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Faculté de droit, sciences économiques et gestion

Master 2 Droit Public Approfondi


Année universitaire 2021-2022

La sécurisation juridique des actes d’achat


Mémoire de stage présenté par FEUILLEUSE Sophie
Sous la direction de M. GUSET Victor
Maître de conférences à l’Université de Rouen

Stage au sein de la Direction Juridique et des Marchés, sous la direction de M.


DUBOISSET Laurent et Mme BOTSILAZA Fanja
Mémoire encadré par Mme LE BRIS Karine, en charge de la fonction « Pilotage des
achats »

1
2
Remerciements

Je souhaite dans un premier temps remercier les professeurs qui sont intervenus
dans le cadre du Master 2 Droit Public Approfondi pour m’avoir initié à la recherche et
appris les éléments qu’un juriste se doit de connaitre pour exercer son futur métier.

Je tiens également à remercier Monsieur GUSET Victor, Maître de conférences à


l’université de Rouen, pour avoir accepté d’encadrer ce mémoire.

Je tiens à remercier Monsieur DUBOISSET Laurent, directeur de la direction, pour


m’avoir accueilli au sein de celle-ci.

Un merci tout particulier à Madame BOTSILAZA Fanja, directrice adjointe de la


direction, pour la qualité de la formation donnée, la confiance accordée mais aussi et
surtout pour l’aide dans la rédaction de ce mémoire et les relectures attentives.

Merci également à Madame LE BRIS Karine, ma tutrice, pour tout ce qu’elle m’a
appris durant ce stage : professionnellement et humainement, pour sa bienveillance et
son écoute.

Merci au service achat, au service marchés publics et au service conseil juridique


et des assurances, pour votre temps et votre disponibilité, la qualité des conseils
donnés et votre bienveillance.

Enfin, je tiens à remercier mon père et ma belle-mère pour leur confiance et pour
leurs relectures de ce mémoire.

3
Sommaire

Remerciements………………………………………………………………………………3
Sommaire ................................................................................................................... 4
Liste des abréviations ................................................................................................. 5

Mémoire de stage : Le Département de la Seine Maritime……………………………...7

Chapitre 1 : le Département en tant que collectivité territoriale…………………………7


Chapitre 2 : la Direction Juridique et des Marchés……………………………………….14

Mémoire de recherche : la sécurisation des actes d'achats…………………………...26

Introduction………………………………………………………………………………….26

Partie 1 : la sécurisation des actes d'achat par l'Administration.................................33

Chapitre 1 : la sécurisation dans la préparation du marché…………………………….35


Chapitre 2 : la sécurisation en phase de passation……………………………………..42
Chapitre 3 : la sécurisation à toutes les étapes de la procédure…………….…………51

Partie 2 : la sécurisation juridique des actes d’achat par le juge administratif…………56

Chapitre 1 : L’élargissement des recours contre le contrat, vecteur d’insécurité……………...57


Chapitre 2 : la prévalence de la sécurité juridique par le juge………………………….66

CONCLUSION : ........................................................................................................ 84

4
Liste des abréviations

CE Conseil d’État
CAA Cour administrative d’appel
TA Tribunal administratif
CJUE Cour de Justice de l’Union Européenne
CRC Cour régionale des comptes
CJA Code de justice administrative
OCDE Organisation de coopération et de développement économique
CCP Code de la commande publique
CCSPL Commission consultative des services publics locaux
CAO Commission d’appel d’offres
MOP Moyens d’ordre public
DCE Dossier de Consultation des Entreprises
JOUE Journal Officiel de l’Union Européenne

5
6
Mémoire de stage : Mon stage au sein du Département de
la Seine Maritime

Mon stage au sein du Département de la Seine Maritime se déroule sur une


période de 6 mois du 1er avril au 30 septembre 2022.
Je suis en charge d’assister ma tutrice Mme LE BRIS Karine sur la fonction « pilotage
des achats ».

Le premier chapitre de cette partie porte sur le Département en tant que


collectivité, le second est un focus sur la Direction juridique et des marchés où mon
stage s’effectue et sur les missions qui m’ont été confiées.

Chapitre 1 : le Département en tant que collectivité territoriale

Section 1 : Histoire du Département

A la veille de la Révolution française, l’organisation territoriale de la France est


complexe. Les circonscriptions administratives, militaires, ecclésiastiques, judiciaires
et fiscales ne se recoupent pas.
Des projets de création des départements ont été soumis à plusieurs reprises aux
différents Roi de France sans succès. Plusieurs voix se sont élevées poussant à leur
création. Leur création se fera lors de la Révolution française.

Le 30 juillet 1789, Adrien François Duport propose un projet de réorganisation


administrative de la France divisé en 70 départements. C’est finalement l’Abbé Sièyes
qui propose à l’Assemblée nationale un projet final de réorganisation rapporté par
Jacques Guillaume Thouret.
Le découpage départemental est effectué en fonction de la distance à parcourir pour
se rendre dans les chefs – lieux (moins d’une journée à cheval).

Ce projet a rapidement été suivi par l’édiction d’un décret du 22 septembre


1789. D’après ce décret, les départements sont pleinement soumis à la loi et au
pouvoir exécutif de la Nation, au nom du principe d’indivisibilité. L’État est un, et les
départements ne sont que des sections administratives de ce dernier.

7
Le décret du 26 février 1790 divise la France en 83 départements de 70 kilomètres de
côté environ, tous coupés en carré afin d’assurer une réelle égalité, égalité tant
recherchée par les révolutionnaires. (Cf cartographie en annexe n°1)

Leur consécration sera faite dans la « Lettres-patentes du Roi : sur décrets de


l'Assemblée nationale, des 15 janvier, 16 et 26 février 1790 ; qui ordonnent la division
de la France en quatre-vingt-trois départements » en date du 4 mars 1790.

La Première Constitution française (1791) dispose que les représentants du


Département représentent la Nation tout entière en vertu du principe d’unité.

Napoléon et ses conquêtes successives vont étendre le territoire français. La


France comptera jusqu’à 130 départements.
Sous le Consulat (1799 – 1804), les préfectures sont instituées, ce sont de
nouvelles entités administratives. En découle, la création de la fonction de Préfet le 17
février 1800 qui remplace les intendants royaux, représentant de l’État au sein des
provinces.

À la chute de Napoléon (1815), la France compte quatre-vingt-six départements.

Le département en tant que collectivité territoriale est apparu avec la loi du 19


août 1871, qui prévoyait un conseil général élu réglant les affaires d’intérêt
départemental, sous la tutelle de l’autorité déconcentré qu’est le préfet.

Les « lois Defferre » constituant le premier acte de la décentralisation instaure


une nouvelle articulation des pouvoirs et des compétences entre l’État et les
collectivités territoriales (Région, Département, Commune).

La loi du 2 mars 1982 supprime la tutelle du préfet sur les collectivités


territoriales et transfère la fonction exécutive des conseils généraux et régionaux des
préfets au présidents de ces conseils.

8
À partir de cette date "Dans les conditions prévues par la loi, les collectivités
s’administrent librement par des conseils élus et disposent d’un pouvoir
réglementaire pour l’exercice de leurs compétences."1

Section 2 : Les compétences du Département

Les départements agissent principalement en matière de solidarité et de


cohésion territoriale dans les domaines de l’action sociale et de la santé, de l’éducation
et du développement des territoires et des infrastructures.

L’action sociale est sa principale mission et représente plus de la moitié de son


budget de fonctionnement2. Il assure :

- L’aide sociale à l’Enfance (ASE), la protection maternelle et infantile (PMI), les


adoptions et le soutien aux familles en difficulté financière.
- L’aide aux personnes handicapées : mise en place des maisons départementales
des personnes handicapées (MDPH) ;
- L’aide aux personnes âgées : création et gestion de maisons de retraite
- Le versement des aides sociales : revenu de solidarité active (RSA). Le Département
gère également son réseau routier : il assure l’entretien et la gestion de ses voies.

Il s’occupe également, dans les départements concernés, des ports non autonomes.

Depuis 1986, il est également chargé de la construction et de l’entretien des collèges.

La loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles


(loi MAPTAM) du 27 janvier 2014 a rétabli la clause générale de compétence pour le
Département, qui a de nouveau été supprimée par la loi NOTRe du 7 août 20153. Cette
suppression a eu pour but d’éviter l’enchevêtrement des compétences. Le conseil

1Article 72 de la Constitution du 4 octobre 1958


2L'aide sociale représente une part importante des budgets départementaux puisque 64 % de leurs
dépenses de fonctionnement sont destinées à l’aide sociale selon la DRESS.
3
Loi portant nouvelle organisation territoriale de la République

9
constitutionnel a été saisi par une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) de
la constitutionnalité de cette suppression en 2016.

Il a rendu sa décision le 16 septembre 2016 en expliquant que le principe


constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales n’implique pas une
clause générale de compétence tant que les collectivités disposent « d’attributions
effectives ». Et le Conseil constitutionnel a estimé que les compétences, prévues au
deuxième et troisième alinéa de l’article L 3211-1 du CGCT (qui liste les compétences
du département attribuées par le législateur), modifié par la loi NOTRe, sont bel et bien
des attributions effectives.

Section 3 : Fonctionnement

Paragraphe 1 : un mode de scrutin original

Par une loi du 17 mai 2013, le scrutin binominal majoritaire à deux tours est
créé. Il mêle à la fois :

- Proximité : l’élection se fait à l’échelle du canton. Échelle utilisée à l’époque


révolutionnaire pour découper le département. Le découpage révolutionnaire n’a
pas fait l’objet d’une refonte majeure et aujourd’hui 60 % des cantons existant à la
période révolutionnaire sont d’actualité. Ainsi, ces cantons font a
approximativement 70 km de côté, ce qui en fait une « petite » superficie et donc
une certaine proximité entre électeurs et élus.
- Parité : chaque canton élit un binôme composé d’une femme et d’un homme qui
doivent se présenter 4

Les conseillers départementaux sont élus pour une durée de 6 ans. Pour être
élu au premier tour il faut la majorité absolue réunie par plus d’un quart des électeurs.
Si aucun des binômes n’a la majorité absolue, un second tour est organisé, la majorité
relative suffit.

4Code électoral

10
Paragraphe 2 : organes constitutifs

Le département est composé de plusieurs organes : le président et les vice-


présidents (A), du conseil départemental (B) et de la commission permanente (C)

A) Le président et les vice-présidents

Le Président :

Il est l’organe exécutif du Département. Il prépare et exécute les délibérations


du Conseil départemental, il gère le budget et dirige le personnel avec l’aide du
Directeur Général des services.
Il peut déléguer l’exercice d’une partie de ses fonctions aux vice-présidents élus par
l’Assemblée délibérante.
Il possède des pouvoirs de police administrative : notamment en matière de circulation.
5

Les vice-présidents :

Chaque département peut compter entre 4 et 15 vice-présidents. Cependant, il


ne peut y avoir plus de 30% de l’effectif du Conseil départemental. Ils ont des
attributions thématiques. Par exemple : Florence Durande, élue du canton d’Octeville
Sur Mer est vice-présidente en charge des marchés publics au sein du département
de la Seine Maritime.

B) Le conseil départemental

Le conseil départemental est l’organe délibérant de la collectivité. Il est élu au


suffrage universel pour une durée de 6 ans comme évoqué supra.
Il règle ses affaires dans le domaine de compétences attribuées par la loi par le biais
de délibérations. Il est composé de 95 conseillers départementaux.

5Assemblée des Départements de France

11
Le Conseil se réunit trimestriellement. Ainsi, pour assurer une gestion efficace
des affaires, une commission permanente est instituée. 6

C) La commission permanente

La commission permanente gère les affaires courantes du Département. En


effet, le conseil se réunit trop peu et comporte trop de membres pour délibérer sur les
affaires courantes.
La commission tire ses compétences du conseil départemental. En effet, c’est lui qui
lui délègue ses compétences par délibération.
Elle est composée du Président et de conseillers départementaux élus au scrutin de
liste. Leur nombre est fixé au préalable par une délibération.

Le Département est une collectivité territoriale en apparence bien établie et


connu de tous. Cependant elle a connu de vives remises en question de la part de la
doctrine et des politiques.

Section 4 : l’avenir du Département : entre déclin et renaissance

Depuis plusieurs années, l’échelle départementale est au cœur des critiques.


La décentralisation française est jugée trop complexe avec des strates de collectivités
qui se superposent faisant de l’élément institutionnel une complexité et de facto
générant un enchevêtrement des compétences. Cette complexité remet en cause
l’utilité du Département notamment au regard de son manque de dynamisme dû à ses
moyens financiers insuffisants et à son budget alloué à plus de la moitié aux
compétences sociales, lui laissant peu de marge d’action.

Les dernières réformes territoriales l’ont en partie vidé de ses compétences : la


loi 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) a
supprimé la clause générale de compétence qui lui laissait une large marge
d’intervention. Ainsi, le Département se consacre davantage sur ses compétences

6Assemblée des Départements de France

12
sociales comme décrit précédemment. Ce domaine laisse peu de manœuvre au
Département puisqu’il est totalement encadré par les lois.
Le Département a perdu ses compétences en matière économique sauf dans des
secteurs spécifiques (salles de cinéma, santé). Il a également dû transférer ses
compétences en matière de transports urbains et scolaires à la région.

Également, les départements ont dû transférer 3 compétences aux métropoles


(lorsqu’il y en a une sur leur territoire).
Les compétences doivent relever du domaine social, les collèges, la voirie, le tourisme.

L’intercommunalité apparait comme un concurrent direct du département. Le


développement des métropoles vient concurrencer le département par leur taille ainsi
que leurs compétences. En effet, les métropoles disposent de vaste territoire ainsi
qu’une multitude de compétences que certains qualifient de clause générale de
compétence.

Cependant, son avenir peut aujourd’hui être conforté, aucune réforme n’est
projetée le supprimant ou le délestant de ses compétences. La modification de son
mode de scrutin l’aurait relégitimé plus proche de ses citoyens.
Il joue un rôle très important en matière sociale, compétence indispensable à la vie
des habitants.
De plus il dispose d’un ancrage territorial connu de tous.
Il a su se repositionner en tant que collectivité de proximité notamment pendant la
période du Covid-19.
Tout d’abord, l’État a essentiellement réfléchi en termes de département pour
déconfiner la population : la région étant trop grande.
Par ailleurs, les départements ont mené une action de front pendant la crise du Covid :
ils ont amené un soutien financier massif aux entreprises, même si cela n’entre plus
dans leurs compétences, l’urgence a justifié les moyens.

Suite à cette présentation généraliste du département et de ses attributions, une


présentation de la direction juridique et des marchés, lieu de mon stage, sera faite
dans le chapitre 2.

13
Chapitre 2 : La direction juridique et des marchés

La Direction Juridique et des Marchés du département de la Seine Maritime7


fait partie du pôle « ressources et moyens », une des quatre directions générales
adjointes du département. Son directeur est Monsieur Laurent DUBOISSET. Sa
directrice ajointe est Madame Fanja BOTSILAZA. La direction est divisée en deux
sous-ensembles, l’un relatif aux marchés publics, l’autre relatif à toute question de droit
autre que les marchés publics. Le sous ensemble relatif aux marchés publics est divisé
en deux services : le service marchés publics et le service achat.
Le service marchés publics est dirigé par Madame Sandrine BUFFET. Ce service
s’occupe du contrôle des marchés du département8 avant leurs publications. Il gère
également les contentieux. Le service répond à toutes questions juridiques relatifs aux
marchés publics. Enfin il aide les directions n’ayant pas de service achat « propre » à
passer leurs marchés.
Le service achat est dirigé par Monsieur Christophe LE CORVEC. Ce service passe
les marchés pour le pôle « Ressources et Moyens ».

Le second sous ensemble relatif à toutes questions de droit autres qu’en rapport
avec les marchés publics se nomme le service du conseil juridique et des assurances.
Il est dirigé par Madame Dominique DELALONDE. Ce service s’occupe de toutes
questions juridiques relatives au domaine social, des assurances, au droit patrimonial,
des assemblées ou encore du droit de la fonction publique. Il traite le contentieux de
ces domaines mais apporte aussi apporte une étude et une expertise au département.

La Direction Juridique et des Marchés doit travailler de concert avec toutes les
autres directions, puisqu’elle est saisie dans le but de répondre aux différentes
questions juridiques qui peuvent être posées, que ce soit par les autres services ou
encore s’agissant de l’information des élus qui sont amenés à prendre des décisions
pour la collectivité. Il y a également le traitement de divers contentieux qui concerne le
service Marchés ou le service conseil juridique et assurances

7
Cf annexe n°2 pour l’organigramme de la direction juridique et des marchés.
8
Les marchés dépassant 90 000 €.
14
Ces services assurent des missions différentes mais il est possible de recouper
les activités. Par exemple, le service juridique et le service des marchés gèrent tout
deux les contentieux en rapport avec leurs matières respectives. Ainsi, ce chapitre
sera répartie par activité : la gestion du contentieux (Section 1), l’activité d’études et
de conseil juridique (section 2), la gestion de la fonction achat (section 3)
Dans ces trois sections seront détaillées les activités des services et les missions qui
m’ont été confiées dans chacun d’eux.

Section 1 : La gestion des contentieux

Le service du conseil juridique et des assurances s’occupe principalement du


contentieux. La majorité de ces contentieux porte sur le domaine social. En effet, le
département est chef de file en matière sociale comme détaillé supra.

Deux agents sont chargés du contentieux relatif au droit social. Ils défendent le
département lorsqu’une requête est formée à son encontre, en rédigeant les mémoires
en défense s’agissant des litiges portant sur le revenu de solidarité active (RSA) en
grande majorité, sur la carte mobilité inclusion (CMI), sur les mineurs non
accompagnés. Les agents ne se déplacent que très peu aux audiences pour ces
contentieux, excepté pour les référés libertés formés par les mineurs non
accompagnés, dont le caractère urgent implique de se rendre à l’audience afin de
défendre au mieux le département. En effet, la procédure devant les tribunaux
administratifs est essentiellement écrite.

