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ordres professionnels également (ordre des médecins, des avocats, des pharmaciens, des
vétérinaires notamment) et même au profit de sociétés commerciales, technique bien
commode pour intervenir dans le secteur économique. Ainsi par exemple Orange gère le
service public des télécommunications. On pourrait s’en étonner mais la situation n’est pas
aussi rare qu’on le croit. Songez aux concessions d’autoroutes ! Les débats se concentrent
généralement sur le principe et le montant du péage, faisant presque oublier que la
construction et l’exploitation des autoroutes constituent un service public administratif,
auquel cas les litiges opposant les sociétés concessionnaires et leurs usagers relèvent de la
juridiction administrative. Il aura fallu deux importantes décisions du Tribunal des conflits
rendues en 2006 pour le rappeler : TC, 20 novembre 2006, 1ère espèce : Société EGTL c/
ESCOTA ; 2ème espèce : Sociétés Transports Gautier et SAS Transports Merret c/ ESCOTA
(société des autoroutes Estérel Côte d’Azur Provence Alpes), SAPN (société des autoroutes
Paris-Normandie), Sanef (société des autoroutes du Nord et de l’Est de la France), ASF (société
des autoroutes du Sud de la France).
§1. La centralisation
A) La centralisation parfaite
Cette hypothèse reconnaît l’Etat comme le seul capable de prendre les décisions fondamentales. L’Etat
unitaire est centralisé lorsqu’il exécute toutes les tâches qui se posent sur son territoire. L’activité
décisionnelle est confiée aux plus hauts responsables de l’Etat et la capitale y est un élément
essentiel. Elle est en effet le siège d’une administration étatique exerçant la totalité du pouvoir
administratif. Ainsi dans ce premier cas de figure, l’Etat est reconnu comme le seul capable de
prendre les décisions fondamentales. C’est là une conception idéale et rarement réalisée.
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B) La centralisation imparfaite
On peut définir la déconcentration comme l’aménagement du pouvoir administratif de l’Etat
consistant à transférer le pouvoir central à un échelon inférieur, plus proche de l’administré.
La technique consiste en effet à reconnaître un pouvoir de décision à des agents locaux
nommés par le pouvoir central. Pour reprendre le bon mot d'Odilon Barrot, « C’est toujours
le même marteau qui frappe, seulement on a raccourci le manche ». La déconcentration est
une modalité de la centralisation. Les agents, répartis sur l’ensemble du territoire et placés à
la tête de circonscriptions administratives, sont en effet soumis au pouvoir hiérarchique des
autorités centrales.
La technique, largement appliquée depuis le milieu du 19ème siècle avec la création de
l’institution préfectorale dans le département, repose sur l’idée formulée en 1852 selon
laquelle « on peut gouverner de loin, mais on n’administre bien que de près » (la formule est
tirée de l’exposé des motifs du décret du 25 mars 1852 renforçant les pouvoirs des préfets).
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et bien souvent, l’Etat doit assumer des tâches qui réclament une collaboration à tous les
niveaux !
Ce n’est pas du pareil au même pour autant ! La déconcentration s’interprète avant tout
comme une règle générale de répartition des tâches au sein de l’Etat. Les autorités
déconcentrées n’ont pas de pouvoir de décision propre et le processus de négociation relève
avant tout des autorités centrales si une décision doit être prise. La déconcentration n’est
donc pas aussi démocratique que la décentralisation. Les agents locaux de l’Etat ne sont pas
indépendants du pouvoir central. L’autorité centrale les nomme, elle gère leur carrière, elle
les révoque, elle contrôle leurs actes. Il n’y a donc pas de place pour la liberté.
Il n’est pas sûr enfin que la logique de rapprochement soit un total bénéfice pour le citoyen.
En effet, lorsque pour un seul projet, les acteurs publics sont nombreux à intervenir, comment
faire pour en identifier avec certitude le promoteur quand on ne s’y connaît pas ? Pour
beaucoup de citoyens, les grands projets publics deviennent de plus en plus anonymes et il
devient difficile dans ces conditions de cerner précisément les contours de l’administration
qui s’engage sur la question. Tout cela pose un réel problème démocratique !
§2. La décentralisation
L’Etat unitaire est décentralisé lorsque les décisions administratives sont prises par les
citoyens eux-mêmes ou par les autorités que les citoyens ont élues.
La décentralisation peut être fonctionnelle ou territoriale.
La décentralisation fonctionnelle consiste à reconnaître une autonomie à certains services
publics. Il s’agit plus précisément de gérer un service public par l’intermédiaire d’une personne
morale de droit public, distincte de l’Etat ou de toute autre collectivité territoriale. En d’autres
termes, les services sont dotés d’un patrimoine et d’organes chargés de diriger leur action. Ils
sont ainsi individualisés par leur objet et par leurs structures.
Ces services reçoivent généralement le statut d’établissement public. C’est le cas par exemple
du Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres, qui mène une politique de
sauvegarde de l’espace littoral. C’est encore le cas du Musée Rodin, dont l’objet consiste à
présenter des collections ou encore acquérir de nouvelles oeuvres. En définitive, le dispositif
consiste à mettre en place le procédé juridique visant à optimiser la gestion du service public.
Dans cette logique, on est très loin de la décentralisation territoriale.
La décentralisation territoriale présente trois fonctions. Elle permet en premier lieu de mieux
administrer le territoire par une plus grande proximité entre les responsables et les citoyens ;
elle vise en second lieu à faire vivre la démocratie locale en confiant aux élus locaux la gestion
des affaires locales. Elle autorise enfin une participation plus directe des citoyens à la vie de la
collectivité.
Une fois de plus, on perçoit bien la différence entre déconcentration et décentralisation, au-
delà du rapport de proximité. Dans la déconcentration, la décision est toujours prise au nom
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de l’Etat. C’est seulement un agent local qui se substitue au chef de la hiérarchie, le préfet
plutôt que le ministre par exemple. Dans la décentralisation, la décision est prise pour le
compte d’une collectivité territoriale, au nom de la collectivité territoriale, par un organe qui
en émane. Alors d’accord, l’objectif est toujours le même dès lors qu’il consiste à rapprocher
l’administration des administrés, mais du point de vue juridique la différence est très nette.
La décentralisation territoriale est également très différente de la décentralisation
fonctionnelle. En effet, si l’élection est capitale dans la décentralisation territoriale, elle ne
joue que très exceptionnellement pour la désignation des dirigeants d’établissements publics
où l’on penche plutôt pour une logique de rattachement. Il y a des liens organiques très forts
qui s’établissent entre le dirigeant et la collectivité de rattachement. Les emplois de direction
sont généralement des emplois supérieurs laissés à la discrétion de l’exécutif.