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Droit administratif

DROIT ADMINISTRATIF
INTRODUCTION GENERALE
C’est quoi le droit administratif ? Ex. on constate qu’aujourd’hui des hautes-écoles refusent d’inscrire des
étudiants, au motif qu’il n’y plus de place ou ceci ou cela. Or, c’est illégal  : le seul motif de refus = la
fraude ou l’étudiant non-finançable. En dehors de ces cas, il est interdit de refuser.
Qu’est-ce que ces étudiants on fait ? Ils se sont plaints auprès du commissaire de gouvernement qui a
enjoint d’inscrire ceux qu’ils ont refusés
 = casus de droit administratif.
 À part cette matière, les questions environnementales (p.ex. : permis d’urbanisme), le droit des
étrangers, les marchés publics… sont également du droit administratif.

Droit administratif =
- une branche du droit public qui organise l’activité de l’administration. Cette branche contient
les règles juridiques spécifiques applicables à l’ensemble des autorités, des collèges, des agents,
des organismes, des services qui sont chargés d’assurer la satisfaction des intérêts publics. Ces
activités ont lieu sous l’impulsion des pouvoirs politiques.
 Pourquoi sous l’impulsion des pouvoirs politiques ? Parce que ceux qui définissent ce qu’est
l’intérêt général, ce sont nos représentants, nos gouvernants.

- du droit de l’intérêt général, de la chose commune. Comment assurer l’intérêt général ? P.ex. :
porter un masque pour l’intérêt général sanitaire (à tort ou à raison)  en cas de non-respect :
sanction administrative de €250.

- les règles qui mettent fin aux litiges suscités par cette activité de poursuite l’intérêt général.
Pourquoi y a-t-il des litiges ? Parce qu’on peut contester ce que l’autorité a décidé. On peut
contester devant un juge la légalité des décisions, ce contrôle par le juge évite que
l’administration soit arbitraire.

( !! ) Cette définition n’est pas du tout figée, car le droit administratif est au carrefour de plein de
disciplines : droit public, droit civil, droit pénal, droit judiciaire, etc.

Au fil du temps, le droit administratif se développe de la manière suivante : un tronc commun, et puis les
branches. Le tronc commun = le droit administratif général ; les branches sont du droit administratif
spécifique. Attention : par ailleurs, le droit administratif a aussi tendance à une européanisation du
droit, au point de créer un ius commune de droit administratif.
- Le tronc commun : les principes généraux, le processus de décisions, les droits de recours.
- Les branches plus spécialisées : couvrent des secteurs particuliers, p.ex. : le droit de
l’environnement, le droit de l’enseignement, le droit de l’étranger, le droit public de l’économie,
etc.
 On a des interactions entre le tronc et les branches, l’un influence l’autre et vice versa. (Le cours
est un cours de droit administratif général, qui est illustré par des exemples tirés des branches
spécialisées.)

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Dimension européenne du droit administratif : le droit européen semble étranger au droit administratif
spécifique qui est propre à chaque état.
Toutefois, ce qui est frappant, c’est que, sous l’influence des droits de l’homme (qui sont du droit
administratif) un droit administratif supranational est apparu. Ce droit supranational influence les droits
nationaux. P.ex. : Charte européenne sur les droits fondamentaux, qui comporte la garantie de droits
fondamentaux, et en son art. 41 : le droit à une bonne administration. = Quid ? Transparence,
motivation, possibilité de recours. Le droit européen donne les bases en la matière.

A côté du droit national et supranational, il y a les autres disciplines qui permettent de mieux
comprendre le droit administratif, comme la science politique, la science administrative, l’histoire, la
sociologie etc.

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PARTIE I. NOTIONS LIMINAIRES : LE DROIT ADMINISTRATIF, DROIT DE L'ADMINISTRATION

A. La caractérisation de l'appareil administratif


L’espace administratif = la place qu’occupe l’autorité publique dans la société. De base, on fait donc une
distinction entre le public et le privé. Et, dans la sphère publique, on peut distinguer le niveau des
organes politiques et le niveau de l’administration. Et puis il y a la sphère privée, il y a nous.
L’administration se trouve dans la sphère publique, pour gérer l’intérêt général, sous l’impulsion des
pouvoirs politiques.

Notion d’administration
Administrer = gérer en vue d’un intérêt particulier, en vue d’assurer l’exécution correcte des lois, le
fonctionnement continu des services publics, la poursuite de l'intérêt général. Cette gestion se fait par
une administration (= des services et des agents qui sont chargés de l’administration générale). Ex. je
gère la commune, le fonctionnement des transports en communs à Bruxelles.

L'administration et les pouvoirs dans l’Etat


Si on situe l’administration par rapport aux 3 pouvoirs, on la met dans le pouvoir exécutif.
L’administration a priori, ne fait pas la loi (= tâche des parlements), l’exécutif exécute les lois et les juges
(notamment par les cours et tribunaux) contrôlent en fonction de leurs compétences.

Faisant partie de l’exécutif, le caractère subordonné de l’administration est démontré A PRIORI. On dit a
priori, car on constate que dans sa fonction exécutive, l’administration prend des actes qui ont un
caractère réglementaire et qui sont donc des normes nouvelles. Ce sont des textes généraux, abstraits,
impersonnels et parfois plus importants que la loi.
 En réalité, l’exécutif fait parfois la loi, plus que les parlements. P.ex. pouvoirs spéciaux = bel
exemple ==> l’exécutif qui a prend des arrêtés de pouvoirs spéciaux (sous contrôle du
parlement, MAIS c’est l’exécutif qui décide). Parfois l’administration est donc prépondérante et
exerce des fonctions quasi-législative mais par la voie réglementaire. La distinction est déjà un
peu poreuse.

L’administration a-t-elle aussi parfois des fonctions juridictionnelles ? Non, mais il y a quelques
exemples qui vont en sens inverse.
Parfois il n’y a pas assez de dissociation entre les deux. P.ex. : en Wallonie, le gouverneur de province
participe à l’administration. Il est nommé par l’exécutif ; il contrôle la province et à certains moments, il a
une fonction juridictionnelle, à l’occasion du contentieux communal électoral. Les litiges sont tranchés
devant le gouverneur de province, qui agit comme autorité juridictionnelle (c’est propre à la Wallonie !),
 il change de qualité. Il devient un juge le temps de ce contentieux-là.
 N’est-ce pas une confusion de pouvoir ? Ce juge ad hoc peut même poser des questions à la Cour
constitutionnelle. Or, seules des juridictions peuvent poser des questions la Cour
constitutionnelle (affaire des élections de Neufchâteau).

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 Que font-ils du côté flamand ? On a décidé que le contentieux électoral communal serait jugé
par une juridiction mise en place pour ça : ils ont décidé que ça devait être confié à quelqu’un
de complètement neutre et impartial (= Raad voor de verkiezingsbetwistingen).

REMARQUE : quand on regarde bien, il y a quand même un espace variable  l’administration a


toujours une interdépendance avec le législatif et elle travaille sous le contrôle du juge  ; parfois, elle est
même exceptionnellement juge.

L'administration et la sphère politique


( Rapports entre l’administration et la sphère politique).
Dans la définition, on a dit que les actions de l’administration dépendent de l’impulsion des pouvoirs
politiques.
EXEMPLE : le pouvoir politique de la ville de Bruxelles a décidé de fermer le bois de la Cambre, de le
réorganiser, et de faire un test sur sa circulation, en fonction des évolutions du Covid, etc.
C’est un choix politique ; pas de l’administration, le bois de la Cambre étant propriété de la ville de
Bruxelles.
 Ce sont les élus de la nation qui définissent l’intérêt général, MAIS la concrétisation dépend de
l’administration. Qui vient mettre des barrières, … dans le bois de la Cambre ? Il faut forcément
une complémentarité, une très forte indépendance entre le politique et l’administration,
inévitablement.
Il faut éviter que la politique du bien public, soit définie par l’administration ! Elle n’a pas la
légitimité pour ça, ce sont les élus qui ont la légitimité.
Mais les élus ne peuvent rien faire et il ne peut y avoir de politique publique efficace sans une
administration efficace. Pour le cas du bois de la Cambre, il faut des évaluations, … donc il faut
s’assurer que l’administration ait bien les moyens d’avoir des gens compétents pour faire les
comptages de voitures, pour voir les difficultés rencontrées etc.
‘CONCLUSION’ : si le politique veut quelque chose, il faut que l’administration suive. Il existe bien
une complémentarité entre le politique et l’administration.

Le politique, quid ? = le temps de l’urgence, il gère les choses urgentes, parle dans les médias, etc. 
tandis que l’administration = le temps long. « Les ministres passent, l’administration reste » :
l’administration a le temps de la continuité, elle n’est pas dans l’urgence, elle est stable.  Le politique
est temporaire, l’administration reste.
 = Un formidable tandem, un duo qui devrait bien fonctionner. Néanmoins, dans la pratique (avec
un regard critique) ça ne fonctionne pas aussi bien que ça. Pourquoi ?
Des 2 côtés il y a des perturbations. Du côté du politique, il interfère parfois dans des décisions
pour les orienter alors qu’il n’a pas à le faire (promouvoir telle personne, attribuer le marché
public à telle personne)  interventions qui ne sont pas admissibles, mais ça arrive, moins
qu’avant, mais tout de même. Déjà là, le politique devrait s’abstenir, il force à prendre des
décisions dépourvues de motif admissible. C’est scandaleux, MAIS, il y a des juges pour protéger
ça. Ils peuvent suspendre ou annuler telles décisions. Du côté de l’administration, tout n’est pas

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blanc non plus : on peut avoir des administrations qui refusent le changement ou qui ne sont pas
compétentes, qui bloquent notamment pour des motifs partisans ou sous l’injonction d’un
ministre.

Ce tandem administration-pouvoir politique avance parfois très bien et parfois pas du tout.
 Parfois l’état est très efficace  parfois ça ne va pas, parce que le politique prend de mauvaises
décisions ou l’administration ne fait pas ce qu’elle doit faire.

L'administration et la société civile


A côté du politique et de l’administration, apparait un nouvel acteur : la société civile, càd tous les
citoyens. Pourquoi parle-t-on de la société civile, alors qu’on vient de dire qu’il y a une césure entre le
public et le privé ?  Cette césure existe de moins en moins.
Auparavant, on considérait que la seule personne chargée de définir l’intérêt général, c’est le pouvoir
public, mais pas le privé (il s’en occupe que lors des élections  sinon, le citoyen n’a rien à dire et tout
ce qu’il dit dessus, c’est suspect  ça pourrait être pour son intérêt personne).
Ceci dit, cette logique est dépassée aujourd’hui, car :
1- d’une part, le citoyen veut participer à l’intérêt général et
2- d’autre part, parce que l’administration et le politique se rendent comptent qu’ils doivent être au
service du citoyen et être à son écoute, et non pas décider pour son bonheur en sachant mieux
que lui ce qu’il en est. Donc, il y a un double mouvement.

