté de
souplesse répond au souci constant d'équilibre qui guide le juge : la conciliation entre les nécessités de l'action administrative
et les droits et libertés des citoyens, qui est la directive générale dont il s'inspire, interdit les formules tranchées, et réclame
des nuances.
La règle jurisprudentielle, d'autre part, se caractérise par un certain hermétisme ; les formules par lesquelles elle s'exprime
ne sont pas toujours intelligibles par elles-mêmes ; il faut, pour les comprendre, se familiariser avec le langage du
juge administratif.

340 3o L'autorité de la règle jurisprudentielle ◊ Du point de vue formel, on a déjà vu qu'aucun texte n'habilite le
juge à créer du droit ; chaque arrêt ne statue que pour l'espèce dans laquelle il intervient. Certains ont pu en conclure que la
jurisprudence n'était pas une véritable source du droit.
L'analyse matérielle dément une telle conclusion ; en effet :
a) Il est exact que le juge n'est pas, juridiquement, lié par la règle qu'il a posée comme il l'est par la règle écrite. À la
différence de ce qui se passe dans les pays où, comme en Grande-Bretagne, l'autorité du précédent l'oblige, en théorie, à ne
pas s'écarter de la jurisprudence antérieure, le juge, en principe, reste libre, dans un nouveau litige qui pose une question sur
laquelle il s'est déjà prononcé, de statuer dans un sens différent. Mais en pratique, lorsque le Conseil d'État énonce une règle,
c'est qu'il la croit bonne, et qu'il entend désormais s'y tenir : l'esprit de suite qui caractérise les grands corps de l'État, le souci
de la sécurité juridique des particuliers, imposent au juge cette fidélité à sa propre pensée. Sans doute, elle n'exclut pas les
revirements de jurisprudence : il arrive que le juge décide de changer la règle qu'il appliquait jusque-là ; mais la possibilité
de modifier une règle, reconnue à l'autorité dont elle émane, n'altère en rien le caractère obligatoire de cette règle 589.
b) Si le juge, en théorie, n'est pas lié par sa propre règle, l'administration et les particuliers, eux, sont pratiquement tenus
de s'y conformer, car, lorsqu'ils l'enfreignent, le juge applique à cette violation les mêmes sanctions qu'à celle des règles
écrites ; peut-être même se montre-t-il plus rigoureux lorsque la règle méconnue émane de lui, car c'est alors son autorité qui
est en jeu. Il en résulte, chez les administrés et les administrateurs, le même sentiment d'obligation, à l'égard de la règle
jurisprudentielle, qu'à l'égard de la règle écrite, lié à l'identité de la sanction. Ainsi, la règle jurisprudentielle, au double point
de vue objectif – existence d'une sanction – et subjectif – sentiment d'obligation pesant sur les assujettis – présente tous les
caractères de la règle de droit.
c) Lorsque se produit un « revirement » de jurisprudence, c'est-à-dire lorsque le juge adopte une position différente de
celle qu'il avait jusqu'alors, la règle nouvelle a alors nécessairement une portée rétroactive puisqu'elle s'applique à une
situation préexistante à l'arrêt rendu (J. Rivero, article précité) 590. Le revirement de jurisprudence a un effet immédiat (CE
2 septembre 2009, A.P. de Marseille, AJDA 2009. 1584) mais, dans une affaire fort remarquée, le CE a décidé de priver
d'effet rétroactif le changement de jurisprudence qu'il opérait en ce qui concerne le recours d'un tiers à l'encontre d'un contrat
(CE, Ass., 16 juillet 2007, Sté Tropic Travaux, AJDA 2007. 1577, chron. Lenica et Boucher). De l'effet immédiat il faut
distinguer le cas où le juge décale dans le temps la prise d'effet de l'annulation qu'il prononce (no 671).

B. Les principes généraux du droit 591

341 Les principes généraux du droit constituent une source importante de la légalité administrative : ce sont des règles élaborées
par le juge administratif, et dont le respect s'impose à l'Administration, même dans le silence des textes. La technique des
« principes généraux » n'est pas inconnue en droit privé 592 mais ils y jouent un rôle beaucoup moins important qu'en
droit administratif.
Jusqu'à la Seconde Guerre mondiale l'idée qu'il y a des principes généraux du droit était en filigrane dans la jurisprudence
du Conseil d'État sans avoir été expressément formulée. Elle le sera avec l'arrêt Aramu (CE, Ass., 26 oct. 1945, S. 1946. 3.1.,
concl. Odent) : dans cet arrêt la Haute Juridiction cite expressément « les principes généraux du droit applicables même en
l'absence de textes », et, parmi ceux-ci, celui qui veut qu'une sanction ne puisse être infligée sans que l'intéressé ait été mis
en mesure de présenter utilement sa défense (principe des droits de la défense qui avait déjà inspiré le Conseil d'État dans
l'affaire Vve Trompier-Gravier, CE, Sect., 5 mai 1944, GAJA, no 51).
Depuis, la liste des principes généraux du droit ne cesse de s'allonger. On peut citer, à titre d'exemples : – le principe
d'égalité devant le service public (CE 19 mars 1951, Sté des concerts du conservatoire, Dr soc. 1951, 368, concl. Letourneur,
note Rivero, GAJA, no 61) 593 ; – le principe de l'impartialité de l'Administration (CE 4 mars 1949, Trèbes, S. 1950. 3. 21) ; –
le principe que le recours pour excès de pouvoir est ouvert contre tout acte administratif (CE, Ass., 17 févr. 1950, Dame
Lamotte, GAJA, no 58) ; – le principe de la non-rétroactivité des actes administratifs (CE, Ass., 25 juin 1948, Sté du Journal
l'Aurore, GAJA, no 57) ; – le principe permettant au juge de prononcer des astreintes (CE, Ass., 10 mai 1974, Sieur Barre et
Sieur Honnet, Rec. 276) ; – le droit à mener une vie familiale normale (CE, Ass. 10 déc. 1978, Gisti, GAJA, no 83).
La multiplication des principes généraux pourrait finir par poser problème car ils risquent, de ce fait, d'être de moins en
moins « généraux ». Parmi les derniers principes reconnus par le Conseil d'État on trouve : – le principe du droit au
reclassement des salariés physiquement inaptes (CE 2 oct. 2002, CCI de Meurthe et Moselle, AJDA 2002. 1294, concl.
contraires Piveteau, note Montecler) ; – l'obligation de publier les règlements (CE 12 déc. 2003, Synd. des Commissaires et
Hauts fonctionnaires de la police nationale, AJDA 2004. 442) ; – le principe que toute modification des textes du contrat de
travail doit recueillir l'accord à la fois de l'employeur et du salarié (CE, Ass., 29 juin 2001, Berton, Rec. 296) ; – le principe
selon lequel le recours administratif à l'encontre d'un titre exécutoire a un effet suspensif (CE 30 avr. 2003, Union nat. des
industries de carrières et de matériaux, RFDA 2003. 622) ; – la prescription trentenaire, lorsqu'elle existait encore (CE, Ass.,
8 juill. 2005, Sté Alusuisse-Lonza-France, AJDA 2005. 1487, concl. Guyomar) ; – l'obligation de chercher à reclasser un
agent contractuel (CE Sect., Avis 25 sept. 2013, Mme Sadlon, Rec. 233, concl. Botteghi. En revanche, ne constitue pas un
principe général l'opportunité des poursuites disciplinaires : CE Ass. 6 juin 2014, Féd. des Conseils de parents d'élèves de
l'école publique, AJDA 2014. 1478, Chr. Bretonneau et Lessi.
Le contrôle exercé par le Conseil d'État sur la légalité des règlements portant sur d'autres matières que le droit
administratif l'a amené à élargir la portée de la notion, et à énoncer des principes généraux de droit civil, de droit pénal, de
procédure civile et pénale, de droit du travail (arrêt ci-dessus : CCI de Meurthe et Moselle), sur la base desquels il censure les
règlements qui les méconnaissent 594.
Les principes généraux du droit posent trois problèmes : – celui de leur technique de fabrication ; – celui de leurs
caractères juridiques ; – celui de leur autorité.

342 1o La technique de création ◊ Le juge administratif peut, tout d'abord, déduire l'existence d'un principe général de
l'application particulière qui en a été faite, dans un cas précis, par le législateur. Par exemple, l'article 2 du Code civil affirme
que « la loi ne dispose que pour l'avenir » ; en posant cette règle les auteurs du Code civil sont nécessairement partis de cette
idée qu'un principe de logique juridique exige que tout acte juridique – pas seulement la loi – ne puisse produire d'effet à une
date antérieure à celle à laquelle il intervient. On peut donc déduire de l'art. 2 du Code civil le principe général de non-
rétroactivité des actes administratifs unilatéraux (arrêt Journal l'Aurore, préc.).
Mais, le plus souvent, les principes sont empruntés soit à la tradition libérale de 1789 (égalité des citoyens devant
l'autorité publique, liberté de conscience, possibilité pour un citoyen menacé d'une sanction de se défendre), soit au
Préambule de la Constitution de 1946, soit aux nécessités de la vie sociale (continuité des services publics, contrôle du
supérieur sur les actes de l'inférieur), soit aux impératifs de l'équité (principe de l'enrichissement sans cause : CE 14 avr.
1961, Sté Sud-Aviation, RD publ. 1961. 666).
Le Conseil d'État peut également s'appuyer sur une Convention internationale pour dégager un principe général. Par
exemple, à partir de la Convention de Genève de 1951 sur le statut des réfugiés, il a dégagé un principe général du droit
applicable à ceux-ci (CE, Ass., 1er avr. 1988, M. Bereciartua Écharri, RFDA 1988. 506 et 499, note Genevois).
Le droit administratif français n'a pas encore accueilli ouvertement le principe du droit communautaire de confiance
légitime même si celui-ci se trouve déjà en filigrane dans la jurisprudence administrative. Ce principe vise à empêcher les
mutations trop brutales et sans mesures transitoires adéquates, de la réglementation 595. C'est, en quelque sorte, la confiance
légitime dans une certaine stabilité des situations juridiques ce qui, me semble-t-il, le rapproche du principe de sécurité
juridique. Cependant, pour mettre en œuvre un règlement communautaire, le Gouvernement doit « respecter le principe de
confiance légitime applicable en matière communautaire » (CE, Ass., 11 juill. 2001, Féd. nat. des Syndicats d'exploitants
agricoles, Rec. 340 ; CE 30 mars 2007, Enel, Rec. 133). Selon la formule du Conseil d'État « le principe de confiance
légitime, qui fait partie des principes généraux du droit communautaire ne trouve à s'appliquer dans l'ordre juridique national
que lorsque la situation juridique dont a à connaître le juge administratif est régie par le droit communautaire » (CE 10 avr.
2009, Assoc. pour le maintien de l'élevage en Bretagne, Rec. 159). Toutefois, selon certains (Chr. de droit constitutionnel,
D. 2014. 1518) le Conseil constitutionnel se serait résolu à « promouvoir sans la reconnaître en elle-même » l'exigence de
confiance légitime : Cons. Const. Décision n° 2013-682 DC du 19 décembre 2013, Loi de financement de la Sécurité sociale,
p.1094.
Le principe de sécurité juridique est également d'origine communautaire. Il a été accueilli par le Conseil d'État en tant que
« principe » sans que celui-ci soit expressément qualifié de « principe général du droit », la Haute juridiction déclarant que le
décret attaqué, en l'absence de dispositions transitoires, apportait des perturbations « contraires au principe de sécurité
juridique » : CE Ass. 24 mars 2006, Sté KPMG, GAJA n° 108, AJDA 2006. 1028, Chr. Landais et Lenica. Bien plus, dans cet
arrêt le Conseil d'État précise que ce principe, qui fait partie des principes généraux du droit communautaire, « ne trouve à
s'appliquer dans l'ordre juridique national que dans le cas où la situation juridique dont a à connaître le juge administratif
français est régie par le droit communautaire » 596. Ainsi, lorsqu'intervient une nouvelle réglementation « il incombe à
l'autorité investie du pouvoir réglementaire ….d'édicter, pour des motifs de sécurité juridique, les mesures transitoires
qu'implique, s'il y a lieu, cette réglementation nouvelle » (CE Sect., 13 déc. 2006, Mme Lacroix, RFDA 2007. 6 concl.
Guyomar et 275 note G. Éveillard 597). Le principe peut également justifier le report à une date ultérieure de la prise d'effet
d'une annulation contentieuse (v. ss 711) : CE Sect., 27 octobre 2006, Sté Techna, RFDA 2007.265, concl. Seners 598. Le
Conseil constitutionnel a jugé que le principe n'a pas valeur constitutionnelle : Cons. const. 11 février 2011, QPC n° 2010-
102, AJDA 2011. 303. Mais le Conseil d'État lui a reconnu une telle valeur en citant expressément « le principe de sécurité
juridique garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen » (CE 21 janvier 2015, EURL 2 B,
AJDA 2015. 880, note G. Éveillard).
Le Conseil constitutionnel a fait sienne la théorie des principes généraux (Cons. const. 26 juin 1969, AJDA 1969. 563), et
n'hésite pas à en allonger la liste, à partir des textes qu'il est chargé d'interpréter et de faire respecter.

343 2o Caractères juridiques ◊ a) Les principes généraux du droit ont force obligatoire à l'égard de l'administration : ceux
de ses actes qui les transgressent sont annulés, et peuvent, s'ils ont causé un dommage, engager la responsabilité
administrative. Ils ont donc valeur de droit positif.
b) Cette force ne leur vient pas de leur rattachement à une source écrite. Le Conseil d'État les déclare « applicables même
en l'absence de texte » ; leur autorité est indépendante de tout élément formel.
c) Il ne s'agit pas de règles coutumières : le juge ne se réfère pas non plus à la tradition, ou au consentement de l'opinion.
d) S'agit-il de règles jurisprudentielles librement créées par lui ? Le juge paraît l'exclure : il présente les principes comme
s'ils existaient en dehors de lui, son rôle étant, non de les créer, mais de les constater et d'en sanctionner les violations par
l'administration. Il est exact que le juge ne tire pas de son propre fond les principes dont il affirme l'existence ; il y a, à la
racine de tout système de droit, une conception de l'homme et du monde, qui implique un certain nombre de postulats. C'est
à ce fond éthique que se rattachent les principes généraux. Mais la constatation opérée par le juge est, en réalité, largement
créatrice : en affirmant l'existence d'un principe, le juge lui attache la sanction dont il était dépourvu, et l'insère par là dans le
droit positif.

344 3o Autorité des principes généraux ◊ Avant 1958, la plupart des commentateurs s'accordaient pour reconnaître,
aux principes généraux, une autorité égale à celle de la loi. Pourtant, le juge leur conférait une certaine prééminence sur les
lois elles-mêmes, puisque c'est à eux qu'il se référait pour interpréter celles-ci ; celles qui y dérogeaient, considérées comme
des exceptions, recevaient une interprétation stricte ; par là, le juge a pu, dans certains cas, faire prévaloir les principes sur la
loi (cf. par ex. : CE 17 févr. 1950, Dame Lamotte, GAJA, no 58). La question a pris une importance nouvelle avec l'apparition
des règlements autonomes de l'article 37 de la Constitution dont on pouvait, à l'origine, se demander s'ils n'avaient pas la
même autorité que la loi. Reconnaître aux principes généraux une valeur seulement législative aurait donc pu conduire à
admettre que ces règlements ne leur étaient pas subordonnés, solution qui aurait conféré au gouvernement, dans les matières
réglementaires, un pouvoir pratiquement illimité, contrairement à la définition de l'État de droit. Conscient de ce danger, le
Conseil d'État n'a pas hésité à affirmer la subordination de ces règlements aux principes généraux (CE 26 juin 1959, Syndicat
général des ingénieurs conseils, GAJA, no 72 ; 12 févr. 1960, Soc. Eky, D. 1960. 123). Certains en ont conclu que les
principes généraux avaient désormais valeur constitutionnelle. L'arrêt précité, en faisant état, contrairement aux décisions
antérieures, de l'insertion de certains principes dans le Préambule constitutionnel, paraissait confirmer cette interprétation.
Le problème s'est renouvelé avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Elle distingue deux catégories de principes
généraux : les principes « à valeur constitutionnelle », qui se rattachent normalement aux textes auxquels se réfère le
Préambule de 1958, et les principes à valeur seulement législative.
La distinction est capitale en ce qui concerne la compétence du législateur : le Conseil constitutionnel lui impose le
respect des principes à valeur constitutionnelle (cf. notamment Cons. const. 16 juill. 1971, précité), mais lui reconnaît le
pouvoir de déroger aux principes généraux de niveau inférieur (Cons. const. 26 juin 1969). Par contre, la distinction est sans
incidence sur le régime des règlements : les principes généraux, quel que soit leur niveau, s'imposent également à eux. En ce
sens, on a pu dire, dans une perspective très pragmatique, que leur nature juridique intrinsèque, constitutionnelle ou
simplement législative, ne commandait nullement leur autorité vis-à-vis des actes de l'exécutif. Pour le juge administratif,
tout se passe comme s'ils se situaient, dans la hiérarchie des règles de droit, au-dessous de la loi – puisqu'il ne peut
sanctionner directement la violation des principes généraux par le législateur –, mais au-dessus de tous les actes de l'exécutif,
décrets ou ordonnances 599.

§ 9. Le pouvoir réglementaire

345 A. Définition et fondement 600 ◊ C'est le pouvoir de statuer par voie générale, accordé à des autorités autres que le
parlement, soit nationales, soit locales.
En ce qui concerne les premières, le problème du fondement juridique du pouvoir réglementaire est désormais résolu en
termes exprès par la Constitution. En ce qui concerne les autorités locales, leur compétence résulte de la loi. La
jurisprudence, enfin, attache à la qualité de « chef de service » le pouvoir de prendre les mesures réglementaires nécessaires
au bon fonctionnement du service (CE 7 févr. 1936, Jamart, GAJA, no 45) ; ces mesures, à la différence des précédentes, ne
s'imposent pas à l'ensemble des citoyens, mais seulement à ceux qui entrent en rapport avec le service.

346 B. Titulaires ◊ 1o Pour l'État, la Constitution de 1958, confirmant sur ce point celle de 1946, attribue en principe le
pouvoir réglementaire au Premier ministre chargé d'assurer l'exécution des lois (art. 21). Toutefois les règlements qui
prennent la forme de décrets en Conseil des ministres doivent être signés par le Président de la République ; cette disposition
a été interprétée comme lui transférant, dans ce cas, la compétence réglementaire qui se trouve ainsi partagée. De plus, la
pratique a consacré la possibilité, pour le Président, de prendre dans certains domaines ne relevant pas de la délibération en
Conseil des ministres des décrets réglementaires 601. Les décrets réglementaires émanent donc, tantôt du Président de la
République, tantôt et le plus souvent du Premier ministre ; ils sont, dans les deux cas, contresignés par les ministres chargés
de leur exécution 602.
2o Les ministres 603 ne possèdent pas en propre un pouvoir réglementaire général (v. ss 91) ; ils participent seulement, par
l'exercice du contreseing, à celui du Premier ministre et du Président de la République. Mais, en pratique, cette participation
suffit à mettre ce pouvoir à leur disposition : les règlements sont le plus souvent élaborés dans le cadre des ministères, et le
Premier ministre ne fait en les signant, que leur conférer leur autorité. En outre, des textes accordent à certains ministres un
pouvoir réglementaire propre sur une matière déterminée. Enfin, la jurisprudence qui reconnaît aux Chefs de service un
pouvoir réglementaire pour ce qui concerne « le bon fonctionnement de l'administration placée sous leur autorité » bénéficie
en premier aux ministres (CE 6 oct. 1961, Union nationale des parents d'élèves de l'enseignement libre, RD publ. 1961.
1271). Tout ceci leur confère en pratique des compétences importantes dans l'exercice du pouvoir réglementaire au niveau
national. Encore ces compétences leur apparaissent-elles parfois insuffisantes. D'où la multiplication des dispositions à
portée générale – règles obligatoires pour les assujettis, ou directives, plus souples (v. ss 426) – formulées par eux dans des
circulaires. Le juge, tout en admettant l'utilité de ces pratiques, n'a pas cru pouvoir aller jusqu'à les légitimer en reconnaissant
aux ministres le pouvoir réglementaire général que les textes ne leur confèrent pas (CE 23 mai 1969, Sté Distillerie Brabant,
Rec. 264, concl. Mme Questiaux ; 20 juill. 1988, 2 arrêts, Melle Mingam et M. Maillard, AJDA 1988. 692).
3o Les autorités locales. Certains textes de loi reconnaissent aux organes des collectivités locales, le Maire par exemple,
le pouvoir de statuer par voie générale pour tout le territoire où s'exerce leur compétence, dans les limites qui découlent du
principe de légalité.
4o Certaines autorités professionnelles (par ex. l'Ordre des médecins, v. ss 306) tiennent de la loi un pouvoir de
réglementation dans le cadre de la profession.
5o La jurisprudence a admis, à propos du statut du personnel d'Air France, que les décisions à portée générale prises par
le Conseil d'administration d'un organisme de droit privé – c'est le cas d'Air France –, dès lors qu'elles touchaient à
l'organisation du service public confié à cet organisme, avaient le caractère de règlements administratifs. (T. confl. 15 janv.
1968, Air-France c/ Époux Barbier, GAJA, no 79). Cette jurisprudence ne cesse de se confirmer (T. confl. 22 avr., 1974,
Blanchet, AJDA 1974. 439, et le commentaire de F. Moderne, AJDA 1975. 4 ; CE 22 nov. 1974, Fédération des industries de
sport, AJDA 1975. 45). Elle pose un problème, dans la mesure où elle consacre la dévolution à des personnes privées d'une
des prérogatives essentielles de la puissance publique (v. ss 37).
347 C. Les modalités d'exercice du pouvoir réglementaire ◊ 1o Du point de vue de la compétence,
l'élaboration d'un règlement est, tantôt discrétionnaire, tantôt légalement obligatoire pour l'autorité compétente : ainsi, le
maire commet une illégalité lorsqu'il refuse de prendre un règlement de police nécessaire au maintien de l'ordre ou de la
salubrité (CE 23 oct. 1959, Doublet, D. 1960. 195). De même, le gouvernement, en retardant au-delà d'un « délai
raisonnable » l'élaboration d'un règlement nécessaire à l'application d'une loi agit illégalement et engage la responsabilité de
l'État 604. Mais un changement de gouvernement entre le vote de la loi et l'élaboration du règlement rend « raisonnable » un
délai de 21 mois (CE 3 oct. 1997, ANAFE, AJDA 1997. 909). En fait, la rareté des recours en ce domaine, et l'indulgence du
juge dans l'appréciation du « délai raisonnable » privent cette règle de portée pratique, et laissent à l'exécutif une liberté qui
aboutit souvent à retarder abusivement l'application effective de la loi 605(v. ss 328).
2o Du point de vue de la forme, les règlements empruntent celle assignée à l'ensemble des actes de l'autorité dont ils
émanent : le décret pour les règlements pris par le Président de la République ou le Premier ministre, l'arrêté ministériel,
préfectoral, ou municipal, pour les règlements pris par les ministres, les préfets, les maires.
Il faut donc se garder ici de la confusion fréquemment commise entre la forme de l'acte et sa nature : décret et arrêté sont
des formes dans lesquelles peut se couler une décision réglementaire ou une décision individuelle ou particulière. Un décret
est réglementaire lorsqu'il pose une règle générale, il est individuel lorsqu'il vise une personne nommément désignée (p. ex.
nomination d'un haut fonctionnaire). Des formalités particulières s'imposent à certains décrets ; on distingue, de ce point de
vue :
– les décrets en conseil des ministres, qui doivent porter la signature du Président de la République ;
– les décrets pris sur avis du Conseil d'État 606 ;
– les décrets qui requièrent l'avis d'un autre organisme consultatif, ou de plusieurs.
Lorsque ces procédures sont prescrites par les textes, leur omission, ou une irrégularité dans leur accomplissement
constituent un vice de forme entraînant la nullité du décret ; l'absence de consultation du Conseil d'État lorsqu'elle est prévue
par la loi est même considérée comme un cas d'incompétence.
3o Du point de vue du contenu, le pouvoir réglementaire implique la possibilité pour son titulaire de modifier à tout
moment les normes qu'il définit (CE 17 juin 2015, Synd. Nat. des industries de peintures, Rec. 194) sans que l'on puisse lui
opposer un quelconque droit au maintien de la réglementation existante, sous réserve, on l'a vu (v. ss 342), de prendre les
mesures transitoires qu'implique s'il y a lieu le changement de réglementation : CE 19 mars 2007, Mme Le Gac, Rec. 123.
Naturellement, le pouvoir réglementaire national ne peut pas empiéter sur le domaine législatif : CE, Sect., 31 oct. 2008,
Sect. Frse. de l'Observatoire international des prisons, Rec. 374, Concl. Guyomar et le règlement ne dispose que pour
l'avenir : CE 12 mai 2014, Féd. Gale du commerce, Rec. 1321.
Il faut mettre à part les règlements de police, qui ont pour objet d'imposer à la liberté des citoyens les limitations exigées
par les nécessités de l'ordre public ; ils bénéficient automatiquement d'une sanction pénale : la désobéissance à leurs
prescriptions constitue une contravention, dont l'article R. 610-5 du Code pénal (ancien art. R. 26-15), prévoit la répression
(v. ss 382).
4o Du point de vue de l'autorité du règlement. On retrouve ici, en ce qui concerne l'exercice du pouvoir réglementaire à
l'échelon national, les distinctions qui résultent des articles 34 et 37 de la Constitution (v. ss 328).
a) Dans les matières exclusivement réglementaires, le gouvernement jouit d'une liberté limitée seulement par la
Constitution et les principes généraux du droit (v. ss 341).
b) Dans les autres matières, les solutions antérieures subsistent. D'une part, le législateur peut charger le Premier ministre
de prendre les règlements nécessaires pour l'application de la loi ; dans ce cas, l'entrée en vigueur de la loi est subordonnée
en général à la publication de ces règlements 607 et le Premier ministre est tenu d'exercer son pouvoir réglementaire ; il est lié
par les termes de la loi, qu'il doit compléter, mais qu'il ne peut contredire. Le législateur, jusqu'à la loi du 9 juillet 1980,
pouvait lui imposer l'obligation de ne prendre ces règlements d'application qu'après avis de l'assemblée générale du Conseil
d'État ; la loi précisait alors qu'il serait statué par règlement d'administration publique 608. Cette expression désignait donc un
règlement que le Premier ministre était tenu de prendre, en vertu d'une loi, pour l'application de cette loi, et qui, du point de
vue procédural, était soumis à l'assemblée générale du Conseil d'État. Bien que pris sur invitation du législateur, le règlement
d'administration publique restait un acte administratif, sans caractère législatif, et assujetti comme tel au contrôle du juge
(CE 6 déc. 1907, Cie des chemins de fer de l'Est, GAJA, no 17). La loi du 9 juillet 1980 a supprimé cette catégorie
particulière de règlements : lorsque la loi renvoie, pour l'application de ses dispositions, à l'autorité réglementaire, c'est
désormais la forme plus simple du décret en Conseil d'État que celle-ci doit utiliser (CE 30 déc. 2002, Meyet, RFDA
2003. 204).
D'autre part, même si la loi ne l'a pas expressément prévu, la mission d'« assurer l'exécution des lois » qui continue
d'incomber au Premier ministre l'habilite à prendre spontanément les dispositions réglementaires que peut exiger
l'application d'une loi ; dans ce cas, comme dans le cas précédent, la conformité à la loi conditionne la validité du règlement.
De manière plus curieuse il a été jugé qu'il n'y avait pas d'obligation pour le pouvoir réglementaire d'épuiser la compétence
qu'il tient de la loi : CE 27 oct. 2008, Féd. dép. des Assoc. Pêche et de protection du milieu aquatique de l'Orne, Rec. 364.
c) Quant aux règlements des autorités locales, ils sont tenus de respecter la loi et les dispositions réglementaires prises
par une autorité supérieure.

348 L'obligation d'abroger ou de modifier un règlement ◊ Un règlement intervient en fonction de certaines


données de droit ou de fait. Si celles-ci se modifient l'autorité réglementaire peut-elle, ou doit-elle, le modifier ou l'abroger
pour tenir compte de cette situation nouvelle ?
Dans l'arrêt Despujol (CE, Sect., 10 janv. 1930, GAJA, no 40) le Conseil d'État a jugé que des circonstances nouvelles
permettent alors de demander l'abrogation du règlement et d'attaquer un éventuel refus de l'autorité réglementaire.
V. également : CE, Ass., 10 janv. 1964, Min. de l'Agriculture c/ Simonnet, Notes Waline, Tome 1, no 109.
L'Administration doit faire droit à toute demande tendant à l'abrogation d'un règlement illégal, que celui-ci l'ait été ab
initio, c'est-à-dire dès sa signature, ou qu'il le soit devenu en raison du changement des circonstances de droit ou de fait. Le
Conseil d'État y voyait l'expression d'un principe général obligeant, dans tous les cas, l'Administration à abroger un
règlement illégal : CE, Ass., 3 févr. 1989, Cie Alitalia, GAJA, no 86, RFDA 1989. 391, concl. Chahid-Nouraï 609. Sur
l'obligation d'abroger, v par ex., CE 28 déc. 2005, Union syndicale des magistrats administratifs, RFDA 2006. 198. Mais
l'article L. 600-1 C. urb. (qui prévoit que l'illégalité pour vice de forme ou de procédure d'un document d'urbanisme ne peut
être invoquée par voie d'exception après un délai de six mois) fait échec à l'interdiction d'appliquer un règlement illégal : CE,
Avis, 9 mai 2005, AJDA 2005. 1032. Cette obligation de prononcer l'abrogation des actes réglementaires illégaux ou sans
objet est maintenant posée par l'art. 1er de la loi 2007-1787 du 20 déc. 2007 relative à la simplification du droit aux termes
duquel : « L'autorité administrative est tenue, d'office ou à la demande d'une personne intéressée, d'abroger expressément
tout règlement illégal ou sans objet, que cette situation existe depuis la publication du règlement ou qu'elle résulte de
circonstances de droit ou de fait postérieures à cette date » 610. Ces règles sont maintenant codifiées par l'art. L. 243-2 CRPA
(v. ss 456).
Des décisions ont aménagé l'obligation qui pèse sur le pouvoir réglementaire d'abroger ou de modifier un règlement
illégal. L'administration peut refuser d'abroger un règlement illégal si, du fait de circonstances nouvelles, cette illégalité a
cessé au moment où la demande d'annulation est examinée : CE, 10 oct. 2013, Fédération française de gymnastique, AJDA
2014. 213, chron. Bretonneau et Lessi. Le Conseil d'État a jugé (Ass., 28 juin 2002, Villemain, AJDA 2002. 586, chron.
Donnat et Cassas ; 5 avr. 2006, Synd. nat. des officiers de la marine marchande, Rec. 184) qu'à la suite de l'intervention
d'une loi nouvelle le pouvoir réglementaire dispose d'un « délai raisonnable » pour procéder aux mises à jour nécessaires.
On retrouve là l'inspiration de la jurisprudence sur l'annulation différée (v. ss 711). Le Conseil d'État a même été jusqu'à
préjuger l'intervention du texte nouveau en en faisant application, si l'on peut dire, par anticipation c'est-à-dire avant qu'il ait
été effectivement pris, ce qui est, pour le moins, quelque peu audacieux, mais conforme à une bonne administration de la
Justice : CE, Sect., 25 févr. 2005, Mme Barbier, AJDA 2005. 1002, chron. Landais et Lenica.

SECTION 2. LA HIÉRARCHISATION DES SOURCES DE LA LÉGALITÉ

349 Toutes les sources de la légalité n'ont pas la même force juridique. Il y a une hiérarchie entre elles, ce que l'on appelle « la
pyramide des normes ». Au sommet de la pyramide se trouve, bien sûr, la Constitution – la règle fondamentale – et à la base
le règlement (l'ordre hiérarchique étant celui dans lequel les règles ont été abordées dans la section précédente) 611.
La hiérarchisation signifie que toute règle doit être conforme (c'est-à-dire, au moins, non contraire) à toutes les règles qui
lui sont supérieures et que, à l'inverse, elle s'impose à celles qui lui sont inférieures.
Mais il ne suffit pas de poser le principe de la supériorité d'une règle sur une autre. Encore faut-il organiser une procédure
permettant, le cas échéant, de sanctionner le non-respect du principe hiérarchique. Les juristes le savent bien : une obligation
qui n'est pas assortie de sanctions risque fort de rester lettre morte. Par exemple, la Constitution de 1946 (art. 13) interdisait
les décrets-lois (v. ss 325). Le législateur de la IVe République a pu violer en toute impunité cette interdiction puisqu'il
n'existait, à l'époque, aucune procédure permettant de sanctionner une loi contraire à la Constitution.
Trois procédures ont été organisées, sous la Ve République, pour avoir un système complet de respect de la hiérarchie des
normes :
– le contrôle de la conformité à la Constitution des traités internationaux ;
– le contrôle de la constitutionnalité des lois, c'est-à-dire de la conformité de la loi à la Constitution ;
– le contrôle de la conformité de la loi aux traités internationaux.

§ 1. Le contrôle de la conformité des traités internationaux et du droit communautaire à


la Constitution 612

350 La Constitution étant la légalité au sommet, il est particulièrement important d'avoir la certitude que toutes les autres règles
lui seront conformes, la théorie de la « supra constitutionnalité » étant inacceptable 613.
La question de la conformité à la Constitution des traités internationaux est réglée par l'article 54 de la Constitution qui,
dans la rédaction résultant de la révision du 25 juin 1992, dispose : « Si le Conseil constitutionnel, saisi par le Président de la
République, par le Premier ministre ou par soixante députés ou soixante sénateurs, a déclaré qu'un engagement international
comporte une clause contraire à la Constitution, l'autorisation de ratifier ou d'approuver l'engagement international ne peut
intervenir qu'après la révision de la Constitution » 614.
Cette procédure apparaît, à première vue, étonnante. En effet, si le Conseil constitutionnel constate qu'une clause d'un
traité est contraire à la Constitution c'est cette dernière – c'est-à-dire la règle hiérarchiquement supérieure – que l'on va
modifier pour éviter la contradiction. L'explication que l'on en donne est que la modification de la Constitution dépend des
seuls pouvoirs publics français, alors que la modification du traité ne dépend pas d'eux seuls et nécessiterait une
renégociation avec les États parties au traité. Mais on peut aussi penser que, dans l'esprit du constituant, si la ratification du
traité exige une révision de la Constitution – procédure assez lourde à mettre en œuvre – on renoncera tout simplement à
ratifier le traité. Et c'est bien ce qui s'était produit pour un traité « ordinaire » : ainsi le Conseil constitutionnel (déc. 99-412
DC du 15 juin 1999, Rec. 71) ayant déclaré plusieurs clauses de la Charte européenne des langues régionales contraires à la
Constitution, sa ratification avait, dans un premier temps été abandonnée. Mais la procédure a été reprise puisque le Conseil
des Ministres a adopté, le 31 juillet 2015, un projet de loi constitutionnelle créant un article 53-3 autorisant la ratification de
la Charte (v. D. 2015. 1705). Le Conseil d'État, dans son avis du 30 juillet 2015, est défavorable à cette procédure 615.
Le contexte est totalement différent lorsqu'il s'agit des Traités communautaires ; ceux-ci doivent impérativement être
ratifiés et comme ils reposent sur des abandons de souveraineté que consentent les États de l'Union (v. ss 1), la seule manière
d'y consentir est donc de réviser la Constitution.
Certains ont voulu déduire de la procédure de l'article 54 une prétendue supériorité du traité sur la Constitution puisque,
en cas de conflit, c'est cette dernière que l'on modifie. Le raisonnement est réversible : s'il faut modifier la Constitution c'est
précisément parce que le traité ne lui est pas supérieur. D'autre part, et surtout, cette thèse a été condamnée, en droit positif,
sans la moindre ambiguïté, tant par le Conseil d'État que par la Cour de cassation. Dans l'arrêt Sarran et Levacher (CE, Ass.,
30 oct. 1998, GAJA n° 96 ; RD publ. 1999. 919, note J.-F. Flauss) le Conseil d'État a jugé que « la suprématie ainsi conférée
aux engagements internationaux (par l'art. 55 Const.) ne s'applique pas, dans l'ordre interne, aux dispositions de nature
constitutionnelle » 616. La Cour de cassation a repris cette motivation : Cass., Ass. plén., 2 juin 2000, Melle Fraisse, D. 2000.
865, note Mathieu et Verpeaux.
Les trois premières fois où le Conseil constitutionnel a été appelé à se prononcer sur la conformité d'un traité à la
Constitution, il a estimé qu'il n'y avait pas de contradiction 617. C'est, tout naturellement, à propos du Traité de Maastricht que
le Conseil constitutionnel a, pour la première fois, jugé que l'autorisation de ratification ne pouvait intervenir qu'après
révision de la Constitution : Cons. const., 9 avr. 1992, p. 55 618. La révision nécessaire a été opérée par la loi constitutionnelle
du 25 juin 1992. C'est alors que soixante sénateurs ont soutenu que cette révision ne supprimait pas la contradiction avec le
traité : le Conseil constitutionnel a écarté cette argumentation avant le référendum d'approbation du Traité du 20 septembre
1992 (Cons. const. 2 sept. 1992, p. 76).
Le Traité d'Amsterdam a également donné lieu à une décision de non-conformité de plusieurs de ses dispositions (Cons.
const. 31 déc. 1997, Rec. 344), ayant entraîné la révision du 25 janvier 1999. Le projet de « Constitution européenne » avait
lui aussi fait l'objet d'une décision de non-conformité : Cons. const. DC no 2004-505 du 19 nov. 2004, p. 173. À la suite de
son rejet par le référendum du 29 mai 2005, est intervenu le Traité de Lisbonne qui a également été déclaré contraire à la
Constitution : Cons. Const., Décis. no 2007-560 du 20 déc. 2007, Rec. 459 ; la révision qu'il nécessitait est intervenue avec la
loi constitutionnelle du 4 févr. 2008 modifiant le Titre XV de la Constitution et la loi du 13 février 2008 a autorisé la
ratification du Traité.
Mais il ne suffit pas de s'assurer qu'il n'y a pas de contradiction entre les traités communautaires et la Constitution. En
effet (v. ss 318), il y a désormais à côté des traités proprement dits les règles du droit communautaire dérivé qui ont la même
valeur juridique que les traités. Celles-ci peuvent-elles rester les seules sources de notre système juridique échappant à tout
contrôle de constitutionnalité ? 619 Bien évidemment, non. Ce serait d'ailleurs un étrange paradoxe d'admettre que l'on
s'assure de la conformité à la Constitution des traités européens mais pas de celle des règles secrétées par les organismes
qu'ils mettent en place. Encore faut-il qu'il y ait les procédures le permettant, ce qui n'est pas le cas actuellement même s'il y
a, sur ce point, des facteurs d'évolution. Le plus simple serait un texte le prévoyant expressément. Plusieurs propositions de
loi constitutionnelle tendant à établir un contrôle complet du droit dérivé ont été déposées ; elles n'ont, semble-t-il, aucune
chance de prospérer 620. Actuellement il n'y a aucune possibilité de contrôle direct de ces actes, la procédure de l'art. 54
n'étant applicable qu'aux seuls « engagements internationaux », ce qui n'inclut pas le droit dérivé. Le contrôle ne peut donc
qu'être indirect. Dans cette perspective le Conseil constitutionnel ne s'interdit plus, par principe, de procéder à un tel
contrôle. En effet, dans sa décision du 10 juin 2004, Loi pour la confiance numérique, (v. ss 319) 621, le Conseil
constitutionnel devait se prononcer sur la conformité à la Constitution d'une loi transposant une directive. Il a jugé que s'il
n'appartient qu'au juge communautaire de contrôler le respect par une directive des compétences définies par les Traités – et
souligné, ultérieurement, que lorsqu'il est saisi sur la base de l'art. 61 les délais ne lui permettent pas d'adresser, sur ce point,
une question préjudicielle à la CJUE – en revanche il ne pourrait être fait obstacle à la transposition d'une directive « qu'en
raison d'une disposition expresse contraire de la constitution ». Dans cette décision, le Conseil constitutionnel donne donc
un fondement constitutionnel à la transposition des directives mais marque une limite à celle-ci : qu'elle ne soit pas contraire
à une disposition expresse de la Constitution 622. Cette disposition a été reprise par plusieurs autres décisions : par ex. no 497-
DC du 1er juill. 2004, Loi relative aux communications électroniques, LPA 7 juillet 2004, note E. Schoettl ; no 2006-540 DC
du 27 juillet 2006, Loi relative aux droits d'auteur, Rec. 88 623. En principe une QPC dirigée contre une loi transposant une
directive n'est pas sérieuse ; toutefois, le Conseil constitutionnel peut exercer son contrôle, à titre exceptionnel, en cas
d'atteinte à un principe inhérent à l'identité constitutionnelle de la France : CE 8 juillet 2015, AJDA 2015. 2035, note
C. Haguenau-Moizard. Un pas supplémentaire a été franchi avec la décision no 2006-543 DC du 30 novembre 2006, Loi
relative au secteur de l'énergie, p. 120 dans laquelle le Conseil constitutionnel pour la première fois censure la loi comme
« méconnaissant manifestement l'objectif d'ouverture des marchés […] fixé par les directives ».
En ce qui concerne la position de la CJUE sur le contrôle incident de constitutionnalité des directives, v. CJUE, Grde ch.,
22 juin 2010, Melki et Abdeli, D. 2010. 2524, note J. Roux.
Le même problème – la conformité de la directive à la Constitution – se pose lorsque la transposition est effectuée par
voie réglementaire. Son régime juridique est fixé par l'important arrêt Sté Arcelor Atlantique et Lorraine (CE, Ass., 8 févr.
2007, GAJA n° 109 ; RFDA 2007. 384, concl. Guyomar ; AJDA 2007. 577, chron. Lenica et Boucher). Dans cet arrêt le
requérant contestait un décret en soutenant qu'il n'était pas conforme à la Constitution ; mais ce décret se bornait à reprendre
le contenu d'une directive et cela revenait donc à arguer d'inconstitutionnalité la directive. Le Conseil d'État considère qu'il
faut distinguer deux hypothèses. Dans la première il faut rechercher s'il existe une règle ou principe général de droit
communautaire qui peut garantir le respect de la disposition constitutionnelle invoquée par le requérant ; si tel est le cas, c'est
à la CJUE de trancher le conflit entre la directive et les principes communautaires ; le Conseil d'État n'a donc pas cette
mission. En revanche, « s'il n'existe pas de règle ou de principe général du droit communautaire garantissant l'effectivité du
respect de la disposition ou du principe constitutionnel invoqué, il revient au juge administratif d'examiner directement la
constitutionnalité des dispositions réglementaires contestées » 624. C'est une évolution importante ; un pas est franchi. Les
principes de l'arrêt Sté Arcelor sont repris dans l'arrêt Société Air-Algérie 625 mais avec une nuance importante : en effet dans
ce nouvel arrêt si le Conseil d'État rappelle que l'arrêt Arcelor ne concerne que les hypothèses où la transposition de la
directive est effectuée par voie réglementaire, il ajoute que, lorsque la transposition est opérée par la loi, celle-ci fait écran à
toute possibilité de contrôle par le Conseil d'État en dehors de la procédure organisée par l'article 61-1 de la Constitution
c'est-à-dire de la question prioritaire de constitutionnalité (v. ss 352).

§ 2. Le contrôle de la constitutionnalité des lois 626

351 Le contrôle de la conformité des lois à la Constitution est l'une des innovations fondamentales de la Constitution de 1958
(v. ss 310, et la bibl. citée). Elle est d'autant plus importante que, en France, le juge « ordinaire » se refusait à examiner
l'exception d'inconstitutionnalité à l'encontre de la loi, c'est-à-dire à vérifier la conformité à la Constitution d'une loi qui était
invoquée devant lui (v. par ex. : CE, Ass., 21 déc. 1990, Conféd. nat. des associations familiales catholiques, Rec. 369,
concl. Stirn ; CE 5 janv. 2005, Melle Deprez et Baillard, Rec. 1 ; CE 26 sept. 2005, Assoc. « Collectif contre l'homophobie »,
Rec. 391). Cependant, du point de vue des principes, rien ne s'opposait à ce que le juge français procède à un tel contrôle, en
reprenant tout simplement le raisonnement suivi par la Cour suprême des États-Unis dans la célèbre affaire
Marbury/Madison (1803), qui est un raisonnement juridique général. Dès lors, la solution au problème ne pouvait venir que
de la création, en France, d'un juge constitutionnel.
Le contrôle de constitutionnalité des lois s'exerçait essentiellement par la procédure de l'article 61 Const. qui permet de
demander au Conseil constitutionnel, entre l'adoption définitive de la loi par le Parlement et sa promulgation par le Président
de la République, de vérifier la conformité du texte voté à la Constitution (v. ss 310) 627. En 1958, seuls le Président de la
République, le Premier ministre ou le Président de chacune des deux Assemblées pouvaient saisir le Conseil constitutionnel
sur la base de cet article. La loi constitutionnelle du 29 octobre 1974 a constitué un véritable tournant dans le contrôle de la
constitutionnalité des lois en ouvrant également la saisine à 60 députés ou 60 sénateurs (c'est-à-dire à l'opposition). Cette
révision a permis au Conseil constitutionnel d'avoir une véritable jurisprudence car, désormais, bien peu de textes importants
échappent au contrôle du Conseil constitutionnel 628. Mais le Conseil constitutionnel n'a pas compétence pour apprécier la
validité d'une disposition adoptée par référendum : Cons. const. 25 avril 2014, Province Sud de la Nouvelle-Calédonie,
Décision n° 2014-392 QPC, AJDA 2014. 888.
Au départ, le Conseil constitutionnel a eu une conception assez restrictive de sa mission : il vérifiait essentiellement que
les lois votées respectaient bien les articles 34 et 37 de la Constitution – même s'il en donnait une interprétation favorable au
domaine de la loi. Un véritable tournant s'est produit avec la décision du Conseil constitutionnel dans l'affaire dite « du droit
d'association » (Cons. const. 16 juill. 1971, AJDA 1971. 537, note Rivero, GDCC, no 27). Par cette décision le Conseil
constitutionnel, pour la première fois en France, prive d'effet une loi votée par le Parlement en donnant valeur
constitutionnelle aux principes fondamentaux reconnus par les lois de la République (v. ss 312) et en rangeant parmi ceux-ci
la liberté d'association.
Selon une technique jurisprudentielle inaugurée par le CE (v. ss 711), le Conseil constitutionnel peut moduler dans le
temps les effets d'une déclaration d'inconstitutionnalité qu'il prononce : Cons. const. 19 juin 2008, Décis. no 2008-54 DC, Loi
relative aux OGM, AJDA 2008. 1614, note O. Dord ; RD publ. 2009. 251, chron. Rousseau et Gadhoun.
Il ne revient pas au Conseil constitutionnel, saisi en application de l'article 61 de la Constitution, de contrôler la
compatibilité de la loi déférée à une convention internationale, ce contrôle incombant aux juridictions administratives et
judiciaires : décisions no 2010-605 DC du 12 mai 2010 (p. 78) et no 2010-612 DC du 5 août 2010 (p. 198).
Si la vérification de la conformité des lois à la Constitution est une innovation de 1958, en revanche le juge administratif
a toujours accepté de sanctionner un acte administratif contraire à la Constitution. Mais il ne le fait que si l'acte administratif
viole directement et par lui-même la Constitution. Si l'inconstitutionnalité qui l'entache découle de ce qu'il est pris en
exécution d'une loi elle-même inconstitutionnelle, elle reste sans sanction, car le juge ne pourrait alors censurer qu'en
affirmant l'inconstitutionnalité de la loi ce qu'il s'est toujours refusé à faire 629. La loi fait alors écran au contrôle. Mais l'on a
considéré que l'arrêt Fédération nationale de la pêche en France 630 limitait la portée de cette théorie en la restreignant au
seul cas où le contrôle de la constitutionnalité de l'acte administratif conduirait nécessairement le juge à porter une
appréciation de la constitutionnalité des choix opérés par le législateur.
En ce qui concerne la procédure de contrôle de la conformité des lois à la Constitution la loi constitutionnelle du 23 juillet
2008, en créant la question prioritaire de constitutionnalité, a donné au contrôle de constitutionnalité une importance qui se
révèle de plus en plus grande

352 La question prioritaire de constitutionnalité 631 ◊ Le problème de savoir s'il convenait de permettre l'exercice
d'un contrôle de constitutionnalité, par voie d'exception, après la promulgation de la loi, pour violation des droits
fondamentaux reconnus à toute personne humaine par la Constitution, avait fait l'objet d'un projet de loi constitutionnelle en
1990. Voté à l'Assemblée nationale il avait été abandonné en raison de l'hostilité du Sénat à cette réforme. Le Comité
Balladur a repris cette idée qui a été adoptée lors de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008.
Aux termes de l'art. 61-1 C. : « Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une
disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être
saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé ».
Cette procédure est organisée par la loi organique no 2009-1523 du 10 décembre 2009, le décret no 2010-148 du 16 février
2010 632, et par la décision, sur la procédure, du Président du Conseil constitutionnel du 4 février 2010, modifiée par celle du
21 juin 2011.
Le moyen tiré de l'inconstitutionnalité de la loi doit être soulevé dans un écrit, distinct du recours principal (CE 9 avr.
2010, M. Matelly, AJDA 2010. 763) et motivé. Il peut être invoqué pour la première fois en appel ou en cassation mais ne
peut pas être relevé d'office sauf par le Conseil constitutionnel 633. La QPC ne peut pas être invoquée devant le Tribunal des
conflits (T. confl. 4 juill. 2011, Bidalou, p. 695). La juridiction statue sur la transmission de la question prioritaire de
constitutionnalité au Conseil d'État ou à la Cour de cassation « sans délai » et par une décision motivée. Trois conditions sont
mises à la transmission : – la disposition contestée doit, naturellement, être applicable au litige ou à la procédure ; – elle ne
doit pas avoir été déjà déclarée conforme à la constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil
constitutionnel, sauf le changement de circonstances 634 ; – la question ne doit pas être dépourvue de caractère sérieux 635. La
décision de transmettre n'est susceptible d'aucun recours et le refus de transmettre d'une CAA peut, par exemple, être
contesté à l'occasion du pourvoi en cassation dans le délai du recours contentieux (CE 1er févr. 2011, SARL Prototype
technique industrie, AJDA 2011. 1209, note P. O. Caille). Le refus de transmettre n'est pas contraire à l'art. 6 de la
Convention européenne des droits de l'homme : CEDH 17 septembre 2015, Renard / France, AJDA 2015. 1719.
Lorsque la question est transmise la juridiction sursoit à statuer. Le Conseil d'État et la Cour de cassation ont trois mois
pour se prononcer sur le renvoi de la question au Conseil constitutionnel ; il y a renvoi si les conditions énumérées ci-dessus
sont remplies et que la question est nouvelle ou présente un caractère sérieux 636. Le Conseil constitutionnel doit statuer dans
un délai de trois mois.
De manière assez inattendue la Cour de cassation, saisie d'une QPC, a décidé de saisir la CJUE d'une question
préjudicielle visant à déterminer si la procédure de celle-ci est compatible avec le droit de l'Union européenne : Cass. 16 avr.
2010, M. Aziz Melki, AJDA 2010. 1023, note Ph. Manin ; RFDA 2010. 445, Avis de l'Avocat général M. Domingo et notes
M. Gautier et P. Gaïa. La Cour demande, notamment, si l'article 267 du Traité de Lisbonne s'oppose aux dispositions de la loi
organique sur le Conseil constitutionnel qui obligent à se prononcer par priorité 637 sur la transmission au Conseil
constitutionnel alors cependant que la question invoque la contrariété d'un texte de droit interne au droit de l'Union. Ceci a
provoqué une réplique immédiate du Conseil constitutionnel qui a répondu aux interrogations de la Cour de cassation par
une décision de principe d'autant plus remarquable qu'elle intervient dans une affaire (l'ouverture à la concurrence des jeux)
qui ne nécessitait en aucune manière qu'elle prenne position sur ce problème (Cons. const. no 2010-605 du 12 mai 2010, Loi
relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne, p. 78) 638. En ce
qui concerne la supériorité des engagements internationaux et européens sur les lois, le Conseil souligne que les dispositions
de l'article 55 de la Constitution « ne prescrivent ni n'impliquent que le respect de ce principe doive être assuré dans le cadre
du contrôle de la conformité des lois à la Constitution » ; « qu'ainsi le moyen tiré du défaut de compatibilité d'une disposition
législative aux engagements internationaux et européens de la France ne saurait être regardé comme un grief
d'inconstitutionnalité » et qu'il « relève de la compétence des juridictions administratives et judiciaires ». Il indique
également que les problèmes de la transposition d'une directive ne sauraient être invoqués dans le cadre d'une QPC. Cette
position a été également celle du Conseil d'État : CE 14 mai 2010, M. Rujovic, AJDA 2010. 1048. Mais, naturellement, le
plus important a été la réponse de la CJUE ; elle valide le mécanisme de la QPC tel qu'il est analysé dans la décision du
12 mai 2010 du Conseil constitutionnel ; CJUE 22 juin 2010, Melki et Abdeli, AJDA 2010. 1578, chron. de JP. À la suite de
la suppression, par la L. O. du 22 juillet 2010, de la formation spéciale de la Cour de cassation en matière de QPC, la
procédure d'examen de celles-ci est maintenant régie par le décret no 2010-1216 du 15 octobre 2010 (D. 2010. 2436).
Ne peuvent pas être invoqués à l'appui d'une QPC : – la méconnaissance par le législateur du domaine que la Constitution
a réservé à la loi organique (no 2012-241 du 4 mai 2012) ; – la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence
(no 2013-364 du 31 janv. 2014) ; – la méconnaissance de l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et
d'intelligibilité de la loi (no 2012-283 du 23 nov. 2012) ; – le grief de la méconnaissance de la procédure d'adoption de la loi
(no 2013-370 du 28 févr. 2014). Au cours d'une même instance on peut soulever l'inconstitutionnalité de plusieurs
dispositions législatives si celles-ci s'appliquent au litige (no 2013-334 du 26 juill. 2013) ; il est également possible de
contester la constitutionnalité que l'interprétation jurisprudentielle constante donne à une disposition législative (no 2013-336
du 1er août 2013 ; décision n° 2015-520 QPC du 3 février 2016, Sté Métro Holding France, JO 5 février 2016, texte n° 76).
Par une décision fort remarquée le Conseil constitutionnel a, pour la première fois, décidé de renvoyer à la CJUE une
question préjudicielle portant sur le mandat d'arrêt européen en lui demandant de statuer selon la procédure d'urgence : Cons.
const. Décis. no 2013-314 QPC du 4 avr. 2013 (D. 2014. 1516) 639.
L'article 62, 2e alinea de la Constitution règle l'épineux problème des effets d'une déclaration d'inconstitutionnalité. La
disposition en cause est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel avec, toutefois, la
possibilité de fixer à une date ultérieure cet effet selon la technique maintenant classique de l'annulation différée 640
(v. ss 711). Mais surtout il revient au Conseil de déterminer les conditions et limites dans lesquelles les effets que la
disposition abrogée a produits sont susceptibles d'être remis en cause.
L'autorité des décisions du Conseil constitutionnel a été formulée à propos de l'affaire de l'état d'urgence en Nouvelle-
Calédonie (Décis. no 85-187 DC du 25 janv. 1985, p. 43) : si la régularité au regard de la Constitution des termes d'une loi
promulguée peut être contestée à l'occasion de l'examen de dispositions qui la modifient, la complètent ou affectent son
domaine, il ne saurait en être de même lorsqu'il s'agit de la simple mise en application d'une telle loi. Ces principes ont été
repris à propos d'une QPC : Cons. const. 18 oct. 2013, Sté Allianz IARD, no 2013-349 QPC, AJDA 2014. 467, note J. Bonnet.
Une décision déclarant contraires à la Constitution des dispositions législatives s'applique également à des dispositions
antérieures identiques dans leur substance et leur rédaction sans qu'il soit besoin de saisir le Conseil : CE 16 janvier 2015,
Sté Métropole Télévision, AJDA 2015. 79, obs. de Montecler.
La QPC fait du Conseil constitutionel, sans la moindre contestation, une véritable juridiction statuant selon une procédure
juridictionnelle. Le décret du 16 février 2010 et la décision présidentielle du 4 février 2010 organisent une minutieuse
procédure pour l'instruction et le jugement de la QPC. On a même dû aménager les locaux du Conseil pour pouvoir assurer
la publicité des audiences. Lors de la première de celles-ci, le Président a tenu à souligner la « révolution » que constitue la
réforme permettant que le Conseil soit saisi non plus seulement par des politiques mais par de simples citoyens. Les
audiences publiques sont, a-t-il dit, « un changement complet pour cette maison ».
À titre d'exemple, les trois premières questions transmises par le Conseil d'État concernaient le problème des pensions
militaires des anciens ressortissants des colonies, la représentation des familles par l'UNAF et les problèmes de
l'indemnisation d'un enfant né handicapé. Le problème dit de la « cristallisation » des pensions a donné lieu à la première
déclaration d'inconstitutionnalité sur la base de l'article 61-1 : le Conseil a estimé en effet que s'il était loisible de fonder une
différence concernant la revalorisation des pensions sur le lieu de résidence, en raison des différences de pouvoir d'achat, en
revanche il était contraire au principe constitutionnel de l'égalité de faire une différence entre les ressortissants français
résidant dans un pays étranger et les nationaux de ce pays. L'abrogation des dispositions déclarées inconstitutionnelles a été
reportée au 1er janvier 2011 afin de permettre au législateur de remédier à l'inconstitutionnalité constatée (Décis. no 2010-1
QPC du 28 mai 2010, AJDA 2010. 1606, note O. Dord ; D. 2010. 1354) 641.
On a maintenant un recul suffisant pour juger cette très importante réforme. C'est une incontestable réussite. Auditionnés
par la Commission des lois de l'Assemblée nationale le Vice-président et le Président de la Section du contentieux du Conseil
d'État ont dressé un bilan quantitatif et qualitatif très positif de la nouvelle procédure devant les juridictions administratives
(D. 2010. 2069 ; AJDA 2010. 1620) 642. En 5 ans plus de 10 000 QPC ont été posées et le Conseil d'État et la Cour de
cassation ont eu à traiter respectivement 835 et 1447 QPC. Le Conseil d'État en a transmises 207 et la Cour de cassation 258.
Pendant ces 5 années le Conseil a rendu 395 décisions portant sur 461 QPC et a jugé 145 dispositions législatives contraires
aux droits et libertés 643.
Incontestablement cette réforme remet en cause un certain nombre de principes. Tout d'abord celui de la composition du
Conseil constitutionnel puisque, en tant que juridiction, son indépendance ne doit pas pouvoir être soupçonnée. Mais aussi,
et surtout, comment ne pas constater que la QPC met gravement en échec le principe de sécurité juridique (v. ss 342) puisque
la loi peut désormais être contestée sans aucun délai 644. Et puis l'on revient au problème de la rétroactivité de la
jurisprudence (v. ss 340) : il sera pour le moins curieux de voir, par exemple, une loi de la troisième République déclarée
contraire au Préambule de la Constitution de 1946 645. Enfin, comment ne pas relever que le Conseil d'État et la Cour de
cassation sont maintenant contraints de faire ce qu'ils avaient toujours, à tort, refusé de faire : s'interroger sur la conformité
des lois à la Constitution !
§ 3. Le contrôle de la conformité de la loi aux traités internationaux 646

353 Il n'aurait dû y avoir aucun problème pour assurer la conformité des lois aux traités internationaux puisque, comme on l'a vu,
l'article 55 de la Constitution donne aux traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés « une autorité supérieure à
celle des lois » sous réserve de la condition de réciprocité (v. ss 314).
Mais il y a eu cependant problème en raison, tout d'abord, de l'attitude du Conseil constitutionnel qui se refuse à
sanctionner une loi votée par le Parlement et contraire à un traité international. Cette position de principe a été prise dans
l'affaire dite « de l'IVG » (Cons. const. 15 janv. 1975, AJDA 1975. 134, note Rivero ; GDCC, no 15) 647. Dans cette décision
le Conseil constitutionnel a refusé de vérifier la conformité de la loi sur l'IVG à la Convention européenne des droits de
l'homme, en observant qu'il n'a pas un pouvoir général d'appréciation – sa mission se limitant à vérifier la conformité des lois
à la Constitution et non aux Traités internationaux – mais surtout que le principe posé par l'article 55 n'a qu'un caractère
« relatif et contingent » en raison de la condition de réciprocité, c'est-à-dire de la réserve de l'application par l'autre partie. Il
faudrait donc ménager la possibilité d'appliquer une loi contraire à un Traité, sous le couvert de la non-réciprocité. On
s'interdit donc toute annulation a priori et générale. Cette position du Conseil constitutionnel se heurte cependant à
l'objection qu'une loi contraire à un traité méconnaît les dispositions de l'article 55 de la Constitution qui confère aux traités
une autorité supérieure à celle de la loi, et, de ce seul fait, est donc nécessairement contraire à la Constitution. Très
malheureusement le Conseil constitutionnel n'a pas varié dans son appréciation : il continue à considérer qu'il ne peut pas
sanctionner une loi contraire à un traité. Par exemple dans sa décision du 23 juillet 1999, (loi créant la couverture maladie
universelle, p. 100) il juge, à nouveau, que « il n'appartient pas au Conseil constitutionnel saisi en application de
l'article 61 de la Constitution, d'examiner la conformité à un traité de la loi qui lui est déférée ». V. pour une justification de
cette jurisprudence, l'article de M. Genevois, in Cahiers du Conseil constitutionnel, 1999, no 7. On l'a vu (v. ss 351) la
décision du 12 mai 2010 réaffirme que le contrôle de conventionnalité ne relève pas du contrôle de constitutionnalité.
Cette attitude du Conseil constitutionnel était d'autant plus grave que, pendant longtemps, le Conseil d'État a également
donné de l'article 55 une interprétation restrictive : il ne l'appliquait qu'aux lois antérieures au traité. Si la loi contraire au
traité avait été promulguée après l'entrée en vigueur de celui-ci, c'est elle qu'il faisait prévaloir (CE 1er mars 1968, Syndicat
des fabricants de semoule, AJDA 1968. 235, et 22 oct. 1979, Union démocratique du travail, RD publ. 1980. 531). Cette
interprétation, qui minimisait gravement la portée de l'article 55, a d'abord été abandonnée par le juge judiciaire (Cass.,
24 mai 1975, Sté des cafés Jacques Vabre, D. 1975. 497). Le Conseil d'État a suivi cet exemple (CE 20 oct. 1989, Nicolo,
RFDA 1989. 813, concl. Frydman, note B. Genevois, GAJA, no 87). Ainsi, en ce qui concerne le juge administratif,
l'article 55 de la Constitution produit son plein effet : l'autorité des traités est supérieure à celle des lois même postérieures, et
c'est le traité que l'administration devra appliquer si la loi lui est contraire 648. Il en va de même pour les lois référendaires
(cf. arrêt Sarran et Levacher, v. ss 350). Sur le problème de savoir s'il convient de tenir compte d'une éventuelle
incompatibilité apparue postérieurement à l'adoption de la loi : CE, Sect., 2 juin 1999, M. Meyet, AJDA 1999. 560. Pour
l'articulation entre contrôle de constitutionnalité et contrôle de conventionnalité, v. CE, Ass., 13 mai 2011, Mme M'Rida,
p. 211, concl. Geffray.
L'incompatibilité d'une loi avec le droit communautaire peut se déduire, non seulement des traités introduits dans l'ordre
interne, mais également d'actes du droit dérivé pris sur leur fondement et publiés conformément au décret du 14 mars 1953
(CE 20 déc. 2000, Geniteau, Rec. 635) ainsi que des principes généraux du droit communautaire (CE 3 déc. 2001, Synd. nat.
de l'industrie pharmaceutique, AJDA 2002. 1219) 649.
Ainsi, une loi contraire à un traité est susceptible d'entrer en vigueur, mais, dans la pratique, elle ne recevra pas
d'application chaque fois que sera soulevé, à son propos, le grief d'inconventionnalité.
Le Conseil d'État a admis, ce qui est important, que la responsabilité de la puissance publique pouvait être engagée du fait
de la méconnaissance par la France de ses engagements internationaux (en l'occurrence une loi contraire à la Convention
européenne des droits de l'homme) : CE, Ass., 8 févr. 2007, Gardelieu, RFDA 2007. 361, concl. Derepas et 525, note
D. Pouyaud. Cet arrêt se rattache au problème plus général de la responsabilité du fait des lois (v. ss 547) et de son
fondement : responsabilité pour faute ou sans faute 650 ?
Le contrôle de conventionnalité peut concerner une loi organique : CE, 6 avril 2016, Blanc, AJDA 2016. 948, Chr.
Dutheillet de Lamothe et Odinet.
CHAPITRE 2
LA LÉGALITÉ DANS LES PÉRIODES EXCEPTIONNELLES

Section 1. LA LÉGALITÉ DE CRISE ORGANISÉE PAR UN TEXTE


§ 1. L'article 16 de la Constitution
§ 2. L'état de siège
§ 3. L'état d'urgence
Section 2. LA THÉORIE JURISPRUDENTIELLE DES CIRCONSTANCES EXCEPTIONNELLES
Les exigences de la légalité doivent-elles être les mêmes en toutes circonstances ? Poser la question c'est pratiquement y
répondre. Dans certaines circonstances, fort graves par définition, il faut faire prévaloir le souci de l'efficacité de l'action
administrative sur le strict respect du Droit. C'est la belle formule de Montesquieu (citée par R. Chapus, T1, no 1272) : « Il y
a des cas où il faut mettre, pour un moment, un voile sur la liberté, comme l'on cache les statues des dieux ».
Le problème se pose en des termes différents selon qu'un texte organise la légalité de crise ou que, dans le silence des
textes, c'est la jurisprudence qui met en œuvre la théorie des circonstances exceptionnelles qui légitime le recours à des
moyens qui, en période ordinaire, seraient illicites.

SECTION 1. LA LÉGALITÉ DE CRISE ORGANISÉE PAR UN TEXTE


C'est l'hypothèse où il est le plus facile d'admettre des atténuations au principe de légalité puisque celles-ci ont été
expressément prévues et organisées par le constituant ou le législateur. Cela va se produire dans trois cas : – l'application de
l'article 16 de la Constitution ; – l'état de siège ; – l'état d'urgence.

§ 1. L'article 16 de la Constitution 651

354 Aux termes de l'article 16, lorsque les institutions de la République sont menacées d'une manière grave et immédiate et que
le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu, le Président de la République « prend les
mesures exigées par les circonstances ». La prolongation de l'application de l'art. 16, en 1961, au-delà de ce qui était
nécessaire, a provoqué sa révision par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008. Elle prévoit qu'après 30 jours d'exercice des
pouvoirs exceptionnels, le Conseil constitutionnel peut être saisi par le Président de l'Assemblée Nationale ou du Sénat, ou
par 60 députés ou sénateurs, afin d'examiner si les conditions à l'origine de son application sont toujours réunies. Il procède
de plein droit à un tel examen au terme de 60 jours d'exercice. L'étude de l'article 16 relève du droit constitutionnel. Il faut
examiner ici uniquement quelles sont alors les inflexions de la légalité et le régime juridique des décisions prises sur la base
de l'article 16.

355 A. Les inflexions de la légalité ◊ Selon l'expression du Doyen Vedel, l'article 16 fait du Président de la République
« un dictateur au sens romain du terme » 652.
L'application de l'article 16 aboutit à mettre à la disposition du Président de la République la totalité des pouvoirs qui
s'exercent dans l'État, ou plus précisément, de ceux qu'il juge nécessaire pour faire face à la crise, à l'exception, bien sûr, des
pouvoirs juridictionnels.
Dès lors les décisions prises par lui peuvent comprendre non seulement des décisions générales dans les domaines tant
législatif que réglementaire et modifiant ou complétant les textes antérieurs, mais encore des décisions particulières,
conformes ou non aux lois et règlements. Mais toutes les décisions prises doivent tendre au rétablissement du
fonctionnement régulier des pouvoirs publics.
Il faut noter que le recours à l'article 16 n'a pas nécessairement une portée générale : dans la mesure où les circonstances
permettent encore le fonctionnement régulier des institutions, et où le Président de la République ne juge pas nécessaire de
statuer lui-même, le législateur et le pouvoir réglementaire peuvent, en période d'application de l'article 16, continuer à
exercer leurs compétences selon les règles normales ; telle a été la situation entre la décision du 23 avril 1961 mettant en
application l'article 16, et celle du 29 septembre 1961 y mettant fin.

356 B. Régime juridique des actes pris en vertu de l'article 16 ◊ Les « décisions » sont prises, après avis du
Conseil constitutionnel, sous la seule signature du Président de la République.
Le problème de leur nature juridique a été très discuté en doctrine, mais il y avait de sérieuses raisons d'estimer que ces
décisions ne relevaient pas d'un contrôle contentieux. Telle n'a pas été l'attitude du Conseil d'État dans l'arrêt Rubin de
Servens (CE, Ass., 2 mars 1962, RD publ. 1962. 294, concl. Henry, GAJA, no 76). La Haute Juridiction résout le problème
sur la base d'une distinction :
1o La décision de mise en œuvre de l'article 16 constitue un acte de gouvernement (v. ss 365) et échappe à ce titre à tout
contrôle du juge.
2o En revanche, les décisions prises sur la base de l'article 16 restent définies par la matière sur laquelle elles portent : si
cette matière est législative, la décision emprunte la nature de la loi, et ne peut donc pas être déférée au juge ; si elle est
réglementaire, la décision est considérée comme un règlement, et sa conformité en droit peut être vérifiée 653.
Le raisonnement est loin d'être à l'abri de toute critique. On peut, tout d'abord, se demander s'il est logique de ne pas
soumettre à un seul et même régime juridique toutes les décisions prises sur la base de l'article 16. D'autre part, raisonner sur
ce que serait le régime juridique de la décision en période de non-application de l'article 16 c'est, en quelque sorte, la
négation même de la théorie des pouvoirs de crise. Bien plus, la solution retenue ne peut même pas se prévaloir d'un souci
d'efficacité, puisque celles des décisions qui portent, au droit antérieur, les plus graves atteintes, notamment en matière de
libertés, relèvent nécessairement, de ce fait même, du domaine de la loi et échappent au contrôle du juge.

§ 2. L'état de siège

357 Il s'agit d'une très vieille législation puisqu'elle remonte aux lois du 9 août 1849 et 3 avril 1878.
L'état de siège peut être déclaré en cas de péril imminent résultant d'une guerre étrangère ou d'une insurrection à main
armée. Aux termes de l'article 36 de la Constitution, il doit être déclaré en Conseil des Ministres et, au-delà de douze jours,
sa prolongation doit être autorisée par le Parlement.
Son effet est triple :
– transfert de l'autorité civile à l'autorité militaire de ceux des pouvoirs de police que celle-ci juge nécessaire d'exercer
elle-même ;
– extension des pouvoirs de l'autorité de police, que la loi autorise à prendre diverses mesures qui lui sont normalement
interdites (perquisitions de jour et de nuit, éloignement de certains individus, remise des armes, interdiction des réunions et
des publications susceptibles de troubler l'ordre) ;
– en temps de guerre, transfert aux tribunaux militaires de la répression des crimes et délits contre la sûreté de l'État, qui
relève normalement de la juridiction judiciaire.

§ 3. L'état d'urgence 654

358 L'état d'urgence peut être déclaré, soit en cas d'atteintes graves à l'ordre public, soit en cas de calamités publiques, sur tout ou
partie du territoire. La loi du 3 avril 1955 réservait la déclaration au législateur ; un décret du 15 avril 1960 la soumet au
même régime que la déclaration de l'état de siège. L'effet normal de l'état d'urgence est une extension des pouvoirs de police
au profit, soit du préfet, soit du ministre de l'Intérieur (interdiction de toute circulation, éloignement et assignation à
résidence des suspects, réglementation du séjour dans certaines zones, fermeture des lieux de réunion, remise des armes), qui
s'accompagne, en ce qui concerne notamment les assignations à résidence, de certaines garanties (L. 3 avr. 1955, art. 6 et 7).
En outre, le texte instituant l'état d'urgence dans un cas déterminé peut autoriser les perquisitions de jour et de nuit, et le
contrôle de la presse, des émissions, et des spectacles ; il peut également transférer aux tribunaux militaires la compétence
des juridictions répressives pour certains crimes et délits, mais ce transfert, du fait de la suppression des tribunaux militaires
en temps de paix, n'est possible qu'en vertu d'un décret décidant leur mise en place (L. 21 juill. 1982).
L'état d'urgence a été institué par la loi du 25 janvier 1985 en Nouvelle-Calédonie et le Conseil d'État a jugé, à cette
occasion, qu'une décision d'interdiction de séjour prise sur la base de ce texte relevait du contrôle restreint (CE 25 juill. 1985,
Mme Agostini, Rev. adm. 1985. 581, note Pacteau). À la suite de la vive agitation dans les banlieues, il a été à nouveau
recouru à l'état d'urgence, mis en œuvre par le décr. 2005-1386 du 8 novembre 2005 mais limité à la mise en application des
dispositions de l'art. 11-1o de la loi de 1955 (essentiellement perquisitions de jour et de nuit ; contrôle de la presse et de la
radio), sauf dans certaines zones, énumérées par le décret 2005-1387, du même jour, où étaient également applicables les
articles 6, 8 et 9 de la loi de 1955. Le juge des référés du Conseil d'État, par deux ordonnances du 14 novembre 2005,
M. Rolin et M. Hoffer (AJDA 2006. 501, note Ph. Chrestia) a refusé d'en suspendre l'application ; sur le fond le recours
contre les décrets relatifs à l'état d'urgence a été rejeté : CE, Ass., 24 mars 2006, M. Rolin, M. Boisvert, AJDA 2006. 1033,
chron. Landais et Lenica. La loi no 2005-1425 du 18 novembre 2005 a prorogé l'état d'urgence pour une période de trois
mois. Cela ne s'est pas avéré nécessaire puisque le décr. no 2006-2 du 3 janvier 2006 a mis fin à l'application de l'état
d'urgence. Dans la pratique les Préfets ont fait un usage fort modéré des pouvoirs exceptionnels de maintien de l'ordre qu'ils
tenaient de l'état d'urgence.
À la suite des abominables attentats terroristes perpétrés à Paris le 13 novembre 2015, un décret 2015-1478 du
14 novembre 2015 a mis en vigueur la loi sur l'état d'urgence pour la Métropole et la Corse et le décret 2015-1476 est
intervenu pour l'ensemble des communes d'Île-de-France. Au-delà de 12 jours, l'état d'urgence ne peut être prolongé que par
la loi. La loi 2015-1501 du 20 novembre 2015, votée à la quasi-unanimité, a donc prolongé l'état d'urgence pour une durée de
trois mois à compter du 26 novembre 2015 655. Ce texte modifie toute une série de dispositions de la loi du 3 avril 1955.
Désormais peut être assignée à résidence toute personne « à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que
son comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics ». Dans le cadre de l'assignation à résidence il
peut y avoir astreinte à domicile pour une période maximum de 12 heures par 24 heures. L'Assemblée nationale et le Sénat
doivent être informés sans délai des mesures prises par le Gouvernement pendant l'état d'urgence et peuvent requérir toute
information complémentaire.
L'état d'urgence a de nouveau été prorogé par la loi 2016-162 du 19 février 2016 pour une durée de trois mois à compter
du 26 février 2016 ; il peut y être mis fin par décret avant l'expiration de ce délai.
Le Conseil constitutionnel a été saisi, à trois reprises de QPC portant sur la conformité à la Constitution de la législation
sur l'état d'urgence. Dans sa décision n° 2015-527 QPC du 22 décembre 2015 (JO 26 déc. 2015, p. 24084) il a jugé
conformes à la Constitution les dispositions permettant l'assignation à résidence. Il en a été de même de l'art. 8 de la loi du
3 avril 1955 qui permet la fermeture provisoire des salles de spectacles, débits de boissons et lieux de réunion de toute
nature : décision n° 2016-535 QPC du 19 février 2016 (JO 21 févr. 2016, texte n° 26). En revanche, il a déclaré contraire à la
Constitution la disposition qui permettait à l'autorité administrative de copier toutes les données informatiques auxquelles il
lui aura été possible d'accéder au cours de la perquisition : décision n° 2016-536 QPC du 19 février 2016 (JO 21 févr. 2016,
texte n° 27).
Il a été fait une très large (trop ?) utilisation des assignations à résidence, 285, sans compter 3 346 perquisitions avant la
mi-décembre 2015 656. Le conseil d'État a statué sur les assignations à résidence issues de la loi du 20 novembre 2015 dans
un arrêt qui en fait une analyse fort minutieuse, et dont les conclusions du Rapporteur public sont véritablement exhaustives
sur le sujet : CE, Sect. 11 décembre 2015, M. Cédric C., Rec. 437, concl. Xavier Domino 657.
Dans la perspective de l'organisation par la France de l'Euro de Football et du prochain Tour de France, la loi 2016-629 du
20 mai 2016 a, une nouvelle fois, prorogé l'état d'urgence pour une durée de deux mois à compter du 26 mai 2016. Mais
celui-ci est allégé dans la mesure où l'on ne met plus en œuvre les dispositions de l'article 11 relatives aux
perquisitions administratives.
Le Président de la République avait souhaité « constitutionnaliser » l'état d'urgence. Ce projet s'est heurté à l'hostilité de
nombre de parlementaires du fait qu'il comportait également des dispositions relatives à la déchéance de nationalité. Face à
l'impossibilité de trouver, en la matière, un texte commun aux deux Assemblées – comme l'exige une révision de la
Constitution – le Président de la République a abandonné son projet. Une telle réforme me paraissait d'autant moins
nécessaire que la loi 2016-731 du 3 juin 2016 « renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement
et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale » pérennise, en fait, toute une série de dispositions de la
législation sur l'état d'urgence.
Enfin, et non sans raison, le Premier Président de la Cour de cassation s'est ému des réformes actuelles et de ce qu'il
appelle la mise à l'écart de l'autorité judiciaire puisque c'est le juge administratif qui a en charge le contentieux de l'état
d'urgence 658.

SECTION 2. LA THÉORIE JURISPRUDENTIELLE DES CIRCONSTANCES


EXCEPTIONNELLES 659
Dans le silence des textes, peut-on admettre des dérogations, ou plus exactement des atténuations, au principe de
légalité ? Le juge administratif l'a, tout d'abord, admis en temps de guerre (on a parlé de la « théorie des pouvoirs de
guerre ») mais également, ce qui est plus remarquable, en temps de paix.

359 A. Définition ◊ Dans certaines situations de crise, le respect de la légalité risquerait de paralyser l'administration, en lui
interdisant de prendre les mesures nécessaires, ou en les retardant. Faut-il donc choisir entre l'efficacité et le respect du
droit ? Le Conseil d'État a préféré tenter de les concilier : il admet que les situations exceptionnelles autorisent
l'administration à enfreindre les lois auxquelles elle devrait normalement se plier ; mais les actes pris dans ces circonstances,
s'ils échappent à la législation ordinaire, n'en sont pas moins soumis au droit : seulement, à un droit spécial, distinct de celui
qui s'applique en temps ordinaire.
Par circonstances exceptionnelles, on entend donc certaines situations de fait qui ont le double effet de suspendre
l'autorité des règles ordinaires à l'égard de l'administration, et de déclencher l'application à ces actes d'une légalité
particulière dont le juge définit les exigences.

360 B. Quand y a-t-il « circonstances exceptionnelles » ? ◊ C'est la guerre qui, la première, a été considérée par
le juge comme créatrice de circonstances exceptionnelles. Dans l'arrêt du 28 juin 1918, Heyriès (GAJA, no 30), le Conseil
d'État se fonde sur « les conditions dans lesquelles s'exerçaient les pouvoirs publics durant la guerre » pour affirmer la
légalité d'un décret par lequel le gouvernement a suspendu les garanties disciplinaires instituées par la loi au profit des
fonctionnaires afin de rendre possibles les sanctions rapides exigées par les nécessités de la défense nationale : cf. aussi, en
matière de libertés publiques, CE 28 févr. 1919, Delles Dol et Laurent, GAJA, no 32. La jurisprudence née entre 1914 et 1918
s'est confirmée à propos de la guerre de 1939-1945. Elle s'est étendue à d'autres situations de fait : tension politique
consécutive à la Libération (T. confl. 27 mars 1952, dame de la Murette, RD publ. 1952.757, Notes Waline, Tome 1, no 8),
menaces de grève générale (CE 18 avr. 1947, Jarrigion, S. 1948. III. 33, note Rivero), troubles sociaux, catastrophes
naturelles (CE 18 mai 1983, Félix Rodes, AJDA 1984. 44, pour une éruption volcanique à la Guadeloupe), etc. Le Conseil
d'État s'est toutefois refusé à qualifier d'« exceptionnelles » les circonstances du mois de mai 1968 ; il les déclare simplement
« particulières », mais, en dépit de cet euphémisme, il leur attache les mêmes effets qu'aux circonstances exceptionnelles
(12 juill. 1969, Chambre de Commerce de Saint-Étienne, AJDA 1969. 565).
Dans tous ces cas, on retrouve les mêmes éléments : une situation anormale, imposant à l'administration l'obligation d'agir
sous peine de compromettre l'intérêt général, et ne permettant pas l'observation des règles ordinaires, soit qu'elle se révèle
matériellement impossible (interruption des communications avec l'autorité supérieure, par exemple), soit qu'elle risque, en
retardant l'action nécessaire, de la frapper d'inefficacité.

361 C. Effet des circonstances exceptionnelles ◊ Il est double :


1o L'autorité administrative est dispensée de l'observation de celles des règles légales qui compromettraient son action :
règles de compétence (elle peut agir au-delà de sa compétence normale), règles de forme et de procédure, règles de fond (elle
peut porter atteinte aux libertés publiques). Le juge se réserve de faire le tri entre celles des règles dont les circonstances
imposaient ainsi la mise à l'écart, et celles qui demeuraient obligatoires. Il le fait avec beaucoup de réalisme, allant jusqu'à
admettre que les circonstances peuvent conférer aux actes de simples particuliers qui se sont substitués aux autorités
défaillantes la qualité d'actes administratifs réguliers (CE 7 janv. 1944, Lecoq, RD publ. 1944. 331, concl. Léonard,
note Jèze).
2o L'autorité administrative est liée par la « légalité de crise », également définie par le juge. De cette légalité, les
éléments fondamentaux concernent, d'une part, le but poursuivi – l'acte du temps de crise doit nécessairement chercher à
faire face à la crise –, d'autre part les moyens mis en œuvre, qui doivent être adaptés à ce but. C'est une idée importante en
droit administratif que celle de l'adaptation des moyens aux fins.
3o Sur le terrain, non de la légalité, mais de la responsabilité administrative, il faut signaler dès à présent que les
circonstances exceptionnelles emportent toute une série de conséquences : certains actes, fautifs en période normale, cessent
d'engager la responsabilité ; d'autres qui, par leur gravité, constitueraient normalement des voies de fait relevant de la
compétence du juge judiciaire, sont réputés simples fautes et rentrent dans la compétence administrative (T. confl., Dame de
la Murette, préc.) ; parfois enfin, les actes dommageables pris en période d'exception, bien que reconnus fautifs, engagent la
responsabilité administrative sur la base de la responsabilité sans faute.

362 D. Contrôle du juge sur les actes pris en période d'exception ◊ C'est l'un des éléments essentiels de la
théorie : en maintenant son contrôle sur ces actes, le juge rend effective leur soumission à la légalité. Le contrôle porte
d'abord sur l'existence des circonstances exceptionnelles alléguées par l'administration ; le juge, dans chaque cas concret,
décide si les circonstances invoquées méritaient vraiment cette qualification, et à partir de quel moment s'est opéré le retour à
la normale. D'autre part, il vérifie, sur la base indiquée ci-dessus, si les mesures contestées répondaient aux exigences de la
« légalité d'exception » : au cas contraire, il les annule.

363 E. Portée juridique de la théorie ◊ Elle ne constitue pas, au total, une véritable exception au principe de légalité.
On fait remarquer, à juste titre, qu'à vouloir appliquer les textes dans des situations que leurs auteurs n'avaient évidemment
pas en vue en les élaborant, on méconnaîtrait leurs intentions véritables. On ajoute que la survie de l'État conditionne toute la
légalité, et que compromettre cette survie par un attachement formaliste à la règle ordinaire serait, en définitive, détruire la
base de la légalité. Enfin, on rapproche la théorie des circonstances exceptionnelles d'autres constructions jurisprudentielles
qui procèdent de conceptions analogues : même en période normale, la légalité d'une décision administrative dépend
fréquemment des circonstances de fait dans lesquelles elle intervient : l'urgence (en matière de police notamment), les
données de la vie locale (par exemple en ce qui concerne les initiatives économiques des communes), justifient des
extensions de compétence. En matière de contrats administratifs, des circonstances imprévisibles peuvent entraîner une
suspension des obligations contractuelles (théorie de l'imprévision). La théorie des circonstances exceptionnelles est
l'expression la plus achevée de ces tendances. Elle n'en offre pas moins un danger : l'administration peut couvrir du prétexte
de « circonstances exceptionnelles » des décisions arbitraires et le contrôle du juge, s'exerçant a posteriori, ne serait pas en
mesure de faire échec à ces tentatives.
CHAPITRE 3
LE PROBLÈME DES ACTES DE GOUVERNEMENT 660

Section 1. L'ÉVOLUTION DE LA CATÉGORIE DES ACTES DE GOUVERNEMENT


§ 1. Le mobile politique
§ 2. La liste des actes de Gouvernement
Section 2. L'INTERPRÉTATION DE CES SOLUTIONS
§ 1. L'introuvable acte de gouvernement
§ 2. L'acte de gouvernement exercice de la fonction gouvernementale

364 Position du problème ◊ Le principe de légalité exige, on l'a vu, que tous les actes faits par l'Administration soient
soumis au Droit, et, s'il y a manquement à celui-ci, que l'on puisse en demander l'annulation au juge. Il reste à se demander si
ce principe connaît des exceptions ?
On a l'habitude de répondre à cette question par l'affirmative en constatant qu'il existe des actes de gouvernement, qui
sont des actes qui, bien que pris par le pouvoir exécutif, ne sont susceptibles d'aucun recours contentieux, tant devant le juge
administratif que devant le juge judiciaire. D'un point de vue strictement théorique, une telle réponse n'est pas pertinente. En
effet, ce n'est pas parce qu'aucun recours n'est possible que l'acte est, pour autant, affranchi du respect de la légalité. L'acte
demeure soumis au Droit mais, le cas échéant, s'il y a illégalité, celle-ci ne pourra pas être sanctionnée. On peut seulement
craindre que, dans la pratique, cette absence de toute sanction juridictionnelle rende l'Administration moins attentive aux
exigences de la légalité lorsqu'elle prend une décision de ce type.
On fonde parfois l'immunité juridictionnelle de l'acte de gouvernement sur l'article 26 de la loi du 24 mai 1872, d'après
lequel « les ministres ont le droit de revendiquer devant le Tribunal des conflits les affaires portées à la Section du
contentieux (du Conseil d'État) et qui n'appartiendraient pas au contentieux administratif ». En réalité, la portée de ce texte,
qui ne s'est jamais appliqué, reste incertaine, et il n'est pas sûr que « les affaires n'appartenant pas au contentieux
administratif » qu'il vise désignent les actes de gouvernement.
On étudiera l'évolution de la catégorie des actes de gouvernement (Section 1) avant d'essayer d'interpréter les solutions du
droit positif (Section 2).

SECTION 1. L'ÉVOLUTION DE LA CATÉGORIE DES ACTES


DE GOUVERNEMENT
Au XIXe siècle on a vu apparaître la théorie du mobile politique. Après son abandon on s'est contenté de dresser la liste des
actes de gouvernement.

§ 1. Le mobile politique

365 Jusqu'en 1875 un acte du pouvoir exécutif était qualifié « d'acte de gouvernement » lorsqu'il était inspiré par un mobile
politique. Dans l'arrêt Laffitte (CE 1er mai 1822, Rec. 202) le banquier Laffitte demandait le paiement des arrérages d'une
rente que lui avait cédée Pauline Borghèse. Le Conseil d'État refuse de statuer sur ce recours car : « … la réclamation du
Sieur Laffitte tient à une question politique dont la décision appartient exclusivement au Gouvernement ». De même Aucoc,
dans ses conclusions de l'affaire Duc d'Aumale (CE 9 mai 1867, Rec. 472, avec les concl.) déclare : « Il s'agit d'actes
politiques (à propos de la saisie d'un ouvrage) qui ne sont pas de nature à nous être déférés pour excès de pouvoir en notre
Conseil d'État par la voie contentieuse ».
La théorie du mobile politique a été abandonnée avec l'arrêt Prince Napoléon (CE 19 févr. 1875, Rec. 155, concl. David,
GAJA, no 3). Un cousin de Napoléon III avait été nommé Général de division sous le Second Empire, et rayé de cette liste à
la chute de l'Empire. La décision reposait, à l'évidence, sur un mobile politique, mais le Conseil d'État statue sur le recours.

§ 2. La liste des actes de Gouvernement

366 La théorie du mobile politique avait un grand avantage : elle fournissait un critère permettant d'identifier les actes de
gouvernement. Elle expliquait également leur immunité juridictionnelle : acte politique, il relève du contrôle politique et non
du contrôle juridictionnel 661.
Au lendemain de l'arrêt Prince Napoléon, on ne peut que constater qu'il y a des actes de gouvernement et en dresser la
liste, en espérant qu'elle ne cessera de se restreindre « comme une peau de chagrin ».
Aujourd'hui, à la catégorie des actes de gouvernement, on rattache deux domaines dans lesquels le juge entend respecter
l'autonomie du Gouvernement, et éviter de s'immiscer dans des conflits dont il considère qu'ils ne relèvent pas du droit
administratif. Ce sont : – les actes pris dans les rapports avec le Parlement ; – les actes en matière de relations avec les
puissances étrangères.

367 A. Les actes de l'exécutif pris dans ses rapports avec le Parlement et certaines décisions du
Président de la République et du Premier ministre ◊ Selon la jurisprudence, constituent des actes de
gouvernement : l'exercice du droit d'initiative législative (TC 18 mai 2015, M. Krikorian, AJDA 2016. 265, note
E. Carpentier) ; le décret de promulgation de la loi (CE 3 nov. 1933, Desreumaux, Rec. 993 ; CE 27 oct. 2015, M. Allenbad,
AJDA 2015. 2374), le décret de convocation et de clôture des sessions ainsi que celui convoquant le Congrès (CE 28 févr.
2005, M. Merkhantar et M. Hoffer, AJDA 2005. 1711), la décision de mettre en œuvre l'article 16 C prise par le Président de
la République (CE 2 mars 1962, Rubin de Servens, GAJA, no 76, v. ss 357, l'arrêt présentant la particularité exceptionnelle
d'affirmer expressément que la décision constitue un acte de gouvernement) ; la décision par laquelle le Président de la
République nomme un membre du Conseil constitutionnel (CE, Ass., 9 avr. 1999, Mme BÂ, RFDA 1999. 566, concl.
contraires Salat-Baroux) ; les actes qui se rattachent à l'exercice par le Conseil constitutionnel des missions qui lui sont
confiées par la Constitution : CE 9 nov. 2005, Moitry, Rec. 496 ; le refus du Premier ministre de demander au Conseil
constitutionnel de se prononcer en urgence (CE 9 oct. 2002, Meyet et Bouget, AJDA 2002. 1099). La décision du Président
de la République de soumettre un texte au référendum de l'article 73 de la Constitution est un acte de gouvernement mais la
juridiction administrative est compétente pour connaître du décret organisant la consultation (CE 4 déc. 2003, M. Feler,
AJDA 2003. 2287). En revanche le Conseil d'État a considéré que le décret par lequel le Premier ministre charge un
parlementaire d'une mission est détachable des rapports législatif-exécutif : CE, Sect., 25 sept. 1998, Mégret, RD publ. 1999.
254, concl. contraires Mme Maugüe. De même, ne constitue pas un acte de gouvernement le refus de saisir le Conseil
constitutionnel sur la base de l'art. 37, 2e al. de la Constitution : CE, Sect., 3 déc. 1999, Rassemblement des opposants à la
chasse, AJDA 2000. 170 (v. ss 327) ; la décision du Président de la République de faire fleurir la tombe de Pétain à l'occasion
du 11 novembre ne constitue pas un acte de Gouvernement : CE 27 nov. 2000, Assoc. Comité Tous Frères, RFDA 2001. 248.

368 B. Les actes de l'exécutif en matière de relations avec les puissances étrangères ◊ Le principe
qu'il s'agit d'actes de gouvernement a été rappelé à propos de la reprise des essais nucléaires de la France à Mururoa décidée
par le Président de la République le 12 juin 1995 (CE, Ass., 29 sept. 1995, Association Greenpeace France, JCP 1996. II,
no 22582, note Moreau ; concl. Sanson, RD publ. 1996. 256). Mais il faut distinguer :
a) Les actes relatifs à la négociation et à la conclusion d'un traité international, alors cependant qu'ils émanent du
gouvernement français seul, échappent à tout recours 662. La même solution s'applique à la suspension unilatérale d'un traité
par la France (CE, Ass., 18 déc. 1992, Mhamedi, AJDA 1993. 82 et 141). Elle a été étendue à une simple circulaire
suspendant, pendant la guerre du Golfe, les accords de coopération scientifique avec l'Iran (CE 23 sept. 1992, GISTI et
MRAP, AJDA 1992. 755).
b) Les actes relatifs à l'application des traités : les traités ayant, en vertu de l'article 55 de la Constitution, une autorité
supérieure à celle des lois, le juge administratif peut accueillir les recours fondés sur la méconnaissance d'un traité par une
décision de l'exécutif. Mais on a vu (v. ss 316) que le Conseil d'État n'hésite plus, contrairement à sa jurisprudence
antérieure, à procéder lui-même à l'interprétation du traité au lieu de la demander au ministre des Affaires étrangères, réserve
faite de l'interprétation des règles du droit communautaire, que le Traité de Rome l'oblige à soumettre à la Cour de Justice de
l'Union européenne (v. ss 320). Quant aux actes qui font directement application d'un traité, ils sont considérés, soit comme
actes de gouvernement, soit comme actes « détachables » du traité et susceptibles de recours, selon qu'ils mettent en jeu les
relations de la France avec les puissances signataires, ou posent des questions de pur droit interne 663.
c) Les actes de politique internationale étrangers aux traités, notamment l'exercice de la protection des Français à
l'étranger par nos représentants auprès des autorités du pays, ou auprès des instances internationales, sont considérés comme
actes de gouvernement 664. Tel est le cas d'une décision prise à l'encontre de ressortissants libyens en exécution d'une
délibération du Conseil de sécurité des Nations unies (CE 29 déc. 1997, Sté Héli-Union, Rec. 501), ou le refus de laisser
séjourner en France un membre du personnel d'une mission diplomatique étrangère (CE 16 nov. 1998, Lombo, JCP. 1999. II,
no 10124). La décision d'engager les forces françaises au Kosovo constitue un acte de Gouvernement : CE, Sect., 20 déc.
2000, Mégret et Mekhantar, AJDA 2001. 95, note Gounin. Il en va de même de la décision d'autoriser les avions militaires
anglais et américains, qui accomplissent leur mission en Irak, à survoler le territoire français ; cette décision n'est pas
détachable de la conduite des relations internationales de la France : CE 30 déc. 2003, Comité contre la guerre en Irak,
AJDA 2004. 613. Encore faut-il délimiter les actes détachables des relations internationales (chron. D. Ruzié, RFDA 2005.
373) : tel est le cas d'un décret qui ne tire pas directement conséquence d'une résolution du Conseil de Sécurité des Nations
unies (CE 3 nov. 2004, Assoc. Secours Mondial de France, AJDA 2005. 723, note Burgorgue-Larsen), ou le choix du
candidat français à la Cour pénale internationale : CE Sect., 28 mars 2014, M. Baynast, AJDA 2014. 712.
d) Les actes de guerre bénéficient de la même immunité. Toutefois, le Conseil d'État semble incliner, dans certains cas
tout au moins, à se déclarer compétent à leur égard (30 mars 1966, Guyot, AJDA 1966. 382).

SECTION 2. L'INTERPRÉTATION DE CES SOLUTIONS


Tout naturellement, la Doctrine – dont c'est le rôle – a cherché à expliquer, sinon à justifier, l'existence des actes de
gouvernement. L'explication de ce phénomène a été recherchée dans deux directions qui, finalement et contre les apparences,
sont assez largement convergentes : – pour certains, il s'agirait d'un faux problème, il n'existerait pas d'actes de
gouvernement ; – pour d'autres, les actes de gouvernement ne seraient que l'exercice de la fonction gouvernementale, ce qui
les exonère ipso facto de tout contrôle juridictionnel.

§ 1. L'introuvable acte de gouvernement


369 C'est la thèse de Michel Virally 665 selon laquelle il n'y a pas une catégorie juridique « des actes de gouvernement » tout
simplement parce que leur immunité juridictionnelle s'explique par le jeu naturel des règles du contentieux administratif.
Dans cette perspective, l'immunité des actes pris dans les rapports du gouvernement avec le Parlement prolonge
l'incompétence du juge administratif à l'égard du Parlement lui-même et de son activité ; celle des actes intéressant les
relations internationales s'explique par le fait que le gouvernement n'agit pas, dans ce domaine, en tant que pouvoir exécutif.
La théorie des actes de gouvernement se résorberait donc dans la règle générale selon laquelle le juge administratif n'est
compétent qu'en ce qui concerne l'action proprement administrative des organes publics.
Cette interprétation, de plus en plus généralement acceptée, et même par des membres du Conseil d'État 666, présente
l'avantage, tout en respectant l'autonomie du gouvernement dans deux domaines où son intervention est
constitutionnellement distincte de son action administrative, d'éliminer de notre droit une catégorie qui offre aux tentations
d'arbitraire un abri propre à les encourager 667. On aurait pu craindre que la Cour européenne des droits de l'homme
reconnaisse que les actes de gouvernement violent les dispositions de la Convention qui garantit à tous « un recours effectif
devant une instance nationale » ; il n'en a rien été puisqu'elle a jugé que cette immunité juridictionnelle n'était pas contraire à
celle-ci : CEDH, Grde. Ch., 14 déc. 2006, Markovic/ Italie, RFDA 2008. 728, note Vonsy.
Observons cependant que dans l'arrêt Rubin de Servens (v. ss 356) le Conseil d'État utilise expressément les termes d'acte
de gouvernement pour qualifier la décision par laquelle le Président de la République met en œuvre l'article 16 de la
Constitution, ce qui va à l'encontre de la thèse de l'inexistence des actes de gouvernement.

§ 2. L'acte de gouvernement exercice de la fonction gouvernementale

370 M. René Chapus 668 a souligné que l'acte de gouvernement n'était pas ce « monstre » que l'on se complaît trop souvent à
décrire, mais tout simplement l'exercice de la fonction gouvernementale. Certes, on l'a vu (v. ss 6), il est difficile de marquer
la limite exacte entre gouvernement et administration. Mais, il n'en demeure pas moins que, dans toute une série
d'hypothèses, on se trouve, sans discussion possible, dans la sphère de ce qui est l'activité gouvernementale. La raison
véritable de l'immunité contentieuse des actes de gouvernement doit donc être recherchée dans la distinction de l'activité
gouvernementale et de l'activité administrative. Selon la conclusion de cet auteur « Il conviendrait donc que l'on se défasse
de ce sentiment de réprobation et même d'indignation que l'on éprouve à l'égard des solutions jurisprudentielles qui les
concernent ». Au fond, le contrôle de l'activité gouvernementale relève du seul Parlement.
TITRE 2
LES MISSIONS DE L'ADMINISTRATION

SOUS-TITRE 1 LA POLICE ADMINISTRATIVE

SOUS-TITRE 2 LE SERVICE PUBLIC

371 Vue d'ensemble ◊ L'action de l'administration a pour but de satisfaire aux nécessités de l'intérêt général.
Pour ce faire, elle revêt, traditionnellement, deux formes essentielles : la police, le service public.
L'intérêt général exige d'abord que les libres initiatives des particuliers n'aillent pas jusqu'à compromettre l'ordre,
condition de toute vie sociale. Il appartient donc à l'État de leur imposer les disciplines indispensables ; à cette fin correspond
l'exercice de la police administrative.
Par le service public, l'autorité publique prend directement en charge, ou délègue sous son contrôle, la satisfaction d'un
besoin d'intérêt général, en assurant soit à la collectivité, soit aux particuliers individuellement, les prestations ou
avantages correspondants.
Cette distinction reste fondamentalement exacte. La police, qui donne à l'activité privée son cadre et ses limites, et le
service public, où c'est la personne publique qui se charge de procurer aux particuliers ce que l'activité privée est hors d'état
de leur fournir, sont, au sens matériel, les deux modalités essentielles, et bien distinctes, de l'action administrative. Dans le
premier cas, elle s'exerce principalement par voie de prescriptions générales ou individuelles ; dans le second cas, elle prend
la forme d'une gestion. Mais la distinction connaît pourtant une limite, dans la mesure où l'activité de police est assumée par
un ensemble de corps qui constituent, au sens organique du terme, le service public de la police et qui assument,
parallèlement à l'activité de police proprement dite, des activités de service public au sens matériel : secours aux victimes
d'accidents, délivrance de documents, passeports ou cartes d'identité, etc.

372 Évolution ◊ La dualité traditionnelle des formes de l'action administrative doit être complétée et nuancée. En effet, à côté
de ses missions traditionnelles, l'Administration intervient également dans le secteur culturel ou social, mais aussi dans la vie
économique. Ces interventions, on l'a vu (v. ss 285 s.) sont souvent confiées à des personnes morales de droit privé. L'étude
des interventions dans le secteur économique relève des ouvrages de droit public économique. Elles se réalisent, notamment,
par le canal des entreprises publiques (v. ss 248 s.).
On étudiera, dans le présent titre, les missions traditionnelles de l'Administration : la police administrative (Sous-titre 1) ;
le service public (Sous-titre 2).
SOUS-TITRE 1
LA POLICE ADMINISTRATIVE

373 Définition 669 ◊ La libre activité des particuliers, dans une société organisée, a nécessairement des limites, qu'il appartient
à l'autorité publique de tracer. Elle le fait en définissant, par la loi, les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour
l'exercice des libertés, ce qui implique la détermination de ces limites. Mais il appartient au pouvoir exécutif de préciser et de
compléter ces prescriptions essentielles, d'en assurer l'application concrète, et plus généralement, de prévenir les désordres
de toute nature. On entend par police administrative l'ensemble des interventions de l'administration qui tendent à imposer à
la libre action des particuliers la discipline exigée par la vie en société, dans le cadre tracé par le constituant et le
législateur.

§ 1. Les buts de la police administrative


La police administrative a pour but de prévenir les atteintes à l'ordre public.
Cette formule appelle deux séries de précisions, en ce qui concerne d'abord le caractère préventif de la police
administrative, qui la distingue de la police judiciaire 670, ensuite le contenu concret de la notion d'ordre public.

374 A. Caractère préventif de la police administrative 671 ◊ La distinction de la police administrative et de la


police judiciaire a une portée pratique essentielle : l'une incombe au pouvoir exécutif, et son contentieux relève de la
juridiction administrative, l'autre dépend du pouvoir judiciaire, seul compétent pour les litiges qui se rattachent à son
exercice. C'est par leur but qu'elles se distinguent : préventive, la police administrative tend à éviter qu'un trouble se produise
ou s'aggrave et se prolonge. La police judiciaire, essentiellement orientée vers la répression pénale, intervient lorsqu'une
infraction a été commise : elle a pour rôle de la constater, d'en identifier les auteurs, et de commencer à réunir les preuves,
afin de permettre l'action de la juridiction pénale (cf. sur la distinction : T. confl. 7 juin 1951, Noualek, Rec. 636 ; CE 24 juin
1960, Le Monde, Rec. 412 ; 8 mars 1963, Masetti, RD publ. 1963. 297 ; T. confl. 26 sept. 2005, Chauvel c/ Min. de
l'Intérieur, AJDA 2005. 2366).
Il ne faut pas entendre en un sens trop strict les deux idées de prévention et de répression. La police judiciaire ne réprime
pas elle-même, elle se borne à préparer la répression par le juge pénal. Quant à la police administrative, son action se
poursuit après que se sont manifestés les désordres qu'elle entend prévenir, pour rétablir l'ordre.
En pratique, la distinction est souvent délicate, en raison d'abord d'une certaine identité de personnel. Les autorités
chargées de la police administrative participent parfois à l'exercice de la police judiciaire : c'est le cas du maire. Surtout, le
personnel d'exécution est largement commun ; les commissaires et agents de police, les gendarmes, cumulent des attributions
relevant des deux polices ; il faut préciser, pour chacun de leurs actes, à laquelle il se rattache.
Or, dans la réalité, elles sont parfois étroitement mélangées : par exemple, l'agent qui dirige la circulation, s'il s'interrompt
pour dresser une contravention, passe de la police administrative à la police judiciaire ; de même la police de la route, selon
qu'elle porte secours à un automobiliste en difficulté, ou procède aux constatations après un accident 672.

375 B. L'ordre public ◊ Il faut se garder de toute confusion entre le sens donné à cette formule par l'article 6 du Code civil
(« On ne peut déroger par des conventions particulières aux lois qui intéressent l'ordre public »), et son sens en matière de
police administrative : les mots sont identiques, mais il s'agit de deux choses sans aucun rapport 673. L'ordre public que la
police tend à assurer se définit :
1o Par son caractère principalement matériel 674. Il s'agit d'éviter les désordres visibles. Dans les régimes libéraux,
distincts en cela des régimes totalitaires, l'ordre dans les esprits et dans les mœurs ne relève pas de la police ; seules justifient
son intervention les manifestations extérieures du désordre. L'immoralité, notamment, n'est pas, en elle-même, objet de
police tant qu'elle n'est pas en relation avec des désordres extérieurs, soit directement (cas des publications propres à
développer la criminalité, CE 29 janv. 1937, Sté Zed, D. 1938. III. 8), soit du fait des réactions que le scandale peut
susciter 675. Mais l'interdiction d'un « sex-shop » ne constitue pas une atteinte manifestement illégale au principe de la liberté
du commerce et de l'industrie 676 et se justifie par la préservation de la tranquillité publique et la protection de la jeunesse :
CE 8 juin 2005, Commune de Houilles, AJDA 2005. 1851, note S. Hul. Le Conseil d'État a jugé, en revanche, que le
caractère immoral des « messageries roses » ne suffisait pas à justifier l'interdiction de l'affichage publicitaire en sa faveur en
l'absence de risques de troubles matériels sérieux (CE 8 déc. 1997, Commune d'Arcueil, Rec. 482).
a) La police des films. En ce qui concerne les films ayant obtenu le visa nécessaire pour leur projection 677 il y a une
jurisprudence assez fournie. Le point de départ a été l'arrêt Sté des Films Lutetia (CE 18 déc. 1959, GAJA n° 73) dans lequel
la Haute juridiction admet la légalité de l'interdiction par un maire d'un film en raison de son caractère immoral, même si la
projection n'était pas susceptible d'entraîner des troubles matériels, mais à la condition cependant que la mesure soit
également justifiée par des « circonstances locales ». Mais si le film n'est pas de nature à provoquer des troubles matériels
sérieux et s'il n'y a aucune circonstance locale, l'arrêté d'interdiction du Maire est annulé (CE Ass. 19 avr. 1963, Ville de
Dijon, JCP 1963, n° 13237). Il en va de même si le film n'est pas de nature à porter atteinte au bon ordre et à la tranquillité
publique (CE 26 juillet 1985, Ville d'Aix-en-Provence, RFDA 1986. 444). Pour les raisons tirées de scènes de sexe pouvant
justifier l'interdiction : V. CE 30 sept. 2015, Min. de la Culture, AJDA 2015. 2108, concl. Crépey. Pour la prise en compte
d'actes de violence (il s'agit du film Saw 3 D) : v. CE 1er juin 2015, Association Promouvoir, AJDA 2015. 1599, note Le Roy.
Mais le visa ministériel peut être assorti d'une interdiction aux mineurs d'un certain âge. C'est sur ce point que se focalise
de plus en plus la jurisprudence. Dans une affaire fort remarquée, le Conseil d'État a annulé le visa d'exploitation d'un film
assorti seulement d'une interdiction de diffusion aux mineurs de 16 ans, comme constituant un message pornographique et
d'incitation à la violence. À titre de mesure d'instruction le juge administratif avait visionné le film sur cassette (CE Sect.,
30 juin 2000, Association Promouvoir, Rec. 267, concl. Honorat ; RFDA 2000. 1311, note Morange). Toutefois, ce même
film (Baise-moi) (sic) a pu faire l'objet d'un visa d'exploitation, assorti d'une interdiction aux mineurs de 18 ans, après que la
réglementation relative à la délivrance des visas ait été modifiée. Pour l'annulation d'un visa non assorti d'une interdiction
aux mineurs de 18 ans : CE 4 février 2004, Association Promouvoir, JCP A 2004, n° 1286, concl. de Silva ; CAA Paris, 8
décembre 2015, Association Promouvoir, RFDA 2016. 138, Concl. Cantié. En revanche, le juge des référés a refusé de
suspendre le visa d'exploitation du film Le Pornographe, assorti d'une interdiction aux mineurs de 16 ans, alors que ce film
comporte « une scène de sexe non simulée » : CE, juge des référés, 30 octobre 2001, Association Promouvoir, Rec. 525.
L'interdiction d'un film aux moins de 18 ans n'est pas contraire à l'art. 10 de la Convention européenne (liberté
d'expression) : CE 6 octobre 2008, Sté Cinéditions, AJDA 2009. 544, note Le Roy. Le visa d'exploitation doit être motivé :
CE 25 novembre 2009, Association Promouvoir, AJDA 2010. 614 678.
b) La dignité de la personne humaine. Le Conseil d'État est allé plus loin dans cette intégration de certaines valeurs dans
la notion d'ordre public ; il y a inclus le respect de la dignité de la personne humaine 679 en confirmant l'interdiction par des
maires, dans l'exercice de leurs pouvoirs de police municipale, d'une « attraction » dite « lancer de nains », qui consistait à
lancer dans l'espace, aussi loin que possible, un être humain réduit ainsi à l'état d'objet (CE, Ass., 27 oct. 1995, Commune de
Morsang, Ville d'Aix-en-Provence, Rec. 372, concl. Frydman ; AJDA 1995. 878) 680. Dans le même esprit, peut être légale
l'interdiction d'exposer en public des cadavres : Civ. 1er 16 sept. 2010, Sté Encore Events, AJDA 2010. 1736. De même s'est
posé le problème de la légalité des arrêtés municipaux « anti-mendicité » : pour la légalité d'un arrêté limité à la période
estivale, à certaines heures et dans des endroits déterminés : CE 9 juillet 2003, M. Lecomte, Association AC Conflent, AJDA
2003. 2110. Mais un maire ne peut pas prendre un arrêté interdisant de couper l'eau à des personnes n'ayant pas pu régler la
facture de leur consommation : S. Braconnier : « Les arrêtés municipaux anti-coupures d'eau », AJDA 2005. 644.
c) L'affaire Dieudonné. Mais il me semble que le Conseil d'État a été trop loin dans cette admission de considérations
strictement morales dans l'affaire Dieudonné 681. Le Préfet de Loire-Atlantique avait interdit le spectacle que le Sieur
Dieudonné devait donner à Saint-Herblain car, tel qu'il était conçu, il contenait des propos à caractère antisémite, d'incitation
à la haine raciale et faisait, en méconnaissance de la dignité humaine, l'apologie des exterminations perpétrées au cours de la
Seconde Guerre mondiale, toutes choses, naturellement, inadmissibles. Mais le problème était celui de savoir selon quelle
procédure juridique ces exactions devaient être réprimées. Le juge des référés du Tribunal administratif de Nantes, faisant
une application classique de la jurisprudence Benjamin (v. ss 381), avait suspendu l'exécution de l'arrêté d'interdiction.
Statuant quelques heures après cette décision, en matière de référé-liberté (v. ss 702) le Conseil d'État l'annule. Cependant il
était patent, en dépit de ce qu'affirme le Conseil d'État, qu'il n'y avait en l'occurrence aucun risque de trouble matériel à
l'ordre public (comme le démontre d'ailleurs le fait que la décision du Conseil d'État n'en a provoqué aucun). D'autre part
devant la Haute Juridiction, Dieudonné avait soutenu que ses propos pénalement répréhensibles ne seraient pas repris à
Nantes ; ne pas le croire revenait donc à lui faire un procès d'intention. En réalité le Conseil d'État a voulu faire jouer au
contrôle a priori (celui du juge administratif) celui qui revient au contrôle a posteriori (celui du juge pénal) car Dieudonné
arrivait à ne pas exécuter les condamnations pénales prononcées contre lui. C'est un excès de pouvoir du juge. Ce faisant il
donne à la notion d'ordre public un contenu strictement et uniquement moral. Cela est tout à fait critiquable car selon la
formule du Doyen Hauriou, citée par B. Seiller, la police administrative « ne pourchasse pas les désordres moraux ; elle est
pour cela radicalement incompétente ; si elle l'essayait, elle verserait immédiatement dans l'inquisition et l'oppression des
consciences ».
En ce qui concerne le spectacle de Dieudonné, les recours se sont multipliés. Par trois ordonnances de référé le Conseil
d'État a rejeté les recours formés contre des interdictions de celui-ci : CE 9 janvier 2014 ; CE 10 janvier 2014 ; CE 11 janvier
2014, Sté Les Productions de La Plume, AJDA 2014. 866, note J. Petit. Toutefois cette jurisprudence a évolué puisque dans
son arrêt Commune de Cournon d'Auvergne (CE 6 févr. 2015, AJDA 2015. 1658, note E. Saillant-Maraghni), le juge des
référés du Conseil d'État a rejeté le recours de la Comune dont l'arrêté d'interdiction avait été annulé par le Tribunal
administratif de Clermont-Ferrand au motif que le dit arrêté « portait une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté
d'expression et à la liberté de réunion » alors que rien ne pouvait le justifier.
Le Conseil d'État a également rejeté le recours formé contre la circulaire du Premier ministre qui expliquait aux Préfets et
aux Maires la marche à suivre à l'égard des spectacles de Dieudonné : CE 9 novembre 2015, AGRIF, AJDA 2015. 2508,
concl. Bretonneau.
Dernier épisode jurisprudentiel, la Cour européenne des droits de l'homme a rejeté le recours formé par Dieudonné à la
suite de sa condamnation pour injure publique : CEDH 10 novembre 2015, Dieudonné / France, AJDA 2015. 2512, note
X. Bioy.
d) La police de la laïcité. Au début du XXe siècle il y avait eu l'utilisation des pouvoirs de police à l'encontre de certaines
pratiques religieuses (jurisprudence sur les sonneries de cloches, des processions menées par des prêtres revêtus de leurs
habits sacerdotaux etc.) (v. ss 381). Actuellement se pose, avec beaucoup d'acuité, le problème de savoir dans quelle mesure
est compatible avec l'ordre public laïc 682 le port du foulard islamique 683. Le problème était, au départ, celui de la légalité des
dispositions des règlements intérieurs des écoles, collèges et lycées interdisant le port du foulard islamique 684. La question a
tout d'abord fait l'objet d'un avis du Conseil d'État (CE 27 novembre 1989, RFDA 1990. 1, note Rivero), et d'une
jurisprudence abondante : v. par ex. : CE 2 novembre 1992, Kherouaa, AJDA 1992. 790 685. Finalement elle a été tranchée
par la loi du 15 mars 2004 « encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une
appartenance religieuse dans les écoles, collèges, et lycées publics » : elle interdit le port de signes ou tenues manifestant
ostensiblement une appartenance religieuse. Il restera à définir ce qui est « ostensible », ce que s'efforce de faire la circulaire
du 18 mai 2004 prise pour la mise en œuvre de la loi (JO 22 mai 2004, p. 9033). La Cour européenne des droits de l'homme
juge que cette interdiction est compatible avec les droits de l'homme : CEDH 10 nov. 2005, Melle Sahin/Turquie,
D. 2005.2899 ; 4 déc. 2008, Dogru/France, AJDA 2008. 2311. À propos des mères voilées en sortie scolaire le Conseil
d'État, dans l'avis rendu le 19 décembre 2013 à la demande du Défenseur des Droits, avait « recommandé » aux parents de
s'abstenir de porter alors un signe religieux. Le TA de Nice a interprété cet avis comme permettant de porter le voile (TA
Nice, 9 juin 2015, AJDA 2015. 1933, note C. Brice-Delajoux 686.
L'affaire de la crèche « Baby Loup », il y a peu de temps, a soulevé pas mal de passions. Il s'agissait de la décision par
laquelle une salariée d'une crèche avait été licenciée pour avoir refusé d'ôter son voile dans le travail. Après maintes
péripéties judiciaires, la Cour de Cassation a confirmé ce licenciement : Cass. Ass. plén. 25 juin 2014, AJDA 2014. 1842,
note S. Mouton et T. Lamarche 687.
Le refus d'enregistrer une demande de visa d'une personne refusant d'enlever son voile pour permettre de vérifier son
identité est légal : CE 7 déc. 2005, El Morsli, Rec. 556. Le port du keshi sikh manifeste ostensiblement une appartenance
religieuse : CE 15 déc. 2006, Association United Sikhs, AJDA 2007. 313, concl. Olson ; CE 5 déc. 2007, M. Singh, M. et
Mme Ghazal (2 arrêts), RFDA 2008. 529, Concl. Keller. Le principe de laïcité ne s'oppose pas à l'abattage rituel : CE, 5 juillet
2013, Œuvre d'assistance aux bêtes d'abattoir, AJDA 2013. 1415, obs. Khalid.
À l'heure actuelle se pose également le problème du port de la « burqa ». À la suite du rapport de la Commission
d'information (AJDA 2010. 124) le Premier ministre a demandé au Conseil d'État d'étudier « les solutions juridiques
permettant de parvenir à une interdiction du port du voile intégral » avant le dépôt d'un éventuel projet de loi pour régler la
question (AJDA 2010. 182). Le Conseil d'État a estimé qu'une interdiction générale et absolue du port du voile intégral « ne
pourrait trouver aucun fondement juridique incontestable ». Passant outre à cet avis le gouvernement a fait voter la loi
no 2010-1192 du 11 octobre 2010 « interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public ». Celle-ci a été déclarée
conforme à la Constitution, sous la seule réserve d'interprétation que cette interdiction ne saurait restreindre l'exercice de la
liberté religieuse dans les lieux de culte ouverts au public (Cons. const., Décis. no 2010-613 DC du 7 oct. 2010, p. 276) et a
fait l'objet de la circulaire du 2 mars 2011 pour son application 688.
Le principe de la laïcité interdit-il qu'une crèche de la Nativité soit installée dans l'enceinte d'un Hôtel de Ville ou dans les
locaux d'un Conseil général ? À cette question la CAA de Paris (8 oct. 2015, Féd. Dep. des Libres penseurs de Seine et
Marne, AJDA 2015. 2390, note Dieuleveult) a répondu que l'interdiction s'appliquait, alors que la CAA de Nantes (13 oct.
2015, Fed. de la Libre pensée de Vendée, même référence) a répondu que l'interdiction ne s'appliquait pas. En ce qui
concerne le service de la restauration et le problème des menus des cantines : TA de Cergy-pontoise, 30 sept. 2015, AJDA
2015. 2394, concl. Elsa Costa.
Mais, à l'inverse, le Conseil d'État veille également à ne pas permettre des manifestations ouvertement destinées à
choquer certaines convictions religieuses : c'est ainsi qu'il a justifié les arrêtés interdisant la distribution de « soupe au
cochon » : CE, Ord. Réf., 5 janv. 2007, Min. de l'Intérieur/Assoc. « Solidarité des Français » AJDA 2007. 601.
En ce qui concerne les lieux de culte, le Conseil d'État a validé la fermeture de la « Mosquée de Lagny » : CE Ord. 25
février 2016, AJDA 2016. 408.
2o Par son caractère public. La police respecte non seulement le for interne, mais encore le domicile privé, sauf dans la
mesure où les activités qui s'y déroulent débordent sur l'extérieur (réglementation du bruit dû aux appareils trop sonores,
hygiène des immeubles, etc.).
3o Par son caractère limité. On ramène à trois chefs, d'après les indications données par l'article L. 2212-2, CGCT, qui
reprend la formule traditionnelle de la loi du 5 avril 1884, les éléments de l'ordre public : c'est le maintien de la tranquillité,
de la sécurité et de la salubrité publiques. À la tranquillité se rattachent le maintien de l'ordre dans la rue, dans les lieux
publics, la lutte contre le bruit, etc. ; à la sécurité, ou sûreté, les secours en cas d'accidents et de fléaux, humains et naturels,
incendies, inondations, complots armés, etc. La loi du 23 janvier 2006, relative à la lutte contre le terrorisme, met en place
une véritable police administrative du terrorisme 689 ; à la salubrité, la sauvegarde de l'hygiène publique : contrôle de la
salubrité des eaux, des denrées 690, prévention des épidémies, lutte contre les pollutions, interdiction de fumer dans les lieux
publics (CE 19 mars 2007, Mme Le Gac, RFDA 2007. 648 et 770, concl. Derepas) etc. En principe, le pouvoir de police ne
peut s'exercer en dehors de ces ordres d'idées. On va voir cependant que, dans le cas particulier des polices spéciales, la
notion d'ordre public peut recevoir un contenu plus large, dépassant même l'aspect purement matériel.
4o Enfin, il ne faut pas oublier, comme on le fait parfois, que, dans une société démocratique, l'ordre public inclut le
respect des libertés fondamentales. Leur exercice est gravement menacé là où le désordre s'installe. Les limitations que la
police peut imposer à la liberté peuvent la servir. Les deux notions de police et de liberté sont apparemment contradictoires,
mais aussi complémentaires.

§ 2. Les procédés de police

376 A. Police générale et polices spéciales 691 ◊ Lorsqu'une autorité est responsable du maintien de l'ordre public, tel
qu'il vient d'être défini, sur un certain territoire, elle dispose, ipso facto, d'un ensemble de compétences et de moyens
d'action : c'est la police générale. Mais en outre, certains textes prévoient, en vue de prévenir des désordres dans un domaine
bien défini, des moyens plus précis, techniquement adaptés à ce domaine, et en général plus rigoureux : ce sont les polices
spéciales, qui s'appliquent, soit à une catégorie particulière d'individus (police des étrangers, police des nomades), soit à une
branche d'activité (police de la chasse, police des édifices menaçant ruine, des établissements classés pour la protection de
l'environnement, des aéroports, etc.). La police spéciale des communications électroniques relevant de l'État, un maire ne
peut pas, sur son fondement de police générale, réglementer l'implantation d'antennes relais sur le territoire de sa commune :
CE, Ass., 26 oct. 2011, Cne des Pennes-Mirabeau, AJDA 2011. 2039. Obs. Grand ; CE 31 janv. 2012, Sté Orange France,
AJDA 2012. 183 692. De même l'existence d'une police spéciale des OGM confiée à l'État exclut toute réglementation locale
en la matière : CE, 24 septembre 2012, Commune de Valence, AJDA 20121. 2122, note E. Untermaier. Mais l'octroi au Maire
de pouvoirs de police spéciale en matière de contrôle des installations d'assainissement, ne le prive pas de ses povoirs de
police générale : CE 27 juillet 2015, M. Baey, Rec. 285. Certaines polices spéciales se distinguent en outre de la police
générale par leur but, qui déborde la définition traditionnelle de l'ordre public : c'est le cas des polices à fin esthétique ou
culturelle (protection des sites, des monuments historiques) ; mais de telles fins, et notamment la sauvegarde de l'esthétique,
demeurent interdites aux autorités de police générale (CE 18 févr. 1972. Chambre syndicale du Bâtiment de la Haute
Garonne, AJDA 1972. 250) 693.
Parmi les polices spéciales la police de l'environnement est très importante 694. La loi 2008-757 du 1er août 2008, qui
transpose la directive du 21 avril 2004 (sic), met en place une nouvelle police administrative en la matière mais organise
également une nouvelle forme de responsabilité environnementale.
377 B. Les procédés de la police générale ◊ Elle s'exerce par trois voies :
1o La réglementation. L'autorité de police, par le pouvoir réglementaire, peut imposer à tous des dispositions générales
restrictives de liberté, et pénalement sanctionnées. C'est cette existence de la sanction pénale qui donne, au règlement de
police, son caractère propre (v. ss 347).
2o Les décisions particulières. Normalement fondées sur une règle générale, elles sont multiples : autorisations,
interdictions (d'une manifestation, d'une réunion), injonctions (ordre à des manifestants de se disperser). En général écrites,
elles peuvent être également verbales, ou même se réduire à un geste (le bras tendu de l'agent interdisant le passage), ou à un
signal mécanique (le feu rouge).
3o La cœrcition. L'autorité de police peut mettre en œuvre la force matérielle pour prévenir ou faire cesser un désordre ;
l'action d'office, l'exécution forcée, trouvent en matière de police leur principal champ d'application. Les mesures les plus
graves (emploi des armes, participation de l'armée au maintien de l'ordre) font l'objet d'une réglementation précise.

§ 3. L'aménagement du pouvoir de police

378 A. Principes ◊ 1o Il faut distinguer d'abord les autorités de police, seules compétentes pour prendre les règlements de
police et les principales mesures particulières, responsables du maintien de l'ordre, et d'autre part, les personnels de police,
organes d'exécution ; ils comprennent des personnels permanents, soit civils (Compagnies républicaines de sécurité), soit
militaires (la gendarmerie, tout en conservant son statut militaire, est maintenant rattachée au Ministère de l'Intérieur) ;
exceptionnellement, l'armée peut être appelée à coopérer au maintien de l'ordre 695. L'ensemble des services civils de la
police d'État a été réorganisé dans un sens unificateur par une loi du 9 juillet 1966. La loi du 7 août 1985 a prévu la
modernisation de ses moyens d'action, le décret du 18 mars 1986 lui a donné un Code de déontologie. Une nouvelle réforme
d'ensemble a fait l'objet de la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité du 21 janvier 1995. L'arrêté du
22 juillet 1996 porte règlement général d'emploi de la police nationale.
La loi du 29 août 2002 « d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure », prévoit une réorganisation des
forces de sécurité, tant dans la gendarmerie, que dans la police, « par un redéploiement rationnel et équilibré » 696. La loi du
18 mars 2003 « pour la sécurité intérieure », associe les collectivités territoriales à la politique de sécurité (art. 1er) et confie
aux préfets la coordination de l'ensemble du dispositif de sécurité intérieure dans le département (art. 2) 697. Enfin est
intervenue la loi 2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile. L'ensemble des dispositions relatives à la
sécurité intérieure sont maintenant codifiées par l'Ordonnance no 2012-351 du 12 mars 2012 (AJDA 2012. 524).
2o Les autorités de police peuvent cumuler les compétences qu'on vient d'indiquer, et la direction des personnels de
police. Mais il n'en est pas toujours ainsi ; nombre de maires, par exemple, n'ont pas autorité sur le personnel de police, bien
qu'ils prennent, dans leur commune, des règlements et des décisions individuelles de police.
3o Du point de vue territorial, les compétences de police sont réparties principalement entre l'État et la Commune. L'État
assure le maintien de l'ordre sur l'ensemble du territoire (police d'État). Il laisse à l'autorité décentralisée le soin de prendre
les mesures particulières correspondant aux circonstances locales (police municipale). Cette répartition n'est cependant pas
rigoureuse pour plusieurs raisons :
a) Pour l'exercice de certaines branches de la police municipale, le préfet est souvent substitué au maire de façon
permanente. Il peut, en outre, même dans les matières qui restent de la compétence normale du maire, se substituer à lui en
cas de nécessité.
b) À l'inverse, le maire peut être appelé à participer, sous l'autorité du préfet, à l'exercice de la police d'État.
c) Le personnel chargé de la police municipale 698 est, dans un grand nombre de communes, un personnel d'État, placé
sous l'autorité du préfet.

379 B. Les diverses autorités de police ◊ En pratique, l'application de ces principes aboutit aux solutions que voici :
1o Le Premier ministre prend les règlements de police applicables à l'ensemble du territoire national. Ce pouvoir a été
consacré par le Conseil d'État (au profit du Président de la République sous la Constitution de 1875) à l'occasion de
l'élaboration du premier Code de la route (8 août 1919, Labonne, GAJA, no 34). 699
2o Le ministre de l'Intérieur n'a pas, en matière de police, de compétences propres ; mais les personnels de la police
d'État sont placés sous son autorité, par l'intermédiaire de la direction de la Sûreté nationale. En outre, en tant que supérieur
hiérarchique des préfets, il peut leur donner des instructions pour l'exercice de leurs compétences de police.
3o Les préfets sont responsables du maintien de l'ordre dans le département. Le personnel de la police d'État en service
dans le département est placé sous leur autorité. Ils sont chargés de la police de la circulation en dehors des agglomérations.
En cas de catastrophes naturelles ou accidentelles, c'est eux qui décident la mise en œuvre du plan ORSEC, destiné à
coordonner les secours. En outre :
a) Ils sont substitués aux maires pour assurer le maintien de l'ordre, au sens strict, dans toutes les communes de plus de
10 000 habitants et dans les communes moins importantes comprises dans certaines grandes agglomérations ; dans les autres
communes, le régime de police d'État peut être établi soit, sur la demande ou avec l'accord du conseil municipal, par arrêté
des ministres de l'Intérieur et des Finances, soit par décret en Conseil d'État (L. 27 déc. 1974, art. 21). L'étatisation de la
police est de droit lorsqu'elle est demandée par le conseil municipal des communes remplissant certaines conditions
précisées par décret (L. 7 janv. 1983, art. 83). Les dépenses des services de police, dans toutes les communes où elle a été
étatisée, sont à la charge exclusive de l'État.
Pour toutes ces communes, l'article L. 2215-1, CGCT précise la répartition des matières qui s'établit entre le maire et
le préfet.
b) Lorsque l'ordre est menacé dans deux ou plusieurs communes limitrophes, les préfets peuvent se substituer aux maires
afin de donner plus de cohérence à l'action préventive.
c) Ils peuvent, en cas de carence des maires, prendre, pour toutes les communes ou plusieurs d'entre elles, toutes mesures
en matière de salubrité, de sécurité et de tranquillité ;
d) Ils disposent, dans chaque commune, et en toutes matières, d'un pouvoir général de substitution lorsque le maire, mis
en demeure d'agir, refuse de prendre les mesures nécessaires ;
e) Enfin, la plupart des polices spéciales sont, en vertu des textes qui les organisent, placées sous leur autorité.
En cas de troubles susceptibles de s'étendre à plusieurs départements, la responsabilité du maintien de l'ordre passe aux
préfets de région investis des fonctions exercées auparavant par les inspecteurs généraux de l'administration en mission
extraordinaire.
4o Le maire 700 collabore à l'exercice de la police d'État en assurant l'exécution des mesures de sûreté générale. Mais
surtout, il est chargé de la police municipale. Dans les communes où la police d'État n'a pas été instituée, sa compétence
s'étend à tous les éléments de cette police ; en outre, le personnel de la police est un personnel communal placé sous son
autorité ; mais le maire reste soumis au contrôle du préfet, et à son pouvoir de substitution. Dans les communes où la police a
été « étatisée » (communes de plus de 10 000 habitants, certaines agglomérations formées de plusieurs communes, etc.), il
n'est plus compétent qu'en matière de tranquillité et de salubrité, le maintien de l'ordre au sens strict relevant du préfet, et le
personnel de police est un personnel d'État échappant à son autorité. Mais, même dans ces communes, une nette tendance à
la réapparition d'un personnel municipal de police à côté du personnel d'État se manifeste, que le législateur a entériné dans
la loi du 13 juillet 1987, en subordonnant le choix des agents à l'agrément du Procureur de la République. La discussion de la
loi du 15 avril 1999, relative aux polices municipales, a suscité de vives polémiques au Parlement, notamment en ce qui
concerne la possibilité pour les agents de cette police de porter une arme. La solution retenue (art. 8) est fort restrictive. Sur
la partie non urbaine du territoire communal, le maire est chargé de la police rurale.
Le Conseil d'État a jugé que le maire avait l'obligation, en cas de péril grave résultant d'une situation particulièrement
dangereuse pour l'ordre public, de prendre un règlement de police : CE 23 oct. 1959, Doublet, RD publ. 1959. 1235, concl.
A. Bernard, RD publ. 1960. 802, note Waline. Ainsi, le maire a l'obligation d'utiliser ses pouvoirs de police pour réglementer
la circulation et le stationnement des nomades sur le territoire de la commune et s'il ne le fait pas, il commet une faute
engageant la responsabilité de celle-ci : CE 20 déc. 2000, Cie d'Assurances Zurich International, Rec. 632 ; pour une carence
dans l'exercice de la police des baignades : CE, 19 nov. 2013, AJDA 2013. 2340. Sur la responsabilité pour carence dans
l'exercice des pouvoirs de police administrative : CE 27 juillet 2015, AJDA 2015. 2277, note Perrin.
5o Le président d'un EPCI. L'art. 163 de la loi du 13 août 2004 (v. ss 277) prévoit la possibilité de transférer une partie
des pouvoirs de police des maires au Président d'un EPCI. On s'engage ainsi dans une logique qui vise à privilégier l'EPCI au
regard des communes membres. On a fait observer qu'il s'agissait, en réalité, beaucoup plus d'un partage des pouvoirs de
police que d'un transfert 701.

380 C. Le concours des compétences de police ◊ Il résulte de ce qui précède que plusieurs autorités de police
peuvent être appelées à s'exercer concurremment sur un même territoire. Toute commune est incluse dans un département et
dans l'État ; les décisions du maire, celles du préfet, celles du Premier ministre, vont donc s'y appliquer ; comment éviter que
des contradictions ou des incertitudes naissent de cette superposition d'autorités ? Le même problème se pose du fait de la
superposition de la police générale aux polices spéciales 702. En principe, l'intervention sur un certain objet de l'autorité
supérieure ne prive pas l'autorité inférieure du droit de statuer sur ce même objet : le Code de la route, règlement de police
national, ne met pas obstacle à la réglementation par le maire de la circulation dans la commune. Cependant, l'autorité
inférieure ne peut pas prendre de dispositions contraires à la réglementation générale, ni dispenser localement de son
application. Elle ne peut que superposer, aux mesures générales, les mesures complémentaires adaptées aux nécessités
locales (CE 7 juin 1902, Maire de Néris-les-Bains, GAJA, no 9). Cela peut aller jusqu'à interdire localement ce qui est
autorisé pour l'ensemble du territoire, par exemple la projection d'un film muni de son visa de censure (police spéciale
nationale) si cette projection doit, compte tenu des circonstances, provoquer des désordres dans une commune (police
générale locale) 703 ; v. ss 375.

§ 4. Les limites du pouvoir de police

381 A. Principe de légalité et pouvoir de police ◊ Comme toute l'action de l'administration, l'exercice du pouvoir de
police est soumis au principe de légalité et au contrôle juridictionnel. En pratique, c'est le Conseil d'État qui, à partir de
textes assez lâches, a posé les règles jurisprudentielles qui définissent les exigences de la légalité en matière de police.
1o La directive générale qui résulte de la jurisprudence découle du principe libéral qui voit dans la liberté la règle, dans
l'intervention de police l'exception : une mesure de police n'est légale qu'autant qu'elle est nécessaire au maintien de l'ordre.
Pour être légale une mesure portant atteinte à une liberté doit être « adaptée, nécessaire et proportionnée ». C'est ce qui
amène le juge, à l'égard des décisions qui relèvent de son contrôle normal, à examiner de près les circonstances de fait, et à
vérifier l'adéquation des mesures prises aux circonstances. D'où la suspicion qui frappe, a priori, les interdictions générales
et absolues : le juge présume qu'on pouvait arriver au but cherché à moindres frais pour la liberté. C'est le caractère général
de la saisie d'un journal, opérée dans tout le département de la Seine, alors que le risque de troubles se limitait au centre de
Paris, qui a conduit le Tribunal des conflits à voir, dans cette mesure, une voie de fait (T. confl. 8 avr. 1935, Action
Française, Rec. 1226, concl. Josse) ; de même, c'est le caractère trop général de l'interdiction par le Préfet de police de Paris
des attractions diverses dans les zones piétonnières qui en a amené l'annulation (CE 4 mai 1984, Guez, AJDA 1984. 393 et
les conclusions) ; est également illégale, parce que trop générale, l'interdiction de toute manifestation pendant la visite du
Président de la République de Chine : CE 12 nov. 1997, Assoc. communauté Tibétaine de France, Rec. 417 ; v. également :
CE 6 juin 2001, Commune de Vannes, Rec. 256 ; CE 10 juillet 2006, Assoc. pour l'interdiction des véhicules inutilement
rapides, Rec. 336 ; CE, 15 mai 2009, Sté France conditionnement Création, Rec. 199 ; CE, 8 novembre 2013, Olympique
Lyonnais, AJDA 2013. 2472. D'où aussi la prise en considération des circonstances : le lieu (voie publique ou domicile
privé), le moment (circonstances exceptionnelles ou urgentes, jour ou nuit), la tradition (pour les courses de taureaux) 704 ; les
moyens dont disposait l'autorité pour assurer l'ordre, ont sur la légalité une influence directe : dans l'affaire Benjamin (CE
19 mai 1933, GAJA, no 43), l'interdiction par le maire d'une conférence a été annulée pour le motif que, même si cette
conférence était de nature à susciter quelques troubles, ils ne risquaient pas d'être tels que l'ordre ne put, en fait, être
maintenu compte tenu des effectifs de la police locale 705.
Mais est justifiée l'interdiction d'un rassemblement fondée sur le fait que de telles manifestations avaient, précédemment,
déjà provoqué des troubles : CE 25 juin 2003, Assoc. SOS tout petits, AJDA 2003. 1676.
Une mesure de police peut devenir illégale du fait d'un changement de circonstances : CE 30 juin 2004, Commune de
Bertrange, AJDA 2004. 1839.
2o Par ailleurs, l'étendue des pouvoirs de police varie selon qu'ils s'appliquent à une liberté garantie par la loi, qui en
définit les conditions d'exercice (p. ex. : liberté de la presse, des cultes, d'association) ou aux multiples formes que peut
revêtir l'activité des individus. Le refus de louer une salle communale à un groupement politique constitue une atteinte grave
et manifestement illégale à une liberté fondamentale : CE 19 août 2002, Front national, Institut de formation des élus locaux,
AJDA 2002. 1017, note X. Brand ; de même le refus de mettre à disposition une salle municipale pour la célébration d'une
fête religieuse : CE 23 septembre 2015, Assoc. des Musulmans de Mantes-sud, AJDA 2016. 108, note J.B. Chevalier. Ils sont
plus restreints à l'égard des libertés « définies » : l'autorité de police ne peut, notamment, soumettre leur exercice à un régime
d'autorisation, ni même de déclaration préalable (cf., pour une décision soumettant à autorisation préalable du maire
l'exercice de la profession de photographe filmeur, CE 22 juin 1951, Daudignac, GAJA, no 62). Mais l'article 53 de la loi du
15 novembre 2001, relative à la sécurité quotidienne, prévoit que « les rassemblements exclusivement festifs (sic) à caractère
musical » (alias les « raves parties ») organisés par des personnes privées doivent faire l'objet d'une déclaration préalable
auprès du Préfet ; sur les pouvoirs du préfet à l'égard de ces manifestations : CE 30 avr. 2004, Assoc. Technopol, RFDA
2004. 636 706 La distinction est particulièrement nette dans la jurisprudence relative aux manifestations religieuses qui se
déroulent à l'extérieur ; celles qui, de par leur caractère traditionnel, se rattachent à l'exercice du culte, garanti par la loi, ne
peuvent être interdites qu'en cas de menace grave pour l'ordre public (CE 19 févr. 1909, Abbé Olivier, GAJA, no 18 pour les
enterrements religieux) ; les manifestations non traditionnelles, du fait qu'elles ne sont pas inhérentes à la liberté du culte,
peuvent être plus strictement réglementées. Cette distinction a d'ailleurs été transposée à l'ensemble des manifestations sur la
voie publique par un décret-loi du 23 octobre 1935 707.
3o Les exigences de la légalité sont variables selon les mesures considérées. En ce qui concerne certaines mesures prises
par la police d'État, notamment en matière d'expulsions d'étrangers, elles ne font l'objet que du contrôle minimum
(compétence, but, erreur de droit, exactitude matérielle des motifs, mais avec le correctif, qui se développe, de l'erreur
manifeste (v. ss 679) 708. Le contrôle du but par le détournement de pouvoir joue, en la matière, un rôle important, et de
même, le principe d'égalité, qui interdit les discriminations injustifiées. Le contrôle redevient « normal » si l'expulsion s'est
fondée sur « l'urgence absolue », ou si l'expulsé invoque la violation de la Convention européenne des droits de l'homme. Le
juge étend son contrôle à la qualification des faits, et le porte au maximum, en ce qui concerne notamment l'exercice de la
police municipale, pour éviter les tyrannies locales. Dans ce cas, la légalité arrive à inclure une large part d'opportunité.
4o De plus en plus il apparaît que l'utilisation des pouvoirs de police est le reflet de l'évolution de la société. Il est certain
que la multiplication de ce que l'on appelle pudiquement des « incivilités » et l'accroissement de l'insécurité va dans le sens
de l'admission de la légalité de toute une série de mesures d'interdiction prises par l'autorité municipale. Ainsi en est-il, par
exemple, de ce que l'on a appelé, au demeurant de manière impropre, « le couvre-feu des mineurs » : CE, Ord., Réf., 9 juill.
2001, Préfet du Loiret, D. 2002. 1582, note Legrand ; CE, Ord. Réf., 27 juill. 2001, Commune d'Étampes, AJDA 2002. 351,
note G. Armand (légalité à une double condition : – que l'arrêté soit justifié par l'existence de risques particuliers dans les
secteurs où il s'applique – qu'il soit adapté, par son contenu, à l'objectif de protection pris en compte) 709.

382 B. Les formes du contrôle juridictionnel de la police ◊ Ce contrôle est exercé :


1o Par le juge administratif, sous la double forme du recours pour excès de pouvoir contre les décisions individuelles et
réglementaires, et de la mise en jeu de la responsabilité pour dommages causés dans l'exercice du pouvoir de police. Le
recours pour excès de pouvoir aboutit à l'annulation de la mesure illégale, sanction efficace à l'égard des règlements, mais
quelque peu platonique à l'égard des mesures non permanentes, car elle intervient souvent longtemps après que la mesure
(ex. : interdiction d'une réunion) ait produit son effet. Cette situation était aggravée par l'interdiction faite aux tribunaux
administratifs d'ordonner le sursis à l'exécution des décisions intéressant l'ordre public. La jurisprudence avait heureusement
atténué les conséquences de cette disposition que le décret du 27 janvier 1983 a finalement abrogée. Quant à l'action en
responsabilité, elle est dirigée soit contre l'État, soit contre la commune, selon la personne morale au nom de laquelle l'agent
agissait. On verra (v. ss 511) qu'à l'irresponsabilité a succédé un régime de responsabilité pour les fautes lourdes (CE 10 févr.
1905, Tomaso Greco, GAJA, no 14) et un régime de responsabilité sans faute en ce qui concerne les accidents causés par
l'emploi des armes à feu (CE, Ass., 24 juin 1949, Lecomte, RD publ. 1949. 583, note Waline (v. ss 518).
2o Le juge civil, au titre de ses compétences générales en matière de faute personnelle et de voie de fait, peut être appelé à
statuer, par la mise en jeu de la responsabilité, dans le domaine de la police.
3o Le juge répressif, en vertu de l'interprétation traditionnelle de l'article R. 610-5o du Code pénal, prévoyant les
sanctions applicables « aux décrets et arrêtés de police légalement faits », apprécie la légalité des règlements de police
lorsque le contrevenant en invoque, à titre d'excuse, l'illégalité, et cela, même après l'expiration du délai du recours pour
excès de pouvoir, sans limitation dans le temps : d'où l'importance de ce mode de protection contre l'arbitraire. Le juge
répressif est également compétent à l'égard des actes délictueux commis par des policiers (brutalités, injures, meurtres, etc.),
qui constituent des fautes personnelles.
4o À ces contrôles juridictionnels s'ajoute un contrôle administratif confié à un organisme spécialisé, qu'on appelle la
police des polices, et qui peut prononcer des sanctions disciplinaires.
SOUS-TITRE 2
LE SERVICE PUBLIC

CHAPITRE 1 THÉORIE GÉNÉRALE DU SERVICE PUBLIC


CHAPITRE 2 LES MODES DE GESTION DES SERVICES PUBLICS

383 Place du service public dans l'action administrative ◊ On a déjà rencontré la notion de service public à
propos de la recherche d'un concept propre à justifier la spécificité du droit administratif par rapport au droit privé, (v. ss 34)
et l'on étudiera plus loin (v. ss 590 s.) le rôle que joue la notion en tant que critère de la compétence de la
juridiction administrative.
Le service public, même si la notion et son rôle exact peuvent prêter à discussion, demeure incontestablement l'une des
notions clés du droit administratif. Il reste donc à définir les caractères propres qui le distinguent des autres formes de
l'action administrative, et la place qu'il y occupe : tel est l'objet de la théorie générale du service public (Chapitre 1). On
décrira ensuite les différents modes de gestion des services publics (Chapitre 2).
CHAPITRE 1
THÉORIE GÉNÉRALE DU SERVICE PUBLIC

Section 1. DÉFINITION
§ 1. Les diverses acceptions reçues
§ 2. Le service public et l'intérêt général
§ 3. Le service public relève d'une personne publique
Section 2. LE RÉGIME JURIDIQUE DES SERVICES PUBLICS
§ 1. La remise en question de la définition du service public par la gestion publique
§ 2. Les principes fondamentaux du service public
Section 3. SERVICES PUBLICS ET DROIT COMMUNAUTAIRE
On étudiera d'abord la définition du service public (Section 1), puis son régime juridique (Section 2) et, enfin, au-delà du
droit interne qui régit encore ce que certains appellent « le service public à la française », les mutations profondes que
provoque en la matière le Droit communautaire (Section 3).

SECTION 1. DÉFINITION
Curieusement, la notion, si essentielle qu'elle soit, n'a jamais été définie par les textes. Bien plus, la jurisprudence s'est
davantage attachée à sa fonction de critère de compétence, qu'à son contenu concret. Il faut donc se référer aux données
retenues par la conception traditionnelle (§ 1) et aux principales notions qui s'en dégagent (§ 2 et 3) pour pouvoir prendre la
mesure des évolutions qui ont abouti à la situation actuelle.

§ 1. Les diverses acceptions reçues 710

384 A. Définition organique et définition matérielle ◊ Par service public, doctrine et jurisprudence entendent, on
le sait, deux réalités différentes :
Au sens concret, ou organique, l'expression désigne un ensemble d'agents et de moyens qu'une personne publique affecte
à une même tâche ; en ce sens, on parle des « services déconcentrés des ministères », l'administré se plaint, ou se loue, du
Service téléphonique, du Service des ponts et chaussées.
Au sens matériel, ou fonctionnel, qui est le plus souvent retenu aujourd'hui par la jurisprudence, l'expression désigne une
activité d'intérêt général que l'administration entend assumer ; en ce sens, l'arrêt Terrier (v. ss 590) qualifiait de service
public la destruction des vipères, bien qu'aucun organe public n'en fût spécialement chargé. La jurisprudence, dans le même
sens, parle volontiers de mission de service public (v. ss 286).

385 B. Le service public, régime juridique ◊ À ces deux acceptions, on en ajoute souvent une troisième : « dire d'une
activité qu'elle est un service public, c'est dire qu'elle est soumise au régime du service public », écrit M. Chenot. Le service
public, en ce sens, définit un certain régime juridique, un ensemble de procédés dérogatoires au droit commun.

386 C. Les rapports entre ces trois définitions ◊ Dans le cadre de l'État libéral, les trois définitions coïncidaient
dans la plus large mesure : les activités d'intérêt général étaient gérées par des organes publics, sous un régime dérogatoire au
droit commun.
Aujourd'hui, cette coïncidence est beaucoup moins fréquente. Il existe des besoins d'intérêt général que l'autorité décide
de satisfaire, mais qu'elle ne confie pas pour autant à des organes publics. C'était déjà le cas dans la concession de service
public ; mais la délégation de service public à des personnes privées était devenue de plus en plus fréquente, au point d'avoir
fait l'objet des lois du 2 février 1992 et du 29 janvier 1993, v. ss 284. C'est aussi ce qui se passe en matière d'organisation
professionnelle : d'après la jurisprudence Monpeurt et Bouguen (v. ss 287), l'organisation et la discipline de certaines
professions constituent un service public, sans que soit affirmé ouvertement le caractère public des organes qui en ont la
charge. De même, la sécurité sociale est un service public, mais les caisses chargées de sa gestion sont des organismes de
droit privé. On pourrait multiplier les exemples.
À l'inverse, certains organismes publics, comme l'était la Régie Renault avant que la loi du 4 juillet 1990 l'ait transformée
en société anonyme, gèrent des activités industrielles et commerciales identiques à celles des entreprises privées similaires,
qu'on ne peut qualifier de missions de service public dès lors qu'aucune particularité ne distingue leur régime de celui du
secteur privé.
Par ces deux voies, il y a dissociation entre le sens organique et le sens matériel. La dissociation est encore plus fréquente
entre les deux premiers sens et le régime juridique de service public : les tâches d'intérêt général assumées par des entreprises
publiques dans l'ordre économique sont soumises, pour l'essentiel, au droit privé, la réapparition d'éléments empruntés au
« régime de service public » étant exceptionnelle dans leur fonctionnement (v. ss 240).
387 D. Conséquences de cette dissociation ◊ 1o Il en résulte d'abord que, selon le sens dans lequel on l'entend, la
notion de service public est plus ou moins extensive. Au sens matériel d'activité d'intérêt général, elle pourrait fort bien
déborder sur la plupart des activités privées ; l'agriculture, la satisfaction par les entreprises commerciales du besoin
d'alimentation par exemple, répondent à un besoin d'intérêt général. Mais cette évidence ne suffit pas à en faire des services
publics dès lors qu'elles ne requièrent pas l'application même partielle du régime de droit public.
2o La dissociation emporte une autre conséquence : elle réduit au minimum le contenu juridique de la notion de service
public. Les formes par lesquelles se réalise concrètement, aujourd'hui, la volonté d'une personne publique d'assurer un
service public sont si variées, que, de la seule affirmation qu'une activité est érigée en service public, on ne tire que peu
d'éléments quant au régime juridique de cette activité.
3o Dernier stade de l'évolution : la remise en question de la notion elle-même 711. Partant de la difficulté de donner du
service public une définition cohérente, et de la réduction progressive des conséquences juridiques qui découlent de la
qualification de service public, un courant doctrinal pousse la critique à l'extrême 712. Il peut tirer argument du fait que la
notion tient beaucoup plus de place dans le droit français que dans nombre de pays étrangers, notamment anglo-saxons, et
que le droit communautaire et la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne s'y réfèrent rarement. Cf. v.
ss 405. Pour certains, le service public est une simple étiquette, un label qui ne correspond ni à une réalité objective, ni à un
statut précis. D'autres, dans l'optique du néolibéralisme, vont jusqu'à dénoncer, dans le service public, un instrument de
réduction des libertés au bénéfice de l'État providence, conduisant logiquement au totalitarisme. Ils condamnent, au-delà du
concept, l'existence même des services publics et prônent leur démantèlement progressif. Mais, quel que soit l'intérêt de ce
débat, plus idéologique que juridique, il reste que, si les contours du concept sont flous et variables, il garde, dans le droit
positif et dans la réalité, une place importante. La qualification de service public emporte encore des conséquences juridiques
qui, mêmes réduites, ne permettent pas de la négliger. À la limite, la vigueur des controverses doctrinales qui ont pris dans
les années 1980 le relais de celles des années 1930 et 1950 témoignerait plutôt en faveur de l'importance que garde la notion
dans la théorie générale du droit administratif et de l'État. Enfin, et peut-être surtout, à l'évidence, le Conseil d'État reste
attaché à celle-ci.

388 E. Les éléments communs ◊ Les éléments communs à toutes les activités de service public se ramènent, dans la
conception traditionnelle qui prévaut encore en droit positif malgré l'évolution qu'elle connaît, à deux idées. La première,
c'est que le service public correspond à la satisfaction d'un besoin d'intérêt général. La seconde, c'est que le service public,
directement ou indirectement, relève en dernier ressort d'une autorité publique. D'où la définition suivante :
Le service public est une forme de l'action administrative dans laquelle une personne publique prend en charge ou
délègue, sous son contrôle, la satisfaction d'un besoin d'intérêt général.
On précisera les deux éléments de cette définition.

§ 2. Le service public et l'intérêt général 713

389 A. Le principe ◊ Créer un service public, c'est affirmer, au moins implicitement, que l'intérêt général serait compromis
en cas de non-satisfaction du besoin social correspondant, et que l'intervention d'une personne publique est indispensable
pour y pourvoir.
Mais la notion d'intérêt général englobe des éléments d'une extrême diversité.
On y inclut d'abord l'intérêt de la collectivité nationale et de l'État souverain qui l'incarne. D'où le caractère de service
public reconnu aux activités souvent qualifiées de « régaliennes », auxquelles le Conseil constitutionnel (Décis. des 25 et
26 juin 1986, p. 61) a donné valeur constitutionnelle : défense, police, services diplomatiques, justice, finances, notamment.
Les particuliers n'en bénéficient qu'indirectement en tant que citoyens, et ces services leur imposent souvent plus de
contraintes qu'ils ne répondent à leurs besoins propres.
À l'inverse, l'intérêt général s'entend de la satisfaction directe de besoins individuels auxquels les responsables de l'État
estiment que les activités privées ne suffisent pas à répondre en fournissant aux administrés des prestations qui en font, non
des utilisateurs anonymes, mais des usagers : la situation du service, dans ce cas, se rapproche de celle de l'entreprise privée,
qui offre des produits ou des services moyennant une contrepartie financière. La notion de généralité, bien entendu, bien que
commune aux services nationaux et aux services des collectivités locales, n'a pas la même portée dans les deux cas : pour la
commune c'est à l'ensemble des habitants de la commune, et à eux seuls, qu'elle s'applique.

390 B. Conséquences ◊ La diversité qu'on vient de souligner entraîne, entre les services, de profondes différences à
plusieurs points de vue.
1o Quant à la relation avec les administrés. On a souligné la plus évidente, qui distingue les services dits régaliens
mettant directement en œuvre la souveraineté de l'État, et ceux qui concernent les aspects personnels de l'intérêt général.
Encore faut-il, parmi ceux-ci, distinguer. La relation du service avec ses utilisateurs peut soit exclure, soit exiger leur
individualisation. Les utilisateurs de la voie publique restent anonymes : le service des Ponts et Chaussées ne les connaît
évidemment pas, mis à part le cas des autoroutes où l'individualisation est requise. Dans nombre d'autres services, au
contraire, les prestations sont fournies à des utilisateurs identifiés, qui acquièrent la qualité d'usagers, ce qui permet et
souvent implique une relation personnalisée avec l'administration.
2o Quant au financement du service 714. Ceux qui sont inhérents à la souveraineté de l'État ne peuvent évidemment être
financés que par les ressources qui lui sont propres, impôt ou emprunt. Les possibilités d'autofinancement du service sont
liées aux distinctions qui précèdent : elles n'existent que pour ceux qui répondent à des besoins individuels. Encore faut-il, ici
aussi, distinguer, selon que l'utilisateur est ou non individualisable : aucune redevance n'est possible s'il ne l'est pas. Même
s'il l'est, mais si le législateur a fait, de l'usage du service, une obligation, la gratuité peut être la contrepartie de cette
obligation : c'est le cas de l'enseignement public. La gratuité va aussi de soi, évidemment, pour les services sociaux destinés
à porter remède aux situations d'exclusion. C'est donc pour les seuls services qui fournissent à leurs usagers des prestations
qui peuvent appeler en contrepartie une redevance que le problème de l'autofinancement peut se poser.
3o Même dans ce cas, une différence essentielle distingue le service public de l'entreprise privée. Elle découle de leurs
finalités respectives. La finalité de l'entreprise privée est la recherche du profit au bénéfice de ceux qui en assument la
responsabilité. Celle du service public, même lorsque, comme l'entreprise privée, il peut subordonner au paiement d'une
redevance les prestations qu'il fournit à ses usagers, reste liée à la satisfaction de l'intérêt général. Celle-ci n'exclut
évidemment pas le souci d'une gestion équilibrée dont l'absence risquerait, à la longue, de compromettre l'existence même du
service, mais ses tarifs doivent prendre en compte la possibilité, pour l'ensemble des administrés, d'accéder au service, voire
même de respecter la politique sociale de l'État. Si la recherche, au-delà de l'équilibre, du profit ne lui est pas interdite, c'est
encore dans le souci de sa finalité qu'elle se situe : le profit ne peut avoir d'autre fin que l'amélioration du service par la
réalisation des investissements permettant une meilleure adaptation aux besoins de la population. La notion d'intérêt général
reste donc, en définitive, le principal élément de la définition du service public.
4o La soumission au droit de la concurrence. Un élément nouveau de rapprochement avec le régime juridique de
l'entreprise privée est l'application des règles du droit de la concurrence aux personnes publiques 715. V., par ex. : CE, Sect.,
3 nov. 1997, Sté Intermarchés, Rec. 393, concl. Stahl ; du même jour, Sté Million et Marais 716 ; Sté Yonne Funéraire : RD
publ. 1998. 256, note Y. Gaudemet ; T. confl., 6 juin 1989, Ville de Pamiers, RFDA 1989. 456, concl. Stirn ; T. confl. 18 oct.
1999, Préfet R.I.F., AJDA 1999. 996 et 1029, note Bazex ; CE, Sect., 11 juill. 2001, Sté des Eaux du Nord, Rec.348, concl.
Mme Bergeal.
L'Autorité de la concurrence, autorité administrative indépendante (v. ss 96), qui a succédé à l'ancien Conseil de la
concurrence de par la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008, est chargée de veiller au libre jeu de la
concurrence. Ses avis ne constituent pas, en principe, des décisions faisant grief, sauf s'ils revêtent un caractère impératif
(CE 11 oct. 2012, Sté Casino Guichard Perrachon, AJDA 2012. 1925 et chron. 2373) 717.
5o Il résulte de ce qui précède qu'on ne peut reconnaître la qualité de service public à des entreprises publiques qui, de par
leur activité, ne concourent pas plus directement à la satisfaction de l'intérêt public que les entreprises privées similaires.
C'est la raison qui a fait traditionnellement refuser le caractère de service public à la gestion du domaine privé ; de même,
des entreprises publiques telles que la Régie Renault, les banques et les sociétés d'assurances nationalisées avant leur
privatisation, exerçaient une activité trop identique à celle des entreprises privées des mêmes secteurs pour qu'on ait pu voir
en elles des services publics. Entreprise publique et service public, même industriel et commercial, sont donc deux notions
qui ne se recouvrent pas (v. ss 259).

391 C. L'appréciation de l'intérêt général ◊ L'autorité publique compétente pour décider la création du service
apprécie les exigences de l'intérêt général 718.
De la part des autorités de l'État, cette appréciation est entièrement discrétionnaire sous la seule réserve des principes
constitutionnels rappelés v. ss 389. La jurisprudence, même lorsqu'elle a fait écho à cette idée (cf. par ex. : T. confl., 11 juill.
1933, dame Mélinette, Rec. 1237 qui distingue les fonctions entrant ou non « dans les attributions exclusives de la puissance
publique »), ne s'était jamais reconnu le droit de censurer l'appréciation de l'autorité étatique sur ce point. Mais le Conseil
constitutionnel dans sa décision citée v. ss 389 (25-26 juin 1986, AJDA 1986. 575, note Rivero), faisant écho à la formule
précitée de l'arrêt Mélinette, affirme l'existence de services « dont la nécessité découle de principes et de règles de valeur
constitutionnelle », que le législateur, dès lors, est tenu d'entretenir et de maintenir dans le secteur public. À l'inverse le
Conseil d'État a jugé que la « Française des Jeux » n'était pas investie d'une mission de service public : CE, Sect., 27 oct.
1999, Rolin, RD publ. 1999. 1845, concl. Daussin ; RD publ. 2000. 269, note Eckert ; que les jeux de casino ne constituent
pas par eux-mêmes une activité de service public (CE 19 mars 2012, SA Groupe Partouche, p. 91, concl. Boulouis) ; il en va
de même pour les Sociétés de courses : CE 7 juin 1999, Synd. Hippique National et Duranger et Funaro, Rec. 166 ; ou de
l'exploitation d'un cinéma : CE 5 oct. 2007, Sté UGC-Ciné-Cité, RFDA 2007. 1314. L'organisation de spectacles est une
activité d'intérêt général mais pas toujours un service public : CE 23 mai 2011, Cne de Six-Fours-les-Plages, AJDA 2011.
1515, note J. D. Dreyfus ; CE 15 févr. 2016, Sté Cathédrale d'images, AJDA 2016. 347.
Pour les collectivités locales, par contre, l'appréciation de l'intérêt général fait l'objet le cas échéant, d'un contrôle
juridictionnel, le juge annulant les initiatives qu'il n'estime pas justifiées par les nécessités de l'intérêt général (cf. v. ss 166, la
jurisprudence en matière de services économiques).

392 D. Les degrés dans les exigences de l'intérêt général ◊ L'autorité publique peut considérer que l'intérêt
général exige la prise en charge par elle de la totalité du besoin à satisfaire, le particulier se trouvant éliminé de ce champ
d'action, soit qu'on l'y juge inefficace (cas des services non rentables), soit qu'on l'y estime dangereux (cas du maintien de
l'ordre – les milices privées sont illégales –, de certains monopoles de fait). Le service est alors monopolisé.
À l'inverse, l'administration peut laisser l'activité privée s'exercer librement à côté du service public (cas de
l'enseignement, de l'action sanitaire et sociale), l'une et l'autre concourant à la satisfaction d'un même besoin.
Il y a donc une hiérarchie des besoins qu'englobe le concept d'intérêt général. La satisfaction de certains d'entre eux peut
prévaloir sur d'autres, moins importants. Cf., en ce sens, la jurisprudence dite du bilan coût-avantage (v. ss 678) qui se fonde
sur cette hiérarchie pour sacrifier une opération relevant pourtant de l'intérêt public à une autre, que le juge estime
plus nécessaire.

§ 3. Le service public relève d'une personne publique

393 Le principe ◊ Selon la définition traditionnelle, tout service public relève, en dernier ressort, d'une autorité publique.
Alors que celle-ci ne possède sur l'activité privée, au maximum, qu'un certain pouvoir de contrôle, le service public, en
dernière analyse, relève d'elle ; elle en assume la responsabilité devant l'opinion. C'est pourquoi tous les services publics,
même lorsqu'ils possèdent eux-mêmes la personnalité morale, sont rattachés à l'État ou à une collectivité territoriale dont les
représentants exercent sur eux un certain pouvoir : les services publics sont nationaux, régionaux, départementaux,
communaux 719.
394 Applications : 1o La création du service ◊ Elle suppose nécessairement une décision de l'autorité publique, soit
que le service soit créé ex nihilo, soit qu'il résulte de la transformation d'une activité privée préexistante.
– Pour l'État, il était admis que la décision portant création incombait au législateur seul. La Constitution de 1958 n'a pas
confirmé ce principe traditionnel. La création des services publics ne figure pas parmi les matières réservées au législateur,
sous deux réserves (art. 34) : la création de catégories d'établissements publics (on a vu que l'établissement public peut
correspondre à un service public), la nationalisation d'entreprises privées, qui peut être un procédé de création d'un service
public. Sauf lorsqu'elle prend ces formes, la création entre donc aujourd'hui dans la compétence réglementaire (art. 37), sous
réserve de l'intervention du Parlement pour l'octroi des crédits nécessaires.
– Pour les services locaux, la création est décidée par l'assemblée délibérante ; mais elle ne peut agir que dans les limites
légales ; v. CE 18 mai 2005, Territoire de la Polynésie Française, AJDA 2005. 2130, note S. Nicinski.
On pourrait penser, d'après ce qui précède, que la nécessité d'une décision créatrice rend aisée la reconnaissance du
service public. C'est pourquoi certains auteurs font, de la volonté du législateur, le critère du service public. Cette théorie se
heurte malheureusement au fait que la création n'est nullement formelle ; il est rare que l'autorité publique affirme
expressément sa volonté de créer un service public ; très souvent, cette volonté, si même elle existe consciemment, demeure
implicite, et se déduit des règles auxquelles le texte assujettit l'activité considérée. C'est donc le juge qui, lorsqu'il est saisi,
est amené à dire s'il se trouve ou non en présence d'un service public.

395 2o La gestion du service ◊ C'est le point le plus délicat. En effet, s'il subsiste toujours, sur la gestion, un pouvoir
effectif au profit de l'autorité publique, la subordination qui en résulte comporte des degrés. Le service peut relever
directement et exclusivement de l'autorité. Mais celle-ci peut, à l'inverse, se décharger sur une personne privée de la gestion
courante et se borner à intervenir sur quelques points essentiels. À la limite, on passe par transition insensible du « droit de
dernier mot » que l'autorité exerce sur le service public, même confié à un particulier, ou « délégué » à celui-ci, au simple
pouvoir de contrôle qu'elle se réserve sur certaines activités privées.
On retrouvera ces problèmes à la section suivante.

SECTION 2. LE RÉGIME JURIDIQUE DES SERVICES PUBLICS

396 Unité et diversité ◊ On a déjà souligné l'extrême diversité des règles juridiques applicables aux services publics.
La conception initiale, qui liait service public et gestion publique, comporte trop d'exceptions pour le permettre encore
(§ 1). Il reste pourtant quelques principes fondamentaux qui, même atténués, conservent à la notion un minimum d'unité
(§ 2).

§ 1. La remise en question de la définition du service public par la gestion publique

397 A. Le « régime juridique spécial » ◊ Dans la conception de l'École du service public, ce régime juridique se
définit par l'application exclusive et intégrale des règles du droit administratif, présentées comme conçues en fonction des
nécessités propres à tout service : les agents du service sont assujettis au droit de la fonction publique, ses biens relèvent de
la domanialité publique, les actes par lesquels il s'exerce sont, soit des décisions exécutoires, soit des contrats administratifs,
sa responsabilité s'apprécie selon des règles particulières. Dans cette optique, l'étude du régime juridique du service public
coïncide avec celle du droit administratif qui se définit, d'ailleurs, comme « le droit des services publics ».

398 B. Évolution ◊ L'équation entre régime juridique du service public et droit administratif n'a jamais été absolument
exacte ; elle est aujourd'hui franchement inexacte.
Le droit administratif a toujours débordé le cadre du service public ; il s'applique, notamment, à l'exercice de la police, à
certains aspects des activités d'intérêt général qui ne sont pas des services publics.
De son côté, le service public peut échapper, au moins partiellement, au « régime spécial » : c'est le cas dans la
concession, où l'administration a confié à un particulier la gestion du service, ce qui a pour effet d'en réintégrer certains
aspects dans le droit privé ; c'est le cas dans les hypothèses de gestion privée du service et principalement des services
publics à caractère industriel et commercial, le régime traditionnel se limitant aux seuls services dits administratifs. De telle
sorte qu'on est conduit aux distinctions suivantes :

399 C. Régime juridique des services publics administratifs ◊ La jurisprudence, par cette expression, ou
encore par celle de « services possédant au plus haut degré le caractère de service public » désigne les services auxquels le
régime dérogatoire continue à s'appliquer, sous réserve de l'emploi occasionnel des procédés de gestion privée (contrats
civils ou commerciaux) 720.

400 D. Régime juridique des services publics industriels et commerciaux 721 ◊ Pour ceux-ci, le principe
est inversé ; ils sont normalement soumis au droit privé, mais leur statut peut comporter une dose plus ou moins forte de
droit public, et doit nécessairement en contenir un minimum.
1o À quels signes reconnaître le service public industriel et commercial ? Parfois, les textes attribuent expressément ce
caractère à un service, ce qui tranche la question, du moins en principe : car il arrive que le juge considère comme erronée la
qualification donnée par le texte, du moins s'il s'agit d'un texte réglementaire, et restitue le caractère administratif à un
service déclaré abusivement « industriel et commercial » (T. confl. 24 juin 1968, Sté Distilleries bretonnes, AJDA 1969.
311). Dans le silence du texte, la jurisprudence s'attache, non à un critère unique (p. ex. le fait pour le service de faire des
actes de commerce), mais à un ensemble d'indices : la nature de l'activité exercée, le « mode d'organisation et les conditions
de fonctionnement » (T. confl. 24 juin 1968, Ursot, AJDA 1969. 173), identiques ou analogues à celles des entreprises
privées similaires. C'est cette similitude que retient principalement le juge. Mais l'application du critère n'est pas rigoureuse :
la réforme des services postaux par la loi du 8 juillet 1990 – qui a précédé celle opérée par la loi du 9 février 2010 (v. ss 406)
– exemple caractéristique d'un souci de modernisation, n'avait pas voulu affirmer le caractère industriel et commercial des
deux établissements publics – La Poste et France Télécom – par lesquels elle remplaçait l'ancienne administration des PTT,
malgré la part que leur régime faisait au droit privé 722. Cette absence de rigueur a conduit certains auteurs à contester le
principe même de la distinction entre services administratifs et services industriels 723. Mais elle n'en définit pas moins le
droit positif.
2o Le caractère industriel et commercial comporte des degrés ; d'où une soumission au droit privé plus ou moins poussée.
En règle générale, le personnel du service, hormis certains agents de direction, a le statut des salariés privés, déterminé par le
droit du travail ; les rapports avec les usagers ou clients résultent en principe de contrats civils ou commerciaux, et même
l'existence dans ces contrats d'une clause exorbitante du droit commun ne leur ôte pas ce caractère (v. ss 467) ; le droit privé
s'applique aussi en principe aux contrats avec les fournisseurs ; mais, l'existence d'une clause exorbitante entraîne, dans ce
cas, le caractère administratif (CE 19 janv. 1973, Sté Rivière du Sant, AJDA 1973. 383). Enfin, la responsabilité relève du
droit privé. Parfois, le législateur a voulu pour l'entreprise une subordination au droit privé plus complète : elle se trouve
alors soumise à l'ensemble des règles applicables aux entreprises privées, notamment en matière financière et comptable. On
réserve en général, à ces organismes, la qualification d'entreprises publiques. À la limite, l'entreprise publique peut, on l'a vu,
se détacher de toute gestion d'un service public.
3o Le droit public occupe une certaine place dans le régime du service industriel et commercial. De façon générale, il
s'applique au statut des organes de direction, aux biens du domaine public que le service peut utiliser, aux prérogatives de
puissance publique qui peuvent être mises à sa disposition (expropriation), aux contrôles auxquels il est assujetti. Les
règlements élaborés par ses dirigeants, s'ils portent sur son organisation et mettent en œuvre la puissance publique, sont des
actes administratifs (T. confl. 15 janv. 1968, Cie Air France c. Époux Barbier, GAJA, no 79).
En outre, la nature juridique de l'organe chargé du service influe considérablement sur la part du droit privé dans sa
gestion : moindre quand le service industriel est géré en régie, sans personnalité propre, elle s'accroît lorsqu'il est confié à
une personne distincte ; a fortiori s'il s'agit d'une personne privée, réserve faite du caractère administratif du contrat de
concession de service public.

401 E. Conclusion ◊ Au total, la seule formule générale qu'on puisse énoncer aujourd'hui touchant le régime juridique du
service public est la suivante : dire qu'on est en présence d'un service public, c'est admettre que le régime de l'activité
considérée fait au droit public la part que requiert la poursuite du but envisagé. C'est le principe dit « de la proportionnalité
des moyens aux fins », parfois présenté comme caractéristique du service public (Latournerie, EDCE, no 14, p. 120). Mais en
vertu de ce principe même, sur l'importance des règles de droit public dans l'ensemble du régime, la qualification de service
public n'offre aucune précision. De plus, un certain nombre d'activités privées d'intérêt général, qui n'ont certainement pas la
qualité de service public, relèvent pour partie, elles aussi, du droit public (cf. v. ss 293).
Le procédé du service public ne définit donc plus, aujourd'hui, un régime juridique précis.

§ 2. Les principes fondamentaux du service public


L'incertitude qu'on vient de dégager laisse-t-elle du moins subsister, à défaut de règles précises, quelques principes
essentiels communs à tous les services et inhérents à la qualification de service public ? 724
Ces principes existent en effet. Ils se rattachent à la finalité qui reste l'élément majeur de la notion : la sauvegarde de
l'intérêt général dans ses deux aspects, l'intérêt de la collectivité et la satisfaction des besoins individuels que les activités
privées ne peuvent suffire à assurer ; mais leur application, rigoureuse dans les services administratifs, est plus hésitante dans
les services industriels ; ils se rattachent aux trois idées de continuité, d'adaptation aux circonstances nouvelles, d'égalité.
Ces principes communs à tous les services publics sont souvent désignés sous le nom de « lois de Rolland », du nom du
juriste qui les a dégagées.

402 A. La continuité du service public 725 ◊ Le service public répond, par définition, à un besoin d'intérêt général ; or,
la satisfaction de l'intérêt général ne saurait être discontinue ; toute interruption risque d'entraîner, dans la vie de la
collectivité, les troubles les plus graves. La jurisprudence a donc posé le principe de la continuité du service public, en vertu
duquel le fonctionnement du service ne peut tolérer d'interruptions. À ce principe, on rattache un certain nombre de règles
positives, assez diverses : en matière de contrats administratifs, le caractère strict des délais imposés au cocontractant, tout
retard risquant de paralyser le service, et surtout la théorie de l'imprévision (v. ss 482) ; dans le droit de la fonction publique,
l'interdiction faite à l'agent démissionnaire de quitter le service avant que sa démission ait été acceptée, ce qui laisse à
l'autorité hiérarchique la possibilité, en le remplaçant, d'éviter une interruption. Mais l'application essentielle du principe de
continuité concerne le droit de grève des agents 726. Le principe a longtemps paru exclure ce droit. Le Préambule de la
Constitution de 1946 a reconnu le droit de grève dans les services publics en affirmant qu'il s'exerce « dans le cadre des lois
qui le réglementent ». Celles-ci n'étant pas intervenues, le Conseil d'État a jugé qu'il revenait au Gouvernement,
« responsable du bon fonctionnement des services publics » d'opérer, par voie réglementaire, la conciliation entre le droit de
grève et la continuité des services publics (CE 7 juill. 1950, Dehaene, GAJA, no 59). Lorsque la grève met en cause non plus,
comme c'était le cas dans la société libérale, l'intérêt financier de l'employeur privé du profit par la suspension du travail de
ses salariés, mais l'ensemble de la collectivité qu'elle affecte en suspendant le fonctionnement d'un service public nécessaire
à la vie de tous, (énergie électrique, transports en commun), c'est la souveraineté de l'État qui se trouve en pratique
suspendue. C'est pourquoi un minimum commun à tous les services, et à eux seuls, résulte de la loi du 31 juillet 1963 727 :
elle interdit la grève « tournante » qui, affectant par roulement les divers éléments d'un service en perturbe le
fonctionnement ; elle impose aux syndicats initiateurs du mouvement, avant toute grève, une déclaration préalable à
l'autorité hiérarchique, au plus tard cinq jours avant la date prévue pour le déclenchement de la grève. Le principe de
continuité s'en trouve revalorisé, au moins en théorie. Le Conseil constitutionnel a accentué cette revalorisation, en lui
reconnaissant valeur constitutionnelle (25 juill. 1979, AJDA 1979, no 9, p. 46, note A. Legrand ; AJDA 1980. 191). La loi
2007-1224 du 21 août 2007 « sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports réguliers de
voyageurs » prévoit : une procédure obligatoire de prévention du conflit avant le déclenchement de la grève ; que le préavis
est porté de cinq à treize jours ; que l'autorité organisatrice des transports devra définir les dessertes prioritaires en cas de
perturbation prévisible ; instaure une obligation de déclaration préalable de la part des agents qui envisagent de faire grève ;
et la possibilité d'organiser, au-delà de huit jours de grève, une consultation à bulletins secrets, de l'ensemble du personnel,
sur la poursuite du mouvement 728. Avant ce texte il avait été jugé que le principe de continuité n'imposait pas la mise en
place d'un service minimum à la RATP : CE 8 mars 2006, Onesto et autres, RFDA 2006. 1236, concl. Keller 729. La grève
dans les transports aériens a fait l'objet de l'article 2 de la loi no 2012-375 du 19 mars 2012 dont les dispositions ont été
reconnues conformes à la Constitution (Décis. no 2012-650 DC du 15 mars 2012, p. 149).

403 B. La possibilité de modifier le régime du service 730 ◊ L'intérêt général varie avec le temps ; le régime des
services publics doit pouvoir évoluer selon ses exigences. Dès lors, ni les agents, ni les usagers, ne peuvent se prévaloir d'un
droit acquis au maintien du statut en vigueur au moment où ils sont entrés en relations avec le service. (v. par ex. à propos du
changement de définition pour les émissions de la télévision : CE 27 janv. 1961, Vanier, Rec. 60, concl. Kahn). Les hausses
de tarifs sont immédiatement applicables aux usagers, même lorsqu'ils sont liés au service par un contrat d'abonnement, sous
réserve du respect du principe de non-rétroactivité (CE 25 juin 1948, Société du journal, « L'Aurore », GAJA, no 57). Les
agents subissent immédiatement tous les changements apportés à leur statut ; ils peuvent, en théorie, être licenciés en cas de
suppression ou de réorganisation du service faisant disparaître leur emploi. Quant aux cocontractants de l'administration, ils
sont assujettis au pouvoir de modification unilatérale de leurs obligations par l'administration, avec la contrepartie pécuniaire
dont la théorie du fait du prince pose le principe (v. ss 481). Mais la possibilité de modifier le statut de l'entreprise se
retrouve dans l'entreprise privée avec, toutefois, des conséquences graves pour les salariés.

404 C. L'égalité de tous devant le service 731 ◊ Le principe, qui n'est que l'application au domaine des services publics
du principe général de l'égalité des citoyens devant la loi et les autorités publiques, a une portée très large. Il n'implique pas,
cependant, que des entreprises se trouvant dans des situations différentes doivent être soumises à des régimes différents : CE,
Ass., 28 mars 1997, Sté Baxter, Rec. 114. En effet, selon une formule classique de la jurisprudence, le principe d'égalité ne
s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des
raisons d'intérêt général. En ce qui concerne les usagers 732, il s'applique tant aux charges du service qu'aux rémunérations
qu'il peut exiger d'eux : tout particulier, dès lors qu'il remplit les conditions légales, a le droit d'obtenir les prestations que le
service fournit, sans aucune discrimination tenant à sa personne et sans que les tarifs puissent varier en fonction d'autres
considérations que la différence de situation des utilisateurs, ou des nécessités d'intérêt général : CE 10 mai 1974, Denoyez,
AJDA 1974. 311 ; 2 déc. 1987, Commune de Romainville, RFDA 1988, no 3, p. 414, concl. J. Massot ; CE 14 oct. 2009, Cne
de Saint-Jean d'Aulps, AJDA 2009. 1922 ; CE 2 oct. 2013, Association nationale des opérateurs détaillants en énergie,
AJDA 2013. 2473. Pour un exemple de tarification constituant un abus de position dominante : CE 29 juill. 2002, Sté
Cegedim, AJDA 2002. 1072, note Nicinski. Mais un conservatoire de musique peut légalement fixer des tarifs différents en
fonction des ressources des usagers ou de leur famille (CE, Sect., 29 déc. 1997, Cne de Gennevilliers ; Cne de Nanterre,
AJDA 1998. 102). Pour un exemple d'atteintes excessives au principe d'égalité : CE 13 oct. 1999, Cie nat. Air-
France/Aéroport de Paris, AJDA 2000. 86, concl. Arrighi de Casanova (modulation du tarif des redevances d'atterrissage).
D'autre part, l'aménagement pratique du service (p. ex. les heures d'ouverture) doit être tel que tous les usagers puissent y
accéder : le Conseil d'État l'a rappelé, de façon discrète (25 juin 1969, Vincent, AJDA 1969. 566). La jurisprudence étend la
règle de l'égalité de traitement aux collaborateurs du service (CE 9 mars 1951, Société des concerts du Conservatoire,
GAJA, no 61).
Dans les services économiques, cependant, les discriminations entre usagers sont possibles, selon les règles commerciales
ordinaires, en fonction de la situation personnelle de l'intéressé, mais tous ceux qui se trouvent dans la même situation
peuvent prétendre aux avantages qui y sont attachés, selon l'interprétation générale du principe d'égalité consacrée par les
jurisprudences du Conseil constitutionnel et du Conseil d'État (v. ss 341).
Tout naturellement la CJCE sanctionne les discriminations tarifaires : CJCE 16 janv. 2003, Commission/Italie ; CJCE
16 janv. 2003, Commission/Belgique, Dr. adm. mars 2003, no 56, note Bardon 733.

SECTION 3. SERVICES PUBLICS ET DROIT COMMUNAUTAIRE 734

405 La nécessaire adaptation du service public ◊ Depuis plusieurs décennies, le service public, on l'a vu, a été
confronté aux « mutations économiques, sociales et idéologiques » 735 sans toujours parvenir à s'adapter à ces évolutions.
Il est actuellement soumis à une nouvelle épreuve : celle de son adaptation aux règles du droit communautaire 736.
La notion même de service public ne figure qu'à l'article 93 TFUE en ce qui concerne la politique commune des
transports 737. Toutefois, l'article 106-2 du Traité utilise la notion de service d'intérêt économique général qu'on peut
considérer comme très proche de celle de service public 738. Il s'agit donc dans une certaine mesure d'un problème de
vocabulaire. La Commission européenne a adopté des règles plus souples pour ces services d'intérêt économique général,
c'est ce que l'on appelle, dans le jargon communautaire, le « Paquet Almunia » 739. L'Assemblée nationale a de son côté
adopté une résolution européenne concernant la refonte du cadre juridique des aides d'État 740.
Le service d'intérêt économique général ne peut, le plus souvent, fonctionner qu'en bénéficiant d'aides et de subventions
qui lui sont attribuées par les pouvoirs publics. Dès lors se pose le problème de savoir si celles-ci sont compatibles avec les
contraintes des art. 107 à 109 TFUE 741. Après bien des hésitations les équivoques ont été levées par l'arrêt Altmark Trans
Gmbh (CJCE 24 juill. 2003, AJDA 2003. 2409, note Rodrigues) qui juge qu'à certaines conditions, elles ne constituent plus
une aide de l'État. La décision de la Commission du 20 décembre 2011 concerne les compensations de service public. Aux
termes de celle-ci les aides d'État accordées sous forme de compensation de services publics à des entreprises d'intérêt
général sont exemptées de notification à la Commission si elles remplissent un certain nombre de conditions 742. Elles sont
alors compatibles avec le marché intérieur. Sur l'ensemble de ces questions, v. les arrêts commentés in RFDA 2015. 1013
(chr. du droit de l'UE). Le Conseil d'État a précisé, en conformité avec la jurisprudence européenne, les critères permettant de
requalifier une compensation de service public en aide de l'État 743. Sur le financement du service public face au droit
communautaire, v. le Dossier de l'AJDA 2004. 1011. La Commission européenne a publié une série de textes destinés à
encadrer le financement des obligations de service public à la suite de cet arrêt. L'adaptation des services publics français aux
règles de l'Union européenne donne de plus en plus d'importance à à la notion de « régulation » : V. M. Lombard (dir.) :
Régulation économique et démocratie, Dalloz 2006.
Par ailleurs, parmi les « Principes » figurant en tête du Traité, l'article 14 TFUE souligne désormais la place que tiennent
les services d'intérêt économique général dans la promotion de la cohésion sociale et territoriale de l'Union.
Entre la notion de service public « à la française », et celle de service d'intérêt économique général, le droit
communautaire utilise également (par ex. en matière postale et de télécommunication) l'expression de « service universel »,
que l'on peut définir comme étant un service de base offert à tous dans la Communauté, à des conditions tarifaires abordables
et à un niveau de qualité raisonnable.
Mais, le principe de la concurrence, qui est l'un des ressorts économiques de l'Union européenne, s'applique aux services
d'intérêt économique général. C'est ce qu'affirme l'article 106-1 du TFUE lorsqu'il précise que « … les États membres en ce
qui concerne les entreprises publiques et les entreprises auxquelles ils accordent des droits spéciaux ou exclusifs n'édictent ni
ne maintiennent aucune mesure contraire aux règles du présent Traité, notamment à celles prévues à l'article 18 et aux
articles 101 à 109 inclus ».
Dès lors, se pose une importante question : quels sont les services d'intérêt économique général, c'est-à-dire les services
publics français, qui tombent sous le coup de cette disposition ? On peut affirmer que ce n'est pas le cas des services qui
représentent la fonction d'autorité de l'État (ceux que l'on désigne fréquemment par l'expression de services régaliens,
v. ss 389) et ceux qui incarnent la solidarité d'État, c'est-à-dire la solidarité nationale (tel, par exemple, le service de la
sécurité sociale).
Mais en dehors de ceux-ci, tous les autres services publics, les « services publics entreprises », doivent être ouverts à la
concurrence. Cette nouvelle donnée du droit communautaire remet en cause certains concepts auxquels nous étions attachés
et notamment celui qui veut que certains services publics (par exemple issus des opérations de nationalisation de la
Libération) soient en position de monopole. De ce point de vue, il faut bien souligner que le droit communautaire ne
distingue guère l'entreprise publique de l'entreprise privée. Ce sont toutes les entreprises qui, en principe, tombent sous le
coup de la concurrence. Les pouvoirs publics français avaient même, un certain temps, songé à « constitutionnaliser » la
notion française de service public afin de la mettre hors d'atteinte du droit communautaire.
De plus en plus, le droit communautaire nous oblige à penser service public dans un environnement concurrentiel ce qui
est assez largement nouveau et remet en cause la finalité propre au service public par rapport à l'entreprise privée. L'ouvrage
de Martine Lombard (L'État schizo, J.-Cl. Lattès, 336 p., 2007) constitue une remarquable approche des erreurs commises
par l'État dans la gestion des grands services publics français et des difficultés qui en résultent pour leur insertion dans
l'espace européen.
Par ailleurs, et cela est important, l'article 106-2 TFUE prévoit, en ce qui concerne les entreprises chargées de la gestion
de services publics d'intérêt économique général ou présentant le caractère d'un monopole fiscal, qu'elles peuvent bénéficier
d'un assouplissement des règles de la concurrence. En effet, leur soumission à celles-ci a lieu « dans les limites où
l'application de ces règles ne fait pas échec à l'accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été
impartie ». La Cour de justice des Communautés européennes a eu l'occasion de préciser ce qu'il fallait entendre par là dans
l'affaire Corbeau 744. Elle a également jugé qu'un État pouvait conférer des droits exclusifs susceptibles de restreindre la
concurrence à un prestataire de service postal universel s'il établit que cela est nécessaire pour que le service puisse être
accompli dans des conditions économiques acceptables ou que, à défaut d'un tel maintien de ces droits, il serait fait échec à
l'accomplissement de celui-ci : CJCE 15 nov. 2007, International Mail SL/Administracion del Estado et Correos, AJDA
2008. 245. Ainsi, pour obtenir une dérogation aux règles de la concurrence un service public français ne devra pas seulement
démontrer que, en l'absence d'une telle dérogation, sa tâche serait plus difficile mais, bien plus, que sa tâche se heurterait à
un obstacle insurmontable et deviendrait en réalité impossible 745.