Pour ce service, j’ai eu a rédigé un mémoire en défense relatif à un refus


d’obtention d’une carte mobilité inclusion. La personne n’ayant pas fait de recours
administratif préalable obligatoire (RAPO), l’examen de cette affaire fut bref.
Cependant, cette demande m’a permis d’étudier la forme que prenait les mémoires.

Le service marché est en charge des précontentieux et contentieux relatifs à la


passation et à l’exécution des marchés publics. Les juristes ont la charge de rédiger
des mémoires en défense concernant les référés précontractuels et contractuels, ou

15
encore les recours contre la validité du contrat que ce soit par les tiers ou par les
parties. Ils rédigent les mémoires en défense.
De même, ils peuvent rédiger les recours s’ils souhaitent attaquer en justice un
cocontractant.

Actuellement, un référé précontractuel vient d’être déposé par une société dans
le secteur du déménagement.
En l’espèce, le requérant estime que le Département de la Seine Maritime aurait dû
déclarer l’offre du candidat retenu comme offre anormalement basse.
Grâce à ce contentieux j’ai pu examiner une requête et comprendre comment le juriste
en charge de défendre ce dossier s’y prenait pour établir un mémoire en défense. J’ai
également pu m’entretenir avec lui sur ses réponses aux moyens invoqués.
Enfin, j’ai assisté à l’audience. Cette audience était intéressante car dans le cadre d’un
référé la procédure est essentiellement orale. Les autres procédures administratives
sont écrites.

Cette expérience m’a confortée dans mon idée d’être à l’avenir juriste marché
public. En effet, la mission de « traitement du contentieux » qu’exerce le juriste marché
public permet de revenir à la matière qu’est le droit stricto sensu, qui peut être un peu
au second plan dans le travail au quotidien dans les marchés publics.

Ce sont également eux qui s’occupent des dossiers passant en transaction,


médiation ou conciliation. En effet, le président du tribunal administratif de Rouen
pousse les collectivités à avoir recours à ces pratiques.

Ainsi, j’ai eu l’occasion de participer à la préparation d’un dossier passant en


médiation et d’y assister. Ce dossier avait pour objet un conflit entre le Département
et une société titulaire sur l’application de pénalités pour retard. Le titulaire n’étant pas
d’accord sur l’application de ces pénalités, il avait saisi le juge qui a proposé par la
suite la médiation. La médiation dure le temps de plusieurs rencontres.
Ce mode de résolution des conflits n’est pas nouveau mais il n’était pas souvent utilisé.
Cette première expérience m’a permis de comprendre la finalité d’une médiation. Mais
également, cela m’a permis d’examiner un dossier sujet à un litige.

16
Section 2 : L’activité d’études et de conseil juridique

L’activité d’études et de conseil est également une activité majeure du service


marché et du service conseil juridique et assurances

Concernant le service marché, il est en charge de donner des avis sur les
projets de rapport et les délibérations. Ce sont des visas. Le visa des avis rapides
consiste à vérifier que les délibérations passant devant le conseil département ou la
commission permanente sont conformes au droit.
Dans ce cadre, j’ai rédigé quelques visas.
Notamment un sur une convention constitutive d’un groupement de commandes et un
autre sur les subventions de fonctionnement au profit d’associations et d’organismes
publics.
Le visa d’une délibération a été une première pour moi. Il m’a donc été expliqué les
points de vigilance afin d’éviter que la délibération ne soit remise en cause.

Le service marché donne également des conseils sur des montages juridiques
complexes en terme de marché public.
Deux agents au sein de ce service s’occupent du développement durable : volet
environnemental et volet social. Leur objectif est d’insérer dans les marchés du
département des dispositifs d’ordre environnemental et d’insertion sociale (critères et
clauses). Ils sont en charge d’élaborer et de faire respecter les objectifs du Schéma de
Promotion des Achats Publics Socialement et Écologiquement Responsables
(SPASER) du Département. Ce schéma est une obligation légale faite aux collectivités
dépassant les 100 millions euros d’achats.
Ils apportent une expertise certaine aux services afin que les clauses soient en
adéquation avec le marché.

Également, le service des marchés vise les rapports d’analyse des offres des
différentes directions. Ces rapports passant en commission d’appel d’offres devant les
élus, ainsi ils doivent être irréprochables d’un point de vue juridique. Il convient de
vérifier que les critères d’attribution ont bien été appliqués et que l’égalité de traitement
des candidats est assurée.

17
J’ai rendu un avis sur un rapport d’analyse des offres en doublon avec un juriste. Cela
m’a permis de connaître les points de vigilance à avoir concernant une analyse des
offres, par exemple la cohérence des critères d’analyse et la notation.

Enfin, le service marchés publics s’occupe d’organiser les commissions d’appel


d’offres (CAO) qui ont lieu tous les quinze jours, et les jurys de concours qui se
réunissent que lorsqu’une opération de travaux d’envergure se projette et qu’il est
nécessaire de choisir un maître d’œuvre. Également, il organise les réunions de la
commission consultative des services publics locaux. (CCSPL) Cette commission se
réunit a minima une fois par an pour donner un avis sur les rapports d’activités des
délégations de service public ou concessions.

J’ai eu la possibilité de participer à une CAO et à une CCSPL.


Ma participation à ces commissions m’a permis d’observer leur organisation. Cela me
servira à l’avenir si j’ai la charge d’organiser une CAO.
L’observation du déroulement de ces commissions m’a également permis de
rencontrer les élus et de constater leurs préoccupations via les éventuelles questions
qu’ils posaient.

Le service conseil juridique et des assurances assure l’activité d’études et de


conseil dans les domaines du droit patrimonial, droit des assemblées, droit de la
fonction publique et droit de l’administration générale. Cependant je n’ai pas traité de
ces domaines durant mon stage.

Cependant, j’ai eu l’occasion de travail avec la cellule assurance. Deux agents gèrent
cette cellule qui s’occupe principalement de la gestion des sinistres des biens
départementaux. Pour ce faire, cette cellule travaille étroitement avec les assureurs et
courtiers de la collectivité. Les agents sont amenés à participer à certaines expertises
afin de constater les dégâts existants, en vue de les réparer et de défendre les intérêts
de la collectivité.
En outre, cette cellule s’occupe des contentieux et précontentieux relatifs aux sinistres.
Également, ce service s’occupe de la passation de marchés d’assurances relatifs au
dommage aux biens du département ou encore au dommage ouvrage.

18
Dans ce cadre j’ai eu l’occasion d’assister à une expertise assurance dans un
collège. Le plafond de la cantine avait été mal construit et menaçait de tomber.
L’entreprise qui a construit le bâtiment était présente. L’expert a prononcé la fermeture
de la cantine.

Outre ces deux services : le service marché et le service conseil juridique et


des assurances, la direction est composée d’un service achat et d’une fonction pilotage
des achats.

Section 3 : La gestion de la fonction achat

La fonction achat du Département est assurée notamment par le service


marchés (paragraphe 1) et par le service achat, service dédié au pôle Ressources et
Moyens (paragraphe 2).
Cette fonction est coordonnée par le chargé de mission du pilotage des achats.
(paragraphe 3)

Paragraphe 1 : La fonction achat du service marchés publics

Le service marché ne gère pas simplement les contentieux liés aux marchés
publics et n’apporte pas uniquement des conseils en la matière. Il gère également, et
directement, la passation de certains marchés. En effet, au sein du Département,
certaines directions ne disposent pas de compétences en matière de marché public.
Ainsi, le service marché vient en soutien de ces directions pour rédiger et publier leurs
marchés publics, et analyser les offres des opérateurs économiques. Par exemple
quasiment toutes les directions du pôle solidarité ont recours à l’aide du service
marchés publics : la direction de l’autonomie, la direction de l’aide sociale à l’enfance.

Paragraphe 2 : le service achats

Le service achat est une création récente (2020). Il est composé d’un chef de
service, de 6 acheteurs et de 2 assistants administratifs en cours de recrutement.

19
Ce service passe et exécute les marchés de toutes les directions du pôle Ressource
et Moyen. Il se charge également de la rédaction des rapports d’analyse des
candidatures et des offres, en lien avec les directions opérationnelles.

En phase de préparation du marché :

Les acheteurs recensent précisément les besoins des directions en étroite


collaboration avec celles-ci. Afin de rédiger au mieux les marchés, ils ont la possibilité
de faire du sourcing : c’est-à-dire de s’informer des prestations existantes et des prix
sur le marché concurrentiel
Ils rédigent les pièces du dossier de consultation des entreprises (DCE) en
collaboration avec la direction concernée : règlement de consultation, acte
d’engagement, cahier des clauses particulières.
Ensuite ils publient les avis d’appel à la concurrence. Ils organisent les négociations
s’il y a lieu d’en avoir.
Puis, ils rédigent avec la direction le rapport d’analyse des offres.

En phase d’exécution des marchés, ce service se charge de l’exécution administrative


(rédaction des avenants, agrément des actes de sous-traitance..)

Avec ce service, j’ai rédigé un marché pour la location des fontaines à eau du
département. Cette mission m’a permis d’appliquer mes connaissances théoriques
apprises pendant le cursus universitaire et dans mes précédents stages. Cependant,
en pratique, ces compétences s’avéraient limitées et j’ai beaucoup appris par la
rédaction de ce marché. En complément, j’ai également pu constater la forme que
prenait un marché public ainsi que l’ensemble des pièces techniques. De surcroit, mes
connaissances en matière de logiciel rédactionnel et de dématérialisation se sont
développées avec l’utilisation de l’outil sis-marchés (outil de rédaction de DCE) et
dématmarchés (outil de gestion documentaire interne au Département).
La passation de ce marché n’est pas finie, j’en suis au stade de la publication de l’appel
public à la concurrence. Cependant, j’espère pouvoir aller jusqu’au bout de la
passation et notamment aider à l’élaboration du rapport d’analyse des offres.

20
Paragraphe 3 : le pilotage des achats.

Le pilotage des achats est ma mission principale. Avec ma tutrice, Madame


Karine LE BRIS, j’ai appris comment fonctionnait le pilotage des achats d’une grande
collectivité.
Cette mission est nécessaire afin d’accentuer la performance économique des achats,
leurs qualités mais aussi d’assurer leur sécurité juridique.
Cette fonction a été mise en place à la suite d’un audit interne (2018-2019) la
préconisant et confortée par le rapport de gestion de la Cour régionale des Comptes
en 2019.

A) Le travail au quotidien

Ce travail consiste à informer les diverses directions sur la procédure à mettre


en œuvre en fonction de leur besoin.
En effet, le pilote des achats élabore une nomenclature des achats en fonction des
besoins du Département.9
En septembre de l’année, il recense tous les besoins des directions sur les différentes
familles d’achat.
En fonction des besoins, il associe à chaque famille une procédure : sans publicité ni
mise en concurrence, procédure adaptée ou formalisée.
Ainsi, lorsqu’une direction ne sait pas par quelle procédure elle doit passer son achat,
elle interroge le pilote des achats qui la renseigne en fonction de la nomenclature
(procédure formalisée ou adaptée ou sans mise en concurrence.)
Il donne également sa validation pour les marchés passés sans publicité ni mise en
concurrence (dans les cas d’une exclusivité ou d’une urgence impérieuse).
Il informe sur la possibilité ou non de faire un mini ou petits lots. 10 Ces notions
dérogeant aux règles de publicité et de mise en concurrence, elles doivent être
particulièrement contrôlées. Également, lorsque les directions souhaitent passer un
achat, le pilote regarde si le besoin peut être rattaché à marché déjà existant afin

9
Cf annexe n°3
10R.2122-8 du code de la commande publique « l'acheteur peut passer un marché sans publicité ni
mise en concurrence préalables [...] pour les lots dont le montant est inférieur à 25.000 euros hors
taxes et qui remplissent la condition prévue au b du 2° de l'article R.2123-1 », c’est à dire
concrètement si le montant cumulé de ces lots n'excède pas 20 % de la valeur totale estimée de tous
les lots du marché.

21
d’assurer la mutualisation des besoins. La mutualisation pendant l’exécution du
marché permet de sécuriser juridiquement les achats puisqu’il est assuré que l’achat
rentre bien dans le cadre d’une procédure avec publicité et mise en concurrence.

Le pilote tient à jour le tableau des achats passés sur l’année en fonction de la
famille d’achat. Cela permet d’avoir une base de données fiables comportant tous les
marchés et achats du département. Cette base de données sert pour établir la
cartographie des achats du département.

J’aide ma tutrice sur cette mission qui lui prend beaucoup de temps : je réponds
aux mails des directions. Je me charge directement des questions récurrentes, pour
les questions plus complexes j’élabore la réponse en binôme avec ma tutrice.
Cette mission me permet d’acquérir une expertise dans les marchés publics et
notamment une capacité d’appréciation. En effet, en fonction des besoins il faut savoir
si cela relève d’une exclusivité, d’une urgence impérieuse ou encore si un mini-lot est
possible.

B) Le travail de fond

À côté de ce travail « au quotidien » un travail de fond doit être fait notamment


dans le cadre de la montée en compétence des agents (1) mais aussi dans le but de
mettre en œuvre des outils permettant la sécurisation juridique des actes d’achats. (2)

1) La montée en compétence des agents

Une des missions du pilote des achats est la montée en compétence des
agents. Pour ce faire un réseau des référents « marchés » a été mis en place. Dans
chaque direction une ou plusieurs personnes sont nommées référents marchés. Ils
doivent participer aux réunions organisées par le pilote des achats.

Ces réunions sont faites tous les mois et traite d’un point thématique des
marchés publics. Elles permettent de former sur les connaissances de base mais aussi

22
d’informer les agents sur les jurisprudences récentes, le droit de la commande
publique étant en perpétuel mouvement.

Dans ce cadre, j’ai rédigé et mis en page deux présentations (sous format
PowerPoint) pour ces réunions : une sur le système d’acquisition dynamique (SAD)
qui est une technique d’achat et une autre sur les modifications au cours d’un marché
public. Il convenait ici de rechercher les fondements juridiques, d’expliquer le
fonctionnement du SAD et dans quels cas pouvait ont l’utiliser.
Pour les modifications, il convenait de traiter toute la réglementation sur les avenants.

La réunion sur le système d’acquisition dynamique s’est tenue fin avril 2022, je
n’ai pas présenté cette réunion mais j’étais aux côtés de ma tutrice.
Celle sur les modifications se tiendra début septembre et est prévu que je participe à
la présentation orale. Cela me permettra de m’exercer à la prise de parole en public.

Actuellement, je prépare également une réunion de sensibilisation sur la


commande publique pour la hiérarchie : Directeur Général des Services et Directeurs
Généraux, Adjoints et directeurs.

2) La mise en place d’outils permettant de sécuriser juridiquement


les achats.

Ma mission principale est de mettre en place plusieurs outils préconisés par la


Cour Régionale des Comptes afin de sécuriser juridiquement les actes d’achats de la
collectivité.

J’élabore actuellement une cartographie des risques. En effet, les risques


juridiques résultant des marchés publics supportés par les agents sont réels. Cela est
dû notamment à une mauvaise connaissance de la réglementation.
Afin de savoir où sont les risques pour les agents, il a été nécessaire de les interroger
sur leurs pratiques au quotidien lorsqu’ils passent un marché public.
Ainsi, j’ai établi un questionnaire sur leurs pratiques allant de la passation jusqu’à la
fin du marché. Ensuite, ma tutrice et moi-même avons recontré les directions afin de

23
recueillir leurs réponses aux questions que j’ai préparées. Grâce à ces réponses, ma
tutrice et moi-même avons identifié plusieurs risques.
L’un des problèmes majeurs est la non-programmation des marchés en amont ce qui
fait que les acheteurs doivent mettre en place le marché trop rapidement.
Cette cartographie est en cours d’élaboration. Elle va nous permettre de mettre en
place par la suite des mesures correctives pour sécuriser davantage les marchés.

Cet exercice me permet de développer ma capacité d’extraction des


informations et de synthèse.
De plus, il m’a permis d’être en contact direct avec les agents des directions
opérationnelles et ainsi de prendre conscience de leurs contraintes au quotidien.
Il m’a également poussée à la prise de parole devant des agents.

J’ai également élaboré la cartographie des achats du Département. Cette


cartographie consiste à élaborer un diagramme des achats divisé en 3 catégories de
marchés : fournitures, services, travaux.
Puis dans chaque catégorie (fournitures, travaux, services) j’ai établi le pourcentage
d’achat de chaque grande famille.
Cette cartographie est une des missions du pilote des achats.
Cette tâche m’a permis de mettre à profit mes compétences informatiques et
notamment ma maîtrise d’Excel et d’établissement de graphique.
Mais plus encore, cela me pousse à chercher l’information dans plusieurs bases de
données internes, données parfois difficiles à trouver.

Également, j’ai élaboré un modèle d’attestation d’exclusivité pour les


directions. L’exclusivité permet à un acheteur de passer un marché sans publicité ni
mise en concurrence parce qu’il n’est pas possible pour l’acheteur de passer le marché
avec un autre opérateur économique pour satisfaire ses besoins. L’exclusivité se
justifie par :
- un brevet (INPI, APP)
- des raisons artistiques ou littéraires notamment des droits détenus par une
société de production ou d’édition.
- des raisons techniques

24
- un droit d’exclusivité de distribution ou de services (notamment procédé de
fabrication) ou de publication (exclusivité commerciale).
Ce certificat était une demande forte des directions, il est utilisé régulièrement par
celles-ci.
Ce certificat permet d’avoir une justification réelle de l’exclusivité qui sera contrôlée
par le pilote achat. En effet, la passation de marché sans publicité ni mise en
concurrence doit être sérieusement contrôlée.

J’ai également élaboré des comptes rendus de sourcing. En effet, le sourcing


est encadré juridiquement. Il ne doit pas conduire à une mise en concurrence
« déguisée ». Les questions posées lors du sourcing doivent être mesurées. Ainsi j’ai
établi un document où les questions sont déjà formulées, à charge pour les directions
de les adapter à leurs marchés.
Cela m’a permis d’accentuer mes connaissances sur le sourcing et notamment sur la
réglementation juridique, domaine inconnu pour moi avant le stage.

Ainsi cette mise en place d’outils de sécurisation m’a inspiré mon sujet de
mémoire de recherche : la sécurisation des actes d’achats. La sécurisation des actes
d’achats par les collectivités est limitée à des outils pratiques. Il revient aux collectivités
d’être à jour de la réglementation juridique. De plus, il est intéressant pour les
collectivités de connaître les moyens dont dispose le juge pour sécuriser leurs actes
d’achat.