Le rapport entre l’administration et la société civile a changé, parce qu’on a mis en place des nouvelles
formes de relations beaucoup plus transparentes, qui s’expriment de la manière suivante :
- Tout d’abord on a commencé à informer le citoyen : l’administration s’est rendue compte que,
pour être admise dans ce qu’elle faisait, elle devait expliquer au citoyen ce qu’elle faisait,
l’informer d’une manière ou d’une autre par des campagnes d’explications, etc.
- Ensuite, on consulte aussi le citoyen. On va lui demander son avis, et il en existe de plus en plus
de procédure de consultation. Il existe :
1. des consultations informelles, p.ex. on consulte des secteurs professionnels, les syndicats, les
patrons, des associations spécifiques dans un domaine etc.,
2. et des consultations formelles, par ex. en environnement et urbanisme, on organise constamment
des enquêtes publiques avec les affiches de couleur jaune.
Ce droit à l’enquête publique est même consacré dans une convention internationale, dans la
Convention de Aarhus, qui consacre 3 droits en matière d’environnement :
(1) le droit d’information du citoyen,
(2) le droit de participer au projet qui touche à l’environnement
(3) le droit de recours.
Voilà du droit international qui percale dans du droit administratif belge, puisque ce droit se concrétise
très simplement. Il y a également les consultations populaires, art. 41 Const., au niveau local et régional.
Au niveau local, il peut y avoir des consultations populaires, et le citoyen peut l’initier en récoltant un
certain nombre de citoyens  le citoyen est lui-même initiateur d'un débat public, sur une question

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d’intérêt communal, p.ex. : discussion sur un nouveau centre commercial à LLN  opposition de
riverains. Par conséquent, une consultation populaire a été organisée dont la réponse était plutôt non
(75% non).
Dans ce genre de cas, les pouvoirs publics sont un peu coincés.
 Ils n’oseraient pas aller à l’encontre de l’avis des citoyens. Il y a eu des consultations populaires
communales en Flandre et Wallonie, mais jamais à Bruxelles.
Au niveau législatif, on a même des participations citoyennes.
Si on a 1000 signatures on peut porter un débat au parlement. Le droit du citoyen commence à
devenir extrêmement étendue.
On va plus loin encore, le citoyen peut être codécideur. Dans le domaine de l’environnement, en vertu
de la directive 2004/35, il faut prévoir un mécanisme par lequel, pour certaines pollutions, le citoyen
peut dénoncer à l’autorité une pollution en lui demandant d’intervenir (matière régionalisée).
Le service qui reçoit la plainte est obligé d’y donner suite et est tenu d’expliquer au citoyen qui s’est
plaint, le sort réservé à sa plainte. Le citoyen, s’il est insatisfait, peut saisir un juge pour en discuter. Le
juge aura donc devant lui, deux conceptions de ce que requièrent l’intérêt général en matière de
pollution. Attention, le citoyen n’a pas toujours raison : il y a aussi des limites pour le citoyen qui pourrait
intervenir que dans son propre intérêt (« not in my backyard »).
 ‘CONCLUSION’ : le citoyen considère que l’intérêt général ça le concerne aussi et qu’il peut dire
son mot.

Entre l’administration et les citoyens, on a mis en place la figure du médiateur. Cette figure est là pour
« remplacer » un juge. Le médiateur est une personne tierce, neutre, à qui on fait appel afin de régler
une question autrement que devant une juridiction.
(Quid du politique ? = du droit constitutionnel.)

L'administration en quelques chiffres


Quelques chiffres :
Au sens large, l’administration c’est environs 900.000 personnes. Qui sont ces gens ? Ceux qui travaillent
pour l’état fédéral (170.000 personnes), les agents fédéraux des différents ministères, la SCNB (30.000
personnes), Bpost (25.000 personnes), pour les entités fédérées, à la commune, pour l’enseignement,
etc.

1° L'évolution historique de l'Administration


A côté de l’espace administratif, on a l’appareil administratif. Comment est-il caractérisé, comment est-il
évalué ? Tout l’appareil administratif = l’état moderne tel qu’il est apparu, càd qu’on a décidé de confier
de tâches d’intérêt général à des professionnels de la chose publique, à des fonctionnaires permanents,
qui sont compétents, rémunérés et au service de l’état (pas d’un chef) avec un statut qui les protège
pour servir ces tâches d’intérêt général.

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a) L’Administration de l'Etat absolutiste


L’Etat du 17-18e siècle = tous les pouvoirs sont entre les mains, d’une seule et même personne, le Roi qui
a le pouvoir législatif, exécutif et judiciaire. « L’état, c’est moi »  le Roi a un pouvoir transcendant par
rapport aux particuliers ; il exerce un pouvoir autoritaire sur les citoyens, qui n’ont guère de droit. Il
dispose d’une administration, mais elle n’est pas vraiment organisée ; il n’y a pas vraiment de hiérarchie.
On fonctionne plutôt avec des abus. L’encadrement administratif n’a jamais vraiment été fort  on
n’avait pas les personnes pour gérer ça et il y avait beaucoup d’exceptions, de régimes dérogatoires.
P.ex. : féodalité et privilèges.

b) L’Administration de l'Etat libéral


Apparition de l’état moderne avec l’état libéral. Ça se traduit de 2 manières :
- Tout d’abord l’administration se dote de règles. Elle s’organiser pour éviter le chaos. Elle
s’organise sur un mode bureaucratique au sens péjoratif, càd sur un mode pyramidal,
hiérarchisé, par lequel les agents ne seront pas libres d’agir comme ils veulent  le supérieur
peut imposer à l’agent inférieur de respecter certaines règles.
Il y a forme de règle intérieure de respect de la règle de droit par l’administration pour elle-
même et ce, pour qu’on reste efficace, et pour que l’administration marche d’un seul et même
tas.
- Ensuite, l’administration va se soumettre au droit, au bénéfice du citoyen. L’administration
exerce des compétences, elle n’impose plus d’obligations, mais elle se met au service du citoyen.
Elle ne reconnaît pas de faveurs aux citoyens ; ce sont des droits qui leur sont reconnus.
Ça change tout ! Aujourd’hui, tout ça nous semble évident, mais dans beaucoup de pays autour
de nous, ce n’est guère théorie. P.ex. : Biélorussie, Chine, etc. = pays où l’état de droit n’existe
pas.

c) L’Administration de l'Etat Providence


Après WWII, on a eu les « 30 glorieuses », avec une poussée économique énorme. Cette pousée
économique s’est finie avec la 1e crise pétrolière.
L’état n’est plus un arbitre, il agit réellement pour le bien général.
« Le chemin vers plus de liberté, d’égalité, de justice passe par l’état », cette phrase-là a justifié que
l’état, pendant les 30 glorieuses, s’occupe d’une série de secteurs. Plutôt qu’une administration lointaine
qui ne fait rien, l’état intervient dans plein de domaines pour combler ce que le privé ne fait pas.
Que font les privés (nous), que font les personnes morales de droit privé ? Ils s’occupent de leurs intérêts
 ils ne font pas d’activités déficitaires.
Qui va distribuer le courrier, qui va transporter les gens et subir le déficit de ce service, qui va payer ça, si
ce n’est l'état ? Qui va payer l’enseignement ? C’est l’état qui va intervenir et va s’endetter pour aider
les gens. On a des services publics dans tous les domaines, la téléphonie, l’électricité etc.

d) Evolutions récentes

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Retour du balancier. Ce phénomène d’extension de l’état a été stoppé et remis en cause dans les années
‘80, car on constate alors un réajustement de la place de l’état. On considère que le mythe de l’état tout
puissant, ce n’est pas une bonne chose, ça aboutit à des excès, à des effets pervers, tels que la
bureaucratisation excessive.
Trop de hiérarchie empêche le changement. Or, le changement est nécessaire pour mettre en place la
concurrence, l’idéologie du marché. L'intervention au niveau de l’état va parfois trop loin, porte atteinte
aux libertés publiques.
EXEMPLE : faut-il rendre la mixité obligatoire ?
Dans un régime de liberté totale, on dirait « oui », mais en Belgique on a imposé la mixité. Oui, c’est
contraire à la liberté, mais c’est un choix.
Il faut laisser faire le marcher, donner plus de libertés et combler le déficit budgétaire. L’état n’a plus le
monopole  peu à peu, il se retire de certains domaines. P.ex. : plus de monopole en téléphonie, en
électricité, etc.

L’état devient plus performant, plus transparent (explique ce qu’il fait via une motivation), un état moins
impliqué dans les choix économiques  il va laisser faire le marché ou d’autres instances.
 On voit apparaitre un état qui fait de la gouvernance, qui se veut beaucoup plus soft, qui
surveille mais laisse faire !!

Voilà ce qu’on fait jusqu’en 2008 et la crise financière. On demande alors à l’état d’intervenir, on
l’appelle à la rescousse, parce qu’il a des moyens, on lui demande de sauver l’économie. L’état rachète
alors des banques ; il aide certains secteurs.
On retrouve un intérêt à la présence de l’état, et aujourd’hui on a la même chose pour le Covid. L’UE
dégage 750 milliards pour aider au rétablissement des économies des états-membres,
 On a besoin des instances publiques.
La place de l’état est toujours définie, mais on ne peut pas s’en passer non plus.

2° Le modèle bureaucratique d’administration


L’administration s’organise selon un idéal type. Basé sur l’état de Max Weber, l’idéal type de
l’administration = une administration qui se traduit par une juridicisation poussée, administration qui est
soumise au droit, elle respecte la règle pour elle-même et la fait respecter.
Dans ce modèle, on distingue 3 caractéristiques :
- Ce sont des professionnels qui exercent la fonction administrative.
- L’administration est organisée de manière hiérarchisée et avec une certaine unité.
- Les relations entre citoyens-autorité fonctionnent sur le secret et la prééminence de l’autorité
sur le citoyen (intérêt général > intérêt privé).
(Il existe quand même des inflexions, qu’on va voir après.)

a) La professionnalisation des fonctions administratives


La fonction publique est considérée comme devant être gérée par des gens qui ont fait leur preuve en la

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matière. Les fonctionnaires ne sont pas élus comme les politiques. Ils sont nommés à l’issue d’un
examen ou d’un concours car on veut s’assurer de leur compétence. L’examen, il faut le réussir (peu
importe le nombre de gens qui réussissent), le concours, lui, limite le nombre de personnes (p.ex. : 3
places de référendaires ont été rouvertes à la C.C.).
Le fonctionnaire est recruté pour rentrer dans la fonction publique après examen ou concours, pour une
tâche particulière ou des tâches qui varient. Ce fonctionnaire reçoit aussi des formations pour assurer la
qualité de la fonction publique, car la matière juridique évolue vite !
Les fonctionnaires ont la fixité du statut, de l’emploi ; ils sont nommés à vie, sauf mesure disciplinaire,
car ils assurent l’intérêt général.