406 La transposition des directives ◊ Depuis quelques années la France est donc confrontée à la transposition des
directives de Bruxelles imposant l'ouverture à la concurrence d'un certain nombre de grands secteurs de l'activité
économique 746. Cette transposition l'oblige à remettre en cause certains monopoles accordés à tel ou tel grand service public.
Le statut de la Poste a évolué pour s'adapter au processus communautaire. La loi du 2 juillet 1990 avait créé deux
« personnes morales de droit public », la Poste et France-Télécom. La loi 2010-123 du 9 février 2010 747 transforme la Poste
en une société anonyme dont le capital est détenu par l'État, actionnaire majoritaire (74 % pour l'État et 26 % pour la Caisse
des dépôts et consignations ; la Poste veut lancer un plan d'actionnariat salarié permettant de proposer 2 à 3 % du capital à
ses salariés). La Poste demeure, cependant, une entreprise publique assumant le service public national de la poste et, selon
la constatation du Conseil constitutionnel « la loi n'a pas pour effet de transférer la Poste au secteur privé. » (Décis. no 2010-
601 DC du 4 févr. 2010, p. 53). Ainsi la directive du 15 décembre 1997, concernant le développement du marché intérieur
des services postaux et l'amélioration de la qualité du service, a, selon l'expression de Martine Lombard 748 mis « fin à
l'identification qui prévalait jusqu'alors entre le monopole postal et le service public du courrier ». Cette directive prévoit une
réduction progressive des « secteurs réservés ». Le problème est maintenant réglé par la loi 2005-516 du 20 mai 2005
« relative à la régulation des activités postales » 749 qui organise la concurrence en ce qui concerne le service universel postal
(SUP) (décr. 2007-1929 du 5 janv. 2007 relatif au service universel postal et aux droits et obligations de la Poste) défini par
la loi du 25 juin 1999 750. Il est créé une « Autorité de régulation des communications électroniques et des postes » (ARCEP),
qui se substitue à l'ART 751. Autorité administrative indépendante (v. ss 96), l'ARCEP délivre les autorisations d'exercice aux
prestataires de services postaux en s'assurant qu'ils respectent les obligations inhérentes au SUP (v. décr. 2006-507 du 3 mai
2006, relatif à la régulation des activités postales) 752. La libéralisation complète du marché postal était fixée au 31 décembre
2010, une dérogation étant prévue jusqu'au 1er janvier 2013 pour certains États 753. La garantie illimitée de l'État à la Poste
constitue une aide d'État illicite : CJUE 3 avr. 2014, France / Commission, AJDA 2014. 767, obs. Pastor.
Les Télécommunications avaient fait l'objet de la directive du 30 juin 1997 dont la loi du 26 juillet 1996 réglementant les
Télécommunications transposait par anticipation les dispositions 754. Elles sont régies, actuellement, par la directive du
7 mars 2002 fixant le nouveau cadre réglementaire des communications électroniques et par la directive du 16 septembre
2002 relative à la concurrence dans les marchés des réseaux et des services de communication électronique. La loi du
31 décembre 2003 « relative aux obligations de service public des Télécommunications et à France Télécom » définit le
service universel des télécommunications et organise la concurrence pour le choix des opérateurs fournissant l'une des
composantes du service universel ou sa totalité. Cette loi prévoit également que « l'entreprise France Télécom est soumise
aux dispositions législatives applicables aux sociétés anonymes dans la mesure où elles ne sont pas contraires à la présente
loi ». Le décret du 3 mai 2004 a autorisé le transfert de France Télécom du secteur public au secteur privé. L'État, en 2005, a
vendu 8 % de France-Telecom, sa part dans le capital de cette société passant de 41 à 33 %, soit la minorité de blocage.
Chacun peut constater quotidiennement les effets de cette réglementation en ce qui concerne le téléphone dans notre pays !
La loi du 21 juin 2004 sur l'économie numérique et celle du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux
services de communications audiovisuelles, substituent les « communications électroniques » aux « télécommunications »,
les collectivités territoriales devenant opérateur à part entière en matière de communications électroniques 755. Le décret
2004-1222 du 17 novembre 2004 fixe les obligations de service public et de financement du service universel des
communications électroniques. À l'heure actuelle la Commission de Bruxelles voudrait imposer la séparation fonctionnelle
entre les activités commerciales et les infrastructures (AJDA 2007. 2177).
La politique française en matière d'énergie est définie par la loi-programme 2005-781 du 13 juillet 2005 « fixant les
orientations de la politique énergétique ». Cette politique repose sur un service public qui garantit l'indépendance stratégique
de la Nation et nécessite le développement d'entreprises publiques nationales et locales. L'État veille à la cohérence de son
action avec celle de l'Union européenne.
En ce qui concerne le droit communautaire, le secteur de l'énergie avait fait l'objet de la directive du 19 décembre
1996 pour l'électricité et du 22 juin 1998 pour le gaz naturel. Ces directives ont été abrogées et remplacées par deux
directives du 26 juin 2003 (AJDA 2003. 1471), suivies d'un troisième « paquet » adopté le 13 juillet 2009 formé de cinq
textes 756.
La transposition de la directive électricité a rencontré une très vive opposition des syndicats d'EDF défendant le
« monopole » de l'entreprise, et a donné lieu à des débats passionnés au Parlement. Elle est intervenue avec la loi du
10 février 2000 « relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité » 757, modifiée par le
Titre VII de la loi du 3 janvier 2003 « relative aux marchés du gaz et de l'électricité et du service public de l'énergie » et par
la loi no 2006-1537 du 7 décembre 2006, relative au secteur de l'énergie. La loi utilisait les possibilités offertes par la
directive pour limiter l'ouverture à la concurrence et se trouvait donc en retrait par rapport aux solutions intervenues dans le
reste de l'Union. Elle crée une Commission de Régulation de l'Électricité (CRE) 758. La gestion du réseau demeure le
monopole d'EDF et il peut faire l'objet de contrats confiant à des tiers des droits d'utilisation (décret du 30 avril 2004 relatif à
l'activité d'achat d'électricité pour revente aux clients éligibles). L'ouverture à la concurrence du marché de l'électricité était,
non sans raison, une source de conflit avec la Commission de Bruxelles. Le problème a été réglé par la loi no 2010-1488 du
7 décembre 2010 « portant nouvelle organisation du marché de l'électricité » 759. Au cœur du problème de l'ouverture à la
concurrence il y a les tarifs réglementés d'EDF nettement inférieurs au prix du marché européen en raison du moindre coût
de l'électricité nucléaire 760. L'article 1er de la loi organise donc, pour une durée de quinze années, un accès régulé à
l'électricité nucléaire historique pour la concurrence, selon des volumes définis par l'autorité de régulation. Il y a eu, enfin, la
querelle de la fixation du prix de vente de l'électricité à la concurrence : celui-ci a été fixé par le gouvernement à 42 euros
par mégawatt.
L'ouverture du marché de l'électricité et du gaz pour les particuliers est effective depuis le 1er juillet 2007. À la fin
mars 2013, EDF avait conservé 93 % des abonnés représentant 83 % des parts de marché. Au 1er janvier 2016 la concurrence
a franchi une nouvelle étape avec la disparition des « tarifs réglementés » qui étaient offerts aux professionnels ayant souscrit
une puissance supérieure à 36 kilovoltampère (KVA). Ceux-ci ont maintenant le choix de signer avec EDF ou sa vingtaine de
concurrents (Engie – ex GDF-Suez –, Total, Direct Energie, Enel, ENI etc.).
La Commission de Bruxelles a critiqué sévèrement le statut d'entreprise publique d'EDF dans la mesure où il
correspondrait à des avantages fiscaux indus et à des conditions avantageuses de financement du fait de la garantie accordée
par l'État aux emprunts de l'entreprise (AJDA 2002. 1044). La compensation des charges de service public de l'électricité a
fait l'objet du décret du 28 janvier 2004 (AJDA 2004. 241) modifié par le décr. 2006-581 du 22 mai 2006.
La transformation d'EDF et GDF en société anonyme a été réalisée par la loi 2004-803 du 9 août 2004 « relative au
service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières » 761, modifiée, elle aussi, par la loi du
7 décembre 2006 précitée.
En ce qui concerne le gaz, la transposition de la directive du 22 juin 1998 n'est intervenue qu'avec la loi du… 3 janvier
2003, « relative aux marchés du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie », ce qui avait valu à la France une
condamnation de la CJCE (28 nov. 2002). La loi organise l'ouverture du réseau à la concurrence en distinguant le transport,
la distribution, la fourniture et le stockage 762. Assurer la sécurité d'approvisionnement du gaz a été l'une des exigences
majeures de la loi du 3 janvier 2003. Dans cette optique le décret no 2004-250 du 19 mars 2004 détermine les modalités
d'obtention de l'autorisation de fourniture de gaz et le décret 2004-251 du même jour les obligations de service public dans le
secteur du gaz. Le décret 2007-1784 du 19 décembre 2007 a procédé au transfert de Gaz de France du secteur public au
secteur privé et un décret du 20 décembre 2007 a institué une action spécifique de l'État à son capital « afin de préserver les
intérêts essentiels de la France dans le secteur de l'énergie ». À la fin mars 2013, EDF Suez détenait 90 % des parts
de marché.
Le transport ferroviaire est régi par la loi d'orientation des transports intérieurs (dite LOTI) du 30 décembre 1982
(D. 1983. 62) modifiée et complétée par la loi 2009-1503 du 8 décembre 2009 « relative à l'organisation et à la régulation des
transports ferroviaires » 763. La SNCF constitue un établissement public à caractère industriel et commercial. L'ouverture à la
concurrence repose sur la séparation entre la gestion de l'infrastructure et l'activité de transport proprement dite. La gestion
du réseau ferré national est confiée à Réseau Ferré de France (RFR), établissement public à caractère industriel et
commercial créé par la loi du 13 février 1997. La gestion de l'infrastructure est comptablement séparée de l'exploitation des
services de transport. De même, la gestion des gares, lorsqu'elle est effectuée par la SNCF, fait l'objet d'une comptabilité
séparée. Réseau Ferré de France doit veiller à ce que toute entreprise puisse accéder sans discrimination au réseau ferré
français. Il répartit les « sillons » entre les entreprises autorisées. Il y a, naturellement, une Autorité de Régulation des
Activités Ferroviaires (ARAF). La loi du 8 décembre 2009 a ouvert à la concurrence, à compter du 13 décembre 2009, les
liaisons ferroviaires internationales ; les exploitants de ces services peuvent, à cette occasion, assurer des dessertes
intérieures mais à la condition que l'objet principal du service exploité soit le transport de voyageurs entre des gares situées
dans des États membres de l'UE différents. Le décret no 2010-932 du 24 août 2010 « relatif au transport ferroviaire de
voyageurs » fixe la procédure à suivre par les entreprises qui veulent bénéficier de l'ouverture à la concurrence.
En matière ferroviaire la position de la Commission européenne est fort claire : elle souhaite la séparation la plus stricte
possible entre le gestionnaire de l'infrastructure et l'exploitation commerciale avec mise en œuvre de la concurrence en 2019.
La France et l'Allemagne sont hostiles à cette séparation rigide et élaborent donc des projets, de même inspiration, destinés à
contourner la position de Bruxelles. Celle-ci a été réalisée par la loi 2014-872 du 4 août 2014 « portant réforme ferroviaire »
qui sépare les fonctions entre un holding et deux filiales. Désormais « La SNCF, SNCF Réseau et SNCF Mobilités
constituent le groupe public ferroviaire au sein du système ferroviaire national. Ces trois entités ont un caractère
indissociable et solidaire. Le groupe remplit une mission, assurée conjointement par chacun des établissements publics dans
le cadre des compétences qui leur sont reconnues par la loi » (Code des transports, art. L. 2101-1). Il s'agit d'établissements
industriel et commercial. Trois décrets du 10 février 2015 fixent respectivement les missions et les statuts de « SNCF »,
« SNCF Réseau » et « SNCF Mobilités » 764. Un décret du 10 juillet 2015 est relatif à l'organisation et au fonctionnement de
l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et un décret du 20 août 2015 concerne l'accès au réseau ferroviaire. En ce
qui concerne l'ouverture des réseaux à la concurrence, il semblerait que l'on s'achemine vers un système où, d'ici 2025-2030,
seuls les pays qui le souhaitent ouvriraient leur réseau à la concurrence pour les passagers.
Le marché du fret, lui, est ouvert à la concurrence depuis le 1er avril 2006. Cela pose d'autant plus de problèmes à la
SNCF que le transport de marchandises qu'elle assure est lourdement déficitaire. Plus généralement, la Cour des comptes a
porté un jugement sévère sur la gestion du réseau ferroviaire français et a préconisé que l'État reprenne à son compte une part
importante de la dette de RFF qui se monte à 32 milliards d'euros (AJDA 2008. 786).
CHAPITRE 2
LES MODES DE GESTION DES SERVICES PUBLICS

Section 1. LES SERVICES EN RÉGIE


Section 2. LES CONTRATS DE CONCESSION
Section 3. LA CONCESSION DE SERVICE PUBLIC
§ 1. caractères généraux
§ 2. L'acte de concession
§ 3. Les obligations du concessionnaire
§ 4. Les droits du concessionnaire
§ 5. Le contentieux de la concession
§ 6. La fin de la concession

407 Vue d'ensemble ◊ Dans l'État libéral classique, la gestion des services publics incombait, en premier lieu, aux autorités
administratives analysées aux Titres 1 et 2 de la première partie (l'État et les Collectivités territoriales), par l'intermédiaire
des services qui en relèvent, c'est-à-dire les services en régie.
Dans la seconde moitié du XIXe siècle, on a vu apparaître des services personnalisés, les Établissements publics, personnes
morales de droit public chargées de la gestion d'un service public déterminé (v. ss 235 s.). Dans le même temps les personnes
publiques recourent à la concession de service public qui permet de confier, par contrat, la gestion d'un service public à
un particulier.
Ce schéma, on l'a vu, s'est diversifié à plusieurs points de vue :
1o De plus en plus souvent la gestion de certains services publics a été confiée à des personnes privées, en dehors du
processus contractuel. Cette gestion des services publics a fait l'objet de la Sous-Partie 2 de la Partie 1 de cet ouvrage.
2o La délégation de service public 765. Depuis longtemps, on vient de le rappeler, la pratique administrative permettait de
confier la gestion d'un service public à une personne de droit privé. Tel était le cas, par exemple, outre la concession de
service public, de l'affermage ou encore de la régie intéressée. Cette technique avait été consacrée par la loi du 2 février
1992 sur l'administration territoriale de la République et la loi du 29 janvier 1993 sur la prévention de la corruption (dite loi
« Sapin »), sous le nom de délégation de service public. 766
L'article 3 de la loi du 11 décembre 2001 définissait la délégation de service public comme étant : « un contrat par lequel
une personne morale de droit public confie la gestion d'un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public
ou privé dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l'exploitation du service » 767.
Ainsi, c'était le critère de la rémunération du co-contractant qui permettait de faire la distinction entre marchés et
délégations de service public 768. La loi du 29 janvier 1993 exigeait, pour leur passation, le recours à une publicité permettant
la présentation de plusieurs offres concurrentes. Elles étaient librement négociées par la personne publique et limitées dans le
temps.
L'ordonnance du 29 janvier 2016, relative aux contrats de concession (v. ss 410), abroge les art. 38 et s. de la loi du
29 janvier 1993 (dite loi Sapin) : de ce fait la catégorie des conventions de délégation de service public ne constitue plus
désormais qu'une partie des concessions de service public. La délégation de service public, en tant que telle, ne subsiste qu'à
propos des services publics locaux (CGCT, art. L.1411-1).
3o L'établissement public a cessé d'être exclusivement un mode de gestion d'un service public ; son rôle s'est étendu et
diversifié (v. ss 240).
4o Des organes distincts de l'établissement public (sociétés d'État, entreprises publiques) se sont multipliés, dont certains
assurent des tâches d'intérêt général qui ne présentent pas le caractère d'un service public (v. ss 259).
Parmi l'ensemble de ces modes de gestion des services publics, il faut décrire les procédés classiques de gestion : – les
services en régie (Section 1) ; – la concession de SP (Section 2), les autres ayant été étudiés dans la Partie 1 de cet ouvrage.

SECTION 1. LES SERVICES EN RÉGIE 769

408 Traits communs ◊ C'est, en pratique, le procédé le plus important : les administrations traditionnelles, qui assument
l'essentiel des tâches publiques, sont organisées selon ce type. Les personnes publiques ont toujours la possibilité d'accomplir
les missions de service public qui leur incombent par leurs propres moyens ; il leur appartient de déterminer si la satisfaction
des besoins résultant des missions qui lui sont confiées appellent le recours aux prestations de tiers plutôt que la réalisation
par elle-même : CE, Ass., 26 oct. 2011, Assoc. pour la promotion de l'image, Rec. 505, concl. Boucher ; AJDA 2012. 35,
chron. Guyomar et Domino. Il n'appelle cependant que peu de développements particuliers ; en effet :
1o Les services en régie ne constituent pas des personnes juridiques distinctes. C'est la collectivité territoriale dont ils
relèvent, État, région, département ou commune, qui est titulaire des droits et obligations nés de leur activité : ce n'est pas
avec les Ponts et Chaussées que contractent les entrepreneurs de travaux publics, mais avec l'État, par l'intermédiaire des
Ponts et Chaussées. Il faut insister sur ce point, qui donne lieu à de fréquentes confusions facilitées par les habitudes
de langage.
2o Du point de vue de leur organisation, les services en régie sont placés sous la dépendance directe de la collectivité dont
ils relèvent. Pour l'État, ils constituent les services déconcentrés des divers départements ministériels (v. ss 102) ; les agents
auxquels ils sont confiés sont hiérarchiquement subordonnés au ministre, avec, à l'échelon régional et départemental, le relais
d'autorité constitué par le préfet. C'est le cas, notamment, pour les services de police. Les services municipaux, régionaux et
départementaux relèvent du conseil et de l'organe exécutif de la collectivité correspondante.
3o Du point de vue financier, le service n'a aucune individualité. Les crédits nécessaires à son fonctionnement sont prévus
au budget général des dépenses de la collectivité. S'il effectue des recettes, elles se confondent dans la masse des recettes
budgétaires sur lesquelles sont prélevées l'ensemble des dépenses.
4o Ces principes comportent des exceptions : dans le cas des collectivités locales, le terme de régie désigne tantôt des
services non personnalisés, tantôt des services dotés, sans personnalité, de l'autonomie financière, tantôt même des
services personnalisés.

409 Principales catégories ◊ Ce schéma général comporte deux variantes. Normalement, les services en régie sont des
services administratifs. Dès lors, toutes les règles et toutes les procédures du droit administratif s'appliquent à eux : leurs
agents sont des fonctionnaires, les actes les concernant sont, soit des décisions unilatérales, soit des contrats administratifs,
sauf le recours exceptionnel au contrat de droit privé ; leurs travaux sont des travaux publics, leur responsabilité est engagée
selon le droit administratif, leur contentieux relève de la juridiction administrative. L'étude de la régie se confond donc, pour
cette catégorie de services, avec les divers chapitres du droit administratif.
Exceptionnellement, le procédé de la régie est appliqué à des services industriels et commerciaux 770, notamment dans le
cadre des collectivités locales. Dans ce cas, les règles précédentes subissent certaines altérations : à défaut d'autonomie
financière, le service possède une individualité comptable qui permet de savoir s'il est déficitaire ou bénéficiaire, et le droit
privé s'applique à ses relations avec ses fournisseurs et ses usagers.
On notera que les régies peuvent exercer soit une activité de service public (c'est le cas général), soit la police
administrative,soit une action d'aide aux activités privées d'intérêt général et de contrôle de ces activités.

SECTION 2. LES CONTRATS DE CONCESSION


Après la publication de l'ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics (v. ss 462) est parue l'ordonnance
2016-65 du 29 janvier 2016 « relative aux contrats de concession » (JO 30 janv. 2016, texte n° 66) 771 ainsi que le décret
2016-86 du 1er février 2016 également relatif aux contrats de concession. Ces deux ordonnances constituent les éléments du
futur Code de la Commande publique.
L'ordonnance du 29 janvier 2016 transpose la Directive n° 2014/23/UE du 26 février 2014 relative à l'attribution des
contrats de concession, mais elle procède également à une simplification et à une rationalisation du droit des concessions en
rassemblant au sein d'un même document l'ensemble des règles concernant ces contrats.
L'ordonnance met fin à la traditionnelle dualité, en droit français, des régimes relatifs aux concessions de travaux et aux
délégations de service public. En effet, l'article 5 de l'ordonnance définit ainsi le nouveau contrat de concession : « les
contrats de concession sont les contrats conclus par écrit, par lesquels une ou plusieurs autorités concédantes soumises à la
présente ordonnance confient l'exécution de travaux ou la gestion d'un service à un ou plusieurs opérateurs économiques, à
qui est transféré un risque lié à l'exploitation de l'ouvrage ou du service, en contrepartie soit du droit d'exploiter l'ouvrage ou
le service qui fait l'objet du contrat, soit de ce droit assorti d'un prix ». Le texte fait donc référence tout à la fois aux
concessions de travaux mais aussi aux concessions de service. L'art. 6-I définit les contrats de travaux et l'art. 6-II les
contrats de concession de service. En conséquence sont abrogées les dispositions du titre IV de la loi du 29 janvier
1993 relative aux délégations de service public et l'ordonnance du 15 juillet 2009 relative au contrat de concession de service
public. La délégation de service public ne subsiste que comme sous-catégorie des concessions en ce qui concerne les contrats
des collectivités territoriales. Tous les contrats de l'ordonnance constituent des contrats administratifs.
Le chapitre 2 de l'ordonnance énumère les contrats de concession exclus de son application, parmi lesquels notamment
(art. 16) les contrats « in house » (v. ss 462) c'est-à-dire les contrats attribués par un pouvoir adjudicateur à une personne
morale de droit public ou de droit privé sur laquelle il exerce un contrôle analogue à celui qu'il exerce sur ses propres
services et que cette personne morale contrôlée réalise plus de 80 % de son activité dans le cadre des tâches qui lui sont
confiées par le pouvoir adjudicateur.
L'ordonnance réaffirme la liberté des personnes publiques de choisir librement le mode de gestion de leurs services
publics, chacune d'elle ayant à choisir, pour les travaux ou services dont elle a la charge, entre la gestion en régie, en
coopération public-public ou par la mise en concurrence d'opérateurs économiques (art. 4). L'article 1er rappelle les principes
qui s'appliquent aux ordonnances et qui sont les mêmes que pour les marchés publics : liberté d'accès à la commande
publique, égalité de traitement des candidats, transparence des procédures. Cette transparence est renforcée par la mise en
place d'une démarche d'open data sur les données essentielles des concessions (art. 52 et 53).
Le Titre II de l'ordonnance fixe les règles applicables à la passation des contrats de concession. Cela suppose, comme
pour les marchés, une définition préalable des besoins. De même, les autorités concédantes sont autorisées à réserver leurs
contrats à des travailleurs handicapés ou défavorisés, ainsi que le recours pour l'exécution d'une partie des travaux à des
PME. Elle recense également les cas d'exclusion de la participation aux procédures de passation des contrats. Le Titre IV
renforce la transparence dans l'attribution et l'exécution des contrats de concession et précise les modalités de leur exécution.
Le TitreV vise les dispositions relatives aux collectivités territoriales et le Titre VI procède aux adaptations nécessaires
pour l'outre-mer.
Naturellement les dispositions de l'ordonnance du 29 janvier 2016 régissent la concession de service public.

SECTION 3. LA CONCESSION DE SERVICE PUBLIC


§ 1. caractères généraux 772

410 A. Définition ◊ La concession de service public est un mode de gestion d'un service dans lequel une personne publique,
le concédant, charge par contrat une personne privée, le concessionnaire, de faire fonctionner le service, pendant un certain
temps, en en assumant les charges, moyennant le droit de se rémunérer sur les usagers. Sur le caractère contractuel de la
concession, v. ss 414.
Cette définition classique est en parfaite concordance avec la définition des « conventions » de l'art. 5 de l'ordonnance du
29 janvier 2016 ; elle appelle les précisions suivantes :
1o Il faut distinguer la concession de service public des actes, très divers, pour lesquels une langue administrative
insuffisamment précise utilise aussi le terme de concession. De la plupart (concessions dans les cimetières, concessions sur le
domaine des personnes publiques, concessions de mines, etc.), elle se distingue radicalement en ce que, seule, elle est un
mode de gestion d'un service.
Avec la concession de travail public, par contre, la différence est beaucoup moins profonde et se ramène à une simple
modalité : c'est encore d'une concession de service public qu'il s'agit, mais le concessionnaire ne s'engage pas seulement à
faire fonctionner le service, il se charge au préalable de construire lui-même, à ses frais, les ouvrages publics nécessaires à ce
fonctionnement. La gestion du service doit alors lui permettre, tout à la fois, d'en supporter les charges et d'amortir les
dépenses de premier établissement des ouvrages qui, en fin de concession, font gratuitement retour au concédant. C'est
pourquoi les concessions de travaux publics sont accordées pour une très longue durée. Le réseau ferroviaire, la plupart des
réseaux de tramways, ont été réalisés par ce procédé. Il est utilisé aujourd'hui pour la construction et l'exploitation des
autoroutes à péage et des parcs souterrains de stationnement 773. La concession de travaux, on l'a vu, est régie par
l'ordonnance du 29 janvier 2016 qui a abrogé l'ancien texte qui la régissait c'est-à-dire l'ordonnance du 15 juillet 2009. Il y a
concession de service public à l'état pur, sans travail public, lorsque le service ne requiert pas la construction d'ouvrages
publics (réseau d'autobus).
2o Dans la conception classique de la concession, la gestion du service est confiée en principe à une personne privée,
individu ou le plus souvent société, qui conserve ce caractère, et son statut personnel de droit privé. Toutefois l'article 12 de
l'ordonnance du 29 janvier 2016 définit l'opérateur économique comme étant toute personne physique ou morale, publique
ou privée. Mais la concession n'est pas la seule forme de gestion d'un service par une personne privée ; il faut donc la
distinguer :
a) D'une part, de certaines formes contractuelles de gestion dans lesquelles les droits et obligations des parties ne sont pas
les mêmes que dans la concession. Les exemples traditionnels, rares en pratique, sont l'affermage, encore utilisé dans
certaines communes pour la perception des droits de place dus par les commerçants dans les halles et marchés, et la régie
intéressée, dans laquelle le particulier, ou régisseur, est rémunéré, non par les bénéfices du service, qui vont à la personne
publique, mais par une redevance calculée en fonction de la qualité de la gestion 774. Des exemples plus récents sont fournis
par les contrats dans lesquels l'administration confie à des particuliers « l'exécution même » d'une partie du service,
moyennant une rémunération (CE 20 avr. 1956, Bertin, v. ss 466). Le procédé contractuel, longtemps limité aux services
industriels et commerciaux, s'est étendu à des services qui ne présentent pas ce caractère, notamment dans le domaine
sanitaire et social : les hôpitaux privés, peuvent, par un contrat qualifié de « concession », bien qu'il se différencie
profondément de la concession proprement dite, être chargés de l'exécution du service public hospitalier (L. 31 déc. 1970,
décr. 9 mai 1974, loi du 31 juill. 1991).
b) D'autre part, il existe des formes non contractuelles de gestion d'un service par une personne privée 775. On a signalé la
dissociation qui, déjà manifeste dans la concession, s'est accentuée, entre la notion matérielle et la notion organique de
service public. Elle se traduit par la multiplication des cas dans lesquels une mission de service public est confiée à des
organismes privés. Ces organismes peuvent être, on l'a vu (v. ss 285) :
– Des personnes privées relevant d'une catégorie déterminée : sociétés (dans le cas des services industriels), associations
de la loi du 1er juillet 1901 (par ex. Fédérations sportives, CE 22 nov. 1974, Fédération des industries françaises d'articles de
sport, AJDA 1975. 45), sociétés mutualistes (Caisses primaires de Sécurité sociale, CE 13 mai 1938, Caisse primaire Aide et
Protection, GAJA, no 48), groupements (CE 13 janv. 1961, Magnier, RD publ. 1961. 155).
– Des organismes personnalisés créés par la loi ou le décret sans qualification précise, en vue d'une mission déterminée,
auxquels la jurisprudence reconnaît expressément le caractère de personnes privées (T. confl. 20 nov. 1961, Centre régional
de lutte contre le cancer Eugène Marquis, AJDA 1962. 17).
Leur régime juridique découle pour partie de leur nature, pour partie de leur mission :
Organismes privés, ils relèvent du droit privé et de la compétence judiciaire en ce qui concerne leur organisation
intérieure, leurs rapports avec leurs agents, leurs contrats (CE 3 mars 1969, Société Interlait).
Investies d'une mission de service public, les décisions unilatérales qu'ils prennent pour l'exercice de cette mission sont
des actes administratifs (CE 13 janv. 1961, Magnier, v. ss 290), et leur responsabilité relève du droit et du juge administratifs
lorsqu'elle est mise en jeu à l'occasion de l'exercice des prérogatives de puissance publique qui leur sont conférées (CE
13 oct. 1978, ADASEA du Rhône, T. confl., 6 nov. 1978, Bernardi, v. ss 285).

411 B. Champ d'application et évolution ◊ 1o Il résulte de ce qui précède que le procédé de la concession a un champ
d'action limité, à la fois par sa nature et par son inspiration.
Au premier point de vue, il ne peut s'appliquer qu'à des services dans lesquels une contrepartie financière peut être
demandée à l'usager, ce qui exclut à la fois les services gratuits par définition (aide sociale) et ceux dans lesquels il est
impossible d'individualiser les utilisateurs (ensemble des voies publiques, réserve faite des autoroutes, pour lesquelles
l'individualisation est possible, et dont la construction et l'entretien peuvent dès lors être concédés).
Le procédé, d'autre part, sous-entend, au moins dans sa forme classique, l'adhésion de l'État au libéralisme économique.
Lorsque l'État libéral, au XIXe siècle, s'est trouvé obligé d'intervenir pour permettre le développement d'entreprises, nées du
progrès technique, dont la réalisation excluait la concurrence et requérait des procédés de puissance publique (chemins de
fer, gaz, électricité), il considérait que la gestion de telles entreprises ne relevait pas de ses compétences normales ; il
redoutait, d'autre part, les aléas qu'à leur naissance elles paraissaient présenter. Le procédé de la concession lui a permis, tout
à la fois de garder ces entreprises sous l'autorité de la puissance publique, de faire jouer dans leur gestion le mobile du profit
capitaliste, aiguillon nécessaire du progrès économique dans l'optique libérale, et enfin de se décharger sur le
concessionnaire des risques financiers de ces initiatives.
2o À partir de cette situation, le régime de la concession a profondément évolué, pour des raisons pratiques
et idéologiques.
En pratique, le caractère de service public des entreprises concédées a progressivement développé toutes ses exigences ;
l'autorité publique a été amenée à accroître ses pouvoirs sur le concessionnaire, afin de l'obliger à se régler sur les impératifs
de l'intérêt général. La contrepartie nécessaire de ces interventions, qui risquaient de mettre en échec les prévisions
financières du concessionnaire, et de compromettre, par sa ruine, la continuité du service, a été l'octroi, au concessionnaire,
d'une aide financière de plus en plus large. Le mariage de l'autorité publique et de l'entrepreneur privé est passé d'un régime
de séparation de biens à un régime de communauté.
Dès lors, le procédé de la concession perdait, pour la puissance publique, beaucoup de son intérêt, et pour les
entrepreneurs capitalistes, beaucoup de sa séduction.
Or, du point de vue idéologique, le déclin du libéralisme et les progrès de l'anticapitalisme dans les années qui ont suivi la
guerre de 1939-1945 incitaient la puissance publique à assurer elle-même la gestion des grandes entreprises publiques, en en
éliminant le capital privé.
3o Ce mouvement a eu les résultats suivants :
– d'une part, la concession a beaucoup évolué, dans le sens d'une association entre concédant et concessionnaire privé ;
– d'autre part, le procédé a connu, tout au moins dans sa forme traditionnelle qui fait appel à une personne privée, un
relatif déclin, notamment dans les débuts de la IVe République où prévalaient les tendances anticapitalistes. On a pu, à cette
époque, envisager sa progressive disparition.
– En réalité, les nationalisations de 1946 ont assuré la survie de la concession. Le transfert de la qualité de
concessionnaire à des personnes publiques 776 (Électricité de France, Gaz de France) ou à des sociétés d'économie mixte
(SNCF), s'il transformait le schéma initial, faisait échapper le procédé au grief tiré de son caractère capitaliste, et gardait
l'avantage de permettre aux collectivités publiques de ne pas assumer directement certaines tâches : d'où un renouveau de la
concession, notamment en matière de mise en valeur du territoire, de construction d'autoroutes, de parkings, qui est allé en
s'accentuant avec le développement de l'idéologie néolibérale. La concession à des entreprises purement privées a même
connu un regain de faveur (cf. en matière d'autoroutes Décr. 12 mai 1970, en matière de télévision L. 29 juill. 1982, la loi du
30 sept 1986 ayant, toutefois, substitué un régime d'autorisation à celui de la concession).
– Le régime juridique de la concession s'est différencié : à côté de concessions conformes au schéma classique, il en est
d'autres qui s'en écartent. C'était le cas lorsque le concessionnaire était un établissement public, par exemple Électricité et
Gaz de France, dont les rapports avec la personne publique concédante étaient nécessairement différents de ceux qu'elle
entretenait avec un concessionnaire privé.

412 C. Problèmes fondamentaux ◊ Le régime de la concession classique résulte de la conciliation entre les deux
données fondamentales, et apparemment antithétiques, du système ; d'une part, un service public, soumis aux impératifs de
l'intérêt général ; d'autre part, un particulier qui n'en accepte la gestion que mû par le souci de son intérêt personnel. Il a
donc fallu, tout à la fois, maintenir au concédant, sur le service, une stricte autorité, et garantir au concessionnaire les
bénéfices auxquels il peut légitimement prétendre. La nécessité de cette conciliation domine tout le régime de la concession.

§ 2. L'acte de concession

413 A. Formes ◊ La concession de service public a pour base un contrat conclu entre l'autorité concédante et le
concessionnaire. Avant le lancement de la procédure de consultation il faut déterminer la nature et l'étendue des besoins que
la concession doit satisfaire en prenant en compte leurs dimensions économiques, sociales et environnementales. L'article
4 du décret du 1er février 2016 indique le contenu des documents de la consultation. Ce texte définit deux procédures de
passation des contrats de concession. La première s'applique aux contrats dont le montant est supérieur à 5,186 M d'euros
hors taxe. Elle prévoit la publication d'un avis de concession, comportant une description de cette dernière et des conditions
de participation à la procédure de passation, au Journal Officiel de l'Union européenne, au Bulletin officiel des marchés
publics et dans une publication spécialisée dans le domaine économique concerné. La seconde, simplifiée, s'applique aux
autres contrats et implique la publication d'un avis au seul Bulletin officiel des marchés. Mais il ne faut pas oublier que le fait
de remettre la gestion d'un service public à un concessionnaire implique une confiance personnelle, l'intuitus personae (v. ss
471). Le contrat de concession est conclu pour une durée déterminée.
Pour attribuer la concession l'autorité concédante doit se baser sur une pluralité de critères non discriminatoires et se
fonder notamment sur la qualité du service rendu aux usagers. Ces critères doivent être indiqués dans l'avis de concession et
présentés par ordre décroissant d'importance. Les autorités concédantes peuvent, par ailleurs, organiser librement une
négociation avec un ou plusieurs soumissionnaires. Le choix des autorités concédantes, à l'issue de la procédure de
passation, doit être communiqué aux candidats dont l'offre n'a pas été retenue ; elles peuvent rendre public le choix de l'offre
retenue (art. 48 de l'ordonnance).Le contrat se compose de deux documents distincts : une convention, qui consacre l'accord
des parties, et un cahier des charges, dans lequel sont minutieusement réglés leurs droits et obligations, et notamment les
règles d'organisation et de fonctionnement du service.

414 B. Nature juridique 777 ◊ L'acte de concession, au XIXe siècle, était considéré comme intégralement contractuel. Mais,
au fur et à mesure que se développait la théorie du service public, et qu'on prenait mieux conscience de ses exigences, la
jurisprudence et la doctrine ont révisé cette solution. Elles consacrent à l'heure actuelle le principe de la double nature de
l'acte de concession, et partant, de la situation juridique qui en découle.
1o Il y a, dans l'acte de concession, un ensemble de clauses de nature réglementaire : ce sont toutes celles qui fixent
l'organisation et le fonctionnement du service, et qui pourraient figurer telles quelles dans un règlement administratif. Ces
clauses, élaborées unilatéralement par l'administration, peuvent toujours être modifiées par elle. Leur caractère réglementaire
se trouve confirmé par le fait que les usagers du service peuvent se prévaloir de leur méconnaissance par l'administration à
l'appui d'un recours pour excès de pouvoir ; or, ce recours ne peut se fonder sur la violation de règles contractuelles. Mais le
recours pour excès de pouvoir peut aussi être formé contre les dispositions réglementaires du contrat (CE, Ass., 10 juill.
1996, M. Cayzelle, RFDA 1997. 89, note Delvolvé).
2o À côté des clauses réglementaires, il y a dans la concession une partie proprement contractuelle : il s'agit,
essentiellement, des dispositions financières qui garantissent au concessionnaire sa rémunération, et qui sont dominées par le
principe, fondamental dans les contrats administratifs, de l'équilibre financier du contrat (v. ss 480).

§ 3. Les obligations du concessionnaire

415 A. Contenu ◊ Elles se ramènent toutes à l'obligation d'assurer le fonctionnement du service. Ceci suppose d'abord le
respect des règles posées au cahier des charges. Mais en outre, les règles générales communes à tous les services publics
(v. ss 402 s.), s'imposent au concessionnaire ; dès lors :
1o Il doit assurer la continuité du service. Il ne peut se délier de son obligation en invoquant la faute de l'administration,
ou des difficultés matérielles ou pécuniaires ; ces difficultés justifient seulement, si les conditions s'en trouvent remplies, le
jeu de la théorie de l'imprévision (v. ss 482). Seule la force majeure peut exonérer le concessionnaire (CE 29 janv. 1909, Cie
des Messageries maritimes, p. 111, concl. Tardieu).
L'obligation de continuité s'étend aux agents du service. Ces agents, librement recrutés par le concessionnaire, sont des
salariés de droit privé, régis par le droit commun du travail ; mais, en ce qui concerne l'exercice du droit de grève, ils sont
soumis aux mêmes limitations que les agents publics, selon les règles posées par le Conseil d'État (v. ss 402). En
contrepartie, les cahiers des charges imposent parfois au concessionnaire, à leur profit, des conditions de travail et de
rémunération plus avantageuses que celles qui découlent du droit commun.
2o L'obligation de respecter l'égalité des usagers devant le service s'impose au concessionnaire, tenu de fournir à tous
ceux qui remplissent les conditions requises les prestations demandées, et de leur appliquer les tarifs fixés par l'autorité
concédante. Toutefois, les tarifs tendent de plus en plus à se différencier selon la situation des usagers, conformément aux
exigences d'une gestion commerciale et parfois aussi à celles d'une politique sociale ; mais tous ceux qui se trouvent dans les
situations prévues peuvent se prévaloir des conditions tarifaires qui y sont attachées.
3o Le pouvoir qu'a l'administration de modifier le régime de tout service pour l'adapter à de nouveaux aspects de l'intérêt
général s'applique aux services concédés. Cette règle, que l'on rattache parfois à la nature réglementaire des clauses relatives
à l'organisation du service, impose au concessionnaire l'obligation de se plier aux modifications décidées par le concédant.
La jurisprudence l'a dégagée, à propos des concessionnaires de l'éclairage au gaz, lors de l'apparition de l'électricité (CE
10 janv. 1902, Gaz de Deville-lès-Rouen, v. ss 477) ; elle a été définitivement formulée pour un concessionnaire de tramways
auquel la ville concédante, en expansion, demandait la création de lignes nouvelles, par l'arrêt du 5 décembre 1907,
Compagnie générale française des tramways, et confirmée par celui du 2 février 1983, Union des Transports publics
urbains, cités v. ss 477.
4o Si l'administration s'est déchargée de la gestion du service, elle n'en conserve pas moins la responsabilité vis-à-vis des
usagers et de l'opinion ; d'où les contrôles très stricts, d'ordre technique et financier, qu'elle exerce sur la gestion ; le
concessionnaire est tenu de s'y plier.
5o Ces obligations ont un caractère personnel : la concession ayant été accordée intuitus personae, le concessionnaire ne
peut, ni la céder, ni sous-traiter, sauf autorisation.

416 B. Sanctions ◊ Les sanctions prévues au contrat sont, en général, des amendes, la mise sous séquestre, dans laquelle
l'administration se substitue provisoirement au concessionnaire défaillant pour assurer, aux frais de celui-ci, l'exploitation du
service, et la déchéance, qui le prive définitivement et sans indemnité des droits qu'il tenait du contrat.
Elles sont décidées unilatéralement par le concédant, sauf la déchéance qui ne peut être prononcée que par le juge. En
l'absence de sanctions prévues au contrat, les manquements du concessionnaire à ses obligations peuvent toujours,
conformément au droit commun, être sanctionnés par des dommages-intérêts.

§ 4. Les droits du concessionnaire


Ils se rattachent à deux ordres d'idées.

417 A. Droits afférents à la gestion du service ◊ Le concédant met à la disposition du concessionnaire, en vertu du
contrat, un ensemble de moyens, matériels ou juridiques, qui lui sont nécessaires pour faire fonctionner le service. Ce sont,
soit des biens du domaine privé ou public qui lui sont affectés 778, soit des privilèges exorbitants du droit commun : il
bénéficie le plus souvent d'un monopole de droit, que les règles communautaires remettent désormais en question 779
(v. ss 405), l'administration s'engageant à ne pas traiter avec un concurrent, et même à ne pas faciliter indirectement la
concurrence, mais le concessionnaire ne peut pas invoquer un principe général de protection contre la concurrence : CE
10 octobre 2007, Sté SPS Tarbes, AJDA 2007. 2350. Le concessionnaire peut même bénéficier de prérogatives de puissance
publique : expropriation pour cause d'utilité publique, délégation du pouvoir de police par exemple en matière de chemins de
fer, etc.

418 B. Droits pécuniaires ◊ Ce sont les plus importants aux yeux du concessionnaire, entrepreneur privé qui entend retirer
de sa gestion les bénéfices escomptés.
1o Normalement, le concessionnaire se rémunère en conservant pour lui le produit des taxes perçues sur les usagers en
contrepartie du service rendu. Mais les tarifs qui en fixent le montant font partie des clauses réglementaires : le concédant
garde la maîtrise des tarifs, ce qui s'explique par leurs incidences économiques et sociales ; le concessionnaire ne peut le
contraindre à les modifier, ce qui, en période d'instabilité économique, risquerait – à défaut de contrepartie – de déséquilibrer
totalement la gestion. Toutefois, ce principe traditionnel est en régression : l'État accepte parfois aujourd'hui, pour accroître,
chez les concessionnaires, le sentiment de leur responsabilité quant à la gestion, de leur laisser la maîtrise des
tarifs (autoroutes).
2o Dans la ligne de l'association entre concédant et concessionnaire (v. ss 411), les contrats prévoient fréquemment, au
profit du concessionnaire, d'autres avantages financiers, notamment la garantie d'un intérêt minimum accordée à ses
emprunts par le concédant.
3o En dehors des clauses formelles, le concessionnaire peut se prévaloir du principe de l'équilibre financier du contrat.
Commun à tous les contrats administratifs, ce principe joue dans la concession, étant donné sa longue durée, un rôle
essentiel. Seul, en effet, il concilie l'intérêt du concessionnaire, qui n'a évidemment pas assumé la gestion du service pour s'y
miner, et les exigences inhérentes à tout service public : continuité, que compromettrait la ruine du concessionnaire,
adaptation aux circonstances, qui implique le maintien de l'autorité du concédant sur le service. Les deux théories du fait du
prince et de l'imprévision, analysées v. ss 481, 482. en sont les applications essentielles. Leur combinaison aboutit aux
solutions pratiques que voici :
a) Le concessionnaire a droit à l'indemnisation intégrale des charges supplémentaires qui résultent pour lui soit de
l'exercice, par la collectivité concédante, de son pouvoir de modifier unilatéralement l'organisation du service, soit d'une
mesure générale prise par la même autorité, lorsque cette mesure, en fait, porte sur un des éléments essentiels du contrat, et
frappe de façon spéciale le concessionnaire.
Dans ces deux cas, l'équilibre financier, en vertu de la théorie du fait du prince, se trouve intégralement rétabli.
b) Le concessionnaire a droit à une indemnisation partielle, qui aboutit à un partage des charges avec la collectivité
concédante, dans les proportions fixées par le juge, lorsque l'économie du contrat se trouve bouleversée :
– soit par le jeu de circonstances économiques imprévisibles (théorie de l'imprévision) ;
– soit par des décisions générales d'ordre économique, social ou fiscal, prises par l'autorité publique concédante, ou par
une autre autorité publique. Lorsqu'une modification apportée par l'État à la législation économique ou fiscale bouleverse
l'équilibre financier soit de certains de ses propres concessionnaires, soit de certains concessionnaires d'une collectivité
locale, les uns et les autres peuvent s'adresser à leur concédant pour obtenir une indemnité sur la base de la théorie de
l'imprévision. Les collectivités locales concédantes, dans ce cas, supportent la charge de l'indemnité due à leur
concessionnaire sans pouvoir se retourner contre l'État, auteur des mesures qui ont bouleversé le contrat (CE 15 juill. 1949,
ville d'Elbeuf, D. 1950. J. 59).
Dans toutes ces hypothèses, l'équilibre financier n'est pas intégralement garanti, puisque, d'une part, c'est le
bouleversement du contrat, non le simple déficit, qui conditionne l'indemnisation, et que d'autre part, celle-ci n'est pas
intégrale. Il s'agit, non pas de garantir au concessionnaire, qui, en tant qu'entrepreneur, doit demeurer exposé à un certain
aléa, une sécurité économique totale, mais de le sauver de la ruine pour sauver le service.

§ 5. Le contentieux de la concession

419 Règles générales ◊ Elles reflètent la complexité des situations juridiques nées de la concession, qui relèvent les unes du
droit privé, les autres du droit administratif.
1o Les litiges entre concédant et concessionnaire relèvent du juge administratif, puisqu'ils se rapportent à un
contrat administratif.
2o Les litiges entre le concessionnaire et les usagers relèvent du juge judiciaire, puisqu'ils mettent en présence des
personnes privées ; la solution vaut quelle que soit la position que l'on adopte sur la question, controversée, de la nature de la
situation de l'usager par rapport au service.
3o La même règle vaut, pour la même raison, en ce qui concerne les litiges entre le concessionnaire et ses cocontractants
privés (fournisseurs), ou les tiers.
4o Le concessionnaire et ses agents gardant la qualité de personnes privées, la compétence judiciaire s'applique aux litiges
relatifs tant au statut interne de l'entreprise concessionnaire (p. ex. : relations de la société avec ses actionnaires) qu'à ses
rapports avec ses salariés.
5o La compétence administrative reparaît pour les litiges qui peuvent opposer les usagers à l'autorité concédante. On sait
qu'ils peuvent demander à celle-ci d'user de ses pouvoirs pour contraindre le concessionnaire à respecter les règles
d'organisation du service ; si elle s'y refuse, ils peuvent attaquer sa décision par la voie du recours pour excès de pouvoir (CE
21 déc. 1906, Syndicat du quartier Croix de Seguey, GAJA, no 15), ou mettre en cause sa responsabilité.
6o La compétence administrative reparaît également pour ceux des actes à portée générale pris par le concessionnaire qui
concernent le régime du service, et qui, à ce titre, se sont vu reconnaître le caractère de règlements administratifs (T. confl.
15 janv. 1968, Époux Barbier, v. ss 346).

§ 6. La fin de la concession

420 Les diverses hypothèses ◊ 1o Normalement, la concession prend fin lorsque la durée pour laquelle elle a été instituée
vient à expiration ; elle peut cependant être renouvelée.
2o Elle peut prendre fin avant cette date par la déchéance du concessionnaire, prononcée par le juge en cas de faute très
lourde, à la demande du concédant.
3o Le concédant, en application de la théorie générale des contrats administratifs, peut, s'il estime que l'intérêt général
l'exige, et sans faute du concessionnaire, mettre fin à la concession, soit pour supprimer le service, soit pour le gérer selon
une autre méthode. C'est le rachat de la concession 780. Dans ce cas, le concessionnaire a droit à l'indemnisation du dommage
qu'il subit de ce fait. Mais le juge se réserve le pouvoir de vérifier le bien-fondé des motifs d'intérêt général invoqués par le
concédant à l'appui de sa décision, et il annule celle-ci, s'il l'estime insuffisamment justifiée (CE 2 févr. 1987, Société T.V.6 et
autres : annulation du décret résiliant la concession accordée à cette société, AJDA 1987. 360 et le commentaire p. 314).
4o Il peut arriver que les circonstances rendent définitivement déficitaire, sans espoir de redressement, l'exploitation du
service, notamment lorsqu'il ne répond plus aux besoins du public. Dans ce cas, il est inutile de prolonger le jeu de la théorie
de l'imprévision, faite pour permettre au concessionnaire de supporter un déficit temporaire jusqu'au rétablissement
prévisible d'une situation normale. Chacune des deux parties, à défaut d'accord amiable, peut donc demander au juge de
prononcer la résiliation de la concession. C'est la solution consacrée par l'arrêt du 9 déc. 1932, Tramways de Cherbourg,
Rec. 1050, concl. Josse.
TITRE 3
LES ACTES DE L'ADMINISTRATION

CHAPITRE 1 LA DÉCISION EXÉCUTOIRE


CHAPITRE 2 LES CONTRATS ADMINISTRATIFS

421 Définition ◊ L'activité de l'administration, comme toute activité humaine, emprunte deux voies : celle de la décision, celle
de l'opération. Administrer, c'est tout à la fois, faire les actes juridiques qui fixent les droits et les obligations respectifs des
personnes publiques et des particuliers, et accomplir la masse des opérations tant matérielles qu'intellectuelles qu'exige la
satisfaction de l'intérêt général.
Les opérations administratives sont multiples et multiformes, soit qu'elles précèdent et préparent les décisions (études
préalables), soit qu'elles en constituent l'exécution, et plus largement, l'accomplissement du service.
Mais, quelle que soit leur importance pratique, leur rôle juridique demeure secondaire : si elles peuvent donner naissance
à des obligations, c'est de manière indirecte – par exemple en causant un dommage qui ouvre un droit à réparation au profit
de la victime ; souvent elles sont l'exécution matérielle d'obligations préexistantes.
L'acte juridique de l'administration, au contraire, est, comme tout acte juridique, un acte de volonté destiné à introduire
un changement dans les rapports de droit qui existent au moment où il intervient, ou mieux, à modifier l'ordonnancement
juridique.

422 Classification des actes administratifs ◊ On peut, pour classer les actes administratifs, se placer à plusieurs
points de vue.
1o En s'attachant à leur objet, le doyen Duguit et ses disciples distinguent les actes ayant pour objet une disposition
générale (acte règle, dont le type est le règlement), une situation juridique individuelle (acte subjectif, dont le type est le
contrat), ou l'application à un cas individuel d'un statut général (acte condition, ainsi nommé parce qu'il conditionne
l'application de ce statut au cas particulier, le type en étant la nomination d'un fonctionnaire).
2o Le point de vue le plus généralement admis s'attache, non à l'objet, mais à la formation de l'acte : on distingue l'acte
unilatéral 781, qui est l'œuvre d'une seule volonté, soit individuelle, soit collective (délibération d'une assemblée) et l'acte bi
ou pluri latéral, qui se forme par la rencontre de deux ou plusieurs volontés : le type en est le contrat. L'acte unilatéral
occupe, en droit administratif, une place beaucoup plus considérable qu'en droit privé ; sous la forme de la décision
exécutoire, il constitue le mode d'action principal de l'administration ; néanmoins, le procédé contractuel est fréquemment
utilisé par elle, soit qu'elle passe des contrats ordinaires, soit qu'elle recoure au régime juridique particulier des contrats
administratifs.
3o La distinction précédente demeure essentielle. Elle laisse cependant place à une certaine marge d'indétermination 782.
– Dans certains cas, l'acte apparemment unilatéral ne fait qu'enregistrer le résultat d'un accord intervenu, à la suite d'une
négociation, entre l'administration et les intéressés : ainsi, par exemple, en matière de majoration des traitements de la
fonction publique.
– Des actes qui se présentent sous une forme contractuelle sont considérés comme unilatéraux par la jurisprudence : le
Conseil d'État, à propos d'un accord conclu entre l'administration et un groupement professionnel en matière de fixation des
prix dans le cadre de l'ordonnance du 30 juin 1945, abrogée en 1986, a pu parler d'« acte réglementaire pris en accord » avec
les intéressés (23 oct. 1974, Valet, AJDA 1975. 363) ; de même à propos des conventions annexes aux autorisations délivrées
par le CSA : Concl. Olson sous CE 5 mars 2008, Sté NRJ/2 et Sté Télévision française 1, Rec. 83.
– Enfin, la politique dite d'« administration contractuelle » (v. ss 462) fait apparaître, dans les domaines de l'économie, de
l'action sociale et de l'aménagement du territoire notamment, des actes qui, bien qu'ils enregistrent un accord, ne présentent
pas tous les caractères juridiques du contrat.
Ce ne sont pourtant que des nuances. L'action administrative reste dominée par la distinction classique entre la décision
unilatérale et le contrat administratif. On les étudiera successivement.
CHAPITRE 1
LA DÉCISION EXÉCUTOIRE

Section 1. LA NOTION DE DÉCISION EXÉCUTOIRE


§ 1. Actes juridiques, opérations matérielles et actes décisoires
§ 2. L'acte d'une autorité publique administrative
Section 2. LA CLASSIFICATION DES DÉCISIONS EXÉCUTOIRES
Section 3. LA SAISINE DE L'ADMINISTRATION
Section 4. L'ÉLABORATION DE LA DÉCISION EXÉCUTOIRE
§ 1. La compétence
§ 2. La procédure d'élaboration de la décision
Section 5. L'APPLICATION DE LA DÉCISION EXÉCUTOIRE
§ 1. L'entrée en vigueur
§ 2. L'accès aux documents administratifs
§ 3. L'absence de rétroactivité
§ 4. Les effets de la décision exécutoire
Section 6. LA FIN DE LA DÉCISION EXÉCUTOIRE
Section 7. LA VALIDITÉ DES DÉCISIONS EXÉCUTOIRES
§ 1. Les degrés dans l'invalidité
§ 2. La constatation de l'invalidité

423 En règle générale, nul, dans les rapports entre particuliers, ne peut voir sa situation juridique modifiée sans son
consentement, par la seule volonté d'autrui. L'accord des volontés est le procédé normal de l'action juridique privée. Il arrive
qu'un particulier paraisse prendre une décision unilatérale ayant effet à l'égard d'un autre ; mais c'est – en théorie tout au
moins, et sauf rares exceptions, dont la plupart (adoption, émancipation) concernent le droit de la famille, – soit en vertu d'un
consentement préalable donné par l'intéressé (ex. : le salarié, par le contrat de travail, est considéré comme ayant accepté de
se soumettre aux décisions prises par le patron en matière disciplinaire), soit sous réserve d'un consentement ultérieur
(acceptation d'un testament, d'une donation) 783. Ces règles traduisent un postulat fondamental : l'égalité juridique des
volontés humaines.
En droit administratif, au contraire, l'administration peut modifier les situations juridiques par sa seule volonté, sans le
consentement des intéressés. La décision exécutoire est l'acte dans lequel l'administration met en œuvre ce pouvoir de
modification unilatérale des situations juridiques. C'est le procédé-type de l'action administrative, le plus courant en pratique,
le plus révélateur, au point de vue théorique, des prérogatives de la puissance publique 784. Depuis un certain nombre
d'années, cependant, la volonté d'atténuer la sujétion des administrés à l'égard de l'administration a inspiré diverses réformes
qui tendent à diminuer le caractère autoritaire de l'acte unilatéral : ainsi des lois du 17 juillet 1978 (accès des administrés aux
documents administratifs, v. ss 441) et du 11 juillet 1979 (obligation de motiver certaines décisions, v. ss 437). Dans le même
esprit la loi du 12 avril 2000, relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, ainsi que la loi du
17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit, mettent l'accent sur les droits appartenant aux citoyens
notamment lorsque l'administration prend des décisions les concernant 785.
Le problème de la codification de ces différents textes était posé depuis longtemps. Cela ne donne que plus d'importance
à l'Ordonnance 2015-1341 du 23 octobre 2015 qui met en œuvre la partie législative d'un « Code des relations entre le public
et l'administration » (CRPA), complétée par l'ordonnance 2016-307 du 17 mars 2016 et le décret 2015-1342 du 23 octobre
2015 concernant les dispositions réglementaires de celui-ci 786. Comme le souligne le Rapport au Président de la République
qui présente cette codification, l'Ordonnance « procède à la codification des principales dispositions des grandes lois
relatives aux droits des administrés » et « est destinée à être la lex generalis des relations du public avec
l'administration » 787. À deux exceptions près le CRAP entre en vigueur le 1er janvier 2016. On ne saurait trop souligner
l'importance de l'ensemble de ces réformes. Elles témoignent toutes de la même tendance : une meilleure prise en compte de
la finalité de l'administration qui, dans une société démocratique, est la personne de l'administré. Le mouvement d'open data
lancé au plan international vise à l'ouverture de l'accès aux informations publiques 788. On retrouvera la même tendance dans
la profonde évolution que connaît le contentieux administratif, où la personne du requérant a pris une place que la pratique
lui avait jusque-là refusée.
On étudiera successivement : la notion de décision exécutoire (Section 1), la classification des décisions exécutoires
(Section 2), la saisine de l'Administration (Section 3), l'élaboration de la décision (Section 4), son application (Section 5), la
manière dont prennent fin les décisions exécutoires (section 6) et la validité des décisions (Section 7).

SECTION 1. LA NOTION DE DÉCISION EXÉCUTOIRE 789


424 Définition ◊ La décision exécutoire – encore désignée par l'expression d'acte administratif unilatéral – est un acte
juridique accompli unilatéralement par une autorité publique administrative et créant pour les tiers des droits ou des
obligations 790
Deux éléments permettent donc de cerner cette notion : – c'est un acte juridique ; – normalement accompli par une
autorité publique administrative.

§ 1. Actes juridiques, opérations matérielles et actes décisoires

425 L'acte juridique ◊ Un acte juridique est un acte fait dans l'intention de produire des effets de droit. Il a donc pour objet
et pour résultat de modifier une situation juridique à l'exemple d'une loi, d'un contrat, d'un décret de nomination d'un
fonctionnaire, d'un règlement etc.
L'acte juridique s'oppose donc aux simples opérations matérielles qui sont de simples faits ne venant pas modifier
directement l'ordonnancement juridique (goudronnage d'une route, dragage du fond d'un port etc.). On l'a déjà vu, cela ne
veut pas dire qu'elles n'ont pas d'effet juridique, mais si elles donnent naissance à des obligations ce n'est que de manière
indirecte (par exemple par le dommage que cause l'opération à un administré et qui ouvre droit à réparation).
Seuls les actes juridiques peuvent constituer des décisions exécutoires mais parmi ceux-ci encore faut-il distinguer les
actes décisoires et les actes non décisoires. Seuls les actes contenant une véritable décision peuvent constituer une décision
exécutoire, faisant grief, et susceptible d'être déférée à la censure du juge de l'excès de pouvoir. Tel n'est pas le cas de
simples informations (CE 10 janv. 2007, Synd. Nat. CGT du Min. des A.E., Rec. 5 ; d'une annonce faite dans le cadre d'un
discours (CE 5 oct. 2015, Comité d'entreprise du siège de l'Ifremer, RFDA 2015. 1115, Concl. Dacosta ; AJDA 2016. 493,
note N. Havas) ou encore d'une recommandation de la HALDE : CE 13 juill. 2007, Sté Éditions Tissot, Rec. 335). Il en va de
même des actes déclaratifs par lesquels l'Administration ne fait que constater, enregistrer une situation 791 : délivrance d'un
certificat d'urbanisme, vœu émis par une assemblée délibérante ou encore des actes préparatoires 792 qui précèdent et
préparent la décision, par exemple la présélection des candidats à l'attribution de fréquences radios (CE 21 oct. 2009, Assoc.
Radio-Horizon, AJDA 2010. 339, Concl. Thiellay), ou un avis préalable (CE, 16 mai 2011, Cne de Wittelsheim, AJDA 2011.
1054). C'est également le cas, selon la jurisprudence, des « actes-types » 793 : on désigne ainsi des modèles qu'une autorité
supérieure propose, et en fait impose, soit à une autorité hiérarchiquement subordonnée, soit même à une autorité
décentralisée, pour les décisions relevant de leur compétence. De même, ne sont pas décisoires les actes qui ne sont que la
suite nécessaire d'une décision, sans rien y ajouter : par exemple, la notification d'une décision.
Certains actes, bien que contenant une décision, étaient, traditionnellement, insusceptibles de recours pour excès de
pouvoir en raison de leur faible importance : ce sont les mesures d'ordre intérieur 794 On rangeait dans cette catégorie les
sanctions militaires ou des sanctions infligées aux détenus. Le Conseil d'État, de manière très heureuse, a réduit les mesures
d'ordre intérieur à des mesures trop bénignes pour faire véritablement grief. Cette évolution a donné lieu à une importante
jurisprudence en matière. pénitentiaire 795. Ainsi ne constitue plus une mesure d'ordre intérieur la punition de cellule infligée
à un détenu (CE, Ass., 17 févr. 1995, Marie, Hardouin, Rec. 85, concl. Frydmann) ou un avertissement prononcé à son
encontre (CE, 21 mai 2014, Garde des Sceaux, AJDA 2014. 1055). De même ne constitue pas une telle mesure la décision de
transférer un détenu d'une maison centrale vers une maison d'arrêt : CE, Ass., 14 déc. 2007, Garde des Sceaux/M. Boussouar
et M. Planchenault, Rec. 474, Concl. Guyomar ; AJDA 2008. 128, chron. JP. ; CE, 13 novembre 2013, M. Agamemnon et
M. Puci, RFDA 2014. 965, note Pollet-Panoussis. En ce qui concerne la mise à l'isolement d'un détenu, le CE jugeait qu'il
s'agissait d'une mesure d'ordre intérieur (CE 28 févr. 1996, Fauqueux, p. 52) ; il a abandonné cette jurisprudence : CE
30 juill. 2003, M. Remli, AJDA 2003. 2090, note D. Costa et surtout Sect., 31 oct. 2008, Sect. Frse. de l'Observatoire
international des prisons, Rec. 374, Concl. Guyomar, ce qui est d'autant plus heureux que la Cour européenne devait
condamner la jurisprudence Fauqueux (CEDH 27 janv. 2005, Ramirez Sanchez c/ France, AJDA 2005. 1388, note D. Costa)
mais l'annulation de la décision de placement d'un détenu à l'isolement n'entraîne pas l'annulation de mesures ultérieures
maintenant le détenu sous ce régime : CE 26 juill. 2011, Garde des Sceaux, AJDA 2011. 1597. Pour le cas des « rotations de
sécurité », v. Concl. Landais sous CE, Ass., 14 déc. 2007, M. Payet, RFDA 2008. 104 et pour le placement en régime
« différencié » : CE 6 déc. 2012, Min. de la Justice, RFDA 2013. 213. En revanche constitue toujours une mesure d'ordre
intérieur le refus de changer le détenu d'établissement : CE 13 nov. 2013. AJDA 2013.2287, obs. D. Poupeau 796, ou la
décision de contrôler l'équipement informatique d'un détenu : CE 9 novembre 2015, AJDA 2016. 53, concl. Bretonneau.
Allant encore plus loin le juge administratif exerce désormais un contrôle de proportionnalité sur les sanctions infligées aux
détenus : CE, 1er juin 2015, AJDA 2015. 1596, concl. Bretonneau.
En ce qui concerne les fonctionnaires un changement d'affectation ne constitue pas une mesure d'ordre intérieur (CE,
Sect. 25 septembre 2015, Mme B., RFDA 2015.1107, Concl. Pelissier ; AJDA 2015. 2147, Chr. Dutheillet de Lamothe et
Odinet) 797, sauf s'il traduit une mesure discriminatoire (CE, 15 avr. 2015, Pôle Emploi, Rec. 146, Concl. Bokdam-Tognetti et
AJDA 2015. 1927, note Chauvet).
En dehors de ces hypothèses, deux séries d'actes posent problème car si, à première vue, ils se rangent parmi les actes non
décisoires, ils peuvent, cependant, contenir parfois de véritables décisions. Ce sont : – les circulaires et instructions de
service ; – les directives.

426 A. Les circulaires et instructions de service ◊ Sous le nom de circulaires, ou d'instructions de service, on
désigne des communications par lesquelles un supérieur hiérarchique, normalement le ministre, fait connaître à ses
subordonnés ses intentions sur un point relatif à l'exécution du service ou à l'interprétation d'une loi ou d'un règlement 798. La
circulaire était traditionnellement un pur acte interne, destiné aux seuls agents du service, tenus de s'y conformer en vertu de
l'obéissance hiérarchique – mais sans effet à l'égard des administrés, qui l'ignoraient le plus souvent, avant que la loi du
17 juillet 1978 (v. ss 441) soit venue en organiser la publication – et qui, même s'ils en avaient connaissance, ne pouvaient ni
se prévaloir de sa violation, ni en demander l'annulation. Désormais (Décr. 2008-1281 du 8 déc. 2008) les circulaires et
instructions de service, ainsi que leurs annexes, sont à la disposition du public sur un site internet du Premier ministre
(www.circulaires.gouv.fr) et une circulaire qui n'y figure pas n'est pas applicable (CE 16 avr. 2010, M. Azelvandre, RFDA
2010. 637 ; CE 24 oct. 2011, Min. de l'Intérieur / Mme Shala, AJDA 2012. 43, Concl. Thiellay). L'art. L. 312-2 CRPA prévoit
que « font l'objet d'une publication les instructions, les circulaires ainsi que les notes et réponses ministérielles qui
comportent une interprétation du droit positif ou une description des procédures administratives ». Mais le décret du
6 septembre 2012 prévoit que la publicité peut aussi résulter de sa publication sur le site internet du Ministère. Une
instruction du Premier ministre du 17 juillet 2013 se propose de lutter contre la prolifération des circulaires (3 500 pages
pour le seul premier trimestre 2013 !) : elles devront être signées par le Ministre lui-même et ne pas comporter plus de cinq
pages !
Toutefois, il arrive que, dans la forme de la circulaire, le ministre ait entendu modifier la situation des administrés ; dans
ce cas, le Conseil d'État n'hésite pas à déceler, dans la circulaire, une véritable décision réglementaire, contre laquelle il
déclare recevable le recours pour excès de pouvoir (CE 29 janv. 1954, Institution N.-D. du Kreisker, Notes Waline, Tome 1,
no 126 ; concl. Tricot, RPDA 1954. 50 : « par la circulaire… le ministre se s'est pas borné à interpréter les textes en vigueur
mais a… fixé des règles nouvelles »), ce qui l'oblige à annuler la circulaire pour incompétence, puisque le ministre ne
possède pas un pouvoir réglementaire général (v. ss 91).
L'arrêt N. D. du Kreisker reposait sur la distinction des circulaires interprétatives et des circulaires réglementaires.
À l'usage cette distinction s'est révélée parfois malaisée à mettre en œuvre. Cela a conduit le Conseil d'État à utiliser une
autre distinction : celle des circulaires impératives et des circulaires non impératives (CE, Sect., 18 déc. 2002,
Mme Duvignères, Rec. 463, concl. Fombeur, GAJA n° 105) seules les premières pouvant faire l'objet d'un REP. Elles seront
annulées si l'interprétation des textes qu'elles donnent « méconnaît le sens et la portée des prescriptions législatives ou
réglementaires qu'elle se propose d'expliciter ou contrevient aux exigences inhérentes à la hiérarchie des normes juridiques »
(CE 18 juin 1993, IFOP, Rec. 178). v. égal. : CE, Ass., 28 juin 2002, M. Villemain, AJDA 2002. 586, chron. Donnat et
Cassas (il s'agit de la circulaire relative au PACS) ; CE 3 oct. 2003, M. Boonen, AJDA 2003. 1847 ; CE 30 juill. 2003,
Association « Avenir de la langue française », RFDA 2003. 1039 ; CE 8 mars 2006, Féd. des conseils de parents d'élèves des
écoles publiques, AJDA 2006, concl. Keller ; CE 16 juill. 2008, Assoc. Vivre et vieillir ensemble, AJDA 2008. 1972 ; CE
3 juill. 2009, Synd. Nat. FO des personnels de préfecture, AJDA 2009. 1676 ; CE 24 avr. 2012, M. A., AJDA 2012. 915, obs.
R. Grand ; CE, 12 déc. 2014, Association Juristes pour l'enfance, Rec. 382. En revanche la circulaire du Premier ministre
supprimant l'utilisation du terme « Mademoiselle » pour les documents administratifs est légale : CE 26 déc. 2012,
Association « Libérez les Mademoiselles », RFDA 2013. 233, concl. Bourgeois-Machureau.
De manière assez subtile, pour le moins, le Conseil d'État a considéré que la circulaire posant les principes de
régularisation d'étrangers ne fixait pas de « lignes directrices » mais de simples « orientations générales » et, de ce fait, n'était
pas invocable par le requérant (CE, Sect. 4 février 2015, Min. de l'Intérieur / M. Cortes Ortiz, Rec. 17 Concl. Bourgeois-
Machureau et AJDA 2015. 191).
Naturellement on ne peut plus invoquer les dispositions d'une circulaire lorsque les textes qu'elle concerne sont modifiés
ou ne sont plus en vigueur (CE, 12 nov. 2014, FHP-MCO, AJDA 2015. 166, Concl. Vialettes).
Pour une bonne analyse des hypothèses où une circulaire peut ou non faire l'objet d'un REP : CE 6 mars 2006, Synd. nat.
des enseignants et artistes, Rec. 107 799.

427 B. Les directives 800devenues Lignes Directrices ◊ Des circulaires, la jurisprudence distingue les directives,
qui en empruntent souvent la forme (CE 11 déc. 1970, Crédit foncier de France, GAJA, no 80), et qu'il ne faut pas, bien
entendu, confondre avec les directives émanant de l'Union européenne, v. ss 319. Il s'agit de dispositions par lesquelles une
autorité, investie d'un pouvoir discrétionnaire dont l'exercice lui impose, en principe, l'examen des situations individuelles
auxquelles il s'applique, fait connaître les critères généraux auxquels elle entend subordonner ses décisions, sans pour autant
s'interdire d'y déroger si un cas particulier lui paraît l'exiger.
La Directive est un « document d'orientation », apparu tout d'abord dans le secteur des interventions économiques de
l'État, puis qui a été étendu à l'Urbanisme et à l'Aménagement du Territoire. Par exemple, le ministre indique les conditions
auxquelles il accordera, en principe, telle subvention économique, mais en se réservant la possibilité de l'accorder à telle
entreprise qui ne répondrait pas à ces conditions si l'intérêt général lui semble le justifier. Le juge refuse de voir, dans la
directive, une décision proprement dite : le recours pour excès de pouvoir n'est pas recevable contre elle (CE 29 juin 1973,
Sté Géa, Notes M. Waline, Tome 1, no 97 ; CE 18 oct. 1991, Union nat. de la propriété immobilière, Rec. 338). C'est
pourquoi il n'en imposait pas la publication, solution que la loi du 17 juillet 1978 a heureusement écartée en organisant cette
publication. Mais le juge attache cependant à la directive certains effets juridiques : la décision individuelle prise par
référence à une directive est légale, sauf si la directive est elle-même reconnue illégale ; par contre, le refus d'appliquer à un
particulier une directive alors qu'il répond aux critères qu'elle prévoit est illégal, sauf si des données particulières justifiaient
cette dérogation. On est donc en présence d'une notion hybride, par laquelle l'administration tente de discipliner l'exercice de
son pouvoir sans se lier pour autant, et dont les contours juridiques sont loin d'être fixés. Encore la notion se trouve-t-elle
obscurcie par le fait qu'il n'y a aucun formalisme en la matière et que le législateur qualifie parfois de directives, en matière
d'urbanisme et d'aménagement du territoire notamment, de véritables décisions réglementaires. C'est le cas des « directives
d'aménagement national » prévues par le Code de l'urbanisme (CE 31 janv. 1975, Ministre de l'Aménagement du territoire,
AJDA 1975. 140). Des arrêts montrent que, contrairement à ce que certains avaient pu penser, la catégorie des directives n'a
pas disparu : CE 3 mai 2004, Comité anti-amiante Jussieu et Assoc. nat. de défense des victimes de l'amiante, Rec. 193 ; CE
16 févr. 2007, Min. de l'Économie, des Finances et de l'Industrie/Sté Hydraulique PB, AJDA 2007. 990 ; CE 16 avr. 2010,
Mme Postel-Vinay, Rec. 111 (des statuts types constituent une directive).
Le Rapport annuel du Conseil d'État de 2013 sur « le droit souple »(Doc. Frse) préconisait de rebaptiser en « Lignes
directrices » les Directives. C'est ce qu'il a fait dans un arrêt du 19 septembre 2014 (AJDA 2014. 2262, Concl. Dumortier).
De manière tout à fait intéressante le Conseil d'État vient d'admettre des recours pour excès de pouvoir contre des
« actes » qui s'apparentent à du droit souple et qui, de ce fait, ne remplissent pas les critères traditionnels de la décision
faisant grief : CE, Ass. 21 mars 2016, Sté Fairvesta international GMBH 801, et du même jour Sté Numéricable, AJDA 2016.
717, Chr. Dutheillet de Lamothe et Odinet. Il s'agissait, dans le premier arrêt, d'un recours contre des communiqués publiés
sur le site Internet de l'AMF mettant en garde les investisseurs contre certains investissements immobiliers, et dans le second
arrêt, d'une prise de position de l'Autorité de la Concurrence sur les modalités d'application, au regard de certaines évolutions
du marché, d'une injonction formulée dans une décision autorisant une concentration.
§ 2. L'acte d'une autorité publique administrative
La décision exécutoire émane, normalement, d'une autorité publique administrative ce qui conduit à écarter : – les actes
accomplis par de simples particuliers ; – les actes accomplis par une autorité publique non administrative.

428 A. Les actes accomplis par des particuliers ◊ Logiquement, les actes faits par de simples particuliers ne
peuvent pas constituer des actes administratifs. Mais ce principe connaît deux exceptions :
1o La théorie du fonctionnaire de fait. Dans certaines circonstances tout à fait exceptionnelles (v. ss 361) il arrive que les
autorités administratives régulièrement investies aient disparu. Il peut alors se produire que de simples particuliers se
substituent spontanément à l'autorité défaillante pour prendre des mesures qu'imposent les circonstances. C'est ce que l'on
appelle les « fonctionnaires de fait ». La jurisprudence admet la validité des décisions ainsi prises, à la condition que le but
poursuivi ait bien été l'intérêt général : CE 5 mars 1948, Marion, Rec. 113 802.
2o Les actes accomplis par des personnes de droit privé investies d'une mission de service public et de prérogatives de
puissance publique.
Par exception au principe que l'acte administratif émane d'une personne publique, certaines personnes privées, on l'a vu
(v. ss 287), ont reçu le pouvoir de prendre des décisions exécutoires pour l'exercice de la mission de service public qui leur
est confiée. Cette prérogative, dans un premier temps, a été accordée à des organismes assurant un service public
administratif : CE, Sect., 13 janv. 1961, Magnier, RD publ. 1961. 155, concl. Fournier ; T. confl., 2 mai 1988, Sté Georges
Maurer, D. 1988. IR. 195 ; CE, 30 décembre 2013, SIEMP, AJDA 2014. 2189, note D. Costa.
Puis, elle a été étendue à des sociétés gérant des services publics industriels ou commerciaux pour des questions touchant
à l'organisation du service : T. confl. 15 janv. 1968, Époux Barbier, Rec. 789, concl. Kahn. Certains auteurs en ont conclu
que le caractère administratif d'une décision doit se définir, désormais, non en fonction de l'organe dont elle émane, mais par
sa relation avec la mission de service public (cf. conclusions de J. Kahn, T. confl. 3 mars 1969, Sté Interlait, AJDA 1969.
307). Cette interprétation a le tort de se fonder, non sur la situation la plus générale, mais sur des cas d'espèce qui restent des
exceptions à une règle solidement établie 803.

429 B. Les actes accomplis par une autorité publique non administrative ◊ Ne constituent pas des actes
administratifs, les actes accomplis par les autorités législatives ou juridictionnelles, ainsi que les actes faits par une autorité
administrative mais dans une matière non administrative.
1o Les actes parlementaires 804. Il s'agit des lois, proprement dites, ainsi que des actes assimilés à celles-ci : ordonnances
de l'art. 92 de la Constitution ; ordonnances de l'art. 38 de la Constitution lorsqu'elles ont été ratifiées par le Parlement ;
mesures prises par le Président de la République, sur la base de l'art. 16, en matière législative ; règlements des assemblées.
Traditionnellement, il s'agissait également des actes accomplis par les organes administratifs des Assemblées (Présidence,
questure). L'Ordonnance du 17 novembre 1958, relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, a mis fin, pour
partie, à ce système en donnant compétence à la juridiction administrative pour connaître de la réparation des dommages de
toute nature causés par le service des assemblées, ainsi que pour les litiges d'ordre individuel concernant les agents des
services des assemblées 805.
2o Les actes juridictionnels 806. Les actes juridictionnels sont les décisions rendues par les tribunaux pour trancher les
litiges dont ils sont saisis. Les décisions ont ce que l'on appelle l'autorité de la chose jugée (C. civ., art. 1351) ce qui veut dire
qu'une fois définitives elles ont force de vérité légale.
Dans la pratique il faut déterminer quand un organisme constitue une juridiction. Dans la plupart des cas la réponse est
évidente : le Tribunal administratif de Strasbourg, la Cour administrative d'appel de Nancy, le Tribunal de grande instance de
Strasbourg, sont, bien évidemment, des juridictions. Dans certains cas la réponse est cependant beaucoup moins évidente :
par exemple, la Commission de répartition des indemnités accordées aux Français lésés par les nationalisations yougoslaves,
constitue-t-elle une juridiction (CE, Sect., 16 déc. 1955, Époux Deltel, Notes Waline, Tome 1, no 4) ? En ce qui concerne le
critère de la qualité de juridiction, R. Chapus (op. cit.) relève qu'il y a tout d'abord deux conditions nécessaires : –
l'organisme doit disposer d'un pouvoir de décision ; – il doit s'agir d'une autorité collégiale. Cette double condition remplie,
on a le choix entre un critère formel (le statut organique et procédural de l'organisme) et un critère matériel (la mission
dévolue à l'organisme). Le Conseil d'État a tranché pour ce dernier (CE, Ass., 12 déc. 1953, de Bayo, RDPA 1954. 3, concl.
Chardeau) : un organisme est une juridiction « eu égard à la nature de la matière » dans laquelle il intervient et « quelles que
soient les formes dans lesquelles il statue » 807.
3o Les actes des autorités administratives statuant dans une matière non administrative. Il arrive qu'une autorité
administrative – le Préfet par exemple – statue dans une matière qui n'est pas administrative : décision prise en tant que
gérant, ès qualités, le patrimoine des pupilles de l'Assistance publique ; de même la décision prise par le Président de la
République en ce qui concerne une dispense à mariage incestueux : CE 12 oct. 2005, X. et Y., D. 2006. 1433, note Glandier.
Il s'agit alors d'actes de droit privé et non d'actes administratifs.

SECTION 2. LA CLASSIFICATION DES DÉCISIONS EXÉCUTOIRES

430 Les diverses catégories de décisions exécutoires ◊ On peut classer les décisions exécutoires d'un point de vue
formel, en fonction, par exemple, de l'auteur de l'acte, ou encore de la forme de l'acte (décrets, arrêtés etc.). Mais la
classification la plus importante est une classification matérielle : celle qui distingue l'acte réglementaire de l'acte non
réglementaire.
L'acte réglementaire pose une règle générale alors que l'acte non réglementaire concerne une ou plusieurs personnes
nommément désignées dans l'acte. La différence est qualitative, non quantitative. Un acte réglementaire peut concerner des
millions de personnes (le Code de la route) ou une seule, voire même aucune à un moment déterminé (le décret fixant le
statut du Président d'honneur de l'Assemblée nationale) : c'est cependant, dans ce dernier cas, un acte réglementaire puisqu'il
dispose par voie générale et impersonnelle. De même l'acte non réglementaire peut ne concerner qu'une seule personne
(décret de nomination d'un fonctionnaire) ou un grand nombre de personnes (liste d'admission à un concours, tableau
d'avancement de fonctionnaires).
Parmi les actes non réglementaires on doit distinguer, car leur exécution pose des problèmes différents (v. ss 445 s.), les
décisions qui créent, au profit des particuliers, des droits, ou des facultés (par ex. : collation d'un grade universitaire,
autorisation), celles qui leur imposent des obligations, soit de donner (réquisitions de biens), soit de faire (réquisition de
service), soit de ne pas faire (interdiction), celles enfin qui confèrent un statut dans lequel droits et obligations se trouvent
mêlés (nominations de fonctionnaires).
La classification « binaire » des décisions exécutoires pose, aujourd'hui, problème car on a vu apparaître des actes qui ne
sont ni individuels, ni généraux et qui s'insèrent donc mal dans cette grille de classification. M. Chapus 808 a proposé de les
appeler « décisions d'espèce » 809. Ces décisions, qui ne sont ni individuelles, ni générales, viennent édicter des « normes
d'espèce », c'est-à-dire des règles se rapportant à une situation ou à une opération particulières. Elles sont d'ores et déjà
relativement nombreuses : – la déclaration d'utilité publique dans le cadre d'une opération d'expropriation ; – la décision
d'ouverture d'un concours de recrutement (la jurisprudence dit expressément qu'il ne s'agit pas d'un acte réglementaire et il
tombe sous le sens que ce n'est pas une décision individuelle) ; – la décision prononçant une fusion de communes, instituant
une servitude d'urbanisme sur un terrain etc.
Pour en revenir à la distinction classique des actes réglementaires et non réglementaires, il faut en préciser l'intérêt. En
1958, on avait cru qu'il tenait au fait que les règlements de l'article 37 seraient des « lois matérielles », c'est-à-dire qu'ils
échapperaient au régime des autres actes administratifs unilatéraux. Il n'en a rien été (v. ss 328). L'intérêt de la distinction
réside uniquement dans le fait qu'ils ne sont pas soumis au même régime juridique, par exemple en ce qui concerne leur
publicité, leur disparition etc.

SECTION 3. LA SAISINE DE L'ADMINISTRATION


C'est souvent à son initiative que l'Administration prend la décision exécutoire. Mais celle-ci peut également répondre à
une demande qui lui a été présentée par un administré.
Le nouveau CRPA réglemente cette saisine de l'Administration. L'administré a le droit de connaître le nom et la qualité de
la personne chargée d'instruire sa demande (art. L. 111-2). La demande fait l'objet d'un accusé de réception (art. L. 112-3) et
celle-ci peut être présentée par voie électronique 810. Lorsqu'une demande est adressée à une administration incompétente,
celle-ci doit la transmettre à l'administration compétente et en aviser l'intéressé (art. L. 114-2).

SECTION 4. L'ÉLABORATION DE LA DÉCISION EXÉCUTOIRE 811


L'élaboration de la décision exécutoire pose deux séries de problèmes : – celui de la compétence pour prendre une telle
décision ; – celui de la procédure d'élaboration de la décision.

§ 1. La compétence
On étudiera le principe de compétence, puis les aménagements qu'il convient de lui apporter et la marge d'appréciation
qui est laissée à l'autorité compétente pour prendre la décision.

431 A. Le principe de compétence ◊


1o Le principe. Au sein de l'Administration, n'importe quel agent n'a pas le pouvoir de prendre une décision exécutoire,
ce qui est plutôt rassurant pour l'administré ! Seuls ceux qui ont la qualité « d'autorité administrative » ont compétence pour
prendre une telle décision. Par exemple, en ce qui concerne l'État, à l'échelon central, ont seuls une telle qualité : – le
Président de la République ; – le Premier ministre ; – les ministres (en rappelant que ceux-ci n'ont un pouvoir réglementaire
que si un texte le leur donne expressément, ainsi que pour l'organisation de leurs services, v. ss 87). Schématiquement, ne
constituent pas des « autorités administratives » les agents chargés de simples fonctions d'exécution.
2o Les limites au principe. La sphère de compétence d'une autorité administrative peut être limitée d'un triple point
de vue.
a) La compétence de celle-ci peut, tout d'abord, être limitée à certaines questions, les textes venant alors préciser celles-
ci. C'est la compétence ratione materiae (en raison de la matière) de l'autorité administrative.
b) Elle peut, en second lieu, être limitée à un certain territoire géographique. Le problème ne se pose pas pour les
autorités nationales, mais uniquement pour les autorités locales. C'est la compétence ratione loci (en raison du lieu) 812.
c) La compétence peut également être limitée dans le temps : avant l'heure ce n'est pas l'heure, et après non plus !
L'autorité administrative, par exemple, ne peut plus prendre une décision pour laquelle elle avait compétence, après sa sortie
de fonction. C'est la compétence ratione temporis (en raison du temps) 813.
Les règles de compétence sont d'ordre public, c'est-à-dire qu'elles peuvent être invoquées à tout moment d'une procédure
juridictionnelle et même d'office par le juge (qui doit, alors, en aviser auparavant les parties, v. ss 707). Par ailleurs la logique
veut que lorsqu'une autorité a compétence celle-ci soit exclusive. Mais un ministre ne peut pas renoncer à son pouvoir
d'appréciation : CE 1er octobre 2015, AJDA 2016. 77.
Il existe, en droit administratif, un principe de parallélisme des compétences (ou encore dit de l'acte contraire) qui veut
que lorsqu'une autorité a compétence pour faire un acte, elle ait également compétence pour faire l'acte contraire (par
exemple celui qui nomme a compétence pour révoquer) 814. Le plus souvent (mais il y a des exceptions) cela implique
également le parallélisme des formes, c'est-à-dire l'obligation de suivre la même procédure que celle de l'acte initial pour
accomplir l'acte contraire (CE 27 oct. 2010, M. Fischer, AJDA 2010. 2445).
432 B. L'aménagement de la compétence des autorités administratives ◊ Le principe de compétence
connaît un triple aménagement : – du fait de la possibilité de délégations ; – par l'existence de la suppléance et de l'intérim ;
– par le jeu de la théorie des circonstances exceptionnelles.
1o Les délégations. Il serait matériellement impossible à certaines autorités administratives – par exemple le Ministre –
d'exercer elles-mêmes effectivement l'ensemble de leurs compétences. Pour que le système puisse fonctionner, il est donc
indispensable de recourir au système des délégations, qui distingue la délégation de compétence et la délégation de
signature.
a) La délégation de compétence 815. Par celle-ci l'autorité administrative compétente transfère son pouvoir de décision à
l'autorité subordonnée désignée impersonnellement ; c'est donc une sérieuse dérogation au principe de compétence.
b) La délégation de signature 816. L'autorité administrative compétente conserve son pouvoir de décision : elle autorise
seulement un subordonné à signer, matériellement, la décision en ses lieu et place, mais c'est toujours elle qui est réputée
prendre la décision. Pour les membres du gouvernement la question est réglée par un décret du 27 juillet 2005.
Les délégations sont indispensables mais doivent être limitées à ce qui est strictement nécessaire, ce qui explique leur
régime juridique : – il n'y a pas de délégation sans texte l'autorisant ; – la délégation ne peut être que partielle (CE 8 févr.
1950, Chauvet, Rec. 85) ; – la subdélégation est impossible pour la délégation de signature (CE 19 juill. 1964, Sté
Brandschaft frères, AJDA 1964. 554) ; – elle n'est opposable aux administrés que si elle a été publiée et elle est toujours
révocable : CE 1er déc. 2004, Onesto, Rec. 446.
2o La suppléance et l'intérim 817. On ne peut pas admettre que le pouvoir de décision se trouve paralysé lorsque l'autorité
administrative compétente est provisoirement (absence, maladie) ou, définitivement (décès), empêchée d'exercer ses
fonctions. En ce cas les textes organisent ce que l'on appelle la suppléance, c'est-à-dire qu'ils désignent la personne qui va
provisoirement se substituer à l'autorité défaillante pour prendre les décisions (par ex. l'art. L. 2122– 17 CGCT organise la
suppléance du maire). La suppléance prend fin avec la cessation de l'empêchement ou la nomination du successeur.
On parle d'intérim lorsque le remplacement provisoire n'est pas organisé par un texte. Dans ce cas c'est l'autorité
supérieure qui prend les mesures nécessaires pour remplacer l'autorité défaillante.
3o Les circonstances exceptionnelles. On l'a vu (v. ss 361) les circonstances exceptionnelles peuvent modifier
profondément les compétences des autorités administratives. L'exemple le plus frappant est celui de l'art. 16 de la
Constitution et des pouvoirs qu'il donne au Président de la République. Le Conseil d'État a même. admis, dans le contexte de
la Libération, que soit prise par simple circulaire ministérielle une décision qui, en période ordinaire, aurait nécessité le vote
d'une loi : CE 16 avr. 1948, Laugier, S. 1948. III. 36, concl. contraires Letourneur

433 C. Compétence liée et pouvoir discrétionnaire 818


◊ Il ne suffit pas de se demander quelle est l'autorité
administrative compétente pour prendre une décision ; il faut aussi se demander quelle est la marge d'appréciation qui lui est
laissée lorsqu'elle prend la décision, c'est-à-dire l'étendue exacte de son pouvoir de décision.
On dit qu'il y a compétence liée 819 lorsque, les circonstances prévues par un texte se trouvant réunies, l'agent public n'a
aucun choix à exercer : il a l'obligation de prendre une certaine décision. Par exemple, il a l'obligation de délivrer le récépissé
de déclaration d'une association (TA Paris, 25 janv. 1971, Dame de Beauvoir c/ Min. de l'Intérieur, AJDA 1971. 229 et Cons.
const. 16 juill. 1971, Liberté d'Association, GDCC, no 27).
À l'inverse, il y a pouvoir discrétionnaire lorsque les textes laissent à l'autorité administrative un large pouvoir
d'appréciation, la possibilité d'agir dans un sens ou dans l'autre, de prendre ou de ne pas prendre la décision (exemple :
l'avancement au choix des fonctionnaires, la notation d'un examen). Naturellement, pouvoir discrétionnaire ne veut pas dire
pouvoir arbitraire : c'est à la condition de respecter les conditions légales (par exemple le respect du programme pour le
choix d'un sujet d'examen) que l'appréciation de l'opportunité de la décision est laissée au choix de l'agent public.
L'Administration a, alors, le choix entre plusieurs décisions également conformes au droit.
Il n'existe plus d'acte administratif entièrement discrétionnaire. On désigne ainsi un acte à l'égard duquel la légalité
n'imposerait aucune condition à l'Administration et qui échapperait, dès lors, à tout contrôle juridictionnel ; le Conseil d'État
a cessé d'admettre l'existence de tels actes depuis le début du XXe siècle (CE 31 janv. 1902, Grazietti, S. 1903. III. 113, note
Hauriou). Tout acte, en effet, est soumis, au minimum, à deux conditions imposées par le droit : l'une relative à l'autorité
compétente pour la prendre, l'autre, relative au but qu'il doit poursuivre, et qui est nécessairement l'intérêt public ; sur ces
deux points au moins, l'administration est toujours liée.
Il faut souligner que l'existence d'un pouvoir discrétionnaire au profit de l'Administration est la chose la plus naturelle qui
soit. L'Administration ne peut pas être transformée en une sorte de distributeur automatique de décisions. Administrer, c'est
choisir, et l'Administration est dans son rôle en opérant des choix. Selon la formule d'Hauriou, ce qui est discrétionnaire c'est
le pouvoir et non l'acte.
De même, dans les actes les plus liés par la règle de droit, l'administration conserve un minimum de pouvoir
discrétionnaire : ce que Hauriou appelait « le choix du moment ». Elle reste libre d'apprécier, d'après les nécessités de son
fonctionnement, quand elle pourra prendre la décision qui s'impose à elle, tout au moins dans des limites raisonnables,
parfois fixées par la loi 820.
Il reste à savoir ce qui détermine la marge de pouvoir discrétionnaire laissée à l'Administration ? Très souvent, ce sont les
textes. Par exemple, la loi laisse au Préfet le soin d'apprécier s'il convient ou non d'accorder ou de refuser une mutation
immobilière. Le seul contrôle sera alors celui du détournement de pouvoir. Dans le silence des textes ce sera au juge de
déterminer la marge de pouvoir discrétionnaire qu'il convient de laisser à l'Administration. Il le fait (v. ss 678) en fixant
l'étendue du contrôle qu'il exerce sur les décisions de l'Administration (contrôle restreint, contrôle de l'erreur manifeste
d'appréciation, contrôle dit « normal »). Ce qui est alors en cause (v. ss 678) c'est la limite qui sépare le contrôle de légalité
du contrôle d'opportunité. Chaque fois que le juge étend son contrôle (par exemple en passant du système de l'erreur
manifeste à celui du contrôle « normal ») il fait passer une question qui relevait jusque-là de l'opportunité dans la sphère du
contrôle de la légalité.

§ 2. La procédure d'élaboration de la décision


L'élaboration de la décision exécutoire est dominée par le respect de la procédure administrative non contentieuse,
destinée à garantir les droits des administrés (A). L'Administration doit également se plier à un certain nombre de formes et
procédures (B) et respecter les délais qui peuvent lui être imposés (C). Enfin, dans un certain nombre de cas,
l'Administration à l'obligation de motiver ses décisions (D).

434 A. La procédure administrative non-contentieuse 821 ◊ Une idée importante domine toute l'élaboration de la
décision exécutoire. L'Administration bénéficiant du privilège de la décision exécutoire, c'est-à-dire du droit de prendre sous
sa seule signature des décisions obligatoires pour les administrés, il est absolument nécessaire que ceux-ci, tout au long de la
procédure, bénéficient de très solides garanties et notamment celle de faire valoir leur point de vue auprès de
l'Administration avant que tout soit consommé. Tel est l'objet de la procédure administrative non contentieuse. Celle-ci peut
se définir comme étant « l'ensemble des règles de forme et de procédure relatives à l'élaboration de la décision exécutoire et
dont le respect conditionne la validité de l'acte ». Elle doit être bien distinguée de la procédure administrative contentieuse
applicable aux recours formés devant les juridictions administratives (v. ss 687). On considère que devant l'Administration,
l'administré doit bénéficier de garanties aussi solides que s'il se trouvait devant le juge. Cette idée a été formulée fort
clairement par Chardeau : « L'octroi de garanties d'une procédure de type juridictionnel n'a rien d'incompatible avec le
fonctionnement d'un organisme de caractère administratif » (conclusions sous CE, Ass., 2 déc. 1953, de Bayo, RPDA
1954. 3).
Historiquement, il y a eu assez peu de textes venant donner des garanties aux administrés dans la procédure
administrative. Le plus célèbre est l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 imposant la communication du dossier avant toute
sanction disciplinaire. Dans le silence des textes, c'est donc le juge qui a dégagé les principales règles de la procédure
administrative non contentieuse, en utilisant, le plus souvent, la technique des principes généraux du droit 822. On l'a vu, le
CRPA, selon son Rapport de présentation, se propose de rassembler « les règles générales applicables à la procédure
administrative non-contentieuse ». Ce qui n'est pas habituel, cette codification intègre aussi la jurisprudence en la matière.
Sans prétendre à l'exhaustivité, on mentionnera quelques-unes des règles ainsi dégagées :
– la règle « Audi alteram partem » 823 (littéralement « Écoute l'autre partie »), c'est-à-dire la nécessité d'une procédure
contradictoire qui veut que l'Administration ne puisse jamais prendre une décision défavorable à un administré sans l'avoir
au préalable mis en demeure de présenter ses observations (CRPA, art. L. 121-1 et L. 122-1). Comme l'a plaisamment relevé
Marcel Waline, l'Administration ne peut pas dire, à l'instar de l'Alceste du Misanthrope, « moi je veux me fâcher et ne veux
point entendre » ; si l'Administration veut se fâcher… elle doit au préalable entendre ; v. : CE, Sect., 17 janv. 1930,
Ribeyrolles, Rec. 76 ; CE, Sect., 5 mai 1944, Dame Vve Trompier-Gravier, GAJA no 51.
– le principe d'impartialité qui veut qu'une affaire ne soit pas examinée par une personne y ayant un intérêt personnel :
CE, Sect., 29 avr. 1949, Bourdeaux, Rec. 188 ; CE 28 déc. 2007, Synd. des sylviculteurs du Sud-Ouest, AJDA 2008. 316. Ce
principe, par exemple, interdit la participation à une délibération d'un conseil municipal, d'un conseiller « intéressé » et il
s'applique à tout organisme administratif : CE 11 janv. 2008, Lesage et M. et Mme de Bouard, Rec. 1.
– le principe d'effectivité qui interdit à l'Administration de statuer par voie générale : elle a l'obligation de procéder à un
examen particulier et suffisant de toute affaire dont elle est saisie : CE, Sect., 13 juill. 1962, Arnaud, AJDA 1962. 545 ; CE
19 janv. 1966, Lemoine, Rec. 44.
– la nécessité de procéder, le cas échéant, avant de prendre sa décision à un certain nombre de consultations (v. ss 95).

435 B. Les formes et procédures ◊ Tout acte administratif est assujetti à un certain formalisme : il doit être pris après
une procédure et dans des formes déterminées. Ces deux éléments sont logiquement distincts : la procédure concerne
l'élaboration de l'acte, la forme, sa présentation matérielle. On verra plus loin (v. ss 670) que le contentieux de l'excès de
pouvoir les unifie dans ce que l'on appelle le vice de forme.
1o Les procédures. Le plus souvent, entre le moment où l'Administration envisage de prendre une décision et celui où
celle-ci intervient, l'Administration a dû suivre toute une procédure : recueillir un certain nombre d'avis, organiser une
enquête auprès du public etc. C'est ce que Hauriou appelait « une opération à procédure » : l'acte final est la conclusion de
toute une série d'opérations préparatoires, mais seul l'acte final fait grief. L'irrégularité éventuelle d'une de ces opérations ne
peut être invoquée qu'à l'appui du recours dirigé contre l'acte final 824. En général, les textes précisent la procédure qui doit
être suivie pour prendre une décision déterminée.
La procédure la plus fréquente est l'obligation, ou dans certains cas la faculté, de procéder à un certain nombre de
consultations (v. ss 95) : on a pu parler, à ce propos, de « l'Administration consultative » 825. Le procédé a l'avantage de
permettre d'associer des personnes extérieures à l'Administration à la prise des décisions. Mais la multiplication des
consultations peut devenir un facteur de lourdeur et de retard dans la prise des décisions. Naturellement les membres des
organismes consultés doivent respecter le principe d'impartialité : CE, 22 juillet 2015, Sté Zambon France, AJDA 2015.
1626, Chr. Lessi et Dutheillet de Lamothe.
On peut distinguer trois modalités de la consultation : – la consultation facultative : rien n'oblige l'Administration à
recueillir, par exemple, l'avis d'une Section administrative du Conseil d'État ; c'est librement qu'elle y procède ; – la
consultation obligatoire : il s'agit, par exemple, de prendre un décret en Conseil d'État ; l'Administration a l'obligation de le
consulter mais pas celle de suivre l'avis qui lui est donné ; l'avis conforme : c'est une hypothèse fort rare ; non seulement
l'Administration a l'obligation de recueillir un avis mais, de surcroît, elle est liée par celui-ci. Sur le problème de la formalité
impossible, v. CE, 8 avril 2015, Syndicat National des Médecins, AJDA 2015. 1450.
2o Les formes 826. Certes, l'excès en tout est un défaut, mais il ne faut pas sous-estimer le problème du formalisme car,
selon la formule bien connue de Ihering « la forme est la sœur jumelle de la liberté ». La décision exécutoire n'est pas
assujettie à une forme déterminée. Il n'existe pas de formes communes à toutes les décisions administratives. Chaque autorité
doit observer celles qui lui sont prescrites de façon générale et, éventuellement, pour la décision considérée.
La décision n'est pas nécessairement écrite ; un acte administratif peut être purement verbal, ce qui risque alors de poser
problème en ce qui concerne la preuve de son contenu. Pour une décision verbale, v. CE, Sect., 9 janv. 1931, Abbé Cadel,
S. 1931.3.41, note Bonnard.
Mais surtout, la décision peut être expresse ou implicite 827. Lorsqu'il y a décision implicite, c'est le silence de
l'Administration qui vaut décision, ce qui pose le problème de sa motivation : CE 21 juill. 2009, Assoc. Féd. Droit au
logement, AJDA 2009. 1465. La décision implicite est une nécessité pour lutter contre l'inertie de l'Administration ou surtout
contre la manœuvre qui consisterait à bloquer l'administré en ne prenant pas de décision.
La décision implicite pose deux problèmes : – le silence vaut-il approbation ou rejet de la demande ? – au bout de quel
laps de temps y a-t-il décision implicite ?
Sur le premier point, le Conseil constitutionnel, de manière quelque peu audacieuse, a estimé que : « d'après un principe
général de notre Droit le silence de l'Administration vaut décision de rejet et qu'en l'espèce il ne peut y être dérogé que par
une décision législative » (Cons. const. 26 juin 1969, Protection des Sites, Rec. 27). En réalité il n'y avait pas, en la matière,
de principe général du droit mais seulement, ce qui n'est pas la même chose, une « règle générale » selon laquelle le silence
valait rejet.
Cette règle traditionnelle du droit administratif français avait connu une exception avec l'art. 22 de la loi du 12 avril
2000 qui prévoyait que « le silence gardé pendant deux mois par l'autorité administrative sur une demande vaut décision
d'acceptation dans les cas prévus par décrets en Conseil d'État ». Mais ce qui était l'exception est devenu le principe puisque
la loi du 12 novembre 2013 modifie l'art. 21 de la loi du 12 avril 2000 et décide que « le silence gardé pendant deux mois par
l'autorité administrative sur une demande vaut décision d'acceptation » 828. Mais la loi de 2013 prévoit immédiatement
d'importantes dérogations au nouveau « principe » : – si la demande ne tend pas à l'adoption d'une décision présentant le
caractère d'une décision individuelle ; – lorsque la demande ne s'inscrit pas dans une procédure prévue par un texte législatif
ou réglementaire ou présente le caractère d'une réclamation ou d'un recours administratif ; – si la demande présente un
caractère financier sauf, en matière de sécurité sociale, dans les cas prévus par décret ; – dans les cas précisés par décret en
Conseil d'État, où une acceptation implicite ne serait pas compatible avec le respect des engagements internationaux et
européens de la France, la protection de la sécurité nationale, la protection des libertés et des principes à valeur
constitutionnelle et la sauvegarde de l'ordre public ; – dans les relations entre les autorités administratives et leurs agents. Les
exceptions au principe que « silence vaut acceptation » ont fait l'objet du décret n° 2014-1264 du 23 octobre 2014 829,
modifié par des décrets du 10 novembre 2015.
Ces règles sont maintenant codifiées : l'art. L. 231-1 CRPA indique que « le silence gardé pendant deux mois par
l'administration sur une demande vaut décision d'acceptation » et l'art. L. 231-4 reprend les exceptions à la règle 830.
Une fois de plus on peut se demander si les exceptions ne deviennent pas tout simplement le principe ! Sur le fond, c'est-
à-dire le fait que le principe nouveau est critiquable car dangereux je me permets de renvoyer aux observations de Marcel
Waline (note sous CE 16 juill. 1973,Ville de Limoges, RD publ. 1974. 259).
Sur le second point – le laps de temps pour qu'il y ait décision implicite – depuis une loi du 17 juillet 1900 il était admis
que c'était le silence gardé pendant quatre mois qui valait décision. L'art. 21 de la loi du 12 avril 2000 avait posé le principe
qu'il y avait décision implicite dans un délai de deux mois tout en prévoyant la possibilité d'un délai différent, soit plus long
soit plus bref. La loi du 12 novembre 2013 confirme ce délai de deux mois et maintient la possibilité de l'écarter notamment
en raison de l'objet de la décision ou pour des motifs de bonne administration. Les décrets du 10 novembre 2015 énumèrent
les « exceptions au délai de deux mois de naissance des décisions implicites ».
Le décret du 6 juin 2001 permet de suspendre le délai au terme duquel naît une décision implicite si la demande est
incomplète 831et tant qu'elle n'a pas été complétée.

436 C. Le délai pour prendre la décision ◊ Il arrive assez souvent que les textes fixent un délai à l'Administration
pour prendre une décision. Si à l'expiration de celui-ci la décision n'est pas intervenue, sauf disposition expresse contraire,
l'Administration n'est pas forclose : CE 29 avril 1957, Féd. des Syndicats du Lait, Rec. 222 ; CE 26 mai 2010, M. Marc-
Antoine, AJDA 2010. 1778, note C. Guérin-Bargues. Cette jurisprudence considère, en quelque sorte, que mieux vaut tard
que pas du tout et que les délais ont, en réalité, un caractère indicatif et non impératif. Mais l'Administration ne doit pas
abuser de cette faculté et, on l'a vu, le Conseil d'État n'hésite pas, dans certains cas, à prononcer des astreintes pour l'obliger,
par exemple, à prendre les décrets d'application de la loi (v. ss 346).

437 D. La motivation des décisions 832 ◊ L'Administration française était traditionnellement dominée par le principe du
secret 833. Ceci n'est pas acceptable de la part d'une Administration qui se veut démocratique. Très heureusement, à partir des
années 1970, on a assisté à une sorte de renversement du centre de gravité du droit administratif. Alors que dans la période
de « construction » il avait paru nécessaire de mettre l'accent sur les droits et prérogatives à reconnaître à l'Administration, il
est apparu que celle-ci, si l'on peut dire, était maintenant suffisamment « armée » et que le moment était venu de se soucier
de conforter les droits des administrés face à l'Administration. À ce mouvement correspondent toute une série de réformes :
– loi du 17 juillet 1978 sur la communication des documents administratifs (v. ss 441) ; – loi du 6 janvier 1978 relative à
l'informatique et son décret d'application du 20 octobre 2005, qui permet à toute personne de connaître, et, le cas échéant, de
contester les informations nominatives la concernant qui figurent dans un fichier automatisé, sous le contrôle de la
Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) 834 ; création d'autorités administratives indépendantes
(v. ss 96).
C'est dans ce cadre que s'inscrivait la loi du 11juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à
l'amélioration des relations entre l'administration et le public.
Le problème peut se poser très simplement : toute décision repose nécessairement sur un certain nombre de motifs, c'est-
à-dire de raisons de fait et de droit qui la fondent, sinon ce serait le plus parfait arbitraire. La motivation c'est l'explicitation,
dans la décision, des motifs de celle-ci.
A priori, on ne voit pas ce qui pourrait justifier le refus de l'Administration de motiver ses décisions. Elle est réputée de
bonne foi : pour un certain nombre de raisons, de fait et de droit, elle a estimé que, sur la base du principe de légalité, elle
pouvait ou elle devait prendre la décision intervenue. Elle n'a rien à cacher et ce devrait donc être une sorte de mouvement
naturel que d'expliciter le bien fondé, à ses yeux, de la décision prise, en la motivant. Bien plus, refuser de le faire, n'est-ce
pas accréditer l'idée que la décision repose sur des motifs « inavouables » ? Invoquer la perte de temps (?) que provoquerait
la nécessité de motiver est fallacieux. Ce qui se conçoit clairement, s'énonce clairement… et sans délai !
Cela ne rend que plus injustifiable la situation qui existait avant la loi de 1979.
1o Le droit positif avant la loi de 1979 835. Avant 1979, le Conseil d'État s'était toujours refusé à ériger en principe
général du droit l'obligation pour l'Administration de motiver ses décisions : CE, Sect., 26 janv. 1973, Lang, D. 1973. 606,
note Pacteau ; CE 19 févr. 1975, Foueré, D. 1975.435, note Pacteau. En revanche, le juge administratif se réservait la
possibilité, s'il l'estimait nécessaire, de demander à l'auteur d'un acte attaqué, de lui en révéler les motifs (v. ss 704). Mais
cette obligation, liée à l'exercice d'un recours, n'existait qu'au profit du juge.
Il y avait peu de textes imposant expressément la motivation. Dans le silence de ceux-ci, le Conseil d'État avait seulement
décidé que les décisions d'un organisme professionnel devaient être motivées « en raison de la nature, de la composition et
des attributions de cet organisme » : CE, Ass., 27 nov. 1970, Agence maritime Marseille-Fret, RD publ. 1971. 987, concl.
Gentot. Il a étendu cette obligation à d'autres organismes : CE 13 novembre 1974, Guizelin, AJDA 1975. 32 ; CE, Ass.,
29 juin 2001, Goullier et Sté Jetline Inc. et Association Jetline AAA, Rec. 291.
2o La loi du 11 juillet 1979 836. La loi du 11 juillet 1979 mettait fin à une situation abusive, qui aggravait le caractère
autoritaire de la décision exécutoire, dans le cas où elle s'avérait particulièrement choquante. Mais la loi ne venait pas poser
un principe général de motivation des décisions de l'Administration : elle énumérait un certain nombre de décisions qui,
dorénavant, devront être motivées, les solutions acquises précédemment n'étant pas remises en cause.
3° L'Ordonnance du 23 octobre 2015. Elle abroge la loi du 11 juillet 1979 et la motivation des actes administratifs est
désormais régie par le CRPA.
a) Les décisions devant être motivées :
L'art. L. 211-2 CRPA affirme le droit pour toutes les personnes physiques ou morales « d'être informées sans délai des
motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent ». À cet effet il cite les décisions qui
doivent être motivées, ce qui, a contrario, signifie bien qu'il n'y a pas de principe général de motivation. Il s'agit des
décisions qui : – restreignent l'exercice des libertés publiques ou constituent une mesure de police ; – infligent une sanction ;
– subordonnent l'octroi d'une décision à des conditions restrictives ou imposent des sujétions ; – retirent ou abrogent une
décision créatrice de droits ; – opposent une prescription, une forclusion ou une déchéance ; – refusent un avantage dont
l'attribution constitue un droit ; – refusent une autorisation ; – rejettent un recours administratif dont la présentation est
obligatoire. L'art. L. 211-3 ajoute que doivent également être motivées « les décisions administratives individuelles qui
dérogent aux règles générales fixées par la loi ou le règlement ». Des décrets en Conseil d'État doivent préciser, en tant que
de besoin, ces catégories de décisions.
A contrario, cela veut dire que n'ont pas à être motivés les actes réglementaires et les actes individuels ni défavorables,
ni dérogatoires.
Dans tous ces cas, la non motivation entraîne l'illégalité de la décision pour vice de forme. Il n'en va autrement que
lorsqu'un secret protégé par la loi (secret de la Défense nationale) interdit la révélation des motifs, lorsque l'extrême urgence
y fait obstacle, ou encore lorsqu'il s'agit d'une décision implicite résultant du silence de l'administration. Mais, dans ces deux
derniers cas l'auteur de la décision doit, sur demande de l'intéressé, lui en faire connaître les motifs dans le mois : v. CE
10 janv. 2007, CNOF, AJDA 2007. 766, jurisprudence codifiée à l'art. L. 211-6 CRPA.
b) Le contenu de la motivation
Selon l'art. L. 211-5 CRPA, « la motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énonciation des
considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ». Cette disposition ne fait que codifier la
jurisprudence du Conseil d'État (CE, 26 janv. 1968, Sté Maison Genestal, Rec. 62, Concl. Bertrand) qui avait déjà été reprise
par l'art. 3 de la loi du 11 juillet 1979. Le Conseil d'État ajoutait que cela voulait dire que l'intéressé puisse en avoir
connaissance à la seule lecture de la décision : CE, 17 novembre 1982, Kairenga, Rec. 385. Pour des motivations jugées non
satisfaisantes : CE, Sect. 24 juill. 1981, Belasri, AJDA 1981.473 ; 3 nov. 1982, Mugler, AJDA 1983.328 ; 9 févr. 2001,
Michel, Rec. 51 837.
« Lorsque l'urgence absolue a empêché qu'une décision soit motivée, le défaut de motivation n'entache pas d'illégalité
cette décision. Toutefois, si l'intéressé en fait la demande dans les délais du recours contentieux, l'autorité qui a pris la
décision devra, dans un délai d'un mois, lui en communiquer les motifs » (CRPA, art. L. 211-6). Les art. L. 211-7 et 8 posent
des règles spécifiques à certains organismes (notamment pour la sécurité sociale).
L'ensemble de ces dispositions visent donc à empêcher toute fraude à la loi 838

SECTION 5. L'APPLICATION DE LA DÉCISION EXÉCUTOIRE


C'est dans ses effets que la décision exécutoire porte le plus nettement la marque de la puissance publique : non seulement
l'Administration peut modifier unilatéralement la situation juridique des particuliers, mais elle dispose, de surcroît,
d'importants privilèges pour l'application de la décision exécutoire 839.

§ 1. L'entrée en vigueur 840

438 La décision exécutoire est juridiquement parfaite dès sa signature par l'autorité administrative. C'est donc à la date de la
signature qu'il faut se placer pour apprécier la compétence ratione temporis de son auteur et, plus généralement, sa légalité.
Mais si l'acte est accompli, il ne deviendra opposable aux administrés que lorsque ceux-ci auront eu la possibilité, au
moins théoriquement, d'en prendre connaissance. C'est la publicité faite à l'acte qui va le rendre opposable. Celle-ci fait
l'objet de longues dispositions du CRPA. Elle n'est pas la même selon qu'il s'agit d'un acte réglementaire ou d'un acte
non réglementaire.

439 A. La publication des actes réglementaires ◊ L'acte réglementaire étant impersonnel la publicité le concernant
ne peut être qu'impersonnelle.
Aux termes de l'art. L. 221-2 CRPA : « L'entrée en vigueur d'un acte réglementaire est subordonnée à l'accomplissement
de formalités adéquates de publicité, notamment par la voie, selon les cas, d'une publication ou d'un affichage, sauf
dispositions législatives ou réglementaires contraires ». L'art. L. 221-9 indique que sont publiés au Journal Officiel de la
République Française (JORF) « les lois, les ordonnances accompagnées d'un rapport de présentation, les décrets et,
lorsqu'une loi ou un décret le prévoit, les autres actes administratifs ». Cette publication était assurée le même jour et dans
des conditions de nature à garantir leur authenticité, sur papier et sous forme électronique, mais la loi organique et la loi du
22 décembre 2015 portent dématérialisation du JO 841. La publication peut également intervenir dans les BO des différentes
administrations…
Un acte réglementaire publié selon ces modalités entre en vigueur le lendemain de celles-ci, sauf à ce qu'il en soit disposé
autrement par la loi, par l'acte réglementaire lui-même, ou par un autre règlement. Mais l'entrée en vigueur de celles de ses
dispositions dont l'exécution nécessite des mesures d'application est reportée à la date d'entrée en vigueur de ces mesures
(CRPA, art. L. 221-2). Les actes publiés au JORF entrent en vigueur dans les conditions prévues à l'art. 1er du Code civil 842,
à la date qu'ils fixent ou, à défaut le lendemain de leur publication, sauf le cas d'urgence (CRPA, art. L. 221-3). La
publication au JO sous forme électronique suffit à assurer l'entrée en vigueur de certaines catégories d'actes administratifs
(CRPA, art. L. 221-11) ; l'art. R.221-12 CRPA en donne la liste. L'art L. 221-14 prévoit que certains actes (par exemple, ceux
relatifs à l'état et à la nationalité des personnes) ne peuvent pas faire l'objet d'une telle publication ; l'art. R. 221-15 en donne
la liste.
L'autorité administrative est tenue d'édicter des mesures transitoires lorsque l'application immédiate d'une nouvelle
réglementation est impossible ou entraîne une atteinte excessive aux intérêts publics ou privés en cause. Celles-ci peuvent
prévoir une date d'entrée en vigueur différée, préciser les conditions d'application de la nouvelle réglementation ou énoncer
des règles particulières pour régir la transition entre l'ancienne et la nouvelle réglementation (CRPA, art. L. 221-5 et 6).
Les articles L. 222-1 et s. fixent les règles applicables aux actes des collectivités territoriales et de leurs
établissements publics.
Quel que soit le mode de publication utilisé 843, le système repose sur l'adage « Nul n'est censé ignorer la loi ». Il n'y a pas
moyen de raisonner autrement, mais il y a là un bien grand artifice puisque, dans la pratique, chacun ignore trop souvent la
loi même s'il est abonné à Internet !

440 B. La notification des actes non réglementaires ◊ Puisque l'on connaît nominativement les personnes
concernées par la décision, on utilise la notification, c'est-à-dire l'envoi à chacune de celles-ci d'un exemplaire de la
décision 844. La règle est formulée par l'art. L. 221-8 CRPA : « Sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires ou
instituant d'autres formalités préalables, une décision individuelle expresse est opposable à la personne qui en fait l'objet au
moment où elle est notifiée ».
La notification doit mentionner, à peine de nullité, le délai du recours (CE, Sect., 13 mars 1998, A.P. Hôpitaux de Paris,
RFDA 1999. 390).
La publicité est très importante car elle fait courir le délai du recours contentieux.

§ 2. L'accès aux documents administratifs 845

441 Le problème de l'accès aux documents administratifs touche à celui de la publicité des actes administratifs, puisque, dans les
deux cas, il s'agit de porter des documents à la connaissance du public.
La liberté d'accès aux documents administratifs avait été proclamée par la loi du 17 juillet 1978, qui avait été
complètement refondue par la loi du 12 avril 2000 (art. 7) et par l'ordonnance 2005-650 du 6 juin 2005 846. Désormais l'accès
aux documents administratifs est régi par de longues dispositions tant législatives que réglementaires du CRPA 847. Le
Conseil d'État a intégré le droit d'accès aux documents administratifs parmi les garanties fondamentales pour « l'exercice des
libertés publiques » au sens de l'article 34 de la Constitution : la matière est donc législative : CE 29 avril 2002, Ullmann,
RFDA 2003. 135, concl. Piveteau 848.
Il faut déterminer quels sont les documents communicables, et décrire la procédure de communication.

442 A. Les documents communicables ◊ Le CRPA pose un principe et lui apporte plusieurs exceptions.
1o Le principe. Le principe est celui du libre accès de tous aux documents administratifs non nominatifs et celui de la
communication des documents nominatifs aux seules personnes concernées (art. L. 311-6 CRPA qui précise les documents
communicables aux seuls intéressés).
Les documents communicables sont ceux qui émanent de l'État, des collectivités territoriales, des établissements publics
ou des organismes de droit public ou privé chargés de la gestion d'un service public 849 (CRPA, art. L. 300-2). Selon l'art.
L. 311-2 CRPA, le droit à communication ne s'applique qu'à des documents achevés, une exception étant cependant prévue
pour certains avis. Lorsqu'une administration est saisie d'une demande de communication portant sur un document qu'elle ne
détient pas mais qui est détenu par une autre administration, elle la transmet à cette dernière et en avise l'intéressé 850.
2o Les exceptions. Codifiant assez largement la jurisprudence du Conseil d'État, l'art. L. 311-5 CRPA décide que ne sont
pas communicables les avis du Conseil d'État, des juridictions administratives, certains documents des juridictions
financières ainsi que certains documents élaborés ou détenus par l'Autorité de la Concurrence. Sont également exclus les
documents dont la communication porterait atteinte : – au secret des délibérations du Gouvernement ; – au secret de la
Défense nationale ; – à la conduite de la politique extérieure de la France ; – à la sûreté de l'État, à la sécurité publique ou à
la sécurité des personnes ; – à la monnaie et au crédit public ; – au déroulement des procédures engagées devant les
juridictions ; – à la recherche des infractions fiscales et douanières.

443 B. La procédure de communication ◊ Elle est régie par les art. L. 311-9 et 14, R. 311-10 et s. du CRPA.
Les administrations sont tenues de désigner une personne responsable de l'accès aux documents administratifs. Les
documents sont communicables de plein droit à toute personne qui en fait la demande. La consultation a lieu sur place et est
gratuite et le demandeur a le choix du mode d'accès aux documents (CRPA, art. L. 311-9). Pour les documents médicaux, ils
ne sont communiqués que par l'intermédiaire d'un médecin désigné par l'intéressé.
Au cas de refus, exprès ou implicite, l'intéressé dispose d'un délai de deux mois pour solliciter l'avis de la Commission
d'accès aux documents administratifs qui est une Autorité administrative indépendante (CADA) 851. Celle-ci dispose d'un
mois pour donner son avis, et au vu de celui-ci l'Administration dispose d'un délai d'un mois pour informer la CADA de la
suite qu'elle donne à son avis (CRPA, art. R. 343-3). On ne confond donc pas vitesse et précipitation ! Ce n'est qu'à
l'expiration de ce délai que l'administré peut former, le cas échéant, un recours pour excès de pouvoir, sur lequel il devra être
statué dans les six mois. La saisine de la CADA est un préalable nécessaire au recours pour excès de pouvoir (CRPA, art.
L. 342-1). On peut regretter la lourdeur de cette procédure de nature, le cas échéant, à retarder considérablement la
communication du document si l'administration ne le désire pas. Le rapport annuel de la CADA en donne des exemples ;
celui de l'année 2013 indique que la CADA a reçu 5306 demandes d'avis en 2012 et regrette que l'administration ne soit pas
plus coopérative 852. Il arrive également que le juge administratif ait une position trop restrictive en ce qui concerne la notion
de document communicable : CE 2 déc. 1987, Pokorny, Rec. 392.
Les autorités de l'Union européenne ont également organisé l'accès aux documents communautaires (AJDA 1996. 742).

§ 3. L'absence de rétroactivité 853

444 L'acte ne produit d'effet que pour l'avenir : c'est la règle de la non-rétroactivité des actes administratifs dont le Conseil d'État
a fait un principe général du droit (CE, 25 juin 1948, Sté du journal« L'Aurore », GAJA, no 57). L'administration ne peut faire
remonter l'effet de son acte au-delà de la date à laquelle il intervient que lorsque la loi l'y a autorisée expressément ; à défaut,
le juge annule la décision en tant qu'elle prétend rétroagir. Le Conseil constitutionnel a confirmé cette solution, en excluant la
rétroactivité du champ de la compétence réglementaire (24 oct. 1969, AJDA 1969. 693), alors qu'il reconnaît au législateur,
sauf en matière pénale, la possibilité d'adopter des dispositions rétroactives (22 juill. 1980, AJDA 1980. 480).
La règle de non-rétroactivité doit cependant être mise en échec lorsqu'un acte est annulé par le juge à la suite d'un recours
pour excès de pouvoir : dans ce cas, l'exécution du jugement oblige parfois l'administration, tenue de rétablir la situation
comme si l'acte annulé n'était jamais intervenu, à prendre, pour ce faire, des décisions rétroactives. 854. V. par ex. CE, Sect.
28 avr. 2014, Mme Anchling, Rec. 97, Concl. Nicolazo de Barmon et AJDA 2014. 1264, Chr. Bretonneau et Lessi.

§ 4. Les effets de la décision exécutoire

445 Non seulement la décision exécutoire bénéficie du privilège du préalable, mais, le cas échéant, l'Administration peut recourir
à l'exécution forcée de ses propres décisions. On a également vu se multiplier les hypothèses où l'Administration peut se faire
justice à elle-même en infligeant des sanctions administratives.

446 A. Le privilège du préalable 855


◊ La décision exécutoire bénéficie, avant toute vérification par le juge, d'une
présomption de conformité au droit. II en découle un certain nombre de conséquences.
1o L'affirmation de la situation juridique nouvelle crée immédiatement cette situation. Le particulier visé par la décision se
trouve, dès qu'elle est intervenue, titulaire du droit ou de l'obligation qu'elle a entendu établir : il est créancier, ou débiteur,
tenu de faire ou de ne pas faire, investi d'un statut nouveau, etc.
2o Le particulier ne peut faire tomber la présomption de légalité qui autorise cet effet qu'en faisant, devant le juge, la
preuve de la non-conformité de la décision au droit, normalement par le recours pour excès de pouvoir, éventuellement par le
jeu de l'exception d'illégalité (v. ss 651).
3o Mais, d'une part, le recours n'est pas suspensif : sauf si le juge, saisi, ordonne la suspension de la décision (v. ss 702),
elle produit son plein effet jusqu'au moment où son illégalité, constatée par le juge, en entraîne l'annulation qui, de ce fait,
aura une portée rétroactive. D'autre part, l'administration est, au recours, en situation de défenderesse : il appartient au
particulier de faire la preuve de l'illégalité qu'il affirme, sous la seule réserve des atténuations que peut apporter à cette règle
le pouvoir d'instruction qui appartient au juge administratif (v. ss 704).
On désigne en général par privilège du préalable la situation ainsi faite à l'administration du fait de l'autorité qui s'attache
à sa décision préalablement à toute vérification par le juge. Le doyen Vedel utilise l'expression « autorité de chose
décidée 856 », par analogie avec l'autorité de chose jugée.

447 B. L'exécution forcée ◊ Faut-il permettre à l'Administration de cumuler les privilèges ? La décision exécutoire
bénéficie déjà du privilège du préalable ; peut-on aller encore plus loin en autorisant, le cas échéant, l'Administration à
recourir à la force pour obtenir l'exécution de ses décisions ? Cela peut paraître redoutable, mais peut-on accepter qu'un
administré puisse, en toute impunité, refuser d'exécuter une décision de l'Administration ? De ce point de vue, il faut
distinguer plusieurs situations de fait.

448 Les diverses hypothèses ◊ En ce qui concerne l'exécution d'une décision, trois cas peuvent se présenter :
1o L'exécution incombe, en totalité ou en partie, à l'administration elle-même. Dans ce cas, il lui appartient de prendre
toutes les mesures nécessaires : par exemple, versement de la subvention que la décision a accordée, cessation du paiement
du traitement d'un fonctionnaire après décision de révocation, etc.
2o La décision a accordé au particulier un droit ou une faculté (par ex. autorisation d'occuper une parcelle du domaine
public, permis de construire, permis de chasser) : dans ce cas, c'est au particulier qu'il appartient d'user de son droit,
l'administration étant seulement tenue de ne pas y faire obstacle.
3o La décision met à la charge d'un particulier une obligation. C'est le problème le plus difficile ; dans ce cas, en effet, le
particulier pourrait vouloir faire échec à l'exécution, qui ne dépend que de lui. Comment l'administration peut-elle le
contraindre à l'obéissance ?
449 L'exécution des obligations par les particuliers 857
◊ 1o Le principe fondamental, qui découle de la
présomption de légalité ci-dessus rappelée, est que le particulier est tenu d'exécuter 858 : l'administration n'a jamais besoin,
pour l'y contraindre, de se faire délivrer par le juge un titre exécutoire, comme le font les particuliers entre eux. C'est ce
caractère que met en plein relief le terme même de décision exécutoire.
2o Normalement, l'administration compte, pour vaincre les désobéissances éventuelles, sur la crainte de la sanction
pénale : le particulier, s'il refuse d'exécuter, est traduit devant le juge répressif, qui le condamne à la peine prévue. On espère
que cette perspective suffira à le maintenir dans l'obéissance.
3o Bien entendu, cette voie suppose, conformément à la règle fondamentale de la répression pénale, nulla poena sine lege,
qu'un texte ait érigé en infraction pénale la désobéissance à la décision administrative, et précisé la sanction correspondante.
C'est le cas pour les règlements de police, dont l'article R. 26-15o du Code pénal, devenu dans le nouveau Code pénal l'article
R. 610-5o, prévoit la sanction ; des textes particuliers font de même en ce qui concerne certaines autres catégories
de décisions.
4o À côté de la sanction pénale, l'Administration peut prévoir des sanctions de caractère administratif (v. ss 451) dont la
crainte doit avoir le même effet indirectement contraignant, crainte d'autant plus fondée que, comme on le verra,
l'administration est en l'espèce juge et partie (par exemple, retrait du permis de conduire par le préfet).
5o Il peut arriver soit que la crainte ou même l'application des sanctions pénales ou administratives ne suffisent pas à
entraîner l'obéissance du particulier, soit qu'aucun texte n'ait édicté de telles sanctions à l'égard d'une certaine catégorie de
décisions, soit enfin que l'urgence ne permette pas d'attendre le jeu de la répression pénale, et exige une exécution
immédiate. Dans ces cas, l'administration dispose d'une arme particulièrement énergique : elle peut mettre la contrainte au
service de l'exécution de sa décision. Si celle-ci n'est pas rigoureusement personnelle, de telle sorte que l'administration
puisse y procéder à la place du particulier défaillant, elle se substituera à lui, et exécutera d'office (ex. : enlèvement d'une
voiture en stationnement irrégulier sur la voie publique) ; si l'exécution implique un acte strictement personnel (ex. : ordre de
réquisition d'un immeuble obligeant l'occupant à vider les lieux), elle pourra user, contre le contrevenant, de la contrainte
matérielle : c'est alors l'exécution forcée proprement dite.

450 Conditions du recours à la contrainte 859


◊ Exécution d'office et exécution forcée, entre lesquelles la
jurisprudence ne paraît pas distinguer, constituent certes de graves menaces pour la sécurité juridique des particuliers.
Pourtant, on ne peut laisser l'administration désarmée en présence de la résistance des intérêts privés. Certaines lois ont
tranché le problème en autorisant expressément l'exécution forcée dans les domaines auxquels elles se rapportent. En dehors
de ces hypothèses exceptionnelles, et dans le silence des textes, la jurisprudence, si elle autorise l'exécution par la contrainte,
l'enferme dans des conditions précises, qui ont été systématisées dans les conclusions du commissaire du gouvernement
Romieu, à l'occasion d'un arrêt du Tribunal des conflits du 2 déc. 1902, Société immobilière de Saint-Just (GAJA, no 10 ;
Rec. 713, avec les conclusions) :
1o La décision à exécuter doit avoir sa base dans un texte de portée générale.
2o L'administration doit se heurter à une résistance, active ou passive : sinon, le recours à la contrainte serait une
vexation inutile.
3o La résistance ne peut être vaincue par d'autres moyens, soit que les textes ne prévoient pas de sanctions pénales (c'était
le cas dans l'affaire précitée, Société de Saint-Just, relative à une expulsion de religieux en exécution de la loi de 1901 sur les
congrégations, qui avait omis de prévoir les sanctions), ni de sanctions administratives (CE 23 janv. 1925, Anduran, D. 1925.
III. 43, concl. Josse), soit que les sanctions déjà mises en œuvre soient restées inefficaces.
4o L'urgence remplace, à elle seule, les conditions précédentes : elle autorise toujours l'exécution d'office ou forcée, même
sans résistance à vaincre et sans recours préalable à la sanction pénale. C'est la célèbre formule de Romieu : « quand la
maison brûle, on ne va pas demander au juge l'autorisation d'y envoyer les pompiers ». Le cas échéant c'est au juge qu'il
reviendra de vérifier s'il y avait bien urgence. Elle autorise même l'administration à agir d'office sans avoir, au préalable, pris
une décision exécutoire qui se serait heurtée à la désobéissance du particulier. C'est le cas pour la saisie d'un journal ou la
lacération d'affiches, jugés dangereux pour l'ordre public : l'administration procède à ces opérations sans avoir, au préalable,
donné ordre aux intéressés de retirer le journal ou de détruire les affiches ; la mesure prise n'est pas motivée par une
désobéissance ; il y a, non pas exécution, mais action d'office (T. confl., 12 mai 1954, Office publicitaire de France, JCP,
1954. II, no 8382, note Rivero).
5o En toute hypothèse, et même dans le cas précédent, les mesures prises ne doivent pas dépasser le but cherché (T. confl.,
8 avr. 1935, Action Française, Rec. 1226, Concl. Josse) : irrégularité de la saisie d'un journal dans l'ensemble du département
de la Seine, les troubles qui avaient provoqué cette saisie étant localisés au centre de Paris.
6o L'extension du domaine réglementaire réalisée par la Constitution de 1958 a eu, sur cette théorie, certaines
répercussions : désormais, la détermination des contraventions et des peines qui leur sont applicables relève, non plus de la
compétence législative, mais du pouvoir réglementaire 860 (CE 12 févr. 1960, Sté Eky, D. 1960. J. 263). Sur la divergence qui
s'est manifestée à propos de l'étendue de cette compétence réglementaire entre le Conseil d'État et le Conseil constitutionnel,
cf. v. ss 327. Par contre, il n'apparaît pas que l'administration ait acquis le pouvoir de s'autoriser elle-même, par voie
réglementaire, à recourir à l'exécution forcée : ce recours, en effet, porte nécessairement atteinte aux libertés publiques ou à
la propriété, que l'article 34 maintient dans le domaine législatif.
7o Lorsque ces conditions sont réunies l'exécution forcée est simplement possible, mais non obligatoire. D'autre part, elle
n'autorise pas n'importe quoi : l'exécution forcée doit être limitée au strict minimum indispensable : nous retrouvons ici la
nécessité de l'adaptation des moyens aux fins, que l'on a appelé le principe de proportionnalité 861.
8o L'exécution se fait toujours aux risques et périls de l'Administration. Si, ultérieurement, le juge administratif estime que
l'exécution était illégale, la responsabilité de l'Administration sera engagée : CE 17 févr. 1903, Zimmermann, S. 1905. 3. 17,
note Hauriou. Si elle porte atteinte à la propriété privée ou à une liberté publique elle pourra constituer une voie de fait
(v. ss 609) relevant de la compétence du juge judiciaire : CE, Sect., 10 oct. 1969, Consorts Muselier, Notes Waline, Tome 1,
no 89.

451
C. Les sanctions administratives 862 ◊ Alors que les sanctions administratives étaient, jadis, assez peu fréquentes,
elles se sont multipliées depuis quelques décennies. Selon l'expression de René Chapus « la sanction administrative est à la
mode » (Droit administratif, Tome 1, no 1354). Fréquemment le pouvoir d'infliger de telles sanctions est remis à des autorités
collégiales, ayant le plus souvent statut d'autorités administratives indépendantes (v. ss 96) : Autorité de la concurrence,
Conseil supérieur de l'audiovisuel, Commission de contrôle des assurances, Autorité des marchés financiers, Agence
française de lutte contre le dopage. Or, ceux-ci ont le pouvoir de prononcer de très lourdes sanctions financières. Les
ministres ont également, très souvent, le pouvoir d'infliger des « amendes administratives ».
Le phénomène était d'autant plus grave que, initialement, les textes autorisant les sanctions n'organisaient aucune
procédure sérieuse destinée à donner des garanties aux administrés.
La situation est maintenant beaucoup moins inquiétante. Naturellement, les sanctions administratives ne sont possibles
que si un texte les prévoit (CE, Ass., 30 mars 1962, Bertaux, Rec. 237). En ce qui concerne les textes applicables : CE, Sect.,
17 nov. 2006, Sté CNP Assurances, Rec. 473. Puisque la sanction administrative porte atteinte aux libertés il serait
souhaitable qu'elle ne puisse être instituée que par une loi. Il n'en est rien – et on peut le regretter – puisque l'application des
art. 34 et 37 C n'exclut pas nécessairement toute compétence réglementaire en la matière. Sur la ligne de partage entre
compétence législative et réglementaire v. CE, Sect., 18 juill. 2008, Féd. de l'hospitalisation privée, Rec. 290, Concl.
Derepas, AJDA 2008. 1812, chron. Geffray et Liéber. En second lieu on applique le principe de la légalité des délits et des
peines (v. Cons. const. 17 janv. 1989, Loi relative à la communication, p. 18 ; Cons. const., 13 août 1993, Loi relative à la
maîtrise de l'immigration, RFDA 1993. 871, note B. Genevois ; CE, Ass., 7 juillet 2004, Min. de l'Intérieur c/ Benkerrou,
Rec. 297, concl. Guyomar). Il résulte également de la décision du 13 août 1993 que l'on applique aux sanctions
administratives les dispositions de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (« la loi ne doit établir que
des peines strictement et évidemment nécessaires ») : v. également : CE 17 mars 1997, Office des migrations internationales,
Rec. 86. Le principe du respect des droits de la défense s'applique (CE 30 janv. 2008, Sté Laboratoires Mayoly Spindler,
AJDA 2008. 227 ; mais pour une réserve sur ce point : CE 30 janv. 2012, AJDA 2012. 1054, concl. D. Boghetti) et le juge
administratif n'hésite pas à exercer un contrôle de la nécessité de la sanction infligée : CE, Ass., 1er mars 1991, Le Cun,
RDFA 1991. 613, concl. de Saint-Pulgent. Il en va de même du principe de la personnalité des peines : CE, Sect., 22 nov.
2000, Sté Crédit agricole Indoz Cheuvreux, Rec. 357, concl. Seban ; CE, Sect., 6 juin 2008, Sté Tradition Securities and
Futures, Rec. 189, Concl. Guyomar. 863 Pour une décision où le juge, en matière de sanctions administratives, se substitue au
pouvoir réglementaire déficient en ce qui concerne le régime juridique applicable : CE, Sect., 25 févr. 2005, Mme Barbier,
LPA 2006, no 139, Note A. Haquet (v. ss 348).
Le recours à l'encontre d'une sanction administrative infligée par l'Administration relève désormais du plein contentieux,
ce qui permet, par exemple, de faire profiter le requérant de la loi la plus douce (rétroactivité in mitius) : CE, Ass. 16 février
2009, Sté Atom, RFDA 2009. 259, Concl. Legras et AJDA 2009. 583, chron. Liéber et Botteghi.
En dépit de cette évolution, qui était absolument indispensable, il est permis de s'interroger sur la légitimité d'un
processus dans lequel l'Administration est tout à la fois juge et partie.

SECTION 6. LA FIN DE LA DÉCISION EXÉCUTOIRE 864

452 La question ◊ Comment disparaissent les décisions exécutoires ? Il n'y a aucun problème si l'acte fixe lui-même la durée
de son application. L'arrivée du terme figurant dans l'acte entraîne sa disparition.
Dans le cas contraire, il est de principe que la décision s'applique sans limitation de durée ; il n'y a pas de caducité des
actes administratifs, et pas d'abrogation par le non-usage : CE, Sect., 27 sept. 2006, Cté d'agglomération de Montpellier, RD
publ. 2007. 595, chron. Guettier.
Pour mettre fin à l'acte il faut donc un acte exprès, soit du juge (annulation sur excès de pouvoir) soit de l'Administration,
spontanément ou sur présentation d'un recours administratif (v. ss 555).
Lorsque l'Administration met fin à une de ses décisions, elle peut vouloir donner à son geste une portée variable : par
l'abrogation, elle entend faire disparaître la décision pour l'avenir, soit en la remplaçant par une décision différente (dans ce
cas l'abrogation peut être tacite et résulter de la contrariété entre l'ancienne et la nouvelle décision), soit en la supprimant
purement et simplement. Par le retrait, l'administration rapporte la décision de façon rétroactive, à compter donc du jour où
elle est intervenue : elle entend en faire disparaître totalement les effets comme peut le faire le juge qui annule une décision
illégale sur recours pour excès de pouvoir. La pratique, à tort, utilise parfois indifféremment le mot « retrait » pour ces deux
séries d'effets qui doivent être soigneusement distingués.
Avant d'étudier le retrait et l'abrogation on recensera les données qui commandent les solutions du droit positif.

453 Les données du problème ◊ Il s'agit de concilier, une fois de plus, l'intérêt de l'Administration et celui
des administrés.
Il faut, en premier lieu, reconnaître à l'Administration le pouvoir d'admettre qu'elle a commis une erreur – en toute bonne
foi – ou que les circonstances ayant présidé à la décision s'étant modifiées, elle doit pouvoir modifier ou retirer la décision
initiale (v. ss 348).
Mais, à l'inverse, il est impossible de reconnaître à l'Administration un pouvoir discrétionnaire pour modifier ses
décisions. En effet, lorsque les administrés agissent, ils se fondent sur les décisions de l'Administration : ils ont donc besoin
d'une certaine stabilité des situations juridiques, de sécurité juridique.Dans la pratique, le problème de la disparition ou de la
modification des décisions exécutoires est commandé par une double distinction qui constitue les variables du problème.
1o L'acte a ou non créé des droits au profit des administrés. Naturellement, il n'y a pas d'inconvénient à faire disparaître
un acte qui n'a pas créé de droits 865. Une décision qui crée des droits est une décision qui confère, soit au destinataire de
l'acte, soit indirectement à un tiers (par exemple, au fonctionnaire nommé au poste rendu vacant par la révocation du
titulaire), une situation juridique plus favorable que sa situation précédente. Les règlements, puisqu'ils disposent par voie
générale et impersonnelle, ne sont donc jamais pris dans l'intérêt de telle ou telle personne, et ne font donc pas acquérir de
droits. V. : concl. Mayras sous, CE, Sect., 12 juin 1959, Synd. chrétien du ministère de l'Industrie et du Commerce, AJDA
1960. 62 ; CE 11 décembre 2013, AJDA 2014. 659.
La jurisprudence entend assez largement la notion de décision non créatrice de droit. Elle considère comme telle la
décision prise par une autorité inférieure : le supérieur, en vertu de son pouvoir hiérarchique, peut en opérer le retrait (CE
29 mars 1968, Manufacture de Pneumatiques Michelin, AJDA 1968. 342). Sur le problème de savoir si une décision délivrée
en exécution d'une décision de justice non définitive crée des droits : CE, 19 décembre 2014, Min. des Finances / Sté H&M
Hennes et Mauritz, AJDA 2015. 345, concl. Bretonneau.
À la suite d'un revirement de jurisprudence, le Conseil d'État juge maintenant qu'une décision administrative accordant un
avantage financier, même indu, crée des droits au profit de son bénéficiaire : CE, Sect., 12 oct. 2009, Fontenille, Rec. 360,
concl. Boulouis ; CE, Sect., 6 nov. 2002, Mme Soulier, RFDA 2003. 225, concl. Austry, note Delvolvé ; CE 25 juin 2012,
ONFCS, AJDA 2012. 1309, obs. de Montecler ; CE, Avis, 28 mai 2014, M. Le Mignon et M. Communal, Rec. 143, Concl.
Dacosta. Un acte obtenu par fraude ne crée pas de droits 866 : CE, Sect. 17 juin 1955, Silberstein, Rec. 334 ; CE, Sect.,
29 nov. 2002, A.P. Hôpitaux de Marseille, RFDA 2003. 234, concl. Bachelier, note Delvolvé ; CE 23 février 2009, Mme B. R.,
RFDA 2009. 226, note Melleray. Cette jurisprudence est codifiée à l'art. L. 241-2 CRPA.
2o L'acte est légal ou illégal. On comprend aisément que l'Administration puisse mettre fin plus facilement aux effets d'un
acte lorsque celui-ci est illégal que lorsqu'il est légal. On peut d'ailleurs se demander si un acte illégal est susceptible de
produire des effets et, on l'a vu (v. ss 348), l'Administration est tenue de faire droit à une demande d'abrogation d'un
règlement illégal.

454 Traditionnellement on exposait la fin de la décision exécutoire en étudiant successivement les règles concernant le retrait
rétroactif 867 puis celles de l'abrogation 868. Désormais l'ensemble de ces règles figurent aux articles L. 240-1 à L. 243-4 du
CRPA, qui sont applicables à compter du 1er juin 2016. Pour les étudier on suivra donc le plan adopté par les codificateurs
qui distinguent maintenant les décisions créatrices de droit et les actes réglementaires et les actes non réglementaires non
créateurs de droit.

455 1° Les décisions créatrices de droits ◊ En ce qui concerne les décisions créatrices de droits, le CRPA distingue
trois hypothèses : – l'abrogation ou le retrait à l'initiative de l'administration ou sur la demande d'un tiers ; – l'abrogation ou
le retrait sur demande du bénéficiaire ; – l'abrogation ou le retrait dans le cadre d'un recours administratif obligatoire. On les
examinera successivement.
A. L'abrogation ou le retrait à l'initiative de l'administration ou sur demande d'un tiers. « L'administration ne peut
abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers que si elle est illégale et
si l'abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision » (CRPA, art. L. 242-1). Il
faut donc distinguer le cas où l'acte est légal de celui où il est illégal.
1° Si l'acte est légal le retrait est impossible. C'est tout simplement l'application du principe général de non-rétroactivité
des actes administratifs. Lorsque l'acte est légal il n'y a aucune raison d'y déroger. Cela signifie que l'administration ne peut
pas retirer un acte pour simple raison d'inopportunité. De même l'abrogation d'un acte non réglementaire ayant créé des
droits est en principe impossible. C'est ce que l'on appelle l'intangibilité des effets individuels des actes administratifs : CE,
30 juin 2006, Sté Neuf Telecom SA, AJDA 2006. 1414. Il faut préciser la portée exacte de la règle. Cela ne veut pas dire que
la situation créée par l'acte serait immuable, ce qui serait tout à fait inacceptable. Cela veut dire qu'il ne peut y être mis fin
que par la procédure de l'acte contraire 869. Par exemple, pour destituer un fonctionnaire, on ne peut pas abroger purement et
simplement son décret de nomination. Il faut entreprendre la procédure de l'acte contraire, c'est à dire de la révocation. Cela
ne revient absolument pas au même car, dans cette dernière, le fonctionnaire bénéficiera de solides garanties.
2° Si l'acte est illégal le retrait est donc possible s'il intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de la décision.
Cette disposition de l'art. L. 242-1 n'est que la codification de la jurisprudence Ternon (CE, Ass. 26 oct. 2001, RFDA 2002.
77, Concl. Seners, GAJA, n° 102) 870. Cet arrêt avait abandonné l'ancienne jurisprudence qui voulait que le retrait soit
possible dans le délai du recours pour excès de pouvoir (CE, 3 nov. 1922, RD publ. 1922. 552, Concl. Rivet) ; on a donc
découplé le retrait du délai du recours pour excès de pouvoir. La jurisprudence qui s'était formée sur la base de l'arrêt Ternon
reste donc totalement d'actualité : V. CE, 3 oct. 2003, Mme Wetzschein, AJDA 2004. 107 ; CE, Sect. 14 mars 2008, Portalis,
Rec. 99, Concl. Boulouis et le commentaire « Droit mal acquis ne devrait pas toujours profiter » de B. Seiller (RFDA 2008.
931) ; CE, Sect., 6 mars 2009, Coulibaly, Rec. 79, Concl. de Salins et AJDA 2009. 817, Chr. Liéber et Botteghi ; CE, Sect.
12 oct. 2009, M. Fontenille, Rec. 360, concl. Boulouis et AJDA 2009. 2167, Chr. Liéber et Botteghi. L'acte peut être
remplacé rétroactivement : CE, 19 mars 2010, Synd. des Cies aériennes autonomes, AJDA 2010. 580.
3° Selon l'art. L. 2342-2 CRPA « Par dérogation à l'art. L. 242-1, l'administration peut, sans condition de délai :
1° abroger une décision créatrice de droits dont le maintien est subordonné à une condition qui n'est plus remplie ; 2° Retirer
une décision attribuant une subvention lorsque les conditions mises à son octroi n'ont pas été respectées ». (Pour le retrait
d'une subvention avant cette disposition : CE, 5 juill. 2010, Ch. de Commerce et d'Industrie de l'Indre, AJDA 2010. 1919,
obs. Glaser). Sur la base de l'arrêt Ternon le Conseil d'État avait jugé que le retrait était possible après un délai de quatre
mois sur la base d'une disposition expresse contraire : par ex. l'art. R. 436-6 C. trav. relatif aux licenciements (CE, 28 sept.
2005, Sté Soinne et associés, AJDA 2005. 1874). V. égal. : CE, Ass. 6 juill. 2005, Mme Corcia, AJDA 2005. 1541.
4° Depuis l'arrêt Ève (CE, 14 nov. 1969, Rec. 498, Concl. Bertrand) le Conseil d'État jugeait que les autorisations
implicites découlant de l'expiration d'un certain délai, même illégales, ne pouvaient pas être retirées. La règle contraire avait
été posée par l'art. 23 de la loi du 12 avril 2000 (v. CE, Avis, 12 oct. 2006, Mme Cavallo, Épouse Cronier, AJDA 2006. 2394,
Concl. Struillou) mais cet article est abrogé par le CRPA.
5° La trop grande complexité du droit positif gouvernant le retrait des actes administratifs créateurs de droits avait été
vivement critiquée. V. par ex. : Ph. Terneyre et J. Gourdou : « Proposition de loi visant à simplifier le régime du retrait des
décisions administratives créatrices de droits », Mélanges Genevois, p. 1033 ; on en trouvait un bel exemple – si l'on peut
dire – avec l'arrêt Sté Bretim (CE, Sect. 21 déc. 2007) rendu sur les conclusions contraires de M. Struillou (RFDA 2008. 471)
et les commentaires qu'appellait cet état du droit positif de la part de deux membres de la Haute Juridiction administrative
(AJDA 2008. 338, Chr. Boucher et Machureau). Reste à savoir si le CRPA permet une telle remise en ordre ?
B. L'abrogation et le retrait sur demande du bénéficiaire. « Sur demande du bénéficiaire de la décision,
l'administration est tenue de procéder, selon le cas, à l'abrogation ou au retrait d'une décision créatrice de droits si elle est
illégale et si l'abrogation ou le retrait peut intervenir dans le délai de quatre mois suivant l'édiction de la décision » (CRPA,
art. L. 242-3). L'abrogation ou le retrait ne doit pas porter atteinte aux droits des tiers et peut être favorable au bénéficiaire :
« Sur demande du bénéficiaire de la décision, l'administration peut, selon le cas et sans condition de délai, abroger ou retirer
une décision créatrice de droits, même légale, si son retrait ou son abrogation n'est pas susceptible de porter atteinte aux
droits des tiers et s'il s'agit de la remplacer par une décision plus favorable au bénéficiaire » (CRPA, art. L. 242-4). Le
Conseil d'État avait déjà jugé que le retrait d'un acte administratif était possible à tout moment à la demande de son
bénéficiaire si le retrait ne portait pas atteinte aux droits des tiers : CE 13 nov. 2006, France Télécom, AJDA 2006. 2204 ; CE
2 févr. 2011, Sté TV Numéric, AJDA 2011. 251.
C. Abrogation et retrait dans le cadre d'un recours administratif préalable obligatoire. « Lorsque le recours
contentieux à l'encontre d'une décision créatrice de droits est subordonné à l'exercice préalable d'un recours administratif et
qu'un tel recours a été régulièrement présenté, le retrait ou l'abrogation, selon le cas, de la décision est possible jusqu'à
l'expiration du délai imparti à l'administration pour se prononcer sur le recours administratif obligatoire » (CRPA, art. L.
242-5). Pour les cas où le recours administratif préalable est obligatoire (v. ss 620).

456 2° Les actes réglementaires et les actes non réglementaires non créateurs de droits. Pour ces actes le CRPA distingue le
cas de l'abrogation de celui du retrait.
A. L'abrogation. Un acte réglementaire ou un acte non réglementaire non créateur de droits peut être modifié ou abrogé
pour tout motif et sans condition de délai à la seule réserve, le cas échéant, des mesures transitoires nécessaires prévues à
l'art. L. 221-6 CRPA (CRPA, art. L. 243-1). L'abrogation des actes réglementaires est donc toujours possible, nul ne pouvant
s'opposer à la modification, pour l'avenir, d'une situation générale et impersonnelle. Pour que l'abrogation soit toujours
possible, l'administration ne peut jamais s'engager à maintenir un réglement, c'est à dire à renoncer à son droit d'abrogation :
CE, 25 juin 1954, Synd. Nat. de la Meunerie à seigle, D. 1955. 49, Concl. Donnedieu de Vabres. Selon un avis du Conseil
d'État du 10 janvier 2008, l'annulation contentieuse d'un texte qui en avait abrogé un autre a pour conséquence que le texte
initial est réputé n'avoir jamais cessé d'être en vigueur, mais l'abrogation d'un texte abrogateur n'est pas, par elle même, de
nature à faire revivre le texte initial (v. l'Avis ainsi que les commentaires du Conseiller Chauvaux in RDP 2009. 1299 et CE,
28 oct. 2009, Coopérative agricole l'Armorique maraîchère, Rec. 405). Enfin, comme on l'a déjà vu (v. ss 348)
l'administration a l'obligation d'abroger un réglement, ou un acte non réglementaire non créateur de droits, s'il est illégal ou
dépourvu d'objet (CRPA, art. L. 243-2).
B Le Retrait. Comme on l'a vu : « L'administration ne peut retirer un acte réglementaire ou un acte non réglementaire
non créateur de droits que s'il est illégal et si le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant cette édiction » (CRPA,
art. L. 243-3). Par dérogation à ce principe, l'administration peut toujours retirée une sanction qu'elle a infligée (CRPA, art.
L. 243-4). L'intéressé, bien sûr, ne peut qu'avoir des raisons de se féliciter d'une telle décision !

SECTION 7. LA VALIDITÉ DES DÉCISIONS EXÉCUTOIRES


Les décisions exécutoires ne peuvent produire leurs effets que si elles ont été valablement prises, c'est-à-dire dans le
respect du principe de légalité et conformément aux procédures et aux formes qui s'imposaient.
Leur validité pose deux problèmes : – celui des degrés dans l'invalidité ; – celui de la constatation de l'invalidité.

§ 1. Les degrés dans l'invalidité


On distingue l'inexistence, des nullités.

457 A. L'inexistence 871 ◊ L'acte inexistant est l'acte affecté d'un vice d'une gravité exceptionnelle. On en déduit qu'il n'y a,
en réalité, qu'une apparence d'acte mais pas véritablement un acte de l'Administration avec tout ce que cela implique. Dès
lors, il n'y a pas matière à annulation (comment annuler ce qui n'existe pas réellement ?) : le juge ne peut que constater un
état de fait, c'est-à-dire l'inexistence de l'acte mais un acte inexistant peut être suspendu : CE 26 janv. 2006, Cne de Neuville-
sur-Escaut, AJDA 2007. 229. L'acte sera déclaré « nul et de nul effet » ou encore « nul et non avenu » ; v. : CE 31 mai 1957,
Rosan Girard, GAJA, no 71 ; CE, Sect., 3 févr. 1956, de Fontbonne, Notes Waline, Tome 1, no 140 ; CE, Ass., 15 mai 1981,
Maurice, Rec. 221 ; CE, Sect. 18 janv. 2013, Syndicat de la Magistrature, Rec. 5. Il en résulte que cette constatation n'est
enfermée dans aucun délai.
Cette théorie ne doit être utilisée qu'avec la plus grande circonspection, et c'est ce qui explique les réticences de la
doctrine à son égard.

458 B. Les nullités 872 ◊ La décision entachée d'illégalité dans l'un de ses éléments est nulle. En droit civil on distingue les
nullités absolues, des nullités relatives. Les premières peuvent être invoquées par toute personne, alors que les secondes ne
peuvent l'être que par la ou les personnes que la règle méconnue est destinée à protéger.
Cette distinction s'applique-t-elle en droit administratif ? Il est bien certain que la plupart des nullités que l'on y rencontre
sont des nullités absolues. Mais, exceptionnellement, on peut trouver des nullités relatives. Ce sera le cas chaque fois que la
formalité qui a été méconnue était établie non dans l'intérêt des administrés, mais dans l'intérêt d'une administration
particulière : seule celle-ci peut se prévaloir de la nullité qui en résulte ; v. par ex. : CE 24 mai 1927, Level, Rec. 600 ; CE,
Ass., 17 févr. 1950, Moehrlé, D. 1950. 485, concl. Guionin.

§ 2. La constatation de l'invalidité
Elle peut être le fait : – soit de l'Administration ; – soit du juge.

459 A. La constatation par l'Administration elle-même ◊ L'Administration peut procéder elle-même à la


constatation de l'invalidité qui entache un acte administratif, sous réserve des règles qui gouvernent le retrait et l'abrogation.
Elle peut le faire soit spontanément (l'Administration est réputée être de bonne foi) soit à la demande d'un administré.
Si le recours est présenté à l'auteur même de la décision il s'agit d'un recours gracieux ; si le recours est adressé au
supérieur hiérarchique de l'agent qui a pris la décision c'est un recours hiérarchique 873. Les deux constituent ce que l'on
appelle les recours administratifs par opposition aux recours contentieux (v. ss 555).
Les recours administratifs existent même sans texte mais l'Administration, à la différence du juge, n'a pas l'obligation
juridique de statuer sur ces recours.

460 B. La constatation par le juge ◊ La constatation de l'illégalité par le juge peut intervenir de deux manières : – soit
par le jeu d'un recours en annulation, le plus souvent sous la forme d'un recours pour excès de pouvoir. L'annulation
prononcée a un caractère rétroactif et a effet à l'égard de tous (v. ss 683) ; – soit par le jeu de l'exception d'illégalité : l'acte
illégal n'est pas annulé mais il est privé d'effet dans le litige dans lequel il est invoqué (v. ss 651).
CHAPITRE 2
LES CONTRATS ADMINISTRATIFS

Section 1. CARACTÈRES GÉNÉRAUX DES CONTRATS ADMINISTRATIFS


§ 1. Critères du contrat administratif
§ 2. Le régime du contrat administratif
Section 2. LA FORMATION DU CONTRAT ADMINISTRATIF
§ 1. Les limitations apportées à la liberté contractuelle
§ 2. Les atteintes à l'égalité des contractants
Section 3. L'EXÉCUTION DES CONTRATS ADMINISTRATIFS
§ 1. Les prérogatives de l'administration
§ 2. Le principe de l'équilibre financier du contrat
SECTION 4. LA RESPONSABILITÉ CONTRACTUELLE.
§ 1. La responsabilité contractuelle pour faute
§ 2. La responsabilité contractuelle sans faute
Section 5. LA FIN DU CONTRAT ADMINISTRATIF

461 Contrats de l'administration et contrats administratifs ◊ L'administration, concurremment avec le procédé


de l'acte unilatéral 874, utilise largement le procédé contractuel, dans lequel une situation juridique nouvelle est créée par
l'accord des volontés des intéressés. Mais elle l'utilise sous deux formes bien distinctes.
1o D'une part, elle passe des contrats identiques à ceux des particuliers, tels qu'ils sont définis et réglementés par le Code
civil : achats (par ex. : acquisition d'un terrain à l'amiable), ventes (par ex. : vente des produits du domaine privé), bail (par
ex. : location amiable d'un local pour y loger une administration), louage de services (pour certains collaborateurs de
l'administration, qui ont la qualité de salariés de droit privé), assurance (si l'État est, en principe, son propre assureur, toutes
les personnes décentralisées s'assurent comme les particuliers), etc. Ce recours de l'administration au contrat privé est très
fréquent ; il est la règle pour tous les services industriels et commerciaux ; il est caractéristique du procédé de la gestion
privée des services publics (v. ss 9). Dans ces cas, hormis certaines règles de compétence et de procédure qui régissent
l'émission du consentement de la personne publique, c'est le droit privé qui s'applique au contrat, ce qui entraîne pour son
contentieux la compétence judiciaire.
2o Mais l'administration peut passer aussi des actes qui, bien que de nature contractuelle, puisqu'ils reposent sur l'accord
de deux volontés, n'en sont pas moins soumis à des règles différentes de celles qui régissent les contrats ordinaires et
relèvent, pour leur contentieux, de la juridiction administrative. Ils forment, dans la masse des contrats de l'administration, la
catégorie particulière des contrats administratifs.
De ces contrats, les plus anciens et les plus importants, sont prévus et réglementés, au moins en partie, par des textes.
Ceux qui concernent les marchés ont été regroupés dans le Code des marchés publics. Les règles ainsi posées ont été
complétées par la jurisprudence ; elle a dégagé pour ce faire un corps de principes communs, qui constituent la théorie
générale des contrats administratifs.
Cette théorie générale n'est qu'une juxtaposition des règles dégagées par la jurisprudence et applicables à tous les contrats
administratifs. À la différence de la théorie civiliste, elle n'est pas organisée autour d'une idée centrale. Il existe également
des règles applicables aux « contrats spéciaux » c'est-à-dire à chaque catégorie particulière de contrats administratifs.
Étant donné l'importance économique des opérations réalisées par le procédé du contrat administratif, son régime présente
un intérêt pratique considérable 875.
La doctrine a tendance à présenter le régime juridique des contrats administratifs comme « autonome » et « original » au
regard de la théorie civiliste du contrat. Un examen attentif montre qu'il est assez fréquent que l'on applique aux contrats
administratifs les règles régissant le contrat en droit privé 876.
3o Il faut souligner que le droit des contrats administratifs est l'un de secteurs du droit administratif où l'influence du droit
communautaire est la plus sensible. Cela est particulièrement net en ce qui concerne la passation des contrats 877.

462 Les principaux contrats administratifs ◊ 1o En application des directives européennes il y a désormais deux
grandes catégories de contrats administratifs : les marchés publics et les concessions. On les examinera successivement ainsi
que quelques autres formules contractuelles.
a) Les marchés publics. Les règles concernant les marchés publics figuraient traditionnellement dans le « Code des
Marchés publics » 878. Celui-ci avait été remanié à plusieurs reprises ce qui finissait par poser problème. En effet, le Code
mis en place par le décret du 7 janvier 2004 avait été abrogé et remplacé par le décret du 1er août 2006 qui utilisait
désormais les notions de « pouvoir adjudicateur » et « d'opérateurs économiques » ; il achevait la réforme engagée en 2004
et notamment la transposition des directives communautaires du 31 mars 2004.
Le Code des marchés publics a été abrogé par l'art. 102 de l'Ordonnance du 23 juillet 2015 « relative aux marchés
publics » (JO 24 juill. 2015, p. 12602) 879, qui a fait l'objet du décret 2016-360 du 26 mars 2016 (JO 27 mars 2016, texte n
° 28) et du décret 2016-361 pour les marchés publics de défense et de sécurité (texte n° 29) 880. Celle-ci transpose les deux
directives européennes du 26 février 2014 relatives aux marchés publics, dites « secteurs classiques » et « secteurs
spéciaux ». Elle rassemble en un seul texte des dispositions jusqu'alors dispersées dans 17 textes et constitue la première
étape de l'établissement d'un futur Code de la Commande publique 881. Il y a eu, à la fin de l'année 2014, une concertation sur
le projet de cette ordonnance. L'ordonnance entrera en vigueur à une date qui sera fixée par décret mais au plus tard au
1er avril 2016. Elle intègre dans la catégorie des marchés publics les « contrats de partenariat public privé » rebaptisés
« marchés de partenariat ». L'ordonnance attribue valeur législative aux principales dispositions du droit des marchés publics
et précise bien (art. 3) que les marchés qui relèvent de l'ordonnance sont des contrats administratifs. L'ordonnance modifie le
champ d'application du droit des marchés publics ainsi que les règles de passation et d'exécution de ceux-ci. C'est donc bien
un texte unificateur puisqu'il régira à lui seul tous les achats effectués par les pouvoirs adjudicateurs et entités adjudicatrices.
Définition : « Les marchés publics sont les contrats conclus à titre onéreux par un ou plusieurs acheteurs soumis à la
présente ordonnance avec un ou plusieurs opérateurs économiques, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de
fournitures ou de services » (art. 4 de l'Ord.). Aux termes de son art. 9, « les acheteurs publics ou privés soumis à la présente
ordonnance sont les pouvoirs adjudicateurs et les entités adjudicatrices définis respectivement aux art. 10 et 11 ».
On ne saurait trop souligner l'importance économique des marchés : les achats publics, bien qu'en diminution, se sont
élevés à 71,5 milliards d'euros en 2013 pour 96 514 contrats intervenus (AJDA 2014. 2334). Ceci a provoqué la création de
l'Observatoire économique de l'achat public ».
Les marchés publics « respectent les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des
candidats et de transparence des procédures » (art. 1er de l'Ord.).
Parmi les marchés, on peut distinguer :
– les marchés publics de travaux qui ont pour objet 1° soit l'exécution, soit la conception et l'exécution de travaux dont la
liste est publiée au JO ; 2° soit la réalisation, soit la conception et la réalisation, par quelque moyen que ce soit, d'un ouvrage
répondant aux exigences fixées par l'acheteur qui exerce une influence déterminante sur sa nature ou sa conception. Un
ouvrage est le résultat d'un ensemble de travaux de bâtiment ou de génie civil destiné à remplir lui-même une fonction
économique ou technique (art. 5 de l'Ord.) ;
– les marchés de fournitures qui ont pour objet l'achat, la prise en crédit-bail, la location ou la location-vente de produits.
Un marché public de fournitures peut comprendre, à titre accessoire, des travaux de pose et d'installation (art. 5 de l'Ord.) ;
– les marchés publics de services qui ont pour objet la prestation de services, par exemple en matière juridique : CE
6 mars 2009, Cne d'Aix-en-Provence, AJDA 2009. 458 882. Sur l'épineuse question de la mise en concurrence des avocats
v. D. Poupeau, « L'éternel débat » ; AJDA 2016. 68 ;
– les marchés de partenariat. L'ordonnance du 17 juin 2004, modifiée à plusieurs reprises, avait mis en place « le contrat
de partenariat public privé » 883. Ces contrats avaient fait l'objet de très sérieuses réserves de la part de la Cour des Comptes
(v. AJDA 2014. 2157 et 2015. 244). Mais, a priori, ce contrat a l'avantage de permettre la réalisation d'ouvrages que l'état des
finances publiques ne permettrait pas d'envisager en l'absence d'un étalement de son coût sur une longue période. Ce texte a
été abrogé par l'Ord. du 24 juillet 2015 qui qualifie désormais ce contrat de « marché de partenariat » faisant l'objet de toute
la deuxième partie de l'ordonnance (art. 66 à 90).
Un marché de partenariat permet de confier à un opérateur économique, ou à un groupe d'opérateurs économiques, la
construction, la transformation, la rénovation, le démantèlement ou la destruction d'ouvrages, d'équipements ou de biens
immatériels nécessaires au service public ou à l'exercice d'une mission d'intérêt général, ainsi que tout ou partie de leur
financement (art. 67 de l'Ord.). Cette mission peut également avoir pour objet tout ou partie de la conception des ouvrages,
équipements ou biens immatériels. Un tel marché ne peut intervenir que si sa valeur est supérieure à un seuil fixé par voie
réglementaire. Tout recours à un tel marché devra être précédé d'une évaluation et d'études préalables. L'acheteur devra
démontrer que le recours à un tel contrat présente un bilan plus favorable, notamment au plan financier, que celui des autres
modes de réalisation. Il devra également s'engager à confier à de petites et moyennes entreprises ou à des artisans une part
minimale de l'exécution du contrat.
Il avait été jugé que la mission de conseil exercé par l'État, en ce qui concerne les contrats de partenariat, respectait la
libre concurrence : CE, Ass. 31 mai 2006, Ordre des avocats au Barreau de Paris,RFDA 2006. 2034.
– les marchés de transport, dont le nom même définit l'objet (par ex. : marché passé avec une compagnie de navigation en
vue du transport par mer de personnes ou de biens de caractère public) ;
– les marchés publics d'assurance qui comme leur nom l'indique, sont les contrats d'assurances des personnes
publiques 884 : Civ. 1re, 23 janv. 2007, Cne d'Argenton-sur-Creuse/Assurances mutuelles de l'Indre, D. 2007. 445.
– les marchés publics de défense font l'objet de l'art. 6 de l'Ord. du 23 juillet 2015.
Le marché de définition permettait de définir les contours d'un marché ultérieur qui, de ce fait, ne devait pas être soumis à
une nouvelle concurrence (C. marchés, art. 73). Ces dispositions du Code étaient contestées par la Commission
européenne 885 ; la CJUE lui a donné raison en jugeant que ceux-ci étaient contraires à la directive du 31 mars 2004 (AJDA
2009. 2373).
D'autre part, le marché peut être fractionné sous la forme d'un marché à bons de commande.
b) La concession de service public (v. ss 410 s.), par laquelle l'administration confie à un particulier ou,
exceptionnellement, à un établissement public, la mission de faire fonctionner un service public, en se rémunérant sur les
usagers de ce service. C'est dans sa jurisprudence relative à la concession de service public que le Conseil d'État a posé la
plupart des principes régissant l'ensemble des contrats administratifs. Si le particulier est chargé en outre de construire les
ouvrages nécessaires au service dont il assurera le fonctionnement (par ex. : un réseau de tramways), il y a concession de
travail public. Comme on l'a vu (v. ss 410 s.) la concession de service public a fait l'objet d'une importante codification
transposant la directive européenne du 26 février 2014 avec l'Ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 « relative aux
contrats de concession » (JO 30 janv. 2016, texte n° 65).
c) L'emprunt public, par lequel un particulier prête une somme d'argent à l'État ou à une autre personne publique.
d) L'offre de concours, qui est l'engagement, pris par un particulier, de coopérer financièrement ou matériellement à la
réalisation d'un ouvrage public.
e) La délégation de service public ne constitue pas par elle-même un nouveau type de contrat. Elle utilise des techniques
contractuelles préexistantes (v. ss 407).
2o À ces contrats, d'autres sont venus s'ajouter, nés de l'évolution scientifique et technique. Ainsi, par les marchés de
recherche, une personne publique confie une recherche scientifique à un organisme spécialisé ou à un chercheur
(cf. Favoreu, AJDA 1965. 443). Les marchés d'étude préparent la réalisation d'un projet, les marchés industriels, celle d'un
prototype ou d'une opération de haute technicité. Les marchés de prestations intellectuelles regroupent certains d'entre eux.
Les marchés de prestations juridiques posent le problème du respect du secret professionnel (CE 7 mars 2005, Cté urbaine
de Lyon, Rec. 94).
3o En dehors de ces contrats, qui correspondent à un type déterminé, comme les contrats spéciaux du droit civil,
l'administration utilise le procédé contractuel à des fins et selon les combinaisons les plus diverses : ce sont les contrats
innommés du droit administratif.
4o L'administration contractuelle 886. Le procédé contractuel a trouvé assez récemment de nouvelles et multiples
applications. L'administration l'utilise pour infléchir l'action des particuliers dans un sens conforme à l'intérêt général : elle
leur consent, en contrepartie des engagements qu'ils prennent, des avantages de diverses sortes. Il en est ainsi dans les
rapports de l'État avec les établissements d'enseignement privé (lois du 31 déc. 1959, et du 1er juin 1971). Plus importants
encore, et très divers, sont les accords conclus dans le domaine économique soit avec des organisations professionnelles pour
une branche de l'économie, soit avec des entreprises privées, et qui, avant le retour à la liberté des prix, tendaient notamment
à assouplir les règles de fixation des prix, qui relevaient en principe de la décision unilatérale (Ord. du 30 juin 1945), ou
surtout à orienter leur activité dans le sens de l'exécution du Plan ou de l'aménagement du territoire. Le procédé contractuel
est également utilisé dans les rapports de l'État avec des entreprises publiques (contrats de programme), les régions (contrats
de projets), des groupes de collectivités locales (« contrats de plan » pour la modernisation des communautés urbaines) ou
même une commune particulière (contrats pour le développement des « villes moyennes »). Le concept récent et vague de
partenariat pourrait se concrétiser, lui aussi, dans des formes contractuelles originales. On voit se dessiner, par ces divers
procédés, une forme d'action administrative dans laquelle l'accord prend une place croissante 887, que les tendances, sur ce
point convergentes, des derniers gouvernements à rechercher la négociation et la concertation dans tous les domaines n'ont
fait que développer, notamment en privilégiant, dans le cadre de la décentralisation, les accords conclus entre collectivités
locales 888.
Le Conseil constitutionnel a estimé que « de façon générale, aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle ne
s'oppose à ce que l'État passe des conventions avec les diverses collectivités territoriales de la République » (Cons. const.
19 juill. 1983, Convention fiscale avec la Nouvelle-Calédonie, Rec. 43).
Mais les caractères et le régime de ces divers accords restent incertains et instables. La nature proprement contractuelle de
certains d'entre eux était même contestée (CE 2 oct. 1974, Valet, AJDA 1975. 364, note Vier), qui affirme le caractère
réglementaire et non contractuel d'une fixation de prix effectuée en accord avec la profession. Ces ambiguïtés semblaient
levées pour quelques-uns : en application de la loi du 29 juillet 1982 réformant la planification, la jurisprudence avait
reconnu aux contrats conclus entre l'État et les régions le caractère de contrats administratifs (CE 8 janv. 1988, Communauté
urbaine de Strasbourg, RFDA 1988. 25) ; le Conseil d'État juge désormais qu'un tel contrat n'emporte par lui-même aucune
conséquence directe (CE 25 oct. 1996, Assoc. Estuaire-Écologie, RFDA 1997. 339, concl. Stahl, note Madiot), ce que l'on
peut regretter.

463 Les contrats de la commande publique 889 ◊ En ce qui concerne les contrats passés par les personnes publiques,
on utilise de plus en plus le concept de commande publique 890. Cette notion a été introduite par le Conseil constitutionnel
(Décis. no 2003-473 DC du 26 juin 2003, Loi habilitant le gouvernement à simplifier le droit, p. 382) et n'est pas étrangère au
droit communautaire. F. Llorens (« Typologie des contrats de la commande publique », Contrats et marchés, mai 2005,
p. 12) propose de les définir comme étant ceux « par lesquels les personnes publiques cherchent à se procurer un bien ou un
service, y compris ce service d'une nature particulière qui consiste à gérer, avec relative autonomie, une activité ou un
équipement ». Il montre que la commande publique ne peut pas s'inscrire dans la summa divisio classique – marchés publics
et DSP – mais doit intégrer les contrats globaux ainsi que la multiplicité des contrats spéciaux qui sont apparus en la matière.
L'objectif est l'unification des contrats de la commande publique 891. Avec l'ordonnance du 23 juillet 2015 sur les marchés et
l'ordonnance du 29 janvier 2016 sur les concessions on dispose désormais de tous les matériaux nécessaires pour ce faire.
On se préoccupe de plus en plus fréquemment de faciliter l'accès des PME à la commande publique 892. Par exemple,
l'ordonnance du 23 juillet 2015 prévoit que le système de l'allotissement s'étend à tous les contrats, avec cependant
possibilité de dérogations (art. 32) 893. À la suite d'un rapport pour faciliter cet accès (AJDA 2007. 2344) la France a adressé à
la Commission européenne des propositions pour un « Small Business Act » européen (AJDA 2008. 173). Cela a débouché
sur un « Small Business Act Européen » (AJDA 2008. 1239). Pour une analyse des dispositions de l'ancien Code des marchés
publics incitatives en faveur des PME, v. Concl. Boulouis, au Rec. 2007. 318.
Une collectivité territoriale peut être candidate à un contrat de la commande publique : CE, Ass. 30 décembre 2014, Sté
Armor SNC, RFDA 2015. 57, Concl. Dacosta ; AJDA 2015. 449, Chr. Lessi et Dutheillet de Lamothe. La loi du 1er juillet
2014 a créé la Société d'Économie Mixte Locale à Opération Unique (SEMOP) qui permet, au terme d'une procédure de
mise en concurrence unique, de choisir l'actionnaire privé et de confier à la nouvelle société l'exécution d'un contrat de la
commande publique 894.
En ce qui concerne la passation des contrats de la commande publique il y a le risque de conflits d'intérêts (CE 9 mai
2012, Commune de Saint-Maur, AJDA 2012. 972) 895. Sur le principe du libre accès à la commande publique : CE, Sect.,
30 janv. 2009, Agence nationale pour l'emploi, Rec. 3, concl. Dacosta ; CE 13 juill. 2012, Commune d'Aix-en-Provence, RD
publ. 2012. 484, chron. Pauliat.

SECTION 1. CARACTÈRES GÉNÉRAUX DES CONTRATS ADMINISTRATIFS


Deux problèmes se posent, logiquement distincts, mais enchevêtrés en pratique : à quels signes reconnaît-on qu'un contrat
est administratif ?
Dès lors qu'un contrat est administratif, par quels traits fondamentaux son régime se distingue-t-il du contrat privé ?

§ 1. Critères du contrat administratif 896


464 Position de la question ◊ Il n'existe pas de critère formel permettant de reconnaître de prime abord le contrat
administratif. En présence d'un contrat passé par l'administration – par exemple, d'un achat de pavés destinés à la réfection
d'une voie publique – on peut donc hésiter, à première vue, sur le caractère civil ou administratif du contrat : achat régi par le
Code civil, ou marché de fournitures ? Selon que l'on opte dans l'un ou l'autre sens, le régime du contrat, c'est-à-dire les
droits et obligations des parties, et la compétence pour en connaître, seront civils ou administratifs. Dans certains cas, les
textes tranchent expressément la question ; ils attribuent à la compétence administrative – qui entraîne l'application des
règles propres aux contrats administratifs – une certaine catégorie de contrats. Ce sont les contrats administratifs par
détermination de la loi : marchés de travaux publics (loi du 28 pluviôse an VIII), ventes d'immeubles de l'État (id.), contrats
comportant occupation du domaine public (décret-loi du 17 juin 1938) 897, conventions conclues entre certains organismes de
sécurité sociale et les syndicats de médecins (L. 20 juill. 1975, art. 4 et 7) ; obligation d'achat de l'électricité sur la base de la
loi du 10 février 2010 (T. confl. 5 mars 2012, Sté Baryflor, RFDA 2012. 1021) ; marchés publics (art. 3 Ord. du 23 juillet
2015) 898. Pendant longtemps, on avait interprété, a contrario, l'article 8 de l'ordonnance du 17 nov. 1958 portant loi
organique relative au fonctionnement des assemblées parlementaires comme faisant échapper les marchés du Parlement à
tout contentieux juridictionnel. Cette attitude se réclamait, notamment, du principe de la séparation des pouvoirs. Cette
immunité juridictionnelle, appliquée depuis 127 ans, a été abandonnée : le Conseil d'État a en effet admis la compétence de
la juridiction administrative pour connaître des marchés des assemblées parlementaires : CE, Ass., 5 mars 1999, Président de
l'Assemblée nationale, RFDA 1999. 333, concl. Bergeal, GAJA no 97.
Mais en dehors des contrats administratifs par détermination de la loi c'est à la jurisprudence qu'il revient de s'efforcer de
résoudre le problème du critère de la distinction entre contrats administratifs et contrats de droit privé de l'administration. Il
faut bien reconnaître que l'évolution n'a guère été dans le sens d'une simplification. Certaines décisions, ne semblent pas
s'inspirer du plus parfait cartésianisme.
C'est ainsi que l'on aurait compris que la jurisprudence considère que tout contrat faisant référence à un cahier des
charges, (v. ss 475) soit, de ce seul fait, un contrat administratif. Il n'en est rien. La référence à un cahier des charges n'est pas
un critère du contrat administratif (T. confl. 5 juill. 1999, UGAP/Sté SNC Activ CSA, AJDA 1999. 626). On peut interpréter
cette jurisprudence comme voulant privilégier la liberté contractuelle 899, principe du droit administratif, garanti par la
constitution, 900 qui implique le pouvoir pour les parties de placer les contrats qu'elles concluent sous le régime juridique de
leur choix. Le critère jurisprudentiel du contrat administratif s'attache à trois éléments :
1o Les parties au contrat : un contrat n'est administratif que si l'une des parties au moins est une personne morale de
droit public. Pour les exceptions à cette règle, v. ss 465.
2o L'objet du contrat : est administratif tout contrat dont l'objet se rattache à l'exécution même du service public. Mais ce
critère, longtemps déterminant, est aujourd'hui remis en cause, v. ss 466.
3o Les clauses du contrat : lorsqu'un contrat n'a pas pour objet l'exécution du service, il n'est administratif que s'il
contient une clause exorbitante du droit commun.
Il faut bien comprendre que ces deux derniers éléments sont alternatifs : un contrat conclu par une personne publique est
administratif lorsqu'il répond soit à la première, soit à la seconde des conditions indiquées. Cette solution, contestée par
certains commentateurs, qui affirmaient que la clause exorbitante n'était qu'un critère subsidiaire, a été confirmée par le
Tribunal des conflits (7 juill. 1980, Sté d'exploitation touristique de la Haute-Maurienne, AJDA 1981. 49, et la note d'A.
de Laubadère).
L'application de ces critères n'a jamais été facile. Mais, ces dernières années, la jurisprudence y a apporté des exceptions
et des nuances qui conduisent certains auteurs à remettre en question ces critères eux-mêmes 901. C'est pourtant à partir d'eux
qu'on peut comprendre son évolution.

465 1o Les parties au contrat ◊ a) – Contrats entre personnes privées. Si un contrat est conclu entre deux particuliers, il
est certain – hormis quelques rares exceptions – qu'il ne s'agit pas d'un contrat administratif 902. Par exemple, un contrat
conclu entre un concessionnaire de service public et un constructeur est un contrat de droit privé : T. confl. 9 juill. 2012, Cie
des Eaux et de l'Ozone, AJDA 2012. 1433. Le Conseil d'État avait réaffirmé le principe, à propos des conventions conclues
entre les syndicats médicaux et les caisses de sécurité sociale, qui sont des personnes morales de droit privé (13 déc. 1963,
Syndicat des praticiens de l'art dentaire du département du Nord, AJDA 1964. 43) 903. Le Tribunal des conflits a adopté la
même solution, alors que le commissaire du gouvernement lui avait demandé de l'abandonner et de reconnaître le caractère
administratif aux contrats passés entre deux personnes privées dès lors que l'une agissait en vue de l'exécution d'un service
public à elle confiée (3 mars 1969, Société Interlait, concl. Kahn, AJDA 1969. 307). Mais un contrat portant sur l'occupation
du domaine public, conclu entre deux personnes privées, relève du juge administratif si l'un des contractants est délégataire
de service public : Civ. 1re 16 avr. 2015, Sté Cap / Sté Trois Vallées, AJDA 2015. 1620.
« Les contrats conclus entre personnes privées sont en principe des contrats de droit privé, hormis le cas où l'une des
parties agit pour le compte d'une personne publique ou celui dans lequel ils constituent l'accessoire d'un contrat de droit
public » (TC 8 juill. 2013, SEEP / EDF, Rec. 371).
L'exception la plus importante, qui avait laissé penser un moment que le critère était en voie d'abandon, concerne les
marchés passés avec des entrepreneurs par des sociétés privées chargées de la construction de certains ouvrages publics, qui
sont désormais considérés comme des marchés de travaux publics (T. confl. 8 juill. 1963, Entreprise Peyrot, D. 1963. 534,
Concl. Lasry et note Josse. pour les autoroutes, et CE 24 avr. 1968, AJDA 1968. 478, pour le tunnel routier du Mont-
Blanc) 904. La jurisprudence, dans un premier temps, avait interprété cette exception dans un sens restrictif (CE 21 juill. 1972,
Entreprise Ossude, 10 nov. 1972, Société des grands travaux algériens, AJDA 1973. 47, note Moderne) en la limitant aux
seuls travaux de voirie. Mais, par la suite, la solution avait été étendue à des contrats portant sur des travaux différents
(urbanisme, aménagement du territoire, etc.) sur la base de la théorie du mandat tacite : lorsque la société privée chargée de
la réalisation de l'ouvrage qui contractait avec une autre entreprise privée pouvait être considérée comme mandataire d'une
personne publique et comme agissant pour le compte de celle-ci, le contrat prenait le caractère administratif (CE 30 mai
1975, Sté d'équipement de la région montpelliéraine ; T. confl., 7 juill. 1975, Commune d'Agde, AJDA 1975. 345 et 361 ; CE
17 déc. 1999, Sté Ansaldo Industrie et S.A. Bouygues, Rec. 423 ; CE 3 juin 2009, Sté Aéroports de Paris, p. 216, Concl.
Dacosta) 905. Le contrat passé par une personne privée « transparente » est un contrat administratif : CE 21 mars 2007, Cne
de Boulogne-Billancourt, AJDA 2007. 915, note J.-D. Dreyfus.
Mais le Tribunal des Conflits vient d'abandonner la jurisprudence Entreprise Peyrot. En effet, dans son arrêt Mme Rispal /
Sté des autoroutes du sud de la France (TC 9 mars 2015, GA n° 118 ; RFDA 2015. 265, Concl. Escaut et note Canedo-Paris ;
AJDA 2015. 1204, Chr. Lessi et Dutheillet de Lamothe) le Tribunal des Conflits juge désormais que les contrats passés par
les sociétés concessionnaires d'autoroute avec d'autres personnes privées sont en principe des contrats de droit privé dont le
contentieux relève du juge judiciaire 906. Cette solution nouvelle ne s'appliquera qu'aux contrats conclus après la date de cet
arrêt en vertu de la jurisprudence selon laquelle la nature juridique d'un contrat s'apprécie à la date à laquelle il a été conclu
(TC 16 oct. 2006, Caisse centrale de réassurance / Mutuelle des architectes français, Rec. 640) 907. Mais l'arrêt Mme Rispal
réserve expressément le cas de « conditions particulières ». Il restera donc à préciser ce que l'on entend exactement par là.
Selon les commentateurs des GAJA il pourrait s'agir, d'une part, des contrats qu'une personne privée passe comme
mandataire d'une personne publique, c'est-à-dire en la représentant, et, d'autre part, du cas des contrats constituant
l'accessoire d'un contrat de droit public.
b ) – Contrats entre personnes publiques. Si le contrat est conclu entre deux personnes publiques 908, il est en principe
administratif, car il est à la rencontre de deux gestions publiques, sauf s'il ne fait naître entre elles que des rapports de droit
privé (T. confl. 21 mars 1983, UAP, AJDA 1983. 356, concl. D. Labetoulle) 909 : ainsi des contrats relatifs au domaine privé,
sous réserve de la présence d'une clause exorbitante, v. ss 467.
Si l'une des parties est une personne publique, l'autre étant une personne privée, le contrat peut être administratif, à
condition qu'il présente en outre l'un des deux caractères analysés ci-après. La condition relative aux parties est donc
nécessaire, mais non suffisante.

466 2o La relation du contrat avec le service public 910 ◊ La jurisprudence, soucieuse d'étendre le rôle de la notion
de service public en tant que critère de la compétence administrative, mais aussi de laisser aux personnes publiques la
possibilité de recourir au contrat de droit privé lorsqu'elles l'estiment mieux adapté à la situation a, durant de longues années,
concilié ces deux préoccupations en utilisant, pour les contrats de louage de service par lesquels les administrations recrutent
des collaborateurs, la notion de participation directe à l'exécution même du service public. Selon que le collaborateur recruté
participe ou non à l'exécution du service, le contrat est administratif ou reste un contrat de droit privé relevant de la
compétence judiciaire. Ces contrats, fort nombreux, ont fait l'objet d'un contentieux particulièrement abondant. Le Tribunal
des conflits, le Conseil d'État et la Cour de cassation, s'accordaient sur cette jurisprudence. Mais la formule retenue était
d'une application difficile. Où commence, où s'arrête, la participation à l'exécution même du service public ? Une
jurisprudence surabondante n'a pas réussi à donner à la question une réponse claire. D'où une grande incertitude pour les
requérants touchant à la juridiction à laquelle ils devaient s'adresser, et des solutions pratiques difficilement acceptables, par
exemple lorsque l'agent ayant exercé dans le même service deux fonctions successives, l'une considérée comme se rattachant
à l'exécution même du service, l'autre non, devait en cas de contestation, saisir successivement les deux ordres de juridictions
(T. confl. 25 nov. 1963, Dame Vve Mazerand, JCP 1964. II. 13466).
Le Tribunal des conflits a pris conscience de ces difficultés. Il y a mis fin par un arrêt Préfet de la Région Rhône-Alpes,
souvent cité sous le nom de Berkani 911. Désormais, le critère de la compétence, pour les litiges relatifs aux contrats de
louage de service, réside, non dans l'activité exercée, mais dans la nature du service : selon que l'agent relève d'un service
administratif ou d'un service industriel et commercial, le contrat litigieux est administratif ou de droit privé, quelle que soit la
fonction exercée. La simplification est évidente, et heureuse. Dans un arrêt Melle Tourdot/Université de Valenciennes
(T. confl. 23 nov. 2009, AJDA 2009. 269, note M. C. Montecler) le Tribunal des conflits a cependant jugé que les contrats
passés dans le cadre des emplois solidarité et emplois jeune créés par le législateur relevaient de la compétence du juge
judiciaire en raison de la volonté du législateur. Il faut souhaiter que cette regrettable dérogation soit strictement limitée.
En dehors du contrat de louage de service le contrat est administratif s'il constitue l'exécution même du service public par
l'administration (ex. : contrats conclus par le service chargé des forêts avec des particuliers pour le reboisement de leurs
terrains, CE 20 avr. 1956, Consorts Grimouard, GAJA no 68) ou lorsqu'il a pour objet de confier à un particulier l'exécution
même du service. Dans l'arrêt du Conseil d'État du 20 avr. 1956, Époux Bertin (D. 1956. 433 note de Laubadère), qui pose le
principe, le contrat chargeait le particulier d'assurer la nourriture de ressortissants soviétiques regroupés dans un centre de
rapatriement organisé à la suite de la guerre : il y avait bien exécution du service.