Ainsi, ce stage m’a apporté des connaissances pratiques dans les marchés
publics. J’avais des connaissances théoriques et pratiques dû à mes précédents
stages et à mon cursus universitaire mais celles-ci restaient limitées.

Ce stage m’a permis d’acquérir une certaine expertise dans les marchés publics. Celle-
ci reste à développer.

25
Mémoire de recherche : La sécurisation des actes
d’achat

Introduction :

« L’heure est à la recherche d’une plus grande stabilité des relations


contractuelles… ». Cette phrase a été prononcé par le vice-président du Conseil
d’État, Jean Marc Sauvé, le 3 juin 2014 à l’occasion d’une conférence de presse
retraçant le contentieux contractuel public.
Huit ans plus tard, il est intéressant de s’interroger sur la façon dont le juge administratif
et les collectivités territoriales se sont emparés de ces mots afin d’en assurer leurs
effectivités.

Paragraphe 1: Définitions

La sécurisation juridique des actes d’achat vise à garantir la sécurité juridique


de ces actes.
La sécurité juridique recouvre 3 composantes, l’accessibilité des normes, leur
intelligibilité, ainsi que la stabilité des situations juridiques. C’est sur ce dernier pan que
nous concentrerons le propos.
La stabilité des situations juridiques est garantie par la sécurisation des actes.
La sécurisation englobe les moyens mis en place pour garantir la sécurité juridique
des actes d’achat.

Afin de bien centrer le propos, nous nous concentrerons sur la sécurisation


juridique de certains types de contrats publics : ceux constituant des actes d’achats.
Les actes d’achat des collectivités sont les marchés publics et les concessions.

Un contrat administratif pour qu’il soit qualifié ainsi doit être soit désigné par
la loi (par exemple le marché public) ou revêtir un critère organique (une personne
publique partie au contrat) et un critère matériel (réponse à un intérêt général.)

Les actes d’achat étant qualifiés par la loi, une définition plus développée du
contrat administratif ne sera pas donnée.

26
Afin de comprendre les raisons de ce sujet et son importance, il convient de se
pencher sur ses intérêts et ses enjeux.

Paragraphe 2 : Intérêts et enjeux.

La place importante des actes d’achats dans notre société

Une part importante des contrats administratifs sont des actes d’achat que
l’État, les collectivités et les établissements publics passent pour satisfaire leurs
besoins. Ces actes d’achat prennent principalement la forme de marché public.

Ces actes ont une place importante dans notre économie. Les marchés publics
représentent en France un montant annuel de 101 milliards d’euros (2018).
À titre d’exemple, le Département de la Seine Maritime dispose de près de 2 milliards
euros de budget dont 150 millions d’euros sont des actes d’achat entrant la
réglementation du code de la Commande publique.11.
Ainsi au regard de l’économie s’afférant à ces actes, des règles d’origine
communautaire sont imposées aux collectivités découlant des principes fondamentaux
de la commande publique et du principe de bon usage des deniers publics. Ces
principes sont : le libre accès à la commande publique, la transparence et l’égalité de
traitement des candidats.

De plus, ces contrats peuvent avoir une valeur financière importante. Leurs
annulations peuvent avoir une incidence forte sur les deniers publics mais aussi sur la
santé économique d’une entreprise.

On comprend donc très rapidement la nécessité de sécuriser ces contrats. En


effet, comme tout acte juridique, leur contestation et de facto leur annulation est
possible devant le juge administratif pouvant entrainer de graves conséquences
juridiques et financières.

2021 : 1482,2 millions en fonctionnement et 455,4 millions en investissement – Rapport


11Chiffres

2022 – Département de la Seine Maritime.

27
Une sécurisation de ces contrats par l’administration elle-même et le juge est
nécessaire.

La sécurité juridique des actes d’achats au nom de l’intérêt général

Cette sécurisation est importante pour le service public et la satisfaction de


l’intérêt général. En effet, un contrat public n’intéresse pas uniquement « la loi des
parties » mais possède une portée plus importante.
Un contrat a pour objectif de satisfaire les besoins de l’acheteur public pour que celui-
ci réalise sa mission de service public. Un contrat qui se verrait annulé pendant son
exécution pourrait entraver le bon fonctionnement du service public.
La phase de passation d’un contrat peut elle aussi se voir annulée et reprise au début,
ce qui de facto, retarde la satisfaction du besoin de la collectivité.

Les atteintes à la probité publique

Être impliqué dans une procédure juridictionnelle (administrative ou civile) crée


inévitablement un doute sur la qualité de la personne à qui est adressé un reproche.
La notion de présomption d’innocence avant tout jugement est toute relative. Le
tribunal de l’opinion publique ou celui des médias et des réseaux sociaux est ravageur.
Une collectivité qui gère un nombre élevé de contentieux ou de dossiers de transaction
finit par pâtir d’une image dégradée vis-à-vis du monde économique. 12

Le risque budgétaire et financier

La survenance d’un contentieux peut avoir des effets budgétaires et financiers


non négligeables pour la collectivité :

- par l’obligation d’inscrire au budget de la collectivité une dotation aux provisions


pour risques dès l’ouverture de l’instance ;

12Agence France Anti-Corruption (AFA)

28
En effet, dès lors qu’une action contentieuse est engagée à l’encontre d’une
collectivité, son budget doit inclure une dotation aux provisions pour risque dont le
montant est évalué par l’organe délibérant en vertu des principes de prudence et de
sincérité budgétaire
Cette dotation est une charge de la section de fonctionnement dont le volume peut
mettre en péril l’équilibre de l’ensemble du budget. Le montant de la provision doit être
enregistré dans sa totalité sur l’exercice au cours duquel le risque avéré est constaté.
En cas de non-inscription, le budget est voté en déséquilibre, ce qui doit amener le
préfet au titre du contrôle budgétaire à saisir la chambre régionale des comptes en vue
du rétablissement de la sincérité et l’équilibre budgétaire.

- par le coût d’une procédure judiciaire (recours à un cabinet d’avocat avec la


possibilité d’être accompagné par cet avocat tout au long d’une procédure d’appel puis
de cassation) ;

- à la fin de l’exécution de la prestation, un différend sur le montant de la somme à


payer, en dehors de toute procédure intentée contre la collectivité, peut amener le non-
respect des délais de paiement, ce qui induit, sans qu’on puisse en faire le chiffrage,
un coût supplémentaire des prestations fournies.

L’engorgement des juridictions et le contentieux contractuel

Le contentieux administratif ne cesse d’augmenter, il a même explosé selon le


Professeur Yves Gaudemet. Selon lui « Il n'y a pas une augmentation générale,
uniforme des 21 contentieux, mais une explosion, une croissance rapide et récente de
contentieux ciblés »13 dont fait partie le contentieux administratif.
En 1970, 20 000 recours étaient intentés contre 172 000 en 2009. 14

13GAUDEMET Yves. Approche doctrinale : définition, origines, essai d'explication et perspectives des
contentieux de masse. RFDA, 2011, n° 3 p. 464.
14 Discours de Jean Marc Sauvé, Vice-Président du Conseil d’Etat sur le contentieux contractuel

29
Ainsi, les modes amiables de résolution des conflits seront traités puisque ceux-ci sont
proposés de plus en plus souvent par le juge afin de désengorger les juridictions mais
aussi de stabiliser les contrats.
De plus, une sécurisation effective par l’administration de l’acte d’achat évite la
contestation juridique.

Le risque politique

Pour le responsable légal de la collectivité ou pour l’agent qui a instruit un


dossier devenu litigieux, la mauvaise tenue d’un dossier de commande publique peut
avoir des conséquences directes ou indirectes sur la situation politique de l’élu et sur
le déroulement de la carrière de l’agent.

Des risques pénaux importants pour les agents

Des affaires d’une importance particulière ont mis au jour les risques pénaux
pouvant découler du droit de la commande publique. Beaucoup d’élus mais aussi des
fonctionnaires ont été condamnés pour favoritisme, prise illégale d'intérêts, corruption.
Ces délits sont lourdement réprimés. Il présente un risque sérieux qui pour être évité
doit être connu.
En effet, « le poids économique des contrats publics fait qu’ils sont exposés aux
malversations, à la fraude et à la corruption »15.
Ainsi, l’administration doit actionner plusieurs leviers afin de limiter au maximum les
risques pénaux de ses agents.

La sécurité juridique des actes d’achats, une notion importante prise en compte
par les collectivités territoriales

De plus, les risques s’afférant à une annulation potentielle des contrats sont
prégnants au sein des collectivités. Un des objectifs des directions juridiques des
collectivités est de sécuriser leurs marchés publics.

15OCDE

30
Des évolutions jurisprudentielles récentes

De plus, des évolutions jurisprudentielles récentes ont eu lieu. Un examen


approfondi de ces évolutions sera fait afin de conclure ou non à une réelle sécurité
juridique des actes d’achat.

Paragraphe 3 : Délimitation / explication du sujet

Le contrat public est une relation entre deux personnes : l’Administration et


l’opérateur économique titulaire du contrat (une entreprise, une association…).
Cependant, un 3ème acteur peut intervenir : le juge, arbitre des relations complexes
entre ces deux premiers acteurs.
Les risques d’une disparation d’un acte d’achat étant expliqués, deux acteurs peuvent
les limiter : l’administration elle-même et le juge.

Ces deux acteurs ont un pouvoir d’action différent:


- La collectivité doit sécuriser en amont l’acte d’achat.
- Le juge « sauve » l’acte de l’annulation si des erreurs ont été commises.

Dans une première partie, nous centrerons le propos sur l’action des
collectivités territoriales à chaque stade de la procédure de la mise en œuvre d’un acte
d’achat afin de limiter les risques juridiques et financiers d’une éventuelle annulation
d’un acte.

Dans une seconde partie, nous examinerons les pouvoirs du juge dans le cadre
du contentieux de la validité du contrat mais aussi dans le cadre de la passation.
En effet, même si le contrat est conclu il peut être annulé : la procédure de la passation
est une étape importante puisqu’elle peut emporter des effets sur l’exécution du contrat
et provoquer par la suite son annulation.

31
Également, nous étudierons l’office du juge du plein contentieux et non celui du
juge de l’excès de pouvoir. En effet, ce contentieux est devenu très rare. Ainsi même
si les pouvoirs du juge de l’excès de pouvoirs ont augmenté et sont vecteurs de
sécurité juridique, ils ne seront pas examinés

Ainsi, comment l’administration et le juge administratif opèrent-ils la sécurisation des


actes d’achat ?

Avant de nous attacher à la prévention et la gestion des risques contentieux des


contrats administratifs par le juge (Partie II), il convient de nous intéresser au rôle de
l’administration. En effet, cette dernière est la principale responsable et destinataire
avec le cocontractant des risques d’une annulation d’un contrat même si la politique
jurisprudentielle du Conseil d'État globalement favorable aux acheteurs publics.
Cette politique connaît aujourd’hui des mutations porteuses d’insécurité. Nous le
verrons dans notre seconde partie. De plus, il existe "un véritable réflexe contentieux
" 16chez les opérateurs économiques. Ainsi, c’est à l’administration cocontractante que
revient en premier lieu de sécuriser ses actes d’achat. (Partie I)

16LEPRON Franck, Avocat, Article du site Banque des Territoires : sécuriser ses marchés et prévenir
les risques

32
PARTIE 1 : LA SECURISATION JURIDIQUE DES
ACTES D’ACHAT PAR L’ADMINISTRATION

Au sein de cette partie, seront étudiées les obligations légales s’imposant aux
acheteurs publics dans les différentes phases d’élaboration d’un acte d’achat. Plus
particulièrement, des focus seront faits sur les éléments sujets fréquemment à
contentieux et donc sujets à l’annulation de la procédure et des actes d’achat.
Ainsi, les outils permettant de sécuriser ces différentes phases seront exposés.

L’objectif de toutes ces obligations légales est de respecter les principes de


liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de
transparence.

Le droit de la commande publique définit les modalités de préparation, de


passation et d’exécution de ces contrats publics, dans le respect de ces principes.

Ces règles sont codifiées dans le Code de la commande publique (CCP) entré
en vigueur le 1er avril 2019.

La commande publique est régie par trois principes fondamentaux. Ces trois
principes sont codifiés à l’article L-3 du CCP.

Tout d’abord, le libre accès à la commande publique 17 . De ce principe


découle l’obligation pour le pouvoir adjudicateur 18 de faire en sorte que toutes les
personnes intéressées par la conclusion d’un contrat avec lui puissent avoir la
possibilité́ de candidater pour son attribution.

Ce principe recouvre la non-discrimination (notamment sur des motifs


géographiques). Ce principe impose la publication lors de la passation du marché et

17Article 3 CCP
18Les pouvoirs adjudicateurs sont les personnes morales de droit public, les personnes morales de
droit privé poursuivant une mission d’intérêt général et financées principalement sur fonds publics et
les personnes morales de droit privé dotées de la personnalité juridique constituées par des pouvoirs
adjudicateurs dans le but de réaliser certaines activités en commun.

33
la mise en place d’un profil acheteur afin de publier toutes les données qui ont attrait
à la mise en œuvre d’un acte d’achat.

Puis, la transparence19. La Cour de Justice de l’Union Européenne (la CJUE)


définit la transparence comme un principe imposant de « garantir, en faveur de tout
soumissionnaire potentiel, un degré́ de publicité́ adéquat permettant une ouverture
(des contrats) à la concurrence ainsi que le contrôle de l’impartialité́ des procédures
»20
Ce principe impose donc la publication lors de la consultation, lors de
l’attribution puis à la fin du marché : la publication des données essentielles pour tous
les marchés ayant une valeur supérieure à 25 000 euros hors taxes.
Également, ce principe impose la transparence de la correspondance
(publication des réponses aux questions à tous les candidats.)
Également, ce principe exige la mise en place d’un règlement de consultation
et le respect d’un script de rédaction.

Enfin, l’égalité de traitement des candidats.21 Ce principe s’applique lors de la


phase d’analyse des candidatures et des offres.

Dans ce premier chapitre, nous verrons les points importants que


l’administration doit respecter et les obligations lui étant imposées dans la phase de
préparation du contrat administratif (Chapitre 1) ainsi qu’au moment de la phase de
passation (Chapitre 2) afin d’éviter tout risque d’annulation de procédure ou de contrat.
Enfin, nous nous intéresserons aux outils pouvant être mis en place pour sécuriser les
actes d’achat à tous les stades de la procédure. (Chapitre 3)

19Article 3 CCP
20CJUE, 7 décembre 2000, Telaustria, n° C-324/98
21 Article 3 CCP

34
Chapitre 1 : La sécurisation dans la préparation du marché

La phase de préparation du marché comporte deux phases importantes


pouvant engendrer d’importants risques juridiques et financiers : la phase du recueil
des besoins (Section 1) ainsi que la phase de la compilation du besoin (Section 2)

Section 1 : Le recueil des besoins

Le recueil des besoins est une phase importante. En effet il est nécessaire
d’avoir le juste besoin (paragraphe 1). Pour ce faire il faut élaborer un « bon » recueil
des besoins grâce aux interfaces interne et externe (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : une nécessité d’avoir le juste « besoin »22

Une définition précise du besoin est essentielle pour garantir un achat optimal
à la collectivité. Il permet de garantir une compréhension précise du marché et sa
bonne exécution.
Au-delà, une définition précise du besoin permet de choisir la bonne procédure et de
choisir les bons critères d’analyse des offres.
Une bonne définition des besoins n’est pas uniquement une obligation pratique mais
légale.
L’article L2111-1 du code de la commande publique dispose que « la nature et
l’étendue des besoins à satisfaire sont déterminées avec précision avant le lancement
de la consultation en prenant en compte des objectifs de développement durable dans
leurs dimensions économique, sociale et environnementale ».
Par nécessité le droit entend les besoins liés à son fonctionnement propre (un marché
de fournitures de bureau par exemple) mais aussi liés à ses activités de service public
(par exemple, un marché de travaux relatif à la construction d’un collège).

Parfois il est difficile pour la personne publique de définir précisément son


besoin car elle n’a pas toutes les données en main.

En cas d’incertitude sur la régularité ou l’étendue du besoin :

22 Fiche de la Direction des Affaires Juridiques (DAJ) – La définition du besoin

35
- Il est possible d’avoir recours au dialogue compétitif 23 : c’est une procédure
permettant de ne pas rédiger en totalité le cahier des charges. Le projet peut être
lancé alors qu’il n’est pas entièrement défini.
- Il est possible d’avoir recours à des prestations supplémentaires éventuelles
(PSE) : la collectivité peut demander aux candidats de proposer dans leurs offres
des PSE qu’ils peuvent commander lors de la signature du contrat. Le cahier des
charges doit les définir précisément et elles doivent être en rapport avec l’objet
du marché.
- Il est possible d’avoir recours aux variantes24 : lorsque le marché est ouvert aux
variantes cela signifie que le pouvoir adjudicateur laisse la possibilité aux
candidats de proposer une solution alternative pour exécuter le marché.

Les risques juridiques d’une mauvaise définition des besoins existent.