Cependant, aujourd’hui, on constate que dans la fonction publique, on engage aussi de plus en plus de
contractuels, pas de concours ou des examens : on les engage par contrat ordinaire, car c’est une
certaine souplesse. Le statut = une garantie, mais c’est rigide  se débarrasser d’un fonctionnaire qui
fait mal son job, c’est compliqué  les contractuels sont plus faciles à licencier.

b) Une organisation interne fondée sur la hiérarchie et l'unité


Il y a une hiérarchie des fonctions. On prend des décisions au sommet de l’administration, par ceux qui la
dirigent avec des politiques. En-dessous, on a des gens qui sont des subordonnés, mais qui ont quand
même parfois un pouvoir de décision.

Les différents rôles sont subordonnés les uns aux autres. La communication est structurée de manière
verticale : les échelons inférieurs sont tenus de faire remonter l'information vers les échelons supérieurs,
afin de permettre à ceux-ci d'arrêter les orientations en connaissance de cause.
Ensuite, les échelons inférieurs sont tenus d'appliquer les orientations fixées au niveau supérieur. On
parle d'une part, d'une remontée de l'information du bas vers le haut (bottom-up), et d'autre part,
d'une diffusion de l'autorité du haut vers le bas (top-down).
EXEMPLE : après les attentats du Bataclan, on a fait un lockdown de Bruxelles, car il y avait un risque
d’attentat similaire à Bruxelles. Les infos remontent, et le PM décide de fermer Bruxelles.
Quel est l’intérêt ? C’est qu’on respecte l’état de droit, on prend des décisions au niveau supérieur et on
les exécute conformément à ce qui a été décidé.
 L’autorité subordonnée se plie aux ordres de la hiérarchie, on respecte la légalité et l’état de
droit.

NEANMOINS, il ne faut pas oublier que ces décisions sont toujours prises avec le politique, que ce soit le
bourgmestre ou le ministre. Mais alors, qui est responsable quand il y a des erreurs, qu’il y a une faute et
un dommage qui causé ? Est-ce la faute de l’administration ou est-ce la faute du ministre ? On a déjà eu
les 2 :
P.ex. : mort d’une réfugiée nigérienne  elle fait l’objet d’un ordre de quitter le territoire par
avion. Elle se rebelle à chaque fois avant de monter dans l’avion, la 4 e fois, elle se rebelle encore
et on applique la technique du coussin, on lui met les mains dans le dos et la tête sur un coussin,
les policiers ont tellement bien appliqué la circulaire qui prévoyait ça, qu’elles est morte

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étouffée. Gros scandale généralisé.


Qui est responsable ? Les deux braves policiers disent avoir appliqué les règles. Qui a signé ces
règles ? Le ministre de l’intérieur. Celui-ci a démissionné. C’est lui le responsable. 
L’administration a exécuté ce qui avait été décidé sur papier, mais c’était mal conçu et le
ministre a sauté.

 Parfois, c’est l’inverse : l’administration foire et le ministre n’y peut rien.


P.ex. : Didier Reynders (aujourd’hui commissaire européen) était ministre des finances. Il s’est
retrouvé dans un trou dans son budget de €883 millions de recettes fiscales, qui étaient mal
comptabilisées. On comptait dessus et elles n’étaient pas là. On se trompe lourdement sur les
recettes fiscales, et ça fait scandale. On constate que c’est l’administration fiscale qui a mal
appliqué les règles de comptabilité des recettes. Reynders explique comment ça s’est passé, et le
fonctionnaire qui dirigeait le service on l’a dirigé vers un autre poste  c’est lui qui était
responsable du département qui s’est trompé.

L’unité veut que l’administration soit une, comme le Parquet qui est un et indivisible. La loi fiscale
fédérale est appliquée partout de la même manière, pas de différence régionale, ni rien.
REMARQUE : c’est vrai, MAIS pas tout à fait !! On constate quand même des nuances. De plus, il y a des
domaines dans lesquels l’unité n’existe pas. P.ex. : la SNCB = une entreprise publique autonome (epa),
elle ne dépend plus d’un ministre.

c) Des relations externes fondées sur l'autorité et le secret


Dans le modèle bureaucratique, l’administration tiens les administrés à distance  ils ne peuvent
s'immiscer dans le fonctionnement interne de l'administration. La relation en est une d’inégalité. Ils
n'ont pas de prise sur les processus administratifs qui se déroulent hors de leur portée et ils sont invités
à s'en remettre à la sagesse administrative.
Le citoyen est assujetti et l’administration décide dans le secret : on ne sait rien du processus de
décision. P.ex. : mon voisin construit une piscine ; la question du permis d’urbanisme ne me concerne
pas, je ne saurai rien avant que la décision soit prise. La culture du secret est présente dans
l’administration, au point qu’on ne connaît que le résultat du processus et il y a une obligation de silence
pour les fonctionnaires.

Ce modèle bureaucratique est là pour servir les citoyens, sauf qu’à la place, il a servi à être un vecteur de
leur assujettissement. C’est pour ça que le modèle a sensiblement évolué sur les 3 points, on va se
rendre compte qu’il faut une autre vision de l’administration que celle du modèle type.

3° Les inflexions
En quoi le modèle évolue ? Les inflexions sont sur les 3 domaines :
- Oui il y a des professionnels de la fonction publique, mais il y a aussi beaucoup de politisation de
la fonction publique.

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- Y a-t-il vraiment une hiérarchie et une unité ? De moins en moins  on fonctionne de plus en
plus avec des techniques de management et en Belgique, l’appareil administratif est très
diversifié, notamment en raison de la défédéralisation des matières.
- Est-on encore dans la culture de l’autorité du secret ? Plus vraiment : l’administration cherche
aujourd’hui à la qualité et à la transparence.

a) La politisation des fonctions administratives


A priori, la politisation ne devrait jamais intervenir dans la fonction publique ; ni pour recruter quelqu’un,
ni pour une promotion. Ce qui doit jouer, c’est le diplôme, la compétence, les titres et mérites, mais pas
la carte de parti.
On pourrait se dire qu’on doit éradiquer toute politisation dans la fonction publique. Toutefois, on
constate que dans la fonction publique, la dépolitisation est un leurre et même, n’est pas souhaitable
car on n’y arrivera pas. Elle n’est pas souhaitable, car l’administration fonctionne avec des valeurs qui
poursuivent l’intérêt général. Il n’est pas souhaitable que tout monde vienne du même moule, ait la
même formation, etc., car en réalité ce ne sont pas les techniciens qui dictent l’intérêt général  ils
n’ont pas la légitimité. L’intérêt général, c’est l’arbitrage entre des intérêts divergents et donc il faut des
gens qui représentent ces différents intérêts.

« Il faut résister à la tentation de proposer de réinstaurer certains paradis perdus tel celui d'une
administration dépolitisée. Ce paradis n'a jamais existé et, s'il y avait moyen de le créer, il comporterait
sans doute autant de dangers qu'un univers politisé » dit Stenmans.
 Croire qu’on pourrait se passer de toute politisation dans la fonction publique, c’est un leurre, et
ce n’est pas souhaitable, il faut donc mettre la politisation à la juste place.

Même si on avait une administration complètement dépolitisée, on a quand même toujours des choix de
valeurs qu’on veut ou ne veut pas promouvoir. Quand on fait un choix, il y a toujours nos valeurs
derrière. Or la société est plurielle/consociative : il y a des grandes fractures en Belgique, dont il faut
tenir compte et l’administration en est le reflet : elle a de gens qui viennent de différents horizons.
(Sylla : ça permet de préserver la cohésion sociale et politique dans notre pays, qui connaît de forts
clivages internes. La politisation de l'administration est la concrétisation du caractère consociatif du
système.)
Néanmoins, cette politisation a en réalité des effets pervers qu’on peut voir régulièrement (telle
nomination politique est bloquée ou favorisée par ex.)

Le rééquilibrage = quand un parti politique était dans l’opposition et arrive dans la majorité, il va dire
qu’il doit rééquilibrer la fonction publique, en nommant d’abord des gens de son parti (pour ne pas avoir
une administration qui ne représente que l’ancienne majorité). Tous les partis font ça. P.ex. nomination à
la C.C. et Zakia Khattabi.
En fin de législature, quand un ministre quitte sa fonction, il faut aussi recaser ses collaborateurs et on le
met dans l’administration. On place des hommes et des femmes à soi, on fortifie des positions et ainsi
on a un réseau de fonctionnaires PS ou écolo ou MR, etc.

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Effets pervers :
- Ça a comme effet que, dans la pratique, les dossiers sont parfois traités sur base d’une logique
partisane. Le ministre de tutelle va plutôt faire avancer un dossier d’une entité locale de la
même couleur (ministre MR va d’abord faire passer le dossier d’une commune MR que PS).
- Les fonctionnaires choisissent une couleur politique. On va dire à un fonctionnaire « si tu choisis
cette couleur, tu auras ta promotion ». On voit des fonctionnaires qui font des allégeances
politiques rien que pour avoir le poste, c’est du pur opportunisme. Certains changent même de
couleur.
- Pire encore, on a parfois des fonctionnaires incompétents qui méritent des sanctions, sauf qu’on
ne sanctionne pas quelqu’un du même parti. Le chef du parti laisse faire, car c’est le même parti.
- Il y a des marchandages dans les nominations : souvent les nominations, c’est de la négociation
entre les partis. Parfois on a même des nominations en nombre qui ne se justifient pas, p.ex. on
nomme un directeur et on nomme 3 vice-directeurs  ainsi, les 4 partis principaux sont servis.
Est-ce justifié d’avoir 3 vice-directeurs ? Non, et en plus ça coûte cher. Ça découle de la
politisation.
- Dans la pyramide administrative, au-dessus il y a le politique (les ministres), qui comprend les
cabinets ministériels : quand on travaille dans un cabinet ministériel, on prend la couleur du
cabinet (et c’est un lieu de politisation assumé). Ces personnes qui y travaillent, il faut les recaser
quand le ministre quitte sa fonction et on les recase dans l’administration.