467 3o Les clauses du contrat : la « clause exorbitante » 912 ◊ En dehors de ce qui précède, un contrat n'est
administratif que si les parties ont manifesté leur volonté de se soustraire au droit civil, en adoptant des clauses qui y
dérogent. C'est la clause exorbitante, ou dérogatoire au droit commun, qui, dans ces cas, constitue donc le critère décisif du
contrat administratif : CE 31 juill. 1912, Sté des granits porphyroïdes des Vosges, GAJA no 24 (cf., pour une application de ce
principe, CE 10 mai 1963, Sté La Prospérité Fermière, RD publ. 1963. 597) 913.
Mais quand une clause est-elle dérogatoire ? Il est difficile de répondre avec certitude, étant donné que le droit civil
consacre le principe de la liberté contractuelle, autorisant les parties à adopter les clauses les plus variées. Sont certainement
dérogatoires les clauses excédant cette liberté, et dès lors insusceptibles de figurer dans un contrat entre particuliers, comme
contraires à l'ordre public. Sont parfois aussi jugées telles celles qui, en pratique, ne sont guère usitées dans les relations
privées, parce qu'elles répondent à des préoccupations d'intérêt général étrangères aux particuliers. Pour des exemples de
clauses exorbitantes, cf. CE 23 mai 1924, Sté Les Affréteurs réunis, S. 1926. III. 10, concl. Rivet ; T. confl., 16 févr. 1967,
Préfet de la Seine, AJDA 1967. 288 ; CE, Ass., 26 févr. 1965, Sté du Vélodrome du Parc des Princes, Notes Waline, Tome 1,
no 146 ; Civ. 1re, 28 mars 2006, SNCF, AJDA 2006. 1460 ; T. confl., 20 juin 2005, SNC Sté Hôtelière guyanaise, Rec. 664 ;
CE 29 juin 2012, Sté Pro 2C, RFDA 2012. 794. La référence à un cahier des clauses et conditions générales était considérée
comme constituant par elle-même une clause exorbitante. (CE 17 nov. 1967, Roudier de la Brille, AJDA 1968. 123 ; CE
3 juin GIP Carte du professionnel de santé, AJDA 2009. 1126). Depuis l'arrêt UGAP (préc. v. ss 464) il n'en va ainsi que si le
cahier des charges auquel il est fait référence comprend une clause exorbitante du droit commun. Mais la solution est inverse
lorsque le contrat se réfère, en ce qui concerne le statut d'un agent ne participant pas à la gestion du service public, aux
« prescriptions générales », applicables à tous les agents de l'administration (CE 26 sept. 1986, Époux Heberlin, AJDA 1986.
714). Par la suite, le juge a élargi la notion : il a considéré qu'à défaut d'une clause exorbitante individualisée, le fait pour un
contrat d'être, dans son ensemble, soumis à un régime exorbitant du droit commun lui conférait le caractère administratif (CE
19 janv. 1973, Sté d'exploitation de la rivière du Sant, Rev. adm. 1973. 633 note Amselek ; concl. Goulard, sous CE 1er mars
2000, Commune de Morestel, CJEG 2000. 191, note Sablière ; Civ. 1re, 30 sept. 2003, Synd. Mixte pour la production de
chaleur à Bondy c/ Sté CGU Courtage, AJDA 2003. 2205, note J.-D. Dreyfus). En sens inverse, ont cessé d'être considérées
comme exorbitantes les clauses de contrats de prêts conclus avec des particuliers par des communes qui s'engageaient, si
elles ne disposaient pas d'autres ressources pour rembourser les prêteurs, à recourir à l'impôt direct (jurisprudences
convergentes du CE, 6 déc. 1989, Soc. CALIF Commune de Torcy, AJDA 1990. 481, et de la Cour de cassation, Civ. 18 févr.
1992, Cie la Mondiale c/ Ville de Roubaix, LPA, 17 avr. 1992, no 47, p. 21).
On avait souvent souligné que la jurisprudence que l'on vient de citer se caractérisait par des formulations négatives. Or le
Tribunal des conflits, dans un arrêt de ce fait important, s'est attaché à en donner une définition positive : T. confl. 13 oct.
2014, Sté Axa France IARD /MAIF, RFDA 2014. 1068, concl. Desportes ; AJDA 2014. 2180, Chr. Lessi et Dutheillet de
Lamothe) 914. Dans cette affaire le Tribunal devait qualifier le contrat par lequel la Ville de Joinville-le-Pont avait donné à
bail à une société d'aviron un bâtiment. De manière intéressante le Tribunal des conflits commence par relever que le
bâtiment ne fait pas partie du domaine public et que l'activité de la société locataire ne constituait pas une activité de service
public pour en conclure que le sort du contrat dépendait de la présence ou non d'une clause exorbitante du droit commun.
À cet égard, relève le Commissaire du Gouvernement, « La présente affaire met en réalité au jour la principale insuffisance
de la définition de la clause exorbitante, qui tient à notre sens à son caractère essentiellement négatif ». Pour en donner une
définition positive il convient « de revenir à ce qui fait la spécificité de l'action administrative : l'accomplissement d'une
mission d'intérêt général par la mise en œuvre de prérogatives de puissance publique ». Dans cette perspective le Tribunal
suivit son Commissaire du Gouvernement en définissant la clause exorbitante comme une clause « qui, notamment par les
prérogatives reconnues à la personne publique contractante dans l'exécution du contrat, implique, dans l'intérêt général, qu'il
relève du régime exorbitant des contrats administratifs ». Mais le Commissaire du Gouvernement souligne bien qu'il s'agit
beaucoup plus d'une clarification que d'une transformation. Autrement dit, comme le relèvent les commentateurs de l'AJDA :
« Pour l'essentiel, cette nouvelle formulation se fait, selon nous, à droit quasi constant et n'a pas pour effet d'invalider les
solutions antérieures ». La Cour de cassation met en œuvre ce nouveau critère de la clause exorbitante : Civ. 1re 17 févr.
2016, AJDA 2016. 345.
Les principes que l'on vient de rappeler comportaient une dérogation puisque le Tribunal des Conflits jugeait que les
contrats passés par un service industriel et commercial avec leurs usagers, même s'ils comportaient des clauses exorbitantes,
étaient des contrats de droit privé (TC 17 décembre 1962, Dame Bertrand, Rec. 831, Concl. Chardeau). Il juge maintenant
que ces contrats relèvent de la compétence de la juridiction judiciaire « à l'exception de ceux comportant des clauses
exorbitantes du droit commun ou relevant d'un régime exorbitant du droit commun » (T. confl. 7 avr. 2014, SEVP, Rec. 459).

§ 2. Le régime du contrat administratif

468 Traits généraux ◊ Le régime des contrats administratifs emprunte certains traits au droit privé, par exemple en ce qui
concerne les conditions de validité du contrat 915. Mais il s'en distingue dans deux directions essentielles.
1o Le contrat privé résulte de la rencontre de deux volontés juridiquement égales, même si en pratique, l'une d'entre elles
est, vis-à-vis de l'autre, en situation de supériorité, ce qui est fréquent ; et cette égalité théorique se retrouve dans la
formation et l'exécution du contrat.
Dans le contrat administratif, au contraire, la personne publique met en œuvre un certain nombre de prérogatives liées à
la primauté de l'intérêt général dont elle a la garde, et qui la placent juridiquement, par rapport à son cocontractant, en
position de supériorité. La puissance publique, qui s'affirme dans la décision exécutoire, reparaît au sein du procédé
contractuel ; il y a bien accord de volontés, mais sur une base d'inégalité juridique.
2o Le contrat privé met en contact deux volontés autonomes, libres, dans le cadre de la loi, de choisir les buts et les
modalités de leur accord. Or la volonté de l'administration n'est jamais entièrement libre ; l'intérêt général lui interdit de
recourir au procédé contractuel pour l'exercice des attributions inhérentes à la souveraineté de l'État : on ne peut, par contrat,
confier l'exercice de la police à une entreprise privée. De façon générale, l'activité contractuelle de l'administration se heurte
à des limites auxquelles la volonté privée n'est pas astreinte ; de nombreuses règles propres au contrat administratif ont pour
but d'établir ces limitations à la liberté contractuelle de l'administration.
Le régime des contrats administratifs déroge donc au droit commun des contrats à la fois par les prérogatives qu'il
consacre au profit de l'administration, et par les sujétions qu'il lui impose, les unes et les autres trouvant leur principe dans
l'intérêt général 916. C'est une application importante des principes exposés, v. ss 10.

469 Le contentieux des contrats administratifs 917


◊ Il relève de la compétence du juge administratif –
normalement, des Tribunaux administratifs –, en ce qui concerne tant la validité et l'interprétation du contrat que son
exécution ; il constitue l'une des pièces essentielles du contentieux de pleine juridiction (v. ss 646 s.). Le contentieux des
contrats administratifs a connu une importante évolution 918. On est parti d'un système éliminant par principe le recours pour
excès de pouvoir à l'encontre des contrats. Ce véritable postulat était d'autant plus surprenant qu'il ne reposait pas sur la
moindre justification juridique 919. C'est, par exemple, ce que constatait J.H. Stahl dans ses conclusions de l'affaire Ville de
Lisieux (CE, Sect., 30 oct. 1998, p. 375) : « il n'existe pas aujourd'hui de raison impérieuse justifiant de s'arc-bouter à la
construction jurisprudentielle actuelle » (celle qui interdit le recours pour excès de pouvoir en matière contractuelle) et
d'ajouter : « l'admission du recours pour excès de pouvoir directement contre le contrat constituerait une simplification
bienvenue ».
Mais tout principe comporte des exceptions. C'est ce qui s'était produit en matière contractuelle avec l'admission du
recours pour excès de pouvoir en trois domaines. C'était tout d'abord la théorie de « l'acte détachable » à l'encontre duquel le
recours pour excès de pouvoir était recevable : CE 4 août 1905, Martin, p. 749, concl. Romieu) 920. En second lieu le recours
était possible à l'encontre des clauses réglementaires des contrats : CE Ass., 10 juill. 1996, M. Cayzeele, AJDA 1996. 732 921.
Enfin, le Conseil d'État avait admis la recevabilité d'un recours pour excès de pouvoir d'un tiers à l'encontre d'un contrat de
recrutement d'un agent non titulaire (arrêt Ville de Lisieux, préc.). On pouvait donc, schématiquement, résumer la situation
par la formule : « aux tiers le recours pour excès de pouvoir, aux parties au contrat le plein contentieux ».
Mais les arrêts rendus ces dernières années marquent une évolution très importante en ouvrant le plein contentieux aux
tiers et, de ce fait, en éliminant presque complètement l'excès de pouvoir du contentieux des contrats. Cette évolution a
commencé avec l'arrêt Sté Tropic Travaux Signalisation (CE, Ass., 16 juill. 2007, Rec. 360, Concl. Casas ; RD publ.
2007. 1383, obs. Melleray ; P. Cassia, AJDA 2007. 196 ; D. Pouyaud, RFDA 2007. 923). Dans cet arrêt, le Conseil d'État a
admis le recours de plein contentieux contestant la validité du contrat à la demande d'un concurrent évincé, en précisant bien
que, de ce fait, il n'était plus recevable à demander l'annulation pour excès de pouvoir des actes détachables. Possibilité,
également, d'un recours de plein contentieux lorsque le juge est saisi d'un recours contestant la validité de la résiliation et
demandant la reprise des relations contractuelles : CE, Sect., 21 mars 2011, Ville de Béziers, Rec. 117, concl. Cortot-Boucher.
Enfin, l'admission des recours des tiers s'est achevée avec un arrêt fort remarqué : Département du Tarn et Garonne (CE,
Ass., 4 avr. 2014, Rec. 70, concl. Dacosta ; GAJA n° 116 ; RFDA 2014. 438, note P. Delvolvé ; AJDA 2014. 1035, Chr.
Bretonneau et Lessi) 922. Cet arrêt décide que « tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de
façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou par ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat
un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non-réglementaires qui en
sont divisibles ». Comme l'a indiqué le Rapporteur public de cette affaire il s'agit tout simplement, si l'on peut dire, de
déplacer l'intégralité du débat contentieux devant le juge du contrat, quel que soit le tiers concerné. Cette jurisprudence ne
s'applique pas aux recours introduits par des candidats évincés à l'encontre de contrats conclus avant le 4 avril 2014 (CE
Sect., 5 févr. 2016, Sté Voyages Guirette, AJDA 2016. 234).
Ajoutons que le Conseil d'État a jugé également que le déféré préfectoral en matière de contrat (v ss 441) relève du plein
contentieux : CE 23 déc. 2011, Min. de l'Intérieur, RFDA 683, note P. Delvolvé 923 ; CE 19 nov. 2013, Sté nationale
immobilière, Rec. 281, Concl. Cortot-Boucher.
Le contentieux des contrats administratifs pose l'important problème de l'office du juge du contrat. Quelle doit être
l'attitude du juge lorsqu'est invoquée devant lui la nullité du contrat, ou d'une clause du contrat, par une partie qui conteste
donc la validité du contrat, ou qui invoque cette nullité à propos d'un contentieux concernant l'exécution du contrat ? Selon la
jurisprudence traditionnelle, le Conseil d'État ne s'accordait alors aucune marge de manœuvre : la nullité du contrat, chaque
fois qu'une irrégularité entachait le contrat ou les conditions dans lesquelles il avait été conclu, s'imposait au juge qui ne
faisait que la constater. Dans un arrêt d'une grande importance le Conseil d'État abandonne l'automaticité de l'annulation au
cas d'irrégularité, prenant en compte la loyauté des parties 924 et l'intérêt général ; désormais toute irrégularité n'entraîne plus
la nullité : CE, Ass., 28 déc. 2009, Commune de Béziers, RFDA 2010. 506, Concl. Glaser et note Pouyaud ; AJDA 2010. 142,
chron. Liéber et Botteghi. Les principes de cet arrêt sont précisés dans les arrêts M. Manoukian et Sté Léon Grosse (CE
12 janv. 2011, AJDA 2011. 71, obs. Grand). Selon l'expression des commentateurs de l'AJDA, les premiers cas d'application
de la jurisprudence Commune de Béziers, « confirment l'ampleur du virage opéré » (chron. Lallet et Domino, AJDA 2011.
665). V. également : CE 8 oct. 2014, Cne d'Entraigues-sur-la-Sorgue,AJDA 2015. 175, note J. Martin. La Cour de cassation,
invoquant « la jurisprudence établie du Conseil d'État », applique la jurisprudence Commune de Béziers sans renvoi
préjudiciel : Civ. 1re, 24 avr. 2013, Commune de Sancoins, AJDA 2013. 1630, note J.D. Dreyfus. L'annulation du contrat peut
bénéficier de la technique de l'annulation différée (v. ss 711) : CE 1er juin 2011, Sté Kone, p. 266.
La compétence du juge s'impose aux parties : l'administration ne peut insérer dans ses contrats une clause compromissoire
confiant à un arbitre le jugement des litiges, en raison de l'interdiction générale de compromettre, c'est-à-dire de recourir à
l'arbitrage, qui atteint les personnes publiques (CE 13 déc. 1957, Société nationale de vente des surplus, Rec. 678), à
l'exception (L. 9 juill. 1975, art. 5, insérée dans le Code civil, art. 2060) de certaines catégories d'établissements publics
industriels et commerciaux dont la liste devait être fixée par décret. Le décret n'a jamais été pris. Mais plusieurs lois, depuis,
ont autorisé l'arbitrage pour certaines entreprises publiques (Réseau ferré de France, la Poste, les Chambres de
Commerce) 925. Le principe de l'interdiction du recours à l'arbitrage par les personnes publiques a valeur législative et non
constitutionnelle : Cons. const. décis. no 2004-506 du 2 décembre 2004, Loi de simplification du droit, p. 211. Mais, comme
on le verra (v. ss 621), cette interdiction de recourir à l'arbitrage en matière contractuelle pourrait être supprimée (v. ss 70).
Toutefois le juge administratif admet sa compétence pour connaître d'une sentence arbitrale rendue à l'étranger mais
concernant un marché public : CE 19 avr. 2013, Syndicat mixte des aéroports de Charente, D. 2013. 1445, note P. Cassia.
Sur la base de l'ordonnance du 1er décembre 1986 le Conseil d'État a la faculté, lorsqu'il est saisi, de consulter le Conseil
de la concurrence pour lui demander des éléments d'appréciation (v. par ex. CE, Sect., 26 mars 1999, Sté Eda, RFDA 1999.
689 ; CE, Ord., 19 mai 2005, Sté Fiducial Informatique et Sté Fiducial Expertise ; CE 20 juill. 2005 (même requérant),
AJDA 2005. 2167, chron. Landais et Lenica 926.

SECTION 2. LA FORMATION DU CONTRAT ADMINISTRATIF


La liberté et l'égalité des contractants s'y trouvent l'une et l'autre largement mises en échec.

§ 1. Les limitations apportées à la liberté contractuelle


Pour l'administration, l'opération contractuelle est la mise en œuvre d'une compétence et cette compétence n'est pas
entièrement discrétionnaire. Ceci se vérifie tant dans la capacité de contracter que dans le choix du cocontractant.

470 A. La capacité de contracter ◊ 1o Elle est liée à la personnalité morale ; ce sont les personnes morales publiques, et
elles seules, qui peuvent contracter ; dans le cas des contrats passés par les divers services non personnalisés de l'État, c'est
l'État que le service engage.
2o Pour chaque personne publique, les textes déterminent les autorités compétentes pour l'engager, le rôle de chacune de
ces autorités dans la procédure contractuelle, les règles de forme selon lesquelles le consentement doit être donné, les
contrôles exercés sur l'autorité contractante du point de vue technique et financier.
3o L'autorité compétente n'est pas toujours libre de choisir entre le contrat privé et le contrat administratif : les textes
imposent souvent le recours au contrat administratif pour certaines catégories d'opérations (par ex. en matière de
travaux publics).

471 B. Le choix du cocontractant ◊ Le plus souvent les personnes publiques ne peuvent pas choisir librement leur
cocontractant, ce choix étant dominé par la nécessité d'une publicité destinée à susciter la concurrence entre les personnes
intéressées par la passation du contrat.
Le choix n'est libre que dans les contrats où l'intuitus personae, c'est-à-dire la personnalité du cocontractant, joue un rôle
essentiel, comme la concession de service public, mais avec, cependant un double tempérament :
– tout d'abord la limitation de la durée maximum pour laquelle peut être accordée la concession ; – d'autre part la mise en
concurrence, sur la base de l'ordonnance du 29 janvier 2016.
Pour les différents marchés le principe est celui de la mise en concurrence (v. par ex., pour l'obligation de concurrence
pesant sur les collectivités territoriales : CE, Sect., 20 mai 1998, Communauté de communes du Piémont de Barr, AJDA
1998. 553). Au-delà d'un certain montant la mise en concurrence s'étend à toutes les entreprises de l'Union européenne.
Certaines entreprises ayant encouru des condamnations pénales ou fiscales sont exclues de tous les marchés publics (cf. :
décr. du 23 nov. 1979) 927.
La passation des marchés publics est régie par l'ordonnance du 23 juillet 2015 et par les directives de l'Union européenne
qui se sont multipliées 928.En dépit des anciens textes on avait malheureusement continué à voir des affaires à propos
desquelles on pouvait s'interroger sur les conditions réelles dans lesquelles le marché avait été passé 929. La loi du 3 janvier
1991 s'efforce de lutter contre ces pratiques, notamment par la création d'une « Mission d'enquête sur les marchés ».

472 C. Le référé précontractuel 930 ◊ Les articles L. 551-1 et L. 551– 2 du Code de justice administrative organisent une
procédure originale destinée à assurer le respect effectif de l'obligation de publicité et de mise en concurrence.
En effet, si une personne ayant un intérêt à conclure le contrat 931 ou le représentant de l'État dans le département,
estiment qu'il y a manquement à ces obligations ils peuvent saisir le Président du Tribunal administratif, ou son délégué, afin
qu'il ordonne à l'auteur du manquement de se conformer à celles-ci. Pour des exemples de cette procédure, v. : CE, Ass.,
10 juin 1994, Cne de Cabourg, Rec. 304, concl. Lasvignes ; CE, Sect., 3 nov. 1996, Sté Stentafon communication, LPA, 1996,
no 63, p. 19, note Rouvillois ; CE 22 mars 2000, Époux Lasaulce, Rec. 127.
Selon la constatation du Conseil d'État 932 le référé précontractuel « débouche souvent sur des annulations de contrats
pour des vices de pure forme qui sont, en réalité, sans aucune incidence sur le contrat ». Comme on l'a fait remarquer (AJDA
2009. 1064) la jurisprudence avait admis si largement la recevabilité de ce recours qu'elle avait fini par en faire une sorte
d'actio popularis. La réaction est venue avec l'arrêt Smirgeomes (CE, Sect., 3 oct. 2008, RFDA 2008. 1128, Concl. Dacosta,
1139, note Delvolvé) : dans cet arrêt le CE juge que les manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence
ne peuvent être sanctionnés que si le requérant établit que ceux-ci ont effectivement lésé, ne serait-ce que de manière
indirecte, ses intérêts en avantageant une entreprise concurrente.
Le juge des référés précontractuels dispose de pouvoirs importants (v. note W. Zimmer in Contrats MP juin 2006 Comm.
188). Il peut annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions
destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations. Certes il ne doit contrôler que le seul respect des
obligations de publicité et de concurrence (CE 21 juin 2000, Synd. Intercommunal de la Côte d'Amour, RFDA 2000. 883 et
1031, Concl. Bergeal) mais il contrôlera les motifs de l'exclusion d'un candidat (CE 3 févr. 2004, Cne de Chateaudun, AJDA
2004. 1711), pourra se prononcer sur les capacités d'un candidat à un marché (CE 17 sept. 2014, Sté Delta Process, AJDA
2014. 1796 ; CE 17 juin 2015,Cne de Montpellier, AJDA 2015. 1244 ; CE 18 sept. 2015, Assoc. de gestion du CNAM des
Pays de la Loire, AJDA 2016. 153, note Rombauts-Chabrol), et peut même statuer ultra petita, c'est-à-dire au-delà de ce qui
lui est demandé (CE 20 oct. 2006, Cne d'Andeville, AJDA 2006. 2340, Concl. Casas). En ce qui concerne son pouvoir
d'injonction v. CE 14 déc. 2009, Cne de La Roche-sur-Yon, AJDA 2009. 2433. Pour le contrôle du CE sur les décisions du
juge des référés : CE, Sect., 11 juill. 2008, Ville de Paris, AJDA 2008. 1407. Cette action n'a, bien sûr, plus de raison d'être
lorsque le contrat est conclu puisqu'elle est préventive : CE 3 juin 2009, Sté des Aéroports de Paris, Rec. 216, Concl.
Dacosta. De même elle n'est pas ouverte à l'entreprise attributaire du marché : CE 23 déc. 2011, Dépt. de la Guadeloupe,
AJDA 2012. 442, note P. Cassia.
Confiée à un juge unique, la décision n'est pas susceptible d'appel. Le caractère préventif de cette procédure constitue,
dans les pouvoirs du juge, une innovation.

473 D. Le référé contractuel 933 ◊ Une fois le contrat conclu une autre voie de recours est possible : le référé contractuel.
Celui-ci a été créé par une directive européenne du 11 décembre 2007, transposée par une ordonnance du 27 novembre 2009
(CJA, art. L. 551-13 s.) 934.
Le juge des référés peut suspendre l'exécution du contrat pour la durée de l'instance sauf s'il estime que les conséquences
négatives de cette mesure pourraient l'emporter sur les avantages. Sur le fond le juge prononce la nullité du contrat
lorsqu'aucune des mesures de publicité requises pour sa passation n'a été prise, ou lorsqu'a été omise une publicité au JO de
l'Union européenne lorsque celle-ci est requise. Aux termes de l'art. L. 551-14 CJA le référé contractuel n'est pas ouvert au
demandeur ayant fait usage du référé précontractuel 935.
Dans ses conclusions de l'arrêt Département du Tarn et Garonne, M. Dacosta évalue de la manière suivante ce recours (au
Rec. 2014, p. 75) : « Le référé contractuel est une voie fort étroite, dont l'objet principal est de sanctionner les collectivités
qui soit n'ont prévu aucune forme de publicité, soit ont fait obstacle à une saisine du juge du référé précontractuel. Autant
dire qu'elle n'est couronnée de succès, généralement, que dans des cas pathologiques » (sic).

474 E. Les divers modes de passation des marchés 936 ◊


1o Le système très longtemps utilisé.
Pendant fort longtemps on a utilisé trois procédés distincts permettant de choisir le titulaire du marché :
a) L'adjudication 937. L'objet du marché étant défini, chaque personne ou entreprise intéressée soumissionnait, c'est-à-dire
déposait sous pli cacheté son prix. C'était celui qui avait offert le prix le plus bas qui était, automatiquement, attributaire
du marché.
L'adjudication était ouverte lorsque tous les membres de la profession intéressée par l'objet du contrat pouvaient
participer. Elle était restreinte lorsque l'Administration n'appelait à soumissionner que des entreprises nommément désignées.
b) L'appel d'offres. Cette procédure, comme l'adjudication, fait appel à la concurrence, soit ouverte, soit restreinte. Mais
l'attribution du marché ne va pas automatiquement à l'offre la plus basse ; l'Administration choisit librement celle qu'elle juge
la plus intéressante, en tenant compte non seulement du prix, mais encore de toutes les données techniques et
économiques 938.
c) Les marchés de gré à gré, ou, par entente directe, qui ont pris, dans le code, la qualification de marchés négociés. Ici
l'Administration retrouve sa pleine liberté : « elle engage librement les discussions qui lui paraissent utiles et attribue
librement le marché ». Elle doit cependant, dans toute la mesure du possible, provoquer la concurrence.
Longtemps, l'adjudication a été la règle pour les marchés, en accord avec les conceptions du libéralisme économique et
avec une conception étroitement comptable de l'intérêt public.
L'évolution s'est produite avec le Code des marchés du 7 mars 2001 qui pose le principe que « les marchés sont passés sur
appel d'offres ». Il prévoit cependant la possibilité de recourir à des formules moins lourdes (– mise en concurrence
simplifiée ; – procédure négociée ; – procédure du concours) et, pour les marchés de moins de 90 000 euros HT, le marché
« sans formalités préalables ».
2o Le système de l'Ordonnance du 23 juillet 2015 :
Le droit des marchés publics est l'un des secteurs du droit administratif où le droit communautaire est le plus présent
comme le démontre le fait que l'ordonnance du 23 juillet 2015, qui fixe le droit applicable en la matière, est intervenue pour
la transposition des directives communautaires.
Le droit des marchés publics, on l'a vu (v. ss 462), repose sur trois grands principes : ceux de la liberté d'accès à la
commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures (art. 1er Ord.). Ceux-ci font
partie, pour le Conseil d'État, des principes généraux du droit (CE, Avis, Sect. 29 juillet 2002, Sté MAJ Blanchisserie de
Pantin, AJDA 2002. 755, note J.D. Dreyfus ; Contrats et Marchés publics 2002. 207, note Llorens) et sont également des
principes constitutionnels (Cons. const. 26 juin 2003, Loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit, AJDA 2003. 1391,
note Schoettl 939.
Les marchés publics passent désormais à l'ère du numérique du fait de leur dématérialisation. Aux termes de l'ordonnance
du 16 juin 2003 certaines formalités (mise à disposition des conditions contractuelles, réception des offres..) peuvent être
accomplies par voie électronique 940. Il est prévu que la dématérialisation totale interviendra d'ici 2018.
Le schéma de la procédure d'attribution des marchés est le suivant :
- obligation de publicité et de mise en concurrence ;
- choix de l'offre économique la plus avantageuse.
L'acheteur peut être une centrale d'achat (art. 26) et les acheteurs peuvent procéder à des groupements de commandes
(art. 28).
Avant de lancer la consultation sur le projet de marché « la nature et l'étendue des besoins à satisfaire sont déterminées
avec précision… en prenant en compte des objectifs de développement durable dans leurs dimensions économique, sociale et
environnementale (art. 30).
Afin de faciliter l'accès des PME aux marchés publics l'ordonnance consacre une obligation générale d'allotissement, c'est
à dire de division des appels d'offres en lots, chaque lot correspondant à une partie du chantier (art. 32). Cependant la
possibilité offerte aux opérateurs économiques de « présenter des offres variables selon le nombre de lots susceptibles d'être
obtenus » est de nature à assouplir cette obligation. Il y a aussi la possibilité de réserver certains marchés aux opérateurs
économiques qui emploient des travailleurs handicapés ou défavorisés (art. 36). En revanche, l'ordonnance prévoit
expressément trois hypothèses de recours à des marchés globaux : les marchés de conception-réalisation ; les marchés
globaux de performance et les marchés globaux sectoriels (art. 33 à 35).
Les conditions d'exécution d'un marché public peuvent prendre en compte des considérations relatives à l'économie, à
l'innovation, à l'environnement, au domaine social ou à l'emploi, à condition qu'elles soient liées à l'objet du marché (art. 38).
La sous-traitance peut être limitée par le pouvoir adjudicateur quant à son étendue (art. 62).
Avant de lancer les opérations de passation du marché l'acheteur doit se livrer à une opération visant à comparer les
différents modes envisageables de réalisation du projet (art. 41). Il peut ensuite lancer la publicité afin de susciter la plus
large concurrence, en distinguant les seuils rendant la publicité obligatoire (fixés par voie réglementaire) 941 et les seuils des
procédures de passation imposés par la mise en concurrence.
Les procédures de mise en concurrence ont fait l'objet d'une modification importante. En effet, jusqu'à l'ordonnance du
23 juillet 2015, le concours constituait une procédure à part entière de passation des marchés. Désormais le concours défini
comme « un mode de sélection par lequel l'acheteur choisit, après mise en concurrence et avis d'un jury, un plan ou un projet,
notamment dans le domaine de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme, de l'architecture et de l'ingénierie ou du
traitement des données » (art. 8), n'est plus qu'un mode de sélection relevant du droit commun des procédures de passation
définies par l'art. 42. Selon celui-ci on distingue trois systèmes de mise en concurrence :
1°) les procédures formalisées. Lorsque la valeur estimée est égale ou supérieure aux seuils européens on peut recourir à
l'une des procédures suivantes :
- procédure d'appel d'offres, ouvert ou restreint ; procédure concurrentielle avec négociation ;
- procédure négociée avec mise en concurrence préalable ;
- procédure de dialogue compétitif.
2°) la procédure adaptée. Ses modalités sont déterminées par l'acheteur, lorsque l'estimée du besoin est inférieure aux
seuils européens ou en fonction de l'objet de ce marché.
3°) la procédure négociée, sans publicité ni mise en concurrence préalables.
Les articles 45 à 48 énumèrent les interdictions de soumissionner, mais elles sont cependant susceptibles d'une dérogation
pour raisons impérieuses d'intérêt général.
L'article 52 formule le critère d'attribution du marché : « le marché public est attribué au soumissionnaire ou, le cas
échéant, aux soumissionnaires qui ont présenté l'offre économiquement la plus avantageuse sur la base d'un ou plusieurs
critères objectifs, précis et liés à l'objet du marché public ou à ses conditions d'exécution ». 942Mais il est bien précisé que les
critères d'attribution n'ont pas pour effet de conférer une liberté de choix illimitée à l'acheteur et doivent garantir la
possibilité d'une véritable concurrence.
Enfin, selon la technique de ce qu'il est convenu maintenant d'appeler « l'open data », l'art. 56 pose un principe de
transparence en prévoyant que les acheteurs rendent public le choix de l'offre retenue et rendent accessibles sous un format
ouvert et librement réutilisable les données essentielles du marché 943.
La violation des règles communautaires concernant les marchés publics peut entraîner un recours en manquement : CJCE
18 juill. 2007, Commission/République fédérale d'Allemagne, RFDA 2007. 958, concl. V. Trstenjak, note P. Delvolvé.
3o Le problème des contrats « in house » encore dénommés de quasi-régie » 944. Ces contrats posent le problème des
« contrats maison » : on veut dire par là qu'un contrat, on l'a vu, intervient normalement entre deux personnes juridiques
distinctes. Qu'en est-il lorsqu'il s'agit d'une relation qui s'établit à l'intérieur d'une même entité juridique c'est-à-dire, par
exemple, lorsqu'un service fournit une prestation à un autre service de la même personne ? Sous l'angle du droit
communautaire, de telles relations échappent-elles au principe de la mise en concurrence des candidats à un marché public ?
Alors que la notion de l'exception « in house » avait été dégagée par la jurisprudence de la CJCE (18 nov. 1999, Teckal,
BJCP 1999, no 8, p. 43, concl. Cosmas, note Maugüe) elle est maintenant prise en compte par l'ordonnance du 23 juillet
2015 mais pour l'exclure de son application lorsque : 1° le pouvoir adjudicateur exerce sur la personne morale concernée un
contrôle analogue à celui qu'il exerce sur ses propres services ; 2° la personne morale contrôlée réalise plus de 80 % de son
activité dans le cadre des tâches qui lui sont confiées par le pouvoir adjudicateur ; 3° la personne morale contrôlée ne
comporte pas de participation directe de capitaux privés (art. 17 de l'ord.).
Le Conseil d'État, à juste titre, a estimé qu'il n'y avait rien que de très juridique à ce qu'une boulangerie militaire étende
ses prestations à un autre service de l'État, le service pénitentiaire : CE 29 avr. 1970, Sté Unipain, Rec. 280. De même, il a
reconnu le caractère d'opérateur « in house » à l'association chargée d'organiser le festival d'Aix-en-Provence : CE, Sect.,
6 avr. 2007, Cne d'Aix-en-Provence, AJDA 2007. 1020, chron. Lenica et Boucher. L'intercommunalité bénéficie de
l'exception in house : CJCE 13 nov. 2008, Coditel Brabant SA/Cne d'Uccle, AJDA 2008. 2140 ; de même pour les relations
entre une ville et son OPAC : CAA Paris, 30 juin 2009, Ville de Paris/Préfet RIF, AJDA 2009. 1766, note F. Lelièvre.
L'exception s'applique également à l'intérieur d'un GIP en matière de santé : CE 4 mars 2009, Synd. Nat. des Industries
d'information de santé, RFDA 2009. 759, note Apollis. L'exception ne joue pas pour une commune très minoritaire dans une
société publique locale d'aménagement (CE 9 nov. 2013, Commune de Marsannay-la-Côte, AJDA 2013. 2229) 945. De son
côté, la CJCE dans son arrêt Teckal du 18 novembre 1999 avait admis qu'un contrat « in house » pouvait intervenir entre
deux entités juridiquement distinctes dès lors que le pouvoir adjudicataire contractant exerçait sur le cocontractant un
contrôle analogue à celui qu'il exerce sur ses propres services et que ce dernier réalise l'essentiel de son activité avec lui, ce
qui était fort compréhensif ; sur ces conditions, v. CJCE 11 mai 2006, Carboneto SPA, Consorzio Aliesi/Commune di Busto
Arsizio, AJDA 2006. 1013 ; CJCE 19 avr. 2007, Asemfo, AJDA 2007. 1759, note E. de Fenoyl ; CJCE 17 juill. 2008,
Commission/Italie, AJDA 2008. 2337. Mais l'arrêt Stadt Halle de la CJCE (11 janv. 2005, AJDA 2005, note F. Rolin) a
marqué les limites du procédé. La Cour juge, en effet, que si le pouvoir adjudicateur veut conclure un contrat avec une
société distincte de lui et dans laquelle il détient une participation avec une ou plusieurs entreprises privées, il est soumis aux
procédures de mise en concurrence. Pour un resserrement des conditions de recours au contrat in house : CJCE 29 nov. 2012,
Éconord SpA, AJDA 2013. 178, note J.D. Dreyfus et 339, chron. CJUE. L'exception ne joue que si le capital de la société en
cause est intégralement détenu par le pouvoir adjudicataire : CJCE 10 sept. 2009, Sea Srl/Cne di Ponte Nossa, AJDA 2009.
2226, note Sermier et Épaud. La CJUE a indiqué que l'exception ne peut pas s'appliquer lorsque l'adjudicataire est une
association d'utilité publique sans but lucratif dont les sociétaires comprennent, outre les pouvoirs adjudicateurs, des
associations poursuivant des objectifs de bienfaisance : CJUE 19 juin 2014, Centre hospitalier de Setubal EPE, AJDA
2014. 1301. Elle refuse également d'étendre l'exception au contrat conclu entre deux entités liées à un opérateur commun dès
lors que ce dernier n'exerce pas sur ces entités un contrôle « analogue » à celui exercé sur ses propres services : CJUE 8 mai
2014, Technische Universität Hamburg-Harburg, AJDA 2014. 2001, note Y. Simonnet.

§ 2. Les atteintes à l'égalité des contractants

475 L'élaboration des clauses du contrat ◊ Un contrat administratif peut être verbal (CE 13 janv. 2010, M. Dauphin,
AJDA 2010. 1105) mais le décret du 9 décembre 2011 (préc.) impose la forme écrite pour les marchés publics au-delà de
15 000 euros.
Dans le schéma classique du contrat privé, les parties élaborent en commun les conditions de leur accord, au cours d'une
libre discussion. En pratique, cette discussion disparaît souvent : l'une des parties fixe les conditions du contrat, que l'autre ne
peut qu'accepter ou refuser en bloc. C'est le cas, par exemple, du contrat d'assurance. Il y a alors contrat d'adhésion.
Dans les contrats administratifs, cette fixation unilatérale des clauses de l'acte est la règle : c'est l'administration qui
détermine l'ensemble des règles contractuelles. Le particulier ne peut manifester son initiative que dans l'élaboration de son
prix lorsque le contrat en comporte un ; pour le surplus, aucune discussion n'intervient entre l'administration et lui ; sa liberté
ne porte que sur l'acceptation ou le refus en bloc des conditions proposées.
Le document qui définit ces conditions est le cahier des charges, annexé à l'acte contractuel proprement dit. Dans les
marchés, il comprend, pour l'essentiel, deux séries de documents :
1o Les documents généraux, valables pour tous les marchés de la même catégorie. Ce sont :
– Le cahier des clauses administratives générales, qui fixe les dispositions applicables à tous les marchés de même nature
passés par un service ; l'exemple type en est le cahier des clauses administratives générales des marchés de travaux publics
de l'État 946. Ces documents sont permanents, parfois approuvés par arrêté ministériel ou par décret. Il faut bien comprendre
qu'ils n'ont pas, pour autant, le caractère réglementaire : leur force obligatoire, à l'égard de chaque cocontractant de
l'administration, vient uniquement de leur incorporation au contrat. La preuve en est dans le fait que les modifications
apportées à un cahier des clauses générales ne s'appliquent pas aux contrats antérieurs à ces modifications, qui restent régis
par les dispositions en vigueur lors de leur conclusion 947.
– Le cahier des clauses techniques générales, qui fixe les dispositions techniques applicables à tous les marchés d'une
administration portant sur des travaux ou des fournitures de même nature.
2o Les documents particuliers fixent, pour chaque marché, les clauses administratives et les clauses techniques qui lui
sont propres.
Dans la concession, le cahier des charges particulier se réfère parfois à un cahier des charges type élaboré pour toutes les
concessions de même nature ; sur le caractère partiellement réglementaire du cahier des charges de la concession, cf. v.
ss 414.

SECTION 3. L'EXÉCUTION DES CONTRATS ADMINISTRATIFS 948

476 Vue d'ensemble ◊ Deux traits dominent la matière.


1o L'administration dispose, à l'égard de son cocontractant, de prérogatives sans équivalent dans les contrats privés. Elles
découlent, soit des clauses du contrat, soit des règles générales applicables à tout contrat administratif en tant que tel, et
inhérentes à sa nature. Elles se manifestent tant à l'occasion de l'exécution normale que dans les sanctions de l'inexécution ou
de la mauvaise exécution.
2o Cette inégalité fondamentale a une limite du côté financier : le cocontractant, sur ce terrain, bénéficie de garanties que
le droit privé ignore, et qui tendent à lui assurer, en tout état de cause et quel que soit l'usage fait par l'administration de ses
prérogatives, une rémunération conforme aux prévisions initiales.

§ 1. Les prérogatives de l'administration

477 A. L'exécution normale ◊ Comme tout contractant, l'administration tire du contrat le droit d'exiger de l'autre partie
l'exécution de ses obligations telles qu'elles ont été prévues au contrat. L'obligation d'exécuter est personnelle : les sous-
traités 949, par lesquels le cocontractant de l'administration confie à d'autres entreprises privées certaines parties de l'exécution
du contrat, doivent être autorisés ; conclus entre personnes privées, ce sont d'ailleurs, sauf les exceptions indiquées v. ss 465,
des contrats de droit privé. Seule la force majeure 950 permet au cocontractant de se dégager ; si elle fait disparaître l'objet
même du contrat, il est résilié de plein droit ; dans les autres cas, le cocontractant peut s'en prévaloir pour demander au juge
de prononcer la résiliation. Mais en outre :
1o Le contrat, en règle générale, réserve à l'administration le droit, soit de diriger, soit de contrôler les opérations
d'exécution. En matière de travaux publics, par exemple, les ingénieurs de l'administration des ponts et chaussées accèdent
librement aux chantiers, et adressent à l'entrepreneur des ordres de service. De même, l'exécution des fournitures
est contrôlée.
2o L'administration peut modifier unilatéralement les obligations de son cocontractant, en plus ou en moins 951. Ce
pouvoir de modification unilatérale est si contraire au principe, fondamental en droit privé, de l'immutabilité des contrats,
qu'une partie de la doctrine en contestait l'existence en s'efforçant de réintégrer dans le cadre des principes contractuels du
Code civil les solutions administratives qui s'en écartent 952. La jurisprudence a mis fin à cette controverse en réaffirmant le
principe de façon explicite (CE 2 févr. 1983, Union des transports publics urbains, RD publ. 1984. 212) ; il ne fait d'ailleurs
que traduire le primat de l'intérêt général, dont les exigences, qui peuvent changer avec le temps, ne sauraient être mises en
échec par des règles contractuelles immuables. L'administration peut donc accroître, modifier, réduire, les obligations du
cocontractant. La règle a été posée pour les concessions de service public : les concessionnaires d'éclairage au gaz ont été
contraints, après la découverte de l'électricité, de s'adapter à la technique nouvelle. (CE 10 janv. 1902, Gaz de Deville-lès-
Rouen, S. 1902. 3, note Hauriou) ; une ville en expansion peut imposer, au concessionnaire de son réseau de tramways, la
création de lignes que ne prévoyait pas le contrat (CE 21 mars 1910, Cie générale française des tramways, GAJA, no 20,
Rec. 216, concl. Blum). Cet arrêt montre bien comment l'intérêt général exige que l'on reconnaisse un tel pouvoir à
l'Administration. Mais il a une portée générale. Pour une illustration plus récente de cette jurisprudence : CE 27 oct. 2010,
Syndicat intercommunal, des transports publics de Cannes, RD publ. 2011. 562, chron. Pauliat.
Le pouvoir de modification unilatérale a cependant des limites très strictes, que l'on a longtemps sous-estimées, mais que
les controverses doctrinales signalées plus haut ont permis de préciser : fondé sur la nécessité d'adapter le service à une
situation nouvelle, il n'est justifié que par ce motif. De plus, au-delà d'un certain volume de modifications, le cocontractant
peut demander au juge de prononcer la résiliation du contrat. En outre, la modification unilatérale ne peut jamais consister
dans une réduction des avantages financiers accordés au cocontractant. Enfin, il donne à celui-ci le droit d'obtenir une
contrepartie financière à ses obligations nouvelles.

478 B. Les sanctions en cas de faute dans l'exécution ◊ Sur ce point, les prérogatives de l'administration se
vérifient dans deux directions :
1o Si c'est elle qui est en faute, le droit commun, qui permet au cocontractant de se retrancher derrière l'exception
d'inexécution (l'exceptio non adimpleti contractus) 953 pour suspendre l'exécution de ses propres obligations est écartée : le
particulier reste tenu d'exécuter, quelle que soit la faute de l'administration ; il peut seulement saisir le juge d'une action en
dommages-intérêts, ou d'une demande de résiliation en cas de faute très grave.
2o En cas de faute du particulier, telle que négligences, malfaçons, fraudes, retards, l'administration dispose d'une
gamme étendue de sanctions, qui présentent, par rapport au droit privé, des traits originaux :
a) Elles sont orientées, non seulement vers la réparation du dommage, mais aussi vers l'exécution effective, conformément
aux exigences de l'intérêt public.
b) Elles existent de plein droit, en dehors même des prévisions du contrat : l'administration est toujours maîtresse, même
dans le silence du contrat, de prononcer la sanction adaptée au manquement constaté (CE 31 mai 1907, Deplanque, Rec. 513,
concl. Romieu).
c) Surtout, elles sont décidées unilatéralement par l'administration, sans constatation préalable de la faute par le juge,
après mise en demeure. Il y a là, au sein de l'opération contractuelle, une réapparition du procédé de la décision exécutoire et
du privilège du préalable, caractéristique de la puissance publique. L'exercice de ces prérogatives constitue, pour
l'administration, une véritable obligation. Le juge, sauf dans quelques rares hypothèses, lui refuse le droit d'y renoncer, et de
le saisir pour faire condamner le cocontractant défaillant (CE 21 juill. 1970, Min. de l'Équipement, AJDA 1970. 631). La
règle n'admet qu'une exception : la déchéance du concessionnaire de service public ne peut être prononcée que par le juge
étant donné sa gravité.
d) Le cocontractant peut toutefois saisir le juge qui, au cas où la sanction serait injustifiée, accorde une
indemnité compensatrice.
e) Le régime des pénalités est un élément essentiel du contrat : la modification unilatérale d'une clause relative aux
pénalités après le choix du titulaire du marché entraîne la nullité du contrat : CE 1er juillet 2015,OPH de Loire-Atlantique,
AJDA 2015. 2244.
3o Les principales sanctions. Elles sont de trois sortes :
a) Sanctions pécuniaires 954, soit stipulées au contrat lui-même, et jouant de façon automatique lorsque se produit le
manquement prévu (pénalités contractuelles, notamment de tant par jour de retard), soit calculées après coup en fonction du
dommage subi (dommages intérêts).
b) Sanctions destinées à assurer l'exécution malgré la défaillance du cocontractant, l'administration se substituant à lui, au
moins provisoirement, et prenant elle-même l'exécution en main, mais lui faisant supporter les frais de son intervention :
mise en régie (travaux publics), exécution par défaut (fournitures), mise sous séquestre (concession).
c) Sanctions mettant fin au contrat, sans aucune indemnisation : résiliation aux torts (marchés), déchéance (concession).

§ 2. Le principe de l'équilibre financier du contrat

479 A. Les droits du cocontractant ◊ En application du droit contractuel commun, le cocontractant de l'administration
a droit aux avantages que le contrat lui confère. Ceux-ci sont de deux sortes :
1o Il est fréquent, d'une part, que l'administration mette à la disposition de son cocontractant, en vue de faciliter
l'exécution de ses obligations, certaines prérogatives de puissance publique : le concessionnaire de service public est autorisé
à percevoir sur les usagers des taxes qui constituent la contrepartie du service à eux rendu ; il pouvait, traditionnellement,
bénéficier d'un monopole de droit, ce qui ne paraît plus compatible avec le droit communautaire ; l'entrepreneur de travaux
publics peut occuper temporairement les terrains privés nécessaires à l'implantation du chantier. Ces clauses mettent en relief
l'élément d'association entre les contractants qui colore le contrat administratif, et qu'expliquent les exigences de
l'intérêt général.
2o Le contrat, d'autre part, fixe les bases de la rémunération qui constitue la contrepartie des obligations du cocontractant.
Elle peut être fixée de façon définitive (prix fermes), modifiable en fonction d'une référence déterminée (prix ajustables), ou
affectée, pour les contrats de longue durée, de clauses de variation (prix révisables). Le prix n'est dû, en principe, qu'une fois
les obligations du cocontractant entièrement remplies (paiement après service fait). La règle présente l'inconvénient d'obliger
les cocontractants à faire toutes les avances ; aussi y a-t-on apporté de nombreux aménagements. Il s'agit essentiellement des
avances et des acomptes 955 : – avances forfaitaires ; – avances facultatives ; – acomptes. Encore faut-il que l'Administration
ne soit pas mauvais payeur (AJDA 2011. 877). Afin de lutter contre les retards mis par l'Administration à régler le montant
des marchés, l'article 1er du décret n° 2013-269 du 29 mars 2013, « relatif à la lutte contre les retards de paiement dans la
commande publique », fixe à 30 jours le délai de paiement pour l'État et les collectivités territoriales.
Les dispositions relatives à la rémunération échappent au pouvoir de modification unilatérale de l'administration. Mais en
outre, l'élément d'association déjà signalé se manifeste sur ce point, avec une force particulière : c'est le principe du droit à
l'équilibre financier du contrat, qui est l'une des caractéristiques essentielles du contrat administratif, et la contrepartie des
prérogatives de l'administration.

480 B. Le principe de l'équilibre financier du contrat 956 ◊ L'idée que la rémunération du cocontractant, au lieu
d'être fixée ne varietur par le contrat, doit se modeler sur les charges qui lui incombent réellement, de telle sorte que l'aléa
inhérent à toute entreprise se trouve sérieusement limité, est à la base de la théorie des sujétions imprévues : le cocontractant,
s'il rencontre des difficultés matérielles d'exécution extérieures à la volonté des parties, et imprévisibles, doit en être
indemnisé intégralement 957. Mais surtout, le principe se dégage de deux théories jurisprudentielles : celle du fait du prince et
celle de l'imprévision.

481 1o La théorie du fait du prince 958 ◊ L'aléa envisagé ici, dit aléa administratif, est celui qui résulte de l'exercice, par
l'autorité publique, à l'encontre du cocontractant, de ses prérogatives. Lorsque la puissance publique (le prince) aggrave, par
son fait, les conditions d'exécution du contrat, elle peut être tenue d'indemniser le cocontractant. L'indemnisation est alors
intégrale, c'est-à-dire égale au préjudice subi. Mais les solutions jurisprudentielles sont complexes et nuancées, notamment
selon que la mesure prise émane de la personne contractante ou d'une autre personne publique, et selon qu'elle a un caractère
général ou individuel. On peut les schématiser ainsi :
a) La théorie du fait du prince joue toujours lorsque la personne publique contractante use de son pouvoir de modification
unilatérale des obligations du cocontractant (v. ss 477). À cette hypothèse, qui constitue le domaine d'élection de la théorie,
on assimile le cas où la même personne publique prend, à l'égard de son cocontractant, une mesure individuelle aggravant les
charges, non pas sur la base du contrat, mais à un autre titre, par exemple en vertu de son pouvoir de police.
b) La théorie ne joue jamais quand la mesure qui alourdit les charges du cocontractant émane non de la personne publique
contractante, mais d'une autre personne publique, par exemple quand un décret, acte de l'État, aggrave, en matière sociale, la
situation des cocontractants des collectivités territoriales. Dans ce cas, il y a assimilation de l'aléa administratif à l'aléa
économique, et application éventuelle de la théorie de l'imprévision (v. ss 482).
c) La théorie peut jouer lorsque la personne publique contractante prend une mesure générale qui aggrave les charges du
cocontractant ; mais il n'en est ainsi que lorsque la mesure a, sur l'un des éléments essentiels du contrat, une répercussion
directe (par ex. : création d'une taxe frappant des matières premières nécessaires à l'exécution du contrat).

482 2o La théorie de l'imprévision 959 ◊ C'est ici l'aléa économique qui est pris en considération. Il peut arriver qu'au
cours de l'exécution, lorsque le contrat se poursuit sur une certaine durée, des bouleversements économiques, étrangers à la
volonté des parties, viennent imposer au cocontractant une surcharge ruineuse. L'exécution reste matériellement possible :
sinon, il y aurait force majeure, et le cocontractant serait délié de son obligation ; mais elle devient économiquement
désastreuse. Dans l'affaire à l'occasion de laquelle le Conseil d'État a créé la théorie (CE 24 mars 1916, Cie Générale
d'éclairage de Bordeaux, GAJA, no 29, Rec. 130, concl. Chardenet), la guerre de 1914 avait provoqué une hausse du charbon
telle que les concessionnaires du gaz ne pouvaient poursuivre leur exploitation aux tarifs prévus aux contrats sans encourir
la ruine.
Le droit privé estimait, depuis toujours, que lorsqu'une telle situation se présentait elle demeurait sans effet sur les
obligations nées du contrat. Mais l'ordonnance du 10 février 2016, réformant le droit des contrats, introduit maintenant
l'imprévision en droit civil (C. civ., art. 1195).
Le juge administratif estime donc que la faillite du cocontractant, même inéluctable de l'aléa économique, serait de nature
à compromettre la nécessaire continuité de la satisfaction des besoins publics. La théorie de l'imprévision a pour but d'assurer
cette continuité ; elle partage l'aléa entre les deux contractants, la personne publique versant, au concessionnaire, une
indemnité lui permettant de poursuivre l'exécution.

483 a) Les conditions de l'imprévision ◊ Pour que la théorie joue, trois conditions sont requises :
– Les contractants n'ont pu raisonnablement prévoir les faits qui bouleversent la situation, étant donné leur caractère
exceptionnel (guerre, crise économique grave (CE 3 déc. 1920, Fromassol, RD publ. 1921. 81, concl. Corneille ; CE, Sect.,
8 nov. 1935, Ville de Lagny, Rec. 1026).
– Ces faits doivent être indépendants de leur volonté.
– Ils doivent provoquer un bouleversement dans les conditions d'exécution du contrat. La disparition du bénéfice du
cocontractant, l'existence d'un déficit, ne sont pas suffisantes : il faut que la gravité et la persistance du déficit excèdent ce
que le cocontractant a raisonnablement pu et dû envisager. Le juge fixe lui-même les « prix limites » – c'est-à-dire les marges
de hausse raisonnablement prévisibles – dont le dépassement ouvre la situation d'imprévision.
Ces conditions sont les seules requises. Touchant la nature même de l'événement générateur d'imprévision, la
jurisprudence est très large : ce peut être un événement politique (guerre) ou économique (crise), un fait naturel (cataclysme).
Ce peut être également, on l'a vu, une intervention de l'autorité publique non contractante statuant par voie générale
(dévaluation monétaire, blocage des prix) 960 : dans ce cas, la théorie du fait du prince ne joue pas, mais, s'il y a
bouleversement du contrat, le cocontractant peut se prévaloir de la théorie de l'imprévision vis-à-vis de la personne publique
avec laquelle il a traité ; celle-ci ne peut se retourner contre celle dont émane la mesure (CE 15 juill. 1949, ville d'Elbeuf,
S. 1950. III. 61, note Mestre).
En ce qui concerne d'autre part la condition relative au bouleversement du contrat, le fait, pour la société concessionnaire,
d'avoir distribué des dividendes à ses actionnaires ne la prive pas nécessairement du droit de se prévaloir, pour les exercices
correspondants, de la théorie de l'imprévision. La résiliation du contrat n'exclut pas l'imprévision (CE 10 févr. 2010, Sté
Prest'action, AJDA 2010. 293).

484 b) Effets de la situation d'imprévision ◊ Lorsque les conditions précédentes sont remplies, le contrat ne peut
plus régir une situation qui le dépasse : on entre dans ce que la jurisprudence nomme la période extra-contractuelle. Si les
parties ne s'accordent pas, le juge du contrat fixe les règles qui vont s'appliquer durant cette période.
L'expression période extra-contractuelle ne doit pas faire illusion : l'essentiel du contrat – c'est-à-dire le lien entre les
parties – subsiste ; le cocontractant reste tenu d'exécuter ; à l'égard de l'administration, la théorie de l'imprévision ne fait que
mettre en œuvre son obligation d'assurer l'équilibre financier du contrat.
Cette obligation se concrétise dans l'indemnité d'imprévision, versée par la personne publique à son cocontractant. À la
différence de ce qui se passe dans la théorie du fait du prince, cette indemnité n'est jamais égale à la totalité des pertes subies,
ou charge extra-contractuelle. Le juge, après avoir calculé cette charge à partir de l'ouverture de la période extra-
contractuelle, détermine la part qu'en doit supporter chacun des contractants ; dans ce calcul, la notion d'équilibre financier
global du contrat conduit à prendre en considération, notamment, les bénéfices qu'a pu réaliser antérieurement le
cocontractant. L'indemnité d'imprévision représente la part de la charge extra-contractuelle supportée par la
personne publique.

485 c) Fin de la situation d'imprévision ◊ La jurisprudence l'a conçue comme essentiellement temporaire. Si les
conditions économiques qui l'ont provoquée se consolident, de telle sorte que le déficit prenne un caractère définitif, les
parties peuvent, soit conclure un nouveau contrat sur ces bases nouvelles, soit, s'il est impossible de redresser la situation,
demander au juge de prononcer la résiliation du contrat (CE 9 déc. 1932, Cie des tramways de Cherbourg, RD publ. 1933.
117, concl. Josse, note Jéze).

SECTION 4. LA RESPONSABILITÉ CONTRACTUELLE.

486 Les manquements de l'une des parties à ses obligations contractuelles engagent sa responsabilité à l'égard de l'autre partie.
Mais il faut bien reconnaître que l'étude de cette responsabilité contractuelle, en dehors des travaux d'A. de Laubadère 961,
n'a guère retenu l'attention de la doctrine 962. D'autre part, on ne trouve à ce sujet que fort peu de jurisprudence dans les
recueils non spécialisés, sauf en ce qui concerne la garantie décennale des constructeurs sur la base des art. 1792 et 2270 du
Code civil. Cela tient, pour une bonne part, au fait que l'Administration disposant de pouvoirs importants dans l'exécution
des contrats n'a pas besoin, de ce fait, de recourir au juge pour sanctionner les fautes de son cocontractant. Quant au
cocontractant de l'Administration il risque d'avoir des difficultés à démontrer la faute de celle-ci susceptible d'engager
sa responsabilité.
Le premier problème qui se pose est celui de savoir si un contractant, victime d'un dommage causé par une faute commise
par l'autre partie, peut choisir entre la mise en jeu de la responsabilité contractuelle et celle de la responsabilité délictuelle si
la faute commise présente aussi le caractère d'une faute quasi-délictuelle. À cette question le droit civil répond par
l'absorption de la responsabilité délictuelle par la responsabilité contractuelle. La jurisprudence administrative a adopté la
même position : « Dès l'instant où le plaignant est non un tiers mais une partie à un contrat passé avec l'auteur du dommage,
la faute contractuelle absorbe la faute délictuelle » (concl. Corneille sous CE 22 déc. 1922, Lassus, RD publ. 1923. 428).
V. également : CE 1er décembre 1976, Berezowski, D. 1978. 45, note L. Richer.
En ce qui concerne la responsabilité contractuelle pour faute on applique des solutions fort proches de celles du droit civil
mais, naturellement, il ne peut pas en être de même pour la responsabilité sans faute.

§ 1. La responsabilité contractuelle pour faute 963


Selon la formule de R. Chapus, la faute contractuelle, c'est « très simplement… la violation d'une obligation
contractuelle » (op. cit., p. 371). Il s'agit donc de la méconnaissance d'une clause du contrat mais elle peut aussi résulter d'un
manquement aux obligations qui s'imposent au cocontractant en dehors de toute stipulation contractuelle : CE, Sect, 26 mars
1965, Dame Moulinet, Rec. 208.
En ce qui concerne l'Administration, on ne retrouve pas la fameuse distinction de la faute de service et de la faute
personnelle. Pour le cocontractant privé, si l'on en croit Jèze, ses obligations « doivent être exécutées suivant des règles plus
strictes que celles qu'on appliquerait s'il n'était lié que par un contrat de droit privé » (Contrats, t. IV, p. 93).
En principe une faute simple suffit à engager la responsabilité de la puissance publique, mais il peut arriver que l'on exige
une faute lourde. Tel est le cas lorsque figure dans le contrat une clause de non-responsabilité ; celle-ci ne dégage cependant
pas la responsabilité du contractant en cas de faute lourde : CE, Sect., 12 octobre 1973, SEITA, Rec. 565, Concl. Gentot ;
AJDA 1974. 77, Chr. Franc et Boyon. De même si l'Administration a commis une faute lourde dans le contrôle de son
cocontractant celle-ci peut exonérer, au moins partiellement, ce dernier de sa responsabilité : CE 23 janv. 1981, Coudert,
Rec. 23 ; CE 16 mai 1994, Sté des Transports intercontinentaux et Opera, Rec. 241. Mais au-delà d'un certain degré de
gravité la faute est assimilable à une fraude ou à un dol : CE 3 avr. 1991, Sté SMAC Acieroid, Rec. 118.
Le préjudice pris en charge peut être aussi bien matériel que moral, même si,bien sûr, les cas de douleur morale seront
fort rares. Mais on indemnisera, par exemple, une atteinte à la réputation professionnelle du cocontractant : CE 26 juill.
1947, Exposition Internationale de Paris 1937, Rec. 350.

§ 2. La responsabilité contractuelle sans faute


Selon la constatation d'André de Laubadère : « L'existence d'une responsabilité contractuelle de l'administration, engagée
sans que soit exigée comme condition une faute commise par elle, constitue l'élément d'originalité de la responsabilité
contractuelle de l'administration ; c'est du reste seulement l'existence de cette responsabilité qui constitue l'originalité en
question, car, le principe de cette responsabilité étant posé, les divers points de son régime juridique (caractère du préjudice,
règles de la réparation) ne comportent pas de particularisme réel » (art. Mélanges Mestre, p. 390).
La responsabilité sans faute de l'Administration apparaît lorsque l'Administration contractante prend une mesure régulière
mais ayant pour effet de rendre l'exécution du contrat par son cocontractant plus difficile et surtout plus onéreuse. Il s'agit là,
bien sûr, du fait du Prince (v. ss 481). Il est vrai que cette analyse est rejetée par ceux qui refusent d'y voir un cas de
responsabilité sans faute. Ainsi d'un auteur aussi réputé que René Chapus par exemple (op. cit. v. ss 397). Mais le fait du
Prince analysé comme un cas de responsabilité peut se prévaloir, par exemple, des conclusions de Romieu dans l'affaire
Bardy (CE 29 déc. 1905, Rec. 1014) qui déclare : « lorsque c'est la personne publique signataire du contrat qui établit un
impôt, elle engage sa responsabilité envers celui qui a contracté ave elle », ou encore de l'opinion d'Achille Mestre qui relève
que : « la théorie du fait du prince se rattache à la théorie générale des responsabilités administratives » (note au S.
1930. 3. 61). C'est également le point de vue développé par M. S. Badaoui dans sa thèse de doctorat qui est un classique du
droit du fait du Prince.
Pour le calcul de l'indemnité au titre de ce cas de responsabilité sans faute on se reportera donc à ce qui a été dit (v. ss
481) de l'indemnisation du fait du Prince.

SECTION 5. LA FIN DU CONTRAT ADMINISTRATIF


Le contrat prend fin, normalement, par l'exécution des obligations des parties (construction de l'ouvrage, livraison de la
marchandise), ou par l'expiration de la période pour laquelle il a été conclu 964. Il peut encore, selon le droit commun, prendre
fin par la volonté commune des contractants ou par l'effet de la force majeure.
Mais il existe en outre des procédés propres aux seuls contrats administratifs.

487 A. Résiliation par l'administration ◊ L'administration peut prononcer unilatéralement la résiliation, en dehors
même des cas où le contrat lui reconnaît ce pouvoir, dans deux séries d'hypothèses :
1o À titre de sanction (v. ss 478), en cas de faute grave du cocontractant.
Le juge de cassation accepte de contrôler si le titulaire du marché a commis une faute suffisamment grave pour justifier la
résiliation du marché : CE 26 février 2014, Sté Environnement Service/ Cté d'agglomération ajaccienne, AJDA 2014. 1561,
note F. Lombard. Mais les atteintes graves et immédiates que la résiliation d'une délégation de service public est susceptible
de porter à l'intérêt du cocontractant justifient la suspension en référé de l'exécution de cette résiliation : CE 17 juin 2015,
Commune d'Aix-en-Provence, AJDA 2015. 2127.
S'il s'agit d'un contrat entre deux personnes publiques, le seul déséquilibre dans les relations contractuelles ne justifie pas
la résiliation unilatérale : CE 27 février 2015, Cne de Béziers, AJDA 2015. 423.
2o Sans faute du cocontractant : l'administration, lorsque l'intérêt général l'exige, peut toujours mettre fin aux contrats
qu'elle a conclus, soit par décision particulière, soit même par un acte réglementaire applicable à tous les contrats de même
nature 965. Cette prérogative est le prolongement logique de son pouvoir de modification unilatérale (v. ss 477) et se justifie
par la même nécessité d'adaptation de l'action administrative à des circonstances susceptibles de se modifier. Elle a comme
contrepartie l'obligation d'indemniser intégralement le cocontractant par l'application de la théorie du fait du prince. Cf. sur
l'ensemble du problème CE 2 mai 1958, Distillerie de Magnac-Laval, D. 1958. 731, et la note d'A. de Laubadère 966. Dans le
cas particulier de la concession, cette résiliation prend la forme du rachat de la concession.

488 B. Résiliation à la demande du cocontractant ◊ Normalement dans un contrat administratif le cocontractant


privé de l'administration ne dispose ni du droit de résiliation unilatérale, ni du privilège d'inexécution. Mais, par exception à
ce principe, le Conseil d'État admet maintenat que, dans certains contrats, puisse être stipulée une clause reconnaissant au
cocontractant privé le droit de résilier unilatéralement le contrat : CE 8 octobre 2014, Sté Grenke Location, Rec. 302, Concl.
Pélissier ; AJDA 2015. 396, note Melleray ; RD publ. 2015. 549, Chr. H. Pauliat ; D. 2015. 145, note Pugeault ; RFDA
2015. 47, note Pras-Philippon. Mais encore faut-il que le contrat n'ait pas pour objet « l'exécution même du service public »
et que la personne publique ne s'oppose pas à la rupture des relations contractuelles « pour un motif d'intérêt général, tiré
notamment des exigences du service public ». Naturellement le cocontractant pourra alors contester devant le juge ce motif
d'intérêt général invoqué par la personne publique. En dépit de ces réserves un pouvoir important est donc reconnu au
cocontractant de l'administration.

489 C. Résiliation par le juge ◊ Elle peut intervenir :


1o À la demande du particulier, soit en cas de faute grave de l'administration, la résiliation entraînant alors pour elle
l'obligation d'indemniser son cocontractant, soit lorsque les changements qu'elle prétend lui imposer unilatéralement
excèdent certaines limites (v. ss 477), soit dans certaines hypothèses de force majeure.
2o À la demande de l'administration, soit lorsque celle-ci renonce volontairement à user de son pouvoir de résiliation, et
préfère saisir le juge, soit lorsqu'il s'agit d'une concession de service public, pour laquelle la déchéance ne peut être
prononcée par l'administration.
3o À la demande de l'une ou de l'autre partie indifféremment, lorsque l'équilibre économique du contrat apparaît comme
définitivement bouleversé du fait des circonstances (v. ss 485).
TITRE 4
LA RESPONSABILITÉ ADMINISTRATIVE

CHAPITRE 1 L'ÉVOLUTION DU DROIT DE LA RESPONSABILITÉ DE LA PUISSANCE PUBLIQUE


CHAPITRE 2 LES CONDITIONS DE LA RESPONSABILITÉ DES PERSONNES PUBLIQUES
CHAPITRE 3 LA RESPONSABILITÉ POUR FAUTE
CHAPITRE 4 LA RESPONSABILITÉ SANS FAUTE
CHAPITRE 5 LA RESPONSABILITÉ DES AGENTS POUR FAUTE PERSONNELLE
CHAPITRE 6 LA RESPONSABILITÉ DE L'ÉTAT EN DEHORS DE L'ACTION DU POUVOIR EXÉCUTIF

490 Vue générale ◊ L'activité de l'administration comme toute activité peut être génératrice de dommages, d'autant plus
fréquents et lourds qu'elle met en œuvre des moyens puissants. Les victimes peuvent-elles obtenir que ces dommages soient
réparés, et à quelles conditions ? C'est le problème de la responsabilité en droit administratif. La responsabilité envisagée ici
est une responsabilité civile ; la responsabilité pénale des personnes morales instaurée par le nouveau Code pénal (v. ss 64)
s'applique aux personnes publiques, à l'exception de l'État. Mais son étude relève du droit pénal, non du droit de la
responsabilité administrative 967. C'est une responsabilité extra-contractuelle : la responsabilité qui sanctionne la
méconnaissance par une personne publique des obligations qu'elle a assumées envers son cocontractant se rattache à la
théorie du contrat administratif 968(v. ss 486).
Le même problème se pose en droit civil, dans les relations entre particuliers. Le droit administratif lui donne des
solutions originales ; elles sont pour l'essentiel l'œuvre de la jurisprudence, le législateur n'ayant statué que pour des
dommages particuliers, sans énoncer les principes généraux de la matière. Toutefois, on peut discerner, dans les évolutions
récentes, une certaine convergence entre les solutions apportées au problème de la responsabilité en droit civil et en droit
administratif 969.
La théorie de la responsabilité présente une extrême importance pratique et théorique. La possibilité, pour les administrés,
d'obtenir réparation des dommages imputables à la puissance publique est une pièce essentielle de l'État de droit ; par-delà sa
valeur pratique, toute théorie de la responsabilité reflète une certaine forme de civilisation.
On étudiera successivement l'évolution du droit de la responsabilité de la puissance publique (Chapitre 1), les conditions
de la responsabilité des personnes publiques (Chapitre 2), la responsabilité conditionnée par une faute (Chapitre 3), la
responsabilité sans faute (Chapitre 4), la responsabilité personnelle qui peut incomber aux agents publics (Chapitre 5), enfin
la responsabilité de l'État en dehors de l'action du pouvoir exécutif (Chapitre 6) 970.
CHAPITRE 1
L'ÉVOLUTION DU DROIT DE LA RESPONSABILITÉ DE LA
PUISSANCE PUBLIQUE

Section 1. LA SITUATION INITIALE : L'IRRESPONSABILITÉ


Section 2. L'ABANDON DE L'IRRESPONSABILITÉ
Section 3. LA SUBSTITUTION DE LA RESPONSABILITÉ DE L'ÉTAT À CELLE DE SON AGENT
Section 4. L'AMÉNAGEMENT DU RÉGIME DE LA RESPONSABILITÉ
Toute l'évolution du droit de la responsabilité de la puissance publique est marquée par le souci constant manifesté par le
juge administratif d'améliorer le sort de la victime. Ainsi, une fois abandonné le principe d'irresponsabilité, il a permis la
substitution de la responsabilité de l'État à celle de son agent, et a aménagé le régime de la responsabilité pour aller le plus
loin possible dans la voie de l'indemnisation. Cette évolution s'inscrit dans un mouvement général de « socialisation » des
risques qui tend à faire de la puissance publique une sorte d'assureur tous risques des dommages pouvant survenir aux
administrés. Cependant, le Conseil d'État lui-même souhaite que s'instaure une réflexion sur cette socialisation du risque,
c'est-à-dire sur les limites qu'il convient de lui apporter 971.

SECTION 1. LA SITUATION INITIALE : L'IRRESPONSABILITÉ

491 L'irresponsabilité de l'État ◊ Est-il possible d'appliquer à l'administration le principe général d'après lequel celui qui
cause injustement un dommage à autrui est tenu de le réparer 972 ?
La réponse fut d'abord négative : l'irresponsabilité de la puissance publique apparaissait, dans la première moitié du
XIXe siècle, comme un corollaire de la Souveraineté ; c'est l'adage britannique selon lequel « La Couronne ne peut mal
faire » ! Cette solution, très rigoureuse pour les particuliers, était acceptable, en pratique, dans la mesure où l'État libéral,
limitant étroitement ses activités, avait relativement peu d'occasions de causer des dommages. La rigueur du principe se
trouvait d'autre part atténuée : la loi du 28 pluviôse an VIII permettait la réparation des dommages causés par les travaux
publics ; l'irresponsabilité ne s'étendait, ni aux dommages imputables à la gestion du domaine privé, ni à ceux causés par les
collectivités locales, non souveraines, soumis les uns et les autres au droit civil et à la compétence judiciaire.
Cette situation était d'autant plus fâcheuse que, dans la pratique, la victime ne pouvait pas non plus demander réparation à
l'agent, auteur du dommage, pris personnellement. En effet, l'article 2 de la loi des 16-24 août 1790 avait institué « la
garantie des fonctionnaires », qui subordonnait les poursuites dirigées contre l'agent à l'autorisation de l'Administration.
Cette garantie avait même été constitutionnalisée par l'article 75 de la Constitution de l'An VIII qui exigeait que l'autorisation
soit accordée par le Conseil d'État. Dans la pratique, il était fort rare que celle-ci soit accordée.

SECTION 2. L'ABANDON DE L'IRRESPONSABILITÉ

492 A. L'admission de la responsabilité de l'État ◊ Des raisons pratiques évidentes condamnaient le maintien de
l'irresponsabilité. L'ampleur des dommages dus à l'administration, croissant avec le développement de son action et la
puissance de ses moyens, faisait, de leur réparation, une nécessité sociale. Surtout, l'extension de la responsabilité dans les
relations privées, liée à la généralisation de l'assurance, ne permettait pas de maintenir, dans le secteur administratif, des
solutions opposées.
Du point de vue théorique, un grand nombre d'auteurs voient, dans la responsabilité de la puissance publique, une
conséquence nécessaire du principe de l'égalité des citoyens devant les charges publiques. L'action administrative s'exerce
dans l'intérêt de tous : si les dommages qui en résultent pour quelques-uns n'étaient pas réparés, ils seraient sacrifiés à la
collectivité, sans que rien ne puisse justifier pareille discrimination ; l'indemnisation rétablit l'équilibre rompu à leur
détriment 973.
D'abord reconnue, en dehors même des cas où un texte précis la consacrait, pour les actes dits de gestion, qui ne mettaient
pas en jeu la souveraineté de l'État, elle fut admise en principe par le célèbre arrêt Blanco (T. confl., 8 févr. 1873, GAJA,
no 1) qui affirme : « La responsabilité qui peut incomber à l'État pour les dommages causés aux particuliers par le fait des
personnes qu'il emploie dans le service public… n'est ni générale, ni absolue ; elle a ses règles spéciales… ». Si restrictive
que puisse paraître la formule, elle n'en consacre pas moins l'existence d'une responsabilité de la puissance publique,
indépendamment de tout texte.
Si on laisse de côté le problème du critère du service public (v. ss 590), l'arrêt Blanco repose sur deux affirmations : –
celle de l'autonomie du droit de la responsabilité de la puissance publique qui « ne peut être régie par les principes qui sont
établis dans le Code civil pour les rapports de particulier à particulier » ; – celle de la limitation nécessaire de cette
responsabilité qui n'est « ni générale, ni absolue ».
Il y a, bien sûr, un lien entre ces deux affirmations : la condition mise à l'abandon du principe d'irresponsabilité c'est la
soustraction de la responsabilité administrative aux principes du Code civil (art. 1382 : « Tout fait quelconque de l'homme,
qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ») qui entraîneraient trop loin la
responsabilité de la puissance publique. Par un curieux retour des choses cet abandon permet, de nos jours, d'aller
sensiblement plus loin en ce qui concerne cette responsabilité que ce que permettrait le Code civil.

493 B. L'aménagement de la garantie des fonctionnaires ◊ Le système préventif de la garantie des


fonctionnaires était extrêmement impopulaire. L'un des premiers actes du gouvernement provisoire, après la chute du Second
Empire, fut donc d'abroger l'article 75 de la Constitution de l'An VIII et « toutes dispositions ayant pour objet d'entraver les
poursuites contre les fonctionnaires administratifs de tout ordre » (décr. 18 sept. 1870). Sur cette base allait-on s'engager
dans la voie de la responsabilité personnelle des agents selon le droit commun ?

494 L'arrêt Pelletier ◊ 1o La réponse à la question posée par le décret de 1870 se trouve dans l'arrêt du Tribunal des conflits
du 30 juillet 1873, Pelletier (GAJA, no 2). L'arrêt affirme que, si le décret a abrogé l'article 75, il n'a pas pour autant modifié
le principe de la séparation des autorités ; or, celui-ci serait violé si les dommages administratifs étaient uniformément
imputés aux fonctionnaires et réparés par les tribunaux judiciaires, ainsi amenés à s'immiscer dans le fonctionnement de
l'administration. Il faut donc distinguer, parmi les faits dommageables, ceux qui peuvent être appréciés en dehors de tout
examen du comportement de l'administration ; ils constituent des fautes personnelles à leur auteur, détachables de l'exercice
normal de sa fonction, et engagent sa responsabilité devant les tribunaux judiciaires dans les termes du droit privé. Quant aux
faits dommageables non détachables, ils peuvent constituer des fautes de service, qui engagent, devant les tribunaux
administratifs, la responsabilité des personnes publiques, dont l'arrêt Blanco, quelques mois avant l'arrêt Pelletier, avait
affirmé le principe.
2o Le droit positif consacre donc l'existence d'une responsabilité personnelle de l'agent pour ses fautes personnelles et
d'une responsabilité de la personne publique en dehors de ce cas. Cette distinction de la faute personnelle et de la faute de
service est l'une des grandes caractéristiques du système de responsabilité de la puissance publique.

SECTION 3. LA SUBSTITUTION DE LA RESPONSABILITÉ DE L'ÉTAT À CELLE


DE SON AGENT
Toujours dans le souci d'améliorer le sort de la victime on va, tout en laissant subsister le principe de la responsabilité
personnelle de l'agent en cas de faute personnelle, permettre à la victime d'en demander cependant réparation à l'État, par
définition même toujours solvable. Elle aura donc une option : demander réparation soit à l'État, soit à l'agent.
Cette évolution se produit en deux étapes avec la théorie du cumul de fautes et celle du cumul des responsabilités.

495 A. Le cumul des fautes 974


◊ À la suite de l'arrêt Pelletier les deux responsabilités qu'on en a déduites étaient
exclusives l'une de l'autre : si le dommage est dû à une faute personnelle, la responsabilité de l'agent est seule engagée. Celle
de l'administration ne joue qu'en cas de faute de service.
C'était le système dit du non-cumul des responsabilités ; en pratique, il présentait un inconvénient grave pour les victimes
d'une faute personnelle : elles ne pouvaient compter, pour être indemnisées, que sur le patrimoine personnel de l'agent
public, souvent insuffisant pour les garantir du dommage.
Une analyse plus poussée conduisit la jurisprudence à admettre que, dans certains cas, deux fautes, l'une personnelle,
l'autre imputable au service, ont pu concourir à la réalisation du dommage. Dans l'affaire Anguet (CE 3 févr. 1911, GAJA,
no 21), un particulier a été pris à partie et blessé par des agents des postes (faute personnelle), alors qu'il tentait de sortir d'un
bureau de poste, fermé avant l'heure normale, par une sortie de secours mal aménagée (faute de service). Dans ce cas, la
victime se voit reconnaître la faculté de choisir entre les deux responsabilités : elle peut demander la réparation de la totalité
du préjudice soit à l'agent devant le tribunal judiciaire, sur la base de la faute personnelle, soit à la personne publique devant
le juge administratif, sur la base de la faute de service.

496 B. Le cumul des responsabilités ◊ À l'origine du dommage, il n'y a plus en ce cas, qu'une seule faute. Par exemple,
la très grave négligence du maire d'une petite commune qui, avisé du danger que présentait pour les passants un tir sur cibles
flottantes organisé à l'occasion d'une fête locale, n'avait pris aucune mesure de précaution (CE 26 juill. 1918, Lemonnier,
GAJA, no 31). Le Conseil d'État en vint à admettre que, lorsque la faute personnelle n'a pu être commise par l'agent qu'au
moyen des instruments ou des pouvoirs mis à sa disposition par le service, « la faute se détache peut-être du service, mais le
service ne se détache pas de la faute » (concl. Blum dans l'affaire Lemonnier, rapportées au Rec. 761). Peu importe l'absence
de faute de service : la victime, dans ce cas comme dans le cas précédent, peut actionner, soit l'agent, soit la personne
publique. La solution, admise d'abord dans le seul cas où la faute a été commise en service commandé, a été étendue à des
dommages causés hors service, mais avec des instruments fournis par le service. (v. ss 543)
On ne peut qu'approuver cette évolution favorable à la victime, à la condition toutefois, qu'elle n'aboutisse pas à une
irresponsabilité de fait des fonctionnaires à la suite de leurs fautes personnelles. C'est tout le problème des
actions récursoires.

497 C. Le problème des actions récursoires 975 ◊ Le plus souvent, la victime choisit de poursuivre la personne
publique, dont la solvabilité est plus certaine que celle de l'agent.
1o Dans le système initial, l'État, condamné à réparer en totalité un dommage dans lequel la faute de service n'avait
qu'une part (cumul des fautes), ou même point de part (cumul des responsabilités), n'était pas autorisé à se retourner contre
l'agent, auteur de la faute personnelle, vrai responsable, mais dont la responsabilité échappait à toute sanction. Le cumul
aboutissait à une immunité totale des auteurs de fautes personnelles, contraire, non seulement à l'intérêt financier de l'État,
mais encore à l'équité, et à la bonne tenue de l'administration. Pour un exemple particulièrement choquant : CE 28 mars
1924, Poursines, S. 1926. 3. 17 note Hauriou (officier ayant fait fusiller un civil selon une procédure extrêmement
sommaire). La jurisprudence reconnaissait seulement à la personne publique condamnée la faculté de se faire subroger dans
les droits de la victime contre l'agent ; mais cette action n'était, en fait, jamais exercée 976.
2o La solution actuelle. L'arrêt Laruelle (CE 28 juill. 1951, GAJA, no 63) renverse le principe antérieur. Il affirme, de
façon générale, la responsabilité des auteurs de fautes personnelles envers la personne publique à laquelle cette faute a causé
un dommage, soit direct, soit indirect, du fait de l'obligation pour l'État d'indemniser, en vertu du cumul, la victime.
Sur cette base s'est développé un système d'actions récursoires qui ont pour but, après que la victime a été dédommagée,
de fixer définitivement la part contributive de l'agent et de la personne publique en fonction de la part prise par chacun dans
la commission du dommage. Plusieurs cas sont à distinguer :
a) Il y a eu cumul de fautes. Si l'État a indemnisé, il peut se retourner contre l'agent pour la part du dommage
correspondant à la faute personnelle, ou même pour le tout si la faute de service a été provoquée par l'agent, qui ne saurait
dès lors s'en prévaloir. C'est l'hypothèse de l'arrêt Laruelle, précité, dans lequel l'agent, coupable d'avoir causé un accident en
conduisant une voiture de l'administration qu'il s'était approprié pour son usage personnel, ne pouvait évidemment invoquer,
pour alléger sa responsabilité, le défaut de surveillance, constitutif de faute de service, qui lui avait permis de mettre son
projet à exécution. Inversement, si la victime a choisi de poursuivre l'agent, celui-ci peut demander à l'administration le
remboursement de la part d'indemnité correspondant à la faute de service qui a concouru au dommage (CE 28 juill. 1951,
Delville, GAJA, no 63).
b) Il y a cumul de responsabilités. L'État peut demander à l'auteur de la faute personnelle le remboursement de l'indemnité
qu'il a versée à la victime. En cas de pluralité d'auteurs, la solidarité est écartée : chacun d'eux n'est responsable envers l'État
que pour la part correspondant à sa participation personnelle au dommage.
c) La juridiction administrative est compétente pour statuer sur l'ensemble de ces actions récursoires, du fait que, mettant
en cause les relations de l'État avec ses agents, elles relèvent des principes du droit public (T. confl., 26 mai 1954, Moritz,
JCP 1954, II, no 8334, note Vedel).
d) Du point de vue procédural, lorsque l'État poursuit le remboursement, il utilise, contre ses agents, le procédé de la
décision exécutoire, en prenant contre eux, soit un état exécutoire, soit un ordre de versement, qui les constitue débiteurs. Ils
peuvent toutefois faire opposition devant le juge administratif.
e) Il convient de remarquer que, en cas de pluralité de coauteurs, la faute qui engage la responsabilité de chacun à l'égard
de l'État peut être distincte de la faute personnelle qui a conduit à l'indemnisation de la victime. Dans l'affaire Moritz
précitée, six militaires avaient participé à la promenade, effectuée dans une voiture de l'État soustraite par l'un d'eux à la
surveillance du poste de garde, au cours de laquelle s'était produit l'accident constitutif de faute personnelle ; cette faute
incombait au seul conducteur de la voiture ; les cinq compagnons ont cependant été reconnus responsables, vis-à-vis de
l'État, du dommage à lui causé par l'obligation d'indemniser (T. confl., Mortiz, préc., et, dans la même affaire, CE 22 mars
1957, Jeannier, D. 1957. J. 748, concl. Kahn). C'est cette particularité qu'on entend désigner en parlant de dédoublement de
la faute personnelle, selon qu'on envisage les rapports des agents avec la victime, ou avec l'État.
f) Quelle que soit l'importance juridique des solutions précédentes, elles ne trouvent que peu d'applications pratiques.
L'État, condamné à réparer les dommages imputables à la faute personnelle d'un de ses agents, met rarement en œuvre
l'action récursoire que la jurisprudence met à sa disposition 977. Ainsi, l'irresponsabilité des agents publics reste en fait à peu
près intacte (v. ss 545).

SECTION 4. L'AMÉNAGEMENT DU RÉGIME DE LA RESPONSABILITÉ

498 A. Droit commun, ou régime spécial ? ◊ On peut concevoir que la responsabilité de l'administration soit
soumise aux mêmes règles que la responsabilité des particuliers : c'est le système anglais actuel. On peut aussi prévoir pour
elle un régime dérogatoire au droit commun.
Pour la responsabilité des agents en cas de faute personnelle, la première solution a toujours été acceptée. Pour la
responsabilité des personnes publiques, l'application des articles 1382 et suivants du Code civil était admise, au XIXe siècle,
pour les collectivités locales, du fait même de la compétence judiciaire. Les tribunaux, lorsqu'ils se trouvaient saisis d'actions
en responsabilité contre l'État sur la base d'actes de gestion (v. ss 589), s'orientaient vers la même solution ; le Conseil d'État,
au contraire, repoussait l'application des textes du Code civil.
L'arrêt Blanco tranche dans ce dernier sens (v. ss 589).
La responsabilité de l'État est donc une responsabilité autonome, dérogatoire au droit commun. La solution est étendue,
en même temps que la compétence administrative, aux communes (CE 6 févr. 1903, Terrier, GAJA no 11) et aux
départements (T. confl. 29 févr. 1908, Feutry, S. 1908. III. 97 note Hauriou). C'est donc tout le régime de la responsabilité
des personnes publiques qui échappe en principe au droit commun et à la compétence judiciaire.
L'évolution a apporté, à ce principe, deux restrictions importantes. D'une part, le droit commun conserve son empire sur la
responsabilité afférente à celles de leurs activités que les personnes publiques exercent sous un régime de droit privé : c'est le
cas de la gestion du domaine privé, et surtout des entreprises publiques industrielles et commerciales (v ss 224) (T. confl.
22 janv. 1921, Sté commerciale de l'Ouest Africain, GAJA, no 35).
D'autre part, le système de la responsabilité administrative, en se perfectionnant, s'est rapproché, quant au fond, du droit
de la responsabilité privée. L'autonomie subsiste ; les règles du Code civil interprétées par la jurisprudence judiciaire
demeurent étrangères à la responsabilité des personnes publiques ; mais l'originalité s'est fortement atténuée : les « règles
propres » de l'arrêt Blanco tendent à ressembler aux règles du droit commun 978.

499 B. L'aménagement du régime spécial 979 ◊ Dû essentiellement à l'action de la jurisprudence, il s'est développé
dans le sens d'une extension continue de la responsabilité, sous l'action de facteurs convergents : l'accroissement des activités
publiques, le développement des idées de solidarité et d'égalité, l'extension de la responsabilité privée liée à la généralisation
des assurances 980. Cette extension s'est manifestée dans trois directions :
1o Sur le terrain initial de la responsabilité pour faute de service on assiste, actuellement, au déclin de l'exigence, en
certaines hypothèses, d'une « faute lourde » (v. ss 510). On se rapproche donc d'une situation dans laquelle tout fait
quelconque de l'Administration causant un dommage à l'administré pourrait engager la responsabilité de la
puissance publique.
2o Parallèlement s'est développée une responsabilité de l'administration en dehors de toute faute qui devient de plus en
plus importante (v. ss 514 s.).
3o Enfin on a assisté à la disparition des derniers vestiges de l'irresponsabilité de la puissance publique : responsabilité du
fait des services de police (v. ss 511), du fait des actes du pouvoir législatif (v. ss 547), du fait de l'activité juridictionnelle
(v. ss 551). En ce qui concerne le service de la transmission des correspondances de toute nature par l'administration des
postes, il échappait à toute responsabilité en vertu d'un texte de l'an V. Le Conseil d'État avait interprété cette disposition
comme limitant la responsabilité au seul cas de la faute lourde (pour la correspondance, v. par ex., CE 24 avr. 1981, Doublet,
D. 1982. IR. 53 ; pour les Télécoms, v. par ex., CE 12 mai 1976, Bogas, D. 1977. 62 note Richer). Cette solution avait été
confirmée par la loi du 23 octobre 1984. Mais la loi du 2 juillet 1990, en substituant à l'administration des PTT deux
« personnes morales de droit public », « La Poste » et « France Télécom », avait transféré l'ensemble du contentieux de ces
services à la juridiction judiciaire. Bien plus, on l'a vu (v. ss 406) celles-ci sont maintenant soumises à la législation sur les
sociétés anonymes. Dans la pratique la juridiction judiciaire ne s'écarte pas de la solution du juge administratif en ce qui
concerne l'interprétation des dispositions exonératoires 981.
L'irresponsabilité de la puissance publique ne subsiste donc plus qu'en ce qui concerne les opérations militaires (CE
23 juill. 2010, Sté Touax, AJDA 2010. 1514) et les actes de gouvernement (v. ss 365) 982. Cette dernière théorie, en effet,
exclut tout à la fois le contentieux de la légalité et celui de la responsabilité. Néanmoins, la jurisprudence citée v. ss 548, à
propos des traités internationaux, pourrait ouvrir la voie en cette hypothèse à une indemnisation des victimes, en cas de
préjudice anormal, sur la base de l'égalité de tous devant les charges publiques.
4o Si l'on ajoute que les règles d'indemnisation, notamment les méthodes d'évaluation du dommage, ont évolué dans un
sens favorable aux victimes, on peut mesurer les progrès accomplis depuis l'abandon du principe d'irresponsabilité.
CHAPITRE 2
LES CONDITIONS DE LA RESPONSABILITÉ DES
PERSONNES PUBLIQUES

Section 1. LE DOMMAGE
Section 2. L'IMPUTABILITÉ
La responsabilité, en droit public comme en droit privé, suppose réunies trois conditions : – l'existence d'un dommage ; –
la possibilité de rattacher ce dommage à une personne déterminée, ou imputabilité du dommage ; – enfin un fait générateur
présentant certains caractères juridiques d'où découle l'obligation de réparer.
On étudiera dans le présent chapitre le dommage et l'imputabilité, le fait générateur étant étudié dans les deux chapitres
suivants (responsabilité pour faute ou sans faute).

SECTION 1. LE DOMMAGE

500 A. Caractères généraux 983 ◊ Le dommage n'ouvre droit à réparation que s'il présente certains caractères.
1o Comme en droit privé, le dommage doit être certain. À cette condition répondent le dommage né et actuel, et le
dommage futur lorsque sa réalisation apparaît inévitable (enfant victime d'une infirmité qui réduira ultérieurement son
activité professionnelle). Seul est exclu le dommage éventuel 984.
2o Le dommage doit être direct, c'est-à-dire avoir avec l'action administrative une relation directe et certaine. Cela pose le
problème du préjudice en cascade et celui de la pluralité des causes du préjudice. 985
3o Le dommage doit être anormal ; il doit excéder les inconvénients inhérents au fonctionnement d'un service, les
servitudes qu'impose toute vie collective.
4o Le dommage doit parfois être spécial 986, c'est-à-dire particulier à la ou les victimes, et non commun à l'ensemble des
membres d'une collectivité. Dans la pratique ce problème se pose lorsqu'il y a responsabilité sans faute de l'Administration
car le fondement de la responsabilité est alors la rupture de l'égalité devant les charges publiques 987. Il n'y a, bien
évidemment, aucune rupture de l'égalité si chacun subit ce préjudice. Sur la question de savoir si le préjudice résultant de ce
que l'on n'a pas recouru à la force pour lever un barrage routier constitue ou non un préjudice anormal et spécial : CE 27 juin
2005, SA Vergers d'Europe, ADJA 2005. 2078, concl. Chauvaux.
5o Le dommage doit porter sur une situation juridiquement protégée. Par cette formule, le Conseil d'État, pendant
longtemps, a exclu du droit à réparation les personnes se trouvant dans une situation illégale, et notamment la concubine de
la victime d'un accident mortel 988 (11 mai 1928, Delle Rucheton, S. 1928. III. 97). Mais il est revenu sur cette solution (3 mars
1978, Delle Müesser, ADJA 1978. 210). Reste à savoir si cette condition est susceptible de recevoir d'autres applications.

501 Le problème du dommage moral ◊ Une évolution importante s'est manifestée sur ce point.
1o Initialement, le juge administratif limitait l'obligation de réparer aux seuls dommages matériels, en entendant par là
ceux qui ont des conséquences d'ordre patrimonial, soit par les dépenses qu'ils entraînent, soit par les pertes qu'ils
provoquent : atteintes aux biens, ou à l'intégrité de la personne physique notamment. Il écartait les atteintes à des valeurs
abstraites, réputation, affection ; il en donnait pour raison que de tels dommages ne sont pas évaluables en argent, et ne
comportent pas, dès lors, de réparation adéquate.
2o Les atteintes à certaines valeurs non matérielles ont été progressivement prises en considération. L'évolution s'est
trouvée facilitée par les possibles répercussions patrimoniales de certains dommages moraux : ainsi de l'atteinte à la
réputation artistique d'un acteur (CE 20 nov. 1931, Frantz et Delle Charny, D. 1934. III. 25), d'un sculpteur (3 avr. 1936,
Sudre, D. 1936. III. 57), une atteinte au droit moral de l'auteur (CE 11 sept. 2006, M. Agopyan, ADJA 2006. 1696 ; ou tout
simplement de l'atteinte d'une particulière gravité à la réputation (CE 29 déc. 2000, Treyssac, Rec. 651) ; ou encore le
préjudice esthétique provoqué par une blessure au visage, qui peut gêner la vie professionnelle de la victime (15 juin 1949,
Dame Durand, Rec. 288). Mais l'obligation de réparer a été étendue à des dommages dépourvus de toute conséquence
pécuniaire : souffrance physique exceptionnelle (CE 24 avr. 1942, Morell, Rec. 136), atteinte à la dignité personnelle, aux
droits d'un prêtre dans l'exercice du culte, etc.
3o Longtemps, le Conseil d'État s'est refusé à aller plus loin, et à admettre la réparation de la souffrance morale résultant
de la perte d'un parent proche. Il indemnisait la famille de la victime tant des dépenses occasionnées par cette mort (frais de
dernière maladie, frais funéraires) que de la privation de ressources qu'elle entraînait si la victime venait matériellement en
aide aux survivants ; mais il persistait, contrairement aux tribunaux judiciaires, à affirmer que « les larmes ne se monnaient
pas », et que l'octroi d'une somme d'argent ne saurait compenser la douleur qu'entraîne la mort d'un être cher 989. Cette
solution était vivement critiquée par la doctrine. Sous son apparente noblesse, elle aboutissait à minimiser la valeur de la vie
humaine : si l'administration blesse, elle est tenue d'indemniser l'invalidité partielle ; qu'elle tue un enfant, la voilà indemne
de toute réparation. De plus, la pratique inverse des tribunaux judiciaires montrait qu'il est techniquement possible d'évaluer
le prix de la souffrance morale ; aux yeux de l'opinion, elle privait de toute justification l'attitude du juge administratif.
4o Celui-ci n'est pas resté insensible à ces arguments ; sous le nom vague de troubles de toute nature apportés aux
conditions d'existence, il a d'abord accepté d'indemniser, pour les proches parents de la victime, au-delà des conséquences
pécuniaires directes du décès, un préjudice mal défini, qui paraissait bien inclure des éléments d'ordre affectif. Mais il se
refusait à le faire ouvertement, et maintenait la formule traditionnelle d'après laquelle « la douleur morale, n'étant pas
appréciable en argent, ne constitue pas un dommage susceptible de donner lieu à réparation » (CE 29 oct. 1954, Bondurand,
D. 1954. 767).
5o Le dernier pas a été franchi avec l'arrêt d'Assemblée du 24 novembre 1961, Letisserand, GAJA, no 75, qui admet que la
douleur morale résultant, pour un père, de la mort prématurée de son fils, constitue par elle-même, en l'absence de tout
préjudice matériel, un dommage indemnisable. La réparation du pretium doloris est donc possible désormais devant la
juridiction administrative comme devant la juridiction judiciaire 990, parallèlement à celle, qui subsiste, des « troubles dans
les conditions d'existence » 991.
6° Le Conseil d'État a même accepté d'indemniser le « préjudice d'inquiétude » provoqué par l'hépatite C : CE 27 mai
2015, AJDA 2015. 2340, note Pouillaude.

502 Le problème dit « de la vie préjudiciable » (wrongfull live) ◊ Le Conseil d'État a, tout d'abord, dû
trancher le point de savoir si la naissance d'un enfant, à la suite de l'échec d'une IVG, constitue par elle-même un préjudice
indemnisable. Il a, fort heureusement, répondu par la négative à cette question : CE, Ass., 2 juill. 1982, Melle R., ADJA 1983.
206, obs. J.-G. La Cour de cassation juge également que « l'existence d'un enfant qu'elle a conçu, ne peut à elle seule,
constituer pour la mère un préjudice juridiquement réparable » (Civ. 1re, 25 juin 1991, Dame X., D. 1991. 566, note Le
Tourneau). Naturellement la solution est inverse si l'enfant est atteint de graves infirmités : CE 27 sept. 1989, Mme X.,
D. 1990. Somm. 298.
Mais le problème de « la vie préjudiciable » s'est surtout posé à propos de l'indemnisation des très graves préjudices
causés par la naissance d'enfants lourdement handicapés (trisomie) et nés à la suite d'erreurs médicales commises lors des
examens prénataux et ayant, de ce fait, privé les parents de la faculté de recourir à l'IVG. Le Conseil d'État a jugé que, dans
ce cas, si les parents doivent être indemnisés de l'ensemble des préjudices causés par une telle naissance, en revanche aucune
indemnité ne peut être accordée à l'enfant lui-même en réparation du handicap dont il est affligé. La raison en est donnée par
la Commissaire du Gouvernement : « Nous ne pensons pas qu'un enfant puisse se plaindre d'être né tel qu'il a été conçu par
ses parents… Affirmer l'inverse serait juger qu'il existe des vies qui ne valent pas d'être vécues » : CE, Sect., 14 févr. 1997,
CHR de Nice, Rec. 44, concl. Pécresse ; RD publ. 1997. 1147 note Jean Waline.
Ce point de vue n'est pas celui de la Cour de cassation qui a jugé, elle, qu'un enfant handicapé « peut demander réparation
du préjudice résultant de ce handicap et causé par les faits retenus » : Cass., Ass. plén., 17 nov. 2000, Perruche, D. 2001.
316, concl. Sainte-Rose ; 332, note D. Mazeaud. Cet arrêt a immédiatement soulevé une émotion considérable parmi les
familles de personnes handicapées. La Cour de cassation devait cependant confirmer sa jurisprudence : Cass., Ass. plén.,
13 juill. 2001, (3 arrêts), D. 2001. 2325, note P. Jourdain.
Les remous de « l'affaire Perruche » ont provoqué l'intervention du législateur pour essayer de régler la question, le
remède se révélant, hélas, pire que le mal. L'article 1er de la loi 2002-303 du 4 mars 2002 (relative aux droits des malades et à
la qualité du système de santé) pose le principe que : « Nul ne peut se prévaloir d'un préjudice du seul fait de sa naissance ».
Il prévoit que la personne née avec un handicap dû à une faute médicale peut obtenir la réparation de son préjudice « lorsque
l'acte fautif a provoqué directement le handicap ». Mais, et c'est cela qui est plus que dommageable, lorsque la responsabilité
du praticien ou de l'établissement est engagée vis-à-vis des parents d'un enfant né avec un handicap non décelé pendant la
grossesse à la suite d'une faute caractérisée, « les parents peuvent demander une indemnité au titre de leur seul préjudice »
(art. 1er, 3e al. de la loi). On exige donc désormais, en ce cas, « une faute caractérisée ». D'autre part les parents ne sont pas
indemnisés des charges particulières découlant tout au long de la vie de l'enfant de son handicap, celles-ci relevant de la
solidarité nationale. L'enfer est pavé de bonnes intentions. Saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité 992, le Conseil
constitutionnel, et je le regrette, a déclaré le dispositif mis en place par l'article 1er de la loi du 4 mars 2002 et l'article 2 de la
loi du 11 février 2005 conforme à la Constitution 993. Selon la formule d'un ancien ministre de la Santé publique « l'émotion
l'a emporté sur la raison ». En effet, le dispositif découlant de la loi du 4 mars 2002 est en retrait au regard de la
jurisprudence « CHR de Nice ». Désormais, les parents ne peuvent plus demander réparation, devant la juridiction, du
préjudice correspondant aux charges découlant, tout au long de la vie de l'enfant, du handicap de ce dernier, ce qui était
possible jusqu'alors. Cette réparation relève désormais de « la solidarité nationale » c'est-à-dire des procédures organisées
par la loi du 11 février 2005 « pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes
handicapées ». Bien plus, la loi était d'application immédiate (CE, Avis, Ass., 6 déc. 2002, M. et Mme Draon, AJDA 2003.
282) 994 et donc aux procédures en cours 995.
Très heureusement, la CEDH a jugé dans les affaires Draon et Maurice (Grande ch., 6 oct. 2005, AJDA 2005. 1924) que
l'article 1er de la loi du 4 mars 2002 ne pouvait s'appliquer aux instances en cours sans violer l'art. 1er du premier protocole
additionnel de la Convention européenne. La Cour de cassation a adopté ce point de vue (Civ. 1re, 24 janv. 2006, AJDA 2006.
177) puis a ajouté que la loi ne s'appliquait pas aux dommages antérieurs au 4 mars 2002 (Civ. 1re, 8 juill. 2008, D. 2008.
2765, note Porchy-Simon). Le Conseil d'État s'est également rallié à l'arrêt de la CEDH : CE 24 févr. 2006, M. et
Mme Lavenez, AJDA 2006. 1272, note S. Hennette-Vauchez. De son côté, dans sa décision du 11 juin 2010 (préc.) le Conseil
constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution la disposition qui permettait l'application de la loi aux instances en cours
(AJDA 2010. 1178) 996. Mais s'est posé le problème de savoir si les dispositions de la loi du 4 mars 2002 s'appliquent aux
dommages survenus antérieurement à sa date d'entrée en vigueur mais dont les demandes en réparation ont été introduites
postérieurement à celle-ci. Le Conseil d'État dans son arrêt du 31 mars 2014 (Centre hospitalier de Senlis, D. 2014. 1578,
note Bucher) a relevé que si le Conseil constitutionnel avait jugé que les dispositions nouvelles ne pouvaient pas être
appliquées aux personnes ayant engagé une instance en vue d'obtenir réparation de leur préjudice avant le 7 mars 2002 (date
d'entrée en vigueur de la loi du 4 mars 21002), en revanche celles-ci s'appliquent aux instances engagées après le 7 mars
2002 au titre de faits générateurs intervenus avant cette date. C'est donc ce qu'il a décidé dans cet arrêt.
La Cour de cassation, dans son arrêt de 2006 (préc.) a parfaitement résumé la situation : « En prohibant l'action de l'enfant
et en excluant du préjudice des parents les charges particulières découlant du handicap de l'enfant tout au long de sa vie, [la
loi] a institué un mécanisme de compensation forfaitaire du handicap sans rapport raisonnable avec une créance de
réparation intégrale ».
Sept associations d'handicapés « exigent » l'abrogation de la loi « anti-Perruche » 997. Le diagnostic génétique prénatal a
fait l'objet du décret 2006-1661 du 22 décembre 2006.

503 B. La réparation du dommage ◊ Celle-ci doit compenser aussi exactement que possible le dommage subi. En droit
administratif le régime de la réparation présente plusieurs particularités.
1o Forme de la réparation. On distingue la réparation en nature, qui consiste à rétablir les choses dans l'état où elles
seraient si le dommage n'était pas intervenu, et l'indemnisation, qui alloue à la victime une somme d'argent équivalente au
dommage subi. L'indemnisation, seule possible dans le cas des dommages corporels, est toujours possible lorsque le
dommage est évaluable en argent. Mais la règle de la déchéance quadriennale 998 impose à la victime l'obligation de
présenter sa demande dans les quatre années qui suivent le dommage. La réparation, enfin, peut-être purement symbolique
(condamnation de l'État à un euro de dommages-intérêts en cas de préjudice exclusivement moral) ; le Conseil d'État s'écarte
parfois de cette pratique, et tend, même dans ce cas, à accorder une indemnité effective.
2o Modalités de l'indemnisation. L'indemnité est accordée sous la forme soit d'un capital une fois versé, soit
(notamment en cas d'invalidité) d'une rente 999. Si le dommage s'aggrave avec le temps 1000, il peut y avoir réévaluation, soit
du capital, soit de la rente ; la réévaluation tient compte de la situation économique à la date de la nouvelle demande.
3o Date d'évaluation du préjudice 1001. Traditionnellement, le juge, pour y procéder, se plaçait au jour du dommage.
C'était une solution logique ; mais, en période d'instabilité monétaire, elle aboutissait à des iniquités lorsqu'un long intervalle
séparait le dommage du jugement, ce que la lenteur de la justice rendait fréquent. La solution actuelle distingue :
a) Pour les dommages aux biens, la règle antérieure subsiste ; la victime, en effet, a en général fait procéder à la
réparation immédiatement après le dommage ; il est normal de l'indemniser sur la base de ce qu'elle a réellement dépensé.
Toutefois, si en fait, la réparation n'a pu être immédiate, le juge modifie l'indemnité en conséquence (CE 21 mars 1947, Cie
gén. des Eaux, GAJA, no 56).
b) Pour les dommages aux personnes, l'évaluation se place au jour du jugement, sauf si la victime a volontairement
retardé celui-ci (CE 21 mars 1947, Dame Aubry, GAJA, no 56).
Toutefois, il ne s'agit là que de directives générales. Le juge n'hésite pas à s'en écarter, lorsque des circonstances propres à
l'affaire rendent plus équitables les solutions inverses : prise en considération de la situation au jour du jugement dans le cas
du dommage aux biens, au jour de l'accident en cas de dommage aux personnes (CE 21 oct. 1966, Sté Préfontaines ; 4 nov.
1966, Département de la Vendée, AJDA 1967. 56 s., et la note, p. 35).
4o Calcul de l'indemnité 1002. Il est assez fréquent que le juge n'y procède pas lui-même. S'il estime que le dossier ne lui
fournit pas des éléments d'évaluation suffisants, il renvoie la victime devant l'administration, pour fixation et liquidation de
l'indemnité. Un nouveau recours est possible lorsque celle-ci est jugée insuffisante. Mais la victime hésite évidemment à
l'intenter ; c'est le point faible de cette pratique. Elle présente, depuis la loi du 16 juillet 1980 (v. ss 714), un autre
inconvénient : elle rend impossible le mandatement d'office organisé par cette loi pour le cas où le juge a fixé le montant de
l'indemnité. Seul le procédé de l'astreinte peut alors vaincre les réticences de l'administration dans la fixation et le paiement
de la somme due.
Dans certains cas, l'évaluation de l'indemnité a un caractère forfaitaire. C'est le cas lorsqu'un agent public subit un
préjudice imputable à la personne publique dont il relève : son indemnisation est alors limitée au montant de la pension qu'il
reçoit de celle-ci (règle dite du « forfait de la pension »). Cette règle, qui remonte au début du XXe siècle et qui ne repose sur
aucun fondement législatif exprès, a soulevé bien des critiques 1003. Le Conseil d'État n'est pas resté insensible à celles-ci
puisque, après avoir accepté d'en atténuer la rigueur (CE, Sect., 15 déc. 2000, M. Castanet ; Mme Bernard (2 arrêts), RFDA
2001. 701, concl. contraires Chauvaux), il en a redéfini le champ d'application : CE, Ass., 4 juill. 2003, Mme Moya-Caville,
RFDA 2003. 991, concl. Chauvaux 1004.
Lorsque l'indemnité est calculée par le juge, le principe est qu'elle doit couvrir l'intégralité du préjudice, mais rien au-
delà, la demande constituant en toute hypothèse une limite maximum. L'indemnité peut être inférieure à celle que
l'Administration était disposée à verser : CE 29 nov. 2004, M. Tibère, AJDA 2005. 399.
Dans l'application du principe, il semble que le juge ait longtemps eu tendance à se préoccuper davantage de la seconde
règle que de la première. C'est ainsi que, dans le cas du fonctionnaire illégalement révoqué, l'indemnité, initialement égale au
total des traitements dont il avait été indûment frustré, est réduite, depuis un arrêt du 7 avril 1933, Deberles (GAJA, no 42),
en fonction des ressources que la victime a pu se procurer par son travail durant la période de révocation (CE 2 nov. 2005,
Mme Marcilhacy, RFDA 2006. 213). Mais le Conseil d'État accepte maintenant d'atténuer l'effet de cette jurisprudence en
incluant dans l'indemnité due au fonctionnaire les primes et indemnités que l'agent avait une chance sérieuse de percevoir :
CE, Sect., 6 déc. 2013, Commune d'Ajaccio,dRFDA 2014. 276, Concl. Dacosta ; AJDA 2014. 219, chron. Bretonneau et
Lessi. De même, l'indemnité allouée à la veuve d'un particulier assassiné après la Libération a été réduite, compte tenu du
fait que « les chances objectives de survie » d'un individu suspecté, à tort ou à raison, de collaboration, étaient à cette époque
relativement faibles (CE 30 janv. 1948, Veuve Cros, JCP 1948, II, no 4133) ! Enfin, si l'indemnité proposée à la victime par
l'administration est considérée par le juge comme supérieure au montant du dommage, il réduit la somme offerte, en vertu du
principe d'ordre public selon lequel « les personnes publiques ne peuvent être condamnées à payer plus qu'elles ne doivent »
(CE 19 mars 1971, Mergui, AJDA 1971. 303).
En ce qui concerne l'évaluation des préjudices corporels 1005 le Conseil d'État s'oriente maintenant vers l'utilisation de ce
que la juridiction judiciaire appelle la nomenclature Dintilhac : CE 16 déc. 2013, Mme de Moraes, AJDA 2014. 524, concl.
F. Lambolez et RFDA.2014. 317, note Lantero ; CE 7 oct. 2013, Min. de la Défense, AJDA 2014. 295, note Leleu 1006.
Traditionnellement le juge administratif refusait de réparer le préjudice écologique. Il y a été mis fin par la loi
constitutionnelle du 1er mars 2005 relative à la Charte de l'environnement 1007. Son article 4 prévoit, en effet, que : « toute
personne doit contribuer à la réparation des dommages qu'elle cause à l'environnement, dans des conditions définies par la
loi ». La Charte porte donc au niveau constitutionnel le principe de la responsabilité écologique en lui donnant une portée
plus large que le principe « pollueur-payeur ». Sur la base de la Charte est intervenue la loi du 1er août 2008 « relative à la
responsabilité environnementale » 1008. Elle définit les conditions dans lesquelles celle-ci peut être mise en jeu. Par exemple,
la Cour de Cassation a admis une telle réparation dans la célèbre affaire Erika 1009.
Par ailleurs, en application d'un principe plus général, la loi du 4 août 1962 rend opposables aux particuliers qui engagent
la responsabilité de la puissance publique leurs déclarations fiscales.
L'indemnité porte des intérêts à compter du jour où la victime a demandé réparation à l'administration ; le juge fixe le
montant des intérêts sur la base des articles 1153 et 1154 du Code civil. Exceptionnellement, il alloue, en sus des intérêts
moratoires, des intérêts compensatoires en cas de mauvaise volonté caractérisée de l'administration (cf. par ex. l'affaire
Caucheteux et Desmont, RD publ. 1963. 279) 1010.
5o Transmission du droit à réparation. Le Conseil d'État admet que le droit à réparation puisse être exercé par les
héritiers de la victime alors que celle-ci n'avait introduit aucune action en réparation avant son décès : CE, Sect., 29 mars
2000, AP Hôpitaux de Paris, p. 147, concl. contraires de M. Chauvaux ; RFDA 2000. 850 ; CE 15 janv. 2001, AP-Hôpitaux
de Paris, Rec. 15.

SECTION 2. L'IMPUTABILITÉ
Le dommage n'est réparable qu'autant que l'on peut l'imputer au fait d'une personne publique déterminée et que celle-ci ne
puisse pas invoquer un fait l'exonérant en tout ou en partie de cette responsabilité.

504 A. Le dommage doit se rattacher au fait d'une personne publique ◊ L'administration n'est responsable
que des actes qui lui sont directement rattachés. Elle ne répond pas du dommage indirect 1011 (v. ss 500). Toutefois, la notion
de dommage direct est entendue par le juge de façon assez libérale (cf. les observations présentées, à propos de trois arrêts
sur ce problème à l'AJDA 1969. 287).

505 B. Détermination de la personne publique responsable 1012


◊ En pratique, il peut être difficile de
déterminer la personne à laquelle le dommage est imputable. Il en est ainsi lorsqu'un même agent cumule des compétences
distinctes pour le compte de plusieurs personnes publiques ; les dommages qu'il cause engagent la collectivité pour le
compte de laquelle il a accompli l'acte dommageable ; c'est notamment le cas du maire, qui agit tantôt en qualité d'agent de
l'État, tantôt en qualité d'agent de la collectivité locale.
Le problème est plus complexe lorsque plusieurs agents relevant de personnes différentes ont concouru à l'acte
dommageable (par ex. : accident causé par un feu d'artifice organisé par une commune, mais tiré par des militaires), ou
encore lorsque l'organisation du service dans lequel le dommage s'est produit fait intervenir deux personnes publiques, l'une
pour l'entretien des locaux, l'autre pour l'exécution du service : selon que l'accident est imputable au mauvais état des
bâtiments, ou au fait des agents du service, la responsabilité sera mise à la charge de l'une ou de l'autre.
Le juge, dans chaque cas, s'efforce, d'après les faits, de déterminer, soit la personne responsable (CE 19 févr. 2007,
M. Clément, AJDA 2007. 455), soit le partage de responsabilité à établir entre les collectivités intéressées. Il peut également
autoriser la victime à se faire indemniser par l'une ou l'autre des collectivités en cause, leur participation respective à la
charge indemnitaire se réglant par une action récursoire ; c'est la solution adoptée en cas d'accidents provoqués par les
vaccinations obligatoires, dont l'organisation relève à la fois de l'État et du département (CE 13 juill. 1962, Ministre de la
Santé publique, D. 1962. J. 726).
Le dommage doit se rattacher au fait d'une personne publique française et non étrangère. La question s'est posée
notamment du fait du stationnement sur le territoire français de troupes étrangères, ennemies ou alliées ; la réparation des
dommages qu'elles causent ne peut incomber à l'État français que sur la base d'une convention internationale en ce sens.

506 C. Les faits exonérant l'administration de sa responsabilité 1013 ◊ Plusieurs faits peuvent venir exonérer
en tout ou en partie, l'Administration de sa responsabilité.
1o La force majeure et le cas fortuit. La force majeure 1014, c'est-à-dire le fait étranger à l'administration, imprévisible et
irrésistible produit en droit administratif le même effet qu'en droit privé : il exonère de leur responsabilité les personnes
publiques qu'il s'agisse de la responsabilité pour faute ou de la responsabilité sans faute (CE, Sect., 29 juill. 1953 Époux
Glasner, Rec. 427). Il serait plus exact de dire que lorsqu'il y a force majeure l'Administration n'est que l'auteur apparent du
dommage puisque celui-ci résulte d'un phénomène extérieur à l'Administration et auquel elle ne pouvait pas résister.
Le Conseil d'État n'admet la force majeure que de façon exceptionnelle (cf. par exemple, 4 avr. 1962, Min. des
Transports, AJDA 1962. 592, concl. Braibant ; CE 26 juill. 2006, MAIF, M. Gouletquer, AJDA 2006. 2198 ; pour un
exemple d'admission de la force majeure : CE 23 janv. 1981, Ville de Vierzon, RD publ. 1982. 227) 1015.
Le droit administratif distingue de la force majeure le cas fortuit 1016, dont le type est l'accident mécanique dont la cause
demeure inconnue (explosion d'un navire de guerre en rade de Toulon : CE 10 mai 1912, Ambrosini, S. 1912. III. 161, note
Hauriou). Le cas fortuit n'est pas exonératoire lorsqu'il s'agit de la responsabilité sans faute (CE, Ass., 9 juill. 1948, Capot et
Denis, Notes Waline, Tome 2, no 229).
2o La faute de la victime 1017. Si la victime a elle-même rendu le dommage inévitable, ou l'a aggravé, la responsabilité de
l'Administration se trouve totalement ou partiellement dégagée (CE 4 avr. 2005, M. Bonnafoux, AJDA 2005. 1366 ; CE,
Sect., 11 juill. 2011, Mme Montaut, AJDA 2011. 2072, Concl. Guyomar). Le Conseil d'État manifeste beaucoup de sévérité
dans l'appréciation du comportement de la victime, en particulier lorsqu'il s'agit d'un enfant (cf., par exemple, 30 mars 1979,
Moisan, AJDA 1979 no 12, p. 30 ; CE 17 juin 1998, Époux Pham, Rec. 237). Naturellement l'Administration doit prouver la
faute de la victime. Pour le contrôle du juge de cassation sur la qualification de la faute de la victime : CE 20 juin 2007,
M. Boutin, AJDA 2007. 1270.
3o Le fait d'un tiers. Si le dommage est dû tout à la fois à une faute de la puissance publique et à la faute d'un tiers, celle-
ci va constituer une cause d'exonération totale ou partielle de la responsabilité de l'Administration. Lorsqu'il s'agit d'une
responsabilité pour faute la jurisprudence refuse de considérer que l'Administration et le tiers sont les coauteurs du
dommage. La victime ne peut donc réclamer à l'Administration que la seule quote-part de son préjudice lui incombant, avec
tous les risques que cela crée de divergence de jurisprudence en ce qui concerne le partage de responsabilité. Lorsqu'il s'agit
d'une responsabilité sans faute le fait du tiers est sans conséquence sur la responsabilité de l'Administration à laquelle la
victime peut réclamer la réparation de la totalité de son préjudice.
Si, à l'origine du préjudice, il y a des fautes commises par deux personnes publiques distinctes il y a la possibilité d'une
responsabilité in solidum : CE 2 juill. 2010, M. Madranges, AJDA 2011. 116, note H. Belrhali-Bernard.
4o L'exception de risque accepté 1018. Le Conseil d'État applique le principe que lorsque la victime s'est sciemment
exposée au dommage qui est survenu, la responsabilité de la puissance publique n'est pas engagée : 10 juill. 1996, Meunier,
RD publ. 1997. 246, concl. Stahl ; Sect. 11 avr. 1975, Département de la Haute-Savoie, AJDA 1975. 528, concl. Labetoulle ;
CE 16 nov. 1998, Sille, Rec. 418.
5o L'exception d'illégitimité. Celle-ci ne conduit pas nécessairement à l'exclusion de toute indemnisation. Pour le
Conseil d'État c'est simplement un cas particulier d'appréciation des causalités (CE 30 janv. 2013, M. Imbert, AJDA 2013.
792, chron. Domino et Bretonneau).
CHAPITRE 3
LA RESPONSABILITÉ POUR FAUTE 1019

Section 1. LA FAUTE DU SERVICE


Section 2. LE DEGRÉ DE GRAVITÉ DE LA FAUTE : LE PROBLÈME DE LA FAUTE LOURDE
Section 3. LA PREUVE DE LA FAUTE
La responsabilité de la puissance publique est normalement liée à la faute même s'il est de plus en plus fréquent (v. chap.
suivant) qu'elle soit admise en l'absence de toute faute. Mais la faute administrative, ou faute de service, présente par rapport
à la faute civile des caractères originaux. Contrairement aux principes du code civil toute faute de l'Administration n'entraîne
pas nécessairement l'obligation de réparer le dommage qu'elle a causé. Dans un certain nombre d'hypothèses, la
responsabilité de l'Administration n'est engagée qu'au cas de faute lourde. Enfin se pose le problème de la preuve de la faute.

SECTION 1. LA FAUTE DU SERVICE

507 A. Définition 1020 ◊ Il n'y a pas de notion a priori de la faute du service. Selon la célèbre définition de Planiol, la faute est
un manquement à une obligation préexistante. Adaptant cette formule, on peut dire que la faute du service est un
manquement aux obligations du service c'est-à-dire une défaillance dans le fonctionnement normal du service, incombant à
un ou plusieurs agents de l'administration, mais non imputable à eux personnellement.
1o C'est une défaillance dans le fonctionnement normal du service. De tout service, on est fondé à attendre un certain
niveau moyen de fonctionnement, variable d'ailleurs selon sa mission et selon les circonstances ; la faute apparaît au-dessous
de ce niveau.
2o La faute incombe aux agents du service. Les personnes physiques seules peuvent commettre des fautes ; les actes
fautifs de l'administration sont, nécessairement, le fait de ses agents ; la responsabilité pour faute de service est donc une
responsabilité du fait de l'homme 1021. Il existe, en droit administratif comme en droit privé, une responsabilité du fait des
choses, mais elle se situe dans le cadre de la responsabilité sans faute.
3o La faute de service n'est pas imputable aux agents personnellement. C'est la distinction capitale de la faute de service et
de la faute personnelle, consécutive à l'arrêt Pelletier (v. ss 494). Dans la faute de service, la personne de l'agent n'est pas
prise en considération ; il n'en est responsable ni vis-à-vis de la victime, ni vis-à-vis de l'administration. La responsabilité
remonte directement à la personne publique dont relève l'agent. Il n'y a donc pas lieu de distinguer, comme on le fait parfois,
entre la faute de service, provoquée par un agent nettement individualisé, et la faute du service, faute anonyme et collective
d'une administration mal tenue dans son ensemble de telle sorte qu'il est difficile d'en découvrir les véritables auteurs ; dans
un cas comme dans l'autre, la personne des agents reste totalement étrangère au débat juridique.
Il en résulte que, si un fonctionnaire est poursuivi devant les tribunaux judiciaires pour une faute qui présente, en réalité,
les caractères de la faute de service, l'administration a l'obligation d'élever le conflit. Si elle néglige de le faire, et si le
tribunal, par erreur, estime qu'il y a faute personnelle et condamne le fonctionnaire, elle est tenue de le couvrir des
condamnations civiles prononcées contre lui (v. ss 544). La règle présente un caractère paradoxal, dans la mesure où elle
implique la reconnaissance du caractère erroné d'une décision judiciaire ayant force de vérité légale en vertu de l'autorité de
la chose jugée.

508 B. Autonomie de la notion de faute de service ◊ La faute de service est une notion autonome ; elle ne se lie
pas nécessairement aux divers caractères juridiques qui définissent l'acte à d'autres points de vue. En particulier :
1o Elle est indépendante du caractère matériel ou juridique de l'acte dommageable ; l'opération matérielle, la décision
individuelle ou réglementaire, peuvent être également constitutives de faute de service.
2o Elle est relativement indépendante de la légalité de l'acte 1022. La question ne se pose guère pour les opérations
matérielles. Pour les actes juridiques, l'illégalité qui les entache est, en principe, constitutive de faute, même lorsqu'elle
provient d'une erreur dans l'appréciation des faits (CE 26 janv. 1973, Ville de Paris/Driancourt, AJDA 1973. 273).
Cependant, la coïncidence n'est pas absolue : certaines illégalités, suffisantes pour entraîner l'annulation de l'acte sur le
terrain du recours pour excès de pouvoir – mais toute illégalité n'entraîne pas nécessairement l'annulation pour excès de
pouvoir (v. ss 671) – peuvent compte tenu des circonstances, ne pas être considérées comme des fautes ; c'est le cas,
notamment, pour les illégalités purement formelles, lorsque l'acte qu'elles entachent apparaît, quant au fond, justifié (CE
19 juin 1981, Carliez, AJDA 1982. 103 ; CE 30 sept. 2002, M. Dupuy, AJDA 2003. 445, note N. Albert ; CE 7 juin 2010,
M. B., AJDA 2010. 2014 ; CE 9 févr. 2011, M. D., AJDA 2011. 1393, note A. Jacquemet-Gauché). Pour un exemple où une
illégalité formelle engage la responsabilité de l'administration : CE 30 juill. 1997, Commune de Montreuil sous Bois,
D. 1999. Somm. comm. 56.
3o Elle est indépendante du caractère de l'acte sur le terrain pénal 1023 : si le délit commis par un agent constitue le plus
souvent, une faute personnelle, il peut aussi présenter les caractères de la faute de service (T. confl., 14 janv. 1935, Thepaz,
pour un homicide par imprudence, GAJA, no 44).

509 C. L'appréciation concrète de la faute de service ◊ Le manquement aux obligations du service, que constitue
la faute du service, s'apprécie in concreto ce qui veut dire qu'il n'y a pas de norme de référence. Dans chaque cas d'espèce le
juge se demande s'il y a faute ou non, ce que l'on était en droit d'attendre du service, compte tenu de la difficulté plus ou
moins grande de sa mission, des circonstances de temps (les circonstances exceptionnelles), de lieu, des ressources dont
disposait le service en personnel et en matériel etc.
Il en résulte que la faute de service a un caractère relatif, le même fait pouvant, selon les circonstances, être réputé fautif
ou non fautif. Il y a donc une extrême diversité dans les agissements considérés comme fautifs par le juge :
1o La faute de service peut consister en un acte matériel (un accident) ou en un acte juridique (la révocation irrégulière
d'un fonctionnaire).
2o La faute peut avoir un caractère volontaire, telle la prise d'une décision (qu'il ne faut pas assimiler à la faute
intentionnelle) ou un caractère involontaire (une maladresse).
3o La faute peut être le résultat d'un fait positif (la prise d'une décision) mais aussi d'une abstention (cf. l'arrêt Lemonnier,
v. ss 496) ou d'une omission (CE 27 janv. 1988, Min. Éducation nationale / Giraud, AJDA 1998. 352, note Moreau) : l'État
n'a pas assuré, faute d'enseignants, l'enseignement de matières obligatoires dans un lycée ou encore n'a pas pris les mesures
nécessaires pour assurer aux enfants handicapés l'effectivité de leur droit à l'éducation, (CE 8 avr. 2009, M. et Mme Laruelle,
AJDA 2009. 1261, Concl. Keller) mais il n'y a pas de faute si le jeune handicapé a moins de six ans (CAA Versailles, 4 juin
2010, Min. du Travail, AJDA 2004, Concl. Davesne). Le Conseil d'État a jugé que l'absence d'adaptation de locaux publics,
pour en permettre l'accès aux handicapés, n'était pas fautive tant que les délais fixés par les textes pour y procéder n'étaient
pas atteints, mais il a accordé à la plaignante, sur la base de la responsabilité sans faute, une indemnité pour préjudice moral :
CE, Ass., 22 oct. 2010, Mme Bleitrach, AJDA 2010. 2207, chron. Botteghi et Lallet ; RD publ. 2011. 568, chron. Pauliat. De
même est fautive l'absence d'affectation d'un fonctionnaire dans un délai raisonnable : CE, 11 juin 2014, Min. de l'Économie,
AJDA 2014. 2435, note Froger. La carence de l'État à prendre les mesures de prévention des risques liés à l'exposition des
travailleurs aux poussières d'amiante constitue une faute engageant sa responsabilité : CE, Ass., 3 mars 2004, Min. de
l'Emploi et de la Solidarité c/ Cons. Botella ; Min. de l'Emploi et de la Solidarité c/ Cons. Thomas, AJDA 2004. 974, chron.
Donnat et Casas 1024 ; Civ. 2e, 13 juill. 2005, D. 2005. 2550 ; ou pour éviter le suicide d'un détenu ayant des tendances
suicidaires : CE 9 juill. 2007, M. D., ADJA 2007. 2094, note Arbousset ; CE 24 avr. 2012, Époux Massioui, RFDA 2012.
606. Dans le même esprit la responsabilité de la puissance publique peut être engagée par un manque de vigilance à propos
des alertes météorologiques 1025. Un tribunal administratif a jugé que l'abandon par la France de certains Harkis au moment
de l'Indépendance de l'Algérie constituait une faute engageant sa responsabilité : TA Cergy Pontoise, 10 juillet 2014,
M. Abdelkader T., RFDA 2015. 117, Concl. Costa. De même est fautif le fait de ne pas avoir pris les mesures nécessaires
pour empêcher la prolifération d'algues vertes : CAA Nantes, 21 juill. 2014, AJDA 2014. 2286.
4o La faute peut consister dans le trop grand retard mis à prendre une décision (CE 27 mars 1981, S.E. aux Anciens
Combattants/Thurel, RD publ. 1982. 202 ; CE 4 juill. 2001, Min. de l'Agric. c/ Sté d'aménagement du Bois Bouis, Rec. 331 ;
mais surtout, retard « au-delà d'un délai raisonnable » à prendre le décret nécessaire à l'application d'une loi : CE 7 juill.
2005, Assoc. Bretagne Ateliers, RFDA 2005. 1072 ; CE 30 déc. 2009, Dépt. De la Seine-Saint-Denis et de Saône et Loire,
AJDA 2010. 389, note Cassia ; CE, 22 oct. 2014, Sté Métropole Television, Rec. 312. En revanche, pas de faute d'un maire
pour n'avoir pas encore, cinq mois après la loi l'y obligeant, aménagé un terrain pour les gens du voyage, mais fautif de
n'avoir pas utilisé ses pouvoirs de police pour réglementer la circulation et le stationnement des nomades : CE 20 déc. 2000,
Cie d'Assur. Zurich international, Rec. 632.
5o Un simple renseignement erroné peut constituer une faute de service (CE, Sect., 10 juill. 1964, Duffaut, D. 1964. 722,
concl. Rigaud).
À titre d'illustration, ont été considérés comme fautifs : – le fait de priver un fonctionnaire d'affectation (CE, Sect., 6 nov.
2002, M. Guiset, AJDA 2002. 1440) ; – la négligence de l'État à protéger les biens d'un fonctionnaire, CE 25 avr. 2003, M. et
Mme Dardenne, AJDA 2003. 2055. – le fait, pour un maire, de n'avoir pas limité l'accès à un terrain de sport afin de lutter
contre les nuisances sonores : CE 28 nov. 2003, Commune de Moissy-Cramayel, RFDA 2004. 205, ou de ne pas avoir mis fin
à une situation de péril : CE 27 sept. 2006, Cne de Baalon, AJDA 2006. 1815 ; ou encore de ne pas avoir signalé les dangers
d'une baignade : CE 19 nov. 2012, AJDA 2013. 2340 ; – l'atteinte à la réputation d'un magistrat : CE 21 oct. 2009, M. C.,
AJDA 2010. 175 ; – le maintien, par un maire, d'une interdiction d'exploiter une micro-centrale alors qu'il n'y avait plus de
péril : CE 31 août 2009, Cne de Crégols, Rec. 343 et l'article de Camille Broyelle à la RD publ. 2010. 807 ; – le fait pour un
maire de n'avoir pas lutté contre le stationnement abusif des vélos : CE 9 mai 2011, Cne de Bordeaux, AJDA 2011. 1583 ; ou
d'avoir délivré un certificat d'urbanisme erroné : CE, 14 octobre 2015, SCI Les Colonnades, AJDA 2015. 1952 – mais pas
d'indemnisation de la victime du fait de l'extinction de l'action publique à la suite du suicide de l'auteur d'un assassinat : CE,
Ass., 19 juill. 2011, M. et Melle Begnis, RFDA 2012. 119, Concl. Guyomar.
Dans l'affaire de l'explosion de l'usine AZF de Toulouse, la CAA de Bordeaux avait retenu la responsabilité de l'État pour
manquement à sa mission de contrôle d'une installation classée : 24 janv. 2013, Époux Molin, AJDA 2013. 749, note G. de La
Taille, mais le Conseil d'État a jugé, en cassation, que l'État n'avait pas commis de faute ce dont, pour le moins, on peut
discuter : CE, 17 décembre 2014, Min. de l'Écologie, AJDA 2015. 592, note A. Jacquemet-Gauché.

SECTION 2. LE DEGRÉ DE GRAVITÉ DE LA FAUTE : LE PROBLÈME DE


LA FAUTE LOURDE 1026
Dans la logique de l'arrêt Blanco (v. ss 492) la responsabilité de l'Administration ne doit être « ni générale, ni absolue » et
obéir à des règles propres qui varient « suivant les besoins du service ». Cela a conduit le Conseil d'État à distinguer les
fautes simples, les fautes lourdes et les fautes manifestes et d'une exceptionnelle gravité. Cette distinction s'est simplifiée, la
faute manifeste et d'une particulière gravité s'étant résorbée dans la faute lourde (pour les services fiscaux, cf. CE 21 déc.
1962, Dame Husson-Chiffre, AJDA 1963. 106).
La limitation de la responsabilité de l'Administration, dans certaines hypothèses, au seul cas de la faute lourde se
justifierait par le souci de ne pas paralyser certains services, qui fonctionnent par définition même dans des conditions
délicates, par la crainte de voir leur responsabilité engagée trop facilement par les administrés. On avait vu, ainsi, se
multiplier les hypothèses où l'on exigeait une faute lourde. À l'examen, il est apparu que les justifications avancées pour
exiger la faute lourde étaient loin d'être incontestables. Ces considérations, jointes au souci d'améliorer le sort de la victime,
ont conduit à un très net déclin de la faute lourde. Si, dans les années à venir on assistait à une disparition complète de la
faute lourde, il y aurait là un sérieux élément de rapprochement avec les solutions du droit civil en matière de responsabilité.

510 A. Cas où l'on a renoncé à l'exigence d'une faute lourde ◊


1o La responsabilité hospitalière 1027. En ce qui concerne la responsabilité du fait des services publics hospitaliers, le
Conseil d'État devait, dès 1935, poser le principe que seule une faute lourde pouvait engager la responsabilité de l'hôpital en
ce qui concerne les actes médicaux (c'est-à-dire autres que les soins « ordinaires ») et les actes chirurgicaux. En revanche
relevaient de la faute simple les soins ordinaires ainsi que tout ce qui concernait l'organisation et le fonctionnement du
service public hospitalier.
Cette jurisprudence a été abandonnée et désormais la faute simple suffit à engager la responsabilité hospitalière : CE, Ass,
10 avr. 1992, M. et Mme V., AJDA 1992. 355, concl. Legal. Reste à déterminer ce qu'est exactement désormais « une faute de
nature à engager la responsabilité » de l'hôpital : voir, par exemple : CE, Sect., 14 févr. 1997, C.H.R. de Nice, Rec. 44 concl.
Pécresse, RD publ. 1997. 1139, note Auby, 1147 note Jean Waline ; CE, Sect. 5 janv. 2000, Cons. Telle, RFDA 2000. 473,
Rec. 641, concl. Chauvaux ; CE 27 juin 1997, Madame Guyot, Rec. 267 ; CE 19 mars 2003, C.H.R. de Caen, RFDA 2003.
647 ; manquement au devoir d'information du médecin 1028 : CE, Ass., 19 mai 2004, Caisse rég. d'assur. maladie d'Ile de
France, AJDA 2004. 130, chron. de JP, mais ne pas informer sur la marge d'erreur de l'échographie n'est pas une faute
caractérisée : CE 9 févr. 2005, Centre hospitalier Émile Roux du Puy-en-Velay, AJDA 2005. 743 ; v. égal. : CE 27 janv. 2010,
Hospices civils de Lyon et CHU de Besançon, RFDA 2010. 432. Pour une convergence en matière d'information du patient
avec la jurisprudence judicaire : CE 24 sept. 2012 et 10 oct. 2012, AJDA 2012. 2231, note C. Lantero.
Pour un exemple de faute dans l'organisation du service (absence d'un médecin lors d'un accouchement) : CE 27 juin
2005, M. et Mme G., AJDA 2005. 1434. En ce qui concerne la responsabilité du Centre National de gestion de la fonction
publique hospitalière pour non-repect de ses obligations en matière de gestion statutaire : CE, 25 novembre 2015, Min. des
Affaires sociales, AJDA 2015. 2295.
Allant plus loin dans la même voie le Conseil d'État a admis que la responsabilité des services hospitaliers pouvait être
engagée même sans faute dans des cas exceptionnels (v. ss 520).
2o Les services de secours et de sauvetage. Traditionnellement on exigeait une faute lourde pour engager la
responsabilité des services de secours et de sauvetage. Cette exigence a été abandonnée successivement – pour l'organisation
et le fonctionnement des SAMU (CE, Sect., 20 juin 1997, Theux, Rec. 253, concl. Stahl) ; – pour les services de secours et de
sauvetage en mer (CE, Sect., 13 mars 1998, M. Ameon, CJEG, 1998, 197, concl. Touvet) ; – pour les services de lutte contre
l'incendie (CE 29 avr. 1998, Commune de Hannappes, D. 1998. 535, note Lebreton ; CE 29 déc. 1999, Communauté urbaine
de Lille, RFDA. 2000. 222) 1029. Sur les conditions de cette responsabilité : CE 26 nov. 2012, M. Thillard, AJDA 2013. 1233,
note B. Pauvert.
3o Les services pénitentiaires 1030. On l'a vu (v. ss 425) l'attitude du juge administratif a beaucoup évolué en ce qui
concerne le droit pénitentiaire. I. de Silva (art. cité) a pu parler « de la mutation profonde du rôle du juge administratif en
matière pénitentiaire ». Après l'abandon de la faute manifeste et d'une particulière gravité, la responsabilité pour les activités
des services pénitentiaires était soumise au régime de la faute lourde : CE, Sect., 3 oct. 1958, Rakotoarivony, Rec. 470.
L'explication, selon la formule de R. Chapus, en était que « les usagers de ce service public ne sont pas en général de tout
repos ! ». Puis la jurisprudence a évolué vers la faute simple par un renversement de jurisprudence aussi discret que certain,
pour reprendre ici aussi une formule d'I. de Silva. Tout d'abord, le Conseil d'État a engagé la responsabilité du service, du fait
du suicide d'un détenu « conséquence directe d'une succession de fautes imputables au service » ; dans l'esprit du juge cette
accumulation équivalait-elle à une faute lourde ou, selon la conviction de l'annotateur, le silence sur la gravité de la faute
valait-il renonciation à l'exigence d'une faute lourde ? : CE 23 mai 2003, Mme Chabba, AJDA 2004. 157, note N. Albert. Puis
le Conseil d'État a jugé que la responsabilité de l'État était engagée par une faute simple au cas de dommage aux biens des
détenus : CE 9 juill. 2008, Garde des Sceaux/M. Boussouar, AJDA 2008. 2294 ; CE 6 juillet 2015, Garde des Sceaux, AJDA
2015. 2284, Concl. Bretonneau. Enfin l'arrêt Zaouiya (CE 17 déc. 2008, AJDA 2009. 433, Concl. De Silva) admet la
responsabilité de l'État pour faute simple après avoir explicitement reconnu qu'aucune des circonstances de l'affaire ne
revêtait le caractère d'une faute lourde. Pour une faute dans le suivi médical d'un détenu : CE 4 juin 2014, AJDA 2014. 2377,
note Pouillaude.
4o Les services fiscaux. Depuis l'abandon de l'exigence d'une faute manifeste et d'une exceptionnelle gravité la
responsabilité des services fiscaux était soumise au régime de la faute lourde dans l'hypothèse où le service se heurtait à des
difficultés particulières : CE, Sect., 27 juill. 1990, Bourgeois, RFDA 1990. 899, Concl. Chahid-Nouraî. Lorsque
l'appréciation de la situation du contribuable ne comportait aucune difficulté on appliquait le système de la faute simple : CE,
Sect., 29 déc. 1997, Cne d'Arcueil, RFDA 1998. 97, Concl. Goulard. Cette évolution s'est achevée avec l'abandon pur et
simple de la faute lourde : CE, Sect., 21 mars 2011, M. Christian Krupa, RFDA 2011. 340, Concl. Legras ; AJDA 2011.
1278, note F. Barque ; CE 24 avr. 2012, Cne de Valdoie, AJDA 2012. 918 ; CE 12 mars 2014, Min. délégué chargé du
budget, AJDA 2014. 1590. Cette responsabilité joue également à l'égard des collectivités territoriales : CE 16 juillet 2014,
Min. chargé du budget / Cne de Cherbourg-Octeville, AJDA 2014. 1520.

511 B. Cas où l'exigence d'une faute lourde subsiste ◊ Le Conseil d'État a maintenu, au moins nominalement,
l'exigence d'une faute lourde pour un certain nombre de services, ou activités de certains services. Mais on constate, à
l'intérieur de ceux-ci, que le champ d'application de la faute lourde ne cesse de se réduire comme peau de chagrin, ce qui
pourrait, à terme, postuler l'abandon de la faute lourde. Toutefois la jurisprudence la plus récente montre quelques réticences
du Conseil d'État à aller jusqu'au bout de cette évolution 1031.
On pourrait penser qu'il est peu logique d'avoir renoncé à l'exigence d'une faute lourde dans les hypothèses où la
justification « classique » (les difficultés dans lesquelles fonctionne le service) était la plus évidente, et de la maintenir là où
celles-ci sont moindres. Mais on a fait observer qu'il fallait maintenir l'exigence d'une faute lourde en ce qui concerne, par
exemple, les activités de contrôle afin d'éviter de transférer systématiquement à l'État la responsabilité de ceux qui ont
commis des fautes, tels les banquiers qui relèvent du contrôle de l'État.
1o Les services de police 1032. Pendant longtemps le principe a été celui de l'irresponsabilité des services de police (CE
13 janv. 1899, Lepreux, S. 1900. 3. 1 note Hauriou). Lorsqu'il a été abandonné (CE 10 févr. 1905, Tomaso-Greco, GAJA
no 14), Romieu dans ses conclusions avait souligné qu'il faudrait exiger « une faute caractérisée du service ». Dans la
pratique, certaines activités des services de police ont été soumises au régime de la faute simple, d'autres à celui de la faute
lourde (on verra, v. ss 518, qu'en cas d'accident causé par une arme à feu, on applique la responsabilité sans faute).
Le critère de principe de l'application de la faute lourde était celui des opérations matérielles d'exécution, la faute simple
s'appliquant aux mesures juridiques (CE 13 janv. 1969, Bourasseau, ADJA 1969. 194). Toutefois, la jurisprudence semble
s'orienter vers une extension des exceptions à l'exigence de la faute lourde ; cf. en ce sens, CE 22 avr. 1967, Lafont, AJDA
1967. 306, qui admet que la faute simple suffit à engager au titre de la police la responsabilité d'une commune dans le cas
d'un accident survenu à un skieur sur une piste ouverte sans que les précautions nécessaires eussent été prises 1033 et CE
13 mai 1983, Mme Lefèvre, AJDA 1983. 477, concl. Boyon (absence de moyens permettant d'appeler rapidement les secours à
proximité d'un lieu de baignade en cas d'accident). La responsabilité du fait d'une suspension illégale d'un permis de
conduire est soumise au régime de la faute simple : CE, 2 février 2011, Radix, p. 29. De même la faute lourde a été
abandonnée en ce qui concerne la police des édifices menaçant ruine : CE 27 déc. 2006, Cne de Baalon, AJDA 2007. 385,
note F. Lemaire qui relève que dans ses conclusions M. Olson avait déclaré qu'il ne voyait pas de motif qui justifierait « que
la police des édifices menaçant ruine demeure à l'écart du vaste mouvement de transition du régime de faute lourde à celui de
la faute simple ». Mais, à l'inverse, le Conseil d'État a appliqué la faute lourde dans une affaire où était en cause l'activité
juridique des services de police : CE, Ass., 20 oct. 1972, Ville de Paris/Marabout, AJDA 1972. 625, concl. Guillaume, notes
Waline, t. 2, no 219.
On a un peu le sentiment qu'en ce qui concerne les services de police on en est venu à un certain « existentialisme
juridique » et que tout est affaire d'espèce 1034 : le critère serait la difficulté dans laquelle fonctionne le service de police, qu'il
s'agisse de mesures matérielles ou de mesures juridiques. Selon l'expression de J. H. Stahl (cité in GAJA p. 85) l'abandon de
la faute lourde, lorsqu'il se produit, « ne supprime pas […] la prise en compte de la difficulté de l'action administrative ».
Tout cela correspond à un déclin certain de la faute lourde. 1035
2° Les activités de contrôle. Lorsque l'État exerce son contrôle soit sur les collectivités territoriales, soit sur des
organismes de droit privé, cette activité est en principe soumise au régime de la faute lourde 1036.
a) Le contrôle des collectivités territoriales 1037. Dans le cadre de la célèbre affaire Stavisky, le Conseil d'État a jugé que
les graves négligences de l'autorité de tutelle constituaient une faute lourde engageant la responsabilité de l'État : CE, Ass.,
29 mars 1946, Caisse Dép. d'Assurances Sociales de Meurthe-et-Moselle, GAJA, no 53. On a pu, à un moment, se demander
si sous la pression des juridictions du fond, le Conseil d'État ne s'orientait pas vers l'application en la matière d'un régime de
faute simple : v. les observations de MM. Bon et de Béchillon, sous CE 10 novembre 1999, Sté de Gestion du Port de
Campoloro, D. 2000. Somm. comm. 249. Il n'en a rien été et le Conseil d'État continue à exiger une faute lourde en ce qui
concerne le contrôle de légalité exercé sur les collectivités territoriales : CE, Sect., 21 juin 2000, Min. Équipt/commune de
Roquebrune-Cap-St-Martin, RD publ. 2000. 1257, concl. Touvet, RFDA 2001. 152 note Bon ; CE 6 octobre 2000, Min. de
l'Int./commune de St Florent, AJDA 2001. 201 note Cliquenois, RFDA 2001. 152 note Bon ; CE, Sect., 18 novembre 2005,
Sté fermière de Campoloro, Rec. 515 ; CE 25 juillet 2007, Sté France-Telecom, Sté Axia Corporate solutions assurance et
Min. de l'Intérieur, AJDA 2007. 1557 (Préfet n'ayant pas usé de son pouvoir de substitution) ; le seul fait que le Préfet se soit
abstenu de déférer au Tribunal administratif une délibération ne constitue pas une faute lourde (CE 30 mars 2011, Min. de
l'Intérieur / SIVOM Cinarca Liamone, AJDA 2011. 1222 ; CAA Paris, 18 mars 2014, Commune de Vaux-le-Pénil, AJDA
2014. 923, note L. Boissy. 1038
b) Le contrôle des organismes de droit privé. L'État exerce son contrôle sur un grand nombre d'organismes de droit privé
(Caisses de Sécurité sociale, établissements bancaires, etc.). Ce contrôle est normalement soumis au régime de la faute
lourde (CE, Sect., 24 janv. 1964, Achard, ADJA 1964. 187 ; CE, Sect., 13 juin 1964, d'André, Notes Waline, Tome 2, no 223.
L'exigence d'une faute lourde en ce qui concerne le contrôle par la Commission bancaire des établissements de crédit a été
solennellement confirmée par le Conseil d'État : Ass., 30 nov. 2001, Min. de l'Éco. et des Fin./M. et Mme Kechichian et
autres, RFDA 2002. 742, concl. Seban. Le Conseil d'État a étendu cette jurisprudence – exigence d'une faute lourde – aux
activités de la Commission de Contrôle des Assurances : CE, 18 févr. 2002, Groupe Norbert Dentressangle, RFDA 2002.
754, note F. Moderne. Mais il a jugé que la responsabilité de l'État pouvait être engagée « par toute faute » commise dans le
contrôle de l'activité d'une société étrangère sur le territoire national : CE 13 nov. 2002, Min. de l'Équipement, des Transports
et du Logement c/ Sté Hélitransport, ADJA 2003. 1122, note C. Deffigier. Dans le contexte très particulier de l'affaire dite
« du sang contaminé » (v. ss 537), le Conseil d'État a adopté le système de la faute simple en ce qui concerne le contrôle
exercé par l'État sur les centres de transfusion sanguine privés : CE, Ass., 9 avr. 1993, M.D., Rec. 110, concl. Legal.
Ainsi, même si le domaine d'application de la faute lourde se réduit comme peau de chagrin, il n'en demeure pas moins
que le Conseil d'État reste attaché à cette notion là où il lui paraîtrait anormal que la responsabilité soit transférée sur l'État,
puissance tutélaire. On peut également penser que la Haute Juridiction marque aussi son attachement à ce qui est l'une des
caractéristiques de la responsabilité en droit public, comparée à celle-ci en droit civil.

SECTION 3. LA PREUVE DE LA FAUTE 1039


Selon un principe de droit commun la preuve de la faute incombe au demandeur, c'est-à-dire à la victime. Or celle-ci peut
se heurter à de sérieuses difficultés dans l'administration de la preuve car souvent celle-ci se trouvera dans les dossiers
de l'Administration.
Les réformes intervenues dans les relations entre l'Administration et les administrés, telle que l'obligation pour
l'Administration de motiver les décisions (v. ss 437) ou l'accès aux documents administratifs (v. ss 441) sont de nature à
faciliter l'administration de la preuve par la victime. Celle-ci sera surtout facilitée par le rôle que peut jouer le juge
administratif dans la procédure juridictionnelle et par le recours au système des présomptions de faute.

512 A. Le rôle du juge administratif ◊ La procédure devant la juridiction administrative ayant un caractère
inquisitorial (v. ss 692) le juge pourra, le cas échéant, faciliter l'administration de la preuve par le requérant. Ce sera
notamment le cas lorsqu'il ordonne à l'Administration de produire devant lui un document ou le dossier au vu duquel la
décision a été prise (CE 2 déc. 1988, Min. P.T.T./Claude Crayssac, AJDA 1989. 273, obs. Prétot, à propos de la contestation
d'une facture de téléphone) ou encore dans la célèbre affaire Barel (GAJA no 66).

513 B. Les présomptions de faute 1040 ◊ La jurisprudence a établi, dans certaines matières, des présomptions de faute
qui ont pour effet de renverser la charge de la preuve.
Certaines de ces présomptions n'ont plus qu'un intérêt historique : par exemple celle créée en matière d'accidents causés
par les automobiles de l'administration, ceux-ci relevant depuis la loi du 31 décembre 1957 de la compétence de la
juridiction judiciaire, ou encore celle relative aux vaccinations qui n'a plus à intervenir depuis que la loi du 1er juillet 1964 a
institué en la matière une responsabilité sans faute (v. ss 528). Par ailleurs la présomption relative au défaut d'entretien
normal en matière de travaux publics est étudiée dans le cadre de la responsabilité du fait des travaux publics.
À l'heure actuelle la présomption de faute est utilisée par le juge pour engager le cas échéant la responsabilité de l'hôpital
public : si un malade est atteint, à l'issue d'une intervention chirurgicale, d'une infection alors qu'aucune faute ne peut être
prouvée, le Conseil d'État estime que « … le fait qu'une telle infection ait pu néanmoins se produire révèle une faute dans
l'organisation ou le fonctionnement du service hospitalier à qui il incombe de fournir au personnel médical un matériel et des
produits stériles » (CE 9 déc. 1988, Henri Cohen, AJDA 1989. 405 obs. Moreau ; CE, Sect., 15 déc. 2000, M. Castanet ;
Mme Bernard, AJDA 2001. 158 ; RFDA 2001. 283 ; CE 29 juin 2009, M. et Mme C., AJDA 2009. 1631).
L'article 102 de la loi du 4 mars 2002 « relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé », fait
obligation à la personne qui impute sa contamination par l'hépatite C à une transfusion sanguine, d'apporter des éléments
permettant de présumer cette contamination. C'est au juge qu'il revient, le cas échéant, d'apprécier cette présomption : CE
10 oct. 2003, Mme T., AJDA 2004. 228, concl. Chauvaux ; CE 20 févr. 2008, Mme L. et M. F., AJDA 2008. 383. Pour
l'admission d'un lien avec une vaccination contre l'hépatite B : CE 9 mars 2007, 4 arrêts, AJDA 2007. 861, concl. Olson.
En dehors du régime de la responsabilité médicale ou hospitalière, le Conseil d'État a admis la présomption de faute dans
le cas d'une divulgation d'informations confidentielles relatives à l'adoption d'un enfant né sous X : CE 17 oct. 2012,
Consorts Bussa, JCP A 2013, no 2025, concl. Bourgeois-Machureau, note C. Vocanson ; AJDA 2013. 362, note H. Rihal ; RD
publ. 2013. 493, chron. Pauliat.
La loi du 5 janvier 2010, relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes d'essais nucléaires, fait bénéficier
toute personne souffrant de ce fait d'une maladie ratio-induite d'une présomption de causalité aux fins d'indemnisation de son
préjudice. Sur les conditions de renversement de la présomption : CE 7 décembre 2015, Mme Larmier, Rec. 432.
CHAPITRE 4
LA RESPONSABILITÉ SANS FAUTE

Section 1. LE FONDEMENT DE LA RESPONSABILITÉ SANS FAUTE


Section 2. LA RESPONSABILITÉ SANS FAUTE D'ORIGINE JURISPRUDENTIELLE
Section 3. LA RESPONSABILITÉ SANS FAUTE D'ORIGINE LÉGISLATIVE
Section 4. L'INDEMNISATION DES VICTIMES DU SIDA
Section 5. L'AVENIR DE LA RESPONSABILITÉ SANS FAUTE
Section 6. L'INDEMNISATION DE L'ALÉA THÉRAPEUTIQUE
L'exigence d'une faute constitue, logiquement, le droit commun de la responsabilité. En pure logique l'administration ne
devrait répondre que des seules conséquences dommageables de ses fautes. Mais le souci d'améliorer la situation de la
victime et le phénomène de « socialisation » des risques a conduit à admettre de plus en plus souvent une responsabilité sans
faute. Le phénomène n'est pas inconnu en droit privé (réparation des accidents du travail, loi du 5 juillet 1985 relative à
l'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation) mais il connaît un plus grand développement en droit administratif.
Tout d'abord parce que le législateur est assez souvent intervenu pour l'instituer ; mais aussi parce que, dans le silence du
législateur, le juge n'a pas hésité à multiplier les hypothèses de responsabilité sans faute.
La situation de la victime est alors plus « favorable » puisqu'il lui suffit de démontrer qu'elle a subi un préjudice et que
celui-ci est imputable à l'Administration. D'autre part, l'Administration ne peut se dégager de sa responsabilité que par le jeu
de la force majeure ou de la faute de la victime.
Il faut examiner le fondement d'une telle responsabilité avant d'analyser les principales hypothèses de responsabilité sans
faute. 1041

SECTION 1. LE FONDEMENT DE LA RESPONSABILITÉ SANS FAUTE


Le problème du fondement de la responsabilité sans faute ne se pose que lorsque c'est le juge qui l'admet ; lorsque la
responsabilité sans faute est d'origine législative son fondement est tout simplement la volonté du législateur.
Deux théories ont été avancées pour fonder la responsabilité sans faute.

514 A. La théorie du risque 1042 ◊ Celui qui, à l'occasion d'une activité qui lui est profitable, crée un risque de dommages
pour autrui doit en répondre si le risque se réalise. Ayant le profit, il doit assumer le risque. C'est ce que Ch. Eisenmann a
appelé « la corrélation entre avantages et charges ». Le prototype en est les accidents du travail survenus aux ouvriers de
l'administration (v. ss. 483, l'arrêt Cames).

515 B. La rupture de l'égalité devant les charges publiques ◊ Elle part de la constatation que dans certains cas
l'action de l'administration, entreprise dans l'intérêt général, va causer un dommage à une personne ou à un petit nombre de
personnes. Ainsi, dans l'intérêt général, certaines personnes ont subi un préjudice que le reste de la population n'a pas subi. Il
y a, à leur détriment, rupture de l'égalité devant les charges publiques. La seule manière de rétablir l'équilibre est de leur
accorder la réparation de ce préjudice. Mais encore faut-il qu'il soit limité à un nombre relativement restreint de personnes et
qu'il revête une certaine importance ; c'est ce qui commande que l'on exige alors un préjudice spécial (v. ss 500).

516 C. La préférence donnée à la rupture de l'égalité devant les charges publiques ◊ Les deux
explications ne s'excluent nullement et on a pris l'habitude d'étudier les cas de responsabilité sans faute en les regroupant soit
sous la rubrique « risque » soit sous celle de « la rupture de l'égalité ». Une telle méthode d'exposé recèle quelque chose d'un
peu artificiel car nombre d'hypothèses peuvent indifféremment être étudiées sous l'une ou l'autre rubrique.
En réalité, il semble que l'ensemble des cas où la jurisprudence admet la responsabilité sans faute puisse se ranger sous la
bannière de la rupture de l'égalité 1043.

SECTION 2. LA RESPONSABILITÉ SANS FAUTE D'ORIGINE


JURISPRUDENTIELLE 1044
Les hypothèses où le juge admet la responsabilité sans faute sont de plus en plus nombreuses. Sans prétendre à
l'exhaustivité, on citera les principales.

517 A. Le risque professionnel ◊


1o Accidents du travail subis par les agents de l'administration. Le Conseil d'État, avant le juge judiciaire et le
législateur (la loi sur les accidents du travail date de 1898), a admis (CE 21 juin 1895, Cames, GAJA, no 6) l'obligation de
réparer le dommage causé par un accident du travail à un ouvrier d'une manufacture de l'État sur la seule base du risque créé.
Depuis l'intervention du législateur a tari cette jurisprudence, les agents publics se trouvant garantis, soit par le régime des
pensions d'invalidité, soit par le droit commun des accidents du travail. 1045
2o Les requis et collaborateurs bénévoles du service public.
a) Les requis, ne faisant pas partie de l'Administration ne peuvent pas bénéficier des textes sur les accidents du travail et
les pensions. On leur applique donc, s'ils sont victimes d'un accident, la responsabilité sans faute (cf. : CE 5 mars 1943,
Chavat, Rec. 62 ; CE 15 févr. 1946, Ville de Senlis, Rec. 50).
b) Les collaborateurs bénévoles 1046. Le principe de la responsabilité sans faute pour les collaborateurs bénévoles a été
posé par le Conseil d'État dans l'arrêt Commune de Saint-Priest-la-Plaine (Ass., 22 nov. 1946, GAJA no 54). Cette
jurisprudence a connu une extension importante, le Conseil d'État n'exigeant pas la participation à un service public au sens
organique du terme (CE 25 sept. 1970, Cne de Batz-sur-Mer, AJDA 1971. 60 ; CE, Sect., 1er juill. 1977, Cne de Coggia,
AJDA 1978. 286, concl. Morisot), étant fort compréhensif en ce qui concerne la justification de l'intervention (CE 9 oct.
1970, Sieur Gaillard, RD publ. 1970. 1431, concl. Rougevin-Baville) et indulgent en ce qui concerne la faute de la victime
(CE, Ass., 27 nov. 1970, Cons. Appert-Colin, AJDA 1971. 59).
On a souligné que cette jurisprudence exposait de petites communes rurales à supporter de très importants préjudices à la
suite du zèle intempestif de certains collaborateurs 1047. Cela explique peut-être, parfois, une plus grande sévérité de la
jurisprudence (CE 31 mai 1989, Pantaloni, AJDA 1989. 648 ; 14 déc. 1981, Claude Guinard, RD publ. 1982. 1447). Pour
une conception compréhensive de la notion de collaborateur occasionnel du service public : CE, Sect., 12 oct. 2009,
Mme Chevillard, AJDA 2009. 2170, chron. Liéber et Botteghi.
Mais surtout, dans une affaire particulièrement remarquée, la Cour de cassation a jugé que le juge judiciaire avait
l'obligation d'appliquer les règles du droit administratif relatives aux requis et collaborateurs bénévoles (Civ. 2e, 23 nov.
1956, Giry, D. 1957. 34, concl. Avocat général Lemoine, GAJA, no 70) ; cette obligation a été réaffirmée par la 1re Chambre
civile (Civ. 1re, 6 févr. 2007, Mme de Panafieu, AJDA 2008. 530, note A. Van Lang). Cette jurisprudence montre bien qu'il
n'y a pas de liaison nécessaire entre la compétence et le fond !

518 B. La responsabilité du fait des choses dangereuses 1048 ◊ Lorsque l'Administration met en œuvre des
choses qui présentent par elles-mêmes un danger le juge applique la responsabilité sans faute si celles-ci provoquent un
dommage. Cette jurisprudence a été inaugurée à propos de l'explosion en région parisienne d'un dépôt de munitions pendant
la première guerre mondiale : CE 28 mars 1919, Regnault-Desroziers, GAJA, no 33. Elle a été appliquée au cas où les
services de police font usage d'armes à feu : CE 24 juin 1949, Lecomte et Daramy (2 arrêts), notes Waline, t. 2, no 232.
Toutefois cette dernière jurisprudence ne s'applique que si la victime est un tiers et non la personne visée par l'opération de
police (CE, Sect., 27 juill. 1951, Dame Auberge, D. 1952. 108 concl. Gazier). Pour un dommage causé par un tir de « flash
ball » le Tribunal administratif de Paris a préféré se placer sur le terrain des dommages causés du fait de crimes ou délits
commis à force ouverte (v. ss 525) plutôt que sur celui des choses dangereuses : TA Paris, 17 déc. 2013, AJDA 2014. 1112,
note Akoun, mais le TA de Nice s'est placé, lui, sur le terrain de la chose dangereuse en ce qui concerne ces accidents : TA
Nice, 28 octobre 2014, AJDA 2015. 536, Concl. Laso.

519 C. La responsabilité du fait des activités dangereuses 1049 ◊ L'idée est la même : certaines formes de
l'activité de l'Administration sont par elles-mêmes dangereuses ; on applique donc la responsabilité sans faute.
1o Les « prisons sans barreaux » et l'Assistance éducative. Il s'agit, en premier lieu, de l'utilisation des méthodes
modernes pour la rééducation des mineurs délinquants placés au titre de l'Ord. du 2 février 1945. Les dommages causés par
les évadés relèvent de la responsabilité sans faute : CE, Sect., 3 février 1956, Thouzellier, Notes Waline, T. 2, no 233 1050.
Aux risques de voisinage, le Conseil d'État avait substitué « le voisinage dans le temps » (CE 9 mars 1966, Trouillet,
Rec. 201). Cette jurisprudence joue également si le mineur est placé dans un établissement privé habilité (CE, Sect., 19 déc.
1969, Ets Delannoy, RD publ. 1970. 787 concl. Mme Grévisse, 1220 note Waline) et même si l'enfant est confié « à une
personne digne de confiance » (CE, Sect., 5 déc. 1997, Garde des Sceaux/Pelle, RFDA 1998. 569, concl. Bonichot, 575 note
Guettier ; CE 26 juill. 2007, Min. de la Justice/M. Jaffuer, AJDA 2007. 1050). Mais l'État n'est pas reponsable de tous les
méfaits commis par un mineur délinquant en fuite : CAA Bordeaux, 15 décembre 2014, Garde des Sceaux, AJDA 2015. 596.
L'étape suivante a consisté à admettre la responsabilité sans faute également lorsque le mineur en danger est placé au titre
de l'assistance éducative prévue aux art. 375 s. C. civ. : c'est ce qu'a fait l'arrêt GIE Axa Courtage (CE, Sect., 11 févr. 2005,
RFDA 2005. 595, concl. Devys 1051 ; CE, 26 mai 2008, Dépt. Des Côtes-d'Armor, AJDA 2008. 2081, note Fort ; 13 févr.
2009, Dépt. de Meurthe et Moselle, AJDA 2009. 286. Cette responsabilité n'est atténuée ou supprimée qu'au cas de force
majeure ou de faute de la victime : CE 17 déc. 2008, Garde des Sceaux/Lauze, AJDA 2009. 661, Concl. de Silva. La
responsabilité de l'État joue même si le mineur est hébergé chez ses parents : CE 3 juin 2009, Garde des Sceaux/Sté GAN
Assurances, AJDA 2009. 1133. La responsabilité de l'État peut également être engagée à l'égard de l'association auprès de
laquelle le jeune est placé : CE 19 juin 2015, Département des Bouches du Rhône, AJDA 2015. 1247. Mais, en l'espèce, la
responsabilité sans faute ne pouvait pas se fonder sur la notion du « risque » puisqu'il ne s'agissait plus de mineurs dangereux
mais, tout au contraire, de mineurs en danger. Le Conseil d'État a donc fondé sa décision sur la notion civiliste de la garde de
l'enfant. Cet arrêt a conduit, par voie de conséquence, à remettre en cause le fondement de la jurisprudence Thouzellier.
L'idée de risque, qui la justifiait est apparue comme anachronique – à savoir considérer les méthodes éducatives de
l'Ordonnance de 1945 comme « libérales » par rapport à un droit commun qui serait la répression – et c'est pour cette raison
que le Conseil d'État applique désormais également la notion de la « garde » pour la responsabilité sans faute dans le cadre
de l'Ordonnance de 1945 : CE 1er févr. 2006, Garde des Sceaux/MAIF, RFDA 2006. 602, concl. Guyomar, p. 614, note Bon ;
AJDA 2006. 586, chron. Landais et Lenica ; RD publ. 2007. 632, chron. Guettier 1052 ; CE 13 nov. 2009, Garde des Sceaux,
Rec. 461. Mais l'arrêt offre une autre possibilité d'indemnisation : en effet il laisse subsister, à côté de la responsabilité sans
faute du gardien, celle de l'État pour risque. On peut donc conjecturer que, ne serait-ce que pour des raisons de solvabilité,
les victimes s'en prendront à l'État et non au gardien.
2o Les détenus en permission de sortie. Les mêmes causes ayant les mêmes effets, la responsabilité sans faute s'applique
également aux détenus en permission de sortie : CE, Sect., 2 déc. 1981, Min. de la Justice/Theys, D. 1982. 550 note
Tedeschi ; Sect., 29 avr. 1987, Banque Populaire de la région de Strasbourg, RFDA 1987. 831 concl. Vigouroux. Sur la
compétence de la juridiction administrative pour connaître de telles actions : T. confl., 3 juill. 2000, Garde des Sceaux/Cts.
Primau et M. Fosset, AJDA 2000. 961. Pour un détenu sous le régime de la libération conditionnelle : CAA Paris, 20 déc.
2013, Min. de la Justice, AJDA 2014. 578, concl. Ladreyt. Cette responsabilité ne s'applique pas s'il s'agit de dommages
causés par un détenu gracié : CE 15 févr. 2006, Min. de la Justice c/ Maurel-Audry, RFDA 2006. 615, concl. Guyomar,
note Lemaire.
3o Les aliénés en sortie d'essai. Les aliénés en permission de sortie relèvent de la même logique : CE, Sect., 13 juill.
1967, Dépt. de la Moselle, AJDA 1968. 419 note Moreau ; 13 mai 1987, Mme Andréa Piollet, AJDA 1987. 489.
4o Les maladies contagieuses. Il s'agit malheureusement, le plus souvent, d'infirmières ou institutrices, enceintes, et qui
contractent la rubéole au contact des enfants, dont elles ont la charge, avec les redoutables conséquences que cela implique :
CE 6 nov. 1968, Dame Saulze, RD publ. 1969. 506, concl. Bertrand.

520 D. La responsabilité sans faute en matière hospitalière 1053 ◊ Un an après avoir abandonné l'exigence de la
faute lourde en matière hospitalière (v. ss 510), le Conseil d'État a franchi un nouveau pas en admettant la possibilité d'une
responsabilité sans faute en ce même domaine : CE, Ass., 9 avr. 1993, M. Bianchi, RFDA 1993. 573 concl. Daël 1054. La
victime qui avait subi une artériographie vertébrale, opération relativement classique et alors qu'il n'y avait aucune contre-
indication, était restée atteinte d'une grave paralysie. La responsabilité est alors soumise à une double condition : – que le
risque que le traitement fait courir au malade ait un caractère exceptionnel – que les dommages aient un caractère
d'extrême gravité.
Cette responsabilité, dans l'esprit du juge, devait avoir un caractère exceptionnel : CE 14 octobre 2002, Mme Favre et
CPAM des Hauts-de-Seine c/ A.P. Hôpitaux de Paris, AJDA 2003. 255. Cependant, elle a été étendue à un accident
d'anesthésie survenu à l'occasion d'une circoncision rituelle (CE, Sect., 3 nov. 1997, Hôpital Jospeh-Imbert d'Arles, RFDA
1998. 90, concl. Pécresse) ; toujours en ce qui concerne un accident causé par une anesthésie : CE 27 oct. 2000, Centre
Hospitalier de Seclin, D. 2001. 1196, concl. Chauvaux ; RFDA 2000. 1376 ; CE 19 mars 2010, Cons. Ancey, AJDA 2010.
586 ; pour un refus d'engager cette responsabilité du fait d'une anesthésie : CE 5 juin 2002, Mme Rodrigues, AJDA 2002. 936.
Pour un risque ne pouvant être regardé comme exceptionnel : CE, Ass., 19 mai 2004, CRAM d'Ile de France, D. 2004. 1771 ;
CE 17 févr. 2012, Sté MAAF, AJDA 2012. 355. Il en a été de même, responsabilité sans faute, en ce qui concerne la
responsabilité des centres de transfusion sanguine à l'égard des victimes de transfusions de sang contaminé par le virus du
SIDA (CE, Ass., 26 mai 1995, trois arrêts, RD publ. 1995. 1609, note de Lajarte) (V. v. ss 537).
Le Conseil d'État a également accepté de faire jouer la responsabilité sans faute du fait de la défaillance des produits et
appareils de santé utilisés : CE 9 juill. 2003, A.P. Hôpitaux de Paris c/ Mme Marzouk, AJDA 2003. 1946, note Deguergue ;
CE 15 juill. 2004, M. et Mme Dumas, AJDA 2005. 274, note Donier. Mais se posait le problème de savoir si cette
jurisprudence est compatible avec les dispositions de la Directive du 25 juillet 1985, transposée aux articles 1386-1 et
suivants du Code civil et qui prévoit que la responsabilité incombe au producteur. Le Conseil d'État a saisi la CJUE de deux
questions préjudicielles à ce sujet : CE 4 oct. 2010, CHU de Besançon, D. 2011. 213, note J. S. Borghetti ; AJDA 2010. 1912,
obs. Grand. Celle-ci a répondu que la jurisprudence Marzouk était compatible avec la directive. Le Conseil d'État a pu ainsi
condamner un CHU du fait de la défaillance d'un matelas chauffant : CE 12 mars 2012, CHU de Besançon, AJDA 2012. 575.
Cette jurisprudence s'applique aux produits implantés dans le corps du patient : CE, Sect., 25 juill. 2013, M. Falempin, AJDA
2013. 1972, chron. Domino et Bretonneau ; CE, Sect. 25 juillet 2013, M. F., Rec. 226.

521 E. Le refus d'exécution des décisions de justice 1055 ◊ Le refus de l'administration de prêter main-forte à
l'exécution d'une décision de justice peut être injustifié. Il entraîne alors la responsabilité pour faute : CE, Sect., 3 nov. 1967,
Min. de l'Intérieur/Dame Fiat, AJDA 1968. 257, concl. Galmot ; CE 10 oct. 2005, Sté Transimeubles, AJDA 2005. 2311.
Mais s'il est inspiré par l'intérêt général, parce que, par exemple, l'exécution risquerait d'entraîner de graves troubles, il y a
responsabilité sans faute : CE, 30 nov. 1923, Couitéas, GAJA no 38 (expulsion de 8 000 personnes armées !) 1056 ; CE 3 juin
1938, Sté Cartonneries Saint-Charles, Rec. 521, concl. Dayras (grévistes occupant une usine). Le juge estimait que
l'Administration avait deux mois pour répondre à une demande de concours de la force publique : CE 27 sept. 2006,
Mme Causse, AJDA 2006. 1816 ; le délai à été ramené à 15 jours : CE 27 janv. 2010, OPAC Habitat Marseille Provence,
AJDA 2010. 181. Si des raisons impérieuses justifient un refus du concours de la force publique, le Préfet a l'obligation de
rechercher toute mesure de nature à mettre fin, par exemple, à une occupation illicite des lieux : CE, 27 novembre 2015, SA
Usine du Marin, AJDA 2015. 2293. Le droit de requérir la force publique est transmissible : CE 2 sept. 2009, 2 arrêts, AJDA
2010. 344, note Donnier.
Dans le même esprit, le Conseil d'État indemnise les préjudices consécutifs à l'occupation d'un port par des grévistes : CE
11 mai 1984, 3 arrêts, AJDA 1984. 706, note Moreau.

522 F. Responsabilité du fait de certaines mesures d'ordre économique et social ◊ Il arrive que
l'administration impose à des particuliers, dans l'intérêt général, des mesures d'ordre économique ou social qui leur portent
préjudice ; il y a alors responsabilité sans faute.
1o Mesures d'ordre économique. – Préjudice résultant pour un marchand de souvenirs d'un arrêté réglementant la
circulation : CE, Sect., 22 févr. 1963, Commune de Gavarnie, Notes Waline, Tome 2, no 238. – Refus par l'Administration
d'engager une action en démolition d'une construction édifiée en méconnaissance des règles d'urbanisme : CE 20 mars 1974,
Navarra, AJDA 1974. 328.
2o Mesures d'ordre social. – Refus opposé à une entreprise, par l'inspection du travail, de licencier une partie de son
personnel, afin, d'éviter des troubles sociaux : CE 28 oct. 1949, Sté des Ateliers du Cap Janet, JCP. 1950. II, no 5861. –
Pressions sur une entreprise, lors d'un conflit du travail, pour qu'elle adopte une solution lui portant un grave préjudice : CE,
Ass., 21 nov. 1947, Sté Boulenger, S. 1948. 3. 21, concl. Odent, note Mathiot.
523 G. Divers ◊ – Renonciation à un projet d'expropriation : CE, Sect., 23 déc. 1970, EDF/Farsat, AJDA 1971. 96,
concl. Kahn.
– Dommage subi par un fonctionnaire en poste à l'étranger : CE, Sect., 19 oct. 1962, Sieur Perruche, AJDA 1962. 689.
– Impossibilité d'exécuter une décision de l'Administration par suite d'une contrariété de jurisprudence entre les deux
ordres de juridiction : CE, Ass., 7 mai 1971, Min. de l'Économie et des Finances et Ville de Bordeaux/Sastre, RD publ. 1972.
334, concl. Gentot, 443, note Waline.
– Réparation du préjudice résultant pour un pharmacien de la fermeture de dix tours d'habitation : CE, Sect., 31 mars
1995, M. Lavaud, AJDA 1995. 422.
– Réparation du préjudice résultant, pour les collectivités territoriales, de l'abandon de la liaison fluviale Rhin-Rhône : CE
15 nov. 2000, Commune de Morschwiller-le-Bas, AJDA 2001. 207.
– Préjudice résultant de la concentration en un seul lieu d'émetteurs entraînant des perturbations électromagnétiques : CE
13 juin 2001, Verdure, Rec. 261.
– Préjudice résultant de la fermeture d'une installation classée : CE 9 mai 2012, Sté Charentaise d'entrepôts, AJDA 2012.
977, obs. Grand.
– Dégâts causés aux cultures par des lapins abrités dans les remblais de voies ferrées (!) : CE, Avis, 26 févr. 2003,
M. Courson, AJDA 2003. 519.
– Dommage causé par un mineur à la personne chez laquelle il est placé par le Service de l'Aide sociale à l'enfance : CE
23 juill. 2003, M. Jean Calon, AJDA 2003. 2329, concl. de Silva.
– Préjudice résultant, pour une entreprise, de l'interdiction de circuler sur une voie communale des poids lourds : CE
4 oct. 2010, Cne de Saint-Sylvain-d'Anjou, AJDA 2010. 1909.
– Dommages causés par de fortes pluies en l'absence de réseau d'assainissement et d'aménagement sur le réseau
d'évacuation des eaux pluviales : CE 13 nov. 2009, Cne de Bordes, AJDA 2010. 1440.

SECTION 3. LA RESPONSABILITÉ SANS FAUTE D'ORIGINE LÉGISLATIVE 1057


Lorsqu'il s'agit de rétablir l'égalité devant les charges publiques, il est naturel que le législateur intervienne. Sa
compétence en la matière découle de la formule de l'article 34 de la Constitution faisant figurer dans le domaine de la loi « la
détermination des principes fondamentaux du régime des obligations civiles » (CE, Ass., 7 déc. 1962, Association les forces
motrices autonomes, Rec. 664 ; Cons. const., décision du 24 oct. 1980, p. 68). Ces interventions du législateur sont aussi
nombreuses que diverses.

524 A. Le risque professionnel ◊ Depuis l'arrêt Cames, (v. ss 517) s'est développée toute une législation sur les accidents
du travail et sur les pensions des fonctionnaires.
Cette substitution de la responsabilité d'origine législative à la jurisprudence Cames a un sérieux inconvénient : la victime
se voit opposer une évaluation forfaitaire de son dommage (le forfait de la pension) et elle ne peut pas renoncer au
« bénéfice » de la responsabilité sans faute en essayant de se placer, le cas échéant, sur le terrain de la faute : CE, Sect.,
16 oct. 1981, Guillaume et Germanaud, AJDA 1982. 43, concl. Dutheillet de Lamothe. (v. ss 503).

525 B. Les dommages causés par les attroupements et rassemblements 1058 ◊ Il s'agit de la réparation des
dommages causés aux particuliers du fait de crimes ou délits commis à force ouverte (c'est-à-dire sans que la police ait pu les
empêcher) par suite d'attroupements (c'est-à-dire d'émeutes) ou de rassemblements. Le régime de cette responsabilité a
beaucoup évolué.
Actuellement, la loi du 7 janvier 1983 (qui est un texte relatif à la répartition des compétences entre l'État et les
collectivités territoriales) est venue poser le principe de la responsabilité sans faute de l'État sous réserve de l'action
récursoire qu'il peut exercer à l'encontre de la commune lorsque la responsabilité de celle-ci se trouve engagée (les anciens
textes évoquaient le cas où la commune a manqué à ses devoirs « par inertie ou connivence avec les émeutiers »). Il a été fait
application de cette responsabilité, par exemple, pour des dégradations à des bâtiments publics causés par des jeunes qui
s'étaient regroupés à la suite du décès accidentel d'un jeune homme poursuivi par la police : CE, Sect., 29 déc. 2000, AGF,
Rec. 679. Mais il n'est pas nécessaire que le rassemblement ait un caractère protestataire : CE, Sect., 13 déc. 2002, Cie
d'Assurance Les Lloyds de Londres, AJDA 2003. 398, concl. Olson.
1o Depuis la loi du 9 janvier 1986 (art. 27) le contentieux de cette responsabilité est administratif.
2o La responsabilité joue même si la victime participait au rassemblement : T. confl. 24 mai 1965, Roche, JCP. 1965,
o
n 14-366, concl. Gégout.
3o La loi de 1983 permet la réparation des préjudices commerciaux causés par les attroupements : CE, Ass., Avis, 6 avr.
1990, Cofiroute, GAJA no 88 (manifestants occupant sur une autoroute les postes de péage et laissant passer gratuitement les
usagers), ou la perte d'exploitation provoquée par l'interruption du trafic ferroviaire : CE 15 juin 2001, SNCF, Rec. 271, ou
encore le préjudice résultant du blocage par des attroupements de camions collectant du lait : CE 27 juillet 2015, Sté
Fromagerie de Charchigné, AJDA 2015. 2419.
4o On n'exige pas un dommage anormal et spécial : CE, Ass., avis du 20 févr. 1998, Sté d'Études et de construction de
sièges pour l'automobile, RFDA 1998. 584, concl. Arrighi de Casanova.
5o La responsabilité de l'État est d'ordre public c'est-à-dire qu'elle doit s'appliquer même si le requérant ne l'invoque pas :
CE 30 juin 1999, M. Foucher, RFDA 1999. 1210, concl. Bergeal.
6o Il n'y a pas de responsabilité en l'absence de délit (CE 19 mai 2000, Région Languedoc-Roussillon, RFDA 2000. 907)
ou si les auteurs du délit sont restés clandestins et ne faisaient pas partie des manifestants (CE 16 juin 1997, Caisse centrale
de Réassurances, Rec. 241), ou si la preuve que le dommage est dû à un attroupement n'est pas établie : CE 3 mars 2003,
GIE la Réunion aérienne, RFDA 2003. 646.
Pendant longtemps on s'est interrogé sur l'indemnisation des dommages causés par les violences urbaines du mois de
novembre 2005 (près de 250 bâtiments publics dégradés ou incendiés, dégâts estimés à 150 millions d'euros) 1059. En effet, le
ministre délégué au Budget avait indiqué que « l'État n'interviendrait pas financièrement dans ce dossier ». Mais les
assureurs invoquaient à leur profit la loi du 7 janvier 1983. Ce à quoi on leur opposait qu'il s'agit d'actes de violence
prémédités, commis par de petits groupes et non par des « attroupements ». Le ministre délégué aux Collectivités
territoriales avait répondu que « chaque cas est spécifique et sera tranché devant les tribunaux s'il le faut ». Si l'on en croit le
Médiateur de la République (Le journal du Médiateur, avr. 2008, no 36) ces dossiers devraient susciter une réflexion sur les
rôles respectifs de l'État et de l'assureur. En l'absence d'une évolution jurisprudentielle, il suggérait la création d'un Fonds
d'indemnisation faisant jouer la notion de solidarité. Finalement, le Conseil d'État s'est prononcé dans son arrêt Sté Mutuelle
d'assurance des collectivités locales (11 juill. 2011, AJDA 2011. 1461, obs. Grand). Il s'agissait de dégâts occasionnés à
divers bâtiments publics quelques heures après le décès accidentel de deux jeunes adolescents qui tentaient d'échapper à la
police ; pour le Conseil d'État ces violences doivent être regardées comme étant le fait d'un attroupement ou d'un
rassemblement au sens de la loi de 1983, mais elles ont été commises selon des méthodes préméditées et organisées, ce qui
interdit toute indemnisation.

526 C. Les dommages de guerre ◊ Les lois organisant la réparation des dommages de guerre sont des textes mettant en
jeu une logique de solidarité : loi du 17 avril 1919 pour la première guerre mondiale ; loi du 28 octobre 1946, pour la
seconde guerre mondiale.
En ce qui concerne la guerre d'Algérie toute une série de textes sont intervenus pour organiser l'indemnisation des
rapatriés. Pour ne citer que le plus récent, la loi 2005-158 du 23 févr. 2005 « portant reconnaissance de la Nation et
contribution nationale en faveur des rapatriés ».
Les décrets 2004-1352 du 10 décembre 2004 et 2004-1388 du 23 décembre 2004 ont organisé « un dispositif
exceptionnel d'aides aux Français rapatriés de Côte d'Ivoire ».

527 D. Les accidents de préparation militaire ◊ Le juge administratif se refusait à faire bénéficier les élèves de la
préparation militaire, en cas de blessures ou de maladie, de la législation du Code des pensions militaires. La loi du 4 août
1962, (modifiée par la loi du 18 nov. 1972) a donc décidé d'appliquer les dispositions du Code des pensions militaires
d'invalidité aux jeunes gens victimes d'accidents au cours de la préparation militaire.

528 E. Les accidents post-vaccinatoires ◊ Le Conseil d'État ayant refusé d'admettre la responsabilité sans faute pour
les accidents dus à des vaccinations (CE, Ass., 7 mars 1958, Dejous, p. 153 : responsabilité pour faute avec présomption de
faute) la loi du 1er juillet 1964 a prévu la responsabilité sans faute pour les vaccinations obligatoires et effectuées dans un
centre agréé. La loi du 26 mai 1975 a supprimé cette dernière condition.

529 F. Les dommages corporels résultant d'une infraction pénale ◊ La loi du 3 janvier 1977 1060, qui modifie
l'article 706 C. pr. pén., prévoit l'indemnisation par l'État (responsabilité sans faute) de certaines victimes de dommages
corporels résultant d'une infraction pénale. Elle comblait une lacune incontestable de notre système juridique : celle où la
victime d'une infraction pénale ne peut pas obtenir réparation soit parce que l'on ne connaît pas l'auteur de l'infraction, soit
parce que ce dernier est insolvable.
Le texte, à l'origine beaucoup trop timoré, a dû être modifié à quatre reprises ! (art. 98 de la loi du 2 février 1981 ;
art. 15 s. de la loi du 3 juillet 1983 ; art. 73 de la loi du 30 décembre 1985 ; loi du 6 juillet 1996) 1061.
1o Les conditions de l'indemnisation. Deux cas sont à distinguer. Il y a indemnisation intégrale du préjudice lorsque
celui-ci consiste en des atteintes à la personne causées soit par une infraction ayant entraîné la mort immédiate de la victime
ou une incapacité de travail supérieure à un mois, soit s'il s'agit d'un attentat aux mœurs. Sinon on indemnise les victimes
d'un vol, d'une escroquerie ou d'un abus de confiance à la condition qu'elles se trouvent de ce fait dans « une situation
matérielle grave ».
2o La procédure d'indemnisation. Les indemnités sont attribuées par des Commissions instituées à cet effet auprès des
TGI. Elles ne sont pas payées par l'État mais par le « Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres
infractions » créé par la loi du 9 septembre 1986 (v. ss 530) 1062. La loi 2008-644 du 1er juillet 2008 organise des procédures
d'aide au recouvrement des dommages-intérêts pour les victimes d'infractions pénales.

530 G. L'indemnisation des victimes d'actes de terrorisme 1063 ◊ Pendant longtemps, le sort des victimes d'actes
de terrorisme était lamentable car le Conseil d'État avait refusé d'en faire un cas de responsabilité sans faute : CE, Sect.,
29 avr. 1987, Yener et Cons. Erez, AJDA 1987. 487 (il s'agissait de l'assassinat, en plein Paris, de l'Ambassadeur de Turquie
auprès de notre pays. Les faits s'étaient déroulés avant l'intervention de la loi du 9 septembre 1986, mais l'arrêt est postérieur
à celle-ci).
Le problème a été réglé par l'article 9 de la loi du 9 septembre 1986 qui prévoit que les dommages causés aux biens par
les actes de terrorisme sont pris en charge par les compagnies d'assurances qui ont l'obligation de couvrir ce risque. Quant
aux dommages aux personnes, ils sont pris en charge par le « Fonds de Garantie des victimes des actes de terrorisme et
d'autres infractions » que crée la loi 1064. Ce fonds est alimenté par un prélèvement opéré sur les contrats d'assurances de
biens (4,30 euros à compter du 1er janvier 2016). On voit ainsi apparaître un mouvement qui ferait des compagnies
d'assurances l'assureur tous risques de certains dommages subis par les administrés et dont la charge devrait cependant
incomber exclusivement à la puissance publique.
Le Fonds prend en charge toutes les personnes victimes d'actes de terrorisme sur le territoire français mais aussi les
Français victimes d'actes de terrorisme à l'étranger.
Le Fonds de Garantie prend en charge l'indemnisation des victimes des attentats djihadistes du 13 novembre 2015. On
estime à environ 300 millions d'euros les indemnités qui seront versées à ce titre. Par ailleurs, les enfants des personnes
décédées lors de ces attentats peuvent accéder au statut de pupille de la Nation.
531 H. Le régime de la responsabilité à raison des dommages causés à ou par des élèves de
l'enseignement public du fait du défaut de surveillance d'un maître 1065 ◊ 1o Initialement, les
instituteurs, en vertu de l'article 1384 du Code civil, étaient présumés responsables des dommages causés par leurs élèves, et
ne pouvaient s'exonérer qu'en prouvant l'absence de faute de surveillance. Cette présomption a été supprimée pour tous les
instituteurs ; pour les maîtres de l'enseignement public, un régime encore plus favorable a été établi (L. 20 juill. 1889, L.
5 avr. 1937). Il a été étendu aux enseignants des établissements privés sous contrat.
2o L'hypothèse visée est celle où un dommage est dû au défaut de surveillance des élèves par le maître, ou même par un
moniteur (T. confl., 19 nov. 2001, Époux Gracia, D. 2002. 2710, note Lachaume), pendant ou même en dehors du travail
scolaire (loisirs dirigés, œuvres péri ou post-scolaires). Elle ne joue pas si l'enfant est sous la surveillance d'employés
communaux à la cantine : T. confl., 30 juin 2008, Préfet des Alpes-Maritimes, RFDA 2008. 1075.
3o La responsabilité de l'État est entièrement substituée à celle de l'enseignant, même en cas de faute personnelle ; il ne
peut donc pas être mis en cause devant les tribunaux judiciaires : Crim. 20 sept. 2006, D. 2007. 187, note Ambroise-Castérot.
4o L'État dispose d'actions récursoires, contre les tiers auteurs du dommage, et, en cas de faute personnelle, contre le
maître. L'action récursoire est de la compétence de la juridiction administrative : CE 13 juill. 2007, Min. Éd. Nat./K, Rec.
336 (recours dans l'intérêt de la loi).
5o La compétence est uniformément judiciaire, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que le défaut de surveillance
constituait une faute de service ou une faute personnelle (T. confl., 31 mars 1950, Delle Gavillet, Rec. 658).
Sur la notion de faute personnelle de l'enseignant, v. : Civ. 2e, 23 oct. 2003, Melle Poinsat, D. 2004. 728, note Petit
et Dagorne-Labbe.
6o Si le dommage a une cause autre que le défaut de surveillance (mauvaise organisation du service, défaut d'entretien des
locaux), le droit commun de la responsabilité reprend son empire, et la compétence administrative s'applique. Mais seule la
faute de service ouvre droit à réparation pour la victime, à l'exclusion de toute responsabilité sans faute (CE 27 mai 1983,
Soulard, AJDA 1983. 435).

532 I. L'indemnisation des victimes de l'amiante ◊ L'article 53 de la loi 2000-1257 du 23 décembre 2000 (de
financement de la Sécurité sociale) modifiée par la loi 2002-303 du 4 mars 2002, a créé un Fonds d'indemnisation des
victimes de l'amiante. Cet établissement public national à caractère administratif, financé par une contribution de l'État et de
la Sécurité sociale 1066, est destiné à accorder la réparation intégrale de leurs préjudices aux personnes victimes d'une maladie
professionnelle occasionnée par l'amiante ou ayant été exposées à l'amiante. La loi et le décret 2001-963 du 23 octobre
2001 fixent l'organisation du fonds et la procédure suivie pour l'indemnisation. Les délibérations du Conseil d'administration
du Fonds fixant un barême d'indemnisation ou définissant les orientations relatives à l'indemnisation peuvent faire l'objet
d'un REP : CE 3 mai 2004, Comité anti-amiante Jussieu, D. 2004. 1644 1067. Mais c'est le juge judicaire qui est compétent
pour se prononcer sur la demande d'indemnité et sur les offres faites en la matière par le Fonds : T. confl. 18 mai 2015, M.R.
/ FIVA, AJDA 2015. 1016. La procédure de l'article 53 de la loi du 23 décembre 2000 n'est qu'une simple faculté qui ne prive
pas les victimes d'intenter, si elles le préfèrent, une action en responsabilité à l'encontre de l'employeur ou de
l'Administration devant la juridiction compétente. Elle ne méconnaît donc pas l'article 6 de la Convention européenne des
droits de l'homme qui garantit à tous l'accès à un tribunal : CE 26 févr. 2002, M. Mekhantar, AJDA 2003. 1234, concl.
P. Fombeur. Le Conseil d'État, on l'a vu (v. ss 509), accepte d'engager, en la matière, la responsabilité de l'État sur la base de
la faute. Enfin, peut se poser la délicate question du partage de responsabilité entre l'employeur et l'État : CE, Ass.
9 novembre 2015, MAIF et Assoc. Centre Lyrique d'Auvergne et SAS Constructions mécaniques de Normandie, AJDA
2015. 2116.

533 J. L'indemnisation de personnes ayant subi un préjudice du fait de certaines procédures


pénales ◊ Les articles 70 et 71 de la loi 2000-516 du 15 juin 2000, renforçant la protection de la présomption d'innocence
et les droits des victimes, et l'article 1 de la loi 2000-1354 du 30 décembre 2000, tendant à faciliter l'indemnisation des
condamnés reconnus innocents, ont modifié l'article 149 C. proc. pén. en ce qui concerne l'indemnisation des personnes
ayant fait l'objet d'une détention provisoire s'étant terminée par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement
devenue définitive (décrets d'application no 2000-1204 du 12 déc. 2000 et 2001-1321 du 27 déc. 2001). La loi prévoit la
réparation intégrale du préjudice matériel et moral causé par la détention, et l'indemnité est allouée par le Premier président
de la cour d'appel dans le ressort de laquelle a été prononcée la décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement. L'appel est
possible devant une Commission nationale d'indemnisation placée auprès de la Cour de cassation 1068.