L’annulation d’une procédure de passation d’un contrat public est possible.
Le juge administratif a déjà annulé la procédure de passation d’un marché public pour
ce motif.25 Prenons l’exemple de l’arrêt de la Cour Administrative d’Appel (CAA) de
Douai du 17 janvier 2013, Commune d’Hazebrouck.
En l’espèce, la collectivité avait prévu que c’était au prestataire de définir le nombre de
caméras à installer, leurs types et leurs emplacements au sein d’un musée après une
visite de celui-ci. La CAA de Douai affirme que « si ces mentions faisaient largement
reposer l'étendue des prestations susceptibles d'être proposées par les candidats sur
une visite des locaux et leur propre évaluation in situ des besoins eu égard aux
contraintes propres à l'établissement, ces mentions ne comportaient pas un
encadrement suffisamment précis et complet permettant de connaître les attentes
réelles de la collectivité publique ».
Ainsi, la collectivité méconnait l’égalité de traitement et le principe de
transparence des procédures en décidant d’écarter l’offre de la société requérante «
au motif que le nombre de caméras proposées par cette dernière aurait été insuffisant

23Article R2361-13 à R2361-19 CCP


24Article R.2151-8 à R.2151-11 CCP

36
pour couvrir l'intégralité des lieux et œuvres du musée et qu'elle était le seul opérateur
à proposer une solution technique " en cascade de switch " plus contraignante ».26
Le besoin étant mal défini dans les pièces du marché, il n'était pas de nature à
permettre aux candidats de présenter une offre adaptée aux prestations attendues.
Ainsi, la CAA de Douai confirme l’annulation du marché prononcée en première
instance.
De même, les manquements du pouvoir adjudicateur dans la définition des besoins,
en laissant la possibilité pour les candidats de proposer des services annexes non
définis ont déjà engendré l’annulation de la procédure de passation27

Paragraphe 2 : Un recueil élaboré avec des interfaces internes et externes

L’élaboration d’un bon recueil des besoins passe principalement par le


sourcing permettant de s’informer sur le secteur concurrentiel (A) et par un recueil
efficace en interne (B)

A) Le sourcing

L’élaboration d’un bon recueil des besoins passent par le sourcing Le sourcing
est consacré par un décret du 25 mars 201628 relatif aux marchés publics sous le terme
d’études et échanges préalables avec les opérateurs économiques.
Cet outil permet d’effectuer un bon recensement des besoins notamment grâce à une
meilleure connaissance des opérateurs économiques susceptibles de répondre au
besoin et des solutions techniques qu’ils proposent mais aussi des gammes de prix
pour déterminer le budget à dédier au marché.
Ainsi l’acheteur peut consulter et solliciter des avis des prestataires potentiels avant le
lancement de la procédure. Cela permet à l’acheteur de bien paramétrer son cahier
des charges afin d’avoir suffisamment de candidats lors de la phase de consultation.
Mais également cela lui permet de connaître quelles prestations demander de façon
précise et donc de ne pas devoir par la suite conclure d’avenant ou de prendre le risque

26 CAA de Douai du 17 janvier 2013, Commune d’Hazebrouck, N°364833


27CE, 15 décembre 2008, n° 310380, Communauté urbaine de Dunkerque
28 Ce décret a été codifié dans le code de la commande publique

37
de faire une procédure inférieure au seuil 29 en réalité nécessaire pour satisfaire la
totalité de la prestation.

Il revient à l’acheteur de s’assurer que la concurrence ne sera pas faussée par


cette pratique.

Le sourcing ne doit pas conduire à une mise en concurrence « déguisée » en


demandant des informations trop poussées sur les pratiques des entreprises
sourcées.
Également, le niveau d’information donné aux entreprises rencontrées doit se
limiter aux seuls éléments permettant de comprendre a minima le besoin et le contexte
dans lequel il s’inscrit.
Ainsi, il est interdit de dévoiler une partie du cahier des charges. Sinon, les
entreprises sourcées connaîtront les attentes précises de la collectivité et y
répondraient plus facilement qu’un candidat n’ayant pas participé au sourcing.

B) Le recensement interne

Le bon recueil des besoins, en interne passe par des outils. Ainsi, au sein d’une
collectivité le besoin peut être regroupé grâce à un outil informatique où toutes les
directions recensent leurs besoins sur l’année N+1.
Ce « bon » recueil passe nécessairement par une coopération active des
directions.
Suite à ce recensement des besoins, un agent soit du service achat ou du pilotage
achat établit la nomenclature achat (voir infra) en afférant aux familles achats la bonne
procédure pour l’année N+1.

Ce recueil est donc nécessaire afin d’assurer la compilation des besoins de la


collectivité.

29 Le détail des seuils de procédure sera développé infra.


38
Section 2 : Une nécessaire compilation des besoins

La compilation des besoins au sein d’une collectivité est nécessaire afin d’avoir
les bonnes procédures et d’éviter les risques de saucissonnage.

Dans un premier paragraphe, les différentes procédures seront détaillées puis


dans un second et troisième paragraphe seront expliqués la compilation des besoins
et les outils permettant leur mise en œuvre.

L’article R2121-4 dispose que « l’acheteur ne peut se soustraire à l’application


du présent livre en scindant ses achats ou en utilisant des modalités de calcul de la
valeur estimée du besoin autres que celles qui y sont prévues ».

Le saucissonnage est un fractionnement des besoins de l’acheteur (besoins


d’une même famille d’achat) en plusieurs commandes afin d’éviter d’être sur un seuil
l’obligeant à mettre en œuvre une procédure spécifique ou à favoriser une entreprise.

Afin de bien comprendre la compilation des besoins, une description des


différentes procédures doit être faite.

Paragraphe 1: les différents types de procédures

Le Code de la commande publique fixe un certain nombre de seuils au-delà desquels


les procédures de passation rendent la procédure plus contraignante.

Pour les marchés de fournitures et de services :30

- Entre 0 € et 40 000 € hors taxes : le marché est passé hors procédure, c’est-
à-dire qu’il n’y a pas besoin de publicité ni mise en concurrence. Cependant, les trois
principes fondamentaux s’appliquent tout de même. L’acheteur doit faire preuve de
diligence quant au choix du candidat.

30
Code CCP - Titre II : CHOIX DE LA PROCÉDURE DE PASSATION (Articles L2120-1 à L2125-1)

39
- Entre 40 000 € hors taxes et 90 0000 € hors taxes : la procédure est dite «
adaptée » les modalités de publicité sont libres mais doivent être adaptées en fonction
de son montant et de la nature de la prestation.
- Entre 90 0000 € et 215 0000 € hors taxes : la procédure est toujours adaptée
mais un avis de marché est publié sur le profil acheteur et dans le Bulletin officiel des
annonces des marchés publics (BOAMP) ou soit dans un journal habilité à recevoir
des annonces légales (JAL)
- Au-dessus de 215 000 € hors taxes : la procédure de passation du marché est
dite « formalisée », les strates de publication définies plus haut s’appliquent mais une
publication au journal officiel de l’Union Européenne (JOUE) est nécessaire.

Pour les marchés de travaux : 31

Les seuils de publications et de mise en concurrence sont les mêmes que pour les
marchés de fournitures et services. Cependant, le marché à procédure adaptée
s’applique de 90 0000 à 5 382 000 € hors taxes. Au-dessus de 5382 000 € hors taxes
la procédure est formalisée et une publication au Journal Officiel de l’Union
Européenne (JOUE) est nécessaire.

Paragraphe 2 : La computation des seuils

La computation des seuils permet d’évaluer la valeur du besoin par famille


d’achat. Cette évaluation permet de déterminer à l’échelle de la collectivité les
obligations de publicité et de mise en concurrence qui s’appliqueront à l’acheteur
public. C’est la première étape de la passation du marché.

Le code de la commande publique dispose que «la nature et l’étendue des


besoins à satisfaire sont déterminés avec précision avant le lancement de la
consultation ».

Cette définition passe par une estimation financière fiable ainsi que la
description de spécifications techniques précises.

31 Code CCP - Titre II : CHOIX DE LA PROCÉDURE DE PASSATION (Articles L2120-1 à L2125-1)

40
Une définition précise permettra aux candidats de répondre aux mieux aux exigences
de l’acheteur et par conséquent, assurer une bonne exécution du marché.

À l’inverse, une mauvaise définition peut aboutir aux dépôts d’offres


anormalement basses, inacceptables ou encore entrainer une mauvaise exécution du
marché impliquant le recours à un avenant ou à des pénalités. En outre, le titulaire
pourra contester le bien-fondé des pénalités ou de toute mesure coercitive en se
fondant sur la mauvaise définition du besoin. La bonne définition du besoin est donc
facteur de sécurité juridique.

Ainsi, si une mauvaise définition du besoin est constatée par le juge, il pourra
remettre en cause la procédure en se fondant sur l’article L551-1 du code de justice
administrative pour manquements aux obligations de publicité et de mise en
concurrence.

Paragraphe 3: les instruments utilisés

Les achats de fournitures et de services sont appréciés au niveau de la


personne publique.

Pour computer les seuils et prévenir les risques d’annulation de procédure, les
collectivités peuvent établir une nomenclature. Cette nomenclature était imposée par
l’ancien code des marchés publics32 Celle-ci est aujourd’hui facultative.

Pour établir une nomenclature chaque direction d’une collectivité recense son
besoin sur l’année : elle définit les achats qu’elle envisage de réaliser sur l’année. À
l’issue de cela, le service responsable des achats (selon la personne publique :
direction juridique, direction des achats, secrétaire général, etc.…), sur les
informations de chaque service utilisateur, détermine le seuil de déclenchement de la
procédure par rapport à la nomenclature.
Une nomenclature représente la classification de presque toutes les activités
économiques et de presque tous les besoins des personnes publiques. C'est un

32 Ancien code des marchés publics de 2006 remplacé par le Code de la commande publique entré en
vigueur au 1er avril 2019.

41
inventaire de l'achat public pour les fournitures, les prestations de services ainsi que
pour les travaux. Il appartient à la personne publique de déterminer les fournitures et
les services qu'elle doit associer pour calculer le montant du marché et donc
déterminer la procédure applicable en fonction des seuils.

Ainsi, la phase de préparation du marché est une étape primordiale pour la


réussite du marché public. C’est cette phase qui permet la bonne détermination du
besoin et de la procédure.
Les risques de contentieux sur cette phase sont réels et les candidats évincés
n’hésitent pas à faire des recours pour manquements aux exigences légales et
réglementaires.
La procédure peut être annulée, mais le contrat également en cas de recours contre
sa validité.
Les collectivités doivent ainsi utiliser les outils décrits afin d’éviter ces risques.

Les risques d’annulation existent aussi en cas de non-respect des exigences en


phase de passation.

Chapitre 2 : La sécurisation en phase de passation

En phase de passation, les points important à respecter par l’Administration


sont les exigences attraites à l’analyse des candidatures et des offres (Section 1) mais
aussi lors des potentielles négociations (Section 2)

Section 1 : l’importance du respect des exigences lors de l’analyse des candidatures


et des offres.

Lors de l’analyse de la candidature, la phase la plus importante est le respect


du règlement de consultation et notamment des critères d’analyse (paragraphe 1) mais
également l’identification et la justification des offres anormalement basses
(paragraphe 2). Enfin, une vigilance doit être portée sur les régularisations de
candidatures et d’offre (paragraphe 3)

42
Paragraphe 1 : Le respect du règlement de consultation

Le règlement de consultation est un document qui fixe le « mode d’emploi »


pour répondre au marché. Le respect des mentions indiquées dans le règlement de
consultation est obligatoire dans toutes ses composantes. La collectivité ne pourra
attribuer un marché à un opérateur économique si celle-ci ne le respecte pas. De
même la collectivité doit se tenir aux indications qu’elle a inscrites dans ce document
et s’engage à les respecter lors de l’analyse des offres.

Ce document comporte les critères de sélection des offres et des candidatures.


C’est l’élément clé qui permet d’assurer le respect des principes de liberté d’accès à
la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des
procédures. L’information appropriée des candidats sur les critères d’attribution d’un
marché public est nécessaire.
Si le pouvoir adjudicateur souhaite retenir d’autres critères que celui du prix, il doit fixer
d’autres critères : critères techniques, environnementaux ou sociaux par exemple.
Il doit porter à la connaissance des candidats la pondération ou la hiérarchisation de
ces critères.

Il doit également porter à la connaissance des candidats la pondération ou la


hiérarchisation des sous-critères dès lors qu’ils sont susceptibles d’exercer une
influence sur la présentation des offres par les candidats ainsi que sur leur sélection
et doivent, en conséquence, être eux-mêmes regardés comme des critères de
sélection.

Si le pouvoir adjudicateur est en principe libre de choisir les critères


d’attributions des offres dans la mesure où ils permettent d’identifier l’offre
économiquement la plus avantageuse , ces critères doivent être définis de façon
suffisamment précise pour ne pas permettre « une liberté de choix discrétionnaire »
dans le choix des offres, car c’est bien là tout l’objet de la réglementation sur les
marchés publics.

L’arrêt « Viaggi di Maio » du 24 novembre 2005 de la CJUE pose comme


principe que « tous les éléments pris en considération par le pouvoir adjudicateur pour

43
identifier l’offre économiquement la plus avantageuse et, si possible, leur importance
relative doivent être connus des soumissionnaires potentiels au moment de la
préparation de leurs offres »
Malgré ces exigences contraignantes, le juge exerce un contrôle de l’erreur manifeste
d’appréciation. Ce contrôle se limite à l’erreur évidente et les annulations de procédure
ou de contrat sur ce point sont rares.
Cependant, les recours se fondant sur ces moyens sont très fréquents et les exigences
doivent être respectées par l’Administration.
Lors de l’analyse, un autre point doit donner lieu à une vigilance accrue : les offres
anormalement basses.

Paragraphe 2 : Les offres anormalement basses

Une vigilance accrue doit être portée, par l’Administration, en phase de


passation lors de l’examen des offres anormalement basses. L’article L.2152- 5 du
code de la commande publique apporte une définition des offres anormalement basse.
Ce sont des offres dont le prix est manifestement sous-évalué et de nature à
compromettre la bonne exécution du marché.
Une offre trop basse pourrait amener des difficultés en phase d’exécution puisqu’il
serait compliqué d’avoir le budget suffisant pour faire toutes les prestations
demandées.

De plus cela peut engendrer d’autres problèmes. En effet, le juge européen


considère que « faire peser» sur l’acheteur public l’obligation d’exposer le
raisonnement au terme duquel il a conclu que :
- d’une part, par ses caractéristiques principalement financières, une telle offre
respectait notamment la législation du pays dans lequel les services devraient
être exécutés, en matière de rémunération du personnel, de contribution au
régime de sécurité sociale et de respect des normes de sécurité et de santé au
travail.
- d’autre part, le prix proposé intégrait tous les coûts induits par les aspects
techniques de l’offre retenue. Or si une offre est trop basse, la preuve du respect
de cette exigence s’avère difficile.

44
Ainsi, l’administration doit examiner les offres anormalement basses. Si une offre
anormalement basse est identifiée, une procédure contradictoire s’ouvre et le candidat
ayant remis l’offre doit justifier son prix.
Selon la CJUE, un doute suffit pour être dans l’obligation d’engager un contrôle
Cette suspicion résulte des connaissances de l’acheteur mais aussi des écarts de prix
entre les candidats. Cependant, l’écart de prix ne suffit pas pour conclure à une offre
anormalement basse
L’acheteur doit être en capacité de prouver que l’exécution du marché sera difficile.
Ainsi, l’administration procède généralement à des comparaisons de prix sur l’objet de
la prestation mais se réfère également au précédent contrat.

Ce sont seulement si les renseignements obtenus de la part de l’entreprise ne


sont pas convaincants que son offre peut, dans un second temps, être écartée. Un
délai suffisant doit être accordé au candidat pour justifier son offre.

Si l’acheteur n’a pas exigé du candidat la justification du caractère


anormalement bas de son offre, le juge peut annuler la procédure de passation. De
même si le délai n’est pas suffisamment long pour apporter la justification.
Le juge peut aussi vérifier le contenu des justifications apportées par le
candidat.

Ainsi, une procédure a été annulée par le juge car le candidat « s’est borné » à
mettre en avant, de façon très générale, sans aucune précision chiffrée et sans aucune
pièce justificative, notamment comptable, les locaux permanents, l’équipe de
conseillers et les matériels et équipements dont elle disposait, sa structure juridique à
but non lucratif, son expérience et le partage des coûts de gestion avec ses financeurs.

De plus démontrer que l’offre anormalement basse va avoir des conséquences


négatives sur l’exécution du contrat est difficile. En effet, une entreprise peut proposer
des prix bas et même inférieurs à ses couts de revient si elle génère des ressources
dans un autre domaine ou sur un autre marché.

Aujourd’hui lorsque le juge détecte une offre anormalement basse ou qu’une


justification ne le convainc pas, il peut annuler la procédure à compter de l’examen

45
des offres comme le rappelle le Conseil d’État dans un arrêt du 2 mars 202233. Ce qui
certes limite les risques financiers et la perte de temps mais il est toujours mieux de
l’éviter.

L’acheteur doit réaliser un contrôle en cas de doute et ne pas accepter des


offres selon lui considérées comme offres anormalement basses.
Également, il doit être vigilent à ne pas déclarer des offres anormalement
basses, alors que celles-ci ne le sont pas, au risque aussi de voir la procédure annulée.

L’acheteur doit aussi être vigilent lors des régularisations des offres et des
candidatures.

33
CE, 7e chambre, 2 mars 2022, n° 458019, Inédit au recueil Lebon
46
Paragraphe 3 : Les régularisations des candidatures et des offres

L’acheteur doit vérifier que les offres ne sont pas irrégulières, inacceptables ou
inappropriés.
Une offre inacceptable est une offre beaucoup plus chère que l’estimation de
l’acheteur. Une offre inappropriée est une offre ne répondant pas au cahier des
charges. Une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences
formulées dans les documents de la consultation, en particulier parce qu'elle est
incomplète ou qu’elle méconnaît la législation applicable notamment en matière
sociale et environnementale.

L’offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la
consultation, notamment parce qu'elle est incomplète, ou qui méconnaît la législation
applicable ne peut être analysé par l’acheteur. L’élimination d’une offre irrégulière est
une obligation. Ainsi, même si l’erreur peut paraître secondaire, l’acheteur doit
l’écarter.
La régularisation d’une offre en cours de procédure n’enlève pas le vice dont elle fait
l’objet.
Les offres inacceptables et inappropriées ne peuvent être régularisées. Il est
uniquement possible de régulariser une offre irrégulière. Cette faculté a été ouverte
par le juge administratif puis par la loi.

Les acheteurs doivent veiller à bien régulariser les offres afin de ne pas risquer
le contentieux.
Pour ce faire, l’acheteur doit veiller à caractériser correctement une offre irrégulière. Il
doit notamment veiller à ne pas régulariser une offre anormalement basse.