La politisation est bien prégnante chez nous. Mais aujourd’hui, la politisation n’est pas possible à
éliminer. Il faudrait la rendre transparente. Il faut distinguer les postes de gouvernement directement et
les postes d’administration. Il faut nommer pour un mandat temporaire, car si la personne ne convient
plus, on peut la remplacer. Il faut assurer que la personne ait les compétences requises, et après on
pourrait nommer politiquement. P.ex. US  où l’administration change en fonction du président.

b) Une organisation interne caractérisée par la diversité et influencée par le management


L’administration est plutôt marquée par la diversité et la hiérarchie est organisée par le management.
Pourquoi la diversité ? Chez nous, la diversité est faite de plusieurs éléments. D’abord même au niveau
fédéral, il n’y a pas de grande majorité. Même si on a plusieurs ministères, ils ne sont pas tous égaux.
P.ex. les SPF finance et budget ont plus de pouvoir que les autres SPF dans les faits, car aucune politique
n’est menée sans l’accord du ministre des finances et des analyses budgétaires. Le ministre de la Justice
doit avoir l’accord du ministre du Budget pour pouvoir donner de l’argent pour telle activité.

S’ajoute à cela 3 éléments d’organisation de l’état qui créent la diversité : régime de déconcentration,
puis décentralisation, puis défédéralisation.
- Déconcentration : système le plus simple 
Le pouvoir reste central/national, mais il se déconcentre localement. P.ex. : SPF finance central,
qui se déconcentre géographiquement. Les exécutants locaux sont sous la hiérarchie du pouvoir
central. La règle est alors la même partout. Mais il y a toujours des interprétations, des
applications locales différentes.

12
Droit administratif

 Il existe quand même une petite marge d’appréciation. P.ex. : le gouverneur de province est un
organe déconcentré.
- Décentralisation : vise à la création d’autorités décentralisées. On va instaurer une autonomie
d’instances qui vont se charger de faire respecter l’intérêt local. P.ex. : les communes sont des
autorités décentralisées.
 On a là déjà une plus grande diversité, puisque les règles ne sont pas les mêmes. Les communes
prennent des règles propres à elles.
- Défédéralisation : avec les réformes de l’état, on a dépouillé l’état de ses compétences pour les
donner aux Régions et Communautés. Ça vaut pour les compétences, mais aussi pour
l’administration  aujourd’hui les Communautés et Régions sont compétentes pour régler leur
propre administration.
 L’administration régionale ou communautaire n’a rien à voir avec l’administration fédérale. C’est
la diversité la plus grande.

On a voulu quand même garder un socle commun à la demande des syndicats. On a prévu dans la LSIB
une EXCEPTION : il faut respecter les principes généraux de la fonction publique et on a adopté un
arrêté royal de principes généraux de la fonction publique (ARPG) du 22 décembre 2000  but ?
Assurer l’unité de la fonction publique !!

La sixième réforme de l’Etat a mis fin à ce principe de socle commun : on a prévu que chaque
Communauté ou Région peut décider de l’abroger ou de le modifier. Le socle est toujours là, mais il n’est
PLUS obligatoire. En 2016, le gouvernement flamand a décidé de supprimer ce socle commun.

La diversité continue à se creuser ; personne ne connaît la fonction publique dans les 3 régions, car elle
diffère dans chacune d’entre elles.

La hiérarchie a peu à peu été remplacée par des mécanismes plus subtils, plus efficaces, notamment par
le management = l'application de techniques de « gestion des ressources humaines ».
Comment va-t-on faire ? On va mettre en place des mécanismes de performance des agents, càd les
pousser à mieux travailler en essayant de les récompenser. On cherche à donner des incitants et à
sanctionner ceux qui ne font pas assez. On essaie de mettre en place une flexibilité dans la rémunération
de la performance.
Puis on a aussi décidé que, dans le top de l’administration, on ne mettait pas des statutaires, mais des
gens par contrats TEMPORAIRES. Les personnes sont nommées contractuellement pour un temps limité,
et puis on fait le bilan : on peut le renommer ou pas.

Ces tops managers peuvent venir du privé ; pourquoi et est-ce constitutionnellement permis ? On s’est
posé cette question pour Bpost. Au sein de Bpost, on avait nommé un contractuel et il devait prendre
une sanction à l’encontre d’un statutaire. Il le licencie  contestation devant le CE : le statutaire dit que,
constitutionnellement on ne peut pas nommer un contractuel  puisqu’on remet en cause la loi qui

13
Droit administratif

institue cela, ça arrive à la Cour constitutionnelle.

 CC, n°89/2008 : la C.C. dit que « le principe d’égalité et de non-discrimination n’impose pas
qu’un statut juridique identique soit accordé à toute personne qui travaille au sein des services
publics. Il appartient à l’autorité compétente de choisir la voie la plus appropriée pour réaliser
les missions de service public dont elle est chargée ».

Question suivante, un contractuel peut-il licencier un statutaire ? Le conseil d’Etat l’admet dans un arrêt
en assemblée générale du 31 mars 2009 (assemblée générale = 20 juges) : le conseil d’Etat dit : « il n’est
pas contestable que, nonobstant la nature contractuelle de son lien juridique, un agent contractuel
puisse engager le pouvoir public pour lequel il travaille (…) une sanction disciplinaire prononcée à l’égard
d’un agent sous statut est un acte administratif assorti desdits privilèges, on ne peut cependant en
déduire qu’il ne pourrait pas rentrer dans les compétences d’un agent contractuel ».

Comment évaluer la performance ?


« Tous les fascismes ont été des religions de l’efficacité ». Vouloir une efficacité absolue = verser dans
l’idéologie la pire. On veut l’efficacité, mais jusqu’où ? Jusqu’où peut aller la performance de
l’administration ?
 Il y a aujourd’hui des analyses de performance de l’administration, des travaux se font entre
économistes et juristes pour évaluer la performance d’un service public. C’est important pour
savoir ce qu’il faut privilégier. On essaie de faire mieux que le respect de la règle. Il faut
remplacer la culture de la procédure par une culture de la responsabilité, afin que les agents
prennent les décisions de la meilleure manière la + responsable possible.

c) Des relations externes fondées sur des objectifs de qualité et de transparence


Les administrés n’acceptent plus de se soumettre sans arbitre à l’administration. Si l’administration est
un service public, le citoyen doit pouvoir être entendu. Il faut pouvoir agir contre la lenteur, les
manquements de l’administration, etc. On a un objectif de qualité et objectif de transparence.

1- Objectif de qualité
La qualité est un concept qui vient du secteur privé. Dans l’industrie automobile par exemple, on dit
qu’on produit des voitures 0 défaut. Idée : il faut éliminer toutes les improductivités.
L’administration s’est dit qu’elle allait faire la même chose. On supprime les formalités inutiles ; on
évite les pertes de temps.
On voit apparaître des chartes de qualité, on essaie de se donner des objectifs de simplification
administrative, on se donner des délais pour se prononcer. La qualité devient une loi du service
public. La qualité, c’est du droit.
 Dans la directive 2006/123/CE, qui vise à assurer la mobilité du service, il y a un chapitre
consacré à la simplification administrative. On impose aux membres :
- une simplification des procédures,

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Droit administratif

- une acceptation des documents équivalents d’un autre membre,


- des guichets uniques.
Deuxièmement, le citoyen a un droit à l’information (« l’autorité doit me donner les informations, je
ne dois pas les chercher »).
Puis, il y a l’obligation d’utiliser la voie électronique (art.5 à 8 de la directive).
La Directive Services a été transposée en droit interne par une série de lois, décrets et autres arrêtés,
chacun pour ses compétences (voir p.ex. le Code de Droit Economique).

2- Objectif de transparence
La transparence est apparue quand l’administration s’est rendue compte qu’il fallait motiver les
décisions, pour se faire comprendre. Il y a des stratégies de communications. Pour se faire apprécier
l’administration informe les citoyens.

On va plus loin. Est-ce que le citoyen a droit à la transparence ? Oui, sur base de l’art. 32 Const.
(1994) : « chacun a le droit de consulter chaque document administratif et de s’en faire remettre
copie sauf dans les cas et conditions par la loi ».
= Principe de transparence administrative, qui a été transposé dans un grand nombre de règles.
( !! ) Attention, la transparence n’est pas absolue, puisqu’i y a des exceptions, comme les documents
sur la vie privée de quelqu’un, documents secrets (rapports sur la pandémie en Belgique, documents
sur les missiles nucléaires etc.). Par ailleurs, l’administration se montre parfois récalcitrante, quand
on lui demande des documents car elle risque de dévoiler des choses ‘pas très belles’.
Il y a l’obligation de motivation formelle des actes administratifs = l’administration doit donner ses
motifs, au plus tard dans l’actes. Les motifs a posteriori sont des motifs suspects. Si on a décidé quelque
chose, c’est qu’on a des bons motifs et il faut donc les donner tout de suite. Ça remonte à une loi de
1991.
L’administration n’est pas une grande maison de verre, la transparence totale, n’existe pas. Il y a
toujours des choses qui se discutent et se préparent en dehors de la transparence.

Toutes ces évolutions se sont concrétisées dans une modernisation des services publics, en 2000. G.
Verhofstadt, qui était Premier Ministre, a fait une réforme Copernic de la fonction publique. La réforme
Copernic a pour objet de moderniser les services publics.
Elle se fonde sur le constat suivant : « la société éprouve d'autres attentes à l'égard des services publics
fédéraux que par le passé. Il est donc indispensable que ces mêmes services acquièrent une plus grande
transparence, et que leur action, constamment évaluée et améliorée, se tourne davantage vers le
citoyen ».
 Les lignes de force de la réforme s'établissent autour des objectifs suivants :
- Efficacité et rapidité accrues dans l'action , assurées par davantage de souplesse et d'autonomie
dans la gestion ;
- Encadrement des services publics fédéraux par un contrôle qui, loin d'être un frein, fournira
soutien, aide et, au besoin, éléments de recentrage et de construction, dans l'optique de la
meilleure allocation des ressources octroyées à l'administration par la collectivité ;

15
Droit administratif

- Responsabilisation des forces vives de l'administration , que ce soit au niveau des décideurs ou du
personnel d'exécution ;
- Publicité de la réforme, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l’administration.

Que reste-t-il du droit administratif classiquement ? Paul Martens : « l'administration était opaque, elle
devient transparente ; elle était secrète, elle se voit contrainte à la publicité ; elle était unilatérale, la
voilà tenue de consulter l'usager ; elle était taciturne, elle doit révéler ses motifs ».