534 K. L'indemnisation des victimes d'essais nucléaires ◊ La loi 2010-2 du 5 janvier 2010 1069, son décret
d'application du 11 juin 2010 et le décret 2014-1049 organisent l'indemnisation des victimes des 210 essais nucléaires
français. Elle pose le principe du droit à réparation intégrale du préjudice de toute personne souffrant d'une maladie radio-
induite du fait de l'exposition à des rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires. Elles bénéficient d'une présomption de
causalité (v. ss 513) sauf si le risque attribuable aux essais peut être considéré comme négligeable. Les demandes sont
examinées par un Comité présidé par un Conseiller d'État ou à la Cour de cassation. Le Comité fait une proposition au
Ministre de la Défense qui peut soit la rejeter (par une décision motivée) soit notifier au demandeur une offre
d'indemnisation. La décision du Ministre peut faire l'objet d'un recours, selon les cas, devant le Tribunal administratif de
Paris ou de la Polynésie française. Pour un exemple d'absence d'imputabilité du dommage aux essais nucléaires : CAA Paris,
10 mars 2011, M.A., AJDA 2011. 1633, note J. M. Pontier 1070. Le Conseil d'État s'est prononcé pour la première fois sur ce
contentieux dans un arrêt du 7 décembre 2015 (AJDA 2016. 619, note B. Mérand). V. aussi : CAA Bordeaux, 13 janvier
2015, Ministre de la Défense, AJDA 2015. 645, Concl. Katz ; TA Polynésie française, 30 juin 2015, M.R. / État, RFDA
2015. 795, Concl. Reymond-Kellal.
535 L. L'indemnisation des victimes du Mediator 1071 ◊ Le Mediator était un médicament présenté comme ayant
une action sur le diabète mais qui, dans la pratique, était utilisé comme « coupe-faim » par de très nombreuses femmes
(plusieurs millions dans le monde entier). Or, il entraînait de très graves effets indésirables, tels, par exemple, que des
valvulopathies. Il a malheureusement été commercialisé, par les laboratoires Servier, pendant 33 années avant d'être retiré de
la vente le 18 mai 2010. Le nombre des victimes du Médiator étant très important (dans l'article précité, J. M. Pontier fait
état de 500 décès environ et de 3 500 hospitalisations en France entre 1976 et 2009) il fallait organiser une procédure
d'indemnisation des victimes. C'est ce que fait l'article 57 de la loi de finances rectificatives no 2011-900 du 29 juillet 2011.
Les victimes devront s'adresser à l'ONIAM (v. ss 540) en indiquant le ou les exploitants dont elles entendent mettre en jeu la
responsabilité. Un collège d'experts rendra, dans un délai maximal de six mois, un avis sur l'étendue des dommages et sur les
responsabilités. Les responsables auront alors trois mois pour faire une offre d'indemnisation. S'ils ne le font pas ou si l'offre
est jugée par la victime insuffisante c'est l'ONIAM qui indemnisera avant de se retourner contre le responsable (v. AJDA
2011. 933). En réalité, dans le cas du Mediator il ne s'agit pas, à proprement parler, d'un cas de responsabilité sans faute de
l'État puisque la charge finale de l'indemnisation n'incombe pas à l'État, celui-ci instruisant la demande et servant
simplement de relais pour l'indemnisation au cas de difficultés. La première décision se prononçant sur ce contentieux est le
jugement du Tribunal administratif de Paris du 3 juillet 2014 (Mme A., AJDA 2014. 2490, note S. Brimo et RFDA
2014. 1193, note J. Petit) qui abandonne l'exigence de la faute lourde, la faute simple (la carence fautive) suffisant à engager
la responsabilité de l'État.

SECTION 4. L'INDEMNISATION DES VICTIMES DU SIDA 1072


L'extension de ce fléau qu'est le SIDA post-transfusionnel a nécessité l'intervention du législateur pour faciliter
l'indemnisation des victimes. Mais celle-ci reste possible en dehors du dispositif législatif.

536 A. La loi du 31 décembre 1991 ◊ L'article 47 de la loi du 31 décembre 1991 établit une « responsabilité de plein
droit » de l'État à l'égard des personnes victimes d'une contamination par le virus d'immunodéficience (SIDA) à la suite d'une
transfusion sanguine ou d'infection par des produits dérivés du sang. Pour assurer la charge des indemnités la loi crée un
Fonds d'indemnisation financé tout à la fois par l'État et par une contribution des compagnies d'assurances. L'indemnisation
intégrale est accordée par la Commission d'indemnisation du Fonds. Le législateur n'a pas donné un caractère obligatoire à
cette procédure d'indemnisation. Les victimes peuvent donc, pour obtenir leur indemnisation, utiliser également les
procédures de droit commun.

537 B. L'indemnisation selon les procédures du droit commun ◊ La victime du SIDA peut vouloir engager
soit la responsabilité de l'État, soit celle des centres de transfusion sanguine.
1o La responsabilité de l'État
a) La responsabilité de l'État peut tout d'abord être engagée pour les carences dans l'organisation générale de la
transfusion sanguine et dans le contrôle des centres de transfusion : CE, Ass., 9 avr. 1993, M.D., p. 110, concl. Legal. Dans
cet arrêt le Conseil d'État abandonne, en la matière, l'exigence d'une faute lourde et engage la responsabilité de l'État celui-ci
ne pouvant pas s'exonérer de cette responsabilité en invoquant les fautes commises par les centres de transfusion (v. ss 520).
b) La responsabilité peut également se fonder sur le retard mis par l'État à interdire l'utilisation de produits non chauffés :
cf, arrêt M. D. ci-dessus.
2o La responsabilité des centres de transfusion 1073
a) Responsabilité des centres publics : on applique le système de la responsabilité sans faute pour avoir fourni des
produits à l'origine de la contamination : CE, Ass., 26 mai 1995, Cons. NG, M. J, Cons. P., AJDA 1995. 577. Désormais c'est
la responsabilité de l'Établissement français du sang (EFS), créé par la loi du 1er juillet 1998, qui se substitue à celle des
centres de transfusion sanguine : CE 30 nov. 2007, CHU de Clermont-Ferrand, AJDA 2008. 311, Concl. Thiellay ; CE 8 août
2008, CHU de Clermont-Ferrand, AJDA 2008. 1841, Concl. Thiellay.
b) Responsabilité des centres privés : la Cour de cassation a tranché les divergences apparues entre Cours d'appel en
jugeant que les centres de transfusion sont tenus de fournir des produits exempts de tout vice, qu'il y a là une obligation de
sécurité dont ils ne peuvent s'exonérer que par la preuve d'une cause étrangère qui ne puisse leur être imputée : Civ. 1re,
12 avril 1995, Martin, JCP. 1995, no 22467, note Jourdain. Il s'agit donc d'un système fort proche de la responsabilité
sans faute.

538 C. Le cumul des systèmes de responsabilité 1074 ◊ Après des divergences de jurisprudence sur ce point entre le
Conseil d'État et la Cour de cassation, il est maintenant admis que la victime peut engager soit concomitamment, soit
successivement, les deux voies d'indemnisation. Le seul problème est alors d'éviter le cumul des indemnités au-delà du
préjudice subi : (cf. : CE, Avis, 15 oct. 1993, Cons. Jézéquel et Vallée, RFDA 1994. 553, concl. Frydmann).

SECTION 5. L'AVENIR DE LA RESPONSABILITÉ SANS FAUTE

539 Certains auteurs, prenant acte du développement jurisprudentiel de la responsabilité sans faute, considèrent qu'elle est
appelée à éliminer progressivement la notion de faute et à devenir le droit commun de la responsabilité administrative. Il est
douteux qu'il en soit ainsi : la responsabilité sans faute est une théorie trop extensive pour que le Conseil d'État, soucieux des
exigences de l'action administrative, accepte de la généraliser. À l'heure actuelle, cette notion lui fournit le moyen de réparer
des dommages, malgré l'absence de faute, lorsque l'équité lui paraît commander cette réparation 1075.
Par ailleurs, et surtout, il faut prendre conscience des limites que comporte la théorie de la responsabilité sans faute. Elle
ne peut pas justifier, dans des conditions satisfaisantes, la prise en charge par la collectivité de toute une série de préjudices
liés au progrès de la science. C'est notamment le problème de l'indemnisation de ce que l'on appelle « l'aléa
thérapeutique » 1076. Selon l'observation de D. Philipp 1077, pour ces problèmes, le temps est probablement venu de passer
d'une logique de responsabilité à une logique de solidarité. Ce serait, bien sûr, le rôle du législateur que de l'organiser. C'est
ce qu'a fait la loi du 4 mars 2002 en ce qui concerne l'indemnisation des accidents médicaux (v. ss 540).

SECTION 6. L'INDEMNISATION DE L'ALÉA THÉRAPEUTIQUE 1078

540 Depuis une quinzaine d'années on avait vu se multiplier les hypothèses où des personnes, victimes de très graves accidents
médicaux, n'en obtenaient pas la réparation. De même restaient le plus souvent sans réparation les personnes victimes
d'hépatites « C », de la maladie de Creutzfeld-Jakob ou encore de l'hormone de croissance.
En ce qui concerne la responsabilité médicale proprement dite, le Conseil d'État s'était efforcé d'y remédier par
l'admission de la responsabilité sans faute (v. ss 520), même si celle-ci ne peut avoir qu'un caractère exceptionnel. En
revanche, la Cour de cassation refusait de s'engager dans cette voie : Civ. 1re, 8 nov. 2000, D. 2001. 2237, note D. Mazeaud.
Il est toujours regrettable qu'à un seul et même problème les deux ordres de juridiction apportent des
solutions contradictoires.
Mais surtout, on l'a déjà relevé (v. ss 537), l'indemnisation de ce genre de préjudice ne peut pas être réglée de manière
satisfaisante dans le cadre de la responsabilité sans faute. Elle suppose, en réalité, que l'on mette en œuvre la solidarité
nationale, ce qui ne peut être le fait que de la représentation nationale.
Dès 1996 le Rapport Évin 1079 avait fait un certain nombre de propositions pour indemniser « l'aléa thérapeutique ». Il
proposait de le définir ainsi : « La part de risque que comporte inévitablement un traitement médical ou pharmaceutique
légitime et correctement mené et dont la réalisation entraîne la non-guérison ou des effets indésirables ». Le Conseil
d'État 1080 s'était également penché sur le problème.
Ces différents travaux sont à l'origine de la loi 2002-203 du 4 mars 2002, « relative aux droits des malades et à la qualité
du système de santé », qui marque une première étape dans la voie de l'indemnisation des aléas thérapeutiques.
L'article 98 de la loi modifie l'article L-1142-1.II du Code de la santé publique en prévoyant qu'en l'absence de toute faute
reprochable « un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des
préjudices du patient au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de
diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales 1081 au regard de son état de santé comme
de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité 1082 fixé par décret » 1083. L'article L-1142-22 du
Code de la santé publique crée un établissement public administratif de l'État, « l'Office national d'indemnisation des
accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales » 1084 (ONIAM), chargé de l'indemnisation au
titre de la solidarité nationale. Il n'intervient que si l'affaire n'a pas été réglée à l'amiable par les Commissions régionales de
conciliation et d'indemnisation (CSP, art. L. 1142-5) 1085. Le décret 2003-140 du 19 février 2003 fixe l'organisation et le
fonctionnement de l'Office national, de la Commission nationale des accidents médicaux et des Commissions régionales de
conciliation, ainsi que la procédure d'indemnisation 1086.
En ce qui concerne l'indemnisation des infections nosocomiales, V. CE 21 juin 2013, CH du Puy-en-Velay, Rec. 177 ; CE
12 mars 2014, ONIAM, AJDA 2014. 1640 ; v. également la chronique de jurisprudence in D. 1974. 2371. Le Conseil d'État
estime que lorsque les conditions sont réunies le juge doit soulever d'office le moyen tiré de la responsabilité d'un
établissement de santé : CE 6 mars 2015, CH de Roanne, AJDA 2015. 1379, note Lantero.
L'article 67 de la loi du 17 décembre 2008 de financement de la Sécurité sociale (CSP, art. L. 1221-14) a transféré à
l'ONIAM l'indemnisation des personnes contaminées par le virus de l'hépatite C à la suite d'une transfusion ou d'une
injection de médicaments dérivés du sang. Sur l'entrée en vigueur de ce texte dans le temps et sur les modalités de sa mise en
œuvre : CE, Avis, 7 déc. 2009, M. Lacroix, AJDA 2009. 2372, Commentaire M. C. de Montecler. ; RFDA 2010. 240 chron.
Terneyre ; Civ. 1re, 28 nov. 2012, D. 2012. 2888 obs. Gallmeister. Le Conseil d'État a accepté d'indemniser le « préjudice
d'inquiétude » provoqué par l'hépatite C : CE 27 mai 2015, AJDA 2015. 2340, note Pouillaude 1087. La procédure
d'indemnisation 1088 est régie par l'art. 1er du décret 2010-251 du 12 mars 2010.
On constate une hausse constante de l'activité des CRCI : celles-ci ont reçu 4279 dossiers pour l'année 2010 et presque
30 000 depuis leur création. L'ONIAM suit l'avis des CRCI dans 92 % des cas mais cependant l'ONIAM était partie dans
1 800 litiges (dont 856 devant le juge administratif) à la fin de l'année 2011. 1089
CHAPITRE 5
LA RESPONSABILITÉ DES AGENTS POUR FAUTE
PERSONNELLE

Section 1. LA FAUTE PERSONNELLE


Section 2. LES MODALITÉS DE L'ENGAGEMENT DE LA RESPONSABILITÉ DE L'AGENT
On a rappelé (v. ss 494) l'évolution qui a conduit à la distinction de la faute de service et de la faute personnelle qui est
celle dont l'agent répond personnellement, sur son patrimoine, devant le juge civil et selon les règles du droit privé. Si
l'administration estime que la faute qui motive la demande dirigée contre l'agent constitue en réalité une faute de service, elle
doit élever le conflit 1090 (v. ss 507). C'est donc le Tribunal des conflits qui précise la limite entre les deux catégories de
fautes. 1091

SECTION 1. LA FAUTE PERSONNELLE


Il n'est pas très aisé de situer a priori la notion de faute personnelle. Le plus simple est probablement de la situer au
regard du service.

541 A. Le concept de faute personnelle ◊ D'un point de vue théorique, il y a deux conceptions possibles de la
faute personnelle.
1o La conception subjective est celle que l'on trouve dans les célèbres conclusions de Laferrière dans l'affaire
Laumonnier-Carriol, (T. confl., 5 mai 1877, p. 437 avec les concl.) Pour ce dernier il y a faute de service « si l'acte
dommageable est impersonnel, s'il révèle un administrateur plus ou moins sujet à erreur ». Il y a faute personnelle, si l'acte
dommageable révèle « l'homme avec ses faiblesses, ses passions, ses imprudences ». De même, pour Hauriou, la faute de
service correspond à la marge de mauvais fonctionnement qu'il faut attendre de la diligence moyenne de l'agent ; il y faute
personnelle lorsque l'on excède cette marge de mauvais fonctionnement. Bref, selon le mot de Dupeyroux, la faute
personnelle c'est « la faute signée ».
2o La conception objective est celle que l'on trouve dans les célèbres conclusions de L. Blum dans l'affaire Lemonnier
(v. ss 496). Il y a faute de service lorsque son appréciation oblige le juge à apprécier l'acte de l'Administration et il y a faute
personnelle lorsqu'il n'y a pas à apprécier cet acte.
Cette opposition reste quelque peu théorique. Il semble que, dans la pratique, le juge ait une certaine tendance à établir
que la faute est une faute de service (et statistiquement il a raison) mais il n'y aurait là qu'une présomption simple supportant,
bien sûr, la preuve contraire.

542 B. L'absence de lien nécessaire avec la faute pénale et la voie de fait ◊


1o La faute pénale 1092 commise dans le service par l'agent constituera le plus souvent une faute personnelle. Mais la
coïncidence n'est pas absolue. Dans l'affaire Thepaz, (v. ss 508) un accident mortel provoqué par le chauffeur militaire d'un
camion roulant en convoi n'a pas été considéré comme « détachable du service » le conducteur, pris dans la colonne, n'ayant
pas l'entière liberté de ses manœuvres.
Pour l'appréciation de la faute personnelle et de la faute de service par le juge pénal : Crim. 4 juin 2002, D. 2003. 95,
note Petit.
2o La voie de fait. On considère parfois la voie de fait (v. ss 609) comme constitutive de faute personnelle. En réalité, la
question est mal posée : si la voie de fait engage la responsabilité de son auteur, concurremment avec celle de
l'administration, c'est que l'opération, dans son ensemble, tombe sous l'emprise du droit privé ; l'agent, préposé, et
l'administration, commettante, sont responsables sur la base des articles 1382 et 1384 du code civil, sans que la notion de
faute personnelle ait à intervenir.

543 C. Les rapports entre la faute personnelle et le service 1093 ◊ On se demandera dans quels cas une faute
commise dans le service est cependant une faute personnelle et dans quels cas une faute commise en dehors du service n'est
cependant pas exclusivement une faute personnelle.
1o La faute commise dans le service. C'est, bien sûr, lorsque la faute est commise dans le service qu'il y a difficulté pour
savoir si elle a un caractère personnel. On peut regrouper le droit positif autour de deux idées.
a) La faute intentionnelle constitue une faute personnelle. C'est la faute inspirée par une animosité personnelle, ou par un
véritable parti pris ou, tout simplement, par l'intérêt personnel de l'agent : agent de police exerçant des sévices sur une
personne qu'il vient d'arrêter afin d'assouvir une vieille rancune (CE 28 juill. 1951, Coccoz, Gaz. Pal. 1951. 1. 314) ;
brutalités policières : Crim. 16 nov. 2004, D. 2005. 171 ; Crim. 14 juin 2005, AJDA 2006. 1058, note C. Deffigier ; Crim.
10 févr. 2009, M. Bruno C., AJDA 2009. 1844, note Yazi-Roman et Grimaud ; critiques malveillantes d'un fonctionnaire à
l'encontre d'un architecte (T. confl., 17 juill. 1952, Parey, p. 638) ; officier qui, par animosité personnelle, provoque un
accident au cours d'une reprise d'équitation (T. confl., 5 juin 1947, Brun, p. 504) ; diffamation envers un supérieur : CE
26 janv. 2007, M.M., AJDA 2007. 821.
b) La faute d'une particulière gravité. On ne va plus tenir compte de l'intention de nuire mais considérer uniquement la
gravité de la faute. En quelque sorte, on se trouve au-delà de la faute lourde. C'est le cas d'un gardien de prison qui organise,
avec les détenus dont il a la charge, des cambriolages à l'occasion de corvées à l'extérieur (CE 11 mai 1953, Oumar Samba,
Rec. 218), ou le fait pour le lieutenant d'un centre de secours de conduire un véhicule en état d'ébriété (CE 9 oct. 1974, Cne
de Lusignan, Rec. 477) ; de même pour un lieutenant pratiquant un tir à balles réelles sur un appelé du contingent : CE
1er déc. 1999, Moine, D. 2000. IR 24, ou l'erreur inexcusable du chef d'un service hospitalier : CE 28 déc. 2001, M. Valette,
ADJA 2002. 359, concl. Schwartz ; ou encore la faute d'un enseignant s'abstenant de toute initiative pour écarter un danger :
Civ. 2e, 23 oct. 2003, Melle Poinsot c/ Préfet des Alpes-Maritimes, D. 2004. 728, note Petit ; le fait, pour un magistrat, de faire
modifier par le greffier, après l'audience, la note d'audience pour y faire figurer des mentions mensongères : CE 11 février
2015, AJDA 2015. 311, obs. M.C. de Montecler. En revanche, de manière quelque peu surprenante, un arrêt a considéré que
ne constituait pas une faute personnelle le fait pour un fonctionnaire de commettre un faux en écriture publique en falsifiant
un plan d'urbanisme ! (T. confl., 19 oct. 1998, Préfet du Tarn, D. 1999. 127, note Gohin, arrêt rendu, il est vrai, sur
conclusions contraires). Ne constitue pas non plus une faute personnelle les propos tenus par un ministre de l'Intérieur, à
l'occasion d'une interview, soupçonnant certaines personnes de terrorisme : T. confl., 12 déc. 2011, H / Hortefeux, Rec. 702
et 704.
Lorsqu'il y a faute personnelle commise dans le service deux situations peuvent se présenter. Soit il y a lieu d'appliquer la
théorie du cumul de fautes ou de responsabilités (v. ss 495, 496) et la victime a une option ; soit la faute est détachable du
service (elle est exclusivement une faute personnelle à l'agent) et l'action de la victime doit être dirigée contre l'agent pris
personnellement devant la juridiction judiciaire. Sur la difficulté qu'il peut y avoir à déterminer si la faute commise dans le
service se détache du service : CE 2 juin 2010, Mme Fauchère, M. Mille, AJDA 2010. 2165, note C. Deffigier.
2o La faute commise en dehors du service. Au plan logique, il ne devrait y avoir aucun problème : la faute commise en
dehors du service ne devrait avoir que le caractère d'une faute personnelle. Par exemple si un militaire en permission
régulière cause un accident, c'est sa propre responsabilité qui se trouve engagée.
Mais le souci d'améliorer le sort de la victime – en lui offrant une option pour se faire indemniser – va conduire le juge
dans certaines hypothèses, à « rattacher intellectuellement la faute au service ». On en arrive ainsi, pour les fautes commises
en dehors du service, à la notion de faute rattachable au service (sur cette notion v. concl. Laurent sous, CE, Sect., 1er oct.
1954, Bernard, Rec. 505 avec les concl.).
La première application de cette idée a été faite pour les accidents causés en dehors du service par des véhicules de
l'administration (avant la loi du 31 déc. 1957). Traditionnellement le Conseil d'État n'y voyait que de pures fautes
personnelles, sauf lorsque la victime pouvait prouver qu'à l'origine de l'utilisation hors-service du véhicule il y avait une
faute du service (défaut de surveillance du parc automobile etc.). Le revirement de jurisprudence s'est produit avec les arrêts
Mimeur, Defaux, et Besthelsemer, (CE, Ass., 18 nov. 1949, Notes Waline, Tome 2, no 204). Pour les accidents d'automobiles
le Conseil d'État admet qu'il y a une sorte de présomption que le service est en cause à partir du moment où un véhicule de
l'Administration a été utilisé. On étend, en dehors du service, l'idée de L. Blum que les moyens et les instruments de la faute
ont été mis à disposition de l'agent par le service. La faute est donc rattachable au service.
Cette jurisprudence n'a plus qu'un intérêt rétrospectif depuis la loi du 31 décembre 1957. Mais elle a été étendue aux
accidents causés par des agents de l'Administration, au moyen de leur arme de service, en dehors du service.
Traditionnellement le Conseil d'État se refusait à rattacher la faute au service (CE, Ass., 30 janv. 1948, Dame Vve Buffevant,
Rec. 51 ; 23 juin 1954, Dame Vve Litzler, Rec. 376 ; CE, Sect., 13 juill. 1962, dame Vve Roustan, Rec. 487). Le revirement de
jurisprudence est intervenu dans l'affaire Sadoudi, (CE, Ass., 26 oct. 1973, RD publ. 1974. 936, concl. Antoine Bernard, 554,
note Waline). Un gardien de la paix avait tué accidentellement un de ses collègues, alors qu'il manipulait son pistolet dans la
chambre du foyer où ils étaient logés. Le Conseil d'État, se fondant sur le fait qu'il s'agit d'un engin dangereux et que le
gardien avait l'obligation de conserver son arme en dehors du service, a considéré que l'accident « ne peut-être regardé
comme dépourvu de tout lien avec le service ».
Ainsi la faute commise en dehors du service engage la seule responsabilité de l'agent sauf si peut jouer la théorie du
cumul (par exemple, à l'origine du dommage il y a, tout à la fois, une faute personnelle et une faute du service telle une arme
défectueuse) ou si la faute est intellectuellement rattachable au service. 1094

SECTION 2. LES MODALITÉS DE L'ENGAGEMENT DE LA RESPONSABILITÉ


DE L'AGENT
La responsabilité de l'agent, pour faute personnelle, peut être engagée soit à l'égard de la victime, soit à l'égard
de l'Administration.

544 A. Responsabilité envers la victime ◊ On sait les hypothèses où une telle responsabilité peut jouer : – cumul de
fautes (v. ss 495), et cumul de responsabilités (v. ss 496) si la victime qui à l'option, choisit de s'en prendre à l'agent
personnellement ; faute personnelle détachable du service (v. ss 543) ou non rattachable au service (v. ss 543).
1o Juridiction compétente. La juridiction judiciaire est compétente pour connaître des actions dirigées contre l'agent. La
seule difficulté peut alors provenir du fait que le Tribunal judiciaire ait condamné l'agent pour faute personnelle alors qu'il
s'agissait, en réalité d'une faute de service (le conflit n'a pas été élevé pour protéger le fonctionnaire) 1095. L'Administration
doit alors couvrir le fonctionnaire des condamnations prononcées contre lui. Cette règle érigée en principe général du droit
(CE 26 avr. 1963, Centre Hospitalier de Besançon, Rec. 243, concl. Chardeau) est reprise à l'article 11 de la loi du 13 juillet
1983 portant droits et obligations des fonctionnaires 1096.
2o Règles applicables. On applique les règles du code civil (art. 1382 s.) S'il y a cumul de fautes l'agent dispose d'une
action récursoire (v. ss 497) pour demander à l'Administration le remboursement de la part d'indemnité correspondant à la
faute de service qui a concouru au dommage. C'est ainsi que dans une affaire fort remarquée le Conseil d'État a condamné
l'État à rembourser à Maurice Papon la moitié du montant total des condamnations civiles mises à la charge de ce dernier par
la Cour d'Assises de la Gironde : CE, Ass., 12 avr. 2002, M. Papon, AJDA 2002, chron. JP. 423 ; RFDA 2002. 582,
concl. Boissard ; v. égal. : CE 31 déc. 2008, Sté foncière Ariane, RFDA 2009. 190.

545 B. Responsabilité envers l'Administration ◊ C'est l'hypothèse où l'administration exerce l'action récursoire
(v. ss 497) lorsqu'elle a indemnisé la victime du fait des fautes personnelles de l'agent : v. par ex. : CE 19 oct. 2001, Min. de
la Défense c/ Stedile, Rec. 470 ; même si l'indemnité versée résulte d'un accord amiable : CE 12 déc. 2008, Min. Éd. Nat./
Hammann, RFDA 2009. 185. La seule difficulté était de savoir quel ordre de juridiction a compétence pour connaître de cette
action. Il s'agit de la juridiction administrative (cf. CE, Ass., 28 juill. 1951, Laruelle, GAJA no 63 ; T. confl., 26 mai 1954,
Moritz, D. 1955. 385, note Chapus). Pour un cas où la totalité de la charge indemnitaire est imputable à l'agent, CE 1er déc.
1999. Moine, D. 2000 IR. 24.
CHAPITRE 6
LA RESPONSABILITÉ DE L'ÉTAT EN DEHORS DE L'ACTION
DU POUVOIR EXÉCUTIF

Section 1. RESPONSABILITÉ À RAISON DES ACTES DU POUVOIR LÉGISLATIF


Section 2. RESPONSABILITÉ DU FAIT DE LA FONCTION JURIDICTIONNELLE
La théorie de la responsabilité de la puissance publique, telle qu'on vient de l'exposer, a été élaborée pour les dommages
imputables à l'activité de l'Administration. Mais la responsabilité de la puissance publique peut également se trouver engagée
à raison des actes du pouvoir législatif ou du fait de l'activité juridictionnelle.

SECTION 1. RESPONSABILITÉ À RAISON DES ACTES DU POUVOIR


LÉGISLATIF

546 A. Activités des services du Parlement ◊ L'ordonnance no 58-1100 du 17 novembre 1958, renversant les
solutions antérieures (v. ss 464), pose, dans son article 8, le principe de la responsabilité de l'État « à raison des dommages de
toute nature causés par les services des assemblées parlementaires ».
Les règles de compétence, et partant, les règles de fond, sont les mêmes qu'en ce qui concerne l'action administrative : le
juge administratif est normalement compétent ; sa compétence est exclusive pour les litiges concernant les agents des
assemblées, sans qu'il y ait lieu, semble-t-il, de distinguer selon leur statut. Le juge judiciaire peut l'être sur la base d'un texte
exprès (loi du 31 décembre 1957, en ce qui concerne les accidents causés par les véhicules des assemblées), ou en
application des principes dégagés par la jurisprudence.

547 B. La responsabilité du fait des lois 1097 ◊ 1o Le problème se pose uniquement en ce qui concerne les lois
formelles. Les règlements, en tant qu'actes de l'exécutif, tombent sous le coup de la théorie générale ; ils peuvent être
reconnus fautifs. Toutefois, l'exigence d'un dommage spécial fait souvent obstacle à la mise en œuvre de la responsabilité,
étant donnée la portée générale de l'acte réglementaire.
La question d'une éventuelle responsabilité du fait des lois se trouve actuellement profondément renouvelée en raison de
l'évolution du régime juridique de la loi (v. ss 329, 351). Alors que traditionnellement celle-ci, émanation de la volonté du
peuple souverain, était un acte inattaquable, on a vu apparaître successivement la possibilité de vérifier, avant sa
promulgation (Const., art. 61), sa conformité à la Constitution, mais aussi et surtout, depuis la révision du 23 juillet 2008, la
possibilité de soulever à l'encontre d'une loi promulguée l'exception d'inconstitutionnalité ; elle est donc devenue un acte
toujours contestable du moins en ce qui concerne son respect des droits et libertés garantis par la Constitution. Autre facette
de son caractère contestable : la loi peut également faire l'objet d'un contrôle de sa conformité aux conventions
internationales (v. ss 353).
2o Le problème ne se pose que dans le silence de la loi. Si elle a, soit exclu toute indemnité pour les dommages qu'elle
cause, soit posé le principe et les modalités de l'indemnisation, comme l'ont fait, par exemple, les lois de nationalisation, il
suffit d'appliquer le texte. Pour une interprétation restrictive de la loi du 10 juillet 2000, supprimant le monopole des
commissaires priseurs, et prévoyant l'indemnisation des salariés des offices licenciés pour cause économique : CE 22 oct.
2003, M. Paquet, AJDA 2004. 501, note Deguergue.
Toutefois la décision du Conseil constitutionnel dans l'affaire dite de « l'amendement Tour Eiffel » (Cons. const., 13 déc.
1985, p. 78) pose le problème de savoir si le législateur peut renoncer à toute indemnisation lorsque la loi porte atteinte au
droit de propriété.
3o Mais le véritable problème est celui de savoir comment interpréter le silence du législateur.
Traditionnellement, on en déduisait le principe de l'irresponsabilité de l'État légiférant. On estimait, en règle générale,
que les sacrifices que la loi peut imposer aux citoyens ne sauraient être compensés par une indemnité lorsque le législateur
lui-même n'a pas envisagé cette indemnisation. On pensait que le juge ne saurait faire découler d'une loi une responsabilité
sans faute sans ajouter à la volonté du législateur, c'est-à-dire se substituer à lui.
4° Les exceptions jurisprudentielles traditionnelles. Dans le silence du législateur le Conseil d'État avait accepté de
déroger aux principes que l'on vient d'exposer, de manière tout à fait exceptionnelle, dans deux affaires où les circonstances
étaient particulièrement favorables à l'indemnisation. Il s'agit, tout d'abord, de l'arrêt Sté des produits laitiers « La
Fleurette », (CE 14 janv. 1938, GAJA, no 47). Le législateur avait, afin de protéger les producteurs de lait, interdit la
fabrication de produits destinés à se substituer à la crème de lait. La Sté La Fleurette était l'une des rares entreprises dont la
production était atteinte en totalité par cette mesure qui, d'autre part, procurait un avantage aux uns en imposant une charge
aux autres (rupture de l'égalité devant les charges publiques). Elle fut indemnisée de ce fait. Le Conseil d'État avait
également accepté d'indemniser une entreprise victime d'une loi qui, pour protéger le marché du houblon, avait imposé un
accroissement de son utilisation dans la fabrication de la bière, au détriment, bien sûr, des autres ingrédients : CE 21 janv.
1944, Caucheteux et Desmonts, S. 1945. 3. 13, note A.B.
Sinon, le juge interprétait le silence du législateur comme ayant entendu refuser toute indemnisation notamment lorsque
l'activité en cause était dangereuse ou nuisible pour la santé (CE 6 janvier 1956, Manufacture française d'armes et de cycles,
Rec. 13 ; 11 juill. 1990, Sté Stambouli Frères, D. 1991. somm. 286).
5o L'extension de la responsabilité du fait des lois. Alors que les arrêts La Fleurette et Caucheteux et Desmonts n'ont eu
pendant longtemps qu'une portée pratique des plus limitées, les choses ont sérieusement évolué depuis. Tout d'abord, le
Conseil d'État a réaffirmé le principe même de cette responsabilité : CE 1er déc. 1961, Lacombe, D. 1962. 89. Puis il a
accepté de faire jouer cette responsabilité dans une affaire qui marquait un élargissement sensible, en ce qui concerne les
bénéficiaires potentiels, puisqu'il s'agissait d'un texte interdisant d'expulser de leur logement des personnes ayant un membre
de leur famille militaire servant en Algérie (celles-ci étaient plusieurs centaines de milliers) : CE 25 janv. 1963, Bovero, JCP
1963, no 13326, et la note du Doyen Vedel. Puis le Conseil d'État a admis, sur la base de la loi du 10 juillet 1976 relative à la
protection de la nature, d'indemniser les dommages considérables causés à des rizières dévastées par des flamants roses,
espèce protégée par cette loi qui en interdit la destruction : CE, Sect., 30 juill. 2003, Assoc. pour le développement de
l'Aquaculture en Région Centre, RFDA 2004. 144, concl. Lamy et note Bon. Ce genre d'affaires pose le problème de savoir
dans quelle mesure le préjudice subi dépasse l'aléa inhérent à l'activité du requérant : CE 1er févr. 2012, M. Bizouerne, Concl.
C. Roger-Lacan, RFDA 2012. 333 ; AJDA 2012. 1075, note H. Belrhali-Bernard.
Mais surtout, le Conseil d'État a abandonné sa jurisprudence traditionnelle relative à l'interprétation du silence du
législateur, en refusant de considérer que celui-ci puisse, par principe, être interprété comme excluant toute indemnisation :
CE 2 nov. 2005, Sté coopérative agricole Ax'ion, AJDA 2006. 142, chron. Landais et Lenica. Certes il ne s'agit que d'un arrêt
de sous-sections réunies mais le motif de cette décision – « que n'auraient pas renié des formations de jugement
supérieures », selon les commentateurs autorisés de cet arrêt – est susceptible de générer une extension des cas où la
responsabilité du fait des lois pourra être engagée. Celle-ci fera, désormais, l'objet d'un traitement au cas par cas. Mais le
Conseil d'État a refusé d'engager la responsabilité de l'État du fait de l'interprétation de la loi par la jurisprudence : CE
23 juillet 2014, Sté d'Editions et de protection route, RFDA 2014. 1178, Concl. Lallet et 1186 note Blandin ; AJDA
2014. 2538, note Broyelle.
M. René Chapus (Droit administratif, Tome 1, no 1519) s'était demandé si la responsabilité du fait des lois ne pourrait pas
évoluer vers un système de responsabilité pour faute à partir du moment où le juge administratif accepte de porter un
jugement de valeur sur la loi en la déclarant contraire à un traité international (v. ss 353, l'arrêt Nicolo). Ce point de vue avait
également été soutenu par M. Alberton : « Le législateur français transgressant le droit international pourra-t-il demeurer
encore longtemps irresponsable ? » (AJDA 2006. 2156). Un premier pas, en ce sens, avait même été franchi par la CAA de
Paris (1er juill. 1992, Sté Jacques Dangeville, AJDA 1992. 768, obs. Prétot) ; v. égal. : TA Paris, 11 oct. 2002, Sté Fipp, AJDA
2003. 955, note C. Deffigier. Mais dans une affaire fort remarquée où le Conseil d'État aurait pu engager la responsabilité du
fait d'une loi sur la base de la faute, il a préféré créer un nouveau cas de responsabilité sans faute : celui né de l'intervention
d'une loi en méconnaissance des engagements internationaux de la France (CE, Ass., 8 févr. 2007, Gardedieu, RFDA 2007.
361, concl. Derepas ; AJDA 2007. 585, chron. Lenica et Boucher) 1098. Le texte de l'arrêt indique très clairement que cette
responsabilité se surajoute à l'hypothèse classique où c'est la rupture de l'égalité des citoyens devant les charges publiques
qui provoque l'admission de la responsabilité sans faute. Par ailleurs, l'arrêt précise également que le système mis en place
vise à réparer l'ensemble des préjudices qui résultent de la loi inconventionnelle. On abandonne donc, en ce cas, l'exigence
d'un préjudice anormal et spécial. Avec cette jurisprudence on est dans le droit fil de l'exigence de réparation posée par la
CJCE lorsqu'une norme communautaire a été méconnue (v. ss 321). Dans l'arrêt Min. des Affaires étrangères / Sté Lilly (CE
5 oct. 2015, AJDA 2227, Concl. Decout-Paolini) le Conseil d'État juge que « la responsabilité de l'État du fait des lois est
susceptible d'être engagée en raison des obligations qui sont les siennes pour assurer le respect des conventions
internationales par les autorités publiques ». Mais la responsabilité de l'État n'est pas engagée par l'absence d'intervention
d'un décret d'application d'une loi alors que la Commission européenne a contesté, par un avis motivé, la compatibilité de la
loi en cause avec le droit communautaire : CE 22 octobre 2014, Sté Métropole Télévision, AJDA 2014. 2413, Chr. Lessi et
Dutheillet de Lamothe. 1099
Le problème se pose aussi maintenant en ce qui concerne les lois déclarées contraires à la Constitution par le biais de la
QPC (v. ss 352) 1100. Je ne vois pas comment celles-ci pourraient ne pas entraîner la responsabilité de la puissance publique
pour faute 1101

548 C. Responsabilité du fait des dommages causés . par les conventions internationales 1102 ◊ On a
toujours assimilé à la responsabilité du fait des lois la responsabilité du fait des conventions internationales. Celle-ci a donc
suivi la même évolution que celle-là.
Au départ le juge administratif refusait d'admettre la responsabilité pour les dommages causés par les conventions
internationales : (cf., par ex., CE 26 avr. 1963, Laurent, Rec. 247).
Le principe d'irresponsabilité a été abandonné par l'arrêt Cie Générale d'énergie radioélectrique (CE, Ass., 30 mars 1966,
GAJA no 78). Mais depuis ce revirement de jurisprudence trois décisions seulement ont accepté d'engager la responsabilité de
l'État du fait des conventions internationales : – l'arrêt Burgat (CE 29 octobre 1976, RD publ. 1977. 213, concl. Massot) ; –
l'arrêt Almayrac (CE 29 déc. 2004, RFDA 2005. 586, concl. J.H. Stahl ; AJDA 2005. 427, chron. Landais et Lenica ; – l'arrêt
Melle Susilawati (CE 11 févr. 2011, Melle Ismah Susilawati, RFDA 2011. 573, Concl. C. Roger-Lacan ; AJDA 2011. 306, obs.
de Montecler).
Les conditions mises à la responsabilité s'inspirent du système de la responsabilité du fait des lois. Elles sont rappelées
par l'arrêt Almayrac précité. Il faut : – que la convention ait été régulièrement incorporée dans l'ordre juridique interne,
condition confirmée par l'arrêt Melle Susilawati ; – que la convention (ou la loi autorisant sa ratification) n'ait pas entendu
exclure l'indemnisation ; – que le préjudice dont il est demandé réparation revête un caractère grave et spécial (v. CE 26 mars
2003, Santinacci, RFDA 2003. 648).
Enfin, on l'a vu (v. ss 314) la coutume internationale est de nature à engager la responsabilité sans faute de l'État lorsqu'il
en résulte un préjudice grave et spécial : CE, Sect., 14 oct. 2011, Mme Saleh, RFDA 2012. 46, Concl. Roger-Lacan ; AJDA
2011. 2482, note C. Broyelle.

SECTION 2. RESPONSABILITÉ DU FAIT DE LA FONCTION


JURIDICTIONNELLE
549 Évolution et solutions actuelles 1103 ◊ La responsabilité de l'État peut-elle être engagée à raison des dommages
imputables aux services juridictionnels ? Il faut d'abord mettre à part ceux qui tiennent à l'organisation de ces services, qui
relèvent du seul exécutif, et à ce titre, de la compétence administrative (v. ss 602) : le droit commun de la responsabilité
administrative leur est donc applicable. Le problème est beaucoup plus complexe en ce qui concerne les dommages causés
par le fonctionnement de la justice. L'évolution, orientée d'abord dans le sens d'une irresponsabilité de principe atténuée par
des exceptions, a abouti, avec la loi du 5 juillet 1972, à la situation inverse : une responsabilité de principe, mais assortie
de limitations.
Toute justice étant rendue au nom de l'État, le Conseil d'État a jugé que la responsabilité qui peut résulter de l'exercice de
la fonction juridictionnelle ne peut être imputée qu'à l'État, alors même que les instances en cause relèveraient d'autres
personnes morales (juridictions disciplinaires universitaires) : CE, Sect., 27 févr. 2004, Mme Popin, GAJA no 106 ; ADJA
2004. 653, chron. Landais et Lenica, et 672, concl. Schwartz. Dans le même ordre d'idées, la Cour européenne des droits de
l'homme a jugé que c'est la responsabilité de l'État qui est engagée du fait des dettes des collectivités territoriales (non-
paiement d'indemnités) : CEDH 2e sect., 26 sept. 2006, Sté de gestion du Port de Campoloro, D. 2007. 545, note Hugon.

550 A. L'évolution ◊ 1o L'activité juridictionnelle se manifeste essentiellement par les jugements. La force de vérité légale
qui s'attache à ceux qui sont devenus définitifs paraît exclure toute responsabilité fondée sur la faute, qu'il s'agisse des
jugements des juridictions judiciaires ou administratives (CE 15 févr. 1963, Conseil national de l'Ordre des médecins, AJDA
1963. 233) 1104. Le principe ne fléchit qu'en cas d'erreur judiciaire commise par une juridiction répressive ; une loi du
2 juin 1895 prévoit l'indemnisation par l'État d'un condamné dont l'innocence a été reconnue à la suite d'une procédure
de révision.
2o Le jugement peut être précédé de toute une série d'opérations préalables. Réduites devant les juridictions
administratives, elles sont spécialement développées devant les juridictions répressives sous la double forme des opérations
de police judiciaire, et des mesures d'instruction. Longtemps, les tribunaux leur ont appliqué le principe général de
l'irresponsabilité de la puissance publique. Mais une évolution progressive a atténué cette solution archaïque et rigoureuse.
a) En ce qui concerne les juridictions administratives, le Conseil d'État a admis que les actes préparatoires détachables du
jugement pouvaient constituer des fautes de service engageant la responsabilité de l'État (CE 28 nov. 1958, Blondet, RD
publ. 1959. 982).
b) Les activités de police judiciaire ont été soumises par les tribunaux judiciaires au droit commun de la responsabilité de
la puissance publique élaborée par la jurisprudence administrative, non seulement sur la base de la faute de service, mais
encore sur la base de la responsabilité sans faute (Civ. 23 nov. 1956, Giry, GAJA no 70). C'est un des cas où l'ordre judiciaire
met directement en œuvre le droit administratif (v. ss 517). V. également : Civ. 1re, 30 janv. 1996, Morand/Agent judiciaire
du Trésor, RD publ. 1997. 235, note Auby.
c) La mesure d'instruction la plus dommageable est la mise en détention provisoire. Comme on l'a vu (v. ss 533) le
législateur est intervenu pour prévoir l'indemnisation des personnes ayant fait l'objet d'une détention provisoire s'étant
achevée par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive. Il y a alors réparation intégrale du
préjudice matériel et moral subi de ce fait. La Cour européenne des droits de l'homme voit, dans la détention provisoire
abusive, une violation de la Convention européenne, qu'elle sanctionne lorsqu'elle est saisie, ce qui est fréquent.
3o Quelle que soit la nature de l'acte dommageable (jugement, mesure de police judiciaire ou d'instruction), il peut donner
lieu à une faute personnelle engageant la responsabilité de l'agent coupable. S'agissant des magistrats, et des officiers de
police judiciaire, la faute personnelle, définie en termes restrictifs par le Code de procédure civile, ne pouvait être constatée
que par une procédure longue et difficile, la prise à partie. Si elle aboutissait, la responsabilité de l'État était substituée à
celle du magistrat coupable, quitte à exercer contre celui-ci une action récursoire. Les simples agents de la police judiciaire
pouvaient voir leur responsabilité personnelle engagée dans les conditions du droit civil. Mais la faute personnelle était
rarement reconnue.

551 B. La solution actuelle : la loi du 5 juillet 1972 1105 ◊ Cette loi, relative à la réforme de la procédure civile,
pose, dans son article 11, des règles nouvelles.
1o La loi s'applique aux seuls tribunaux judiciaires, civils et répressifs. Mais le Conseil d'État en a transposé le principe
aux juridictions administratives (29 déc. 1978, Darmont, AJDA 1979, no 11, p. 45).
2o Elle renverse le principe de l'irresponsabilité, en affirmant : « L'État est tenu de réparer le dommage causé par le
fonctionnement défectueux du service de la justice ». Mais elle assortit cette responsabilité de limites étroites, sur les deux
terrains – dont elle emprunte la distinction au droit administratif – de la faute de service et de la faute personnelle.
3o La responsabilité pour faute de service n'existe qu'en cas de faute lourde ou de déni de justice. La Cour de cassation a
défini de manière assez extensive la faute lourde du service public de la Justice comme étant : « Toute déficience caractérisée
par un fait ou une série de faits traduisant l'inaptitude du service public de la Justice à remplir la mission dont il est investi »
(Cass., Ass. plén., 23 févr. 2001, Cts Bolle-La-Roche, D. 2001. 1752, note Ch. Debbasch ; AJDA 2001. 788, note S. Petit). Il
n'est plus exceptionnel de voir engager cette responsabilité, v. par ex. : Civ. 1re, 9 mars 1999, Malaurie et autres, JCP
1999. II. 10069, Rapport Sargos ; D. 1999, IR. 104 ; TGI Paris, 1re ch., 21 févr. 2001, D. 2001. 1365 ; Civ. 1re, 13 mars 2007,
D. 2007. 1929, note Pradel. 1106
En ce qui concerne les jugements et arrêts de la juridiction administrative, l'arrêt Darmont ne s'était pas contenté de
reprendre la formule de l'art. 11 de la loi du 5 juillet 1972 – l'exigence d'une faute lourde – car il avait ajouté à celle-ci une
seconde condition : l'exigence que la responsabilité ne se fonde pas sur le contenu d'une décision devenue définitive. On
avait toujours admis que cela devrait permettre d'indemniser le préjudice résultant d'un grand retard dans le prononcé de la
décision. C'est ce qui s'est produit mais, il faut le souligner, en abandonnant l'exigence d'une faute lourde (le Conseil d'État
n'est pas lié par la loi de 1972). En effet, dans un arrêt remarqué le Conseil d'État a accepté d'engager la responsabilité de la
puissance publique sur la base de la faute simple à l'égard d'un justiciable qui avait dû attendre sept années pour que son
affaire soit jugée par le Tribunal administratif alors qu'elle ne présentait aucune difficulté particulière 1107 : CE, Ass., 28 juin
2002, Garde des Sceaux/Magiera, RFDA 2002. 756, Concl. Lamy ; AJDA 2002, chron. JP 596 ; CE 25 janv. 2006, SARL
Potchou, AJDA 2006. 589, chron. Landais et Lenica ; CE 22 janv. 2007, M.A., D. 2007. 1123, note Petit ; CE, Sect., 17 juill.
2009, Ville de Brest, p. 286 ; CE 30 janvier 2015, AJDA 2015. 195. Dans l'esprit du Conseil d'État il s'agissait de prévenir
une éventuelle condamnation, dans ce genre de contentieux, de la Cour européenne des droits de l'homme pour violation de
l'article 6 de la Convention européenne (v. ss 552).
Beaucoup plus remarquable est l'évolution réalisée par l'arrêt Gestas (CE 18 juin 2008, RFDA 2008. 755, Concl. de
Salins ; AJDA 2008. 1237). Dans cette affaire le requérant demandait une indemnité pour les fautes lourdes commises par la
juridiction administrative en méconnaissant les principes garantis par le droit communautaire. Dans son arrêt le Conseil
d'État commence par rappeler l'exigence que la demande ne soit pas fondée sur le contenu même de la décision mais c'est
pour lui apporter aussitôt une exception au cas « où le contenu de la décision juridictionnelle est entaché d'une violation
manifeste du droit communautaire ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers ». À l'évidence la Haute
Juridiction tire les conséquences de la jurisprudence Kobler (v. ss 321) qui engage la responsabilité de l'État pour violation
du droit communautaire par une juridiction suprême. Est-il légitime de limiter à la seule violation manifeste du droit
communautaire la responsabilité du fait du contenu d'une décision ? Cela est loin d'être évident.
Pour les mesures de police judiciaire, la question se pose de savoir si la limitation de la responsabilité à la seule faute
lourde condamne ou non la jurisprudence antérieure qui admettait la responsabilité pour faute simple et même sans faute
(v. ss 517). V. Responsabilité pour impéritie de la police judiciaire : Civ. 1re, 25 janv. 2005, Agent judiciaire du Trésor c/
Époux Girodie, D. 2005. 389.
4o La responsabilité pour faute personnelle n'est plus liée à la procédure de prise à partie, qui disparaît 1108. Les conditions
de cette responsabilité relèvent du statut de la magistrature. Mais le principe de la garantie par l'État des victimes des
dommages causés par les fautes personnelles subsiste, ainsi que l'action récursoire de l'État contre le coupable.
À la suite de ce qu'il est convenu d'appeler « l'affaire d'Outreau » les pouvoirs publics ont voulu permettre d'engager plus
facilement la responsabilité des magistrats. À cet effet on a mis en chantier une loi « relative au recrutement, à la formation
et à la discipline des magistrats » modifiant la loi organique portant statut des magistrats. Deux des dispositions de ce texte,
relatives à la responsabilité des magistrats, ont été déclarées contraires à la Constitution par le Conseil constitutionnel : Cons.
const., Décis. no 2007-551 DC du 1er mars 2007 (D. 2007. 1401, note Ludet et Martinel). En premier lieu celle qui précisait
que constitue une faute disciplinaire « la violation grave et délibérée par un magistrat d'une règle de procédure constituant
une garantie essentielle des droits des parties » ; le Conseil constitutionnel a déclaré que celle-ci ne pouvait donner lieu à
poursuites disciplinaires qu'après avoir été préalablement constatée par une décision de justice. L'autre disposition censurée
permettait à toute personne, estimant que le comportement d'un magistrat était susceptible de constituer une faute
disciplinaire, de saisir le Médiateur de la République de sa réclamation, ce dernier pouvant alors solliciter tous éléments
d'information utiles ; ceci a été jugé contraire au principe de la séparation des pouvoirs.
Cette loi organique du 5 mars 2007 n'abroge ni la loi de 1895 sur la réparation des erreurs judiciaires, ni les textes sur la
réparation des dommages causés par les détentions provisoires injustifiées 1109.

552 C. L'engagement de la responsabilité par la Cour européenne des droits de l'homme 1110 ◊
On l'a vu (v. ss 322) la Cour européenne veille avec un soin tout particulier au respect de l'article 6 de la Convention
européenne qui garantit à tous, notamment, que son affaire sera jugée dans un délai raisonnable : CEDH 26 oct. 2000, Kudla
c/ Pologne. L'arrêt Magiera, précité, est à l'évidence destiné à convaincre les juges de Strasbourg de la volonté du juge
administratif français de satisfaire à cette exigence et d'indemniser le justiciable victime d'un retard.
Cela semble n'avoir pas été inutile puisque la Cour européenne (CEDH 21 oct. 2003, Broca et Texier Micault c/ France) a
estimé qu'à la suite de l'affaire Magiera le requérant ne pouvait plus ignorer, au plus tard au 1er janvier 2003, qu'il disposait
d'un recours effectif devant le juge administratif français au cas de retard dans le jugement d'une affaire : v. J.F. Flauss,
chron. de jurisprudence, AJDA 2004. 535 1111°
TROISIÈME PARTIE
LE CONTRÔLE DE L'ADMINISTRATION

TITRE 1 LE CONTRÔLE NON JURIDICTIONNEL DE L'ADMINISTRATION

TITRE 2 LE CONTRÔLE JURIDICTIONNEL DE L'ADMINISTRATION

553 Importance du contrôle 1112 ◊ « La Société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ».
Ce texte de l'article 15 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, est l'un des axiomes de base du
droit administratif.
Le contrôle est, bien sûr, nécessaire à l'égard de tout organisme, quel qu'il soit. Entre autres fonctions, il vise à assurer la
meilleure exécution possible du service mais aussi à analyser l'activité de celui-ci pour en tirer des améliorations, c'est-à-dire
pour le réformer.
Mais le contrôle est encore plus nécessaire lorsqu'il s'agit de l'Administration. Tout d'abord parce qu'il s'agit de services
publics dont le bon fonctionnement est primordial. En second lieu, parce que l'Administration fonctionne à l'aide de deniers
publics et qu'il faut veiller à la meilleure utilisation possible de ceux-ci. Mais aussi, et surtout, parce que l'Administration
dispose d'importantes prérogatives de puissance publique (v. ss 37). Comment éviter que l'Administration mésuse, ou même
abuse, de celles-ci. On connaît, sur ce point, la réponse du droit administratif français : par la soumission au Droit, c'est-à-
dire par le principe de légalité (v. ss 308 s.). Encore faut-il avoir la certitude que si l'Administration vient à manquer à la
légalité – ce qu'elle peut faire en toute bonne foi 1113 – ces défaillances seront redressées. L'existence d'un contrôle efficace
est la condition même de la reconnaissance de prérogatives de puissance publique à l'Administration. En l'absence d'un tel
contrôle, ce serait tout l'équilibre du droit administratif qui serait remis en cause.

554 Les diverses formes de contrôle ◊ Pendant fort longtemps notre système de contrôle de l'Administration a reposé
presque exclusivement sur le postulat du contrôle juridictionnel, c'est-à-dire sur un contrôle confié à un juge « spécialisé »,
le juge administratif. Reprenant la Parabole du Meunier de Sans-Souci (v. ss 48) il suffisait de constater qu'« il y a des juges
au Palais Royal ». Disposant, notamment, du recours pour excès de pouvoir, l'administré était réputé pouvoir toujours faire
« rendre gorge » à l'Administration. Le contrôle juridictionnel était considéré comme « autosuffisant ».
Il est certain, on le verra, que pendant fort longtemps le contrôle juridictionnel a joué un rôle précieux dans la défense des
droits des administrés et dans l'élaboration d'un droit administratif original et qu'il continue, bien sûr, à jouer un rôle
important. Mais, progressivement, on a également pris conscience de certaines limites du contrôle juridictionnel. Au premier
rang de celles-ci, il y a eu longtemps la lenteur de la justice administrative en raison de son encombrement. Il y a, en second
lieu, trop souvent, la mauvaise volonté de l'Administration à exécuter les décisions rendues à son encontre. D'autre part la
juridiction administrative est impuissante – au moins en théorie – lorsque ce qui est en cause c'est l'opportunité et non la
légalité de la décision de l'Administration.
Il est vrai que, face à certaines critiques, des remèdes ont été trouvés : par exemple en ce qui concerne la nécessité de
doter le juge administratif de procédures d'urgence efficaces. Mais, parallèlement à ces réformes, on s'est engagé dans la voie
d'un contrôle non-juridictionnel de l'Administration, les deux formes de contrôle se complétant et ne faisant donc pas
double emploi.
On a parfois tendance à considérer que l'engagement de la responsabilité de l'Administration pour faute constitue une
modalité de son contrôle. Certes, le juge va alors évaluer l'action de l'Administration pour la qualifier ou non de fautive, mais
l'indemnisation accordée, le cas échéant, n'aboutit pas obligatoirement à un résultat satisfaisant pour l'administré.
L'indemnisation risque fort de n'être qu'un « pis-aller », une réparation inadéquate n'effaçant pas le fait que, par exemple,
l'administré n'a pas pu obtenir de l'Administration ce qu'il était en droit d'en attendre. Les choses sont, cependant, différentes
lorsque l'action en responsabilité est dirigée contre l'agent pris personnellement, à la condition, toutefois, qu'à l'arrivée il
doive supporter, sur son propre patrimoine, au moins pour partie, l'indemnité accordée.
On étudiera successivement :
le contrôle non-juridictionnel de l'Administration (Titre 1) ;
le contrôle juridictionnel de l'Administration (Titre 2).
TITRE 1
LE CONTRÔLE NON JURIDICTIONNEL DE
L'ADMINISTRATION 1114

Le contrôle non-juridictionnel de l'Administration peut être, tout d'abord, le fait de l'Administration elle-même
(Section 1). Il peut aussi, et surtout, être confié à un organisme extérieur à l'Administration, qu'il s'agisse du Défenseur des
droits (Section 2) ou du Parlement (Section 3).

SECTION 1. LE CONTRÔLE INTERNE À L'ADMINISTRATION


Il y a quelques décennies on pouvait encore être sceptique sur la faculté de l'Administration à se remettre en cause par une
réflexion prospective sur son action et donc, a fortiori, sur la possibilité d'exercer un véritable contrôle sur elle-même.
Les temps ont bien changé et l'Administration est devenue un grand consommateur de conseils. C'est ainsi, par exemple,
qu'a été mis en place, avec le décret du 30 octobre 2012, un Comité Interministériel pour la Modernisation de l'Action
Publique (CIMAP) qui doit favoriser les travaux en vue d'évaluer et de moderniser l'action publique (v. ss 115). En ce qui
concerne l'évaluation, il s'agit, comme l'ont bien montré J.-Cl. Groshens et G. Knaub 1115, d'une technique qui se cherche
encore et qui devrait être tout le contraire d'un contrôle. La politique de la Modernisation de l'Action Publique (MAP) dans la
mesure où elle vise à mettre en place des structures administratives tout à la fois plus efficaces et moins onéreuses, constitue,
elle aussi, une forme de contrôle prospectif de l'Administration.
En ce qui concerne le contrôle proprement dit de l'Administration par elle-même, celui-ci s'articule autour de trois pôles :
les recours administratifs (§ 1), les corps d'inspection (§ 2), les poursuites disciplinaires (§ 3).

§ 1. Les recours administratifs 1116

555 C'est alors l'administré qui va déclencher le contrôle en présentant à l'Administration un recours remettant en cause, aussi
bien pour des raisons de légalité que d'opportunité, une décision qui a été prise à son encontre. Si le recours est présenté à
l'auteur même de la décision, on parle d'un recours gracieux ; s'il est présenté au supérieur hiérarchique de l'auteur de la
décision initiale, c'est un recours hiérarchique. Recours gracieux et recours hiérarchique constituent ce que l'on appelle les
recours administratifs, puisqu'ils sont présentés à l'Administration. Selon une formule classique, l'auteur du recours fait alors
appel « à l'Administration mieux informée ».
Selon l'art. L. 411-2 CRPA : « Toute décision administrative peut faire l'objet, dans le délai imparti pour l'introduction
d'un recours contentieux, d'un recours gracieux ou hiérarchique qui interrompt le cours de ce délai ». Il n'est soumis à aucun
formalisme. Mais le recours peut toujours être présenté après ce délai à titre strictement gracieux. Toutefois l'Administration
n'a jamais l'obligation juridique de statuer sur le recours qui lui est présenté et, le plus souvent, celui-ci donnera lieu à une
décision implicite de rejet (v. ss 435). On peut s'interroger sur l'efficacité de tels recours puisqu'il n'existe pas de véritable
Code de la procédure administrative non-contentieuse venant donner au requérant d'indispensables garanties de procédure
dans l'instruction de sa demande par l'Administration, ni même que celle-ci sera examinée. Dans le même esprit on peut
regretter qu'il n'existe pas au sein de l'Administration un véritable Corps de juristes ce qui serait de nature à inspirer
confiance à l'administré faisant appel à l'Administration « mieux informée ».
En ce qui concerne le recours hiérarchique il y a eu des controverses au sujet de l'étendue des pouvoirs du supérieur
hiérarchique saisi d'un tel recours 1117. Cependant l'arrêt Centre hospitalier d'Auch (CE 11 février 2015, AJDA 2015. 1200,
chr. Lessi et Dutheillet de Lamothe) précise les pouvoirs de l'autorité saisie d'un recours hiérarchique.
Puisque le recours administratif formé dans le délai du recours contentieux conserve celui-ci, se pose le problème de
savoir si le recours administratif ne devrait pas être le préalable obligatoire à un recours contentieux 1118.
Cela est déjà le cas dans un certain nombre d'hypothèses (v. ss 620). Par exemple, le décret du 12 mai 2012 avait mis en
œuvre, à titre expérimental et jusqu'au 16 mai 2014, un recours administratif obligatoire (RAPO) pour la contestation d'actes
relatifs à la situation personnelle des agents civils de l'État 1119. D'ailleurs la Section du Contentieux du Conseil d'État appelle
de ses vœux le développement des recours administratifs obligatoires 1120.

§ 2. Les corps d'inspection 1121

556 Dans de nombreuses administrations centrales il existe des corps ou services d'inspection dont l'origine, pour certains,
remonte au Consulat et à l'Empire. Il s'agit, par exemple, de l'Inspection générale de l'Éducation nationale ou encore de
l'Inspection générale des affaires sociales. Mais le plus célèbre d'entre eux est certainement l'Inspection générale des
finances, créée en 1831.
Quelques inspections ont une vocation interministérielle (par exemple, l'Inspection générale de l'Administration, relevant
du ministère de l'Intérieur), mais on peut regretter qu'il n'existe pas, pour l'ensemble de l'Administration, un corps général
d'inspection. L'importance des corps d'inspection, qui sont formés de fonctionnaires ayant acquis une solide expérience dans
l'Administration active (sauf l'Inspection générale des Finances qui est l'un des « grands corps » se recrutant à la sortie de
l'ENA) explique qu'ils soient directement rattachés au ministre (v. ss 94).
Leur rôle est d'examiner, d'un point de vue critique, le fonctionnement des services et d'en rendre compte au ministre. Par
une certaine dérive du système, on a trop tendance à abstraire les corps d'inspection de leur fonction de contrôle, pour les
faire participer à la prise de décisions (ce qui est presque une contradiction en les termes), mais aussi, et surtout, pour les
charger d'étudier des réformes envisagées.

§ 3. La mise en jeu de la responsabilité disciplinaire

557 Tout acte imputé à l'Administration, personne morale, est, dans la pratique, l'œuvre d'un individu ou d'un groupe d'individus.
Le problème du contrôle de l'Administration, comme celui de sa responsabilité, est donc, aussi, celui de savoir s'il doit porter
uniquement sur la personne morale ou s'il peut également concerner l'individu-fonctionnaire.
À cet égard, on a souvent souligné les dangers que comporterait un système où les agents n'auraient jamais à répondre
personnellement de leurs actes. Ce qui est vrai de la responsabilité civile (v. ss 497) l'est également de la responsabilité
disciplinaire. L'évolution ne va guère dans le sens de l'engagement de celle-ci puisque seul le supérieur hiérarchique, à une
exception près (le Défenseur des droits) peut déclencher les poursuites disciplinaires – alors que l'administré peut déclencher
la répression pénale – et que l'on a donné de très solides garanties au fonctionnaire dans le cours de la procédure
disciplinaire. En réalité, on ignore pratiquement tout des pratiques suivies en matière disciplinaire par l'Administration, et
donc s'il s'agit d'un contrôle efficace.

SECTION 2. LE DÉFENSEUR DES DROITS 1122

558 Origines ◊ Le Défenseur des Droits a été créé par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 créant un Titre XI bis de
la Constitution (Const., art. 71-1) intitulé « Le Défenseur des droits ». Cette nouvelle institution se substitue à un certain
nombre d'organismes qui avaient pour mission la défense des droits de l'homme dans un secteur déterminé : – le Défenseur
des enfants ; – la Commission nationale de déontologie de la sécurité ; – la Haute Autorité de lutte contre les discriminations
(HALDE) ; – mais surtout le Médiateur de la République. En revanche, le Contrôleur général des lieux de privation de
liberté conserve son autonomie.
Le Médiateur de la République 1123 avait été créé, à l'imitation de l'institution scandinave de l'ombudsman, par la loi du
3 janvier 1973, modifiée par les lois des 24 décembre 1976 et 12 avril 2000. Il avait pour mission d'étudier les réclamations
présentées par toute personne physique ou morale à l'encontre des Administrations de l'État, des collectivités locales, des
établissements publics et de tout organisme investi d'une mission de service public. Il n'avait pas de pouvoir de décision mais
formulait des recommandations, le plus souvent suivies d'effet. Il pouvait également déclencher des poursuites à l'encontre
d'un fonctionnaire et proposer des réformes. L'expérience avait montré que sa création correspondait à un besoin réel des
administrés (il avait reçu plus de 76 000 réclamations en 2009) et l'institution avait connu une belle réussite. Le Défenseur
des Droits lui succède donc.
Le Défenseur des Droits a fait l'objet : – de la loi organique no 2011-333 du 29 mars 2011 1124 ; – de la loi no 2011-334 du
29 mars 2011 et des décrets 2011-904 et 905 du 29 juillet 2011 relatifs à la procédure applicable devant lui ainsi qu'à
l'organisation et au fonctionnement de ses services.

§ 1. Nomination et statut

559 Le Défenseur des droits est nommé, pour un mandat de six ans, non renouvelable, par décret en Conseil des Ministres, après
application de la procédure de l'article de la 13 Constitution (v. ss 76) 1125. Il ne peut être mis fin à ses fonctions que sur sa
demande ou en cas d'empêchement.
Il constitue une « autorité constitutionnelle indépendante ». Dans sa décision précitée du 29 mars 2011 le Conseil
constitutionnel a interprété cette formule comme rappelant que le Défenseur « constitue une autorité administrative dont
l'indépendance trouve son fondement dans la Constitution » mais qu'elle n'a pas pour effet de faire figurer le Défenseur au
nombre des pouvoirs publics constitutionnels. Cette indépendance, outre le fait qu'il ne reçoit d'instruction de personne et
qu'il bénéficie d'une immunité pénale pour les actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions, lui est assurée par un système
d'incompatibilités extrêmement complet (v. LO, art. 3).

§ 2. Organisation

560 L'organisation des services du Défenseur est fonction des organismes absorbés par la nouvelle institution. Il est donc assisté
de trois collèges : – un pour la défense et la promotion des droits de l'enfant ; – un second pour la lutte contre les
discriminations et la promotion de l'égalité ; – un troisième pour la déontologie dans le domaine de la sécurité. La
composition de ceux-ci figure aux articles 13, 14 et 15 de la LO ; ils sont composés de personnalités désignées par les
présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat et, selon les cas, par le Vice-président du Conseil d'État, le Premier président
et le Procureur général de la Cour de cassation ou le Président du Conseil économique, social et environnemental. Chacun
des trois collèges est certes présidé par le Défenseur mais comprend surtout un Vice-Président nommé par le Premier
ministre, sur proposition du Défenseur.
De manière pour le moins surprenante, les textes régissant le Défenseur des droits ne disent strictement rien sur le devenir
des services de l'ancien Médiateur de la République. Dans la pratique, ceux-ci poursuivent leur mission et sont placés sous
l'autorité d'un Délégué Général à la Médiation avec les Services Publics, nommé par le Défenseur des Droits.
§ 3. Compétence

561 L'article 4 de la LO qui fixe la compétence du Défenseur des droits reprend tout simplement les textes qui déterminaient la
compétence des organismes absorbés. Ainsi, le Défenseur est chargé :
1° De défendre les droits et libertés dans le cadre des relations avec les administrations de l'État, les collectivités
territoriales, les établissements publics et les organismes investis d'une mission de service public, ce qui était la mission
dévolue au Médiateur de la République ;
2° De défendre et de promouvoir l'intérêt supérieur et les droits de l'enfant consacrés par la loi ou par un engagement
international ;
3° De lutter contre les discriminations, directes ou indirectes, prohibées par la loi ou par un engagement international
ainsi que de promouvoir l'égalité ;
4° De veiller au respect de la déontologie par les personnes exerçant des activités de sécurité sur le territoire de
la République.

§ 4. Saisine

562 Aux termes de l'article 5 LO, le Défenseur des droits peut être saisi par toute personne physique ou morale qui s'estime lésée
dans ses droits et libertés par les organismes énumérés au no 527, 1° ; par un enfant qui invoque la protection de ses droits ou
une situation mettant en cause son intérêt, par ses représentants légaux, les membres de sa famille, les services médicaux ou
sociaux ou certaines associations ; par toute personne qui s'estime victime d'une discrimination, directe ou indirecte,
prohibée par la loi ou un engagement international ou par certaines associations ; par toute personne qui a été victime ou
témoin de faits dont elle estime qu'ils constituent un manquement aux règles de déontologie dans le domaine de la sécurité.
Le Défenseur peut être saisi des agissements de personnes publiques ou privées et peut se saisir d'office. La saisine, sauf
dans les cas visés au 2° et 4° ci-dessus, est précédée de démarches auprès des personnes publiques ou des organismes mis en
cause. Une réclamation peut être – mais ce n'est plus obligatoire – adressée à un député, à un sénateur ou à un représentant
français au Parlement européen qui la transmet au Défenseur s'il estime qu'elle appelle son intervention. Les membres du
Parlement, ou le Président de l'Assemblée nationale ou du Sénat peuvent saisir de leur propre initiative le Défenseur. Il ne
peut pas être saisi de différends entre les personnes publiques et leurs agents, ni remettre en cause une
décision juridictionnelle.

§ 5. Pouvoirs du Défenseur

563 Le Défenseur peut demander des explications à toute personne mise en cause devant lui. Si la mise en demeure adressée à
une personne morale afin d'obtenir ces explications n'est pas suivie d'effet, il peut saisir le juge des référés compétent. Le
décret du 29 juillet 2011 précise les modalités de vérifications sur place. Le décret comporte également des dispositions
conciliant les pouvoirs d'enquête du Défenseur avec les procédures judiciaires en cours (v. AJDA 2011. 1590).
À la suite de ces mesures d'instruction, le Défenseur décide si la réclamation appelle une intervention de sa part. Si tel est
le cas, il peut faire toute recommandation, y compris celle de régler en équité la situation dont il est saisi. Les autorités ou
personnes intéressées doivent l'informer des suites données à ces recommandations. Lorsqu'il n'a pas été donné suite à son
injonction, le Défenseur rend public son rapport. Le défenseur peut également procéder à la résolution amiable du différend
dont il est saisi ou proposer à l'auteur de la réclamation de conclure une transaction.
Le Défenseur peut saisir l'autorité investie du pouvoir d'engager les poursuites disciplinaires des faits dont il a
connaissance et qui lui paraissent de nature à justifier une sanction. Il peut également recommander de procéder aux
modifications législatives et réglementaires qui lui paraissent utiles. Il présente chaque année aux Pouvoirs publics un
Rapport rendant compte de son activité générale et comprenant une annexe thématique pour chacun de ses domaines de
compétence 1126.

§ 6. Appréciation

564 On a maintenant un recul suffisant pour porter une appréciation sur ce nouveau défenseur des droits et libertés publiques que
constitue le Défenseur des Droits. Depuis fort longtemps le Médiateur de la République souhaitait obtenir une consécration
constitutionnelle : c'est au fond ce qui s'est produit en le transmutant en un Défenseur des droits aux compétences
sensiblement élargies.
L'institution, à l'instar du Médiateur de la République, correspond au souci d'offrir à l'administré, face à une
administration qu'il ressent souvent comme envahissante, anonyme, voire inhumaine, un protecteur plus accessible que le
juge et libre, contrairement à celui-ci, de dépasser le seul respect du droit ; il peut statuer en équité. Il a reçu pendant l'année
2015 plus de 79 000 demandes soit une hausse de 8,3 % par rapport à 2014 ; 34 527 réclamations ont concerné l'accès aux
droits et services publics ; 80 % des demandes sont traitées par ses 450 délégués présents dans 650 points d'accueil 1127.

SECTION 3. LE CONTRÔLE PARLEMENTAIRE DE L'ADMINISTRATION

565 C'est un aspect du contrôle de l'Administration que l'on néglige totalement alors, cependant, qu'il pourrait se révéler d'une
grande efficacité.
Le contrôle parlementaire de l'Administration devrait être la chose la plus naturelle qui soit. En effet, l'une des
caractéristiques du régime parlementaire est la responsabilité du pouvoir exécutif devant le Parlement. Or, il n'y a strictement
aucune raison de limiter cette responsabilité aux seuls aspects touchant à la fonction gouvernementale ; ce qui relève de la
fonction administrative ressortit également au contrôle parlementaire. De manière fort heureuse la révision constitutionnelle
du 23 juillet 2008 a modifié l'art. 24 de la Constitution en précisant que le Parlement « contrôle l'action du gouvernement » et
qu'il « évalue les politiques publiques ». De même l'art. 47-2 C. précise que « La Cour des comptes assiste le Parlement dans
le contrôle de l'action du gouvernement ». (V. AJDA 2011. 140).
Il existe un certain nombre de procédures permettant au Parlement d'exercer un contrôle sur l'Administration : en dehors
de l'audition des ministres et des hauts-fonctionnaires par les commissions permanentes des assemblées, il y a la faculté de
nommer des commissions d'enquête ou surtout de contrôle, ainsi que le système des questions.
Le contrôle parlementaire peut même être déclenché par un administré adressant au Parlement une pétition attirant son
attention sur un dysfonctionnement de l'Administration, possibilité malheureusement totalement ignorée de ceux-ci.
Mais, pour donner au contrôle parlementaire sa véritable efficacité, il faudrait en revenir à la responsabilité individuelle
des ministres, qui figurait explicitement à l'art. 6, § 1er de la loi constitutionnelle du 25 février 1875 et à l'art. 48, 1er alinéa de
la Constitution de 1946. Le ministre, supérieur hiérarchique de son administration, serait certainement beaucoup plus enclin
à en surveiller le bon fonctionnement s'il savait que, le cas échéant, les défaillances de celle-ci pourraient entraîner
sa destitution.
TITRE 2
LE CONTRÔLE JURIDICTIONNEL DE L'ADMINISTRATION

CHAPITRE 1 LA DUALITÉ DES ORDRES DE JURIDICTION


CHAPITRE 2 LES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES
CHAPITRE 3 LES RECOURS CONTENTIEUX
CHAPITRE 4 LA PROCÉDURE DEVANT LES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES

566 Le contrôle juridictionnel de l'Administration peut être organisé selon trois grands systèmes :
1o Le contrôle par le juge de droit commun : c'est, par exemple, le système anglo-saxon. Ces pays estiment que
l'Administration ne doit pas être soumise à un droit particulier mais à la Common Law. Le principe étant posé, ces Pays ont
du cependant lui apporter des dérogations en créant certaines juridictions administratives spécialisées (par ex. en matière
fiscale). Mais leurs décisions relèvent, par la voie de l'appel ou de la cassation, des juridictions de droit commun 1128.
2o Le contrôle par un juge administratif spécialisé. C'est le système qui a été « inventé » par la France et dont l'étude
fera l'objet du présent titre. Il met en œuvre la dualité de juridiction.
3o Le système de l'unité de juridiction et de séparation des contentieux. Il n'y a qu'un seul ordre de juridictions, mais à
l'intérieur de celui-ci il y a séparation des contentieux parce que l'Administration n'est pas soumise aux mêmes règles que les
particuliers. Cette formule à l'avantage d'éliminer les problèmes de répartition des contentieux tout en assurant l'existence
d'un droit administratif spécifique 1129.
Le contrôle juridictionnel de l'Administration française étant assuré par un juge spécialisé, on étudiera tout d'abord la
dualité des ordres de juridiction et les problèmes qu'elle génère (Chapitre 1). Puis les différentes juridictions administratives
de droit commun (Chapitre 2). Ensuite les différents recours contentieux (Chapitre 3). Enfin la procédure administrative
contentieuse (Chapitre 4).
CHAPITRE 1
LA DUALITÉ DES ORDRES DE JURIDICTION 1130

Section 1. L'ORIGINE DE LA DUALITÉ DES ORDRES DE JURIDICTION


Section 2. LE TRIBUNAL DES CONFLITS
§ 1. Composition
§ 2. Fonctionnement
§ 3. Compétences
Section 3. LA RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION
Sous-section 1. Les règles législatives
Sous-section 2. Les règles jurisprudentielles
§ 1. L'évolution du critère de compétence
§ 2. Le système actuel de répartition des compétences
L'existence d'une organisation juridictionnelle spécialisée dans le jugement des litiges administratifs, et séparée des
juridictions judiciaires, est l'un des traits essentiels du système français. Il existe donc en France deux ordres de juridiction :
l'ordre judiciaire, qui a à sa tête la Cour de cassation, et l'ordre administratif, sous l'autorité du Conseil d'État.
On rappellera les raisons qui ont provoqué l'apparition de cette dualité (Section 1), avant d'étudier les problèmes qui en
résultent : la nécessité d'un organe départiteur des compétences (Section 2) et de règles permettant la répartition des
compétences entre les deux ordres (Section 3).

SECTION 1. L'ORIGINE DE LA DUALITÉ DES ORDRES DE JURIDICTION

567 On l'a vu (v. ss 23 s.) la juridiction administrative est née d'un principe, interprété à la lumière d'une tradition 1131.
Le principe est celui de la séparation des pouvoirs, appliqué aux rapports du judiciaire et de l'exécutif. Pour sauvegarder
la liberté des citoyens, la « puissance de juger » doit, selon Montesquieu, être séparée de la « puissance exécutrice ». Mais
comment appliquer le principe au jugement de litiges dans lesquels la « puissance exécutrice » est engagée, c'est-à-dire au
contentieux administratif ?
Ce qui dicte l'option des hommes de 1789, c'est la tradition. L'Ancien régime a connu des juridictions spécialisées dans
les affaires administratives (Cour des aides, chambres des comptes, juridictions des eaux et forêts). Surtout, il a vu le conflit
quasi permanent des Parlements et de l'administration royale ; pour vaincre les résistances opposées par les Parlements à
l'action de ses administrateurs, le roi évoquait en son Conseil, ou donnait à juger à ses commissaires, principalement aux
intendants, un grand nombre d'affaires administratives.
Les révolutionnaires redoutent que les corps judiciaires reprennent, à l'encontre de l'administration nouvelle, la tradition
d'ingérence et d'opposition des Parlements. C'est pourquoi ils tirent, du principe de la séparation des pouvoirs, l'interdiction
au pouvoir judiciaire de statuer sur les litiges dans lesquels l'administration est en cause.
Une série de textes fondamentaux, tout au long de la Révolution, vont répéter l'interdiction faite au juge d'empiéter sur
l'administration. Ils sont toujours en vigueur. Il suffit de citer :
– Loi des 16-24 août 1790 : « Les fonctions judiciaires sont et demeureront toujours séparées des fonctions
administratives. Les juges ne pourront, à peine de forfaiture, troubler de quelque manière que ce soit les opérations des corps
administratifs, ni citer devant eux les administrateurs pour raison de leurs fonctions. »
– Décret du 16 fructidor an III : « Défenses itératives sont faites aux tribunaux de connaître des actes d'administration, de
quelque espèce qu'ils soient, aux peines de droit. » 1132
Le jugement des litiges dans lesquels l'administration est intéressée échappe donc aux tribunaux.
Pourtant, il faut un juge à ces litiges, sous peine de déni de justice.
Jusqu'à l'an VIII, c'est, en principe, l'administrateur actif lui-même – le roi, puis, après la chute de la Monarchie en 1792,
les ministres, ou, pour d'autres catégories de litiges, les directoires de département – qui les tranche ; c'est le système de
l'administrateur-juge, qui n'offre évidemment aux particuliers aucune sécurité, puisque c'est dans sa propre cause que
l'administrateur est juge.
Mais, en l'an VIII, des organes consultatifs sont créés auprès des nouvelles autorités administratives (Conseil d'État
auprès du pouvoir central, Conseil de préfecture auprès du préfet). La fonction consultative dont ils sont chargés s'étend à
toutes les décisions relevant des administrateurs actifs, donc à celles qui concernent le jugement des litiges dont ils sont
saisis comme à celles relatives à l'administration active. C'est toujours l'autorité qui prend la décision, mais, lorsque l'avis
consultatif porte sur la solution à donner à un litige, l'avis ne peut résulter que d'une procédure contentieuse, et relève ainsi
de la fonction juridictionnelle. La fonction active et la fonction juridictionnelle se distinguent donc l'une de l'autre au sein de
la compétence consultative. Ainsi s'ébauche, entre les deux fonctions active et juridictionnelle, une séparation qu'il faut bien
distinguer de la séparation des pouvoirs : celle-ci intéresse les rapports de l'exécutif et du judiciaire, alors que la séparation
des fonctions ne concerne que la division du travail au sein de l'exécutif, certains de ses agents se spécialisant dans le
jugement du contentieux. C'est de cette séparation des fonctions au sein de l'activité consultative qu'est née la juridiction
administrative 1133.
En effet, les avis du Conseil d'État, sur les affaires contentieuses, étant toujours suivis par le pouvoir exécutif, le Conseil
avait, dans la pratique, ce que l'on a appelé la « justice retenue ». Il ne restait plus qu'à mettre en harmonie le fait et le droit,
ce qui fut fait avec la loi du 24 mai 1872 qui donne au Conseil d'État la justice déléguée, c'est-à-dire le soin de trancher lui-
même le contentieux administratif. Il existe désormais un deuxième ordre de juridiction, celui des juridictions
administratives puisqu'il y a dans chaque département un Conseil de Préfecture, juge de premier ressort à compétence
d'attribution, et le Conseil d'État juge de droit commun.

SECTION 2. LE TRIBUNAL DES CONFLITS 1134

568 Vue générale ◊ L'existence de deux ordres de juridiction pose le problème de l'exacte délimitation de leurs compétences
respectives. À ce problème, et on peut le regretter, le législateur n'a jamais apporté une réponse d'ensemble, en dehors de
celle, purement négative et très vague, résultant des textes révolutionnaires (v. ss 567).
Le problème de la répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction doit respecter deux principes : – un
certain type d'affaires doit être de la compétence de l'un ou de l'autre des deux ordres mais il ne doit pas y avoir de
chevauchement des compétences afin d'éviter les contrariétés de solutions ; – toute affaire doit, nécessairement, trouver un
juge acceptant de la trancher, le déni de justice étant intolérable.
Dans l'immense majorité des cas la répartition des compétences s'opérera sans grande difficulté, par accord entre les deux
juridictions suprêmes, le Conseil d'État et la Cour de cassation. Mais il peut y avoir conflit lorsque chacun des deux ordres
revendique la connaissance d'un seul et même type d'affaires ou si, à l'inverse, aucun des deux ordres n'accepte d'admettre sa
compétence pour le faire. Il faut alors que quelqu'un vienne trancher le conflit de compétences. La logique enseigne que ce
ne peut être qu'un organisme paritaire composé de représentants des deux ordres : c'est le Tribunal des conflits, dont la
création définitive, après un essai tenté par la Seconde République 1135, date de la loi du 24 mai 1872 1136. Les textes
concernant le Tribunal des conflits sont maintenant regroupés dans le Titre III de la loi 2015-177 du 16 février 2015
« relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires
intérieures » 1137, qui modifie la loi du 24 mai 1872, et dans le Titre 1er du décret 2015-233 du 27 février 2015.
On étudiera successivement : sa composition (§ 1), son fonctionnement (§ 2), sa compétence (§ 3).

§ 1. Composition

569 La composition paritaire du Tribunal des conflits ◊ Les deux ordres y sont représentés à égalité : la Cour de
cassation et le Conseil d'État désignent chacun quatre de leurs membres pour siéger au tribunal. Deux membres suppléants
sont choisis l'un par le Conseil d'État, l'autre par la Cour de Cassation. Les membres du Tribunal sont soumis à réélection
tous les trois ans et rééligibles deux fois. Le risque de cette composition paritaire eût été que le tribunal se partageât, chaque
groupe défendant la compétence de son ordre, et ne put aboutir. Pour y parer, la présidence avait été attribuée au garde des
Sceaux, ministre de la Justice. On avait critiqué la règle : membre du gouvernement, le garde des Sceaux risque, a-t-on dit,
d'être systématiquement hostile au pouvoir judiciaire et à sa compétence ; de plus, il peut avoir des connaissances juridiques
beaucoup trop courtes pour arbitrer un litige certainement difficile puisqu'il divise les représentants des deux plus hautes
juridictions. En réalité, ce double danger était fort limité ; le garde des Sceaux n'intervenait que lorsqu'il y avait partage des
voix ; or, le cas est très rare ; le plus souvent, une majorité se dégage d'elle-même, et l'expérience des quelque dix affaires où
un arbitrage avait été nécessaire prouve qu'il n'avait pas toujours été favorable à la compétence administrative 1138.
Quoi qu'il en soit, des magistrats des deux ordres de juridiction ont souhaité qu'il soit mis fin à l'arbitrage du garde des
Sceaux 1139. C'est ce que décide l'art. 6 de la loi du 16 février 2015 : « Dans le cas où, après une seconde délibération, les
membres du tribunal n'ont pas pu se départager, l'affaire est examinée en formation élargie ». Celle-ci comprend quatre
membres de plus, à savoir deux Conseillers d'État et deux magistrats de la Cour de cassation. On fait donc le « pari » que « la
réflexion plus approfondie d'un nombre accru de juges et la pleine conscience qu'une impossibilité de juger est contraire à
leur éthique professionnelle sont manifestement de nature à éviter la réitération d'une situation de blocage » (AJDA 2013.
1999). Mais il arrive aussi que l'on perde son pari !
Le principe paritaire s'applique également au choix des Rapporteurs publics appelés à présenter des conclusions dans
chaque affaire : deux sont élus par le Conseil d'État parmi ses rapporteurs publics et deux par la Cour de cassation parmi les
membres du parquet général.
Les huit membres du Tribunal choisissent parmi eux, pour trois ans, au scrutin secret et à la majorité des voix, un
président issu alternativement du Conseil d'État et de la Cour de cassation. Le Président peut, par ordonnance prise
conjointement avec le membre du tribunal le plus ancien appartenant à l'autre ordre de juridiction, donner acte des
désistements, constater qu'il n'y a plus lieu de statuer sur une affaire, rejeter les requêtes manifestement irrecevables et
corriger les erreurs matérielles affectant les décisions rendues. Après avis donné aux parties, il peut, dans les mêmes formes,
régler les questions de compétence soumises au tribunal dont la solution s'impose avec évidence (art. 17 du décret du 27
février 2015).

§ 2. Fonctionnement

570 Le Tribunal des conflits est une juridiction au sens plein du terme ◊ Ses arrêts sont précédés d'une
procédure variable selon les divers types de conflits, mais toujours contradictoire 1140. La procédure est écrite et les parties
sont représentées par un avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, l'État étant dispensé du ministère d'avocat. Dans
chaque affaire, un rapporteur est désigné ; il donne, en audience publique, lecture de son rapport. Les avocats des parties
peuvent présenter des observations orales. Le Rapporteur public présente ensuite ses conclusions en toute indépendance, du
seul point de vue du droit, (v. ss 705) ; les avocats des parties peuvent présenter de brèves observations orales après ces
conclusions. Là encore, le principe paritaire intervient : le Rapporteur et le Rapporteur public appartiennent dans chaque
affaire à un ordre différent.
Les décisions du Tribunal des conflits peuvent faire l'objet d'un recours en interprétation et en rectification 1141. Elles ne
sont pas suceptibles d'opposition. Elles ne peuvent pas faire l'objet d'une tierce opposition, sauf lorsque le Tribunal statue au
fond 1142

§ 3. Compétences

571 Le décret du 27 février 2015 énumère et organise, sur la base de la loi du 16 février 2015, les différentes compétences du
Tribunal des conflits. On distingue : – le conflit positif ; – la prévention du conflit ; – le conflit négatif ; – le recours en cas
de contrariété sur le fond ; – le recours en responsabilité pour durée excessive des procédures.

572 A. Le conflit positif. 1o Définition ◊ Il s'agit d'un conflit qui s'élève, non pas, comme on est parfois tenté de le
croire, entre une juridiction judiciaire et une juridiction administrative qui se disputeraient le jugement d'une affaire, mais
entre une juridiction judiciaire qui, saisie par le demandeur, se déclare compétente, et l'administration, qui conteste cette
compétence. En règle générale, l'attitude de l'administration se fonde sur le fait que le litige relève à ses yeux du juge
administratif ; mais elle peut aussi sanctionner la théorie de l'acte de gouvernement : l'administration décline alors la
compétence judiciaire, non au profit de la compétence administrative, mais en vertu d'une immunité totale de juridiction
(T. confl. 2 févr. 1950, Radiodiffusion française, JCP, 1950, II, no 5542, note Rivero).
On remarquera :
a) Le caractère constitutionnel du conflit : deux pouvoirs s'opposent, autour de l'interprétation du principe de la
séparation. Le particulier qui a saisi le tribunal judiciaire est relégué au second plan ; sur le litige qu'il entendait faire juger,
un nouveau litige se greffe, entre exécutif et judiciaire ;
b) Son caractère unilatéral : c'est une arme donnée à l'administration qui peut contester la compétence judiciaire, mais
l'ordre judiciaire, s'il estime qu'un tribunal administratif, saisi d'une affaire qu'il n'a pas qualité pour juger s'est à tort déclaré
compétent, ne peut défendre sa compétence devant le juge des conflits ;
c) Son caractère réglementé : l'administration n'est pas libre d'utiliser arbitrairement l'arme qui lui est confiée. Cette
liberté, tant qu'elle lui fut laissée, suscita de graves abus, l'administration utilisant le conflit pour soustraire à leurs juges des
causes suspectes ou des amis du pouvoir. L'article 13 de la loi du 16 février 2015 la définit ainsi : « Lorsque le représentant
de l'État dans le département ou la collectivité estime que la connaissance d'un litige ou d'une question préjudicielle portée
devant une juridiction de l'ordre judiciaire relève de la compétence de la juridiction administrative, il peut, alors même que
l'administration ne serait pas en cause, demander à la juridiction saisie de décliner sa compétence ». Le décret du 27 février
2015 organise la procédure en deux stades : l'élévation du conflit, son jugement.
Il faut rappeler que la Question prioritaire de constitutionnalité ne peut pas être invoquée devant le Tribunal des conflits
(T. confl. 4 juill. 2011, Bidalou, Rec. 695).

573 2o Élévation du conflit 1143 ◊ C'est une procédure qui a pour but de rendre certaine l'opposition du pouvoir judiciaire
et de l'administration, et d'en saisir le Tribunal des conflits.
a) Qui peut élever le conflit ? Seul, le préfet du département dans lequel le litige a pris naissance, en tant que
représentant de l'exécutif, a qualité pour agir. Le ministre de l'Intérieur ne peut pas présenter un déclinatoire de compétence à
la place du préfet : T. confl. 22 mars 2004, M. Le Sourd, AJDA 2004. 685. Le préfet peut retirer son déclinatoire pour lui en
substituer un autre ; cela ne constitue pas un désistement : T. confl. 29 novembre 2004, Mme Durand c/ CHR de Metz-
Thionville, Rec. 524.
Le juge administratif ne peut pas connaître du refus du Préfet de prendre un déclinatoire de compétence : CE 20 avr.
2005, Régie dép. des transports de l'Ain, AJDA 2005. 1509.
b) Devant quelles juridictions peut-il être élevé ? L'élévation du conflit n'est pas possible devant toutes les juridictions.
Des raisons de fond l'ont fait exclure de façon absolue en matière criminelle 1144. En matière correctionnelle, elles la
limitent à deux cas : la répression de celles des atteintes au domaine public qui sont réservées au juge administratif, et
l'hypothèse dans laquelle le jugement dépend d'une question préjudicielle qui entre dans la compétence du juge administratif
(cf. v. ss 605) ; v. égal. : T. confl. 13 déc. 2004, Haut-Commissaire de la République en Polynésie française c/ M. Conroy,
AJDA 2005. 452. En pratique, c'est devant les tribunaux de grande instance au civil, et exceptionnellement au correctionnel,
et devant les cours d'appel dans les mêmes cas, que le conflit intervient. Encore est-il interdit, devant toutes les juridictions,
en matière d'atteintes à la liberté individuelle (C. pr. pén., art. 136, v. ss 608).
c) À quel moment de l'instance le conflit peut-il être élevé ? « Le conflit peut être élevé tant qu'il n'a pas été statué sur
la compétence par une décision passée en force de chose jugée » (Décr. du 27 février 2015, art. 18). Mais l'appel ouvre à
l'administration la possibilité d'élever le conflit s'il ne l'a pas été en première instance. La solution contraire s'applique au
pourvoi en cassation, qui ne constitue pas un troisième degré de juridiction : il n'y a donc jamais élévation du conflit devant
la Cour de cassation.
d) Comment le conflit est-il élevé ? La procédure affecte l'aspect d'un dialogue entre l'administration et le juge. Le
préfet, ayant appris que le tribunal est saisi, et l'estimant incompétent, adresse, au greffe de la juridiction saisie un mémoire
par lequel il l'invite à décliner sa compétence, et à se dessaisir : c'est le déclinatoire de compétence. Celui-ci, à peine
d'irrecevabilité, doit être motivé.
Le tribunal statue sans délai sur ce déclinatoire. S'il est d'accord avec le préfet, il rend le jugement d'incompétence qui lui
est demandé, et l'affaire est close ; au cas contraire, il rejette le déclinatoire et s'affirme compétent.
L'affaire peut encore s'arrêter si le préfet se laisse convaincre par l'argumentation du tribunal ; au cas contraire, il doit
prendre, dans les quinze jours suivant la notification du jugement, un arrêté de conflit, motivé, dont l'effet est triple :
– il rend patente l'existence du conflit ;
– transmis au tribunal, il oblige celui-ci à surseoir à statuer dans le litige initial avant la décision du Tribunal des conflits ;
– transmis au Tribunal des conflits, il le saisit, et ouvre la procédure de jugement.
Pendant le délai de quinze jours laissé au préfet pour élever le conflit, le Tribunal ne peut, naturellement, prendre aucune
décision sur le fond : T. confl., 17 avr. 2000, Préfet de la Région PACA/TGI de Marseille et Mme Boussebha, Rec. 758 ;
T. confl., 1er juillet 2002, Préfet du Val de Marne, M. Laroche c/ Sté Air-France, AJDA 2002. 1454 ; T. confl., 5 mars 2012,
Sté Baryflor, Rec. 505.
Si le jugement a admis le déclinatoire et si une partie fait appel du jugement, le Préfet peut saisir la juridiction d'appel
d'un nouveau déclinatoire et, en cas de rejet de celui-ci, élever le conflit (Décr. 27 février 2015, art. 22).

574 3o Jugement du conflit ◊ a) Au terme d'une procédure au cours de laquelle les parties au litige initial, intéressées à
connaître leur juge, sont autorisées à présenter leurs observations sur la compétence, le Tribunal des conflits statue 1145. La
décision doit intervenir dans les trois mois suivant, la réception du dossier par le secrétariat du Tribunal. Un mois après
l'expiration de ce délai, le sursis à statuer qui arrêtait la procédure devant le tribunal judiciaire tombe, et celui-ci est autorisé
à reprendre l'examen de l'affaire, mais le délai est toujours respecté.
b) La décision du tribunal peut, soit confirmer, soit annuler l'arrêté de conflit
L'arrêté est confirmé si le tribunal conclut, avec le préfet, à l'incompétence du tribunal judiciaire ; celui-ci est alors
définitivement dessaisi. Le plaideur est fondé à en déduire que la juridiction administrative est compétente, mais l'arrêt ne lui
fournit sur ce point aucune décision positive. L'annulation de l'arrêté de conflit peut sanctionner une simple irrégularité de
forme ou de procédure dans l'élévation du conflit. Dans ce cas, le tribunal initialement saisi peut juger l'affaire ; mais,
comme la question de compétence est restée entière, le préfet, on l'a vu, s'il est fait appel du jugement, peut prendre, devant
la juridiction d'appel, un nouvel arrêté de conflit, cette fois régulier. L'annulation peut également sanctionner l'interdiction
d'élever le conflit devant certaines juridictions (v. ss 573) ou même la contrariété d'un texte donnant compétence à la
juridiction administrative avec la Convention europénne des droits de l'homme (T. confl. 13 déc. 2010, Sté Green
Yellow/EDF, AJDA 2011. 439, Concl. Guyomar et note L. Richer). Elle peut enfin, et surtout, intervenir sur le fond du
problème, lorsque le Tribunal des conflits conclut, contre le préfet, à la compétence judiciaire. Dans ces deux derniers cas,
celle-ci est définitivement consacrée, et le procès reprend son cours devant le tribunal initialement saisi.

575 B. La prévention du conflit 1° La prévention du conflit négatif ◊ « Lorsqu'une juridiction de l'ordre


judiciaire ou de l'ordre administratif a, par une décision qui n'est plus susceptible de recours, décliné la compétence de l'ordre
de juridiction auquel elle appartient au motif que le litige ne ressortit pas à cet ordre, toute juridiction de l'autre ordre, saisie
du même litige, si elle estime que le litige ressortit à l'ordre de juridiction primitivement saisi, doit, par une décision motivée
qui n'est susceptible d'aucun recours même en cassation, renvoyer au tribunal des conflits le soin de décider sur la question
de compétence ainsi soulevée et surseoir à toute procédure jusqu'à la décision du tribunal » (Décr. 27 février 2015,
art. 32).Ce qui est important est que la seconde juridiction saisie n'a plus le droit de se déclarer elle-même incompétente, ce
qui permet un important gain de temps. Par ailleurs il faut bien qu'il s'agisse du même litige et que la décision
d'incompétence se fonde sur l'affirmation de la compétence de l'autre ordre de juridiction. Par ailleurs c'est la juridiction
saisie en second lieu, et non le plaideur, qui transmet l'affaire au Tribunal des conflits.
Le Tribunal des conflits, après une instruction conduite dans les formes habituelles, prend l'une des deux décisions
suivantes : – soit il estime que la juridiction qui a prononcé le renvoi n'est pas compétente et il déclare nuls les actes de
procédure qui se sont déroulés devant elle ; la compétence est donc celle de l'autre ordre de juridiction. – soit il estime que la
juridiction de l'autre ordre a rendu à tort son jugement d'incompétence et il déclare donc nul et non avenu ce jugement
déclinant la compétence ; cet ordre de juridiction est donc compétent pour connaître de l'affaire.
La décision tranche définitivement la question de compétence ; elle s'impose aux deux ordres, et à l'administration, qui ne
peut plus, si c'est la juridiction judiciaire qui a été désignée pour statuer au fond, élever le conflit positif.

576 2° Les « difficultés sérieuses » portant sur la compétence ◊ Lorsqu'une juridiction est saisie d'un litige qui
présente à juger, soit sur l'action introduite, soit sur une exception, une question de compétence soulevant une difficulté
sérieuse et mettant en jeu la séparation des ordres de juridiction, elle peut, par une décision motivée qui n'est susceptible
d'aucun recours, renvoyer au Tribunal des conflits le soin de décider sur cette question de compétence » (Décr. 27 février
2015, art. 35). Avant 2015, cette procédure n'était ouverte qu'aux seules juridictions suprêmes 1146. En ce cas il n'y a donc
encore aucun conflit de compétence mais la juridiction saisie peut craindre que la solution qu'elle va donner n'obtienne pas
l'adhésion de l'autre ordre, ce qui alors provoquerait un conflit. Le renvoi est purement facultatif, mais avant 2015 les
juridictions suprêmes, faisant preuve de sagesse sinon d'humilité, n'avaient pas hésité à faire de la procédure un usage assez
fréquent : par ex. CE 23 avr. 2007, Kim, AJDA 2007. 1076 ; CE Sect., 11 juil. 2011, Mme Gilles, Rec. 330, concl. Boulouis.
Mais cette procédure n'est pas possible lorsqu'un ordre s'est définitivement reconnu compétent : T. confl. 18 oct. 2010, Cne
de Draveil / Sté Unifregie, Sté Avenance enseignement et santé, AJDA 2010. 2369, Concl. Guyomar.
L'instance est suspendue jusqu'à la décision du Tribunal des conflits qui doit intervenir dans les trois mois. Il désigne la
juridiction compétente et procède éventuellement aux annulations qui peuvent en résulter : par exemple, sur renvoi de la
Cour de cassation, annulation des décisions de première instance et d'appel affirmant la compétence judiciaire si c'est la
compétence administrative qui est retenue.

577 C. Le conflit négatif ◊ Il s'agit tout simplement de l'hypothèse où la prévention du conflit (v. ss 575) n'a pas
fonctionné. Alors, « lorsque les juridictions de chacun des deux ordres se sont irrévocablement déclarées incompétentes sur
la même question, sans que la dernière qui a statué n'ait renvoyé le litige au Tribunal des conflits, les parties intéressées
peuvent le saisir d'une requête aux fins de désignation de la juridiction compétente » (Décr. 27 févr. 2015, art. 37). Pour une
interprétation « compréhensive » de cette condition : T. confl. 19 mai 2014, Département du Nord, AJDA 2014. 1065. Il
s'agit donc d'éviter un déni de justice et ce sont les parties qui ont la charge de saisir le Tribunal des conflits. Le recours est
introduit dans les deux mois à compter du jour où la dernière en date des décisions d'incompétence est devenue irrévocable.
Le Tribunal des conflits renvoie l'examen de l'affaire à la juridiction qu'il estime compétente, et annule, par voie de
conséquence, celles des décisions rendues antérieurement qui vont à l'encontre de l'attribution de compétence à laquelle il
procède.

578 D. Le recours en cas de contrariété de décisions au fond 1147 ◊ 1o Position de la question ◊ Le


Tribunal des conflits est, traditionnellement, le régulateur suprême des compétences ; mais là se borne son rôle ; il indique,
de façon directe ou indirecte, le juge compétent ; il ne donne, en principe, aucune indication sur le fond de l'affaire.
Notamment, il ne lui appartient pas de résoudre les contradictions qui peuvent exister entre les jurisprudences administrative
et judiciaire sur les problèmes dont elles sont amenées à connaître l'une et l'autre. Il peut arriver, par exemple, que le juge
administratif, à la suite d'un recours pour excès de pouvoir, estime légal un règlement de police que le juge répressif, appelé
à en réprimer les violations, estimera illégal. Il n'y a aucun moyen de porter remède à ces contrariétés, si choquantes qu'elles
puissent être.
Toutefois, ces remarques appellent deux réserves :
a) L'exercice de sa mission de juge des compétences oblige parfois le Tribunal des conflits à trancher une question de
fond ; par exemple, au cas où le conflit est élevé dans une action en responsabilité dirigée contre un fonctionnaire, la
décision en faveur de la compétence administrative signifie l'irresponsabilité personnelle de ce fonctionnaire. Souvent, la
décision sur la compétence découle d'un examen des faits, ou de la qualification juridique de la situation litigieuse, qui
touchent au fond (v. ss 574).
b) De façon directe, la loi du 20 avril 1932 avait retenu l'un des cas dans lesquels la contradiction sur le fond entre un
tribunal judiciaire et un tribunal administratif apparaissait particulièrement choquante, et avait donné compétence au
Tribunal des conflits pour trancher le litige au fond.

579 2o Les éléments du conflit de décisions ◊ a) Il faut, pour comprendre l'hypothèse, partir du cas concret qui avait
provoqué le vote de la loi du 20 avril 1932, qui était donc une loi de circonstance, et sa première application (T. confl. 8 mai
1933, Rosay, S. 1933. III. 117). Un particulier est blessé dans une collision entre une voiture privée et une voiture de l'État ;
il demande réparation, devant le tribunal civil, au propriétaire de la voiture privée, qu'il pense responsable de l'accident. Le
tribunal, compétent pour trancher ce litige entre deux particuliers, le déboute, en laissant entendre que l'accident incombe à la
voiture de l'administration. La victime dirige alors son action en indemnité contre l'État, devant le juge administratif 1148 ;
celui-ci rejette la demande, en estimant qu'aucune faute n'a été commise par le chauffeur de l'administration. Les deux
jugements sont d'accord pour admettre que la victime a un droit à indemnité ; mais ils portent, sur les circonstances de
l'accident, des appréciations contradictoires, qui rendent cette indemnisation impossible. La victime de l'accident est donc
victime, en plus, d'une iniquité, liée à une absurdité : car il faut bien, puisque la collision a eu lieu, qu'elle ait été provoquée
par l'un ou l'autre des deux chauffeurs, ou par les deux, contrairement à ce qui résulte du rapprochement des arrêts.
La loi du 20 avril 1932 avait été votée pour permettre de porter remède à cette situation ; ce n'était pourtant pas qu'une loi
d'espèce, et elle a trouvé quelques applications, à vrai dire très rares, depuis lors 1149. La loi de 1932 a été abrogée par la loi
du 16 février 2015 et ce sont les dispositions de son article 15 qui règlent maintenant la procédure. Mais le Tribunal des
conflits semble réticent à exercer la compétence qu'elle lui confère ; toutefois un arrêt assez récent interprète de manière plus
compréhensive les conditions mises à l'existence du conflit : T. confl. 6 juill. 2009, Mario Bonato/APEILOR, RFDA 2009.
1229, note Pouyaud.
b) L'art. 15 de la loi du 16 février 2015 définit ainsi la compétence du Tribunal des conflits : « Le Tribunal des conflits
peut être saisi des décisions définitives rendues par les juridictions administratives et judiciaires dans les instances
introduites devant les deux ordres de juridiction, pour des litiges portant sur le même objet, lorsqu'elles présentent une
contrariété conduisant à un déni de justice ». Il faut donc :
– qu'un justiciable ait pu, à partir des mêmes faits (l'accident), en vue du même objet (l'indemnisation), former deux
actions distinctes (à raison de la dualité des défendeurs), l'une devant le juge administratif, l'autre devant le juge judiciaire ;
– que les deux tribunaux aient rendu, sur le fond, deux décisions devenues définitives ;
– que les deux décisions soient contradictoires, c'est-à-dire que chacune se fonde sur un élément de fait ou de droit que
l'autre refuse d'admettre. Si par exemple le juge civil rejette l'action en responsabilité en affirmant qu'il y a eu faute de la
victime, et si le juge administratif la rejette en niant qu'il y ait eu faute de l'administration, ils ne se contredisent pas : les
deux affirmations peuvent être simultanément vraies (T. confl. 5 mai 2008, Cie Axa France, AJDA 2008. 1622) ;
– qu'il résulte, de cette contrariété, un déni de justice, c'est-à-dire, en l'espèce, une injustice grave : l'impossibilité, pour le
plaideur, de faire triompher un droit dont le principe n'est pas contesté.
c) On voit les différences avec le conflit négatif 1150 :
– dans le conflit négatif, les décisions intervenues n'ont statué que sur la compétence, pour l'écarter ; ici, les deux
tribunaux se sont à juste titre reconnus compétents, et ont statué au fond ;
– dans le conflit négatif, la même action est portée devant les deux juges ; ici, deux actions relevant des deux
compétences tendent au même objet ;
– dans le conflit négatif, le déni de justice tient à la carence des juges, ici, à leurs contradictions.
Il arrive d'ailleurs qu'en pratique la distinction soulève des difficultés 1151.

580 3o La solution du conflit ◊ Dans les deux mois du jour où la dernière décision est devenue définitive 1152, le
particulier saisit le Tribunal des conflits par l'intermédiaire d'un avocat aux Conseils. « Le Tribunal des conflits juge au fond,
à l'égard de toutes les parties en cause. Ses décisions ne sont susceptibles d'aucun recours ». Dans l'affaire Rosay il a décidé,
par exemple, que la responsabilité de l'accident se partageait par moitié entre l'État et le particulier.

581 E. Le recours en responsabilité pour durée excessive des procédures ◊ On l'a vu (v. ss 552) la Cour
européenne des droits de l'homme veille avec un soin tout particulier au respect de l'art. 6 CEDH qui garantit à tous que son
affaire sera jugée dans un délai raisonnable. Afin d'éviter, au cas de méconnaissance de cette obligation, que la Cour
européenne engage la responsabilité de la France, le Conseil d'État (Ass. 28 juin 2002, Garde des Sceaux/Magiera, RFDA
2002. 756, concl. Lamy) avait accordé une indemnité à un requérant qui avait attendu sept années que son affaire soit jugée
alors qu'elle ne présentait aucune difficulté particulière. L'art. 16 de la loi du 16 février 2015 en fait un cas de responsabilité
dont la connaissance est confiée au Tribunal des conflits qui, ici aussi, n'est donc plus un juge des compétences. En effet :
« le Tribunal des conflits est seul compétent pour connaître d'une action en indemnisation du préjudice découlant d'une durée
totale excessive des procédures afférentes à un même litige et conduites entre les mêmes parties devant les juridictions des
deux ordres en raison des règles de compétence applicables et, le cas échéant, devant lui ». Mais, selon l'art. 43 du décret du
27 février 2015, celui qui entend obtenir réparation de ce préjudice doit, au préalable, saisir le Garde des Sceaux d'une
réclamation en ce sens. Le silence de plus de deux mois gardé par celui-ci vaut décision de rejet et le requérant peut alors
saisir le Tribunal. En cas de rejet explicite, la requête doit être présentée au Tribunal dans le délai de deux mois à compter de
celui-ci.

SECTION 3. LA RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LES DEUX


ORDRES DE JURIDICTION

582 Les données du problème ◊ Le problème de la ventilation des compétences entre les deux ordres de juridiction est
un problème qui concerne directement une bonne administration de la justice, avant d'être un problème de théorie juridique.
Il est, en effet, indispensable que lorsqu'un justiciable désire entreprendre une action contentieuse il puisse, lui ou son
Conseil, déterminer sans trop de difficulté l'ordre de juridiction devant lequel il doit assigner. Si l'on écarte l'existentialisme
juridique de B. Chenot – pour lequel cette question échapperait à toute systématisation (v. ss 32) – le droit positif doit, en la
matière, se construire autour de quelques grands principes permettant la répartition la plus cohérente possible : c'est ce que
l'on appelle le « critère des compétences ».
Selon la formule de Marcel Waline (Notes, Tome 1, no 11) « la première qualité d'une règle de compétence c'est sa
simplicité », et cette vérité première « il faut la répéter puisqu'elle paraît méconnue tant par le législateur que par la
jurisprudence ». Bien plus, ajoute cet auteur, (en 1939 !) « depuis quelques années, le législateur et la jurisprudence
s'ingénient à compliquer les règles de droit » et cette complication croissante du droit « est un signe de décadence ».
Ces incertitudes contribuent parfois à donner aux problèmes de compétence une importance tout à fait anormale. D'un
point de vue logique, ceux-ci devraient être des problèmes seconds : ce qui importe c'est le fond du droit, c'est-à-dire la
détermination de la règle de droit qui sera utilisée pour résoudre le litige. Le problème de savoir qui en fera application est
second. Or, il est déjà arrivé que l'on se retrouve devant le Tribunal des conflits, alors que l'on savait parfaitement quelle
règle de droit serait appliquée au litige, et donc uniquement pour savoir quel ordre de juridiction en ferait application.
La situation actuelle est, au moins pour partie, la conséquence de deux présupposés erronés. Le premier voudrait que l'on
synthétise l'ensemble du droit positif à l'aide d'un critère unique. Le second est l'affirmation de la liaison de la compétence et
du fond.

583 1o La recherche d'un critère unique ◊ On le verra en retraçant l'évolution du critère de compétence (v. ss 590), à
partir de l'utilisation du critère du service public, on a posé en véritable postulat que ce serait autour d'un concept unique que
devrait se construire la répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction. Cela a conduit à une présentation de
plus en plus complexe de celle-ci, puisqu'il fallait formuler des exceptions au principe, puis des exceptions aux
exceptions etc.
Le plus simple est de reconnaître que la recherche d'un critère unique a de plus en plus tourné au « pari stupide ». Le
Doyen Vedel a souvent souligné qu'aucune autre branche du Droit ne se condamne à devoir construire l'ensemble de la
matière autour d'un concept unique. Dès lors, il n'y a rien d'étonnant à ce que le droit administratif n'y parvienne point. De
plus en plus, la doctrine admet que le droit administratif peut s'articuler autour de quelques notions de base et non d'une
notion unique. De ce point de vue deux notions sont au cœur du droit administratif français : celle de service public et celle
de puissance publique 1153.

584 2o La liaison de la compétence et du fond ◊ Si les problèmes de compétence avaient pris une importance
anormale c'est en raison également de la croyance qu'il y aurait une liaison nécessaire entre la compétence et le fond 1154.
Selon les tenants de cette doctrine, le juge judiciaire ne pourrait appliquer que les seules règles du droit privé, et le juge
administratif que celles du droit administratif stricto sensu. S'il en est bien ainsi, la détermination de l'ordre de juridiction
compétent devient un problème essentiel : désigner le juge compétent c'est, de ce seul fait, déterminer la règle de droit
applicable au litige (le juge pouvant d'ailleurs renverser l'ordre des facteurs, en commençant par choisir la règle de droit qu'il
conviendrait d'appliquer, pour en déduire l'ordre de juridiction compétent). Or, en droit positif, il n'y a pas de liaison
nécessaire – c'est-à-dire obligatoire, systématique – entre la compétence et le fond. Certes, dans l'immense majorité des cas,
le juge judiciaire appliquera les règles du droit privé, et le juge administratif celles du droit administratif au sens strict du
terme. Mais ce n'est pas inéluctable. Il arrive, plus souvent qu'on ne veut bien le dire, que le juge administratif applique à
l'Administration, dans le cadre de la gestion publique, les règles du droit privé et ceci en visant directement et expressément
les dispositions des grands codes du droit privé dont il fait application 1155. À l'inverse, il peut arriver que le juge judiciaire
applique les règles du droit administratif à des rapports de droit privé en affirmant même qu'une telle application n'est pas
seulement une faculté mais bien une obligation pour le juge judiciaire 1156.
Dès lors que l'on constate, qu'en droit positif, la liaison de la compétence et du fond n'est pas systématique, le problème
de la répartition des contentieux peut se présenter sous un autre jour : on pourrait procéder à la ventilation du contentieux
selon le système dit des « blocs de compétence ». Chacun de ceux-ci, selon sa dominante, serait remis à l'un ou à l'autre ordre
de juridiction, le juge compétent ayant la faculté d'appliquer à l'intérieur du bloc de compétence qui est le sien, lorsque cela
lui paraîtrait nécessaire, les règles de droit de l'autre ordre de juridiction. Un tel système ne postulerait pas la disparition de la
dualité des ordres de juridiction, seul le juge administratif ayant le « tour de main », bref le « génie », pour fabriquer les
règles de droit administratif ainsi mises, en quelque sorte, à la disposition du juge judiciaire. La politique des « blocs de
compétence » a, d'ailleurs, reçu l'aval, très important, du Conseil constitutionnel (v. ss 585).
Si on laisse de côté ces questions qui forment l'arrière-plan du problème de la répartition des contentieux entre des deux
ordres de juridiction, pour décrire le droit positif, il faut distinguer les hypothèses où un texte est intervenu pour régler la
question et celles où, dans le silence des textes, c'est la jurisprudence qui a du régler le problème.

Sous-section 1. Les règles législatives

585 C'est l'hypothèse la plus simple : lorsque le législateur est intervenu pour fixer la compétence, il ne doit pas y avoir de
difficulté. Mais le législateur n'a jamais pris un texte réglant globalement la ventilation des compétences – ce qui serait
parfaitement imaginable – il a seulement tranché la question pour certaines catégories de problèmes.
Le législateur tient ce pouvoir de l'article 34 de la Constitution et plus spécialement de la disposition qui réserve au
législateur le soin de fixer « les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des
libertés publiques » : CE, Ass., 30 mars 1962, Assoc. nat. de la Meunerie, D. 1962. 631, concl. Bernard ; Cons. const.
20 févr. 1987, Code rural, Rec. 22 1157.
Par ailleurs le Conseil constitutionnel a expressément reconnu au législateur le pouvoir d'intervenir pour unifier la
compétence au profit de l'ordre principalement intéressé par une matière déterminée, pour éviter que les litiges portant sur
cette matière se trouvent, par l'application des règles habituelles, partagés entre les deux ordres ; c'est-à-dire pour constituer
des blocs de compétence : Cons. const. 23 janv. 1987, Loi transférant le contentieux des décisions du Conseil de la
concurrence, RFDA 1987. 299, note B. Genevois.
Mais la liberté du législateur pour la détermination des compétences n'est pas totale. En effet, un PFRL a donné une
véritable définition constitutionnelle du contentieux administratif (v. ss 312 et v. ss 588).
De manière symptomatique, le plus souvent, lorsque le législateur intervient c'est pour donner compétence aux
juridictions judiciaires.

586 A. Compétence administrative par détermination de la loi ◊ C'est une hypothèse assez rare. La principale,
qui est ancienne, concerne le contentieux de la vente des biens du domaine privé de l'État, normalement judiciaire, mais
confié par la loi du 28 pluviôse an VIII, pour des raisons politiques, à la juridiction administrative. Ce même texte donne
compétence à la juridiction administrative pour l'important contentieux des travaux publics 1158.

587 B. Compétence judiciaire par détermination de la loi ◊ Un certain nombre de textes confient aux tribunaux
judiciaires des litiges qui, normalement, relèveraient de la compétence administrative : contentieux des contributions
indirectes et des douanes, des transports postaux, responsabilité pour les dommages causés par les tirs de l'Armée, pour les
dommages imputables au manque de surveillance des élèves de l'enseignement public (v. ss 531) etc.
Une exception très importante, dans la pratique, résulte de la loi du 31 décembre 1957 1159, attribuant compétence
exclusive aux tribunaux judiciaires pour les actions en responsabilité dirigées contre les personnes publiques à raison des
dommages causés par un véhicule quelconque ; en fait, ce sont les accidents imputables aux automobiles que visait
principalement la loi. Le contentieux des accidents de la circulation s'en trouve unifié, que le véhicule soit administratif ou
privé, quant à la compétence qui est judiciaire, et quant au fond (application du droit civil). Mais l'application de la loi laisse
place à de nombreuses difficultés, notamment en ce qui concerne la notion de véhicule, malgré la tendance du juge à
interpréter largement la compétence judiciaire. V. par ex., CE 10 janv 1962, Dame Coppier de Chanrond, D. 1962. 429, pour
les avions militaires ; T. confl. 20 nov. 1961, Dame Kouyoumandjian, D. 1962. 759, pour un chasse-neige ; CE 25 juin 1986,
Mme Curiol, AJDA 1986. 653 pour une charrette à bras 1160. Le Tribunal des conflits a reconnu le caractère de véhicule à un
bac (15 oct. 1973, Gouverneur de la Nouvelle Calédonie, D. 1975. 184, note Moderne), ce qui confirme la compétence
judiciaire pour les dommages causés par les bacs, mais sur une base différente de celle de l'arrêt de principe, dit du Bac
d'Eloka (T. confl. 22 janv. 1924), préc., (v. ss 592).
Pour les interventions les plus récentes : – la loi du 10 mars 2010, instituant un service civique, en confie le contentieux
aux juridictions de l'ordre judiciaire 1161 ; – l'article 7 de la loi du 5 juillet 2011, relative aux droits et à la protection des
personnes faisant l'objet de soins psychiatriques, prévoit que les décisions administratives fondant la mesure de soins sans
consentement relèvent du juge judicaire (AJDA 2011. 1112).
Encore plus significative de l'évolution des idées en la matière, est la loi du 6 juillet 1987 transférant à l'ordre judiciaire
(cour d'appel de Paris) la compétence relative aux décisions du Conseil de la concurrence, organisme administratif créé par
l'ordonnance du 1er décembre 1986, qui avait attribué cette compétence au Conseil d'État. L'ensemble du contentieux de la
concurrence – le droit de la concurrence étant applicable aux personnes publiques – se trouve ainsi unifié 1162.

Sous-section 2. Les règles jurisprudentielles

588 En ce qui concerne les règles jurisprudentielles – mais aussi les règles législatives – le Conseil constitutionnel, dans son
importante décision du 23 janvier 1987, (Conseil de la concurrence, RD publ. 1987. 1341, note Y. Gaudemet ; RFDA 1987.
287, obs. B. Genevois, et 301, obs. L. Favoreu), a donné une véritable définition du contentieux administratif en jugeant que
« conformément à la conception française de la séparation des pouvoirs », il existe un principe fondamental reconnu par les
lois de la République (v. ss 312 et v. ss 624) selon lequel relève de la juridiction administrative « l'annulation et la
réformation des décisions prises, dans l'exercice des prérogatives de puissance publique » par les diverses autorités
administratives. Il s'agit, bien sûr, d'une décision de principe dont les motifs ont été repris dans plusieurs décisions
ultérieures du Conseil constitutionnel.
C'est dans ce cadre que doivent se situer les règles jurisprudentielles procédant à la répartition des contentieux. Mais,
avant de les décrire, il faut rappeler ce qu'a été l'évolution du critère de compétence.
§ 1. L'évolution du critère de compétence

589 A. Le XIXe siècle 1163 ◊ 1o Les textes révolutionnaires qui interdisent au pouvoir judiciaire toute immixtion dans l'action
de l'exécutif reçurent d'abord, de l'administration, une interprétation très large ; elle prétendit soustraire à la compétence
judiciaire tous les litiges dans lesquels elle était intéressée. La résistance des tribunaux, puis la jurisprudence du Conseil
d'État, firent prévaloir des solutions moins radicales.
2o En l'absence, jusqu'à 1872, d'un Tribunal des conflits s'imposant aux deux ordres, ces solutions restent incertaines. Le
Conseil d'État s'attache à la règle dite de l'État débiteur, qu'il déduit de divers textes révolutionnaires, pour réserver à la
compétence administrative tous les litiges tendant à une condamnation pécuniaire de l'État. Parallèlement s'affirme l'idée que
la compétence varie avec la nature des règles en cause : administrative, ou judiciaire, selon que l'administration a entendu
utiliser ses prérogatives ou agir dans le cadre du droit privé. Cette idée inspire la distinction des actes d'autorité, réservés à la
compétence administrative et des actes de gestion, analogues à ceux des particuliers, dont le juge judiciaire connaît sauf
textes contraires. Elle explique également la compétence de principe que se reconnaît le juge judiciaire en ce qui concerne
les collectivités décentralisées, collectivités non souveraines, assimilées par lui aux personnes de droit privé.
3o L'arrêt Blanco (T. confl. 8 févr. 1873, GAJA, no 1) 1164, souvent présenté à tort comme une étape décisive par rapport à
l'état antérieur du droit, apporte néanmoins deux éléments essentiels : l'abandon définitif du critère tiré de la règle de l'État
débiteur, l'affirmation très nette de la liaison entre la compétence administrative et l'application des règles dérogatoires au
droit commun, en ce qui concerne le droit de la responsabilité, qui est l'apport capital de l'arrêt. On a cru y apercevoir
également l'affirmation d'un fondement nouveau pour la compétence administrative, tiré de la notion de service public ; en
réalité, c'est beaucoup plus tard qu'on interprétera en ce sens l'allusion faite par l'arrêt Blanco au service public. Au contraire,
la période qui suit l'arrêt Blanco voit la systématisation, par Laferrière, alors Vice-président du Conseil d'État, de la
distinction des actes d'autorité et des actes de gestion, dont les tribunaux judiciaires s'inspirent d'ailleurs plus fréquemment
que les tribunaux administratifs.

590 B. Le critère du service public ◊


1o Le principe. Étant acquis que la compétence administrative se lie à l'application du droit administratif, il restait à
déterminer un signe moins incertain que la distinction des actes d'autorité et de gestion, auquel le plaideur put reconnaître
que le droit administratif s'appliquait à son litige.
On a esquissé (v. ss 33 s.) l'avènement, en partie sous l'influence de Hauriou 1165, puis le déclin de la notion de service
public en tant que critère de la compétence administrative. Partant de l'idée, exacte dans le cadre de l'État libéral, que l'action
administrative se différencie de celle des particuliers par l'existence et l'activité des services publics poursuivant la
satisfaction de l'intérêt général selon des procédés dérogatoires au droit commun, un certain nombre d'arrêts d'une grande
importance vinrent lier compétence administrative et service public. Le commissaire du gouvernement Romieu, dans l'affaire
Terrier (CE 6 févr. 1903, GAJA, no 11 ; concl. Romieu au Rec. 94), formule ainsi le nouveau principe : « Tout ce qui
concerne l'organisation et le fonctionnement des services publics proprement dits, généraux ou locaux, soit que
l'administration agisse par voie de contrat, soit qu'elle procède par voie d'autorité, constitue une opération administrative
qui est par sa nature de la compétence administrative ». Le principe est adopté par le Tribunal des conflits (29 févr. 1908,
Feutry, Rec. 208) 1166 ; il permet de rattacher à la compétence administrative le contentieux des collectivités locales,
départements (Terrier, préc., et Feutry), et communes (T. confl. 13 avr. 1908, de Fonscolombe, Rec. 448), qui gèrent, tout
comme l'État, des services publics ; il s'applique au contentieux de la responsabilité (Feutry) et au contentieux des contrats
(CE 4 mars 1910, Thérond, GAJA, no 19).
2o L'exception. Le service public est le signe de l'application des « règles propres » qui fondent la compétence
administrative : mais non un signe infaillible. Il peut arriver que l'administration, dans la gestion de ses services, ait entendu
« se maintenir exclusivement sur le terrain des rapports de particulier à particulier, dans les conditions du droit privé »
(Romieu, concl. dans l'affaire Terrier) ; il en est ainsi dans deux cas : soit « en raison de la nature du service qui est en
cause » (gestion du domaine privé), soit « à raison de l'acte qu'il s'agit d'apprécier », pour lequel l'administration a choisi le
procédé de droit privé. Dans ces hypothèses, il y a gestion privée des services publics ; la compétence judiciaire découle
naturellement de l'application du droit privé.
3o Le développement du critère du service public. Le nouveau critère fut bien accueilli par la majeure partie de la
doctrine. L'« École du service public » (Duguit, Jèze, Bonnard, Rolland) crut pouvoir expliquer toutes les particularités du
droit administratif par les nécessités du service public ; elle eut cependant le tort de ne pas prêter une attention suffisante à
l'exception dont s'accompagnait le principe, c'est-à-dire à la gestion privée des services publics, donnant ainsi au principe
une portée plus large que ne le faisait la jurisprudence.
Celle-ci, de son côté, y demeure fidèle, tout au moins dans les formules 1167. Après une courte période d'hésitation, elle a
réaffirmé, dans d'importants arrêts 1168, que la notion de service public garde son rôle de critère de la compétence
administrative : mais ces affirmations ne correspondent que de façon partielle à la réalité. Il faut noter d'ailleurs que les
défenseurs les plus qualifiés de la notion de service public ne situent plus sur le terrain de la compétence l'essentiel de leur
argumentation 1169.

591 C. La crise du critère du service public 1170


◊ Dès l'origine, ce critère que l'on présentait comme général,
appelait une objection ; il ne s'appliquait pas, en effet, au contentieux de l'annulation, où c'est la qualité d'autorité
administrative de l'auteur de l'acte qui décidait seule de la compétence, la notion de service public n'ayant été appelée que
plus tard à jouer, dans ce domaine, un rôle qui demeure d'ailleurs secondaire.
Mais la transformation du rôle et des procédés d'action de l'État a abouti à remettre en cause la valeur du critère ; la crise
se manifeste par trois voies :

592 1o Le développement de la gestion privée ◊ Les hypothèses de gestion privée, exceptionnelles au moment de
l'arrêt Terrier, ont pris une extension considérable. D'une part, les services publics traditionnels recourent fréquemment aux
contrats de droit privé, ce qui élargit le champ de la compétence judiciaire (CE 31 juill. 1912, Sté des granits prophyroïdes
des Vosges, GAJA, no 24). D'autre part et surtout le recul du libéralisme économique a multiplié les services publics à
caractère industriel et commercial, fonctionnant dans des conditions analogues à celles des entreprises privées similaires,
pour l'essentiel sous un régime de droit privé, et que la jurisprudence soumet dès lors à la compétence judiciaire 1171 (T. confl.
22 janv. 1921, Sté Commerciale de l'Ouest africain, affaire dite du Bac d'Eloka, GAJA, no 35) (v. ss 400). Il résulte de ce
double mouvement que le rattachement d'un litige au service public ne suffit plus à trancher le problème de la compétence ;
la nature du service – administratif ou économique –, le régime de l'acte, sont seuls décisifs.
Le Tribunal des conflits avait paru, un moment, vouloir étendre la solution retenue pour les services industriels et
commerciaux aux services sociaux 1172 et les soumettre en principe à la compétence judiciaire, du moins lorsqu'ils ne
présentent aucune particularité les distinguant des organismes privés similaires (22 janv. 1955, Naliato, D. 1956. 58). Mais la
jurisprudence ultérieure n'a pas confirmé cette orientation (CE 17 avr. 1964, Cne d'Arcueil, AJDA 1964. 305 ; T. confl. 2 avr.
1973, Préfet de Paris, D. 1973. J. 768, note Moderne). Le Tribunal des conflits (4 juill. 1983, Gambini, RD publ.
1983. 1381, note J.-M. Auby) l'a abandonnée, et les services publics sociaux, d'ailleurs difficiles à délimiter avec précision,
sont soumis, quant à la compétence, aux mêmes règles que les services publics administratifs.

593 2o Incertitudes sur la définition du service public ◊ La notion de service public s'est estompée. Dans la
pratique la plus fréquente de l'État libéral, trois éléments se trouvaient réunis dans le service public : un organisme
administratif, une activité d'intérêt général, un régime juridique dérogatoire au droit commun. Or, ces trois éléments sont
allés en se dissociant (v. ss 387) : il est devenu fréquent qu'une activité d'intérêt général (service public au sens fonctionnel,
ou encore mission de service public) soit exercée par un organisme de droit privé, sous un régime mélangeant droit privé et
droit public, ou encore (cas des services économiques) qu'un organisme public (service public au sens organique) se trouve
placé en principe sous un régime de droit privé. Dans ces conditions, il est devenu très difficile, et très arbitraire, de dire ce
qui est ou ce qui n'est pas service public ; la réponse varie selon qu'on se place au point de vue de la nature de l'organe, ou au
point de vue de sa mission, ou encore au point de vue du régime juridique applicable.
Ce dernier point de vue est aujourd'hui prédominant dans la jurisprudence pour la détermination de la compétence ; c'est
le fait qu'une activité est soumise à un régime de service public, c'est-à-dire à certaines règles dérogatoires au droit commun,
qui rattache son contentieux à la compétence administrative. Mais ainsi entendu, la notion de service public perd le rôle de
signe concret de l'application du droit administratif qui avait fait sa fortune ; loin d'épargner au plaideur la difficile analyse
du régime applicable à son litige, elle vient en conclusion de cette analyse, ce qui en diminue l'utilité.

594 3o Les hésitations de la jurisprudence ◊ On a déjà signalé les arrêts qui tendent à restaurer dans sa fonction de
critère de compétence la notion de service public 1173.
Mais, d'une part, certains des commentateurs les plus autorisés de cette jurisprudence, et les plus respectueux de la pensée
du Conseil d'État, ne dissimulent pas l'incertitude qui pèse sur la notion 1174, que n'ont pas dissipée les efforts jurisprudentiels
qui ont essayé de la préciser (CE 28 juin 1963, Narcy, RD publ. 1963. 1188) et dont témoigne, par exemple, la
reconnaissance du caractère de service public à l'organisation des compétitions par les Fédérations sportives (CE 22 nov.
1974, Fédération des industries du sport, JCP 1975. I. no 2724). Dans la mesure où ces tentatives font intervenir, parmi les
caractéristiques essentielles du service public, « l'existence de prérogatives de puissance publique » 1175, elles privent la
notion d'une grande partie de sa valeur propre. Toutefois, on l'a vu (v. ss 286), le Conseil d'État a bien souligné, dans l'arrêt
APREI, qu'il pouvait y avoir mission de service public alors que l'organisme en cause ne dispose pas de prérogatives de
puissance publique.
D'autre part, la jurisprudence a fait parfois place à d'autres formules, reflétant des tendances différentes. Certains arrêts se
fondent sur la nature publique ou privée des rapports juridiques qui font l'objet du litige 1176 (CE 23 janv. 1953, Audouin,
JCP 1954. II. no 7916, note Vedel ; cf. aussi v. ss 400 pour les rapports contractuels des services industriels et commerciaux
avec leurs usagers). Mais un arrêt est venu infirmer cette tendance, en statuant sur une décision relative à une situation de
droit privé, au motif qu'elle émanait d'une autorité administrative exerçant une mission de service public administratif (CE
13 juill. 1967, Allegretto, AJDA 1967. 538). D'autres arrêts se réfèrent à la nature des règles applicables (T. confl. 26 mai
1954, Moritz, JCP 1954. II. no 8334, note Vedel). On a également défendu, devant le Conseil d'État, la politique pragmatique
dite des blocs de compétence (concl. Mosset sous CE 5 févr. 1954, El Hamidia, JCP 1954. II. no 8136) qui, dans un louable
souci de simplification, tenta, sans d'ailleurs y parvenir, d'unifier tout le contentieux d'une même matière au profit de l'un des
deux ordres (par ex. : le contentieux de la Sécurité sociale aux tribunaux judiciaires) (v. ss 584-585). Enfin, la notion de
prérogatives de puissance publique considérée tantôt isolément (T. confl. 10 juill. 1965, Sté Bourgogne-Bois, Rec. 586 ; CE
24 juin 1960, Dubonnet, D. 1960. 631 ; CE 15 févr. 1961, Werquin, D. 1961. 611) 1177, tantôt en relation avec la notion de
service public (CE 13 oct. 1978, ADASEA du Rhône, D. 1979. 249, note Amselek et J. Waline ; T. confl. 6 nov. 1978,
Bernardi, AJDA 1979, no 1, p. 35) est de plus en plus souvent mise en avant comme critère de compétence 1178.

595 4o Dans le même sens, on a vu (v. ss 588) que l'importante décision du Conseil constitutionnel du 23 janvier 1987 se réfère à
« l'exercice des prérogatives de puissance publique » pour donner une base constitutionnelle à la compétence, et partant à
l'existence même de la juridiction administrative. Certes, la décision ne vise expressément que le contentieux de l'annulation.
Mais, dans la mesure où « les décisions prises dans l'exercice des prérogatives de puissance publique » peuvent être
contestées dans le cadre du contentieux de pleine juridiction, on peut se demander si la formule du Conseil constitutionnel
n'a pas une portée générale, d'autant plus que le Conseil ne fait aucune référence à la notion de service public pour fonder la
compétence du juge administratif 1179.

596 5o Au terme de cette évolution, la notion de service public ne paraît plus jouer d'autre rôle que celui d'une simple
présomption de compétence, d'ailleurs inverse selon qu'il s'agit de services publics administratifs (compétence
administrative) ou de services industriels et commerciaux (compétence judiciaire), et toujours susceptible de tomber si
l'examen de l'acte litigieux révèle, soit que le service administratif a recouru à un procédé de droit commun (compétence
judiciaire), soit que le service industriel et commercial a agi dans le cadre du droit administratif (compétence administrative).
On peut trouver un bon exemple de ce recours limité à la notion de service public en tant que présomption dans l'arrêt du
Conseil d'État du 13 janv. 1961, Magnier (RD publ. 1961. 155, concl. Fournier) : ayant établi que l'activité en cause avait le
caractère d'un service public administratif, l'arrêt ne s'estime pas dispensé pour autant de procéder, avant de résoudre la
question de compétence, à l'analyse de l'acte litigieux : c'est son caractère de « décision unilatérale s'imposant aux
intéressés », ou, selon le commissaire du gouvernement, d'acte manifestant « des prérogatives de puissance publique » qui en
fait un acte administratif relevant de la compétence administrative ; la démarche du juge est analogue dans les arrêts
Bourguet (T. confl. 20 nov. 1961, D. 1962. 389, à propos d'un centre anticancéreux) et Chevassier (CE 4 avr. 1962, D. 1962.
327). Dans le même sens, l'arrêt Fédération des industries du sport, précité, relève successivement, pour conclure au
caractère administratif de la décision attaquée, que les fédérations sportives, bien que personnes morales de droit privé,
« exécutent un service public administratif » et qu'elles font usage « de prérogatives de puissance publique ». Les deux
notions sont donc étroitement associées. Il arrive même que la seconde soit préférée à la première : le Tribunal des conflits a
jugé que la responsabilité d'une personne privée chargée d'une mission de service public relevait de la compétence judiciaire,
dès lors que cette mission ne s'accompagnait d'aucune prérogative de puissance publique (T. confl. 22 avr. 1980,
Mme Girinon, AJDA 1981. 158, note Y. Brard).
Une partie de la doctrine se détache donc d'un critère qui, bien qu'affirmé par la jurisprudence, ne rend plus compte à lui
seul des solutions qu'elle-même consacre 1180. Ces solutions sont d'ailleurs complexes et incertaines. Le schéma qu'on va en
donner, pas plus qu'aucune autre des systématisations proposées par les auteurs, ne saurait porter remède à ce défaut majeur
du système français qu'est aujourd'hui l'hésitation du plaideur quant au choix de son juge.

597 6o À tous ces éléments de crise se surajoute la remise en cause de la notion même de service public par le droit
communautaire (v. ss 405).

§ 2. Le système actuel de répartition des compétences


Toute analyse de la répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction nécessite l'examen, tout à la fois, de la
jurisprudence des juridictions judiciaires, des juridictions administratives ainsi que celle du Tribunal des conflits. Pour
délimiter la compétence de la juridiction administrative, sur cette base, on peut formuler un certain nombre de règles dont,
heureusement, plusieurs de celles-ci sont tout simplement, et quand même, des règles de bon sens.

598 A. Le litige doit mettre en cause une personne publique française ◊ Il va de soi que le juge
administratif français ne saurait connaître de l'activité d'une autorité administrative non française, soit pour annuler ses actes,
soit pour mettre en jeu sa responsabilité. L'application du principe ne soulève de difficultés que lorsqu'il peut y avoir doute
sur le caractère français ou étranger de l'autorité considérée : autorité française agissant exceptionnellement pour le compte
d'un État étranger ou d'un organisme international, ou encore autorités étrangères établies en France. À la première
hypothèse se rattachent les cas du Président de la République agissant en qualité de Co-prince des Vallées d'Andorre, qualité
confirmée par la Constitution andorrane de 1993, (CE 1er déc. 1933, Sté Le Nickel, S. 1935. III. 1), du Commandant en chef
des forces françaises en Allemagne après 1945 agissant pour le compte de l'ensemble des forces alliées (CE 21 nov. 1952,
Association du monument Mangin, Rec. 521). La seconde hypothèse s'est réalisée durant l'occupation de la France par les
forces allemandes (CE 7 sept. 1945, Cie La Paternelle, Rec. 189) 1181 ; pour les dommages causés par les forces alliées
stationnées en France après le débarquement de 1944, la compétence du juge français résultait de conventions internationales
qui ont substitué l'État français à l'État intéressé dans les relations avec la victime. Ces observations ne peuvent pas
concerner les autorités européennes qui, de ce point de vue, ne peuvent pas être considérées comme des « autorités
étrangères ».

599 B. Les litiges entre particuliers ne relèvent pas, en principe, de la compétence


administrative ◊ Le juge administratif n'est pas compétent pour connaître des litiges entre personnes privées ; ces litiges,
normalement, relèvent des tribunaux judiciaires.
Les exceptions sont peu nombreuses : litiges entre la Banque de France, alors qu'elle était une société anonyme, et ses
agents (décr. 31 déc. 1936, art. 95) 1182, litiges entre le concessionnaire d'une mine et l'inventeur, c'est-à-dire la personne qui
l'a découverte, à propos de l'indemnité qui lui est due (C. min., art. 25), et surtout actions dirigées par des particuliers contre
les entrepreneurs ou concessionnaires de travaux publics en raison des dommages causés par ces travaux ; cf. aussi, en
matière de contrats administratifs exceptionnellement conclus entre particuliers, v. ss 464.
L'application de la règle ne soulève de difficulté que dans le cas des personnes morales dont le caractère privé ou public
n'est pas a priori évident, et doit être précisé pour résoudre le problème de la compétence. C'est le cas, notamment, des
personnes morales professionnelles, dont la nature publique ou privée n'a été précisée ni par le texte qui les a créées, ni par la
jurisprudence : ceux de leurs litiges avec des particuliers qui se rattachent à la gestion du service dont elles ont la charge et
mettent en jeu l'application du droit administratif relèvent du juge administratif (CE 31 juill. 1942, Montpeurt ; 2 avr. 1943,
Bouguen, v. ss 282). Quant aux actions dirigées contre des personnes privées gérant un service public administratif, elles
relèvent de la compétence judiciaire, sauf si elles se rattachent à la mise en œuvre par ces personnes des prérogatives de
puissance publique qui ont pu leur être conférées (CE 13 oct. 1978, Association départementale pour l'aménagement des
structures des exploitations agricoles du Rhône, D. 1979. 249, note Amselek et J. Waline ; T. confl. 6 nov. 1978, Bernardi,
AJDA 1979, no 1, p. 35).

600 C. Les litiges concernant les activités législatives et les rapports de l'exécutif avec le
Parlement échappent au juge administratif ◊ Juge de l'exécutif, le juge administratif n'a pas compétence, en
principe, pour les litiges qui peuvent naître de l'action du Parlement, organe du pouvoir législatif. Mais le principe a subi des
restrictions importantes (v. ss 429).
1o Les actes législatifs, c'est-à-dire les lois au sens formel, échappaient, traditionnellement, à tout recours, aussi bien
devant le juge administratif que devant le juge judiciaire. Mais désormais le Conseil constitutionnel, saisi sur la base de
l'article 61 de la Constitution entre le vote et la promulgation, ou saisi par le Conseil d'État ou la Cour de cassation d'une
question prioritaire de constitutionnalité (v. ss 352) peut en sanctionner l'inconstitutionnalité. La règle a été réaffirmée par le
Conseil d'État à propos du contentieux des élections à l'Assemblée européenne (22 oct. 1979, Union démocratique du
travail, AJDA 1980, no 1, p. 40). Rappelons également que le Conseil d'État se refusait à vérifier la conformité d'une loi à la
Constitution (v. ss 351) ce qu'il devra désormais faire saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité. Par ailleurs, le
juge administratif aussi bien que le juge judicaire vérifie la conformité des lois aux traités internationaux (v. ss 325). Enfin,
la juridiction administrative connaît des actions en réparation des dommages causés par la loi, dans les cas assez
exceptionnels où cette réparation est possible (v. ss 547).
2o L'immunité de juridiction bénéficie à tous les actes qui concourent directement à l'élaboration de la loi, qu'ils émanent
des assemblées ou de leurs organes (commissions parlementaires, président et bureau des assemblées).
3o Elle s'étendait également à tous les actes des services administratifs des assemblées, à l'exception des contrats relatifs
aux fournitures ou travaux nécessaires à leur fonctionnement, pour lesquels le Conseil d'État tendait à retenir sa compétence
(26 janv. 1934, Ronsin, Rec. 137). Mais l'ordonnance no 58-1100 du 17 novembre 1958, article 8, a renversé la règle : le juge
administratif est désormais compétent pour tous les litiges individuels concernant les agents des assemblées (recours en
annulation et en indemnité) 1183 ; il partage avec le juge judiciaire, selon les règles applicables à l'activité de l'administration,
la connaissance des actions en réparation des dommages causés par les services administratifs des assemblées 1184. Par
ailleurs (v. ss 464) le Conseil d'État a admis la compétence de la juridiction administrative pour connaître des marchés
conclus par les assemblées parlementaires, (CE, Ass., 5 mars 1999, Pdt de l'Assemblée nationale, GAJA, no 97).
Le Conseil d'État a décliné sa compétence pour connaître d'un litige relatif au régime des pensions des parlementaires
estimant, contrairement au Commissaire du Gouvernement, que la question n'était pas détachable du mandat de député : CE
4 juillet 2003, M. Papon, AJDA 2003. 1603 ; RFDA 2003. 917, concl. L. Vallée. De même, le juge des référés du Conseil
d'État a décliné sa compétence pour connaître d'une sanction infligée par le Bureau de l'Assemblée nationale à un député :
CE, Ord. Réf., 28 mars 2011, Gremetz, D. 2011. 1540, note O. Renaudie.
4o La fonction législative ne s'exerce pas que par le seul Parlement ; l'exécutif participe de façon active tant au
fonctionnement des assemblées (organisation des élections, convocation et clôture des sessions) qu'à l'élaboration de la loi
(dépôt de projets de loi, interventions au cours de la procédure législative). Bien qu'elles émanent du pouvoir exécutif, ces
décisions sont considérées par le Conseil d'État, étant donné leur connexité avec l'activité parlementaire, comme échappant à
sa compétence (8 juin 1951, Hirschowitz, S. 1951. III. 74, pour les actes se rattachant aux opérations électorales ; 9 mai
1951, Mutuelle nationale des étudiants, Rec. 253, pour l'exercice de l'initiative gouvernementale) ; la règle a même été
étendue aux décrets réglementant les élections législatives (CE 2 nov. 1951, Tixier, note Vedel au JCP 1952. II. no 6810). Ces
solutions, on l'a vu (v. ss 368), se rattachent à la notion d'acte de gouvernement. Pour le décret convoquant les électeurs pour
l'élection de l'Assemblée nationale, v. : CE 3 juin 1981, Delmas, RD publ. 1982. 186, concl. Labetoulle, et Cons. const.
11 juin 1981, RD publ. 1981. 1347, note L. Favoreu.
5o Des principes plus souples inspirent les solutions relatives aux actes par lesquels l'exécutif participe à l'exercice direct
du pouvoir législatif par le peuple. Les décisions gouvernementales constituant le préliminaire d'un référendum ne peuvent,
après que celui-ci a abouti à l'adoption de la loi proposée au suffrage populaire, être déférées au juge, ce qui mettrait en
question la validité de cette loi (CE 27 oct. 1961, Le Regroupement national, D. 1962. 23). Par contre, le juge se
reconnaissait le pouvoir de statuer sur la légalité de ces mesures s'il était saisi et pouvait statuer avant le référendum (CE
19 oct. 1962, Brocas, D. 1962. 701). Mais le Conseil constitutionnel ayant admis sa compétence pour connaître des décrets
organisant un référendum (Cons. const. 25 juill. 2000, M. Hauchemaille, p. 117 ; 23 août 2000, Hauchemaille et
Larrouturou, p. 134 et 137), le Conseil d'État, afin d'éviter tout chevauchement de compétence avec le Conseil
constitutionnel, a décidé qu'il n'avait plus compétence pour connaître de ces décrets : CE, Ass., 1er sept. 2000, Larrouturou et
autres, RFDA 2000. 989, concl. Savoie ; AJDA 2000, chron. JP. 803.

601 D. Les litiges relatifs à l'exercice de la justice judiciaire ne sont pas de la compétence de la
juridiction administrative 1185 ◊ L'exécutif est entièrement exclu, en vertu de la séparation des pouvoirs, de l'exercice
de la justice civile et répressive ; mais l'organisation des services judiciaires incombe, dans une large mesure, au
gouvernement ; d'où, en ce qui concerne la compétence du juge administratif en cette matière, les distinctions suivantes :

602 1o Organisation des services judiciaires ◊ Le juge administratif est en principe compétent pour toutes les
mesures d'organisation prises par l'exécutif. La règle s'applique à la création et à la suppression des juridictions (v. à propos
de la réforme de la carte judiciaire : CE 19 févr. 2010, 4 arrêts, AJDA 2010. 357), à la suspension de leur activité (T. confl.
27 nov. 1952, Préfet de la Guyane, GAJA, no 64 ; note Vedel au JCP 1953. II. no 7598) ; elle s'applique aussi à la carrière et à
la discipline des magistrats (CE 31 janv. 1975, Exertier et Volff, sur la notation par les chefs hiérarchiques, RD publ. 1975.
821), même lorsque la décision émane du Conseil supérieur de la Magistrature (CE 17 avr. 1953, Falco et Vidaillac) 1186, et –
solution encore plus discutable – lorsqu'il statue en tant que juridiction disciplinaire des magistrats, le Conseil d'État étant
alors juge de cassation (CE 12 juill. 1969, L'Étang, Notes Waline, Tome 1, no 2). La compétence administrative s'arrête
lorsque la décision émane d'une autorité judiciaire, soit en matière d'organisation (CE 4 août 1913, Magnaud, p. 987 ; CE
23 juill. 2010, Syndicat de la Magistrature, RD publ. 2011. 556, chron. H. Pauliat, pour l'ordonnance prise par un Premier
Président de cour d'appel répartissant les magistrats entre les différentes Chambres de la Cour), soit en matière disciplinaire
(sanction prise par un procureur général). Il en était de même lorsqu'une mesure disciplinaire, même prise par une autorité
administrative, repose sur des motifs dont l'examen impliquerait une immixtion dans le fonctionnement de la justice (CE
26 juin 1953, Dorly, S. 1954. III. 1). Mais le Conseil d'État a abandonné cette solution (14 mars 1975, Rousseau, Rec. 194),
et étend de plus en plus largement sa compétence à l'égard des magistrats (en ce sens : CE 5 nov. 1976, Lyon-Caen, AJDA,
1977. 54). Le Conseil d'État s'est reconnu compétent pour connaître d'un avertissement infligé à un magistrat judiciaire : CE
13 juill. 2012, AJDA 2012. 2359.
Le moins que l'on puisse dire est que cette distinction entre organisation et fonctionnement du service public de la justice,
à l'examen de la jurisprudence que l'on vient d'examiner, apparaît assez insaisissable. Cela ne donne que plus d'importance à
la décision par laquelle le Tribunal des conflits s'est efforcé de lever toute ambiguïté en la matière : TC 12 octobre 2015,
M. Hoareau, AJDA 2015. 2370, chr. Dutheillet de Lamothe et Odinet. Pour le Tribunal des conflits, ce n'est qu'en excluant
toute ingérence dans le procès judiciaire que la compétence du juge administratif peut être retenue.
Le Premier Président de la Cour de cassation n'a pas hésité à poser la question : le Conseil d'État doit-il rester le juge de
l'autorité judicaire? (AJDA 2015. 2464).

603 2o Fonctionnement des services judiciaires ◊ Le juge administratif, sur ce point, affirme son incompétence de
principe (CE 13 juill. 1961, Jobard, D. 1962. 275). L'application de la règle comporte cependant quelques nuances :
1o L'incompétence de la juridiction administrative est totale en ce qui concerne les jugements, les décisions non
juridictionnelles, les mesures d'instruction (T. confl. 6 juin 2011, Dépt. de l'Essonne, Rec. 688).
2o En ce qui concerne l'exécution des décisions de justice, l'incompétence s'étend à toutes les mesures relatives à
l'exécution des peines (CE 9 févr. 2001, Malbeau, RFDA 2002. 598 ; CE 23 nov. 2005, M. Monne, AJDA 2006. 277 ; CE
15 avr. 2011, Garde des Sceaux, AJDA 2011. 821, pour le refus par un juge d'instruction d'un permis de visite), ainsi qu'aux
décisions prises par le Président de la République dans l'exercice du droit de grâce (CE 28 mars 1947, Gombert, S. 1947.
III. 89) 1187. Mais les décisions individuelles d'amnistie, bien que consécutives au prononcé d'une peine, demeurent des actes
administratifs susceptibles de recours (CE 24 nov. 1961, Électricité de Strasbourg, RD publ. 1962. 339). La compétence est
également celle des juridictions administratives pour les litiges relatifs à la rémunération des détenus : T. confl. 14 oct. 2013,
AJDA 2013. 2321. D'autre part, le juge administratif est compétent pour les actions nées du refus de l'exécutif de prêter
main-forte à l'exécution des jugements, alors qu'il en a l'obligation légale (v. ss 521).
3o La police judiciaire, qui, par opposition à la police administrative, essentiellement préventive, tend à préparer la
répression pénale, et relève de l'autorité judiciaire, échappe à la compétence du juge administratif. La distinction des activités
relevant de l'une et de l'autre police est parfois délicate à faire en pratique (cf. v. ss 374, et concl. Delvolvé sous CE 11 mai
1951, Baud., S. 1952. III. 13).
4o Les décrets d'extradition sont précédés d'un avis donné par la Chambre d'instruction de la Cour d'appel sur le point de
savoir si les conditions légales qui autorisent la mesure sont remplies. Le Conseil d'État a longtemps rejeté les recours
formés contre ces décrets, considérés comme actes de gouvernement. Puis, après avoir admis la recevabilité du recours, il se
déclarait incompétent pour vérifier le bien-fondé des appréciations portées par la Chambre d'instruction. Il accepte désormais
d'en connaître (24 juin 1977, Astudillo Calleja, AJDA 1977. 490 ; 7 juill. 1978, Croissant, AJDA 1978. 579) ; même lorsque
le recours contre le refus de la demande émane du gouvernement étranger qui l'avait présentée (CE 15 oct. 1993,
Gouvernement de Grande-Bretagne, Rec. 268).

604 E. Les litiges concernant l'exercice de la puissance publique ou la gestion publique d'un
service public relèvent de la juridiction administrative ◊ Il s'agit de la clause générale de compétence qui,
on le notera, fait référence tout à la fois à la notion de puissance publique et à celle de service public. Elle s'applique tant en
ce qui concerne les décisions exécutoires que les contrats.
1o Les décisions exécutoires. On l'a vu (v. ss 425), si la décision exécutoire émane le plus souvent de l'autorité
administrative, elle peut également être l'œuvre d'un organe de droit privé.
a) Tous les litiges relatifs à une décision exécutoire d'une autorité administrative relèvent, en principe, de la compétence
administrative. Mais ce principe comporte deux restrictions :
– les actes relatifs à la gestion du domaine privé relèvent normalement de la compétence judiciaire ;
– si la décision vient régler une situation individuelle relevant du droit privé ; c'est principalement le cas en matière de
sécurité sociale et d'allocations familiales : les qualités d'assuré social, d'allocataire, sont considérées comme des situations
de droit privé (CE 5 févr. 1954, El Hamidia, Rec. 77 ; cf. toutefois : CE 13 juill. 1967, Allegretto, préc.).
Ces considérations jouent lorsque la décision est une décision individuelle. Pour les règlements, même relatifs à la gestion
du domaine privé ou à des « situations de droit privé » la compétence est administrative.
b) Les décisions exécutoires n'émanant pas d'une autorité administrative. Si la décision émane d'un organisme qui ne
possède pas le caractère d'autorité administrative, ce qui est le cas, par exemple, des organismes professionnels, des
organismes directeurs de sociétés privées gérant un service public (T. confl. 15 janv. 1968, Air-France c/ Époux Barbier, RD
publ. 1968. 393 ; CE 30 juin 2004, Cie nat. Air-France AJDA 2004. 1723), des fédérations sportives (v. ss 428), le juge fait
alors appel au critère matériel du service public complété par la notion de prérogatives de puissance publique (v. ss 428) :
l'acte litigieux relève de la compétence administrative lorsqu'il intervient pour l'exécution du service dont l'organisme
considéré a la charge, et met en œuvre les prérogatives qui lui ont été conférées (v. par ex. : T. confl. 1er juillet 2002, Préfet
de la Manche c/ Assoc. Manche Nature, RFDA 2003. 411 ; T. confl. 23 juin 2003, Sté Gan Eurocourtage c/ Sté Cars
Loridant et M. Delanoy, AJDA 2003. 1790).
2o Les contrats. On a vu (v. ss 464) comment les notions de service public et de clauses exorbitantes du droit commun
intervenaient dans la distinction des contrats administratifs et des contrats de droit privé de l'Administration. La distinction
commande la compétence juridictionnelle, les contrats administratifs relèvent de la compétence administrative et les contrats
de droit privé de la compétence judiciaire.
3o Les services publics industriels et commerciaux. Il faut rappeler (v. ss 400) que les services publics industriels et
commerciaux se rangent dans la catégorie des services publics à gestion privée. Leur contentieux relève donc, par principe,
des juridictions judiciaires (T. confl. 22 janv. 1921, Colonie de la Côte d'Ivoire – dit du Bac d'Eloka –, S. 1924. 3. 34, concl.
Matter). Par exemple, relèvent du juge judiciaire, les relations du service avec les usagers (CE, Sect., 3 oct. 2003, M. Peyron,
AJDA 2003. 1848). Les litiges nés de l'activité d'un EPIC relèvent de la compétence judiciaire « à l'exception de ceux relatifs
à celles des compétences qui, telles la réglementation, la police ou le contrôle, ressortissent par leur nature à des prérogatives
de puissance publique » : T. confl. 12 déc. 2005, EURL Croisières lorraines « La Bergamote »/VNF, Rec. 671. D'autre part,
ces services peuvent conclure des contrats qui relèvent de la juridiction administrative et le personnel dirigeant et comptable,
ayant la qualité de fonctionnaire, relève de la juridiction administrative (CE 26 janv. 1923, de Robert Lafregeyre, RD publ.
1923. 237, concl. Rivet ; CE 8 mars 1957, Jalenques de Labeau, D. 1957. 378, concl. Mosset, note de Laubadère).

605 F. L'annulation ou l'appréciation de légalité des actes administratifs relèvent du juge


administratif ◊
1o Par voie d'action. Lorsque l'annulation d'un acte administratif est demandée par voie d'action – c'est-à-dire que l'objet
même de la demande en justice est d'obtenir cette annulation – il n'y a aucun problème. On applique le principe de séparation
et il n'appartient qu'aux seules juridictions administratives de prononcer l'annulation d'un acte administratif.
2o Par voie d'exception. Mais le problème de la légalité d'un acte administratif peut se poser devant le juge judiciaire par
voie d'exception. Par exemple, un particulier, poursuivi devant le juge répressif pour désobéissance à un règlement, invoque
pour sa défense l'illégalité de ce règlement. Cette question, qui commande la décision du juge, relèverait en principe de la
compétence administrative 1188. Comment résoudre la difficulté ?
Dans ces hypothèses, deux solutions sont possibles. Le juge compétent au principal peut être autorisé à trancher,
exceptionnellement, la question accessoire, en application du principe : le juge de l'action est juge de l'exception. En sens
inverse, on peut faire prévaloir le principe de la séparation des pouvoirs, et obliger le juge à surseoir à statuer, en renvoyant
la question préalable à la juridiction normalement compétente pour la trancher. La première solution sacrifie les règles de la
séparation ; mais la seconde sacrifie l'intérêt des plaideurs, en retardant, par le jeu du renvoi, le cours de la justice. On
appelle question préalable la question accessoire que le juge de l'action peut trancher lui-même, question préjudicielle celle
qui doit être soumise à l'autre ordre de juridiction. 1189
Le décret du 27 février 2015 crée un article R. 771-2 CJA selon lequel : « Lorsque la solution d'un litige dépend d'une
question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction judiciaire, la juridiction
administrative initialement saisie la transmet à la juridiction judiciaire compétente. Elle sursoit à statuer jusqu'à la décision
sur la question préjudicielle ». Mais cette obligation est dépourvue de sanctions. Encore faut-il, pour qu'il y ait question
préjudicielle, que la difficulté soit sérieuse ; si la réponse à la question est simple il n'y a pas lieu à question préjudicielle 1190.
Ceci est formulé très clairement dans l'arrêt Fed. Sud Santé Sociaux (CE Sect., 23 mars 2012, Rec. 102, concl. Cl. Landais)
qui, après avoir rappelé que, lorsqu'une contestation sérieuse s'élève sur un problème relevant de la juridiction juciciaire, il y
a question préjudicielle, ajoute : « toutefois, eu égard à l'exigence de bonne administration de la justice et aux principes
généraux qui gouvernent le fonctionnement des juridictions, en vertu desquels tout justiciable a droit à ce que sa demande
soit jugée dans un délai raisonnable, il en va autrement s'il apparaît manifestement, au vu d'une jurisprudence établie, que la
contestation peut être accueillie par le juge saisi au principal » 1191 Ce même arrêt précise qu'au cas de difficulté
d'interprétation d'une norme communautaire le juge doit pouvoir en saisir la CJUE à titre préjudiciel.
Devant le juge judiciaire, le principe est que, en application du principe de séparation, le juge doit renvoyer à
l'appréciation de la juridiction administrative la question de la légalité de l'acte administratif qui se pose devant lui et dont la
réponse commande le jugement de l'affaire 1192. Le principe a été formulé par l'arrêt Septfonds (T. confl. 16 juin 1923,
D. 1924. 3. 41, concl. Matter) qui affirme qu'il n'appartient qu'à la juridiction administrative de contrôler la légalité d'un
acte administratif.
Mais ce principe connaissait traditionnellement une double exception, et, dans deux arrêts assez récents, le Tribunal des
conflits a, tout à la fois, sérieusement nuancé son application et apporté une nouvelle dérogation.
a) Le juge civil, en sa qualité de gardien de la propriété privée et des libertés individuelles, a compétence pour apprécier
lui-même la légalité des mesures portant une atteinte grave à celles-ci (v. ss 607). On veut ainsi éviter que l'Administration
s'autorise elle-même à porter atteinte à ces libertés, cherchant ainsi à couvrir d'avance ses voies de fait (v. ss 609) : T. confl.
30 oct. 1947, Barinstein, Notes Waline, Tome 1, no 14 ; Civ. 15 janv. 1975, D. 1975. 1. 671.
b) L'autre cas concerne les juridictions répressives 1193. À l'inverse de ce qui se passe devant les juridictions non
répressives, le principe de la séparation fléchit devant la règle « le juge de l'action est juge de l'exception ». La nécessité de
ne pas retarder l'exercice de la répression pénale, dans l'intérêt tant des prévenus que de la société, conduit à considérer
comme préalables la plupart des questions accessoires, et à reconnaître la plénitude de juridiction du juge pénal sur tous les
points d'où dépend l'application des peines. Les solutions actuelles résultent de l'arrêt Avranches et Desmarets, du 5 juillet
1951 (note Auby au S. 1953. III. 1), dans lequel le Tribunal des conflits a élargi les règles déduites antérieurement de
l'article 471-15 du Code pénal (puis art. R. 26-l5o et actuellement art. R. 610-5).
Le juge répressif peut et doit apprécier la légalité de tous les règlements, soit que le texte serve de fondement à la
poursuite, soit qu'il soit invoqué comme moyen de défense. La solution, avant l'arrêt Avranches, s'appliquait aux seuls
règlements de police, en vertu de l'ancien article 471-15o du Code pénal.
La Chambre criminelle de la Cour de cassation avait remis en cause ces solutions. Elle distinguait selon que l'acte
administratif sert de base à la poursuite, ou est invoqué par le prévenu comme moyen de défense. Au premier cas, elle
affirmait la compétence du juge répressif pour apprécier la légalité, mais non pour interpréter l'acte individuel ; au second,
elle décidait qu'il y a question préjudicielle pour l'appréciation de la légalité, que l'acte soit individuel ou réglementaire
(Crim. 1er juin 1967, JCP 1968, no 15105). Le nouveau Code pénal a mis fin à cette jurisprudence qui ajoutait un élément de
complexité supplémentaire au partage des compétences entre les deux ordres : le juge répressif est désormais compétent pour
interpréter et apprécier la légalité des actes administratifs tant individuels que réglementaires lorsque la solution du procès en
dépend (C. pén., art. 111-5).
c) Le Tribunal des conflits, dans deux arrêts assez récents (T. confl. 17 oct. 2011, SCEA du Chéneau/INAPORC et
M.C./CNIEL ; Syndicat d'exploitants agricoles du canton de Riez et de Moustiers, GAJA no 113 ; AJDA 2012. 27, chron.
Guyomar et Domino) 1194 remet tout d'abord en cause le caractère systématique du renvoi préjudiciel par le juge judicaire.
En effet, il n'y a pas de renvoi « lorsqu'il apparaît manifestement, au vu d'une jurisprudence établie, que la contestation peut
être accueillie par le juge saisi au principal ». Autrement dit, si le juge peut s'appuyer sur une jurisprudence établie en ce qui
concerne la légalité de l'acte il peut se prononcer lui-même sur celle-ci. Reste encore à savoir ce qu'est exactement « une
jurisprudence établie » ? Mais le plus important est la véritable dérogation à la jurisprudence Septfonds qu'apportent ces deux
arrêts. En effet, invoquant « la bonne administration de la justice » et le droit qu'a tout justiciable à ce que son affaire soit
jugée dans un délai raisonnable, le Tribunal des conflits décide qu'il n'y a plus de renvoi préjudiciel lorsque le droit de
l'Union européenne est en cause. Le juge judiciaire peut alors, le cas échéant, saisir lui-même la CJUE à titre préjudiciel en
cas de difficulté d'interprétation d'une norme ou, s'il s'estime en état de le faire, appliquer tout simplement le droit de l'Union.
On le voit, il y a donc bien une dérogation importante aux principes traditionnels et, une fois de plus, cela se déroule sur
l'autel du droit communautaire !

606 G. Seule la juridiction administrative peut interpréter les actes non-réglementaires et les
contrats ◊ Sans que se pose le problème de la légalité d'un acte administratif, le juge judiciaire peut être confronté à un
problème d'interprétation de ce dernier. Le juge judiciaire peut-il procéder lui-même à cette interprétation ? La réponse a été
donnée par l'arrêt Septfonds (T. confl. 16 juin 1923, D. 1924. 3. 41, concl. Matter) : le juge judiciaire peut interpréter lui-
même les actes réglementaires mais seules les juridictions administratives peuvent interpréter les actes non-réglementaires et
les contrats administratifs. L'explication en est fort simple : le juge judiciaire a l'obligation d'interpréter la loi (aux termes de
l'article 4 du Code civil il ne peut pas invoquer l'obscurité de la loi pour refuser de statuer) ; or, on l'a vu, les règlements sont
de véritables lois matérielles. 1195

607 H. Le juge judiciaire est le gardien de la propriété privée et des libertés individuelles ◊ Au début
du XIXe siècle, c'est-à-dire à une époque où l'on pensait que la juridiction administrative n'offrait pas encore aux particuliers
les mêmes garanties que la juridiction judiciaire, un certain nombre de textes sont venus attribuer compétence à celle-ci sur
des questions qui présentaient pour la sécurité juridique des particuliers une importance primordiale : l'état des personnes,
les atteintes à la liberté individuelle, les atteintes à la propriété privée. De ces textes, la jurisprudence a déduit un principe
général : « la sauvegarde de la liberté individuelle et la protection de la propriété privée rentrent essentiellement dans les
attributions de l'autorité judiciaire » (T. confl. 18 déc. 1947, Hilaire, JCP, 1948, II, no 4087). De ce principe, l'article 66 de la
Constitution de 1958 a fait, en ce qui concerne la liberté individuelle, une règle constitutionnelle (« L'autorité judicaire,
gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi »). Plus largement,
la décision du Conseil constitutionnel du 23 juin 1987 (Conseil de la concurrence, v. ss 585) exclut de la compétence
administrative « les matières réservées par nature à l'autorité judiciaire ». Ces « matières réservées » découlent d'une part,
d'un certain nombre de textes, d'autre part d'une théorie jurisprudentielle : la voie de fait.

608 1o Compétence judiciaire rattachée à des textes ◊


a) L'état des personnes, assise juridique de la personnalité, relève en principe de la seule compétence judiciaire. La règle
s'applique à toutes les questions concernant l'état civil (filiation, mariage, nom), la capacité, la nationalité ; on y rattache la
qualité d'électeur. Il n'y a d'exceptions qu'en ce qui concerne les décrets de naturalisation, et ceux autorisant les changements
de nom, qui relèvent du juge administratif.
b) Les violations de la liberté individuelle et les violations du domicile. Sur ce point, la loi du 7 février 1933 posait le
principe de la compétence exclusive du juge judiciaire, sanctionnée par l'interdiction d'élever le conflit. Mais la
jurisprudence avait étroitement limité la portée de cette disposition (CE 7 nov. 1947, Alexis et Wolff, note Eisenmann
au D. 1948. 472 ; T. confl. 27 mars 1952, Dame de la Murette, note Eisenmann au D. 1954. 291). Aussi avait-elle été reprise
et précisée en 1957 par l'article 136 du Code de procédure pénale. Le Tribunal des conflits (16 nov. 1965, Clément, D. 1965.
668), malgré cette réforme, a réintroduit la compétence administrative en ce domaine, en lui réservant l'appréciation de la
légalité des décisions individuelles qui peuvent être en cause dans l'instance judiciaire, selon les règles exposées
v. ss 573. 1196
c) Les atteintes à la propriété privée. Les textes qui organisent les procédures par lesquelles l'administration peut
contraindre les particuliers à lui céder la propriété ou l'usage de leurs biens (expropriation, réquisition) attribuent compétence
à l'autorité judiciaire pour la fixation de l'indemnité due aux propriétaires dépossédés, et même, en matière d'expropriation,
pour opérer le transfert de propriété.

609 2o Compétence judiciaire en cas de voie de fait. a) La notion de voie de fait 1197 ◊ La théorie de la
voie de fait est l'œuvre de la jurisprudence. Elle a pris une importance pratique que certains tendent à minimiser 1198 mais qui
reste appréciable dans la jurisprudence récente. Bien plus, elle a fait l'objet de deux décisions importantes du Tribunal des
conflits au cours de l'année 2013.
Il y a voie de fait lorsque l'Administration : « soit a procédé à l'exécution forcée, dans des conditions irrégulières, d'une
décision, même régulière, portant une atteinte grave au droit de propriété ou à une liberté fondamentale, soit a pris une
décision ayant l'un ou l'autre de ces effets à la condition toutefois que cette dernière décision soit elle-même manifestement
insusceptible d'être rattachée à un pouvoir appartenant à l'autorité administrative » (T. confl. 23 oct. 2000,
M. Boussadar/Min. Aff. Étrangères, AJDA 2001 Chron. 143 ; T. confl. 23 mai 2005, Haut-Commissaire de la Rép. en
Polynésie frse, AJDA 2005. 1151). Mais par sa décision du 17 juin 2013 (v. plus loin) le Tribunal des conflits en a restreint le
champ d'application. On avait pu se demander si la loi du 30 juin 2000 relative au référé devant les juridictions
administratives (v. ss 702) ne conduirait pas à l'abandon de la notion de voie de fait. À cette question le Tribunal des conflits
a répondu par la négative dans les deux arrêts cités ci-dessus. Mais de manière quelque peu audacieuse, le juge des référés du
Conseil d'État s'est reconnu compétent pour connaître dans le cadre du référé-liberté d'une atteinte à une liberté fondamentale
ayant le caractère d'une voie de fait sous réserve que la condition d'urgence soit remplie : CE, Ord. 23 janvier 2013,
Commune de Chirongui, AJDA 2013. 788, chron. Domino et Bretonneau ; RFDA 2013. 299, note P. Delvolvé.
L'administration, dans l'exercice de ses prérogatives, peut porter gravement atteinte aux libertés et aux propriétés ; les
particuliers disposent, en ce cas, des recours en annulation et en indemnité portés devant le juge administratif. Mais, au-delà
d'un certain degré dans l'irrégularité, l'administration est considérée comme s'écartant de l'accomplissement de sa fonction.
Son agissement n'apparaît même plus comme l'exercice irrégulier d'une de ses attributions, mais comme un pur fait matériel,
dénué de toute justification juridique. Elle ne peut plus, dès lors, se prévaloir du principe de la séparation et de la compétence
administrative : l'acte a perdu tout caractère administratif, il est dénaturé, et c'est au juge judiciaire qu'il appartient par
conséquent d'assurer la protection du particulier.

610 b) Les éléments de la voie de fait ◊ Pour qu'il en soit ainsi, trois séries d'éléments doivent être réunis :
Une opération matérielle. L'existence d'une décision ne suffit pas à constituer une voie de fait ; il faut que l'administration
soit passée à l'exécution, ou tout au moins, menace d'y passer ; la voie de fait se rattache par là à la protection des particuliers
contre les prérogatives de l'administration en matière d'exécution ou d'action d'office (v. ss 450).
L'arrêt Boussadar exigeait une atteinte portée par cette opération à la propriété, immobilière ou mobilière, ou à une
liberté fondamentale 1199mais le Tribunal des conflits dans sa décision du 17 juin 2013, M. Bergoend / Sté ERDF Annecy
Léman (AJDA 2013. 1568, chron. Domino et Bretonneau ; RFDA 2013. 1041, note P. Delvolvé) en a réduit le champ
d'application. En effet alors que selon l'arrêt Boussadar il suffisait « d'une atteinte grave à une liberté fondamentale » il faut
désormais que soit en jeu « une atteinte à une liberté individuelle ». La Cour de cassation a fait sienne cette définition de la
voie de fait qui restreint la compétence du juge judiciaire au profit de la juridiction administrative : Civ. 1re, 13 mai 2014,
AJDA 2014. 1006 ; Civ. 3° 11 mars 2015, Sté l'Avenir, AJDA 2015. 1301 ; Civ. 1re 9 déc. 2015, Cté d'Agglomération de St
Quentin-en-Yvelines, AJDA 2016. 1016, note S. Traoré ; mais l'Assemblée plénière de la Cour de cassation a jugé irrecevable
le moyen se fondant sur la nouvelle définition dans une décision rendue postérieurement à l'arrêt de la cour de renvoi (Cass.
Ass. plén. 19 juin 2015, D. 2015. 1368). De ce fait, pour certains, « autant dire que la voie de fait est réduite à une peau de
chagrin » (Chr. au D. 2015. 1865). D'autre part, en ce qui concerne le droit de propriété l'atteinte doit être si grave qu'elle
aboutisse en réalité à l'extinction de ce droit. C'est dans cette mesure que la théorie se rattache au principe qui réserve au
pouvoir judiciaire la protection des propriétés et de la liberté individuelle. Cette condition avait été formellement soulignée
par le Conseil d'État dans un arrêt du 8 avril 1961, Klein (D. 1961. 587).
Un vice juridique assez grave pour dénaturer l'opération ; une simple illégalité ne suffit pas à lui faire perdre son caractère
administratif. En pratique, l'irrégularité peut se rencontrer, soit dans la décision exécutée, soit dans l'opération d'exécution
elle-même : la voie de fait résulte, soit de l'exécution d'une décision manifestement irrégulière, soit de l'exécution
manifestement irrégulière d'une décision.
Dans le premier cas, la décision doit être manifestement insusceptible de se rattacher à l'application d'un texte législatif
ou réglementaire (T. confl. 11 févr. 1947, Perrin, D. 1947. J. 134) ou, selon une formule plus large, « à l'exercice d'un
pouvoir appartenant à l'administration » (CE 18 nov. 1949, Carlier, Rec. 490, qui offre l'intérêt de présenter deux exemples
de mesures irrégulières, l'une simplement illégale, l'autre constitutive de voie de fait).
Le second cas se rattache à la théorie de l'exécution forcée ; l'administration ne peut exécuter par la force qu'à des
conditions précises (v. ss 450). Lorsqu'elle ne respecte pas ces conditions, il y a voie de fait, même si la décision qui sert de
base à l'opération était régulière (cf. les 2 arrêts du T. confl. précités, v. ss 450). La voie de fait peut alors résulter, soit de
l'absence totale de décision antécédente, soit de l'existence d'une sanction pénale ou administrative que l'administration a
omis de mettre en œuvre, soit de la disproportion entre la mesure prise et le but cherché (T. confl. 8 avr. 1935, Action
française, Rec. 1226, concl. Josse) soit de l'absence d'urgence. Ces divers types d'irrégularités doivent être manifestes : dès
qu'il y a doute sur leur existence ou leur portée, la compétence administrative reparaît. Pour deux exemples plus récents de
voie de fait : T. confl. 19 nov. 2001, Mme X./Min. de l'Intérieur, D. 2002. 1446, concl. Bachelier ; AJDA 2002. 234, note Petit
(confiscation d'un passeport et placement en zone d'attente alors qu'aucune procédure pénale n'a été diligentée) ; directeur
d'un centre pénitentiaire ayant fait abattre, par des détenus et avec le matériel du centre, des arbres d'une propriété privée afin
de permettre une vue sur le lagon depuis son logement de fonction (T. confl. 15 févr. 2010, Mme Tarahu / Ht Cre de la
République en Polynésie française, RFDA 2010. 1057).
Alors même que tous ces éléments sont réunis, l'existence de circonstances exceptionnelles peut ramener la voie de fait à
une simple illégalité relevant de la compétence administrative (jurisprudence Dame de La Murette, préc., no 331).
En revanche ne constitue pas une voie de fait :
– l'ordre donné par le maire d'une commune dévastée par un cyclone d'interdire la construction d'habitations précaires
(T. confl. 4 nov. 1996, Préfet de la Guadeloupe c/ Vanins, Gaz. Pal. 1997, nos 353-354, concl. contraires de M. Sainte-Rose) ;
mais il y a voie de fait si, dans ce contexte, il fait procéder à la destruction d'une habitation (T. confl. 22 juin 1998, Préfet de
la Guadeloupe c/ TGI de Basse-Terre, Rec. 542) ;
– le refus d'admettre sur le territoire national un passager clandestin et son maintien à bord du navire (T. confl. 12 mai
1997, Préfet de police de Paris, D. 1997. 567, note Legrand) ;
– l'atteinte à la liberté syndicale : Civ. 1re 19 mars 2015, D. 2015. 736.

611 c) La sanction de la voie de fait 1200 ◊ La dénaturation de l'opération replace ses auteurs dans la situation de
simples particuliers. Ceci a un triple effet, que l'évolution récente, cependant, tend à atténuer.
a) Le juge civil est seul compétent pour constater la voie de fait et en réparer les conséquences dommageables 1201.
b) Il dispose à son égard de la plénitude de son pouvoir juridictionnel : il peut, non seulement ordonner l'indemnisation de
la victime, mais encore la cessation matérielle du trouble (expulsion, restitution, démolition, etc.), et cela sous astreinte,
pouvoirs plus étendus que ceux qui appartiennent au juge administratif (v. ss 683), et qui donnent à la théorie de la voie de
fait un intérêt pratique certain pour la protection de la victime.
c) Enfin, le droit civil s'applique à tous les aspects du litige : la victime peut diriger son action, soit contre l'administration
en tant que commettante, soit contre l'agent qui a personnellement agi, en tant que préposé, sans référence à la distinction,
propre au droit administratif, des fautes de service et des fautes personnelles. (v. ss 494, 542).
d) Si protecteur que se veuille le régime ainsi élaboré, il offre, pour la victime, un inconvénient : si elle se trompe sur la
compétence, et saisit le juge administratif, celui-ci se déclare incompétent, et la réparation à laquelle elle a droit est retardée
d'autant. C'est pourquoi il a été admis que, lorsque la voie de fait résulte d'un acte inexistant 1202 (v. ss 457), le juge
administratif, saisi, a qualité, au même titre que le juge judiciaire, pour constater cette inexistence (T. confl. 27 juin 1966,
Guigon, AJDA 1966. 547). Le Conseil d'État s'est même reconnu compétent pour réparer les conséquences d'une saisie
irrégulière de journaux qui semblait présenter tous les caractères de la voie de fait (4 nov. 1966, Ministre de l'Intérieur,
AJDA 1967. 40). Cette jurisprudence aurait pu aboutir, soit à un parallélisme des compétences administrative et judiciaire, le
tribunal choisi par la victime étant toujours habilité à statuer, soit à un abandon progressif de la compétence judiciaire au
profit du juge administratif (en ce sens, cf. les conclusions de M. Fournier, CE 9 juill. 1965, Voskresensky, AJDA 1965. 603).
Pourtant, malgré les critiques très vives qu'avait suscitées la théorie de la voie de fait, le Tribunal des conflits (30 juin 1969,
Sté des Praillons, AJDA 1969. 699), le Conseil d'État (10 oct. 1969, Muselier, Ibid.) et les juridictions judiciaires ont
continué à en faire application dans des cas de plus en plus fréquents 1203.

612 3o La suppression de la compétence judiciaire en cas d'emprise irrégulière 1204 ◊ Par emprise, on
entend toute prise de possession par l'administration, à titre provisoire ou définitif, d'une propriété immobilière privée.
L'emprise est régulière si la prise de possession résulte d'une procédure légale (expropriation, réquisition). Dans ces cas, les
textes donnent le plus souvent compétence aux tribunaux judiciaires pour fixer la valeur de l'indemnité due au propriétaire ;
mais en l'absence de textes, l'indemnisation relève de la compétence administrative (CE 15 févr. 1961, Werquin,
D. 1961. 611), faute d'atteinte illégale à la propriété. L'emprise est irrégulière si elle ne se fonde pas sur un titre légal ; dans
ce cas, l'indemnisation relevait en principe, et même en l'absence de texte, du juge judiciaire, en sa qualité de « gardien de la
propriété » 1205.
Mais après avoir restreint le champ d'application de la voie de fait (v. ss 610) le Tribunal des conflits vient tout
simplement de mettre fin à la compétence de la juridiction judiciaire au cas d'emprise irrégulière : Tribunal des conflits,
9 décembre 2013, Époux Panizzon/Commune de Saint-Palais-sur-Mer, AJDA 216, chron. Bretonneau et Lessi. La commune
de Saint-Palais s'était maintenue sur un terrain après l'expiration de la convention qui en autorisait l'occupation et contre la
volonté des propriétaires. Saisi par ceux-ci d'une demande en indemnisation du préjudice ainsi subi le Tribunal administratif
s'était déclaré incompétent en application de la théorie de l'emprise irrégulière. Saisi de cette affaire le Tribunal des conflits
juge que l'occupation de la parcelle a porté atteinte au libre exercice du droit de propriété et que : « le Tribunal administratif,
compétent pour se prononcer sur la décision du maire refusant de libérer cette parcelle et pour enjoindre d'y procéder, l'est
également pour statuer sur leurs conclusions tendant à l'indemnisation des conséquences dommageables de cette occupation
irrégulière » 1206.
CHAPITRE 2
LES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES 1207

Section 1. L'ÉVOLUTION DE LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE


§ 1. La réforme de 1953
§ 2. La réforme de 1987
§ 3. Les réformes de 1995
§ 4. Les problèmes actuels
§ 5. La prévention du contentieux
Section 2. LES TRAITS GÉNÉRAUX DE LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE
§ 1. Séparation des juges administratifs et des administrateurs actifs
§ 2. Compétence consultative des juridictions administratives
§ 3. Caractère constitutionnel de la juridiction administrative
Section 3. LE CONSEIL D'ÉTAT
§ 1. La composition du Conseil d'État
§ 2. L'organisation du Conseil d'État
§ 3. Les attributions du Conseil d'État
Section 4. LES COURS ADMINISTRATIVES D'APPEL
§ 1. Composition et organisation
§ 2. Recrutement
§ 3. Carrière et statut
§ 4. Compétence
Section 5. LES TRIBUNAUX ADMINISTRATIFS
§ 1. Organisation
§ 2. Recrutement et statut
§ 3. Attributions

613 Les juridictions administratives sont celles qui relèvent, par la voie de l'appel ou de la cassation, du Conseil d'État. Parmi
celles-ci on distingue les juridictions administratives de droit commun, c'est-à-dire celles qui ont compétence pour connaître
de toutes les catégories de litiges entrant dans la sphère de compétence administrative, sans qu'il soit besoin d'un texte exprès
pour leur conférer ce pouvoir, et les juridictions administratives d'attribution qui n'ont compétence que pour les litiges dont
un texte leur attribue expressément connaissance. Ces dernières sont, en fait, très nombreuses et possèdent une compétence
en général étroitement limitée. Les unes statuent sans appel, en premier et dernier ressort (Cour des comptes à l'égard des
comptables de l'État, Cour de discipline budgétaire) ; d'autres possèdent leur hiérarchie propre (Conseils d'université en tant
que juridiction disciplinaire, avec appel devant le Conseil national de l'enseignement supérieur, juridictions des pensions de
guerre, à deux degrés, juridictions disciplinaires des ordres professionnels, qui ont également deux degrés, chambres
régionales des comptes, avec appel à la Cour des comptes, pour les comptes des comptables locaux). Toutefois, si diverses
que soient ces juridictions, toutes sont subordonnées au Conseil d'État par la voie de la cassation. Le juge de cassation se
distingue du juge d'appel en ce que ce dernier connaît une seconde fois de l'ensemble du litige, fait et droit, alors que le juge
de cassation se borne à vérifier, sans revenir sur les faits, si aucune erreur de droit n'entache le jugement ; si l'erreur existe, le
jugement est cassé, et l'affaire normalement renvoyée pour être jugée à nouveau devant les juges du fond. Selon une formule
classique, le juge d'appel juge le litige, le juge de cassation ne juge que la décision.La juridiction administrative de droit
commun est donc celle que le plaideur doit saisir lorsque le litige entre dans la sphère de compétence de la juridiction
administrative et n'est pas attribué par la loi à une juridiction d'attribution.
Dans le présent chapitre, on n'étudiera que les seules juridictions administratives de droit commun en examinant
successivement : l'évolution de la juridiction administrative (Section 1) ; Les traits généraux de la juridiction administrative
(Section 2) ; Le Conseil d'État (Section 3) ; Les Cours administratives d'appel (Section 4) ; Les Tribunaux administratifs
(Section 5).

SECTION 1. L'ÉVOLUTION DE LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE

614 Au lendemain de la loi du 24 mai 1872, qui donne au Conseil d'État la justice déléguée (v. ss 567) et de l'arrêt Cadot (CE
13 déc. 1889, GAJA, no 5), par lequel la Haute Juridiction se proclame juge administratif de droit commun, éliminant ainsi le
Ministre de la Juridiction administrative comme la loi de 1872 en avait éliminé le Chef de l'État, on se trouve dans une
situation curieuse.
Il y a un double degré de juridiction puisqu'il y a dans chaque département un Conseil de Préfecture, créé par la loi du
28 Pluviôse An VIII, ceux-ci ayant été regroupés en Conseils interdépartementaux de préfecture par les décrets-loi des 6 et
26 septembre 1926, et une juridiction suprême, le Conseil d'État. Mais la pratique du double degré de juridiction n'était pas
le principe. En effet, pour les raisons historiques que l'on a vues (la Justice retenue), le Conseil d'État était le juge de droit
commun du contentieux administratif : cela veut dire que les affaires venaient directement devant lui et qu'il statuait donc en
premier et dernier ressort. Les Conseils de Préfecture n'avaient qu'une compétence d'attribution (par exemple, le contentieux
des contributions directes ou encore celui des travaux publics). La situation ainsi créée était tout à fait anormale puisque la
plupart des affaires étaient jugées directement par la juridiction suprême de l'ordre. La conséquence mécanique d'un tel
système ne pouvait être que l'encombrement du Conseil d'État : au 1er janvier 1954 il y avait plus de 26 000 affaires en
souffrance, soit plus de quatre années de jugement, et les choses ne cessaient de s'aggraver. Une réforme était devenue
indispensable. Elle ne put intervenir – on était sous la IVe République – que grâce au recours au système des décrets-lois.

§ 1. La réforme de 1953 1208

615 La réforme fut opérée par le décret-loi du 30 septembre 1953 et par le décret du 28 novembre 1953, pris pour son
application. Elle repose sur deux axes :
1o On réorganise le juge de première instance pour en faire un échelon sérieux de jugement. C'est la création, par
transformation des Conseils interdépartementaux de préfecture, des Tribunaux administratifs, avec le principe du
recrutement de leur personnel à la sortie de l'ENA 1209 ;
2o On fait des tribunaux administratifs le juge de droit commun du contentieux administratif, statuant en première
instance, à charge d'appel devant le Conseil d'État. Toutefois, par exception au principe nouveau, certaines affaires
continuent à relever en premier et dernier ressort du Conseil d'État.
La réforme fut une réussite certaine, mais n'avait pas éliminé le risque de blocage du Conseil d'État : seuls un tiers des
dossiers en instance devant lui avaient été transférés aux Tribunaux administratifs et notamment à celui de Paris. Les années
passant, le nombre des dossiers en souffrance au Conseil d'État augmentait, et il fallait remettre l'ouvrage sur le métier 1210.