Également, il doit veiller à ce que la régularisation n’entraine pas une


modification substantielle de l’offre ; cela relève de l’appréciation de l’acheteur. Il doit
revenir à l’acheteur d’apprécier l’importance de la correction, son incidence sur la
notation que cela peut avoir. Ainsi, et par exemple, une irrégularité portant sur une
prestation accessoire, qui ne constitue pas le cœur du marché à conclure, pourra être
régularisée.

47
Lorsque l’acheteur demande la régularisation des offres, il doit respecter le
principe d’égalité de traitement des candidats. Ainsi, s’il décide de régulariser une offre,
il doit toutes les régulariser. Il ne peut opérer un tri ou une sélection, que celle-ci soit
fondée sur la gravité de l’irrégularité commise ou sur la qualité de l’offre concernée.
Toute offre dont la régularisation ne serait pas substantielle devra être concernée.

Enfin, il doit respecter le principe de transparence. Il doit expliquer le motif


d’irrégularité et les corrections à apporter et notamment de préciser ce qui ne doit pas
être modifié afin de ne pas voir la régularisation se transformer en négociation.
Enfin il doit veiller à laisser un délai suffisant à l’opérateur pour la régularisation.

Les étapes de la régularisation sont sinueuses et complexes : un concurrent


évincé pourra attaquer facilement un marché sur ce point.

Section 2 : La sécurisation de la négociation

La négociation est une phase des marchés publics sujet aux contentieux.
La négociation dans le cadre des marchés publics peut se faire lorsqu’une procédure
avec négociation est engagée, dans le cadre des marchés à procédure adaptée ou
encore dans les procédures sans publicité ni mise en concurrence préalable.

Paragraphe 1 : L'ouverture de la négociation en procédure formalisée

En procédure formalisée, la procédure avec négociation a vu le jour avec la


directive 2014/24/UE et a été codifiée en droit interne. En effet, auparavant, celle-ci
n'était pas possible. Deux types de procédure existaient : l'appel d'offre et le dialogue
compétitif. Si le dialogue compétitif consiste en une "procédure par laquelle l’acheteur
dialogue avec les candidats admis à y participer en vue de définir ou développer les
solutions de nature à répondre à ses besoins et sur la base desquelles ces candidats
sont invités à remettre une offre." Cela n'est pas une réelle négociation mais plutôt une
procédure permettant à l'acheteur de trouver des solutions à ses besoins, solution qu'il
ne possède pas. Alors que dans lors de la négociation, l'acheteur sait ce qu'il veut.

48
La procédure avec négociation est définie comme « la procédure par laquelle
l'acheteur négocie les conditions du marché avec un ou plusieurs opérateurs
économiques »34. Elle est prévue dans des cas limitativement énumérés.

Paragraphe 2 : La négociation en procédure adaptée

La négociation en procédure adaptée (procédure dont le montant se trouve


sous les seuils européens) a toujours été en vigueur. En effet, adaptée signifie qu'une
souplesse est accordée à l'acheteur et cette souplesse lui permet de négocier.
La négociation en procédure adaptée est possible uniquement si l’avis d’appel public
à la concurrence ou le règlement de consultation l’ont prévue35 .

Paragraphe 3 : le cadre légal et réglementaire

Toujours dans un souci de respect des principes d’égalité de traitement des


candidats et de transparence, la négociation ne doit pas conduire l’acheteur :
- à modifier l’objet du marché ni modifier les caractéristiques principales du
marché par exemple les critères d’attribution36. En effet, cela favoriserait
l’opérateur en conformité avec cette modification.
- les exigences minimales des offres telles que mentionnées dans les
documents de la consultation

Si les mentions techniques peuvent être modifiées il est nécessaire d’informer


l’intégralité des candidats et de leur laisser un délai suffisant pour modifier leurs offres.

Outre cela, tous les éléments peuvent être négociés, que ce soit en procédure
formalisée ou en MAPA : le prix, la quantité, la qualité, les délais. Cependant, il ne faut
pas que ce soient des exigences minimales.
Formellement, l’administration doit toujours mener les négociations dans le
respect des principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de
traitement des candidats et de transparence.

34 Article L-2124-3 du code de la commande publique


35TA Lille, 5 avril 2011 n° 1003008
36 Article 70 du Décret n° 2016-360 du 25 mars 2016

49
Les candidats doivent ainsi bénéficier du même traitement et des mêmes informations.
Cela signifie, par exemple, qu’ils doivent disposer des mêmes délais pour remettre
leurs offres.37
En revanche, l’administration n’est pas systématiquement tenue de leur poser
les mêmes questions. Ce n’est que si la question en cause est susceptible d’influencer
l’offre de tous les candidats (ou de certains d’entre eux qui ne se sont pas vu poser
cette question) qu’elle sera en ce cas tenue de leur poser cette même question.38
De plus, le respect du principe d’égalité de traitement des candidats impose à
l’administration de respecter la confidentialité des offres.39 Il n’est par conséquent pas
possible de communiquer aux autres entreprises les principales caractéristiques de
l’offre d’un ou des autres candidats.

En tout état de cause, la traçabilité juridique reste la clé d’une négociation


sécurisée. Un écrit est fait par l’acheteur pendant toute la négociation afin de s’assurer
que les règles résultant du décret 2016-360 du 25 mars 2016 (codifié dans le CCP) et
que les principes fondamentaux de la commande publique sont respectés.

Ainsi, les points de vigilance aux étapes sensibles d’une mise en œuvre d’un
acte d’achat sont établis.
Des outils existent et sont mis en place par les collectivités pour s’assurer que ces
points de vigilance sont bien respectés (sur une volonté forte des cours régionales des
comptes).

37 CE, 15 juin 2001, Syndicat intercommunal d’assainissement de Saint-Martin-de-Ré et la Flotteen-


Ré,
38 TA Versailles, 30 juin 2016
39 CE, 14 déc. 2009, Société Lyonnaise des eaux France

50
Chapitre 3 : les outils sécurisant les achats à toutes les étapes de la
mise en œuvre d’un acte d’achat

Plus globalement et outre les différentes actions mises en place à des phases
spécifiques lors de la mise en œuvre d’un acte d’achat, les collectivités utilisent des
outils à toutes les étapes de la procédure afin de sécuriser leurs actes. Il s’agit
notamment de la mise en place d’une fonction achat, d’une fonction support de pilotage
des achats (Section 1), de procédure interne qui joue le rôle de « garde-fou » contre
les risques juridiques (Section 2) , mais aussi de la formation des agents des
collectivités (Section 3).

Section 1 : l’organisation de la fonction achat et l’instauration du pilotage achat

L’organisation d’une fonction achat doit répondre à plusieurs objectifs : assurer


un rôle de sécurité juridique, générer des économies et accroitre la performance. Pour
ce faire, diverses organisations peuvent voir le jour avec pour chacune d’elles des
spécificités propres.40
Le modèle centralisé, comme son nom l’indique, regroupe au sein d’une
direction l’ensemble des acheteurs de la collectivité. C’est-à-dire que les acheteurs de
chaque direction sont regroupés en un seul service. Ce mode d’organisation va avoir
pour avantage l’uniformisation des procédures, mais au détriment du lien entre les
acheteurs et les services opérationnels. Ce mode d’organisation permet d’avoir une
vision globale de l’ensemble des marchés à lancer ou en cours, devant jouer sur la
mutualisation, ce qui permet d’éviter les risques de saucissonnage du besoin sur une
collectivité.
Le modèle décentralisé, à l’inverse de l’organisation centralisée, favorise le lien
entre acheteur et service opérationnel, ceux-ci se trouvant au sein d’une direction
spécifique. La collecte des besoins peut donc se faire aisément par la coopération
entre les acheteurs et le service. De plus, les acheteurs étant au sein d’une direction,
passant par conséquent des marchés relatifs à un seul domaine, il sera spécialisé
dans la passation de certains types de marchés. Cependant, ce mode d’organisation
rend difficile une vision globale de l’ensemble des marchés de la collectivité.

40
Économie.gouv – la fonction Achats.
51
Le modèle hybride correspond à un mixte des deux organisations
précédentes. En effet, le service achat, et donc l’ensemble des acheteurs, seront
rattachés hiérarchiquement à une même direction ou un même service. Mais à la
différence du modèle centralisé, des agents dits « référents » dans les marchés
publics se trouvent dans les services opérationnels. Ces agents vont avoir une
expertise, certes moindre qu’un acheteur, mais suffisante pour accompagner les
agents opérationnels dans la collecte des besoins ainsi que dans les procédures à
lancer. Il sera également l’interlocuteur privilégié entre le service achat et le service
opérationnel permettant une délivrance de l’information optimale.
Ce mode d’organisation (un agent rattaché hiérarchiquement à une direction mais
opérationnellement rattaché à une autre) pose de grandes difficultés managériales et
des problèmes de cohérence pour l’agent (ordres et contre-ordres).

Le choix de l’organisation interne à la collectivité dépend d’un ensemble de


vecteur : la compétence des agents ainsi que le nombre d’agents spécialisés dans la
commande publique, la taille de la collectivité ou encore le nombre de marchés à
lancer.

En tout état de cause, la fonction achat « centralisée » semble la plus efficace


afin d’avoir une sécurité juridique optimale des actes d’achat d’une collectivité. En effet,
les acheteurs, experts en commande publique, connaissent au mieux les besoins de
toute la collectivité et les procédures à adopter.

Aussi, depuis récemment, les cours régionales des comptes dans le cadre de
leurs contrôles de gestion poussent de plus en plus les collectivités à se doter d’une
fonction support « pilotage » des achats.41
Cette fonction support, si elle a pour but principal la mutualisation des besoins afin de
gagner en performance des achats et de faire des économies, elle a aussi pour but de
sécuriser les achats.
Cette fonction permet de collecter tous les besoins d’une collectivité et renseigner tous
les acheteurs de la collectivité sur les bonnes procédures à adopter en fonction de la

41 Voir les préconisations de la Cour régionale des comptes de Normandie dans le rapport concernant
le Département de la Seine Maritime en date de 2019.

52
nomenclature interne. Ainsi, le saucissonnage est évité, mais aussi cela évite le
mauvais choix de procédure et donc de potentiels risques juridiques.

À côté, la collectivité peut mettre en place des procédures internes ainsi que
des guides afin de limiter les risques juridiques encourus pendant la phase de
passation d’un marché et sa phase d’exécution.

Section 2 : les contrôles internes

Les contrôles internes dans une collectivité sont faits sur le plan juridique par
un service de la commande publique (paragraphe 1) mais aussi sur le plan financier
(paragraphe 2)

Paragraphe 1 : le service de la commande publique

Ainsi, si la fonction pilotage des achats permet d’assurer un contrôle en lui-


même, les collectivités peuvent se doter d’un service commande publique / marché
public.
Ce service est composé d’agents ayant une maîtrise certaine des règles de la
commande publique.

Ce service permet de faire un contrôle poussé sur les marchés à fort montant.
Ce sont eux qui contrôlent l’exhaustivité des clauses au sein du cahier des charges,
de l’acte d’engagement ou des pièces, le respect des règles relatives aux critères mais
plus globalement toutes les règles s’appliquant aux actes d’achat.
Ce service peut aussi rédiger certains marchés ayant une forte incidence
financière (procédure formalisée).

Dans les plus petites collectivités, comme les communes, ce sont des agents
polyvalents qui sont en charge des marchés.

53
Paragraphe 2 : le contrôle du service des finances

Dans la plupart des collectivités, le service financier opère également un


contrôle sur les actes d’achat. En effet, c’est à ses agents que revient la tâche
d’engager les dépenses sur le budget de la collectivité.

Le comptable public est responsable sur ses deniers publics en cas de défaut
sur le budget de la collectivité.

Ainsi, ils contrôlent le respect de la procédure engagée ou encore si la dépense


a bien été faite dans le respect d’un marché public ou encore si celle-ci rentre bien
dans l’objet du marché.

Section 3 : la formation des agents

Dans un contexte de forte évolution législative et jurisprudentielle mais aussi


dans le cadre d’un fort besoin de sécurisation juridique des actes, la formation des
agents et donc leur montée en compétence est obligatoire.

En effet, les acheteurs au sein des différentes directions d’une collectivité n’ont
pas nécessairement de base juridique ni même de notion en matière de commande
publique. Ainsi, il semble primordial de les former, plus encore s'il n’y a pas de fonction
achat ou de pilotage des achats. Cela est notamment le cas dans les petites
communes.

Également, afin que les agents plus expérimentés puissent garder à jour leurs
compétences ainsi que les bonnes pratiques, des réunions d’informations thématiques
ou des formations plus denses peuvent se tenir.

Cette formation des agents est d’autant plus importante qu’il ressort d’une étude
publiée en janvier 2013 par l’un des groupements d’achats publics (UGAP) que 20 %
des acheteurs publics ont préalablement eu une expérience dans le secteur privé.
Une partie des agents territoriaux ne possède pas de compétence réelle dans la
passation des marchés publics.

54
La montée en compétence peut porter sur une multitude de domaines, que ce soit sur
la connaissance de l’ensemble des procédures, la bonne prise en compte des besoins
ainsi que de leurs définitions, des bonnes pratiques afin d’assurer une négociation
sécurisée, de la connaissance des risques juridiques et pénaux.

Elle doit aboutir à éviter tous risques juridiques et notamment la remise en


cause du marché, responsabilité de la collectivité et la nécessité de procéder à une
nouvelle consultation.

55
PARTIE 2 : LA SECURISATION JURIDIQUE DES
ACTES D’ACHAT PAR LE JUGE ADMINISTRATIF

Le juge a rapidement pris la mesure des risques juridiques et financiers d’une


annulation d’un acte d’achat.
Ainsi, même si il a élargi les voies de recours contre le contrat notamment aux tiers,
ce qui engendre une potentielle insécurité juridique (Chapitre 1) il a su developper ses
pouvoirs afin de faire prévaloir la sécurité juridique des actes d’achat même si
certaines jurisprudences récentes peuvent remettre en cause ce mouvement (Chapitre
2)

56
Chapitre 1 : L’élargissement des recours contre le contrat, vecteur
d’insécurité

Le droit des contrats publics, comme tous les principes et règles de droit public
ont été forgés par le Conseil d’État. Ce droit reposait sur des règles stables et établies.
Dans les années 2000, le Conseil d’État est venu modifier cette stabilité
juridique des contrats par des évolutions de jurisprudences en élargissant les recours
: ce qui augmente les possibilités d’anéantissement du contrat. Un flou dans le
contentieux contractuel est apparu (Section 1). Il a alors été nécessaire d’harmoniser
ces évolutions et de clarifier les voies de recours contre les contrats (Section 2)

Section 1 : la complexité antérieure du contentieux contractuel

Le recours des tiers contre le contrat fut d’abord impossible (paragraphe 1) puis
des évolutions complexes sont apparues, provoquant une quasi-disparition de la
frontière entre le recours pour excès de pouvoir (REP) et le recours de pleine
juridiction (paragraphe 2). Si bien que le juge administratif a ouvert le recours aux tiers
(paragraphe 3)

Paragraphe 1: l’impossibilité historique du recours des tiers contre le contrat

Au 19ᵉ siècle, le Conseil d’État a accepté la contestation des contrats par des
tiers. Cette voie fut rapidement fermée, le tiers n’ayant aucune voie de recours pour
contester le contrat.
Le contrat étant la loi des parties, la contestation de celui-ci ne pouvait se faire que par
celles-ci.

Cependant, comme expliqué en introduction, le contrat administratif intéresse


également l’intérêt général et satisfait aux besoins du service public.
Le Conseil d’État dans une décision du 4 aout 1905, Arrêt Martin42 forgea la théorie de
l’acte détachable. C’est une fiction juridique qui consiste à détacher de la formation
d’un contrat, des actes administratifs unilatéraux adoptés par une autorité
administrative afin de les dénoncer devant le juge administratif. Ainsi, le tiers au contrat

42 CE, Martin, N°14220 publié au recueil Lebon.

57
pouvait contester uniquement les actes détachables des contrats devant le juge de
l’excès de pouvoir.

Le Conseil d’État identifie ces actes détachables comme : « tous les actes qui,
bien qu'ayant trait, soit à la passation, soit à l'exécution du contrat, peuvent,
néanmoins, être regardés comme des actes détachables dudit contrat »43
Pour l’essentiel, ces actes détachables sont les délibérations de l’État, des collectivités
ou des établissements publics qui autorisent la signature du contrat.

Puis cette théorie des actes détachables a été étendue à la décision de signer
un acte modificatif 44, à une décision de résiliation 45 ainsi qu’au refus de résilier un
contrat 46
Ainsi, le juge pouvait annuler un acte détachable soit pour vices propres à l’acte ou
pour illégalité du contrat, mais les effets sur le contrat étaient nuls. Le contrat continuait
d’exister sans risques juridiques et financiers.

L’annulation de l’acte détachable avait un « effet platonique » selon l’ancien


commissaire du Gouvernement Romieu. Selon lui, « l’annulation que vous aurez
prononcée aura toujours pour effet de dire le droit, de ne pas fermer le prétoire aux
citoyens usant de la faculté que la loi leur reconnait, de censurer l’illégalité, d’éclairer
l’opinion publique et de prévenir le retour des pratiques condamnées. C’est là un
résultat absolument conforme aux traditions de votre jurisprudence et aux besoins
d’une démocratie bien organisée ». Ainsi, il vante le principe de légalité. Mais les effets
de cette annulation étaient nuls.
Les risques d’annulation des contrats à cette époque étaient limités, ce qui
évitait les risques évoqués en introduction et garantissait de facto une sécurité
juridique certaine.

Cependant, si le juge était saisi par l’une des parties au contrat à la suite de
l’annulation de l’acte détachable, le juge annulait quasiment automatiquement le

43CE, Société anonyme de Livraisons industrielles et commerciales "SA LIC”, 24 avril 1964, n° 398445
44 CE, Commune d'Elancourt, 29 avril 1987, n° 51022
45 CE, 2 février 1987, n° 81131, Société TV 6 CE, n° 185645,
46 CE, 24 avril 1964, SA LIC, n°398445

58
contrat, déclarant l’annulation de l’acte détachable comme moyen d’ordre public. En
effet, nous le verrons par la suite, le juge administratif ayant une facilité à déclarer un
moyen d’ordre public.

Cependant, des évolutions sont venues perturber l’harmonie du contentieux


contractuel pour favoriser la légalité juridique.