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Droit administratif

B. Le pouvoir administratif
L’administration a un pouvoir de police, associé à des sanctions administratives. L’autorité a des
prérogatives exorbitantes liées à sa mission, mais l’administration a aussi des obligations particulières.

1° Les missions de police administrative


Une police administrative c’est quoi = une réglementation, et toute réglementation apporte des
limitations aux droits et libertés. Les polices sont là pour assurer une certaine discipline au sein de la
société.
 On distingue la police générale et la police spéciale.
- La police générale touche à des domaines généraux. Il y a des règles pour assurer l’ordre public
en générale.
- La police spéciale touche à des domaines spécifiques de l’intérêt général p.ex. : code de la routé,
police de la sécurité alimentaire, droit des étrangers…

Qui organise ces lois ? Les entités compétentes, fédérales ou fédérées, ou les 2.

Toute mesure de police doit avoir une base constitutionnelle ou légale. Il y a un principe de légalité, car
la mesure de police touche à la liberté. L’administration est soumise au principe de légalité et ce sont les
cours et tribunaux ou le conseil d’Etat qui contrôlent ça.

Ces polices peuvent s’exercer à différents niveaux : fédéral, fédéré, communal et chacun agit dans les
limites de ses compétences.
 Difficulté : comment articuler ces compétences ? 3 exemples :
Exemple 1. Situation où l’autorité interdit toute intervention autre que celle qui est désignée. Une seule
autorité a la pouvoir de police. P.ex. lutte contre le nucléaire, loi de 1994 qui dispose en son art. 3
que « le Roi, à l’exclusion de l’autorité communale, peut prendre des mesures de protection… ».
On a écrit cela, car des communes se sont déclarées « nuclear-free » : ‘jamais sur mon territoire il n’y
aura de nucléaire’.
Sur ce, le fédéral a dit « non, ce pouvoir sera exercé par le pouvoir fédéral et uniquement le législateur
et le Roi sont compétents ».
 Les communes n’ont plus de pouvoir de police en la matière.

Exemple 2. Les pouvoirs supérieurs encouragent les pouvoirs locaux à aussi exercer un pouvoir de
police. P.ex. : conservation de la nature  idée de protéger la biodiversité contre les agressions. Dans un
décret wallon de 1995 qui touche à la conservation de la nature, il est écrit que les conseils communaux
peuvent prendre pour tout ou partie… des règlements plus stricts que les dispositions supérieures
relatives à la protection de… ».
 On protège déjà la faune et la flore, mais les conseils communaux peuvent prendre des mesures
encore plus protectrices.

Exemple 3. Zone entre les deux  quid quand les textes ne disent rien ?

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Droit administratif

Quand il n’y a rien, le conseil d’Etat a élaboré une théorie selon laquelle l’autorité communale ne peut
pas intervenir si la norme supérieure est déjà complète ; si elle réglemente déjà tous les aspects (même
s’il n’est pas dit que c’est interdit) si c’est incomplet, c’est permis. (1) P.ex. : l’affaire à Anvers où un
jeune a pris une arme et a tiré sur une nounou noire par le seul fait qu’elle était noire. On a compris
qu’en fait, il a acheté une arme d’une manière impulsive. La ville d’Anvers décide de prendre un
règlement de police qui interdit aux armuriers de mettre en vitrine une arme pour éviter les achats
compulsifs. La fédération des armuriers va au conseil d’Etat en disant que ce règlement est illégal et
gagne. Le conseil d’Etat annule la norme en disant ‘désolée, il y a une loi fédérale sur les armes qui est
complète, donc la ville d’Anvers ne peut pas prendre de règlement de police communal’.
(2) P.ex. des habitants en Flandre se plaignent d’un petit aérodrome, la commune décide de prendre un
règlement encadrant l’usage de ces petits avions. Recours au conseil d’Etat, qui annule le règlement
local, en disant qu’il y a une législation sur la navigation aérienne qui est complète.

Les missions de police s'exercent soit via des dispositions générales (lois, décrets, arrêtés, règlements
appelés ordonnances de police, etc.), soit par des actes individuels ou particuliers de police
administrative (exemples : intervention d'un bourgmestre pour interdire une manifestation, ordonner la
démolition d'un immeuble menaçant ruine, etc.).

2° Les sanctions administratives


Que faire quand les règles ne sont pas respectées ?
La plupart du temps, on inflige des sanctions pénales, sauf que ce n’est pas très efficace ici.
 L’idée = compléter les pouvoirs de police, par le mécanisme de sanctions administratives, càd
des sanctions que peut prendre l’administration elle-même.
Le droit des sanctions administratives est en pleine évolution. Il n’y a aucune base
constitutionnelle, aucun article de la Constitution parle des sanctions administratives et il n’y a
pas de loi commune relative aux sanctions administratives.
Par contre il y a la jurisprudence qui organise un peu les sanctions administratives et la doctrine.

Généralités
C’est quoi une sanction administrative = une mesure, autorisée par ou en vertu de la loi, qui a un
caractère répressif ; = une mesure décidée par l’autorité administrative au moyen d’une décision
unilatéral en réaction à la violation d’une règle de droit.
 L’intérêt du système c’est que la sanction intervient rapidement, beaucoup plus vite que celle du
juge. Elle est contestable évidemment après devant le juge.

La sanction peut être :


- pécuniaire (amende).
- le retrait d’une autorisation (p.ex. : retirer le permis d’environnement à une entreprise).
- retrait des avantages (p.ex. : retirer les allocations de chômages).
- retrait de subsides.

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Droit administratif

- sanctions disciplinaires au regard d’un fonctionnaire (révocation, suppression de la


rémunération).

La loi à laquelle on va s’intéresser c’est la loi sur les sanctions administratives communes (nl : GAS-wet).
Il faut distinguer les actions administratives des sanctions de droit civil, des mesures de sécurité et des
sanctions pénales.
- Sanction de droit civil : sanction purement pécuniaire qui vise à assurer le respect de la loi mais
qui n’est pas une sanction administrative. C’est la C.C. qui crée cette distinction. P.ex. : ce sont
les mesures de confiscation, un médecin qui triche doit rembourser (le fait de devoir rembourser
est une sanction civile, on récupère quelque chose).
- Mesure de sécurité : mesures prises pour maintenir l’ordre et la sécurité, mais il n’y a pas de
violation de la loi. P.ex. : contrôle de la sécurité des matchs de foot  quand ça dégénérait en
hooliganisme  on peut interdire un supporter turbulent l’accès à un stade pendant 3 mois.
- Sanction pénale (mesure répressive) : sanction prononcée par la justice répressive.

C’est au législateur d'apprécier souverainement s'il est opportun d'opter pour des sanctions pénales
sensu stricto ou pour des sanctions administratives. En soi, le choix de l'une ou l'autre catégorie de
sanction ne peut pas être considéré comme une discrimination.

Quand on instaure le régime de sanction administrative on veut un régime différent du régime de droit
pénal, car celui-ci est trop lent et inefficace.
RAMRQUE : quand bien même qu’on remarque que le régime de sanctions administratives ressemble de
plus en plus au régime de droit pénal.

Le régime des sanctions administratives nécessite de respecter des procédures, des droits substantiels.

Finalement le régime de sanctions administratives se rapproche du droit pénal, et c’est normal, parce
que parfois, la sanction administrative peut être plus lourde que la sanction pénale. Parfois ça peut aller
jusqu’à €125.000 d’amende administrative, alors que le juge pénal ne peut pas monter aussi haut. Cette
amende, ne serait-elle pas une sanction pénale déguisée ?

Il faut aussi se demander si la sanction administrative a un caractère pénal ou pas ? Quand elle a un
caractère pénal, le régime est un peu différent du régime classique.

La sanction administrative classique doit respecter certaines conditions :


- Principe d’impartialité : celui qui prononce la sanction administrative doit être impartial.
- Principe de motivation.
- Respect du droit de la défense, respect principe d’audition, respect du délai raisonnable, etc.
- Principe de proportionnalité : la sanction doit être proportionnée.

 Sanction administrative à caractère pénal : on ajoute toutes les garanties de la CEDH. Pour savoir si

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Droit administratif

une sanction administrative est à caractère pénal ou pas, on regarde les critères autonomes définis par
Strasbourg  sinon la CrEDH serait tributaire de la définition de chaque état.
 Que fait la CrEDH ? Elle regarde 3 choses :
- Définition en droit interne ?
- Quel est le comportement réprimé ? Gravité, etc.
- Quel est le type et la sévérité de la sanction ? Peine de travail, ampleur, etc.

 Normalement, la sanction administrative non pécuniaire et non privative de liberté n’est


qu'exceptionnellement qualifiée de pénale au sens européen. Les mesures de retrait
d'autorisation administrative, de suspension d'un permis, etc., sont des mesures qui ne
présentent PAS un caractère punitif typique de la sanction pénale.
Par contre, des amendes fiscales non indemnitaires p.ex., sont soumises à l’art. 6 CEDH, dès
qu'elles ont un caractère pénal.

L’intérêt ? On rajoute au régime de base des garanties supplémentaires :


- Principe égalité des délits et des peines , art 12 Const., qui veut que ce soit la loi qui définisse
précisément le comportement sanctionné et les peines applicables, PAS l’exécutif.
- Si la sanction n’est pas prononcée par un tribunal, il faut un contrôle par un juge qui a un pouvoir
de pleine juridiction : le juge peut réformer la décision, sous tous les aspects et il peut
reprononcer la sanction.
( !! ) Belgique : contrôle par le conseil d’Etat (pas de pouvoir de réformation !), mais on a estimé
à Strasbourg que le conseil d’Etat exerçait un pouvoir de pleine juridiction.
- Il faut prévoir des règles d’individualisation de la sanction. Il faut prévoir des circonstances
atténuantes, car ça existe aussi en droit pénal.
- Principe non bis in idem, on ne peut pas poursuivre/punir 2x pour le même fait en droit pénal.
Par conséquence, on ne peut pas non plus pour une sanction administrative à caractère pénal.

ACTUALITÉ : arrêt du conseil d’Etat = contestation sur la levée de mesure qui interdit la réunion de
couple dont l’un vit en Belgique et l’autre à l’étranger, le conseil d’Etat les a de nouveau débouté.

Il y a des sanctions administratives pures et d’autres sanctions administratives à caractère pénal. En


fonction de cette distinction, des régimes différents s’appliquent.
 Si c’est à caractère pénal, il y a le régime de base et des exigences supplémentaires.