§ 2. La réforme de 1987 1211

616 Un premier projet de réforme, en 1981, se contentait de créer au sein du Conseil d'État, des « conseillers référendaires » ; il
fut retiré par le Gouvernement. Un second projet, en 1985, prévoyait la création de « Chambres adjointes » rattachées au
Conseil d'État, pour les contentieux les plus encombrés ; il échoua également. La question fut reprise, et a trouvé sa solution
dans la loi du 31 décembre 1987. Elle laisse intactes la qualité de juge de droit commun qui appartient aux tribunaux
administratifs, et les compétences du Conseil d'État en premier et dernier ressort, mais elle transforme profondément les
règles de l'appel (1o), ce qui entraîne l'apparition, dans la hiérarchie normale, d'un contrôle de cassation beaucoup plus
étendu confié au Conseil d'État (2o).
1o L'appel. La loi crée cinq Cours administratives d'appel (Paris, Bordeaux, Lyon, Nancy, Nantes), compétentes pour les
appels contre les jugements des tribunaux administratifs de leur ressort. Une sixième cour (Marseille) a été créée par le
décret du 9 mai 1997, une septième (Douai) par le décret du 28 mai 1999, et une huitième (Versailles) par le décret du
22 juin 2004.
Mais le transfert aux Cours de la compétence d'appel exercée jusque-là par le Conseil d'État, qui a eu pour but de le
désencombrer, s'est fait en trois étapes pour éviter un surcroît d'embouteillage. Il a été achevé le 1er octobre 1995 (sur la base
du décret du 17 mars 1992). Seules exceptions : la loi maintient à titre définitif dans la compétence du Conseil d'État, les
appels en matière de contentieux des élections municipales et cantonales, et ceux qui portent sur les recours en appréciation
de validité (v. ss 605). Elle y maintenait aussi les appels contre les jugements rendus sur les recours en annulation des actes
réglementaires, mais la loi du 8 février 1995 a abrogé cette exception, et transféré cette compétence aux cours
administratives d'appel.
2o Le recours en cassation. La pluralité des cours administratives d'appel, si elles avaient statué en dernier ressort, aurait
risqué d'aboutir à des jurisprudences divergentes. L'unité du droit administratif en eût été compromise. C'est pour assurer le
nécessaire maintien de cette unité que la loi ouvre contre les arrêts des Cours un recours en cassation devant le Conseil
d'État, dont le rôle se rapproche par là de celui de la Cour de cassation, gardienne de l'unité du droit dans l'ordre judiciaire.
Sur l'aménagement du recours en cassation, v. ss 716.
3o La mise en place des cours administratives d'appel a été réalisée en 1988, et la loi est entrée en vigueur le 1er janvier
1989. Elle rapproche la hiérarchie normale des juridictions administratives de celle de l'ordre judiciaire, avec les trois
niveaux que sont la première instance, l'appel et la cassation.
Le talon d'Achille de cette réforme est qu'elle a eu pour objectif de « soulager » le Conseil d'État et, de ce point de vue
elle a réussi, mais qu'elle ne traite pas le problème de l'afflux des recours devant les tribunaux administratifs et les cours
administratives d'appel que l'on mettait en place 1212 avec cependant, il est vrai, dans les deux cas, la possibilité d'augmenter
leur nombre, ce qui a été fait par la suite. Très malheureusement, on a également recouru, pour régler ce problème, au
subterfuge du juge unique (v. ss 618).
Sur les importantes modifications que la réforme a apportées au statut des juridictions : v. ss 634, et à la procédure :
v. ss 702.

§ 3. Les réformes de 1995

617 La réforme de la juridiction administrative s'est poursuivie en 1995 1213.


1o La loi de programme du 6 janvier 1995, qui portait sur la période 1995-1999, a fixé comme objectif de ramener à un
an le délai moyen du jugement devant les juridictions administratives par le recrutement de 180 magistrats et de 200 agents
des greffes, par la création de deux nouveaux tribunaux administratifs en Ile-de-France et de deux cours administratives
d'appel (v. ss 635, 639). La loi du 9 septembre 2002 « d'orientation et de programmation pour la Justice » va dans le même
sens : renforcement des moyens humains, amélioration de l'outil informatique, création « d'assistants de justice » (décr. du
20 décembre 2002) qui « apportent leur concours aux travaux préparatoires » des membres des juridictions 1214. Elle a permis
la signature de « contrats d'objectifs » avec les CAA afin de lutter contre les délais de jugement.
2o La loi du 8 février 1995 « relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative »
cherche à accroître l'efficacité des décisions du juge en lui conférant le pouvoir d'injonction (v. ss 714).
Par ailleurs, elle allonge la liste des affaires pouvant être réglées par un juge unique, modifie certaines dispositions
relatives au sursis à exécution (v. ss 701) et pose des règles particulières pour l'abondant contentieux de l'urbanisme.

§ 4. Les problèmes actuels 1215

618 Les réformes qui se sont succédé ces derniers temps – la dernière a été opérée par le Décret no 2010-164 du 22 février
2010 relatif aux compétences et au fonctionnement des juridictions administratives 1216 qui réduit la compétence en premier
et dernier ressort du Conseil d'État et crée de nouvelles formations de jugement au sein des différentes juridictions
administratives – visent à raccourcir les délais de jugement, et l'on ne peut que s'en réjouir. Mais encore faut-il bien examiner
les moyens utilisés pour y parvenir. En effet, de plus en plus souvent, on recourt à des procédés qui posent d'autant plus de
problèmes qu'ils sont utilisés de manière insidieuse c'est-à-dire sans avoir fait l'objet d'un véritable débat sur l'opportunité d'y
recourir. Il s'agit, d'une part du recours de plus en plus fréquent au système du juge unique, et en second lieu, de la décision
de renoncer, dans certaines affaires, à l'intervention du Rapporteur public.
1o Le juge administratif, juge unique 1217. Selon l'art. L. 3 du CJA : « Les jugements sont rendus en formation
collégiale, sauf s'il en est disposé autrement par la loi ». Ce texte pose d'ailleurs la question de savoir si l'abandon de la
collégialité peut se faire par voie réglementaire. Mais surtout, la collégialité qui est donc le principe pourrait devenir de plus
en plus l'exception. D'ores et déjà près de la moitié des affaires réglées par le Conseil d'État le sont par voie d'ordonnance
rendue par un juge unique (très exactement 4668 affaires sur 9801 pour l'année 2011) 1218 et l'on estime que plus des deux
tiers des décisions rendues par les Tribunaux administratifs le sont en dehors de la collégialité. Le Conseil d'État, bien sûr,
n'a pas manqué d'affirmer que le recours au juge unique n'est pas contraire au principe d'égalité : CE 10 février 2014,
Mme Chavent, Rec. 28.
Et pourtant, « Administrer est le fait d'un seul, juger est le fait de plusieurs » selon la formule de Daunou. Faut-il rappeler
ici les raisons qui rendent si nécessaire la collégialité ? Celle-ci constitue tout à la fois une garantie de bonne justice, et une
condition de l'indépendance du juge, sans compter les vertus de la discussion et l'impartialité qui résulte du contrôle de
chacun sur tous 1219. Je pense qu'en la matière il faudrait poser le principe que le domaine d'élection du juge unique c'est
l'urgence (et l'on sait combien le système du nouveau référé (v. ss 702) fonctionne à la satisfaction de tous) mais qu'en
principe, la collégialité s'impose pour statuer au fond, sauf l'hypothèse des « séries » c'est-à-dire lorsque toutes les questions
de droit, de qualification juridique et d'appréciation des faits que pose l'affaire ont déjà été tranchées par une décision « tête
de série » (Décr. 2005-911 du 28 juill. 2005). Mais faut-il admettre que pour le juge administratif il y aurait de « grandes »
affaires et des « petites » ? Par exemple lorsque le décret du 23 décembre 2006, pris pour l'application de la loi du
23 décembre 2006, étend le principe du recours au juge unique pour un contentieux indemnitaire inférieur à 10 000 euros ou
à la taxe foncière n'est-on pas dans une telle dialectique ? Au moment de la venue en discussion à l'Assemblée nationale du
débat sur le projet de loi relatif à l'immigration, le Syndicat de la juridiction administrative 1220 avait souhaité que le débat
juge unique/formation collégiale ait lieu au Parlement (AJDA 2006. 903). N'ayant pas obtenu satisfaction sur ce point,
l'Union syndicale a décidé de porter l'affaire au contentieux. Elle a demandé au Conseil d'État l'annulation pour excès de
pouvoir du décret du 22 février 2010 en formulant une question prioritaire de constitutionnalité concernant l'article L. 222-1
du Code de justice administrative qui, pour les CAA et les TA, prévoit que : « Les jugements des tribunaux administratifs et
les arrêts des cours administratives d'appel sont rendus par des formations collégiales, sous réserve des exceptions tenant à
l'objet du litige ou à la nature des questions à juger ». Le Conseil d'État a transmis la QPC au Conseil constitutionnel (CE
16 juill. 2010, Union syndicale des magistrats administratifs, AJDA 2010. 1452) estimant qu'avait un caractère sérieux le
moyen soutenant que faute pour le législateur d'avoir suffisamment encadré les dérogations possibles, celles-ci portaient
atteinte à l'égalité des citoyens devant la loi. Très malheureusement, le Conseil constitutionnel (Décis. no 2010-55 QPC du
18 oct. 2010, p. 291), dans une décision très concise, a admis la conformité à la Constitution des dispositions de l'article
L. 222-1 CJA. Il a tout simplement repris son bon vieux raisonnement selon lequel le texte n'habilite pas le pouvoir
réglementaire « à fixer des catégories de matières ou de questions à juger qui ne reposeraient pas sur des critères objectifs ».
Je le regrette. Dans le même esprit le Conseil d'État a estimé que le système du juge unique ne violait pas l'art. 6 de la
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme qui garantit le droit à un procès équitable : CE 4 juill. 2012,
Union syndicale des magistrats administratifs, AJDA 2012. 1380. Un projet de décret réformant le Code de justice
administrative en étendant le recours au système du juge unique et en réformant les contentieux sociaux a soulevé une
nouvelle protestation des syndicats de magistrats administratifs 1221. Cela n'a pas empêché l'intervention de ce texte : décret
no 2013-730 du 13 août 2013 modifiant le CJA 1222.
2o La dispense des conclusions du Rapporteur public 1223. Dans le jugement des affaires devant la juridiction
administrative intervient un Rappporteur public ; il est, aux termes de l'article 7 du Titre préliminaire du CJA un membre de
la juridiction « qui expose publiquement et en toute indépendance, son opinion sur les questions que présentent à juger les
requêtes et sur les solutions qu'elles appellent » (v. ss 322, 705). Selon l'expression de Laferrière, les conclusions sont
rendues « selon la loi et la propre conscience de leur auteur ». On ne soulignera jamais assez que son intervention est la
meilleure garantie que l'on puisse donner au justiciable, c'est-à-dire à l'administré, face à l'Administration. En effet, lui seul,
plus spécialement dans les affaires dispensées du ministère d'avocat, peut mettre en forme le raisonnement juridique donnant
raison, le cas échéant, au requérant. C'est dire combien est regrettable l'article 188 de la loi no 2011-525 du 17 mai 2011 « de
simplification et d'amélioration de la qualité du droit », qui crée un article L. 732-1 du CJA aux termes duquel : « Dans les
matières énumérées par décret en Conseil d'État, le président de la formation de jugement peut dispenser le rapporteur
public, sur sa proposition, d'exposer à l'audience ses conclusions sur une requête, eu égard à la nature des questions posées ».
Cette disposition ne figurait pas dans le texte de la proposition de loi ; elle résulte d'un amendement déposé lors de la
discussion par un Sénateur, qui avait été écarté par la Commission des lois du Sénat, mais adopté en séance publique. Il faut
donc une proposition en ce sens du Rapporteur public et que celle-ci soit agréée par le président de la formation de jugement.
Que faut-il, par ailleurs, entendre par la formule « eu égard à la nature des questions posées » ? La réponse à cette question
se trouve dans la décision du Conseil constitutionnel relative à la loi du 17 mai 2011 (Décis. no 2011-629 DC du 12 mai
2011, p. 228) pour lequel, par cette formule « le législateur a entendu qu'une telle dispense puisse être décidée lorsque la
solution paraît s'imposer ou ne soulève aucune question de droit nouvelle ». L'article 7 du décret no 2011-1950 du
23 décembre 2011 1224 énumère sept contentieux pouvant faire l'objet de la dispense et parmi ceux-ci le permis de conduire ;
l'entrée, le séjour et l'éloignement des étrangers ; l'aide personnalisée au logement. Il s'agit donc, surtout, des « contentieux
de masse ». L'article 52 de la loi no 2011-1862 du 13 décembre 2011 prévoit que le contentieux du stationnement des
résidences mobiles des gens du voyage, s'il ne fait pas l'objet d'un renvoi à une formation collégiale, se déroule également
sans conclusion du Rapporteur public. Cette réforme, voulue par le Vice-Président du Conseil d'État 1225, se propose donc
d'accélérer le cours de la justice. Si accélération il y a, elle est vraiment marginale et selon moi son « prix » est exorbitant :
l'abandon du principe du caractère systématique des conclusions du Rapporteur public avec le risque de voir se multiplier, à
l'avenir, ces dispenses. En effet, il faudra bien que le Rapporteur compulse tout de même le dossier pour se faire une opinion
sur l'affaire et si celle-ci apparaît comme relevant d'une solution qui s'impose ou ne soulève aucune question nouvelle il n'a
même pas besoin de rédiger ses conclusions, il lui suffit, sur le siège, de dire en quelques mots pourquoi la requête est ou non
fondée et le sort qui doit lui être réservé. Le gain de temps est donc vraiment marginal. Par ailleurs, l'adoption de la réforme
a soulevé de très vives critiques des organisations syndicales de magistrats administratifs et a été l'une des raisons de la grève
de février 2011 1226. Si ceux-ci reconnaissent que la situation s'est beaucoup améliorée en ce qui concerne les délais de
jugement, ils dénoncent une justice administrative « à plusieurs vitesses » et s'inquiètent de la « lisibilité » de la justice
administrative en raison de la multiplication des procédures dérogatoires. Pour eux, suivant la catégorie du requérant tout
devient à la carte : formation collégiale ou juge unique ; conclusions du Rapporteur public ou dispense ; délais ; possibilité
d'appel. 1227

§ 5. La prévention du contentieux 1228

619 Avec la réforme de 1987, on est allé au bout de la logique de la réforme du contentieux administratif. On a maintenant, pour
celui-ci, une structure similaire à celle des juridictions judiciaires : un juge de première instance, un juge d'appel, un juge de
cassation. Quelles seraient, désormais, les voies possibles de la réforme si on était à nouveau affronté à l'encombrement de la
juridiction administrative ? On assiste actuellement, après une certaine accalmie, à une hausse des recours devant l'ensemble
des juridictions administratives 1229. Certes, celle-ci est maîtrisée en raison de progrès de « productivité » 1230et, du fait des
réformes qui ont été évoquées ci-dessus, les délais de jugement baissent 1231. Mais il me semble que l'on ne peut plus guère
tabler sur de nouveaux gains de productivité. Que pourrait-on donc faire si la hausse du nombre des recours posait à nouveau
problème ? Celui-ci a été évoqué par le Vice-Président du Conseil d'État lors de la présentation à la presse du Rapport annuel
2015 (AJDA 2015. 1012). « Aujourd'hui – dit-il – la question qui se pose est comment faire face à la croissance de la
demande de justice, de régulation des litiges entre les citoyens et la puissance publique, dans un contexte de restriction
budgétaire ». « Les réformes faites sont des fusils à un coup ». On ne peut pas indéfiniment étendre le recours aux
ordonnances ou au juge unique. Il faut donc « repenser à moyen terme ce que doit être la régulation des litiges ».
Le moyen de remédier à une telle situation – les réformes structurelles étant épuisées – serait, selon moi, d'une part, la
prévention du contentieux, c'est-à-dire d'essayer de régler les litiges avant qu'ils ne deviennent contentieux, et d'autre part de
recourir à d'autres modes de solution des conflits opposant l'Administration aux administrés. D'ailleurs, dans son Rapport
public 2008, le Conseil d'État se déclare favorable « au développement des modes non juridictionnels de résolution des
conflits 1232.

620 1o La première voie consisterait à rendre obligatoire, au moins en certaines matières, le recours administratif (v. ss 555) qui
deviendrait le préalable nécessaire au recours contentieux 1233. C'est déjà le cas, par exemple, en ce qui concerne la
communication des documents administratifs : la saisine de la CADA est un préalable nécessaire au recours contentieux
(v. ss 443). De même, l'article 13 de la loi du 31 décembre 1987 prévoyait que des décrets en Conseil d'État déterminent dans
quelles conditions les litiges contractuels et les actions mettant en jeu la responsabilité extra-contractuelle des personnes
publiques sont soumis, avant toute instance arbitrale ou contentieuse, à une procédure préalable soit de recours administratif,
soit de conciliation. Ces décrets ne sont jamais intervenus 1234 ! Autre exemple, l'article 7 de la loi du 26 novembre 2003,
relative à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers, prévoit que « Tout recours contentieux dirigé contre un
refus de validation d'une attestation d'accueil doit être précédé, à peine d'irrecevabilité, d'un recours administratif auprès du
préfet ». Examinant ce texte, le Conseil constitutionnel a jugé qu'une telle exigence ne méconnaît pas le droit à un recours
effectif tel qu'il résulte de l'article 16 de la Déclaration de 1789 (Cons. const. no 2003-484, DC du 20 nov. 2003, p. 438). Sur
la base de l'article 23 de la loi du 30 juin 2000, le décret du 7 mai 2001 rend obligatoire le recours administratif avant tout
recours contentieux, à l'encontre d'actes relatifs à la situation personnelle des militaires 1235 ; d'éminents membres de la
juridiction administrative ont souhaité que cette procédure soit étendue à la fonction publique civile, ce que fera la loi du
17 mai 2011. Le Conseil d'État a admis la légalité de cette procédure : CE 27 nov. 2002, M. Bourrel, AJDA 2003. 442, note
Roulot. Le décret no 2012-765 du 10 mai 2012 crée, à titre expérimental, une procédure de recours administratif préalable
aux recours contentieux formés à l'encontre d'actes relatifs à la situation personnelle des agents civils de l'État 1236. De même,
le Conseil d'État estime que l'exigence d'un recours hiérarchique préalable n'est pas contraire aux dispositions de l'article 6 de
la Convention européenne (CE 3 mai 2002, Clinique Médicale de Pneumologie Ste Anne, RFDA 2002. 855). Le recours
gracieux est également obligatoire contre les décisions d'autorisation de mise sur le marché des spécialités pharmaceutiques :
CE 29 déc. 2004, Sté Laboratoire GlaxoSmithKline, Rec. 469.
Sur le régime juridique des recours administratifs préalables obligatoires, v. CE, Sect., 18 nov. 2005, M. Houlbreque, et
deux autres décisions, AJDA 2005. 2453, chron. Landais et Lenica ; cette jurisprudence a été précisée par l'arrêt M. Maire
(CE 29 juin 2011, AJDA 2011. 1356). Sauf en matière ordinale, le recours administratif préalable ne concerne que les seules
personnes expressément énumérées par les textes qui en organisent l'exercice : CE, Sect., 10 mars 2006, Sté Leroy-Merlin,
AJDA 2006. 796, chron. Landais et Lenica ; concl. Struillou, RFDA 2006. 550 1237.
L'article 14 de la loi no 2011-525 du 17 mai 2011, « de simplification et d'amélioration de la qualité du droit », prévoit
plusieurs mesures visant au développement des recours administratifs préalables obligatoires (RAPO). Le rejet d'un tel
recours doit être motivé et les décisions dont la contestation est soumise à un tel recours devront le préciser (v. le CRPA).
Il faut souligner combien cette procédure est cohérente. Lorsqu'il y a « contentieux » c'est que l'Administration et le
particulier sont en désaccord sur une question précise. L'Administration étant réputée de bonne foi, le réflexe naturel de
l'administré ne devrait-il pas être de « discuter » avec elle afin de la convaincre du bien fondé de son point de vue, quitte à
celle-ci de démontrer à l'administré en quoi il se trompe ? Ce n'est qu'en cas d'échec de cette tentative qu'il faudrait se
résigner à recourir au juge.
Mais si « Il vaut mieux un mauvais arrangement qu'un bon procès » encore faudrait-il que le recours administratif soit
« crédible » et qu'il puisse apparaître comme une véritable alternative au recours contentieux (dont il conserve le délai). Le
Code des relations entre le public et l'administration est venu donner des garanties à l'administré en ce qui concerne le
sérieux de la procédure suivie pour examiner son recours. Mais encore faudrait-il qu'il y ait, au sein des administrations
centrales, un véritable « corps de juristes » de l'Administration, susceptibles de trancher les difficultés juridiques que peut
présenter le recours, ce qui n'est pas le cas actuellement.
Enfin, l'Administration devrait être tenue de statuer sur le recours qui lui est présenté et dans un délai à déterminer.

621 2o En ce qui concerne les « modes alternatifs » de règlement des litiges, on peut vouloir recourir à l'arbitrage, à la
transaction ou à la conciliation.
a) L'arbitrage 1238. On l'a vu (v. ss 70, 469) le Conseil d'État estimait que l'arbitrage, sous certaines réserves, était interdit
aux personnes publiques 1239. Cette interdiction est maintenant édictée par le CRPA : « Sauf dans les cas prévus par la loi,
notamment dans ceux mentionnés par l'article L. 311-6 du Code de justice administrative, il n'est pas possible de recourir à
l'arbitrage, ainsi qu'en dispose l'article 2060 du Code civil, sur les contestations intéressant les collectivités publiques et les
établissements publics, et plus généralement dans toutes les matières qui intéressent l'ordre public. Toutefois, ainsi que le
prévoit ce même article, des catégories d'établissements publics à caractère industriel et commercial peuvent être autorisés
par décret à recourir à l'arbitrage ».
Mais cette position apparaît de plus en plus comme le reflet d'anciens préjugés ne correspondant plus à l'évolution d'un
droit administratif moderne. De plus en plus la doctrine pense, avec Yves Gaudemet 1240, que, compte tenu de l'extension de
l'arbitrage international, il faudra bien, un jour, envisager d'abandonner le « principe d'inarbitrabilité » et réfléchir à un
régime juridique pour l'arbitrage en matière administrative.
Cela serait d'autant plus possible que le principe de l'interdiction du recours à l'arbitrage par les personnes publiques a
valeur législative et non constitutionnelle (Cons. const., déc. 2004-506 DC du 2 déc. 2004, Loi de simplification du droit,
p. 211). On l'a vu (v. ss 70) c'est ce qui s'est produit à l'initiative du Conseil d'État lui-même. Le groupe de travail présidé par
D. Labetoulle a remis au garde des Sceaux un rapport 1241 préconisant l'institution de l'arbitrage en ce qui concerne le
contentieux des contrats mais non – on peut le regretter – pour la responsabilité extra-contractuelle 1242. On pouvait penser
que, notamment en raison de son origine, ce projet de réforme avait les plus grandes chances d'aboutir ; force est de constater
que le Rapport a été déposé il y a maintenant longtemps et que la réforme n'est toujours pas intervenue très probablement en
raison d'un arbitrage qui a défrayé la chronique ! Je le regrette.
Dans une affaire fort remarquée (T. confl. 17 mai 2010, INSERM, RFDA 2010. 959, Concl. Guyomar et note
P. Delvolvé) 1243 s'est posé le problème des conditions dans lesquelles les personnes publiques peuvent recourir à l'arbitrage
dans le cadre de leurs opérations de commerce international. Le Tribunal des conflits a opté pour la compétence judiciaire
mais sous la réserve que ne soit pas en cause une règle impérative du droit public français. À la suite des remous suscités par
cette affaire, le garde des Sceaux avait demandé un rappport à M. Michel Prada. Celui-ci préconise l'intervention d'une loi
modifiant l'article 2060 du Code Civil et permettant expressément aux personnes publiques de compromettre dans leurs
contrats internationaux (AJDA 2011. 822). Le Conseil d'État s'est reconnu compétent pour connaître d'un arbitrage rendu en
France et relatif à un marché public, mais a décliné sa compétence pour une sentence arbitrale rendue à l'étranger : CE
19 avr. 2013, Syndicat mixte des aéroports de Charente, AJDA 2013. 822. De même, le Conseil d'État peut être juge d'appel
d'une sentence arbitrale : CE 23 déc. 2015, Territoire des Iles Wallis et Futuma, AJDA 21016. 7. En ce qui concerne
l'exequatur d'une sentence arbitrale : Civ. 1re 8 juillet 2015, Sté Ryanair limited, AJDA 2016. 671, note F. Lombard.
b) La transaction 1244. Une autre possibilité est celle de l'homologation par une juridiction administrative d'une
transaction intervenue entre les parties, pour mettre fin à un litige. Cette procédure est expressément prévue par le CRPA
(CRPA, art. L. 423-1) : « Ainsi que le prévoit l'article 2044 du code civil et sous réserve qu'elle porte sur un objet licite et
contienne des concessions réciproques et équilibrées, il peut être recouru à une transaction pour terminer une contestation
née ou prévenir une contestation à naître avec l'administration. La transaction est formalisée par un contrat écrit ». Sur cette
possibilité le Conseil d'État avait rendu un avis aussi constructif qu'important : CE, Ass., Avis, 6 déc. 2002, Syndicat
intercommunal des établissements du second cycle du second degré du district de l'Haÿ-les-Roses, RFDA 2003. 291, concl.
Le Chatelier, p. 302, note Pacteau. Après avoir rappelé que la transaction administrative a entre les parties une autorité de
chose jugée (C. civ., art. 2052) et que, de ce fait, des conclusions tendant à ce que le juge administratif l'homologue sont « en
principe dépourvues d'objet et par suite irrecevables », l'Assemblée du contentieux, de manière strictement prétorienne,
décide, dans l'intérêt général, d'admettre la recevabilité d'une telle demande d'homologation dans des cas définis assez
largement. La circulaire du 6 avril 2011, qui remplace celle du 7 septembre 2009 1245, incite vivement les administrations à
transiger et le Conseil d'État (op. cit. p. 228) a souhaité que les administrations négocient une transaction dès que leur
responsabilité est engagée de manière certaine… et que les comptables publics se souviennent qu'une transaction est un
contrat qui doit être honoré !
Le juge de cassation peut homologuer une transaction : CE, Ass., 11 juill. 2008, Sté Krupp Hazemag, Rec. 273, Concl.
Dacosta ; AJDA 2008. 1406 et 1588. Sur les voies de recours contre les jugements relatifs à l'homologation des transactions :
CE, Avis, 4 avr. 2005, Sté Cabinet JPR Ingénierie, AJDA 2005. 1403, note Cassia. Le Conseil d'État est compétent pour
statuer sur la légalité de l'acte par lequel le maire conclut une transaction : CE 17 mai 2006, Cne de Jonquières, AJDA 2006.
1390, concl. Glaser. Le consentement des parties à une transaction peut être établi par tout élément de preuve : CE 10 févr.
2014, SA Gecina, AJDA 2014. 1900, note A. Zarca. Le TA de Cergy-Pontoise a admis qu'une transaction pouvait porter sur
un recours pour excès de pouvoir : 8 janvier 2015, Sté Multi Development France, AJDA 2015. 993, note S. Merenne.
c) La conciliation et la médiation 1246. Selon le CRPA (art. L. 421-1) : « Il peut être recouru à une procédure de
conciliation ou de médiation en vue du règlement amiable d'un différend avec l'administration, avant qu'une procédure
juridictionnelle ne soit, en cas d'échec, engagée ou menée à son terme ». En ce qui concerne les contrats et la responsabilité :
« Des décrets en Conseil d'État peuvent déterminer dans quelles conditions les litiges contractuels concernant l'État, les
collectivités territoriales et leurs établissements publics, ainsi que les actions mettant en jeu leur responsabilité
extracontractuelle sont soumis, avant une instance juridictionnelle, à une procédure de conciliation » (art. L. 421-2). Celle-ci
est parfois organisée de manière précise par les textes. Ainsi, le décret du 25 février 1991 instituant le Comité consultatif
national et les Comités consultatifs régionaux de règlement amiable pour les litiges relatifs aux marchés publics. La
procédure de conciliation peut également se situer dans un cadre juridictionnel : « Ainsi qu'il est dit à l'article L. 211-4 du
code de justice administrative, une mission de conciliation peut être organisée par les chefs de juridiction dans les tribunaux
administratifs et les cours administratives d'appel ». Mais le refus, par un tribunal administratif, d'exercer une mission de
conciliation n'est pas susceptible de recours : CE, Ass., 23 juin 1989, Vériter, Rec. 146, concl. Lévis. Le refus d'exercer une
mission de conciliation ne constitue pas une décision juridictionnelle : CE 1er août 2012, SNCF, AJDA 2012. 1557.

SECTION 2. LES TRAITS GÉNÉRAUX DE LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE


Ce qui caractérise la juridiction administrative ce sont les impératifs d'indépendance et de spécialisation. Ils sont mis en
œuvre par : la séparation des juges administratifs et des administrateurs actifs (§ 1), la compétence consultative des
juridictions administratives (§ 2) et par la consécration constitutionnelle de cette indépendance (§ 3).

§ 1. Séparation des juges administratifs et des administrateurs actifs

622 Elle s'applique à la composition des juridictions et au statut de leurs membres.


1o Composition. Les administrateurs actifs ont été progressivement éliminés des principales juridictions administratives.
On a vu (v. ss 567) les étapes de cette élimination, en ce qui concerne le Chef de l'État, puis les ministres. De même, le
préfet, qui présidait le conseil de préfecture, auquel ont succédé en 1953 les tribunaux administratifs, en avait été éliminé en
1926. Seules les juridictions administratives à compétence très particulière (juridictions universitaires ou professionnelles,
etc.), qui ne siègent que de façon épisodique, ne sont pas composées de fonctionnaires spécialisés dans l'activité
juridictionnelle 1247.
2o Statut. L'indépendance des juridictions administratives exige, non seulement que les administrateurs n'y siègent pas,
mais encore qu'ils ne disposent d'aucun moyen de pression sur les juges : il ne faut pas que ceux-ci dépendent, pour leur
carrière, des autorités qu'ils sont amenés à juger. La garantie de l'indépendance est, pour les juges de l'ordre judiciaire, liée
traditionnellement au titre de magistrat, et à l'inamovibilité qu'il implique. Or l'article 86 de la loi no 2012-347 du 12 mars
2012, modifiant l'article L. 231-1 CJA, précise que « Les membres des tribunaux administratifs et des cours administratives
d'appel sont des magistrats » 1248. Il est vrai que la loi du 6 janvier 1986 avait déjà conféré aux membres des tribunaux
administratifs l'inamovibilité puisqu'ils ne pouvaient pas recevoir, sans leur consentement, une affectation nouvelle, même en
avancement. Par contre, aucun texte ne reconnaît la qualité de magistrats aux membres du Conseil d'État. Mais le titre
importe moins que les garanties concrètes d'indépendance que ceux-ci tiennent de leur statut, v. ss 628 1249.
Le Conseil d'État a rendu publique une « Charte de déontologie de la juridiction administrative » qui s'adresse à la fois
aux membres du Conseil d'État et à ceux des TA et des CAA 1250. Elle crée un Collège de déontologie chargé d'éclairer les
membres de la juridiction administrative sur l'application des principes de la Charte 1251. Pour les avis du Collège de
déontologie, v. AJDA 2012. 1190 ; 2013. 1302 ; AJDA 2014. 714 et 2223.
Depuis est intervenue la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 (JO 21 avr. 2016, texte n° 2) « relative à la déontologie et aux
droits et obligations des fonctionnaires ». Son chapitre IV concerne la déontologie des juridictions administratives et
financières. Il affirme, par exemple, que tous les membres de la juridiction administrative « exercent leurs fonctions en toute
indépendance, dignité, impartialité, intégrité et probité ».
3o Pouvoirs 1252. Le Conseil d'État avait posé en principe que la confusion entre jugement et action administrative se
trouverait rétablie si le juge, par l'exercice de sa fonction juridictionnelle, était amené à jouer un rôle d'administrateur, soit en
décidant à la place de l'administration (par exemple en remplaçant lui-même la décision qu'il vient d'annuler), soit en lui
donnant des ordres (par exemple, en lui enjoignant, après annulation d'un refus illégal d'autorisation, de délivrer cette
autorisation). Vis-à-vis de l'administration active, le juge avait donc limité ses pouvoirs de façon très étroite ; il ne se
reconnaissait que celui d'annuler les actes illégaux, l'administration tirant elle-même les conséquences de l'annulation, et
celui de la condamner à indemniser ceux auxquels elle a irrégulièrement causé un dommage. Mais le législateur, soucieux de
renforcer l'autorité des décisions du juge, a modifié profondément cette situation, souvent critiquée par la doctrine
(v. ss 708). Mais il faut souligner déjà la profonde transformation que ces textes apportent à la conception traditionnelle des
pouvoirs du juge administratif à l'égard de l'administration.

§ 2. Compétence consultative des juridictions administratives

623 À côté de leur rôle juridictionnel, les membres des juridictions administratives exercent parfois un rôle consultatif. Appelés à
conseiller l'administration active, ils sont ainsi familiarisés avec ses problèmes, sans, pour autant, se sentir solidaires des
décisions qu'ils peuvent être amenés à censurer en tant que juges, puisque les avis qu'ils ont pu émettre à leur sujet ne lient
pas l'autorité qui les a demandés. La fonction consultative est particulièrement développée au Conseil d'État (v. ss 633). On
la retrouve dans nombre de juridictions spécialisées (juridictions des comptes, juridictions universitaires, etc.). Mais ce
dualisme fonctionnel est sérieusement mis en cause par la Cour européenne des droits de l'homme (v. ss 322).
§ 3. Caractère constitutionnel de la juridiction administrative 1253

624 L'indépendance du juge judiciaire est consacrée par l'article 64 de la Constitution. En ce qui concerne la juridiction
administrative, c'est le Conseil constitutionnel qui a érigé en principe de valeur constitutionnelle l'indépendance de celle-ci.
Le Conseil constitutionnel, dans une première décision (22 juill. 1980, Loi portant validation d'actes administratifs, p. 46)
avait reconnu valeur constitutionnelle à son indépendance comme à celle des juridictions judiciaires. La décision du
23 janvier 1987 (RFDA 1987. 299, et la note de B. Genevois ; RD publ. 1987. 1341, note Y. Gaudemet) va plus loin : elle
élève au rang des « principes fondamentaux reconnus par les lois de la République », qui ont valeur constitutionnelle
(v. ss 312, 588) la règle selon laquelle, « conformément à la conception française de la séparation des pouvoirs »,
« l'annulation ou la réformation des décisions prises, dans l'exercice des prérogatives de puissance publique, par les autorités
exerçant le pouvoir exécutif… relève en dernier ressort de la compétence de la juridiction administrative 1254 ». Celle-ci
trouve, dans cette formule, le fondement constitutionnel qui lui faisait défaut, même si la décision laisse au législateur et à la
jurisprudence un large pouvoir quant au partage des compétences entre les deux ordres de juridictions (v. ss 598 s.) 1255.

SECTION 3. LE CONSEIL D'ÉTAT 1256

625 Historique 1257 ◊ Organe consultatif placé auprès du gouvernement, et principale juridiction administrative, il n'a cessé
d'exercer dans la vie nationale, à ce double titre, un rôle mal connu du grand public, mais essentiel.
Créé par l'article 52 de la Constitution de l'an VIII, à l'imitation du Conseil du Roi dont il se considère comme le
successeur, le Conseil d'État napoléonien exerce d'abord sa compétence consultative dans les trois domaines législatif (il
élabore les grands Codes), exécutif et contentieux : dès 1806, une Commission du contentieux, créée dans son sein, se
spécialise dans le jugement des litiges, au titre de la justice retenue, c'est-à-dire exercée par le souverain lui-même
(v. ss 567).
La Restauration met le Conseil d'État en veilleuse, et va jusqu'à menacer son existence. Mais, à partir de sa réorganisation
en 1831, son double rôle de conseiller du gouvernement et de juge n'est plus sérieusement mis en question. Un moment
suspendu après la chute du Second Empire, la loi du 24 mai 1872 le rétablit et lui confère la justice déléguée. Si le décret du
30 septembre 1953 lui a ôté le caractère de juge administratif de droit commun, son rôle au sein de la juridiction
administrative n'en est nullement amoindri. Les constitutions de 1946 et 1958 ont, de façon implicite, mais certaine, donné à
son existence la garantie constitutionnelle.
En 1962, un incident a confirmé la place prise par le Conseil au sein de l'État ; un arrêt, jugé non sans raisons inopportun
par le gouvernement, avait déclenché, de la part de celui-ci, des protestations et la menace d'une réforme réduisant ses
pouvoirs. Celle-ci est en effet intervenue ; mais les décrets du 30 juillet 1963, loin de répondre aux inquiétudes suscitées par
leur annonce, n'ont fait, dans l'ensemble, que confirmer et affermir le Conseil d'État dans sa double mission contentieuse et
consultative 1258. Il est actuellement régi par l'ordonnance du 31 juillet 1945, et par les décrets précités, auxquels il faut
ajouter le décret 2008-225 du 6 mars 2008 et le décret 2010-164 du 22 février 2010 1259. La réforme réalisée par la loi du
31 décembre 1987 (v. ss 616) si elle a modifié ses compétences, n'a nullement diminué son rôle. Ces textes sont codifiés
(Code de justice administrative).

§ 1. La composition du Conseil d'État

626 A. La hiérarchie ◊ Le Conseil d'État comprend 232 membres – chiffre très faible au regard de l'énorme tâche qui leur
incombe – qui se répartissent en trois catégories hiérarchisées :
1o Les auditeurs de seconde, puis de première classe, initialement réduits à un rôle passif de stagiaires, participent
aujourd'hui activement à la préparation des affaires.
2o Les maîtres des requêtes, titre emprunté à l'ancien Conseil du Roi, jouent, dans cette préparation, le rôle essentiel.
L'un d'eux assure les fonctions de Secrétaire-général du Conseil. Un certain nombre d'entre eux, les Rapporteurs publics,
sont appelés à présenter, dans chaque affaire contentieuse, des conclusions qui proposent, en toute indépendance, la solution
qui paraît à leur auteur la plus conforme au droit (v. ss 705).
3o Les conseillers d'État en service ordinaire statuent sur les affaires préparées par les maîtres des requêtes ou
les auditeurs.
Au sommet de la hiérarchie, on trouve 7 Présidents de Section, qui dirigent le travail de l'une des formations du Conseil,
et enfin le Vice-président du Conseil d'État 1260. Le titre de président est réservé par la tradition au Premier ministre ; en
pratique, c'est le ministre de la Justice qui assume cette présidence lors de certaines séances d'apparat. Dans la réalité, la
présidence effective incombe au Vice président.
En dehors de ce personnel, qui constitue le cadre permanent du Conseil, il faut mentionner :
a) L'existence de 12 conseillers d'État en service extraordinaire, personnalités librement choisies par le gouvernement,
nommés pour cinq ans, et renouvelables après un intervalle de deux ans ; ce sont souvent, mais non pas nécessairement, de
hauts fonctionnaires ; ils ne participent pas aux activités contentieuses.
b) Le concours de Maître des Requêtes en service extraordinaire. Depuis le décret du 28 septembre 2012 (CJA, art. R.
133-10) le Vice-Président du Conseil d'État peut nommer pour quatre ans des Maîtres des Requêtes en service extraordinaire.
Ils sont choisis parmi certaines catégories de Hauts fonctionnaires français ou européens ainsi que parmi les magistrats de
l'ordre judiciaire. Après trente mois au moins d'exercice de leurs fonctions, ils peuvent présenter leur candidature pour une
nomination au grade de Maître des Requêtes.
c) La possibilité pour les ministres de déléguer auprès du Conseil des agents des diverses administrations qui, avec le titre
de commissaires du gouvernement, au sens littéral, jouent un rôle de liaison entre leur service et les sections administratives.
d) Le droit reconnu aux ministres de siéger dans les formations non contentieuses, et d'y faire entendre toute personne
qu'ils jugent en mesure d'éclairer les discussions.
e) Le décret du 20 décembre 2002 crée des « assistants de justice », auprès des juridictions administratives. Ils sont
destinés à apporter leur concours aux travaux préparatoires effectués par les membres de la juridiction, afin de réduire les
délais de jugement. Un certain nombre de ceux-ci sont affectés au Conseil d'État (v. AJDA 2003. 6) (v. ss 617).

627 B. La carrière ◊ Deux impératifs dominent les solutions adoptées : le premier est la conciliation entre la stabilité
nécessaire à un grand corps, et le souci de l'ouvrir sur l'extérieur pour éviter tout risque de sclérose. Il inspire les règles du
recrutement. Le second est la volonté d'assurer l'indépendance des membres du Conseil.

628 1o Recrutement et avancement ◊ Normalement, les membres du Conseil y font toute leur carrière, franchissant les
divers degrés de la hiérarchie. On a souvent souligné le mélange des générations qui en résulte, et qui permet de confronter
sur chaque affaire les points de vue d'auditeurs de 25 ans et de conseillers sexagénaires.
Les auditeurs de seconde classe, jadis recrutés par un concours spécial, se recrutent à la sortie de l'École nationale
d'administration. Ce système maintient, au recrutement, le niveau élevé qu'assurait l'ancien concours. Ceux des auditeurs qui,
après deux années, se seraient révélés insuffisants, peuvent être mutés dans un autre service.
Les auditeurs de 1re classe se recrutent exclusivement parmi les auditeurs de seconde classe.
Le souci d'élargir et de diversifier le recrutement apparaît à l'échelon des maîtres des requêtes ; si les trois quarts des
postes vacants sont réservés aux auditeurs, le gouvernement est libre de désigner, pour le dernier quart, toute personne ayant
au moins 30 ans et dix années de service public : ce sont les nominations au tour de l'extérieur, qui intègrent au Conseil des
hommes ayant l'expérience de l'administration active. Par ailleurs, dans le souci de créer un pont entre le Conseil d'État et les
autres juridictions administratives, chaque année un membre du corps des tribunaux administratifs et des cours
administratives d'appel est nommé Maître des Requêtes au Conseil d'État (loi du 12 mars 2012, art. 79).
Pour les Conseillers d'État, le tour de l'extérieur peut porter sur un tiers des postes, deux postes sur trois étant réservés aux
maîtres des requêtes. La seule condition requise pour le tour de l'extérieur est l'âge de 45 ans au moins. Mais la liberté du
gouvernement en ce qui concerne les nominations au tour de l'extérieur dans tous les corps administratifs où il possède cette
prérogative peut trouver désormais une limite, outre celle pouvant résulter de l'article 13 de la Constitution (v. ss 76) : le juge
n'hésite pas à annuler celles qui sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation quant à l'aptitude de celui qui a été
choisi à remplir ces fonctions. Cette jurisprudence, si elle n'a pas encore eu à intervenir à propos du Conseil d'État, pourrait
lui être étendue. Mais déjà, l'avis du Vice-président est requis pour ces nominations et publié au JO, comme pour les
nominations au tour de l'extérieur dans d'autres fonctions (v. ss 109). De même, en application de l'art. 79 de la loi du
12 mars 2012, pour chaque période de deux ans, un membre du corps des tribunaux administratifs et des cours
administratives d'appel est nommé Conseiller d'État.

629 2o Garanties de carrière ◊ Aux divers stades de la carrière, de très sérieuses garanties tendent à soustraire les
membres du Conseil à l'arbitraire du gouvernement. La principale réside dans l'intervention, pour toutes les décisions
relatives à l'avancement et à la discipline, d'une commission consultative, dans laquelle les maîtres des requêtes et les
auditeurs sont représentés.
L'avancement a lieu, en fait, à l'ancienneté, ce qui évite l'arbitraire. Le décret de 1963, modifié par un décret du 24 février
1973, prévoit diverses mesures destinées à en régulariser le cours. En matière disciplinaire, les membres du Conseil ne
bénéficient pas de l'inamovibilité qui caractérise les magistrats de l'ordre judiciaire ; mais les sanctions, dont le décret de
1963 allonge la liste dans un but d'assouplissement, sont entourées de garanties très strictes. En fait, l'indépendance du
Conseil d'État repose essentiellement sur une tradition plus efficace que bien des textes 1261.
Il faut mentionner les dispositions très souples relatives au détachement qui permettent aux membres du Conseil, sans
rompre le lien qui les unit à lui, de remplir pour un certain temps des fonctions dans l'administration active, notamment dans
les cabinets ministériels ; toutefois, ces possibilités ne s'ouvrent qu'après quatre années de formation au sein du Conseil. Il
continue ainsi à jouer le rôle de réserve de personnel de haute qualité qui fut le sien sous la Monarchie et l'Empire. Tout cela
accroît le prestige du corps et son rôle dans la vie nationale. Il y a également la mise en disponibilité, par laquelle les
membres du Conseil peuvent accéder à des emplois dans le secteur privé. Le décret du 14 octobre 2004 applique au Conseil
d'État les dispositions relatives à la mobilité et au détachement. Il traite aussi de l'accueil au Conseil d'État de fonctionnaires
d'autres corps par voie de détachement (par exemple… des professeurs d'Université).

§ 2. L'organisation du Conseil d'État


À la dualité de ses attributions correspond la dualité de ses formations, administratives d'une part, pour les attributions
consultatives, juridictionnelles d'autre part, pour les attributions contentieuses 1262.

630 A. Les formations administratives 1263 ◊ 1o Le Conseil comptait traditionnellement quatre sections administratives
compétentes pour traiter les affaires relevant d'un certain nombre de ministères désignées par le nom du plus important de
ces ministères (sections des finances, de l'intérieur, des travaux publics) hormis la Section sociale. La réforme de 1963 avait
créé, en outre, une Commission dite du Rapport et des Études, qui a été érigée en Section en janvier 1985 1264. Le décret du
6 mars 2008 a créé une sixième section administrative, dite Section de l'Administration, compétente pour l'ensemble des
instruments de la gestion publique (fonction publique, relations avec les usagers, procédure non contentieuse).
2o Les affaires sont réparties entre les cinq sections autres que celle du Rapport par un arrêté du Premier ministre pris sur
proposition du Vice-Président. Chaque section administrative est composée d'un Président, d'un ou plusieurs Présidents
adjoints, d'au moins six conseillers d'État en service ordinaire dont l'un de la Section du contentieux, de conseillers en
service extraordinaire, de maîtres des requêtes et d'auditeurs.
Chaque section se réunit en formation « ordinaire » comprenant au moins sept membres ; elle siège en formation
« plénière » lorsque son Président estime que l'importance des affaires le justifie. Le Vice-président peut réunir à la section
administrative compétente une ou plusieurs autres sections pour l'examen d'une affaire déterminée.
Pour les actes les plus importants l'avis émane d'une formation particulièrement importante étoffée et solennelle,
l'Assemblée générale du Conseil d'État. Elle siège sous la présidence du Vice-président, soit en formation « ordinaire », soit
en formation « plénière ». Le décret du 6 mars 2008 a supprimé la disposition qui autorisait les ministres à participer, avec
voix consultative, aux débats de l'Assemblée générale. Le Vice-président ou le président de la section administrative
intéressée peuvent appeler à prendre part, avec voix consultative, aux séances des sections administratives et de l'Assemblée
générale les personnes « que leurs connaissances spéciales mettraient en mesure d'éclairer les discussions ». Enfin, une
formation plus légère, la section permanente est chargée de l'examen des projets de loi et d'ordonnance dans les cas
exceptionnels où l'urgence est constatée par le Premier ministre.
Les avis du Conseil d'État sont publiés sur son site Internet (mise en ligne de la base de données ConsiliaWeb).

631 B. Les formations contentieuses ◊ 1o La Section du contentieux, héritière de la commission du contentieux créée
en 1806, a à sa tête un président, assisté de trois présidents adjoints ; elle est divisée en dix sous-sections, ayant chacune leur
président 1265.
2o L'instruction, antérieurement confiée aux sous-sections, incombe, depuis les décrets du 29 août 1984, soit à celles-ci,
soit à la section elle-même, sous l'autorité du président.
3o Toutes les affaires en pratique, vu leur nombre, ne peuvent être jugées par l'ensemble de la Section. Il existe donc, au
sein du Conseil, plusieurs formations de jugement. Mais ces formations n'ont pas toutes la même composition ; elles
constituent une sorte de hiérarchie au sein du conseil, les affaires plus difficiles étant réservées aux formations
plus solennelles.
4o Le jugement incombe, selon l'importance et la nature de l'affaire, soit à une sous-section, soit à deux, trois ou quatre
sous-sections réunies.
5o Une affaire peut présenter des difficultés spéciales, ou poser une question de principe d'une particulière importance.
Dans ce cas, au lieu d'être jugée par la formation dont elle relèverait normalement, elle sera portée devant une formation plus
nombreuse. Il en existe deux : l'une, dite Section du contentieux comprend le président de la section et ses trois adjoints, les
présidents des sous-sections, et le rapporteur ; l'autre, la plus élevée, est l'Assemblée du contentieux, où siègent, sous la
présidence du Vice-président du Conseil d'État, les présidents de section, les trois présidents adjoints de la section du
contentieux, le président de la sous-section qui a instruit l'affaire, les quatre présidents de sous-section les plus anciens et le
rapporteur. Le droit de demander qu'une affaire soit soustraite à la formation dont elle relève normalement et portée devant la
Section ou l'Assemblée appartient au Vice-président du Conseil d'État, aux présidents de la section du contentieux et de la
sous-section qui l'a instruite, et au rapporteur public. Quelle que soit la formation qui a rendu l'arrêt, il a toujours la même
autorité juridique, celle qui s'attache aux décisions du Conseil d'État ; toutefois, l'importance de la décision, et son autorité
morale, varient selon le niveau de la formation dont elle émane 1266.

632 C. La répartition du personnel entre les formations administratives et les formations


contentieuses ◊ Il était apparu souhaitable d'éviter que les membres du Conseil d'État soient spécialisés durant leur
carrière entière soit dans le rôle consultatif, soit dans le contentieux. On s'était donc orienté vers une règle de l'affectation
simultanée à une section administrative et à la section du contentieux (Décr. du 30 juill. 1963).
Mais cette pratique s'est heurtée à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (v. ss 322) qui, à partir de
l'arrêt Procola/Luxembourg, s'est interrogée sur la compatibilité du cumul des compétences juridictionnelles et
administratives par une même juridiction avec les dispositions de l'art. 6 CEDH qui exigent un « tribunal indépendant et
impartial » (v. J.-F. Flauss, in AJDA 2007. 904). Le décret du 6 mars 2008 revient donc sur le principe de la double
appartenance 1267. Selon la formule du Vice-président (Éditorial du Rapport public 2009, p. 7) ce texte « consacre en droit la
séparation de fait existant entre les activités administratives et contentieuses du Conseil d'État ». Désormais les conseillers
d'État peuvent être affectés à deux sections administratives et les maîtres des requêtes ayant au moins quatre années d'activité
peuvent être affectés exclusivement ou à une section administrative ou à la section du contentieux. C'est dans cet esprit qu'est
également supprimée la présence des membres des sections administratives dans les formations de jugement (sauf les
présidents de section à l'Assemblée du contentieux). Par ailleurs le décret du 6 mars 2008 confirme en l'insérant dans le CJA
la règle qu'un membre du Conseil d'État ne peut pas siéger au contentieux sur une affaire dont il a eu à connaître en section
administrative. De même, lorsque l'Assemblée du contentieux est saisie d'un recours contre un acte pris après avis du Conseil
d'État, le Président de la section administrative qui a eu à délibérer de cet avis ne peut pas siéger 1268.
Trois membres du Conseil, en général de jeunes Maîtres des Requêtes, jouent un rôle important en assumant la direction
du Centre de Recherches et de Diffusion Juridiques (CRDJ) qui met à la disposition de chacun une remarquable information
juridique et qui éclairent de leurs commentaires les arrêts les plus importants dans leur célèbre revue de jurisprudence de
l'Actualité Juridique 1269.

§ 3. Les attributions du Conseil d'État

633 A. Attributions consultatives 1270 ◊ On a souvent tendance à les sous-estimer. Le Conseil d'État y attache pourtant, à
juste titre, une grande importance et le souci de ne pas les voir compromises par l'hypertrophie des fonctions contentieuses a
joué son rôle dans la réforme de 1987. C'est dans cet esprit également que sont intervenues les réformes récentes concernant
les sections administratives (v. ss 630). Le Conseil d'État, en effet, est le conseiller du gouvernement, souvent obligé par un
texte de solliciter son avis, tant en matière législative que sur des actes réglementaires ou particuliers.
1o En matière législative 1271, le Conseil d'État intervient en tant que conseiller du gouvernement dans l'exercice de son
droit d'initiative : les projets de loi doivent, avant d'être délibérés en Conseil des ministres, être soumis pour avis au Conseil
d'État (Const., art. 39). Il en va de même pour les ordonnances prises par le gouvernement lorsqu'il a reçu du Parlement
l'autorisation de statuer dans le domaine réservé à la loi (Const., art. 38 ; v. ss 333 s.). De manière heureuse la révision
constitutionnelle du 23 juillet 2008, en modifiant l'art. 39 C., permet désormais de soumettre également à l'avis du Conseil
d'État une proposition de loi déposée par un parlementaire. C'est le président de l'assemblée à laquelle celui-ci appartient qui
en a le pouvoir ; l'auteur de la proposition peut s'y opposer, ce qui serait pour le moins paradoxal. La procédure de cette
consultation est fixée par la loi du 15 juin 2009 modifiant l'Ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement
des assemblées.
2o Dans l'exercice du pouvoir réglementaire, il faut distinguer : lorsque le règlement porte sur une matière possédant le
caractère réglementaire (Const., art. 37 ; v. ss 346) l'avis du Conseil est requis si le règlement est amené à modifier une loi
intervenue antérieurement sur cette matière. Dans le domaine législatif où le règlement n'intervient que pour compléter et
assurer l'application de la loi, l'avis du Conseil est obligatoire lorsque la loi précise que les décrets d'application seront pris
en Conseil d'État.
3o En matière de décisions particulières, des textes nombreux prévoient l'intervention du Conseil (par exemple, pour la
reconnaissance d'utilité publique d'une association, pour un changement de nom, etc.).
4o L'obligation de prendre l'avis du Conseil d'État est sanctionnée de façon rigoureuse : son omission entache l'acte
administratif pour lequel l'avis n'a pas été sollicité du vice d'incompétence, que le juge peut relever d'office, le Conseil étant
considéré comme coauteur de l'acte. Mais l'obligation de prendre son avis n'entraîne nullement celle de le suivre. Le
gouvernement est toujours maître de ses décisions, hormis les cas, très rares, où le texte prévoit la nécessité d'un avis
conforme 1272. Cependant, le gouvernement, libre de choisir entre son projet initial et le projet amendé que lui retourne le
Conseil, n'a pas le droit d'opter pour un troisième texte, dont le Conseil, par la force des choses, n'aurait pas connu.
5o En dehors des cas où il a l'obligation de saisir le Conseil, le gouvernement a toujours la faculté de le consulter, tant sur
un règlement qu'avant une décision particulière, et même (décr. 26 août 1975) de lui confier une étude. En outre, il peut le
consulter lorsqu'une difficulté se présente en matière administrative, par exemple au sujet de l'interprétation d'un texte. Les
avis sont destinés au gouvernement, qui est seul qualifié pour décider s'il y a lieu ou non de les publier. Les gouvernements
sont très attachés à cette absence de publicité lorsque l'avis formule des critiques à l'égard du projet qu'ils soumettent au
Conseil. Au contraire, ils publient volontiers ceux qui éclairent une question qui intéresse l'opinion publique (cf. l'avis du
27 novembre 1989 sur l'affaire des foulards islamiques, RFDA 1990. 1, note J. Rivero). En fait, les autorisations de
publication sont de plus en plus fréquentes, et nombre d'avis paraissent chaque année dans la revue Études et documents du
Conseil d'État. Il existe également un ouvrage Les grands avis du CE (cf. Bibliographie).
6o Le Conseil peut prendre l'initiative de suggérer aux pouvoirs publics les réformes législatives ou réglementaires qu'il
estime souhaitables. Pour l'inciter à user plus largement de ce droit, la réforme de 1963 lui a imposé de présenter chaque
année au gouvernement un rapport formulant notamment ces suggestions, et préparé par la Commission du Rapport et depuis
1975 des études érigée en Section en 1985 (v. ss 630) ; cette adjonction à son titre initial traduit la possibilité, dont elle use
largement, d'étudier à fond les problèmes administratifs qu'elle juge importants, en dehors même de toute demande du
gouvernement 1273. Le rapport est publié, et paraît dans la revue Études et documents 1274. Le Premier ministre a demandé que
soit créé un groupe de travail pour examiner les suites à donner au rapport (AJDA 2006. 1357).
7o Enfin, la réforme de 1963 ouvre aux ministres la possibilité de faire collaborer aux projets de textes en cours
d'élaboration dans leurs services, et à la solution de leurs problèmes juridiques, des membres du Conseil, isolés ou réunis en
une mission. Cette pratique peut être beaucoup plus féconde que l'avis donné sur un projet entièrement achevé, et que ses
auteurs, dès lors, répugnent à remanier. Pour développer cette coopération dans un domaine où elle s'avère particulièrement
souhaitable, le décret du 26 août 1975 prévoit la possibilité d'associer un membre du Conseil à la préparation des règlements
nécessaires à l'application d'une loi. Mais les possibilités ainsi offertes n'ont guère été utilisées.
Le rapport annuel comme les avis n'est pas, en principe, rendu public, sauf si le gouvernement en décide autrement. Mais
en fait, son contenu est repris dans la revue Études et Documents. Lors d'une conférence de presse (4 mai 2010) le Vice-
Président du Conseil d'État a regretté « la brièveté souvent excessive des délais impartis » pour examiner les textes avant-
projet de loi du gouvernement.

634 B. Attributions contentieuses 1275 ◊ On sait déjà (v. ss 615, 616) qu'elles sont de trois sortes :
1o En premier et dernier ressort, le Conseil d'État, longtemps juge administratif de droit commun, ne possède plus, en
cette matière, depuis la réforme de 1953, qu'une compétence d'attribution : le décret du 30 septembre 1953 lui a réservé
notamment certains litiges, jugés trop importants pour être soumis au tribunal administratif, juge de droit commun ; la liste
en avait été allongée à plusieurs reprises mais le décret du 22 février 2010 a réduit celle-ci. (v. CJA, art. L. 311-2 à 5 et
R. 311-1). Sont ainsi portés directement devant le Conseil d'État :
a) d'une part (litiges particulièrement importants) les recours dirigés contre les ordonnances du Président de la République
et les décrets ;
b) Dans le même esprit, les litiges concernant les agents publics nommés par décret du Président de la République, mais
uniquement en ce qui concerne leur recrutement et la discipline (décr. 22 févr. 2010) 1276 ;
c) les recours dirigés contre les actes réglementaires des ministres et des autres autorités à compétence nationale et contre
leurs circulaires et instructions de portée générale 1277 ;
d) les recours dirigés contre les décisions prises par un certain nombre (quatorze très exactement) d'autorités
administratives indépendantes ;
e) les recours en interprétation et les recours en appréciation de légalité des actes dont le contentieux relève en premier et
dernier ressort du Conseil d'État ;
f) les recours dirigés contre les décisions ministérielles prises en matière de contrôle des concentrations économiques ;
g) les oppositions aux changements de nom ;
h) les protestations dirigées contre les élections des représentants au Parlement européen, les élections aux conseils
régionaux et à l'Assemblée de Corse, ainsi qu'aux Assemblées de Nouvelle-Calédonie, de Polynésie française, de Wallis et
Futuna, de Saint-Barthélémy, de Saint-Martin et de Saint Pierre et Miquelon ;
i) les élections à l'Assemblée des français de l'étranger ;
j) les consultations organisées en application des art. 72-4 et 73 de la Constitution.
L'art. L. 311-4 CJA mentionne un certain nombre d'organismes dont les décisions peuvent faire l'objet d'un recours de
pleine juridiction directement devant le Conseil d'État.
Il faut souligner que ne relèvent plus de la compétence de premier ressort du Conseil d'État les litiges qui ne sont de la
compétence territoriale d'aucun Tribunal administratif ainsi que les actes dont le champ d'application dépasse celui d'un
seul tribunal.
2o En appel, le Conseil d'État depuis l'entrée en vigueur de la loi du 31 décembre 1987, n'est compétent que pour les
recours contre les jugements des tribunaux administratifs qui ne relèvent pas des Cours administratives d'appel (v. ss 616),
c'est-à-dire ceux que « l'intérêt d'une bonne administration de la justice conduit à attribuer au Conseil d'État » (CJA,
art. L. 321-1). Aux termes de l'article R. 321-1 CJA il s'agit des appels formés contre les jugements des tribunaux
administratifs rendus sur les recours sur renvoi de l'autorité judiciaire ainsi que sur les litiges relatifs aux élections
municipales et cantonales. La loi du 30 juin 2000 (v. ss 702) prévoit qu'il statue également sur les appels en matière de
« référé-liberté ».
3o Le Conseil d'État est juge de cassation 1278, depuis la réforme de 1987, à l'égard des arrêts des Cours administratives
d'appel. En outre, il garde le même rôle, selon les solutions antérieures, à l'égard des autres juridictions administratives
statuant en dernier ressort. Le recours en cassation est ouvert sans texte, en vertu d'un principe général du droit (CE 7 févr.
1947, d'Aillières, GAJA, no 55). Il n'est exclu que si le législateur l'a nommément écarté. Dès qu'un organisme, statuant en
dernier ressort, se voit reconnaître le caractère de juridiction administrative, le recours en cassation est ouvert contre ses
décisions, même si la loi décide qu'elles sont « définitives », formule qui n'est pas jugée assez nette par le Conseil d'État pour
exclure son contrôle par la voie de la cassation.
4o À ces compétences proprement contentieuses, l'article 12 de la loi du 31 décembre 1987 en a ajouté une qui, bien que
se rattachant au domaine du contentieux, ne présente qu'un caractère consultatif 1279. Lorsqu'un Tribunal administratif ou une
Cour sont saisis « d'une question de droit nouvelle présentant une difficulté sérieuse, et se posant dans de nombreux litiges »
le Tribunal ou la Cour peut, s'il le juge utile, surseoir à statuer, et poser la question au Conseil d'État. Celui-ci, dans les trois
mois, indique la solution qu'il estime fondée, par un avis, qui n'a pas autorité de chose jugée et ne lie donc pas la juridiction
qui a saisi le Conseil. L'avis est publié au JO, et fait l'objet de conclusions d'un rapporteur public 1280. On peut cependant
penser, étant donné l'autorité de son auteur, qu'il sera suivi non seulement par la juridiction qui l'a sollicité, mais par
l'ensemble de celles qui seront saisies de la même question. Ainsi pourront se trouver prévenues des divergences
jurisprudentielles entraînant une multiplication des recours, et donc un encombrement et un ralentissement de la justice
administrative, que la loi de 1987 a entendu combattre. Si la difficulté porte sur la compétence de la juridiction
administrative, le Tribunal ou la Cour, on l'a vu (v. ss 576), peut alors saisir le Tribunal des conflits.
5o Cour suprême de l'ordre administratif, le Conseil d'État a vu s'ajouter, à ces attributions, des fonctions de régulateur des
compétences au sein de la juridiction administrative 1281.
a) Il s'est reconnu compétent, dès 1932, pour opérer des règlements de juge, comme le fait la Cour de cassation dans
l'ordre judiciaire, c'est-à-dire pour résoudre, soit des conflits négatifs de compétence entre deux juridictions administratives
s'étant l'une et l'autre déclarées incompétentes, soit des conflits de fond résultant de décisions contradictoires. Lorsque l'une
des deux décisions est devenue définitive, les voies de recours normales, appel ou cassation, ne permettraient pas d'effacer de
telles contradictions. Le Conseil d'État, dans ces hypothèses, d'ailleurs exceptionnelles, règle le problème en déclarant
d'office nulle et non avenue la décision erronée, en dépit de son caractère définitif. 1282
b) Connexité 1283. Il y a connexité entre deux litiges lorsque la solution de l'un est nécessairement fonction de celle que
reçoit l'autre. Or, il peut arriver que deux litiges connexes relèvent chacun d'une juridiction administrative différente. Il est
préférable, dans ce cas, de permettre à une seule des juridictions saisies de statuer sur les deux instances. Si la connexité
existe entre deux litiges relevant, l'un du Conseil d'État statuant en premier ressort, l'autre soit d'une Cour administrative
d'appel soit d'un tribunal administratif, le Conseil d'État peut ordonner la jonction à son profit, et statuer sur les deux litiges.
Si elle existe entre deux litiges relevant de deux cours administratives d'appel ou de deux tribunaux administratifs différents,
le Président de la section du contentieux, saisi par le président d'une des cours ou d'un des tribunaux administratifs, désigne
celui qui connaîtra de l'ensemble.
Exemples de connexité : CE 28 mai 2001, Cne de Bohars et SARL Minoterie Française, Rec. 249 ; 13 juin 2001, Verdure,
Rec. 261.
c) Le règlement des difficultés de compétence au sein de la juridiction administrative (initié par le décret du 22 février
1972, codifié aux articles R. 351-1 s. du CJA 1284). Une juridiction administrative qui estime que le litige à elle soumis entre
dans la compétence d'une autre juridiction administrative ne pouvait, jusqu'à ce décret, que prendre un jugement affirmant
son incompétence. Elle n'avait pas qualité pour désigner celle qu'elle estimait compétente. Le plaideur, s'il pensait que ce
jugement d'incompétence était mal fondé, ne pouvait que l'attaquer par les voies de recours habituelles, appel ou cassation.
D'où des retards considérables dans la solution de tels litiges.
Le décret du 22 février 1972 a entendu porter remède à cet état de choses, en prévenant les jugements d'incompétence par
des procédures de renvoi, et en confiant la désignation de la juridiction compétente au Président de la section du contentieux
du Conseil d'État.
Deux cas sont à distinguer :
– Le Conseil d'État est saisi, en premier ressort, d'une affaire relevant en réalité, de la compétence, soit d'un tribunal
administratif, soit d'une juridiction administrative autre qu'un tribunal administratif : le renvoi à la juridiction compétente est
décidé, dans les deux cas, par le Président de la section du contentieux, par ordonnance non motivée (décr. 29 août 1984,
art. 14).
– Un tribunal administratif est saisi d'une affaire qui lui paraît relever de la compétence d'une autre juridiction
administrative : le Président transmet le dossier au Conseil d'État. La désignation de la juridiction compétente incombe au
Président de la section du contentieux.
Dans tous les cas, les décisions de renvoi ne sont susceptibles d'aucun recours, et la juridiction à laquelle l'affaire est
attribuée ne peut décliner sa compétence, sauf en se fondant sur l'incompétence de l'ensemble des juridictions
administratives ; encore cette possibilité n'existe-t-elle que pour les tribunaux administratifs.
d) Le décret du 22 février 1972 a ajouté à ces réformes une disposition qui ne s'y rattache que parce qu'elle tend au même
but : accélérer le cours de la justice. L'hypothèse est la suivante : un tribunal administratif, ou le Conseil d'État, saisis d'un
litige pour lequel ils ne sont pas compétents, constatent que le recours est entaché d'une irrecevabilité manifeste, que la
juridiction compétente ne pourrait que relever (par exemple : le délai du recours était expiré). Dans ce cas, ce serait faire
perdre au requérant du temps et de l'argent que de le renvoyer devant cette juridiction. Celle qu'il a saisie à tort reçoit
compétence pour déclarer l'irrecevabilité.
e) Il faut souligner l'importance du rôle que les procédures précédentes confient au Président de la Section du
contentieux : dans de nombreux cas, il statue personnellement, par voie d'ordonnance. On trouve, dans certaines procédures
particulières, d'autres exemples de compétences propres au Président C'est le cas, notamment, des pouvoirs qui lui sont
attribués dans le domaine de l'audiovisuel, pour imposer aux chaînes privées le respect de leurs obligations.
f) L'ensemble de ces solutions manifeste un souci louable de faciliter, pour le justiciable, l'accès au juge. On peut les
rapprocher, de ce point de vue, des réformes réalisées par le décret du 25 juillet 1960 en ce qui concerne les conflits de
compétence entre la juridiction judiciaire et la juridiction administrative (v. ss 577). Mais il faut se garder de les confondre :
seuls les conflits de compétence entre les diverses juridictions administratives relèvent des modes de solution qu'on
vient d'étudier.
6o Aux attributions du Conseil d'État en tant que Cour suprême de l'ordre administratif on peut rattacher la Mission
permanente d'inspection des juridictions administratives qui lui est confiée 1285.

SECTION 4. LES COURS ADMINISTRATIVES D'APPEL 1286


La création des Cours administratives d'appel a été l'élément central de la réforme du contentieux opérée par la loi du
31 décembre 1987 (v. ss 616).

§ 1. Composition et organisation

635 Il y a actuellement huit Cours administratives d'appel.


Chacune des cours est divisée en chambres (10 pour Paris ; 9 pour Marseille ; 7 pour Versailles, 6 pour Bordeaux et
Lyon ; 5 pour Nantes ; 4 pour Nancy ; 3 pour Douai). En formation de jugement une chambre comprend son président, un
magistrat affecté à celle-ci et le magistrat rapporteur. Lorsque la nature ou la difficulté de l'affaire le justifie elle peut
s'adjoindre deux autres magistrats. La Cour peut siéger en formation de chambres réunies (deux ou trois) : présidée par le
Président de la Cour elle compte, selon le cas, de sept à neuf membres. En formation plénière la Cour, présidée par son
Président, comprend les présidents de chambre, le magistrat rapporteur et, s'il y a lieu, un magistrat départageur. Le Président
de la Cour est un conseiller d'État, soit qu'il possède déjà cette qualité, soit, s'il est pris parmi les membres des tribunaux
administratifs ou des cours, qu'il y accède en même temps qu'à la présidence. Un Président de cour administrative d'appel ne
peut pas rester plus de sept ans sur le même poste (L. 12 mars 2012, art. 85).

§ 2. Recrutement

636 Les membres des Cours administratives d'appel forment avec ceux des tribunaux administratifs, un seul et même corps, dit
« Corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ». À la différence de l'ordre judiciaire, dont tous les
membres appartiennent au même corps et relèvent du même statut, ce corps reste distinct de celui que forme le Conseil
d'État. Mais des passages de l'un à l'autre existent (v. ss 628).
La voie normale d'accès est le recrutement à la sortie de l'ENA (v. ss 615). Mais la nécessité d'accroître les effectifs a
entraîné des recrutements parallèles : à cette fin, un concours, distinct de celui de l'ENA, créé par une loi de 1980, est
actuellement régi par l'art. 83 de la loi du 12 mars 2012. Le recrutement par concours des membres du Corps des tribunaux
administratifs et des cours administratives d'appel ne peut pas excéder trois fois le nombre des postes offerts à la sortie de
l'ENA 1287. Le statut prévoit, en outre, comme au Conseil d'État, la possibilité de nominations au tour à l'extérieur, qui est
largement utilisée.
Les membres des cours administratives d'appel appartiennent tous au corps des Tribunaux administratifs et des Cours
administratives. Mais si, à l'origine, ils avaient été choisis exclusivement au sein des tribunaux administratifs, ceux-ci
auraient été privés d'un nombre important (environ une centaine) de leurs membres et sans doute des meilleurs. Il a donc
fallu, pour un tiers des postes créés, organiser un recrutement direct, les textes précisant les qualités de ceux – hauts
fonctionnaires, magistrats judiciaires, avocats etc. – qui pouvaient se porter candidats. Une commission de sélection,
présidée par le Vice-Président du Conseil d'État, a choisi ceux qui ont été retenus.

§ 3. Carrière et statut

637 Le personnel du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel est hiérarchisé. À partir d'un certain
niveau dans la hiérarchie, les conseillers peuvent accéder aux cours administratives. Nominations et promotions sont faites
par décret. L'indépendance est garantie ; la règle de l'inamovibilité interdit, comme dans l'ordre judiciaire, les mutations non
consenties. Les détachements dans des administrations ou des entreprises publiques sont prévus. Le Conseil supérieur des
tribunaux et des cours, où leurs membres sont représentés (L. 6 janv. 1986), intervient, avec des pouvoirs importants, en
matière d'avancement et de discipline 1288 ; enfin, la loi du 31 décembre 1987 a ôté la gestion du corps au ministère de
l'Intérieur, qui l'exerçait jusque-là – survivance des anciens conseils de préfecture – pour la transférer au Secrétariat général
du Conseil d'État.

§ 4. Compétence

638 Les Cours administratives d'appel statuent, en appel, sur les jugements des tribunaux administratifs, à l'exception des
hypothèses, rares, où le Conseil d'État est demeuré juge d'appel de ceux-ci (v. ss 616, 634). Un décret ne peut pas donner
compétence aux CAA pour connaître en appel de décisions rendues par d'autres juridictions administratives : CE 28 déc.
2005, Union syndicale des magistrats administratifs, Rec. 591. Cette très large compétence, on l'a déjà signalé (v. ss 619),
avait provoqué un encombrement du rôle des cours administratives d'appel. Pour essayer d'y remédier un décret du 24 juin
2003 avait rationalisé leur fonctionnement et étendu l'obligation de recourir à un avocat 1289.
La Cour administrative d'appel de Paris est compétente pour connaître en premier et dernier ressort : – des recours dirigés
contre les arrêtés du ministre du Travail relatifs à la représentativité des organisations syndicales ; – des litiges relatifs aux
décisions prises par le Conseil supérieur de l'audiovisuel sur la base de la loi du 30 septembre 1986. Les Cours
administratives d'appel sont compétentes pour connaître en premier et dernier ressort des litiges relatifs aux décisions prises
par la Commission nationale d'aménagement commercial (sur tous ces points, loi 13 août 2013, art. 5). Le décret du 8 janvier
2016 donne compétence à la CAA de Nantes pour connaître du contentieux concernant les ouvrages de production et de
transport d'énergie renouvelable 1290.
Du point de vue territorial, chaque cour connaît des appels contre les jugements des tribunaux administratifs situés dans
son ressort. La Cour de Paris connaît, en outre, de ceux dirigés contre les jugements des tribunaux d'Outre-Mer.
Quelques attributions consultatives ont été confiées aux cours.

SECTION 5. LES TRIBUNAUX ADMINISTRATIFS 1291


Les Tribunaux administratifs sont les successeurs des Conseils de préfecture, créés en l'An VIII, et transformés en
Conseils interdépartementaux de préfecture en 1926 (v. ss 614). Ils ont répondu à l'attente des auteurs de la réforme de
1953 qui voulaient en faire une juridiction de qualité permettant de lui confier le contentieux administratif en premier ressort.
Les tribunaux administratifs ont rendu 195 625 jugements en 2014, avec un taux d'appel de l'ordre de 15 % ; 96,4% des
jugements des TA sont la solution définitive du litige, ce qui montre bien la qualité de la Justice rendue

§ 1. Organisation

639 Il y a actuellement 31 tribunaux administratifs en métropole, depuis la création de ceux de Nîmes (décr. du 19 juill. 2006), de
Toulon (décr. du 21 août 2008) et de Montreuil (décr. du 29 juill. 2009). Les départements d'Outre-mer sont également dotés
d'un tribunal administratif. Mais, traditionnellement, il y avait, dans les territoires d'Outre-mer, un Conseil du contentieux
administratif. Ils ont, successivement, été transformés en tribunaux administratifs, la dernière transformation ayant été
opérée par une ordonnance du 26 septembre 2003 en ce qui concerne les Iles Wallis et Futuna. Il y a donc, maintenant,
9 tribunaux administratifs ultramarins (Guadeloupe, Guyane, Martinique, Réunion, St Pierre et Miquelon, Nouvelle-
Calédonie, Polynésie française, Mayotte, Wallis et Futuna).
Les tribunaux administratifs sont divisés en chambres : de 2 à 10 et 18 pour Paris où les chambres sont regroupées en
6 sections. Les jugements sont rendus par une formation de trois membres (CJA, art. R. 222-18). Mais l'affaire peut être
renvoyée à une formation de chambres réunies (CJA, art. R. 222-19-1) ou « à titre exceptionnel » au Tribunal administratif
siégeant en formation plénière (art. R. 222-20). Mais de celle-ci se distingue la « Formation élargie » sorte de formation
plénière restreinte. La constitution de ces différentes formations de jugement vise à éviter des divergences de jurisprudence à
l'intérieur même du Tribunal. Un nombre de plus en plus important de litiges sont jugés par le seul président du tribunal
administratif, ou par le magistrat qu'il a délégué à cet effet (v. CJA, art. L. 3 et L. 222-1 et R. 222-13). L'article 2 du décret
du 13 août 2013 allonge la liste des affaires soumises à un juge unique (CJA, art. R. 222-13), et l'art. 3 (CJA, art. R. 732-1-1)
inscrit le contentieux social parmi les affaires sans conclusion du Rapporteur public. Ainsi se confirme bien,
malheureusement, le fait que la justice administrative est de plus en plus souvent rendue non pas en formation collégiale
mais par un juge unique (v. ss 618).

§ 2. Recrutement et statut

640 Les juges des tribunaux administratifs formant un corps unique avec ceux des cours administratives d'appel, les règles
relatives au recrutement et au statut du corps sont celles qui ont été exposées (v. ss 636) à propos des Cours
administratives d'appel.
Toutefois, il faut souligner que le législateur a eu le souci de proclamer solennellement l'indépendance des juges des
tribunaux administratifs. Tel a été l'objet de la loi du 6 janvier 1986, complétée et modifiée par les lois du 25 juin 1990 et
25 mars 1997. La loi affirme l'inamovibilité des magistrats administratifs en ce qu'ils ne peuvent recevoir, sans leur
consentement, une affectation nouvelle, même en avancement.

§ 3. Attributions
Les Tribunaux administratifs ont, tout à la fois, des attributions administratives et des attributions contentieuses.

641 A. Attributions administratives 1292 ◊ « Outre leurs attributions juridictionnelles les tribunaux administratifs et les
cours administratives d'appel exercent des fonctions consultatives » (CJA, art. L. 212-1). Il faut bien reconnaître que cette
disposition ne reçoit guère d'application, si ce n'est les questions qui leur sont soumises par les Préfets. Il faut le regretter,
mais les membres des tribunaux administratifs sont souvent appelés à participer individuellement à certains travaux des
administrations territoriales.
Le Conseil d'État a jugé, ce que l'on peut discuter, que le Président d'un tribunal administratif qui avait donné au maire de
la commune son avis sur un arrêté de police, pouvait siéger lors de l'audience au cours de laquelle le tribunal examinait la
légalité de cet arrêté : CE, Sect., 25 janv. 1980, Gadiaga, Rec. 44, concl. Rougevin-Baville.

642 B. Attributions contentieuses 1293


◊ Le tribunal administratif étant juge de droit commun du contentieux
administratif, il connaît, en premier ressort, de tous les litiges, hormis ceux que la loi attribue formellement à une autre
juridiction ; par exemple, ceux qui continuent à relever en premier et dernier ressort du Conseil d'État (v. ss 615, 616).
La compétence ratione loci, ou territoriale, est plus difficile à déterminer. Chaque tribunal n'est compétent que pour les
litiges qui sont nés dans son ressort territorial ; le décret du 28 novembre 1953 pose un principe : pour tout litige
administratif ayant, à son origine, une décision administrative, c'est le tribunal dans le ressort duquel a son siège l'autorité
dont émane la décision qui est compétent. Ce principe, sans correctifs, eût abouti à un résultat désastreux : étant donné la
centralisation qui caractérisait la France avant 1982 (v. ss 118), c'est à Paris que se prenaient la majorité des décisions ; le
tribunal administratif de Paris aurait donc été rapidement embouteillé 1294. Pour prévenir cette nouvelle cause
d'encombrement, le décret a apporté, au principe ci-dessus rappelé, les aménagements suivants :
– Tout d'abord, les règles de compétence ratione loci sont d'ordre public ; les parties n'y peuvent déroger, sauf en matière
de contrats administratifs, et encore à condition que l'intérêt public ne s'y oppose pas.
– Un grand nombre de règles propres à certaines catégories de litiges attribuent la compétence selon un autre critère que
celui du siège de l'autorité qui a pris la décision litigieuse : situation de l'immeuble (litiges portant sur un immeuble), lieu où
s'est produit le fait dommageable (actions en responsabilité nées d'un dommage causé par un fait matériel), résidence du
demandeur (litiges portant sur la qualité d'ancien combattant, de déporté, etc.), lieu d'affectation (contentieux individuel des
fonctionnaires), etc. Ces exceptions au principe de la compétence du tribunal du siège de l'autorité qui a pris la décision ont
été précisées et développées par le décret no 1510 du 27 décembre 1960. (CJA, art. R. 312-6 s.). Les litiges relatifs au rejet
des demandes de visa d'entrée en France sont de la compétence du Tribunal administratif de Nantes (art. R. 312-18) et les
litiges qui ne relèvent d'aucun tribunal administratif pour les contentieux nés hors de France, de celui de Paris (art. R. 312-
19).
La loi du 2 mars 1982 (v. ss 118, 232) a ajouté aux compétences précédentes le contrôle par le tribunal administratif de la
légalité des décisions prises par les organes des collectivités décentralisées du ressort qui lui sont déférées par le représentant
de l'État ; d'où le nom de déféré donné à ces recours.
Les Tribunaux administratifs statuent à charge d'appel devant une CAA. Toutefois il y a des cas où ils statuent en premier
et dernier ressort : le décret du 13 août 2013 a modifié l'art. R. 811-1 CJA qui en donne la liste (8 rubriques). Le jugement
n'est alors passible que d'un recours en cassation.
Il faut rappeler (v. ss 621) qu'aux termes de l'art. L. 211-4 CJA « Les tribunaux administratifs peuvent exercer une mission
de conciliation » 1295. Cette procédure est fort peu utilisée et cela est dommage.
CHAPITRE 3
LES RECOURS CONTENTIEUX

Section 1. CARACTÈRES GÉNÉRAUX DES RECOURS CONTENTIEUX


Section 2. LES DIVERS TYPES DE RECOURS CONTENTIEUX
Section 3. LE RECOURS POUR EXCÈS DE POUVOIR
Sous-section 1. Développement et caractères
Sous-section 2. Les conditions de recevabilité du recours pour excès de pouvoir
§ 1. La nature de l'acte
§ 2. La personne du requérant
§ 3. Procédure, formes, délais
§ 4. Absence de recours parallèle
Sous-section 3. Les cas d'annulation
§ 1. Généralités
§ 2. L'incompétence
§ 3. Le vice de forme
§ 4. Le détournement de pouvoir
§ 5. La violation de la loi
Sous-section 4. Le jugement du recours
§ 1. Les particularités de la procédure
§ 2. Contenu et effets du jugement
§ 3. Les voies de recours
On entend, par recours, tout moyen mis par le droit à la disposition d'une personne pour faire redresser une situation par
une autorité publique, tout mode de réclamation juridiquement organisé.
Parmi ces moyens, les recours contentieux constituent une catégorie dont il conviendra de préciser les caractères
(Section 1). On verra ensuite comment se distinguent les divers types de recours contentieux et leur classification
(Section 2). On étudiera enfin, étant donné son importance, le plus original des recours contentieux : le recours pour excès de
pouvoir (Section 3).

SECTION 1. CARACTÈRES GÉNÉRAUX DES RECOURS CONTENTIEUX


Les recours ouverts aux personnes qui entendent contester une décision administrative se répartissent en deux grands
groupes : d'une part les recours administratifs 1296, portés devant l'administration active elle-même (v. s 521 et 581), d'autre
part les recours contentieux portés devant un juge. On étudiera leurs différences et leurs rapports. À ces deux catégories
classiques s'est ajoutée une nouvelle forme de réclamation, qui se distingue de l'une et de l'autre : le recours au Défenseur des
droits institué par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 (v. ss 558 s.)

643 A. La distinction entre les deux types de recours ◊


1o On a déjà relevé le trait essentiel, dont tous les autres procèdent : l'autorité devant laquelle le recours est porté. Dans
le recours administratif, c'est un administrateur : l'auteur de l'acte dont l'administré a à se plaindre, ou son supérieur
hiérarchique ; dans le premier cas, le recours administratif est dit recours gracieux : on demande à un agent de revenir sur sa
propre décision ; dans le second cas, le recours est dit hiérarchique : il tend à mettre en mouvement le contrôle du
supérieur 1297
Le recours contentieux, par contre, est toujours porté devant une juridiction.
2o Le fondement de la demande 1298. Dans le recours administratif, l'administré peut invoquer, à l'appui de sa demande,
n'importe quel motif : un motif juridique, certes (il peut signaler à l'administration une erreur de droit ou de fait qui rend la
décision illégale), mais aussi des raisons d'opportunité ; il peut même s'adresser à la bienveillance de l'administration.
Le recours contentieux ne peut se fonder que sur la violation du droit.
3o Formes et procédure. Le recours administratif est, en principe, totalement libre : le particulier qui l'exerce n'est
astreint au respect d'aucun délai, lié par aucun formalisme ; l'autorité qui le reçoit, de son côté, n'est assujettie à aucune règle
de forme ou de procédure pour y répondre. Cependant, comme on l'a vu (v. ss 434) lorsque l'Administration reçoit une
demande d'un administré elle doit lui adresser un accusé de réception, lui indiquer le délai dans lequel le silence vaudra
décision etc. Elle a également l'obligation, le cas échéant, de mettre l'usager en mesure de régulariser les vices de forme ou
de procédure qui entachent sa demande ou de transmettre celle-ci à l'autorité compétente pour en connaître.
Le recours contentieux est enfermé par les textes dans des formes et des délais dont la méconnaissance le rendrait
irrecevable. Le juge statue selon une procédure réglée.
4o Pouvoirs de l'autorité saisie. À l'égard du recours, l'autorité administrative a tout pouvoir : elle peut n'y donner
aucune suite ; elle peut le rejeter ; elle peut y faire droit, en partie, en totalité, ou même accorder plus qu'on ne lui demandait.
Elle dispose, pour modifier l'acte, de la même compétence qui lui a permis de le prendre, réserve faite des droits acquis à des
tiers (v. ss 453).
Le recours contentieux impose au juge l'obligation de statuer ; mais ses pouvoirs à l'égard de l'acte sont limités
(v. ss 707) ; de plus, il ne saurait statuer ultra petita, c'est-à-dire accorder plus qu'il ne lui est demandé.
5o Nature de la décision rendue sur le recours. Le recours administratif aboutit à une décision administrative, soumise
au régime des actes administratifs unilatéraux. Le recours contentieux aboutit à une décision juridictionnelle possédant
l'autorité de la chose jugée.
6o On peut, de ce qui précède, dégager la définition des recours contentieux, par opposition aux recours administratifs :
les recours contentieux sont ceux par lesquels une personne soumet à un juge, dans des formes réglées, une prétention
juridique, en vue d'obtenir satisfaction par une décision juridictionnelle.

644 B. Les rapports entre recours administratifs et recours contentieux ◊


1o Du point de vue juridique, il s'agit de deux institutions distinctes, totalement étrangères l'une à l'autre. Mais, du
point de vue pratique, les administrés, lorsque les deux voies leur sont ouvertes, sont amenés à s'interroger sur leur utilité
respective. De ce point de vue, on remarquera, à l'avantage du recours administratif :
– qu'il reste possible après l'expiration du délai du recours contentieux ;
– qu'il permet d'invoquer des motifs beaucoup plus larges que le recours contentieux ;
– qu'il permet d'obtenir une satisfaction plus complète.
À son passif, deux traits – mais essentiels :
– le particulier est sûr que le juge examinera son recours et statuera ; cette garantie essentielle lui fait défaut en matière de
recours administratif ;
– le juge apporte à l'examen du recours son impartialité ; l'administration est, au contraire, beaucoup plus portée à
confirmer qu'à censurer ses décisions antérieures, et les chances de succès du recours administratif sont, du point de vue
psychologique, relativement réduites.
2o Combinaison des deux recours. De ce qui précède, il résulte que chaque recours offre des qualités propres. Il est donc
avantageux pour l'administré de pouvoir utiliser les deux voies. L'administration, de son côté, a intérêt à pouvoir redresser
ses propres erreurs au lieu d'encourir la censure du juge ; et le recours administratif peut alléger la tâche de celui-ci, en
aboutissant, entre l'administration et l'administré, à un accord qui évite un procès.
D'un point de vue logique, il peut paraître naturel de s'adresser d'abord à l'Administration – réputée être de bonne foi –
pour lui demander de redresser ses erreurs, ou, mieux informée, de reconsidérer sa décision. Ce n'est qu'en cas d'échec d'une
telle tentative que le recours au juge devient nécessaire. Dans cet esprit, faire du recours administratif le préalable nécessaire
du recours contentieux pourrait permettre d'éviter un certain nombre de recours contentieux (v. ss 619).

SECTION 2. LES DIVERS TYPES DE RECOURS CONTENTIEUX

645 A. Notion générale ◊ Le rétablissement d'une situation conforme au droit, que le plaideur sollicite du juge, peut
prendre des formes très différentes : annulation d'un acte, condamnation à payer ou à faire, reconnaissance d'une qualité
juridique, etc. Devant le juge judiciaire, la diversité de ces demandes n'a pas d'influence sur les caractères de la démarche par
laquelle le plaideur va en saisir le juge, c'est-à-dire sur l'action en justice ; celle-ci est une quelle que soit la fin poursuivie.
Devant le juge administratif, au contraire, cette unité n'existe pas ; aux buts poursuivis par le plaideur correspondent des
voies propres, ayant leurs particularités de procédure, et qu'il faut suivre sous peine de voir sa demande irrecevable. Ces
voies qui s'imposent au plaideur, ce sont les divers recours contentieux.

646 B. La classification traditionnelle ◊ C'est, par exemple, celle d'Édouard Laferrière, au XIXe siècle, dans son
célèbre Traité de la juridiction administrative. Elle se place au point de vue des pouvoirs dont le recours sollicite la mise en
œuvre par le juge.
Elle est ainsi conduite à regrouper sous quatre rubriques principales les diverses demandes dont le juge administratif peut
être saisi ; à chacune correspond un certain type de recours.
1o On peut demander au juge de reconnaître l'illégalité d'une décision administrative, et d'en prononcer, par voie de
conséquence, l'annulation. À cette fin correspondent les recours en annulation, dont le recours pour excès de pouvoir est le
principal, et dont l'ensemble forme le contentieux d'annulation.
2o On peut demander au juge d'utiliser, au service du rétablissement du droit, l'ensemble de ses pouvoirs juridictionnels, et
non plus son seul pouvoir d'annulation, notamment en prononçant des condamnations pécuniaires : c'est le contentieux de
pleine juridiction, ainsi nommé parce qu'il met en œuvre la plénitude des pouvoirs du juge, tels que lui-même les a délimités.
3o Un troisième groupe de recours est lié au mécanisme des questions préjudicielles (v. ss 605) : lorsqu'un tribunal
judiciaire est obligé de surseoir à statuer parce qu'une question entrant dans la compétence administrative, et qui commande
la décision finale, apparaît en cours d'instance, le juge administratif sera saisi par un recours distinct, soit en interprétation –
on lui demande alors d'interpréter un acte administratif obscur – soit en appréciation de légalité : on lui demande de dire si
l'acte administratif qu'une des parties taxe d'illégalité est légal ou non. Dans les deux cas, le juge judiciaire tire les
conséquences, pour le litige qui lui est soumis, de l'interprétation ou de l'appréciation de légalité à laquelle a procédé le juge
administratif. v. Civ. 1re, 2 juin 2004, AJDA 2004. 1115.
On désigne sous le nom de « contentieux de l'interprétation » ces deux groupes de recours 1299.
4o Enfin, le juge administratif peut, très exceptionnellement, exercer une fonction répressive : il est compétent pour
condamner pénalement les personnes ayant commis certaines contraventions de voirie, c'est-à-dire ayant contrevenu aux
règles relatives à la conservation de diverses catégories d'immeubles du domaine public ; c'est le contentieux de la
répression.
647 C. Importance respective des divers contentieux ◊ Une classification plus moderne repose sur la nature de la
question posée au juge par le requérant. Le contentieux administratif des contraventions de voirie est très réduit. Les recours
en interprétation et en appréciation de validité sont un peu moins rares, mais ne requièrent pas une étude spéciale : il suffit de
préciser que ces recours sont portés devant la juridiction qui serait compétente pour statuer sur un recours en annulation
contre l'acte qui est en cause (par ex. compétence du Conseil d'État pour un recours en appréciation de validité concernant un
décret). Ceux qui relèvent, en première instance, des tribunaux administratifs restent, en appel, portés devant le Conseil
d'État (L. 31 déc. 1987, v. ss 616). Les deux grands groupes de recours, entre lesquels se partage l'essentiel de l'activité du
juge administratif, sont les recours en annulation et les recours de pleine juridiction. Il est d'autant plus important de les
distinguer que les conditions auxquelles ils sont assujettis présentent de sensibles différences, et que les décisions auxquelles
ils conduisent n'ont pas toujours la même autorité.

648 D. La distinction des recours en annulation et des recours de pleine juridiction 1300 ◊
1o Il existe un certain nombre de recours en annulation, prévus par des textes spéciaux, limités à une catégorie très étroite
d'actes administratifs, et ayant leurs règles propres (ex. : recours en annulation des arrêtés préfectoraux concernant
l'autorisation et la réglementation de certaines catégories d'installations classées pour la protection de l'environnement,
anciens établissements dangereux ou insalubres) ; mais l'importance pratique du contentieux d'annulation lui vient du
recours pour excès de pouvoir, qui est le recours de droit commun ouvert contre toute décision administrative unilatérale, sur
la base du principe de légalité.
Parmi les différents contentieux celui de l'urbanisme a vu encore son particularisme accentué par l'ordonnance du
18 juillet 2013 1301.
2o Les recours de pleine juridiction forment une catégorie assez disparate ; à côté des recours en matière contractuelle et
en matière de responsabilité, qui sont les plus caractéristiques, on y englobe, en effet, les recours en matière d'élections à des
organes administratifs, car le juge, en ce domaine, a le pouvoir, non seulement d'annuler l'élection qu'il juge irrégulière, mais
encore de rétablir les vrais résultats et de proclamer l'élu, ce qui entre dans la pleine juridiction. On y inclut aussi le
contentieux des contributions directes, pour des raisons analogues. Ces deux dernières solutions ne sont cependant pas
acceptées par l'unanimité de la Doctrine.
3o Il résulte de ce qui précède que le problème de la distinction des contentieux d'annulation et de pleine juridiction ne
prend son importance pratique que limité à la distinction concrète du recours pour excès de pouvoir et du recours de pleine
juridiction au sens strict (recours en matière de contrats et de responsabilité).
4o C'est le recours pour excès de pouvoir que l'administré doit utiliser lorsqu'il entend demander au juge :
a) de confronter une décision de l'administration avec les règles de droit auxquelles elle est assujettie ;
b) de constater la non-conformité de la décision à ces règles ;
c) d'annuler la décision reconnue illégale ;
5o C'est le recours de pleine juridiction que l'administré doit utiliser lorsqu'il entend demander au juge :
a) de reconnaître à son profit l'existence d'un droit ;
b) de constater qu'il a été porté irrégulièrement atteinte à ce droit ;
c) d'ordonner les mesures nécessaires au rétablissement de la situation sur la base de ce droit ;
6o Il en résulte, touchant le régime des deux recours, des différences appréciables :
a) le recours de pleine juridiction n'est ouvert qu'au titulaire du droit violé ; le recours pour excès de pouvoir est beaucoup
plus large : tous ceux qui ont intérêt à l'annulation de la décision illégale peuvent le former ;
b) le recours de pleine juridiction tend à la condamnation d'une personne, automatiquement défenderesse ; le recours pour
excès de pouvoir ne tend pas à la condamnation de quelqu'un mais à l'annulation de quelque chose ; il n'a donc pas, en
principe, de défendeur ; procès entre parties, dit-on de l'un ; procès fait à l'acte, dit-on de l'autre. Toutefois, cette différence
tend à s'effacer (v. ss 651) ;
c) le demandeur peut joindre, à un recours de pleine juridiction, des conclusions en annulation : par exemple, s'il demande
réparation du préjudice que lui a causé une décision illégale, il peut en demander aussi l'annulation. Par contre, un recours
pour excès de pouvoir ne peut comporter que des conclusions en annulation ;
7o Sur ces différences qui tiennent à la nature des recours, les textes en ont greffé d'autres, d'ordre procédural, qui
accroissent l'importance pratique de la distinction. Le recours pour excès de pouvoir, en tant qu'il sert à assurer le respect de
la légalité, bénéficie de certains avantages : dispense de ministère d'avocat, absence de frais ; le recours de plein contentieux,
moyen de défense d'une situation particulière, est moins bien traité. Mais la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique
s'applique devant les juridictions administratives comme devant les juridictions judiciaires.
8o Enfin, la décision rendue à l'issue des deux recours n'a pas la même autorité : celle de la décision d'annulation rendue
sur recours pour excès de pouvoir est absolue ; c'est à l'égard de tous que l'acte est détruit. Au contraire, la décision rendue
sur recours de pleine juridiction n'a que l'autorité relative de la chose jugée, c'est-à-dire entre les parties au recours, selon le
droit commun.

649 E. Le rapprochement de plus en plus net des deux recours 1302 ◊ Ces différences ne doivent pas masquer
l'évolution qui rapproche de plus en plus les deux recours. Dès 1912, le Doyen Hauriou (note sous l'arrêt du CE du
20 novembre 1912, Boussuge,, S. 1914. III. 33) contestait la pertinence du maintien de la distinction entre ces deux recours.
De même, en 1926, Raphaël Alibert avait préconisé l'unification de ceux-ci 1303. En 1953 le Président Letourneur 1304
soulignait que le caractère primitif du recours pour excès de pouvoir s'était progressivement altéré et que les deux recours se
rapprochaient progressivement l'un de l'autre. En 1995, le Président M. Bernard pouvait poser la question : « Le REP est-il
frappé à mort ? » 1305. Mais, surtout, on a vu se multiplier les hypothèses où le contentieux de l'excès de pouvoir passait au
plein contentieux ; M. Bernard en cite un certain nombre dans son étude ; v. également, pour le contentieux de la procédure
de péril : CE 18 déc. 2009, Sté Ramig, AJDA 2009. 690, Concl. Thiellay et les conclusions Guyomar sous CE, Sect., 22 juin
2007, Arfi, Rec. 263. De ce point de vue, l'arrêt Sté Atom est symptomatique : cette société avait été frappée d'une sanction
dont elle demandait l'annulation. Si son recours était un recours pour excès de pouvoir le juge, pour statuer, devait se placer
au jour où la sanction est intervenue ; si c'est un recours de plein contentieux elle peut bénéficier de la lex mitius intervenue
postérieurement à la sanction 1306. Poser la question c'est donc y répondre ! Le commentaire de cet arrêt à l'AJDA est intitulé :
« L'étoile du REP pâlirait-elle encore ? ». Sur le problème de savoir s'il ne faudrait pas passer à un contrôle de plein
contentieux en ce qui concerne les sanctions disciplinaires, v. concl. R. Keller sous CE, Ass. 13 nov. 2013, M. Dahan, RFDA
2013. 1175. Pour une requête comportant tout à la fois des conclusions en annulation et des conclusions relevant du plein
contentieux : CE, Sect., 9 déc. 2011, M. Marcou, AJDA 2012. 897, note A. Legrand. Comme l'a fait observer R. Chapus (RD
publ. 2002. 947) depuis le 1er janvier 2001, le CJA cesse de faire un sort à part au recours pour excès de pouvoir et de le
dissocier des recours objectifs de plein contentieux. En conclusion de son étude sur l'évolution de l'office du juge, le Vice-
Président du Conseil d'État, M. J.M. Sauvé, se demande si celle-ci ne conduit pas « à une perturbation des grandes catégories
juridiques du contentieux » et ajoute « il est vrai que la clarté de la distinction entre juge de l'excès de pouvoir et juge de
plein contentieux s'estompe depuis quelques décennies » (AJDA 2013. 1669). La question mérite d'être posée : ne faudrait-il
pas supprimer la distinction de l'excès de pouvoir et du plein contentieux (v. ss 718).

650 Contentieux objectif et contentieux subjectif 1307


◊ Sans entrer dans les détails, il faut mentionner les
tentatives de la Doctrine pour classer les recours, non pas en fonction des pouvoirs du juge, mais d'après la nature propre de
la situation juridique qui fonde le recours. Sur cette base, on distingue les recours qui tendent au rétablissement de la légalité
générale, ou objective, et ceux qui, fondés sur un droit subjectif, tendent au rétablissement d'une situation personnelle
méconnue. Dans ce dernier cas, le demandeur invoque son droit ; dans le premier, il défend le Droit. Le recours pour excès
de pouvoir est le type des recours objectifs, le recours de plein contentieux au sens strict, le type des recours subjectifs.

SECTION 3. LE RECOURS POUR EXCÈS DE POUVOIR

651 Le recours pour excès de pouvoir, sanction du principe de légalité 1308 ◊ La valeur du recours pour
excès de pouvoir en tant que moyen de sanctionner l'illégalité des actes de l'administration apparaît lorsqu'on le compare aux
autres procédés juridiques susceptibles de concourir au même but.
1o Les recours administratifs, gracieux ou hiérarchiques, peuvent se fonder sur des considérations d'opportunité et
d'équité ; ils ne tendent pas nécessairement à assurer le respect de la légalité par l'administration.
2o Il existe quelques recours en annulation pour illégalité, prévus par les textes pour des catégories particulières de
décisions ; mais le champ d'application de ces recours est très étroit. Le recours pour excès de pouvoir, au contraire, a une
portée générale : il est ouvert contre toutes les décisions exécutoires.
3o La question de l'illégalité d'une décision administrative peut être soumise au juge, non à titre principal, par la voie d'un
recours en annulation, mais par voie incidente. Le demandeur peut, à l'appui de sa demande principale, invoquer, à titre
d'argument, l'illégalité d'une décision : c'est le cas du cocontractant de l'administration qui fonde une action en nullité du
contrat sur l'illégalité d'une délibération ayant précédé sa conclusion. Le défendeur peut opposer à l'action intentée contre lui,
un moyen tiré de l'illégalité de l'acte réglementaire sur lequel se fonde la demande. C'est l'exception d'illégalité, invoquée le
plus souvent devant les tribunaux judiciaires ; si ceux-ci ne sont pas compétents pour statuer (cf. les règles de compétence en
la matière, v. ss 605), la question est soumise au juge administratif par la voie du recours en appréciation de légalité
(v. ss 605). Dans tous les cas, la constatation de l'illégalité n'emporte pas annulation de l'acte ; elle conduit simplement le
juge à le priver d'effet dans le litige qui lui est soumis. Par contre, elle peut être effectuée à toute époque, alors que le recours
pour excès de pouvoir ne peut être exercé que dans le court délai de deux mois 1309. Mais la supériorité du recours reparaît en
ce qu'il tend à faire disparaître l'acte illégal de façon rétroactive, et à l'égard de tous.
4o On peut rapprocher du recours pour excès de pouvoir le recours, ou déféré, par lequel le préfet, en vertu des pouvoirs
de contrôle qu'il tient de la loi du 2 mars 1982 (v. ss 232), demande au tribunal administratif d'annuler les décisions des
autorités décentralisées qu'il estime illégales. Si les questions de recevabilité se posent, pour le déféré, en termes particuliers,
par contre, les règles de fond, qui déterminent la légalité ou l'illégalité de l'acte sont les mêmes que pour le recours pour
excès de pouvoir 1310.
Le recours pour excès de pouvoir est donc la seule voie de droit permettant aux administrés d'obtenir l'annulation de toute
décision exécutoire entachée d'illégalité. Son nom ne doit pas faire illusion : l'excès de pouvoir ne désigne pas autre chose
que la non-conformité au droit. Il constitue, par excellence, la sanction du principe de légalité. C'est pourquoi le Conseil
d'État fait, de son existence, un principe général du droit ; seul le législateur peut l'écarter pour une catégorie d'actes. Encore
y faut-il un texte formel : une disposition excluant « tout recours » contre les décisions auxquelles elle se rapporte est
interprétée par le Conseil d'État comme ne visant pas le recours pour excès de pouvoir faute de le mentionner expressément
(CE 17 févr 1950, dame Lamotte, GAJA, no 58).

652 Plan ◊ Deux séries de questions se posent successivement au juge saisi d'un recours pour excès de pouvoir. II vérifie
d'abord que le recours a été formé dans des conditions régulières, qui l'autorisent à en connaître : c'est le problème de la
recevabilité. Si le recours est recevable, le juge l'examine au fond, c'est-à-dire qu'il vérifie la légalité de la décision attaquée.
On examinera ces deux phases successives du recours, après quelques indications sur sa nature et son développement ; on
étudiera ensuite la procédure et les effets du recours.

Sous-section 1. Développement et caractères


Les deux questions sont liées : les caractères actuels du recours sont le résultat de son développement historique 1311.

653 A. Origine et développement du recours ◊


1o Durant la période révolutionnaire, en l'absence de toute juridiction administrative organisée, divers textes prévoient
des recours en annulation des actes des autorités administratives inférieures devant l'autorité administrative suprême. Après
l'an VIII, ce pouvoir d'annulation, essentiellement hiérarchique, passe au Premier consul, puis à l'Empereur ; mais il l'exerce
en Conseil d'État. Cette intervention du Conseil d'État sera décisive : elle transformera progressivement le recours
hiérarchique en un recours contentieux.
2o Première étape dans cette transformation : après sa réorganisation de 1831, le Conseil d'État, qui, jusque-là, avait
accueilli les recours en annulation sans se soucier de justifier légalement sa compétence, croit pouvoir trouver cette
justification dans une loi des 7-14 octobre 1790, d'après laquelle « les réclamations d'incompétence à l'égard des corps
administratifs sont portées devant le roi, chef de l'administration ». Cette loi, bien qu'elle parût instituer un recours purement
hiérarchique, fut désormais considérée comme le fondement juridique du recours pour excès de pouvoir, dans le cadre de la
justice retenue. À côté de l'incompétence, le juge admit, comme second moyen d'annulation, le vice de forme, puis, après
1840, le détournement de pouvoir.
3o Le Second Empire se montra favorable au recours, susceptible de fournir un exutoire légal aux mécontentements dont
tout régime autoritaire redoute la fermentation. Un décret du 2 novembre 1864 le dispensa du ministère d'avocat. La mesure
eut un triple effet : elle accrut le nombre des recours ; elle obligea le juge, pour délimiter le champ d'application de la
dispense, à mieux distinguer le recours pour excès de pouvoir du recours de pleine juridiction ; enfin, elle l'amena à annexer,
au recours pour excès de pouvoir, limité jusque-là au seul contrôle de la légalité en matière de compétence, de forme, et de
but, un recours en annulation distinct, plus étroit dans ses conditions de recevabilité, mais plus large du point de vue du
contrôle de la légalité, puisqu'il sanctionnait de façon générale « la violation de la loi ». Du fait de cette annexion, qui
assurait à l'ancien recours le bénéfice de la gratuité, le recours pour excès de pouvoir élargi devenait le moyen de contrôle de
la légalité sous tous ses aspects.
4o La loi de 1872, mettant fin à la justice retenue, donna au recours une base nouvelle qui sanctionnait son évolution :
« Le Conseil d'État statue souverainement sur les demandes d'annulation pour excès de pouvoir formées contre les actes des
diverses autorités administratives » ; la formule est passée dans l'ordonnance du 31 juillet 1945, article 32. Sur cette base, le
recours, désormais pleinement juridictionnel, a connu un grand développement : les conditions de recevabilité sont allées en
s'élargissant, en même temps que le Conseil d'État étendait les exigences de la légalité.
5o Avec la réforme de 1953, le recours, jusque-là porté – hormis quelques hypothèses particulières où les conseils de
préfecture étaient compétents – devant le Conseil d'État statuant en premier et dernier ressort, relève en premier ressort de la
compétence des tribunaux administratifs, sauf les exceptions indiquées, v. ss 615, et, en appel, du Conseil d'État. Le principe
du double degré de juridiction s'applique donc au recours pour excès de pouvoir.
6o La réforme du 31 décembre 1987 a un double effet :
– Si elle maintient aux tribunaux administratifs leur compétence en premier ressort, elle organise le transfert de la
compétence d'appel aux Cours administratives d'appel, sous les réserves indiquées, v. ss 616.
– Le recours en cassation qu'elle ouvre devant le Conseil d'État contre les arrêts des Cours s'applique à ceux qui statuent
en matière d'excès de pouvoir. Le recours relève donc désormais, en principe, des trois niveaux, traditionnels dans l'ordre
judiciaire : première instance, appel et cassation, sauf exceptions (recours relevant du Conseil d'État soit en premier et
dernier ressort, soit en appel).

654 B. Caractères du recours ◊


Ils découlent de ce que l'on vient d'exposer :
1o c'est un recours contentieux ;
2o c'est un recours fondé sur la violation de la règle de droit, la notion de légalité prenant un sens très large. On a même
parfois soutenu qu'il tendait à un contrôle de moralité ou d'opportunité 1312 (v. ss 375) ;
3o c'est un recours en annulation, tendant à faire disparaître un acte de façon absolue et définitive ;
4o cependant les pouvoirs reconnus assez récemment au juge administratif (injonction, astreinte, v. ss 714) s'appliquent au
recours pour excès de pouvoir comme au plein contentieux. Au pouvoir d'annulation, qui est son objet spécifique, s'ajoutent
donc, désormais, des pouvoirs propres à tirer de l'annulation les conséquences qu'elle appelle nécessairement.
5o Le problème du caractère objectif du recours pour excès de pouvoir. On fonde ce caractère, d'une part, sur le fait que le
recours tend, non à la reconnaissance d'un droit subjectif, mais à la sanction d'une règle de droit, d'autre part sur le fait que,
procès fait à un acte, non à une personne, il ne comporte pas de parties ; l'annulation, si elle intervient, produit effet erga
omnes, c'est-à-dire à l'égard de tous. Cependant, le caractère objectif du recours se trouve fortement atténué : on verra que la
notion de parties s'y est développée, en particulier avec l'introduction de la tierce opposition (v. ss 685) et celle de l'appel
(v. ss 684) 1313.
6o On peut résumer ces caractères dans la définition suivante :
Le recours pour excès de pouvoir est un recours contentieux par lequel tout intéressé peut demander au juge administratif
de reconnaître qu'une décision administrative est illégale, et d'en prononcer l'annulation.

Sous-section 2. Les conditions de recevabilité du recours pour excès de pouvoir


Ce sont les conditions que le recours doit remplir pour que le juge accepte de l'examiner au fond, c'est-à-dire de se
demander si l'acte attaqué est légal ou non. Si l'une fait défaut, le juge ne peut aller plus avant ; il rejette le recours comme
irrecevable. Ces conditions se rattachent à quatre ordres d'idées : la nature de l'acte attaqué, la personne du requérant, le
respect des conditions de compétence, de forme et de délai, et enfin l'absence de recours parallèle.

§ 1. La nature de l'acte
Le recours n'est recevable que contre les actes des autorités administratives contenant une décision.
655 A. L'acte doit être un acte administratif ◊ On renvoie sur ce point à ce qui a été exposé à propos de la notion de
décision exécutoire (v. ss 425 s.). L'acte, pour pouvoir faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, doit émaner d'une
autorité administrative, française, ce qui exclut, sous certaines réserves cependant, les actes des personnes privées et les actes
des autorités publiques non administratives, c'est-à-dire du pouvoir législatif et du pouvoir judiciaire.

656 B. L'acte attaqué doit être une décision ◊ Il doit s'agir d'une décision faisant grief.
Sur cette base, on l'a vu (v. ss 469), une jurisprudence classique en déduisait que le contrat ne peut pas faire l'objet d'un
recours pour excès de pouvoir, mais cette idée est de plus en plus sérieusement remise en cause 1314. De même, ne peuvent
pas faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir les actes précédant ou suivant la décision (v. ss 425) 1315. Mais le Conseil
d'État a jugé que « les avis, recommandations, mises en garde et prises de position adoptés par les autorités de régulation
dans l'exercice des missions dont elles sont investies, peuvent être déférées au juge de l'excès de pouvoir lorsqu'ils revêtent le
caractère de dispositions générales et impératives » (CE Ass. 21 mars 2016, Sté Fairvesta international GMBH et Sté NC
Numéricable, AJDA 2016. 572, obs. Montecler).

657 C. L'exception des actes de Gouvernement et des mesures d'ordre intérieur ◊ Par exception à la
règle que toute décision faisant grief émanant d'une autorité publique administrative peut faire l'objet d'un recours pour excès
de pouvoir, deux catégories d'actes, correspondant cependant à cette définition, ne peuvent pas faire l'objet d'un tel recours.
Il s'agit tout d'abord des actes de gouvernement (v. ss 364) parce qu'ils interviennent dans le cadre des rapports du pouvoir
exécutif avec le Parlement ou dans ses relations avec les puissances étrangères.
Il s'agit, en second lieu, des mesures d'ordre intérieur, c'est-à-dire d'actes insusceptibles de recours en raison de leur faible
importante (v. ss 425). Pendant longtemps on y incluait les sanctions scolaires prises en application du règlement intérieur de
l'établissement (CE 2 nov. 1992, Kherouaa, AJDA 1992. 788), les sanctions militaires et certaines sanctions infligées aux
détenus. Contre ces mesures le recours est désormais recevable ; seules relèvent de l'ordre intérieur des mesures trop
bénignes pour faire véritablement grief (sur cette évolution, v. la jurisprudence citée v. ss 425).

§ 2. La personne du requérant

658 Principes ◊ La double fonction du recours – protection des administrés contre l'arbitraire, moyen de contrôler la régularité
des décisions administratives – exigeait qu'il fût accessible au plus grand nombre possible de particuliers. On ne pouvait
cependant, sans ouvrir la voie à des abus, en faire une action populaire, offerte à tout citoyen contre n'importe quelle
décision. La solution adoptée est double :
1o Elle subordonne l'exercice du recours à une condition très générale, la capacité d'ester en justice. La règle s'applique
notamment aux recours des personnes morales, irrecevables si celles-ci ne sont pas légalement constituées.
2o Le recours n'est ouvert qu'à ceux qui peuvent justifier que l'annulation qu'ils demandent présente pour eux un intérêt
personnel.

659 La notion d'intérêt 1316 ◊ Alors que le recours de plein contentieux tend à la reconnaissance d'un droit subjectif, et est
réservé au titulaire de ce droit, le recours pour excès de pouvoir, recours objectif, exige seulement du requérant qu'il ait
intérêt à obtenir l'annulation. Cela veut dire que la décision attaquée doit avoir une incidence sur sa situation personnelle, qui
se trouvera améliorée si cette décision disparaît. Le recours ne sanctionne donc pas le droit de tout individu à ce que
l'administration respecte la légalité, comme le ferait l'action populaire, mais son droit de ne pas souffrir personnellement
de l'illégalité.

660 Nature de l'intérêt requis ◊ Il y a, dans la notion d'intérêt, un élément d'appréciation subjective. La jurisprudence,
dans l'ensemble, s'est montrée très libérale dans cette appréciation.
1o L'intérêt invoqué peut être, non seulement matériel, mais encore moral : intérêt des fidèles à la célébration de leur culte
(CE 8 févr. 1908, Abbé Deliard, Rec. 127), des anciens élèves d'une grande école au maintien du prestige de l'École, etc.
Mais la qualité de parlementaire ne permet pas de demander l'annulation du refus de prendre un décret d'application d'une
loi : CE 23 nov. 2011, M. Masson, AJDA 2012. 781, note P. Brunet, ni de demander l'annulation d'une décision du Président
de la République accordant une subvention : CE 26 avr. 2013, M. Dosiére, AJDA 2013. 1781. Sur l'intérêt d'un parlementaire
à attaquer une mesure portant atteinte aux prérogatives du Parlement, v. Concl. R. Keller, sous CE, Ass., 9 juill. 2010, FNLP,
p. 268 1317 ou autorisant la cession amiable de parcelles de la forêt de Compiègne : CAA Paris, 29 janvier 2015,
MM. Mamère et de Rugy, AJDA 2015. 1104, concl. Bonneau-Mathelot.
2o L'intérêt, s'il doit être personnel, n'a pas besoin d'être exclusif : la qualité d'usager d'un service public (CE 21 déc. 1906,
Syndicat du quartier Croix de Seguey-Tivoli, GAJA, no 15), celle de contribuable ou d'habitant 1318 d'une commune (CE
29 mars 1901, Casanova, GAJA, no 8), confèrent à ceux qui la possèdent un intérêt suffisant à l'annulation des décisions
relatives au fonctionnement du service ou à la vie de la commune ; de même pour les qualités d'électeur, de sinistré (CE
10 févr. 1950, Gicquel, Rec. 100).
3o L'intérêt peut être, non seulement privé, mais aussi public : les collectivités décentralisées, leurs organes, par exemple
maire, conseil municipal, ou même membres isolés d'un conseil, ont qualité pour attaquer les décisions prises par les
autorités de l'État lorsqu'elles portent atteinte au statut ou aux intérêts de leur collectivité (CE 7 juin 1902, Maire de Néris-
les-Bains, GAJA, no 9). La règle ne vaut toutefois que pour les autorités décentralisées : les agents hiérarchisés ne sont pas
recevables à attaquer les décisions de leur supérieur hiérarchique, même lorsqu'ils estiment qu'elles vont contre le statut ou
l'intérêt du service, sauf lorsqu'elles concernent leur carrière.
4o Une seule réserve, où reparaît le pouvoir d'appréciation subjective signalé plus haut : l'intérêt doit être suffisamment
important. L'incidence des dépenses illégales décidées par les autorités locales sur la situation des contribuables de la
commune ou du département est assez directe pour que ceux-ci aient intérêt à les attaquer ; mais le Conseil d'État a refusé
d'étendre la solution aux contribuables de l'État, le lien entre la dépense critiquée et leur charge fiscale paraissant trop ténu
(CE 13 févr. 1930, Dufour, Rec. 176).
L'exercice par un contribuable des actions appartenant au département ou à la région est régi par les art. 14 et 15 de la loi
du 12 avril 2000.

661 Les recours des personnes morales ◊ Les principes précédents s'appliquent à celles qui sont légalement
constituées ; elles peuvent défendre, par le recours soit leurs intérêts propres, matériels ou moraux (atteintes à leurs biens, à
leurs statuts), soit les intérêts collectifs que leurs statuts leur donnent mission de défendre : recours d'un groupement
professionnel contre les mesures modifiant le statut de la profession, d'une ligue antialcoolique contre une mesure favorable
à la consommation de l'alcool, etc. La règle s'applique même aux associations non déclarées, qui n'ont pas la personnalité
morale (CE 31 oct. 1969, Syndicat de défense des canaux de la Durance, Rec. 462). Le recours est recevable même lorsque
la mesure qui porte atteinte aux intérêts collectifs présente un caractère individuel : un groupement de fonctionnaires est
recevable à attaquer, non seulement une décision réglementaire modifiant le statut, mais encore une nomination individuelle
faite en violation de ce statut, par exemple une nomination pour ordre (CE, Sect. 18 janv. 2013, Syndicat de la magistrature,
AJDA 2013. 142). Par contre, les groupements ne peuvent se substituer à un de leurs membres pour attaquer la mesure
individuelle qui lèse celui-ci sans porter atteinte, en même temps, aux intérêts collectifs (CE 19 mars 1997, Mme Raud-
Lefèvre et Synd. de la magistrature, Rec. 101) ; la distinction est souvent difficile à faire, notamment en ce qui concerne le
droit de la fonction publique. Le Conseil d'État ne considère pas comme lésant les intérêts collectifs des mesures portant
atteinte au statut d'une catégorie seulement de membres du groupe. Sur l'intérêt pour agir des associations et syndicats de
fonctionnaires, v. concl. Stahl sous CE 23 juill. 2003, Synd. Sud-Travail, RFDA 2004. 139 ; CE 28 déc. 2005, Union
syndicale des magistrats administratifs, AJDA 2006. 940, note Pontier. L'intérêt pour agir d'un syndicat professionnel ne
dépend pas de ses statuts : CE 27 mai 2015, Synd. de la Magistrature, AJDA 2015. 1543, concl. Bretonneau. Le Conseil
constitutionnel a considéré que l'on ne pouvait pas priver une association étrangère n'ayant aucun établissement en France du
droit d'agir devant les juridictions françaises : Cons. const. 7 novembre 2014, n° 2014-424 QPC, AJDA 2014. 2218.
Une association nationale n'a pas d'intérêt à attaquer une décision locale : CE 23 févr. 2004, Cté de Communes du Pays
Loudunais, AJDA 2004. 1614 mais ce principe peut comporter des exceptions : CE 4 novembre 2015, Ligue frse pour la
défense des droits de l'homme, AJDA 2016. 316, note C. Doubovetzky ; de même, pour une Union syndicale à l'encontre de
la décision créant un Comité Technique paritaire : CE, Ass., 12 déc. 2003, Union des synd. CGT des personnels des Affaires
culturelles, RFDA 2004. 322, concl. Le Chatelier. Pour une association au ressort géographique non précisé : CE 17 mars
2014, Association des consommateurs de la Fontaulière, AJDA 2014. 655.
Une commune ne peut pas attaquer la décision du préfet accordant son agrément à une association de protection de
l'environnement : CE, Sect., 13 déc. 2006, Cne d'Issy-les-Moulineaux, RFDA 2007. 26, concl. Vérot ; AJDA 2007. 367,
chron. Landais et Boucher.

§ 3. Procédure, formes, délais

662 Sur ces points encore, les règles sont souples, et la jurisprudence les interprète en général de façon libérale, réserve faite du
souci de désencombrer son rôle qui parfois a dicté au Conseil d'État des solutions plus rigoureuses.
1o Juridiction compétente. Le recours, depuis 1953, est porté devant le tribunal administratif, avec, depuis les réformes
de 1987 et 1992, appel devant la Cour administrative d'appel et non plus, sauf rares exceptions, devant le Conseil d'État
(v. ss 616). Pour la compétence ratione loci, cf. v. ss 642. Par exception, le Conseil d'État est saisi directement dans les
matières où il possède une compétence d'attribution (recours contre les décrets, recours contre les actes réglementaires des
ministres, etc., v. ss 634).
2o Formes. Elles sont simplifiées à l'extrême. Le recours est dispensé du ministère d'avocat et doit indiquer les moyens
d'annulation invoqués et s'accompagner d'une copie de la décision attaquée.
En 1993, de manière peu judicieuse, on avait rétabli le droit de timbre (15 euros) sur les recours contentieux.
L'ordonnance du 22 décembre 2003 l'avait supprimé mais la loi de finances rectificatives pour 2011, du 29 juillet 2011, avait
institué une contribution pour l'aide juridique (afin de couvrir le surcoût généré par la réforme de la garde à vue) de 35 euros
qui s'appliquait devant les juridictions administratives 1319. Celle-ci a été supprimée par l'art. 69 de la loi de finances pour
2014, redonnant ainsi sa totale gratuité au recours pour excès de pouvoir.
3o Délai. C'est le délai habituel de deux mois à compter de la notification ou de la publication de l'acte attaqué, avec les
causes de prorogation étudiées v. ss 699. L'art. L. 600-1 du Code de l'urbanisme interdit d'invoquer l'illégalité par voie
d'exception de certains vices de procédure ou de forme susceptibles d'affecter certains actes d'urbanisme au-delà d'un délai
de six mois : CE 5 novembre 2014, SCA de Château-l'Arc et CE 23 décembre 2014, Cne de Laffrey, AJDA 2015. 650, note
Y. Pittard.

§ 4. Absence de recours parallèle

663 A. Notion 1320 ◊ On dit qu'il existe un recours parallèle au recours pour excès de pouvoir lorsqu'un administré, pour
obtenir l'annulation de l'acte qui lui fait grief, tient de la loi une action autre que ce recours, de telle sorte qu'il pourrait
théoriquement choisir entre deux voies contentieuses. Par exemple, un agent public auquel l'administration refuse le
paiement d'une indemnité pourrait demander, soit, par un recours de plein contentieux, la condamnation de l'administration
au paiement de cette somme, soit, par un recours pour excès de pouvoir, l'annulation de la décision de refus. De même, le
contribuable tient de la loi un recours lui permettant de contester la légalité de l'imposition qui le frappe, soit devant le juge
judiciaire (contributions indirectes), soit devant le juge administratif (contributions directes) ; peut-il préférer, à ces recours,
le recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision administrative que constitue l'imposition ?
La liberté de choix s'est initialement heurtée à l'idée, survivant au régime de la justice retenue qui faisait le Souverain juge
du recours, que celui-ci avait un caractère subsidiaire : on ne dérange pas le Souverain lorsqu'on peut avoir satisfaction par
une autre voie. Mais c'est une autre considération qui a été déterminante : avant 1953, le Conseil d'État était seul compétent
en matière de recours pour excès de pouvoir, alors que les recours parallèles relevaient souvent d'une autre juridiction,
notamment du Conseil de préfecture ; or, le caractère peu coûteux du recours pour excès de pouvoir, la qualité du juge qu'il
procurait, auraient sans doute conduit les particuliers, libres d'opter, à choisir cette voie ; l'ordre des compétences eût été
bouleversé, et le Conseil encombré.
De ces deux considérations, la première a conduit à poser le principe de l'irrecevabilité du recours pour excès de pouvoir
contre les actes à l'égard desquels le requérant dispose d'un autre recours contentieux. La seconde explique la survie de la
règle, mais aussi les atténuations successives qui en ont considérablement restreint aujourd'hui l'application.

664 B. Portée ◊ Il faut distinguer selon que le recours parallèle doit être porté ou non devant le même juge que le recours pour
excès de pouvoir, c'est-à-dire normalement devant le tribunal administratif.
1o Au premier cas, le libre choix laissé à l'administré ne trouble pas la répartition légale des compétences : quelle que soit
la voie choisie, elle le conduit devant la même juridiction. La fin de non-recevoir tirée de l'existence du recours parallèle est
donc écartée, et le recours pour excès de pouvoir est recevable (CE 8 mars 1912, Lafage, GAJA, no 22, pour le recours pour
excès de pouvoir formé par un fonctionnaire contre un refus d'indemnité). Cette solution a consacré un certain
rapprochement entre le recours pour excès de pouvoir et le recours de plein contentieux, puisque, dans le cas considéré, le
but poursuivi par les deux voies était finalement le même, à savoir la reconnaissance du droit à indemnité du fonctionnaire.
Toutefois, le requérant, par le recours pour excès de pouvoir, peut seulement demander l'annulation de la décision de refus,
non la condamnation de l'administration au paiement de l'indemnité, et il doit se fonder exclusivement sur la non-conformité
de la décision à la loi. En pratique, le juge applique ou écarte la jurisprudence Lafage selon les données propres à certains
litiges, privilégiant, dans le second cas, la distinction du contentieux d'annulation et du plein contentieux 1321.
2o Si le recours parallèle doit être porté devant une autre juridiction que le recours pour excès de pouvoir, par contre,
celui-ci est déclaré irrecevable, mais l'irrecevabilité n'est opposée que si le recours parallèle doit procurer au demandeur une
satisfaction aussi complète que le recours pour excès de pouvoir. Par exemple, le recours est recevable contre une décision
d'une autorité locale créant un impôt, bien que le particulier puisse faire annuler par la voie du contentieux fiscal l'imposition
irrégulière qui le frapperait sur cette base : en effet, l'annulation de l'acte créant l'impôt illégal lui procure une satisfaction
définitive, supérieure à la simple annulation de l'imposition irrégulière.

Sous-section 3. Les cas d'annulation

§ 1. Généralités

665 La classification traditionnelle ◊ On appelle cas d'annulation, ou cas d'ouverture, les diverses formes d'illégalité
dont la constatation entraîne l'annulation de la décision attaquée. L'illégalité peut, d'après la classification traditionnelle,
revêtir quatre modalités : l'incompétence, le vice de forme, le détournement de pouvoir, la violation de la loi.
Cette classification est d'origine historique. Initialement, les seules illégalités que le juge acceptât de sanctionner étaient
celles qui portaient sur les éléments externes de l'acte : l'incompétence, puis le vice de forme. Vers 1840 apparaît le
détournement de pouvoir, qui étend le contrôle du juge au but de l'acte. Quant au contenu même de l'acte, à son objet, la
légalité n'en pouvait être contestée par le recours pour excès de pouvoir, mais par un recours en annulation distinct, ouvert, –
à la différence du recours pour excès de pouvoir – à ceux-là seuls qui pouvaient justifier que la décision attaquée les lésait
dans leurs droits subjectifs : ce recours se fondait sur la « violation de la loi et des droits acquis ».
Après 1864, on voulut étendre à ce recours les avantages accordés au recours pour excès de pouvoir ; la violation de la loi
et des droits acquis cessa d'être l'objet d'un recours distinct, pour devenir un quatrième cas d'ouverture. Pendant un certain
temps, cette forme d'illégalité, à la différence des trois autres, continua de ne pouvoir être invoquée que par le requérant lésé
dans son droit subjectif ; cette exigence disparut définitivement, et la violation de la loi ne se distingua plus des autres cas
d'annulation, si ce n'est par sa très grande extension. Avec elle, le recours achève de devenir la sanction de l'illégalité sous
toutes ses formes, externes et internes.

666 Valeur de la classification traditionnelle ◊ On l'a critiquée. Il est exact qu'elle procède de l'histoire, et non d'une
analyse systématique des éléments de l'acte et des vices qui peuvent affecter chacun d'eux. Une telle analyse, on l'a vu,
conduit à une autre classification des divers types d'illégalité 1322.
Mais, d'une part, la classification traditionnelle est celle que met en œuvre la jurisprudence : au plan contentieux, elle a
donc une valeur pratique. En outre, elle est passée dans le droit positif de plusieurs pays étrangers, et dans celui de l'Union
européenne, ce qui rend peu opportun son abandon. Enfin, et surtout, il est surprenant, étant donné son origine, de constater
qu'elle a une force logique certaine ; les classifications systématiques, après l'avoir vivement critiquée, ne s'en écartent que
peu ; c'est donc elle qu'on retiendra ici.
Pourtant, les recherches théoriques sur les cas d'annulation ont eu une répercussion sur la jurisprudence ; elles ont amené
le Conseil d'État à les regrouper en distinguant, d'une part, les deux cas relatifs à la légalité externe de la décision,
incompétence et vice de forme, d'autre part ceux qui affectent sa légalité interne, c'est-à-dire son contenu : violation de la loi
et détournement de pouvoir.

667 Règles dont la méconnaissance est susceptible d'être invoquée à l'appui du recours 1323 ◊ Quel
que soit le vice invoqué par le requérant, la règle de droit dont il constitue la violation peut appartenir à l'une quelconque des
catégories qui constituent le bloc de la légalité (v. ss 308 s.). C'est l'ensemble des règles juridiques applicables à l'acte
considéré dont le recours pour excès de pouvoir sanctionne la violation par l'administration. Le particulier peut donc
invoquer à l'appui de son recours :
– la violation de la Constitution, des lois organiques, des lois ordinaires, des ordonnances ;
– la violation des traités internationaux régulièrement promulgués, même en présence d'une loi postérieure qui leur serait
contraire, v. ss 353 et la violation des règles du droit communautaire.
– la violation des règlements, selon leur hiérarchie ;
– la violation des dispositions de nature réglementaire contenues dans des actes qui ne sont pas pris dans la forme
normale du règlement. C'est le cas, d'une part, des dispositions de caractère réglementaire incluses dans une circulaire, et des
directives : l'administration est tenue de les respecter. C'est d'autre part le cas des clauses réglementaires insérées dans le
cahier des charges annexé à un contrat administratif : par exemple, clauses du cahier des charges d'une concession de
tramway définissant les règles d'organisation du service : les usagers, si l'administration refuse de faire fonctionner le service
conformément à ces règles, peuvent attaquer ce refus (CE 21 déc. 1906, Croix de Seguey-Tivoli, GAJA, no 15). La règle ne
s'applique qu'aux dispositions réglementaires du cahier des charges : la violation d'une clause proprement contractuelle ne
peut jamais être invoquée à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir ;
– la violation des principes généraux du droit, qui trouve application dans un grand nombre de cas, et notamment : la
violation du principe de l'autorité de la chose jugée, qui fonde l'annulation des actes pris en contradiction avec une décision
juridictionnelle, la violation du principe de non-rétroactivité des actes administratifs (v. ss 444), la violation du principe de
l'intangibilité des actes ayant créé des droits (v. ss 453).
Selon qu'elle concerne la compétence, la forme, le but, ou le contenu de l'acte, la violation de ces diverses règles est
constitutive de l'un des cas d'annulation correspondants 1324.
Mais, si la notion de légalité est une, on verra (v. ss 679) que le juge administratif n'en impose pas les exigences avec la
même rigueur à tous les actes qui lui sont déférés. Il se contente de soumettre ceux pour lesquels il estime nécessaire de
reconnaître à l'administration un pouvoir discrétionnaire étendu à un contrôle minimum, qui exclut certains moyens
d'annulation susceptibles, au contraire, d'être retenus à l'égard des actes, les plus nombreux, soumis au contrôle normal.

§ 2. L'incompétence

668 A. Définition ◊ C'est le vice qui entache une décision lorsque son auteur n'avait pas le pouvoir légal de la prendre.
De toutes les formes d'illégalité, c'est la plus grave : les agents publics n'ont de pouvoir que sur la base et dans les limites
des textes qui fixent leurs attributions ; au-delà, ils cessent de participer à l'exercice de la puissance publique. C'est pourquoi
les règles de compétence sont d'ordre public : l'incompétence doit être relevée d'office par le juge, même si le plaideur n'a
pas songé à l'invoquer à l'appui de son recours. Elle ne peut être couverte par l'approbation ultérieure de
l'autorité compétente.

669 B. Formes ◊ L'incompétence comporte des degrés :


1o L'auteur de l'acte n'avait pas la qualité d'agent public. C'est la forme la plus grave. L'acte, dans ce cas, n'est pas
simplement nul, mais inexistant, sous réserve de l'application de la théorie du fonctionnaire de fait : on considère comme tel,
soit l'individu qui, nommé illégalement dans une fonction publique, a pu se croire – et être cru par les administrés –
régulièrement investi jusqu'à l'annulation de sa nomination, et a agi en conséquence, soit le particulier qui, en cas de crise
grave, notamment quand les autorités administratives compétentes ont été contraintes de quitter leur poste, se substitue
spontanément à elles ; ses actes peuvent être assimilés à ceux des agents régulièrement investis (v. ss 428).
2o L'agent public a agi en dehors des attributions de toute autorité publique : c'est l'acte « manifestement insusceptible de
se rattacher à un pouvoir légal de l'administration » (v. ss 610). Son exécution peut être constitutive de voie de fait et relève
de la compétence du juge judiciaire.
3o L'agent administratif a empiété sur la compétence du législateur ou du pouvoir judiciaire. L'empiétement sur la
compétence législative a pris, depuis 1958, une importance accrue. Le Conseil d'État, par cette voie, sanctionne les atteintes
que le gouvernement peut porter aux attributions que l'article 34 de la Constitution réserve au Parlement (v. ss 327).
4o La forme la plus courante de l'incompétence est celle dans laquelle l'auteur de l'acte a empiété sur la compétence d'une
autre autorité administrative ; elle peut elle-même revêtir des formes multiples :
a) Empiétement entre autorités de nature différente, par exemple entre organe délibérant et organe exécutif : c'est le cas
du maire décidant à la place du Conseil municipal, ou inversement.
b) Empiétement entre autorités de même nature et de même rang, soit ratione materiae (en raison de la matière traitée) –
par exemple dans les rapports de deux ministres – soit ratione loci (en raison du lieu) – par exemple dans les rapports de
deux préfets de départements voisins – soit ratione temporis 1325 (en raison du temps) : c'est le cas lorsqu'un ministre, avant
d'abandonner ses fonctions, nomme, par anticipation, un fonctionnaire, empiétant ainsi sur la compétence de celui qui lui
succédera ; de même, un gouvernement démissionnaire anticipe sur la compétence du suivant si, au lieu de se borner à
expédier les affaires courantes, il prend des décisions nouvelles, que la coutume constitutionnelle réserve au successeur (CE
4 avr. 1952, Syndicat régional des quotidiens d'Algérie, notes Waline, Tome 1, no 65) 1326.
c) Empiétement entre autorités hiérarchisées : c'est le cas de l'inférieur qui prend une décision relevant du supérieur soit
proprio motu (de son propre chef) soit à la suite d'une délégation illégale à lui faite par le supérieur (v. ss 432). En pratique,
les délégations illégales sont un des cas les plus fréquents d'annulation pour incompétence.
Peut-être plus surprenant, l'incompétence entache également l'acte du supérieur qui se substitue à son subordonné pour
décider à sa place. Le supérieur dispose du pouvoir d'instruction avant l'acte, du pouvoir de réformation ou d'annulation
ensuite, sous réserve des droits acquis ; mais il ne peut déposséder le subordonné de sa compétence légale. La règle
s'applique même dans les rapports du Premier ministre et d'un ministre, fut-ce celui des Finances (CE 12 nov. 1965, Cie
marchande de Tunisie, Rec. 602). Il en va de même lorsque l'autorité de tutelle statue à la place de l'autorité décentralisée en
dehors des cas où la substitution est autorisée.
5o Enfin, l'erreur sur la compétence peut résulter de ce qu'un agent est resté en deçà des limites de sa compétence, en
refusant de prendre une décision pour laquelle il ne s'estimait pas compétent alors qu'il l'était réellement.

§ 3. Le vice de forme

670 A. Définition 1327 ◊ Tout acte administratif est assujetti à un certain formalisme : il doit être pris, après une procédure,
dans des formes déterminées (v. ss 435). Ces deux éléments sont logiquement distincts : la procédure concerne l'élaboration
de l'acte, la forme, sa présentation matérielle. Mais le contentieux de l'excès de pouvoir les unifie : le vice de forme résulte
de la méconnaissance des règles qui fixent, pour chaque acte, tant la procédure que les formes. L'utilité des règles de
procédure est évidente, soit qu'elles apportent aux particuliers des garanties, la forme est la sœur jumelle de la liberté a dit
Ihering, (enquête préalable qui leur permet de se faire entendre, publicité, respect de certains délais, indication des motifs,
etc.), soit qu'elles permettent à l'administration de statuer en connaissance de cause (avis d'organismes consultatifs,
transmissions, etc.). Toutefois, toutes ces règles n'ont pas la même valeur ; il existe entre elles une hiérarchie de fait, qui tient
non seulement à leur source, selon qu'elles découlent d'un acte réglementaire, d'une loi, d'un principe général, mais encore à
leur efficacité réelle. La jurisprudence se refuse donc à assujettir l'administration à un formalisme paralysant en sanctionnant
par l'annulation la méconnaissance de n'importe laquelle de ces règles ; elle distingue entre elles ; seuls certains vices de
forme sont constitutifs d'illégalité.

671 B. Applications ◊ La jurisprudence, pour décider quelles violations des formes entraîneront l'annulation, se place à
divers points de vue :
1o L'importance absolue des formes : on distingue les formalités substantielles, dont l'omission ou l'accomplissement
irrégulier entraîne en principe l'annulation, et les formalités accessoires, qui demeurent sans influence sur la validité
de l'acte.
2o Le but de la formalité. Certaines formalités sont établies en vue de donner des garanties aux administrés : ceux-ci
peuvent évidemment se prévaloir de leur omission. Mais ils ne pourraient invoquer la méconnaissance de formalités
instituées dans l'intérêt de l'administration elle-même.
3o L'effet éventuel de la formalité : est-elle susceptible de changer le sens de la décision ? Son omission est alors
constitutive de vice de forme.
4o Les circonstances de fait qui ont accompagné ou suivi l'élaboration de l'acte. Le vice de forme peut être couvert
par les circonstances : l'urgence, une situation exceptionnelle rendant difficile l'accomplissement des formalités ; on retrouve
ici l'application des principes indiqués v. ss 362.
Il en va de même si c'est l'administré lui-même qui a mis obstacle au respect des formes par l'administration (par ex. : en
omettant d'indiquer son adresse, empêchant ainsi une notification). Il y a aussi la « formalité impossible », cas, par exemple,
où un organisme consultatif refuse de statuer.
Enfin, le vice de forme – à la différence de l'incompétence – peut être couvert dans certains cas par l'accomplissement
ultérieur de la formalité omise.
5o Le vice de forme a pris une importance accrue avec l'obligation de motiver de nombreuses décisions, imposée par la
loi du 11 juillet 1979 (v. ss 437). L'absence de motifs, ou leur caractère stéréotypé, sont considérés comme des vices de
forme entraînant l'annulation. Mais la loi exclut l'application de la règle aux décisions d'expulsion « en urgence absolue » : la
non-indication du motif, dans ce cas, n'est pas constitutive de vice de forme.
6° Le vice de procédure. Afin d'éviter la multiplication des annulations pour vice de procédure, l'article 70 de la loi du
17 mai 2011, de simplification et d'amélioration de la qualité du droit, prévoit que : « Lorsque l'autorité administrative, avant
de prendre une décision, procède à la consultation d'un organisme, seules les irrégularités susceptibles d'avoir exercé une
influence sur le sens de la décision prise au vu de l'avis rendu peuvent, le cas échéant, être invoquées à l'encontre de la
décision 1328. » Dans un considérant de principe, le Conseil d'État a affirmé que ces dispositions s'inspirent de la règle selon
laquelle « si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et
règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif,
n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en
l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie » (CE, Ass., 23 déc. 2011,
M. Danthony, GAJA n °114 ; Concl. Dumortier, RFDA 2012. 284 et 296, note P. Cassia ; AJDA 2012. 195, chron. Domino et
Bretonneau 1329 ; v. égal. : CE 17 févr. 2012, Sté Chiesi SA, Rec. 43, concl. M. Vialettes ; AJDA 2012. 353, obs. Montecler ;
CE 27 avr. 2012, SNEATP-FSU, AJDA 2012. 916 ; CE 17 juillet 2013, Synd. Nat. des professionnels de santé au travail, Rec.
219, concl. M. Vialettes ; CE, 20 novembre 2013, Cne de Royère-de-Vassivière, AJDA 2014. 1269, note D. Costa ; CE Sect.,
23 octobre 2015, Sté CFA Méditerranée, Rec. 357 ; pour la révision d'un plan d'urbanisme : CE 17 juill. 2013, Sté française
du radiotéléphone, AJDA 2013. 2326, note J.B. Sibileau.

§ 4. Le détournement de pouvoir

672 A. Définition 1330 ◊ L'administration, à la différence du particulier qui choisit librement le but de ses actes, se voit
imposer la fin que son action doit poursuivre. De façon générale, elle ne doit jamais exercer ses compétences qu'en vue de la
satisfaction de l'intérêt public, en vertu d'un principe général du droit. De façon plus particulière, les textes assignent à
certaines compétences un but précis : les pouvoirs de police ont pour but d'assurer le maintien de l'ordre, la procédure
d'alignement a pour but de fixer les limites d'une voie publique, etc.
Le détournement de pouvoir est le vice qui entache un acte par lequel l'administration, en méconnaissance de ces règles, a
poursuivi un but différent de celui que le droit lui assignait, détournant ainsi de sa fin légale le pouvoir qui lui était confié.
Le contrôle juridictionnel, limité, avec l'incompétence et le vice de forme, à la légalité externe de l'acte, s'étend, avec le
détournement de pouvoir, à un élément interne, puisque c'est sur les intentions profondes de son auteur que l'acte va être
jugé. Il y a donc là, de la part du juge, une démarche particulièrement audacieuse, d'autant plus que c'est lui-même qui a
dégagé la règle d'après laquelle l'administration ne peut s'écarter de l'intérêt général. C'est pourquoi certains auteurs, avec
Hauriou, ont estimé que le contrôle du but, dépassant la légalité, portait sur la moralité de l'action administrative : c'est
prendre, de la légalité, une vue trop étroite.

673 B. Applications ◊
1o Le cas le plus évident de détournement de pouvoir est la poursuite par l'auteur de l'acte d'un but étranger à l'intérêt
général : assouvissement d'une inimitié personnelle, passion politique ou idéologique (cf. toutes les mesures de police des
cultes dictées par l'anticléricalisme), défense d'intérêts privés (CE 14 mars 1934, Delle Rault, Rec. 337, annulant la
réglementation des bals publics par un maire, aubergiste de son état, qui aboutissait à les interdire dans tous les
établissements, sauf le sien), délibérations d'un conseil municipal visant à retarder la construction du TGV-Est (CAA Nancy,
13 avr. 2006, Cne de Vandières, AJDA 2006. 960), hormis le cas où cette défense elle-même est conforme à l'intérêt général,
par exemple en facilitant le développement d'un ensemble industriel privé important dans l'économie d'une région (CE
20 juill. 1971, Ville de Sochaux, AJDA, 1972. 227, à propos de l'extension des usines Peugeot).
2o Il y a détournement de pouvoir quand le but poursuivi, bien que d'intérêt général, n'est pas le but précis que la loi
assignait à l'acte. L'exemple typique est celui de l'utilisation par le maire de ses pouvoirs de police en vue, non de maintenir
l'ordre, mais d'accroître les ressources de la commune (CE 4 juill. 1924, Beaugé, p. 641 : en interdisant aux baigneurs de se
déshabiller ailleurs que dans les cabines municipales payantes aménagées sur la plage, le maire a eu en vue, non la décence
publique, mais l'intérêt financier de la commune).
Le détournement de procédure 1331 est une variété de cette forme de détournement de pouvoir : l'administration, qui
dispose d'une procédure légale en vue d'une certaine fin, prétend l'atteindre par une autre procédure destinée à une fin
différente, mais qu'elle juge plus pratique en l'espèce (par ex. : utilisation par un préfet de la procédure de saisie à laquelle il
ne peut recourir, en tant qu'officier de police judiciaire, que pour préparer la répression d'un délit de presse, alors que le but
poursuivi – prévenir la diffusion des journaux saisis – exigeait l'emploi d'une autre procédure de saisie, de nature
administrative 1332 : CE 24 juin 1960, Le Monde, et Soc. Frampar, GAJA, no 74).

674 C. Mise en œuvre ◊ La recherche du détournement de pouvoir se heurte à deux difficultés. La première concerne la
détermination du but légal, lorsque la loi ne le précise pas ; le juge n'hésite pas, dans certains cas, à dégager lui-même ce but
d'après les circonstances qui ont présidé à l'élaboration de la loi. La seconde difficulté se situe sur le terrain de la preuve.
L'intention est un élément psychologique, difficile à cerner, sauf quand l'auteur s'en explique ouvertement, ce qui sera
d'autant plus rare qu'elle sera moins avouable 1333.
Le Conseil d'État, après avoir exigé d'abord que le détournement de pouvoir apparaisse dans l'acte lui-même, admet que
la preuve découle des divers éléments du dossier : autres pièces écrites, circonstances dans lesquelles l'acte est intervenu,
inexactitude des motifs allégués qui laissent transparaître le but véritable, etc. Il recherche moins une preuve manifeste
qu'une conviction, qui peut résulter d'un « faisceau d'indices convergents » (CE 28 mars 1945, Devouge, Rec. 64).
Cependant, ces difficultés de preuve expliquent le relatif déclin du détournement de pouvoir 1334 : depuis que le Conseil
d'État voit une cause d'annulation dans l'inexactitude matérielle des motifs allégués par l'administration, les plaideurs ont
plus de facilité à obtenir l'annulation par cette voie que par celle du détournement de pouvoir, qui exige, non seulement la
preuve de l'inexactitude du motif invoqué, mais encore celle du but réel. En outre, le développement des préoccupations
économiques dans l'action administrative a conduit le juge à se départir de sa rigueur à l'égard de la prise en considération de
ces préoccupations à l'appui d'une mesure de police (CE 29 janv. 1932, Sté des autobus antibois, RD publ. 1932. 505, Concl.
Latournerie). En l'état actuel de la jurisprudence, le détournement de pouvoir joue donc un rôle relativement subsidiaire, et
les décisions d'annulation fondées sur cette ouverture sont peu fréquentes (cf. toutefois CE 13 nov. 1970, Lambert, AJDA
1971. 53 ; CE 12 mai 2014, Fed. Gale du Commerce, Rec. 131). Mais une légère remontée se manifeste dans la
jurisprudence récente. Il ne peut être invoqué à l'appui d'un pourvoi en cassation devant le Conseil d'État.

§ 5. La violation de la loi

675 A. Définition ◊ On a rappelé l'origine de ce cas d'ouverture. Il est, des quatre, le plus, large ; il sanctionne, en effet, la
violation de toutes les règles – en dehors des règles de compétence, de forme, et de but – qui s'imposaient à l'auteur de l'acte,
c'est-à-dire, en pratique, celles qui se rapportent à son contenu même (objet de l'acte) et aux motifs de fait et de droit dont il
procède. C'est donc par la violation de la loi que le recours pour excès de pouvoir sanctionne le principe de légalité dans son
ensemble, étant entendu que le mot loi ne doit pas créer d'équivoque, et que les règles dont la méconnaissance peut être
invoquée au titre de ce moyen peuvent appartenir à l'une quelconque des sources de la légalité énumérées v. ss 308 s.

676 B. Modalités : l'erreur de droit ◊ La violation est directe lorsque l'administration a agi comme si la règle n'existait
pas, en n'en tenant aucun compte. Il y a aussi violation par fausse interprétation lorsque l'administration, connaissant la
règle, en a donné une interprétation que le juge estime erronée. Lorsque le texte choisi par elle comme fondement de la
décision ne s'appliquait pas à celle-ci, la jurisprudence emploie parfois l'expression de « manque de base légale » pour cette
forme particulière de violation de la loi 1335. Mais si un autre texte donnait à l'auteur de l'acte le pouvoir de prendre la même
décision, le juge, plutôt que de prononcer une annulation pratiquement inutile du fait qu'une décision identique pourra être
reprise immédiatement, procède à une substitution de base légale, et rejette le recours, en indiquant le texte qui donne à l'acte
dont le fondement a été mal choisi, son assise correcte ; v. par ex. : CE, Sect., 3 déc. 2003, Préfet de Seine-Maritime c/ El
Bahi, RFDA 2004. 733, concl. J. H. Stahl.
Il y a également erreur de droit lorsque l'administration, alors qu'elle tient de la loi le pouvoir de décider en prenant en
considération les données propres à chaque cas d'espèce, limite elle-même ce pouvoir en fixant, pour les décisions
considérées, des normes générales, qu'elle applique en se dispensant de l'examen des situations particulières. Dans ce cas, la
décision est annulée (CE 23 mai 1969, Sté Distillerie Brabant, AJDA 1969. 640). En matière économique, cependant,
l'administration peut se définir à elle-même, par voie de directives, des « normes d'orientation » en vue de diriger l'exercice
du pouvoir discrétionnaire que la loi lui reconnaît. La référence à ces normes, dans la mesure où elle n'exclut pas la prise en
considération des situations d'espèces, n'entache pas les décisions d'erreur de droit (CE 11 déc. 1970, Crédit foncier de
France, GAJA, no 80) 1336 ; sur la notion de directive, cf. v. ss 427.

677 C. Le contrôle des motifs de fait – 1o Position de la question ◊ Le recours pour excès de pouvoir a pour
but exclusif de vérifier la conformité des actes administratifs au droit. On pourrait en conclure que l'appréciation des faits qui
motivent ces actes relève du pouvoir discrétionnaire ; et échappe à tout contrôle juridictionnel. Mais la séparation entre les
faits et le droit est beaucoup moins tranchée. Il arrive fréquemment que la loi elle-même fasse, d'une situation de fait, la
condition nécessaire d'un acte ; l'administration n'est habilitée à prendre l'acte que lorsque cette situation de fait existe. En
pareil cas, il est impossible d'apprécier la légalité de l'acte sans examiner ce qu'il en est des faits invoqués ; leur existence,
leur conformité aux prévisions légales ne relèvent pas du pouvoir discrétionnaire, mais de la compétence liée, donc de
l'examen du juge. Par exemple, la loi a donné à l'administration le droit de réquisitionner des locaux d'habitation dans les
communes où existe une crise grave du logement ; l'exercice légal du droit de réquisition est donc subordonné à l'existence
de cette situation de fait, que le juge vérifie (CE 9 janv, 1948, Barbedienne, Rec. 15). La jurisprudence, dans son action
créatrice, a multiplié les cas dans lesquels l'exercice régulier d'une compétence est ainsi conditionné par certaines situations
de fait, dont l'examen, dès lors, relève du contrôle juridictionnel. Cela ne modifie pas le caractère de ce contrôle, qui
demeure un contrôle de légalité ; le juge n'examine pas les faits en vue d'apprécier l'opportunité de la décision, mais
seulement dans la mesure où cet examen conditionne la légalité de l'acte 1337.

678 2o Applications ◊ a) Le contrôle du juge porte toujours sur l'exactitude matérielle des motifs de fait. Si le fait sur
lequel l'acte déclare se fonder ne s'est pas produit, l'acte, en l'absence de motif réel, perd sa justification. Par exemple, un
fonctionnaire est frappé d'une mesure disciplinaire pour des propos qu'en fait, il n'a pas tenus ; la mesure repose sur un motif
matériellement inexistant, et est, à ce titre, illégale.
Il en est ainsi, non seulement lorsque la loi précise elle-même les faits qui conditionnent l'acte, mais encore lorsque
l'administration, sans y être obligée, déclare fonder sa décision sur une certaine situation de fait : si cette situation n'existe
pas, les motifs que l'administration elle-même a attribués à son acte disparaissent, et l'acte est annulé (CE 20 janv. 1922,
Trépont, Rec. 65 : préfet mis en congé « sur sa demande », alors qu'il n'avait rien demandé) ; le Conseil d'État explique
parfois ces solutions par la notion de « cause juridique inexistante » 1338. Si large que soit le pouvoir discrétionnaire de
l'administration dans un acte, l'exactitude matérielle des motifs, lorsque l'administration les a fait connaître, relève donc
toujours du contrôle du juge.
b) La qualification des faits. La loi peut préciser les caractères que doit présenter la situation de fait qui permet à
l'administration d'agir. Mais elle le fait forcément en termes généraux et relativement abstraits. Après la décision de l'autorité
administrative, le juge peut décider si les situations concrètes qui lui sont soumises relèvent ou non de ces termes et s'il doit,
dès lors, leur appliquer ou non la loi. Par exemple, lorsqu'elle autorise l'administration à prendre des mesures destinées à la
protection des « sites pittoresques » le juge doit, pour apprécier la légalité de la décision concernant un site particulier,
décider du caractère « pittoresque » ou non du site visé. Le Conseil d'État exerce sur le classement d'un site un contrôle
« normal » (v. ss 679). L'annulation partielle d'un décret de classement peut aboutir au classement de parcelles qui avaient
été exclues de celui-ci par l'administration : CE, Ass., 16 déc. 2005, Groupement forestier des ventes de Nonant, AJDA 2006.
320, concl. Aguila. De même pour les « perspectives monumentales », pour les accidents causés par des « véhicules ». De
telles appréciations sont nécessairement subjectives. Elles sont pourtant nécessaires pour fixer le champ d'application de la
loi, donc la légalité de la décision attaquée. C'est le problème de la qualification des faits, différent de celui, évoqué ci-
dessus, de leur existence matérielle. Cf. pour les perspectives monumentales (CE 4 avr. 1914, Gomel, GAJA, no 27 ; pour un
« site pittoresque », 2 mai 1975, Dame Ebri, AJDA 1975. 311). Sur les problèmes de la qualification des faits par le juge :
voir l'article de D. Labetoulle, « La qualification et le juge administratif » (Droit 1994. 32).
c) Entre le contrôle de la qualification des faits, et l'appréciation de l'opportunité, la frontière peut être ténue : en
matière de police, la jurisprudence ne considère comme légales que les mesures « nécessaires au maintien de l'ordre
public » : l'appréciation du caractère de nécessité suppose un examen des circonstances, des moyens dont disposait l'autorité
de police, etc., qui rejoint l'opportunité. De même, la légalité rejoint l'opportunité dans la jurisprudence dite du bilan coût-
avantages, par laquelle le Conseil d'État accepte, pour décider du caractère d'utilité publique d'une opération d'expropriation,
de vérifier si la gravité des atteintes qu'elle porte à la propriété, son coût financier et ses inconvénients sociaux ne sont pas
excessifs eu égard aux avantages que la collectivité peut en retirer (28 mai 1971, Ville Nouvelle Est, GAJA, no 81 ; 10 oct.
1972, Sté Ste-Marie de l'Assomption, AJDA 1972. 390). Cette jurisprudence ne cesse de s'étendre et de se développer au-delà
même de son domaine initial. Elle apparaît désormais comme un nouveau principe général, le principe de proportionnalité,
qui conduit le juge, pour apprécier la légalité d'une mesure, à faire la balance entre son utilité et son coût financier et
social 1339.
Le glissement de la légalité vers l'opportunité se retrouve chaque fois que la qualification des faits découle, non de
critères objectifs, mais d'une appréciation subjective. C'est pourquoi, si la jurisprudence contrôle toujours l'exactitude
matérielle des motifs, elle s'est longtemps refusé à contrôler la qualification dans les domaines où elle entend maintenir un
large pouvoir d'appréciation discrétionnaire à l'administration : en matière d'expulsion d'étrangers, par exemple, le juge
vérifiait l'existence des faits qui motivent l'expulsion, mais non leur qualification en tant que « faits de nature à nuire à la
sûreté de l'État ou à l'ordre public ». Mais il est revenu sur cette solution, et vérifie même le caractère d'« urgence absolue »
invoqué par l'administration pour justifier sa décision (v. ss 381) 1340. Le juge observe la même réserve dans les matières où
la qualification résulte d'un examen technique pour lequel il n'est pas outillé (par ex. : le caractère « nuisible à la santé
publique » d'une spécialité pharmaceutique, ou les décisions d'ordre économique) 1341.

679 3o Contrôle normal et contrôle minimum ◊ Ces différences dans l'étendue des pouvoirs que le juge entend
exercer l'ont conduit à distinguer le contrôle normal, et le contrôle minimum. Le contrôle normal, qui s'applique à la plupart
des actes, s'étend, outre, bien entendu, l'incompétence, le vice de forme, le détournement de pouvoir et l'erreur de droit, non
seulement à l'exactitude matérielle des motifs de fait, mais à leur qualification. C'est cet examen de la qualification des faits
qu'exclut, au contraire, le contrôle minimum, qui s'arrête à la vérification de leur existence matérielle 1342. Mais, même dans
les cas de « contrôle minimum », le juge limite le pouvoir discrétionnaire par le recours à la notion d'erreur manifeste
d'appréciation 1343 : s'il apparaît que la qualification des faits est si évidemment erronée, que même un non technicien peut
l'infirmer, il annule la décision (CE 29 mars 1968, Sté du lotissement de la plage de Pampelonne, AJDA 1968. 341 ; 6 nov.
1970, Guyé, AJDA, 1971. 54 ; CE 6 févr. 2004, Assoc. « La raison du plus faible », Rec. 27 ; CE, Sect., 10 mars 2006,
M. Carre-Pierrat, RD publ. 2007. 605, chron. Guettier). Il s'agit, là encore, d'une jurisprudence en pleine expansion : la
notion d'erreur manifeste a été étendue à des matières jusque-là très largement discrétionnaires, et notamment à la « haute
police » (CE 2 nov. 1973, Librairie François Maspero, JCP 1974. II. 11742, concl. Braibant, note Drago ; 3 févr. 1975,
Pardov, pour une décision d'expulsion d'un étranger, Rec. 83 ; 19 févr. 1975, Fouéré, pour un refus de passeport, AJDA
1975. 143). Mais, dans ce domaine, l'appréciation de l'erreur manifeste demeure très prudente. Elle est plus hardie dans le
domaine, pourtant délicat, des nominations au tour à l'extérieur dans certaines fonctions publiques (v. ss 109) : l'erreur
manifeste dans l'appréciation des aptitudes de la personne nommée à l'exercice de la fonction entraîne l'annulation : CE
16 déc. 1988, Assoc. des adm. civils, Rec. 449, concl. Vigouroux. L'évolution de la jurisprudence en ce qui concerne la
correspondance entre la gravité d'une sanction disciplinaire et celle de la faute commise est caractéristique. Dans un premier
temps le Conseil d'État se contentait de vérifier l'existence matérielle des faits qui la motivait, la gravité de la sanction
relevant à ses yeux de l'opportunité : CE, Sect., 9 juin 1978, Lebon Rec. 245. Puis il était passé au contrôle en la matière de
l'erreur manifeste : CE, Sect., 22 juin 2007, Arfi, Rec. 263, concl. Guyomar. Enfin, il a décidé d'appliquer en la matière le
contrôle « normal » : CE, Ass., 13 nov. 2013, M. D., AJDA 2013. 2432, chron. Bretonneau et Lessi. Le contrôle normal a
également été étendu aux décisions de refus de changement de nom : CE 31 janv. 2014, MM. Retterer, Rec. 11, concl.
Domino, AJDA 2014. 444, chron. Bretonneau et Lessi. Pour un passage de l'erreur manifeste au contrôle normal, en ce qui
concerne la délimitation du périmètre d'une apppelation contrôlée : CE 10 février 2014, Synd. Viticole de Cussac-Fort-
Médoc, Rec. 25.

680 4o Pluralité de motifs ◊ Il arrive qu'une décision se fonde sur plusieurs motifs. Si certains seulement sont reconnus
inexacts, le juge n'annule pas nécessairement la décision. Se mettant en quelque sorte à la place de l'auteur de l'acte, il
s'efforce de peser la valeur respective des motifs inexacts et des motifs exacts. S'il lui apparaît que ceux-ci, même en faisant
abstraction des autres, auraient conduit à une décision identique, il estime que l'acte attaqué est suffisamment fondé, et ne
prononce pas l'annulation (v. CE, Sect., 6 mars 2009, B., Rec. 95) 1344.
Il peut aussi, et notamment lorsque la loi faisait obligation à l'administration de prendre la décision à laquelle elle a donné
un motif erroné, liant ainsi la compétence, procéder à une substitution de motifs et maintenir l'acte en indiquant le motif légal
qui le rendait inévitable 1345. Le juge, à la suite d'un revirement de jurisprudence, a décidé qu'il pouvait procéder à la
substitution de sa propre initiative (CE, Sect., 6 févr. 2004, Mme Hallal, RFDA 2004. 740, concl. de Silva 1346 ; CE, Sect.,
27 sept. 2006, Sté Janfin, Rec. 401) mais devant le juge le Ministre peut justifier sa décision en invoquant d'autres motifs que
ceux initialement retenus (CE 31 juill. 2009, Sté Overseas, Rec. 334 ; CE, Ass., 9 juill. 2010, Mme Chériet-Benseghir,
Rec. 251, Concl. Dumortier).
Il faut noter, au terme de cette analyse du contrôle des motifs par le juge, que l'importance croissante prise par ce contrôle
explique l'effort qui a été signalé v. ss 437, pour imposer à l'administration l'obligation de révéler au juge les motifs de l'acte
attaqué dans toute la mesure où il l'estime nécessaire pour l'exercice de son contrôle, et plus récemment, la réforme qui lui a
imposé dans de nombreux cas l'indication des motifs dans l'acte lui-même, la non-motivation constituant alors un vice de
forme entraînant l'annulation, v. ss 673. La liaison entre ces problèmes est particulièrement nette en ce qui concerne le
contrôle des décisions prises en matière économique 1347.

Sous-section 4. Le jugement du recours

§ 1. Les particularités de la procédure

681 Vue d'ensemble ◊ Les règles générales de procédure indiquées, v. ss 687 s. s'appliquent ; cependant, certaines
particularités caractérisent le recours.
1o La règle de la décision préalable reçoit satisfaction en vertu de la nature même du recours. Le demandeur n'est donc
pas tenu de demander d'abord à l'administration de revenir sur sa décision. Il a toutefois la faculté de le faire, mais ce recours
administratif doit être formé dans le délai du recours contentieux si le demandeur entend se réserver, en cas de refus, la
faculté de saisir le juge 1348.
2o Le recours est formé contre l'acte, et non contre la personne publique dont il émane ; il tend à une annulation, non à
une condamnation ; c'est un des traits sur lesquels on se fonde pour affirmer son caractère objectif. On en a longtemps conclu
qu'il n'y avait pas de parties au recours pour excès de pouvoir. En pratique, cependant, l'administration, saisie du recours par
le juge, est appelée à présenter ses observations, c'est-à-dire à défendre la légalité de sa décision ; la procédure se déroule
donc conformément au schéma habituel, sous forme d'un échange de mémoires entre le requérant et l'administration. Depuis
1953 la faculté d'appel reconnue à l'administration accuse encore la similitude avec les autres recours (v. ss 684).
3o Le recours doit également être communiqué aux personnes à l'égard desquelles l'acte attaqué, bien que ne les
concernant pas directement, va entraîner certaines conséquences : par exemple voisin d'un immeuble faisant l'objet d'un
permis de construire qui va boucher son horizon. Ces personnes peuvent présenter leurs observations.
4o L'intervention est ouverte à tous ceux qui ont intérêt, soit au maintien, soit à l'annulation de la décision 1349. Le Conseil
d'État a élargi les règles d'intervention des tiers en plein contentieux : CE, Sect., 25 juill. 2013, OFPRA, AJDA 2013. 1969,
chron. Domino et Bretonneau.
5o Si, en principe, la preuve de l'illégalité incombe au requérant, le juge peut, en vertu des pouvoirs qu'il tient du caractère
inquisitorial de la procédure, demander à l'administration de justifier son acte lorsque les premiers arguments du requérant
sont de nature à jeter un doute sur sa légalité ; v. par ex. : CE 7 févr. 2001, Adam, Rec. 50 (v. ss 704). C'est notamment le cas
lorsque, alors même que l'administration n'était pas tenue de motiver, le recours fait planer un soupçon sérieux sur la
correction des motifs qui ont inspiré la décision. L'auteur peut être invité à faire connaître ses motifs véritables ; s'il s'y
refuse, l'acte sera annulé (CE 28 mai 1954, Barel, GAJA, no 66 ; 26 janv. 1968, Sté Maison Génestal, Rec. 62, concl.
Bertrand). La loi du 11 juillet 1979 sur l'obligation de motiver les décisions défavorables (v. ss 437) qui fait de la non
motivation un vice de forme, ôte à cette jurisprudence une partie de son importance, et facilite le rôle du juge.

§ 2. Contenu et effets du jugement

682 A. Le jugement d'irrecevabilité ◊ Si le recours est déclaré irrecevable, l'acte subsiste, sans qu'ait été tranché le
problème de sa légalité. En théorie, il pourrait être attaqué à nouveau, du moins si l'irrecevabilité tient, soit à la personne du
requérant, soit à une inobservation des formes ; en pratique, ce nouveau recours se heurterait à l'expiration du délai. Mais s'il
s'agit d'un acte réglementaire, son illégalité pourra être invoquée ultérieurement par voie d'exception (v. ss 651).

683 B. Le jugement au fond ◊


1o Le rejet du recours. Il signifie que l'acte n'est pas entaché des vices invoqués par le requérant, ni de ceux, même omis
par lui, que le juge doit relever d'office (incompétence). En théorie, un nouveau recours pourrait se fonder sur un autre
moyen, sous une seule réserve : le juge considère que vice de forme et incompétence d'une part (moyens relatifs à la légalité
externe de l'acte), violation de la loi et détournement de pouvoir, d'autre part (moyens relatifs à la légalité interne) forment
deux groupes distincts, mais dont chacun est un tout indivisible. Ainsi, l'acte attaqué pour une incompétence que le juge n'a
pas retenue pourra l'être à nouveau pour violation de la loi, mais non pour vice de forme (CE 20 févr. 1953, Sté Intercopie,
Rec. 88 ; confirmé par CE 27 juin 2011, Cons. Départ. de Paris de l'Ordre des chirurgiens dentistes, AJDA 2011. 2023,
Concl. R. Keller ; Gilli, La cause juridique de la demande en justice, 1962). Mais, à l'inverse, lorsque le requérant a, dans sa
requête, invoqué par exemple un moyen de légalité interne il peut, après l'expiration du délai de recours contentieux,
soulever un autre moyen de légalité interne puisqu'il relève de la même cause juridique : CE, Ass., 11 juill. 2001, Min. de la
Défense c/ Préaud, Rec. 345.
En pratique, cependant, l'expiration du délai fait le plus souvent obstacle à un nouveau recours contre l'acte déjà attaqué.
Le rejet consacre donc pratiquement la légalité de cet acte, sous réserve, bien sûr, de l'exception d'illégalité qui peut en
paralyser l'application.
2o L'annulation 1350. Elle porte, normalement, sur l'acte tout entier ; elle peut cependant n'être que partielle si l'illégalité
entache seulement une partie suffisamment individualisée de la décision 1351. L'annulation fait disparaître l'acte ; cette
disparition est absolue : l'annulation a effet erga omnes, c'est-à-dire à l'égard de tous, contrairement à la règle habituelle de
l'autorité relative de la chose jugée, qui limite aux parties l'effet des jugements. Elle est, en outre, pratiquement rétroactive :
l'acte est censé n'avoir jamais été pris : l'administration est juridiquement tenue d'en faire disparaître tous les effets. La
rétroactivité de l'annulation est la conséquence nécessaire de l'absence d'effet suspensif du recours. L'application de ce
principe se heurte parfois à des impossibilités, soit matérielles (annulation d'une décision interdisant une réunion longtemps
après la date prévue pour celle-ci), soit juridiques (annulation d'un règlement de police sur la base duquel sont intervenues
des condamnations passées en force de chose jugée), soit pratiques : les actes accomplis par un fonctionnaire dont la
nomination est ensuite annulée devraient logiquement être retirés ; on écarte cette conséquence, dans l'intérêt de la sécurité
juridique des administrés.
Même lorsqu'elle est possible, l'application de la règle est souvent difficile. Parfois l'acte annulé a servi de point de départ
à d'autres actes, dont le rétablissement de la situation implique la disparition. Parfois, à l'inverse, l'acte annulé a rendu
impossibles des actes qui, sans lui, seraient intervenus, et dont le rétablissement de la situation impose qu'ils soient pris ;
lorsque la révocation d'un fonctionnaire vient à être annulée, il faut reconstituer sa carrière telle qu'elle se serait normalement
déroulée, avec les avancements qu'il aurait obtenus. Les difficultés s'accroissent lorsque le rétablissement de la situation du
requérant ne peut s'effectuer sans que des tiers en subissent le contrecoup ; en matière de fonction publique, une annulation
peut provoquer une réaction en chaîne : à la place de l'agent dont la révocation est annulée, et qui doit retrouver son poste, un
autre agent a été nommé, dont le rétablissement dans un poste antérieur en chassera celui qui l'occupe, etc. Le Conseil d'État
donnait parfois, mais rarement, à l'administration, dans les considérants de l'arrêt d'annulation, des directives précises sur la
marche à suivre pour rétablir la situation. L'injonction (v. ss 714) a apporté une très importante modification à cet état de
choses. Le juge, depuis la loi du 8 février 1995, peut insérer dans le dispositif, l'indication des mesures qu'impose
l'annulation avec la sanction éventuelle de l'astreinte. On, verra également (v. ss 711) que le Conseil d'État peut différer à une
date ultérieure l'annulation qu'il prononce, ou même donner un délai à l'Administration pour supprimer l'illégalité constatée,
toutes procédures qui essayent d'effacer le caractère perturbateur d'une annulation pour excès de pouvoir. Mais il peut encore
arriver que les difficultés soulevées par une annulation ne puissent se régler que par l'intervention du législateur 1352 et la
validation rétroactive par ce dernier de la décision annulée, solution contestable en théorie, parfois nécessaire en pratique ;
on le verra (v. ss 712) cette possibilité est de plus en plus limitée.
Lorsque l'Administration prend une nouvelle décision à la suite de l'annulation pour excès de pouvoir d'une précédente
décision, elle doit appliquer l'état du droit à la date de cette nouvelle décision, mais il y a des exceptions : v., par ex., CE
16 févr. 2001, Centre du Château de Gleteins, Rec. 71.
Plus s'agrandit l'intervalle qui sépare la décision attaquée et le jugement d'annulation, plus celui-ci risque de poser des
problèmes insolubles ; exagérément tardive, la censure du juge a toute chance de demeurer platonique ; en matière
d'urbanisme, par exemple, l'annulation d'un permis de construire intervient souvent alors que l'immeuble est depuis
longtemps terminé, et que sa destruction se révèle impossible économiquement et socialement. Dans nombre de cas,
l'annulation n'apporte au requérant qu'une satisfaction de principe : celle de s'entendre donner raison contre l'administration.
Ce n'est pas rien ; mais c'est peu. D'où la gravité du problème que posait l'encombrement des juridictions administratives,
qui, s'il témoignait de la confiance des administrés dans le juge, retardait la décision au point de la rendre parfois inefficace.
D'où aussi l'opportunité d'une plus grande souplesse dans l'octroi de la suspension, v. ss 702 et l'importance qui s'attacherait à
une véritable prévention du contentieux administratif (v. ss 619). Naturellement, si la décision annulée a causé un préjudice
au requérant il pourra en demander réparation au plein contentieux.

§ 3. Les voies de recours

684 A. L'appel 1353 ◊ La règle du double degré de juridiction s'applique, depuis 1953, au recours pour excès de pouvoir.
L'appel peut être formé soit devant la Cour administrative d'appel, soit devant le Conseil d'État, selon les règles posées par la
réforme de 1987, v. ss 616, dans les deux mois du jugement du tribunal administratif, tant par le requérant que par le
représentant de la personne morale pour le compte de laquelle la décision a été prise, c'est-à-dire, pour l'État, par le ministre.
La faculté d'appel ainsi reconnue à l'administration contredit l'affirmation traditionnelle d'après laquelle il n'y a pas de parties
au recours pour excès de pouvoir, « procès fait à un acte » : en effet, la faculté d'appel n'existe qu'au profit des parties à un
procès ; ouvrir l'appel à l'administration, c'est donc lui reconnaître ipso facto la qualité de partie.

685 B. La tierce opposition ◊ L'annulation, de par son caractère absolu, s'impose à tous, y compris à ceux qui, ayant
intérêt au maintien de l'acte attaqué qui leur confère un droit, ne sont cependant pas intervenus au recours, soit qu'ils en aient
ignoré l'existence, soit qu'ils aient fait confiance à l'administration pour défendre l'acte. Ils peuvent estimer que cette défense
a été mal conduite, et que leurs arguments en faveur de la légalité de la décision attaquée eussent été de nature à éviter
l'annulation. C'est pourquoi le Conseil d'État leur a reconnu la faculté de former tierce opposition dans les deux mois du
jugement (29 nov. 1912, Boussuge, GAJA, no 25). Par là encore se trouve atténué le caractère objectif du recours pour excès
de pouvoir.

686 C. La cassation ◊ C'est la principale innovation introduite en la matière par la réforme de 1987 (v. ss 616). Contre les
arrêts d'appel rendus en matière d'excès de pouvoir par les Cours, un recours en cassation peut être porté devant le Conseil
d'État. La réforme pose un problème délicat : on a signalé (v. ss 678) la part importante que le jugement du recours pour
excès de pouvoir fait à l'existence et à la qualification des faits, qui échappent normalement au juge de cassation, dont le
contrôle se limite à la seule violation de la règle de droit. Le Conseil d'État doit donc déterminer, sur cette base, jusqu'où peut
s'étendre son contrôle en tant que juge de cassation, et comment concilier ce rôle avec le principe de l'appréciation
souveraine des faits par le juge du fond, tribunal ou cour administrative. Sur ce problème, v. : J. Massot, La cassation, AJDA
juin 1995, numéro spécial, p. 200 ; cf. : article Tourard, RD publ. 2000. 487 ; cf. toutefois CE 18 nov. 1994, Sté Clichy
Dépannage, AJDA 1995. 109 et 159, qui semble exclure le contrôle par le juge de cassation de l'appréciation de
l'erreur manifeste.
CHAPITRE 4
LA PROCÉDURE DEVANT LES JURIDICTIONS
ADMINISTRATIVES

Section 1. TRAITS GÉNÉRAUX


§ 1. Les principes
§ 2. Caractères généraux
Section 2. LES GRANDES LIGNES DE L'INSTANCE
§ 1. La règle de la décision préalable
§ 2. L'introduction de l'instance
§ 3. Les mesures d'urgence : les référés
§ 4. L'instruction de l'affaire
§ 5. Le jugement
Section 3. LES VOIES DE RECOURS CONTRE LES DÉCISIONS DES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES

687 Autonomie et sources 1354 ◊ Les règles qui gouvernent l'introduction, l'instruction, et le jugement des recours ne sont
pas, devant les juridictions administratives, celles qui s'imposent aux juridictions judiciaires : l'autonomie du droit
administratif, même si elle n'est que relative (v. ss 492), s'affirme sur le terrain de la procédure comme sur le fond du droit.
Néanmoins, la procédure judiciaire a très largement influencé la procédure des juridictions administratives et le
rapprochement des deux procédures a été encore accentué par les réformes récentes. Celle des juridictions administratives
varie selon les juridictions, et aussi selon les recours. Devant le Conseil d'État le texte de base est l'ordonnance du 31 juillet
1945 1355, souvent modifiée depuis ; ces textes sont maintenant codifiés dans le Code de justice administrative mis en œuvre
par l'ordonnance du 4 mai 2000 1356. Ils sont complétés par des principes d'origine jurisprudentielle dont le rôle reste
important, encore que les textes des dernières années aient profondément remis en cause certains d'entre eux, ou leur aient
apporté d'importantes modifications, liées d'une part à la généralisation du recours en cassation s'ajoutant aux deux niveaux
traditionnels de la première instance et de l'appel, d'autre part au souci d'accélérer le cours de la justice, enfin à la volonté de
renforcer l'autorité des jugements. On parle alors de « règles générales de procédure applicables devant les juridictions
administratives » 1357 : v. par ex. CE 29 déc. 1997, Dépt de Saône-et-Loire, Rec. 503.
La plupart de ces règles s'appliquent aux deux niveaux de la première instance et de l'appel. Pour la procédure propre aux
pourvois en cassation, cf. v. ss 716.

688 Procédure devant les juridictions administratives et procédure administrative ◊ La notion de


procédure n'est pas propre à la fonction juridictionnelle. Les décisions des administrateurs actifs sont, elles aussi, assujetties
à certaines règles de procédure (enquêtes, notifications, transmission à un organisme consultatif, etc.). Il ne faut pas
confondre la procédure administrative non contentieuse, c'est-à-dire l'ensemble des règles qui régissent ainsi l'élaboration
des actes de l'administration active, v. ss 434, avec la procédure devant les juridictions administratives, ou procédure
contentieuse, seule étudiée ici.
On décrira tout d'abord les traits généraux de la procédure administrative contentieuse (Section 1). On étudiera ensuite le
déroulement du procès administratif depuis la phase préalable jusqu'au jugement (Section 2), et enfin les voies de recours
(Section 3).

SECTION 1. TRAITS GÉNÉRAUX


On étudiera les principes qui commandent la procédure devant les juridictions administratives (§ 1), avant d'en dégager
les caractères généraux (§ 2).

§ 1. Les principes 1358

C'est un principe à valeur constitutionnelle que le droit d'exercer un recours juridictionnel (CE 10 janv. 2001, Mme Coren,
Rec. 5). Sa mise en œuvre est assurée à l'aide de quelques grands principes.

689 A. Le principe du contradictoire 1359


◊ Ce trait n'est pas particulier à la procédure devant les juridictions
administratives, mais il est essentiel. Chaque partie est toujours appelée à s'expliquer sur ce qui est avancé par la partie
adverse (v. CE 13 févr. 2006, Sté Fiducial Informatique et Sté Fiducial Expertise, Rec. 67). La règle s'applique même en
matière de recours pour excès de pouvoir (CE 24 oct. 1969, Gougeon ; 12 nov. 1969, Pasquier, AJDA 1969. 707) : bien qu'il
ne soit pas partie au litige (v. ss 654) l'auteur de l'acte attaqué est invité à défendre celui-ci. Une décision ne peut pas
intervenir sur la base d'une pièce dont l'une des parties n'a pas pu prendre connaissance : CE 31 juill. 2009, Assoc. Aides et
Arts, RFDA 2009. 1088. Le juge qui fait application d'une jurisprudence nouvelle postérieure à la clôture de l'instruction doit
inviter les parties à présenter leurs observations sur celle-ci : CE, Sect., 19 avr. 2013, Chambre de commerce et d'industrie
d'Angoulême, AJDA 2013. 1276. chron. Domino et Bretonneau. De même le juge qui se propose de se fonder sur un acte (en
l'occurrence de délimitation de la mer) doit au préalable mettre les parties à même d'en discuter : CE 12 novembre 2014, Cne
de Pont-Aven, Rec. 341. Pour l'application de la règle du contradictoire aux décisions du Conseil supérieur de la
Magistrature : CE 26 déc. 2012, M. B., AJDA 2013. 1705, note Cassard-Valembois. Ce principe du contradictoire est
tellement important qu'il a été repris et fonde toute la procédure administrative non contentieuse (v. ss 434).

690 B. Le principe d'impartialité 1360 ◊ Le principe d'impartialité (CE, Ass., 6 avr. 2001, SA Entreprise Razel frères,
RFDA 2001. 1299, concl. Seban, note M. Lascombe et X. Vandendriessche) exige que les juges se prononcent sans aucun
parti pris et en toute sérénité et que, a fortiori, ils ne fassent preuve d'aucun préjugé à l'encontre de l'une des parties ; il
constitue désormais un principe général du droit : CE 28 avr. 2005, Karsenty, Dr adm. 2005, no 105, note M. Lombard.
Sous la pression de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, se fondant sur l'art. 6-1 de la CEDH
qui reconnaît à toute personne, en matière « civile » et « pénale » le « droit à un tribunal indépendant et impartial », une
importante jurisprudence s'est développée devant les juridictions administratives françaises sur ce principe, suscitant de
nombreux commentaires doctrinaux 1361. La récusation d'un juge est toujours possible, même sans texte : CE, Sect., 12 oct.
2009, M. Petit, AJDA 2009. 2163, chron. Liéber et Botteghi 1362. Naturellement, une règle générale de procédure veut
qu'aucun membre d'une juridiction administrative ne puisse participer au jugement d'un recours dirigé contre une décision
administrative ou juridictionnelle dont il est l'auteur : CE 26 mai 2010, M. Marc-Antoine, AJDA 2010. 1778, note C. Guérin-
Bargues.
Le problème de l'impartialité peut se poser à propos de juridictions administratives spécialisées qui comptent parmi leurs
membres des fonctionnaires : CE, Ass., 6 déc. 2002, 3 arrêts, AJDA 2003. 492, chron. Donnat et Casas ; Cons. const.
20 mars 2015, n° 2014-457 QPC, AJDA 2015. 1322, note Fouassier et van den Brink. Le principe interdit à un même juge de
connaître deux fois des mêmes faits (CE 3 oct. 2003, M. P., AJDA 2004. 231) mais permet, après appel, de renvoyer l'affaire
devant le même tribunal : CE, Sect., 11 févr. 2005, Commune de Meudon, RFDA 2005. 760, concl. de Silva. Se pose
également le problème de savoir si le juge des référés peut ensuite être juge au principal : CE, Sect., Avis, 12 mai 2004,
Commune de Rogerville, AJDA 2004. 723, concl. Glaser ; CE, Sect., 26 nov. 2010, Sté Paris Tennis, AJDA 2010. 2340,
obs. Grand.

691 C. Le jugement dans un délai raisonnable 1363 ◊ À l'origine de ce principe, il y a également les dispositions de
l'article 6, 1er alinéa, de la Convention européenne des droits de l'homme qui énoncent que toute personne a droit à ce que sa
cause soit entendue « dans un délai raisonnable ». L'encombrement de la juridiction administrative a suscité à d'assez
nombreuses reprises la condamnation de la France, pour méconnaissance de cette obligation, par la Cour européenne des
droits de l'homme. Afin de prévenir ces condamnations, pour retard dans la délivrance des jugements, le Conseil d'État avait
admis la responsabilité de la puissance publique française de ce fait car, il résulte « des principes généraux qui gouvernent le
fonctionnement des juridictions administratives, que les justiciables ont droit à ce que leurs requêtes soient jugées dans un
délai raisonnable » (CE, Ass., 28 juin 2002, Garde des Sceaux c/ Magiera, Rec. 247, concl. Lamy – v. ss 552). On l'a vu
(v. ss 581) c'est maintenant au Tribunal des conflits qu'il, revient d'engager sur ce point la responsabilité de la puissance
publique. Il reste, à savoir ce qu'est « un délai raisonnable » (CE 16 févr. 2004, De Witasse Thezy, Rec. 79 ; CE 25 janv.
2006, SARL Potchou, RFDA 2006. 299, Concl. Struillou ; CE, Sect., 17 juill. 2009, Ville de Brest, AJDA 2009. 1399, obs. de
Montecler 1364) mais, désormais, c'est donc le juge administratif français qui indemnisera, le cas échéant, un manquement à
cette obligation.
Mais l'expiration du délai de deux mois fixé au juge pour statuer en matière de droit au logement « n'a pas pour effet de
rendre irrégulier un jugement rendu après l'expiration de ce délai » (CE 28 mars 2013, Mme. A., AJDA 2013. 717).

§ 2. Caractères généraux

692 A. C'est une procédure inquisitoire ◊ Ce type de procédure s'oppose à la procédure dite accusatoire, dont la
procédure civile a longtemps fourni un type caractéristique, en ce qui concerne le rôle du juge : dans la procédure
accusatoire, il se borne à suivre le déroulement de l'instruction, dont les parties gardent l'initiative ; dans la procédure
inquisitoire, il la dirige. En pratique, l'action, devant un tribunal judiciaire, débute par une assignation adressée à la partie
adverse par le demandeur, et se poursuit par des notifications qu'échangent les représentants des parties. Dans le procès
administratif, au contraire, c'est au juge que le demandeur s'adresse, c'est le juge qui saisit la partie adverse, c'est à lui que
sont adressés les mémoires des parties, c'est lui qui les transmet de l'une à l'autre, et qui met fin à cet échange lorsqu'il estime
l'affaire en état d'être jugée.

693 B. C'est une procédure écrite ◊ C'est une procédure principalement écrite. Elle consiste en un échange de
mémoires entre les parties ; la plaidoirie, toujours facultative, et pratiquement assez rare devant le Conseil d'État, beaucoup
plus fréquente devant les Tribunaux administratifs et Cours d'appel, ne peut que reprendre les conclusions et les moyens des
mémoires, sans éléments nouveaux ; enfin, le rapport et les conclusions du Rapporteur public, sont entièrement rédigés.
Toutefois, la nouvelle procédure des référés (v. ss 702) fait une large place – ne serait-ce qu'en raison des délais fort brefs
– à l'oralité des débats ce qui semble fort apprécié de tous. Selon l'observation du Président D. Labetoulle, on peut penser
« … que cette dose d'oralité introduite à l'occasion des procédures d'urgence aura des prolongements. Je le pense et je le
souhaite » 1365.
694 C. C'est une procédure peu formaliste ◊ Il est difficile d'imaginer une procédure juridictionnelle moins
formaliste que celle suivie devant la juridiction administrative. C'est pour cette raison que, en matière d'excès de pouvoir, le
requérant peut être dispensé de prendre un avocat.

SECTION 2. LES GRANDES LIGNES DE L'INSTANCE

§ 1. La règle de la décision préalable 1366

695 A. Définition ◊ En règle générale, le demandeur au procès civil peut citer la partie adverse devant le juge sans l'avoir, au
préalable, avisée de son intention et invitée à lui donner satisfaction : c'est ce qu'on nomme le droit de citation directe.
Devant le juge administratif, ce droit n'existe pas. Le demandeur doit s'adresser d'abord à l'administration ; c'est
seulement s'il se heurte à un refus total ou partiel qu'il pourra saisir le juge. La règle de la décision préalable est donc
l'obligation faite au plaideur, préalablement à tout recours contre l'administration, de solliciter d'elle une décision sur la
prétention qu'il se propose de soumettre au juge. Elle est sanctionnée par l'irrecevabilité du recours auquel ne serait pas jointe
la décision de l'administration.

696 B. Champ d'application ◊ 1o Dans les recours en annulation, la règle reçoit satisfaction de façon automatique,
puisque le recours, par définition, suppose l'existence d'une décision de l'administration ; il y a donc toujours, et
nécessairement, décision préalable, sans que le requérant ait à la susciter.
2o Dans les recours de pleine juridiction, la règle prend tout son relief. Le demandeur ne peut s'adresser au juge qu'après
que l'autorité compétente, saisie par lui, ait rejeté sa réclamation. La règle aboutit donc, ici, à subordonner le recours
contentieux à l'exercice, et au rejet, d'un recours administratif. Initialement, la règle s'appliquait seulement devant le Conseil
d'État statuant en tant que juge de droit commun. Depuis la réforme de 1953, elle a été étendue aux tribunaux administratifs
sauf pour les litiges relatifs aux travaux publics (décr. 30 sept. 1953), puis à l'ensemble des juridictions administratives (loi
du 7 juin 1956).

697 C. Modalités d'application ◊ 1o L'autorité administrative compétente pour prendre la décision préalable est, pour
l'État, le ministre dont relève le service en cause.
2o Le problème du silence de l'administration. La règle de la décision préalable présente un risque : en gardant le silence
sur la réclamation dont elle est saisie, l'administration aurait pu rendre impossible le recours contentieux, faute de la décision
préalable nécessaire. Le même problème se pose d'ailleurs à propos, non des réclamations des administrés, mais de leurs
demandes restées sans réponse : l'absence de réponse aurait bloqué tout recours. La règle traditionnelle voulait, on l'a vu
(v. ss 435) que le silence de deux mois de l'administration vaille décision de rejet, mais la loi du 12 novembre 2013 a inversé
le système et désormais le principe est que ce silence vaut acceptation de la requête, même s'il y a d'importantes dérogations
au principe nouveau.
3o Délai. La réclamation devant l'autorité administrative n'est enfermée dans aucun délai particulier ; pour le recours
devant le juge, cf. v. ss 699.

698 D. Signification de la règle ◊


1o La règle de la décision préalable s'explique historiquement, comme survivance de la théorie du ministre juge. Le
Conseil d'État, lorsqu'il s'est reconnu juge de droit commun à la place du ministre (cf. v. ss 567) a maintenu la nécessité, pour
le plaideur, d'un recours préalable au ministre, ce recours perdant le caractère contentieux qu'il avait auparavant, pour se
réduire à un simple recours administratif.
2o Si la règle de la décision préalable s'est non seulement maintenue, mais encore étendue à toutes les juridictions
administratives, c'est en raison de son utilité pratique : elle aboutit à créer une sorte de préliminaire de conciliation. Si les
deux parties sont de bonne foi, elles peuvent se mettre d'accord, faisant ainsi l'économie d'un procès ; elles déchargent
d'autant le juge administratif et arrivent à une solution plus rapide (v. ss 619).

§ 2. L'introduction de l'instance 1367


Le procès administratif débute par un acte écrit, adressé au juge, dans lequel le demandeur lui expose sa demande ; c'est
le mémoire introductif d'instance, assujetti à deux séries de conditions.