Paragraphe 2 : des évolutions complexes : l’ébrèchement de la frontière entre


le recours pour excès de pouvoir et le recours en plein contentieux

Le Conseil d’État a fait évoluer sa jurisprudence au fil des recours. La frontière


entre le recours pour excès de pouvoir et le contentieux de pleine juridiction devenait
floue.
Le recours des tiers s’est ouvert de plus en plus.

A) La voie de recours du recours pour excès de pouvoir contre les clauses


réglementaires

Une voie d’action contre les clauses réglementaires des contrats a été ouverte
par le biais du recours pour excès de pouvoir. En effet, l’acheteur public insère des
clauses réglementaires au sein de ses contrats et notamment dans le cadre de ses
contrats de concessions.
En effet, quand l’administration confie la gestion d’un service public à une personne
privée, elle y insère des clauses concernant les usagers du service public.
Désormais, l’usager du service public, tiers au contrat, peut contester directement par
le biais d’un recours en excès de pouvoir contre ces clauses réglementaires puisque
divisibles du contrat.

B) Une voie d’action par le biais du recours pour excès de pouvoir ouverte au
Préfet

Par le premier acte de la décentralisation, la loi du 3 mai 1982 a supprimé la


tutelle de l’État sur les collectivités territoriales. Cependant, un contrôle de légalité est

59
opéré par le Préfet. Dans le cadre de la commande publique, le contrôle de légalité est
fait pour les actes d’achat dépassant 215 000 euros hors taxes47.
Le Préfet peut contester ces actes devant le juge de l’excès de pouvoir.

C) Les pouvoirs d’injonction accordés au juge dans le cadre de l’excès de pouvoir


: ébrèchement des frontières entre les contentieux

Pendant longtemps, lorsque le juge de l’excès de pouvoir annulait un acte


détachable d’un contrat, aucune obligation n’était faite à l’administration ou au
cocontractant de saisir le juge du contrat qui lui pouvait sanctionner le contrat.
Puis, le juge du recours pour excès de pouvoir s’est vu doté d’un pouvoir lui permettant
d’enjoindre l’administration de s’exécuter sous astreinte et ainsi d’opérer une saisine
du juge.
Ainsi, un requérant peut, aujourd’hui, demander au juge d’ordonner sous astreinte à
l’administration de prendre acte de l’anéantissement d’un contrat. Ce qui assimile le
recours pour excès de pouvoir au recours de pleine juridiction.

Ce pouvoir d’injonction permet de contourner l’absence d’effet d’annulation d’un


acte détachable d’un acte d’achat.

Ainsi le contentieux de l’excès de pouvoir et le plein contentieux étaient devenus


flous, le juge du recours pour excès de pouvoir ayant quasiment autant de pouvoirs
que celui du plein contentieux : il fallait harmoniser les voies de recours.

Section 2 : état des voies de recours actuelles et l’ouverture du prétoire aux tiers

Dans cette section sera fait état des voies de recours existantes contre le contrat
d’aujourd’hui pour les parties au contrat (Paragraphe 1) et pour les tiers (Paragraphe
2).

47 L2131-2 4° du code général des collectivités territoriales (CGCT)

60
Paragraphe 1 : Le recours par les parties aux contrats

Par un arrêt « Béziers 1 » du 28 décembre 2009 le Conseil d’État ouvre une


voie de recours directement contre le contrat aux parties.
Ainsi, lorsque le juge constate l'existence d'irrégularités, il doit en apprécier
l'importance ainsi que leurs conséquences. Il doit vérifier que les parties peuvent se
prévaloir de ces irrégularités au regard de l'exigence de loyauté des relations
contractuelles. Cette action est ouverte pendant toute la durée de validité du contrat.
48

L’arrêt Béziers II du 21 mars 201149 ouvre une nouvelle voie de recours au


cocontractant dont le contrat aurait été résilié par l’administration lui permettant de
demander au juge d’enjoindre à cette dernière de reprendre les relations
contractuelles. Nous détaillerons cette voie de recours infra.

Paragraphe 2 : Le recours par les tiers

Aujourd’hui, les recours contre le contrat sont clairs, le juge administratif a voulu
harmoniser le contentieux. Désormais, le juge principal est le juge du plein
contentieux50 avec une part résiduelle laissée au juge de l’excès de pouvoir.
Sera fait état dans cette partie des recours ouvert aux tiers en contestation de
la validité du contrat (A) et les procédures d’urgences ouvertes aux tiers (B)

A) Les recours en contestation de validité du contrat

Par une révolution jurisprudentielle, le Conseil d’État dans un arrêt Tropic


Travaux et Signalisations du 16 juillet 2007 a ouvert un recours direct contre le contrat
à une catégorie des tiers : les concurrents évincés.
Dans un premier temps, le Conseil d’État a donc permis à tout concurrent évincé de la
conclusion d'un contrat administratif de former devant le juge administratif un recours
de pleine juridiction contestant la validité de ce contrat ou de certaines de ses clauses.

48 1er juillet 2019, Conseil d’Etat


49 CE, Section, 21 mars 2011, n°304806, publié au recueil Lebon
50 Le juge du contrat

61
Puis dans un arrêt Tarn et Garonne du 4 avril 2014, le Conseil d’État a décidé
d’élargir le recours à tous les tiers susceptibles d’être lésés, dans leurs intérêts, par sa
passation ou ses clauses.

Les tiers doivent être lésés de manière directe et certaine.

L’ouverture de cette voie de recours fait que le recours pour excès de pouvoir
ouvert contre les actes détachables, est devenue inutile. Ainsi, la jurisprudence Tarn
et Garonne met fin à l’arrêt Martin.
Ce recours en plein contentieux est également ouvert aux élus des collectivités
territoriales. Il est aussi ouvert au préfet.
Aussi, le Conseil d’État dans une décision du 30 juin 2017, Syndicat mixte de
promotion de l’activité transmanche a ouvert aux tiers la saisine du juge du plein
contentieux en cas de refus par l’administration de mettre fin à l’exécution du contrat.

B) Les procédures d’urgences

Aussi, afin, d’être exhaustif concernant les voies de recours s’attachant aux
contrats, il convient de mentionner les procédures d’urgences que sont : le référé
précontractuel et le référé contractuel.

Ces voies de recours ne sont pas contre le contrat lui-même mais contre les
mesures de passation.

Le référé précontractuel a été créé par une directive européenne du 21


décembre 1989. Il a été introduit dans le code de justice administrative.
Ce recours a pour but de prévenir la passation d’un contrat qui méconnaîtrait les règles
de publicité et de mise en concurrence.
Ainsi, le juge peut prononcer toutes mesures permettant d’éteindre ces irrégularités.

Les personnes habilitées à engager un référé précontractuel sont « celles qui


ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d’être lésées par le
manquement » aux obligations de publicité et de mise en concurrence.

62
Ce recours est ouvert aux candidats évincés et aux candidats potentiels ( la violation
des obligations de publicité et de mise en concurrence les ayant dissuadés de
candidater).
L’entreprise ayant obtenu le marché ne peut intenter ce recours.

Le juge du référé précontractuel peut être saisi jusqu’à la signature du contrat.

Le référé contractuel, a quant à lui, été créé par la directive du 11 décembre


2007. Il est régi par le code de justice administrative.
Ce recours permet de sanctionner les manquements aux obligations de publicité et de
mise en concurrence, après la signature du contrat.
Ainsi, ce recours peut être intenté « celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui
sont susceptibles d’être lésées par des manquements aux obligations de publicité et
de mise en concurrence ».
Le référé contractuel peut être exercé dans un délai de 31 jours, à compter de la
publication de l’avis d’attribution. Si aucun avis d’attribution n’est fait, le référé peut
être déposé dans un délai de six mois. 51

Cependant, la voie contentieuse n’est pas la seule façon de régler un litige


aujourd’hui : de nouvelles voies de résolution des différends sont désormais ouvertes.

Paragraphe 3 : la transaction et la médiation

La transaction et la médiation font partie des modes amiables de résolutions


des conflits. Ce ne sont pas des voies de recours, mais elles permettent dans la plupart
des cas de mettre fin à un litige et d’éviter le contentieux.
Ainsi, nous débordons dans cette partie sur les remèdes à l’annulation d’un contrat
puisqu’aller vers un mode de résolution amiable des conflits neutralise les risques
d’annulation d’un acte d’achat (à condition que celui-ci porte ses fruits).

51CE, 30 juin 2020, n° 428845, centre hospitalier d’Avignon

63
L’objectif est de trouver un terrain d’entente entre les parties afin de ne pas aller
devant le juge et de facto prendre le risque d’une annulation ou d’une résiliation du
contrat.

Ces modes amiables ont donc une double vertu :

- Désengorger les juridictions


- Limiter les risques résultant d’un contentieux

La transaction est définie par l’article 2044 du code civil comme un contrat écrit
permettant de terminer une contestation née ou de prévenir une contestation à naître.
Cette voie est vivement encouragée par l’État. Une circulaire du Premier Ministre du 6
avril 2006 y est dédiée.

Une transaction n’est valable que si elle comporte des concessions réciproques.
Toutefois, elles ne doivent pas nécessairement être équivalentes, mais un réel effort
doit être fait.
Une transaction peut être homologuée par le juge notamment s'il y a des difficultés
d’exécution.

Attention cependant, dans le cadre d’une transaction, la personne publique ne


peut accepter de régler une somme qu’elle ne doit. Aussi, lorsqu’il est saisi soit d’une
demande d’homologation d’une transaction, soit d’un litige sur l’exécution de celle-ci,
le juge administratif vérifie que les prétentions contre l’Administration, qui ont servi de
base à la négociation, étaient fondées.
La transaction à l’autorité de la chose jugée. C'est-à-dire qu’elle a la même force qu’un
jugement.

La médiation est un autre « modes amiables de résolution des différends »


(MARD).
Elle est prévue à l’article L2197-1 du code de justice administrative.
Les parties à un contrat peuvent recourir à un conciliateur ou à un médiateur. Elle est
basée sur l'intervention d'un tiers. Son objectif premier est d’apaiser les tensions entre

64
la collectivité et le titulaire. La médiation repose sur une démarche volontaire. Le
médiateur ainsi que les parties sont tenus au secret.
Elle peut être arrêtée à tout moment et le processus juridictionnel peut reprendre son
cours.
Par un appel aux collectivités, le Président du tribunal administratif de Rouen a
demandé d’accentuer le recours à la médiation.

Ainsi, les voies de recours se sont élargies, créant de facto une plus grande
insécurité juridique des actes d’achats. Le juge s’est arrogé un panel de pouvoirs afin
d’éviter les annulations et les risques juridiques étant liés.

65
Chapitre 2 : La prévalence de la sécurité juridique par le juge

L’objectif premier du juge administratif est d’éviter une instabilité des relations
contractuelles. La prévention des annulations, par le juge, se font à différentes phases
du contentieux : lors de la recevabilité de la requête (Section 1) jusqu’au prononcé de
la sanction. (Section 2)

Cependant, plusieurs évolutions jurisprudentielles récentes démontrent une


possible inversion de cette tendance de sécurisation. Ainsi, il conviendra de voir si ces
évolutions ont réellement remis en cause ce mouvement de sécurisation des actes
d’achats.

Section 1 : Les conditions strictes de la recevabilité de la requête

Les conditions de recevabilité des requêtes contre le contrat ont été durcies : il
faut un réel intérêt à agir (Paragraphe 1). Également, la jurisprudence Czabaj portant
sur le délai de recevabilité d’une requête en cas de manquement aux mesures de
publicité, a été appliqué au contentieux contractuel (Paragraphe 2)

Paragraphe 1 : La nécessité d’un réel intérêt à agir

A) L’affirmation et l’application du principe

Comme dit supra, le référé précontractuel est ouvert aux concurrents évincés.
L’ouverture de ces recours résulte de normes européennes.52 Ces textes, transposés
en droit interne par une loi du 4 février 1992 ont donné naissance au référé
précontractuel. Aux termes de ces directives, ce recours doit pouvoir être entrepris par
: « toute personne ayant ou ayant eu un intérêt à obtenir un marché public […] et ayant
été ou risquent d’être lésée par une violation alléguée »

Comme dans tout recours, le requérant doit avoir un intérêt à agir. Néanmoins,
lorsque le référé précontractuel a été ouvert, les conditions de l’intérêt à agir ont été
ouvertes très largement.

52 Directives recours - 21 décembre 1989 et le 25 février 1992.

66
Ainsi, le Conseil d’État, dans son arrêt Alstom Transport SA du 19 octobre 2001 a
affirmé qu’une entreprise pouvait invoquer « tout manquement aux obligations de
publicité et de mise en concurrence, même s’il n’a pas été commis à son détriment » .
C’est-à-dire que si une entreprise était écartée, car son offre était inacceptable, celle-
ci pouvait tout de même remettre en cause un acte d’achat.

Il admettait même l’intérêt à agir en référé d’une entreprise qui n’avait pas
candidaté au marché.53
Cette solution ne convenait pas notamment parce que le référé précontractuel était
utilisé de façon trop régulière par les candidats qui voulaient obtenir une deuxième
chance de candidater.
Au vu des risques juridiques importants développés en introduction, le Conseil d’État
réuni en assemblée a pris le 3 octobre 2008, dans son arrêt Smirgeones, une décision
importante : un requérant doit établir un lien direct entre le vice de procédure invoqué
et son élimination.
Cette décision était nécessaire, particulièrement parce que cela pouvait provoquer
l’annulation d’une procédure, alors que le juge était convaincu que cela n’avait pas
affecté le choix effectué par l’acheteur.
Cette décision a réduit la recevabilité des requêtes de ces concurrents évincés et les
annulations des procédures.

Dans cet arrêt, le Conseil d’État affirme que "la tolérance selon laquelle
n'importe quelle entreprise candidate pouvait invoquer tout manquement aux
obligations de publicité et de procédure, même si celui-ci ne lui préjudiciait pas".
Désormais, "les personnes habilitées à agir pour mettre fin aux manquements du
pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont
celles susceptibles d'être lésées par de tels manquements", et "il appartient, dès lors,
au juge des référés précontractuels de rechercher si l'entreprise qui le saisit se prévaut
de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se
rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon
indirecte en avantageant une entreprise concurrente".

53 CE, 19 septembre 2007, Communauté́ d’agglomération de Saint-Etienne Métropole

67
Ainsi, un acte d’achat comportant des irrégularités peut être maintenu. Pour
illustrer, nous détaillerons une jurisprudence.
Ainsi, le Tribunal administratif de Grenoble a considéré que le défaut de publication
d’un avis de publicité au JOUE ne permettait pas de juger pour autant que « la société
requérante, dont la candidature a été admise et qui a présenté une offre correspondant
à l’objet du marché », est « susceptible d’avoir été lésée ou risque d’être lésée par les
irrégularités ainsi invoquées, qui se rapportent à une phase antérieure à la sélection
de son offre » 54
Désormais, le juge des référés doit vérifier si le manquement aux obligations de
publicité et de mise en concurrence invoqué est au regard de sa portée et du moment
auquel il s'est produit est de nature à réellement léser le requérant.

Ces deux conditions limitent considérablement les risques d’utilisation


exacerbée du référé précontractuel, il faut apporter la preuve que le manquement en
cause lèse directement ou indirectement le requérant, au niveau du vice même mais
aussi au moment où se passe le manquement.

B) Un principe prochainement remis en cause ?

Cependant, le Conseil d’État est revenu sur sa jurisprudence Smirgeones


récemment, dans un cas limité. Dans un arrêt du 27 mai 2020, Société Clean Bulding,
le Conseil d’État affirme que « la circonstance que l'offre du concurrent évincé, auteur
du référé contractuel, soit irrégulière ne fait pas obstacle à ce qu'il puisse se prévaloir
de l'irrégularité de l'offre de la société attributaire du contrat en litige. Tel est notamment
le cas lorsqu'une offre peut être assimilée, par le juge des référés dans le cadre de
son office, à une offre irrégulière en raison de son caractère anormalement bas »

Cette décision intervient suite à deux arrêts de la CJUE Fastweb (4 juillet 2013) et
Puligienica Facility Esco SpA dit « PFE » (5 avril 2016). Dans ces deux décisions, une
personne éliminée de la procédure pour irrégularité a pu se prévaloir d’un intérêt
légitime à former un recours précontractuel.

54 TA, Grenoble, 13 novembre 2008, Société Paprec Réseau

68
Elle a pu faire un recours contre l’attribution du marché, notamment parce que l’offre
du candidat retenu était également irrégulière pour les mêmes motifs qui ont conduit à
son éviction.
Dans l’arrêt PFE, la Cour va même jusqu’à affirmer qu’un tiers lésé peut
invoquer n’importe quelle irrégularité pour former ce recours. Il n’est pas nécessaire
que la même irrégularité touche le candidat retenu.
Le requérant peut soulever tout moyen pour obtenir l’exclusion de l’offre de
l’attributaire, moyen impossible à soulever avant avec la jurisprudence Smirgeones.

De plus, la CJUE dans son arrêt NAMA Symvouloi le 24 mars 2021 allègue que
« un requérant peut soulever tout moyen contre la décision d’admission d’un autre
soumissionnaire, y compris ceux qui ne présentent pas de lien avec les irrégularités
en raison desquelles son offre a été exclue ».

Cependant, la portée de cette décision est à minimiser pour le moment


notamment sur l’impact sur la sécurité juridique des contrats.
En effet, la CJUE répond à une question concernant une entreprise dont l’offre a été
exclue et non analysée, et c’est dans ce cadre qu’elle estime que le requérant peut
soulever tout moyen pour que soit écartée l’offre de l’attributaire ou de l’un de ses
concurrents encore en lice. Rien ne permet d’affirmer qu’elle adoptera la même
position dans le cas où l’offre sera analysée et notée par le pouvoir adjudicateur.