Principe non bis in idem. Peut-on prévoir la coexistence de sanctions pénales et administratives ? Oui.
Elles peuvent co-exister mais peut-on les cumuler ? Le principe non bis in idem est consacré à l’art. 4
PACEDH n°7, de même que le PIDCP et l’art. 50 Charte de l’UE sur les droits fondamentaux.
C’est Strasbourg qui nous guide, elle considère que ce qui est prohibé, c’est de poursuivre (et a fortiori
sanctionner) pour les mêmes faits, les mêmes personnes et pour le même intérêt juridique (identité des
faits (1), unité de contrevenant (2) et unité de l'intérêt juridique protégé (3)). P.ex. : un avocat est
soumis à des règles fiscales, et il commet une infraction pénale. Il peut être sanctionné pénalement, mais

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Droit administratif

il peut aussi être sanctionné administrativement par son ordre professionnel.


 On admet sans difficulté que les 2 peines puissent se cumuler.

SYLLA : La jurisprudence récente de Strasbourg a sensiblement évolué, car elle a récemment admis,
moyennant certaines conditions, le cumul de procédures mixtes de sanctions pénale et administrative.
 En résumé, ces conditions doivent permettent d’établir un lien temporel et matériel étroit entre
les différentes procédures, ce qui résulte des 4 éléments suivants :
- poursuite de buts complémentaires,
- prévisibilité de la mixité des procédures,
- imbrication des procédures pour éviter des appréciations divergentes sur des mêmes éléments
de preuve, et
- pas de préjudice disproportionné.
 Dans ces cas, le cumul est admis.

CrEDH (grande Ch.), A et B c. Norvège, 15 novembre 2016 : marque un tournant important dans
l’application du principe non bis in idem.
Faits : A et B sont 2 ressortissants Norvégiens, qui font des opérations financières dans des paradis
fiscaux sans les déclarer au fisc norvégien (alors que c’est imposé).
Ils sont poursuivis et sanctionnés, d’une part pour le paiement de l’impôt + 30% d’amende et d’autre
part pénalement où ils écopent d’un an d’emprisonnement.
Ils vont en appel, mais ils perdent. Puis, il vont à Strasbourg et leur requête est REJETÉE (Strasbourg n’a
pas beaucoup de sympathie pour les fraudeurs).
Toutefois, avant cet arrêt, dans l’arrêt Zolotoukhine, Strasbourg avait dit que ce n’était PAS permis de
cumuler une sanction pénale et une sanction administrative à caractère pénale.
La Cour fait un revirement de jurisprudence. Strasbourg estime qu’en réalité, on peut admettre le
mécanisme de cette double sanction, moyennant le respect de 4 conditions :
- Il faut des buts complémentaires aux poursuites.
- Les procédures doivent êtres prévisibles.
- Les 2 procédures doivent être imbriquées pour éviter des points de vue divergents sur des
éléments de preuve.
- L’ensemble des sanctions ne doit pas aboutir à un préjudice disproportionné.
In casu, le juge qui avait condamné à 1 an de prison, a dit que la peine aurait pu être plus élevée mais
qu’il avait tenu compte de l’autre sanction.

Cet arrêt a fait l’objet d’opinions dissidentes. On a dit qu’on s’éloignait des droits de l’homme. Mais
l’arrêt a fait des petits : il y a de la jurisprudence de la CJUE en 2018 et de la Cour de cassation belge de
novembre et décembre 2018 qui vont dans le même sens, pour d’autres affaires similaires où se posent
les mêmes questions : peut-on appliquer une sanction pénale et une sanction administrative à caractère
pénal en même temps ?

 ‘CONSLUSION’ : le pouvoir de l’administration n’est pas négligeable et peut compléter celui de


l’état !!

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Droit administratif

Les sanctions administratives communales


a) Les objectifs

Comment assurer le respect de la loi quand le droit pénal est insuffisant ?


En 1999 déjà, on décide d’insérer un art. 119bis dans la nouvelle loi communale (NLC). Cet article
permet de créer des sanctions administratives communales. On consacre cette idée dans différentes
lois, cristallisées dans une même loi : la Loi du 24 juin 2013 sur les SAC.

On s’est rendu compte qu’il y avait un manque d’adéquation entre les règles du Code pénal et leur
effectivité  quelle en est encore la valeur ?
Que faire face à cette ineffectivité, et face aux incivilités en particulier ?  2 options : soit on ne change
rien, et on renforce l’appareil judiciaire (+ de juges, + de policiers, etc.). Problème : on n’a pas le budget
 solution : on modifie le système, on dépoussière, on dépénalise et on sanctionne au niveau local. On
va donc faire un « circuit court » de la sanction, car le ‘chemin pénal’ est trop long.

On décide que chaque commune peut définir quel comportement incivique elle sanctionne ou pas. Les
règles peuvent être différentes de commune en commune.

Trois objectifs, dépénaliser, dépoussiérer et sanctionner :


- Dépénaliser tout d'abord, en faisant échapper au champ pénal une série de comportements
érigés en infraction, pour les transférer, le cas échéant, dans des règlements communaux qui
seront assortis de sanctions administratives.
En même temps, on allège la charge des juridictions répressives. Les communes sont donc libres
de mettre ou non en œuvre le système des sanctions administratives communales.
- Dépoussiérer ensuite, en laissant à chaque conseil communal la faculté de déterminer quelles
infractions doivent encore faire l'objet de sanctions, en vue de lutter contre ce qu'il estime être
des « incivilités ».
- Sanctionner, càd qu'on a des mesures qui facilitent le constat d’infraction et qu’on les punit
administrativement et/ou pénalement, tout en organisant des procédures de médiation, de
prestations citoyennes, de respect des droits de la défense et des recours, et cela selon que la
personne est un mineur âgé d'au moins 14 ans.
L'objectif est donc de sanctionner adéquatement, rapidement et localement.

Avec ça, on veut rétablir la sécurité juridique, restaurer l'autorité de l’Etat et une confiance en l’état de
droit, enrayer la démoralisation des autorités chargées de poursuivre, permettre à celles-ci de se
recentrer sur leurs tâches essentielles.

b) Quant à la compétence du législateur fédéral


Pourquoi fait-on une loi fédérale ? Vu que loi communale a été régionalisé en 2001, le législateur

22
Droit administratif

pouvait-il modifier l’art. 119bis de la NLC ? Oui, parce que dans la LSRI, il y a une exception pour l’état
fédéral  art. 6, §1, 8° LSRI : tout ce qui touche à la sécurité, est de la compétence fédérale. Par
conséquent, on a une loi qui vaut pour tout le territoire. Ce qui n’empêche PAS que les régions puissent
aussi habiliter les communes à prévoir des sanctions administratives pour l’application des décrets
régionaux. Une commune peut donc faire respecter le règlement communal par des sanctions
administratives, mais elle peut aussi faire respecter une règle régionale par des sanctions
administratives.

c) Les lignes directrices, au nombre de 6.


( !! ) Il faut travailler àpd texte légal.

1- Confirmation et extension du domaine des sanctions administratives communales


La loi prévoit que le Conseil communal peut établir des peines de police et des sanctions administratives
contre des infractions à ces règlements, sauf si des peines et des sanctions administratives sont établies
par une norme supérieure (LDO).
( !! ) S’il y a une sanction pénale, a priori, la commune NE PEUT intervenir. P.ex.  : loi sur la protection
contre des actes terroristes : la commune ne peut plus prendre des mesures qui portent sur ça.

Incivilité = tout comportement matériel qui trouble le déroulement harmonieux de l’activité humaine,
qui réduit la qualité de vie des habitants d'une commune, d'un quartier, d'une rue, d'une manière qui
dépasse les contraintes normales de la vie sociale.
 Tout ce qui est dérangeant, la commune peut le sanctionner. Attention, elle ne peut PAS le faire
si le comportement est déjà réglé par une autre disposition spécifique, p.ex. lutte contre la
prostitution  les communes ont pris des mesures pour lutter contre et le conseil d’Etat a
annulé ces mesures en disant « vous ne pouvez pas prendre des sanctions administratives sur
base de l’art. 119 NLC et la loi de 2013, parce qu’il y a déjà une disposition spécifique,
notamment l’art. 121 NLC qui fournit la base légale pour prendre éventuellement des
règlements complémentaires en la matière. Ces règlements ne peuvent être pris qu’à certaines
conditions et vous ne pouvez pas prendre de sanctions administratives sur ce sujet-là. »

‘CONCLUSION’ : la commune peut se dire que, là où il n’y a pas de droit pénal, elle peut intervenir et
créer une sanction. Néanmoins, cette interdiction de cumul de sanction pénale et de sanction
administrative connaît une DÉROGATION : art. 3 NLC. L’art. 2 NLC dit qu’on ne peut pas intervenir s'il y a
déjà des sanctions pénales. Par dérogation à l’art. 2 NLC, le conseil communal peut prévoir dans son
règlement une sanction administrative en sus de la sanction pénale.
À l’art. 3 NLC on voit 2 listes de comportement pénalement sanctionnés, qui peuvent aussi être
administrativement sanctionnés. P.ex. : on peut être poursuivi pénalement, mais aussi
administrativement pour les coups et blessures volontaires, les injures (art. 448 CP), le vol simple, le
tapage nocturne, etc.

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Droit administratif

Quelques exemples récents :


- Le port de vêtements dans des lieux publics dissimulant le visage en tout ou en partie de
manière à ne pas être identifiés ou identifiables (art. 563 bis CP)  vise la burkha. La commune
peut prendre des sanctions administratives (elle PEUT, elle n’est PAS obligée).
- Le non-respect des mesures en matière de lutte contre le covid  un arrêté royal nr.1 de
pouvoir-spéciaux, 6 avril 2020 : le non-respect de mesures de lutte contre le covid, peut être
complété par des sanctions administratives communales (attention, il faut être majeure). Ce
texte a cessé de produire ses effets le 30 juin 2020. Un projet de ratification est en cours (sinon il
perd ses effets). Les communes peuvent prendre des règlements pour sanctionner ça.

2- Les différents types de sanctions


La commune peut prendre des peines de police pour faire respecter son règlement ou des sanctions
administratives, dont la nature est énumérée exhaustivement dans la loi, à l’art. 4 NLC.