699 A. Conditions de formes et de délai ◊


1o Formes. Elles sont réduites, car la procédure devant la juridiction administrative est peu formaliste. Le mémoire doit
énoncer les conclusions du demandeur, et ses moyens, c'est-à-dire les arguments par lesquels il entend démontrer son droit ;
il doit enfin être accompagné du texte de la décision attaquée.
Le Conseil d'État avait admis spontanément la présentation d'une requête par courrier électronique (CE 28 déc. 2001,
Élections municipales d'Entre-Deux-Monts, D. 2002. 2008, note Mallol). Sur la base du décret no 2012-1437 du 21 décembre
2012, relatif à la communication électronique devant les juridictions administratives, a été mis en place au 31 décembre
2013 pour toutes les juridictions administratives métropolitaines « Télérecours ». Sur cette pratique : CE 11 mai 2015, Cne
de Damouzy, Rec. 168. Ce système permet donc l'échange totalement dématérialisé des pièces de procédure devant toutes les
juridictions administratives de France 1368.
2o Délai. Le recours doit être formé dans les deux mois de la décision attaquée. Le délai court à compter de la publication
si l'acte attaqué est un acte réglementaire. S'il s'agit d'une décision individuelle, le point de départ est la notification à
l'intéressé mais celle-ci doit mentionner expressément les délais de recours ainsi que les voies de recours (v. par ex. CE 7 mai
2014, Min. du Budget, Rec. 129). Si cette décision répond à une demande d'un administré, les délais qui pourraient lui être
opposés (délai de deux mois emportant décision tacite, délai de deux mois pour attaquer la décision expresse ou tacite) ne
courent qu'à compter de l'envoi au demandeur d'un accusé de réception. L'art. 18 de la loi du 12 avril 2000 a défini ce qu'est
une « demande » adressée à l'Administration (v. concl. J. H. Stahl sous CE, Sect., Avis, 15 juill. 2004, M. et Mme Damon,
RFDA 2004. 890). Lorsque le recours est formé contre une décision implicite consécutive à une demande qui a fait l'objet
d'un accusé de réception régulier, il faut distinguer : s'il s'agit d'un recours en annulation, et que l'on se trouve dans l'une des
hypothèses dérogatoires où le silence ne vaut pas acceptation, le délai de deux mois court à compter de l'expiration des deux
mois emportant rejet ; si, pendant ces deux mois, un rejet explicite intervient, un nouveau délai de deux mois s'ouvre à
compter de cette décision. Par contre, l'exercice du recours de pleine juridiction n'est enfermé dans aucun délai à l'égard du
rejet implicite, lorsque le silence ne vaut pas acceptation, sous réserve de la déchéance quadriennale pour les réclamations
pécuniaires ; seul le rejet explicite fait courir le délai de deux mois. Le délai de recours est interrompu par une demande
d'aide juridictionnelle : CE Avis, Sect. 28 juin 2013, M. Davodi, Rec. 185.
Ce délai est très bref, ceci pour éviter de laisser planer une longue incertitude sur la validité d'une décision administrative.
Il peut toutefois se trouver prolongé si le demandeur, pendant les deux mois, a formé, contre la décision, un recours gracieux
ou hiérarchique 1369. En cas de rejet, il pourra, dans les deux mois de la décision de rejet, attaquer l'acte initial. Il en va de
même s'il a, dans le délai, saisi par erreur une juridiction incompétente : dans les deux mois du jugement d'incompétence, il
pourra saisir le juge compétent. Mais ces prorogations ne se cumulent pas.
Le délai peut être prolongé, en outre, pour les requérants demeurant hors du territoire national. Enfin, la possibilité
donnée aux administrés de demander à tout moment à l'autorité compétente l'abrogation d'un règlement illégal rend possible
la remise en cause de la légalité de ce règlement après l'expiration du délai de deux mois, par l'exercice du recours pour
excès de pouvoir contre le refus d'abrogation. Après l'expiration du délai de recours, la légalité d'un règlement peut être
contestée par la voie de l'exception d'illégalité (v. ss 651).

700 B. Représentation ◊ En principe, le demandeur ne peut présenter lui-même son recours : celui-ci doit être signé par un
auxiliaire de la justice, qui le représente.
Devant le Conseil d'État, la représentation des parties est le monopole des Avocats au Conseil d'État, qui exercent
également leur ministère devant la Cour de cassation ; ils forment une corporation d'officiers ministériels, titulaires de leur
charge 1370.
Devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, les parties peuvent se faire représenter par les
avocats au Conseil d'État et les avocats aux Cours et tribunaux 1371.
Il existe de nombreuses exceptions à ces règles 1372. Pour réduire les frais, de très importantes catégories de recours sont
dispensées du ministère d'avocat 1373 : c'est le cas pour les recours pour excès de pouvoir. La procédure devant la juridiction
administrative est donc, dans l'ensemble, moins onéreuse que la procédure judiciaire. La loi du 30 décembre 1977 instituant
la gratuité des actes de justice s'applique d'ailleurs aux deux ordres de juridiction. Elle ne laisse à la charge des parties que
les honoraires des avocats, et éventuellement les frais d'expertise pour la partie perdante. Encore la loi du 10 juillet 1991 sur
l'aide juridictionnelle peut-elle supprimer ou atténuer ces frais. D'autre part, l'article L. 761-1 CJA prévoit que le juge
condamne la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans
les dépens ; pour ces « frais irrépétibles », v. par ex. : CE, Sect., 7 avr. 2006, CHR de Nice, RFDA 2006. 642 1374 ; CE 3 oct.
2012, Min. de la Défense, AJDA 2012. 2178, concl. Dacosta.

§ 3. Les mesures d'urgence : les référés


Le talon d'Achille de la procédure administrative contentieuse – et, partant, de son efficacité – était certainement
l'insuffisance des pouvoirs du juge confronté à l'urgence de certaines situations. La comparaison avec les procédures suivies
en la matière devant la juridiction judiciaire soulignait les efforts à entreprendre pour établir, en matière administrative, un
système moderne et efficace.
On rappellera brièvement ce qu'était la situation traditionnelle, c'est-à-dire avant la loi du 30 juin 2000, en matière
d'urgence, avant de décrire la très importante réforme mise en place par ce texte.

701 A. Le système d'avant la loi du 30 juin 2000 ◊ Selon l'observation du Président Labetoulle 1375 la loi du 30 juin
2000 ne succède pas à un vide ; dans une certaine mesure elle est le prolongement d'une réflexion engagée depuis une
quinzaine d'années. Mais une succession de réformes fragmentaires (une bonne demi-douzaine de textes sont intervenus, en
la matière, au cours des deux dernières décennies) n'aboutit que rarement à un système cohérent et d'un maniement aisé pour
le justiciable.
Le système traditionnel, en matière d'urgence, reposait sur trois procédures distinctes :
1o Le sursis à exécution 1376 était la conséquence nécessaire du caractère non suspensif du recours. Le recours, en
principe, ne met pas obstacle au caractère exécutoire de la décision attaquée ; l'administration peut en poursuivre l'exécution,
bien que le juge ait été saisi. Cette règle fondamentale constitue l'une des prérogatives de puissance publique qui
caractérisent l'action administrative. Elle est nécessaire : à défaut les particuliers pourraient à volonté paralyser
l'administration en formant des recours dénués de tout fondement. Elle est dangereuse : l'exécution de la décision peut
entraîner des conséquences irréparables que le jugement, après coup, ne pourra effacer ; d'où l'institution, à titre exceptionnel
du sursis à exécution 1377. C'est une procédure qui tend à obtenir du juge l'ordre, à l'administration, de différer l'exécution de
la décision attaquée jusqu'à ce qu'il ait statué au fond.
Le Conseil d'État n'en usait qu'avec une extrême réserve en exigeant que l'exécution doive causer un dommage
difficilement réparable et que les moyens invoqués sur le fond paraissent sérieux. Par ailleurs, il refusait le sursis à
l'exécution d'une décision de refus. De surcroît il statuait avec trop de lenteur en la matière.
Le décret du 30 septembre 1953 avait accordé aux tribunaux administratifs le droit d'ordonner le sursis, à titre
exceptionnel et sauf à l'égard des décisions intéressant le maintien de l'ordre, de la sécurité et de la tranquillité.
En 1983, on avait supprimé toute restriction au pouvoir, pour les tribunaux administratifs, d'ordonner ou de refuser le
sursis, mais, en appel, le Conseil d'État faisait preuve de beaucoup de rigueur.
Du sursis on pouvait rapprocher la possibilité, pour le Président du Tribunal Administratif, si on le lui demande, de
suspendre pour trois mois l'exécution d'une décision (art. 65 de la loi du 8 févr. 1995).
2o Le référé. Il n'avait qu'une portée limitée, sans commune mesure avec celle qu'il a dans la procédure judiciaire. Il ne
permettait au Président que d'ordonner des mesures facilitant l'instruction, notamment des expertises. Le décret du
2 septembre 1988 avait introduit le référé provision qui permet au requérant qui a saisi au fond la juridiction d'une demande
tendant à l'octroi d'une indemnité, d'obtenir sur celle-ci une provision si son droit n'est pas sérieusement contestable, ce que
le Conseil d'État n'avait guère voulu faire jusqu'alors.
3o Le constat d'urgence qui permettait de faire procéder à la constatation rapide de faits susceptibles de disparaître, avant
même l'ouverture de l'instruction.

702 B. Le référé de la loi du 30 juin 2000 1378 ◊ La réforme des référés opérée par la loi du 30 juin 2000 est d'une
grande importance, tout d'abord parce qu'elle vient combler une très grave lacune de la procédure suivie devant les
juridictions administratives, mais aussi parce qu'elle pourrait servir de modèle pour faire évoluer des principes qui
gouvernent cette procédure.
En effet, selon la constatation de D. Labetoulle 1379 « le juge administratif a longtemps considéré que la procédure
d'urgence devait être utilisée rarement et avec circonspection ». En dépit des réformes successives on se heurtait à deux
difficultés : l'insuffisance des pouvoirs du juge qui ne se reconnaissait pas le pouvoir d'adresser des injonctions à
l'administration et les conditions restrictives découlant de la procédure qui était organisée. Le premier obstacle a été levé par
la loi du 8 février 1995 permettant au juge d'adresser des injonctions à l'administration 1380 (v. ss 714). Le second l'est par la
loi du 30 juin 2000 et le décret 2000-1115 du 22 novembre 2000, pris pour son application. Celle-ci vient créer un juge des
référés et institue trois procédures nouvelles : – le « référé suspension » ; – le « référé liberté » ; – le « référé
conservatoire ».
Il existe également des procédures autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000. Par exemple, celle du référé-
suspension environnemental sur le fondement de l'art. L. 123-12 du Code de l'environnement 1381.
1o Le juge des référés. La loi crée un juge des référés qui statue dans les meilleurs délais par des mesures ayant un
caractère provisoire. Naturellement, il ne peut pas se substituer au juge du fond : CE 23 octobre 2015, Min. du Travail, AJDA
2016. 131. Sont juges des référés les présidents des tribunaux administratifs, et des cours administratives d'appel, ainsi que
les magistrats qu'ils désignent à cet effet, et le Président de la Section du contentieux du Conseil d'État, ainsi que les
conseillers d'État qu'il désigne à cet effet (CJA, art. L. 511-1 et L. 511-2).
2o Le référé suspension (art. 5 de la loi, CJA, L. 521-1) 1382. Le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut
ordonner la suspension de l'exécution d'une décision administrative, même de rejet, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est
fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. On voit la
différence avec l'ancienne procédure du sursis à exécution : au lieu d'un préjudice irréparable, ou du moins difficilement
réparable, on n'exige plus que « l'urgence » ; au lieu d'un moyen sérieux, on se contente d'un moyen propre à créer un doute
sérieux quant à la légalité de la décision, en l'état de l'instruction.
a) En ce qui concerne la notion d'urgence, selon une formule reprise régulièrement par le Conseil d'État dans chacune de
ses décisions pour la définir : « L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution
de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux
intérêts qu'il entend défendre ». Parmi une jurisprudence particulièrement fournie on donnera tout d'abord quelques exemples
où il a été jugé que la condition d'urgence était satisfaite : – décision refusant ou retirant un titre de séjour (CE, Sect., Avis,
14 mars 2001, Min. de l'Intérieur c/ Mme Ameur, RFDA 2001. 673, concl. de Silva) ; – suspension d'une imposition compte
tenu des conséquences graves qu'elle pourrait avoir à brève échéance (CE, Sect., 25 avr. 2001, Min. de l'Économie c/ SARL
Janfin, Rec. 197, concl. Bachelier) ; – décision de l'Ordre des dentistes rejetant une demande d'autorisation d'installation
(CE, Sect., 28 févr. 2001, Philippart et Lesage, RFDA 2001. 390, concl. Chauvaux) ; – décision interdisant l'accès aux
locaux universitaires (CE, Ord. réf., 14 janv. 2005, Bruno Gollnish, D. 2005. 316) ; – suspension d'une DUP en raison de
l'imminence des travaux (CE 3 mai 2004, Département de la Dordogne, AJDA 2004. 1374, concl. Chauvaux). L'urgence
peut résulter de la violation du droit de l'Union européenne : CE 14 févr. 2013, Lailler, D. 2013. 628, note Le Bot. Dans
certains cas le juge recourt à une présomption d'urgence : CE 23 juin 2006, Sté Actilor, Rec. 304 ; CE 26 janv. 2007, M. K.,
AJDA 2007. 767. Le juge doit s'expliquer clairement quand il estime qu'il n'y a pas d'urgence : CE 26 janv. 2007, Lévy, AJDA
2007. 934. Les décisions déniant l'urgence sont assez nombreuses ; tel est le cas, par exemple : – d'une décision autorisant
une décharge de déchets ménagers (CE, Sect., 28 févr. 2001, Préfet des A-M, Sté Sud-Est assainissement, AJDA 2001. 461,
chron. Guyomar et Collin ; v. également p. 465) ; – d'un arrêté portant extension d'un accord professionnel (CE, Sect.,
19 janv. 2001, Conf. nat. des Radios libres, D. 2001. 1414, note Seiller) ; – d'une décision décidant la révision du POS (CE,
Sect., 25 avr. 2001, Assoc. des habitants du littoral du Morbihan, Rec. 220) ; – de la décision d'isolement d'un détenu (CE
29 déc. 2004, M. A., AJDA 2005. 511) ou le soumettant à une rotation de sécurité (CE, Ass., 14 déc. 2007, M. Payet, RD
publ. 2008. 658, chron. Guettier ; – d'un arrêté relevant la vitesse maximum sur une route : CE 27 oct. 2006, Dépt des
Bouches du Rhône, AJDA 2006. 2096.
La question prioritaire de constitutionnalité peut être soulevée devant le juge des référés (CE, Ord., 21 oct. 2010, Conf.
Nat. des présidents des unions régionales de médecins libéraux, AJDA 2010. 2021) et il peut réexaminer son appréciation de
l'urgence en présence d'un fait nouveau : CE 29 déc. 2004, Min. de l'Intérieur c/ M. Chahbasian, AJDA 2005. 454. Sur
l'étendue du contrôle du juge de cassation en la matière : CE 13 févr. 2006, Assoc. Ban Asbestos France, RD publ. 2006.
1671, concl. Aguila, note Iliopoulou (affaire du « Clemenceau »).
b) En ce qui concerne l'existence d'un moyen de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision : CE
8 août 2002, Melle Ouadalo, AJDA 2003. 254 ; CE 8 nov. 2002, Sté Tiscali Telecom, AJDA 2003. 250, note Tuot ; CE 29 oct.
2003, Sté Techna S.A. et autres, AJDA 2004. 540, note Courrier. Mais le juge ne peut exiger qu'un doute sérieux et non une
certitude quant à la légalité de la décision attaquée : CE 7 mars 2012, M. Ahmad Fatah, AJDA 2012. 1304.
Le référé suspension peut être formé, lorsqu'un texte impose l'exercice d'un recours administratif préalable, sans attendre
que l'Administration ait statué sur ce recours : CE, Sect., 12 oct. 2001, Sté Produits Roche, Rec. 463.
Naturellement, l'Administration ne peut pas passer outre à une décision de suspension et la contester : CE 17 janv. 2007,
Min. de l'Intérieur, AJDA 2007. 484, concl. Olson.
Le juge des référés, juge unique, statue au terme d'une procédure contradictoire, écrite ou orale, sans conclusions d'un
rapporteur public mais le renvoi à une formation collégiale est toujours possible. Il statue en dernier ressort et il n'y a donc
que la seule possibilité d'un pourvoi en cassation. L'oralité des débats joue, ici, un rôle essentiel.
Lorsque la suspension est prononcée il doit être statué sur la requête au fond « dans les meilleurs délais ». On ne dispose
d'aucune statistique permettant de savoir dans quelle mesure cette obligation est respectée 1383. Enfin, toute personne
intéressée peut demander au juge des référés, à tout moment, la modification des mesures ordonnées.
3o Le référé liberté (art. 6 de la loi ; CJA, art. L. 521-2) 1384 ou « référé injonction » : lorsque l'administration, ou un
organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public, porte une atteinte grave et manifestement illégale à une
liberté fondamentale, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde de cette liberté. Il se
prononce dans un délai de quarante-huit heures. Sa décision est susceptible d'appel devant le Conseil d'État dans les quinze
jours de sa notification. Il est statué sur celui-ci dans un délai de quarante-huit heures.
L'application du référé liberté pose le problème de savoir ce qu'est une liberté fondamentale au sens de l'article L. 521-2
CJA 1385.
Parmi une volumineuse jurisprudence, on donnera quelques exemples de ces libertés fondamentales :
– le principe du caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion : CE, Sect., 24 févr. 2001, Tibéri,
D. 2001. 1748, note Ghevontian ;
– le droit de mener une vie familiale normale : CE, Sect., 30 oct. 2001, Min. de l'Intérieur c/ Mme Tliba, AJDA 2001. 1054,
chron. Guyomar et Collin, ainsi que le respect de la vie privée : CE 25 oct. 2007, Mme Y., RFDA 2008. 328, note O. Le Bot ;
ainsi que le droit de se marier : CE, ord. 9 juill. 2014, AJDA 2014. 1418 ;
– le principe de libre administration des collectivités territoriales, CE, Sect., 18 janv. 2001, Cne de Venelles, RFDA 2001.
389 ;
– les atteintes au droit de propriété 1386 : CE 21 nov. 2002, GDF, AJDA 2002. 1368 ; 3 janv. 2003, Sté Kerry, AJDA 2003.
342 ; CE 8 nov. 2005, Moissinac-Masserat, Rec. 491 ;
– les motifs sur lesquels se fonde un licenciement peuvent constituer une atteinte à une liberté fondamentale : CE, Sect.,
28 févr. 2001, Casanovas, RFDA 2001. 399, concl. Fombeur ;
– le droit de grève : CE 9 déc. 2003, Mme Aguillon, RFDA 2004. 634, concl. J.H. Stahl, note Cassias ;
– le secret des correspondances : CE 9 avr. 2004, Vast, RFDA 2004. 778, concl. Boissard ;
– le droit au respect de la vie, CE, Sect., 16 nov. 2011, Ville de Paris et SEM Paris-Seine, RFDA 2012. 269 concl.
Botteghi 1387, ou celui de ne pas être soumis à des traitements inhumains : CE 22 déc. 2012, Sect. Frse de l'observatoire
international des prisons, Rec. 496 ; CE 23 nov. 2015, Min. de l'Intérieur / Cne de Calais, Rec. 401 ; ou pour faire cesser le
danger résultant d'attaques de requins à l'Ile de la Réunion : CE 13 juill. 2013, Min. ; de l'Intérieur / Commune de Saint-Leu,
AJDA 2014. 2104, note Le Bot. Il y a aussi, et surtout, « l'affaire Lambert », et l'invocation de la Convention européenne :
CE, Ass., 14 févr. 2014, Rec. 31, concl. Keller et CE Ass., 24 juin 2014, Rec. 175, concl. Keller.
– la présomption d'innocence : CE, Ord. Réf., 14 mars 2005, M. Gollnish, AJDA 2005. 576 ;
– la liberté du culte : CE, Ord. réf., 25 août 2005, Commune de Massat, Rec. 386 ; recours contre le refus persistant
d'ouvrir une mosquée : CE 9 nov. 2015, Association musulmane El Fath, AJDA 2016. 385, note E. Debaets ;
– le droit constitutionnel d'asile : CE 3 mai 2004, D. 2004. 1711 ; CE 15 avr. 2011, Mme Ziane, Rec. 162.
– la liberté syndicale : CE 31 mai 2007, Synd. CFDT Interco 28, Rec. 222 ;
– le droit d'exercer un recours effectif devant une juridiction : CE, Ord. Réf., 30 juin 2009, Min. de l'Intérieur, Rec. 240 ;
– l'accès des enfants handicapés à une scolarisation adaptée : CE, Ord. Réf., 15 déc. 2010, Min. de l'Éd. Nat / M. et
Mme Peyrilhé, AJDA 2011. 858, note Prélot ; CE 27 nov. 2013, Époux C., AJDA 2014. 574, note F.X. Fort ;
– le droit à l'hébergement d'urgence : CE, Ord. Réf., 10 févr. 2012, Fofana, AJDA 2012. 716, note Duranthon ;
– les conditions de détention et les demandes de changement d'affectation des détenus : CE 30 juill. 2015, AJDA 2015.
77 ; CE ord. 30 juill. 2015, Section française de l'observatoire international des prisons, AJDA 2015. 1567 et 2216.
On l'a vu (v. ss 609) le juge du référé-liberté se reconnaît compétent pour faire cesser une voie de fait : CE 23 janv. 2013,
Commune de Chirougui, AJDA 2013. 788. chron. Domino et Bretonneau.
Le droit à la santé ne constitue pas une liberté fondamentale : CE, Ord. réf., 8 sept. 2005, Ministre de la Justice, AJDA
2006. 376, note Laudijois.
Compte tenu des délais qui lui sont imposés, le juge du référé-liberté ne peut pas adresser une question préjudicielle à la
CJUE ; il peut donc interpréter lui-même les dispositions du droit communautaire : CE 18 oct. 2006, Mme Djabrailova, AJDA
2006. 2352, note Gautier ; CE, Ord., 16 juin 2010, Mme Diakité, AJDA 2010. 1662, note O. Le Bot.
4o Le référé conservatoire (art. 7 de la loi ; CJA, art. L. 521-3). En cas d'urgence et sur simple requête, recevable même
en l'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner « toutes autres mesures utiles sans faire
obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative » (CE Sect. 5 févr. 2016, AJDA 2016. 232) et il n'a pas le pouvoir
d'ordonner à l'administration de prendre des mesures réglementaires (CE, Sect., 20 mars 2015, Section française de
l'observatoire international des prisons, RFDA 2015. 491, concl. Crépey). Sur la notion de « mesures utiles », v. CE, Sect.,
18 juill. 2006, Mme Elissondo Labat, RFDA 2007. 314, concl. Chauvaux ; à propos de cet arrêt les chroniqueurs de l'AJDA
(2006. 1839) ont souligné que ce référé n'avait qu'une place subsidiaire dans le CJA, même s'il connaît un certain regain : CE
12 mai 2010, M. Alberigo, AJDA 2010. 1057 ; CE 18 juill. 2011, M. Fahti, AJDA 2011. 1526. Pour des mesures utiles à
l'égard d'un cocontractant : CE 5 juillet 2013, Sté Véolia, AJDA 2013. 1415.
Sur les problèmes posés par ce référé et notamment par son caractère subsidiaire : CE, Sect. 5 févr. 2016, AJDA 2016.
474, Chr. Dutheillet de Lamothe et Odinet.
5o Les référés spéciaux. L'article 13 de la loi du 30 juin 2000 reprend toute une série de procédures particulières :
a) Le sursis sur déféré préfectoral (CJA, art. L. 554-1), v. ss 232.
b) La suspension en matière d'urbanisme et d'environnement (CJA, art. L. 554-10). En matière d'environnement le
Conseil d'État a rejeté une demande, alors même qu'il y avait un doute sérieux sur la légalité de la décision, parce que la
suspension de l'exécution aurait porté à l'intérêt général une atteinte d'une particulière gravité : CE, Sect., 16 avr. 2012,
Commune de Conflans-Sainte-Honorine, RFDA 2012. 719, concl. Botteghi.
c) Le référé en matière de passation de contrats et marchés (CJA, art. L. 551-1).
6° Le Référé provision. Le Titre IV du Livre V du CJA concerne le référé-provision. Celle-ci est accordée lorsque
l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable ; sur cette notion, v. CE 20 déc. 2006, M. Bes, Rec. 573 ; CE
8 mars 2010, M. A., AJDA 2010. 473 ; CE, Sect., 6 déc. 2013, M. B., AJDA 2014. 237, concl. Hedary. Puisque l'obligation ne
doit pas être contestable cela interdit de former une demande d'avis contentieux : CE, Avis, 3 oct. 2012, Sté Colas Nord-
Picardie, AJDA 2012. 1881.
Le juge des référés peut accorder une provision même en l'absence d'une demande sur le fond : CE 13 juill. 2007,
ONIAM, Rec. 347. La décision du juge du référé-provision n'a pas l'autorité de la chose jugée : CE 11 déc. 2015, Cne de
Colmar, AJDA 2015. 2407.
7° Le référé constat 1388. Aux termes de l'art. R. 531-1 CJA, s'il n'est rien demandé de plus que la constatation de faits, le
juge peut, sur simple requête, désigner un expert pour constater sans délai les faits qui seraient susceptibles de donner lieu à
un litige devant la juridiction : v. CE, 21 mars 2012, Garde des Sceaux, Rec. 98.
Cette réforme des mesures d'urgence réalisée par la loi du 30 juin 2000 apparaît, on le répète, non seulement comme une
réussite mais aussi comme une étape importante dans l'évolution de la procédure suivie devant la juridiction administrative,
notamment par le recours à l'oralité des débats.

§ 4. L'instruction de l'affaire

703 A. Schéma général 1389 ◊ La requête, adressée au greffe du tribunal ou de la cour, ou au secrétariat du Conseil d'État,
est enregistrée. Au Conseil d'État, elle est transmise à la sous-section chargée des questions dont relève la requête, qui assure
l'instruction 1390. Un rapporteur et un rapporteur public sont désignés. La requête est communiquée à l'autre partie, qui y
répond par un mémoire. En matière de recours pour excès de pouvoir dirigé contre un décret, elle l'est aussi au Premier
ministre, qui peut en informer le Conseil des ministres. L'échange des mémoires se poursuit, chacune des parties essayant de
prouver le bien-fondé de ses conclusions et de réfuter l'argumentation adverse. La production des mémoires est enfermée
dans certains délais ; si le délai est dépassé, le mémoire ne peut plus être présenté, et le juge peut prononcer la clôture de
l'instruction. Cependant pour la prise en compte d'un mémoire produit après la clôture de l'instruction, v. CE 22 mai 2013,
AJDA 2013. 1081. Il le fait, en toute hypothèse devant le Conseil d'État, qui y voit un désistement d'office. Devant les CAA
et les TA, la règle est moins contraignante. Sur les pouvoirs d'instruction du juge, et ses limites, V. CE 29 oct. 2013,
M. Vidon, Rec. 259 ; CE Sect., 1er oct. 2014, M. Erden, Rec. 288, Concl. Hedary et AJDA 2014. 2185, Chr. Lessi et Dutheillet
de Lamothe.
Afin de clarifier les données du litige le décret du 22 février 2010 permet d'inviter une partie à produire un mémoire
récapitulant ses conclusions et moyens (CJA, art. R. 611-8-1). Devant les tribunaux administratifs et les cours
administratives d'appel le Président peut fixer la date à laquelle l'instruction sera close, c'est-à-dire une date prévisionnelle de
jugement. Ce même texte (CJA, art. R. 625-3) a instauré la procédure dite de l'« amicus curiae » (« l'ami de la Cour »). Il
s'agit d'une personne dont la compétence ou les connaissances seraient de nature à éclairer utilement la solution à donner au
litige. Son avis peut être donné par écrit, et communiqué aux parties, ou il peut présenter des observations orales devant la
formation d'instruction ou de jugement, en présence des parties 1391. Pour un exemple de recours à cette procédure : CE
28 mars 2012, Sté Direct Énergie, Rec. 130. Le Conseil d'État a précisé les conditions dans lesquelles le juge administratif
peut y recourir : CE 6 mai 2015, AJDA 2015. 1545, note D. Connil. En revanche le Conseil d'État refuse la procédure dite de
« l'estopel », qui interdit de se contredire au détriment d'autrui (CE 1er avr. 2010, SAS Marsadis, AJDA 2010. 1327, note
H. Belrhali—Bernard ; CE 2 juill. 2014, Sté Pace Europe, AJDA 2014. 1897, Concl. Dumortier, et 1935, Chr. Lessi et
Dutheillet de Lamothe), alors que la Cour de cassation a accepté de l'accueillir comme principe général du droit
(v. C. Maréchal, D. 2012. 167).

704 B. Les Preuves 1392 ◊ Devant les tribunaux administratifs et les Cours, le Code détermine avec une certaine précision le
régime des divers moyens de preuve (expertise, enquête) qui tend à se rapprocher des règles en vigueur devant les tribunaux
judiciaires. Devant le Conseil d'État, la preuve est libre. En pratique, les juridictions administratives ne recourent jamais à
l'audition de témoins. Le décret du 22 février 2010 a réformé l'expertise afin de la rendre plus efficace et utile et permet de
recourir à une simple consultation technique ; le décret du 13 août 2013 impose l'établissement chaque année d'un tableau
des experts auprès de la Cour et des tribunaux administratifs de ressort 1393. Le Conseil d'État a pu désigner un expert pour lui
fournir un avis sur des questions techniques relatives à l'économie de la régulation sans pour autant lui déléguer son pouvoir
propre de trancher le litige : CE 28 mars 2012, Sté Direct Énergie, AJDA 2012. 1146 obs. M. Lombard. L'expert peut faire
l'objet d'une récusation : CE, Sect., 23 mars 2012, Centre hospitalier d'Alès-Cévennes, Rec. 118, concl. Dacosta et AJDA
2012. 1397, chron. Domino et Bretonneau. La Haute Juridiction a également souligné qu'il ne fallait pas abuser des
expertises : CE 23 oct. 2013, Garde des Sceaux, AJDA 2013. 2118. Le Conseil d'État a recouru à l'enquête préalable (18 avr.
1969, Vitry, AJDA 1969. 362) et même à la visite des lieux (13 mars 1970, Min. des Affaires culturelles c. Dame Benoist
d'Anthenay, AJDA 1970. 230 ; CE 13 juill. 2006, Dokhan, Rec. 339), solutions confirmées par le décret du 26 août 1975,
art. 10 ; v. également : CE 16 févr. 2001, Centre du Château de Gleteins, AJDA 2001. 296 (enquête, les parties ayant été
entendues, par les membres de la Section siégeant en formation d'instruction).
Le Conseil d'État refuse de consacrer un principe de loyauté dans l'administration de la preuve et a jugé que le recours par
l'administration aux services d'un détective privé pour établir la faute d'un agent n'était pas déloyal : CE, Sect., 16 juill. 2014,
M. Ganem, Rec. 224, concl. Daumas ; AJDA 2014. 1701 Chr. Bretonneau et Lessi.
La charge de la preuve incombe au demandeur. Toutefois, le juge, en vertu du caractère inquisitorial de la procédure, peut
demander à l'administration de faire connaître les motifs de la décision attaquée, et renverser ainsi la charge de la preuve
lorsque le requérant avance, en faveur de sa thèse, des allégations sérieuses constituant un commencement de preuve. Pour
des exemples typiques de cette façon de procéder, cf. CE 28 mai 1954, Barel, GAJA, no 66, concl. Letourneur au Rec. 308 ;
CE 21 déc. 1960, Vicat-Blanc, D. 1961. 421, note R. Chapus. Sur la nécessité pour le juge administratif, dans la conduite de
la procédure inquisitoire, de demander aux parties de lui fournir tous les éléments d'appréciation de nature à établir sa
conviction et sur l'utilisation des présomptions de preuve, v. CE, Ass. 30 oct. 2009, Mme Perreux, Rec. 407, Concl. Guyomar ;
AJDA 2009. 2391, chron. Liéber et Botteghi ; CE, 1er juin 2011, M. B., AJDA 2011. 1108 ; CE 16 juill. 2014, Cne de
Cherbourg-Octeville, Rec. 219.
Cette technique a été étendue par la suite aux décisions à caractère économique, dans lesquelles l'arbitraire peut aisément
se glisser. Le juge, en matière économique, n'exige même plus le commencement de preuve fourni par le requérant : il se
contente de « l'argumentation » présentée par celui-ci. Par là, il espère pouvoir contrôler les décisions économiques plus
efficacement que si la charge de la preuve incombait au seul requérant (CE 26 janv. 1968, Sté Génestal, Rec. 61, concl.
Bertrand). L'obligation de motiver les décisions défavorables (v. ss 437) facilite ces contrôles. Le juge peut également utiliser
les présomptions de faute (qui renversent la charge de la preuve) en ce qui concerne la responsabilité des personnes
publiques (v. ss 513).

705 C. L'audience 1394 ◊ Lorsque l'affaire est en état d'être jugée, elle vient à l'audience devant la formation compétente pour
statuer, les parties ayant la faculté de récuser l'un des membres de celle-ci. 1395 C'est, normalement, une formation collégiale
composée de plusieurs juges (CJA, art. L. 3) mais de plus en plus souvent – trop souvent – certaines catégories d'affaires
peuvent être confiées à un juge unique dans le souci actuel d'accélérer le cours de la justice. La liste des affaires pouvant être
tranchées par un juge unique ne cesse de s'allonger (v. ss 618). Même dans ce cas, l'audience est publique sauf rares
exceptions. Celle qui excluait la publicité pour les audiences des juridictions disciplinaires professionnelles a été abandonnée
par le Conseil d'État en application de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme (CE, Ass., 14 févr.
1996, Maubleu, AJDA 1996. 403) (v. ss 322). Le rapporteur y lit son rapport, résumé objectif des conclusions et arguments
des parties 1396 ; les avocats et les requérants eux-mêmes peuvent présenter des observations orales, sans rien ajouter aux
mémoires écrits. Le moment essentiel de l'audience est la lecture, par le rapporteur public de ses conclusions. On sait déjà
l'importance de l'institution, caractéristique de la juridiction administrative (v. ss 322, 618). Le rapporteur public doit, dans
chaque affaire, proposer en toute indépendance une solution en se plaçant au seul point de vue du droit. La règle est
obligatoire : le Conseil d'État a annulé un jugement de tribunal administratif au motif que le rapporteur public, dans cette
affaire, s'était borné à s'en rapporter à la sagesse du tribunal au lieu d'émettre un avis (CE 13 juin 1975, Adrassé, AJDA 1975.
477) ; de même pour des conclusions comportant une omission (CE Sect., 5 décembre 2014, Cne de Scionzier, Rec. 360).
Les conclusions peuvent être « succinctes » mais pas inexistantes (CE 11 févr. 2004, Mme Pepiot, AJDA 2004. 998). Devant
le Conseil d'État, la qualité intellectuelle des rapporteurs publics a assuré, à leurs conclusions, une grande autorité ; elles ont
souvent orienté l'évolution de la jurisprudence. Les plus importantes sont publiées ; il est indispensable de s'y référer pour
saisir la portée des arrêts qui s'en inspirent ; quelques-unes sont demeurées célèbres 1397.
La règle comportait pourtant une exception importante devant les tribunaux administratifs. Un décret du 27 octobre
1982 avait permis au président de la formation de jugement, sur proposition du rapporteur public auquel le dossier avait été
transmis, de le dispenser de présenter des conclusions dans cette affaire. Cette réforme portait, à l'égalité des citoyens devant
la justice, une atteinte dont la constitutionnalité, compte tenu de la jurisprudence du Conseil constitutionnel (Décis. du
23 juill. 1975, AJDA 1976. 44, note Rivero), n'était pas évidente. La loi du 6 janvier 1986 l'a abolie : l'intervention du
rapporteur public était donc redevenue obligatoire dans toutes les instances, sauf en matière de référé (v. ss 702).
On l'a vu (v. ss 322) la Cour européenne des droits de l'homme, se fondant sur les dispositions de l'article 6, paragraphe 1,
de la CEDH a remis en cause, sinon l'existence même, du moins le statut de celui qui, à l'époque, était encore le
« Commissaire du rgouvernement » devant les juridictions administratives. Par son arrêt Kress (7 juin 2001, AJDA 2001.
675 note Rolin) elle a jugé que l'institution du « Commissaire du Gouvernement » était conforme aux exigences d'un
« procès équitable », mais non son assistance au délibéré 1398. La CEDH ayant persisté dans ce point de vue (CEDH 5 juill.
2005, Marie-Louise Loyen c/ France, AJDA 2005. 1491), la France avait cru pouvoir apaiser les craintes – non fondées – de
la Cour de Strasbourg en affirmant, par le décret du 19 décembre 2005, que « Le Commissaire du gouvernement assiste au
délibéré. Il n'y prend pas part » 1399. Par ailleurs le sens des conclusions du commissaire du gouvernement doit être
communiqué aux parties qui en font la demande : CE 5 mai 2006, Sté Mullerhof, RFDA 2006. 876 ; s'il envisage de modifier
le sens de ses conclusions il doit mettre les parties à même de connaître ce changement : CE 1er oct. 2015, M. et
Mme Gauchot, Rec. 325. Dans le même temps, deux éminents membres du Conseil d'État ont remarquablement exposé le
rôle exact dévolu au « Commissaire du gouvernement » dans la procédure juridictionnelle française et, partant, sa
nécessité 1400. Peine perdue, hélas ! Dans son arrêt Martinie c/ France (CEDH 12 avr. 2006, D. 2006. 1129 et AJDA 2006.
788, commentaires de Montecler) la CEDH persiste et signe : elle confirme totalement la jurisprudence Kress en condamnant
la seule présence au délibéré du Commissaire du gouvernement, que celle-ci soit « passive » ou « active » et n'aperçoit
« aucun motif susceptible de la convaincre qu'il y a lieu de réformer sa jurisprudence Kress ». Finalement, le Conseil
constitutionnel ayant reconnu le caractère réglementaire du terme « commissaire du gouvernement » (Décis. 2006-208, L. du
30 novembre 2006, p. 119) le décret 2009-14 du 7 janvier 2009 a substitué à l'appellation de « Commissaire du
gouvernement » celle de « Rapporteur public ». Il est consternant de penser qu'un simple changement de dénomination peut
commander le fond du droit ! 1401 Ce texte fixe le statut du rapporteur public dans la procédure juridictionnelle. L'avis
d'audience mentionne les modalités selon lesquelles les parties peuvent prendre connaissance du sens des conclusions du
rapporteur public 1402. Encore faut-il déterminer avec exactitude ce que l'on entend par « sens des conclusions » : CE, Sect.,
21 juin 2013, Cté d'agglomérations du Pays de Martigues, RFDA 2013. 805, concl. de Lesquen 1403 ; CAA Nantes, 14 déc.
2012, Association EPAL, AJDA 2013. 534, concl. Wunderlich. À l'audience, après le prononcé des conclusions, les parties
peuvent présenter de brèves observations orales. Devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel le
délibéré a lieu hors la présence du rapporteur public. Devant le Conseil d'État, sauf opposition des parties, il assiste au
délibéré mais n'y prend pas part. Après l'audience, l'affaire est en général mise en délibéré. Pendant celui-ci les parties ont la
faculté de produire des notes en délibéré 1404 et la formation de jugement a l'obligation de les examiner (CE 12 juill. 2002,
M. et Mme Leniau, RFDA 2003. 307, concl. Piveteau).
C'est parce qu'il y a cette possibilité de déposer des notes en délibéré, après les conclusions du Commissaire du
Gouvernement, que la Cour européenne des droits de l'homme, dans l'affaire Kress, a jugé que l'intervention de ce dernier
dans la procédure administrative contentieuse n'était pas, en elle-même, contraire aux exigences de l'article 6 de la
Convention européenne des droits de l'homme. Dans son arrêt APBP (CEDH 21 mars 2002, RD publ. 2003. 694, note
Gonzalez) la Cour européenne a précisé les caractères auxquels devait satisfaire, pour cela, la note en délibéré.
On avait pu craindre une nouvelle mise en cause du Rapporteur public devant la CEDH avec l'affaire Marc-Antoine.
Celui-ci, conseiller de tribunal administratif, contestait devant la Cour le fait qu'à l'occasion d'un litige devant le Conseil
d'État le projet de décision rédigé par le Rapporteur avait été transmis au Rapporteur public sans que lui-même ait pu en
prendre connaissance. Très heureusement la CEDH a rejeté son recours : 4 juin 2013, Marc-Antoine / France, AJDA 2013.
1580, note Platon et 1798. chron. Burgorgue-Larsen 1405. Elle a estimé que le projet de décision n'est pas « une pièce produite
par une partie et susceptible d'influencer la décision ». Mais surtout la Cour souligne que les conclusions sont de nature à
permettre aux parties de percevoir les éléments décisifs du dossier et la lecture qu'en fait la juridiction, leur offrant ainsi
l'opportunité d'y répondre avant que les juges n'aient statué.
Alors que l'on avait soutenu, devant la Cour europénne des droits de l'homme, la très grande importance de l'intervention
dans la procédure administrative contentieuse des conclusions du Rapporteur public on devait, peu de temps après et non
sans quelque inconséquence, accepter que dans certaines affaires le Rapporteur public soit dispensé d'exposer à l'audience
ses conclusions. C'est la réforme opérée par l'article 188 de la loi du 17 mai 2011, complétée par l'article 7 du décret du
23 décembre 2011 (v. ss 618). Je le regrette.
Une affaire doit être jugée dans un délai « raisonnable ». Compte-tenu de la difficulté particulière d'une affaire qui s'était
déroulée sur onze ans et sept mois (!) le Conseil d'État a estimé que le délai « raisonnable » avait été dépassé de trois ans
seulement : CE, Sect., 17 juill. 2009, Ville de Brest, Rec. 286.
Le jugement est lu à une audience ultérieure ; il est, en ce qui concerne le Conseil d'État, notifié aux parties par
le secrétariat.

§ 5. Le jugement

706 A. Forme du jugement ◊ La décision, à laquelle la pratique donne le nom d'arrêt pour le Conseil d'État et les Cours,
et les textes celui de jugement pour les tribunaux administratifs, se présente sous la forme d'une phrase unique : « Le Conseil
d'État (ou « le Tribunal » ou « la Cour »), vu…, considérant…, décide : » suivie du texte, en articles, de la solution, qu'on
appelle le dispositif. Entre le sujet et le verbe qui forment la proposition principale s'intercalent, introduits par le participe
« vu », les visas, c'est-à-dire d'une part le résumé des diverses pièces de la procédure, d'autre part l'indication des textes
législatifs et réglementaires dont le juge va faire application ; l'indication des textes qui fondent la décision est très
importante. Puis viennent, introduits par le participe « considérant… », les motifs, c'est-à-dire l'exposé, par le juge, des
arguments qui justifient sa solution : c'est, du point de vue juridique, la partie la plus intéressante de la décision.
Les motifs, dans la tradition du juge administratif, sont parfois très concis, ce qui rend difficile l'interprétation de sa
pensée. Mais cette tradition semble régresser 1406.
Cette manière traditionnelle de rédiger les décisions est maintenant remise en cause. En effet, à la demande du Vice-
Président du Conseil d'État un groupe de travail présidé par M. Ph. Martin a rédigé un rapport proposant d'importantes
modifications. 1407 Les 18 propositions du rapport s'articulent autour de trois axes : – un enrichissement de la motivation ; –
un allégement de la partie de la décision consacrée à la procédure ; – mais aussi, et surtout, un abandon de la rédaction en
une phrase unique et du fameux « considérant ». On ne peut qu'approuver tout ce qui est fait pour faciliter au non-spécialiste
la compréhension des décisions de justice mais il ne faut pas minorer non plus le fait que le système actuel, par l'ascèse qu'il
impose au rédacteur, est une exigence intellectuelle précieuse. À titre d'illustration, la 10e sous-section du Contentieux du
Conseil d'État a, le 17 juillet 2013, rendu cinq arrêts rédigés selon les nouvelles règles préconisées (AJDA 2013. 1546).

707 B. Contenu du jugement ◊ Il faut distinguer, à ce point de vue, les motifs et le dispositif.
Les motifs 1408 doivent, pour justifier le dispositif, répondre à tous les moyens invoqués par les parties. Mais le juge a
l'obligation de fonder sa décision sur un moyen même ignoré par elles, dès lors que ce moyen, dit d'ordre public, est assez
essentiel pour que son omission faussât totalement le jugement (par exemple l'incompétence de la juridiction saisie) 1409.
Mais l'absence de discussion de ce moyen par les parties méconnaissait le caractère contradictoire de la procédure. Aussi le
décret du 22 janvier 1992 impose-t-il au juge, pour respecter ce caractère, l'obligation de faire connaître aux parties le moyen
d'ordre public qu'il se propose de soulever et de leur donner un délai pour présenter leurs observations à ce sujet.
Le contenu du dispositif est régi par les principes suivants, toujours en vigueur.
– Le juge ne peut pas statuer ultra petita, c'est-à-dire au-delà de ce qui lui est demandé 1410.
– La satisfaction accordée au demandeur à l'encontre de l'administration prend deux formes principales : l'annulation d'un
acte, la condamnation à payer une certaine somme.
Le jugement se prononce sur la charge des dépens (frais d'enquête, d'expertise etc.) auxquels peuvent s'ajouter les « frais
irrépétibles » comportant notamment les frais d'avocat (CE, Sect., 7 avr. 2006, CHR de Nice, RFDA 2006. 642) (v. ss 700). Il
peut également comporter une amende pour recours abusif 1411.
Il reste à indiquer que, aussi curieux que cela puisse paraître à première vue, il est des arrêts de rejet qui donnent pleine
satisfaction au requérant. En effet, celui-ci, par exemple, craignant que l'on interprète de manière qui lui soit défavorable un
texte le concernant introduit un recours en annulation en soutenant qu'ainsi interprété ce texte est illégal ; le juge va rejeter le
recours en affirmant que ce texte ne peut pas recevoir l'interprétation que lui prête le requérant. C'est un arrêt de rejet mais le
requérant a obtenu ce qu'il voulait : écarter l'interprétation qu'il craignait du texte en cause ; v. par ex. : CE 4 janv. 1957,
Synd. autonome du personnel enseignant des facultés de droit, Notes Waline, Tome 2, no 268 ; CE 6 juin 2001, Archevêque
de Strasbourg, Rec. 255.
Mais il est important que ressorte du texte même de l'arrêt ce qu'implique exactement son exécution. Sur ce point, une
évolution importante s'est produite.

708 C. Le pouvoir d'injonction 1412


◊ Traditionnellement le juge administratif n'indiquait pas, dans le texte de sa
décision, ce qu'impliquait exactement son exécution. Il faisait preuve, à cet égard, d'une très grande timidité, et il était
extrêmement rare qu'il se permette de donner à l'Administration, dans les « considérants » les directives à suivre pour tirer
les conséquences de l'annulation prononcée (v. cependant : CE 26 déc. 1925, Rodière, GAJA, no 39). Le Conseil d'État
estimait, bien à tort, que le principe de la séparation des pouvoirs lui interdisait d'adresser des injonctions à l'Administration,
c'est-à-dire des ordres de faire ou de ne pas faire. La loi du 8 février 1995 (CJA, art. L. 911-1) met fin partiellement à cette
situation : désormais le juge peut adresser à l'Administration des injonctions mais uniquement en vue de l'exécution de la
chose jugée 1413. Il va donc indiquer impérativement à l'administration les mesures que lui impose l'élimination de l'acte
annulé. C'est là, une modification importante apportée à la conception traditionnelle du contenu du jugement. L'injonction ne
peut que concerner le respect de la chose jugée, en indiquant les mesures qu'elle implique nécessairement. Par exemple,
injonction au Préfet de statuer sur la situation d'une personne dont l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé : CE, Sect.,
22 févr. 2002, Dieng, RFDA 2002. 1080, concl. Chauvaux ; injonction d'abroger des dispositions contraires à une directive :
CE 26 sept. 2005, Sté Laboratoire Fenioux Pharma, AJDA 2005. 2253 ; injonction de détruire un parking en cours de
construction suite à l'annulation du permis de construire : CE, Sect., 14 oct. 2011, Cne de Valmeinier, Synd. Mixte des
Islettes, AJDA 2011. 2226, chron. J. H. Stahl et X. Domino. Elle peut imposer à l'administration concernée un délai pour les
prendre, sanctionné par une astreinte. C'est ainsi que le Conseil d'État a pu assigner au Gouvernement un délai de six mois
pour prendre les décrets d'application d'une loi, et ceci sous astreinte : CE 28 juill. 2000, Assoc. France-Nature
Environnement, RFDA 2000. 1167 ; ou encore, injonction au Premier ministre d'abroger le décret-loi du 6 mai 1939 relatif au
contrôle de la presse étrangère comme contraire à l'article 10 CEDH : CE 7 févr. 2003, Groupe d'information et de soutien
des immigrés, AJDA 2003. 996, note Julien-Laferrière. Mais pas d'injonction s'il y a un choix possible entre deux solutions
pour l'exécution de l'arrêt : CE 8 févr. 2006, Assoc. d'accueil aux médecins, Rec. 64. La réforme ne concerne pas l'injonction
à titre principal. La loi du 30 juin 2000 (v. ss 702) accorde expressément au juge un pouvoir d'injonction en matière de référé
(v. CE 13 févr. 2006, Cne de Fontenay-le-Comte, AJDA 2006. 1126).
Dans cette voie, le Conseil d'État va maintenant beaucoup plus loin en insérant dans ses arrêts ce que l'on a pu qualifier de
« véritable guide de l'exécution de la chose jugée » (chron. JP, AJDA 2001. 1047). En effet, il indique très clairement dans
les motifs de sa décision ce qu'implique exactement l'exécution de l'annulation qu'il prononce et il insère, dans le dispositif,
la formule : « Cette annulation comporte pour l'État les obligations exposées dans les motifs de la présente décision qui en
constituent le soutien nécessaire » : CE, Ass., 20 juin 2001, M. Vassilikiotis, Rec. 303, concl. Lamy, AJDA 2001. 1046 ; CE
27 juillet 2001, M. Titran, AJDA 2001. 1046.

709 D. Autorité du jugement ◊ 1o Comme toute décision juridictionnelle, les décisions des juridictions administratives
possèdent l'autorité de la chose jugée : elles sont réputées conformes au droit, et les points qu'elles tranchent ne peuvent être
remis en discussion. 1414
Normalement, l'autorité de la chose jugée est relative : elle n'intervient qu'entre les mêmes parties à propos de la même
demande appuyée sur la même cause. Mais l'autorité absolue s'attache à l'annulation d'une décision administrative
intervenue sur recours pour excès de pouvoir : la décision cesse d'exister à l'égard de tous, et non du seul requérant. À cette
règle se rattache le principe (CE, Ass., 3 févr. 1989, Sté Alitalia, AJDA 1989. 387, note Fouquet) qui impose à
l'administration, lorsqu'une décision individuelle a été annulée motif pris de l'illégalité du règlement qui la fondait,
l'obligation de retirer, sur demande des intéressés, toutes les décisions individuelles prises sur la même base.
2o De l'autorité de chose jugée découle le caractère obligatoire de la décision du juge 1415 : l'administration, notamment, a
l'obligation juridique de s'y conformer, en en tirant toutes les conséquences qu'elle comporte, négatives ou positives.
L'apposition de la formule exécutoire au bas du jugement concrétise cette obligation ; si l'administration s'y dérobe, elle
commet une faute susceptible d'engager sa responsabilité ; son refus, explicite ou implicite, est entaché d'illégalité, pour
violation de la chose jugée (v. ss 521).

710 E. Exécution du jugement par l'administration 1416 ◊ La formule exécutoire utilisée pour les jugements
rendus contre l'administration présente une particularité : elle n'enjoint pas aux agents publics de « prêter main-forte à
l'exécution ». En fait, il n'existe pas de voies d'exécution forcée contre l'administration ; si elle se dérobe, le particulier ne
peut la contraindre. L'exécutif, qui, dans un État organisé, détient le monopole de la coercition, ne saurait la mettre en œuvre
contre lui-même. L'absence de voies d'exécution résulte donc d'une impossibilité tout à la fois théorique et pratique.
L'exécution des jugements, théoriquement obligatoire en vertu de l'autorité de la chose jugée, est donc, de la part de
l'administration, essentiellement volontaire : tout repose ici sur la conscience des autorités publiques, dont la bonne foi est
présumée, peut-être avec un excès d'optimisme.
« En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la
cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution » (CJA, art. L. 911-4). Sur les pouvoirs qui sont
alors ceux de la juridiction saisie en ce sens : CE 23 mars 2015, Mme Veysset, Rec. 111, concl. Crépey.

711 1. L'annulation différée 1417 ◊ L'exécution de certains arrêts d'annulation du juge administratif peut poser de très
graves problèmes en raison du vide juridique qu'ils créent, car l'annulation, on l'a vu, prend effet rétroactivement au jour où
la décision est intervenue. Sans y mettre la moindre mauvaise volonté, l'Administration peut alors être affrontée à une
situation bien difficile à gérer.
C'est pour tenir compte de cet aspect du problème de l'exécution de ses arrêts que le Conseil d'État, de manière très
audacieuse, recourt de plus en plus souvent à ce que l'on a appelé une annulation différée. Cette technique a été inaugurée
avec l'arrêt Titran évoqué ci-dessus : CE 27 juill. 2001, AJDA 2001. 1046, chron. Guyomar et Collin. Le Conseil d'État,
ayant annulé le refus du garde des Sceaux d'abroger des arrêtés, pris sur avis de la CNIL, mettant en place un système de
gestion automatisée de certaines procédures dans les tribunaux de grande instance, donne au ministre un délai de deux mois
soit pour refaire ses arrêtés en tenant compte des réserves formulées par la CNIL, soit pour faire prendre un décret
permettant de passer outre à ces réserves.
De même, après avoir annulé, pour vice de forme, l'agrément par le ministre des Affaires sociales des accords intervenus
pour l'aide au retour à l'emploi et pour l'indemnisation du chômage, le Conseil d'État a jugé, alors que sa décision est du
11 mai 2004, que l'annulation ne prendrait effet qu'au 1er juillet 2004, ce qui laisse le temps aux parties de négocier un
système légal cette fois-ci, et évite, ainsi, un vide juridique qui serait grave : CE, Ass., 11 mai 2004, Association AC !,
Rec. 197, concl. Devys, AJDA 2004. 1183, chron. Landais et Lenica 1418 et toujours en ce qui concerne l'assurance chômage
et l'explicitation des données du problème : CE 5 oct. 2015, Assoc. des amis des intermittents et précaires, AJDA 2015. 1886.
Dans le même esprit, le Conseil d'État, après avoir annulé une décision de l'Autorité de régulation des télécommunications
(ART) en a limité les effets pour l'avenir : CE, Sect., 25 févr. 2005, France-Télécom, AJDA 2005. 997, chron. Landais et
Lenica. Dans l'arrêt M. Villemain (CE, Ass., 28 juin 2002, AJDA 2002. 586, chron. Donnat et Casas) le Conseil d'État laisse
au pouvoir réglementaire un délai pour prendre les règlements destinés à donner sa pleine application à une loi, en lui
indiquant, de surcroît ce qu'il doit faire. Le report des effets dans le temps d'une annulation peut également provenir du fait
qu'elle résulte de la méconnaissance du droit communautaire : CE 28 avr. 2006, Dellas, RFDA 2007. 1066 ; CE 28 mai 2014,
Association Vent de colère!, AJDA 2014. 1784, note O. Mamoudy ; CE 23 juill. 2014, Sté Octapharma France, AJDA 2014.
2315, note O. Mamoudy. Dans une affaire où le Conseil d'État rejetait le recours introduit contre une décision de référé
suspendant l'application d'une décision – ce qui aurait dû impliquer que celle-ci prenait ou reprenait immédiatement effet – la
Haute Juridiction a décidé que sa décision de rejet, intervenant donc le 28 avril 2006, ne prendrait effet que le 1er février
2007 dans un souci de sécurité juridique ; selon un commentaire autorisé cette décision traduit « une nouvelle avancée du
juge vers les pouvoirs de l'administrateur comme en témoigne sa publication au Journal officiel » : CE, Sect., 27 oct. 2006,
Sté Techna, AJDA 2006. 2385, chron. Landais et Lenica ; RFDA 2007. 265, concl. Seners. Dans le même esprit, lorsque le
Conseil d'État a, par un revirement de jurisprudence, admis le recours des tiers contre les contrats (v. ss 469) il en a modulé
les effets dans le temps : CE, Ass., 16 juill. 2007, Sté Tropic travaux signalisation, AJDA 2007. 1577, chron. Lenica et
Boucher ; F. Moderne, RFDA 2007. 917. En matière de remembrement il a été jugé que le juge ne pouvait annuler l'acte
ordonnant l'opération que jusqu'à la date du transfert de propriété « eu égard à l'atteinte excessive à l'intérêt général et au
droit de propriété des autres intéressés qui résulteraient d'une remise en cause générale des opérations » : CE, Sect., 6 avr.
2007, Min. de l'Agriculture/M. et Mme Blondeau, Rec. 141, concl. Chauvaux. En revanche, le Conseil d'État a refusé de
donner un effet différé à l'annulation de la convention collective des hôtels et cafés : CE 18 oct. 2006, Féd. des Services
CFDT, Rec. 427. De manière plus audacieuse encore, le Conseil d'État a estimé qu'en l'absence d'un règlement qui aurait dû
intervenir depuis plusieurs années, et dont le contenu était tout à fait certain parce qu'imposé par la loi, il pouvait juger
comme s'il était déjà intervenu ; autrement dit, le juge anticipe sur une évolution réglementaire certaine dans son contenu et,
en quelque sorte… applique un règlement qui n'existe pas encore (CE, Sect., 25 févr. 2005, Mme Barbier, AJDA 2005. 1002,
chron. Landais et Lenica). On a également vu le Conseil d'État, saisi d'un recours contre certaines dispositions de
l'ordonnance de codification du Code rural, juger que l'une d'entre elles était entachée d'une « erreur matérielle », ce qui,
« normalement » était de nature à entraîner son annulation. Mais, pour la Haute Juridiction, il y avait lieu de conférer à cette
disposition son exacte portée (c'est donc le Conseil d'État qui procède lui-même à la rectification) et que le texte ainsi rétabli
serait publié au Journal Officiel : CE 25 mars 2002, Caisse d'assurances accident agricole du Bas-Rhin, RFDA 2002. 664.
Comme le relève René Chapus (art. préc.) dans cette affaire le Conseil d'État statue extra petita, traite le recours en
annulation comme s'il était saisi d'un recours en interprétation, mais en voulant ainsi servir au mieux l'intérêt d'une bonne
administration de la justice. Le Conseil d'État a également procédé de lui-même à la rectification d'une erreur matérielle
affectant un décret tout en prononçant une injonction de prendre toutes les mesures de publicité destinées à rendre cette
nouvelle version opposable : CE 4 déc. 2013, France Nature Environnement, AJDA 2013. 2464.
Cette modulation dans le temps des effets des annulations prononcées par le juge administratif devient de moins en moins
exceptionnelle. Pour n'en citer que quelques exemples assez récents : – annulation de la nomination d'un magistrat ne prenant
effet qu'un mois après le prononcé de l'arrêt (CE 12 déc. 2007, M. Sire, AJDA 2008. 638, concl. Guyomar) ; l'annulation de
la nomination d'un avocat général à la Cour de cassation, « eu égard à l'intérêt général qui s'attache à l'autorité des décisions
de justice et à la nature du motif d'annulation retenu », ne prendra effet qu'après un délai de trois mois (CE, Sect., 30 déc.
2010, M. Robert, AJDA 2011. 4) ; – report de la date d'effet de l'annulation d'une décision du Conseil Supérieur de
l'Audiovisuel « compte tenu des effets excessifs d'un retour immédiat aux règles de programmation définies dans la
convention initiale » (CE 5 mars 2008, Sté NRJ 12 et Sté Télévision Française 1, Rec. 79, concl. Olson) ; – conséquences de
l'annulation d'une décision de l'Autorité de la concurrence : CE Ass., 23 déc. 2013, Sté Métropole télévision et TF1, Rec.
322. – maintien des effets produits par la délibération attaquée antérieurs à son annulation : CE 9 juill. 2015, Football Club
les Girondins de Bordeaux, Rec. 239. Pour une longue motivation de la nécessité de reporter la date de l'annulation : CE,
17 juin 2011, Canal +, Rec. 296. Sur le problème de savoir si le juge administratif peut moduler dans le temps l'annulation
d'une décision déjà abrogée : CE 17 déc. 2010, SFIB, Association UFC Que choisir, AJDA 2011. 854, note O. Bui-Xuan ;
CE 13 janv. 2010, Synd. Nat. CGT-FO de l'ANPE, AJDA 2010. 1222
Le Conseil constitutionnel applique également ce qu'il est convenu d'appeler maintenant « la jurisprudence AC ! : Cons.
const., Décis. 2008-564 DC du 19 juin 2008, Loi relative aux OGM, AJDA 2008. 1614, note O. Dord.
Les efforts ainsi faits par le Conseil d'État pour faciliter l'exécution des arrêts de la juridiction administrative ne rendent
que plus inadmissibles les cas où l'Administration refuse de se plier à l'autorité de la chose jugée. Elle est parfois confortée
dans cette attitude par le Parlement validant des dispositions annulées au contentieux. On examinera ensuite les réformes qui
se sont succédé pour faire plier l'Administration.

712 2. Les validations législatives 1419


◊ La validation législative peut être, parfois, le seul moyen de résoudre un
problème créé par une annulation contentieuse : par exemple, lorsque le Conseil d'État a annulé les opérations du concours
d'entrée à l'École centrale (CE, Ass., 18 mars 1949, Chalvon-Demersay, Rec. 134) il a bien fallu faire voter une loi conférant
le titre d'ancien élève de l'École à tous ceux qui avaient été reçus au concours annulé. En ce qui concerne la composition des
jurys d'agrégation des Facultés de droit, on a même, à titre de précaution, procédé à une validation législative préventive
(v. AJDA 2003. 158).
Mais le procédé est inacceptable s'il intervient uniquement pour couvrir les illégalités commises par l'Administration et
sanctionnées par le Juge. De manière fort heureuse ces validations se heurtent maintenant à la vigilance de l'ensemble des
juridictions concernées.
La Cour européenne des droits de l'homme, à cet égard, a beaucoup influencé les juridictions françaises. Ainsi, dans sa
décision du 28 octobre 1999 (Zielinski, Pradal et Gonzalés c/ France, RFDA 2000. 289, note Mathieu) elle n'a pas hésité à
censurer une loi de validation qui, cependant, avait été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel
(Cons. const., Décis. 93-332 DC du 13 janv. 1994, p. 21). Dans ce contrôle la CEDH se fonde sur les dispositions de l'art. 6-
1 de la Convention (droit à un procès équitable) mais aussi sur la séparation des pouvoirs c'est-à-dire sur l'indépendance du
pouvoir juridictionnel.
Cette décision a obligé le Conseil constitutionnel a abandonné une jurisprudence qui était assez laxiste en la matière, avec
la décision du 29 décembre 1999, Loi de finances rectificatives pour 1999, p. 168 et le commentaire Mathieu précité. Dans
un premier temps, pour le Conseil constitutionnel, « si le législateur peut modifier rétroactivement une règle de droit ou
valider un acte administratif ou de droit privé, c'est à la condition de poursuivre un but d'intérêt général suffisant et de
respecter tant les décisions de justice ayant force de chose jugée que le principe de non-rétroactivité des peines et des
sanctions ; qu'en outre, l'acte modifié ou validé ne doit méconnaître aucune règle ni aucun principe de valeur
constitutionnelle, sauf à ce que le but d'intérêt général visé soit lui-même de valeur constitutionnelle ; qu'enfin la portée de la
modification doit être strictement définie » (Cons. const. Décis. 2006-544 DC du 14 déc. 2006, Loi portant financement de
la sécurité sociale pour 2007, p. 129). Mais maintenant le Conseil constitutionnel au lieu d'un « intérêt suffisant » demande
un intérêt géneral « impérieux » : Cons. const. 14 févr. 2014, SELARL PJA, n° 2013-366 QPC, AJDA 2014. 1204, note
J. Roux ; RD publ. 2015.Chr. 250 ; RFDA 2014. Chr. 589 ; Décision n° 2015-525 QPC du 2 mars 2016, JO du 4 mars 2016,
texte n° 122. Dans sa décision 2004-509 DC du 13 janvier 2005 (RFDA 2005. 289, note Hostiou) le Conseil constitutionnel a
déclaré contraire à la Constitution l'article de la loi de programmation pour la cohésion sociale qui visait à permettre la
poursuite des travaux de la construction de nouvelles lignes de tramway à Strasbourg dont la DUP avait été annulée au
contentieux. Il a estimé que « l'intérêt général ainsi poursuivi » n'était pas suffisant pour justifier l'atteinte portée au principe
de la séparation des pouvoirs et au droit au recours juridictionnel… appréciation qu'un Strasbourgeois peut ne pas partager !
Selon les propres termes des commentateurs de l'Avis rendu par le Conseil d'État dans l'affaire Provin (CE, Avis, Ass.,
27 mai 2005, Rec. 212, concl. Denys ; AJDA 2005. 1455, chron. Landais et Lenica) celui-ci permet un bilan complet de la
technique de contrôle retenue par le Conseil d'État pour examiner la compatibilité des lois de validation à l'art. 6-1 de la
Convention et à l'art. 1er de son premier protocole additionnel. Il marque « un alignement presque complet sur la position de
la Cour européenne ». v. également : CE, Avis, 16 févr. 2001, Synd. des Cies aériennes autonomes, AJDA 2002. 341, note
Sabourault ; CE 23 juin 2004, Sté Labo Genevrier, RFDA 2004. 861. Une validation poursuivant un but d'intérêt général ne
méconnaît pas l'art. 6-1 : CE 11 févr. 2004, Assoc. générale. des étudiants de Sc. Po., AJDA 2004. 679 ; Cons. const. décis.
no 2011-224 QPC du 24 févr. 2012, p. 136 ; Cons. const. 20 juill. 2012, SIMALEVEC, p. 386 et D. 2012. 1883. Mais
méconnaît les dispositions de l'article 6-1 la loi validant des contrats irréguliers : CE, Sect., 8 avr. 2009, Association Alcaly,
Rec. 112 ; CE, Sect., 10 nov. 2010, Cne de Palavas-les-Flots, Cne de Lattes, AJDA 2010. 2416, chron. Botteghi et Lallet.
La Cour de cassation n'hésite pas à écarter, elle aussi, une disposition législative de validation comme contraire à l'art. 6-1
CEDH : Cass., Ass. plén. 23 janv. 2004, SCI Le Bas Noyer c/ Castorama France, RFDA 2004. 228, note Mathieu ; Com.
20 nov. 2001, SARL Civa, RFDA 2002. 791, note Lamarque. Mais elle admet la conformité lorsque la loi correspond à
d'impérieux besoins d'intérêt général : Cass., Ass. plén., 24 janv. 2003, Baudron, D. 2003. 1648, note Paricard-Pioux. Pour la
réparation du préjudice causé par une loi de validation : CE, Ass., 8 févr. 2007, Gardelieu, AJDA 2007. 585, chron. Lenica et
Boucher (v. ss 547).

713 3. L'engagement de la responsabilité de l'Administration ◊ La pratique révèle, malheureusement,


beaucoup trop de cas d'inexécution 1420, surtout en matière de contentieux de l'annulation, l'Administration se refusant à
rétablir la situation telle qu'elle eût été si l'acte attaqué n'était pas intervenu. Il ne reste alors à la victime que la ressource de
demander au juge de l'indemniser du dommage à elle causé par la faute que constitue l'inexécution (v. par ex. : CE 24 juin
2014, AJDA 2014. 1351) ; l'administration exécute généralement, en effet, – encore que souvent après un long retard 1421 –
les jugements qui la condamnent au paiement d'une indemnité. Mais elle achète, dans ce cas, au prix de l'indemnité, sa
liberté d'action à l'égard de la décision initiale du juge qui reste inappliquée 1422.

714 4. Les mesures législatives ou réglementaires prises en vue d'obtenir l'exécution ◊ Les difficultés
d'exécution, qui risquaient de compromettre l'efficacité pratique du contrôle juridictionnel de l'Administration, et dénoncées
à juste titre par certains 1423, ont entraîné des réformes successives.
La réforme de 1963 a apporté une première série de remèdes. Elle aménage trois voies pour faciliter l'exécution des
décisions du Conseil d'État portant, soit annulation d'un acte administratif, soit condamnation pécuniaire de l'administration.
a) L'inexécution n'est pas toujours imputable à la mauvaise foi : l'administration peut ne pas apercevoir clairement les
suites à donner à l'arrêt. Le ministre intéressé peut alors « demander au Conseil d'État d'éclairer l'administration sur les
modalités d'exécution de la décision » (décr. 31 juill. 1963, art. 58).
b) Le Conseil peut, de lui-même, « appeler l'attention de l'administration sur les suites à donner à la décision » (ib.)
(v. ss 707).
c) Enfin, et surtout, le requérant peut, au terme des trois mois qui suivent le prononcé de la décision lui accordant
satisfaction, signaler au Conseil d'État les difficultés auxquelles il se heurte pour obtenir l'exécution (art. 59).
C'est la « Section du rapport » (v. ss 630) qui doit être saisie. Son président, dans les trois cas, peut désigner un membre
du Conseil pour étudier l'affaire avec l'administration intéressée et un rapporteur. Ainsi, à défaut de la contrainte, la
compétence et l'autorité morale du Conseil peuvent-elles entrer en jeu à l'appui de ses décisions : le justiciable n'est plus
abandonné à lui-même. Enfin, il est prévu que les cas d'inexécution pourront être mentionnés au rapport annuel, ce qui
constitue une ultime pression morale sur l'administration. Le Conseil a été ainsi doté, pour la première fois, de moyens à la
fois discrets et, s'il le veut, efficaces, de suivre l'exécution de ses décisions 1424.
Un décret du 28 janvier 1969 a étendu aux jugements des tribunaux administratifs la première et la troisième des
procédures créées en 1963 : à la suite de l'annulation d'un acte ou d'une condamnation de l'administration, le ministre
intéressé peut demander au Conseil d'État de l'éclairer sur les modalités d'exécution, et le requérant qui n'obtient pas
l'exécution peut, après trois mois, saisir la Section du rapport.
Enfin, le décret du 15 mai 1990 permet au président de la Section du rapport de confier au président de la Cour
administrative d'appel dans le ressort de laquelle le jugement a été rendu le soin d'en obtenir l'exécution par les autorités,
plus proches de lui, qui s'y refusent, à charge pour lui de lui rendre compte de ses démarches.
d) La volonté d'assurer l'exécution effective des jugements s'est confirmée dans une loi du 24 décembre 1976.
Curieusement, c'est au médiateur de l'époque (v. ss 558) que le législateur a songé : la loi précitée (art. 4) lui confère le
pouvoir, en cas d'inexécution d'un jugement, d'enjoindre à l'administration en cause de s'y conformer. Malheureusement, le
refus de déférer à l'injonction n'a pas d'autre sanction que l'appel à l'opinion par la publication d'un rapport spécial.
e) Beaucoup plus décisif, dans la voie du respect par l'administration des jugements qui la condamnent, est le pas fait avec
la loi du 16 juillet l980, modifiée par l'art. 17 de la loi du 12 avril 2000, et le décret du 12 mai l981 1425.
La loi, au terme d'une longue et difficile élaboration, consacre trois innovations essentielles :
– Lorsque le jugement condamne l'État à une indemnité, et en fixe le montant, l'ordonnancement de la somme est
obligatoire dans les deux mois. Si ce délai n'est pas respecté, le comptable est tenu de procéder au paiement sans
ordonnancement, sur simple présentation du jugement. Si la condamnation porte sur une personne publique autre que l'État,
c'est l'autorité de tutelle qui, faute d'ordonnancement dans les deux mois, procède au mandatement d'office, en dégageant, le
cas échéant, les crédits nécessaires.
– Lorsque l'inexécution porte, soit sur un jugement de plein contentieux renvoyant le plaideur à l'administration
condamnée pour fixer le montant de la somme due, soit surtout sur un jugement d'annulation rendu sur recours pour excès de
pouvoir, le plaideur peut saisir le Conseil d'État, soit, en règle générale, au bout de quatre mois, soit sans délai lorsque la
décision ordonne une mesure d'urgence. La Section du contentieux, ou son président, peut prononcer une astreinte, c'est-à-
dire condamner l'administration à une somme d'argent par jour de retard dans l'exécution. L'astreinte peut également être
ordonnée à l'initiative de la Section du Rapport, si le plaideur s'est adressé à elle selon la procédure analysée (v. supra
c). L'astreinte, moyen de pression sur l'administration, est normalement provisoire : elle est levée dès l'exécution. Si elle ne
produit pas son effet, et si l'administration retarde encore ou refuse l'exécution, le Conseil d'État en opère la liquidation, c'est-
à-dire en fixe le montant définitif, sans préjudice des dommages-intérêts qui peuvent être accordés à la victime du retard ou
de l'inexécution.
Le décret no 2012-1088 du 28 septembre 2012 modifie et complète les procédures des art. R. 931-2 (signalement des
difficultés rencontrées à la section du Rapport) et R. 931-6 CJA (affaires comportant une demande d'astreintes renvoyées au
Conseil d'État).
– Enfin, la loi, répondant à un vœu souvent présenté par la doctrine, fait une certaine place à la responsabilité personnelle
de l'agent dont l'obstination aura entraîné le paiement d'une astreinte par l'administration : la Cour de discipline budgétaire
peut le condamner à une amende pouvant s'élever jusqu'à une année de traitement.
La réforme, dans son principe, est capitale. Le prononcé de l'astreinte, s'il ne constitue pas l'injonction à laquelle le
Conseil d'État se refusait avant la loi du 8 février 1995 (v. ss 708) a marqué un pas dans cette direction. Malheureusement, le
Conseil d'État a fait preuve initialement d'une extrême modération dans l'usage du pouvoir que la loi lui a conféré. Saisi,
depuis le vote de la loi, d'un grand nombre de demandes tendant au prononcé d'une astreinte à la suite de jugements restés
inappliqués en tout ou en partie, il n'en a retenu qu'un nombre insignifiant (cf. notamment 17 mai 1985, Mme Menneret, AJDA
1985. 454 ; 15 oct. 1986, Mme Leroux, AJDA 1986. 716). Les décisions de rejet subordonnent à des conditions
particulièrement strictes le prononcé de l'astreinte, et témoignent de la part du juge, d'une paradoxale indulgence à l'égard de
l'administration qui se dérobe à l'obligation de respecter la chose jugée. La loi risquait, si cette attitude s'était confirmée,
d'être privée de l'essentiel de son effet 1426. Elle semble heureusement s'être modifiée : le Conseil d'État n'a pas hésité à
prononcer une astreinte contre l'État pour contraindre le gouvernement à prendre un décret nécessaire à l'application d'une loi
(CE 11 mars 1994, M. Soulat, AJDA 1994. 387. Cf. aussi 27 janv. 1995, M. Mélot, RD publ. 1995. 535, concl. Scanvic). Pour
un exemple d'injonction et d'astreinte dans le cas d'un refus d'abroger un décret : CE 22 févr. 1997, Calbo, JCP 1997,
no 22866, note Lascombe.
Le décret précité du 15 mai 1990 tente de réduire ce risque : le président de la Section du rapport qui a été saisie des
difficultés d'exécution, ou averti par le président de la Cour administrative d'appel de l'échec des démarches qu'il a tentées
pour obtenir l'exécution (supra, c) peut demander au président de la Section du contentieux d'ouvrir par ordonnance une
procédure d'astreinte d'office. L'affaire est instruite et jugée d'urgence.
Il faut souligner la relation qui s'établit entre l'astreinte et l'injonction : la première est le moyen principal d'assurer le
respect de la seconde et le juge, pour prévenir le refus d'obéir à l'injonction, inclut dans le dispositif du jugement le prononcé
d'une astreinte si l'injonction n'est pas respectée, v., par ex., CE 6 juin 2001, Cne de Vannes, Rec. 256.

SECTION 3. LES VOIES DE RECOURS CONTRE LES DÉCISIONS DES


JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES
On retrouve la distinction classique de la procédure judiciaire entre les voies de réformation, portées devant une nouvelle
juridiction (appel, et recours en cassation) et les voies de rétractation, portées devant la juridiction même dont émane le
jugement qu'on entend faire modifier.

715 A. L'appel 1427 ◊ C'est la voie de réformation la plus importante, depuis que la réforme de 1953 a généralisé en matière
administrative la règle du double degré de juridiction. Toutes les décisions des tribunaux administratifs sont en principe
susceptibles d'appel, soit exceptionnellement devant le Conseil d'État soit normalement devant les Cours administratives
d'appel, depuis la loi du 31 décembre 1987. Toutefois, l'art. 4 du décret no 2013-730 du 13 août 2013 modifiant l'art. R. 811-1
du CJA prévoit que la voie de l'appel est supprimée notamment pour l'ensemble des contentieux sociaux (CE 21 janv. 2015,
Conseil national des Barreaux, AJDA 2015. 840), ainsi que pour le contentieux du permis de conduire et quelques autres
contentieux (tels celui de la consultation et de la communication de documents administratifs ou d'archives, ou encore celui
des litiges relatifs aux refus de concours de la force publique pour exécuter une décision de justice). Il faut le regretter.
L'appel est ouvert aux parties, et à elles seules, sous réserve du recours dans l'intérêt de la loi : CE 10 déc. 1997, Min. de
l'Intérieur, Rec. 487 ; CE 25 févr. 2015, Min. de la Défense, AJDA 2015. 1349 1428. En matière de recours pour excès de
pouvoir, il est ouvert à la personne administrative dont émane l'acte attaqué, bien que celle-ci n'ait pas, en théorie, la qualité
de partie. Le délai d'appel est, de deux mois à compter de la signification du jugement, mais l'appel incident est recevable
sans condition de délai (CE plén. 4 juill. 2014, CARPA, Rec. 207).
Contrairement à ce qui se passe devant les juridictions civiles, l'appel n'a pas d'effet suspensif : aucun principe général
n'impose que l'appel soit suspensif (CE 30 mai 2007, M. Van Camelbeke, AJDA 2007. 1490, concl. Guyomar). La partie qui
a obtenu gain de cause en première instance peut donc poursuivre, malgré l'appel, l'exécution du jugement, sauf si le juge
saisi accepte d'ordonner la suspension (CE 26 mars 2014, Cion de protection des eaux de Franche-Comté, AJDA 2014. 710)
(v. ss 702).
Le juge d'appel, dans la limite des conclusions des parties, dispose, à l'égard de l'affaire, des mêmes pouvoirs que les
premiers juges : il la juge une seconde fois, ce qui interdit d'invoquer des moyens nouveaux en appel 1429 ; c'est ce qu'on
appelle l'effet dévolutif de l'appel. Si la décision frappée d'appel n'a pas statué au fond, le tribunal administratif s'étant, par
exemple, reconnu incompétent, le juge d'appel, après avoir annulé le jugement d'incompétence, si le demandeur y consent, et
si l'affaire est « en l'état », c'est-à-dire suffisamment instruite, peut statuer directement au fond. Du fait de ce pouvoir
d'évocation, l'affaire ne sera jugée qu'une fois, contrairement au principe du double degré de juridiction ; mais elle le sera
beaucoup plus vite que si le juge d'appel la renvoyait devant les premiers juges, avec l'éventualité d'un appel sur le fond
devant lui 1430.

716 B. Le recours en cassation 1431 ◊


1o Définition. Le recours en cassation, à la différence de l'appel, n'est pas un nouveau degré de juridiction : il tend à faire
vérifier la conformité au droit d'une décision rendue en dernier ressort, ce qui postule l'interdiction des moyens nouveaux
(CE 23 juin 2014, Polynésie française, Rec. 171). Si le juge de cassation découvre, dans la décision qui lui est déférée, un
vice juridique, il l'annule, et renvoie l'affaire à la juridiction compétente pour statuer à nouveau sur le fond. Le recours en
cassation s'apparente donc au contentieux d'annulation : son rôle à l'égard des jugements rendus en dernier ressort par les
juridictions administratives est analogue à celui du recours pour excès de pouvoir à l'égard des décisions des administrateurs
actifs ; dans les deux cas, il y a vérification de conformité au droit, sanctionnée par la destruction de l'acte irrégulier.
2o Champ d'application. Avant la loi du 31 décembre 1987, le recours s'appliquait, même sans texte, en vertu d'un
principe général, et sauf disposition contraire expresse, aux jugements rendus en dernier ressort par une juridiction
administrative d'attribution, et à eux seuls (CE 7 févr. 1947, d'Aillières, GAJA, no 55). Le principe subsiste. Son application
suppose que soit reconnu le caractère de juridiction administrative de l'organe dont émane la décision attaquée ; ce caractère
n'est pas toujours évident, et sa reconnaissance peut poser au Conseil d'État un problème difficile (cf., pour le cas du Conseil
supérieur de la Magistrature statuant disciplinairement, CE 12 juill. 1969, L'Étang, v. ss 602). Mais la loi du 31 décembre
1987 a étendu le recours en cassation aux arrêts rendus par les Cours administratives d'appel, ce qui a entraîné un important
remaniement de son régime.
3o Formation du recours. Le recours peut être formé par chacune des parties, dans les deux mois de la notification du
jugement en dernier ressort 1432. Il est obligatoirement présenté par un avocat au Conseil d'État. Il n'a pas d'effet suspensif à
l'égard du jugement ; toutefois, le Conseil d'État peut ordonner la suspension.
Pour prévenir la prolifération des pourvois en cassation (1 865 pourvois en cassation contre des arrêts de Cours
administratives d'appel en 2001, 3 305 en 2006), la réforme de 1987 avait créé une Commission d'Admission qui pouvait
écarter d'emblée les pourvois irrecevables ou ne se fondant sur aucun moyen sérieux. Elle a été supprimée par le décret du
24 décembre 1997. Les pourvois sont répartis entre les sous-sections. Désormais s'il apparaît que l'admission du pourvoi peut
être refusée, le Président de la Sous-section le transmet au Rapporteur public en vue de son inscription au rôle (CJA,
art. R. 822-2). D'autre part, s'il est manifeste qu'aucun moyen sérieux n'est invoqué le Président de la Sous-section peut
décider par ordonnance de ne pas admettre le pourvoi dans les cas figurant à l'art. R. 822-5 CJA, modifié par l'art. 2 du décret
du 23 décembre 2013. Il s'agit essentiellement des « pourvois qui ne soulèvent que des moyens irrecevables, inopérants ou
dépourvus des précisions permettant d'en apprécier le bien fondé, des moyens de régularité dénués de fondement et des
moyens revenant à contester l'appréciation des faits à laquelle se sont souverainement livrés les juges du fond ».
4o Moyens du recours. Le recours doit indiquer la nature du vice qui entache le jugement attaqué ; ce peut être, soit
l'incompétence du juge qui a statué, soit la violation des règles de procédure (vice de forme), soit la méconnaissance d'une
des règles de fond applicables au litige (violation de la loi). À ce dernier titre, le juge de cassation, bien qu'il juge en droit,
non en fait, avait accepté, jusqu'à la réforme de 1987, de vérifier l'existence matérielle des faits qui motivent la décision ; il
tendait même à élargir son contrôle à l'exacte qualification juridique de ces faits. Le détournement de pouvoir, c'est-à-dire le
fait pour l'auteur de la décision d'avoir poursuivi un autre but que celui qu'il devait viser, ne pouvait par contre être invoqué à
l'appui d'un recours en cassation. Sur l'étendue du pouvoir du juge de cassation, v. concl. Bachelier, sous CE, Sect., 11 juin
1999, Prouvost, Rec. 179.
5o La décision 1433. Le Conseil d'État peut rejeter le recours s'il estime non fondés les griefs allégués contre le jugement et
reconnaît sa conformité au droit.
Si au contraire le Conseil d'État admet le bien-fondé de ces griefs, il a le choix, après annulation du jugement illégal, entre
deux solutions : il peut renvoyer l'affaire devant une autre juridiction compétente pour statuer au fond ; il peut aussi, si
l'affaire est « en l'état », statuer lui-même, et la régler définitivement « dans l'intérêt d'une bonne administration de la
justice ». Le Conseil d'État utilise presque systématiquement cette possibilité qui, en pratique, fait de lui un juge du fond sur
la question examinée. Il peut même, dans ce cas, procéder à une substitution de motifs 1434. On retrouve là la volonté de
célérité qui a inspiré la loi de 1987 1435, mais aussi la volonté du Conseil d'État de bien contrôler, sur le fond, l'évolution du
droit administratif.

717 C. Les voies de rétractation ◊ Portées, à la différence des précédentes, devant la juridiction qui a statué, elles sont
les seules qui puissent être exercées à l'encontre des décisions rendues par le Conseil d'État ; mais certaines peuvent aussi
intervenir devant les autres juridictions. Leur importance pratique est d'ailleurs assez limitée.
1o L'opposition est la voie de recours par laquelle une personne qui n'a pas fait acte de défendeur peut demander au
tribunal de juger à nouveau l'affaire, cette fois en prenant en compte les arguments qu'il présente.
2o La tierce opposition 1436 confère le même droit à toute personne qui n'a pas été appelée à l'instance, et dont le
jugement risque d'affecter les droits. Pour les conditions de recevabilité de ce recours : Avis, 29 mai 2015, Assoc. Nohant
Environnement, Rec. 172, concl. von Coester ; AJDA 2015. 1805, note T. Pouthier.
3o Le recours en révision 1437 tend à obtenir du juge qui a statué la modification d'une de ses décisions, lorsqu'il se révèle
après coup qu'elle a été rendue au vu d'une pièce fausse, ou en l'absence d'une pièce décisive que la partie adverse a
dissimulée, ou sur une procédure entachée de certains vices très graves. Il peut être formé, dans le silence des textes, en vertu
d'une règle générale de procédure : CE Sect., 16 mai 2012, S., Rec. 225 ; CE 17 déc. 2014 (deux arrêts), AJDA 2015. 1427,
note A. Claeys.
4o Le recours en rectification d'erreur matérielle 1438 tend, comme son nom l'indique, à faire réviser une décision qui a
été influencée par une erreur (par ex. : erreur sur la date de la requête, erreur dans le calcul d'une indemnité ; absence de
réponse à un moyen : CE 27 mars 2015, AJDA 2015. 667). V. par ex. : CE, Sect., 29 mars 2000, G.I.E. Groupe Victoire,
AJDA 2000. 419 ; CE 23 févr. 2001, de Bragelongne, Rec. 82. Pour les cas ouvrant droit à rectification : CE 28 juill. 2004,
Synd. nat. des psychologues, AJDA 2004. 1839 ; CE 27 oct. 2006, Cne de Saint-Paul-en-Pareds, AJDA 2006. 2414. Ce
recours a connu une extension importante depuis sa création : CE 27 juin 2008, Mme Boudinar, AJDA 2009. 211, note
N. Chifflot.
Il est possible à l'encontre d'une décision du Tribunal des conflits : T. confl. 17 nov. 2014, Groupama Méditerranée /
SIVOM de la Rouvière, AJDA 2014. 2277.
CONCLUSION GÉNÉRALE

Jean Rivero disait qu'après l'exposé du droit positif et de son évolution – et, à cet égard, on ne peut qu'être impressionné
par le nombre et l'importance des mises à jour nécessitées par la présente réédition – il n'était pas inutile de prendre un peu
de recul pour essayer de discerner les évolutions plus profondes de notre droit administratif.
On passera donc rapidement sur ce qui, malheureusement, n'a pas changé, et notamment la complexité et même parfois
l'hermétisme de notre système juridique. La situation dans laquelle on se trouve est toujours bien celle qui avait été dénoncée
dans le Rapport public du Conseil d'État pour l'année 2006 : « Sécurité juridique et complexité du droit » (EDCE, no 57,
p. 223 et s.) 1439 qui stigmatisait « l'intempérance normative » source d'instabilité et de complexité. Or un système juridique
complexe est incompatible avec les exigences d'une authentique démocratie. Le Citoyen doit tout d'abord pouvoir accéder
sans trop de difficulté à la règle de droit et, surtout, celle-ci doit tout simplement être compréhensible pour un non-juriste.
Nous sommes actuellement aux antipodes de cette double exigence.
Ce qui me paraît au cœur de l'évolution actuelle du droit administratif c'est le rôle dévolu à l'État dans notre système
politique et administratif. J'ai tenu à souligner, dans les toutes premières pages de ce Précis, combien l'ensemble de notre
système juridique se trouvait bouleversé par ce qu'il faut bien appeler la « désouverainisation » de l'État. Il faut y revenir en
achevant cet exposé. Bien plus, cette réflexion sur le domaine d'action de l'État, qui va sans cesse se rétrécissant en raison de
la construction de l'Union européenne, est d'autant plus nécessaire qu'elle se double d'une autre évolution qui concerne cette
fois-ci la place de l'État face aux Collectivités territoriales. Cette véritable tenaille – les transferts à l'Union européenne et
ceux vers les Collectivités territoriales – dans laquelle se trouve pris l'État mérite, ô combien, de retenir l'attention de tous les
publicistes. Si tel est ce que l'on appelle parfois l'État « post-moderne » alors il faut bien prendre conscience de tout ce que
recouvre ce terme.
Mais avant de revenir sur la diminution constante des attributions de l'État dans notre système juridique, il ne me paraît
pas inutile de souligner les grandes lignes de l'évolution des principes directeurs du droit administratif au cours de ces
dernières années car la « désouverainisation » peut concerner tout à la fois l'État, la loi et le juge.

718 L'évolution d'un certain nombre de principes du droit administratif ◊ Pendant fort longtemps le droit
administratif français a pu s'enorgueillir d'avoir su mettre en œuvre un corps de règles assez largement originales, cohérentes
et efficaces pour régler les rapports entre l'Administration et les administrés. Celles-ci étaient le plus souvent l'œuvre du juge
administratif qui avait su construire, de manière prétorienne, les grandes théories du droit administratif (contrôle de légalité,
recours pour excès de pouvoir, droit de la responsabilité administrative etc.). Cela assurait un rayonnement certain au
système administratif français imité dans nombre de pays étrangers. Bien plus, alors que dans sa période de construction il
avait paru nécessaire de mettre l'accent sur les prérogatives qu'il convenait de reconnaître à l'Administration, qui incarne
l'intérêt général face aux intérêts particuliers, on avait vu se renverser progressivement le centre de gravité du droit
administratif : considérant que désormais l'Administration était suffisamment « armée » face à l'administré – mais il ne faut
pas oublier qu'elle ne doit utiliser qu'au strict minimum indispensable ses prérogatives – on avait mis l'accent sur la nécessité
de reconnaître des droits et garanties nouveaux à l'administré face à l'Administration (on songe, par exemple, aux textes des
années 1970 relatifs à l'accès aux documents administratifs, ou encore à la motivation des décisions de l'Administration).
C'était la parfaite illustration de ce que doit être la dialectique du droit administratif : trouver l'équilibre le plus satisfaisant
possible entre la nécessité de reconnaître des droits importants à l'Administration tout en assurant au maximum la protection
des droits des administrés face à celle-ci.
Aujourd'hui un certain nombre de piliers de la période « classique » sont, sinon abandonnés du moins sérieusement
amendés. Cette fois-ci c'est à juste titre que le Doyen Hauriou pourrait dire que l'on nous change notre État ! Il s'agit ici d'une
simple constatation, et non d'une critique, car il est naturel qu'un système de Droit évolue pour tenir compte de la
transformation de la société qui, au demeurant, est de plus en plus complexe. Lorsque l'on veut recenser ces changements on
est saisi par leur importance. Sans prétendre à l'exhaustivité on évoquera quelques uns de ceux-ci.
1o La réforme de l'État. Les mutations concernant l'organisation de l'État sont d'autant plus importantes que celle-ci
n'avait guère évolué depuis des décennies. On évoquera plus loin les changements qui sont la conséquence directe de la
construction européenne et de la décentralisation. Mais même en dehors de ceux-ci le paysage a bien changé.
Tout d'abord, il me semble que de plus en plus on abandonne la bonne vieille conception organique de l'Administration
pour une notion fonctionnelle : on n'a plus aucune réticence, qu'il s'agisse de l'État mais aussi et surtout des Collectivités
territoriales, à confier des tâches d'administration publique à des personnes morales de droit privé, c'est-à-dire à de simples
particuliers. L'apparition d'Autorités Administratives Indépendantes, qui prolifèrent, modifie la physionomie des
Administrations centrales de l'État en créant des secteurs soustraits à l'autorité hiérarchique ce qui est d'autant plus
remarquable qu'on leur reconnaît souvent des pouvoirs importants. Mais il y a aussi, et surtout, le bouleversement des règles
présidant à l'élaboration du budget de la République (LOLF) et la Modernisation de l'Action Publique (MAP) qui, à moyen
terme, pourraient entraîner de sérieuses modifications dans les structures de l'Administration de l'État tant à l'échelon central
qu'à l'échelon déconcentré où la réforme est déjà en cours. On va de plus en plus vers ce que l'on a appelé « l'État
managérial » avec tout ce que cela entraîne : un dessaisissement par l'État lui-même d'un certain nombre de ses compétences,
une diminution sensible du nombre des fonctionnaires et aussi le recours à des agences d'intérim ou encore, ce qui n'a guère
été relevé, une logique qui veut, par exemple, que dans le gouvernement de François Fillon le Ministre du Travail et de la
Solidarité était aussi celui de la Fonction publique. Cette remise en cause de l'organisation de l'État ne pourra que s'accentuer
compte tenu des exigences de Bruxelles en ce qui concerne l'équilibre de nos finances publiques. Il est vrai que parfois la
réforme consiste, ce qui n'est pas si rare que cela, à redécouvrir ce que l'on faisait déjà mais sous une autre dénomination.
Ainsi dans le cadre de la « nouvelle gouvernance » on ne cesse de parler de la « régulation » présentée comme un nouveau
mode d'administration ; est-ce être impertinent que de se demander si cela ne correspond pas tout simplement à ce que l'on
appelait jadis la « coordination » ? La DATAR, dès 1963, ne faisait-elle pas déjà de la régulation ? Enfin, il y a l'inflexion des
pouvoirs du Chef de l'État, du fait de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, notamment en ce qui concerne la procédure
de nomination d'un certain nombre de hauts responsables.
2o La désouverainisation de la loi. L'évolution du statut juridique de la loi constitue, pour celle-ci, une mutation bien
plus radicale que la pseudo révolution des articles 34 et 37 de la Constitution. Des générations de juristes ont été nourries de
cette idée que la loi, expression de la volonté générale, était un acte juridiquement incontestable ; pas de recours à l'encontre
de la loi ! Avec la Constitution de 1958, il avait fallu préciser que c'était la loi une fois promulguée qui ne pouvait faire l'objet
d'aucun recours, en raison de la saisine possible du Conseil constitutionnel entre l'adoption du texte et sa promulgation 1440 ;
puis la révision constitutionnelle de 1974, en ouvrant la saisine de l'art. 61 C. à l'opposition, a en quelque sorte banalisé ce
recours. L'étape suivante a été le contrôle de ce que l'on appelle la « conventionnalité » de la loi c'est-à-dire sa conformité
aux traités internationaux, donnant ainsi sa pleine application aux dispositions de l'art. 55 C. Il ne restait plus, si l'on peut
dire, qu'à donner un caractère rétroactif au contrôle de la conformité des lois à la Constitution, ce qui s'est produit avec la
création, par l'art. 61-1 C., de la question prioritaire de constitutionnalité. Pour reprendre la formule du Président du Conseil
constitutionnel, chacun est conscient de la « révolution » que constitue cette innovation. Il n'en demeure pas moins qu'elle
met en échec, en ce qui concerne la loi, le principe de sécurité juridique. D'acte inattaquable la loi est donc devenue un acte
toujours contestable, un acte juridique qui n'est plus souverain, ce qui conditionne l'action du gouvernement qui doit
désormais examiner avec la plus grande attention le texte des projets de loi soumis au vote du Parlement en ce qui concerne
leur conformité au bloc de constitutionnalité et aux traités internationaux. Il reste un dernier vestige de la splendeur passée de
la loi : le juge administratif n'accepte toujours pas – ou pas encore – d'engager sa responsabilité sur le terrain de la faute.
3o L'évolution de la Justice administrative. À l'instar de l'ensemble des juridictions françaises, les juridictions
administratives sont désormais soumises aux décisions prises tant par la Cour de Justice de l'Union européenne que par la
Cour européenne des droits de l'homme et celles-ci prennent de plus en plus d'importance. Qu'on le veuille ou non il y a là,
me semble-t-il, une certaine forme de « désouverainisation » même si l'on peut la présenter comme une forme de la
promotion du fameux « dialogue des juges ».
Les réformes de la juridiction administrative qui se sont succédé ces dernières années ont, à peu de choses près, atteint
l'objectif qu'elles se proposaient : lutter contre l'encombrement de la juridiction administrative et raccourcir les délais de
jugement. Reste à savoir si le prix payé n'est pas bien trop élevé puisque la réforme n'a pu se réaliser que par un très large
recours au juge unique et par la possibilité de renoncer aux conclusions du Rapporteur public. Mais cela ne doit pas, non
plus, faire oublier l'importance qui s'attache à la prévention du contentieux dont, à l'instar de l'arlésienne on parle beaucoup
sans pour autant la voir véritablement progresser. Il est, par exemple, confondant de constater que la réforme de l'arbitrage
préconisée par le Rapport Labetoulle et sur laquelle tout le monde était d'accord, a été, semble-t-il, bloquée par ce que l'on
n'ose pas appeler une affaire très particulière. Mais ce qui me paraît absolument nécessaire c'est surtout l'intervention d'un
texte rendant obligatoire le recours administratif avant tout recours contentieux. Il est vrai que cela suppose au préalable une
double réforme : – la rédaction d'un véritable Code de la Procédure administrative non-contentieuse donnant toute garantie
au justiciable sur le sérieux avec lequel son recours sera examiné ; – et la création, au sein des Administrations centrales de
l'État, d'un véritable « Corps de juristes » donnant toute garantie sur les capacités juridiques des autorités appelées à
examiner le recours.
De tradition, et par crainte d'apparaître comme faisant acte d'administrateur, le juge administratif faisait preuve d'une très
grande réserve dans l'exercice de ses pouvoirs juridictionnels. Le reproche lui en avait été souvent fait. Il me semble que ces
temps sont maintenant bien révolus. Tout d'abord parce que plusieurs textes sont venus le doter de pouvoirs nouveaux
importants, qu'il s'agisse, par exemple, des mesures d'urgence ou des injonctions adressées à l'Administration. Mais aussi
parce que le juge fait, en l'espèce, preuve de plus en plus de hardiesse. À cet égard, le contentieux de l'annulation différée est
révélateur. On a aussi pu voir le Conseil d'État, constatant que l'une des dispositions de l'ordonnance de codification du Code
rural était entachée d'une « erreur matérielle », ce qui « normalement » était de nature à entraîner son annulation… décider
de conférer lui-même à celle-ci son exacte portée, ce qui impliquait que le texte ainsi rétabli par le juge soit publié au
Journal Officiel ; comme l'a relevé René Chapus, on voit donc le Conseil d'État statuer extra petita et comme s'il était saisi
d'un recours en interprétation. De même, dans une affaire où un règlement aurait dû intervenir depuis plusieurs années et
dont le contenu était certain puisqu'imposé par la loi, le Conseil d'État a jugé… comme s'il était déjà intervenu, appliquant en
quelque sorte un règlement qui n'existait pas encore. Que l'on nous comprenne bien : dans ces affaires la Haute Juridiction
agit dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice et elle a raison. Mais il ne faudrait pas, cependant, oublier
complètement la bonne vieille prévention à l'encontre du juge-administrateur.
Toujours en ce qui concerne la justice administrative, je ne résiste pas au « plaisir » – ou au regret ! – de constater qu'à
l'égard du droit communautaire le juge est passé d'un excès à l'autre. Alors qu'il était, non sans quelques raisons, accusé de
sérieuses réticences dans l'application de celui-ci, c'est maintenant l'inverse qui se produit : on voit le juge dégager des règles
dérogatoires au droit commun et qui ne s'appliquent qu'en matière communautaire, ce qui est tout autant critiquable. Ainsi,
dans son arrêt Gestas de 2008 le Conseil d'État a jugé, par dérogation au principe que le contenu d'une décision
juridictionnelle ne peut pas engager la responsabilité de l'État, qu'il en va autrement pour « une violation manifeste du droit
communautaire ». De même le Tribunal des conflits, dans deux arrêts du 17 octobre 2011 a jugé, en dérogation à la
jurisprudence Septfonds, qu'il n'y avait pas lieu à question préjudicielle, pour le juge judicaire, lorsque « le droit de l'Union
européenne est en cause ».
J'ai gardé pour la fin de ce bref survol de l'état de la Justice administrative à l'heure actuelle une question de nature à la
faire évoluer très profondément mais susceptible aussi de provoquer de sérieuses controverses : est-il encore fondé de
conserver la distinction des recours de plein contentieux et du recours pour excès de pouvoir ? Le recours pour excès de
pouvoir est le fruit d'une évolution historique bien connue qui a vu le Conseil d'État transformer progressivement le recours
hiérarchique présenté à l'autorité administrative en un véritable recours contentieux. On sait le rôle historique qui a été le
sien dans la construction des droits et des libertés publiques des administrés. Mais le temps, ici aussi, a fait son œuvre et on
assiste de plus en plus à des rapprochements importants qui effacent ce qui permet de différencier ces deux recours. Il y a
déjà plus d'une quinzaine d'années que J. M. Woehrling a posé la question : « Vers la fin du recours pour excès de
pouvoir ? » 1441, et l'on sait avec quelle pertinence il répond affirmativement à cette question. Bien plus, le Vice-Président du
Conseil d'État lui-même a reconnu que la mutation de l'office du juge pouvait conduire « à une perturbation des grandes
catégories juridiques du contentieux ». 1442Il n'est pas possible, dans le cadre de cette conclusion, de traiter le problème dans
toute son ampleur. Mais, une fois de plus, ne pourrait-on pas prendre exemple sur la justice judiciaire : devant le juge
judiciaire, la diversité des demandes – et elle est fort grande – n'a pas d'influence sur l'action en justice ; celle-ci est une
quelle que soit la fin poursuivie. Au fond ce qui est en cause c'est l'office du juge : il doit se reconnaître tous les pouvoirs qui
sont nécessaires à la solution du litige dont il est saisi quel qu'il soit. Naturellement une éventuelle fusion des deux recours
poserait le problème de la dispense du ministère d'avocat lorsqu'il s'agirait de l'actuel excès de pouvoir. Mais il suffirait alors
de poser la règle qu'il y a une telle dispense chaque fois que le recours porte uniquement sur l'annulation de la décision
déférée. Il est à peine besoin de souligner tous les avantages qui résulteraient de la fusion des deux recours.
Mais venons en maintenant à un problème important : la désouverainisation de l'État du fait de la
construction européenne.

719 L'État et la construction européenne ◊ La construction européenne repose sur des abandons de souveraineté
consentis par les États-membres et partant sur une restriction croissante de leurs compétences étatiques. Il ne me paraît pas
inutile de rappeler dans quelles circonstances exactes la France y a consenti initialement. Dans son étude sur « Les
problèmes posés par la pénétration du droit communautaire dans le droit français » (EDCE 1981-1982) le Conseil d'État a
décrit, ce à quoi personne n'avait vraiment porté attention jusque-là, la manière dont le Parlement français avait examiné et
autorisé la ratification du Traité de Rome. Au cours d'un assez long débat (6 jours à l'Assemblée Nationale, 3 jours au
Conseil de la République) les parlementaires ont passé au crible toutes les dispositions relatives aux stipulations
économiques, à l'agriculture, à l'industrie, aux finances… mais les questions institutionnelles, et notamment celle du droit
dérivé, ont été le plus souvent traitées par prétérition. Au Conseil de la République il avait même été bien souligné que la
Communauté n'avait que des compétences d'attribution et que le Traité serait d'interprétation stricte (sic). Bref il me semble
que l'on n'avait pas vraiment aperçu ce qu'allait être le droit dérivé et que l'on avait d'autant moins de raisons de s'en soucier
que l'on était encore dans la période « ante-Nicolo » c'est-à-dire dans celle où un Traité ne s'imposait pas aux lois
postérieures à son intervention. C'est donc, probablement, en toute « innocence » que le Parlement a signé ce redoutable
chèque en blanc du droit dérivé s'imposant aux autorités françaises. Je me suis toujours demandé ce qui se serait passé si l'on
avait pu indiquer aux parlementaires français qu'ils étaient en train d'autoriser Bruxelles à fixer le pourcentage de matières
grasses dans le chocolat ou de fixer la date de l'ouverture de la chasse aux palombes dans le Sud-Ouest ! Mais l'honnêteté
intellectuelle oblige à préciser que telle n'était plus la situation lorsque le Parlement a eu à statuer sur la ratification des
Traités modificatifs.
Cela ne donne, selon moi, que plus d'importance au problème de la conformité des directives à notre Constitution. N'est-il
pas paradoxal que l'on s'assure de la conformité des traités européens à la Constitution mais pas de celle des actes dérivés ?
Ceux-ci ne peuvent pas rester les seules règles de notre ordre juridique échappant au contrôle de constitutionnalité que l'on
vient, au demeurant, de compléter avec la question prioritaire de constitutionnalité. Enfin, une autre épée de Damoclès nous
menace en permanence : il n'existe, bien sûr, aucune autorité qui soit investie du pouvoir de « condamner » une
jurisprudence du juge communautaire. Cette remarque étant également, sinon plus, valable pour la Cour européenne des
droits de l'homme.
Si l'on veut être réaliste, au fond, peu importe que l'envahissement de notre droit interne – et notamment du droit
administratif – par le droit communautaire ait été dès le départ inscrit dans le traité de Rome ou qu'il soit le produit d'une
interprétation extensive de celui-ci, ce dont, pour ma part, je suis convaincu. Ce qui compte c'est la situation dans laquelle
nous nous trouvons. Il n'y a actuellement pratiquement aucune limitation constitutionnelle à l'exercice par Bruxelles des
pouvoirs qu'elle tient des traités en raison, notamment, de la technique juridique utilisée pour supprimer les contrariétés
constatées par le Conseil constitutionnel entre un traité européen et notre Constitution ; lors de la révision de la Constitution,
au lieu d'énumérer un par un les abandons de souveraineté auxquels nous consentons expressément on se contente de la
formule « balai » qu'il est consenti tous les abandons de souveraineté nécessités par le Traité 1443. La seule limite à nos
abandons de souveraineté est pour l'instant la jurisprudence Sarran et Levacher. La conséquence de tout cela est bien
connue : les compétences de l'État ne cessent de se rétrécir « comme peau de chagrin » ; le moment ne serait-il pas venu de
se demander si un tel processus doit être poursuivi et jusqu'où, autrement dit d'arrêter de n'avoir pas le courage de débattre
ouvertement du problème de la supranationalité.
L'étendue des pouvoirs de l'État se trouve également remise en cause par la décentralisation.

720 L'État et la décentralisation ◊ Un chiffre résume parfaitement le glissement des compétences de l'État vers les
collectivités territoriales qui s'est produit ces dernières années : désormais les trois quarts des investissements publics sont le
fait de ces dernières. La décentralisation était une nécessité ne serait-ce que pour rapprocher l'Administration des
administrés. Parce que je suis un partisan convaincu de celle-ci je pense qu'il faut souligner les graves problèmes qui se
posent actuellement dans les relations entre les collectivités et l'État. À cet égard, il est tout simplement inadmissible que la
récente réforme du découpage de la France en treize nouvelles régions ait été opéré sans la moindre concertation avec les
collectivités territoriales !
Il y a tout d'abord le relatif échec de l'Acte II de la décentralisation, c'est-à-dire des réformes opérées par la loi
constitutionnelle du 28 mars 2003. Celle-ci se proposait, aux dires de ses auteurs, deux objectifs : « faire émerger une
République des proximités » et permettre « l'expression directe des citoyens ». Ils ne me semblent guère atteints, pour
l'instant du moins. D'autre part, et surtout, si les élus locaux étaient de chauds partisans de la poursuite de la décentralisation
c'était pour qu'il soit enfin porté remède au délabrement des finances des collectivités territoriales reposant notamment sur
des ressources fiscales sans aucun dynamisme. Or les réformes se sont poursuivies sans que l'on mette en œuvre une
véritable réforme des finances locales. Il est vrai que la situation des finances publiques de la République, en ce moment, ne
s'y prête guère et que l'épisode de la suppression de la taxe professionnelle a montré combien l'exercice est délicat. Mais, à
l'heure actuelle, pour les élus locaux, la décentralisation signifie beaucoup trop transfert de charges indues de l'État sur les
collectivités territoriales. En second lieu il devient urgent de remettre de l'ordre dans le problème de la répartition des
compétences. Il se pose à un double niveau : – tout d'abord entre l'État et les collectivités territoriales ; – en second lieu entre
celles-ci. En ce qui concerne les compétences respectives de l'État et des collectivités, la Commission Guichard avait
procédé, jadis, à une réflexion très précise sur ce qui revient par nature à l'État et tout le reste qui est le champ potentiel de la
décentralisation. Cette réflexion devrait pour le moins être reprise. Les chevauchements de compétences entre les
collectivités territoriales, avec comme conséquence les financements croisés, sont inadmissibles et constituent l'un des graves
échecs de la décentralisation. Il n'en est que plus consternant que sur ce point le Rapport Balladur ait renoncé à faire des
propositions sérieuses et que le législateur se soit réfugié dans un faux-fuyant. Toutefois la suppression de la clause de
compétence générale du département et de la région constitue un premier pas encourageant.
Reste le plus important : s'attaquer au « millefeuille territorial ». Je ne suis pas certain que la création récente des
Métropoles aille dans ce sens. Pour moi la solution est celle qui a été préconisée par le Rapport Balladur : une organisation
territoriale à deux niveaux à savoir la Région et l'Intercommunalité. Cela suppose deux choses : – tout d'abord la fusion en
une seule collectivité territoriale de la Région et des départements qu'elle comporte (en conservant le découpage
départemental comme étant uniquement une subdivision de la région pour l'application de sa politique) ; – que l'on réduise à
ce qui est raisonnable le nombre des Intercommunalités, ce que s'efforce de faire la loi NOTRe.
Au début de cette conclusion, j'ai regretté la complexité croissante et l'hermétisme du droit administratif. Faut-il s'y
résigner ou peut-on fonder quelque espoir dans une remise en ordre de notre droit administratif ?

721 La remise en ordre du droit administratif ◊ Dans les éditions précédentes, reprenant une idée chère au Doyen
Vedel 1444, il m'avait semblé que la solution au problème de la remise en ordre du droit administratif pouvait être recherchée
dans une codification, au sens du droit privé, du droit administratif. D'éminents juristes – Jean-Claude Groshens et Jean-
Michel Galabert, qui nous manquent cruellement – m'avaient dit leur scepticisme à l'égard de cette idée, et ils m'ont
convaincu. En effet, selon l'expression de Portalis : « On ne fait pas à proprement parler les codes, ils se font avec le temps »,
idée reprise par Jean Carbonnier : « La codification, c'est l'histoire qui la fait ».
Et cependant on ne peut pas rester l'arme au pied face à une certaine délitescence du droit administratif. Quand on veut
lutter contre une inondation on commence par colmater la brèche. La première urgence est donc, ce qui est une décision
politique, de mettre fin à la multiplication actuelle des textes aussi parcellaires que mal rédigés. Tout ce qui est possible doit
être mis en œuvre pour que les décisions nécessaires soient prises en ce sens. Il me semble qu'en cette affaire le Secrétariat
Général du Gouvernement pourrait jouer un rôle important. Ensuite, et ensuite seulement, il faudrait reprendre, en les
repensant, tel ou tel secteur du droit administratif, par le biais d'une codification à droit non-constant. Ces travaux devraient
reposer sur une notion facilement assimilable et pleinement explicative.
De ce point de vue il me semble que l'une des distinctions les plus importantes du droit administratif – et qui bien sûr doit
être conservée – est la bonne vieille distinction de la gestion publique et de la gestion privée, ne serait-ce que parce qu'elle
est de bon sens, facilement compréhensible et qu'elle correspond à une réalité incontestable. Il y a gestion privée lorsqu'une
personne publique se comporte exactement comme le ferait un simple particulier, c'est-à-dire sans apparaître comme la
puissance publique utilisant ses prérogatives exorbitantes ; elle doit alors être soumise au même régime juridique que ce
particulier, c'est-à-dire aux règles du droit privé et à la compétence des juridictions judiciaires. Il y a gestion publique lorsque
la personne publique – ou le particulier agissant pour son compte – apparaît revêtue des ornements de la puissance publique
et utilisant ses prérogatives de puissance publique ; elle doit alors être soumise à un régime juridique dérogatoire au regard
de celui des simples particuliers, c'est-à-dire à un régime de droit administratif stricto sensu.
Seule la puissance publique peut justifier les prérogatives exorbitantes – et les sujétions exorbitantes – de
l'Administration. Tout ce qui suppose l'exercice de la puissance publique et tout ce qu'elle implique doit être apprécié selon
les normes du droit public. Encore faudrait-il faire passer dans le droit positif la réciproque : tout ce qui ne suppose pas
d'exercice de la puissance publique devrait relever du droit privé.

Boutenot, juin 2016


INDEX ALPHABÉTIQUE
(Les chiffres renvoient aux numéros de paragraphe)

A B C D E F G H I J K L M

N O P Q R S T U V W X Y Z

A
Abrogation, 348, 456
Acceptation des risques, 506
Accès aux documents administratifs, 441 s.
Accidents du travail, 517, 524
Actes
- administratifs, 424 s.
- circulaires, 426
- classification, 423, 430
- créateurs de droit, 453
- d'autorité, 589
- déclaratifs, 425
- délégations, 432
- détachables, 369, 469
- discrétionnaires, 433
- exécution forcée, 447 s.
- de gestion, 589
- de gouvernement, 364 s., 499
- de guerre, 368
- inexistants, 457
- intérim, 432
- juridictionnels, 429
- juridiques, 425
- législatifs, 429
- motivation, 437
- non-rétroactivité, 444
- notification, 440
- parlementaires, 429
- particuliers, 428
- préparatoires, 425
- principe de compétence, 431
- procédure adm. non contentieuse, 434
- publication, 439
- réglementaires, 430
- retrait, 454
- suppléance, 432
- types, 425
Action
- administrative, 369
- d'office, 448
- populaire, 658
- récursoire, 497, 545
Activités
- dangereuses, 519
- juridictionnelles, 549 s.
- législatives, 429
- privées d'intérêt général, 293 s
Adages, 309
Adaptation
- du service public, 403
Adjoints, 171
Adjudication publique, 474
Administrateur-juge, 24
Administration
- An VIII, 17
- Ancien Régime, 15
- avènement de la démocratie, 19
- centrale, 93 s.
- consultative, 95, 623
- contractuelle, 462
- d'État, 74 s.
organes locaux, 102 s.
- décentralisation, 21
- définition, 1 s.
- État interventionniste, 20
- État libéral, 20
- évolution historique, 5, 15 s.
- notion de, 1 s.
- Révolution, 16
- Soumission au droit, 8 s.
Affaires
- du département, 188
- de la commune, 163
- de la région, 207
- locales, 56
Affermage, 410
Agence des participations de l'État, 254
Agences, 99
Agrément, 294
Aléa thérapeutique, 540
Aménagement du territoire, 20, 207
Amicus curiae, 703
Annulation différée, 711
Appel, 634, 715
- d'offres, 474
Appréciation de l'opportunité, 678
Arbitrage, 70, 469, 621
Arrêté
- de conflit, 573
Arrondissement, 113
- Paris, Lyon, Marseille, 223 s.
Article, 16, 77, 354 s.
Association, 66
Astreinte, 714
Attroupements, 525
Autonomie (du droit administratif), 8, 492, 687
Autorisation préalable, 491
Autorité
- de chose décidée, 446
- de chose jugée, 709
- judiciaire, matières réservées à, 607 s.
Autorité des marchés financiers, 283
Autorités
- administratives indépendantes, 96 s., 443
- étrangères, 505, 598
- de police, 379
Avis, 95, 425, 435, 633

B
Balladur, Rapport, 139
Banque de France, 281
Bilan (théorie du), 678
Bloc de compétence, 584 s.
Bloc de constitutionnalité, 310
Budget
- communal, 165
- départemental, 189
- régional, 207

C
Cabinet du ministre, 92
Cahier des charges, 414, 464, 475
Canton, 179
Cas fortuit, 506
Cassation, 716 s.
Centralisation, 16 s., 55
Chambres régionales des comptes, 121, 233
Charte, 309
- de l'environnement, 311
- de la déconcentration, 102
Chef de file (collectivités), 143
Chose dangereuse, 518
Chose jugée, 709
Circonscriptions, 55
- d'action régionale, 103
Circonstances exceptionnelles, 359 s.
- de l'article 16, 354 s.
Circulaires et instructions de service, 426
Clause de compétence générale, 162
Clause exorbitante, 467
CNIL, 96
Codification, 11, 330 s., 721
Collaborateurs bénévoles, 517
Collectivités, 55 s.
- locales, 56, 124 s.
autonomie financière, 133
contrôle, 229 s.
dérogation aux lois, 135
pouvoir réglementaire, 132
regroupements, 263 s.
à statut particulier, 130, 214
Comité de l'administration régionale, 105
Comités d'organisation, 73, 239
Commande publique, 463
Commissaires du gouvernement, 51, 322, 626, 705
Commission
- départementale de la coopération intercommunale, 265
- permanente, 186, 206
Commission d'accès aux documents administratifs (CADA), 443
Communauté urbaine, 267
Communautés
- communauté d'agglomération, 269
- de communes, 268
- de villes, 269
Commune, 114, 146 s., v. Conseil municipal, Maire
- affaires de la –, 163
- agents, 168
- attributions, 175 s.
- biens de la, 169
- budget, 165
- communautés urbaines, 267
- conseil municipal, 152 s.
attributions, 162 s.
élection, 153 s.
fonctionnement, 159 s.
- Évolution, 147
- information des habitants, 151
- initiatives économiques, 166
- maire, 171 s.
- Participation des habitants, 151
- plans d'urbanisme, 163
- quartier
Adjoints de, 151
Conseil de, 151
Mairie de, 151
- référendum communal, 137
- régime juridique (évolution du –), 147 s.
- regroupements, 264 s.
- services publics, 167
- statut, 172
- statut des élus, 158
- subventions, 165
- syndicats de –, 266
Compétence administrative ou judiciaire, 582 s.
- actes de gouvernement, 364 s.
- actes juridiques, 425
- actes législatifs, 600
- actes parlementaires, 600
- activités matérielles, 425
- autorités étrangères (litiges relatifs à –), 598
- contrats, 604
- critère, 32, 583, 589
- décisions exécutoires, 604
- détermination législative, 586 s.
- emprise irrégulière, 612
- État débiteur, 589
- État des personnes, 608
- fonctionnement des –, 603
- et fond, 584
- gestion privée, 592
interprétation des actes non-réglementaires et des contrats, 606
liaison de la compétence et du fond, 584
- liberté individuelle et domicile, 608
- litiges entre particuliers, 599
- matières réservées à la compétence judiciaire, 607 s.
- organisation des –, 602
- propriété privée, 608
- questions accessoires, 605
- questions préjudicielles, 605
- service public, critère, 33 s., 590
- service public industriel, 604
- services judiciaires, 602 s.
- services sociaux, 592
- situations de droit privé, 465, 599
- véhicules administratifs, 587
- voie de fait, 609 s.
Compétence liée, 433
Compromis, 619
Concession
- divers sens, 411
Concession de service public, 284, 411 s.
- agents du concessionnaire, 415
- cahier des charges, 413
- clauses réglementaires, 414
- contentieux, 419
- continuité du service, 415
- contrôle, 415
- déchéance, 420
- définition, 410
- droits du concessionnaire, 417
- égalité des usagers, 415
- entreprise publique concessionnaire, 255
- équilibre financier, 418, 480
- évolution, 411
- fait du prince, 481
- fin de la –, 420
- imprévision, 482
- modification, 415
- obligations du concessionnaire, 415
- rachat, 420
- sanctions, 478
- tarifs, 415
Concession de travail public, 410
Concessionnaire, v. Concession
Conciliation, 621
Concours compétences police, 380
Concurrence (droit de la –), 390
Conférence
- interdépartementale, 278
- territoriale de l'action publique, 142
Confiance légitime, 342
Conflits, 568 s.
- arrêté de –, 573
- d'attribution, 27, 572
- de décisions au fond, 30, 578
- déclinatoire de compétence, 573
- difficultés sérieuses de compétence, 577
- négatifs, 29, 575 s.
- positifs, 27, 572 s.
- Tribunal des –, 570
Connexité, 634
Conseil
- économique, social et environnemental régional, 208
- de la concurrence, 469, 587
Conseil constitutionnel, 327
Conseil d'État, 326, 625 s.
- attributions, 633 s
consultatives, 633
contentieuses, 634
- avis, 633, 634
- carrière, 627
- composition, 626
- connexité, 634
- formations, 630
administratives, 630
contentieuses, 631
- historique, 625
- inspection des juridictions administratives, 634
- organisation, 630 s.
- Président de la section du contentieux, 631, 702
- rapport, 633
- règlement des difficultés de compétence, 634
- règlement des juges, 634
- tour de l'extérieur, 109, 626
Conseil de préfecture, 567
Conseil départemental, 179 s.
- attributions, 188 s.
- élection, 179 s.
- fonctionnement, 186
- président, 193 s.
- renouvellement, 184
Conseil municipal, 152 s., v. Commune
- attribution, 162 s.
- composition, 152
- élection, 153 s.
- fonctionnement, 159 s.
- socialisme municipal, 166
- statut des élus, 158
Conseil régional, 205 s.
- attributions, 207
- élection, 205
- fonctionnement, 206
Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, 127
Conseil supérieur de la magistrature, 602
Conseiller territorial, 179, 205
Constat d'urgence, 701
Constitution, 310 s.
- de 1946, 310
- de 1958, 310 s.
- bloc de constitutionnalité, 310
- PFRL, 312
- Préambule, 310 s.
Contentieux, v. Juridictions administratives, Recours contentieux
- objectif, 650.
- prévention du –, 619
- subjectif, 650
Continuité du service public, 402
Contrat de plan, 462
Contrats administratifs, 461 s., v. Concession, Marchés
- Acte détachable, 469
- Adjudication, 474
- appel d'offres, 474
- cahier des charges, 475
- caractères généraux, 461
- choix du co-contractant, 471
- clause compromissoire, 469
- clause exorbitante, 467
- Commande publique, 463
- conclusion, 470 s.
- concours, 474
- contentieux, 469
- critère, 464 s.
- par détermination de la loi, 464
- dialogue compétitif, 474
- droits du co-contractant, 479 s.
- élaboration des clauses, 475
- équilibre financier, 480
- exécution, 476 s.
- fait du prince, 481
- fin, 487 s.
- gré à gré, 474
- imprévision, 482
- in house, 474
- inexécution, 478
- modification unilatérale, 477
- de partenariat, 462
- parties au contrat, 465
- prérogatives de l'administration, 477 s.
- principaux contrats, 462
- procédures négociées, 474
- référé contractuel, 473
- référé précontractuel, 472
- résiliation, 487 s.
- responsabilité, 486
- sanctions, 478
- service public, 466
participation à l'exécution, 466
- sujétions imprévues, 480
- théorie générale, 461
Contreseing, 76, 83
Contrôle, 45 s., 229 s, 553 s., v. Tutelle
- des collectivités locales, 58 s., 229 s.
contrôle administratif, 58, 230 s.
contrôle financier, 58, 233 s.
- hiérarchique, 89 s.
- juridictionnel, 46 s., 566 s.
- de la constitutionnalité des lois, 351
- minimum, 679
- non-juridictionnel, 52, 553 s.
- normal, 679
- parlementaire, 565
- de tutelle, 229 s.
Convention européenne des droits de l'homme, 43, 322
Coopération intercommunale, 264 s.
Coopération interdépartementale, 278
Coopération interrégionale, 279
Coopération transfrontalière, 280
Coordination administration centrale, 100 s.
Corps
- d'inspection, 94, 556
- préfectoral, 108
Corse, 211
Cour des comptes, 115
Cour européenne des droits de l'homme, 322
Cours administratives d'appel, 635 s.
- compétence, 638
- création, 635
- organisation, 635
- personnels, 636
Coutume, 309
Critère de compétence, 32
Cumul de responsabilité, 496
Cumul des fautes, 495
Cumul des mandats, 142
D
DATAR, 101
Décentralisation, 21, 56, 720, v. Centralisation, Tutelle
- et déconcentration, 57
- évolution, 116 s.
- et fédéralisme, 54
- loi constit. du 28 mars 2003, 128 s.
- loi du 2 mars 1982, 118 s.
- répartition des compétences, 123 s.
- par services, 235
Déchéance quadriennale, 503
Décision exécutoire, 423 s., v. Recours pour excès de pouvoir
- abrogation, 456
- accès aux documents administratifs, 441 s.
- actes ne constituant pas une décision, 425
- autorité de chose décidée, 446
circulaires et instructions de service, 426
- classification, 430
- compétence, 431
- compétence liée, 433
- créatrice de droits, 453
- d'espèce, 430
- définition, 424
- directives, 427
- effets, 445 s.
- élaboration, 434 s.
- entrée en vigueur, 438 s.
- exécution, 449 s.
- exécution forcée, 450
- fin, 452 s.
- forme, 435
- illégalité, 459 s.
- implicite, 435
- individuelle, 430
- inexistence, 457
- motivation, 437
- non-rétroactivité, 444
- nullité, 458
- obligation de motiver, 437
- pouvoir discrétionnaire, 433
- privilège du préalable, 446
- procédure administrative non contentieuse, 434
- publicité, 439
- règlements, 430
- retrait, 454
- rétroactivité, 444
- tacite, 435
- validité, 457 s.
Décision faisant grief, 425
Décision préalable, 695 s.
Déclaration de patrimoine, 96, 142
Déclaration des Droits (1789), 310
Déclinatoire de compétence, 573
Déconcentration, 57, 102
Décrets, 346
Décrets-lois, 325
Défense nationale, 76, 82
Défenseur des droits, 558, v. Médiateur
- compétence, 561
- nomination et statut, 559
- organisation, 560
- pouvoirs, 563
- saisine, 562
Déféré préfectoral, 232
Délégation, 432
- Délégation législative, 334
Délégation de service public, 284, 407
Délocalisation, 57
Démocratie, 19
- de proximité, 137
Déni de justice, 575, 579
Département, 178 s., v. Conseil départemental, Préfet, Région
- budget, 189
- conférences interdépartementales, 278
- conseil départemental, 179 s.
- ententes interdépartementales, 278
- président du conseil départemental, 193
Départements d'Outre-mer, 195 s.
Dépens, 707
Désouverainisation, 718
Détournement
- de pouvoir, 672
- de procédure, 673
Développement économique régional, 200, 207
Directeur de cabinet
- du ministre, 92
- du préfet, 112
Directives, 427
Directives (en droit communautaire), 318
Discipline professionnelle, 306
Documents administratifs, communication au public, 441 s.
Dommage, 500 s.
- anormal, 500
- certain, 500
- date d'évaluation, 503
- forme de la réparation, 503
- indemnisation, 503
- moral, 501
- réparation, 503
- spécial, 500
- vie préjudiciable, 502
Double degré de juridiction, 614
Droit administratif, 8 s.
- autonomie, 8
- caractères, 10 s.
- critères, 37 s.
- définition, 13
- notion-clef, 23 s.
- principes fondamentaux du –, 37 s.
- sources, 41 s., 309 s.
Droit souple, 265, 427
Dualité des ordres de juridiction, 567
non-écrites, 337 s.
Droit dérivé, 319
Droits acquis, 453
Droits de la défense, 434

E
Économie mixte, 297 s.
- buts, 298
- mise en œuvre, 299
- régime juridique, 300
Écran législatif, 351
Égalité
- devant les charges publiques, 516
- devant les services publics, 404, 415
Émeutes, responsabilité, 525
Emprise irrégulière, 612
Emprunts publics, 462
Enseignement public, responsabilité, 531
Ententes interrégionales, 279
Entreprises nationalisées, 249 s.
- nationalisation, 250
- privatisations, 253
Entreprises privées d'intérêt général, 293 s.
Entreprises publiques, 248 s., v. Établissement public
- caractère public, 257
- classification, 248
- concessionnaires, 259
- contrôle, 257
- et entreprises nationalisées, 249
- groupes d'–, 255
- nationalisation, 250 s.
- personnel, 256
- privatisation, 253
- qualité de commerçant, 258
- régime des biens, 257
- régime financier, 256
- régime juridique, 256
et service public, 259
- voies d'exécution, 261
EPCI, 276
Équilibre financier, 480 s.
Équité, 563
Erreur de droit, 676
Erreur manifeste d'appréciation, 679
Estopel, 703
Établissement d'utilité publique, 242
Établissement public, 235 s., v. Décentralisation, Entreprises publiques
- à caractère scientifique et culturel, 247
- caractères généraux, 235
- classique, 235 s., 241 s.
création, 242
critères, 240
régime financier, 246
régime juridique, 244 s.
- et collectivités territoriales, 238
- conception classique, 235
- et établissement d'utilité publique, 242
- évolution, 235 s.
- industriels et commerciaux, 240
- nationalisés, 249
- nouvelles catégories d'–, 248 s.
- régime juridique, 244 s.
- remise en cause de la –, 236
- et service public, 238
- spécialité, 240
État (administration d'), 75 s.
- réforme de l'–, 115
- services départementaux, 107 s.
- services régionaux, 103
État d'urgence, 358
État de droit, 39
État de police, 39
État de siège, 357
État débiteur, 589
État des personnes, 608
État fédéral, 54
État, rôle, évolution, 20
État unitaire, 54
Exception d'illégalité, 651
Excès de pouvoir, v. Recours pour excès de pouvoir
Exécution, v. Compétence administrative ou judiciaire, Conseil d'État, Tribunal administratif, Cours administratives d'appel
- d'office, 447 s.
- des décisions de justice, 521, 710 s.
- forcée, 447 s.
- des lois, 80, 325, 346
Existentialisme juridique, 32
Expérimentation, 131, 135
Extradition, 382

F
Fait, contrôle, recours pour excès de pouvoir, 677
Fait du prince, 481
Faute, v. Responsabilité administrative
- cumul, 495
- détachable, 543
- de la victime, 506
- lourde, 510 s.
- pénale, 508, 542
- personnelle, 494, 541 s.
- de service, 494, 507 s.
Fédéralisme, 54
Fonction gouvernementale, 370
Fonction publique territoriale, 127
Fonctionnaire de fait, 428
Fonctions (séparation des), 622
Fondations, 66
Force majeure, 477, 506
Formalisme, 670
Forme (vice de), 670 s.
- parallélisme des –, 431
Formes substantielles, 671
Frais irrépétibles, 707
Fusion de communes, 263

G
Garantie administrative, 491, 493
Gestion privée, 9, 461, 592
Gestion publique, 10
Gouvernement, 6
Gratuité des services publics, 390
Gré à gré, 474
Grève agents publics, 402
Groupements d'intérêt public (GIP), 68, 282
Groupes publics, 255

H
Hiérarchie, règles de droit, 349
Hiérarchique (pouvoir), 87 s.
- recours, 90
I
Ile-de-France (région d'), 215 s., 219 s.
Impact (étude d'), 139
Impartialité, 341
Imprévision, 482
Imputabilité, 505 s.
Incompétence, 668 s.
Inexistence, 457
Injonction, 702, 714
Inspection
- corps d'–, 94, 556
- des juridictions administratives, 634
Instructions de service, v. Circulaires et instructions de service
Intercommunalité, 264 s.
Intérêt général, 3, 389 s.
Intérêt public, 3
Intérêt, recours pour excès de pouvoir, 658 s.
Interprétation
- actes administratifs, 606
- des traités, 316
Interventions économiques, 20, 166
Irresponsabilité, puissance publique, 491, 499

J
Jugements, 706 s.
- exécution des –, 710 s.
Juridictions administratives, 614 s.
- caractère constitutionnel, 624
charte de déontologie, 622
- compétence, 634 s., 638, 642
- critères, 428
- dispense des conclusions, 618
- évolution, 614 s.
- fonction consultative, 623
- indépendance, 622
- juge unique, 618
- organisation, 622 s.
- origines, 567 s.
- prévention du contentieux, 619
- procédure, 687 s.
- réforme de 1953, 615
- réforme de 1987, 616
- réforme de 1995, 617
- responsabilité du fait de –, 549 s.
Juridictions administratives d'outre-mer, 639
Juridictions non répressives, 605
Juridictions répressives, 605
Jurisprudence, 12, 337 s.
Justice
- déléguée, 24, 567
- retenue, 24, 567

L
Laïcité, 375
Légalité (principe de), 308 s., v. Recours pour excès de pouvoir
- légalité de crise, 354 s.
- police, 381
Liaison compétence-fond, 584
Liberté
- du commerce et de l'industrie, 166
- et pouvoir de police, 374, 381
Liberté individuelle, 608
Libertés définies, 381
Libre administration des collectivités territoriales, 117
Lignes directrices, 427
Loi, 323 s., 351
- codification, 330 s.
- conformité aux traités, 353
- contrôle de constitutionnalité, 351
- définition, 323
- dérogation à –, 135
- régime juridique, 329
- responsabilité du fait de, 547
Loi-cadre, 325
Loi-écran, 351
Loi et règlement, distinction, 323 s.
- autorité respective de –, 328
- sanctions de la délimitation, 327 s.
- sous la constitution de 1946, 324 s.
- sous la constitution de 1958, 326 s.
Lois organiques, 313
Lois, responsabilité, 547
LOLF, 115
Lyon, 222 s., 228

M
Maire, 171 s., v. Commune
- attributions, 175 s.
- élection, 172
- rémunération, 174
- responsabilité, 177
Marché de fournitures, 462
Marchés
- de conception-réalisation, 474
- d'assurances, 462
- d'étude, 462
- de fournitures, 462
- industriels, 462
- de recherche, 462
- de transports, 462
- de travaux publics, 462
Marchés publics, 462, v. Contrats administratifs
- adjudication, 474
- appel d'offres, 474
- cahier des charges, 475
- cahier des clauses administratives générales, 475
- gré à gré, 474
- industriels, 462
- modes de passation, 474
- de recherche, 462
Marseille, 223 s., 228
Matières
- législatives, 325
- réglementaires, 325
- réservées à la compétence judiciaire, 607
Médiateur, 52, 558
Mesures d'ordre intérieur, 425
Mesures d'urgence, 702
Métropoles, 141, 270
- d'Aix-Marseille-Provence, 275
- du Grand Paris, 273
- de Lyon, 274
Ministères
- administration centrale, 93
- organisation, 92 s.
- services déconcentrés, 102 s.
Ministre
- attributions, 87 s.
- cabinet du –, 92
- juge, 567, 663
- de l'intérieur, 379
- pouvoir hiérarchique, 90
- pouvoir réglementaire, 91
Mission de service public, 286, 384
Mobile politique, 365
Modernisation de l'action publique, 115
Motifs, contrôle, 677 s.
- pluralité, 680
Motivation, 437
Moyens d'ordre public, 707

N
Nationalisations, 250 s.
Non-rétroactivité, 444
Normes, 277
Notification, 440
Nullité absolue, 458
Nullité relative, 458

O
Objectifs de valeur constitutionnelle, 311
Obligation de motiver, 437
Offre de concours, 462
Ombudsman, 558
Opportunité, 433
Opposition, 717
Ordonnances, 333 s.
Ordre public
- moyens d'–, 707
- et police administrative, 375
Ordres de juridiction, 24, 567
Ordres professionnels, 303 s.
Organismes consultatifs, 95
Organismes privés
- investiture contractuelle, 284
- investiture légale ou réglementaire, 285 s.
Outre-mer
- contentieux, 639
- régions d'-, 213

P
Parallélisme des formes, 431
Paris, 215 s., 218 s., 228
- arrondissements, 223
- conseil de –, 218
- évolution de l'organisation, 215 s.
- maire de –, 218
- préfet de –, 218
Parlement, 565
Partenariat, 294
- contrat de, 462
Participation à l'exécution du SP, 466
Personnes morales, 62 s.
- privées, 65 s., 71
- publiques, 67 s., 72
- recours des –, 661
Personnes publiques, 67 s.
Pétition (droit de), 137
Plein contentieux, 646 s.
Pôle métropolitain, 271
Police administrative, 373 s.
- autorités de –, 378, 379
- caractère préventif, 374
- coercition, 378
- concours d'autorités, 380
- contrôle juridictionnel, 382
- définition, 373
- environnementale, 376
- extensions exceptionnelles, 354 s.
- générale, 376, 377
- légalité, 381
- et libertés, 378
- municipale, 379
- ordre public, 375
- personnels, 374
- et police judiciaire, distinction, 374
- préfet, 111
- procédés, 376
- règlement de, 377
- responsabilité, 511, 518
- rurale, 146
- et service public, 374
- spéciale, 376
Police judiciaire, 374, 549, 603
Politique contractuelle, 462
Pouvoir discrétionnaire, 433
Pouvoir exécutif, 75 s.
Pouvoir gouvernemental, 370
Pouvoir judiciaire, 6
Pouvoir législatif, 6
Pouvoir réglementaire, 91, 132, 345 s.
Préalable (privilège du), 446
Préambule de la Constitution, 310, 312
Préfet, 107 s.
- attributions, 111 s.
- corps préfectoral, 109
- origines, 107
- de police, 111, 217
- de région, 104
- services, 112
- sous-préfet, 113
- statut, 108 s.
Premier ministre, 75, 79 s.
- services rattachés, 86
Prérogatives de puissance publique, 4, 37
Président
- du conseil départemental, 193 s.
- du conseil régional, 209
Président de la République, 75 s.
Présomption de faute, 513
Preuves, 704
- de la faute, 512 s.
Prévention du contentieux, 619
Principe de confiance légitime, 342
Principe de légalité, 39 s., 308 s.
Principe de précaution, 310, 311
Principe de proportionnalité, 678
Principe de sécurité juridique, 342
Principe de spécialité, 70
Principe de subsidiarité, 136
Principe du contradictoire, 434
Principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, 312
Principes généraux du droit, 341 s.
- création, 342
- valeur juridique, 343
Prise à partie, 550
Privatisation, 253
Privilège du préalable, 446
Procédure administrative non contentieuse, 434
Procédure, juridiction administrative, 687 s., v. Recours pour excès de pouvoir
- amicus curiae, 703
- annulation différée, 711
- appel, 715
- audience, 705
- autorité de la chose jugée, 709
- caractère inquisitorial, 692.
- caractères généraux, 689
- constat d'urgence, 701
- décision préalable, 695 s.
- délais, 691, 699
- exécution des jugements, 710 s.
- formes, 699
- injonction, 708, 714
- instance, 699 s.
- instruction, 703 s.
- juge des référés, 702
- jugement, 706 s.
- opposition, 717
- pouvoir d'injonction, 708
- preuves, 704
- principe d'impartialité, 690
- principe du contradictoire, 689
- rapporteur public, 322, 626, 705
- recours en cassation, 716
- rectification d'erreurs matérielles, 717
- référé, 701 s.
- référé conservatoire, 702
- référé constat, 702
- référé liberté, 702
- référé-provision, 702
- référé suspension, 702
- référés spéciaux, 702
- règles générales de procédure, 687
- représentation des parties, 700
- révision, 717
- silence de l'administration, 697
- sources, 687
- sursis à exécution, 701
- tierce-opposition, 717
- validations législatives, 712
- voies de recours, 715 s.
Publication, 439
Puissance publique, 35, 37, 721
- sujétions de –, 38

Q
Qualification juridique des faits, 678
Question prioritaire de constitutionnalité, 352
Questions
- accessoires, 605
- préalables, 605
- préjudicielles, 605

R
Rachat, concession, 420
Rapport Balladur, 139
Rapporteur public, 705, v. Commissaires du gouvernement
Ratification
- ordonnances, 336
- traités, 315
Recours abusif (amende), 707
Recours administratif, 555, 620
Recours contentieux, 47 s., 643 s.
- classification, 645 s.
- définition, 643
- objectif, 650
- rapprochement des recours, 649
- et recours administratif, 555, 620, 643 s.
- subjectif, 650
Recours de pleine juridiction, 648
Recours en cassation, 716
Recours en rectification d'erreur matérielle, 717
Recours en révision, 717
Recours gracieux, 555
Recours hiérarchique, 555
Recours parallèle, 663 s.
Recours pour excès de pouvoir, 48 s., 651 s.
- actes détachables, 469
- action populaire, 660
- annulation, 683
- appel, 684
- appréciation de l'opportunité, 433
- caractères, 654
- cas d'ouverture, 665 s.
- cassation, 686
- conditions de recevabilité, 655 s.
- contrôle minimum, 667, 679
- décision faisant grief, 655
- définition, 654
- délais, 662
- détournement de pouvoir, 672
- détournement de procédure, 673
- erreur de droit, 675
- erreur manifeste d'appréciation, 679
- exception d'illégalité, 651
- formes, 662
- incompétence, 668 s.
- intérêt, 658 s.
- jugement, 681 s.
- juridiction compétente, 662
- légalité externe, 666
- légalité interne, 666
- mesures d'ordre intérieur, 426
- motifs, contrôle, 677, 680
- origines, 653
- préalable, 681
- principe de proportionnalité, 678
- procédure, 51, 681
- qualification, contrôle, 678
- recevabilité, 655 s.
- recours parallèle, 663 s.
- tierce-opposition, 685
- vice de forme, 670 s.
- violation de la loi, 675 s.
- voies de recours, 715 s.
Référé administratif, 701 s.
Référé précontractuel, 472
Référendum municipal, 137
Réforme de l'État, 115, 718
Régie, 408 s.
Régie intéressée, 410
Région, 200 s.
- attributions, 207
- conseil économique, social et environnemental régional, 208
- conseil régional, 205 s.
- coopération interrégionale, 279
- d'Outre-mer, 213
- évolution, 200 s.
- préfet de –, 104
- président du conseil régional, 209
- région Ile de France, 215 s., 219 s.
Règlement, 345 s., v. Pouvoir réglementaire
- autonome, 347
- d'administration publique, 347
- de juge, 634
- de l'Union européenne, 319
- et loi, 347
- de police, 378
Règles de droit, 9 s., 308 s.
- hiérarchie, 349 s.
Regroupement des collectivités locales, 264 s.
Régulation, 406
Résiliation des contrats, 487 s.
Responsabilité administrative, 490 s.
- acceptation des risques, 506
- accidents du travail, 517
- actes de gouvernement, 499
- actions récursoires, 497
- activité juridictionnelle, 549 s.
- activités dangereuses, 519
- activités de contrôle, 511
- administration fiscale, 511
- agents publics, responsabilité personnelle, 494, 541 s.
- aléa thérapeutique, 540
- amiante, 532
- attroupements, 525
- autonomie, 508
- autorité étrangère, 505
- cas fortuit, 506
- chose dangereuse, 518
- coauteurs, pluralité, 497, 505
- collaborateurs bénévoles, 517
- conventions internationales, 548
- cumul de fautes, 495
- cumul de responsabilité, 496
- décisions de justice, 521
- dommage, 500 s.
- dommage moral, 501
- dommages, date d'évaluation, 503
- dommages de guerre, 526
- égalité des citoyens devant les charges publiques, 516
- émeutes, 525
- enseignement public, 531
- environnementale, 376
- essais nucléaires, 534
- évolution, 491 s.
- exception d'illégitimité, 506
- exception de risque accepté, 506
- exercice tutelle, 511
- fait d'un tiers, 506
- faute de la victime, 506
- faute de service, 507 s.
- faute détachable, 543
- faute lourde, 510 s.
- faute pénale, 542
- faute personnelle, 541 s.
- force majeure, 506
- garantie du fonctionnaire, 493
- hospitalière, 510, 520
- imputabilité, 504 s.
- indemnisation, 503
- indemnité, cumul, 503
- infractions pénales, 529
- instituteurs, 531
- irresponsabilité, 491, 499
- lois, 547
- lutte contre l'incendie, 510
- médiator, 535
- personne responsable, 504 s.
- police, 511
- préparation militaire, 527
- présomption de faute, 513
- preuve de la faute, 512 s.
- procédures pénales, 533
- requis, 517
- responsabilité médicale, 510
- risque, 514
- risque professionnel, 517, 524
- rupture de l'égalité, 515
- sans faute, 514 s.
- service de secours, 510
- services de police, 511
- services du parlement, 546
- services fiscaux, 510
- services judiciaires, 549 s.
- services pénitentiaires, 510
- sida, 536 s.
- terrorisme, 530
- traités internationaux, 548
- vaccinations, 528
- vie préjudiciable, 502
Responsabilité disciplinaire, 557
Responsabilité pénale
- des maires, 177
- des personnes morales, 490
Retrait, actes administratifs, 454
Rétroactivité, 444
Révision, 717
Révision générale des politiques publiques, 115
Risque, responsabilité, 514, 516

S
Sanctions administratives, 451
Sanctions pénales, 449
Schéma départemental de la coopération intercommunale, 265
Science administrative, 14
Secret administratif, 443 s.
Secrétaire général
- du gouvernement, 85
- préfecture, 112
Section de commune, 155
Sécurité juridique, 342, 453
Séparation des autorités administrative et judiciaire, 23 s.
Séparation des fonctions, 622, 707
Séparation des pouvoirs, 567
Service d'intérêt économique général, 405
Service public, 384 s., v. Contrats administratifs
- administratif, 399
- affermage, 410
- classification, 384 s.
- concession, 410 s.
- continuité, 402
- création, 394
- critère de compétence, 33, 590 s.
- définition, 384 s.
- délégation de SP, 407
- école du –, 33
- égalité devant le –, 404
- et entreprise d'économie mixte, 301
- et entreprise publique, 302
- et établissement public, 238
- exécution même du –, 466
- gestion, 396, 407 s.
- gestion privée, 9, 461
- gratuité, 390
- industriel et commercial, 400
- et intérêt général, 389
- mission de –, 384
- modifications au régime du –, 403
- monopole, 392
- organismes privés gérant un, 284 s.
- et police, 373
- rattachement à une personne publique, 393
- régie, 408
- régie intéressée, 410
- régime juridique, 397 s.
- et Union européenne, 405 s.
Services
- des assemblées parlementaires, 429
- d'État, coordination, 100 s.
- déconcentrés, 103
- des ministres, 92 s.
- municipaux, 168
- préfet de région, 105
- Présidence de la République, 78
- rattachés au Premier ministre, 86
- sociaux, 592
Sida post-transfusionnel, 536 s.
Silence de l'administration, 435
Situations de droit privé, 429, 465
Socialisme municipal, 166
Société publique locale, 167
Sociétés d'économie mixte, 297 s.
Sociétés nationales, 296
Sources du droit, 309
Sous-préfet, 113
Spécialité de l'établissement public, 235
Subsidiarité, 136
Substitution de motifs, 676, 680
Subventions, 165, 166
Sujétions de puissance publique, 38
Sursis à exécution, 701
Suspension (référé), 702
Syndicats, 66
- de communes, 266

T
Tierce opposition, 717
Tour de l'extérieur, 109, 626
Traités internationaux, 314 s., v. Union européenne
- autorité supérieure à la loi, 353
- conformité à la constitution, 350
- contrôle de la régularité de la ratification, 315
- interprétation, 316
- réciprocité, 317
Transaction, 621
Tribunal administratif, 639 s.
- compétence, 641
- organisation, 639
- personnel, 640
Tribunal des conflits, 26, 568 s., v. Conflits
- compétences, 571 s.
- composition, 569
- fonctionnement, 570
Tutelle, 58 s., v. Établissement public
- procédés, 61
- recours, 61
- responsabilité, 511

U
Union européenne, 318 s
- conformité à la constitution, 350
- directives, 319
- droit dérivé, 319
- interprétation des règles communautaires, 320
- règlements, 319
- sanction des violations, 321
- et SP, 406 s.
Urgence, 360, 450
- état d'–, 358
Usagers des SP, 404, 415

V
Validation législative, 712
Véhicules administratifs, responsabilité, 587
Vice de forme, 670 s.
Violation de la loi, 675 s.
Visas, 706
Vœux, 425
Voie de fait, 609 s.
Voies d'exécution, entreprise publique, 261
Voies de recours, 715 s.