La CJUE n’a jamais été en accord avec la jurisprudence Smirgeones du Conseil


d’État, un conflit des juges est à noter sur ce point. Cependant, le Conseil d’État n’étant
pas dans une démarche de conflit avec la CJUE mais plutôt dans un dialogue, il a
assoupli sa jurisprudence Smirgeones dans son arrêt Société Clean Building.
Mais, l’impact des décisions de la CJUE sur la sécurité juridique des contrats reste
relatif. En effet, le Conseil d’État n’a pas pris en compte totalement les jurisprudences
de la CJUE.
Dans son arrêt Société Clean Building, il affirme certes qu’un concurrent évincé dû à
une irrégularité de son offre peut faire un recours mais uniquement si son offre
irrégulière est due à une offre anormalement basse.
Il faudra attendre d’autres décisions du Conseil d’État pour voir si celui-ci remet
totalement en cause sa jurisprudence Smirgeones.

69
Le juge limite également les recours grâce à une restriction des délais de
recours en cas de manquement aux mesures de publicité.

Paragraphe 2 : l’aménagement du délai de recevabilité du recours en cas de


manquement aux mesures de publicité (jurisprudence Czabaj)55

Dans ce cas, le juge doit faire une balance entre le respect de la légalité et la
sécurité juridique.
Par une importante décision Czabaj du 13 juillet 2016, le Conseil d’État empêche la
contestation perpétuelle d’une décision administrative qui n’a pas fait l’objet des
mesures de publicité appropriées. En principe, une décision administrative peut être
contestée dans les délais impartis uniquement si ceux-ci sont mentionnés dans la
décision.56
Ainsi, historiquement, une non-mention de ces délais pouvait conduire à remettre une
situation juridique en cause des années plus tard. La sécurité juridique n’était pas
assurée.
Depuis cette jurisprudence une décision administrative ne peut être contestée que
dans l’année suivant sa publication ou sa notification.

Le considérant de principe est le suivant : « le principe de sécurité juridique, qui


implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations
consolidées par l’effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée
indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son
destinataire, ou dont il est établi, à défaut d’une telle notification, que celui-ci a eu
connaissance »57

Cette décision a ensuite été déclinée à plusieurs contentieux. Par exemple : le


contentieux de l’urbanisme ou le contentieux fiscal.

55 Éric LANDOT, La sécurité juridique n’a plus de limite : encore une extension de la jurisprudence
Czabaj aux décisions d’espèce, 2020
56 Article R421-5 du Code de Justice administrative
57 CE, Assemblée, 13 juillet 2016

70
Mais quid du contentieux contractuel ? En effet, toujours dans un souci de
sécurité juridique des contrats publics, il paraît opportun d’aborder dans ce mémoire
cette jurisprudence en lien avec le contentieux contractuel. De récentes jurisprudences
sont venues traiter de ce sujet.

Pour rappel, le recours Tarn et Garonne permet « à tout tiers à un contrat


administratif susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et
certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du
contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines
de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles ».
Ce recours est ouvert dans les deux mois « à compter de l’accomplissement des
mesures de publicité, notamment au moyen d’un avis mentionnant à la fois la
conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets
protégés par la loi »58

Cependant, dans quel délai peut-on intenter un recours contre la validité du


contrat ou la passation d’un contrat lorsque les mesures de publicités ne sont pas
accomplies ? C’est cette question qui fait l’objet de divergences jurisprudentielles
depuis quelques années.

Le tribunal administratif de la Réunion 59 a été le premier à se saisir de la


question dans le cadre d’un référé précontractuel. Dans cet arrêt, il évoque la
jurisprudence Czabaj et affirme que le délai raisonnable serait de trois mois pour
contester un contrat n’ayant pas fait l’objet de mesures de publicités adéquates.

Puis, dans le cadre d’un recours Tarn Et Garonne, le Tribunal administratif de


Lille60, affirme que « Toutefois, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne
puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par
l’effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contesté indéfiniment un contrat
administratif dans le cas où l’administration a omis de mettre en œuvre des mesures
de publicité appropriées. En cette hypothèse, les tiers ne peuvent exercer de recours

58 CE Assemblée, 4 avril 2014, Tarn et Garonne


59 TA de Saint-Denis de la Réunion, Société réunionnaise de Bureautique
60 TA de Lille, 15 octobre 2019, Sté Berobe

71
juridictionnel contre le contrat au-delà d’un délai raisonnable, qui ne saurait, sous
réserve de circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, excéder un an
à compter de la date à laquelle celui-ci en a eu connaissance. »

Cependant, un appel a été interjeté et la cour administrative d’appel de Douai


rejette la requête au motif de la tardiveté du recours, mais elle ne se fonde pas sur la
jurisprudence Czabaj, mais sur le délai de deux mois, délai légal pour former un
recours en validité contre le contrat administratif en principe.
Toutefois, si la cour administrative d’appel n’a pas expressément pris position, alors
même qu’elle avait la possibilité de le faire, au regard de la solution retenue par le
tribunal administratif, il est possible de conclure qu’elle répond par la négative à
l’application de Czabaj au contentieux contractuel.

Cependant, a contrario de la position de la cour administrative d’appel de Douai,


la Cour administrative d’appel de Marseille61 a jugé récemment que la jurisprudence
Czabaj s’applique au contentieux Tarn et Garonne lorsqu’il y a uniquement
contestation du contrat.
Lorsque ce recours est assorti de conclusions indemnitaires visant à réparer le
préjudice né de l’éviction d’une procédure de passation, il faut distinguer entre le délai
du recours en contestation de la validité du contrat et le délai de présentation des
conclusions indemnitaires.

Les décisions sont divergentes selon les cours d’appel et selon les types de
recours. Il conviendra donc d’attendre une décision du Conseil d’État sur cette
application de la jurisprudence Czabaj au contentieux contractuel.

Néanmoins, si le Conseil d’État décide d’appliquer cette décision au contentieux


contractuel, cela serait bénéfique pour la sécurité juridique des situations
contractuelles entre un opérateur et les collectivités.

61
CAA Marseille 25 avril 2022, SAS Seateam Aviation

72
Pouvoir remettre en cause des situations juridiques des années après la
conclusion et même après son expiration comporterait des risques financiers
importants.

Le juge utilise d’autres outils, notamment au moment de l’examen de la requête


et lors de la sanction pour éviter l’anéantissement du contrat.

Section 2 : les remèdes à l’annulation de la procédure et du contrat

L’arrêt Tarn et Garonne ainsi que l’arrêt Béziers I disposent que dans le cadre
du contentieux de la validité du contrat : « après avoir pris en considération la nature
de ces vices, le juge du contrat peut :
- décider de la poursuite de l’exécution du contrat ;
- inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu’il
fixe.
- en présence d’irrégularités qui ne peuvent être régularisées et qui ne permettent
pas la poursuite de l’exécution du contrat, prononcer le cas échéant avec un effet
différé et après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive
à l’intérêt général, la résiliation du contrat.
- prononcer, si le contrat a un contenu illicite ou s’il se trouve affecté d’un vice de
consentement ou de tout autre vice d’une particulière gravité que le juge doit ainsi
relever d’office, l’annulation totale ou partielle de celui-ci.
- faire droit, s’il en est saisi, y compris lorsqu’il invite les parties à prendre des
mesures de régularisation, à des conclusions tendant à l’indemnisation du
préjudice découlant de l’atteinte à des droits lésés.

Ainsi, le juge dispose d’une palette de pouvoirs élargis visant à éviter les
annulations des contrats.

73
Paragraphe 1 : le remède de la consolidation de la procédure et du contrat :
l’injonction de régularisation

A) La régularisation de la procédure

Dans la majorité des cas, lorsqu’un vice dans la procédure de passation est
constaté, le juge accepte de régulariser la procédure plutôt que de l’annuler.

Ainsi, dans une décision du 28 janvier 2013, le Conseil d’État a offert la


possibilité à une collectivité de réunir une nouvelle fois la commission d’appel d’offre
afin de prononcer à nouveau l’attribution d’un marché existant puisque initialement la
commission était irrégulièrement composée.

Le juge peut également enjoindre l’administration de régulariser le contrat plutôt


que de l’annuler.

B) La régularisation du contrat

Lorsqu’il est saisi d’un litige entre les parties à un contrat affecté de vices
entachant sa validité, le juge du plein contentieux peut désormais « décider que la
poursuite de l’exécution du contrat est possible, éventuellement sous réserve de
mesures de régularisation prises par la personne publique ou convenues entre les
parties ». Sur recours d’un tiers, ce même juge peut « inviter les parties à prendre des
mesures de régularisation dans un délai qu’il fixe, sauf à résilier ou résoudre le contrat
».

Dans un premier temps, il conviendra de définir ce qu’est une régularisation.


Régulariser signifie rendre un acte conforme aux lois et règlements.62
Cette notion de régularisation peut paraître floue. La doctrine et la jurisprudence ont
mis du temps à s’entendre sur cette notion. La jurisprudence affirme que la
régularisation est une validation administrative.

62 Jérémy Bentham

74
Gérard Cornu estime quant à lui que la régularisation est un synonyme de
validation, définition qui n’a pas été reprise par le Conseil d’État.
Dans un avis Avrillier de 1997, il a allégué que la régularisation entraîne des
mesures de modification et de validation. Ainsi, la définition n’est pas circonscrite à la
seule validation d’un acte.
Le Professeur Richer dans une note sous l’avis Avrillier rendu en 1997 a énoncé que
la régularisation est la voie alternative à l’inefficacité juridique du contrat illégal.
Pour le Conseil d’État, la régularisation se rapporte à toutes les techniques qui
permettent d’éviter une inefficacité juridique d’un contrat.
Mais il est possible d’ajouter que ces mesures de régularisation évitent également les
risques que peuvent supporter les parties ou les tiers résultant d’une annulation,
contribuant de facto à la sécurité juridique des contrats et donc à leurs stabilités.

Le contrat ne peut être régularisé que par l’Administration elle-même sur ordre
du juge.

Lorsque le juge enjoint l’administration de régulariser un contrat, celle-ci dispose


de divers moyens pour le faire. Généralement, elle prend un autre contrat : ce que la
doctrine appelle la réfection. Le souci d’une réfection, est que le contrat premier
disparaît et entraine plusieurs risques juridiques et une inefficacité certaine.

Ainsi, plutôt que de réguler le contrat, dans la majorité des cas, l’Administration
prend un nouveau contrat que l’on peut appeler « contrat de régularisation ».
Ainsi, ce nouveau contrat prend la forme d’un « avenant de régularisation d’un contrat
illégal »63 . Le contrat s’inscrit nécessairement dans l’opération issue du contrat qu’elle
a pour objet de rendre légal. Le contrat litigieux ne disparaît donc pas.

Paragraphe 2 : le prononcé de reprise des relations contractuelles

La possibilité de prononcé de reprise des relations contractuelles n’est pas un


pouvoir rentrant dans l’office du juge lorsque celui-ci est saisi d’un recours en
contestation de validité du contrat. Cette possibilité est un recours spécifique.

63
Pierre Bourbon
75
Cependant, il est important de le mentionner parce qu’il permet d’éviter une résiliation
de contrat.
Afin de garantir la stabilité des contrats, le juge est venu encadrer les pouvoirs
exorbitants de l’administration.

Depuis une ancienne jurisprudence datant du 20 février 1868, Goguelat repris


par l’arrêt Société des ateliers de nettoyage, teinture et apprêts de Fontainebleau du
24 novembre 1972 « le juge des contestations relatives aux marchés administratifs n’a
pas le pouvoir de prononcer l’annulation des mesures prises par l’administration à
l’encontre de son cocontractant » ; « il lui appartient seulement de rechercher si ces
actes sont intervenus dans des conditions de nature à ouvrir au profit de celui-ci un
droit à indemnité ».
Ainsi, lorsque l’Administration prononce une mesure d’exécution du contrat et en
l’espèce utilise son pouvoir de résiliation unilatérale du contrat, le juge ne peut que
donner une indemnité au cocontractant de l’administration. Le juge considérant que ce
pouvoir est discrétionnaire au bénéfice de l’Administration.

Mais le Conseil d’État dans un arrêt Béziers II du 21 mars 2011 ouvre une
nouvelle voie de droit aux cocontractants de l’administration : suite à une résiliation, il
peut demander la reprise des relations contractuelles.

Le Conseil d’État a fortement encadré ce recours. Il doit être formé dans les
deux mois suivant la notification de la mesure de résiliation Cette mesure doit être
illégale.

Ce recours étend considérablement les pouvoirs du juge, mais encore plus dans
son appréciation de la reprise ou non des relations contractuelles. En effet lorsqu’il
constate que la décision de résiliation est entachée de vices relatifs à sa régularité ou
à son bien-fondé, de déterminer s’il y a lieu de faire droit à la demande du cocontractant
de l’Administration, dans la mesure où elle n’est pas sans objet, ou de rejeter le
recours, en jugeant que les vices constatés sont seulement susceptibles d’ouvrir, au
profit du requérant, un droit à indemnité.

76
Celui-ci doit faire une balance entre les intérêts en cause. Ainsi, il doit tenir
compte :
- De l’importance des vices constatés
- Des manquements des requérants à ses obligations contractuelles
- Ainsi qu’aux motifs de la résiliation.

Une reprise des relations contractuelles ne doit pas porter une atteinte
excessive à l’intérêt général. En cela, le juge doit prendre en compte le fait qu’un
nouveau contrat ait pu être conclu entre l’Administration et un nouveau cocontractant.

Afin de ne pas mettre en échec continuellement ce recours suite à une


conclusion d’un nouveau contrat, ce recours est ouvert dans le cadre du référé
suspension. Un recours sur le fond doit tout de même être fait.
Ainsi, si l’urgence et un doute sérieux quant à la légalité de la décision existe, le titulaire
peut demander la suspension de la mesure de résiliation.

Le juge administratif doit examiner si « les vices invoqués paraissent d’une


gravité suffisante pour conduire à la reprise des relations contractuelles et non à la
seule indemnisation du préjudice », qui reste alors le principe.
Ainsi pour constater un doute sérieux quant à la légalité de la décision, le juge
s’attachera à examiner les vices de la décision de résiliation.
Sur l’urgence, cela est plus compliqué à caractériser. Il devra vérifier « les atteintes
graves et immédiates que la résiliation litigieuse est susceptible de porter à un intérêt
public ou aux intérêts du requérant »
Le commissaire du gouvernement de cette affaire affirme qu’il faut qu’il y ait un péril
économique.
En tout état de cause, cela est difficile à caractériser et le juge dans la pratique ne
prononce que très rarement la suspension de la mesure de résiliation dans le cadre
du référé. Par exemple, la perte de 20 % du chiffre d’affaires annuel et quatre
licenciements n’ont pas suffi pour que le juge prononce la suspension de la mesure de
résiliation.
Le Conseil d’État a même refusé d’instituer une présomption d’urgence.

77
Ainsi, même si ce recours est en apparence louable pour la sécurité juridique,
et notamment la possibilité du recours en référé suspension, puisque potentiellement
il suspend rapidement tout risque économique important pour la société, les
nombreuses jurisprudences postérieures ne consacrent pas une protection pour les
cocontractants de l’administration.
En effet, ce recours ouvert en référé suspension est beaucoup plus efficace puisque
prononcer une reprise des relations contractuelles dans les délais de jugement
normaux, à savoir entre 6 et 9 mois laisse les effets négatifs d’une résiliation se
perpétrer et peut déjà compromettre gravement la santé économique d’une entreprise.
Cependant, le prononcé de la suspension de la décision étant marginale, la sécurité
juridique des contrats reste malgré tout entravée.
Surtout qu’une fois à l’étape du jugement au fond, la personne publique a sans doute
déjà conclu un nouveau contrat, ce qui réduit les chances d’un prononcé de reprises
des relations contractuelles.

Une autre possibilité est utilisée par le juge pour limiter les risques d’une
annulation pure et simple d’un contrat : la résiliation.

Paragraphe 3 : le dernier remède à l’anéantissement : la résiliation

La résiliation d’un contrat administratif permet d’annuler un contrat pour l’avenir.


C’est une des solutions permettant d’éviter de remettre en cause des situations déjà
consolidées. Le marché public se termine uniquement plus tôt.

Cette résiliation peut être faite par l’Administration. Il s’agit d’un de ses pouvoirs
exorbitants ou par le juge administratif :
- soit à la demande du cocontractant de l’administration en cas de faute grave
de cette dernière ou en cas de force majeure ;
- soit lorsque le contrat lui-même impose le recours au juge pour sa résiliation
- soit à la demande de la personne publique lorsque son cocontractant a commis
une faute et qu’elle ne peut résilier elle-même le contrat ou lorsque l’équilibre
du contrat est bouleversé de façon définitive et que le recours à la théorie de
l’imprévision est inefficace ou lorsque surviennent des faits qui rendent
impossible l’exécution du contrat.

78
Depuis peu il y a une extension du champ de la résiliation. Aujourd’hui, quand
la personne publique doit mettre fin au contrat, car celui-ci est contraire à l’intérêt
général, mais ne le fait pas, le juge peut prendre cette initiative.Cela rend service au
principe de la légalité, mais non à la sécurité juridique des contrats.
Cependant, les effets d’une résiliation sont moindres qu’une annulation de contrat.
Le juge, lorsqu’il est dans l’obligation de faire disparaître le contrat, procède le plus
souvent à une résiliation plutôt qu’à une annulation.

Paragraphe 4 : l’indemnisation

Malgré cette palette de pouvoirs étendus du juge du contrat, l’acte d’achat peut
être annulé ou résilié (notamment lorsque le vice n’est pas régularisable.)

Pour pallier aux risques financiers que peut subir l’entreprise mais également
l’Administration, le juge a recours à l’indemnisation : soit du titulaire (A) soit de
l’Administration (B)

A) L’indemnisation du titulaire

Le juge indemnise les dépenses dites « utiles » (a) et le manque à gagner (b)

a) L’indemnisation des dépenses dites « utiles »

En cas d’annulation ou de résiliation d’un acte d’achat, le juge indemnise


systématiquement les dépenses dites utiles. Cela est dû au principe de
l’enrichissement sans cause. En effet, une personne ne peut s’enrichir au détriment
d’une autre personne. Ce principe s’applique aux personnes publiques.
Le Conseil d’État dans un arrêt Société Decaux du 10 avril 2008 ouvre cette
possibilité sur le terrain quasi contractuel. Cette indemnisation est aujourd’hui inscrite
dans le code de la commande publique à l’article L2235-1 du CCP pour les marchés
de partenariat. 64

64 En cas d'annulation ou de résiliation du contrat par le juge, faisant suite au recours d'un tiers, le

79
b) L’indemnisation du manque à gagner

Lorsque le contrat est annulé en raison d’une faute de l’acheteur, le


cocontractant peut demander l’indemnisation du manque à gagner du contrat, en plus
des dépenses utiles.