Ça peut être :
- Une peine pécuniaire, max. €350 d’amende et max. de €175 pour un mineur de 14 ans. La
commune a la liberté de décider de fixer le plafond de l’amende. La commune a la compétence
de dire à qui ça s’applique ratione personae, ratione materiae et ratione poena.
- Sanction de suspension d’une autorisation , de retrait d’une autorisation ou de fermeture
temporaire/définitive d’un établissement.
- Mesures de prestation citoyenne, càd une prestation d’intérêt général au profit de la collectivité.
- Procédure de médiation, qui, grâce à l’intervention d’un médiateur, permet de réparer,
indemniser le dommage.  Si la procédure de médiation aboutit, l’amende n’est pas due !

 IDÉE : essayer de concilier, réparer, prester autrement et à défaut payer.


 Ces mesures doivent être prévues dans le règlement communal.  Si la mesure de prestation
citoyenne n’est pas prévue, on ne peut pas l’appliquer.
Pour les mineurs, la médiation est obligatoire et parfois on ne peut pas appliquer des sanctions
aux mineurs. P.ex. : arrêté royal sur les mesures covid  pour ces mesures covid, il y a un tarif
fixe : €250 d’amende pour une infraction  même règle pour tout le monde (s’il y avait un
règlement communal qui le prévoyait).

3- La procédure de constatation des infractions


Premièrement, constat de l’infraction. Il faut distinguer si c’est une infraction purement administrative
ou mixte (pénale et administrative).
- Infraction purement administrative : un constat d’infraction peut être dressé par un
fonctionnaire de police, par fonctionnaires provinciaux ou régionaux et par des agents des
transports en commun. Et des agents de gardiennages privés peuvent déclarer des infractions
auprès du fonctionnaire oui de l’agent de police. Puisque ces agents de gardiennages surveillent
des biens, s’ils constatent des faits, ils peuvent les signaler aux autorités publiques et ces agents

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Droit administratif

ont même le pouvoir de demander la présentation d’une pièce d’identité. Ce qui a fait dire à
certains criminologues qu’en fait on a augmenté le nombre de verbalisants, qu’on est dans une
société où il y a une + grande surveillance, en vue d’une meilleure répression.
- Infraction mixte : seuls les agents de police, un agent de police ou un garde-champêtre, dans le
cadre de leurs compétences, peuvent dresser une infraction.

Ensuite, que devient le PV ?


- Infraction mixte : le PV est d’abord envoyé au pénal, et, pour information, à la commune (au
fonctionnaire sanctionnateur).
- Infraction purement administrative : le PV est envoyé au fonctionnaire sanctionnateur = un
personnage nouveau dans la commune. Il est désigné par le conseil communal, parmi les
fonctionnaires pour infliger la sanction.
C’est un sanctionneur impartial (il ne constate pas les infractions), et il peut y en avoir un pour
plusieurs communes. C’est le fonctionnaire qui impose des peines d’amende.

REMARQUE : les mesures de suspension, de retrait d’autorisation, de fermeture d’établissement sont


prises par le BOURGMESTRE, pas le fonctionnaire sanctionnateur !!

4- La coexistence des sanctions pénales et administratives


Pour les infractions les plus graves, la priorité est au parquet. Celui-ci doit faire savoir dans un délai de 2
mois s’il compte poursuivre ou pas.  S’il ne compte pas poursuivre, il doit dire s’il est opportun de
poursuivre administrativement.

Pour les infractions moins graves ex. burkha, si le Parquet n’a rien fait à l’issue d’un délai de 2 mois, et
n’a pas poursuivi, l’administration peut entamer les poursuites administratives, SANS avoir besoin d’une
autorisation expresse du parquet.
 On constate que dans beaucoup de cas, le parquet ne fait rien, car la machine pénale et trop
lourde  il sait que la sanction administrative est plus efficace.

Le délai maximal dans lequel la sanction administrative doit intervenir = 6 mois.


RÉFLEXION : en pénal il y a aussi des procédures de comparution rapide (et on en a vu avec la matière
du covid). L’arrêté royal prévoyait que, en cas d’infraction, on avait directement une amende
administrative de €250, et en cas de récidive, il y avait une comparution devant le juge pénal.

5- La procédure d'infliction de la sanction et les recours


L’art. 25 NLC prévoit que cela qui fait l’objet d’un PV, est convoqué chez le sanctionnateur, à s’expliquer,
à faire valoir sa défense dans les 15 jours. Il a le droit de se faire assister par un avocat au besoin, il peut
consulter le dossier.
Si l’amende que le fonctionnaire envisage est inférieure à €70  pas de défense orale ; on estime
qu’une défense écrite suffira.

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Droit administratif

A l’issue du délai dont le contrevenant dispose pour faire valoir sa défense, le fonctionnaire peut
proposer une médiation, si la victime est d’accord. Il faut toujours être deux pour une médiation ; on ne
peut imposer une médiation à une personne qui n’en veut pas.
 En cas de succès de la médiation, la réparation a lieu sous une autre forme.

En cas d’échec de médiation, une prestation citoyenne peut être proposée (SI le règlement communal le
prévoit) = le fait de faire une activité au bénéfice de la commune, une personne morale de droit public
ou d’une ASBL désignée par la commune (p.ex. : servir les repas dans un home CPAS de la commune
etc.).

La peine est de 30h maximum et cette prestation NE PEUT être imposée au contrevenant  celui-ci doit
être d’accord (il peut dire qu’il préfère payer par exemple). S’il preste correctement, l’amende n’est plus
prononcée  s’il ne preste pas, l’amende est enclenchée.

La sanction administrative intervient dans les 6 mois. Au-delà des 6 mois on ne peut plus sanctionner.
C’est ‘fait exprès’, pour que l’intervention soit rapide. S’il y a médiation ou prestation citoyenne, ce délai
est doublé. L’amende doit intervenir au plus tard dans les 12 mois.

La décision est alors notifiée au contrevenant. Elle a force exécutoire et le contrevenant peut faire un
recours devant le tribunal police qui juge sur la légalité de la mesure et sur la proportionnalité de la
sanction.  Le tribunal peut réformer, aggraver ou annuler la mesure. Les décisions du tribunal de
police ne sont PAS susceptibles d’appel (seulement de cassation !!).
REMARQUE 1 : l’amende revient à la commune.
REMARQUE 2 : si la somme n’est pas payée dans les 5 ans, la sanction est prescrite.

La commune tient un registre des sanctions administratives communales = +/- un casier judiciaire, qui
reprend l’identité de la personne, la nature des faits et la nature de la sanction. Ces données restent
pendant 5 ans  après 5 ans, les données sont détruites ou anonymisées.

Les autres peines que l’amende, les mesures de suspension, de retrait d’autorisation, de fermeture
d’établissement, sont imposées par le bourgmestre, après avertissement préalable. Dans ces cas-là, le
recours se fait devant le CE.

6- Quant aux mineurs âgés de 14 ans et plus


Dès l’âge de 14 ans, une personne peut faire l’objet d’une sanction administrative.
Les parents/tuteurs sont civilement responsables, dans le sens où le mineur peut être convoqué, mais les
parents aussi, pour une procédure d’implication parentale, préalablement à la médiation (toujours
obligatoire avec les mineurs), à la prestation citoyenne (15h max.) ou à l’amende.

Quelle est cette procédure d’implication parentale  = le fonctionnaire sanctionnateur requérit des
observations écrites ou orales des parents à propos des faits reprochés, et leur opinion quant aux

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Droit administratif

mesures éducatives à prendre. Si le fonctionnaire est satisfait des mesures éducatives présentées par les
parents, il peut clôturer le dossier.
Si rien ne fonctionne, on inflige une amende administrative de max. €175.

Le recours se fait devant le tribunal de la jeunesse qui peut décider de remplacer l'amende
administrative par une mesure de garde, de préservation ou d'éducation. La décision du tribunal de
jeunesse est susceptible d’appel  but : mieux protéger le mineur.

d) Réflexions complémentaires
Que penser de ces sanctions administratives ?
- On n’a pas assez harmonisé le mécanisme. On a des zones de communes pluri-communales. On
a 19 communes à Bruxelles mais on a 6 zones de police.

- Les communes regroupées dans une zone de police n’ont pas toutes le même règlement. Il est
prévu qu’à Bruxelles, les 19 communes peuvent prendre un règlement qui vaut pour toute la
région Bruxelles-Capitale, mais les bourgmestres n’arrivent pas à se mettre d’accord.

- A l’égard des mineurs, on a un peu abandonné le régime protectionnel. On est passé à un régime
plus punitif, que la Cour constitutionnelle n'a pas sanctionné.
Il y a eu des recours, basés sur l’art. 22bis (préserver l’intérêt de l’enfant) de la Convention des
droits de l’enfant. Toutefois, la Cour constitutionnelle a dit
o qu’il fallait prendre l’intérêt de l’enfant en compte. Cela n’empêchait pas qu’on puisse fixer un
âge à partir duquel on pouvait sanctionner, en dessous de 18 ans,
o et qu’elle n’avait pas à se prononcer sur l’opportunité de baisser l’âge.
- Le législateur a un peu douté de sa loi quand même. Il a prévu, à l’art. 52, qu’un rapport serait
fait tous les 5 ans au Parlement, sur un aperçu du nombre d'amendes qui ont été infligées, leur
répartition selon les catégories d'infractions, ainsi que les difficultés procédurales auxquelles
l'application de la Loi du 24 juin 2013 a donné lieu.
Le premier bilan a montré que le régime est très peu appliqué, soit parce que les communes ont
décidé qu’elle n’appliquaient pas ce régime, soit par ce que, celles qui ont un mécanisme
applicable aux mineurs, l’appliquent très peu.
 On a un texte très répressif, mais peu appliqué.
- Parfois les communes sanctionnent des comportements qui ne sont pas vraiment des incivilités,
p.ex. : lancers de boule de neige, mettre des pieds sur un banc, etc.
- Les sanctions administratives ont été un moyen de faire respecter les mesures relatives aux covid
: amendes de €250 par exemple.

3° Les missions de service public


Tout le droit administratif est axé sur la poursuite de l’intérêt général, il faut des services pour ça.

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Droit administratif

a) Les lois du service public


Le service public c’est quoi ?
Origine du service public  on remonte au service de la poste. Les 1 e services de la poste étaient en
réalité un système de communication des édits du Roi. Pourquoi les chevaux de poste ne
transporteraient-ils pas du courrier privé, en plus des édits du Roi ? Voilà comment on a créé le premier
service public. Ce service a existé en monopole.
Par la suite, d’autres services se sont développés.

Peu après une théorie est apparue en France = la théorie du service public : toute l’activité de l’état est
un service public. Un service public c’est « toute activité dont l'accomplissement doit être assuré, réglé
et contrôlé par les gouvernants, parce que l'accomplissement de cette activité est indispensable à la
réalisation et à l'accomplissement de l'interdépendance sociale, et qu'elle est de telle nature qu'elle ne
peut être réalisée que par l'intervention de la force gouvernante ».