Z
Zones franches, 151
1. Cet ouvrage est à jour au 30 juin 2016.
10. Spiliotopoulos, La distinction des institutions publiques et des institutions privées en droit français, Thèse, 1959.
100. M. Molinier-Dubost, AJDA 2008. 841.
1000. Sur la notion d'aggravation du préjudice : CE 22 avr. 2013, Mme B., AJDA 2013. 889 ; CAA Marseille, 14 mai 2012, M. D., AJDA 2012. 1509,
note Lopa Dufrenot.
1001. Morange, Chronique, D. 1951. 61.
1002. X. Pottier, « Le chiffrage des conclusions pécuniaires : simple exigence de forme ou obligation constitutive de la demande ? », RFDA 2010.
116 ; CE 12 janv. 2011, M. Keijou, AJDA 2011. 1573, note J. Berthoud.
1003. F. P. Bénoit, « Forfait de la pension et droit commun de la responsabilité administrative », JCP 1956, I, no 1290.
1004. X. Prétot, « Règle du forfait de la pension : remise en cause ou remise en ordre ? », RD publ. 2003. 1237.
1005. V. la chronique « Dommage corporel » au D. 2015. 2283.
1006. Sur la nomenclature Dintilhac, v. : la chronique « responsabilité civile » au D. 2014. 365 ; la chronique « Dommage corporel » au D. 2015.
124 ; J. Knetsch : « La désintégration du préjudice moral », D. 2015. 443.
1007. . V. F.G. Trébulle : « La responsabilité environnementale dix ans après l'entrée en vigueur de la Charte », AJDA 2015. 503.
1008. . V. O. Fuchs : « La loi du 1er août 2008. Le régime de prévention et de réparation des atteintes environnementales issu de la loi », AJDA 2008.
2109 ; C. Huglo : « Observations critiques sur la loi du 1er août 2008 ».
1009. . L. Neyret : « La réparation des atteintes à l'environnement par le juge judiciaire », D. 2008. 170 ; Ch. Huglo : « L'inéluctable prise en charge
du dommage écologique par le juge administratif », AJDA 2013. 667 ; J.M. Pontier : « La responsabilité du fait des risques naturels prévisibles », AJDA
2012. 1335.
101. V. AJDA 2006. 1245.
1010. J. Moreau, « Dommages-intérêts compensatoires, intérêts moratoires et intérêts des intérêts en contentieux administratif », JCP A 2010, no 22,
p. 24.
1011. A. Vialle, « Lien de causalité et dommage direct dans la responsabilité administrative », RD publ. 1974. 1243.
1012. P. Amselek, « La détermination des personnes publiques responsables », Études de droit public, 1964, p. 289.
1013. I. Doumbia, « Les causes exonératoires de responsabilité de l'Administration dans la jurisprudence du CE », RRJ 2003. 343.
1014. F. Lemaire, « La force majeure : un évènement irrésistible », RD publ. 1999. 1723.
1015. À noter que la Cour de cassation a supprimé la condition d'extériorité : Cass., Ass. plén., 14 avr. 2006, AJDA 2007. 1320.
1016. F. P. Benoit, « Le cas fortuit dans la jurisprudence administrative », JCP 1956, no 1328 ; Ph. Segur, « Cas de force majeure et cas fortuit », RD
publ. 1993. 1385.
1017. Moreau, L'influence du comportement de la victime sur la responsabilité administrative, thèse, Rennes, 1956 ; F. Colin, « La faute
d'imprudence de la victime en DA », RRJ 2009, no 126, p. 443.
1018. Mariani-Benigni, « L'exception de risque accepté dans le contentieux administratif de la responsabilité », RD publ. 1997. 841.
1019. Pour le problème de l'indemnisation des personnes victimes de cette abomination que fut la déportation, v. la note v. ss 598.
102. A. Haquet, « Le pouvoir réglementaire des AAI ; réflexions sur son objet et sa légitimité », RD publ. 2008. 393 ; pour le contrôle juridictionnel
de ce pouvoir réglementaire : CE 17 nov. 2010, Société Arthus Consulting, AJDA 2011, concl. Vialettes.
1020. Richer, La faute du service public dans la jurisprudence du Conseil d'État, 1978 ; Paillet, La faute du service public en droit administratif,
1980 ; J.-L. de Corail, « La faute du service public considérée dans ses rapports avec les notions d'obligation et d'activité », Mélanges Jeanneau, p. 453 ;
M. H. Frayssinet, « Réflexions sur la question de la faute dans la responsabilité de l'État puissance publique », RRJ 2003. 343 ; B. Delaunay, « La faute de
l'Administration », Bibl. dr. publ. no 252, Préface Y. Gaudemet.
1021. Delvolvé, « La responsabilité du fait d'autrui en droit administratif », Mélanges Marty, 1978, p. 407.
1022. Delbez, « De l'excès de pouvoir comme source de responsabilité », RD publ. 1932. 183.
1023. Mestre, « Faute administrative et faute pénale », D. 1935, chron. 57.
1024. M. F. Delhoste, « Les risques liés à l'amiante : une gestion étatique insuffisante », RD publ. 2004. 1431 ; pour la preuve de l'imputabilité d'une
affection à l'amiante : CE 29 avr. 2013 Mme Le Goascoz, p. 111.
1025. V. Dimitri Löhrer, « La responsabilité pour faute relative à vigilance et aux aléas météorologiques : un premier bulletin », RFDA 2014. 305.
1026. J. F. Couzinet, « La notion de faute lourde administrative », RD publ. 1977. 283 ; G. Chavrier, « Essai de justification et de conceptualisation de
la faute lourde », AJDA 2003. 1026 ; M. Sousse, « La notion de faute caractérisée », RD publ. 2004. 1377.
1027. Sur l'évolution du droit en la matière, voir le rapport public du CE Réflexions du CE sur le droit de la santé, EDCE 1998. 241 ; Benoit, « La
responsabilité des services hospitaliers et d'assistance », D. 1951. Chron. 49 ; A. Toutblanc, « De la prétendue disparition de la faute lourde en matière de
responsabilité médicale », AJDA 2004. 1283 ; Ch. Maugüé et J. Ph. Thiellay, La responsabilité du service public hospitalier, LGDJ, 2010, 204 p. ;
H. Belrhali-Bernard, « Responsabilité hospitalière. Quelques développements récents », AJDA 2012. 1665 ; Dossier : « Actualité de la responsabilité
hospitalière », AJDA 2016. 352.
1028. X. Barella, « Le droit à l'information en matière médicale », AJDA 2012. 1991.
1029. X. Prétot, « La responsabilité des services d'incendie et de secours », RD publ. 1998. 1001.
103. P. Delvolvé, Le pouvoir de sanction et le contrôle du juge, LPA 2001. no 185. 18 ; J. Pralus-Dupuy, Réflexions sur le pouvoir de sanction
disciplinaire reconnu à certaines autorités administratives indépendantes, RFDA 2003. 554 ; F. Brenet, « Le pouvoir de sanction des AAI », RFDA 2013.
113 ; Pour des exemples de contrôle juridictionnel des sanctions : CE 31 janvier 2007, Cie Corsair International SA, RFDA, 2007.757, concl. I. de Silva
et RD publ. 2008.608, chron. Guettier ; CE, Sect., 30 novembre 2007, M. Tinez, RFDA 2008.521, concl. Olléon ; CE 30 déc. 2010, M. Thiriet, RFDA
2011. 205 ; CE 22 mai 2012, M. Mari, RFDA 2012. 802 ; CE 24 juin 2013, Sté Colruyt France, Rec. 180 ; M. Lombard, « Que reste-t-il du pouvoir de
sanction de l'ARCEP ? », CE 4 juill. 2012, Assoc. Frse. des opérateurs de réseau, AJDA 2012. 17.
1030. I. de Silva, « La rénovation du régime de responsabilité de l'État du fait des services pénitentiaires », AJDA 2009. 416 ; I. Fouchard, « Décès
violents des détenus en prison. Les évolutions récentes de la responsabilité de l'État », AJDA 2011. 142.
1031. Sur cette évolution v. la note de P. Bon, à la RFDA 2000. 1096.
1032. Benoit, La responsabilité de la puissance publique du fait de la police administrative, thèse, Paris, 1946 ; E. Pisier-Kouchner, La responsabilité
de la police, 1972 ; G. Eveillard, « Existe-t-il encore une responsabilité administrative pour faute lourde en matière de police administrative ? », RFDA
2006. 733.
1033. P. Sandevoir, « La responsabilité des communes dans l'organisation et l'exploitation des pistes de ski », Mélanges Moreau, p. 391.
1034. Sur la difficulté qu'il peut y avoir à distinguer la faute lourde de la faute simple, v. les observations du Conseiller de La Taille sous CAA
Bordeaux, 27 mai 2014, AJDA 2014. 1553.
1035. E. Dubout, « Faut-il tuer les catégories de fautes en DA ? » RD publ. 2009. 1341 ; M. Canedo-Paris, « Responsabilité pour faute ou
responsabilité sans faute : est-ce là vraiment la question ? », AJDA 2009. 1457.
1036. Y. Gaudemet, « La responsabilité de l'administration du fait de ses activités de contrôle », Mélanges Jean Waline, p. 561.
1037. Benoit, « La responsabilité de la puissance publique du fait de la tutelle administrative », RFDA 1955. Chron. 178.
1038. F. Dieu, « Le pouvoir de substitution d'action du Préfet en matière de police administrative n'engage que rarement la responsabilité de l'État »,
Dr. Adm. 2008, no 1, p. 23.
1039. B. Defoort, « Incertitude scientifique et causalité : la preuve par présomption », RFDA 2008. 549.
104. D. Costa, « L'autorité des marchés financiers : juridiction ?, quasi-juridiction ?, pseudo-juridiction ? », RFDA 2005. 1174 ; v. Une
juridictionnalisation rampante mais incomplète : Cons. const. 12 oct. 2012, QPC Sté Groupe Canal +, RFDA 2013. 144.
1040. F. Llorens-Fraysse, La présomption de faute dans le contentieux administratif de la responsabilité, 1985 ; J. Moreau, « Les présomptions de
faute en droit administratif de la responsabilité (Comètes ou nébuleuses ?) », Mélanges Jean Waline, p. 685.
1041. Benham, La responsabilité sans faute en droit public et en droit privé ?, thèse, Paris, 1953 ; A. de Laubadère, « Le problème de la
responsabilité du fait des choses en droit administratif », EDCE, no 13, p. 29 ; P. Amselek, « La responsabilité sans faute des personnes publiques d'après
la jurisprudence administrative », Mélanges Eisenmann, 1975, p. 233.
1042. Cotteret, La notion de risque, Études de droit public, 1964, p. 377 ; « Dossier Responsabilité et socialisation du risque », AJDA 2005. 211 s. ;
M. Franc, « Traitement du risque et principe de précaution », AJDA 2003. 360 ; C. Broyelle, « Le risque en droit administratif “classique” », RD publ.
2008. 1513.
1043. C'est ce qu'affirment des auteurs fort avertis des réalités du contentieux administratif lorsqu'ils écrivent à propos de la responsabilité sans faute :
« La notion de risque ne recouvre que l'une des hypothèses, et non la plus importante de responsabilité sans faute des personnes publiques. Le fondement
de la responsabilité en droit public réside à notre sens dans l'anormalité de l'atteinte à l'égalité devant les charges publiques », Rougevin-Baville, Denoix
de Saint-Marc, Labetoulle, Leçons de droit administratif, p. 343 ; v. également : Puisoye, « Le principe d'égalité devant les charges publiques comme
fondement direct de la responsabilité », AJDA 1964. 140 ; Delvolvé, Le principe d'égalité devant les charges publiques, 1969 ; T. Debard, « L'égalité des
citoyens devant les charges publiques, fondement incertain de la responsabilité administrative », D. 1987. Chron. 157 ; B. Canguimlhem : Recherche sur
les fondements de la responsabilité sans faute en droit administratif, RFDA 2014. 192.
1044. P. Fombeur, « Les évolutions jurisprudentielles de la responsabilité sans faute », AJDA no spécial, juillet-août 1999, p. 100.
1045. P. Bon, « La réparation des dommages subis par les agents publics : vers un retour aux principes de la jurisprudence Cames », note sous CE
27 juill. 1990, RFDA 1991. 141.
1046. Cheramy, « La réparation des dommages subis par les collaborateurs occasionnels du service public », EDCE, 1965-66. 25 ; C. Deffigier,
« L'arrêt Commune de St Priest-la-Plaine 60 ans après », Mélanges Lachaume, p. 353 ; J. Waline, « Collaborateurs bénévoles et collaborateurs
occasionnels du service public », La Semaine Juridique, Administrations et collectivités territoriales, 19 nov. 2012, no 2370.
1047. Roche, « Les communes victimes des sauveteurs bénévoles », D. 71. Chron. 257.
1048. M. Sfez, La notion de chose dangereuse dans la jurisprudence du Conseil d'État, thèse, Paris, 1956.
1049. P. Bon, « La responsabilité des services publics utilisant des méthodes libérales », RFDA 1984, no 0, p. 141 ; E. Matutanos, Fondements de la
responsabilité sans faute de l'Administration consécutive aux méthodes libérales de rééducation des mineurs, D. 2009. 2698 ; N. Poulet-Gibot Leclerc,
« La garde des mineurs et la responsabilité administrative personnelle », RD publ. 2012. 67 ; P. Bon, « Où en est la responsabilité de plein droit de
l'administration du fait des personnes placées sous sa garde ? », RFDA 2013. 127.
105. J. L. Autin, « Le contrôle des autorités administratives indépendantes par le Conseil d'État », RD publ. 1991. 1533 ; M. Collet, Le contrôle
juridictionnel des actes des autorités administratives indépendantes, LGDJ, 2003, 392 p. ; C. Chauvet, « La personnalité contentieuse des AAI », RD
publ. 2007. 379.
1050. La jurisprudence « Thouzellier » ne s'applique pas aux usagers du service public : CE 17 déc. 2010, Garde des Sceaux, AJDA 2011. 1696, note
D. Pollet-Panoussis.
1051. L'arrêt a également le grand avantage d'aligner la jurisprudence administrative sur celle du juge judiciaire qui soumet la responsabilité des
institutions privées recevant des mineurs placés dans le cadre de l'assistance éducative à un système de responsabilité de plein droit.
1052. D. Meillon, « Un nouveau fondement pour la responsabilité sans faute des personnes publiques : la garde d'autrui », RD publ. 2006. 1221 ;
G. Lebreton, « Mise en garde contre l'irruption de la garde dans le droit de la responsabilité administrative », D. 2007. 2819 ; J.-C. Barbaro, « Le
renouveau de la garde des personnes en droit administratif », RFDA 2007. 780.
1053. L. Dubouis, « La distinction Droit public – Droit privé à l'épreuve de l'évolution de la responsabilité médicale », Mélanges Jean Waline, p. 195.
1054. F. Thiriez, « La jurisprudence Bianchi, symbole ou réalité », Dr. adm. 2001, no 1, p. 9 ; F. Langrognet, « L'errance diagnostique du juge
administratif : l'anormalité au sens de l'art. L. 1142-1 du Code de la santé publique », RFDA 2012. 319.
1055. R. Vandermeeren, « Un contentieux en pleine mutation : le refus de concours de la force publique devant le juge administratif », Mélanges
Genevois, p. 1063.
1056. B. Seiller, « L'actualité de l'arrêt Couitéas », RFDA 2013. 1012.
1057. Brechon-Moulènes, Les régimes législatifs de responsabilité publique, 1974.
1058. G. Vedel, JCP 1951, I, no 923 ; J. Cl. Maestre, « Nouveaux aspects de la responsabilité des communes du fait des dommages causés par les
attroupements », AJDA 1976. 486 ; F. Moderne, « Les nouvelles règles de compétence en matière de dommages causés par les attroupements », D. 1987,
chron. 110 ; Y. Gaudemet, « Le nouveau droit de la responsabilité du fait des attroupements », RD publ. 1984. 127 ; L. Garrido, « Actualité de la
responsabilité de l'État du fait des attroupements et rassemblements », JCP A 2006, no 1003.
1059. V. « L'État doit-il payer la facture des violences urbaines ? », AJDA 2005. 2372 ; N. Albert, « La responsabilité de l'État du fait des “émeutes”
en question », AJDA 2006. 739.
106. Pour l'Agence française de lutte contre le dopage, v. CE 18 déc. 2013, Mme Longo-Ciprelli, AJDA 2014. 9.
1060. V. le commentaire de J. Cl. Maestre, au D. 1977. Chron. 145.
1061. Favard et Guth, « La quatrième réforme du droit à indemnité des victimes d'infractions », JCP 1990, no 3466.
1062. L'indemnisation des victimes d'infractions pénales a fait l'objet d'une Convention du Conseil de l'Europe du 24 novembre 1983 (publiée par le
décret du 29 mai 1990).
1063. M. Guenaire, « Le régime juridique de la responsabilité du fait des actes de violence », AJDA 1987. 227.
1064. Aux termes de l'article 18 de la loi du 30 juillet 2003 « relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des
dommages », le Fonds prend également en charge les dommages immobiliers causés par une catastrophe technologique, qui ne sont pas assurés, dans la
limite d'un plafond.
1065. Waline, D. 1938, IV, p. 41 ; J. Fialaire, « Le contentieux de la responsabilité dans le domaine de l'enseignement », JCP 2000. I. 204 et
« responsabilité en matière d'enseignement et sorties éducatives », AJDA 2000. 977 ; M. Hunter-Henin, « La responsabilité des instituteurs, un îlot de
subjectivité au sein de la responsabilité du fait d'autrui. (note sous Cass., 2e civ., 13 déc. 2001) », D. 2002. 1517 ; A. Catherine, « Pour une réforme du
contentieux des accidents scolaires », AJDA 2012. 983.
1066. En 2010, il avait reçu 386 millions d'euros.
1067. En juillet 2004 le Fonds avait versé 270 millions d'euros à 6 240 victimes, sur près de 15 000 demandes présentées. Un rapport de la Cour des
comptes (14 février 2005) indique que l'indemnisation totale des conséquences de l'utilisation de l'amiante s'élevait à 1,4 milliard d'euros en 2004. De
juin 2006 à mai 2007 le Fonds a reçu 22 681 demandes.
1068. Les Cours d'appel ont indemnisé 547 personnes (sur 644 demandes) pour un total de 8,2 millions d'euros en 2006.
1069. J.-M. Pontier, « L'indemnisation des victimes d'essais nucléaires français », AJDA 2010. 676 ; I. Poirot-Mazères, « La loi du 5 janvier 2010 »,
RDSS 2010. 662 ; H. Arbousset, « L'indemnisation des victimes d'accidents nucléaires », Dr. Adm. 2010, no 7, p. 13 ; M. Léger, « L'indemnisation des
victimes des essais nucléaires français », in « Droit nucléaire », PU Aix-Marseille, p. 105.
107. V. AJDA 2010. 2081.
1070. Au 24 juin 2013, 840 demandes d'indemnisation avaient été présentées et seules onze avaient donné lieu à indemnisation (v. AJDA 2013. 1833).
1071. J.M. Pontier, « Le fonds Mediator », AJDA 2011. 2005.
1072. M. Massenet, La transmission administrative du SIDA, Albin Michel, 1992 ; Dubouy, « La responsabilité de l'Administration du fait de la
contamination par le virus du SIDA », JCP 1993, no 3646 ; de Forges, « Sida, responsabilité et indemnisation », RD sanit soc. 1992. 555 ; Pontier, « Sida,
de la responsabilité à la garantie sociale », RFDA 1992. 533.
1073. « Vers un régime unique des contentieux post-transfusionnels », AJDA 2004. 565.
1074. En ce qui concerne le respect, en la matière, de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, v. CEDH 4 déc. 1995, Bellet c/
France, D. 1997. 357, note Collin-Demumieux.
1075. J.P. Gilli, « La responsabilité d'équité de la puissance publique », D. 1971. Chron. 125.
1076. Cf. Rapport Évin, Les droits de la personne malade, Conseil économique et social, séance des 11 et 12 juin 1996, p. 147 ; v. également le
rapport du Conseil d'État, EDCE 1998, no 49, p. 241.
1077. D. Philipp, « De la responsabilité à la solidarité des personnes publiques », RD publ. 1999. 593.
1078. Ch. Larroumet, « L'indemnisation de l'aléa thérapeutique », D. 1999. Chron. 33 ; D. Mazeaud, « L'indemnisation de l'aléa thérapeutique »,
D. 2001. 1550 ; J.M. Pontier, « Solidarité nationale et indemnisation », RD publ. 2013. 1099.
1079. Rapport Evin : Les droits de la personne malade, Conseil économique et social, Séance des 11 et 12 juin 1996, p. 147.
108. « Les agences : une nouvelle gestion publique ? », Rapport du CE 2012 ; Interview de Jacky Richard, AJDA 2012. 1660.
1080. Réflexions du Conseil d'État sur le droit de la Santé, Rapport public, EDCE 1998, no 49, p. 262 s. en ce qui concerne l'aléa thérapeutique.
1081. Sur la notion de « dommage anormal », v. J. Mahmouti : « L'anormalité des conséquences d'un acte médical », RFDA 2015. 565 ; sur
l'appréciation de ce critère par le Conseil d'État, v. 12 déc. 2014, ONIAM, AJDA 2015. 769, note Lantero ; 29 avr. 2015, M. T., AJDA 2015. 901, obs.
J.M. Pastor ; Chr. jp in D. 2016. 41.
1082. Sur le caractère de gravité, V. chron. JP, D. 2011. 2572.
1083. Il s'agit du décret 2003-314 du 4 avr. 2003.
1084. D. Duval-Arnould, « Les infections nosocomiales, point sur la jurisprudence », D. 2007. 1675 ; Pour le régime d'indemnisation : CE 13 juill.
2007, Office national d'indemnisation des accidents médicaux, AJDA 2007. 1440 ; Ch. Alonso, « La responsabilité du fait des infections nosocomiales :
état des lieux d'un régime en devenir », RFDA 2011. 329.
1085. L. Helminger, « Les commissions régionales de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux : ni excès d'honneur, ni indignité »,
AJDA 2005. 1875 ; V. égal. : D. 2006. 695 et 705.
1086. Exemples d'indemnisation : CE 30 mars 2011, Mme M., Rec. 145 ; CE 30 mars 2011, ONIAM, Rec. 148 ; CE 10 oct. 2011, CHU d'Angers,
Rec. 458. L'infection doit être nouvelle et une infection déclarée à l'hôpital n'est pas nécessairement contractée à l'hôpital (CE 21 juin 2013, Centre
hospitalier de Puy-en-Velay, AJDA 2013. 2171, note C. Lantero). Le juge n'est pas lié par la transaction conclue entre l'ONIAM et la victime : CE 25 juill.
2013, ONIAM, AJDA 2013. 1600.
1087. Sur le préjudice d'anxiété, v. chr. jp in D. 2016. 35.
1088. Sur la procédure d'indemnisation, CE, avis, 17 sept. 2012, ONIAM, Rec. 333.
1089. v. AJDA 2012. 1256 et 2013. 950.
109. J.-M. Sauvé, Le Conseil des ministres, Mélanges Gicquel, p. 497.
1090. M. P. Chanlair, « Pour une pleine application de la protection des agents publics en cas de poursuites pénales », AJDA 2002. 781 ;
K. Grabarczyk, « La protection fonctionnelle des agents publics : certitudes et aleas », AJDA 2008. 1472. ; La protection fonctionnelle du fonctionnaire
constitue un principe général du droit : CE, Sect., 8 juin 2011, F., Rec. 270, concl. Collin ; le décret 2014-920 du 19 août 2014 concerne la protection
fonctionnelle accordée aux militaires et à leurs ayants droit.
1091. P. Cot, La responsabilité civile des fonctionnaires publics, thèse, Paris, 1922 ; J. Cl. Maestre, La responsabilité pécuniaire des agents publics,
1962 ; Douc-Rasy, Les frontières de la faute personnelle et la faute de service, 1963 ; D. Bordier, « La faute personnelle, l'agent public et les finances
publiques », AJDA 2008. 2319.
1092. A. Mestre, « Faute administrative et faute pénale », D. 1935. Chron. 57 ; Couzinet, « L'infraction pénale de l'agent public », Mélanges Magnol,
p. 115 ; J. Cl. Maestre, JCP 1961, I, no 1612.
1093. Duguit, Coexistence des actions en responsabilité, RD publ. 1923. 23 ; Long, La responsabilité de l'administration pour les fautes personnelles
commises par ses agents, EDCE, no 7, p. 20.
1094. La faute personnelle peut justifier que l'Administration n'accorde pas à l'agent la protection prévue par l'article 27 de la loi du 18 janvier 1991,
aux agents faisant l'objet de poursuites pénales : CE 28 déc. 2001, M. Valette, RFDA 2002. 195 ; CE 30 janv. 2008, M. V., AJDA 2008. 774.
1095. L'article 136 C. pr. pén. interdit d'élever le conflit lorsqu'il y a atteinte à une liberté individuelle. Cette disposition est interprétée de manière
singulièrement restrictive. Cf. P. Amselek, « Les vicissitudes de la compétence juridictionnelle en matière d'atteintes à la liberté individuelle », RD publ.
1965. 801.
1096. G. Vedel, « L'obligation de l'Administration de couvrir les agents publics des condamnations civiles pour fautes de service », Mélanges
Savatier, 1965, p. 921.
1097. J. Kahn, « L'évolution de la jurisprudence relative à la responsabilité du fait des lois », EDCE, no 16, p. 63 ; Morange, « L'irresponsabilité de
l'État législateur », D. 1962, chron. 163 ; P. Senkovic, L'évolution de la responsabilité de l'État législateur sous l'influence du droit communautaire,
Bruylant, 2000, 490 p. ; C. Broyelle, La responsabilité du fait des lois, LGDJ, 2003, 447 p., préf. Y. Gaudemet ; B. Pacteau, « La responsabilité juridique
du fait des lois. La sortie du tunnel ? », Mélanges Morand-Deviller ; C. Maugüé, « La responsabilité de l'État du fait des lois en cas de préjudice subi par
un opérateur économique », AJDA 2014. 118 ; P. Wachsmann : « But d'intérêt général visé, exigence de proportionnalité et responsabilité de l'État du fait
des lois », Mélanges Truchet, p. 679.
1098. J.F. Oum Oum, « Le fait illicite non fautif, fondement de la responsabilité de l'État du fait des lois inconventionnelles », RFDA 2013. 627.
1099. .v. Chr. de jurisprudence in RFDA 2015. 159.
11. D. Truchet, « Le droit administratif vu par un Professeur de Droit », AJDA 2013. 404 ; J.B. Auby, « Le droit administratif français vu du droit
comparé », AJDA 2013. 407.
110. Dossier « La réforme de l'administration territoriale », AJDA 2010. 809 et 819 s. ; N. Kada et I. Muller-Quoy, « Réforme de l'administration
territoriale de l'État : les ratés de la RéATE », AJDA 2011. 765 ; P. Gérard : « Premier point sur la réforme de l'État territorial », AJDA 2015. 432.
1100. M. Disant, « La responsabilité de l'État du fait de la loi inconstitutionnelle », RFDA 2011. 1181.
1101. . G. Alberton : « Le législateur peut-il rester irresponsable ? », AJDA 2014. 2350.
1102. C. Cerda-Guzman, « De la distinction entre responsabilité de l'État du fait des conventions internationales et responsabilité du fait des lois »,
RFDA 2012. 38.
1103. Ardant, La responsabilité de l‘État du fait de la fonction juridictionnelle, thèse, Paris, 1954 : « La responsabilité de l'État du fait de la justice
judiciaire », note J.-M. Auby, RD publ. 1990. 1859 ; F. Sarda, Les responsabilités des juridictions, coll. « Que sais-je ? », PUF, no 3503 ; O. Renard-
Payen et Y. Robineau, « La responsabilité de l'État pour faute du fait du fonctionnement défectueux du service public de la justice judiciaire et
administrative », Rapport de la Cour de cassation, 2002 ; J. Courtial, « La responsabilité du fait de l'activité des juridictions de l'ordre administratif : un
droit sous influence européenne ? », AJDA 2004. 423 ; J.-C. Magendie, « La responsabilité des magistrats », D. 2003. 1177.
1104. Montané de la Roque, « Essai sur la responsabilité du juge administratif », RD publ. 1952. 609.
1105. M. Lombard, « La responsabilité du fait de la fonction juridictionnelle et la loi du 5 juillet 1972 », RD publ. 1975. 585 ; « La responsabilité du
fait du service de la Justice trente ans après la loi du 5 juillet 1972 », Mélanges Jean Waline, p. 657 ; B. Schall, « La responsabilité de l'État du fait du
fonctionnement défectueux des services de la Justice » (note sous : Civ. 1re, 9 mars 1999), LPA 2000 no 123, p. 11.
1106. Le TGI de Nice a assimilé la lenteur d'un procès à un déni de justice : 17 sept. 2001, Viane/Agent Judiciaire du Trésor, D. 2002 IR. 543.
1107. R. Goma, « De la responsabilité de l'État pour inobservation du délai raisonnable par la justice », AJDA 2013. 564.
1108. J. Cl. Magendie, « La responsabilité des magistrats : contribution à une réflexion apaisée », D. 2005. 2414 ; J. Pradel, « La responsabilité
personnelle du juge pénal. Faut-il vraiment changer l'état du droit ? », D. 2005. 1953.
1109. Depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 un justiciable peut saisir le Conseil Supérieur de la Magistrature d'une plainte contre un
magistrat (Const., art. 65).
111. J. B. Albertini, La déconcentration : l'administration territoriale dans la réforme de l'État, Economica, 1998, 238 p. ; Conseil d'État, Rapport
1969-1970, La déconcentration administrative ; F. de Baecque, « Pour une politique cohérente de déconcentration », RFSP 1967. 5 ; A. Homont, La
déconcentration des services publics, 1948 ; A. G. Delion, « Réforme administrative : déconcentration et unité d'action », AJDA 1963. 4 ; et la biblio.
citée au no 54 ; P. Combeau, « Les nouveaux visages territoriaux de la déconcentration », RFDA 2010. 1011.
1110. J. Courtial, « La responsabilité du fait de l'activité des juridictions de l'ordre administratif : un droit sous influence européenne ? », AJDA 2004.
423.
1111. J. Andriantsimbazovina, « Délai raisonnable du procès, recours effectif, ou déni de justice ? De l'arrêt Kudla, de la CEDH, à l'arrêt Magiera du
CE. Le trésor et la perle ou le filet ? », RFDA 2003. 85.
1112. Jean Waline, « L'évolution du contrôle de l'Administration depuis un siècle », RD publ. 1984. 1327.
1113. Notre système repose, implicitement mais nécessairement, sur le principe que l'Administration est de bonne foi : v. Martine Lombard,
Recherches sur le rôle de la bonne et de la mauvaise foi en droit administratif français, thèse, Strasbourg, 1978.
1114. S. Mescheriakoff, Recherches sur le contrôle non juridictionnel de l'administration française, thèse, Strasbourg, 1973.
1115. J.-Cl. Groshens et G. Knaub, « À propos de la rénovation de l'évaluation », Mélanges G. Timsit, p. 345 ; des mêmes auteurs : « Évaluatiomania
et évaluation », Mélanges Hertzog, p. 263.
1116. J.-M. Auby, « Les recours administratifs », AJDA 1955. 117 ; « Les recours administratifs préalables », AJDA 1997. 10 ; J.-P. Brisson, Les
recours administratifs en droit public, LGDJ, 1996 ; Les modes alternatifs de règlement des litiges, Dossier AJDA 1997. 3. ; F. Colin, « De l'indulgence
en droit administratif », AJDA 2012. 794.
1117. J.-Cl. Groshens, « Le pouvoir des supérieurs hiérarchiques sur les actes de leurs subordonnés », AJDA 1966. 140 ; J. Rivero, « Remarques à
propos du pouvoir hiérarchique », AJDA 1966. 154.
1118. En ce cas la procédure est régie par le CRPA, art. L.412-1 s.
1119. V. AJDA 2012. 972, obs. de Montecler et la circulaire du Ministre de la Réforme de l'État (AJDA 2012. 1929).
112. V. D. 2015. 1102 ; AJDA 2015. 956.
1120. B. Stirn, « Le mouvement de réforme de la justice administrative », AJDA 2012. 1193.
1121. P. Milloz, Les inspections générales ministérielles dans l'administration française, Economica, 1983 ; Le contrôle de l'administration par elle-
même, Éd. du CNRS, 1983 ; J. L. Moreau, « La fonction d'inspection générale dans les administrations. Réflexions », AJDA 1985. 387 ; P. Lalumière,
L'inspection générale des finances, PUF, 1959 ; P. Gérard, « L'inspecteur d'académie », AJDA 1996. 836.
1122. J. C. Zarka, « Le Défenseur des droits, D. 2011. 1027 ; O. Dord, « Le défenseur des droits ou la garantie rationalisée des droits et libertés »,
AJDA 2011. 958 ; F. Aumond, « Le Défenseur des droits : une peinture en clair obscur », RFDA 2011. 913.
1123. A. Legrand, « Médiateur ou ombudsman ? », AJDA 1973. 329 ; B. Delaunay, Le Médiateur de la République, PUF, coll. « Que sais-je ? ».
1124. Déclarée conforme à la Constitution, avec trois réserves : Cons. const. no 2011-626 DC du 29 mars 2011, RFDA 2011. 611.
1125. Le décret du 23 juin 2011 avait nommé M. Dominique Baudis, Défenseur des droits ; à sa disparition, malheureusement prématurée, c'est
Jacques Toubon qui a été nommé pour le remplacer.
1126. Sur tous ces points, v. Décis. 31 déc. 2013 portant Règlement intérieur du Défenseur des Droits, JO 27 mars 2014.
1127. V. l'analyse du Rapport d'activité 2013 in AJDA 2014. 1518 ; 2014 in AJDA 2015. 136 ; 2015 in AJDA 2016. 2435.
1128. P. Baratier, « Le contentieux administratif en Grande-Bretagne », RD publ. 1959. 67 ; J. Bell, « L'organisation du contentieux administratif en
Grande-Bretagne », EDCE 1987, no 38, p. 215 ; P. Gérard, « Les tribunaux administratifs britanniques », AJDA 1991. 3.
1129. V. par ex. : O. Renard-Payen, L'expérience marocaine d'unité de juridiction et de séparation des contentieux, LGDJ, 1964, 322 p. ; G. Pellissier,
« Aperçus sur le contentieux administratif espagnol », RFDA 2008. 825.
113. M. Bourjol, Les institutions régionales de 1789 à nos jours, Berger-Levrault, 1970 ; P. Brongiart, La région en France, Colin, 1971 ; J.-
P. Lassale, Réflexions sur les structures régionales, D. 1967. chron.177 ; D. Turpin, La région, Economica, 1987 ; J.-M. Pontier, La région, Dalloz, 1988 ;
J. de Lanversin, A. Lanza et F. Zitouni, La région et l'aménagement du territoire, Economica, 1989 ; P. M. Gaudemet, « Les aspects financiers de la
régionalisation », AJDA 1971. 388 ; J.-P. Gilli, Aménagement du territoire et réforme régionale, AJDA 1969. 328 ; J.-L. Quermonne, Vers un régionalisme
« fonctionnel », RFSP 1963. 849 ; M. Boumediene, « La consolidation de la place du préfet dans l'administration déconcentrée de l'État », AJDA
2004. 1644.
1130. Cf. les numéros spéciaux consacrés à la dualité des ordres de juridiction qui ont paru à l'occasion du bicentenaire de la loi de 1790 : AJDA 1990,
no 9, Juridictions administratives et judiciaires 200 ans après la loi de 1790, et RFDA 1990, no 5, La dualité de juridictions en France et à l'étranger ;
Dossier « Débat sur l'avenir du dualisme juridictionnel », AJDA 2005. 1760 s. ; v. : J.-F. Flauss, « Dualité des ordres de juridiction et Convention
européenne des droits de l'homme », Mélanges Jean Waline, p. 523. ; J.-C. Groshens, « Réflexions sur la dualité de juridictions », AJDA 1963. 536 ;
R. Chapus, « Dualité de juridiction et unité de l'ordre juridique », RFDA 1990. 739 ; L. Milano : « Qu'est-ce qu'une juridiction ? La question a-t-elle
encore une utilité ? », RFDA 2014. 1119.
1131. J. Laferrière, « Des raisons de la proclamation de la règle de la séparation des autorités administrative et judiciaire par l'Assemblée
constituante », Mélanges Negulesco, p. 427.
1132. J.L. Mestre, « La nature législative du décret du 16 Fructidor An III », RFDA 2012. 915.
1133. Chevallier, L'élaboration historique du principe de la séparation de la juridiction administrative et de l'administration active, thèse, Paris,
1968.
1134. Ph. Waquet, « Regard sur le Tribunal des conflits », D. 2002. Chron. 742 ; Y. Robineau, « Regard sur dix années d'activité du Tribunal des
conflits », AJDA 2004. 1167 ; J. Boudon : « La réforme du Tribunal des Conflits », RDP 2014. 1579 ; J. Arrighi de Casanova et J.H. Stahl : « Le Tribunal
des Conflits, l'âge de la maturité » ? », AJDA 2015. 575 ; P. Gonod : « Réformer le Tribunal des Conflits », RFDA 2015. 331 ; N. Nivert : « Une réforme à
faire ? Plaidoyer pour l'extension de la QPC devant le tribunal des Conflits », RFDA 2015. 343.
1135. P. Arrighi, « Le Tribunal des conflits et la Révolution de 1848 », D. 1949. Chron. 57.
1136. Depuis 2006, le Tribunal des conflits présente, chaque année, un rapport d'activité (v. pour le premier de ceux-ci, AJDA 2007. 1269).
1137. . Ce texte a pour origine le Rapport du groupe de travail sur la réforme du Tribunal des conflits : à ce sujet, v. l'interview de J.L. Gallet (AJDA
2013. 2116) et sa présentation du Rapport : AJDA 2013. 2130.
1138. Oraison, « Le partage d'opinions au Tribunal des conflits », AJDA 1971. 571.
1139. D. Labetoulle et J.H. Stahl, « Pour un Tribunal des conflits sans Garde des Sceaux », D. 2013. 98.
114. V. AJDA 2015. 1564.
1140. Les membres du Tribunal peuvent faire l'objet d'une récusation : T. confl. 18 mai 2015, M. Krikarian, AJDA 2016. 265, note E. Carpentier.
1141. Exemple de recours en rectification d'erreur matérielle : CE 17 nov. 2014, Groupama Méditerranée / Sivom de la Rouvière, Rec. 473.
1142. Pour un bilan : J. Boulouis : « La jurisprudence du Tribunal des conflits de 1962 à 1972 », Mélanges Stassinopoulos, 1974, p. 307.
1143. Luchaire, « Formalisme et nature juridique des actes composant la procédure du conflit positif », RD publ. 1946. 369 ; L'évolution du conflit
positif d'attributions, D. 1952. chron. 183. J.-F. Flauss, « La pratique administrative du conflit positif d'attribution de 1962 à 1977 », RD publ. 1979. 1591.
1144. Sur l'élévation du conflit devant la Cour d'assises, cf. note Rivero sous T. confl. 9 juill. 1953, Nardon, JCP, 1953, II, no 7797.
1145. Sa mission est limitée à la détermination de la juridiction compétente mais cela peut le conduire à se prononcer, par exemple, sur un moyen tiré
de la méconnaissance des stipulations d'un Traité (arrêt Baryflor précité).
1146. P. Schutz : « La fonction d'arbitrage des compétences juridictionnelles par le renvoi des Cours souveraines au Tribunal des conflits », RDP
1994. 767 ; v. les articles de M. Auby, AJDA 1961. 1 et Lindon, JCP 1960. Chron. n° 1587.
1147. Mestre, « La loi du 20 avril 1932 », Mélanges Negulesco, p. 515 ; Theis, « Le Tribunal des conflits juge du fond », RD publ. 1932. 491 ;
Bardonnet, Le Tribunal des conflits juge du fond en vertu de la loi du 20 avril 1932, LGDJ, Bibl. droit publ. 1959.
1148. La juridiction administrative ne serait plus, à l'heure actuelle, compétente, le contentieux des accidents causés par les véhicules administratifs
ayant été transféré aux tribunaux judiciaires par la loi du 31 décembre 1957, v. ss 587.
1149. V. cependant : T. confl. 12 déc. 1955, Thomasson, JCP 1956. II. no 9198, concl. Lemoine, note Rivero ; T. confl. 14 févr. 2000, Martinet, RFDA
2000. 1223, note Pouyaud ; T. confl. 17 déc. 2001, Dépt. de l'Isère c/ Mme Lucand, RFDA 2002. 429.
115. J.-M. Pontier, « Le nouveau préfet », AJDA 2010. 819.
1150. Weil, « Conflits de décisions au fond et conflits négatifs de compétence », D. 1956. Chron. 81.
1151. Pour des exemples de ces difficultés, cf. T. confl. 2 juin 1945, Époux Cuvillier, S. 1954. III. 61, note Huet ; 4 nov. 1985, Bouché, AJDA 1986.
51, note Moreau.
1152. Le Tribunal des conflits a jugé qu'il n'était pas nécessaire d'avoir épuisé les voies de recours pour le saisir au cas de déni de justice : TC 16 juin
2014, SCI Lou, AJDA 2014. 1296.
1153. R. Chapus, « Le service public et la puissance publique », RD publ. 1968. 235 ; P. Amselek, « Le service public et la puissance publique »,
AJDA 1968. 492.
1154. Eisenmann, « Le rapport entre la compétence juridictionnelle et le droit applicable en droit administratif français », Mélanges Maury, T. II,
p. 379 ; M. Waline, « À Propos du rapport entre la règle de droit applicable au jugement d'un procès et l'ordre de juridiction compétent », RD publ. 1961.
8 ; J. Rivero, « Le juge administratif : gardien de la légalité administrative, ou gardien administratif de la légalité ? », Mélanges M. Waline, T. II, p. 701.
1155. J. Waline, Recherches sur l'application du droit privé par le juge administratif, thèse, Paris, 1962 ; Droit public – Droit privé, in La Pensée de
Ch. Eisenmann, p. 147.
1156. T. civ. Seine, 5 déc. 1952, Giry, JCP 1953. II. 7371, note Vedel ; Civ. 23 nov. 1956, Giry, D. 1957. 34, concl. avocat général Lemoine, p. 34,
GAJA no 70 ; Civ. 1re, 6 févr. 2007, AJDA 2008. 530, note Van Lang.
1157. Seule la loi peut modifier les limites de la compétence des juridictions administrative et judiciaire et non une ordonnance de l'art. 38 en
l'absence d'habilitation législative ou de loi de ratification : T. confl. 20 oct. 1997, Albert, Rec. 536.
1158. Ph. Yolka, « La bonne administration de la justice : une notion fonctionnelle ? », AJDA 2005. 233.
1159. V. le commentaire de la loi, par M. J.M. Auby, D. 1958. I. 299.
116. V. Circulaire du 20 juill. 2010 « relative à l'exercice du droit d'évocation par le préfet de région », JO 13 août 2010, 14896.
1160. V. M. Waline, « Tableau de jurisprudence sur les accidents causés par les véhicules », RD publ. 1973. 218.
1161. E. Matutano, « Un nouveau cas d'attribution dérogatoire de compétence au juge judiciaire », AJDA 2011. 1473.
1162. Sur l'étendue de la compétence de la juridiction judiciaire en ce qui concerne le Conseil de la concurrence, v. concl. Schwartz, sous T. confl.
18 oct. 1999, Aéroport de Paris, Rec. 469. V. égal. : D. Truchet, « Le mythe de l'unification du contentieux de la concurrence », Mélanges Jeanneau,
p. 539 ; N. Charbit, Le droit de la concurrence et le secteur public, l'Harmattan, 2002, 530 p., préf. L. Idot. Sur le droit de la concurrence : S. Nicinski,
« Les évolutions du droit administratif de la concurrence », AJDA 2004. 751 ; « L'autorité de la concurrence », RFDA 2009. 1237 ; D. Katz, Juge
administratif et droit de la concurrence, PUAM, 2004, 473 p., préface L. Grard ; D. Brault, Politique et pratique du droit de la concurrence en France,
LGDJ, 2004, 775 p. ; T. confl. 4 mai 2009, Sté Éditions J.-P. Gisserot/Centre des Monuments Nationaux, AJDA 2009. 1490, note G. Eckert ; Pour les
dessins et modèles : T. confl., 2 mai 2011, Sté d'équipements industriels urbains, Rec. 686.
1163. Kœchlin, Compétence administrative et judiciaire de 1800 à 1830, thèse, Paris, 1950. Adde les développements consacrés au problème, avant et
après l'arrêt Blanco, par M. Chapus, Responsabilité publique et responsabilité privée, thèse, Paris, 1954.
1164. Luchet, L'arrêt Blanco, thèse, Paris, 1935 ; sur la véritable portée de l'arrêt Blanco, cf. Chapus, op. cit, et J. Rivero, « Hauriou et l'avènement de
la notion de service public », Mélanges Mestre, p. 461.
1165. J. Rivero, op. cit., Mélanges Mestre, p. 461. Hauriou, d'ailleurs, s'écarte rapidement du critère du service public dont il avait été l'un des
initiateurs, au profit de la notion de puissance publique.
1166. C'est à l'occasion de cet arrêt que le Commissaire du gouvernement Teissier (concl. au Rec. 208) rattacha à l'arrêt Blanco le nouveau critère du
service public.
1167. Cf. not., après le flottement marqué par l'arrêt Dame Mélinette (T. confl. 11 juill. 1933, Rec. 1237), la réaffirmation très nette apportée par l'arrêt
Verbanck (T. confl. 27 nov. 1933, D. 1934. III. 9).
1168. V. J. Waline : « Marceau Long et le critère du service public », Mélanges M. Long, p. 483 ; J.F. Lachaume : « Le Président M. Long et la
revalorisation du service public », Mélanges M. Long, p. 315 ; Les principaux arrêts sont : 20 avr. 1956, Époux Bertin, GAJA, no 68, concl. Long et note
Waline, RD publ. 1956. 869 ; CE, même jour, Consorts Grimouard, GAJA, no 68, concl. Long, note P.L.J., D. 1956. 429 ; CE 12 avr. 1957, Mimouni,
D. 1957. 413, concl. Tricot, note P.L.J. ; CE 19 oct. 1956, Soc. Le Béton, GAJA, no 69, concl. Long, D. 1956. 681.
1169. V., R. Latournerie, « Sur un Lazare juridique », EDCE, no 14, p. 61 s. et Chapus, « Service public et puissance publique », RD publ. 1968. 235.
117. F. Chauvin, « La nouvelle administration régionale de l'État », AJDA 2010. 825.
1170. Bibliographie très abondante. Vue d'ensemble : J.-L. de Corail, La crise de la notion juridique de service public en droit administratif français,
thèse, Toulouse, 1954. – Adde : Morange, « Le déclin de la notion de service public », D. 1947. Chron. 45 ; M. Waline, Préface au Jurisclasseur
administratif (1963) ; Chenot, « La notion de service public dans la jurisprudence économique du Conseil d'État », EDCE, no 4, p. 77 ; J.-M. Auby,
Quelques difficultés du droit administratif français, Annales fac. droit Bordeaux 1951 ; Rivero, « Existe-t-il un critère du droit administratif ? », RD publ.
1953. 279 ; Vedel, « Les bases constitutionnelles du droit administratif », EDCE, no 8, p. 21 ; Latournerie, « Sur un Lazare juridique », EDCE, no 14,
p. 62.
1171. Chavanon, Essai sur la notion et le régime juridique du service public industriel ou commercial, thèse, Bordeaux, 1939 ; Charlier, « La notion
juridique de service public industriel ou commercial », JCP 1945. I. no 1210 ; Le régime complexe des services industriels ou commerciaux, JCP 1955. I.
no 1220 ; G.W., « La compétence du Conseil d'État en matière de services économiques », DS 1948. 313 ; J. Lemasurier, « À propos du service des P. et
T. », AJDA 1969. 139 ; Ch. Brechon-Moulenes, « La place du juge administratif dans le contentieux économique public », AJDA 2000. 679.
1172. A. de Laubadère, « La notion et le régime juridique des services publics sociaux », DS 1959. 494 ; M. Waline, RD publ. 1974. 215.
1173. V. ss 590, 3o.
1174. Cf. Odent, Contentieux administratif, II, p. 366 s.
1175. Odent, op. cit., p. 370.
1176. Moderne, « La notion de “rapports de droit privé” comme critère de compétence judiciaire », AJDA 1970. 523.
1177. Pour une critique de cette notion : Venezia, « Puissance publique, puissance privée », Mélanges Eisenmann, 1975, p. 363.
1178. En ce sens, CE. 2 oct. 1985, Pierre, RD publ. 1986. 1483 : les fédérations de chasseurs, personnes privées, sont chargées d'une mission de
service public, mais seuls les actes par lesquels, pour l'exercice de cette mission, elles mettent en œuvre des prérogatives de puissance publique sont des
actes administratifs ; J.-L. Bizeau, « Le juge administratif n'est-il plus que le juge de la puissance publique ? », AJDA 1992. 179.
1179. « Sur cette constitutionnalisation de la justice administrative : S. Velley, RD publ. 1989. 767.
118. Ch. Guettier, L'administration départementale de l'État, AJDA 2010. 831.
1180. Cf. not. les prises de position de MM. Waline (Dr. adm., 9e éd., no 110 à 116) ; Eisenmann (notamment sous T. confl. 22 janv. 1955, Naliato,
D. 1956. 58) ; Vedel et Delvolvé (Dr. adm., p. 115 s.). En sens contraire, le critère du service public est défendu notamment par MM. de Laubadère
(Dr. adm., t. I, 8e éd., no 750 s.), Lhuillier (chron. au D. 1955. 119 et 1957. 91), et Bénoit (Le droit administratif français, 1968).
1181. En ce qui concerne les conditions abominables dans lesquelles étaient transportés les déportés juifs, la SNCF n'a pas été considérée comme
agissant pour le compte de l'occupant allemand : TA Toulouse, 6 juin 2006, Consorts Liepitz, RD publ. 2006. 1715, note Jobart. Sur le fond le Conseil
d'État a jugé que la juridiction administrative n'était pas compétente pour statuer sur les conclusions tendant à mettre en cause la responsabilité de la
SNCF pour les conditions du transport forcé, s'agissant d'un organisme privé chargé d'une mission de service public mais sans prérogative de puissance
publique : CE 21 déc. 2007, Mme Lipietz, RFDA 2008. 80, Concl. Prada-Bordenave. En ce qui concerne la responsabilité de l'État le Conseil d'État a émis
l'avis que sa responsabilité était engagée – ce que l'on ne peut qu'approuver – mais que les victimes des persécutions antisémites avaient vu leur préjudice
déjà indemnisé, ce qui n'est pas acceptable : CE, Ass., Avis, 16 févr. 2009, Mme Hoffman Glemane, RFDA 2009. 316, Concl. Lenica ; v. J. Martin, « Les
limites de la responsabilité administrative face aux déportations pendant la Seconde guerre mondiale », RD publ. 2010. 667. Le décret du 10 septembre
1999 a créé une Commission pour l'indemnisation des victimes des spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant
l'Occupation. v. CE 23 juill. 2012, M. Callou, AJDA 2011. 1491, note N. Sirinelli.
1182. Sur le statut actuel de la Banque de France, v. M. Lombard, AJDA 1994. 491.
1183. Même s'il peut, parfois, faire preuve d'une grande prudence : CE 28 janv. 2011, M. Patureau, AJDA 2011. 1851, note N. Chifflot.
1184. Auby, « Le contentieux des actes parlementaires », AJDA 1959. I. 101 ; J.-C. Fortier, « Le contrôle du juge sur les actes administratifs des
Assemblées parlementaires », AJDA 1981. 128 ; D. Pollet, « Vers une disparition prochaine des actes parlementaires ? », RD publ. 2004. 693 ; R. Denoix
de Saint-Marc, « Le Conseil d'État et les actes parlementaires », Mélanges Labetoulle, p. 259 ; S. Jeannard, « Les mutations du droit de la fonction
publique parlementaire », RFDA 2011. 995 ; J. B. Boda, « Le régime contentieux des actes parlementaires relatifs aux agents des assemblées : retour sur
un droit administratif spécial », RD publ. 2011. 839.
1185. Gour, Le contentieux des services judiciaires et le juge administratif, 1960 ; Bonnefoy, « Le juge administratif, juge de la situation du magistrat
judiciaire », JCP 1978. I. no 2898.
1186. Sur cette solution, très vivement discutée, cf. les notes de MM. Mathiot (S. 1953. III. 33), Eisenmann (D. 1953. 683), Waline (Notes Tome 1,
no 123), Vedel (JCP 1953. II. no 7598), et les conclusions du commissaire du gouvernement J. Donnedieu de Vabres, RD publ. 1953. 448. Elle a été
confirmée, malgré les critiques de la doctrine : CE 14 mars 1975, Rousseau, RD publ. 1975. 322, concl. Dondoux ; CE, Sect., 10 mars 2006, SJA et
USMA, AJDA 2006. 1017.
1187. Depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 le Président de la République ne peut plus faire grâce qu'à titre individuel (Const.,
art. 17).
1188. Le problème peut également se poser en sens inverse. Par exemple, un recours en annulation d'une décision administrative refusant d'admettre
un individu à se présenter à un concours. L'affaire relève de la juridiction administrative mais, il y a problème, si ce refus se fonde sur une appréciation
erronée par l'Administration de la nationalité du candidat, question qui relève normalement de l'autorité judiciaire.
1189. Granson, Les questions préjudicielles, AJDA 1968. 75 ; J.-F. Flauss, Les questions préjudicielles et le principe de séparation des autorités
administrative et judiciaire, thèse, Strasbourg, 1976 ; J. Lessi : « Les questions préjudicielles du juge administratif à l'autorité judicaire », AJDA 2015.
274.
119. L'institution préfectorale a suscité une très abondante littérature juridique. On ne citera ici que les études les plus classiques et les plus récentes :
J.-F. Auby, L'évolution du corps préfectoral, RFDA 1990.447 ; R. Farçat, La fonction préfectorale et ses rapports avec les services extérieurs et les
administrations centrales, Rev. adm. 1954. 626 ; A.G. Delion, La réforme des services de l'État dans les départements et les régions, AJDA 1964. 264 ;
C.A. Colliard et J. Cl. Groshens, La sous-préfectorisation des préfets de département, RD publ. 1965. 5 ; P. Bernard, La fonction préfectorale au cœur de
la mutation de notre siècle, Rev. adm. 1992.101 ; Le préfet et l'économie, Revue Administration 1975 (no spécial) ; l'Administration préfectorale, Cahiers
de la F.P. 2002, no 212, p. 3 ; F. Chauvin, Les nouveaux pouvoirs du Préfet dans la loi pour la sécurité intérieure, AJDA 2003. 667.
1190. C. Lavialle, « Le juge administratif et l'exception de propriété », RFDA 2004. 497.
1191. V. CE 26 mai 2014, M. Gao, Rec. 141.
1192. L'art. R.771-2-1 CJA, dans sa rédaction du décret du 27 février 2015, règle les modalités d'examen de la question préjudicielle par le juge
administratif.
1193. J. Donnedieu de Vabres, « Les éléments administratifs de l'infraction », D. 1952. Chron. 137 ; Cathala ; Le contrôle de la légalité administrative
par les tribunaux judiciaires, 1966 ; Sur la jurisprudence Avranches et Desmarets : B. Pacteau, Mélanges Auby, p. 249 ; J. Moreau, « De la compétence
des juridictions pénales pour apprécier la légalité des actes administratifs. Bilan de dix années de jurisprudence de la Chambre criminelle de la Cour de
cassation », JCP A 2005, no 1200.
1194. F. Donnat, « Abandon de la jurisprudence Septfond : le droit de l'Union en demandait-il tant ? », D. 2011. 3046.
1195. Sur tous ces points, v. G. Vedel, « De l'arrêt Septfonds à l'arrêt Barinstein (de la légalité des actes administratifs devant les tribunaux
judiciaires) », JCP. 1948. I. no 682.
1196. P. Amselek, « Les vicissitudes de la compétence juridictionnelle en matière d'atteintes administratives à la liberté individuelle », AJDA
1972. 19. Pour un exemple d'interprétation restrictive de l'article 136, al. 3, C. pr. pén. : Cass., Ass. plén., 6 juill. 2001, D. 2001. IR. 2358.
1197. E. Desgranges, Essai sur la notion de voie de fait, thèse, Poitiers, 1937 ; Dufau, La voie de fait, thèse, Paris, 1951 ; note Weil, D. 1961. 612 ;
Bockel, « La voie de fait : mort et résurrection d'une notion discutable », D. 1970, chron. p. 29 ; D. Thierry, « La jurisprudence EUCAT dix ans après »,
RFDA 1997. 524 ; Ch. Lavialle, « Voie de fait et domaine public », RFDA 2000. 1041 ; M. Lombard, « Éloge de la “folle du logis” : la dialectique de la
théorie de la voie de fait et du référé-liberté », Mélanges Cohen-Jonathan, p. 1126.
1198. En ce sens : Leclercq, « Le déclin de la voie de fait », RD publ. 1963. 657. En sens opposé, Auby, note sous T. confl. 25 nov. 1962, 2 arrêts, Cne
de Saint-Just-Chaleyssin, Époux Pelé, JCP 1964. II. 13493.
1199. La libre administration des collectivités territoriales constitue une liberté fondamentale : T. confl. 31 oct. 2007, Min. de l'Intérieur/Dpt. de
l'Essonne, AJDA 2008. 882, note Verpeaux.
12. J. Rivero, Cours de droit administratif comparé, 1956-1957 (polycopié), p. 148 s., et la bibliographie ; Mitchell, « L'absence d'un système de droit
administratif au Royaume-Uni, ses causes et ses effets », EDCE, no 18, p. 211 ; S. Flogaïtis, Administrative law et Droit administratif, 1986.
120. Pour le contrôle exercé par le juge administratif sur ces nominations : CE. Ass., 31 mai 2006, Synd. CFDT du Min. des Aff. étrangères, AJDA
2006. 1899, concl. T. Olson.
1200. G. Vedel, « La juridiction compétente pour prévenir, faire cesser ou réparer la voie de fait », JCP 1950. I. no 851.
1201. Toute voie de fait entraîne droit à réparation : Civ. 3e, 9 sept. 2009, M. Pongérard, AJDA 2009. 1639.
1202. Lemire, « Inexistence et voie de fait », RD publ. 1978. 1219.
1203. T. confl. 26 nov. 1973, Cne de Rueil-Malmaison, AJDA 1974. 314 ; CE. 20 nov. 1974, Dme Manrot Le Goarnic, AJDA 1975. 185 ; T. confl.
9 juin 1986, Préfet de la Région Alsace, AJDA 1986. 428 ; CE 18 oct. 1989, Mme Brousse, JCP 1989. Somm. 415 ; Civ. 4 déc. 1990, JCP 1991,
no 21692 ; T. confl. 4 juill. 1991, Association Boris Vian, AJDA 1991. 697 et 738 ; T. confl. 21 juin 2010, M. Arriat c/ Cne de Nevers, RFDA 2010. 1057.
1204. Delvolvé, « Une crise du principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires », EDCE, no 4. 21 ; note Weil, D. 1961. 612 :
C. Broyelle, « La voie de fait et la protection de la propriété publique », RD publ. 2007. 1355.
1205. La théorie de l'emprise irrégulière reposait notamment sur l'arrêt du T. confl. Sté de l'Hôtel du Vieux Beffroi, et Sté Rivoli-Serbastopol (D. 1949.
209, concl. Delvolvé). Jurisprudence confirmée par CE 22 avr. 1983, Laporte, et T. confl. 4 juill. 1983, François, les deux décisions à l'AJDA 1983. 680 ;
cf. aussi T. confl. 29 oct. 1990, Préfet de Saône-et-Loire, RD publ. 1991. 1459.
1206. P. Delvolvé : « De la voie de fait à l'emprise : nouvelle réduction de la compétence judiciaire », RFDA 2014. 61.
1207. R. Odent, Contentieux administratif, 6 fasc., 1979-80 ; Auby et Drago, Traité de contentieux administratif, 2 vol., 1984 ; R. Chapus, Droit du
contentieux administratif, 13e éd., 2009 ; Ch. Debbasch et J.-C. Ricci, Contentieux administratif, 2001 ; B. Pacteau, Traité de contentieux administratif,
PUF, 2008 ; O. Gohin, Contentieux administratif, 2002. Letourneur, Bauchet, Méric, Le Conseil d'État et les tribunaux administratifs, 1970 ; R. Chapus,
« L'Administration et son juge. Ce qui change », EDCE, no 43, 1992, p. 259. Y. Gaudemet, Les méthodes du juge administratif, 1972 ; D. Loschak, Le
rôle politique du juge administratif, 1972 ; A. Mestre, Le Conseil d'État, protecteur des prérogatives de l'administration, thèse, Toulouse, 1972 ; B. Stirn,
« Juridictions administratives et cours européennes », Rev. adm., 1998. 212 ; Groshens, « Réflexions sur la dualité de juridictions, AJDA 1963. 1. 536 ;
Bénoit, « Les fondements de la justice administrative », Mélanges Waline, 1974, T. II, p. 233. Pour des jugements d'ensemble : J. Rivero, « Le Huron au
Palais-Royal ou réflexions naïves sur le recours pour excès de pouvoir », D. 1962. Chron. 37 ; J. Rivero, Nouveaux propos naïfs d'un Huron sur le
contentieux administratif, EDCE, no 31, 1980, p. 27 ; B. Pacteau, « Constitutionnalisation ou européanisation de la justice administrative (Faut-il
choisir ?) », Mélanges Pactet, p. 793 ; J.-M. Sauvé, « Les quatre défis de la justice administrative », AJDA 2007. 65 ; interview du Président J.-M. Sauvé,
AJDA 2007. 556, AJDA 2009. 732 ; « Réformer la justice administrative », AJDA 2008. 1 ; B. Odent et D. Truchet, La justice administrative, PUF, coll.
« Que sais-je ? », 2008, 2e éd. ; M. Jorat, « Supprimer la justice administrative… deux siècles de débat », RFDA 2008. 456 ; M. Pissaloux, « Performance
et activité des juridictions administratives », Mélanges Hertzog, p. 453 ; B. Stirn, Le droit administratif vu par le juge administratif, AJDA 2013. 387 ;
Dossier : « La justice administrative : contestation et extension », RFDA 2013. 783 ; Dossier : « Les mutations de la justice administrative », AJDA 2012.
1193 ; A. Meynaud, « La bonne administration de la justice et le juge administratif », RFDA 2013. 1029.
1208. Sur la situation avant la réforme de 1953 : Liet-Veaux, « La justice administrative au ralenti », D. 1948, chron. 133 ; Rivero, « Sur la réforme du
contentieux administratif », D. 1951, chron. 163. – Sur la réforme : Rivero, « La réforme du contentieux administratif », RD publ. 1953. 926 ; Gazier, id.,
JCP 1953, 1, no 1134 ; de Laubadère, id., Act. Jur. 1953. 173 et 385, 1954.13. – Sur les résultats et les conséquences de la réforme : Gazier,
« Perspectives ouvertes par la réforme », RD publ. 1954. 669 ; Piernet, « Premiers lendemains de la réforme », Act. jur. 1956, 1, 9 ; Rivero, « Le Conseil
d'État, Cour régulatrice », D. 1954. Chron. 157.
1209. M.C. Montecler : « Magistrats administratifs : ENA or not ENA, il faut choisir », AJDA 2014. 1634.
121. Sur l'obligation de réserve et de loyauté : CE 24 sept. 2010, M. Girot de Langlade, AJDA 2010. 1801.
1210. Au 31 décembre 1986, il y avait 23 577 affaires en attente devant le Conseil d'État. En 1985, il en avait reçu 9 162, dont 1 592 recours en
cassation, et avait rendu 10 588 décisions.
1211. Sur la réforme de 1987, AJDA numéro spécial, février 1988, avec les articles de MM. Combarnous, Franc, Martin-Laprade, Chapus, Braibant,
Chabanol ; RFDA 1988, no 2, La loi du 31 décembre 1987, p. 163 s., avec les articles de MM. Long, Pacteau, Stirn, Drago, Abraham et Labetoulle.
Cf. aussi M. Pinault, « Perspectives ouvertes par la loi de 1987 », EDCE, 1988, no 40, p. 215 ; J. Waline, « La réforme de la juridiction administrative, un
tonneau des Danaïdes ? », Mélanges Auby, p. 349.
1212. Les statistiques sur l'activité des juridictions administratives reflètent parfaitement ce qu'a été la réforme de 1987. En 2014, le Conseil d'État a
enregistré 12 082 affaires (en augmentation de 31 % par rapport à 2013) et en a jugé 12 252. Le délai prévisible de jugement est de 8 mois. Toujours en
2014, les cours administratives d'appel ont enregistré 29 857 affaires et en ont jugé 29 930. Mais les Tribunaux administratifs, cette même année, ont
connu une importante augmentation des affaires avec 195 625 dossiers enregistrés, soit une augmentation de 17,9 % par rapport à 2013 ; ils en ont jugé
188 295.
1213. B. Stirn, « Tribunaux administratifs et cours administratives d'appel, un nouveau visage », AJDA 1995, no spécial, p. 189 ; D. Chabanol,
« Commentaire de la loi de 1995 », AJDA 1995. 388 ; B. Pacteau, « Le juge unique dans les juridictions administratives, point de vue de la doctrine »,
Gaz. Pal. 1998, nos 30-31.
1214. V. Gonod, AJDA 2002. 1168 ; v. égal. : AJDA 2002. 666 et D. 2003. 79 ; B. Pacteau, « Le décret du 24 juin 2003 au secours des CAA », RFDA
2003. 910 ; S. Boissard, « Vers un désencombrement des CAA ? », AJDA 2003. 1375.
1215. V. l'important dossier : « Les mutations de la justice administrative », AJDA 2012. 1193 s.
1216. J. Arrighi de Casanova et J.H. Stahl, Commentaire du décret in RFDA 2010. 387.
1217. A. Weber, « Le juge administratif unique, nécessaire à l'efficacité de la Justice ? » RFAP no 125, 2008, pp. 179 s. ; M. A. Cohendet, « La
collégialité des juridictions : un principe en voie de disparition ? » RFDC 2006. 713 ; « Vers une généralisation du juge unique ? », AJDA 2006. 1465 ;
v. égal., G. Peiser, AJDA 2006. 785 ; J. Arrighi de Casanova, AJDA 2006. 1689 ; AJDA 2009. 228 et 285 et Pacteau, préc. ; J. Waline, « Une révolution
silencieuse », AJDA 2011. 409 ; B. Seiller, « Le juge unique », AJDA 2012. 1205.
1218. Rapport public du CE, EDCE, no 63, p. 36
1219. v. R. Chapus, Droit du contentieux administratif, 13e éd., no 53.
122. Toutefois le Premier Président de la Cour des comptes, dans une lettre au Premier Ministre, au mois de septembre 2014, constatait que « la durée
moyenne de fonctions des préfets dans un poste territorial, qui n'était en 2006 que de deux ans et six mois, a pourtant continué de diminuer, pour se
stabiliser autour de deux ans depuis 2010 » et estime cette rotation excessive. Par ailleurs, en 2014, il y avait 110 préfets employés en dehors des
préfectures de région ou de département.
1220. Pour les prises de position syndicales sur les problèmes de la justice administrative : AJDA 2008. 956 ; 2009. 285, 849 et 1273 ; 2010. 73.
1221. v. AJDA 203. 1021 et 1366.
1222. J. Hardy, « La justice administrative à nouveau réformée », AJDA 2013. 1850.
1223. A. Barlerin, « Rappporteur public, chronique d'une controverse annoncée », AJDA 2010. 1574 ; S. Caylet, « Le rapporteur public ou le
dépérissement du commissaire du gouvernement », RD publ. 2010. 1305 ; Ch. L. Vier, « Le rapporteur public et la simplification, paradoxes d'une
réforme », AJDA 2011. 1189.
1224. B. Pacteau, « Du nouveau sur le nouveau rapporteur public des juridictions adminitratives territoriales », AJDA 2012. 87.
1225. V. l'interview de J. M. Sauvé, in AJDA 2011. 412.
1226. V. AJDA 2010. 2023 ; D. 2011. 520 ; AJDA 2011. 930.
1227. V. AJDA 2014. 133 et 593.
1228. « Le règlement non-contentieux des litiges », Cahiers fonct. publ. 2005, no 244, p. 4.
1229. V. Dix ans de croissance du contentieux, Dossier RFDA 2011. 459 s. ; AJDA 2010. 1733 ; AJDA 2011. 1711 ; AJDA 2015. 1012.
123. Franc-Valluet, « Le secrétaire général de préfecture », RD publ. 1971. 1287 ; R. Beck, Le personnel des préfectures, Rev. adm. 1954. 95.
1230. M. C Montecler, « Le juge administratif maîtrise la hausse du contentieux », AJDA 2011. 868 ; E. Costa, « Des chiffres sans les lettres : la
dérive managériale de la juridiction administrative », AJDA 2010. 1623 ; J. L. Pissaloux, « Performance et activité des juridictions administratives »,
Mélanges Hertzog, p. 453.
1231. Le délai de jugement est inférieur à dix mois dans les Tribunaux, à neuf mois au Conseil d'État et à onze mois et onze jours pour les CAA. Par
ailleurs le nombre des dossiers en attente n'a jamais été aussi bas depuis dix ans. V. AJDA 2013. 719.
1232. Rapport préc., p. 227.
1233. « Les recours administratifs préalables obligatoires », 2008, Conseil d'État, coll. « Les Études du Conseil d'État », 236 p. ; O. Schrameck, « Le
recours administratif préalable obligatoire est un investissement rentable pour l'Administration (Rapport du groupe de travail du CE) », AJDA 2008.
1628 ; B. Belda, « Faut-il généraliser le recours administratif préalable obligatoire ? », RD publ. 2008. 1483 ; Interview B. Stirn, AJDA 2009. 1221 ;
D. Bordier, « Variations en mineur sur l'excès de pouvoir », AJDA 2011. 368.
1234. Si l'on en croit le CRPA (v. ss 621 c) on s'orienterait à ce sujet vers la procédure de la conciliation.
1235. J. L. Pissaloux, « Une expérience réussie : le recours administratif préalable des militaires », AJDA 2005. 1042 ; T. X. Girardot, RFDA 2006.
543 ; CE, Sect., 7 mai 2010, Cie Assurances générales de France/Philippot, Rec. 152 ; CE 28 janv. 2011, Mme Latrasse, AJDA 2011. 983 ; sur les
conditions de saisine de la Commission des recours des militaires : CE 25 janv. 2016, AJDA 2016. 174.
1236. V. AJDA 2012. 972.
1237. Pour le recours obligatoire devant le Comité national olympique : CE 26 juill. 2011, Ligue corse de football, Rec. 424 ; devant la Commission
nationale d'aménagement commercial : CE 4 juill. 2012, Association de défense des consommateurs, Rec. 264.
1238. M. Audit, « Le contrat de partenariat ou l'essor de l'arbitrage en matière administrative », Rev. arb., 2004. 541 ; « L'arbitrage : une question
d'actualité », LPA 2003, no 197, et la bibliographie citée au no 67. ; Th. Clay, Arbitrage et modes alternatifs de règlements des litiges, D. 2008. 180 ;
S. Lemaire, Ch. Jarrosson et L. Richer, « Pour un projet viable de réforme de l'arbitrage en droit administratif », AJDA 2008. 617 ; P. Terneyre et C. Verot,
« Le projet de réforme de l'arbitrage des litiges intéressant les personnes publiques est tout à fait viable », AJDA 2008. 905 ; D. Labetoulle, « L'arbitrage
dans les litiges contractuels », RLT. confl. 2008, no 23 ; Y. Gaudemet, Ch. Lapp et A. Steirner, « Les personnes publiques et l'arbitrage international »,
D. 2011. 2552 ; Ph. Yolka, « Arbitrage des litiges administratifs : un printemps en automne ? », JCP A 2010, no 45-46, p. 19 ; Débat : « Les personnes
publiques et l'arbitrage », RD publ. 2014. 603.
1239. CE, Avis, 6 mars 1986, Les grands avis du CE, 3e éd., no 12, commentaire D. Labetoulle.
124. Sur un rapport pour repenser le métier de sous-préfet, v. AJDA 2006. 1244.
1240. Y. Gaudemet, « L'avenir de l'arbitrage en droit administratif français », Mélanges Moreau, p. 165.
1241. www.justice.gouv.fr.
1242. V. A. Courrèges et C. Verot, RFDA 2007. 489 ; D. Labetoulle, JCP A 2007. 2082.
1243. F. Lombard : « Arbitrage international et répartition des compétences juridictionnelles », AJDA 2015. 1150.
1244. H. Kenfack, « Vent de faveur sur la transaction ? », AJDA 2004. 242 ; L. Janicot, « L'Homologation : vers une justice administrative
gracieuse », RD publ. 2007. 907 ; R. Drago, « Les établissements publics et la transaction », Mélanges Jean Waline, p. 185 ; A. Zarca, « Questions sur
l'annulation des transactions », AJDA 2013. 506.
1245. D. 2011. 1019 ; J.-B. Bousquet, Une circulaire pour favoriser le recours aux transactions administratives, LPA 2009, no 326, p. 6.
1246. J. C. Bonnichot, « La conciliation devant le CNOSP. Un essai à transformer ? », Mélanges Moderne, p. 23 ; J.-C. Breillat, « Conciliation et
épuisement des voies de recours internes (contribution à l'étude des modes alternatifs de règlement des litiges en matière non-administrative) », D. 2005.
1667 ; J.-M. Le Gars, « La conciliation par le juge administratif », AJDA 2008. 1468 ; E. Costa : « La conciliation devant le juge administratif », AJDA
2012. 1834 ; « Le Colloque Médiation et Conciliation du 17 juin 2015 », Lettre de la Juridiction administrative, n° 39, juill. 2015 ; S. Monnier : « Le
médiateur, nouvelle figure du droit public », RFDA 2015. 1175.
1247. Au nom de l'indépendance des juridictions le Conseil constitutionnel a censuré la présence de représentants de l'État au sein de la chambre de
discipline du Conseil national de l'ordre des pharmaciens : Cons. const. 20 mars 2015, n° 2014-457 QPC, AJDA 2015. 1322.
1248. « Le statut de magistrat administratif : une avancée majeure et attendue », AJDA 2012. 569.
1249. Sur le droit au juge indépendant et impartial en matière administrative, v. les articles de J. P. Costa et de M. Guyomar, in AJDA 2001. 514.
125. P. Cassia, Le maire, agent de l'État, AJDA 2004. 245.
1250. V. D. 2012. 288 ; C. Vigouroux et P. Gonod, « À propos de le Charte de déontologie des membres de la juridiction administrative, AJDA 2012.
875.
1251. O. Mamoudy : « Les avis et recommandations du collège de déontologie de la juridiction administrative », RFDA 2015. 368.
1252. J. Chevallier, « L'interdiction pour le juge administratif de faire acte d'administrateur », AJDA 1972. 67.
1253. J. L. Mestre, « À propos du fondement constitutionnel de la compétence de la juridiction administrative », RFDA 2012. 339.
1254. Pour l'application de ce principe en ce qui concerne le contentieux de la Sécurité sociale, v. : Cons. const. 27 nov. 2001 (loi portant
amélioration de la couverture des non-salariés agricoles contre les accidents du travail), Rec. 145.
1255. L. Favoreu, « Le juge administratif a-t-il un statut constitutionnel ? », Mélanges Auby, p. 111.
1256. Sur le Conseil d'État, son organisation, ses méthodes et son activité cf. outre les ouvrages cités supra, les études parues au Livre Jubilaire, les
divers numéros d'EDCE, et l'ouvrage collectif publié en 1975 par le Conseil d'État lui-même, Le Conseil d'État (1799-1974) ; P. Weil, Le Conseil d'État,
politique jurisprudentielle ou jurisprudence politique ? 1961 ; Letourneur, Bauchet, Méric, Le Conseil d'État et les tribunaux administratifs, 1970 ;
Massot et Marimbert, le Conseil d'État, 1989 ; Robineau et Truchet, Le Conseil d'État, 1994 ; « L'administration et juge administratif suprême », Rev.
adm. 1995. 5. Pour un jugement étranger cf. C-J. Hamson, Pouvoir discrétionnaire et contrôle juridictionnel, trad. Cocâtre--Zilgien, 1958 ; J. Massot et
T. Girardot, Le Conseil d'État, Doc. frse, 1999 ; P. Cassia, « Un nouveau Conseil d'État ? », AJDA 2007. 497 ; « Le Conseil d'État et la justice
administrative en 2009 », Publications du CE ; S. Bot, « L'aggiornamento du CE : entre modernité et tradition », RD publ. 2010. 1273 ; A. Gaillet, « Le
Conseil d'État français : histoire d'une exportation difficile en Europe », RFDA 2013. 793 ; Brochure : « Le Conseil d'État et la justice administrative en
2012 », Publication du CE.
1257. Bibliographie considérable recensée in EDCE, no 2, p. 129, no 6, p. 180, no 9, p. 161. Études parues au Livre Jubilaire. Pour l'Empire :
Ch. Durand, Études sur le CE napoléonien ; Restauration : Raïssac, thèse, Paris, 1937 ; second Empire : Besnard, thèse, Paris, 1943.
1258. Sur la réforme de 1963, cf. les articles de MM. Drago, AJDA 1963. 524, Sandevoir, Rev. adm. 1963. 495 et 574, Silvera, S. 1963, chron. 51.
1259. Sur le D. du 6 mars 2008, AJDA 2008. 492, comm. de Montecler ; RFDA 2008. 213 ; Sur le D. du 23 février 2010, AJDA 2010. 567, comm. de
Montecler et comm. D. Chauvaux et J. Courtial, AJDA 2010. 605 ; J. Arrighi de Casanova et J.H. Stahl, « Le décret du 22 février 2010 relatif aux
compétences et au fonctionnement des juridictions administratives », RFDA 2010. 387.
126. E. Gristi, La réforme de l'État, Vuibert, 2002, 530 p. ; G. Timsit, « La réforme de l'État », Mélanges Jegouzo ; F. Monvillois, « L'externalisation
ou comment recentrer l'État sur ses compétences essentielles », Fondation pour l'Innovation politique, avr. 2008, 57 p.
1260. O. Henry, « Le vice-président du Conseil d'État », RD publ. 1995. 701 ; P. Gonod, La présidence du Conseil d'État républicain, Dalloz, 2005 ;
« L'article L. 121-1 CJA, d'une singularité à une autre », AJDA 2004. 1321.
1261. Cette indépendance, généralement incontestée, a cependant été mise en doute. Cf. O. Dupeyroux, « L'indépendance du Conseil d'État statuant
au contentieux », RD publ. 1983. 565.
1262. J. H. Stahl, « Dire et faire. Brèves remarques sur ces deux fonctions du Conseil d'État », Mélanges Labetoulle, p. 783.
1263. En 2014 le Conseil d'État a examiné 97 projets de loi, 1 proposition de loi d'origine parlementaire, 54 projets d'ordonnance, 756 projets de
décret, 17 avis.
1264. O. Schrameck, « Le nouveau triptyque de la Section du Rapport et des Études », AJDA 2012. 1216 ; Colloque : « La Section du Rapport et des
Études », RFDA 2015. 221.
1265. Jean Waline, Daniel Labetoulle Président de la Section du contentieux du Conseil d'État, RFDA 2004. 880 ; P. Cassia, « Le Président de la
Section du Contentieux du Conseil d'État », Mélanges Labetoulle, p. 125 ; B. Pacteau, 2006, deuxième centenaire de la section du contentieux du Conseil
d'État, Mélanges Labetoulle, p. 697 ; Hommage au Président Genevois, RFDA 2007. 1.
1266. B. Genevois, « Sur la hiérarchie des décisions du CE statuant au contentieux », Mélanges Chapus, p. 245.
1267. B. Pacteau, « La désimbrication de la juridiction et de la consultation au CE. Jusqu'où ? », Mélanges Genevois, p. 827 ; P. Gonod, « Le CE à la
croisée des chemins ? », AJDA 2008. 630.
1268. E. Sagalovistch : « De l'équité des procès des actes pris après avis du Conseil d'État », AJDA 2015. 2129.
1269. J.M. Sauvé, « 60 ans du CRDJ et de la chronique de l'AJDA », AJDA 2014. 73 ; X. Domino, A. Bretonneau, E. Bokdam-Tognetti et J. Lessi,
« Que fait le Centre ? », AJDA 2014. 81.
127. V. « Réformes budgétaires et réformes de l'État », RFAP 2006, no 117 ; R. Hertzog, Quelques aspects de la loi organique relative aux lois de
finances dans ses rapports avec le système administratif, AJDA 2006. 531 ; L. Herero, Que change la LOLF au fonctionnement d'une grande
administration ? L'exemple du ministère de l'Intérieur, AJDA 2006. 545 ; S. Brondel, La LOLF à la recherche d'un nouveau souffle, AJDA 2006. 2038 ;
Ch. Waline, P. Desrousseaux et S. Godefroy, Le budget de l'État, La Documentation Française 2012.
1270. Marceau Long, « Le Conseil d'État et la fonction consultative », RFDA 1992. 787 ; M. Bernard, « Le renouveau de la fonction consultative du
CE sous la Ve République », EDCE, no 46, p. 439. F. Brenet, « La procédure de saisine pour avis du CE : pratique contentieuse et influence en droit
positif », RFDA 2002. 525 ; Y. Jegouzo, « À propos de la fonction consultative du CE », Mélanges Labetoulle, p. 505 ; H. Hoepffner, « Les avis du CE »,
RFDA 2009. 895 ; O. Carton, « Regard sur l'activité consultative du Conseil d'État de 1940 à 1944 », RD publ. 2010. 579.
1271. A. Jeannot-Gasnier, « La contribution du CE à la fonction législative », RD publ. 1998. 1131 ; R. Denoix de Saint Marc, « Les projets de loi et
de décret devant le Conseil d'État », Mélanges J. Buffet, p. 179.
1272. H. Belrhadi-Bernard, « Les avis conformes du CE », AJDA 2008. 1181.
1273. Pour un bilan des vingt années de la Commission du rapport, cf. l'ensemble des articles d'EDCE, no 34, p. 121 s. ; O. Schrameck, « Le nouveau
triptyque de la Section du Rapport et des Études », AJDA 2012. 1216.
1274. J. Caillosse, « Variations autour du Rapport public annuel », AJDA 2013. 1034.
1275. D. Labetoulle, « Remarques sur l'élaboration des décisions du Conseil d'État statuant au contentieux », Mélanges Chapus, p. 393.
1276. CE Sect. 21 juin 2013, Mme Villaume, Rec. 170; CE Sect. 21 juin 2013, Mme Tamru, Rec. 173.
1277. CE 11 févr. 2015, M. Singer, Rec. 7.
1278. J. Massot, « La cassation », AJDA 1995, no spécial, p. 200 ; J. Massot, O. Fouquet, J.-L. Stahl, Le Conseil d'État juge de cassation, Berger-
Levrault, 2001.
1279. H. M. Darnanville, « La saisine pour avis du Conseil d'État et de la Cour de cassation », AJDA 2001. 416 ; Pour les premières applications de la
procédure de l'article 12, cf. le commentaire de E. Honorat et E. Baptiste sur deux avis du 7 juillet 1989, AJDA 1989. 606 ; D. Labetoulle, « Les premières
applications de l'article 12 », RFDA 1989. 893. Pour un refus de donner l'avis sollicité : CE 6 oct. 1995, Chevillon, Rec. p. 350 ; CE, Ass., Avis, 24 oct.
1997, Assoc. locale pour le culte des Témoins de Jéovah de Mion, RFDA 1998. 69, note Gonzalez ; F. Brenet, « La procédure de saisine pour avis du CE :
pratique contentieuse et influence en droit positif », RFDA 2002. 525 ; J. Gourdoux, « L'avis du Conseil d'État sur une question de droit », Mélanges
Moderne, p. 189 et D. Pouyaud, p. 327 ; H. Belrhadi-Bernard, « Les avis contentieux du CE », AJDA 2010. 364.
128. La LOLF et l'amélioration de la gestion publique, Revue juridique de l'Économie publique, no 669, nov. 2009, p. 3.
1280. L'avis donné par le CE constitue une mesure d'administration de la justice et n'a pas l'autorité de la chose jugée (CE 7 juill. 2000, Clinique
chirurgicale de Coudon, D. 2000. IR. 238) ; l'avis est insusceptible de recours (CE 17 nov. 1997, Mme Doukouré, Rec. 426).
1281. P. Delvolvé, « Le Conseil d'État, régulateur de l'ordre juridictionnel administratif », Mélanges Labetoulle, p. 260.
1282. V., R. d'Haem, « La réforme de la procédure de règlement des questions de compétence à l'intérieur de la juridiction administrative », RFDA
2003. 497.
1283. Sur la connexité, cf. Debbasch, Chronique, D. 1961. 145 ; Puisoye, « La notion de connexité », AJDA 1967. 260.
1284. F.-G. Bertrand, note sous CE 27 juill. 1972, D. 1972. 661 ; Homont, D. 1973. Chron. 147 ; R. d'Haëm, La réforme de la procédure de règlement
des questions de compétence à l'intérieur de la juridiction administrative, RFDA 2003. 497.
1285. P. Ordonneau, « Les problèmes posés au cours des dix dernières années par l'organisation et le fonctionnement des tribunaux administratifs »,
EDCE 1977-78. 111.
1286. M. Gentot et H. Oberdorf, Les cours administratives d'appel, coll. « Que sais-je ? » ; B. Pacteau, « Les CAA. De nouveaux juges pour une
justice administrative nouvelle », Rev. Justices, no 4. 99 ; R. Drago, « Les cours adminis tratives d'appel », RFDA 1988. 196 ; H. Isaïa, Les CAA. Bilan
critique, Economica, 1993 ; R. Le Goff, « Les membres des TA et des CAA sont-ils des magistrats ? », AJDA 2003. 1145 ; Dossier « Les CAA », AJDA
2008. 1240.
1287. Sur les modalités du concours, v. AJDA 2012. 1825.
1288. Pour un exemple de sanction disciplinaire (déplacement d'office) v. décret du 1er mars 2005 (JO 28 avr. 2005, p. 7396).
1289. B. Pacteau, « Le décret du 24 juin 2003 au secours des CAA », RFDA 2003. 910.
129. Qui a fait l'objet de la décision du Conseil constitutionnel no 2012-658 DC 13 déc. 2012, p. 667.
1290. F. Schneider : « Un régime contentieux spécial pour les projets d'énergies marines renouvelables », AJDA 2016. 485.
1291. « Les tribunaux administratifs ont 50 ans : état des lieux et perspectives », AJDA 2004. 625 (articles de P. Fombeur, B. Foucher et
D. Labetoulle) ; B. Pacteau, « L'indépendance des juges des tribunaux administratifs », RFDA 1986. 783 ; R. Viargues, « Plaidoyer pour les tribunaux
administratifs », RD publ. 1979. 1251 ; « Cinquantenaire des Tribunaux administratifs, Le juge administratif et les libertés publiques », RFDA 2003.
1045 ; B. Even, « Des conseils de préfecture aux tribunaux administratifs », RFDA 2004. 475 ; « L'avenir des tribunaux administratifs », Actes du
Colloque du 1er octobre 2004, JCP A 2005, no 34-35 ; Y. Jegouzo, « Les 60 ans des TA », AJDA 2013. 2281.
1292. Courtine, « Les attributions consultatives des tribunaux administratifs », EDCE, no 19, p. 299.
1293. CJA, art., R. 312-1 à R. 312-17. Cf. en outre : Chailley, « La réforme du contentieux, règles de compétence », D. 1954. Chron. 51 ; Long, La
compétence des tribunaux administratifs, AJ 1955, chron. 1.
1294. Landron, « Le tribunal administratif de Paris », EDCE, no 19, p. 267.
1295. J.-M. Le Gars, « La conciliation par le juge administratif », AJDA 2008. 1468.
1296. Auby, « Les recours administratifs », AJDA 1955. I. 117 ; J.-M. Auby, « Les recours administratifs préalables », AJDA 1997. 10 ; Les modes
alternatifs de règlement des litiges, Dossier AJDA p. 3 s.
1297. Ces recours sont définis à l'art. L. 410-1 du CRPA.
1298. S. Niquège, « Les demandes adressées à l'administration », RFDA 2011. 1165.
1299. Y. Coudray, « Les conditions de recevabilité du recours direct en interprétation », RD publ. 1981. 331.
13. J. Lamarque, Recherches sur l'application du droit privé aux services publics administratifs, Préfaces J.-M. Auby et J. Brethe de la Gressaye,
Bibl. de droit public, LGDJ, 1960.
130. E. Oliva, « La L-O du 17.XII.2012 : l'inclusion dans l'ordre juridique national de la règle de l'équilibre des administrations publiques », RFDA
2013. 440 ; M. Lascombe, « La nouvelle gouvernance financière », AJDA 2013. 228.
1300. Sandevoir, « Études sur le recours de pleine juridiction », 1964 ; S. Doumbe-Bille, « Recours pour excès de pouvoir et recours de plein
contentieux », AJDA 1993. 3 ; D. Bailleul, L'efficacité comparée des recours pour excès de pouvoir et de plein contentieux objectif en droit public
français, LGDJ, 2002, préf. Lebreton ; pour la remise en cause de la distinction des contentieux par la Cour européenne des droits de l'homme, v. chron.
J.-F. Flauss, AJDA 2002. 507 ; S. Daël, « Les métamorphoses de la distinction des contentieux », Mélanges Labetoulle, p. 209.
1301. Dossier : « La réforme du contentieux de l'urbanisme », AJDA 2013. 1896 ; l'ordonnnace est applicable immédiatement aux instances en cours :
CE 18 juin 2014, D. 2014. 1378.
1302. J. Waline « Plein contentieux et excès de pouvoir », RDP 2015. 1551 ; D. Truchet : « Office du juge et distinction des contentieux : renoncer
aux branches », RFDA 2015. 657 ; D. Pouyaud : « Que reste-t-il du recours pour excès de pouvoir dans le contentieux des contrats ? », RFDA 2015. 727 ;
H. Lepetit-Collin et A. Perrin, « La distinction des recours contentieux en matière administrative. Nouvelles perspectives », RFDA 2011. 813.
1303. R. Alibert, Le contrôle juridictionnel de l'administration.
1304. M. Letourneur, « L'apparition de nouveaux éléments subjectifs dans le recours pour excès de pouvoir », EDCE, no 7, p. 66.
1305. AJDA 1995, Numéro spécial du cinquantenaire, p. 190.
1306. CE, Ass., 16 févr. 2009, Rec. 25, Concl. C. Legras ; AJDA 2009. 583, chron. Liéber et Botteghi ; J. Martinez-Mehlinger, « Vers “l'atomisation”
du recours pour excès de pouvoir dans le contentieux des sanctions administratives », RFDA 2012. 257.
1307. M. Waline, « Vers un reclassement des recours contentieux ? », RD publ. 1935. 305 ; Hébraud, « L'acte juridictionnel et la classification des
contentieux », Rev. Ac. lég. Toulouse, 1949. 131 ; Lampué, « La distinction des contentieux », Mélanges Scelle, t. I, p. 285 ; F. Melleray, Essai sur la
structure du contentieux administratif français, LGDJ, 2001, 457 p. ; R. Chapus, « Marcel Waline et la théorie du contentieux administratif », RD publ.
2002. 947 ; H. Lepetit-Collin, Recherches sur le plein contentieux objectif, Thèse Paris, 2008 ; P. Delvolvé, « Recours pour excès de pouvoir et droits
subjectifs », Mélanges Costa, p. 219.
1308. R. Alibert, Le contrôle juridictionnel de l'administration au moyen du recours pour excès de pouvoir, 1926 ; Adde : Odent, Contentieux
administratif, III, p. 822 s. ; M. Waline, « Étendue et limites du contrôle du juge sur les actes de l'administration », EDCE, no 10, p. 25 ; D. Bordier,
« Variations en mineur sur l'excès de pouvoir », AJDA 2011. 368.
1309. Sur le lien permettant d'invoquer l'exception d'illégalité : CE, Sect., 25 févr. 2005, Assoc. Préservons l'avenir à Ours Mons Taulhac, RFDA
2005. 608, concl. Guyomar, note Hostiou.
131. V. AJDA 2011. 2385.
1310. J.-P. Négrin, « Vers un alignement du déféré préfectoral sur le recours pour excès de pouvoir ? », D. 1987. 70.
1311. Landon, Le recours pour excès de pouvoir sous le régime de la justice retenue, thèse, Paris, 1942 ; Histoire du recours pour excès de pouvoir
des origines à 1954, 1962 ; Le recours pour excès de pouvoir depuis 1954, 1968 ; Imbert, L'évolution du recours pour excès de pouvoir, 1872-1900.
1312. Cf. Hauriou, note au S. 1917. III. 25 ; Welter, Le contrôle juridictionnel de la moralité administrative, thèse, Nancy, 1929.
1313. Letourneur, « L'apparition de nouveaux éléments subjectifs dans le recours pour excès de pouvoir », EDCE, no 7, p. 66.
1314. P. Wachsmann, « La recevabilité du recours pour excès de pouvoir à l'encontre des contrats », RFDA 2006. 24 ; J. Waline, « Contrats et recours
pour excès de pouvoir », Mélanges Labetoulle, p. 859.
1315. Pour les décisions confirmatives v. T. Ondo, Dr. adm. 2006, no 8-9. 13 ; B. Rainaud, LPA 2006, no 145.
1316. Conclusions Chenot, sous CE 20 févr. 1950, Gicquel, Rec. 100 ; Laligant, La notion d'intérêt pour agir, RD publ. 1971. 43 ; E. Langelier,
« Nouvelles variations sur l'intérêt pour agir dans le recours en annulation », AJDA 2012. 417 ; F. Melleray : « À propos de l'intérêt donnant qualité pour
agir en contentieux administratif », AJDA 2014. 1530.
1317. J.P. Camby, « L'intérêt du parlementaire à agir devant le juge administratif », RD publ. 2013. 97.
1318. Toutefois, l'habitant n'est recevable à former le recours que si la décision, compte tenu de l'importance de la commune, peut avoir une incidence
réelle sur sa situation (CE 6 juin 1973, Dame Chalot, AJDA 1974. 327 : irrecevabilité d'un habitant à attaquer un permis de construire intéressant un
quartier très éloigné de son domicile).
1319. B. Pacteau, « Le contentieux administratif, affranchi du timbre », RFDA 2004. 89 ; V. Haïm, « Le droit de timbre nouveau est arrivé ! », AJDA
2012. 154 ; Cette contribution n'est pas inconstitutionnelle : Cons. const. 13 avr. 2012, décis. no 2012-231/234 QPC, AJDA 2012. 789.
132. V. Y. Jegouzo, « L'administration du territoire au péril de la RGPP ? », AJDA 2011. 1401 ; ainsi que AJDA 2011. 1300.
1320. Guillien, L'exception de recours parallèle, 1934.
1321. J. Tercinet, Le retour de l'exception de recours parallèle, RFDA 1993. 705.
1322. Gazier, Essai de présentation nouvelle des ouvertures du recours pour excès de pouvoir, EDCE, no 5, p. 77 ; M. J. Guédon, La classification des
moyens d'annulation des actes administratifs, AJDA 1978. 82.
1323. Sur la recevabilité des moyens en contentieux administratif : CE 2 déc. 2015, M. Vernet et Sect. 5 déc. 2016, Synd. Mixte des transports en
commun Hérault Transport, AJDA 2016. 479, chr. Dutheillet de Lamothe et Odinet.
1324. Letourneur, « L'étendue du contrôle du juge de l'excès de pouvoir », EDCE, no 16, p. 51.
1325. Auby, « L'incompétence ratione temporis », RD publ. 1953. 5.
1326. Le fait que le Préfet de police ne pouvait pas légalement être maintenu en fonctions après son admission à la retraite n'entache pas
d'incompétence les actes pris en vertu des délégations de signature qu'il a consenties : CE, Sect., 16 mai 2001, Préfet de Police/Mtimet, AJDA 2001. 643
et 672, note Legrand.
1327. Berlia, « Le vice de forme », RD publ. 1940. 370 ; J.-F. Lachaume, « Le formalisme », AJDA 1995, no spécial, p. 133 ; D. Labetoulle, « Le vice
de procédure parent pauvre de l'évolution du pouvoir d'appréciation du juge de l'annulation », Mélanges Jegouzo, p. 481 ; M. Rota : « Vers la disparition
des vices de forme ? », RDP 2015. 641.
1328. R. Hostiou, « Simplification du droit, sécurité juridique et nouvel office du juge administratif », RFDA 2012. 423.
1329. C. Mialot, « L'arrêt Danthony du point de vue du justiciable », AJDA 2012. 1484 ; « Domino et Bretonneau, Jurisprudence Danthony : bilan
après 18 mois », AJDA 2013. 1733.
133. V. AJDA 2012. 1378 ; D. 2012. 2028 ; AJDA 2012. 1764.
1330. Vidal, « L'évolution du détournement de pouvoir », RD publ. 1952. 275 ; C. Ballandras-Rozet, « Réflexions sur la dimension morale du
détournement de pouvoir », AJDA 2007. 2236.
1331. G. Camus, RD publ. 1966. 65 ; Goy, « La notion de détournement de procédure », Mélanges Eisenmann, 1975, p. 321 ; O. de David
Beauregard-Berthier, « La notion de détournement de procédure en droit administratif », Dr. adm. 2006, no 1, p. 13.
1332. Galmot, « Le contrôle juridictionnel des saisies d'écrits imprimés », EDCE, no 13, p. 57.
1333. J. Lemasurier, « La preuve dans le détournement de pouvoir », RD publ. 1959. 36.
1334. L. V. Fernandel-Maublanc, « Le prétendu déclin du détournement de pouvoir », Mélanges Auby, p. 239.
1335. Drago, « Le défaut de base légale dans le recours pour excès de pouvoir », EDCE, no 14, p. 27.
1336. Megret, « De l'obligation pour l'administration de procéder à un examen particulier des circonstances de l'affaire », EDCE, no 7, p. 77 ;
H. T. C., « De l'arrêt Sté Génestal à l'arrêt Crédit foncier de France », AJDA 1971. 196 ; Amiel, « L'examen particulier des circonstances », Rev. de dr.
prospectif, 1979. 25.
1337. Sur l'ensemble du problème : Dubisson, Légalité et opportunité dans le recours pour excès de pouvoir, thèse, Paris, 1955 ; M. Waline,
« Étendue et limites du contrôle du juge administratif », EDCE, no 10, p. 25 ; Letourneur, « L'étendue du contrôle du juge de l'excès de pouvoir », EDCE,
no 16, p. 51. ; Exemple de contrôle des motifs : CE 10 janv. 2011, Mme Lévèque, AJDA 2011. 901, Concl. Roger-Lacan.
1338. G. Vedel, Essai sur la notion de cause en droit administratif, thèse, Toulouse 1934 ; Charlier, « La cause dans la jurisprudence récente », JCP
1950. I. 871.
1339. Sur cette jurisprudence, v. notamment : CE 26 oct. 1974, Grassin, AJDA 1974. 34 ; 4 oct. 1974, Grimaldi, 24 janv. 1975, Gorbier, AJDA 1975.
142 ; cf. J.-P. Gilli, AJDA 1973. 13 ; M. Fromont, « Le principe de proportionnalité », AJDA 1995, no spécial, p. 156 ; M. Guibal, « De la
proportionnalité », AJDA 1978. 444, et les études ci-après dans les Mélanges Waline, 1974, T. 2 : G. Braibant, « Le principe de proportionnalité », p. 297 ;
J. Lemasurier, « Vers un nouveau principe général du droit : bilan coût-avantages », p. 551 ; J. Waline, « Le rôle du juge administratif dans la
détermination de l'utilité publique », p. 811 ; J.-P. Costa, « Le principe de proportionnalité dans la jurisprudence du CE », AJDA 1988. 434.
134. V. AJDA 2011. 2260.
1340. CE, Ass., 18 mars 1955, Hamou, p. 168 et 13 janvier 1988, Abina, AJDA 1988. 255, conclusions O. Schrameck.
1341. Ch. Bréchon-Moulènes : « La place du juge administratif dans le contentieux économique public », AJDA 2000. 679.
1342. On trouve un exemple de l'extension du contrôle normal à une matière jusque-là soumise au seul contrôle minimum dans : CE 5 mai 1976,
SAFER d'Auvergne, GAJA, no 82. Il s'agit du contrôle par le juge administratif des décisions prises par l'Inspection du travail en matière d'autorisation du
licenciement des représentants du personnel dans l'entreprise, même lorsque le licenciement se fonde sur un motif économique (18 févr. 1977, Abellan,
AJDA 1977. 273). Il en va de même pour le contrôle de l'appréciation à laquelle se livre le préfet lorsqu'il oppose l'existence d'une menace pour l'ordre
public à une demande de carte de séjour temporaire : CE, Sect., 17 juill. 2003, M. Bouhsane, AJDA 2003. Chron. 2025. En revanche, le Conseil d'État a
maintenu le contrôle restreint sur les avis rendus par la Commission d'avancement de la magistrature : CE, Sect., 30 déc. 2003, Mme M., AJDA 2004. 206,
chron. Donnat et Casas.
1343. Kornprobst, L'erreur manifeste, D. 1965. Chron. 21 ; Vincent, L'erreur manifeste d'appréciation, Rev. adm. 1971. 407 ; Letourneur, L'erreur
manifeste dans la jurisprudence du Conseil d'État, Mélanges Ganshof van der Meersch, 1972, T. III, p. 563 ; Henry, Une nouvelle fonction pour l'erreur
manifeste, AJDA 1979, no 6, p. 17. La notion d'erreur manifeste a été étendue par le Conseil constitutionnel à son contrôle sur les lois qui lui sont
déférées (Cons. const. 16 janv. 1982, AJDA 1982. 209).
1344. Sauvignon, « La pluralité des motifs », AJDA 1971. 200 ; M. J. Guédon, Régularité interne de l'acte admisitratif et pouvoir de substitution du
juge, AJDA 1981. 443.
1345. Exemple de substitution de motif par le juge de cassation : CE, Sect., 27 oct. 1999, Bayeux, Rec. 335 ; v. égal. : CE, Sect., 23 nov. 2001, Cie
nationale Air-France, Rec. 576 ; CE, Sect., 3 déc. 2003, Préfet de la Seine-Maritime, AJDA 2004. 202, chron. Donnat et Casas ; I. de Silva, Substitution
de motifs, deux ans d'application de la jurisprudence Hallal, AJDA 2006. 690 ; A. Claeys, « La technique jurisprudentielle de la substitution de motifs et
l'office du juge de l'excès de pouvoir », Mélanges Lachaume, p. 299 ; M. Degueugue, « Une controverse doctrinale latente relative au contrôle des motifs
de fait », Mélanges Lachaume, p. 377.
1346. F. Melleray, « Dix ans de jurisprudence Hallal », AJDA 2014. 529.
1347. Delmas-Marsalet, « Le contrôle juridictionnel des interventions économiques de l'État », EDCE, no 22, p. 153 ; Savy, « Le contrôle
juridictionnel de la légalité des décisions économiques de l'administration », AJDA 1973. 3 ; J. C. Venezia, « Sur le degré d'originalité du contentieux
économique », Mélanges Stassinopoulos, 1974, p. 147.
1348. Sur la notion de décision susceptible de recours, v. chron. AJDA 2012. 2373.
1349. Nguyen-Quoc-Dinh, « L'intervention dans le recours pour excès de pouvoir », RD publ. 1946. 389 ; Intervention admise sur la seule base de la
qualité d'électeur : CE, Ass., 8 avr. 2009, Hollande et Mathus, Rec. 140, Concl. De Salins ; CE Sect., 25 juill. 2013, OFPRA, Rec. 224 ; CE Ass., 13 nov.
2013, Cimade, Rec. 269.
135. V. G. Desmoulin, « La recherche de la performance des politiques publiques », AJDA 2013. 894.
1350. Weil, Les conséquences de l'annulation d'un acte administratif pour excès de pouvoir, thèse, Paris, 1952 ; Massot, « Portée et conséquences de
l'annulation par le juge d'un acte administratif », EDCE, no 30, 1980, p. 111.
1351. Corbel, « L'annulation partielle des actes administratifs », AJDA 1972. 138 ; R. Thiele : « Annulations partielles et annulations
conditionnelles », AJDA 2015. 1357.
1352. Lesage, Les interventions du législateur dans le fonctionnement de la justice, 1960 ; F. Luchaire, « Le Conseil constitutionnel et les lois de
validation », RD publ. 1998.23.
1353. Louis-Lucas, D. 1957. Chron. 115.
1354. Debbasch, Procédure administrative contentieuse et procédure civile, 1961 ; Chaudet, Les principes généraux de la procédure administrative
contentieuse, 1967 ; Chapus, « De l'office du juge, contentieux administratif et nouvelle procédure civile », EDCE 1977-78, p. 11 ; M. Deguergue,
Procédure administrative contentieuse, Montchrestien, 2003, 224 p. ; O. Gohin, « Les principes directeurs du procès administratif en droit français », RD
publ. 2005. 171 ; et les ouvrages généraux de contentieux administratif cités dans la bibliographie générale (XIII et XIV) ; Dossier : « Le nouveau procès
administratif », AJDA 2011. 596 s. ; D. Giltard : « Procès administratif et droit processuel », AJDA 2014. 1015.
1355. Lenoan, La procédure devant le Conseil d'État, thèse, Paris, 1954.
1356. R. Chapus, « Lecture du Code de justice administrative », RFDA 2000. 929 ; J. Arrighi de Casanova, « Le Code de justice administrative »,
AJDA 2000. 639 ; R. Chapus, « Vues sur la justice administrative », Mélanges Labetoulle, p. 159 ; G. Braibant, « Le Code de justice administrative »,
Mélanges Labetoulle, p. 121 ; D. Chabanol, « Du dialogue du juge et des parties. Réflexions sur la procédure administrative contentieuse », Mélanges
Labetoulle, p. 149.
1357. J. Sirinelli : « Les règles générales de procédure », RFDA 2015. 358.
1358. P. Fanachi, Le procès administratif, PUF, coll. « Que Sais-je ? ».
1359. La contradiction en droit public français et l'art. 6, § 1, de la CEDH, Actes du Colloque de Lyon, RFDA 2001. 1 ; T. Einaudi, L'obligation
d'informer dans le procès administratif, préf. J.-P. Négrin, LGDJ, 2002, 457 p. ; P. Idoux, « Vers un redéploiement de la contradiction en DA français »,
AJDA 2009. 637 ; D. de Béchillon, « Principe du contradictoire et protection du secret des affaires », RFDA 2011. 1107.
136. Pour une analyse des travaux du CIMAP, v. AJDA 2012. 1821, 2085 et 2414. AJDA 2013. 711, 1477 et 2521.
1360. B. Quiriny, « Actualité du principe général d'impartialité administrative », RD publ. 2006. 375 ; J. M. Sauvé, « Un juge indépendant et
impartial », Mélanges Costa, p. 359 ; O. Schrameck, « Le principe d'impartialité en droit français et la CEDH », Mélanges Costa, p. 563.
1361. V. par ex. : Dossier RFDA 2003. 694 s. ; Dossier RFDA 2004. 713 s. ; A. Cabanes et A. Robles, « L'impartialité du juge en Europe : des
apparences parfois trompeuses », AJDA 2004. 2375.
1362. B. Pacteau, « La récusation des juges administratifs », RD publ. 2012. 543.
1363. J. Andriantsimbazovina, « Délai raisonnable du procès, recours effectif ou déni de justice ? », RFDA 2003. 85 ; D. Dero-Bugny, « Le droit à
être jugé dans un délai raisonnable par la juridiction administrative », Dr. adm. 2006, no 10, p. 5.
1364. C. Braud, « Nouvelle méthode de calcul du délai raisonnable », RD publ. 2010. 1135.
1365. Le nouveau juge administratif des référés, Colloque de Strasbourg, Annales de la Fac. de droit de Strasbourg, Nouvelle série, no 5, p. 21 ;
B. Lasserre, La redécouverte de l'oralité, Mélanges Labetoulle, p. 545 ; B. Blanchet et P. Nerenhausen, Faut-il guérir le procès administratif de sa
taciturnité chronique ?, AJDA 2007. 1912 ; J. Bénéteau, « L'oralité dans la procédure administrative contentieuse », RRJ 2010. 889.
1366. X. Pottier, « L'acceptation de l'instance par l'administration : un Lazare doctrinal définitivement mort ? », AJDA 2008. 1696.
1367. Gilli, La cause juridique de la demande en justice en droit administratif, 1962 ; M. Saussereau, La cause de la demande en justice a-t-elle
encore une place en contentieux administratif ? L'apport de la procédure civile à la réflexion, RD publ. 2003. 631.
1368. V. l'interview relative à Télérecours in AJDA 2013. 652 ; J.-M. Pastor et D. Poupeau : « Télérecours, l'application qui bouscule les habitudes »,
RFDA 2015. 1612.
1369. Un recours gracieux non rédigé en français ne conserve pas le délai du recours contentieux, CE, Sect., 5 janv. 2000, Cne de Mâcot-la-Plagne,
AJDA 2000. 179.
137. Sur tous ces points, v. Ch. Waline, P. Desrousseaux et B. Pellé, « Contrôle et évaluation des finances publiques », Doc. Frse.
1370. Sur les Avocats au Conseil d'État cf. les études de Maîtres Morillot et de Lapanouse, Livre Jubilaire, p. 351 et 367. Selon la Cour européenne
des droits de l'homme, le monopole des Avocats aux conseils ne porte pas atteinte au droit à un procès équitable : v. chron. J.-F. Flauss, AJDA 2003. 1926.
1371. Heurté, « Avocats et tribunaux administratifs », AJDA 1955. I. 98.
1372. L'État n'est pas assujetti à l'obligation de recourir à un avocat : CE 21 déc. 2001, Époux Hoffmann, D. 2002. IR. 697.
1373. M. de Drouas, « Le juge administratif et le requérant sans avocat », AJDA 2013. 900.
1374. M. A. Maigne, « Pour un meilleur remboursement des frais irrépétibles », AJDA 2011. 2201.
1375. D. Labetoulle, Le projet de réforme des procédures d'urgence devant le juge administratif, AJDA no spécial juillet-août 1999, p. 79.
1376. Lavau, « Du caractère non-suspensif des recours devant les juridictions administratives », RD publ. 1950. 717.
1377. Y. Gaudemet, « Remarques à propos du sursis à exécution des décisions administratives », RD publ. 1973. 385 ; « Le juge administratif et le
prononcé du sursis », AJDA 1982. 629 ; Gleizal, « Le sursis à exécution des décisions administratives », AJDA 1975. 381 ; Daussin Charpentier, « Pour
une nouvelle conception du sursis à exécution », AJDA 1976. 97 ; Amiel, « Le sursis à exécution des décisions administratives, RRJ 1978. 21 ; Porcell,
« Sur la portée des décisions du juge administratif : le sursis à exécution au cœur du débat, AJDA 1984. 149 ; J. Massot, concl. sous CE 24 févr. 1986, RD
publ. 1986. 605 ; La notion de préjudice difficilement réparable en matière de sursis à exécution, concl. R. Abraham sous CE 20 sept. 1991, Min. des
Affaires sociales, c/ ARC, RD publ. 1991. 1727 ; S. Tsiklitiras, « Le statut constitutionnel du sursis à exécution devant le juge administratif », RD publ.
1992. 679.
1378. Sur la genèse de la loi, v. un ensemble d'études et de documents à la RFDA 2000 : – Rapport du groupe de travail (P. 941) ; – B. Pacteau, Vu de
l'intérieur : la loi du 30 juin 2000, une réforme exemplaire, (p. 959) ; – M. Fouletier (p. 963). J.-L. Rey, Les CAA et la réforme du référé administratif,
AJDA 2001.526 ; D. Labetoulle, La genèse de la loi du 30 juin 2000, Colloque de Strasbourg, Annales de la Fac. de droit, no 5, p. 15 ; Le projet de
réforme des procédures d'urgence devant le juge administratif, AJDA 1999, no spécial, juillet-août, p. 79 ; Le référé nouveau est arrivé, D. 2001. 211 ;
R. Denoix de saint-Marc, Les procédures d'urgence, premier bilan, AJDA 2002. 1 ; M. C. Rouault, La loi du 30 juin 2000 : un petit pas vers le traitement
efficace de l'urgence par le juge administratif, D. 2001. Chron. 398 ; R. Vandermeeren, La réforme des procédures d'urgence (commentaire de la loi du
30 juin 2000), AJDA 2000. Chron. Législation. 706 ; L. Richer, La contradiction et le juge administratif de l'urgence, RFDA 2001.320 ; P. Cassia, Les
référés administratifs d'urgence, LGDJ, Coll. « Systèmes Droit », 2003, 198 p. ; B. Stirn, « Juge des référés, un nouveau métier pour le juge
administratif ? », Mélanges Labetoulle, p. 795 ; Pour un premier bilan de la réforme, Dossier in RFDA 2007. 37 s. ; C. Boyer-Capelle, « L'influence
renouvelée de la Cour EDH dans le domaine des mesures provisoires et l'office du juge administratif français », RD publ. 2011. 321 ; Bretonneau et Lessi,
« Référés : l'irrésistible ascension », Chr. AJDA 2014. 1484.
1379. Op. cit., p. 79 : D. Labetoulle a été, à l'évidence, l'une des chevilles ouvrières de la réforme à l'intérieur du groupe de travail créé par le Vice-
président du Conseil d'État et qui a préparé le nouveau texte.
138. JO 4 févr. 2011, p. 2250 ; v. J.F. Amédro, « L'évaluation des politiques publiques : structure et portée constitutionnelle d'une nouvelle fonction
parlementaire », RD publ. 2013. 1137.
1380. A. Bourrel, « Le pouvoir d'injonction du juge des référés d'urgence », RD publ. 2010. 927.
1381. V. CE Sect., 16 avril 2012, Cne de Conflans-Sainte Honorine, Rec. 153, Concl. Botteghi ; CE 19 juin 2015, Cne de Sauint-Leu, AJDA 2015.
1240.
1382. G. Eckert, Du sursis à exécution au référé-suspension, Colloque de Strasbourg, Annales Fac de droit, no 5, p. 111 ; S. Overney, « Le référé-
suspension et le pouvoir de régulation du juge », AJDA 2001. 714. « Sur le référé-suspension au regard du référé-précontractuel », AJDA 2002. Chron.
JP. 419 ; V. Ogier-Bernaud, « Le référé-suspension et la condition d'urgence », RFDA 2002. 284 ; B. Caviglioli, « Le recours au bilan dans l'appréciation
de l'urgence », AJDA 2003. 642 ; R. Vandermeeren, « Le référé-suspension », RFDA 2002. 250 ; P. Cassia, « Le juge administratif des référés et le
principe d'impartialité », D. 2005. 1182 ; Y. Saint-Jours, « De l'extension du référé suspension aux recours en annulation d'actes réglementaires pour
illégalité », D. 2005. 1369.
1383. À titre d'indication on constate que dans l'affaire Arfi précitée (CE, Sect. 22 juin 2007, Rec. 263, Concl. Guyomar) le Conseil d'État tranche sur
le fond par une décision du 22 juin 2007 alors que la décision de référé était intervenue le 8 mars 2005 !
1384. F. Moderne, Le référé-liberté devant le juge administratif, Colloque de Strasbourg, Annales Fac. de Droit, no 5, p. 131 ; G. Bachelier, Le
référé-liberté, RFDA 2002. 261 ; M. Lombard, Éloge de « la folle du logis » : la dialectique de la théorie de la voie de fait et du référé liberté, Mélanges
Cohen-Jonathan, p. 1125 ; V. Haïm, « Référé liberté et administration des collectivités territoriales », AJDA 2005. 810. ; X. Dupré de Boulois, « Le
référé-liberté pour autrui », AJDA 2013. 2137 ; J. Schmitz : « Le juge du référé-liberté à la croisée des contentieux de l'urgence et du fond », RFDA 2014.
502.
1385. L. Favoreu, « La notion de liberté fondamentale devant le juge administratif des référés », D. 2001. 1739 ; E. Sales, « Vers l'émergence d'un
droit administratif des libertés fondamentales ? », RD publ. 2004. 207 ; G. Glenard, « Les critères d'identification d'une liberté fondamentale au sens de
l'art. L. 521-2 CJA », AJDA 2003. 2008 ; F. Brenet, « La notion de liberté fondamentale au sens de l'art. L. 521-2 CJA », RD publ. 2003. 1535 ; E. Dreyer,
« La fonction des droits fondamentaux dans l'ordre juridique », D. 2006. 748.
1386. J. L. Mestre, « La propriété, liberté fondamentale pour les constituants de 1789 », RFDA 2004. 1 ; Th. Pez, « Le droit de propriété devant le
juge administratif du référé--liberté », RFDA 2003. 370 ; J. Tremeau, « Le référé-liberté, instrument de protection du droit de propriété », AJDA 2003.
653.
1387. F.X. Bréchot, « Un référé-liberté pour la vie », RFDA 2013. 1842.
1388. L. Abramowitch, « Un Janus procédural : le référé-constat », AJDA 2013. 448.
1389. Denoix de Saint-Marc et Labetoulle, « Les pouvoirs d'instruction du juge administratif », EDCE, no 23, p. 69 ; Labetoulle, « Remarques sur
l'élaboration des décisions du CE statuant au contentieux », Mélanges Chapus, p. 333 ; J.-P. Pastorel, L'expertise dans le contentieux administratif, 1994 ;
Carpentier-Daubresse : « Pouvoir ou devoir d'instruction du juge administratif ? », AJDA 2014. 1143.
139. Pour l'année 2009, v. AJDA 2010. 1057.
1390. Lorsque la solution de l'affaire est d'ores et déjà certaine, le Président peut décider qu'il n'y a pas lieu à instruction et transmettre le dossier au
Rapporteur public (CJA, art. R. 611-8) : CE 8 nov. 2000, Morel, Rec. 507.
1391. C. Bugnon, « L'amicus curiae, facteur de démocratisation du procès administratif », AJDA 2011. 1608.
1392. Pactet, Essai d'une théorie de la preuve devant les juridictions administratives, Thèse Paris 1952 ; Heurté, « L'enquête devant les juridictions
administratives », JCP 1952. I. 1037 ; Mme Cadoux-Trial, « La charge de la preuve devant le Conseil d'État », EDCE, no 7, p. 85 ; Colson, L'office du
juge et la preuve dans le contentieux administratif, 1971 ; A. Plantey, La preuve devant le juge administratif, JCP 1986. I. no 3245 ; A. Plantey et
F. Bernard, La preuve devant le juge administratif, Economica, 2003, 382 p. ; H. de Gaudemar, « La preuve devant le juge administratif », Dr. Adm. 2009,
no 6, p. 12 ; Daumas : « Loyauté et liberté de la preuve devant le juge administratif », Concl. Sous CE, Sect., 16 juill. 2014, M. Freddy, RFDA 2014. 924.
1393. D. Chabanol, « Le droit de l'expertise devant le juge administratif », Dr. Adm. 2009, n° 6, p. 12 ; Dossier : « L'expertise dans le procès
administratif », AJDA 2014. 1360 ; J.M. Le Gars : « Le sapiteur, ce faux ami », AJDA 2016. 302.
1394. P. Mindu, « Une audience rénovée », AJDA 2012. 1201.
1395. B.Pacteau : « La récusation des juges administratifs », RDP 2012. 543.
1396. M. Boukheloua, « Le magistrat rapporteur dans le procès administratif », AJDA 2014. 431.
1397. Dupeyroux, « Le ministère public devant les juridictions administratives », Mélanges Mestre, p. 179 ; Guillien, « Les commissaires du
gouvernement », RD publ. 1955. 281 ; N. Rainaud, « Le commissaire du gouvernement près le Conseil d'État, Bibl. droit public, T. 181 ; V. Haïm, « Le
commissaire du gouvernement, et le respect du contradictoire », D. 1999. Chron. 201.
1398. Sur cette décision, v. : B. Genevois, « Le Commissaire du Gouvernement devant le Conseil d'État statuant au contentieux ou la stratégie de la
persuasion », RFDA 2000. 1207 ; J. Andriantsimbazovina, « Le Commissaire du Gouvernement prés le Conseil d'État et l'art. 6, para 1, de la CEDH »,
D. 2001. Chron. 1188 ; X. Prétot, « Le Commissaire du Gouvernement et le droit au procès : dernier sursis avant l'exécution ? », RD publ. 2001. 983 ;
D. Chabanol, « Théorie de l'apparence ou apparence de théorie ? Humeurs autour de l'arrêt Kress », AJDA 2002. 9 ; S. Guinchard, « Dialogue imaginaire
entre un justiciable moyen et un juriste désespéré par l'arrêt Kress », D. 2003. 152 ; A. Bonnet, « La nouvelle partition (à écrire) du Commissaire du
Gouvernement », AJDA 2003. 323.
1399. Y. Madec, « Le décret du 19 décembre 2005 : dernier acte de repentance ou réveil de la juridiction administrative française ? », AJDA 2006.
113.
14. Ch. Debbasch, « Le droit administratif, droit dérogatoire du droit commun ? », Mélanges R. Chapus, p. 126 ; A. Van Lang, Juge judiciaire et droit
administratif, LGDJ, 1996.
140. M. Verpeaux, Les collectivités territoriales en France, Dalloz, 3e éd. 2006 ; L. Favoreu, La notion constitutionnelle de collectivité territoriale,
Mélanges. J. Moreau, p. 155 ; M. Doat, Recherche sur la notion de collectivité locale en droit administratif français, Bibl. Droit public, T.230 ; S. Caudal
et F. Robbe, Les relations entre collectivités territoriales, L'Harmattan, 2005 ; B. Faure Droit des collectivités territoriales, Dalloz, coll. « Précis » 3° éd. ;
J. Ferstembert, F. Priet et P. Quilichini, Droit des collectivités territoriales, Dalloz, 2009 ; O. Gohin et autres, Droit des Collectivités territoriales, Cujas,
648 p. ; Touvet, Festembert, Cornet, Les grands arrêts du droit de la décentralisation, Dalloz, 2e éd. 2001 ; Code général des collectivités territoriales,
Dalloz, 19° éd., 2016 ; Code général des collectivités territoriales, Lexis, 2013 ; B. Dreyfus, Vademecum des collectivités locales et territoriales, 14° éd. ;
G. Marcou, « L'État et les collectivités territoriales », AJDA 2013. 1556 ; Dossier : « Les enjeux de la réforme des collectivités territoriales », AJDA 2013.
1316 ; Dossier : « La Constitution et les collectivités territoriales », Nouv. Cah. Cons. const., no 42, Janv. 2014 ; Dossier : « Des réformes de collectivités
territoriales en Europe », RFDA 2015. 683 ; Dossier : « Contentieux des collectivités locales », AJDA 2016. 582 s. ; Sur les collectivités locales avant la
réforme de 1982 : Chapman, L'administration locale en France, 1955 ; Detton, L'administration régionale et locale de la France, 1957 ; Bénoit,
Collectivités locales, 1971.
1400. D. Chauvaux et J.H. Stahl, « Le Commissaire, le délibéré et l'équité du procès », AJDA 2005. 2116.
1401. Sur tous ces points, v. B. Genevois, AJDA 2006. 900 ; G. Gondouin, AJDA 2007. 2068 ; J.-F. Flauss, AJDA 2006. 1711 ; B. Pacteau, AJDA
2006. 2305.
1402. F. Melleray et B. Noyer, « L'information des parties sur le sens des conclusions du Rapporteur public », AJDA 2013. 1839.
1403. B. Pacteau : « Le rapporteur public sauvé des eaux », RFDA 2014. 47.
1404. E. Gherardi, « La note en délibéré dans le contentieux administratif », AJDA 2003. 2243 ; C. Pilone, « L'évolution du statut des notes en
délibéré dans la procédure administrative contentieuse », JCP A 2004, no 49, 1785 ; D. Chauvaux, « De la contradiction entre les juges. Réflexions sur le
délibéré », Mélanges Labetoulle, p. 175.
1405. S. Caylet : « À propos de l'euro compatibilité de la transmission du rapport du rapporteur public », RDP 2014. 891.
1406. A. de Laubadère, « Le Conseil d'État et l'incommunicabilité », EDCE, no 31, 1979-1980.17 ; À titre de curiosité, un arrêt de 30 pages : CE,
Ass., 21 déc. 2012, Sté Groupe Canal +, Rec. 446.
1407. V. « Rapport du groupe de travail sur la rédaction des décisions de la juridiction administrative », avr. 2012, 54 p. et 165 p. d'annexes.
Publications du CE ; v. R. Grand, « Considérant qu'il importe de rendre les décisions du juge administratif plus accessibles », AJDA 2012. 976 ; M.C. de
Montecler, « Adieu considérant ? », AJDA 2012. 1249 ; et les succulents « Libres propos sur la rédaction des décisions de justice » de J.C. Duchon-Doris,
in AJDA 2012. 2264.
1408. M.-C. Ponthoreau, « Réflexions sur la motivation des décisions juridictionnelles en droit administratif », RD publ. 1994. 747. L. Boré, « La
motivation des décisions de justice et la CEDH », JCP 2002. I. 104 ; S. Castillo-Wyszogrodzka : « La motivation des décisions de justice : perspective
comparatiste », D. 2014. 1838 ; A. Antoine et D. Fairgrieve : « Écrire les décisions de justice… comparaison franco-britannique », RD publ. 2014. 759.
1409. J.-L. Pissaloux, « Réflexions sur les moyens d'ordre public dans la procédure administrative contentieuse », RD publ. 1999. 781 ; E. Akoun :
« Les moyens d'ordre public en contentieux administratif », RFDA 2014. 195 ; v. : CE 28 juill. 1999, Min. de l'Intérieur, Rec. 270 ; CE, Ass., 6 avr. 2001,
S.A. Entreprise Razel Frères et le Leuch, Rec. 176 ; CE 30 juill. 2003, Mme Chatin-Tsai, AJDA 2003. 2045, note Markus.
141. Bodineau et Verpeaux, Histoire de la décentralisation, PUF, Que sais-je ? no 2741.
1410. Y. Gaudemet, « La prohibition des arrêts de règlement s'adresse-t-elle au juge administratif ? Les leçons de l'histoire », RD publ. 2010. 1617.
1411. P. Fraisseix, « Droit au juge et amende pour recours abusif », AJDA 2000. 20 ; cette amende n'est pas contraire à la CEDH et n'a pas à être
motivée : CE 18 oct. 2000, Poilly, D. 2000. IR 293 ; c'est un pouvoir propre du juge, elle ne peut pas être demandée par le requérant : CE, Sect., 31 janv.
2007, Sté France-Antilles, Rec. 28 ; v. concl. Olson sous CE, Sect., 9 nov. 2007, Mme Claire Pollart, RFDA 2008. 137.
1412. J. P. Lay, « Faut-il mieux encadrer le pouvoir d'injonction du juge administratif ? », RD publ. 2004. 1325 ; Y. Gaudemet, « Du bon usage de
l'injonction », RFDA 2003. 520 ; B. Delaunay, « Pour un intérêt à agir autonome en matière d'injonction », RD publ. 2007. 661 ; C. Maugüe, « Les
injonctions pour exécution de la chose jugée », Mélanges Labetoulle, p. 591. ; F. Dieu, « La règle de l'économie de moyens doit-elle paralyser lepouvoir
d'injonction du juge administratif ? », AJDA 2009. 1082. ; A. Perrin, L'injonction en droit public, LGDJ, 2009 ; B. Hachem, « Pour la fin de l'inhibition
du pouvoir d'injonction du juge administratif », AJDA 2014. 197 ; J.S. Boda : « L'évolution des pouvoirs d'injonction du juge pour faire exécuter les
contrats administratifs », RFDA 2014. 1061 ; Colloque : « Le pouvoir d'injonction du juge administratif. La loi du 8 février 1995, vingt ans après »,
RFDA 2015. 441 et 643.
1413. Pour une première application positive de l'injonction : CE, Ass., 26 mai 1995, Etna, D. 1995. 496, note Artus, et RD publ. 1996. 525, note J.-
M. Auby ; v. égal. CE 6 janv. 1999, Lavaurs, Rec. 1.
1414. F. Melleray, « L'étendue de l'autorité de chose jugée des déclarations d'illégalité d'actes administratifs », AJDA 2004. 138 ; J. Charret et
S. Deliancourt, « L'autorité de chose jugée s'attachant aux décisions rendues par le CE en sa qualité de juge de cassation », AJDA 2008. 568.
1415. Fayolle, La force exécutoire des décisions de justice vis-à-vis des administrations publiques, thèse, Nancy, 1936.
1416. P. Delvolvé, « L'exécution des décisions de justice contre l'administration », EDCE, no 35, p. 111 ; J.-P. Costa, « L'exécution des décisions de
justice », AJDA 1995, no spécial, p. 227 ; M. Gentot, « L'exécution des décisions du CE », Rev. adm. 1998. 113 ; chron. Guettier, L'administration et
l'exécution des décisions de justice, AJDA 1999, no spécial juill-août, p. 66.
1417. R. Chapus, Georges Vedel et l'actualité d'une « notion fonctionnelle » : l'intérêt d'une bonne administration de la justice, RD publ. 2003. 3 ;
B. Seiller, L'illégalité sans l'annulation, AJDA 2004. 963 ; Ph. Yolka, La bonne administration de la justice : une notion fonctionnelle ?, AJDA 2005. 233 ;
Dossier « La modulation des effets dans le temps d'une annulation contentieuse », présentation de D. Labetoulle, RFDA 2004. 437 s. ; 663 s. ; B. Seiller,
Pour un dispositif transitoire dans les arrêts, AJDA 2005. 2425 ; J. Arrighi de Casanova, Les habits neufs du juge administratif, Mélanges Labetoulle,
p. 11 ; H. Achpain, « Retour sur la notion de Bonne administration de la justice », AJDA 2012. 587.
1418. « Assez d'AC », AJDA 2012. 2375. chron. Domino et Bretonneau ; A.C. Bezzina : « 2004-2014 : Les dix ans de la jurisprudence AC ! », RFDA
2014. 735.
1419. Lesage, Les interventions du législateur dans le fonctionnement de la Justice, 1960 : Auby, « Sur une pratique excessive : les validations
législatives », Rev. de dr. prospectif, 1977, no 3-4, p. 10 ; B. Mathieu, « La constitutionnalité des validations législatives », RFDA 1989. 862 ; X. Prétot,
« Les validations législatives et le droit au procès équitable », RD publ. 2001. 23 ; J.-P. Camby, « Validations législatives », RD publ. 2000. 611 ;
B. Mathieu, « Les validations législatives devant le juge de Strasbourg », RFDA 2000. 289 ; B. Seiller, « Les validations préétablies, phase ultime du
dérèglement normatif », AJDA 2005. 2384 ; L. Richer, « La constitution, la loi, le contrat, le juge », AJDA 2007. 217. R. Kovar, Lois de validation et droit
communautaire, Europe 2007, Ét. no 20 ; J. Massot, « Les juges et les validations législatives : un chœur à cinq voix non sans dissonances », Mélanges
Genevois, p. 709.
142. M. Prelot, Les collectivités territoriales métropolitaines et la Constitution de 1946, Rev. adm., 1953. 7.
1420. Le plus célèbre est fourni par l'affaire Fabrégues, S. 1911. III, p. 121, note Hauriou. V. égal. CE 13 juill. 1962, Bréart de Boisanger, D. 1962.
664. La Section du rapport et des études du Conseil d'État indique qu'en 2012 les juridictions administratives ont été saisies de 2069 affaires en vue de
l'exécution de leurs décisions : EDCE, no 63, 2012, p. 122 ; P. Cassia, « La contrainte au paiement d'une somme d'argent en cas d'inexécution d'une
décision juridictionnelle par une collectivité territoriale », AJDA 2007. 1218.
1421. Cf. les deux arrêts successifs Caucheteux et Desmonts : le premier avait accordé aux requérants une indemnité de principe le 21 janv. 1944 ;
l'administration en a différé la fixation et le paiement jusqu'à ce que le second vienne la condamner à s'acquitter, avec des dommages-intérêts
compensatoires, le 2 mai 1962, soit dix-huit ans plus tard (RD publ. 1962. 285).
1422. Josse, « L'exécution forcée des décisions du juge administratif par la mise en jeu de la responsabilité pécuniaire du service public », EDCE,
no 7, p. 50.
1423. J. Rivero, « Le huron au Palais-Royal », D. 1962. Chron. 37 ; « Le système français de protection des citoyens contre l'arbitraire à l'épreuve des
faits », Mélanges Dabin, 1963, T. II, p. 813 ; Braibant, « Remarques sur l'efficacité des annulations pour excès de pouvoir », EDCE, no 15, p. 53 ;
« Conditions d'efficacité de la juridiction administrative », Mélanges Sayaguès Laso, 1969, p. 873.
1424. C. Nême, « L'intervention du juge administratif dans l'exécution de ses décisions », EDCE, no 21, p. 41 ; sur les pouvoirs d'injonction et
d'astreinte du juge judiciaire à l'égard de l'administration, Le Berre, AJDA 1979, no 2, p. 14. Sur l'action de la Section du rapport pour l'exécution des
décisions, cf. EDCE, 1988, no 40, p. 122. Pour un cas où les diligences de la Section du Rapport n'ont eu aucun effet, v. CE 28 mai 2001, Bandesapt, Rec.
251.
1425. J. Tercinet, « Vers la fin de l'inexécution des décisions juridictionnelles par l'administration », AJDA 1981. 4 ; P. Bon, « Un progrès de l'État de
droit : la loi relative aux astreintes en matière administrative », RD publ. 1981. 5 ; N. Kingue, « Dix années d'application de la loi relative aux astreintes »,
LPA 1990. 16.
1426. A. Daher, « La faillite de fait de la loi sur les astreintes administratives », Rev. Adm. 1992. 409.
1427. Feuer, « Contribution à la théorie de l'appel dans la procédure contentieuse administrative », RD publ. 1958. 19 ; Letourneur, « L'effet dévolutif
de l'appel et l'évocation dans le contentieux administratif », EDCE, no 12, p. 59 ; D. Giltard, « Réflexions sur le rôle et les méthodes du juge d'appel »,
AJDA 2003. 1801 ; « L'office du juge d'appel et le double degré de juridiction », Mélanges Labetoulle, p. 425 ; R. Vandemeeren, « La procédure d'appel
vingt ans après », Mélanges Labetoulle, p. 809 ; J.-L. Rey, « Les moyens d'ordre public en appel », AJDA 2003. 118 ; Dossier « L'appel en contentieux
administratif », AJDA 2006. 1307 s. ; J. Benetti, « La définition de l'office du juge d'appel par le CE », AJDA 2008. 2206.
1428. B. Apollis, « La persistance du recours dans l'intérêt de la loi en matière administrative », RD publ. 2010. 1209.
1429. Sur le problème de l'invocation de nouveaux chefs de préjudice en appel : CE 26 févr. 2014, AJDA 2015. 171, note E. Akoun.
143. C. Mayeur-Carpentier, « Le statut des collectivités infra-étatiques devant les institutions de l'UE », RFDA 2010. 1035 ; P. Y. Monjal, « Le
“niveau local” dans le traité de Lisbonne ou la reconnaissance du rôle européen des CT », AJDA 2011. 1069 ; G. Marcou, « La place pour les collectivités
territoriales dans les politiques communautaires ? », in Mélanges Hertzog, p. 341.
1430. Drago, « L'évocation dans la procédure administrative », RD publ. 1957. 453 et 554.
1431. Dupuy, « Le pourvoi en cassation et la dualité du contentieux de l'annulation », RD publ. 1960. 505 ; Peiser, Le recours en cassation, thèse,
Nancy, 1957 ; J. Massot et O. Fouquet, Le Conseil d'État, juge de cassation, 1993 ; H. Tourard, « Quelques observations sur le Conseil d'État, juge de
cassation », RD publ. 2000. 487. J. Massot, O. Fouquet, J.H. Stahl et M. Guyomar, Le Conseil d'État, juge de cassation, 2001 ; F. Colin, « Le contrôle de
la dénaturation dans le contentieux administratif », RD publ. 2000. 779 ; S. Boussard, L'étendue du contrôle de cassation devant le Conseil d'État, un
contrôle tributaire de l'excès de pouvoir, Dalloz, Coll. Nouvelle bibl. de thèses, 2002, 470 p., préface D. Labetoulle ; J. Boucher et E. Crépey, « Le CE
juge de cassation et la qualification juridique des faits », Mélanges Labetoulle, p. 97 ; B. Odent, « Cassation civile et cassation administrative », Mélanges
Labetoulle, p. 683.
1432. Un intervenant devant la Cour d'Appel ne peut former un pourvoi que si, à défaut de cette intervention, il aurait qualité pour former tierce
opposition : CE 30 déc. 2013, Sté d'économie mixte de la Ville de Paris, Rec. 340.
1433. Sur l'autorité de la chose jugée en cassation : CE, Sect., 30 sept. 2005, Commune de Beausoleil, Rec. 412, concl. Verclytte, AJDA 2005. Chron.
Landais et Lenica ; L. Teresi, Remarques sur la lecture des arrêts de cassation du CE, RFDA 2010. 99.
1434. Sur le contrôle du juge de cassation en cas de pluralité de motifs : CE, Sect., 22 avr. 2005, Commune de Bacarès, AJDA 2005. 1621, chron.
Landais et Lenica ; cas où le Conseil d'État substitue un motif à celui retenu par la Cour administrative d'appel pour justifier la décision de celle-ci : CE
5 juin 2015, M . Yildiz, Rec. 189.
1435. Pour l'un des premiers cas où le Conseil, juge de cassation, a statué au fond sans renvoi : 28 juill. 1989, Dépt des Hauts-de-Seine, D. 1990. 187.
Lorsqu'une affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'État statue définitivement sur cette affaire (art. L. 821-2 CJA) ; par ex. : CE
29 déc. 2000, Min. de l'Emploi c/ Delerne, Rec. 674 ; CE 19 nov. 2013, Sté Credemlux International, Rec. 288 ; CE 2 févr. 2015, Ville d'Aix-en-Provence,
Rec. 14.
1436. Heurté, D. 1955. Chron. 67 ; P. Dubouchet, « La tierce opposition en droit administratif », RD publ. 1990. 709.
1437. Vincent, « Le recours en révision », RD publ. 1938. 423 : pour une application de cette procédure très rare par le CE à l'égard d'une décision
rendue par lui : CE 5 avr. 1996, M. et Mme Treiber, LPA, 14 juin 1996, no 72, p. 13. Requérant n'ayant pas été avisé de la date de l'audience : CE 7 juill.
2004, Assoc. de défense des intérêts du sport, Rec. p. 324 ; CE 16 févr. 2007, Assoc. en toute franchise, AJDA 2007. 607.
1438. D. Pouyaud, « Le recours en rectification matérielle devant les juridictions administratives », RFDA 1993. 721.
1439. Un Vice-Président du Conseil d'État a pu parler de « la loi bavarde, qui tâtonne, hésite, bafouille et revient à bref intervalle sur le même sujet ».
Le Rapport souligne que « l'autorité publique est désarçonnée » et que le juge, qui a pour mission d'interpréter la loi est « perplexe » et plongé dans
l'incertitude en présence de textes qui se chevauchent et pas toujours rédigés dans une langue juridique. Je n'ose pas dire que la loi est bien maintenant
vraiment égale pour tous, c'est-à-dire également incompréhensible pour tous ! Il est pour le moins inquiétant que le Conseil constitutionnel en ait été
réduit à ériger en un objectif de valeur constitutionnelle l'intelligibilité et l'accessibilité de la loi et qu'il ait dû censurer une disposition législative « en
raison de sa trop grande complexité » (cf. no 303).
144. J. Waline, « La réforme des collectivités territoriales », in Mélanges Hertzog, p. 605.
1440. À proprement parler il ne s'agit pas alors d'un recours à l'encontre de la « loi » puisqu'il n'y a pas encore de loi ; celle-ci n'existera qu'une fois
que le Président de la République aura promulgué le texte adopté par le Parlement et avalisé par le Conseil constitutionnel.
1441. J. M. Woehrling, « Vers la fin du recours pour excès de pouvoir ? », Mélanges Braibant, p. 777 ; J. Waline : « Plein contentieux et excès de
pouvoir », RD publ. 2015. 1551.
1442. J.M. Sauvé, « Un corridor de Vasari au Palais-Royal », AJDA 2013. 1669.
1443. Ce qui est à comparer avec l'attitude de la Cour constitutionnelle allemande dans son arrêt Lisbonne du 30 juin 2009 ; v. Antje von Ungern-
Sternberg, « L'arrêt Lisbonne de la Cour constitutionnelle allemande, la fin de l'intégration européenne », RD publ. 2010. 171.
1444. G. Vedel, « Le droit administratif peut-il être indéfiniment jurisprudentiel ? », EDCE 1979-1980. 31.
145. Sous l'égide du Conseil de l'Europe a été adoptée une « Charte européenne de l'autonomie locale », publiée par le décret du 3 mai 2007. V. à ce
sujet : M. Verpeaux, « La Charte de l'autonomie locale et la Constitution », AJDA 2006. 1865.
146. J.M. Pontier, La décentralisation française. Évolution et perspectives, LGDJ 2016.
147. Sur ces textes et sur leur interprétation par le Conseil constitutionnel : Cons. const. no 2006-543 DC du 30 nov. 2006, Loi relative au secteur de
l'énergie, considérant 28, Rec. 120 ; L. Favoreu, « Décentralisation et Constitution », RD publ. 1982. 1259 ; C. Bacoyannis, Le principe constitutionnel de
la libre administration des collectivités territoriales, 1993 ; A. Roux, même titre, RFDA 1992. 435 ; J. Cl. Douence, « Libre administration et
organisation décentralisée », Mélanges Lachaume, p. 441 ; H. Alcaraz, « Le principe de libre administration des collectivités territoriales dans la
jurisprudence constitutionnelle après la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 », RFDA 2009. 497.
148. Vivre Ensemble, Rapport de la Commission de développement des responsabilités locales, Doc. frse, sept. 1976 ; E. Peyroux, Réflexions sur le
rapport de la Commission Guichard, RD publ. 1978. 1623 ; Sur l'enquête auprès des maires, qui avait précédé le Rapport : Muzellec, RD publ. 1978.
1401.
149. F. et Y. Luchaire, Le droit de la décentralisation, 1983 ; les numéros spéciaux de l'AJDA : mai 1982, Perspectives de la décentralisation avec
l'ensemble des textes et les articles de MM. Boulouis, Moreau, Auby, Sadran, Ferrari et Chapuisat ; février 1983, Décentralisation, bis ; mars 1987, La
décentralisation cinq ans après ; F. Moderne et autres, La nouvelle décentralisation, 1983 ; J.-P. Costa, Y. Jegouzo et autres, L'administration française
face aux défis de la décentralisation, 1988 ; J.-B. et J.F. Auby, Droit des collectivités locales, 1990 ; AJDA numéro spécial avril 1992, Décentralisation,
bilans et perspectives ; J.-M. Pontier, « Dix ans de décentralisation », D. 1992. Chron. 81 ; G. Gilbert et Adelcamp, La décentralisation dix ans après,
1993. Pour un bilan exhaustif, il faut se reporter au Rapport public 1993 que le Conseil d'État a publié sous le titre : Décentralisation et ordre juridique,
EDCE, no 45, p. 15 ; Y. Jegouzo, « Les trente ans de la décentralisation », AJDA 2012. 457 ; Dossier : « Trente ans de décentralisation », AJDA 2012.
738 s.
15. V., J. Waline, Recherches sur l'application du droit privé par le juge administratif, Th. Paris, 1962 ; B. Plessix, L'utilisation du droit civil dans
l'élaboration du droit administratif, Éd. Panthéon ; F. Moderne, « Le recours par le juge administratif aux “principes généraux dont s'inspire le Code
civil” », Mélanges Labetoulle, p. 641.
150. Pour le plus grand mécontentement des « Préfets » qui, depuis, ont récupéré leur dénomination initiale !
151. Sur cette loi, cf. l'analyse de M.J. Tulard, AJDA 1988. 197.
152. Cf. cependant les cas particuliers de Lyon et de Marseille, dotés par la loi du 31 décembre 1982 d'un statut voisin de celui de Paris, et celui de la
Corse.
153. J. Morand-Deviller et S. Monchambert, Les nouvelles responsabilités des collectivités locales, RD publ. 1988. 991.
154. Le mot charte qui apparaît depuis quelque temps dans le vocabulaire du législateur n'a aucun sens juridique précis.
155. Les associations d'élus réclament une loi organique sur les finances locales (AJDA 2007. 2114) et il avait été annoncé un « Grenelle de la fiscalité
locale » (AJDA 2007. 2177).
156. J. Bourdon, « Le statut général des fonctionnaires des collectivités locales », AJDA 1984. 199 ; « La fonction publique territoriale, 20 ans
d'évolution permanente », AJDA 2004. 121 ; B. Dreyfus, « La FP territoriale, une majorité perfectible », AJDA 2012. 1712. Au 31 décembre 2010 la FP
territoriale employait 1,811 million agents (AJDA 2012. 2028).
157. Depuis 1990 (« Protocole Durafour ») les corps de catégorie D qui existaient autrefois ont été progressivement intégrés dans la catégorie C.
158. Dossier La révision constitutionnelle sur la décentralisation, AJDA 2003, no 11 (articles de O. Gohin, J.-F. Brisson, M. Verpeaux, R. Hertzog,
P. L. Frier et J.-P. Thiellay) ; J.-F. Brisson, « La France est une République indivisible… son organisation est décentralisée ! », RD publ., 2003. 111 ;
M. Doat, Vers une conception a-centralisée de l'organisation de la France, RD publ. 2003. 115 ; B. Faure, « Réforme constitutionnelle et décentralisation :
des slogans font loi », RD publ. 2003. 119 ; C. Geslot, « La loi constitutionnelle relative à l'organisation décentralisée de la République devant le Conseil
constitutionnel », RD publ. 2003. 793 ; Dossier L'organisation décentralisée de la République (loi constitutionnelle du 28 mars 2003), RFDA 2003. no 4
(articles de M. Verpeaux, P. Dollat, O. Gohin, A. Oraison) ; J.-C. Groshens et J. Waline, « À propos de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 »,
Mélanges P. Amselek, p. 375 ; « L'organisation décentralisée de la République », Dossier RFDA, 2004. 7 s., 506 s. ; RFDA 2005. 697 s. ; G. Marcou, Le
bilan en demi teinte de l'Acte II, RFDA 2008. 295 ; A. Roux, Peut-on encore décentraliser ? Mélanges Genevois, p. 911 ; B. Faure, « La révision
constitutionnelle de 2003. Vérités dix ans après », AJDA 2013. 1328.
159. Cons. const. 23 mai 1979, Territoire de Nouvelle-Calédonie, RD publ. 1979. 1703, chron. L. Favoreu ; Cons. const. 25 févr. 1982, Lois de
décentralisation, RD publ. 1982. 1259. obs. L. Favoreu ; Cons. const. 20 janv. 1984, Fonction publique territoriale, RD publ. 1984. 687, obs. L. Favoreu.
16. J. Waline, « Droit public – Droit privé », in La pensée de Ch. Eisenmann, Economica, p. 150.
160. Cons. const. 9 mai 1991, Loi sur la Corse, GDCC, no 10.
161. Le contentieux de ce type d'opération relève du Conseil d'État – V. CE, Ass., 17 oct. 2003, Consultation des Électeurs de Corse, RFDA 2003.
1140, concl. S. Boissard ; AJDA 2003. 2383, note B. Maligner.
162. J. Waline, « Le référendum du 7 avril 2013 en Alsace », Mélanges Constantinesco, p. 887.
163. M. Verpeaux, « Libres propos sur des consultations électorales récentes ou les dérapages de la démocratie locale directe », AJDA 2003. 2249.
164. V. la lettre au Président de la République et les décrets du 17 novembre 2009 organisant ces opérations référendaires au JO du 19 nov. 2009,
p. 19953.
165. Pour la condamnation de la thèse du pouvoir réglementaire autonome, v. L. Favoreu, « La loi, le règlement et les collectivités territoriales »,
AJDA 2002. 561.
166. G. Drago, « La nécessaire consécration constitutionnelle d'un pouvoir fiscal des collectivités territoriales », Mélanges. J. Moreau, p. 125 ;
H. M. Darnanville, « L'autonomie financière et fiscale des collectivités locales passe par une réforme de leur fiscalité », AJDA 2002. 670 ; R. Savy, Vers
la fin des impôts locaux ? AJDA 2002. 885 ; M. Lascombe et X. Vandendriessche, « L'autonomie financière des collectivités territoriale encore en
chantier », RFDA 2005.417 ; S. Brondel, L'avenir des finances locales au cœur de deux rapports, AJDA 2006. 2364 ; v. égal. : AJDA 2006. 1134, 1305 et
1361 ; AJDA 2007. 282 ; AJDA 2008. 1796. AJDA 2009. 1347 ; R. Dechaux, « Les garanties constitutionnelles de l'autonomie financière locale à
l'épreuve des concours financiers étatiques », RD publ. 2010. 349 ; Cons. const. 22 sept. 2010 et 18 oct. 2010, AJDA 2011. 218, note Verpeaux.
167. C'est nous qui le soulignons.
168. R. Hertzog, « L'autonomie fiscale des collectivités territoriales : beaucoup de bruit… pour quoi ? » AJDA 2003. 2057 ; « L'ambiguë
constitutionnalisation des finances locales », AJDA 2003. 548.
169. Le Conseil constitutionnel a jugé que la Constitution n'obligeait pas l'État à compenser intégralement la hausse liée au RMI, au RMA ou au
RSA : Cons. const. 30 juin 2011, 3 décisions, AJDA 2011. 1348, obs. de Montecler.
17. R. Chapus, « Dualité de juridiction et unité de l'ordre juridique », RFDA 1990. 739.
170. Cons. const. 17 janv. 2002, « Loi relative à la Corse », RFDA 2002. 479 ; J.-E. Schoettl, « Le Conseil constitutionnel et la Corse », AJDA 2002.
100 ; M. Verpeaux, « Une décision inattendue ? » RFDA 2002. 459 ; B. Faure, « La décentralisation normative à l'épreuve du Conseil constitutionnel »,
RFDA 2002. 469 ; F. Luchaire, « La Corse et le Conseil constitutionnel : à propos de la décision du 17 janvier 2002 », RD publ. 2002. 885.
171. J.-M. Pontier, « La loi organique relative à l'expérimentation par les collectivités territoriales », AJDA 2003. 1715.
172. V., M. C. de Montecler, in AJDA 2007. 11 ; Le décret 2007-1392 du 28 sept. 2007, modifié par le décret 2007-1552 du 31 oct. 2007, a fixé la
liste des collectivités territoriales autorisées à participer à cette première expérimentation.
173. V. AJDA 2006. 1417 ; P. Lapouze, « L'expérimentation par les collectivités territoriales », JCP A 2006, no 1050 ; M. Long, « L'expérimentation :
un premier bilan décevant pour les collectivités territoriales », AJDA 2008. 1625.
174. J.-P. Duprat, « La prudente avancée du référendum local dans la loi organique du 1er août 2003 », AJDA 2003. 1862 ; P. Delvolvé, « Le
referendum local », RFDA 2004. 7 ; D. Quinty, « Referendum local et autres formes de participation », Mélanges Lachaume, p. 863 ; J. Viguier, « De la
mauvaise utilisation du terme “referendum” au plan local », AJDA 2008. 1121.
175. E. Forey, « Le droit de pétition aux assemblées délibérantes des collectivités territoriales », RD publ. 2005. 151.
176. M. Verpeaux, « La loi du 13 août 2004 : le demi-succès de l'acte II de la décentralisation », AJDA 2004. 1960 ; Les nouvelles libertés et
responsabilités locales, Dossier AJDA 2004. 1960 s. et AJDA 2005. 121 s.
177. Dossier « La réforme des collectivités territoriales », RFDA 2011. 225 s. ; Dossier « La réforme des collectivités territoriales », AJDA 2011. 74 s.
178. Le texte de la Commission paritaire n'a été adopté au Sénat qu'à une seule voix de majorité.
179. V. AJDA 2011. 99, note Verpeaux.
18. G. Vedel, « Le droit administratif peut-il être indéfiniment jurisprudentiel ? », EDCE 1979-1980. 31.
180. JO du 31 janv. 2012, p. 1762.
181. Y. Jegouzo, « Décentralisation : la pièce continue », AJDA 2012. 1921.
182. JO 18 mai 2013 p. 8241 et 8242 ; Cons. const. Décis. no 2013-667 DC 16 mai 2013, JO 18 mai 2013, p. 695.
183. JO 28 janv. 2014, p. 1562 ; Décis. Cons. const. no 2013-13. DC 23 janv. 2014, JO 28 janv. 2014, p. 1622. ; Dossier « Le prélude de la réforme
territoriale », AJDA 2014. 599.
184. LO no 2014-125 14 févr. 2014, JO 16 févr. 2014, p. 2703 ayant fait l'objet de la décision du Conseil constitutionnel, no 2014-689 DC 13 févr.
2014, p. 121.
185. Loi no 2014-126 14 févr. 2014, JO 16 févr. 2014, p. 2705 ayant fait l'objet de la décision du Conseil constitutionnel, no 2014-688 DC 13 févr.
2014, p. 114.
186. R. Piastra : « La décentralisation selon Manuel Valls », D. 2014. 938 ; Dossier : « Territoires : la réforme permanente ? », RDP 2015. 1173.
187. JO 17 janv. 2015, texte n° 1 ; pour la présentation du projet de loi : Cons. const. décision n° 2014-12 FNR du 1er juillet 2014 ; pour la loi elle-
même : Cons. const., n° 2014-709 DC 15 janv. 2015.
188. F. Hourquebie : « La nouvelle carte des régions : question de bon sens ou de baronnie ? », AJDA 2015. 626.
189. JO 8 août 2015, texte n° 1 ; Cons. const. Décis. n° 2015-717 DC 6 août 2015 ; Dossier : « La loi NOTRe, un vrai bing bang territorial ? », AJDA
2015. 1897.
19. Sur les dangers possibles de la codification en droit administratif : Letourneur, « Quelques réflexions sur la codification du droit administratif »,
Mélanges Julliot de la Morandière, 1964, p. 276.
190. Ouvrages d'ensemble sur la commune : Bernard, Le grand tournant des communes de France, 1969 ; numéro spécial, Communes, AJDA oct.
1976 ; J. Moreau, La commune et la loi du 2 mars 1982, AJDA 1982. 307 ; J.-F. Lachaume, L'administration communale, 3e éd., 2007 ; La commune,
LGDJ, 3e éd. 2007 ; M. Bouvier et C. Esclassan, Le système communal, LGDJ, 1981 ; J.-C. Douence, La commune, Dalloz, Coll. « Connaissance du
droit », 1994.
191. Mais au 1er janvier 2016 il y avait eu 230 communes nouvelles regroupant 772 communes.
192. Les problèmes nés de l'exiguïté des communes – c'est-à-dire le regroupement intercommunal – sera traité, v. ss 264 s., lorsque seront abordés les
établissements publics territoriaux.
193. C. Debouy, « La fin programmée des communes ? », Mélanges Lachaume, p. 323.
194. M. Verpeaux, « La loi relative à la démocratie de proximité ou la proximité, une solution pour la démocratie locale », RFDA 2003. 261 ;
R. Rambaud : « Le droit d'interpellation citoyenne », AJDA 2016. 22.
195. L'art. 7 de la loi du 21 février 2014 « de programmation pour la ville et la cohésion urbaine » prévoit qu'un « conseil citoyen » est mis en place
dans chaque quartier prioritaire de la politique de la ville.
196. Ph. Lacaille, L'élu municipal, Berger-Levrault, Coll. « les indispensables », 2002, 2e éd., 199 p.
197. M. Verpeaux, « Les nouvelles élections locales sont arrivées », RFDA 2013. 1161 ; Dossier « Les nouvelles règles des élections locales », par
B. Maligner, AJDA 2014. 263.
198. Sur l'inéligibilité à raison de leurs fonctions de certains agents des collectivités territoriales, des EPCI et des établissements publics locaux : CE
Sect., 4 févr. 2015, Élections municipales de La Crèche, et Élections municipales de Corrèze, Rec. 30 et 32, Concl. Nicolazo de Barmon.
199. V. loi du 27 mai 2013 modernisant le régime des sections de commune ; G.D. Marilla : « La section de commune modernisée ? », RFDA 2013.
775.
2. B. Bonnet et P. Deumier, De l'intérêt de la summa divisio droit public-droit privé, Dalloz, 2010.
20. F. Melleray, « Le droit administratif doit-il redevenir jurisprudentiel ? », AJDA 2005. 637 ; M. Deguergue, « La jurisprudence et le droit
administratif : une question de point de vue », AJDA 2005. 1313.
200. Chacune des listes se voit attribuer un nombre de sièges égal au nombre de voix qu'elle a obtenues divisé par le quotient électoral, lequel
s'obtient en divisant le nombre des suffrages exprimés par le nombre des sièges restant à pourvoir ; CE 30 janv. 2015, Élections municipales de Hautefort,
Rec. 12.
201. Sur le contentieux, particulièrement important, auquel ont donné lieu les élections municipales de mars 1983 : B. Lasserre et S. Hubac, « Le
contentieux des élections municipales », AJDA 1984. 314 ; Y. Gaudemet, Le droit des élections locales, Dalloz, 1991 ; B. Malignier, Les conséquences de
l'annulation des élections municipales, RFDA 1995. 70.
202. Chaumont, « La dissolution des Conseils municipaux », RD publ. 1939. 38 ; une dissolution fondée sur une perte d'autorité morale du Conseil a
été jugé illégale (CE 14 janv. 1977, Perrault, ADJA 1977. 162).
203. V. CAA Douai, 14 déc. 2012, Maire de la Commune de Quiévy, AJDA 2013. 607.
204. Y. Jegouzo, « L'amorce d'un statut de l'élu local », AJDA 1992. 427 ; I. Muller-Quoy, « L'élu local : nouveau statut, nouveau droit », AJDA 2002.
283 ; J. Benoit, « La consolidation du statut des élus locaux », RFDA 2003. 270 ; L. Janicot, Les droits des élus membres des assemblées des collectivités
territoriales, LGDJ, 2004, 619 p., préface M. Verpeaux ; S. Le Guilcher, « Nouveaux développements des condition d'exercice du droit à l'information
des élus locaux », RD publ. 2006. 605 ; A. Haquet : « Le statut de l'élu local en filigrane », AJDA 2015. 1210.
205. V. AJDA 2015. 606.
206. Pour un refus du maire de convoquer le conseil municipal, v. : CE, Sect., 18 janv. 2001, Commune de Venelles et Marbelli, Rec. 18, concl.
Touvet.
207. Hourticq, La publicité des délibérations des conseils municipaux, Dép. et comm., 1955. 85.
208. J. D. Dreyfus, « À propos de la clause de compétence générale », AJDA 2009. 337 ; G. Le Chatellier, « Le débat sur la clause de compétence est-
il vraiment utile ? », AJDA 2009. 186.
209. J. Chapuisat, « Les affaires communales », AJDA 1976. 470 ; J.-M. Peyrical, Réflexions autour de la sphère des compétences particulières des
communes, D. 1998. Chron. 341 ; L. Janicot, « Réflexions sur la notion de compétences propres appliquée aux collectivités territoriales », AJDA 2004.
1574.
21. A. de Laubadère, « Le Conseil d'État et l'incommunicabilité », EDCE, no 31, 1980, p. 23.
210. Lainville, Le budget communal, 1951 ; Singer et Bazoche, Traité général des finances communales et départementales, 1958 ; F. Astier, Le
budget des collectivités locales, Ed. Universités, 1998 ; v. « Le rapport de la Cour des comptes sur les finances publiques locales », AJDA 2013. 1996.
211. La loi 2014-856 du 31 juillet 2014 « relative à l'économis sociale et solidaire » a donné la définition suivante de la subvention : « contribution
facultative de toute nature, attribuée par une autorité administrative ou par un organisme chargé de la gestion d'un service industriel et commercial,
justifiée par un intérêt général » ; Y. Gaudemet, « Existe-t-il une catégorie juridique des subventions publiques ? », Mélanges Theocharopoulos, p. 149 ;
Le décret no 2005-849 du 25 juillet 2005 autorise les subventions à des organisations syndicales remplissant des missions d'intérêt général sur le plan
communal.
212. Vers une définition juridique des subventions publiques, AJDA 2013. 2232.
213. Le Rapport « Machelon » estime que les communes devraient pouvoir subventionner directement la construction de lieux de culte ; V. AJDA
2006. 1750 ; J. Fialaire, « Les rapports entre les collectivités territoriales et les cultes », AJDA 2012. 2305 ; Le problème des subventions aux cultes a
suscité depuis trois ans une abondante et trés intéressante jurisprudence. V. CE, 4 mai 2012, Féd. de libre pensée et d'action sociale du Rhône (4 arrêts),
AJDA 2012. 973 ; CE 15 févr. 2013, Assoc. Grande Confrérie de Saint-Martial, AJDA 2013. 1529, note M. Le Roux ; mais aussi et surtout : CE, Ass.
19 juill. 2011, Commune de Trélazé (5 arrêts), p. 370, concl. Geffray, AJDA 2011. 1667 chron. Domino et Bretonneau ; CE 26 nov. 2012, 3 arrêts, RFDA
2013. 326, concl. Cortot-Boucher.
214. P. Amselek, Les aspects financiers de la décentralisation, Rev. adm. 1979.9.
215. P. Lalumière, Premier bilan de la réforme de la fiscalité directe locale, AJDA 1976. 466.
216. B. Plagnet, « La suppression de la taxe professionnelle », Mélanges Hertzog, p. 467.
217. J. Boulouis, La politique des subventions administratives, Thèse, Paris, 1949 ; Faure, Les subventions de l'État aux communes.
218. G. Eckert, « Les emprunts toxiques des collectvités territoriales », D. 2011. 2984 ; v. également AJDA 2013. 1249 ; v. AJDA 2014.1007 ; 1633 ;
2282.
219. V. AJDA 2013. 1545 et 2052.
22. T. Fortsakis, Conceptualisme et empirisme en droit administratif français, 1987.
220. Singer, L'intervention des collectivités locales en matière économique, 1956 ; R. Debbasch, « L'intervention économique des collectivités locales
après les lois de décentralisation », RD publ. 1986. 497 ; Y. Madiot et J.-L. Gousseau, Collectivités locales et développement économique, Imp. nat., 2000,
342 p. ; J.-F. Sestier, « L'intervention des collectivités locales entre liberté du commerce et de l'industrie et libre et égale concurrence », Mélanges
J. Moreau, p. 401 ; H. Groud, « La sécurisation des aides publiques aux entreprises », AJDA 2003. 1584 ; Amavi Gustave Kouevi, Le droit des
interventions économiques des collectivités locales, LGDJ, 2003, Coll. « Décentralisation et développement local », 334 p. ; R. de Castelnau et P. de Faÿ,
Le nouveau régime des interventions économiques des collectivités territoriales, AJDA 2005. 121 ; H. Groud, « Questions sur le droit des interventions
économiques des collectivités territoriales », AJDA 2005. 457 ; L. Benoit, « Décentralisation et développement économique : la nouvelle répartition des
compétences », AJDA 2005. 1878.
221. F. Llorens, « La responsabilité des collectivités locales du fait de leur aide aux entreprises en difficulté », Mélanges Auby, p. 413.
222. La législation sur les interventions économiques ne s'applique pas aux associations sportives : CE 31 mai 2000, Ville de Dunkerque, RD publ.
2001. 295, note Eckert.
223. L'article L.1511-2 CGCT définit les aides directes et prévoit que l'aide de la commune ne peut intervenir qu'en complément de celle de la région.
224. La Charte pour les services publics en milieu rural, signée le 23 juin 2006, met en place une concertation destinée à contrôler la réorganisation
des SP en milieu rural, v. AJDA 2006. 1300.
225. Les textes ne cessent de se succéder en la matière : v. par exemple la réforme opérée par l'art. 1er de la loi 2004-809 du 13 août 2004, modifié par
l'art. 130 de la loi 2005-1720 du 30 décembre 2005. Ces différents textes sont explicités par une circulaire du 3 juillet 2006 (www. colloc.minefi.gouv.fr).
226. F. Bottini : « Les procédés de mutualisation au sein du bloc communal », AJDA 2016. 138.
227. Toutefois, la loi du 8 janvier 1993 a ôté au service municipal des pompes funèbres le caractère de monopole qu'il avait jusque-là.
228. G. Eckert : « La SEMOP, instrument du renouveau de l'action publique locale ? », AJDA 2014. 1941.
229. « La notion d'établissement public local », conclusions de Marie-Astrid de Barmon sous CE 4 févr. 2015, Élections municipales de La Crèche et
Élections municipales de Corrèze, RFDA 2015. 322.
23. P. Soler-Couteaux, « Réflexions sur le thème de l'insécurité en droit administratif ou la dualité du droit administratif », Mélanges Jean Waline,
p. 377.
230. Cf., pour les diverses catégories de régie, le décret du 6 mai 1988, et l'article de J.-F. Lachaume, RFDA 1989.432.
231. JO 29 mai 2010, p. 9697 ; v. la circulaire du 29 avr. 2011, AJDA 2011. 1882.
232. S. Nicinski, « La loi du 28 mai 2010 », AJDA 2010. 1759 et « Bilan d'étape », AJDA 2013. 2537 ; v. égal. : S. Damarey, « La société publique
locale ou la fin des associations transparentes », AJDA 2011. 15 ; J. M. Peyrical, « De nouvelles voies pour la gestion des SP locaux », AJDA 2011. 934 ;
Colloque « La Société publique locale, un nouvel outil de gestion des SP locaux », RD publ. 2011. 717 ; S. Bernard, « Réflexions sur l'apport de la
création de la société publique locale au droit des entreprises publiques », RD publ. 2011. 587 ; J. F. Auby, « Les sociétés publiques locales. Un outil aux
contours incertains », RFDA 2012. 99 ; B. Dondero, « L'instrumentalisation du droit des sociétés :les sociétés publiques locales », D. 2012. 2408 ;
K. H. Voizard, « Les sociétés publiques locales : essai de mise en perspective », RD publ. 2013. 787 ; Colloque : « Les sociétés publiques locales (Institut
Hauriou Toulouse), RFDA 2012. 1069.
233. Favoreu, Le personnel communal en 1976, AJDA 1976. 452.
234. F.P. Bénoit, Le maire et ses adjoints, Dalloz, 1991 ; Y. Luchaire, L'adjoint au maire 1981.
235. Le Maire peut mettre fin à tout moment aux délégations qu'il a accordées ; il doit alors convoquer le conseil municipal mais n'est pas tenu de
remettre en cause celles accordées à des conseillers municipaux : CE 14 nov. 2012, M. Hersen, RFDA 2013. 209 ; v. J. Moreau, « Les délégations de
fonctions en droit français des collectivités territoriales », RD publ. 2011. 1473.
236. F. Hourquebie : « Le cumul des mandats : clap de fin ! », AJDA 2014. 733.
237. Sur les conditions de légalité de la révocation d'un maire : CE 26 févr. 2014, AJDA 20A14. 1384, note Lachaume.
238. Au lendemain des élections municipales de mars 2008, 13,9 % des maires seulement étaient des femmes. Le nouveau maire type serait âgé de
56 ans et 10 mois et jeune retraité de la fonction publique (statistiques de la DGCL– Le Monde, 26 novembre 2008).
239. Sur la possibilité d'un retrait de la démission, v. note E. Roux in AJDA 2010. 2317.
24. Cf. sur ce problème : R. Chapus, « Le service public et la puissance publique », RD. publ. 1968. 235 ; P. Amselek, « Le service public et la
puissance publique », AJDA 1968. 492.
240. B. Seiller, Le pouvoir disciplinaire sur les maires, AJDA 2004. 1637 ; pour le contrôle des sanctions disciplinaires frappant le Maire : CE 2 mars
2010, M. Dalongeville, AJDA 2010. 664, chron. Liéber et Botteghi.
241. Hourticq, Les indemnités de fonction des maires, Dép. et comm., 1952. 158 ; Barbeau, Les indemnités des élus des collectivités locales, 1953.
242. G. D. Marilla, Les pouvoirs du maire, Berger-Levrault, Coll. Les indispensables, 2002, 4e éd., 199 p.
243. J. Rivero, « Le maire, exécuteur des délibérations du Conseil municipal », Rev. crit. DIP 1937. 535.
244. D. Landbeck, « L'information des assemblées délibérantes locales : enjeux et difficultés », AJDA 2003. 1138.
245. E. Mella, « Contribution à la théorie de l'acte administratif local », Bibl. droit public, T. 230.
246. En tant qu'agent de l'État il doit transmettre la demande d'indemnisation qu'il reçoit au Préfet : CE 20 juill. 2007, Sté Immobart, AJDA 2007.
1943, concl. Landais. ; v. également CAA Marseille, 21 déc. 2015, SNC Le Petit Merle, AJDA 2016. 468.
247. Sur cette loi, et « le problème général de la responsabilité des maires », Maestre, AJDA 1975. 214 ; J.-M. Pontier, « La responsabilité pénale des
élus locaux », Rev. adm. 1996. 551.
248. F. Meyer, Réflexions sur la responsabilité pénale des personnes morales de droit public à la lumière des premières applications jurisprudentielles,
RFDA 1999. 920 ; J. Jorda : La responsabilité pénale des personnes morales de droit public à la lumière de la jurisprudence, Gaz. Pal. 2001, no 42-44,
p. 432 ; pour un exemple d'interprétation stricte de l'article 121-2, al. 2 du Code pénal : Crim. 11 déc. 2001, D. 2002. IR. 373.
249. S. Jacopin, « Mise au point sur la responsabilité pénale des élus et des agents publics : limitation ou élargissement des responsabilités ? »,
D. 2002, chron. 507 ; Y. Mayaud, « Retour sur la culpabilité non-intentionnelle en droit pénal », D. 2000, chron. 603 ; H. Moutouh, « L'accident du
DRAC : une application de la nouvelle définition des délits non-intentionnels », D. 2001. 556 (et 559) ; J.H. Robert, « La loi Fauchon (loi du 10 juillet
2000) trois ans après », AJDA 2003. 1897.
25. Cf. Traité de Science administrative, ouvrage collectif publié en 1966, qui donne la première vue d'ensemble de cette discipline en langue
française ; Crozier, Le phénomène bureaucratique, 1963 ; Gournay, Introduction à la Science administrative, 1970 ; Debbasch, Science administrative,
1989 ; la Bibliothèque de Science administrative publie les meilleures thèses consacrées à cette discipline ; J. Chevallier, Science administrative, Puf,
Thémis, 3e éd., 2002 ; J.-Cl. Bonichot, « Où en est la science administrative ? », AJDA 2003. 961 ; J. Chevallier, « Le droit administratif vu de la science
administrative », AJDA 2013. 401.
250. C. Cams, J.M. Pontier, Th. Touret : « Xynthia, ou l'incurie fautive d'un maire obstiné », AJDA 2015. 379.
251. V. AJDA 2013. 1307.
252. V. CE 18 sept. 2013, M. Meyer, AJDA 2013. 1775.
253. J. F. Auby, La nouvelle organisation départementale, AJDA 1982. 331 ; J.-F. Auby et J.M. Pontier, Le département, Economica, 1987 ; G. Peiser,
Le département, Dalloz, 1988 ; Dossier : « Quel avenir pour le département ? », AJDA 2011. 1817 ; M. Long : « Le département après la loi NOTRe, un
acte de décès non transformé », AJDA 2015. 1912.
254. V., J. Viguier, « L'élimination du département pourrait-elle sauver notre belle République ? » AJDA 2008. 377.
255. Dossier, Fortier, Mastias, Le Conseil général, 1994 ; A. Bournazel, Le nouveau Conseil général et l'administration du département, éd.
Moniteur, 1984 ; J. Bourdon et J.-M. Pontier, Le Conseil général, PUF, Que sais-je ?, 1992.
256. Loi no 2013-403 du 17 mai 2013 « relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers
communautaires et modifiant le calendrier électoral », JO 18 mai 2013, p. 8242 ayant fait l'objet de la décision du Conseil constitutionnel no 2013-667
DC du 16 mai 2013, p. 695.
257. G. Marcou, « La réforme territoriale : ambition et défaut de perspective », RFDA 2010. 357.
258. « Le conseil général est mort… vive le conseil départemental », AJDA 2014. 274 ; M. Verpeaux, « Les nouvelles élections locales sont
arrivées », RFDA 2013. 1161.
259. Sur ce point la loi du 17 mai 2013 est complétée par le décret no 2013-938 du 18 oct. 2013, JO 20 oct. 2013, p. 17273.
26. P. Legendre, Histoire de l'administration de 1750 à nos jours, 1968 ; G. Sautel, Histoire des institutions publiques depuis la Révolution française,
1969 ; J.-L. Mestre, « Les fondements historiques du droit administratif français », EDCE, no 34, p. 63 ; J.-L. Mestre, Introduction historique au droit
administratif français, Puf, 1985 ; F. Burdeau, « Naissance d'un droit, Nonagessime Anno », Mélanges J. Gaudemet, p. 521.
260. Décis. no 2013-664 DC du 28 févr. 2013, p. 409.
261. V. CE, 2 mars 2010, Réseau Ferré de France, BJCL 2010. 262, note Poujade.
262. M. Verpeaux : « Pavane pour une notion défunte. La clause de compétence générale », RFDA 2014. 457 ; M.C. Montecler : « Clause générale de
compétence, acte III », AJDA 2014. 884 ; B. Faure : « La clause générale de compétence et le chercheur », AJDA 2015. 1825.
263. De 2003 à 2008 on ne compte pas moins de 14 lois portant transfert de compétence : – décentralisation du RMI et création du RMA (2003) ; –
accueil et protection de l'enfance (2004) ; – solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et handicapée (2004) ; – loi de programmation de la cohésion
sociale (2005) ; – loi handicap (2005) ; – loi relative aux assistants maternels et familiaux (2005) ; – réforme de l'adoption (2005) ; – loi « égalité des
chances » (2006) ; – Loi engagement national pour le logement (2006) ; – réforme de la protection de l'enfance (2007) ; – prévention de la délinquance
(2007) ; – réforme de la protection juridique des majeurs (2007) ; – droit opposable eu logement (2007) ; – généralisation du RSA (2008).
264. V. pour le versement de subventions aux syndicats, AJDA 2006.517 ; CE, 16 février 2011, Département de Seine-Saint-Denis, AJDA 2011. 359.
265. Sur la réforme des règles budgétaires et comptables applicables au département, v. Décret 2003-1004 du 21 octobre 2003 (JO 23 oct. 2003.
18015), l'Ordonnance no 2005-1027 du 26 août 2005 (JO 27 août 2005. 13906) et le décret 2005-1661 du 27 déc. 2005 (JO 29 déc. 2005. 20194).
266. V. AJDA 2015. 2468.
267. M. Houser, « La péréquation entre départements », RFDA 2011. 157 ; A. Hastihgs-Marchadier, La péréquation financière horizontale et la
Constitution, AJDA 2013. 2294.
268. V. AJDA 2014.1232 ; AJDA 2015. 1953.
269. M.C. Montecler : « RSA, vers le retour à la source ? », AJDA 2016. 513 ; J.M. Pontier : « Charges indues, charges non dues, le malentendu
continue », AJDA 2016. 225.
27. G. Vedel, « Discontinuité du droit constitutionnel et continuité du droit administratif », Mélanges Waline, 1974, t. II, p. 777.
270. v. Le Dossier « Les départements face à l'explosion du coût de l'aide sociale », AJDA 2013. 271.
271. X. Prétot, « L'organisation et le financement des services d'incendie et de secours », RD publ. 2002. 987 ; A. Bercis-Gaugain, « La nébuleuse du
financement des équipements de lutte contre l'incendie », AJDA 2011. 1601.
272. Il a donc fallu organiser le transfert des biens, équipements et personnels de ces services vers le SDIS. Sur les problèmes posés de ce fait
v. 4 arrêts du CE du 18 oct. 2002, AJDA 2003. 287, note M. Degoffe.
273. En 2001, le montant total des dépenses des SDIS s'est élevé à 18 milliards de francs. L'importance de ces sommes conduit, de plus en plus, à
vouloir remettre en cause la gratuité des secours.
274. Le décret du 5 décembre 2005, procédant à ce transfert, a été jugé légal par le Conseil d'État : CE 23 mai 2007, Département des Landes, AJDA
2007. 1646, note N. Merley.
275. Sur la base de quatre décrets du 6 novembre 2006 (AJDA 2006. 2096) ; sur cette opération, v. N. Merley, « La mise en œuvre du transfert des
routes nationales et des services des DDE », AJDA 2006. 805.
276. J. Ferstenbert, « Le transfert des personnels dans la loi relative aux libertés et responsabilités locales », AJDA 2004. 1996 ; R. Allemand et
P. Tifine, « Le transfert aux collectivités territoriales des personnels techniques et ouvriers de service de l'éducation nationale : l'analyse des questions
statutaires », AJDA 2006. 1260. ; v. égal. AJDA 2010. 1799.
277. V., AJDA 2006. 2257.
278. M. Le Roux, « Le transfert de propriété de monuments historiques aux collectivités territoriales », AJDA 2007. 2117 ; J.-D. Dreyfus, « L'État
doit-il encore posséder des monuments historiques ? », AJDA 2010. 65.
279. Minot, Le Président du Conseil général, 1981.
28. J. Rivero, « Démocratie et administration », Mélanges Savatier, 1964 ; A. Mestre, « La démocratie administrative », Mélanges Couzinet, 1975,
p. 561 ; J.-B. Auby, « Droit administratif et démocratie », Dr. adm. 2006, no 2, p. 6.
280. Sur l'étendue de ce pouvoir : CE 29 nov. 2004, Dépt. des Alpes-Maritimes, AJDA 2005.1006, concl. P. Collin.
281. M. Verpeaux, « Vive le 101e », AJDA 2011. 865 ; « Le nouveau département de Mayotte », AJDA 2011. 1725 ; O. Busson, « Mayotte,
101e département français : un modèle pour une République renouvelée ? », RD publ. 2010. 711 ; La Cour des Comptes, dans un Rapport présenté le
13 janvier 2016, s'est montrée fort sévère à l'égard de la départementalisation de Mayotte considérée comme un échec.
282. J. F. Auby, « Le statut de la France “périphérique” », AJDA 1990. 347 ; J.-C. Douence, « Le statut constitutionnel des collectivités territoriales
d'Outre-Mer », RFDA 1992. 462 ; numéro spécial Outre-Mer, AJDA 1992, no 9 ; F. Luchaire, « La décentralisation dans les départements d'Outre-Mer »,
AJDA 1983. 120 ; F. Miclo, « La décentralisation Outre-Mer », in La nouvelle décentralisation, Sirey, 1983.
283. O. Gohin, « L'Outre-Mer dans la réforme constitutionnelle de la décentralisation », RFDA 2003. 678 ; J.-P. Thiellay, « Les Outre-Mers dans la
réforme de la Constitution », AJDA 2003. 564 ; A. Oraison, « Quelques réflexions générales sur l'art. 73 de la Constitution de la Ve République, corrigé et
complété par la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 », RFDA 2003. 684 ; J.-P. de Lisle, « Réflexions sur les évolutions constitutionnelles des Outre-
Mers français », AJDA 2002. 1273 ; Dossier « Réforme des statuts de l'Outre-Mer », RFDA 2007. 655 s.
284. V. l'article de S. Diémert in RFDA 2007. 669 et celui d'A. Oraison in RD publ. 2008. 153 ; L. Grard : « Quel statut européen pour la collectivité
outre-mer de Saint-Martin ? », AJDA 2015. 1252.
285. M. Verpeaux, « Libres propos sur des consultations électorales récentes, ou les dérapages de la démocratie directe », AJDA 2003. 2249.
286. Le Conseil d'État a jugé que cette consultation avait été régulière : CE 19 juill. 2010, M. Joseph Virassamy, AJDA 2010. 1510.
287. « Loi relative aux collectivités territoriales de Guyane et de Martinique », JO 28 juill. 2011, p. 12821 ; M. Verpeaux, « Différenciations et
identités dans l'Outre-Mer français », AJDA 2011. 2233 ; E. Jos, « Les nouvelles collectivités territoriales régies par l'art 73 C. », RFDA 2012. 73.
288. E. Jos, « Les nouvelles collectivités territoriales régies par l'art. 73 C. », RFDA 2012. 73.
289. A. Boyer, « Sur quelques questions soulevées par l'habilitation des départements et régions d'outre-mer en matière législative », RFDA 2009. 61.
29. Debbasch, « Le droit administratif face à l'évolution de l'administration française », Mélanges Waline, 1974, t. II, p. 343 ; G. Braibant, « Du
simple au complexe, 40 ans de droit administratif, 1953-1993 », EDCE, no 45, p. 409 ; J. Rivero, « L'administré face au droit administratif », AJDA 1995,
no spécial, p. 147.
290. V. sur ce point l'article de L. Tesoka in RFDA 2007. 661 ; J.-P. Thiellay, « Les lois organique et ordinaire portant dispositions statutaires et
institutionnelles relatives à l'Outre-Mer du 21 février 2007 », AJDA 2007. 630.
291. V. AJDA 2007. 398.
292. LO no 2011-883 du 27 juill. 2011 « relative aux collectivités régies par l'art. 73de la Constitution », JO 28 juill. 2011, p. 12818.
293. Décis. no 2011-636 DC du 21 juill. 2011, p. 369.
294. Décret portant application du Titre II de la loi du 27 juillet 2011, JO 28 janv. 2012, p. 1666.
295. V. AJDA 2015. 1833.
296. M. Verpeaux, La région, Dalloz, Coll. « Connaissance du Droit », 2005 ; B. Rémond, La région, 1993 ; J. de Lanversin, La région et
l'aménagement du territoire, 1979 ; R. Savy, Vingt ans après ou les régions françaises au milieu du gué, Mélanges Lachaume, p. 961 ; V. l'important
Dossier « Actualité de la Région », AJDA 2008. 1634 s.
297. La réforme régionale et le référendum du 27 avril 1969, Cahiers IEP Grenoble, Éd. Cujas ; J.-M. Pontier, « Retour sur une région refusée »,
AJDA 2009. 805.
298. P. Ferrari et C.-L Vier, « La réforme régionale », AJDA 1972. 491 ; Baguenard, « L'organisation régionale », RD publ. 1973. 1405.
299. La loi est complétée par trois décrets d'application du 5 septembre 1973 portant respectivement sur la composition et le fonctionnement du
conseil régional, du comité économique et social, et sur le régime financier et comptable (commentés à l'AJDA 1973. 521) et par un décret du
22 nov. 1974 sur la coopération entre régions (AJDA 1975. 100).
3. Carré de Malberg, Théorie générale de l'État, T. 1, no 26.
30. M. Waline, « L'influence des progrès techniques et scientifiques sur l'évolution du Droit », Mélanges Bridel, p. 601 ; Ph. Schnäbele et F. Beauvais,
« Réforme de l'État et téléprocédures », AJDA 2001. 608 ; G. Chatillon, « Administration électronique et services publics », AJDA 2001. 617.
300. La loi du 11 avril 2003 est le prototype du texte incompréhensible à sa seule lecture, comme on adore les faire, dorénavant. En effet, il est rédigé
uniquement par référence à un autre texte (le code électoral) dont on ne rappelle pas la rédaction antérieure. Il faudrait exiger que lorsque le législateur,
ou le pouvoir réglementaire, modifient un texte celui-ci soit intégralement retranscrit dans sa rédaction nouvelle. V. AJDA 2010. 177.
301. Les séances de la Commission permanente ne sont pas publiques : CE, Ass., 18 déc. 1996, Région Centre, p. 495.
302. B. Faure : « Le leadership régional : nouvelle orientation du droit des collectivités territoriales ? », AJDA 2015. 1898.
303. Les aides aux entreprises se présentent sous la forme de prestations de services, de subventions, de bonifications d'intérêt ou de prêts et avances
remboursables (CGCT, art. L. 1511-2). Les aides des collectivités territoriales en la matière doivent être notifiées par le gouvernement à la Commission
de Bruxelles.
304. J.M. Pontier : « Pourquoi parler de contrats de plan ? », AJDA 2015. 657 ; pour les recommandations de la Cour des comptes : AJDA 2014. 2163.
305. D. Broussole : « La régionalisation ferroviaire », AJDA 2002. 435 ; sur le bilan établi par le Conseil économique et social : AJDA 2003. 1844 ;
L. Gauthier-Lescop : « La décentralisation des transports ferroviaires », AJDA 2010. 1853.
306. La région peut sous-traiter les transports ferroviaires : CE 29 sept. 2010, Sté les Courriers automobiles picards, AJDA 2010. 1853.
307. Pour un bilan du transfert des TOS, v. AJDA 2010. 1799.
308. L'article 17 de la loi du 17 février 2002 précise le statut des membres du Conseil économique et social régional (indemnités, crédit d'heures pour
l'exercice du mandat, droit à la formation).
309. B. Daugeron : « Le candidat en trop des élections régionales », AJDA 2015. 2305.
31. V. Colloque : « Administré, usager, citoyen, public. Les transformations du destinataire de l'action administrative et de son droit », RFDA 2013.
477 et 709.
310. P. Ferrari, « Le nouveau statut de la Corse », AJDA 1982. 344 ; T. Michalon, RFDA 1986. 580, no 4 ; P. Ferrari, « Le statut de la collectivité
territoriale de Corse » ; AJDA 1991. 701.
311. Celle-ci, en effet, pourrait tout aussi bien être étudiée sous la rubrique des « Collectivités à statut particulier ».
312. V. Circulaire du 23 juin 2011 relative au respect des compétences de la collectivité territoriale de Corse concernant le processus législatif et
réglementaire, JO 28 juin 2011, p. 10904.
313. P. Ferrari, « La loi du 22 janvier 2002 relative à la Corse », AJDA 2002. 86 ; Dossier « Le nouveau statut de la Corse (Loi du 22 janvier 2002) »,
RFDA 2002. 685 s.
314. J. E. Schoettl, « Le Conseil constitutionnel et le statut de la Corse », AJDA 2002. 100 ; v. les Commentaires de M. Verpeaux, B. Faure et
A. Viola, in RFDA 2002. 1459 s.
315. Sur la notion de projets ou de dispositions propres à la Corse : CE Sect., 5 nov. 2014, M. Ceccaldi, Rec. 324.
316. JO 6 déc. 2011, p. 20577. V. AJDA 2011. 2323.
317. Sur les lois du 31 déc. 1982 : J. Moreau, AJDA 1983. 115.
318. Sur les régimes antérieurs à 1975 : Gilles, Problèmes administratifs de la région et de l'agglomération parisienne, th., Paris, 1960 ; Drago,
L'administration de Paris et de sa région, AJDA 1966. 324. Sur le régime actuel : Ferrari et Vier, AJDA 1977. 115 ; Goyard, RD publ. 1978. 999.
319. O. Renaudie : « Modifier la répartition des pouvoirs de police à Paris ? Inutile ! », AJDA 2015. 1233.
32. J. Chevallier (dir.) Le droit administratif en mutation, 1993 ; J. B. Auby, « La bataille de San Romano. Réflexions sur les évolutions récentes du
droit administratif », AJDA 2001. 912 ; Dossier : « Le droit administratif français en 2013 », AJDA 2013. 386.
320. J. de Soto, L'arrondissement de Paris, RD publ. 1984. 1301. ; M. Verpeaux, Les arrondissements parisiens, entre décentralisation et
déconcentration, AJDA 2009. 1365 ; C. Paillot, L'arrondissement parisien : entre déconcentration et décentralisation, L'Harmattan, 2007, 148 p.
321. Elles ont été précisées par les articles 26 s. de la loi du 27 févr. 2002 (CGCT, art. L. 2511-15 s.).
322. La répartition des sièges de conseillers de Paris entre les 20 arrondissements qui figurait en annexe de la loi du 17 mai 2013 ayant été déclaré
contraire à la Constitution (Cons. const. Décis. no 2013-667 du 16 mai 2013), c'est la loi du 5 août 2013 qui a procédé à cette ventilation.
323. J. Waline, « À propos de la tutelle sur les collectivités territoriales », Mélanges Lachaume, p. 1095 ; B. Fischer, La réforme du contrôle de
légalité et l'acte II de la décentralisation, AJDA 2007. 1793 ; P. Combeau (dir.), « Les contrôles de l'État sur les collectivités locales aujourd'hui »,
L'Harmattan.
324. J. F. Auby, « La décentralisation fait-elle naître de nouvelles tutelles ? », AJDA 1984. 412 ; P. Brunelli, Le contrôle de légalité, LGDJ.
325. Aucun contrôle de cette nature n'apparaît à l'égard des organes régionaux ; la loi ne prévoit, à ce niveau, ni dissolution du Conseil, ni révocation
du président. Toutefois l'Assemblée de Corse (v. ss 211), à la demande de son président, a été dissoute par un décret du 29 juin 1984.
326. Chron. Branquart, « Contrôle de légalité : un réel renouveau ? », AJDA 2011. 198.
327. M. Verpeaux, « Constitution, déféré préfectoral et recours pour excès de pouvoir, ou Commune du Port, encore… », Mélanges J. Moreau, 469.
328. F. Aubry et C. Lepage-Jessua, « Les juges administratifs face à la décentralisation », AJDA 1984. 370.
329. Sur les particularités du déféré par rapport au recours pour excès de pouvoir, cf. note M.-C. Rouault sous CE. 26 juill. 1991, Cne de Ste Marie
(Réunion) LPA 1992, no 65, p. 10.
33. L'inflation des textes législatifs et réglementaires a été dénoncée par le Conseil d'État notamment dans son rapport annuel pour 1991, EDCE 1992.
330. M.C. Montecler, « Le contrôle de légalité nouveau est arrivé », AJDA 2014. 948.
331. v. J.M. Pastor, D. 2016. 380.
332. P. M. Gaudemet, « Les chambres régionales des comptes », AJDA 1983. 102 ; G. Miller et A. Levat, « Les rapports d'observations définitives
consacrés aux régions », AJDA 2010. 722.
333. J. Toussaint, « Le contrôle budgétaire des organismes publics locaux », AJDA 1984. 356.
334. B. Plessix, « Une prérogative de puissance publique méconnue : le pouvoir de substitution d'action », RD publ. 2003. 579.
335. Sur l'ensemble du chapitre : Flutre, Essai sur la notion d'établissement public, Thèse, Lyon, 1945 ; Drago, Les crises de la notion
d'établissements public, A. Pedone, 1950 ; Connois La notion d'établissement public, 1958 ; J. Chevallier, La place de l'établissement public, 1958 ;
J. Chevallier, La place de l'établissement public en droit administratif, annales Fac. Dr Amiens, 1972, no 3 ; J.-P Théron, Recherches sur la notion
d'établissement publics, La Documentation Française, 1972 ; Étude sur les établissements publics, EDCE, 1985, p. 15 ; Les établissements publics,
transformation et suppression, La Documentation Française, 1989 ; L. Constans, Le dualisme de la notion de personne morale administrative en droit
français, LGDJ, 1982 ; F. Gazier, Étude sur les établissements publics, EDCE, 1984-85, p. 13 ; B. Plessix, Établissements publics, J.-Cl. Adm. Fasc. 135
et 136.
336. Après les rapports du Conseil d'État de 1971 et 1987 sur l'établissement public, l'Assemblée générale du Conseil d'État a adopté, le 15 octobre
2009, une étude sur les établissements publics : v. « Questions sur l'avenir de l'établissement public. À propos du rapport du Conseil d'État », AJDA 2010.
1238.
337. F. Béroujon, « Le recul de l'établissement public comme procédé de gestion des SP », RFDA 2008. 26.
338. Cf. M. Debène, AJDA 1991. 623.
339. Les Houillères de bassin de Lorraine et de bassin du Centre et du Midi ont été dissoutes par arrêtés du 24 février 2004. La dissolution des
Charbonnages de France et leur mise en liquidation a été prononcée par le décret 2007-1806 du 21 décembre 2007.
34. B. Chenot, « La notion de service public et la jurisprudence économique du Conseil d'État », EDCE 1950. 77.
340. A. de Laubadère, « Vicissitudes actuelles d'une distinction classique : établissement public et collectivité territoriale », Mélanges Couzinet, 1975,
p. 411.
341. E. Fatôme, « La détermination du caractère des établissements publics », AJDA 2001. 222.
342. J. Waline, « L'Agence France Presse », RD publ. 1964. 612.
343. Sur la notion de « catégorie d'établissement public », cf. note Ph. Comte sous CE 10 mai 1972, D. 1973. J. 353.
344. J. Festemberg, Recherche sur la notion juridique de spécialité des personnes publques, PU d'Orléans, 2009.
345. L. Constans, Le dualisme de la notion de personne morale administrative en droit français, 1966.
346. E. Fatôme, « À propos de la distinction entre les établissements publics administratifs et les établissements publics industriels et commerciaux »,
Mélanges Chapus, p. 171.
347. Autre variante dans la qualification : l'établissement public scientifique et technique à caractère industriel et commercial (Commissariat à
l'Énergie solaire, Décr. 9 mars 1978). Ici, le caractère industriel et commercial semble l'emporter.
348. J. M. Pontier, « L'établissement public de coopération culturelle, un nouvel outil pour la culture ? », AJDA 2002. 430 ; « L'émergence d'une
nouvelle catégorie d'établissement public : à caractère culturel », D. 2002. 2982. Pour le décret du 11 septembre 2002 fixant les conditions d'organisation
et de fonctionnement de ces établissements publics, v. AJDA 2002. 835 ; D. Guillard, « Les établissements publics de coopération culturelle : premier
bilan », AJDA 2006. 183 ; F. Aubert, « Une proposition de loi pour relancer les EPCC », AJDA 2006. 689 ; O. Bui-Xuan, « La décentralisation
culturelle », AJDA 2007. 563.
349. JO 28 juill. 2010, p. 13921.
35. J. Rivero, « Apologie pour les faiseurs de systèmes », D. 1951. Chron. 99 ; « Existe-t-il un critère du droit administratif ? », RD publ. 1953. 279.
350. Ces règles communes ne s'appliquent pas à la Caisse des dépôts et consignations qui échappe aux contrôles et à la tutelle.
351. Le rattachement à une personne publique fait partie des règles constitutives de la catégorie d'établissements et ne peut donc être fixée que par la
loi : CE 25 oct. 2004, M. Asaro, AJDA 2005. 91, concl. Mitjaville.
352. Douence, Le rattachement des établissements publics à une collectivité territoriale, AJDA 1971. 4 ; E. Fatôme, « À propos du rattachement des
établissements publics », Mélanges Moreau, p. 139.
353. D'où le caractère paradoxal des textes, qui, en créant un établissement public, le placent « sous l'autorité », et non sous la tutelle, du ministre, ce
qui va à l'encontre de la notion de personne décentralisée.
354. JO 3 sept. 2010, p. 16057.
355. A. de Laubadère, « La loi d'orientation de l'enseignement supérieur et l'autonomie des Universités », AJDA 1969. 3.
356. J. Rivero, « Les deux finalités du service public industriel et commercial », CJEG 1994, no 500, p. 375.
357. Delion, L'État et les entreprises publiques, Thèse, Paris, 1957 ; Le droit des entreprises et participations publiques, LGDJ, coll. « Systèmes »,
2003, 253 p. ; Divers : « La distinction du droit privé et du droit public et l'entreprise publique », Archives Phil. Dr. no spécial, 1952 ; Chenot, Les
paradoxes de l'entreprise publique, RF sc. pol. 1955. 725 ; Delion, « Les nouvelles conceptions sur les entreprises publiques », AJDA 1967. 379 ; La
notion d'entreprise publique, AJDA 1979 no 4, p. 3 ; F. Chevallier, Les entreprises publiques en France, 1979 ; J. Dufau, Les entreprises publiques, 1994 ;
Ensemble des articles du numéro 500 des CJEG, Actualité de l'entreprise publique, juin 1994 ; M. Durupty, Les entreprises publiques, PUF, 1986 ;
Y. Gaudemet, Les entreprises publiques à l'épreuve du droit public, Mélanges R. Drago, p. 259 ; S. Bernard, « Réflexions sur l'apport de la création de la
société publique locale au droit des entreprises publiques », RD publ. 2011. 587 ; G. Eckert, Droit public des affaires, LGDJ, 2e éd.
358. Luchaire, « Le statut des entreprises publiques », Dr. soc. 1947. 243 ; Virally, « Le projet de loi portant statut général des entreprises publiques »,
Rev. adm. 1950. 355.
359. Sur cette loi : A. Jeammaud, AJDA 1983. 563 ; L. Rapp., AJDA 1984. 494.
36. Sur l'ensemble du problème : J.-L. de Corail, La crise de la notion du service public, 1954.
360. R. Drago, Quel avenir pour les entreprises publiques ?, PUF, coll. « Cahiers des sc. morales et polit. », 2001, 72 p.
361. Rivero, Le régime des nationalisations, 1948 ; Chenot, Les entreprises nationalisés, 1956 ; 3e Colloque des Facultés de Droit, Le fonctionnement
des entreprises nationalisées en France, 1956 ; Vedel, « La technique des nationalisations », Dr. soc. 1946. 49 ; Katzarov, Théorie de la nationalisation,
1960 ; L. Favoreu, Nationalisations et Constitution, 1982.
362. Sur la privatisation, cf. les articles de MM. Pene, Rapp. et de Mme Raynaud-Contamine, AJDA 1998. 291 s. ; Y. Guyon, « Le régime juridique
des sociétés privatisées », in Mélanges Jean Waline, p. 223 ; M. Lombard, « Les limites constitutionnelles à la privatisation des entreprises dont l'activité
a le caractère d'un monopole », in Mélanges Moderne, p. 673 ; Les garanties accompagnant la privatisation d'Air-France, AJDA 2003. 1100.
363. Cf. sur cette loi, B. Saint Girons, RFDA 1989, no 5, p. 786.
364. Sur cette réforme, cf. M. Debène, AJDA 1991. 623.
365. M. Durupty, « Commentaire de la loi de privatisation du 19 juillet 1993 », AJDA 1993. 712.
366. Sur tous ces points, v. Le Monde, 9 avr. 2002.
367. M. Lombard, « Les garanties accompagnant la privatisation d'Air-France », AJDA 2003. 1100 ; C. Gilder, « La privatisation d'Air-France au
cœur de logiques divergentes : les enjeux juridiques de la loi du 9 avril 2003 », RD publ. 2003. 1389.
368. Le Conseil d'État a admis la légalité des décrets autorisant la privatisation des autoroutes : CE, Sect., 27 sept. 2006, M. Bayrou, Association de
défense des usagers des autoroutes, Rec. 408, concl. Glasser, AJDA 2006. 2056, chron. Landais et Lenica.
369. L'État, au mois de juillet 2007, détenait 87,3 % du capital d'EDF et la loi lui interdit de descendre sous les 70 %.
37. E. Pisier-Kouchner, Le service public dans la théorie de l'État de L. Duguit, 1972.
370. On se contentera, sur ce point, de très brèves observations, le problème, dans son ensemble, relevant des ouvrages de Droit public économique,
voire d'Économie politique.
371. Disponible sur www.minefi.gouv.fr. ; A. Cartier-Bresson, L'État actionnaire, Thèse Paris II (v. RFDA 2006. 840). Le Rapport public de la Cour
des comptes pour 2008 dresse un bilan assez sévère de l'État actionnaire, v. le commentaire de S. Nicinski in AJDA 2008. 675.
372. V. sa présentation, par Carine Biget, à l'AJDA 2003. 472.
373. L'Agence a 77 participations à gérer, ce qui représente 1,2 millions de salariés. L'ensemble de ses participations totalise un chiffre d'affaires
cumulé de 220 milliards d'euros. La valeur de ce portefeuille était, au mois de juin 2014, de 77,9 milliards d'euros. V. S. Bernard, « L'actionnariat public
et la crise », RFDA 2010. 756.
374. Il est commenté par M. Lombard in AJDA 2011. 1302.
375. V. S. Nicinski, « Le Fonds stratégique d'investissement », RFDA 2012. 449.
376. Sous cet intitulé le commentaire, critique, de Sophie Nicinski, in RFDA 2015.93 ; v. également : G. Eckert : « Réflexions sur l'État actionnaire et
la gestion des entreprises publiques », RFDA 2015. 1041.
377. Delion, « Les filiales des entreprises publiques », Dr. soc. 1960. 321 ; Debène, « Le redéploiement des entreprises publiques », Dr. soc. 1978. 69.
378. Delesalle, Le statut du personnel des entreprises nationalisées, thèse, Lille, 1953.
379. Pour le problème du statut d'EPIC appliqué aux entreprises publiques : M. Lombard : « Fin de partie pour le statut d'EPIC appliqué aux
entreprises ? », AJDA 2014. 1242.
38. Cf. notamment : R. Latournerie, « Sur un lazare juridique ; bulletin de santé de la notion de service public, agonie, convalescence ou jouvence »,
EDCE, no 14. p. 61 ; J. Chevallier, Essai sur la notion juridique de service public, Publications de la Faculté de droit d'Amiens, 1977. p. 137 J. Waline :
« Marceau Long et le critère du service public », Mélanges M. Long, p . 483.
380. Jacquignon, Le régime des biens des entreprises nationales, 2 vol., 1956.
381. Delion, op. cit. ; Lescuyer, Le contrôle de l'État sur les entreprises publiques, thèse, Paris, 1958 ; P.-M. Gaudemet, « Le contrôle financier des
entreprises publiques », RD publ. 1972. 279 ; Muzellec, « Le contrôle de la Cour des comptes sur les entreprises publiques », AJDA 1976. 540 ;
M. Durupty, « Faut-il réaménager le contrôle de l'État sur les entreprises publiques ? », AJDA 1995. 3 ; M. Bazex, « À la recherche de l'autonomie des
entreprises publiques », CJEG no 500, p. 243.
382. Bruneau, « Le contrôle du Parlement sur la gestion des entreprises publiques », RD publ. 1975. 1199.
383. G. Eckert, Droit administratif et commercialité, Thèse, Strasbourg, 1994.
384. Rossillon, « Les entreprises publiques et la notion de service public industriel et commercial », AJDA 1956. I. 41.
385. Cependant, Gabriel Eckert (Droit administratif et commercialité, p. 27 s.) a montré que la conception objective, qui prend en compte le statut de
l'organe gérant l'activité commerciale pour en déduire les règles applicables s'efface de plus en plus devant la conception subjective qui prend en compte
la nature de l'activité pour en déduire les règles applicables.
386. J. Waline, « L'application du droit commercial aux personnes publiques », Mélanges Y. Guyon, p. 1103.
387. G. Eckert, op. cit. ; p. 124 s.
388. Op. cit., p. 139 s.
389. Y. Madiot, Fusions et regroupements de communes, LGDJ 1973 ; J. Cl. Venezia, Le regroupement des communes, RD publ 1971.1061 ; Nguyen
Van Thong, La fusion des communes, Rev. Adm.1991.226. ; Houser, Le statut des communes nouvelles, AJCT 2011.63 ; Le Roux, La relance du
processus de fusion entre collectivités territoriales, JCP Adm. 2011, no 2130.
39. G. Vedel, « Les bases constitutionnelles du droit administratif », EDCE, no 8, p. 21 ; M. Rousset, L'idée de puissance publique en droit
administratif, Paris, 1960 ; J.-C. Venezia, « Puissance publique et puissance privée », Mélanges Eisenmann, p. 363.
390. M. Le Roux : « La loi du 16 mars 2015, un second souffle pour les communes nouvelles », AJDA 2015. 1266 ; sur la volonté du Parlement de
promouvoir le système des communes nouvelles : AJDA 2014. 2158 et 2447 ; AJDA 2015. 245.
391. La procédure de consultation fait l'objet du décret no 2012-1214 du 20 janvier 2012. Sur les pouvoirs du Préfet en la matière : CE, Avis, 4 nov.
2013, Cne libre de Saint-Pantaléon, AJDA 2013. 2556, note P. Juen ; sur la défusion : CAA Nancy, 10 oct. 2013, Mmme B., AJDA 2014. 348, note
P. Combeau.
392. M. Bourjol, Intercommunalité et coopération intercommunale, 1993, et Mélanges Auby, p. 381 ; G. Marcou, « La réforme de
l'intercommunalité : quelles perspectives pour les agglomérations urbaines ? », AJDA 2002. 305 ; M. Degoffe, Droit et pratique de l'intercommunalité,
Éd. Sorman, 2005, 472 p. ; « L'intercommunalité après la loi du 13 août 2004 », AJDA 2005. 33 ; N. Fortier, Loi du 13 août 2004 : un bilan en demi-teinte
pour l'intercommunalité, AJDA 2005. 140 ; L'intercommunalité en France, Rapport public particulier de la Cour des comptes, 2005, 387 p., Éd. des JO ;
M. Censi, « Vers un nouvel élan pour la coopération intercommunale », D. 2007. 1841 ; « La coopération intercommunale à la croisée des chemins, »
Dossier AJDA 2007. 1852 s. ; J. Cl. Némery, « Quel avenir pour la relation entre communes et intercommunalité ? » in Mélanges Jegouzo. ; Y. Jegouzo,
« L'intercommunalité à la peine », AJDA 2011. 2089 ; F. Boulay, « Vers une généralisation de la mutualisation des services entre collectivités locales »,
AJDA 2012. 468 ; J.F. Lachaume : « Des intercommunalités renforcées », AJDA 2015. 1905.
393. Dans le Bas-Rhin, par exemple, le schéma prévoit 24 intercommunalités au lieu de 34.
394. V. le décret no 2011-122 du 28 janvier 2011 relatif à la composition et au fonctionnement de la Commision. Celle-ci établit et tient à jour un état
de la coopération intercommunale dans le département et peut formuler toute proposition tendant à renforcer celle-ci (art. L.5211-45 CGCT). Elle est
notamment consultée par le Préfet sur tout projet de création d'un EPCI.
395. Ch. Vigouroux et J. Richard, « Du droit “mou” au droit “souple” », AJDA 2013. 1825 ; Interview de J. Richard et L. Cytermann, « Le droit
souple », AJDA 2013. 1884.
396. Brun et Mayer, Les syndicats intercommunaux, 1954.
397. B. Piere-Vantol, « Le droit des syndicats mixtes locaux : réflexions d'actualité », RD publ. 2009. 51.
398. Une commune membre ne peut pas contester l'élection du Président et du bureau : CE, Sect., 1er avr. 2005, Cne de Villepin, RD publ. 2006. 491,
chron. Guettier.
399. Cadart, « Un espoir pour les grandes villes : le projet de loi sur les communautés urbaines », D. 1996. Chron. 123 ; A. de Laubadère, AJDA 1967.
89 ; Colard, « Une structure supra-communale pour les grandes villes », AJDA 1967. 449 ; Médard, « Les communautés urbaines », RD publ. 1968. 737.
4. J. Cl. Groshens, « À propos du Conseil constitutionnel », RD publ. 2009. 588.
40. C. Denizeau, « L'idée de puissance publique à l'épreuve de l'Union européenne », LGDJ, 2004, Préface C. Goyard, 677 p.
400. Pour le délai dans lequel une commune peut refuser son intégration : CE 2 mars 2007, Cne de Saint-Brandan, AJDA 2007. 502 ; En cas de
retrait, une commune ne peut pas rester seule : CE 28 déc. 2005, Cne de Poigny, Rec. 598 ; un EPCI ne saurait comporter qu'une seule commune : Concl.
Seners sous CE 13 juill. 2007, Cne de Pourcieux, BJCL 2007. 682.
401. La notion de « ville » est apparue dans le langage juridique avec la reconnaissance du « droit à la ville », la définition d'une « politique de la
ville » et parfois la création d'un « ministère de la ville ». La politique de la ville vient de fairea fait l'objet de la loi no 2014-173 du 21 févr. 2014 « de
programmation pour la ville et la cohésion urbaine », JO 22 févr. 2014, p. 3138.
402. Elle peut comprendre une commune rurale : CE 27 oct. 2008, Cne de Ste Croix-en-Plaine, AJDA 2008. 2094.
403. J. Cl. Douence, « Les métropoles », RFDA 2011. 258 ; E. Deschamps, « Métropole et pôle métropolitain dans la loi du 16 décembre 2010 de
réforme des collectivités territoriales », AJDA 2011. 1128 ; S. Braconnier, « Le fantôme de la métropole », AJDA 2011. 65 ; Marcou, « Les métropoles
ont-elles une chance ? », JCP Adm. 2010, no 2246 ; Houser, « La métropole : analyse du régime juridique et financier », AJCT 2011. 67 ; E. Marcovici,
« De la métropole de 2010 aux métropoles de 2014 », AJDA 2014. 435 ; N. Kada, « Métropoles : vers un droit (peu) commun », AJDA 2014. 619 ;
M. Degoffe : « L'organisation des métropoles », RFDA 2014. 481.
404. Lille : Décr. 2014-1600 du 23 déc. 2014 ; Strasbourg : Décr. 2014-1603 du 23 déc. 2014 ; Toulouse : Décr. 2014-1078 du 22 sept. 2014 ;
Bordeaux : Décr. 2014-1599 du 23 déc. 2014 ; Nantes : Décr. 2014-1077 du 22 sept. 2014 ; Rennes : Décr. 2014-1602 du 23 déc. 2014 ; Rouen : Décr.
2014-1604 du 23 décembre 2014 ; Grenoble : Décr. 2014-1601 du 23 déc. 2014.
405. E. Deschamps, « Métropole et pôle métropolitain dans la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales », AJDA 2011. 1128 ;
A. Taillefait, « Les pôles métropolitains et les pôles d'équilibre territoriaux et ruraux », AJDA 2014. 625.
406. L. Janicot, « Les Métropoles à statut particulier », AJDA 2014. 613.
407. Y. Jégouzo, « Heurs et malheurs du Grand Paris », AJDA 2013. 1241.
408. Dans sa décision relative à la loi NOTRe le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution la disposition qui ventilait les sièges de
conseiller métropolitain de Paris entre les arrondissements : Cons. const. Décis. n° 2015-717 DC du 6 août 2015 (JO 8 août 2015, texte n° 3).
409. G. Chavrier, « Intercommunalité et politique de la ville : un cadre juridique à parfaire », AJDA 2007. 834 ; F. Benchendikh, « Les enjeux du
transfert de la compétence “organisation des transports urbains” aux intercommunalités à fiscalité propre », AJDA 2007. 459.
41. R. Chapus, « Le service public et la puissance publique », RD publ. 1968. 235.
410. L. Martin, « Le président de l'EPCI à fiscalité propre, une autorité de police en devenir », AJDA 2012. 135.
411. V. « Le PLU intercommunal grand perdant de la loi ALUR ? », « AJDA 2014. 372 ».