Cependant, le Conseil d’État dans un arrêt du 6 octobre 2017 restreint les


conditions d’accès à une éventuelle indemnisation en affirmant qu’il doit y avoir un lien
de causalité direct entre la faute de la collectivité et le préjudice subi par le
cocontractant. Ainsi, le Conseil d’État applique le triptyque classique de la
responsabilité juridique : une faute, un préjudice et un lien de causalité.

Afin d’illustrer, nous prendrons le cas d’espèce de l’arrêt du 6 octobre 2017 du


Conseil d’État.
En l’espèce, l’hôpital de Narbonne a attribué un marché public à une société.
Un concurrent évincé de la procédure a saisi le juge des référés pour non-respect du
délai de stand still 65. Le marché a été annulé par le juge des référés.
Une nouvelle procédure a été lancée, la société anciennement titulaire du marché n’a
pas été retenue. Elle a donc demandé indemnisation au juge des préjudices qu’elle
estimait avoir subis du fait de l’annulation du marché.

Le Conseil d’État affirme que sans les manquements aux règles de passation
commis par l’hôpital de Narbonne la société n’aurait pas obtenu le marché. Ainsi, la
société ne peut se prévaloir d’un lien de causalité entre la faute commise par le pouvoir
adjudicateur et le manque a gagné qu’elle estime avoir.
Cette décision est logique : il ne peut y avoir de lien de causalité si l’entreprise a obtenu
le marché grâce aux irrégularités constatées. De plus, il n’est pas possible d’imaginer

titulaire du marché de partenariat peut prétendre à l'indemnisation des dépenses qu'il a engagées
conformément au contrat dès lors qu'elles ont été utiles à l'acheteur.

65Délai nécessaire entre l’envoi des lettres de non retenu aux concurrents évincés et la signature du
contrat.

80
qu’un opérateur économique ait eu le marché sans connaître les erreurs commises
par la personne publique.

Ainsi, cela limite les possibilités d’indemnisation du cocontractant. Cependant,


ce lien de causalité est tout de même caractérisé dans la plupart des cas.
Le juge a recours de plus en plus à l’indemnisation en cas d’annulation de l’acte.

B) L’indemnisation de l’Administration.

En cas d’annulation d’un marché public par le juge, celui-ci peut également
prononcer le versement d’indemnité au profit de l’Administration.
C’est notamment le cas lorsque celle-ci est victime de pratique anticoncurrentielles de
la part de son cocontractant.

Par exemple, entre 1997 et 2006, plusieurs entreprises se sont entendus sur
les prix dans le secteur de la signalétique routière.
Le Département de la Seine Maritime a engagé un recours contre la société Lacroix
Signalisation pour annuler les marchés conclus entre eux. Par un jugement du 31
janvier 2017, le Tribunal administratif de Rouen a annulé les marchés publics en
cause. Il a également condamné la société Lacroix Signalisation à rembourser les
sommes déboursées par le Département dans le cadre de ces marchés.

La société a interjeté appel devant la Cour administrative de Douai. Par un arrêt


du 22 février 2018, elle n’a fait droit qu’aux conclusions subsidiaires du département
tendant à obtenir une indemnité pour réparer le surcoût lié aux ententes.

La société Lacroix Signalisation se pourvoit en cassation et par un arrêt du 10


juillet 2020, n° 420045 publié au recueil Lebon, le Conseil d’État affirme que la
personne publique peut obtenir la réparation de ses préjudices causés par le
cocontractant. Néanmoins, la collectivité ne peut obtenir sur le terrain quasi délictuel
que la réparation du préjudice lié au surcoût qu’ont impliqué les pratiques
anticoncurrentielles dont elle a été victime.
L’indemnisation couvre les risques financiers d’une annulation ou d’une résiliation.

81
Cependant, comme évoqué à plusieurs reprises, les annulations d’acte d’achat
sont aujourd’hui exceptionnelles. Or, la marginalité de ces annulations pourrait être
remises en cause à l’avenir.

Paragraphe 5 : des annulations devenues réellement exceptionnelles ?

Ainsi, les annulations de contrat sont devenues plutôt exceptionnelles au regard


des pouvoirs que le juge possède :

- pouvoir d’appréciation étendu sur l’opportunité d’annuler ou non : prise en


compte de l’intérêt général et de la loyauté des relations contractuelles
- pouvoir d’enjoindre une régularisation ou de régulariser lui-même
- résiliation
- limitation des moyens invocables dans le cadre du référé précontractuel et
contractuel

Cependant, la marginalité des annulations pourrait être remise en cause


prochainement.
En effet, dans un arrêt du Conseil national des barreaux et M.B du 9 juin 2021
dans le cadre du contentieux Tarn et Garonne, le Conseil d’État affirme que si le juge
est saisi par un tiers de moyens s’assimilant à des moyens d’ordre public (vice grave)
celui-ci peut prononcer l’annulation alors qu’uniquement la résiliation ait été demandé.
Un tiers peut demander la résiliation de l’acte d’achat. Le juge peut répondre par
l’affirmative ou négative. Mais même si cela ne lui est pas demandé, il peut prononcer
l’annulation du contrat lorsqu’un moyen d’ordre public est invoqué.
De plus, le juge peut soulever ces moyens d’office.
Ainsi, un recours par un tiers peut être fait, ce tiers soulève des moyens, peut être
inopportun et le juge peut décider qu’il y a des vices étant des moyens d’ordre public
et annuler le contrat.
Bien sûr, le juge prend en compte l’atteinte à l’intérêt général. Mais cet arrêt est une
petite révolution dans le contentieux contractuel au vu de l’office important laissé au
juge dans le cadre du contentieux Tarn et Garonne.

82
Auparavant, dans le cadre du contentieux de validité du contrat, lorsqu’était
invoqué un moyen d’ordre public par les requérants, le juge pouvait annuler un contrat
administratif sur le fondement d’un moyen d’ordre public si les parties en faisaient la
demande.
Ainsi, le Conseil d’État donne une cohérence des conséquences à tirer face à
un vice grave constaté sans possibilité de régularisation. L’annulation apparait ainsi
poursuivre une finalité d’ordre public.
Le contentieux de la contestation de validité devient bien plus qu’un simple recours
subjectif visant à préserver les seuls intérêts du requérant, mais se rapproche d’un
recours pour excès de pouvoir ayant pour objectif la poursuite du respect de l’ordre
public.

Cette solution, où l’office du juge est quasi libre face à un vice grave, avait déjà
été prise en matière de recours formé par les parties au contrat contre les mesures
d’exécution, recours Béziers II 66 et en matière de référé précontractuel.67
Ainsi une harmonisation de l’office du juge a été faite.

De plus, le Conseil d’État affirme que des conclusions à fin d’annulation peuvent
être soulevées pour la première fois en appel sans que leur soit opposé leur caractère
nouveau.

Ainsi, un « sacro-saint » n’est pas donné aux actes d’achat. Les possibilités
d’annulation restent réelles. Cependant, il convient d’attendre les effets de cette
décision et de la façon dont le juge s’en emparera.
En tout état de cause, à l’heure actuelle, l’annulation des actes d’achat demeurent
marginale.

66 CE, 27 février 2019, Société Opilo


67 CE, 15 décembre 2006, Société Corsica Ferries

83
CONCLUSION :

Ainsi, les décisions du juge administratif ont un impact sur l’action de


l’Administration.
L’action de cette dernière et celle du juge sont liées. C’est un jeu d’analyse et de
correction entre le juge et l’Administration.
L’analyse des jurisprudences donne à l’Administration les actions correctives qu’elle
doit mettre en place pour sécuriser ses actes d’achat.
De même, le juge analyse l’action de l’administration mais aussi des cocontractants et
essaye de moduler son office en faveur de la pérennité des actes d’achat.

Malgré des jurisprudences récentes pouvant remettre en cause le mouvement


de sécurisation des actes d’achat par le juge, il n’en est rien pour le moment. Le juge
tend toujours vers cette politique qui consiste à ne pas annuler les actes.
En outre, s'il vient à annuler un acte il procède quasi systématiquement à une
indemnisation du cocontractant, le risque financier étant le risque majeur celui-ci.

84
ANNEXES :

Annexe 1 : Carte administrative française découpée en département (sous


forme de carré faisant 70 kilomètres de côté)

85
Annexe 2 : Organigramme de la Direction Juridique et des Marchés du
Département de la Seine Maritime

CHEF DE PROJET « ACHATS


DIRECTEUR GESTIONNAIRE JURIDIQUE
PUBLICS »
Patricia MAZURIER
Laurent DUBOISSET Martine DELAMARE
Chargée AGORASTORE
Correspondante RH

SECRETAIRE DE DIRECTION
CHARGE DE MISSION DIRECTEUR ADJOINT Sonia MOIZAN
Correspondante DSI, Logistique
« PILOTAGE ACHAT» Fanja BOTSILAZA RAFFINET Autorité d’enregistrement
Karine LE BRIS
Chargé des fonctions transversales et prospectives déléguée

CHEF DU SERVICE CHEF DU SERVICE CHEF DU SERVICE CONSEIL JURIDIQUE


MARCHES PUBLICS ACHATS ET ASSURANCES
Sandrine BUFFET Christophe LE CORVEC Dominique DELALONDE

CONSEIL JURIDIQUE
CONSEIL EN MARCHES
Domanialité publique et
PUBLICS, AIDES ET
ACHETEUR privée, opérations
SUBVENTIONS
Juliette DUQUESNOY d’aménagement,
Aurélie GROUT DE
Mathilde LOUET environnement et
BEAUFORT
Nelly BORDIER développement durable
Nicolas LEROUGE
Sébastien RIDEL
VIRGINIE SWINGEDOUW Yann HUPFER ASSURANCES
Lucie LAURANT Passation des marchés
Adèle HAUDEBOURG
Géma GRITENAITE Fonctionnement des Gestion des sinistres
assemblées, fonction amiables et
publique, économie, contentieux,
finances, conventions, Élaboration BP,
fonctionnement des mandatement et titres
organismes publics, de recette
parapublics et transport, Barbara CONFAIS
éducation, culture, jeunesse, Mélanie DELAROQUE
sport

Droit de la personne, social


et logement
CHLOE ODIENNE
Florian ETIENNE

86
Annexe 3 : Nomenclature
Extrait de la nomenclature fourniture

87
Extrait de la nomenclature travaux

88
BIBLIOGRAPHIE :
Ouvrages :

Mattias GUYOMAR, Bertrand SEILLER, Contentieux administratif – Hyper Cours –


2021

Code de la Commande Publique

Code de justice administrative

Guide pratique de la commande publique – La Gazette des communes

Articles :

Éric LANDOT, La sécurité juridique n’a plus de limite : encore une extension de la
jurisprudence Czabaj aux décisions d’espèce, 2020

Éric LANDOT, Peut-on appliquer la jurisprudence Czabaj au contentieux contractuel ?


, 2019

Rémy SCHWARTZ, Une révolution, Ius publicum

Caroline LANTERO, Sécurité juridique et mutation des annulations platoniques –


AJDA 2009

Fabien BOTTINI, Les implications nouvelles du principe de sécurité juridique en droit


administratif, 2008

Alexandre RADOSZYCKI, La CJUE désmirgeome-t-elle le droit de la commande


publique ? Gazette n°45 Association IDPA

89
DE SIGOYER Valérie, Sur l'application de la jurisprudence Czabaj au contentieux
contractuel

Geoffroy BERTHON, Quelques précisions sur l’indemnisation du manque à gagner du


cocontractant en cas d’annulation d’un contrat administratif, 2018

Rapports et publications officiels :

Discours de Jean Marc Sauvé, Vice-Président du Conseil d’Etat sur le contentieux


contractuel

Jurisprudence du Conseil d’Etat – Ariane Web

Site de la Cour de Justice de l’Union Européenne – Curia

Rapports OCDE

Thèse :

Stéphanie DOUTEAUD, La stabilisation des contrats de l’administration par le juge de


la validité, 2017

90
Table des matières

Remerciements .......................................................................................................... 3
Sommaire ................................................................................................................... 4
Liste des abréviations ................................................................................................. 5
Mémoire de stage : Mon stage au sein du Département de la Seine Maritime ........... 7
Chapitre 1 : le Département en tant que collectivité territoriale……………..………….7
Section 1 : Histoire du Département ........................................................................... 7
Section 2 : Les compétences du Département ........................................................... 9
Section 3 : Fonctionnement ...................................................................................... 10
Paragraphe 1 : un mode de scrutin original .............................................................. 10
Paragraphe 2 : organes constitutifs .......................................................................... 11
A) Le président et les vice-présidents................................................................. 11
B) Le conseil départemental ............................................................................... 11
C) La commission permanente ........................................................................... 12
Section 4 : l’avenir du Département : entre déclin et renaissance ............................ 12
Chapitre 2 : la direction juridique et des marchés………………………………………14
Section 1 : La gestion des contentieux ..................................................................... 15
Section 2 : L’activité d’études et de conseil juridique ................................................ 17
Section 3 : La gestion de la fonction achat ............................................................... 19
Paragraphe 1 : La fonction achat du service marchés publics .................................. 19
Paragraphe 2 : le service achats .............................................................................. 19
Paragraphe 3 : le pilotage des achats. ..................................................................... 21
Mémoire de recherche : La sécurisation des actes d’achat ...................................... 26
Introduction : ............................................................................................................. 26
Paragraphe 1: Définitions ......................................................................................... 26
Paragraphe 2 : Intérêts et enjeux. ............................................................................ 27
Paragraphe 3 : Délimitation / explication du sujet .................................................... 31
PARTIE 1 : LA SECURISATION DES ACTES D'ACHAT PAR
L'ADMINISTRATION……………………………………………………………………….33
Chapitre 1 : La sécurisation dans la préparation du marché .................................... 35
Section 1 : Le recueil des besoins ............................................................................ 35
Paragraphe 1 : une nécessité d’avoir le juste « besoin » ......................................... 35
Paragraphe 2 : Un recueil élaboré avec des interfaces internes et externes ............ 37
A) Le sourcing .................................................................................................... 37
B) Le recensement interne ................................................................................. 38
Section 2 : Une nécessaire compilation des besoins ................................................ 39
Paragraphe 1: les différents types de procédures .................................................... 39
Paragraphe 2 : La computation des seuils................................................................ 40
91
Paragraphe 3: les instruments utilisés ...................................................................... 41
Chapitre 2 : La sécurisation en phase de passation ................................................. 42
Section 1 : l’importance du respect des exigences lors de l’analyse des candidatures
et des offres. ............................................................................................................. 42
Paragraphe 1 : Le respect du règlement de consultation ......................................... 43
Paragraphe 2 : Les offres anormalement basses ..................................................... 44
Paragraphe 3 : Les régularisations des candidatures et des offres .......................... 47
Section 2 : La sécurisation de la négociation............................................................ 48
Paragraphe 1 : L'ouverture de la négociation en procédure formalisée .................... 48
Paragraphe 2 : La négociation en procédure adaptée .............................................. 49
Paragraphe 3 : le cadre légal et réglementaire ......................................................... 49
Chapitre 3 : les outils sécurisant les achats à toutes les étapes de la mise en œuvre
d’un acte d’achat ...................................................................................................... 51
Section 1 : l’organisation de la fonction achat et l’instauration du pilotage achat ..... 51
Section 2 : les contrôles internes .............................................................................. 53
Paragraphe 1 : le service de la commande publique ................................................ 53
Paragraphe 2 : le contrôle du service des finances .................................................. 54
Section 3 : la formation des agents .......................................................................... 54
PARTIE 2 : LA SECURISATION JURIDIQUE DES ACTES D’ACHAT PAR LE JUGE
ADMINISTRATIF ...................................................................................................... 56
Chapitre 1 : L’élargissement des recours contre le contrat, vecteur d’insécurité ...... 57
Section 1 : la complexité antérieure du contentieux contractuel ............................... 57
Paragraphe 1: l’impossibilité historique du recours des tiers contre le contrat ......... 57
Paragraphe 2 : des évolutions complexes : l’ébrèchement de la frontière entre le
recours pour excès de pouvoir et le recours en plein contentieux ............................ 59
Section 2 : état des voies de recours actuelles et l’ouverture du prétoire aux tiers .. 60
Paragraphe 1 : Le recours par les parties aux contrats ............................................ 61
Paragraphe 2 : Le recours par les tiers .................................................................... 61
A) Les recours en contestation de validité du contrat ......................................... 61
B) Les procédures d’urgences ............................................................................ 62
Paragraphe 3 : la transaction et la médiation ........................................................... 63
Chapitre 2 : La prévalence de la sécurité juridique par le juge ................................. 66
Section 1 : Les conditions strictes de la recevabilité de la requête ........................... 66
Paragraphe 1 : La nécessité d’un réel intérêt à agir ................................................. 66
Paragraphe 2 : l’aménagement du délai de recevabilité du recours en cas de
manquement aux mesures de publicité (jurisprudence Czabaj) ............................... 70
Section 2 : les remèdes à l’annulation de la procédure et du contrat ....................... 73
Paragraphe 1 : le remède de la consolidation de la procédure et du contrat :
l’injonction de régularisation ..................................................................................... 74
92
Paragraphe 2 : le prononcé de reprise des relations contractuelles ......................... 75
Paragraphe 3 : le dernier remède à l’anéantissement : la résiliation ........................ 78
Paragraphe 4 : l’indemnisation ................................................................................. 79
Paragraphe 5 : des annulations devenues réellement exceptionnelles ? ................. 82
CONCLUSION : ........................................................................................................ 84
ANNEXES : .............................................................................................................. 85
Annexe 1 : Carte administrative française découpée en département sous forme de
carré faisant 70 kilomètres de côté. .......................................................................... 85
Annexe 2 : Organigramme de la Direction Juridique et des Marchés du Département
de la Seine Maritime ................................................................................................. 86
Annexe 3 : Nomenclature ......................................................................................... 87

93

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