412. Y. Jegouzo, « Y a-t-il une maladie de la norme ? », AJDA 2012. 2081 ; B. Faure : « Le droit des collectivités territoriales malade de ses normes »,
RFDA 2014. 467.
413. Pour sa saisine, v. AJDA 2015. 1019.
414. B. Faure : « Le médiateur des normes applicables aux collectivités territoriales », AJDA 2014. 881.
415. Dans le même esprit, le Rapport Dallier au Sénat : l'abondance de moyens nui à l'intercommunalité, AJDA 2006. 2154.
416. Le cadre juridique de l'action extérieure des collectivités locales, Rapport du Conseil d'État, La Doc. Fr., 2006.
417. V. CE, 17 févr. 2016, Région Rhône-Alpes, AJDA 2016. 712, Chr. Dutheillet de Lamothe et Odinet.
418. R. Degron, « Le groupement européen de coopération territoriale : consécration des eurorégions ? », AJDA 2008. 1373.
419. F. Melleray, « Une nouvelle crise de la notion d'établissement public. La reconnaissance d'autres personnes publiques spécialisées », AJDA 2003.
711.
42. Pour une critique de cette théorie v., P. Amselek, AJDA 1968. 492 et D. Truchet, « Label de service public et statut du service public », AJDA
1982. 427.
420. F. Melleray, op. cit., p. 716.
421. M. Lombard, « Le nouveau statut de la Banque de France », AJDA 1994. 491.
422. F. Melleray, op. cit., p. 714.
423. R. Muzellec et V. Nguyen Quoc, Les groupements d'intérêt public, 1993 ; F. Rohmer-Benoit, « Les GIP », AJDA 1986. 663 ; « L'avenir des GIP,
invitation à une réforme législative », AJDA 1992. 99 ; Les GIP, Rapport du CE juillet 1996, Doc. frse. 1997 ; G. Dupuis, « Les GIP », Mélanges
Spiliotopoulos, p. 81 ; Sur la nature juridique des GIP, v. Chron. Jurisprudence, AJDA 2000. 410 ; B. Jorion, « Les GIP : un instrument de gestion du
service public administratif », AJDA 2004. 305 ; R. Tinière, « Éléments de définition d'un standard commun aux GIP », AJDA 2007. 840.
424. JO 18 mai 2011, p. 8537.
425. JO 27 janv. 2012, p. 1523.
426. D. Linotte et G. Simonin, « L'autorité des marchés financiers, prototype de la réforme de l'État ? », AJDA 2004. 143.
427. B. Gény, Essai d'une théorie générale de la collaboration des administrés avec l'Administration, Th. Nancy, 1930 ; Bernheim, « Le contrôle des
services publics gérés par des personnes privées, Th. Paris 2, 1972 ; F. Sabiani, « L'habilitation des personnes privées à gérer un service public », AJDA
1977. 4 ; J.-P. Negrin, L'intervention des personnes morales de droit privé dans l'action administrative, Paris, 1971 ; A. Demichel, Le contrôle de l'État
sur les organismes privés, Paris, 1960 ; J. Chevallier, « L'association entre public et privé », RD publ. 1981. 887 ; Dossier « Service public », RFDA 2008.
1 s. et plus spécialement, L. Janicot, L'identification du SP géré par une personne privée, p. 67 ; A. Virot-Landais, « Les activités de contrôle exercées par
les personnes privées chargées d'un service public », RD publ. 2013. 613.
428. MM. Rougevin-Baville, Denoix de Saint-Marc et Labetoulle (Leçons de droit administratif, p. 233) relèvent qu'existaient, dès l'Antiquité, la
concession et l'affermage et que les publicains de l'Évangile ne sont pas autre chose que des concessionnaires du service public de la perception des
impôts, au même titre que les fermiers généraux de l'Ancien Régime !
429. Précis de droit administratif, 11e éd. no 36 et 265 s.
43. J. Rivero, « Existe-t-il un critère du droit administratif ? », RD publ. 1953. 279.
430. J.-M. Auby, « Actualité de l'affermage de service public », Mélanges Péquignot, p. 29 ; P. Subra de Bieuses, « La spécificité de l'affermage »,
AJDA 1996. 608.
431. M. Waline, « La notion de régie intéressée », RD publ. 1948. 337.
432. L. Rapp., « Faut-il vraiment définir l'ensemble des DSP ? », AJDA 2001. 1011 ; J.-D. Dreyfus, « La définition légale des DSP », AJDA 2002. 33.
433. V., J. F. Lachaume, Droit administratif, 13e éd., p. 263.
434. Pour une énumération pratiquement exhaustive, v. J.F. Lachaume, op. cit. p. 267 s.
435. B. Seiller, « Évolution de la conception française du SP et de son dualisme », AJDA 2007. 1752.
436. V., Rougevin-Baville, Denoix de Saint-Marc et Labetoulle, op. cit. p. 239.
437. V. Réflexions sur l'intérêt général, Rapport public du Conseil d'État 1999, EDCE, no 50, p. 239 s. ; CE 5 oct. 2007, Sté UGC-Cité-Ciné, RFDA
2007. 1314.
438. Tricot, Essai sur les entreprises d'intérêt général, thèse, Lyon, 1943. J. Boulouis, Essai sur la politique des subventions administratives, Paris,
1951 ; J.-L. de Corail, « La notion d'entreprise d'intérêt général et l'interventionnisme économique », Mélanges Péquignot, p. 143 ; M. Pomey, « Le
contrôle par le Conseil d'État des Associations reconnues d'utilité publique », EDCE no 32. p. 135.
439. Pour un exemple de ces difficultés : CE 21 mai 1976, Groupement d'intérêt économique Brousse-Cordell, AJDA 1977. 42, et, à propos de cet
arrêt, F. Moderne, « Sur une distinction délicate entre mission d'intérêt général et mission de service public », AJDA 1977. 144.
44. Henry, « Vers la fin de l'État de droit ? », RD publ. 1997. 1207 ; J. Chevallier, « L'État de droit », RD publ. 1998. 313, et, sous le même titre,
Collection Clefs, 1992 ; D. Rousseau, « L'État de droit est-il un État de valeurs particulières ? », Mélanges P. Pactet, p. 885.
440. H. Groud, « La sécurisation des aides publiques aux entreprises », AJDA 2003. 1584.
441. V. CE 27 févr. 2006, Cie Ryanair Limited, RFDA 2006. 419.
442. Cf. Rivero, « Action économique de l'État et évolution administrative », Rev. écon. 1962. 887 ; F. Batailler, « Les quasi-contrats pour l'exécution
du Plan », Rev. sc. leg. fin. 1964. 345.
443. Demichel, Le contrôle de l'État sur les organismes privés, 1960 ; Fromont, « Le contrôle des aides financières publiques aux entreprises
privées », AJDA 1979, no 1, p. 3 ; D. Berlin, « Le contrôle des aides de l'État », Mélanges Dubouis, p. 251.
444. En ce qui concerne les sociétés nationales on se limitera à quelques brèves observations, leur étude relevant des ouvrages de droit public
économique.
445. Droit administratif, 12e éd., T. 2, p. 634.
446. Reuter, Les participations financières, 1936 ; Monségur, Aux confins du service public et de l'entreprise privée : les entreprises d'intérêt public et
les sociétés d'économie mixte, thèse, Bordeaux, 1942 ; Vasseur, L'État banquier d'affaires, 1962 ; Tagand, Régime juridique de la société d'économie
mixte, 1969 ; P. Delvolvé, « De la nature juridique des sociétés d'économie mixte », RD publ. 1973. 351 ; J. Kerninon, Les cadres juridiques de
l'économie mixte, 1992 ; A. Le Gall, « La distinction entre les sociétés d'économie mixte à raison de leur capital », AJDA 1998. 473 ; G. Durand, Les SEM
locales, Berger-Levrault, 1998 ; AJDA numéro spécial sur les SEM locales, sept. 1993 ; J.-F. Sestier, « Les SEM locales après la loi de modernisation »,
RFDA 2002. 923 ; Bilan et perspectives : Actes du Colloque du 27 mai 2005 organisé au Sénat, RFDA 2005. 946.
447. Branger, « Les participations financières de l'État », DS. 1960.125.
448. Cf. la chronique d'A. De Laubadère, AJDA 1978. 670.
449. C. Devès, « Nouveau départ pour l'économie mixte locale », AJDA 1983. 596, et Économie mixte locale, Dossier AJDA 1993, no 9 ; G. Miller et
A. Leyat, « Les chambres régionales des Comptes et le contrôle des SEM locales », AJDA 2009. 1701.
45. À ne pas confondre avec la Cour de Justice de l'Union européenne siégeant à Luxembourg (v. ss 318).
450. V., L. Rapp., « Les nouvelles régulations économiques », AJDA 2001. 560.
451. C. Deves, « La modernisation du statut des Sociétés d'économie mixte locales », AJDA 2002. 139.
452. G. Eckert : « La SEMOP, instrument du renouveau de l'action publique locale ? », AJDA 2014. 1941.
453. Sur le statut du personnel d'Air-France dans le cadre de la loi du 9 avril 2003 : M. Lombard : « Les garanties accompagnant la privatisation
d'Air-France », AJDA 2003. 1100.
454. C. Boiteau, « La SEM locale, délégataire de service public », AJDA 2002. 1318.
455. Heilbronner, Le pouvoir professionnel, EDCE, no 6, p. 33 ; M. Lascombe, Les ordres professionnels, thèse, Strasbourg, 1987, et, sous le même
titre, AJDA 1994. 855 ; B. Delaunay, « L'ordre professionnel, septuagénaire vaillant mais surveillé », AJDA 2013. 1361.
456. La loi no 2006-1668 du 21 décembre 2006 a créé un ordre national des infirmiers ; J. Moret-Bailly, « Les ordres professionnels des professions
d'auxiliaires médicaux », RDSS 2007. 472.
457. Pour la profession médicale, cf. le décr. du 4 septembre 1995 portant Code de déontologie médicale, D. 1995. L. 452. Pour le code de
déontologie des infirmiers : AJDA 2015. 966.
458. C'est à la juridiction administrative qu'il appartient de dire si le Conseil National des Barreaux dispose d'un pouvoir réglementaire en matière de
déontologie : T. confl. 18 juin 2001, Ordre des avocats du Barreau de Tours ; CE 27 juill. 2001, idem, AJDA 2001. 847 ; A. Bernard, « Le pouvoir
réglementaire du Conseil national des barreaux et les réseaux pluridisciplinaires », D. 2005. 673.
459. Biays, La fonction disciplinaire des ordres professionnels, thèse, Rennes, 1949. Ces attributions ont été retirées à l'Ordre des architectes
(l3 janv. 1977) et transférées à des chambres de discipline où les magistrats sont majoritaires. Ce système a été remanié par l'ordonnance no 2005-1044 du
26 août 2005 « relative à l'exercice et à l'organisation de la profession d'architecte » (JO 27 août 2005, p. 13941).
46. J. Waline, « L'évolution du contrôle de l'Administration depuis un siècle », RD publ. 1984. 1327.
460. Devant les chambres disciplinaires de l'ordre des médecins, la procédure est essentiellement écrite : CE 21 oct. 2015, AJDA 2015. 2009.
Naturellement, un ordre ne peut pas aggraver une sanction non prévue par les textes : CE 21 septembre 2015, AJDA 2015. 1776.
461. Sur les limites du contrôle juridictionnel des sanctions prises par les ordres : CE, Sect., 30 juill. 2003, M. Djaoui, AJDA 2003. 1416 ; CE 17 nov.
2004, Sté d'exercice libéral Landwell et associés, AJDA 2005. 227 ; CE 6 déc. 2012, Association des topographes géomètres et techniciens d'études,
AJDA 2012. 2353.
462. Mais compétence exclusive du juge ordinal pour connaître du préjudice né d'une citation abusive : CE, Sect., 6 juin 2008, Cons. Dép. de l'Ordre
des Chirurgiens-dentistes de Paris, AJDA 2008. 1124.
463. Detton, « La protection par le Conseil d'État des droits des individus dans l'organisation professionnelle », EDCE, no 6, p. 53.
464. Ch. Eisenmann, « Le droit administratif et le principe de légalité », EDCE 1957. 25 s. ; J. Chevallier, « La dimension symbolique du principe de
légalité », RD publ. 1990.1651 ; D. Loschak, « Le principe de légalité. Mythes et mystifications », AJDA 1981. 387.
465. G. Teboul, « Remarques sur la validité des règles coutumières internes dans l'ordre juridique français », RD publ. 1998. 691. Pour un arrêt, ce qui
est extrêmement rare, faisant expressément référence aux « usages et coutumes », v. CE 11 juill. 2001, Commune de St Christophe-en-Oisans, Rec. 347,
ainsi que les conclusions de M. Keller au Rec. 2006. 229 ; F. Colin, « Les usages locaux, source du droit administratif », RFDA 2007. 466 ; J. Bourgoing,
« Pour une théorie de la coutume administrative », Rev. adm. 2008. 364 ; Colloque : « Les adages en droit public », RFDA 2014. 1 et 201.
466. La pratique récente a fait apparaître dans le vocabulaire juridique des termes qui s'écartent de la liste classique des sources du droit. Certains
n'ont aucune signification précise ; le mot « charte », disparu de la langue du Droit depuis les chartes constitutionnelles de 1814 et 1830, a reparu depuis
peu pour souligner, semble-t-il, l'importance que le Parlement ou le gouvernement attachent à une loi ou à un règlement. D'autres vocables se rattachent à
des modalités de l'action administrative dont l'autorité reste mal définie (schéma directeur, plans de développement, lois de programme, etc.). Le flou qui
les caractérise ne permet pas d'y voir de nouvelles catégories de sources du droit appelant des développements spécifiques. Toutefois les lois de
programmation sont, depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, expressément mentionnées à l'art. 34 C.
467. P. Bon, « Constitution de 1958 et droit administratif », LPA 1993, nos 84 et 85 ; L. Favoreu et T. Renoux, Le contentieux constitutionnel des actes
administratifs, 1993 ; B. Stirn, Les sources constitutionnelles du droit administratif, LGDJ, 8e éd. 2014 ; L. Favoreu, « Légalité et constitutionnalité »,
Cah. Cons. const. 1997. 73 ; G. Vedel, « Excès de pouvoir législatif et excès de pouvoir administratif », Cah. Cons. const. 1996. 57 ; 1997. 77 ;
L. Favoreu, « Droit administratif et normes constitutionnelles. Quelques réflexions trente ans après », Mélanges Moderne, p. 649 ; B. Stirn, « Le Conseil
d'État et la Constitution », Mélanges Lachaume, p. 1001 ; Dossier : « Le Conseil constitutionnel et le droit administratif », Nouv. Cah. Cons. const., no 37,
2012.
468. G. Vedel, « Les bases constitutionnelles du droit administratif », EDCE, no 8, p. 21 ; Ch. Eisenmann, « La théorie des bases constitutionnelles du
droit administratif français », RD publ. 1972. 1345 ; G. Vedel, Préface de la 7e éd. du Droit administratif, v. ss 35, note 1 ; G. Vedel, « Les bases
constitutionnelles du droit administratif », in La pensée de Ch. Eisenmann, Economica, 1986, p. 133 ; E. Breen, « Le Doyen Vedel et Ch. Eisenmann :
une controverse sur les fondements du droit administratif », RFDA 2002. 232 ; P. Delvolvé : « L'actualité de la théorie des bases constitutionnelles du
droit administratif », RFDA 2014. 1211.
469. Dossier : « L'articulation des normes constitutionnelles et des normes administratives », RFDA 2008. 861 s. ; B. Stirn : « Les sources
constitutionnelles du droit administratif », 8° éd.
47. M. Fouletier, Recherche sur l'équité en droit public français, LGDJ, 2003.
470. Sur le Conseil constitutionnel, cf. notamment le numéro 15 de la revue Pouvoirs, 1980 ; Favoreu et Philip, « Le Conseil constitutionnel », 1985 ;
Luchaire, Le Conseil constitutionnel, 3 tomes, 2e éd. ; G. Vedel, « Réflexions sur quelques apports de la jurisprudence du CE à la jurisprudence du
Conseil constitutionnel », Mélanges Chapus, p. 647 ; J. Rivero, Le Conseil constitutionnel et les libertés, 1991 ; B. Genevois, La jurisprudence du
Conseil constitutionnel, 1988 ; G. Vedel, « Doctrine et jurisprudence constitutionnelles », RD publ. 1989. 11 ; J.-P. Camby, « La saisine du Conseil
constitutionel ou l'impossible retrait », RD publ. 1997. 5 ; A. Viala, Les réserves d'interprétation : un outil de « resserrement » de la contrainte de
constitutionnalité, RD publ. 1997. 1047 ; J. Andriantsimbazovina, L'autorité des décisions de justice constitutionnelles et européennes sur le juge
administratif français, LGDJ, 1998, préf. Pacteau ; J. Foyer, « La suppression du Conseil constitutionnel », Rev. adm. 1998. 97 ; P. Bon : Le CC et la
notion de « droits et libertés que la constitution garantit », Mélanges Flauss, p.101 ; M. Charité : Les commentaires autorisés des décisions du CC,
RDP.2015.451 ; V. Reveillère : La discussion des valeurs au CC, RDP 2015. 465 ; J. Ph. Feldman : Le CC, une Cour de l'Ancien Régime ?, D.
2015 .1497.
471. D. Rousseau, « Faut-il une Cour constitutionnelle pour contrôler la constitutionnalité des lois ? », Mélanges Gicquel, p. 465.
472. Ch. Denizeau, Existe-t-il un bloc de constitutionnalité ?, LGDJ, 1997 ; G. Alberton, « De l'indispensable intégration du bloc de conventionnalité
au bloc des constitutionnalité », RFDA 2005. 249.
473. M. Prieur, « Promesses et réalisations de la Charte de l'environnement », Nouv. Cah. Cons. const., no 43, avr. 2014, p. 7 ; Ph. Prevel : « La
Charte de l'environnement, l'administration et le Conseil d'État, applicabilité ou invocabilité », RFDA 2014. 773 ; Dossier : « La Charte de
l'environnement, dix ans après », AJDA 2015. 487 ; M. Moliner-Dubost : « La citoyenneté environnementale », AJDA 2016. 646.
474. M. C. de Montecler, « Débat sur la place du principe de précaution au sein de la Charte de l'environnement », AJDA 2003. 756 ; D. Chagnollaud,
« Le principe de précaution est-il soluble dans la loi ? », D. 2004. 1103 ; J.-P. Cot, « Le principe de précaution en droit européen et international »,
Mélanges J. Waline, p. 159 ; Principe de précaution, Dossier in D. 2007.1514 s. ; Y. Jegouzo, « L'imprévisible principe de précaution », AJDA 2012. 233 ;
S. Brondel, « Faut-il abroger le principe de précaution ? », AJDA 2010. 1179 ; R. Grand, « Encadrer le principe de précaution ? », AJDA 2012. 187. Le
principe est intégré au droit de l'urbanisme : CE 19 juill. 2010, Assoc. du Quartier les Hauts de Choiseul, RDI 2010. 508, note Soler-Couteaux.
475. V. AJDA 2008. 15.
476. V. AJDA 2008. 2370 ; B. Mathieu, « De la difficulté et de l'utilité de modifier les droits fondamentaux inscrits dans la Constitution », Mélanges
Jegouzo ; de Béchillon, AJDA 2009. 10.
477. F. Melleray, « Déclaration des droits et recours pour excès de pouvoir », RD publ. 1998. 1089.
478. B. Jeanneau, « Juridisation » et « actualisation » de la Déclaration des Droits de 1789, RD publ. 1989. 635.
479. M. Gros, « Quel degré de normativité pour les principes environnementaux ? », RD publ. 2009. 425.
48. Ch. Eisenmann, « Les fonctions des circonscriptions territoriales dans l'organisation de l'administration », Mélanges Waline, T. II, p. 415.
480. J. Rivero, « Les PFRL : une nouvelle catégorie constitutionnelle ? », D. 1972. Chron. 265 ; B. Mathieu et M. Verpeaux, « La reconnaissance et
l'utilisation des PFRLR par le juge », D. 1997. Chron. 219. Le CE utilise également dans sa jurisprudence la notion de PFRLR. Il a, par exemple, reconnu
en tant que tel le principe selon lequel l'État doit refuser l'extradition d'un étranger lorsqu'elle est demandée dans un but politique : CE, Ass., 3 juill. 1996,
M. Kone, AJDA 1996. 722 ; RD publ. 1996. 1751, note Braud ; D. Rousseau, « Le Conseil constitutionnel et le Préambule de 1946 », Rev. adm. 1997.
160 ; B. Genevois, « Les PFRLR », RFDA 1998. 477 ; A. Roblot-Troizier, « La loi et les PFRL », RFDA 2013. 945.
481. Mais depuis cette décision la jurisprudence du Conseil constitutionnel a évolué ; désormais elle ne rattache plus le respect des droits de la
défense aux PFRLR mais à l'article 16 de la Déclaration de 1789.
482. J. Roux, « La reconnaissance par le Conseil constitutionnel du principe fondamental reconnu par les lois de la République relatif à la justice des
mineurs », RD publ. 2002. 1731 ; sur la portée du principe en matière de justice des mineurs : Cons. const. no 2007-553 DC du 3 mars 2007, Loi relative
à la prévention de la délinquance, Rec. 93 et Cons. const. no 2007-554-DC du 9 août 2007, Loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des
mineurs, (cons. 24), Rec. 303 ; chron. D. Rousseau, RD publ. 2003. 381 ; Cons. const., Décis. no 2013-356 QPC 29 nov. 2013 (JO 1er déc. 2013. 19602).
483. RFDA 2012. 131, note J.M. Woehrling.
484. V. CE 6 juin 2006, Juge des référés, Mme Anfian et Melle Assani, Rec. 279.
485. B. Genevois, « La jurisprudence du Conseil constitutionnel », no 342 ; F. Luchaire, « L'objectif de valeur constitutionnelle », RFDC 2005. 675 ;
B. Faure, « Les objectifs de valeur constitutionnelle : une nouvelle catégorie juridique ? », RFDC 1995, no 21, p. 47 ; A. Levade, « L'objectif de valeur
constitutionnelle, vingt ans après », Mélanges Pactet, p. 687 ; S. Juan, « L'objectif à valeur constitutionnelle du droit à la protection de la santé », RD
publ. 2006. 439.
486. J. Waline, « Existe-t-il un gouvernement du juge constitutionnel en France ? », Mélanges Favoreu, p. 487.
487. C. Groulier : « À propos de “l'interprétation facilitatrice des normes” », RDP 2015. 205.
488. S. Platon, « Les interférences entre l'office du juge ordinaire et celui du Conseil constitutionnel », RFDA 2012. 639.
489. X. Magnon, « Sur un pont aux ânes ? L'autorité des décisions du Conseil constitutionnel, pour une distinction entre autorité et force de chose
jugée », RFDA 2013. 859 ; Ph. Azouaou : « Autorité et portée d'une déclaration d'inconstitutionnalité » (note sous CC 18 oct. 2013), RFDA 2014. 364.
49. Di Malta, Essai sur le pouvoir hiérarchique, 1960.
490. J. L. Car, Les lois organiques de l'article 46 de la Constitution de 1958, Economica, 582 p., préface L. Favoreu ; F. Luchaire, « Les lois
organiques devant le Conseil constitutionnel », RD publ. 1992. 389.
491. Une loi organique ne peut intervenir que dans les domaines et pour les objets limitativement énumérés par la Constitution : Cons. const. no 2005-
519 du 29 juill. 2005, Rec. 129.
492. L. Favoreu et autres, Droit constitutionnel, Dalloz, coll. « Précis », 14e éd., no 172.
493. M. Virally, « Le Conseil d'État et les traités internationaux », JCP 1953. I. 1098 ; Heumann, « Le contrôle juridictionnel du Conseil d'État sur
l'application des traités », EDCE, n° 7, p.71 ; P. de La Pradelle : « Juridiction administrative et droit international », EDCE, n° 16, p. 13 ; L. Dubouis, « Le
juge administratif et les règles du droit international », Ann. de dr. internat., 1971. 9 ; R. Abraham, Droit international, droit communautaire et droit
français, 1989 ; L. Favoreu, « Le Conseil constitutionnel et le droit international », AFDI 1977. 95 ; L'importance croissante du droit international et
européen, Rapport public du CE pour 1989, EDCE 1990. 11 ; G. Guillaume, « Les traités devant les formations administratives du CE », Mélanges
Braibant, p. 353 ; G. Teboul, « Ordre juridique international et ordre juridique interne », RD publ. 1999. 697 ; La norme internationale en droit français,
Rapport du Conseil d'État, La Documentation française, 2000 ; J.-F. Lachaume, « Retour vers 1968 », Mélanges Dubouis, p. 191 ; F. Hervouet, « Les
audaces calculées du Conseil d'État dans le domaine international », Mélanges Dubouis, p. 67 ; M. Kdhir, « Le juge français et le droit international non
écrit », RD publ. 2003. 1581 ; C. Le Bris, « Le droit de regard du parlement français sur la norme supranationale en formation », RD publ. 2012. 947.
494. Y. Aguila, L'effet direct des conventions internationales : une nouvelle grille d'analyse, AJDA 2012. 729 ; D. Burriez : « Retour sur le critère de
l'effet direct depuis l'arrêt GISTI », RFDA 2015. 1031.
495. V. sur ce point les justifications qu'en donne M. Abraham dans ses conclusions de l'affaire « Gisti » (CE 23 avr. 1997, Rec. 142) ; H. Tigroudja,
« Le juge administratif français et l'effet direct des engagements internationaux », RFDA 2003. 154 ; v. chron. Santulli, RFDA 2013. 891.
496. Par exemple, applicabilité de l'art. 4-1 (CE, Sect., 23 avr. 1997, Gisti, RFDA 1997. 585, concl. Abraham), de l'art. 3-1 (CE 24 mars 2004, Min.
des Aff. Soc., Rec. 139 et CE, Sect., 31 oct. 2008, Section française de l'Observatoire international des prisons, p. 374 , Concl. Guyomar) ; CE 25 juin
2014, AJDA 2014. 1415, ou de l'art. 12-2, (CE 27 juin 2008, Mme Etarh, AJDA 2008. 1296) ; incertitude en ce qui concerne l'art. 8 (RFDA 2005. 373) ;
non-application des art. 2-1 et 2-2 (CE 30 juin 1999, Guichard, p. 218) ou 3-2 et 5 (CE 6 oct. 2000, Lib Promouvoir, RFDA 2001. 463) ; P. Courbe,
« L'application directe de la Convention des Nations unies sur les droits de l'enfant », D. 2006. 1487 ; V., chron. Santulli, RFDA 2009. 1032.
497. V. égal. : CE 2 sept. 2009, Assoc. Réseau d'alerte et d'intervention pour les droits de l'homme, p. 346 ; Pour les résolutions du Conseil de
Sécurité des N-U, v. note Floirat, RGDIP 2000. 541.
498. G. Teboul, « Nouvelles réflexions sur le droit international non-écrit dans la jurisprudence du juge administratif et du juge judiciaire français »,
RFDA 2000. 1109.
499. Il n'est pas rare que la procédure de ratification prenne plusieurs années ! (RFDA 2004. 1206).
5. J. Chevallier, « Réflexions sur l'idéologie de l'intérêt général », Variations autour de l'idéologie de l'intérêt général, T. 1, 1978, p. 11 ; « L'intérêt
général, Rapport public du CE », EDCE, no 50, 1999, p. 239 s. ; J.-M. Pontier, « L'intérêt général existe-t-il encore ? » D. 1998, chron. 327 ; M. Lombard,
« Irréductible intérêt général », AJDA 2006. 1809.
. J.-M. Pontier, « Intérêt national et intérêt local », AJDA 2007. 1617. ; D. Bordier, « Les chassés-croisés de l'intérêt local et de l'intérêt national »,
AJDA 2007.2188.
500. Dans sa décision du 9 avril 2003 (Cons. const. Décis. no 2003-470 DC, Rec. 359), relative à l'examen de la modification du règlement de
l'Assemblée nationale, le Conseil constitutionnel a rappelé que le Parlement n'a pas compétence pour assortir « de réserves, de conditions ou de
déclarations interprétatives » l'autorisation qu'il donne de ratifier un traité ou d'approuver un accord international non soumis à ratification. V. G. Drago,
« Le Parlement et les traités internationaux », Mélanges Gicquel, p. 157.
501. Dans cet arrêt le CE constate, pour l'approuver, qu'une Cour administrative d'appel ne s'est pas crue liée par l'interprétation donnée par le
Ministre des Affaires étrangères des accords d'Évian (et n'a donc pas contrevenu à l'article 6 Conv. EDH).
502. S. Lemaire, « Le juge judicaire et le contrôle de la réciprocité dans l'application des traités internationaux », D. 2007. 2322.
503. O. Gabarda, « Vers la compétence de la juridiction administrative pour le contrôle de la réciprocité des engagements internationaux ? », LPA
26 août 2003, p. 4.
504. Divers, Les Communautés européennes et le droit administratif français, 1972 ; « Droit communautaire et droit français », EDCE 1981-82,
p. 215 ; J.-F. Flauss, « Les incidences du droit européen sur les théories du droit administratif français », LPA, 29 nov. 1989 ; B. Genevois, « Le Conseil
d'État et l'ordre juridique communautaire », EDCE 1980. 73 ; Bonnichot, « Convergences et divergences entre le CE et la CJCE », RFDA 1989. 70 ;
Dewost, « Décision nationale et droit communautaire », AJDA 1990. 258 ; « L'importance croissante du droit international et européen », EDCE, no 41,
p. 11 ; « Le droit communautaire et sa transcription en droit interne », EDCE, no 42, p. 11 ; B. Stirn, « Le CE et le droit communautaire », AJDA
1993. 244 ; L. Dubouis, « Droit administratif et droit communautaire », AJDA 1995, no spécial, p. 66 ; no spécial AJDA juin 1996, « Droit administratif et
droit communautaire » ; M. Darmon, « Cour de cassation et primauté du droit communautaire », Gaz. Pal. 11-12 juin 1999, nos 162-163 ; J. Waline, « La
boîte de Pandore : droit administratif et droit communautaire », Mélanges Dubouis, p. 463 ; Droits nationaux, droit communautaire, influences croisées,
Hommage à L. Dubouis, Doc. Fr., 2000, 188 p. ; J. Dutheil de La Rochère, « Influence du droit français en droit communautaire/droit de l'Union
européenne », RFDA 2001. 909. ; « L'Administration française et l'Union européenne, Rapport public du CE 2007 », EDCE 2007. 229 ; Ritleng (dir.),
Incidences du droit communautaire sur le droit public français, PUS, 2007 ; B. Genevois, « L'application du droit communautaire par le CE », RFDA
2009. 201 ; « DA français et droit de l'Union européenne », chron. Cassia, RFDA 2008.1054 ; Ch. Delvallez, Le juge administratif et la primauté du droit
communautaire, 2011, 355 p. ; J.V. Louis, « La primauté du droit de l'Union, un concept dépasssé ? », Mélanges Jacqué, p. 443 ; Th. Blanchet, « 1997-
2007 : d'une simplification des traités à l'autre », Mélanges Jacqué, p. 113 ; A. Minet, « Le statut particulier du droit de l'Union européenne en droit
français », RFDA 2013. 1199 ; M. Guyomar : « Vingt ans après », Mélanges M. Long, p. 261.
505. Sur ce point v. circ. 21 juin 2010, relative à la participation du Parlement national au processus décisionnel européen (JO 22 juin 2010,
p. 11232). Le gouvernement a également le souci d'associer les collectivités territoriales et les partenaires sociaux aux processus de décision européens
(circ. du 19 déc. 2005, JO 9 févr. 2005, p. 2073). À l'échelon gouvernemental les affaires européennes sont examinées par le Comité interministériel sur
l'Europe et gérées par le Secrétariat général des affaires européennes (Décr. 2005-1283 du 17 oct. 2005, JO 18 oct. 2005, p. 16488). En 2004 ce sont
281 projets de textes européens qui ont été transmis au Parlement en application de l'art. 88-4 de la Constitution.
506. L'article 288 du Traité ajoute que les autorités communautaires prennent également des décisions et formulent des recommandations ou des avis.
507. B. Bertrand, « Retour sur un classique. Quelques remarques sur la catégorie des principes généraux du droit de l'Union européenne », RFDA
2013. 1217.
508. D. Simon, La directive européenne, Dalloz, 1997 ; « La transposition des normes communautaires dans le droit national », Rapport du CE, 2007,
Doc. Frse.
509. Décis. no 2004-496 DC du 10 juin 2004, Loi pour la confiance dans l'économie numérique, RD publ. 2004. 874.
51. Valentin, Le pouvoir administratif déconcentré, Th. Lyon, 1957 ; Auffrey, Hervé, Mény, La déconcentration, 1971 ; J. Waline, « Pour une
politique de déconcentration », Mélanges Eisenmann, 1975, p. 178.
510. . v. D. Labetoulle : « Le moyen d'ordre public relatif au champ d'application de la loi : justice pour la jurisprudence Morgane », Mélanges P. Bon,
p. 907.
511. L. Dubouis, « La chasse et le droit communautaire », RFDA 2000. 409. V. égal. plusieurs points de vue in RFDA 2000. 663 ; CE, Ass., 25 janv.
2002, « Ligue pour la protection des oiseaux et autres », AJDA 2002. 623 ; CE, Sect., 5 nov. 2003, Assoc. pour la protection des animaux sauvages,
AJDA 2003. 2061.
512. V. sur le dialogue des juges : J.-Cl. Bonichot, « Le point de vue d'un juge de l'Union », AJDA 2013. 396.
513. V. chr. de la jurisprudence de la CJUE, RDP 2014. 1412.
514. M. Gautier, « Où l'on reparle de l'effet direct des directives communautaires », AJDA 2011. 297 ; L. Coutron, « La lente conversion du CE à
l'effet direct des directives », AJDA 2010. 1412.
515. A. Barav, Études sur le renvoi préjudiciel dans le droit de l'Union européenne, Bruylant, 2011, 283 p.
516. Sur l'acte clair, Chr. RFDA 2014.989 ; sur le rôle du juge interne : S. El Boudouhi : « Le juge interne, juge de droit commun du droit
international ? », RFDA 2014. 371.
517. L'interprétation du Traité, alors même qu'elle ne faisait pas l'objet du renvoi préjudiciel, s'impose au CE : CE, Ass., 11 déc. 2006, Sté De Groot
en Slot Allium B.V., RFDA 2007. 372, concl. Seners ; Sur la doctrine d'emploi de la question préjudicielle, interview du Vice-Pdt du CE, AJDA 2009. 682.
518. Illégalité, par exemple, d'une imposition incompatible avec une directive (CE, ass, 30 oct. 1996, S.A. Cabinet Revert et Badelon, AJDA 1996.
980), mais irrecevabilité de l'action tendant à réparer le préjudice résultant du paiement de l'impôt (CE., Ass., 30 oct. 1996, S.A. Dangeville, AJDA 1996.
980).
519. On trouvera un exposé très complet des principes gouvernant cette responsabilité in : D. Simon, « La responsabilité de l'État saisie par le droit
communautaire », AJDA 1996. 489. V. égal. : Cl. Weisse-Marchal, « Quelle réparation pour les dommages causés par la violation d'une directive
communautaire dépourvue d'effet direct ? », RFDA 2000. 402 ; N. Dantonel-Cor, « La violation de la norme communautaire et la responsabilité extra-
contractuelle de l'État », RTD eur 1998. 75 ; A. Barav, « Responsabilité et irresponsabilité de l'État en cas de méconnaissance du droit communautaire »,
Mélanges Jean Waline, p. 431 ; S. Leclerc et X. Mondesert, « Vers une responsabilité des collectivités territoriales en cas de violation du droit
communautaire », AJDA 2002. 201 ; H. Gaudin, « Chronique de jurisprudence communautaire », RD publ. 2004. 1403 ; S. Théron, « Les évolutions de la
responsabilité de l'État français au regard du droit communautaire », RD publ. 2006. 1325.
52. N. de Montricher, Les délocalisations en France, RFAP 1998. 423 ; R. Schwartz, Les délocalisations, AJDA 1994. 456 ; C. Goyard, « Les
délocalisations », Mélanges Moreau, p. 195.
520. Cette condamnation peut être assortie d'une astreinte : CJCE 14 mars 2006, Cion c/ France, AJDA 2006. 1158.
521. J. Waline, « L'influence des décisions de la CEDH sur le droit positif français », Mélanges Cohen-Jonathan, p. 1707 ; B. Genevois, « Cour
Européenne des DH et juge national : dialogue et dernier mot », Mélanges Costa, p. 281 ; M. Guyomar, « Le dialogue des jurisprudences entre le CE et la
Cour de Strasbourg : appropriation, anticipation, émancipation », Mélanges Costa, p. 311 ; J.P. Costa, La CEDH. Des juges pour la liberté, Dalloz ;
L. Burgorgue-Larsen : « La Cour de justice, interprète de la Convention européenne » et « La Cour européenne, juge de la conventionnalité du système de
l'Union », Chr. RDP 2015.1129.
522. Pour une interprétation « souple » de cette condition de recevabilité : CEDH 2 sept. 2010, Y. P. et L.P. /France, AJDA 2010. Obs. M-C de
Montecler.
523. L. Burgogue-Larsen, « Le destin judiciaire strasbourgeois de la Charte des droits fondamentaux de l'UE », Mélanges Jacqué, p. 145 ; L. S. Rossi,
« Les rapports entre la Charte des droits fondamentaux et le Traité de Lisbonne », Mélanges Jacqué, p. 609 ; B. Genevois, « La CEDH et la Charte des
Droits fondamentaux de l'UE : complémentarité ou concurrence ?, RFDA 2010. 437 ; J. C. Bonichot, « Des rayons et des ombres. Les paradoxes de
l'art. 6 du Traité sur l'Union européenne », Mélanges Jacqué, p. 49 ; B. Bertrand, « À propos de l'adhésion de l'UE à la Convention européenne des droits
de l'homme », RD publ. 2012. 181 ; G. Ress, L'adhésion de l'UE à la CEDH, Mélanges Costa, p. 519 ; sur l'autonomie de la Charte par rapport à la
CEDH : CJUE 26 févr. 2013, Melloni, AJDA, chron. 1154 ; sur l'interprétation de la Convention par la CJUE : RD publ. 2012. 1725 et 2013. 998 ; sur les
difficultés de l'harmonisation, v. chron., D. 2013. 1977 ; J.P. Jacqué : « La Charte et la CJUE. Un premier bilan sur l'interprétation des dispositions
horizontales de la Charte », Mélanges Flauss, p. 403 ; H. Gaudin : « Si proches et si lointaines », AJDA 2015. 107 ; C. Burgogne-Larsen : « La Cour de
Luxembourg, interprète de la Convention européenne, Chr. RDP 2014. 1078.
524. Sur l'avis de la CJUE sur le projet d'adhésion : H. Labayle et F. Sudre : « L'avis de la CJUE sur l'adhésion de l'UE à la CEDH ; pavane pour une
adhésion défunte », RFDA 2015.3 ; M. Gautier : « Ad kalendas graecas », AJDA 2015. 129 ; D. 2015. 75.
525. Sur la procédure à mettre en place, compte-tenu de cette adhésion, v. le Communiqué commun du Président de la CEDH et du Président de la
CJUE, D. 2011.444.
526. J.-F. Flauss, « La mise en place de la nouvelle Cour », AJDA 1998. 984 et AJDA 2000. 526 ; J.-P. Marguenaud, « La Cour européenne des droits
de l'homme renouvelée », D. 1999. Chron. 221.
527. J. Andriantisimbazovina et Sermet, « Jurisprudence administrative et CEDH », RFDA 2008. 743.
528. L. Sermet, Bilan d'application de l'art. 6 de la CEDH par le CE, RFDA 2012. 109.
529. V. chron. Burgorgue-Larsen, AJDA 2013. 1794 et P.Y. Gautier, D. 2012. 2952 ; Dossier : « Le contrôle de l'exécution des arrêts de la Cour
européenne des droits de l'Homme », RFDA 2014. 935.
53. Le transfert de l'École avait été annulé, pour une raison de forme, par le CE (Ass., 3 mars 1993, Association des anciens élèves de l'ENA, RFDA
1993. 657). À la suite de cette annulation, le décret du 28 décembre 1993 a décidé un transfert partiel de l'ENA à Strasbourg, mais depuis la rentrée
d'octobre 2005 la totalité des enseignements est donnée à Strasbourg.
530. J. F. Flauss, « Actualité de la convention européenne des droits de l'homme », AJDA 1996. 1005.
531. A. Hacquet, La loi et le règlement, LGDJ.
532. Carré de Malberg, La loi expression de la volonté générale, 1931 ; J.-M. Pontier, « À quoi servent les lois ? », D. 2000. Chron. 57 ; B. Genevois,
« Le Conseil d'État et l'interprétation de la loi », RFDA 2002. 877.
533. Sous la IIIe République : Delvolvé, Les délégations de matières en droit public, thèse, Toulouse, 1930.
534. Pinto, « La loi du 17 août 1948 », RD publ. 1948. 517 ; Chapus, « La loi du 11 juillet 1953 et la question des décrets-lois », RD publ. 1953. 954 ;
A. de Laubadére, « Des pleins pouvoirs aux demi-décrets-lois », D. 1952. Chron. 35 ; Soubeyrol, Les décrets-lois sous la IVe République, thèse,
Bordeaux, 1955.
535. Charpentier, « Les lois-cadres et la fonction gouvernementale », RD publ. 1958. 220.
536. Morange, « La hiérarchie des textes dans la Constitution de 1958 », D. 1959. Chron. 21 ; P. Durand, La décadence de la loi dans la Constitution
de la Ve République, JCP 1959, I, no 1470 ; J. de Soto, « La loi et le règlement dans la Constitution du 4 octobre 1958 », RD publ. 1959. 240 ; Waline,
RD publ. 1959. 699 ; Bertrand, « Propos autour des articles 34, 37 et 41 de la Constitution », EDCE no 13, p. 29 ; Chapus, Chronique au D. 1960. 119 ;
Charlier, « Vicissitudes de la loi », Mélanges Maury, 1960, t. II, p. 305 ; L. Hamon, Chronique, au D. 1960. 253 ; Lachaume, La hiérarchie des actes
administratifs, 1966 ; Vincent, « De l'inutilité de l'article 34 », AJDA 1965. 564 ; Luchaire, « Les sources des compétences législatives et
réglementaires », AJDA 1979, no 6, p. 3 ; P. Delvolvé, « Le Conseil constitutionnel juge administratif », Mélanges Jeanneau, p. 55.
537. F. Savonitto, « Les lois de programmation du vingtième alinea de l'art. 34 C. : une nouveauté à abandonner », RD publ. 2012. 113.
538. La saisine essentielle du Conseil constitutionnel est celle de l'article 61 de la Constitution qui permet, entre l'adoption d'un texte et sa
promulgation, de saisir le Conseil pour vérification de la conformité à la Constitution du texte voté (v. ss 350). Or, si au début de la Ve République on
avait admis que l'on pouvait utiliser l'article 61 pour faire sanctionner un empiétement du Parlement sur la compétence de l'Exécutif (Cons. const.
18 décembre 1964, Loi de finances pour 1965, Rec. 29), cela n'est plus possible depuis la décision du 30 juillet 1982, Blocage des prix, GDCC, no 16, aux
termes de laquelle on ne saurait se prévaloir, dans le cadre de l'article 61 « de ce que le législateur est intervenu dans le domaine réglementaire pour
soutenir que la disposition est contraire à la Constitution ». La seule procédure, en la matière, facultative au demeurant, est donc celle de l'article 41 ;
v. également : Cons. const., décis. no 2012-649 DC du 15 mars 2012, loi relative à la simplification, du droit, RFDA 2012. 534.
539. Pour des décisions relatives au déclassement de dispositions législatives par le Conseil constitutionnel, v. AJDA 2003. 1267, note Schoettl ; Pour
un recours contre la décision implicite du Premier ministre refusant de saisir le Conseil constitutionnel sur la base de l'art. 37, 2e alinéa : CE 22 oct. 2003,
Gisti et autres, RFDA 2003. 1251.
54. Cf. les deux études de J. Cl. Groshens et J. Rivero, AJDA 1966. 140.
540. La plus célèbre divergence a été celle de « l'affaire des contraventions » à propos de la compétence du pouvoir réglementaire pour assortir les
contraventions de peines de prison : le Conseil constitutionnel (Cons. const. 28 nov. 1973, Examen de certaines dispositions du Code rural, Rec. 45)
jugeant que lorsque une peine de police est une peine assortie d'emprisonnement elle relève du seul législateur, s'opposant ainsi tout à la fois au Conseil
d'État (Avis de l'Assemblée plénière du 17 janvier 1974) et à la Chambre criminelle de la Cour de cassation (les deux rapportés et annotés, au. D. 1974.
273 et 280). Sur cette affaire : J. Rivero, « Peines de prison et pouvoir réglementaire », AJDA 1974. 229. Divergence également en ce qui concerne
l'interprétation de la disposition réservant à la loi « la détermination des crimes et délits ainsi que des peines qui leur sont applicables » : Cons. const.
17 mars 1964, Rec. 35 et Cons. const. 2 juill. 1965, Rec. 79, et contra : CE, Ass., 3 févr. 1967, Conf. générale des vignerons du Midi, AJDA 1967. 164,
concl. Galmot. Finalement le Conseil constitutionnel a modifié sa jurisprudence pour mettre fin à la divergence : Cons. const. 26 juin 1969, AJDA 1969.
563.
541. Un document annexé à une loi n'a aucune valeur normative : cf. Cons. const., décis. no 2002-460 DC du 22 août 2002, Loi d'orientation et de
programmation sur la sécurité intérieure, p. 198 ; CE, Ass., 5 mars 1999, Conf. nat. des Groupes autonomes de l'ens. public, AJDA 1999. 420 ; de même
du rapport annexé à la loi sur le financement de la Sécurité sociale : CE, Ass., 5 mars 1999, Rouquette et Lipietz, RFDA 1999. 372 note de Bechillon et
Terneyre. En revanche, l'exposé des motifs est inséparable de la loi : Cons. const. déc. du 7 avril 2005 sur la requête présentée par MM. de Villiers et
Peltier, p. 61.
542. Sur l'ensemble de ces problèmes : Le domaine de la loi et du règlement, vingt ans d'application de la Constitution de 1958, colloque d'Aix-en-
Provence, 1978 ; L. Favoreu et L. Philip, « Les grandes décisions du Conseil constitutionnel, et les chroniques de la jurisprudence du Cons. const. des
mêmes auteurs », RD publ. ; Frank, Les fonctions juridictionnelles du Conseil constitutionnel et du Conseil d'État dans l'ordre constitutionnel, 1978 ;
Cohen, « La jurisprudence du Conseil constitutionnel », RD publ. 1963. 745 ; Vincent, « De l'inutilité de l'article 34 », AJDA 1965. 564 ; Favoreu, « Le
Conseil constitutionnel régulateur de l'activité normative des pouvoirs publics », RD publ. l967. 5 ; Mesnard, « Dix ans de jurisprudence du Conseil
constitutionnel », AJDA 1970. 259, et l'ouvrage précité de B. Genevois, 1988, ainsi que celui de F. Luchaire, Le Conseil constitutionnel, 3 vol.,
Economica ; W. Sabète, « De l'insuffisante argumentation des décisions du Conseil constitutionnel », AJDA 2011. 885.
543. L'art. 34 C. prévoit que « Des lois de programme déterminent les objectifs de l'action de l'État ». v. Mesnard, La notion de loi d'orientation sous
la Ve République, RD publ. 1977. 1139. L'importante loi du 6 février 1992 sur « l'organisation territoriale de la République » (v. ss 102) est, elle aussi,
une loi d'orientation ; v. C. Groulier, « La normativité des lois de programmation au prisme de la QPC », AJDA 2012. 1047.
544. M. Frangi, « Les “lois mémorielles” : de l'expression de la volonté générale au législateur historien », RD publ. 2005. 241 ; B. Mathieu, « Les
lois mémorielles ou la violation de la constitution par consensus », D. 2006. 3001 et pour leur abandon, D. 2008. 3064 ; F. Lefebvre-
Rangeon : « L'exigence de normativité de la loi », AJDA 2015. 1028.
545. Crim. 5 févr. 2013, D. 2013. 805, note P. Egéa.
546. Cons. const., Décis. no 2012-647 DC du 28 février 2012, Loi visant à réprimer la contestation de l'existence des génocides reconnus par la loi,
AJDA 2012. 1406, note Macaya et Verpeaux ; RFDA 2012. 507, note Mastor et Sorbara.
547. J. de Caussade, Sécurité juridique et complexité du droit, D. 2006.737 ; Pour le médiateur la complexité du droit est une source d'inégalité
(AJDA 2007. 336).
548. V., par ex., le Dossier à la RD publ. 2006, p. 43 s. ; M. Verpeaux, « Neutrons législatifs et dispositions réglementaires : la remise en ordre
imparfaite », D. 2005. 1886.
549. A. Jennequin, « L'intelligibilité de la norme dans les jurisprudences du Conseil constitutionnel et du CE », RFDA 2009. 913 ; G. Eveillard,
« Intelligibilité et simplification du droit », RFDA 2013. 713 ; v. CE, Sect., 16 avr. 2012, Commune de Conflans-Sainte-Honorine, p. 153, concl.
Botteghi ; CE 11 déc. 2015, Polynésie française, AJDA 2016. 579.
55. Michoud et Trotabas, La théorie de la personnalité morale et son application en droit français, 3e éd., 1932.
550. J.M.Pontier : « Délire et dérives législatives », AJDA 2015. 2001.
551. À l'Assemblée nationale, pour la seule session 2014-2015, il y a eu 300 séances, 65 textes définitivement adoptés, 59 lois promulguées,
24 000 amendements déposés et 4 200 adoptés.
552. Le Monde 24 juill. 2015 ; AJDA 2014. 1917 ; D. 2014. 2052.
553. Guibal, « Le retard des textes d'application des lois », RD publ. 1974. 1039 ; Hanicotte, Le juge face au retard des textes d'application, RD publ.
1986. 1667. B. Seiller, « Précisions sur l'obligation d'exercer le pouvoir réglementaire », AJDA 2004. 761 ; de Béchillon, « À propos de l'obligation faite
au gouvernement de prendre les règlements d'exécution des lois », AJDA 2009. 686 ; Rapport du Sénat, AJDA 2008. 2256 et D. 2009. 7. Par circulaire du
29 février 2008 le Premier ministre a pris un ensemble de mesures destinées à remédier à cette situation (AJDA 2008. 494) ; Rapport du Sénat sur
l'application des lois, AJDA 2013. 1308 ; P. Preuvot, L'amélioration de l'application des lois : un enjeu dans la relation Parlement-Gouvernement, RD
publ. 2012. 39 ; D. Bordier, « L'application des lois, les parlementaires et le Conseil d'État : le malentendu », AJDA 2012. 2202.
554. Pour les statistiques concernant l'interverntion des décrets d'application : v. AJDA 2014. 1350.
555. Le Conseil d'État s'efforce de réagir contre ces pratiques : v., par ex., CE 28 juill. 2000, Lib France-Environnement, p. 322 : injonction faite au
Gouvernement de prendre dans un délai de 6 mois le décret d'application d'une loi, assortie d'une astreinte… il est intervenu le 30 mars 2004 !
A. Laquieze, « Le fondement constitutionnel de l'obligation pour le pouvoir réglementaire d'exécuter les lois », LPA 2000 no 230, p. 14.
556. En 2013 le Conseil d'État a examiné 96 projets de loi.
557. Sur les études d'impact, v. P. Mbongo, D. 2009. 108 ; A. Haquet, 2009. 1986 ; v. égal. AJDA 2009. 2145 ; J. Sirinelli, « La justiciabilité des
études d'impact des projets de loi », RD publ. 2010. 1367 ; Y. Jegouzo, « L'étude d'impact : formalité ou garantie de la qualité de la loi », AJDA 2012.
1425.
558. V., Gonod, « Le CE, conseil du Parlement », RFDA 2008. 871 ; « L'examen des propositions de loi par le CE, procédure novatrice ou gadget ? »,
RFDA 2009. 890 ; v. égal. AJDA 2009. 1994.
559. M. Prieur, « Un nouvel instrument de démocratie participative », AJDA 2013. 193.
56. D. Costa : Les fictions juridiques en droit administratif, LGDJ, 2000, 606 p.
560. V. Dossier : « L'abrogation implicite », RFDA 2006. 32 s. ; v. CE, Ass., 16 déc. 2005, Min. des Aff. sociales, Rec. 570, concl. J. H. Stahl. ; CE
24 juill. 2009, Comité de recherche et d'information indépendante sur le génie génétique, RFDA 2009. 963, Concl. Geffray.
561. Dossier « Le désordre normatif », RD publ. 2006. 43.
562. On a même vu le Secrétaire-général du Gouvernement devoir expliquer la manière de décompter les alinéas dans les textes de loi ou de décret !
(Circ. 20 oct. 2000, commentée au D. 2001. 133).
563. Message du Président de la République au Parlement, le 19 mai 1995, cité par E. Grass, L'inflation législative a-t-elle un sens ? RD publ. 2003.
139 ; P. Deumier, « Rapport sur la lutte contre l'inflation législative », D. 2013. 1264.
564. V., Moysan, D. 2007. 3029.
565. Selon le Rapport public du Conseil d'État pour 1992 (EDCE, no 44, p. 16), consacré au droit communautaire, il y avait alors, en application,
22 500 règlements, 1 675 directives, 1 198 accords et protocoles, 185 recommandations, 291 résolutions du Conseil et 678 communications de la
Commission, à quoi il faut ajouter la « production » postérieure à 1992 !
566. P. Jan, « La simplification du droit », RD publ. 2003. 1511 ; P. Gonod, La simplification du droit par ordonnances, AJDA 2003. 1652 ;
M. Verpeaux, « À propos de la loi du 21 février 1996 relative à la partie législative du Code général des collectivités territoriales », RFDA 1999. 965 ; J.-
M. Pontier, « La simplification, illusion dangereuse », AJDA 2005. 345 ; J.-M. Pontier (dir.), La simplification du droit, PUAM, 2006, 378 p. ; J.-
L. Warsman, D. 2008. 336 ; Rapport, AJDA 2009. 182 ; Y. Jegouzo, AJDA 2009. 1737.
567. v. Dossier : La loi de simplification du droit du 17 mai 2011, AJDA 2011. 1180 s.
568. Ardant, « La codification permanente des lois, règlements et circulaires », RD publ. 1951. 35 ; Ettori, « Les codifications administratives »,
EDCE, no 10 p. 41 ; J.-C. Groshens, « La codification par décret des lois et règlements », D. 1958. chron. 157. Entretiens avec G. Braibant, RFDA 2000.
493. Les rapports annuels de la Commission supérieure de codification ; R. Schwartz, « Éloge de la codification », Dr. adm., no 10, p. 11 ; P. Eckly, « La
codification du droit administratif », Mélanges Wiederkehr, p. 281 ; Dossier « Codification », AJDA 2004. 1849 s. ; M. Guyomar, « Les perspectives de la
codification contemporaine », AJDA 2014. 400. Il y aurait actuellement 82 codes en application (Moysan, D. 2007. 3031).
569. Sur cette « intelligibilité », v. J. Waline, « Le grand bazar juridique », AJDA 2010. 177.
57. J.-C. Douence, La spécialité des personnes publiques, RD publ. 1972.753 ; J. Ferstemberg, Recheches sur la notion juridique de spécialité des
personnes publiques, PU d'Orléans, 2009.
570. Sur la notion de disposition devenue sans objet : CE 13 juill. 2006, France Nature Environnement, AJDA 2006. 2119, concl. Guyomar.
571. Parfois même trois, les règlements d'administration publique et les décrets simples étant codifiés séparément, sous les lettres R et D.
572. M. Rocard, G. Braibant, « La relance de la codification », RFDA 1990. 303 ; G. Braibant, « Problèmes actuels de la codification française »,
RFDA 1994. 683 ; sur le renouveau de la codification, cf. la circulaire du Premier ministre, 30 mai 1996 ; S. Guy, « Une utopie : la codification », RFDC
1996. 273 ; « Dossier spécial « codification » », AJDA 1997, no 9.
573. V. Schoettl, AJDA 2003. 1403.
574. J. Touscoz, La notion d'ordonnance, Études de droit public 1964 ; Mesnard, « Ordonnances, loi d'orientation ou loi-cadre ? », RD publ. 1982.
1073 ; C. Boyer-Merentier, « Les ordonnances de l'art. 38 », PUF, Aix, 1996 ; P. Ebrard, « L'article 38 de la Constitution et la Ve République », RD publ.
1969. 259 ; Y. Gaudemet, « Sur l'abus ou sur quelques abus de la législation déléguée », Mélanges Pactet, p. 617 ; P. Delvolvé, « L'été des ordonnances »,
RFDA 2005. 909 ; Y. Jegouzo, « De l'usage immodéré des ordonnances », AJDA 2006. 1297 ; J. Cl. Colliard, « Que reste-t-il de l'art. 38 de la
constitution ? », Mélanges Jégouzo ; D. de Béchillon, « La vraie nature des ordonnances », Mélanges Genevois, p. 209 ; G. Feldman, « Le leurre de la
ratification expresse des ordonnances de l'art. 38 », RD publ. 2011. 1565 ; J. Thomas : « Les ordonnances et le temps », RDP 2015. 913.
575. L'article 92 a été analysé comme délégant le pouvoir législatif au Gouvernement et le Conseil d'État en a déduit que le recours pour excès de
pouvoir n'était pas recevable à l'encontre de ces ordonnances : CE, Sect., 12 févr. 1960, Sté Eky, Rec. 101. Devenu inutile l'article 92 a été abrogé par la
loi constitutionnelle du 4 août 1995.
576. A. Jennequin, « Les ordonnances de l'art. 74-1 », RFDA 2008. 920.
577. Vier . En l'absence d'une telle disposition, le changement de gouvernement ne met pas fin à l'habilitation : CE, Sect., 5 mai 2006, M. Schmitt,
AJDA 2006. 1362, chron. Landais et Lenica.
578. Sur la base de la loi du 13 avril 1962, adoptée directement par le peuple au referendum et qui avait autorisé le Gouvernement à prendre par
ordonnances les mesures relatives à l'application des Accords d'Évian, le Gouvernement avait créé une Cour militaire de Justice. Le Conseil d'État, dans
un arrêt juridiquement fort contestable, et rendu sur conclusions contraires du Commissaire du Gouvernement (CE, Ass., 19 oct. 1962, Canal, GAJA,
no 77) s'est reconnu compétent et a annulé cette ordonnance. Le Parlement a alors voté la loi du 15 janv. 1963 reconnaissant « force de loi à compter de
leur publication » aux ordonnances référendaires prises sur la base de la loi du 13 avr. 1962.
579. L'arrêt du CE 8 déc. 2000, Hoffer et autres, Rec. 585, donne une analyse assez complète de ce régime juridique ; CE, Sect., 19 oct. 2005,
Confédération générale du travail, p. 430 ; CE 6 déc. 2013, Région Guyane, AJDA 2013. 2468.
58. Civ. 28 janv. 1954, D. 1954. J. 217.
580. Aussi surprenant que cela puisse paraître cela s'est produit au moins une fois : CE, 2 avr. 2003, Conseil régional de Guadeloupe, RFDA 2003.
622.
581. Mais seul le législateur peut modifier une ordonnance non ratifiée après l'expiration du délai d'habilitation : CE, Ass., 11 déc. 2006, Cons. nat. de
l'Ordre des médecins, AJDA 2006. 133, chron. Landais et Lenica. On ne peut pas invoquer, à l'encontre de la loi de ratification, le fait que l'ordonnance
aurait outrepassé l'habilitation donnée : CE 5 févr. 2014, Sté d'édition de Canal +, Rec. 17 .
582. A. Jennequin, « La QPC à l'épreuve des ordonnances », AJDA 2010. 2300 ; CE 11 mars 2011, M. Benzoni, AJDA 2011. 534, obs. S. Brondel.
583. Pour le contrôle par le juge administratif des ordonnances non ratifiées, concl. Maugüe sous CE 4 nov. 1996, Lib. de défense des Stés de course
des Hippodromes de Province, RFDA 1996. 1099 ; CE, 30 juin 2003, Féd. Régionale Ovine du Sud-Est, RFDA 2003. 830 ; C. Boyer-Mérentier, « Les
ordonnances de l'article 38 de la Constitution : une place ambiguë dans le hiérarchie des normes », RFDA 1998. 924. Pour la portée de la ratification au
regard de l'article 6 CEDH : v. concl. Maugüe, sous CE, 8 déc. 2000, Hoffer et autres, RFDA 2001. 454.
584. P. Wachsmann, « La jurisprudence administrative », in P. Gonod, F. Melleray et Ph. Yolka, Traité de droit administratif, T. 1, p. 564 ;
E. Kerckhove, « La jurisprudence source incertaine du droit », Mélanges P. Lecoq, p. 234 ; V. Coq : « Qu'est-ce que la jurisprudence constante ? », RFDA
2014. 22.
585. M. Waline, « Le pouvoir normatif de la jurisprudence », Mélanges Scelle, t. II, p. 613 ; Rivero, « Le juge administratif français : un juge qui
gouverne ? », D. 1951. Chron. 21 ; Dupeyroux, « La jurisprudence source abusive de droit », Mélanges Maury, 1960, II, p. 349 s. ; « La doctrine française
et le problème de la jurisprudence source du droit », Mélanges Marty, 1979, p. 463 ; D. Linotte, « Déclin du pouvoir jurisprudentiel et ascension du
pouvoir juridictionnel en droit administratif », AJDA 1980. 631 ; contre la thèse défendue par cet auteur : S. Rials, « Sur une distinction contestable et un
trop réel déclin : à propos d'un récent article sur le pouvoir normatif du juge », AJDA 1981. 115, et, par les deux auteurs, Conclusion d'une controverse,
AJDA 1981. 202 ; G. Vedel, « Le droit administratif peut-il être indéfiniment jurisprudentiel ? », EDCE no 31, 1980, p. 31 ; G. Teboul, « Nouvelles
remarques sur la création du droit par le juge administratif », RD publ. 2002. 1363 ; J. Cl. Venezia, « Petite note sous les “grands arrêts” », Mélanges
Dubouis, p. 221 ; G. Clamour, « Apostille pour les faiseurs des systèmes », AJDA 2008. 169.
586. V. cependant, J.-P. Camby, « Sécurité juridique et insécurité jurisprudentielle », RD publ. 2006. 1505.
587. Latournerie, Essai sur les méthodes juridictionnelles du Conseil d'État, Livre jubilaire, p. 177 ; Y. Gaudemet, Les méthodes du juge
administratif, 1972 ; G. Braibant, « Le rôle du Conseil d'État dans l'élaboration du droit », Mélanges Chapus, p. 91.
588. S. Rials, Le juge administratif et la technique du standard, 1980.
589. H. Le Berre, Les revirements de jurisprudence de l'an VIII à 1998, LGDJ, 1999.
59. J. Moreau, La responsabilité pénale des personnes morales en droit public français, LPA 1996, no 149, p. 41 ; F. Meyer, « Réflexions sur la
responsabilité des personnes morales de droit public à la lumière des premières applications jurisprudentielles », RFDA 1999. 920 ; Ch. Guettier : « La
responsabilité pénale des collectivités territoriales en question », Mélanges Moreau, p. 201 ; P. Raimbault, « La discrète généralisation de la responsabilité
pénale des personnes morales », AJDA 2004. 2427.
590. « Sur la rétroactivité de la règle jurisprudentielle », AJDA 1968. 15 ; W. Dross, « La jurisprudence est-elle seulement rétroactive ? », D. 2006.
472 ; B. Seiller, « Partie remise ou fin de partie ? », AJDA 2006. 681 ; « La modulation dans le temps de la règle prétorienne », Mélanges Genevois,
p. 977 ; F. Moderne, « Les revirements prospectifs dans les contentieux administratif et judiciaire », Mélanges Genevois, p. 805.
591. B. Jeanneau, Les principes généraux du droit dans la jurisprudence administrative, Sirey, 1954 ; Letourneur, « Les principes généraux du droit
dans la jurisprudence du Conseil d'État », EDCE, no 5, p. 19 ; Braibant, « L'arrêt Syndicat des ingénieurs conseils et la théorie des principes généraux »,
EDCE no 16, p. 67 ; Mescheriakoff, « La notion des principes généraux du droit dans la jurisprudence récente », AJDA 1976. 596 ; F. Moderne,
« Actualité des principes généraux du droit », RFDA 1998. 495 ; « Légitimité des principes généraux et théorie du Droit », RFDA 1999. 722. V. égal. :
RFDA 2001. 547 (diverses études). B. Jeanneau, « La théorie des principes généraux du droit à l'épreuve du temps », EDCE 1981-82, p. 33 ; J.-
F. Lachaume, « Les non-principes généraux du droit », Mélanges Jeanneau, p. 161 ; J.-M. Maillot, La théorie administrative des principes généraux du
droit, continuité et modernité, Dalloz, Coll. « Bibl. de thèses », 2003 ; P. Brunet, « Les principes généraux du droit et la hiérarchie des normes »,
Mélanges Troper, p. 207.
592. V. J. Boulanger, « Principes généraux du droit et droit positif », Mélanges Ripert, T. 1, p. 51.
593. « Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour
des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui
l'établit » (Cons. const. no 2008-571 du 11 déc. 2008, p. 378).
594. J. Rivero, « Le juge administratif : gardien de la légalité administrative, ou gardien administratif de la légalité ? », Mélanges Waline, t. II, 1974,
p. 701. Pour une application particulière : CE 4 oct. 1974, Dame David, D. 1975. J. 369, note Auby (principe de la publicité des débats judiciaires).
À titre de comparaison, v. : J.-P. Gridel, « La Cour de cassation française et les principes généraux du droit privé », D. 2002. Chron. 228.
595. Puissochet, « Le principe de confiance légitime en droit communautaire », Mélanges Braibant, p. 581 ; A. Treppoz, « La confiance légitime,
notion introuvable du droit administratif français », RRJ 2002. 405 ; Ph. Raimbault, RRJ 2003. 411 ; F. Moderne, « À la recherche d'un fondement
constitutionnel au principe de protection de la confiance légitime », Mélanges Dubouis, p. 595 ; B. Bonnet, « L'analyse des rapports entre administration
et administrés au travers du prisme des principes de sécurité juridique et de confiance légitime », RFDA 2013. 718 ; B. Delaunay, « La confiance légitime
entre discrètement au Conseil constitutionnel », AJDA 2014. 649.
596. D. Labetoulle : « Principe de légalité et principe de sécurité », Mélanges Braibant, p. 403 ; Puissochet et Legal : « Le principe de sécurité
juridique dans la jurisprudence de la CJCE », Cah. Cons. const. 2001. 98.
597. J.M. Woehrling : « L'obligation d'édicter des mesures transitoires », RDP 2007. 285 ; Dossier : « Actualité du droit transitoire », AJDA
2014. 485.
598. . Pour des arrêts récents concernant le principe de sécurité juridique : CE 14 mai 2014, Sté Addmedica, AJDA 2014. 1955, note D. Connil ; CE
23 juin 2014, Polynésie française, Rec. 171.
599. Chapus, « Valeur juridique des principes généraux du droit », D. 1966. Chron. 66.
6. J. Chevallier, « L'intérêt général dans l'administration française », RISA 1975, IV, p. 325 ; Truchet, Les fonctions de la notion d'intérêt général dans
la jurisprudence, 1977 ; G. Merland, L'intérêt général dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, LGDJ, Préface D. Rousseau, 2005, 386 p.
60. Negrin, L'intervention des personnes morales de droit privé dans l'action administrative, 1971.
600. Douence, Recherches sur le pouvoir réglementaire de l'administration, 1967 ; Waline, « Les règlements d'application », Mélanges Sayaguès
Laso, 1969, p. 643 ; Rainaud, La distinction de l'acte réglementaire et de l'acte individuel, 1970 ; Auby, « Les aspects nouveaux du pouvoir
réglementaire », Mélanges Stassinopoulos, 1974, p. 9 ; M. Hecquard-Théron, Essai sur la notion de réglementation, 1977 ; P. Le Mire, « La réforme du
pouvoir réglementaire gouvernemental », RD publ. 1981. 1241 ; B. Seiller, « Précisions sur l'obligation d'exercer le pouvoir réglementaire », AJDA 2004.
761.
601. P. Avril, « Les décrets réglementaires du Président de la République non délibérés en conseil des ministres », AJDA 1976. 116.
602. Pour un décret pris par le Président de la République et délibéré en Conseil des ministres, modifié par le Premier ministre : CE 8 déc. 2000,
Syndicat national des officiers de police, RFDA 2001. 243.
603. Wiener, Le pouvoir réglementaire des ministres, 1968.
604. Normand, Sur le caractère discrétionnaire de l'élaboration des actes réglementaires, thèse Paris, 1968 ; Hanicotte, « Le juge face au retard des
textes d'application », RD publ. 1968. 1667 ; J.-M. Breton, « L'obligation pour l'Administration d'exercer son pouvoir réglementaire d'exécution des
lois », RD publ. 1993. 1749 ; J.-C. Venezia, « Les mesures d'application », Mélanges Chapus, p. 673.
605. Pour un cas où le règlement d'application n'était pas nécessaire : CE 23 nov. 2011, Masson, p. 302.
606. D. Labetoulle, « La place du décret en CE dans l'exercice du pouvoir réglementaire gouvernemental », Mélanges Costa, p. 353 ; Lorsqu'un décret
mentionne « le Conseil d'État entendu », il ne peut être modifié que par décret en CE : CE, Ass., 3 juill. 1998, Synd. nat. de l'Environnement CFDT, AJDA
1998. 780 ; illégalité si le texte publié est différent de celui soumis au CE ou du texte du CE : CE 4 avr. 1997, Marchal, p. 131 ; CE 3 juin 2009,
CIMADE, p. 211. Pour le défaut de saisine du Conseil d'État sur un projet de décret : CE 17 juill. 2013, Synd. Nat. des professionnels de santé au travail,
Rec. 219, concl. Maud-Vialettes.
607. Mais l'application de la loi peut n'être pas rendue impossible par l'absence du décret : CE 11 mai 2007, Mme Pierres, AJDA 2007. 1000 ; CE,
Sect., avis, 4 juin 2007, Lagier, p. 228.
608. Sfez, Le règlement d'administration publique, Études de droit public, 1964, p. 249.
609. V. égal. : CE, Ass., 20 déc. 1995, Mmes Vedel et Janot, RFDA 1996. 313, concl. Delarue ; CE 26 mars 1997, Ass. frse des banques, Rec. 110.
61. M. Bazex, L'administration et les syndicats, 1973.
610. E. Blanc, « L'obligation légale d'abroger les règlements illégaux ou devenus sans objet », AJDA 2008. 399.
611. P. Amselek, « Une fausse idée claire : la hiérarchie des normes », Mélanges Favoreu, p. 983 ; P. Mouzet, « La prévalence, note sur un outil
juridique émergent dans le conflit de normes horizontal », RD publ. 2014. 137.
612. X. Prétot, « La Cour de cassation, la Constitution et les traités », RD publ. 2000. 1037 ; V. Constantinesco, « Les rapports entre les traités et la
constitution : du droit interne au droit communautaire », Mélanges Cohen-Jonathan, p. 478 ; J.F. Akandji-Kombé : « Les appréciations en
conventionnalité du Conseil constitutionnel », AJDA 2015. 732.
613. J.-P. Camby, « Supra-constitutionnalité : la fin d'un mythe (à propos de la décision du Conseil constitutionnel du 26 mars 2003) », RD publ.
2003. 671.
614. Sur la base de l'art. 54 on a vu, pour la première fois, le Conseil constitutionnel saisi tout à la fois par le Premier ministre et par un groupe de
parlementaires sans qu'il s'agisse d'une saisine conjointe : Cons. const. 28 sept. 2006, D. 2007. 120, note Verpeaux.
615. B. Bonnet : « La charte européenne des langues régionales ou minoritaires. Une menace pour le pacte social français ? L'avis du CE du 30 juillet
2015 », AJDA 2015. 2246.
616. V. égal. : CE 3 déc. 2002, SNIP, Europe, avril 2002, p. 6, note D. Simon et A. Rigaud : La primauté du droit communautaire « ne saurait
conduire, dans l'ordre interne, à remettre en cause la suprématie de la Constitution » ; D. Labetoulle : « Des Semoules à Nicolo », RFDA 2014. 585.
617. Cons. const. 19 juin 1970, Traité de Luxembourg, Rec. 15 ; Cons. const. 30 déc. 1976, Élection de l'Assemblée au suffrage universel, Rec. 15
(mais avec des réserves d'interprétation) ; Cons. const. 22 mai 1985, Protocole additionnel à la CEDH, Rec. 15 (abolition de la peine de mort).
618. Sont contraires à la Constitution les dispositions de ce traité : – donnant le droit de vote en France aux ressortissants de la CEE pour les élections
municipales et européennes ; – la création d'une monnaie unique ; – certaines règles relatives à l'admission et à la circulation des étrangers sur le
Territoire des États-membres.
619. Sur ces problèmes, v. article J. Waline, Mélanges Dubouis, p. 478.
62. J. Rivero, Les libertés publiques, t. 2, 1989, p. 378 s. Sur le régime des associations en Alsace-Moselle : J. Grosclaude : Un vestige législatif : les
limitations à la liberté d'association en Alsace et en Lorraine, RD publ. 1992. 811.
620. V. Th. Meindl, « Le contrôle de constitutionnalité des actes du droit communautaire dérivé en France », RD publ. 1997. 1665 ; L. Dubouis, « Le
contrôle de la compatibilité des décisions de l'Union européenne avec la constitution française », Mélanges Schwob, p. 331 ; v. égal., Mélanges Boulouis,
p. 205 ; P. Mazeaud, « L'évolution de la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur les lois de transposition des directives », Rapport du CE 2007,
p. 398 ; J. E. Schoettl, « Primauté du droit communautaire : l'approche du Conseil constitutionnel », Rapport du CE 2007, p. 379.
621. Cette décision a suscité de très nombreux commentaires. V., par ex., les articles à la RD publ. 2004, pp. 869 s. ; à l'AJDA 2004. p. 1497 s. ; « Le
Conseil constitutionnel et la primauté du droit communautaire », RFDA 2005. 239 ; B. Mathieu, « Le Conseil constitutionnel conforte la construction
européenne en s'appuyant sur les exigences constitutionnelles nationales », D. 2004. 1739 ; J. V. Louis, « La primauté du droit de l'Union, un concept
dépassé ? », Mélanges Jacqué, p. 445 ; B. Bertrand, « La jurisprudence Simmenthal dans la force de l'âge. Vers une complétude des compétences du juge
national ? », RFDA 2011. 367.
622. V., B. Genevois, « Le Conseil constitutionnel et le droit communautaire dérivé », RFDA 2007. 651.
623. J. Massot, « Le contrôle de la transposition des directives : vide juridique ou trop-plein ? », D. 2006. 2337.
624. À l'appui de cette solution le Commissaire du gouvernement n'avait pas manqué de relever que les directives étaient obligatoires dès leur
adoption, sans qu'une ratification à cet effet soit requise, qu'elles ne pouvaient pas être déférées au Conseil constitutionnel sur la base de l'art. 54 Const. et
que les dispositions de la directive étaient précises et inconditionnelles. Sur le contrôle de constitutionnalité de la transposition des directives par le CE,
v. AJDA 2008. 167 et 168.
625. CE 6 déc. 2012, Sté Air-Algérie, RFDA 2013. 653 et la note de P. Cassia ; AJDA 2012. 2373, chron. Domino et Bretonneau.
626. L. Favoreu, « Le principe de constitutionnalité. Essai de définition d'après la jurisprudence du Conseil constitutionnel », Mélanges Eisenmann,
p. 33 ; B. Genevois, « La jurisprudence du Conseil constitutionnel », Principes directeurs, Ed. STN, 1988 ; « Normes de référence du contrôle de
constitutionnalité et hiérarchie en leur sein », Mélanges Braibant, p. 323 ; G. Vedel, « Doctrine et jurisprudence constitutionnelles », RD publ. 1989. 11 ;
La légitimité de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, Actes du colloque de Rennes, Economica, 1999 ; « Le contrôle de constitutionnalité des
normes juridiques par le Conseil constitutionnel », RFDA 1987. 844 ; Conseil constitutionnel et Conseil d'État, Colloque au Sénat, Montchrestien, 1988 ;
La Cour de cassation et la Constitution de la République, Actes du Colloque d'Aix, Presses univ. d'Aix, 1995 ; M. Troper, « La logique de la justification
du contrôle de la constitutionnalité des lois », Mélanges Pactet, p. 911 ; D. Rousseau, « Chronique de jurisprudence constitutionnelle », RD publ. 2005.
269 ; G. Drago, « Le périmètre de la loi », Mélanges Favoreu, p. 661 ; A. Vidal– Naquet, « Les cas d'ouverture dans le contrôle de constitutionnalité des
lois », RFDA 2008. 899.
627. B. Genevois, Le contrôle a priori de constitutionnalité au service du contrôle a posteriori, RFDA 2010. 1 ; un exemple de l'influence du contrôle
a posteriori sur le contrôle a priori, RFDA 2013. 1.
628. L. Philip, « L'élargissement de la saisine du Conseil constitutionnel », AJDA 1975. 15 ; P. Jan, La saisine du Conseil constitutionnel, LGDJ, Bibl.
const. et sc. polit., 1999 ; du même auteur, RD publ. 2001. 447 ; F. Luchaire, « La saisine du Conseil constitutionnel et ses problèmes », RD publ. 2001.
141. De 1959 à 1974, il y avait eu 9 saisines ; il y en a eu 328 de 1974 à 1988 (135 décisions d'invalidation).
629. V. par ex. : CE, Ass., 3 déc. 1999, Élections européennes du 13. VI. 99, Rec. 409 ; B. Genevois, Le CE n'est pas le censeur de la loi au regard de
la Constitution, RFDA 2000. 715 ; cf. : O. Gohin, Le Conseil d'État et le contrôle de la constitutionnalité des lois, RFDA 2000. 1175 ; F. Moderne, À
propos du contrôle de la constitutionnalité des actes administratifs, RFDA 2008. 915.
63. J.-M. Garrigou-Lagrange, Recherche sur les rapports des associations avec les pouvoirs publics, 1970 ; Les associations, 1976, et le numéro
spécial de l'AJDA mars 1980, Les associations et la vie administrative ; J. Chevallier, L'association entre public et privé, RD publ. 1981. 887 ; Les
associations et la loi de 1901, cent ans après, Rapport public du Conseil d'État, EDCE, no 51, 2000, p. 237.
630. CE, Ass., 12 juill. 2013, AJDA 2013. 1741 ; RFDA 2013. 1259, obs. A. Roblot-Troizier.
631. La QPC est « à la mode » et suscite une volumineuse littérature juridique.V. notamment : Dossiers RD publ. 2009. 565 s. et AJDA 2010. 74 s. ;
P. Mazeaud, D. 2008. 64 ; Y. Gaudemet, « La conformité des lois à la Const. », D. 2008. 1703 ; J.-L. Debré, AJDA 2008. 1918 ; Mélanges Genevois :
art. Badinter (p. 39) et Stahl (p. 993) ; P. Bon, « La question après la LO », RFDA 2009. 1107 ; P. Cassia, « Le renvoi préjudiciel en appréciation de
constitutionnalité, une “question d'actualité” », RFDA 2008. 877 et AJDA 2009. 2195 ; G. Alberton, « Peut-on encore dissocier exception
d'inconstitutionnalité et exception de conventionnalité ? », AJDA 2008. 967 ; M. Verpeaux, « Question préjudicielle et renouveau constitutionnel », AJDA
2008. 1879 ; F. Jacquelot, « La procédure de la QPC devant le Conseil constitutionnel », AJDA 2010. 950 ; P. Cassia et E. Saulnier-Cassia, « La QPC
peut-elle être prioritaire ? », D. 2010. 1636 ; J. Liéber et D. Botteghi, « Le juge administratif, juge constitutionnel de droit commun », AJDA 2010, chron.
1355 ; A. Borzeix, « La QPC : quelle confiance légitime, quelle sécurité juridique ? », RD publ. 2010. 981 ; Dossier « QPC », RFDA 2010. 659 ; Dossier
« La QPC », Nouv. Cah. Cons. const., no 29, 2010 ; Ph. Manin, « La QPC et le droit de l'Union européenne », AJDA 2010. 2188 ; F. X. Millet, « Le
dialogue des juges à l'épreuve de la QPC », RD publ. 2010. 1729 ; chron. AJDA 2011. 375 et RD publ. 2011. 255 ; M. Guillaume, « QPC et CEDH »,
Mélanges Costa, p. 293 ; Dossier, une année de QPC, AJDA 2011. 1235 ; A. Roblot-Troizier, « Le non-renvoi des QPC par le CE », RFDA 2011. 691 ;
J. B. Perrier, « Le non-renvoi des QPC par la Cour de cassation », RFDA 2011. 711 ; D. Connil, « L'étendue de la chose jugée par le Conseil
constitutionnel lors d'une QPC », RFDA 2011. 742 ; M. Disant, Droit de la QPC, Lamy, 2011 ; « QPC : deux ans, déjà l'âge de raison ? », AJDA 2012.
422, chron. Domino et Bretonneau ; Dossier : « Trois ans de QPC », Nouv. Cah. Cons. const., no 40, juin 2013 ; P. Wachsmann : « QPC et Convention
européenne des droits de l'homme », Mélanges Flauss, p. 797 ; S. Gottot : « Les saisines directes du CC : vers une remise en cause de l'unité procédurale
de la QPC ? », RFDA 2015. 589 ; A. Dilloard : « Les observations du Premier Ministre dans le cadre de la QPC », RDP 2014. 967.
632. Commentaire des dispositions concernant les juridictions administratives, AJDA 2010. 383.
633. V. par ex. Décision no 2011-147 QPC du 8 juill. 2011 ; Le Conseil avise alors, par lettre, les parties de son intention de soulever d'office le grief.
634. Exemple de changement de circonstances : Décis. no 2010-14/22 du 30 juill. 2010, AJDA 2010. 1556 ; no 2011-125 QPC du 6 mai 2011.
635. Qu'est-ce qu'une question sérieuse ? : Civ. 3e, 26 mai 2011, Gamichon c/ Établissement public foncier des Hauts de Seine, AJDA 2011. 1504,
note Hostiou.
636. Sur la non-transmission : V. Saint James, « Les décisions de la Cour de cassation et du CE de ne pas transmettre une QPC », RD publ. 2012.
607 ; N. Jacquinot, « L'utilisation par les juges du fond des arrêts de non-renvoi d'une QPC », AJDA 2012. 2097.
637. P. Cassia et E. Saulnier-Cassia, « La QPC peut-elle être prioritaire ? », D. 201. 1636 ; F. Scanvic, « La question de constitutionnalité est-elle
vraiment prioritaire ? », AJDA 2010. 1459.
638. A. Levade, « Contrôle de constitutionnalité et contrôle de conventionnalité ne sont pas des jeux de hasard », D. 2010. 1321 ; O. Dord, « Quand le
Conseil constitutionnel donne une leçon de droit à la Cour de cassation », AJDA 2010. 1041 ; P. Fombeur, « QPC, droit constitutionnel et droit de l'Union
européenne », D. 2010. 1229.
639. Note H. Labayle et R. Mehdi, RFDA 2013. 461 ; M. Gautier, « L'entrée timide du Conseil constitutionnel dans le système juridictionnel
européen », AJDA 2013. 1086 ; J.-Cl. Bonichot, « Le Conseil constitutionnel, la Cour de justice et le mandat d'arrêt européen », D. 2013. 1805 ; D. de
Béchillon, « Jouer le jeu », AJDA 2013. 817.
64. Pomey, La fondation de France, AJDA 1969.237 ; L'acte de fondation en droit français, EDCE, no 21, p. 27 ; M. Drapier, Entre personnes privées
et mission d'intérêt général, La fondation du patrimoine, D. 1997. chron. 212.
640. Sur l'inconstitutionnalité différée dans le temps, v. chron. Domino et Bretonneau in AJDA 2012. 2377 ; CE, Ass., 13 mai 2011, Mme Lazare et
Mme Delanoy, Rec. 235.
641. V. la décision du Conseil d'État en faisant application : CE, Ass., 13 mai 2011, Mme M'Rida, p. 211, concl. Geffray.
642. V. L'important Dossier « Une année de QPC », AJDA 2011. 1235.
643. . Ces chiffres sont extraits du discours prononcé par le Président J.L. Debré lors de la cérémonie marquant le 5e anniversaire de la QPC.
V. également : J. Lessi et L. Dutheillet de Lamothe : « Cinq ans de QPC devant le juge administratif : retour d'expérience! », AJDA 2015. 755.
644. Ph. Waquet, « Questions pertinentes sur la convenance de la QPC », D. 2010. 1951.
645. Dans sa décision no 2010-52 QPC du 14 octobre 2010 c'est une loi de 1941 qui est déclarée contraire à la Constitution.
646. J.-P. Markus, Le contrôle de conventionnalité des lois, AJDA 1999. 99 ; D. de Brechillon, De quelques incidences du contrôle de la
conventionnalité internationale des lois par le juge ordinaire, RFDA 1998. 227 ; K. Michelet, La loi inconventionnelle, RFDA 2002. 23 ; Dossier : « QPC
et droit européen des droits de l'homme », RFDA 2012. 621 s.
647. M. Gautier : « Abandonner la jurisprudence IVG, un combat d'arrière-garde ? », AJDA 2016. 569.
648. V. « La double notion d'inconventionnalité de la loi, » Concl. N. Boulouis sous CE, Sect., 10 nov. 2010, Cne de Pavalas-les-Flots et de Lattes,
RFDA 2010. 124.
649. C. Castaing, L'extension du contrôle de conventionnalité aux principes généraux du droit communautaire, RTD eur. 2003. 197 ; A.-
L. Valembois, « La prévalence des principes généraux du droit communautaire sur la loi nationale », AJDA 2002. 1219.
65. F. Linditch, Recherches sur la personnalité morale en droit administratif, LGDJ, 1997.
650. J.F. Oum Oum, Le fait illicite non fautif, fondement de la responsabilité de l'État du fait des lois inconventionnelles, RFDA 2013. 627.
651. J. Lamarque, La théorie de la nécessité et l'article 16, RD publ. 1961. 558 ; Légalité constitutionnelle et contrôle juridictionnel des actes pris en
vertu de l'art. 16, JCP. 1962. 1. no 1711 ; Morange, Le contrôle des décisions prises au titre de l'art. 16, D. 1962. chron. 109 ; M. Voisset, L'article 16,
1969 ; L. Hamon, À propos de l'article 16, AJDA 1961. 663.
652. Sous la République, à Rome, lorsque le Salut public en dépendait, le mandat annuel des deux Consuls était remplacé par le mandat semestriel
d'un « dictateur ».
653. V. CE, Ass., 13 juillet 1965, Gauthier, AJDA 1965. 466, chron. Puybasset et Puissochet.
654. Drago, « L'état d'urgence et les libertés publiques », RD publ. 1955. 670 ; N. Jacquinot, « Le juge administratif et le juge constitutionnel face à
l'état d'urgence », Mélanges Favoreu, p. 729.
655. J.C. Jobart : « L'état d'urgence déclaré et renforcé en France », AJDA 2015. 2321 ; C. Haguenau-Moizard : « La législation sur l'état d'urgence –
une perspective comparative », D. 2016. 665.
656. Statistiques sur l'état d'urgence : D. 2016. 203 ; La lettre de la Justice administrative, numéro 42, avril 2016.
657. C'est cet arrêt qui renvoie au Conseil constitutionnel de la QPC qui a fait l'objet de la décision du 22 décembre 2015.
658. V. AJDA 2016. 173 ; P. Wachsmann : « De la marginalisation du juge judicaire en matière de libertés et des moyens d'y remédier », D. 2016. 473.
659. Mathiot, « La théorie des circonstances exceptionnelles », Mélanges Mestre, p. 413 ; Roig, La théorie des circonstances exceptionnelles, thèse,
Paris, 1958 ; Nizard, Les circonstances exceptionnelles dans la jurisprudence administrative, thèse, Paris, 1959.
66. A. de Laubadère, Les groupements et organismes sans personnalité morale en droit administratif, Travaux Assoc. H. Capitant, 1969, p. 305.
660. A. Gros, Survivance de la raison d'État, Paris, 1932 ; P. Duez, Les actes du gouvernement, 1935 ; R. Capitant, « De la nature des actes de
gouvernement », Mélanges Julliot de la Morandière, 1964, p. 99 ; J. Auvret-Finck, « Les actes de gouvernement, irréductible peau de chagrin ? », RD
publ. 1995. 131 ; X. Dupré de Boulois, « La théorie des actes de gouvernement à l'épreuve du droit communautaire », RD publ. 2000. 1791 ; J. Cl.
Venezia : « Éloge de l'acte de Gouvernement », Mélanges Jean Waline, p. 723 ; L. Favoreu, « Pour en finir avec la “théorie” des actes de gouvernement »,
Mélanges Pactet, p. 607 ; C. Roux, « Acte de gouvernement et Conv. européenne des droits de l'homme », RTDH 2005. 855 ; E. Carpentier, « L'acte de
gouvernement n'est pas insaisissable », RFDA, 2006. 661 ; F. Melleray, « En a-t-on fini avec la « théorie » des actes de gouvernement ? », Mélanges
Favoreu, p. 1317.
661. Aujourd'hui, on inverse ce raisonnement : si un acte apparaît inspiré par un mobile politique il est, de ce seul fait, illégal et sera annulé (cf. l'arrêt
Barel, v. ss 704).
662. Toutefois le CE contrôle maintenant la procédure de ratification du Traité : v. ss 315.
663. Ex. de la première solution : CE, 5 juill. 1946, Lotti, Rec. 190 ; CE, 26 juill. 1985, Mme Solis Estarita, AJDA 1985. 628 (note verbale, adressée
au gouvernement colombien au sujet d'une extradition) ; de la seconde : 28 janv. 1948, Lecanu, RD publ. 1948. 472, note M. Waline ; 30 mai 1952, Dame
Kirkwood, RD publ., 1952. 781, concl. Letourneur, note M. Waline ; 18 nov. 1955, Petalas, JCP, 1956, II, no 9184 ; 29 nov. 1974, Canino, D. 1975.
J. 333 ; le refus de notifier une aide à la Commission européenne : CE 7 nov. 2008, CNIVAO, RFDA 2009. 111, Concl. Glaser, très complètes sur
l'historique de la notion – Sur l'ensemble du problème : Heumann, Le contrôle juridictionnel du Conseil d'État sur l'application des traités diplomatiques,
EDCE, no 7, p. 71 ; Virally, « Le Conseil d'État et les traités », JCP. 1953. I. no 1098 ; P. de la Pradelle, « Juridiction administrative et droit
international », EDCE 1963. 13 ; le décret de publication d'une convention internationale ne constitue pas un acte de gouvernement : CE, Ass., 18 déc.
1998, Sarl du Parc d'activités de Blotzheim, Rec. 484, concl. Bachelier.
664. Pour une interprétation large de la notion d'« acte se rattachant aux relations internationales » : CE, 11 juill. 1975, Paris de la Bollardière, AJDA
1975. 460, à propos de la création d'une zone de sécurité autour de l'atoll de Mururoa ; dans le sens d'une interprétation plus restrictive : CE 22 déc. 1978,
Vo Thanh Nghia, AJDA 1979, no 4, p. 36, pour la construction d'une ambassade à Paris.
665. M. Virally, « L'introuvable acte de gouvernement », RD publ. 1952. 317.
666. Odent, Contentieux administratif, I, p. 155 ; J. Donnedieu de Vabres, EDCE, no 3, p. 44 ; Célier, concl. sous CE 28 mars 1947, Gombert, S.,
1947, III, p. 89.
667. Pour un exemple de ce danger : cf. T. confl., 2 févr. 1950, Radiodiffusion française, RD publ. 1950. 418, concl. Odent, note Waline.
668. R. Chapus, « L'acte de gouvernement, monstre ou victime ? » ; D. 1958. Chron. 5.
669. Teitgen, La police municipale, thèse, Nancy, 1934 ; (l'ouvrage malgré son objet particulier, donne des vues sur l'ensemble de la matière) ;
E. Picard, La notion de police administrative, 1984 ; Linotte et autres, La police administrative existe-t-elle ?, 1985 ; P. Bon, La police municipale, thèse
Bordeaux, 1975 ; X. Prétot, « Le régime de la police d'État », Mélanges Moreau, p. 361 ; O. Dubos, « Police administrative et droit communautaire »,
Dr. Adm. 2007, no 4, p. 21 ; B. Seiller « La notion de police administrative », RFDA 2015. 876.
67. A. Baldous, Le principe de spécialité en droit administratif français, Th. Aix, 1974 ; J. Cl. Douence, La spécialité des personnes publiques en
droit administratif français, RD publ. 1972. 753 ; J. Ferstenberg, Recherche sur la notion juridique de spécialité des personnes publiques, Th. Paris II,
1976.
670. Moreau, Police administrative et police judiciaire, AJDA 1963. 68.
671. Th. Herran : « La distinction police administrative et police judiciaire à l'épreuve de l'entraide policière internationale », D. 2015. 1880 ; E.
Bédarrides : « Des écoutes au renseignement. Un exemple de la distinction entre les polices judiciaire et administrative », AJDA 2015. 2026.
672. V. par ex. : T. confl. 24 févr. 2003, M. Leprovost, M. Verry c/ commune de Chalifert, AJDA 2003. 1181 ; T. confl., 18 juin 2007, Mme Ousset,
Rec. 604. Sur les difficultés de la distinction : CE, 10 mars 1978, Société Le Profil, AJDA 1978. 452, concl. Labetoulle, chron Jurisprudence, 444 ;
T. confl., 12 déc. 2005, Préfet de la Région Champagne-Ardennes/Cour d'appel de Reims, Rec. 666.
673. Point de vue contraire : Bernard, La notion d'ordre public en droit administratif, 1962 ; v. égal. : M.C. Vincent-Legoux, L'ordre public – Étude
de droit comparé interne, PUF, 2001, 558 p., préface J.-P. Dubois.
674. . P. Delvolvé, « L'ordre public immatériel », RFDA 2015. 890.
675. M. Canedo, « Le Conseil d'État gardien de la moralité publique ? », RFDA 2000. 1282.
676. Sur la nécessité de tenir compte de la liberté du commerce et de l'industrie et des règles de concurrence : CE, 15 mai 2009, Sté Cie des Bateaux
Mouches, Rec. 201.
677. La délivrance du visa ministériel, qui vaut autorisation de représenter le film sur tout le territoire pour lequel il est délivré, laisse cependant aux
maires la possibilité d'utiliser, en la matière, les pouvoirs de police qu'ils tiennent de l'art. 97 de la loi municipale.
678. Irrégularité d'une procédure accordant un second visa après annulation du premier : CE 29 juin 2012, Association Promouvoir, AJDA
2012. 1957, note B. Pacteau.
679. M. Canedo, « La dignité humaine en tant que composante de l'ordre public », RFDA 2008. 979 ; F. Llorens, « Justice administrative et dignité
humaine », RDP 2011. 299 ; O. Bonnefoy : « Dignité de la personne humaine et police administrative », AJDA 2016. 418.
68. D. Labetoulle, Pour un statut de l'arbitrage de droit administratif, Mélanges Lachaume, p. 667 ; L'arbitrage en droit public, Rapport du groupe de
travail, JCP A 2007. 2082 ; Interview, AJDA 2007. 772.
680. Colloque : « Les 20 ans de l'arrêt Commune de Morsang », RFDA 2015. 869 et 1075 ; Faut-il relever que le recours contre l'arrêté d'interdiction
était formé par l'un des nains qui soutenait que cette mesure de police le privait de son gagne-pain ?
681. CE, Ord., Référé du 9 janvier 2014, Min. de l'Intérieur c/ Sté les Productions de la Plume et M. Dieudonné, Rec. 2014. 1 ; ; B. Seiller, « La
censure a toujours tort », AJDA 2014. 129 ; Obs. J.M. Pastor, in AJDA 2014. 79 ; Entretien D. Maus, D. 2014. 200 ; R. Piastra, « De l'ordre public »,
D. 2014. 155 ; C. Broyelle : « Retour sur l'affaire Dieudonné », AJDA 2014. 473 et RFDA 2014. 521 ; O. Gohin : « Liberté d'expression, liberté de
réunion, police administrative et ordre public : l'affaire Dieudonné », RFDA 2014. 87.
682. En ce qui concerne le principe de laïcité une évolution importante s'est produite avec 5 arrêts du CE marquant un net assouplissement de la loi du
9 décembre 1905 : v. chron. JP in AJDA 2011. 1667 et les conclusions Geffray à la RFDA 2011. 967 ; v. également la jurisprudence relative aux
subventions municipales aux cultes (no 150).
683. Rapport public 2004 du Conseil d'État : Un siècle de laïcité, EDCE, no 55, 241 s. ; C. Durand-Prinborgne, La loi sur la laïcité, une volonté
politique au centre des débats de société, AJDA 2004. 704 ; B. Stirn, « Le Conseil d'État, l'école et la laïcité », Mélanges Moderne, p. 407 ;
D. Latournerie, Sectes et laïcité, RD publ. 2004. 1327 ; J. Sayah, « La laïcité réaffirmée : la loi du 15 mars 2004 », AJDA 2006. 1247 ; F. Dieu, « L'école,
sanctuaire laïque », RD publ. 2009. 685. ; Dossier : « Aspects de la laïcité », RD publ. 2013. 507 s. ; J. Viguier : « Faut-il interdire le voile islamique à
l'Université ? », AJDA 2015. 545 ; P. Gervier : « L'interdiction de dissimulation du visage dans l'espace public », AJDA 2014. 1866 ; La Cour européenne
des droits de l'homme admet l'interdiction du voile intégral : CEDH 1er juillet 2014, SAS / France, AJDA 2014. 1348 ; C. Chassang : « La CEDH et la loi
du 11 octobre 2010 : une validation en demi-teinte de la loi prohibant la dissimulation du visage dans l'espace public », D. 2014. 1701.
684. Il faut bien distinguer ce problème du port du foulard islamique de celui posé par le décret du 19 juin 2009 relatif à la dissimulation illicite du
visage à l'occasion de manifestations sur la voie publique (dit « décret anti-cagoules ») dont la légalité a été admise par le Conseil d'État : CE, 23 février
2011, Synd. Nat. des enseignements de second degré, AJDA 2011. 416 ; v. F. Defferand, Requiem pour un capuchard, D. 2009. 2225.
685. L'interdiction du foulard islamique concerne également, a fortiori, les enseignants : CAA Lyon 27 nov. 2003, Melle Nadjet Bers Abdallah, AJDA
2004. 154, note Melleray ; Pour la position de la CEDH, voir chron. J.-F. Flauss, AJDA 2004. 1816, AJDA 2006. 1713 et AJDA 2009. 882 ; La CEDH
accepte l'interdiction des signes religieux aux agents publics : 26 novembre 2015, Ebrahimlan / France, AJDA 2015. 2292.
686. Mais, avant cet avis, le TA de Montreuil avait jugé le contraire : TA Montreuil, 22 novembre 2011, Mme O., AJDA 2012. 163 ; D. Vergely,
« Sorties scolaires : la question du voile », AJDA 2012. 1388.
687. E. Lemaire, « Baby Loup au Parlement : un autre aspect de “l'affaire” », AJDA 2014. 1457.
688. O. Caylac, « Dissimulation du visage dans l'espace public : l'hypocrisie du juge constitutionnel trahie par la sincérité des circulaires ? », D. 2011.
1166 ; O. Bui-Xuan, « L'espace public. L'émergence d'une nouvelle catégorie juridique ? », AJDA 2011. 551 ; D. Hedary, « Dissimulation du visage,
service public et liberté religieuse », AJDA 2012. 19.
689. Ph. Chrestia, « La loi du 23 janvier 2006 », D. 2006. 1409 ; M. Sirinelli, « Police administrative et terrorisme. Quel contrôle juridictionnel ? »,
RFDA 2013. 1024. En ce qui concerne les mesures actuelles pour lutter contre le terrorisme, v. ss 358 sur l'état d'urgence.
69. Eisenmann, L'arrêt Montpeurt : légende et réalité, Mélanges Mestre, p. 221.
690. Pour la police de la sécurité des consommateurs : CE 15 mai 2009, Sté France conditionnement création, AJDA 2009. 1668, note Markus.
691. M. Dreifuss, « L'articulation entre les pouvoirs de police générale et de police spéciale en matière de risques individuels », D. 2000. Chron. 642 ;
J. Petit, « Les aspects nouveaux du concours entre polices générales et polices spéciales », RFDA 2013. 1187 ; Y. Délicat, « Le principe d'exclusivité des
polices spéciales », AJDA 2013. 1782.
692. G. Viney, « Le contentieux des antennes-relais », D. 2013. 1489 ; C. Krolik, « Le régime juridique des antennes-relais : des solutions
pragmatiques pour des intérêts discordants », RFDA 2013. 1082 ; P. Report : « Les arcanes du contentieux des antennes relais de téléphonie mobile »,
AJDA 2015. 972.
693. Sur la combinaison des pouvoirs de police générale et des pouvoirs de police spéciale, v. : CE 29 déc. 1997, Préfet du Val-de-Marne, p. 505 ; CE
30 déc. 1998, Ch. d'Agriculture des A.M. et CDJA des AM, p. 516 ; CE 29 sept. 2003, Houillères du Bassin de Lorraine, AJDA 2003. 2164, concl. Olson ;
CE 10 oct. 2005, Commune de Badinières, AJDA 2005. 2039.
694. v. O. Fuchs, « Le régime de prévention et de réparation des atteintes environnementales issu de la loi », AJDA 2008. 2109 ; S. Carval, Un
intéressant hybride : la « responsabilité environnementale » de la loi du 1er août 2008 ; La responsabilité environnementale (dir. Chantal Cans), Dalloz,
2009, Coll. Thèmes et commentaires.
695. Loi no 2011-892 du 28 juillet 2011 « tendant à faciliter l'utilisation des réserves militaires et civiles en cas de crise majeure », JO 29 juill. 2011,
p. 12913.
696. Dossier : « La sécurité intérieure, naissance d'une notion », AJDA 2015. 83 ; R. Capart : « Réquisitions : police générale versus besoins généraux
de la Nation », AJDA 2016. 134.
697. La décision du Conseil constitutionnel concernant cette loi (no 2003-467 DC du 13 mars 2003, Rec. 211) procède à une large confrontation entre
les nécessités de la sauvegarde de l'ordre public et la protection des libertés constitutionnellement garanties.
698. V. le protocole d'accord sur la professionnalisation des polices municipales, AJDA 2006. 845.
699. L'article 34 de la Constitution n'a pas retiré au chef du Gouvernement ses attributions de police générale : CE 19 mars 2001, Synd. nat. des
industriels et professionnels de l'aviation générale, Rec. 138 ; CE 19 mars 2007, Mme Le Gac, RFDA 2007. 1286 ; CE 14 oct. 2015, Assoc. « Automobile
Club des Avocats », AJDA 2015. 1955.
7. C. Denizeau, L'idée de puissance publique à l'épreuve de l'Union européenne, LGDJ, 2004, 677 p., Préface C. Goyard.
70. J. Waline, « L'Agence France-Presse », RD publ. 1964. 612.
700. Singer, Le maire et ses pouvoirs de police, 1960 ; J. Adda et J.P. Demouveaux, Les pouvoirs de police du maire, Berger-Levrault, 2e éd., 2003,
373 p. ; F. Crouzatier-Durand, « Les évolutions des polices municipales », AJDA 2013. 1961.
701. J. F. Joye, « Le nouveau pouvoir de police du Président d'un EPCI », AJDA 2005. 21.
702. Leroy, Le concours des polices générales et des polices spéciales, Thèse, Lille, 1938 ; pour les limites du pouvoir de police du maire face à une
police spéciale : CE 29 sept. 2003, Houillères du Bassin de Lorraine, AJDA 2003. 2164, concl. Olson.
703. Cf. Weil, notes au D. 1956. 13, et au D. 1960. 171.
704. G. Fedou, « Le contentieux administratif des courses de taureaux », AJDA 2011. 2333 ; X. Daverat, « La déclaration de constitutionnalité des
dispositions relatives aux courses de taureaux », D. 2012. 2486.
705. P.H. Prélot, « L'actualité de l'arrêt Benjamin », RFDA 2013. 1020.
706. J.C. Videlin, « Le régime juridique des rave parties », AJDA 2004. 2164 ; D. Bordier, « Rave-parties, free-parties, teknivals, cauchemar du
maire », AJDA 2010. 185 ; J.-C. Jobart, « Les paradoxes des rassemblements Facebook », AJDA 2010. 1978 ; Réponse du Ministre de l'Intérieur à une
question parlementaire : D. 2010. 2840 ; O. Magnaval, « L'État, le juge et les hooligans », AJDA 2013. 1607.
707. Sur les conditions auxquelles l'autorité de police peut interdire une manifestation : CE 30 décembre 2003, M. L. et autres, AJDA 2004. 888, note
Le Bot.
708. « Le contentieux de la reconduite à la frontière », AJDA 2000. Chron. 787 ; H. Manciaux, « La réforme de la reconduite à la frontière par la loi
du 26 novembre 2003 : l'imbroglio juridique demeure », AJDA 2004. 1904.
709. L'art. L. 132-8 du Code de la Sécurité intérieure (v. ss 378) prévoit que le Préfet peut limiter la liberté d'aller et de venir des mineurs de 13 ans
entre 23 h et 6 h.
71. Sur le partage d'attributions entre les deux têtes de l'exécutif : F. de Baecque, Qui gouverne la France ? 1976 ; Ph. Ardant, Un Président, pour
quoi faire ? Mélanges Jean Waline, p. 3 ; J. Cl. Groshens, À propos des institutions, Mélanges Jean Waline, p. 59.
710. J.F. Lachaume, C. Boiteau, H. Pauliat et C. Deffigier, Droit des services publics, Lexis Nexis, 2° éd. 2015 ; J. Chevallier, Le service public,
2003 ; B. Stirn, « La conception française du service public », CJEG 1993. 299 ; J.-M. Woehrling, « Réflexions sur le renouveau du service public », Rev.
adm. 1992. 394 ; Pontier, « Sur la conception française du service public », D. 1996. Chron. 9 ; G.J. Guglielmi, Introduction au droit des services publics,
1994 ; M. Long, « Service public, services publics : déclin ou renouveau ? », RFDA 1995. 497 ; R. Denoix de Saint-Marc, Le service public. Rapport au
Premier ministre, Doc. franç., 1996 ; numéro spécial, AJDA juin 1997 : « Le service public » ; J.-M. Raynaud, La crise du service public, PUF, coll.
« Que sais-je ? », no 3482 ; J.-F. Auby, « Les S.P. en Europe », coll. « Que sais-je ? », no 3414 ; G. Dumont, G. Guglielmi et G. Koubi : Droit du service
public, Montchrestien, 2e éd. 2008 ; G. Melleray : « École de Bordeaux, École du Service public et École Duguiste. Proposition de distinction », RD publ.
2001. 1887 ; S. Braconnier, Droit des services publics, PUF, coll. « Thémis », 2e éd. 2007 ; R. Chapus, « Le service public et la puissance publique », RD
publ. 1968. 235 ; P. Amselek, idem, AJDA 1968. 492 ; D. Linotte et R. Romi, Services publics et droit public économique, Litec, 5e éd., 2003, 535 p. ; J.-
F. Lachaume, « La notion de SP dans la jurisprudence récente du T. confl. », Mélanges Genevois, p. 629 ; Dossier « Le service public », RFDA 2008.
1 s. ; G. Bigot, « Les faillites conceptuelles de la notion de SP en DA », RFDA 2008. 1 ; J.F. Lachaume, « La présentation du droit des services publics à
l'épreuve du temps », Mélanges du Bois de Gaudusson, p. 1097 ; « Le service public », Colloque AFDA. Dalloz 2014.
711. D. Truchet, « Renoncer à l'expression “service public” », AJDA 2008. 553 ; M. Lombard, « Mots et valeurs du SP », AJDA 2008. 1225 ;
G. Marcou, « Maintenir l'expression et la notion de SP », AJDA 2008. 833.
712. Sur ce courant, cf. notamment : D. Truchet, « Label de service public et statut de service public », AJDA 1982. 427, et RD publ., 1987. 501, en
réponse à S. Regourd, « Le service public et la Doctrine », RD publ. 1987. 5 ; P. Delvolvé, « Service public et libertés publiques », RFDA, 1985. 1 ;
Geffroy, « Service public et prérogatives de puissance publique », RD publ. 1987. 49 ; J. Chevallier, Le service public, Que sais-je ? 2003.
713. « L'intérêt général », Rapport public du CE pour 1999, EDCE no 50, p. 239 ; J.-M. Pontier, « L'intérêt général existe-t-il encore ? », D. 1998.
Chron. 327 ; L. Dubouis, « Missions de S.P. ou missions d'intérêt général », Rev. gén. coll. territ. janv.-févr. 2001, p. 588 ; « Les services au public »,
Rapport du Cons. éco. et soc., AJDA 2006. 62.
714. Hertzog, Recherches sur la gratuité et la non-gratuité du service public, Thèse, Strasbourg, 1972 ; Y. Gaudemet, Sur la gratuité du service
public, note sous CE 21 nov. 1988, Syndicat des transporteurs aériens, RD publ. 1989. 464 ; J. Rivero, « Les deux finalités du service public industriel et
commercial », CJEG, no 500, juin 1994, p. 375 ; M. Lecerf, « La gratuité des SP à l'égard des usagers », JCP 1998. I. 168 ; G. Koubi et G. J. Guglielmi,
« La gratuité, une question de droit ? », L'Harmattan, 2003, 238 p. ; G. Koubi, « La décomposition de la notion de gratuité en droit administratif
français », JCP A 2003 no 1556 – Sur le financement des SP et le droit communautaire, v. : AJDA 2003. 110 et AJDA 2004. 416.
715. J. Caillosse, « Le droit administratif saisi par la concurrence », AJDA 2000. 99 ; B. Faure, « Le droit administratif des collectivités locales et la
concurrence », AJDA 2000. 136 ; J.-Y. Cherot, « Les méthodes du juge administratif dans le contentieux de la concurrence », AJ 2000. 687 ; S. Pugeault,
« Les SP locaux et le droit interne de la concurrence », D. 1999. Chron. 347 ; N. Charbit, Le droit de la concurrence et le secteur public, L'Harmattan,
2002, 530 p ; A. Mazères, « Concurrence et services publics : détermination des coûts pertinents », AJDA 2005. 1334 ; Dossier « Intérêt général,
concurrence et service public », AJDA 2006. 67 s. ; G. Kalflèche, « Secteur public et concurrence : la convergence des droits », AJDA 2007. 2420.
716. B. Lasserre, « Seize ans après Million et Marais », AJDA 2014. 110.
717. L. Calendri, « La nature juridique et le régime contentieux des avis de l'Autorité de la concurrence, apport d'une jurisprudence récente », RD
publ. 2013. 771.
718. Sur la notion de besoins d'intérêt général en droit communautaire : CJCE 27 févr. 2003, Adolf Truley GmbH, AJDA 2003. 1228, note Dreyfus.
719. J.-F. Auby, Les services publics locaux, Berger-Levrault, 1995 ; L. Richer (dir.), Droit des services publics locaux, éd. Le Moniteur, 1995 ;
G. Quiot, « La doctrine et la distinction des SP nationaux et des SP locaux : observations critiques », Mélanges Ch. Hubert, p. 305 ; J.-F. Lachaume,
« Participation et services publics locaux », Mélanges Moreau, p. 233.
72. L'art. 17 de la Constitution confère au Président de la République : « le droit de faire grâce à titre individuel ». Mais il n'agit pas alors en tant
qu'autorité administrative (CE 28 mars 1947, Gombert, RD publ. 1947. 95, note Waline). V. K. Neri : « Le pardon de l'État. Étude de droit public », RD
publ. 2012. 1309.
720. Lamarque, L'application du droit privé aux services publics administratifs, 1960.
721. Bibliographie citée supra, Adde, Laroque, op. cit., J.-F. Auby, « Le déclin de la spécificité des services publics industriels et commerciaux
locaux », AJDA 1981. 508. J.-F. Lachaume, « Brèves remarques sur les SP à double visage », RFDA 2003. 362 ; J.-F. Lachaume, « L'identification d'un
SPIC : la neutralisation du critère fondé sur les modalités de gestion du service », observations sous T. confl., 21 mars 2005, Mme Albeerti Scott, RFDA
2006. 119 ; B. Seiller, L'érosion de la distinction SPA-SPIC, AJDA 2005. 417.
722. Sur cette réforme : J. Chevallier, « La mutation des Postes et Télécommunications », AJDA 1990. 667 ; L. Rapp., « France-Télécom entre service
public et service privé, ou la tentation de Madrid », AJDA 2004. 579.
723. F.-P. Benoit, Droit administratif, p. 803 s. ; P. Sandevoir, « Les vicissitudes de la notion de service public industriel et commercial », Mélanges
Stassinopoulos, 1974, p. 317.
724. D. Truchet, L'idée d'un corps de règles commun aux SP s'imposera, AJDA 2004. 116 ; V. Donier, Les lois du SP : entre tradition et modernité,
RFDA 2006. 1219 ; F. Melleray, Retour sur les lois de Rolland, Mélanges Lachaume, p. 83.
725. J.-P. Gilli et divers, La continuité des services publics, 1973.
726. Cf. La grève dans les services publics, colloque de Montpellier, RFDA 1988, no 5, p. 805 ; R. Latournerie, Le droit français de la grève, Sirey,
1972, 791 p.
727. Mathiot, « La loi du 31 juillet 1963 », AJDA 1963. 595 ; Gilli, « La loi anti-grève », D. 1964. Chron. 81 ; Touscoz, DS, 1964. 20 ; « Vers
l'extension du service minimum dans certains services publics », AJDA 2003. 2288.
728. Sur tous ces points, v. F. Melleray, La loi du 31 août 2007 sur le dialogue social ou l'introuvable service minimum, AJDA 2007. 1752.
729. V. aussi : Ch. Fortier, Le défi de la continuité du SP de l'éducation nationale : assurer les remplacements, AJDA 2006. 1822.
73. R. Chapus, Le statut des décrets réglementaires délibérés en Conseil des ministres, D. 1988.chron. p. 199 ; M. Lascombe, Les décrets délibérés en
Conseil des ministres et le Rapport Vedel, LPA, 26 avril 1993. 7.
730. J. P. Markus, Le principe d'adaptabilité : de la mutabilité au devoir d'adaptation des SP aux besoins des usagers, RFDA 2001. 589.
731. L. Janicot, « Le principe d'égalité devant le SP », RFDA 2013. 722.
732. J. Carbajo, « Remarques sur l'intérêt général et l'égalité des usagers devant le service », AJDA 1981. 176 ; sur la situation de l'usager en général :
M. Waline, « De la situation juridique de l'usager d'un service public », Rev. crit., 1933 ; « Le principe d'égalité : Rapport public du CE », EDCE, 1997 ;
M. Long, « Discrimination positive et accès à Sciences-Po Paris », AJDA 2004. 688 ; C. Deffigier, « Protection des consommateurs et égalité des usagers
dans le droit des services publics », RDFA 2003. 772.
733. Sur la tarification des SP et le droit de l'Union européenne : CE, Sect. 18 janvier 2013, Association SOS Racisme, AJDA 2013. 1010, concl.
D. Hedary et 677, chron. E. Glaser.
734. V. le très important ouvrage de L. Dubouis et C. Blumann, Droit matériel de l'UE, Montchrestien, 774 p. , 7° éd. 2015.
735. Pour reprendre l'expression utilisée par les auteurs du Rapport public du Conseil d'État pour 1994 : « Service public, services publics : déclin ou
renouveau ? », EDCE, no 46, p. 15 s.
736. N. Belloubet-Frier, « Service public et droit communautaire », AJDA 1994. 270 ; M. Bazex, « L'appréhension des services publics par le droit
communautaire », RFDA, 1995. 295. ; F. Hamon, « La notion de service d'intérêt économique général », note sous CJCE 19 mai 1993, AJDA 1993. 865 ;
« Droit administratif et droit communautaire », AJDA numéro spécial, juin 1996 ; R. Kovar, « Droit communautaire et service public : esprit d'orthodoxie
ou pensée laïcisée », RTD eur. 1996, no 2 et 3 ; J.-L. Clergerie, « L'Union européenne et les SP », Rev. adm. 1998, no 305, p. 639 ; F. Moderne et
G. Marcou : L'idée de SP dans le droit des États de l'Union européenne, L'Harmattan, 2001, 415 p. ; M. Long, « SP et réalités économiques du
XIXe siècle au droit communautaire », RFDA 2001. 1161 ; Y. Gaudemet, « Le service public à l'épreuve de l'Europe : vrais et faux procès », Mélanges
Jeanneau, p. 473 ; M. Lombard, « Service public et service universel, ou la double inconstance », Mélanges Jeanneau, p. 507 ; « Un livre vert de la
Commission sur les services d'intérêt général », Dr. adm. juill. 2003, no 159 ; Sur le débat portant sur les services d'intérêt général lancé par la
Commission européenne, v. AJDA 2003. 1086 et le « Livre Blanc » du 12 mai 2004 ; D. Truchet, AJDA 2004. 116 ; L. Dubouis, « Service public et droit
de l'Union européenne : un perpétuel débat », Mélanges Labetoulle, p. 294 ; M. Karpenschif, « Vers une définition communautaire du SP ? » RFDA 2008.
58.
737. « Sont compatibles avec le présent Traité les aides qui répondent aux besoins de la coordination des transports ou qui correspondent au
remboursement de certaines servitudes inhérentes à la notion de service public ».
738. K. Lenaerts, « Les services d'intérêt économique général et le droit communautaire », RFDA 2001. 1161 ; E. Honorat, « La notion d'intérêt
économique général dans la jurisprudence de la CJCE », EDCE, no 50, p. 387 ; Champeil-Desplats, « Services d'intérêt économique général, valeurs
communes, cohésion sociale et territoriale », AJDA 1999. 959 ; La notion d'entreprise chargée d'un service d'intérêt économique général et la
concurrence, AJDA 2000. Chron. 320 ; J.C. Zarka, « La place des services d'intérêt économique général dans les traités communautaires »,
D. 2005. 1122 ; Rapport du Sénat sur le Livre blanc sur les services d'intérêt général, AJDA 2005. 692 ; S. Rodrigues, « Les qualifications concurrentes
des activités d'intérêt général en droit communautaire », AJDA 2006. 84 ; J.-F. Auby, « Une directive européenne sur les services d'intérêt général »,
RFDA 2006. 778 ; chron. RFDA 2013. 1247.
739. V. AJDA 2011. 2500 ; P. Thieffry, Compensation des charges de service public. Les contradictions du « paquet Almunia », AJDA 2012. 300.
74. L. Sponchiado, « Du droit de regard au droit de veto : le contrôle restreint opéré par les parlementaires sur les nominations présidentielles »,
RFDA 2011. 1019.
740. AJDA 2011. 2385 ; AJDA 2013. 1245.
741. L'art. 107 § 1er pose le principe d'incompatibilité des aides d'État.
742. S. Laget, « Les pouvoirs du juge national et les “aides” non notifiées à la Commission », AJDA 2004. 298.
743. CE 13 juill. 2012, Communauté de communes d'Erdre et Gesvres ; Cie méridionale de navigation, AJDA 2012. 1428, obs. D. Poupeau.
744. CJCE 19 mai 1993, Paul Corbeau, AJDA 1993. 865, note F. Hamon ; CJCE 23 oct. 1997, Commission c/ France, AJDA 1997. 991, note Hamon.
745. Cf. Rapport du Conseil d'État précité, p. 46.
746. Jean Sirinelli, La transposition de la directive Services, l'expression d'une nouvelle approche de l'intervention publique en matière économique,
RD publ. 2011. 883.
747. V., M. Lombard, « Drames shakespeariens autour de la Poste », RJEP 2010, étude 8.
748. M. Lombard, « Service postal communautaire, commentaire de la Directive », AJDA 1998. 716.
749. Commentée par F. Fages et S. Rodrigues à l'AJDA 2005. 1896, et par G. Calley à la RFDA 2006. 96.
75. J. Lamarque, La théorie de la nécessité et l'article 16, RD publ. 1961. 558.
750. A. Friboulet, « Accords et désaccords sur l'ouvereture du marché postal », RTD eur. 2009. 381.
751. La décision du Conseil constitutionnel du 5 juillet 2013 (n° 2013-331 QPC, AJDA 2013. 1255, obs. M. Lombard) ayant estimé que la disposition
concernant la procédure de sanction de l'ARCEP était contraire à la Constitution, l'Ordonnance 2014-329 du 12 mars 2014 et le décret 2014-867 du
1er août 2014 réforment cette procédure de sanction (v. le commentaire de Martine Lombard in AJDA 2014. 1874). En ce qui concerne la régulation,
v. M. Lombard, « Institutions de régulation économique et démocratie politique », AJDA 2005. 530 ; G. Marcou, « La notion juridique de régulation »,
AJDA 2006. 347 ; Q. Epron, Le statut des autorités de régulation et la séparation des pouvoirs, RFDA 2011. 1007 ; G. Dellis, « Régulation et droit public
“continental”. Essai d'une approche synthétique », RD publ. 2010. 957 ; S. Nicinsky, « Le mode de régulation », RFDA 2010. 735 ; G. Eckert, Droit
public des affaires, p. 159 s. ; CE, Ass., 21 déc. 2012, Sté Groupe Canal +, Sté Vivendi, AJDA 2013. 215, chron. Domino et Bretonneau.
752. La présence de la poste sur l'ensemble du territoire est un problème important. L'ARCEP a évalué le coût de cet améngement du territoire : AJDA
2011, obs. M. Lombard.
753. La Cour des comptes s'est interrogée sur l'avenir des missions de service public de la Poste, AJDA 2010. 1397.
754. H. Maisl, La nouvelle réglementation des Télécommunications, commentaire de la loi du 26 juillet 1996, AJDA 1996. 762. Pour l'attribution des
préfixes téléphoniques, v. CE, Ass., 26 juin 1988, Sté AXS Telecom et Sté Esprit Telecom France, AJDA 1998. 565.
755. C. Bronner, « L'intervention des collectivités territoriales en matière de réseaux de communications électroniques », RFDA 2005. 305.
756. Ces textes sont intégrés au Code de l'Energie résultant de l'Ordonnance du 9 mai 2011 ; v. C. Boiteau, Le code de l'énergie : entre urgence mal
contrôlée et choix politique discutable, AJDA 2011. 1169.
757. Elle est commentée par L. Richer à l'AJDA 2000. 239 ; v. égal. : F. Hamon, « Le marché intérieur de l'énergie : les directives électricité et gaz
naturel », AJDA 1998. 851 ; A. Fiquet, Vers une réconciliation entre l'Europe et les services publics : l'exemple de l'électricité, AJDA 1998. 864 ;
P. Lombart, Le service public du gaz sous les feux de l'actualité juridique, AJDA 1998. 873 ; Livre blanc sur la future organisation électrique française,
CJEG, avril 1998 ; Ch. Nicolas, Le droit nouveau de l'énergie : la transposition des directives Électricité et Gaz de France, D. 2000. Chron. 463 ;
F. Robbe, L'ouverture du marché de l'électricité et l'adaptation du SP, CJEG, juin 2000. p. 211 ; M. L. Basilien-Gainche, Le SP de l'électricité : entre
ouverture du marché et ouverture du capital, RD publ. 2002. 1769 ; G. Chavrier, Le SP de l'électricité est-il menacé ?, Dr. adm. oct. 2002. 10.
758. S. Braconnier, « La régulation des services publics », RFDA 2001. 43 ; v. égal. : AJDA 2003. 2120 ; T. Tuot, « Régulation du marché de
l'électricité : une année de règlement de différends », RFDA 2003. 312 ; L. Calandri, Recherche sur la notion de régulation en DA français, LGDJ, 2008,
724 p. ; L. Idot, « La mise en réseau des autorités de régulation », RD publ. 2008. 787 ; Rapport de la Commission de Régulation de l'Énergie, AJDA
2008. 1750.
759. Ch. Le Bihan Graf et O. Beatrix, « La nouvelle organisation du marché », AJDA 2011. 432 ; R. Peylet, « La nouvelle organisation du marché de
l'électricité », RFDA 2011. 311 ; S. Nicinsky, « La loi du 7 décembre 2010 portant organisation du marché de l'électricité », RJEP 2011, ét. 2.
76. P. Verrier, Les services de la présidence de la République, PUF, 1971 ; V. Silvera, L'organisation administrative de la présidence de la République,
Rev. adm. 1969. 474 ; S. Cohen, Les conseillers du Président, PUF, 1980 ; Le secrétariat général de la Présidence de la République, FNSP 1982. 104.
760. P. Sablière : « Production nucléaire d'électricité et monopole », AJDA 2015. 2076.
761. Commentaire de ce texte par L. Richer à l'AJDA 2004. 2094 et par R. Coin et G. Block, JCP 2004, no 37. I. 158.
762. Sur l'analyse de la loi du 3 janvier 2003 : S. Nicinski et P. Pintat, « La libéralisation du secteur gazier », AJDA 2003. 223.
763. P. Vieu, « La loi ferroviaire du 8 décembre 2009 », RFDA 2010. 35.
764. Décret 2016-327 du 17 mars 2016 « relatif à l'organisation du transport ferroviaire de voyageurs et portant diverses dispositions relatives à la
gestion financière et comptable de SNCF-Mobilités » (JO 19 mars 2016, texte n° 10).
765. J.-C. Douence, « Les contrats de délégation de service public », RD publ. 1993. 936 ; J.-F. Auby, « La délégation de service public : premier
bilan et perspectives », RD publ. 1996. 1095 ; N. Symchowicz, « La notion de délégation de service public », AJDA 1998. 195 ; J.-C. Douence et
Ph. Terneyre, « Marchés publics et délégation de service public », RFDA 1995. 971 ; – Dossier : la délégation de service public, AJDA sept. 1996 ; – La
gestion déléguée du service public : dossiers et documents de la RFDA, 1997, supplément au no 3 ; S. Duroy, « La remise en cause anticipée des
délégations de SP », AJDA 2003. 872 ; Y. Delaire, La délégation des SP locaux, Berger-Levrault, 2002, 277 p. ; D. Moreau, « Pour une relativisation du
critère financier dans l'identification des délégations de SP », AJDA 2002. 1418 ; J.-D. Dreyfus, « Associations et délégations de SP », AJDA 2002. 894 ;
D. Moreau, « Les risques de requalification des subventions aux associations en marchés ou en délégation de SP », AJDA 2002. 902 ; M. Ubaud-
Bergeron, « Loi Murcef : la définition législative des délégations de SP », JCP 2002. I. no 127, p. 707 ; P. Peréon, « La délégation des SP administratifs »,
AJDA 2004. 1449 ; C. Bonnotte, « Les conventions de SP et le temps », RFDA 2005. 946 ; C. Boiteau, « Les SEM et les contrats de délégation de SP »,
AJDA 2005. 2340 ; G. Eckert, De la distinction entre les DSP et les marchés publics : encore et toujours, Contrats MP, avril 2006, comm. 99. ; L. Richer,
« Que reste-t-il de la DSP ? », AJDA 2007. 2225 ; M. Le Roy, « L'imperfection croissante des critères d'identification de la DSP », AJDA 2008. 2268 ; C.
de Aranjo, « Les principes fondamentaux et règles jurisprudentielles de la procédure d'un service public local », AJDA 2009. 690 ; G. Mollion, « La
gestion déléguée des remontées mécaniques ou la remise en question du droit des DSP », RD publ. 2008. 863 ; G. Eckert, « Pour une réforme du droit des
DSP », Mélanges Hertzog, p. 169 ; Un an de droit des DSP, Contrats et Marchés pub. 2011, Chron. 1 ; F. Llorens, « Les avenants aux DSP entre droit
national et droit communautaire », Mélanges Fatôme, p. 269 ; D. Soldini, « La DSP, sa fonction, ses critères », RFDA 2010. 114 ; E. Fatôme et Ph.
Terneyre, « Le statut des biens des DSP », AJDA 2013. 724.
766. La loi « Sapin » du 29 janvier 1993 avait été modifiée par sept lois (dont la loi « Murcef » du 11 décembre 2001) et trois décrets ! Pour
l'application dans le temps de la loi Sapin : CE, Ass., 8 avr. 2009, Cié générale des Eaux, Ville d'Olivet, RFDA 2009. 449, Concl. Geffray et l'article de
S. Nicinsky, AJDA 2009. 1747 ; Dossier « Les vingt ans de la loi Sapin », AJDA 2013. 1428.
767. L. Rapp., « Faut-il vraiment définir l'ensemble des DSP ? », AJDA 2001. 1011 ; J.-D. Dreyfus, « La définition légale des DSP », AJDA 2002. 33.
768. F. Llorens : « Remarques sur la rémunération du co-contractant comme critère de la DSP », Mélanges Jean Waline, p. 301 ; J.C. Douence :
« Observations sur l'application à certains contrats de la distinction entre marchés et délégations fondée sur le mode de rémunération », RFDA
1999. 1134 ; « Le critère financier de la DSP à l'épreuve de la pratique contractuelle », Mélanges Moderne, p. 501 ; CE 7 nov. 2008, Dépt. De la Vendée,
AJDA 2008. 2454, note L. Richer.
769. J.-D. Dreyfus, « Externalisation et liberté d'organisation du service », AJDA 2009. 1529.
77. F. Foucaud, « Le Secrétaire-Général de l'Élysée : éclairage sur la présidentialisation du régime », RD publ. 2010. 1027.
770. Delion, « Les services industriels en régie de l'État », DS 1963.
771. Contrats et Marchés publics, n° 3, mars 2016, F. Llorens et P. Soler-Couteaux, « Contrats de concession : la nouvelle donne » ; G. Eckert : « Le
champ d'application du nouveau droit des concessions » ; F. Linditch, « Les contrats de délégation de service public après l'ordonnance du 29 janvier
2016 » ; AJDA 2016. 172 ; D. 2016. 260 ; P. Delvolvé : « Les tranformations de la concession », Mélanges M. Long, p. 157.
772. A. de Laubadère, P. Delvolvé et F. Moderne, Traité des contrats administratifs, 2e éd., 1984 ; G. Dupuis, « Sur la concession de service public »,
D. 1978, chron. p. 222 ; Bettinger, La concession de service public et de travaux publics, 1978 ; J. Dufau, La concession de service public, éd. Moniteur,
1979 ; L. Richer, « La concession de service en droit communautaire : hiérarchie des critères ou critère unique ? », Mélanges Jegouzo.
773. B. Genevois, « La distinction entre concession de SP et Marché de TP », CJEG 2001. 179.
774. M. Waline, « La notion de régie intéressée », RD publ. 1948. 337 ; A. Sevino et A. Gauthier, « La notion de rémunération substantiellement
assurée par les résultats de l'exploitation : le cas de la régie intéressée », AJDA 2003. 828 ; D. de Béchillon et H. Savoie, « La régie intéressée : une
formule contractuelle d'avenir ? », AJDA 2012. 1437 ; D. Linotte et M. Seno, « Pérennité et spécificité dre la régie intéressée », AJDA 2012. 1443.
775. « Dossier SP et personnes de droit privé », RFDA 2008. 67 s.
776. Auby, « La notion de concession dans la loi du 8 avril 1946 », CJEG, 1949, no 7-8, p. 1.
777. J. Dufau, « La nature juridique de la concession de service public », Mélanges Chapus, p. 147.
778. L. Janicot et J.F. Lafaix, « Le juge administratif, le contrat et la propriété des biens de retour », RFDA 2013. 513.
779. F. Hamon, « Le monopole des services publics français face au droit communautaire », D. 1993. Chron. 91.
78. J. Massot, Le Chef du Gouvernement en France, 1979 ; S. Rials, Le Premier ministre, 1989 ; J.-L. Quermonne, Le Gouvernement de la France
sous la Ve République, 1996 ; A. Claisse, Le Premier ministre de la Ve République, LGDJ, 1972.
780. Lecomte, Le rachat des concessions, thèse, Paris, 1942.
781. G. Dupuis, « Définition de l'acte unilatéral », Mélanges Eisenmann, 1975, p. 205.
782. Sur les situations intermédiaires : Y. Madiot, Aux frontières du contrat et de l'acte administratif unilatéral, 1971 ; A. de Laubadère, Les difficultés
actuelles de l'identification du contrat administratif, Estudios de Derecho administrativo, T. I., p. 69, Montevideo, 1978 ; M. C. Bergères, « Les actes non
réglementaires », AJDA 1980. 3 ; B. Seiller, « L'exorbitance du droit des actes administratifs unilatéraux », RD publ. 2004. 481.
783. Martin de La Moute, L'acte unilatéral en droit privé, thèse Toulouse, 1951.
784. Lavialle, L'évolution de la conception de la décision exécutoire en droit administratif français 1974 ; Dossier : « Actualité de l'acte administratif
unilatéral », AJDA 2015. 792 ; F. Melleray : « Les apports du CRPA à la théorie de l'acte administratif unilatéral », AJDA 2015. 2491 ; Py, Le rôle de la
volonté dans les actes administratifs unilatéraux, ; P. Delvolvé, L'acte administratif, 1983 ; G. Darcy, « La décision exécutoire », AJDA 1994. 663 ;
J. Waline, « Le rôle de la volonté dans la théorie de l'acte acte administratif unilatéral et dans le droit civil des contrats », Mélanges Rieg, p. 869.
785. B. Delaunay, « La loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations », RD publ. 2000. 1191 ;
J. Arrighi de Casanova et S. Formery, « Une nouvelle étape de l'amélioration des relations entre l'Administration et les citoyens : la loi DCRA du 12 avril
2000 », RFDA 2000. 725 ; J. Chevallier, « La transformation de la relation administrative : mythe ou réalité ? », D. 2000. chron. 575 ; Y. Jegouzo, De la
« participation du public » à la « démocratie participative », AJDA 2006. 2314 ; M. Vialettes et C. Barrois de Sarigny, « Le projet de code des relations
entre le public et les administrations », AJDA 2014. 402.
786. L'Ordonnance a été prise sur la base de l'art. 3 de la loi du 12 novembre 2013 habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre
l'Administration et les Citoyens. v. P. Gonod, Codification de la procédure administrative, AJDA 2014. 395 ; M. Vialettes et C. Barrois de Sarigny, Le
projet d'un CRPA, AJDA 2014. 402 ; « La lex generalis des relations entre le public et l'administration », AJDA 2015. 2420 et 2473 ; Dossier : « Le code
des relations entre le public et l'administration », RFDA 2016. 1 et s.
787. .M.C. Montecler, « La lex generalis des relations du public avec l'administration », AJDA 2015. 2004.
788. Dossier « Les enjeux de l'open data », AJDA 2016. 78.
789. M. Stassinopoulos, Traité des actes administratifs, 1954 ; R. G. Schwartzenberg, L'autorité de chose décidée, Th. Paris, 1970 ; Ch. Eisenmann,
Les actes administratifs, Cours de D.A., T. 2 ; G. Dupuis, « Définition de l'acte unilatéral », Mélanges Eisenmann, p. 205. ; X. Dupré de Boulois, Le
pouvoir de décision unilatérale, Bibl. dr. public, 2006.
79. Pour une application récente de cette jurisprudence : CE, 25 sept. 2013, Sté Radidépannage 62, AJDA 2013. 2506, note C. Benelbaz.
790. . B. Defoort, Définir la décision administrative dans le futur CRPA ?, AJDA 2015. 811 ; P. Delvolvé : « La définition des actes administratifs »,
RFDA 2016. 35.
791. S. Théron, « L'effet “déclaratif” d'un acte ou d'un jugement », AJDA 2011. 2100.
792. L. Desfonds, La notion de mesure préparatoire en droit administratif français, AJDA 2003. 12.
793. P. Rongère, Le procédé de l'acte-type, 1967.
794. .C. Chauvet, « Que reste-t-il de la théorie des mesures d'ordre intérieur ? », AJDA 2015. 793.
795. V. le dossier « La construction d'un nouveau droit pénitentiaire par le juge administratif », AJDA 2009. 403 s. ; L. de Graëve, Le droit à la vie et
l'administration pénitentiaire, RFDA 2009. 947 ; X. Domino et A. Bretonneau, « Le juge administratif face à la prison », AJDA 2011. 1364, chron. JP ;
F. X. Fort, « La protection de la dignité de la personne détenue », AJDA 2010. 2249 ; M. Moliner-Dubost, « Le contentieux des sanctions disciplinaires
infligées aux détenus », AJDA 2013. 1380.
796. Par ailleurs, la responsabilité de l'État peut être engagée pour atteinte à la dignité humaine par suite des conditions de la détention (CE, Sect. 6
déc. 2013, M. T., Rec. 309).
797. B. Defoort, « L'ordre intérieur à bout de souffle », RFDA 2016. 75.
798. J.-J. Chevallier, L'instruction de service et le recours pour excès de pouvoir, thèse, Nancy, 1924 ; J. Rivero, Les mesures d'ordre intérieur
administratives, thèse, Paris, 1934 ; Charlier, Circulaires, instructions de service et autres prétendues mesures d'ordre intérieur, JCP 1954, I, no 1169 ;
M. Hecquard-Theron, « De la mesure d'ordre intérieur », AJDA 1981. 235 ; G. Koubi, Les circulaires administratives, Economica, 2003, 391 p. ; RD
publ. 2004. 499 ; J. Guez, La « normalisation » du REP contre les circulaires et instructions administratives, AJDA 2005. 2445 ; Domino et Bretoneau,
« Une décennie de contentieux des circulaires », AJDA 2012. 691, chron. JP ; J.M. Pontier, « “Choc de simplification” : fausses pistes », AJDA 2013.
1713.
799. A. Iliopoulou, « Quatre ans d'application de la jurisprudence Duvignères », RFDA 2007. 477.
8. G. Pekassa Ndam, « La notion d'administration publique dans la jurisprudence de la CJUE », RD publ. 2012. 347.
80. Le Conseil constitutionnel a toujours souligné l'unité du pouvoir réglementaire du Premier ministre et son caractère ab initio, c'est-à-dire
qu'aucune autre autorité publique ne peut recevoir une compétence réglementaire de portée générale : v., par ex., Cons. const. 14 décembre 2006, Loi de
financement de la SS pour 2007, AJDA 2007. 1643, note Ph. Luppi ; Cons. const., Décis. 2009-580 DC du 10 juin 2009, loi favorisant la diffusion et la
protection de la création sur Internet, p. 107.
800. Sur la directive : J. Boulouis, « Sur une catégorie nouvelle d'actes juridiques : les directives », Mélanges Eisenmann, 1975, p. 191 ; P. Delvolvé,
« La notion de directive », AJDA 1974. 459 ; Pavlopoulos, Les directives en droit administratif, 1978 ; M. Cliquennois, « Que reste-t-il des directives ? »,
AJDA 1992. 3 ; L. Cytermann, « Le droit souple, un nouveau regard sur la jurisprudence Crédit foncier de France », RFDA 2013. 1119 et, sous le même
intitulé, E. Untermaier-Kerléo, RFDA 2014. 1029 ; D. Costa, Des directives aux lignes directrices : une variation en clairs-obscurs, AJDA 2015. 806.
801. V., T. confl. 16 nov. 2015, Rec. 511.
802. Ce cas doit être soigneusement distingué de celui de l'usurpation de fonction : Civ. 1re, 2 déc. 1952, Sté au Grand Marché c/ Ville de Metz, Ville
de Mulhouse c/ Pitre, D. 1953. 349, Rapport Jaquillard, Notes Waline, Tome 2, no 276.
803. P. Sabourin, « Peut-on dresser le constat de décès du critère organique en droit administratif ? », RD publ. 1971. 589.
804. J.-M. Auby, « Le contentieux des actes parlementaires et la loi organique du 17 novembre 1958 », AJDA 1959. 101 ; J.-C. Fortier, « Le contrôle
du juge sur les actes administratifs des assemblées parlementaires », AJDA 1981. 128 ; J. S. Boda, « Le régime contentieux des actes parlementaires
relatifs aux agents des assemblées », RD publ. 2011. 839
805. CE 28 janv. 2011, M. Patureau, RFDA 2011. 430 ; CE 21 mars 2011, Synd. des fonctionnaires du Sénat, AJDA 2011. 593. Pour les marchés des
assemblées parlementaires, v. ss 464.
806. R. Chapus, « Qu'est-ce qu'une juridiction ? La réponse de la jurisprudence administrative », Mélanges Eisenmann, p. 265 ; P. Lampué, « La
notion d'acte juridictionnel », RD publ. 1946. 38 ; A. Mabileau, La distinction des actes d'administration active et des actes administratifs juridictionnels,
Thèse, Paris, 1943.
807. On admet généralement qu'une juridiction ne peut pas se saisir elle-même. Le Conseil d'État a cependant jugé que, pour une juridiction, la
faculté de se saisir, de son propre mouvement, d'affaires qui entrent dans son domaine de compétence n'est pas contraire à l'exigence d'équité au sens de
l'art. 6 de la CEDH : CE 6 janvier 2006, Sté Lebanese Communication Group, Rec. 1.
808. R. Chapus, Droit administratif, Tome 1, 15e éd., no 700 s.
809. I. Poirot-Mazères, « Les décisions d'espèce », RD publ. 1992. 443 ; P. Mouzet : « Sur les décisions ni réglementaires ni individuelles : des actes à
double visage », AJDA 2016. 169. La distinction entre l'acte réglementaire et l'acte particulier est parfois délicate : CE 14 févr. 1975, Époux Merlin, AJDA
1975. 236 ; CE 8 nov. 1961, Sté Olympia Press, Rec. 624, concl. Braibant ; CE 19 oct. 1965, Époux Delattre-Floury, JCP 1966, no 14967, concl. Rigaud ;
concl. Y. Aguilla sous, CE 24 févr. 2006, Cne de Mourenx, JCP A 2006, no 1060.
81. M. Long, Le Secrétariat général du Gouvernement, Mélanges Kayser, p. 155 ; Les services du Premier ministre, PU d'Aix, 1981 ; M.C. Kessler,
Le cabinet du Premier ministre et le secrétariat général du Gouvernement, FNSP, 1982. 69 ; R. Denoix de Saint Marc, Le Secrétariat général du
Gouvernement in Le rôle et la place de l'État au début du XXIe siècle, PUF 2001, p. 119 ; Colin, « Les services du Premier ministre », Rev. adm. 1963.
15.
810. Toute une série de décrets du 5 novembre 2015 énumèrent les exceptions à ce droit de saisir l'administration par voie électronique (v. AJDA
2015. 2121) et font l'objet de l'instruction, à ce sujet, du Premier ministre du 6 novembre 2015 (AJDA 2015. 2124).
811. G. Éveillard : « L'adoption des actes admnistratifs unilatéraux. Forme, délais, signature », RFDA 2106. 40.
812. G. Liet-Veaux, « L'incompétence ratione loci », Rev. adm. 1964. 29 ; Ch. Eisenmann, « Les fonctions des circonscriptions territoriales dans
l'organisation de l'administration », Mélanges M. Waline, p. 415.
813. J.-M. Auby, « L'incompétence ratione temporis », RD publ. 1953. 1. Les fonctionnaires ne peuvent pas être maintenus en fonctions au-delà de la
limite d'âge : CE, Sect., 16 mai 2001, Préfet de Police c/ Ihsen Mtimet, Rec. 234.
814. S. Carotenuto, La théorie de « l'acte contraire » en droit administratif français, RRJ 2002. 1419 ; B. Genevois, « Un faux ami : le principe du
parallélisme des compétences », Mélanges Labetoulle, p. 405 ; B. Leplat, Le parallélisme des compétences, principe général du droit à part entière ou
entièrement à part ?, note sous CE 30 déc. 2005, Ilouane et 1er févr. 2006, Touzard, LPA 2006, no 149.
815. J. C. Groshens, « La délégation administrative de compétence », D. 1958. Chron. 197.
816. Liet-Veaux, « Le cloaque des délégations de signature », Rev. adm. 1949. 581 ; Puisoye, « Les délégations de signature », AJDA 1960. 69 ;
P. Delvolvé, « Le nouveau statut des délégations de signature », Mélanges Favoreu, p. 1173.
817. J.-M. Auby, « L'intérim », RD publ. 1966. 864.
818. M. Waline, « Le pouvoir discrétionnaire de l'administration et sa limitation par le contrôle juridictionnel », RD publ. 1930. 197 ; « Étendue et
limites du contrôle du juge administratif sur les actes de l'administration », EDCE, no 10, p. 25 ; Dubisson, La distinction entre la légalité et l'opportunité
dans le recours pour excès de pouvoir, thèse, Paris, 1955 ; Venezia, Le pouvoir discrétionnaire, thèse, Paris, 1956 ; Bockel, « Contribution à l'étude du
pouvoir discrétionnaire de l'administration », AJDA 1978. 355 ; M. Waline, Plaidoyer pour le pouvoir discrétionnaire, Estudios de derecho administrativo,
t. I, Montevideo, 1979, p. 519 ; P. Py : Pouvoir discrétionnaire, compétence liée et pouvoir d'injonction, D. 2000. Chron. 563 ; A. de Laubadère, « Le
contrôle juridictionnel du pouvoir discrétionnaire dans la jurisprudence récente du CE français », Mélanges M. Waline, p. 531 ; J.-M. Woehrling,
Compétence liée et pouvoir discrétionnaire, Travaux AFDA-2, « La Compétence », p. 127 ; J. Le Gars, « De la manière de délier l'administration de sa
compétence liée », AJDA 2010. 1406 ; P. Serraud, « Le contrôle juridictionnel du pouvoir discrétionnaire de l'administration dans la jurisprudence
récente », RD publ. 2012. 901 ; S. Hourson, « Quand le principe d'égalité limite l'exercice du pouvoir discrétionnaire : le précédent administratif », RFDA
2013. 743.
819. B. Kornprobst, « La compétence liée », RD publ. 1961. 935 ; Di Qual, La compétence liée, 1964 ; G. Timsit, Compétence liée et principe de
légalité, D. 1964. Chron. 217.
82. M. Guillaume, « Marceau Long, Secrétaire général du Gouvernement », Mélanges M. Long, p. 247.
820. Lorsqu'il y a compétence liée les moyens invoqués devant le juge de l'excès de pouvoir pour contester la légalité de l'acte sont inopérants puisque
l'Administration avait l'obligation de prendre la décision : CE, Sect., 3 févr. 1999, Montaignac, AJDA 1999, chron. 567 ; CE 14 mai 2003, Syndicat des
sylviculteurs du Sud-Ouest, AJDA 2003. 1449, concl. Guyomar ; CE, Sect., 1er juill. 2005, Ousty, p. 283, concl. Glaser.
821. Auby, « La procédure administrative non contentieuse », D. 1956. Chron. 27 ; sous le même titre, l'ouvrage de Y. Isaac, 1968 ; Hostiou,
Procédure et formes de l'acte administratif unilatéral, 1974 ; C. Wiener, Vers une codification de la procédure administrative, 1975 ; H. Zeghbib,
« Principe du contradictoire et procédure administrative non contentieuse », RD publ. 1998. 467 ; S. Caudal, « Les procédures contradictoires en dehors
du contentieux », RFDA 2001. 13 ; J.-L. Autin, « Réflexions sur le principe du contradictoire dans la procédure administrative », EDCE, no 52, p. 389 ;
M. Waline : « Le principe “Audi alteram partem” », Livre jubilaire du CE Luxembourgeois, p. 495 ; Y. Gaudemet, « La codification de la PANC »,
D. 1986, chron. 107 ; P. Gonod, « La codification de la procédure administrative », AJDA 2006. 489 ; G. Eveillard, « L'application de l'art. 6 de la CEDH
à la procédure administrative non contentieuse », AJDA 2010. 531 ; L. Janicot, « Formes et procédures administratives non contentieuses : un domaine de
compétence réservé au pouvoir réglementaire ? », AJDA 2010. 540.
822. De nombreux pays étrangers se sont dotés de Codes de procédure administrative. En ce qui concerne l'influence du droit européen sur la
procédure administrative française, v. les observations de D. Costa sous, CE 29 juill. 2002, Mme R. et CE 29 juill. 2002, Sté Polytech Silimed Europe
GmbH, AJDA 2002. 1394.
823. Elle est le symétrique des droits de la défense devant le juge administratif proclamés par l'arrêt Tery (CE, 20 juin 2013, GAJA no 26). O. Danic,
« Les cent ans de l'arrêt Tery ou un siècle de droits de la défense », RD publ. 2014. 3 ; S. Saunier : « L'association du public aux décisions prises par
l'administration », AJDA 2015. 2426.
824. L'art. 70 de la loi du 17 mai 2011 indique que seules les irrégularités susceptibles d'avoir exercé une influence sur l'avis rendu par l'organisme
consulté peuvent, le cas échéant, être invoquées à l'encontre de la décision finale. V. sur ce point l'étude de René Hostiou, in RFDA 2012. 4233.
V. également, CE, Sect. Avis 30 déc. 2013, Mme Okasun, Rec. 342, Concl. Domino.
825. Y. Weber, L'Administration consultative, 1968.
826. S. Saunier, Recherche sur la notion de formalisme en droit administratif français, thèse Toulouse I, PUAM 2007.
827. P. Cassia, « La décision implicite en DA français », JCP A 2009, no 27, p. 27.
828. D. Ribes, « Le nouveau principe “silence de l'administration vaut acceptation” », AJDA 2014. 388 ; P. Cassia, « Silence, on révolutionne »,
AJDA 2013. 1129 et « Silence de l'administration : le choc de complexification », D. 2015. 201 ; J.E. Gicquel, « L'art de malmener la Constitution »,
AJDA 2013. 2513 ; J.F. Lafaix, « Le sens du silence », RD publ. 2012. 1032 ; M. Lavaine, « Aux origines de la décision implicite de rejet », RD publ.
2014. 1241 ; B. Seiller, « Quand les exceptions infirment (heureusement) la règle :le sens du silence de l'administration », RFDA 2014. 35 et « La
simplification est en marche arrière », AJDA 2014. 1681 ; F. Gonod, « Le sens du silence de l'administration : bref aperçu de quelques solutions
étrangères », RFDA 2014. 4.
829. v. D. 2014. 2116.
83. Le décret du 31 mars 2014 crée auprès du Premier ministre un Commissariat général à l'égalité des territoires.
830. . Pour l'application de la règle aux collectivités territoriales, v. AJDA 2015. 2174.
831. V. concl. Fombeur, sous CE 13 janv. 2003, M. Camora, AJDA 2003. 3237.
832. G. Monédiaire, « Vers la motivation des actes administratifs généraux, spécialement en droit de l'environnement », Mélanges Prieur, p. 607 ;
O. Gabarda, « Vers la généralisation de la motivation obligatoire des actes administratifs ? », RFDA 2012. 61.
833. Morange, « Le secret en droit public français », D. 1978. Chron. 1 ; Lasserre, Lenoir, Stirn, La transparence administrative, 1987 ; J. Marchand :
« Réflexions sur le principe de transparence », RD publ. 2014. 677.
834. Sur ce texte v. : Kayser et Frayssinet, RD publ. 1979. 629 et la loi 2004-801 du 6 août 2004 « relative à la protection des personnes physiques à
l'égard des traitements de données à caractère personnel » (JO 7 août 2004. 14063).
835. Sur l'obligation de motiver les actes administratifs, AJDA 1974. 349 ; Dupuis, « Les motifs des actes administratifs », EDCE 1974-1975, p. 16.
836. Sur, Motivation ou non-motivation des actes administratifs, AJDA 1979, no 9, p. 3 ; « Étude sur la motivation des actes administratifs », EDCE
1986. 13 ; G. Blanc, « Motifs et motivation des décisions administratives », Rev. adm. 1998. 495 ; D. Linotte, « La motivation obligatoire de certaines
décisions administratives », RD publ. 1980. 1699.
837. . Pour un bilan de la loi du 11 juillet 1979 : B. Lasserre et J.M. Delarue, AJDA 1983. 296 ; « La motivation des actes administratifs », étude de la
Commission du Rapport, EDCE 1986, n° 37, p. 13.
838. . M. Dubuy, « La fraude à la loi », RFDA 2009. 243 ; S. Renard, « L'acte administratif obtenu par fraude », AJDA 2014. 782.
839. B Seiller, « L'exorbitance du droit des actes administratifs unilatéraux », RD publ. 2004. 481.
84. P. et J.D. Antoni, Les ministres de la Ve République, PUF, 1976 ; Le ministre, Pouvoirs, 1986 ; J. Cl. Groshens, Les secrétaires d'État, RD publ.
1955.357 ; D. Amson, Les secrétaires d'État sous la Ve République, RD publ. 1972.661 ; M. Staub, Les secrétaires d'État autonomes, RD publ., 1981.337.
840. Ch. Eisenmann, « Sur l'entrée en vigueur des normes administratives unilatérales », Mélanges Stassinopoulos, p. 201 ; J. Petit : « L'entrée en
vigueur des actes administratifs dans le code des relations entre le public et l'administration », AJDA 2015. 2433 ; P. Delvolvé : « L'entrée en vigueur des
actes administratifs », RFDA 2016. 50.
841. v. B. Tabaka, « La dématérialisation du JO : vers un droit saisi par la technique », RD publ. 2003. 1521. Le JO papier est supprimé depuis le
1er janvier 2016 (AJDA 2015. 22349) ; Pour la publication d'un acte sur un site Intranet : CE, 11 janv. 2006, Synd. Nat. CGT-ANPE, AJDA 2006. 176.
842. Art. Ier C. Civ. : « Les lois et, lorsqu'ils sont publiés au JORF, les actes administratifs entrent en vigueur à la date qu'ils fixent ou, à défaut, le
lendemain de leur publication. Toutefois, l'entrée en vigueur de celles de leurs dispositions dont l'exécution nécessite des mesures d'application est
reportée à la date d'entrée en vigueur de ces mesures ».
843. D. Camous, « Réflexions sur la publicité de l'acte administratif par voie de presse », RFDA 2004. 69.
844. R. Noguellou, « La décision administrative et son destinataire », RFDA 2013. 732.
845. Sur la loi du 17 juillet 1978, A. de Laubadère, Chronique de législation, AJDA 1978. 495 ; sur l'application de la loi, cf. outre les rapports publics
annuels de la CADA, B. Lasserre, EDCE, no 35, p. 99 ; cf. aussi AJDA 1994. Chron. 679 ; J.-P. Costa, La CADA, RFDA, 1996. 184. Gounin et Laluque,
« La réforme du droit d'accès aux documents administratifs », AJDA 2000. 486 ; J. Lemasurier, « Vers une démocratie administrative : du refus d'informer
au droit d'être informé », RD publ. 1980. 1239 ; Y. Gaudemet, « L'administration au grand jour, » RID comp. Journées 1983.
846. D. Pichoustre, La simplification de l'accès aux documents administratifs par l'ord. du 6 juin 2005, LPA, 2005, no 225-226, p. 3 ; L'Ord. 2009-483
du 29 avril 2009 procède à plusieurs modifications du régime de l'accès aux documents administratifs, notamment pour l'harmoniser avec celui des
archives ; Delaunay, AJDA 2006. 1377.
847. Son Livre III est intitulé « L'accès aux documents administratifs et la réutilisation des informations publiques ».
848. S'il est difficile de déduire de la Convention européenne des droits de l'homme un droit général d'accès aux documents administratifs, la
jurisprudence de la Cour européenne tient compte, le cas échéant, de l'importance que revêt la communication pour la situation personnelle du
demandeur : CEDH, 2e sect., 18 nov. 2003, Loiseau/France, D. 2004. 990, note Birsan.
849. Sur les limitations lorsqu'il s'agit d'organismes privés chargés d'une mission de service public : CE, 17 avr. 2013, trois arrêts, AJDA 2013. 1920,
note B. Delaunay ; les documents relatifs à l'élection présidentielle sont communicables : CE, Ass. 27 mars 2015, Cion Nat. des comptes de campagne,
AJDA 2015. 981, Chr. Lessi et Dutheillet de Lamothe et RFDA 2015. 598, note Rambaud.
85. Le gouvernement de M. Valls comprenait, au 16 février 2016, 18 ministres et 20 secrétaires d'État.
850. . C'est la codification d'une jurisprudence du Conseil d'État : CE, 15 oct. 2014, Min. de l'Économie, AJDA 2015. 232, Concl. Crépey.
851. La CADA est longuement réglementée au Titre IV du Livre III de la partie législative et réglementaire du CRPA, codification complétée par
l'ordonnance 2016-307 du 17 mars 2016. v. Lallet et Thiellay, « La CADA a trente ans », AJDA 2008. 1415 ; Interview du Président, AJDA 2008. 1404.
852. V. AJDA 2014. 1920.
853. Auby, « L'incompétence ratione temporis », RD publ. 1953. 5 ; Letourneur, « Le principe de la non-rétroactivité des actes administratifs »,
EDCE, no 9, p. 37 ; O. Dupeyroux, La règle de la non-rétroactivité des actes administratifs, thèse, Toulouse, 1954 ; Delvolvé, « Le principe de non-
rétroactivité dans la jurisprudence économique du Conseil d'État », Mélanges Waline, 1974, t. II, p. 355 ; S. Ferrari, La rétroactivité en droit public
français, Thèse Paris II, 2011.
854. P. Weil, Les conséquences de l'annulation d'un acte administratif pour excès de pouvoir, Thèse, Paris, 1952.
855. . C. Hauuy : « La pérennité du privilège du préalable », AJDA 2015. 2363.
856. R.G. Schwarzenberg, L'autorité de chose décidée, 1969 ; M. Nihoul, Les privilèges du préalable et de l'exécution d'office, La Charte, Bruges,
2002, 792 p.
857. Chinot, Le privilège d'action d'office de l'administration, thèse, Paris, 1954.
858. Sauf si l'autorité administrative accepte de ne pas sanctionner le non-respect éventuel de la décision. Cf. L. Tallineau, « Les tolérances
administratives », AJDA 1978. 3.
859. D. Bailleul, « L'exécution des décisions administratives par le juge », AJDA 2008. 386 ; P. Amselek, « Autopsie de la contrainte associée aux
normes juridiques », RRJ 2008. 1847.
86. J. Cl. Groshens, « Le pouvoir des supérieurs hiérarchiques sur les actes de leurs subordonnés », AJDA 1966. 140, avec les observations de
J. Rivero.
860. Levasseur, « Une révolution en droit pénal : le nouveau régime des contraventions », D. 1959. Chron. 121.
861. G. Braibant, « Le principe de proportionnalité », Mélanges Waline, p. 297.
862. Colliard, La sanction administrative, Annales Fac. dr. Aix, 1943 ; Mourgeon, La répression administrative, 1967 ; Les sanctions administratives,
AJDA numéro spécial octobre 2001 ; V. Haïm, RFDA 2001. 823 ; F. Moderne, « Répression administrative et protection des libertés devant le juge
constitutionnel : les leçons du droit comparé », Mélanges Chapus, p. 411 ; « La sanction administrative, éléments d'analyse comparative », RFDA 2002.
483. J.-L. de Corail, « Administration et sanction », Mélanges Chapus, p. 103 ; Les pouvoirs de l'administration dans le domaine des sanctions ; (Étude
du Conseil d'État), Doc. frse. 1995 ; M. Th. Viel, « Errements des sanctions administrative », AJDA 2007. 1006 ; S. Etoa, « L'évolution du contrôle du
juge administratif sur la gravité des sanctions », AJDA 2012. 358.
863. Sur la notion de sanction administrative au regard de la Convention européenne des droits de l'homme : concl. Lamy sous CE 22 juin 2001, Sté
Athis, RFDA 2002. 509.
864. G. Éveillard : « La codification du retrait et de l'abrogation des actes administratifs unilatéraux », AJDA 2015. 2474 ; Auby, « L'influence du
changement de circonstances sur la validité des actes administratifs », RD publ. 1959. 431 ; « L'abrogation des actes administratifs », AJDA 1968. 342 ;
P. Lemire, « La stabilité des situations juridiques et l'évolution de la jurisprudence relative au retrait et à l'abrogation », AJDA 1980. 203 ; G. Gonzalez,
« La caducité des actes administratifs unilatéraux », RD publ. 1991. 1675 ; C. Yannakopoulos, La notion de droits acquis en droit administratif français,
LGDJ, 1997 ; A. Pariente, « Vers une clarification du régime de retrait des décisions implicites d'acceptation », RFDA 2001. 653 ; Concl. Pecresse, sous
CE 24 oct. 1997, Mme de Laubier, RFDA 1998. 527 ; Carbajo, L'application dans le temps des décisions exécutoires, 1980 ; F. Melleray, « L'étendue de
l'autorité de chose jugée des déclarations d'illégalité d'actes administratifs », AJDA 2004. 138 ; B. Seiller : « La sortie de vigueur des actes
administratifs », RFDA 2016. 58.
865. Yannakopoulos, La notion de droits acquis en droit administratif français, 1997 ; P. Auvret, La notion de droits acquis, RD publ. 1985. 53 ;
C. Santulli, « Les droits acquis », RFDA 2001. 87 ; V. Tomkiewicz, « La protection du tiers dans le contentieux de la légalité des actes administratifs
individuels créateurs de droits », RD publ. 2006. 1275.
866. Sur le principe Fraus omnia corrumpit, CE, 10 juin 2013, Min. de l'Intérieur, AJDA 2013. 1855, note D. Costa.
867. M. Waline, « Le retrait des actes administratifs », Mélanges Mestre, p. 563 ; A. Bockel, « Sur le retrait des actes administratifs unilatéraux »,
RDP 1973. 235 ; R. Kovar, « L'emprise du droit communautaire sur le régime du retrait des actes administratifs unilatéraux », Mélanges Favoreu, p. 767 ;
A. Ba, « Le retrait des actes administratifs illégaux créateurs de droit : la complexité croissante du régime », RDP 2007. 1617 ; Ph. Collière, « Le retrait
des décisions individuelles créatrices de droits : un régime juridique peu satisfaisant », AJDA 2008. 334 ; Ph. Ternreyre et J. Gourdou, « Proposition de loi
visant à simplifier le régime du retrait des décisions administratives créatrices de droits », Mélanges Genrevois, p. 1033.
868. . J.M. Auby, « L'abrogation des actes administratifs », AJDA 1967. 131 ; J. Gourdou, « Précisions sur l'abrogation des actes administratifs non
réglementaires », Mélanges Labetoulle, p. 459 ; B. Seiller, « Pourquoi ne rien voter quand on peut voter une loi inutile ? », AJDA 2008. 402 ; E. Blanc,
« L'obligation légale d'abroger les réglements illégaux ou devenus sans objet », AJDA 2008. 399.
869. Basset, Le principe de l'acte contraire, Thèse Paris 1968.
87. Sur tous ces points, v. : C. Wiener, Recherches sur le pouvoir réglementaire des ministres, LGDJ, 1970.
870. Y. Gaudemet, « Faut-il retirer l'arrêt Ternon ? », AJDA 2002. 738 ; v. égal. : AJDA 2003. 1952.
871. J.-M. Auby, La théorie de l'inexistence des actes administratifs, Thèse, Paris, 1947 ; Wodié, L'inexistence des actes unilatéraux, AJDA 1969. 76 ;
P. Weil, « Une résurrection : la théorie de l'inexistence en droit administratif », D. 1959. Chron. 49 ; Gazier et Long, La notion d'acte administratif
inexistant, AJDA 1954. 5.
872. J. de Soto, Contribution à la théorie des nullités des actes administratifs unilatéraux, thèse, Paris, 1941.
873. Sur les pouvoirs de l'autorité saisie d'un recours hiérarchique : CE, 11 févr. 2015, Centre hospitalier d'Auch, AJDA 2015. 1200, Chr. Lessi et
Dutheillet de Lamothe.
874. Sur le problème de savoir si l'acte constitutif d'une agence régionale de l'hospitalisation constitue un acte administratif unilatéral ou un contrat,
v. CE 14 janv. 1998, Synd. Départemental Interco. 35 CFDT, AJDA 1999. 164, note Petit.
875. Sur les contrats administratifs, l'ouvrage de base est : A. de Laubadère, Traité théorique et pratique des contrats administratifs, 3 vol., 1956 ;
l'ouvrage, mis à jour par F. Moderne et P. Delvolvé, a été réédité en 2 volumes, t. I, 1983, t. II, 1984 ; L. Richer, Droit des contrats administratifs, LGDJ,
8e éd., 2012 ; J.-Chr. Bruère, « Le consensualisme dans les contrats administratifs », RD publ. 1996. 1715 ; Ch. Guettier, Droit des contrats
administratifs, PUF, Thémis, 2004 ; Y. Gaudemet, « Libres propos sur le droit des contrats administratifs », CJEG 2004. 1 ; « Contrats publics »,
Mélanges en l'honneur de M. Guibal, 2 vol., Univ. Montpellier I ; G. Eckert, « Réflexions sur l'évolution du droit des contrats publics », RFDA 2006.
238 ; Le contrat, mode d'action publique et de production de normes, Rapport public du CE, EDCE 2008, no 59 ; F. Tibergien, « Le contrat en DA »,
D. 2008. 1192 ; F. Llorens et P. Soler-Couteaux, « Dix ans de droit des contrats et marchés publics », Contrats et Marchés Publics, supplément au no 11,
novembre 2010 ; « À propos des contrats des personnes publiques », Mélanges L. Richer, 2013.
876. Jean Waline, « La théorie générale du contrat en droit civil et en droit administratif », Mélanges J. Ghestin, p. 965 ; Y. Weber, « La théorie des
vices du consentement dans les contrats administratifs », Mélanges Drago, p. 315.
877. Ph. Terneyre, « L'influence du droit communautaire sur le droit des contrats administratifs », AJDA 1996, no spécial Droit administratif et droit
communautaire, p. 84 ; O. Dubos, « La révision du droit communautaire des marchés publics », JCP A 2004, no 1576 ; F. Lichère, « L'influence du droit
communautaire sur le droit français des contrats publics », LPA 19 avr. 2007 ; G. Marti, « L'office du juge communautaire dans le contentieux des
contrats », RFDA 2011. 601 ; sur une réforme du droit européen envisagée, AJDA 2011. 2502.
878. Le Code des marchés publics (Litec, 2013, 6° éd.), commenté et annoté sous la direction de Fr. Llorens et P. Soler-Couteaux, constitue une
remarquable somme du droit des marchés publics ; G. Eckert : « Faut-il supprimer le Code des marchés publics ? », Mélanges Wiederkehr, p. 263.
879. . Cette ordonnance a été prise sur la base de l'art. 42 de la loi du 20 décembre 2004 relative à la simplification de la vie des entreprises et portant
diverses dispositions de simplification et de clarification du droit et des procédures administratives. Le Conseil d'État a rejeté le recours qui avait été
formé contre cette ordonnance : CE 9 mars 2016, Conseil national des barreaux, AJDA 2016. 518.
88. De Baecque et Holleaux, « Les problèmes posés par la diversité de l'organisation des administrations centrales », EDCE 1982.83, p. 99. ; J.-
F. Boudet, « Les services à compétence nationale », RFDA 2009. 995.
880. D. 2016. 716 ; J.M. Pastor : « Un nouveau droit des marchés publics prêt à l'emploi », AJDA 2016. 630.
881. V. Dossier « Le Code des Marchés publics nouveau est arrivé », AJDA 2015. 1782 ; D. 2015. 1603 ; AJDA 2015. 1508 ; J. Lebied : « L'évolution
du droit des marchés publics en 2014 : trasformation et modernisation », Annuaire européen d'administration publique 2014, p. 339.
882. G. Collet, « Passation des marchés publics de services juridiques et déontologie de l'avocat », AJDA 2009. 744.
883. Sur l'ancien contrat de partenariat, v. : Dossier « Partenariat public-privé », AJDA 2004.1737 ; D. Linotte, « Un cadre juridique désormais
sécurisé pour les contrats de partenariat », AJDA 2005. 16 ; F. Lichère, RDP 2004. 1547 ; P. Delvolvé, « Les contrats globaux », RFDA 2004. 1079 ;
C. Emery, AJDA 2005. 2269 ; Y. Gaudemet, « Le partenariat public privé en France dans la perspective de la métarmophose de l'intérêt général »,
D. 2007. 3084 ; J.D. Dreyfus, « Immobilier universitaire et situation de partenariat », AJDA 2008. 1421 ; J.E. Schoettl, « Un exemple concret de dialogue
des juges », Mélanges Genevois, p. 925 ; G. Eckert, « Pour une meilleure utilisation des partenariats », RFDA 2014. 1021 ; F. Lichère : « Contrats de
partenariats :pour qui sonne le glas ? », AJDA 2015. 417 ; Débat : « Les partenariats public-privé » : quel cadre juridique pour quelles perspectives
économiques ? », RDP 2015. 572.
884. F. Llorens, « Les tribulations des marchés publics d'assurances », RFDA 2000. 29.
885. D. Blaise, « Les marchés de définition », AJDA 2004. 145 ; P. Y. Monjal, « Quel avenir pour les marchés de définition au regard du droit
communautaire ? », AJDA 2007. 2293.
886. Dossier L'Administration contractuelle, AJDA 2003. 970 ; Y. Jegouzo, « L'administration contractuelle en question », Mélanges Moderne, p. 544.
887. Cf. J. Chevallier, Les formes actuelles de l'économie concertée, Annales Fac. Droit d'Amiens, 1971-72 ; C. Piquemal-Pastré, « Une expérience
d'acte économique : le contrat de programme », RD publ. 1974. 317 ; C. Buron, « Les contrats d'aménagement conclus entre l'État et les villes
moyennes », AJDA 1976. 510 ; J. Moreau, « Les contrats de plan État-Régions », AJDA 1989. 737.
888. Dossier « Contrats entre personnes publiques », AJDA 2000. 575 s. ; J. D. Dreyfus, « Contribution à une théorie générale des contrats entre
personnes publiques », Ed. L'Harmattan, 1997 ; AJDA 2000. 575 ; J. Waline, « Les contrats entre personnes publiques », RFDA 2006. 229 ; Dossier
« Contrats entre personnes publiques », AJDA 2013. 833.
889. En trois ans le montant de la commande publique a chuté de 22 % passant de 80,1 milliards d'euros à 67,5 milliards d'euros. Les collectivités
locales et leurs opérateurs représentent en moyenne 74% de la dépense publique. Le décret du 3 mars 2016 a créé une Direction des achats de l'État :
AJDA 2016. 463 ; G. Clamour, « L'accès des personnes publiques à la commande publique », RFDA 2010. 146 ; C. Marino-Philippe, « Les nouvelles
règles de la commande publique », RD publ. 2011. 113 ; H. Hoepffner, « La modification des contrats de la commande publique à l'épreuve du droit
communautaire », RFDA 2011. 98 ; A. Antoine, « L'intuitus personae dans les contrats de la commande publique », RFDA 2011. 879 ; M. Ubaud-
Bergeron, « Le juge judicaire et la “commande publique” », RFDA 2013. 531 ; S. Platon et S. Martin, « L'exception de coopération entre autorités
publiques en droit européen de la commande publique », AJDA 2012. 1138 ; Colloque « Le contrat au service des politiques publiques », RFDA 2014.
403 et 617 ; N. Porte : « Vers l'abandon du principe de neutralité de la commande publique ? », RDP 2014. 1249.
89. Seurin, « Les cabinets ministériels », RD publ. 1956. 1207 ; Thuillier, Les cabinets ministériels, PUF, 1982 ; O. Schramek, Les cabinets
ministériels, Dalloz, Connaissance du droit, 1995 ; « Dans l'ombre de la République. Les cabinets ministériels », Dalloz, 2006 et interview in AJDA 2006.
2092.
890. J. D. Dreyfus et B. Basses, « Autour de la notion de “droit commun de la commande publique” », AJDA 2004. 2256 ; P. de Baecke, « Comment
améliorer encore l'accès des PME à la commande publique ? », AJDA 2007. 1505 ; G. Virassamy et A. Laguerre, L'entreprise et la commande publique,
L'Harmattan, 2005, 140 p. ; G. Kalflèche, « À propos des droits de la concurrence et de la commande publique », AJDA 2007. 2420 ; F. Tiberghien, « Il
faut un code de la commande publique », AJDA 2008. 1228 ; J.-M. Peyrical, « L'évolution du droit de la commande publique », AJDA 2009. 965.
891. Le gouvernement veut simplifier avant de codifier la commande publique, AJDA 2014. 538.
892. J.D. Dreyfus, « CMP et PME : le choix de la discrimination positive », AJDA 2006. 1769 ; la part des PME dans les marchés publics représentait,
en 2013, 58,3 % du nombre total des marchés mais seulement 27,2 % de leur montant global (AJDA 2015.1948).
893. Pour l'application des règles de l'allotissement aux groupements de commandes : CE 18 sept. 2015, Synd. Intercommunal des eaux du bas
Roublon, AJDA 2016. 547, note Vila.
894. G. Eckert : « La SEMOP, instrument du renouveau de l'action publique locale ? », AJDA 2014. 1941.
895. P. Cassia, « Conflits d'intérêts et passation de la commande publique », AJDA 2012. 1040.
896. F. Lichère, « L'évolution du critère organique du contrat administratif », RFDA 2002. 341.
897. Charlier, Les contrats comportant occupation du domaine public, JCP 1943, I, no 372 ; Auby, D. 1953. Chron. 99.
898. . F. Moderne : « Faut-il vraiment “administrativiser” l'ensemble des marchés publics ? », AJDA 2001.707.
899. La liberté contractuelle des personnes publiques, Dossier AJDA sept. et oct. 1998 (p. 643 à 700, et 747 à 779) ; F. Moderne, « La liberté
contractuelle est-elle vraiment et pleinement constitutionnelle ? », RFDA 2006. 2 ; A. Duffy, « La constitutionnalisation de la liberté contractuelle », RD
publ. 2006. 1569 ; D. de Béchillon, « Le principe de la liberté contractuelle dans la CEDH », Mélanges Labetoulle, p. 53 ; P. Gahdoun, « La liberté
contractuelle des personnes publiques et la constitution », RD publ. 2007. 845 ; Rapport du CE, EDCE, 2008, no 59, pp. 176 et 177 ; Th. Fleury, « La
liberté contractuelle des personnes publiques », RFDA 2012. 231.
9. P. Sabourin, « Peut-on dresser le constat de décès du critère organique en droit administratif français ? », RD publ. 1971. 589.
90. Le Premier ministre avait, au mois de mai 2012, fixé par circulaire à 15 collaborateurs par ministre et à 10 par ministre délégué les effectifs des
cabinets. Au mois d'août 2013 ceux-ci comprenaient au total 565 personnes et 20 cabinets dépassaient le plafond fixé par le chef du Gouvernement ! Mais
au 1er août 2014 le nombre des membres des cabinets était de 461 personnes.
900. Cons. const., décis. 2000-437 DC du 19 décembre 2000, Loi de financement de la Séc. Soc. pour 2001, p. 190 ; sur les limitations que l'on peut
apporter à la liberté contractuelle : décision 2015-511 QPC du 7 janvier 2016 (JO 10 janvier 2016, texte n° 19).
901. Weil, « Le renouveau de la théorie du contrat administratif et ses difficultés », Mélanges Stassinopoulos, 1974, p. 217 ; « Le critère du contrat
administratif en crise », Mélanges Waline, 1974, t. II, p. 831 ; Drago, Paradoxes sur les contrats administratifs, Mélanges J. Flour, 1979, p. 151 ;
P. Amselek, « La qualification des contrats de l'administration par la jurisprudence », AJDA 1983. 3 ; J.-M. Rainaud, « Le contrat administratif : volonté
des parties ou loi du service public ? », RD publ. 1985. 1183 ; F. Brenet, « La théorie du contrat administratif : évolutions récentes », AJDA 2003. 919.
902. N. Boulouis, « Contrats entre personnes privées », Mélanges Richer, p. 27.
903. La loi précitée (v. ss 464) du 20 juill. 1975 a infirmé cette solution.
904. Prévost, « À la recherche du critère du contrat administratif : la qualité des contractants », RD publ. 1971. 817 ; A. Sevino et L. Klein, « Marchés
des concessionnaires d'autoroutes : la fausse simplification opérée par la J.P. Peyrot », AJDA 2012. 1268.
905. J.-A. Mazères, « Que reste-t-il de la jurisprudence Sté Entreprise Peyrot ? », Mélanges Couzinet, 1975, p. 475 ; F. Llorens, « Mandat et code des
marchés publics », Mélanges Moderne, p. 557.
906. G. Clamour : « Chassez le naturel, il revient au galop », AJDA 2015.601.
907. Pour un exemple de l'application de cette réserve : CE 17 juin 2015, Sté des autoroutes Paris Rhin Rhône, Rec. 203.
908. Douence, « Les conventions entre personnes publiques », Mélanges Stassinopoulos, 1974, p. 113 ; Moderne, « Les conventions entre personnes
publiques », RFDA 1984. 1 ; B. Stirn, « Le juge administratif et les contrats entre collectivités publiques », AJDA 1990. 139 ; J. Waline, « Les contrats
entre personnes publiques », RFDA 2006. 229.
909. Sur les conditions de la résiliation d'une telle convention et sur ses conséquences : CE 27 février 2015, Commune de Béziers, AJDA 2015.1482,
note Bourdon.
91. G. Vedel, « Discontinuité du droit constitutionnel et continuité du droit administratif », Mélanges Waline, 1974, t. II, p. 777.
910. J. Waline : « Marceau Long et le critère du service public », Mélanges M. Long, p. 483 ; J.F. Lachaume, « Le Président M. Long et la
revalorisation du service public », Mélanges M. Long, p. 315.
911. T. confl., 25 mars 1996, AJDA 1996. 399, et la note de J.-H. Stahl et D. Chauvaux, ibid., p. 355, RFDA 1996. 819, concl. Martin ; CE 26 juin
1996, Cne de Céreste, AJDA 1996. 808. Sur les limites de la jurisprudence Berkani : T. confl., 22 mai 2006, M. Crohin c/ Service maritime des B. du R.,
AJDA 2006. 39, concl. Chauvaux ; Sur la jurisprudence antérieure, très abondante, cf. notamment CE 30 avr. 1956, Époux Bertin, GAJA, no 68 et la
jurisprudence citée .
912. Vedel, « Remarques sur la notion de clause exorbitante », Mélanges Mestre, p. 527 ; Lamarque, « Le déclin du critère de la clause exorbitante »,
Mélanges Waline, 1974, t. II, p. 497 ; Ch. Fardet, « La clause exorbitante et la réalisation de l'intérêt général », AJDA 2000. 115 ; N. Dantonel-Cor, « Le
critère de la clause exorbitante : un Janus à double face », JCP A 2008. 2047.
913. M. Gros, « L'erreur de Léon Blum ? », AJDA 2013. 1489 ; J.C. Venezia, « Complément au Printemps de la jeune recherche », RFDA 2012. 1229.
914. J. Martin : « D'une définition à l'autre : nouvelles et anciennes difficultés à identifier les clauses révélant un contrat administratif », RFDA 2015.
23 ; A. Basset : « De la clause exorbitante au régime exorbitant du droit commun (à propos de l'arrêt Sté Axa) », RD publ. 2015. 869.
915. Cf. pour l'application au contrat administratif de la notion civiliste de dol, CE 23 juin 1978, Consorts Michel, AJDA 1979, no 1, p. 42 ;
F. Moderne, « Permanence et actualité d'une théorie classique : le dol dans la formation des contrats de l'Administration », CJEG, mars 2001. 91 ; article
Y. Weber, préc.
916. F. Gartner, « Des rapports entre contrats administratifs et intérêt général », RFDA 2006. 19.
917. Dossier : « Contentieux des contrats publics », AJDA 2011. 308 s. ; Dossier : « Le contentieux des contrats publics en Europe », RFDA 2011.
1 s. ; Ph. Terneyre, « Les principaux recours contentieux en matière de contrats administratifs », BJCP 2010, no 69, p. 14 ; J.F. Lafaix, « Le juge du
contrat face à la diversité des contentieux contractuels », RFDA 2010. 1089.
918. J. Waline : « Plein contentieux et excès de pouvoir », RDP 2016. 1551 ; D. Pouyaud : « Que reste-t-il du REP dans le contentieux des
contrats ? », RFDA 2015. 727. ; P. Delvolvé : « Précisions sur la validité et le contentieux des contrats », RFDA 2015. 907.
919. Dès 1933, Marcel Waline soulignait combien la règle selon laquelle on ne peut pas invoquer la violation d'un contrat à l'appui d'un recours pour
excès de pouvoir lui paraissait contestable : note sous CE 10 nov. 1933, Cie des Iles Kerguelen, St Paul et Amsterdam, Notes, T.1, n° 107 ; W. Kloepfer,
« Réflexions sur l'admission du REP en matière contractuelle », AJDA 2003. 585 ; P. Wachsmann : « La recevabilité du REP à l'encontre des contrats »,
RFDA 2006. 24 ; J. Waline, « Contrats et REP », Mélanges Labetoulle, p. 859 ; Dossier : « Les recours contre les contrats : – en droit interne ; – en droit
communautaire », RFDA 2007. 917 s ; Contrat et REP, J. Léger et J.M. Pontier (dir.), PUAM, 2008, 303 p.
92. Amestoy, L'inspection générale des services administratifs ; Lalumière, L'inspection générale des Finances, Th., Paris, 1956. Il convient de
préciser que les fonctionnaires de plus en plus nombreux auxquels le titre d'inspecteur a été conféré pour des raisons de prestige (inspecteurs des
contributions directes, de la sûreté, etc.) n'appartiennent pas pour autant à des corps d'inspection.
920. Il s'agit de décisions prises au cours de la procédure de passation du contrat, par exemple la délibération du conseil municipal autorisant le maire
à signer le contrat, et qui sont considérées comme ayant une individualité « se détachant du contrat » : v. CE 28 avr. 2006, École 4 active bilingue
Jeannine Manuel, RFDA 2006. 637. L'annulation d'un acte détachable n'entraîne pas nécessairement l'annulation du contrat : CE 6 nov. 2013, Cne de
Marsannay-la-Côte, p.261 ; CE 29 déc. 2014, Cne d'Uchaux, p.416, Concl. Daumas ; L. Janicot : « Réflexions sur la théorie de l'acte détachable dans le
contentieux contractuel », RD publ. 2011. 347 ; L. Marcovici : « Sauvons l'arrêt Martin », AJDA 2013. 1297 ; « Vers la fin de la jurisprudence Martin ? »,
AJDA 2014. 654.
921. Ph. Terneyre : « Réflexions nouvelles sur les clauses à caractère réglementaire des contrats administratifs à objet de service public », RFDA
2011. 893 ; Gourdon et Terneyre : « Pour une clarification du contentieux de la légalité en matière contractuelle », CJEG, 1999. 249.
922. Table Ronde : « L'accès des tiers au juge du contrat », RDP 2014. 1148 ; S. Braconnier : « Contentieux des contrats : le choc de sécurisation ? »,
AJDA 2014. 945.
923. St. Douteaud : « Face au contrat le Préfet reste-t-il un requérant super privilégié ? », AJDA 2012. 2154 ; sur la procédure : CE 19 avr. 2012, Cne
de Mandelieu-la-Napoule, AJDA 2013. 821.
924. 663. L. Marguery, « La loyauté des relations contractuelles en droit administratif », RFDA 2012. 663.
925. P. Delvolvé, « Les nouveaux pouvoirs du juge administratif dans le contentieux des contrats », Mélanges Perrot, p. 83.
926. D. Katz, Juge administratif et droit de la concurrence, PUAM, 2004, 473 p.
927. « Collectivités publiques et concurrence », Rapport public du Conseil d'État pour 2002, EDCE, no 53, p. 215.
928. J. F. Auby et F. Bronnier, L'Europe des marchés publics, AJDA 1990. 252 ; C. Brechon-Moulenes, La concession de service public face au droit
communautaire ; Flamme, Enfin l'Europe des marchés publics, AJDA 1989. 651 ; Chronique des textes communautaires, AJDA, 1993. 171 ; J. Arnould,
RFDA 2000. 1015 ; Les nouvelles directives coordonnant les procédures de passation des marchés publics : Directive 2004/18/CE (travaux, fournitures et
services) ; Directive 2004/17/CE (eau, énergie, transport, services postaux). V., S. Pignon, AJDA 2004. 1411 ; le Parlement européen a voté, le 15 janvier
2014, les nouvelles directives marchés et concessions (AJDA 2014. 76) et le Conseil de l'Union européenne a adopté définitivement celles-ci le 16 février
2014 (AJDA 2014. 309). Sur ces textes, v. St. Braconnier, « Le droit européen retrouve ses repères », AJDA 2012. 2241 ; sur les inquiétudes de certains,
AJDA 2013. 1024.
929. J. Savoye, « De la répression du délit de favoritisme et autres infractions en matière de marchés publics », D. 1999. Chron.169 ; S. Pignon, « La
réforme de la commande publique », AJDA 2002. 33 ; J.F. Finan : « Sourcing et délit de favoritisme », AJDA 2015. 2289.
93. Y. Weber, L'Administration consultative, 1968 ; M. Long, « Du bon usage des commissions », RFDA 1994. 599.
930. B. Poujade, « Le référé précontractuel : un bilan », LPA, 14 mai 1997. 17 ; Lagumina et Philippe, « Le référé précontractuel. Bilans et
perspectives », AJDA 2000. 283 ; F. Llorens, « Le référé précontractuel entre continuité et changement », Annales de la Fac. de droit de Strasbourg,
Nouvelle Série, no 5, 2002, p. 27 ; Qu'apporte le référé-suspension par rapport au référé précontractuel ?, Commentaire de : CE 29 avr. 2002, Sté Apsys
International et autres, AJDA 2002. 419 ; B. Poujade, « Le référé précontractuel », RFDA 2002. 279 ; N. Ach, « Le référé précontractuel : une réforme
inachevée », AJDA 2002. 1422 ; M. Berbari et autres, La pratique des référés précontractuels, Ed. du Moniteur, 2004, 277 p. ; F. Dieu, « L'irrésistible
extension des pouvoirs du juge des référés précontractuels », AJDA 2007. 782 ; E. Benguigui, « Le référé précontractuel constitue-t-il toujours une voie
de recours efficace et rapide ? », JCP A 2009. I. 147 ; P. Cassia, « Coup d'arrêt au référé précontractuel », AJDA 2008. 2374 ; J. D. Dreyfus, « Pour un
renouveau du référé précontractuel », AJDA 2010. 1553 ; O. Agnus : « Un an de référés précontractuels au ministère de la défense », AJDA 2014. 1198.
931. CE 29 avr. 2015, SYVADE, AJDA 2015. 903.
932. Rapport préc., EDCE 2008. 271.
933. P. Cassia, « Le référé contractuel : beaucoup de bruit pour – presque – rien », Mélanges Richer 561.
934. J.D. Dreyfus, « L'amélioration de l'efficacité des procédures de recours en matière de passation des contrats de commande publique », AJDA
2009. 1145, et « L'émergence d'un droit commun de la commande publique en matière de procédures de recours », AJDA 2010. 148.
935. Sur l'application de cette disposition : CE 10 nov. 2010, France Agrimer, AJDA 2011. 51, note J.D. Dreyfus ; CE 30 sept. 2011, Commune de
Maizières-les-Metz, Rec. 450 ; CE 30 nov. 2011, Sté DBM Protection, Rec. 597 ; CE 23 déc. 2011, Min. de l'Intérieur, Rec. 662.
936. A. Jossaud, « Pour un droit public des marchés », AJDA 2002. 1481 ; J.-M. Quennehen, « La passation des marchés sans formalités préalables »,
AJDA 2002. 1478 ; S. Braconnier, Droit des marchés publics, Imp. nat., 2002, 396 p. ; C. Lajoye, Droit des marchés publics, 2003, 177 p. ; P. Schultz,
Éléments du droit des marchés publics, LGDJ, 2002, 190 p. ; L. Bodin, « La dématérialisation des procédures », AJDA 2003. 2355 ; AJDA 2009. 2430 ;
F. Lichère, « La simplification du droit des marchés publics », RD publ. 2003. 1529 ; J.-F. Lafaix, « Réflexions sur la sanction des règles relatives aux
procédures de passation des contrats publics », RFDA 2010. 85.
937. Quancard, L'adjudication des marchés publics, Thèse, Paris, 1945.
938. Le Conseil d'État avait jugé que, pour l'attribution du marché, l'administration ne peut pas se fonder sur le critère dit du « mieux disant social » :
CE 25 juill. 2001, Commune de Gravelines, AJDA 2002. 46, concl. Piveteau ; mais la CJCE a eu l'occasion de prendre parti pour le mieux-disant social
(arrêt du 26 septembre 2000, Commission c/ France, RD imm. 2001.61, obs. F. Llorens et P. Soler-Couteaux). Le législateur français est intervenu pour
désavouer le CE : l'art. 58 de la loi du 18 janvier 2005, dite « loi Borloo », redonne vie au critère social comme critère d'attribution des marchés. Sur tous
ces points, v. H. Pongérard-Payet, « Le critère social exprès d'attribution : un cadeau en trompe-l'œil fait aux élus », AJDA 2006. 635 ; CE 25 mars 2013,
Dépt de l'Isère, AJDA 2013. 1398, note J. Martin ; Le droit communautaire permet également de prendre en compte les critères écologiques : CJCE
17 sept. 2002, Concordia Bus Finland Oy AB, AJDA 2003. 433 et AJDA 2002. 780 mais ceux-ci ne sont pas obligatoires : CE 23 nov. 2011, Cté urbaine
de Nice-Côte d'Azur, AJDA 2011. 2321. Sur le critère de l'impact environnemental : CE 15 févr. 2013, Sté Derichebourg Polyurbaine, AJDA 2013. 1083.
939. V. F. Llorens, « Principe de transparence et contrats publics », Contrats et marchés publics n° 1, janv. 2004, p. 4 ; C. Maugüe, « La portée de
l'obligation de transparence dans les contrats publics », Mélanges Moderne, p. 625 ; C. Bréchon-Moulènes, « De la loyauté de l'autorité publique
contractante », Mélanges Moderne, p. 439 ; sur l'application du principe de transparence : CE, Sect., 30 janv. 2009, ANPE, Rec. 3, Concl. Dacosta; CE
18 juin 2010, Cne de Saint-Pol-de-Léon, AJDA 2010. 1234.
94. v. M.C. de Montecler, « Observatoires, commissions et conseils », AJDA 2012. 2345.
940. L. Bodin, « La dématérialisation des procédures dans le code des marchés publics », AJDA 2006. 1777 ; CE, 3 oct. 2012, Dépt des Hauts-de-
Seine, AJDA 2388, note J. Martin.
941. Décret n° 2015-1163 du 17 sept. 2015 modifiant certains seuils relatifs aux marchés publics (JO 20 sept. 2015, p. 16629) ; Décret n° 2015-1904
du 30 déc. 2015, modifiant les seuils applicables aux marchés publics (JO 31 déc. 2015, p. 25473) ; AJDA 2015. 1953.
942. M. Morales : « Le prix négatif dans les marchés publics », AJDA 2015. 1527.
943. Dossier : « Les enjeux de l'open data », AJDA 2016. 78.
944. S. Chavarochette-Boufferet, « Vers un second souffle de l'hypothèse particulière du in house », AJDA 2008. 2147 ; L. Rapp., « Quasi régie, quasi
régime », AJDA 2010. 588 ; Taha Bangui, « L'évolution de la jurisprudence de la CJUE et du CE relative au contrat in house depuis l'arrêt Teckal », JCP
A 2010. 2182 ; G. Miller, « Les Chambres régionales et territoriales des Comptes et les contrats in house », AJDA 2011. 550 ; B. Delaunay, « L'exception
in house aux exigences du droit de l'UE en matière de mise concurrence », RD publ. 2011. 722.
945. M. Karpenschif, « Vers la fin des SPL tentaculaires ? », AJDA 2013. 257.
946. Montmerle, Commentaire pratique des CCAG imposés aux entrepreneurs de travaux des ponts et chaussées, 2 vol., 1951.
947. La loi nouvelle ne s'applique pas aux contrats en cours : CE 21 mars 21012, Sté EDF, RFDA 2012. 594 ; E. Saillant, L'application des règles
nouvelles aux contrats en cours, AJDA 2014. 509.
948. J.S. Boda : « L'évolution des pouvoirs d'injonction du juge pour faire exécuter les contrats administratifs », RFDA 2014. 1061 ; N. Symchowicz :
« L'intervention du juge du contrat dans l'exécution des contrats administratifs », AJDA 2015. 320.
949. F. Moderne, La sous-traitance des marchés publics, 1995 ; Actualité de la sous-traitance, Dossier ACCP 2011/106, p. 26 ; S. Palmier : « Sur la
nature juridique de l'acte spécial de sous-traitance », AJDA 2015. 2358.
95. « Consulter autrement, Participer effectivement », Rapport public du CE 2011, no 62. V. Interview du Président adjoint de la Section du Rapport
et des Études, Jacky Richard in AJDA 2011. 1292.
950. F. Lemaire, « La force majeure : un événement irrésistible », RD publ. 1999. 1723 ; L. Jegouzo, « L'application de la force majeure en droit des
contrats », Mélanges Richer, p. 463.
951. H. Hoepffner, « La modification du contrat administratif », Préface Y. Gaudemet, LGDJ, Tome 260, 2009.
952. L'Huillier, « Les contrats administratifs tiennent-ils lieu de loi à l'administration ? », D. 1953. Chron. 87 ; Benoit, JCP 1963. I. 1775. – En sens
contraire : De Laubadère, « Du pouvoir de l'administration d'imposer unilatéralement des changements aux dispositions du contrat administratif », RD
publ. 1954. 36.
953. P. Terneyre, « Plaidoyer pour l'exception d'inexécution dans les contrats administratifs », Mélanges Labetoulle, p. 803.
954. Bosc, « Le régime des pénalités dans les marchés de fournitures », RD publ. 1921. 215.
955. G. Eckert, « Les aspects financiers de la réforme du Code des marchés public », Contrats et marchés publ. no 2, févr. 2004, p. 49.
956. L. Vidal, L'équilibre financier du contrat dans la jurisprudence administrative, Bruylant, 2005, 1 392 p., préface Bréchon-Moulènes ;
N. Symchowicz, « L'introuvable droit au maintien de l'équilibre financier dans les contrats administratifs », Mélanges Richer, p. 463.
957. CE 5 déc. 1990, Sté Rapetto, RD publ. 1992. 1535.
958. Badaoui, Le fait du prince dans les contrats administratifs, thèse, Paris, 1954 ; A. Ruellan et A. Hugé, « Le partage des risques et la portée
matérielle des théories de la force majeure, du fait du prince et de l'imprévision », AJDA 2006. 1597.
959. R. Alibert, « L'imprévision dans les concessions de service public », 1926 ; Bosc, RD publ. 1936. 441. ; J. Antoine, « La mutualité contractuelle
née de faits nouveaux extérieurs aux parties », RFDA 2004. 80 ; S. Abbatucci, B. Sablier et V. Sablier, « Crise de l'acier et retour de l'imprévision dans les
marchés de travaux », AJDA 2004. 2192 ; L. Clouzot, « La théorie de l'imprévision en droit des contrats administratifs : une impossible désuétude »,
RFDA 2010. 937.
96. Colloque « Les autorités administratives indépendantes : une rationalisation impossible ? », RFDA 2010. 873 s. ; F. Gazier et Y. Cannac, Les
autorités administratives indépendantes, étude de la commission du Rapport du CE, EDCE, no 13, 1983-84, p. 13 ; P. Sabourin, Les autorités
administratives indépendantes, une catégorie nouvelle, AJDA 1983. 275 ; J. Chevallier, Réflexions sur l'institution des autorités administratives
indépendantes, JCP 1986. I, no 3254 ; J.-M. Guedon, Les autorités administratives indépendantes, 1991 ; Les autorités administratives indépendantes,
Rapport public du CE, 2001, EDCE, no 52, p. 253 ; Cahiers de la FP, 2000, no 190, p. 1 ; C.A. Colliard et G. Timsit, Les autorités administratives
indépendantes, PUF, Coll. « Les Voies du droit », 1988 ; M. Gentot, Les autorités administratives indépendantes, Montchrestien, Coll. « Clefs », 1994,
2e éd. ; D. Linotte et G. Simonin, L'autorité des marchés financiers, prototype de la réforme de l'État, AJDA 2004. 143 ; M. Degoffe, Les Autorités
publiques indépendantes, AJDA 2008. 622 ; J. Ph. Feldman, « Les AAI sont-elles légitimes ? », D. 2010. 2852 ; Q. Epron, « Le statut des autorités de
régulation et la séparation des pouvoirs », RFDA 2011. 1007 ; S. Martin, « Les autorités publiques indépendantes : réflexions autour d'une nouvelle
personne publique », RD publ. 2013. 53.
960. J. de Soto, « Imprévision et économie dirigée », JCP 1950, I, no 817 ; note Rivero, JCP 1948. II, no 4320.
961. Traité des contrats administratifs, 1re éd. n° 485 s. ; 2e éd. n° 756 s.; « Les éléments d'originalité de la responsabilité contractuelle de
l'administration », Mélanges Mestre, p. 383.
962. V. cependant, R. Chapus, « Responsabilité publique et respnsabilité privée », n° 368 s. ; Es. Chasseriau : « Les rapports de la responsabilité
contractuelle et de la responsabilité extracontractuelle en droit administratif », thèse Paris, 1952.
963. L'exposé de cette question doit beaucoup à la description qu'en donne le Traité des contrats administratifs d'A. de Laubadère, Franck Moderne et
Pierre Delvolvé, 2e éd., Tome 1, Ch. 2.
964. La loi précitée du 29 janvier 1993 (v. ss 471), pour permettre à la concurrence de jouer plus fréquemment, a fixé une durée limitée aux
concessions qu'elle vise. Dans le même esprit le CE juge que « le contrat résultant de l'application d'une clause de tacite reconduction a le caractère d'un
nouveau contrat », ce qui implique la soumission aux obligations de publicité et de mise en concurrence : CE 29 nov. 2000, Commune de Païta, AJDA
2001. 101 ; CE, 23 mai 2011, Dépt. de la Guyane, AJDA 2011. 1564, note Ziani ; L. Richer, « Sur la tacite reconduction des marchés publics », AJDA
2001. 219.
965. V. CE 4 juin 1999, Cie Gale de Chauffe, D. 2000.219, note Haïm.
966. Un marché peut cependant prévoir sa résiliation sans indemnité : CE 19 déc. 2012, Sté AB Trans, AJDA 2013. 722.
967. Cf. F. Gartner, « L'extension de la responsabilité pénale aux personnes publiques », RFDA 1994. 126 ; J. Moreau, « La responsabilité pénale des
personnes morales en droit public français », LPA 1996, no 149, p. 4.
968. A. de Laubadère, « Les éléments d'originalité de la responsabilité contractuelle de l'administration », Mélanges Mestre, p. 383. On ne peut pas
invoquer un contrat à l'appui d'une demande d'indemnité dans un recours visant à engager la responsabilité quasi-délictuelle de l'État : CE, 31 mars 2014,
Union synd. de Charvet, Union synd. des Villards, AJDA 2014. 1725, note Clamour ; sur l'option entre responsabilité contractuelle et extra-contractuelle :
CE, Sect. 19 juin 2015, SIBP SAS, Rec. 207.
969. J. Waline, « L'évolution de la responsabilité extracontractuelle des personnes publiques », EDCE 1995, no 46, p. 459 ; L. Karam-Boustany,
L'action en responsabilité extra-contractuelle devant le juge administratif, LGDJ, Bibl. droit public, 2007.
97. Créée par la loi du 6 janvier 1978, modifiée par la loi du 6 août 2004. Le décret no 2011-2023 du 29 décembre 2011 modifie le décret du
20 octobre 2005 en ce qui concerne les pouvoirs de contrôle et de sanction de la CNIL ; L. Cytermann : « La loi Informatique et libertés est-elle
dépassée ? », RFDA 2015. 99 ; v. le Rapport d'activité 2014 : AJDA 2015. 788.
970. Ouvrages généraux sur la responsabilité : Chapus, Responsabilité publique et responsabilité privée, 2e éd., 1958 ; Rougevin-Baville, La
responsabilité administrative, 1992 ; M.-A. Latournerie, « Responsabilité publique et Constitution », Mélanges Chapus, p. 353 ; M. Paillet, La
responsabilité administrative, Dalloz, 1996 ; Ch. Guettier, La responsabilité administrative, LGDJ, 1996 ; G. Darcy, La responsabilité de
l'Administration, Dalloz, coll. « Connaissance du Droit », 1996 ; J. Moreau, La responsabilité administrative, PUF, coll. « Que Sais-je ? », 1995 ; Vers de
nouvelles normes en droit de la responsabilité publique ?, Colloques du Sénat, Actes du colloque des 11 et 12 mai 2001, 398 p.
971. V. AJDA 2005. 573 ; Renaud Denoix de Saint Marc, « Vers une socialisation raisonnée du risque », AJDA 2005. 2201.
972. Sur l'évolution du problème : Koechlin, La responsabilité de l'État de l'an VIII à 1875, 1957 ; G. Teissier, La responsabilité de la puissance
publique, 1906 ; M. Deguergue, Jurisprudence et Doctrine dans l'élaboration du droit de la responsabilité administrative, 1994.
973. Berlia, « Essai sur les fondements de la responsabilité en droit public français », RD publ. 1951. 685 ; Benoit, « Le régime et le fondement de la
responsabilité de la puissance publique », JCP 1954, I, no 1178.
974. Duguit, « Coexistence des actions en responsabilité », RD publ. 1923. 23 ; Long, « La responsabilité de l'administration pour les fautes
personnelles commises par ses agents, EDCE, no 7, p. 20.
975. Castagne, « Contribution à la théorie de la responsabilité des fonctionnaires à l'égard de l'administration », RD publ. 1958. 676 ; F. Roques,
« L'action récursoire dans le droit administratif de la responsabilité », AJDA 1991. 75.
976. M. Waline, « De l'irresponsabilité des fonctionnaires pour leurs fautes personnelles », RD publ. 1948. 5.
977. Maestre, « La responsabilité civile des agents publics à l'égard des collectivités publiques doit-elle être abandonnée ? », Mélanges Waline, 1974,
t. II, p. 575 ; Becet, « L'échec du système actuel de la responsabilité pécuniaire des agents publics à l'égard de l'administration », Mélanges
Stassinopoulos, 1974, p. 165 ; C. Lalumière, La responsabilité pécuniaire des agents publics envers les collectivités publiques, 1968 ; O. Gohin, Le retour
à la garantie des fonctionnaires, note sous T. confl., 19 oct. 1998, Préfet du Tarn/CA de Toulouse, D. 1999. 127 (arrêt rendu sur conclusions contraires) ;
pour un exemple d'action récursoire : CE 19 oct. 2001, Min. de la Défense c/ Stedile, p. 470.
978. Sur l'ensemble du problème, outre Chapus, op. cit., cf. Eisenmann, Sur le degré d'originalité de la responsabilité extracontractuelle des personnes
publiques, JCP 1949, I, no 724 et 751 ; Benoit, « Essai sur les conditions de la responsabilité en droit public et privé », JCP 1957, I, no 1351 ; Cornu,
Étude comparée de la responsabilité en droit public et en droit privé, thèse, Paris 1951.
979. Sur l'influence du droit communautaire v. : J. Moreau, « L'influence du développement de la construction européenne sur le droit français de la
responsabilité de la puissance publique », Mélanges Boulouis, p. 409 ; D. Simon, « Droit communautaire et responsabilité de la puissance publique.
Glissements progressifs ou révolution tranquille ? », AJDA 1993. 235 ; S. Théron, « Les évolutions de la responsabilité de l'État français au regard du
droit communautaire », RD publ. 2006. 1325.
98. S. Nicinski, « L'Autorité de la concurrence », RFDA 2009. 1237.
980. L. Bahougne : « Le principe selon lequel l'État est son propre assureur », RFDA 2014. 1167.
981. En ce sens, la Cour de cassation a décidé que les dispositions exonératoires de l'art. L. 13 C. P. et T. ne s'imposent que dans le cas où la Poste n'a
commis aucune faute lourde : Cass., Ass. plén., 30 juin 1998, Cabane/Cie nat. Air-France, CJEG 1999. 47, Rapport Apollis ; Civ. 1re, 19 sept. 2007, Sté
Sacer Atlantique, D. 2007. 2469 ; Com. 7 sept. 2010, D. 2010. 2515.
982. Ch. Sénac, « Le concept d'irresponsabilité de la puissance publique », RFDA 2011. 1198.
983. Colliard, Le préjudice dans la responsabilité administrative, thèse, Aix, 1938 ; F. de Baecque, « Règles de la jurisprudence administrative
relatives à la réparation du préjudice », RD publ. 1944. 197 ; Taugourdeau, « Le caractère certain et direct du préjudice en matière de responsabilité extra-
contractuelle de la puissance publique », AJDA 1974. 503 ; I. Poirot-Mazères, « La notion de préjudice en droit administratif français », RD publ. 1997.
519 ; Ch. Cormier, « Le préjudice en droit administratif français », Bibl. de droit public, 2002 ; V. Rebeyrol, « Où en est la réparation du préjudice
écologique ? », D. 2010. 1804 ; Dossier : « La réparation du préjudice en droit administratif », AJDA 2014. 1805 ; sur l'influence de la distinction des
contentieux : CE, 22 sept. 2014, AJDA 2015. 122, note A. Perrin ; pour un arrêt détaillant toutes sortes de préjudice : CE, Sect. 5 déc. 2014, Consorts
D. Rec. 364. Pour le préjudice d'accompagnement : CE 10 déc. 2015, AJDA 2016. 500, Concl. Marion.
984. Cas, par exemple, d'un candidat irrégulièrement évincé du concours pour la construction du Stade de France, mais qui n'avait aucune chance de
l'obtenir : CE 30 juin 1999, Sarfati, p. 222 ; mais indemnisation de la perte de revenus potentiels du conjoint défunt : CE 13 oct. 2004, Veuve Y c/ Gaz de
France, AJDA 2005. 48, note Hul ; Indemnisation totale de la perte d'une chance d'obtenir satisfaction devant le Conseil d'État : CE 5 juill. 2006,
Mme Hudelot, AJDA 2006. 1418 ; pour le mode d'indemnisation du préjudice futur : CE 4 déc. 2009, Cons. El Khebbaz, AJDA 2009. 2321 ; perte d'une
pension de retraite : CE 4 mars 2011, M. Chrétien, AJDA 2011. 1518 ; pour un exemple de préjudice direct et certain : CE, 7 mai 2015, AJDA 2015. 1896.
985. Pour l'application de la « causalité adéquate » v. CE 28 oct. 2009, Min. Transports, Cne Le-Rayol-Canadel/M. Therme, AJDA 2010. 168, note
J.P. Gilli. ; Sur la perte d'une chance : CE 18 févr. 2010, Consorts Ludwig, RFDA 2010. 791, note Canedo-Paris.
986. Morange, « La spécialité du préjudice en droit administratif », D. 1953. Chron. 165.
987. Pas de responsabilité sans faute en l'absence d'un préjudice spécial : CE 25 sept. 2015, M. B. et Sté Planet Bloo holding, AJDA 2016. 450, note
A. Minet-Leleu.
988. Morange, « La notion de situation illégitime dans le contentieux de la responsabilité », D. 1953. Chron. 37 ; Gest, « Violation d'un droit et
atteinte à une situation juridiquement protégée dans le contentieux de la responsabilité publique », RD publ. 1981. 1645.
989. Morange, Chroniques, D. 1948. 105, 1953. 91, et 1962. 15 (à la suite de l'arrêt Letisserand).
99. S. Gouhier, « La déontologie de la sécurité sous surveillance d'une autorité administrative indépendante : une loi pour rassurer les citoyens ? »,
RFDA 2002. 384.
990. Sur l'application pratique de cette jurisprudence : Isaac, « Après l'arrêt Letisserand : dix années de la réparation de la douleur morale par le
Conseil d'État », Mélanges Couzinet, 1975, p. 387. La Cour de cassation a admis qu'une personne morale, en l'occurence une société, puisse demander
réparation d'un préjudice moral : Com. 15 mai 2012, D. 2012. 2285, note B. Dondero.
991. F. Moderne, « Sur le devenir de la notion de troubles dans les conditions d'existence », AJDA 1976. 240.
992. V. l'arrêt du Conseil d'État renvoyant l'affaire au Conseil constitutionnel : CE 14 avr. 2010, Mme Lazare, RFDA 2010. 696 avec les conclusions
de Salins ; v. la décision du Cons. const. du 11 juin 2010, no 2010-2 QPC in RFDA 2010. 700.
993. D. Vigneau, « La constitutionnalité de la loi “anti-Perruche” », D. 2010. 1976 ; V. Bernaud et L. Gay, « Le Conseil constitutionnel face au
contentieux du handicap non décelé au cours de la grossesse », D. 2010. 1980 ; J. Sainte-Rose et Ph. Pédrot, « La validation par le Conseil constitutionnel
du dispositif “anti-Perruche” et du régime de responsabilité des professionnels et établissements de santé », D. 2010. 2086.
994. Cet avis admet également la conformité de la loi du 4 mars 2002 aux dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme.
995. Qu'est-ce qu'une procédure en cours ? : CE, Ass., 13 mai 2011, Mme L., Mme D. et M. V., AJDA 2011. 991, obs. Brondel.
996. P. Chevalier, « Les suites tirées par la Cour de cassation de la décision du Conseil constitutionnel sur la loi dite “anti-Perruche” », Avis sous
Civ. 1re, formation plénière, audience du 29 novembre 2011, RFDA 2012. 364.
997. Sur l'ensemble des problèmes ainsi posés, V., A. Ravelet, « La jurisprudence Quarez sous le coup de la loi Perruche », RD publ. 2002. 1389 ;
A. Sériaux, « Perruche et autres, la Cour de cassation entre mystère et mystification », D. 2002. 1997 ; B. Edelmann, « L'arrêt Perruche : une liberté pour
la mort ? », D. 2002. 2349.
998. Celle-ci est conforme à la Constitution : Cons. const. QPC 18 juin 2012, M. Boualem, AJDA 2012. 1191, obs. Brondel.
999. V. CE 25 juin 2008, CPAM de Dunkerque, AJDA 2008. 1727, Concl. Thiellay.

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