On a donc un service public de la loi, un service public de l’exécutif et un service public de la justice.

IDÉE : l’état n’est qu’un service public.  C’est une belle idée, sauf qu’elle pose une difficulté, puisqu’on
dit qu’un service public est indispensable pour une cause sociale.
Y a-t-il donc des services publics par nature ? La loi peut-elle être faite par les privés ? Non. Exécutif ?
Beaucoup de services exécutifs sont réalisés par des privés. P.ex. : le service public de l’enseignement 
il existe des écoles libres comme Decroly ou Saint-Michel.

Il peut y avoir des services publics organiques, p.ex. : université de Liège, athénée Robert Cateau ou des
services publics fonctionnels, p.ex. : Saint-Louis, Decroly.

Un même service peut être exercé par le public (organiquement) ou par le privé (fonctionnellement).
Le judiciaire, quant à lui, n’est pas tout le temps en mains du public  dans le Code judiciaire on admet
l’arbitrage privé (certes contrôlé après par le juge).

Jusqu’où peut-on aller dans la privatisation ?


Peut-on imaginer que certains services publics deviennent privés ? Oui, il y a des évolutions p.ex.  : la
poste royale. Aujourd’hui, on a Bpost, mais ce service public/organique est en concurrence avec des
services postaux privés  ce service qu’on croyait être un monopole au départ, n’en est plus un !

Certains services publics ont même disparu, p.ex. : la téléphonie. Avant, on avait la RTT (régie des
télégraphes et des téléphones), qui était un monopole de l’état. Puis, l’Europe est passée par là et a
décidé de déréguler le secteur. La RTT est devenue Belgacom et puis Proximus, qui est en concurrence
avec Orange, etc.
 On n’est plus dans un monopole ; le téléphone est devenu un produit de consommation.
 Certes il y a encore un opérateur public – Proximus – qui a encore un poids plus important, mais
il n’a plus le monopole.

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Droit administratif

RÉFLEXION : les secteurs évoluent en fonction des conceptions, mais jusqu’où peut-on aller ?
EXEMPLE : pourrait-on privatiser nos prisons ? Nos prisons sont dans un état lamentable, ce qui nous
vaut des condamnations  alors, ne devrait-on pas privatiser ?
Le bâtiment serait géré par le privé, mais le personnel relèverait toujours de l’état. Au UK par exemple,
c’est le cas.
La question s’est posée pour la défense nationale : ceux qui font la nourriture pour les militaires,
doivent-ils absolument être des militaires ? Le Conseil d’Etat a dit oui, tant qu’on ne touche pas aux
fonctions essentielles de la défense. Cependant, on n’a pas défini cette notion, donc on ne l’a pas fait.

La notion de service public évolue fortement, d’une conception organique vers une conception
fonctionnelle.  Un mix des deux surgit, et on se demande jusqu’où l’accomplissement d’une
activement peut se faire uniquement par les gouvernants ?

L'enjeu de la qualification de service public ? = Il y a un régime particulier de règles qui sont appliquées,
par exemple pour les biens (qui appartiennent au domaine public), pour certains contrats (contrats
administratifs, contrats de concession etc.), …

On a 3 lois du service public. Elles ne sont pas dans les codes : elles ont été inventées par la doctrine,
résultent de la jurisprudence et se déduisent de la nature même de l'entreprise concernée, quelle que
soit sa forme de gestion, publique ou privée.
Ces lois sont en pleine évolution, notamment sous l’influence de l’Europe.

1- La loi de continuité du service public


L’idée, c’est qu’un service public, puisqu’il est nécessaire à l’intérêt général, doit pouvoir fonctionner de
manière régulière et continue. But = permanence de l’état. Pour ce faire, l’état a des prérogatives, mais
aussi des obligations.
IDÉE : le service s’exerce de manière permanente et l’état a des prérogatives.
- Permanent ça ne veut pas dire 24/24, p.ex. : le service des élections ne fonctionne pas à l’heure
d’aujourd’hui, mais il y a une continuité.

Ces services ont le droit de fonctionner, au point-même de prendre des mesures contre les citoyens pour
assurer la continuité.
Quelques exemples :
- Réquisitions : droit pour l’autorité de réquisitionner le privé, quand il en a besoin pour assurer la
continuité du service.
P.ex. : crise des poulets à la dioxine, on a constaté que des poulets en élevage étaient
contaminés à la dioxine et on a dû abattre plein de poulets.
Après ça, il fallait bien se débarrasser des carcasses, donc on a demandé aux cimentiers de le
faire (ils ont des fours pour brûler la chaux).
P.ex. : réquisitions de médecins généralistes lors de la grippe H1N1.

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Droit administratif

- On a validé la théorie du fonctionnaire de fait.  Circonstances exceptionnelles, WWII, des


fonctionnaires ont dirigé l’administration, et on a accepté ça.
- Ce qui est accompli par un fonctionnaire ou un juge, même si leur nomination est annulée par
après, est considéré comme valable, au nom de la continuité.
- On peut imposer à des gens qui sont dans des organismes publics de rester au-delà du terme de
leur mandat. Les gens qui siègent au CA de la SNCB doivent continuer à siéger au CA après le
terme de leur mandat. Leurs ‘actions’ sont juridiquement valables selon le Conseil d’Etat. Sinon,
il y aurait un vide : plus personne ne serait à la tête de la SNCB.
Pourquoi n’a-t-on nommé personne ? Parce que politiquement, on n’a nommé personne  tant
qu’on n’a pas d’accord, on laisse les anciennes personnes diriger.
- Les affaires courantes. Quand le gouvernement est démissionnaire, le gouvernement est
toujours là pour les affaires usuelles, en cours et urgentes.
En été 2019, on a désigné Diner Reynders comme commissaire belge. Mais, un gouvernement
en affaires courantes peut-il désigner un commissaire ? Oui, l’Europe ne va pas attendre que la
Belgique règle ses affaires.

Les obligations de l’état : parfois, il y a une obligation de l’état de prester un service public. Quid quand il
y a grève dans les transports publics ? Jusqu’où y a-t-il droit à un service public ?

Loi 29 novembre 2017 sur la continuité du service ferroviaire, ce n’est pas un service minimum, mais en
cas de grève, la SNCB doit proposer une offre de transport adaptée, p.ex. un train toutes les 3 heures.
Les syndicats ont contesté la loi devant à la Cour constitutionnelle, mais elle a validé la loi dans son arrêt
67/2020, 14 mai 2020 avec une petite nuance : la loi ne peut interdire les piquets de grève pacifiques 
grévistes ne peuvent entraver ceux qui veulent travailler !!
Même chose en France avec Sarkozy : service minimum de garderie dans les écoles en cas de grèves des
enseignements.

 Le service public est donc parfois une obligation à charge de l’état.

2- La loi du changement
Aussi appelé la loi de mutabilité. L’administration peut toujours modifier ses services en fonction de
l’intérêt général. L’autorité peut le faire sans l’accord des citoyens, usagers. P.ex. : la STIB change ses
horaires ou son arrêt de bus, on ne demande pas l’avis des citoyens.

La loi du changement peut même aboutir à une rupture de contrat, p.ex. : pour les concessions
domaniales, l’autorité peut rompre le contrat avant le terme. Est-ce que cela se passe sans
compensation ? A priori oui, mais on voit évidemment, de plus en plus, un contrôle émerger sur ce que
fait l’administration dans ce cas-là : un contrôle sur la véracité, et un contrôle pour voir si les effets ne
sont pas disproportionnés.

Certains disent que l’administration a aussi une obligation de changer. Les services publics doivent

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Droit administratif

constamment s’améliorer, au niveau de la quantité et de la qualité du service.

3- Le principe d'égalité des usagers


L’idée, c’est que, face au service public, tout le monde est égal et l’autorité assure cette égalité.
L’autorité peut procéder à des distinctions quand c’est nécessaire, p.ex. : faire des tarifs différents pour
l’usage d'un service public pour les étudiants, travailleurs, seniors… (discrimination positive). Il y a une
obligation pour l’autorité de distinguer quand ça se justifie, SANS pour autant accorder des privilèges
qui sont interdits dans l’usage des services publics.

4- Evolution
Les évolutions viennent de l’Europe, le triptyque continuité-mutabilité-égalité est remplacé par une
nouvelle trilogie : fiabilité-qualité-équité.
Le changement vient des services dérégulés. L’Europe a dit « je vais mettre des obligations de service
public, qui font qu’on ne sera pas dans la jungle de la concurrence. On demande de fournir des services
fiables, de qualité et livrés de manière équitable. Ne pourrait-on pas appliquer ça aux services publics, en
ce compris régaliens ?
- Fiabilité. Un service fiable est plus exigent qu’un service continu. La fiabilité du service de la
téléphonie, du gaz... on comprend, mais pourquoi pas pour tous les services comme le service de
l’enseignement, service communal…?
- Qualité. Le service peut être modifié. Ne pourrait-on pas plutôt dire que c’est une mutabilité vers
la qualité, qu’il y a une obligation de qualité. L’intérêt général exige qu’on évolue vers plus de
qualité.
- Equité. L’égalité c’est une belle chose, mais parfois l’égalité est injuste. N’est-ce pas mieux
d’aller vers des services équitables, càd des services fournis en fonction de la situation des gens,
et même si ce n’est pas égal, c’est équitable. P.ex. : on a imposé au service de distribution de
gaz, de téléphonie, de fournir des services gratuits à ceux qui ne savent pas payer.  L’égalité
voudrait qu’on ne donne rien (je ne paie pas, je ne reçois rien), mais n’est-il pas plus équitable de
dire que, même pour ceux qui ne savent pas payer, la dignité humaine requièrent qu’il y a un
minimum d’eau, d’électricité etc. ?

b) Les modes de gestion du service public


Un service public est-il géré d’une seule et même manière ? Non. Les modes de gestion des services
publics sont très variés, les structures diffèrent.

Le noyau dur = l’Etat, les Communautés, les Régions, les communes.


Puis, apparaissent d’autres éléments moins connus.
- Régie = ( = régime communale ordinaire) une entité qui n’a PAS de personnalité juridique.
Elle ne se distingue pas de la commune. C’est une autorité qui a une certaine autonomie pour
gérer un service auxquels sont affectés des moyens financiers et humains P.ex. : une régie

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Droit administratif

foncière ; elle gère les terrains de la commune.


- Régie communale autonome. La régie communale est un nouvel animal public. La différence
avec la régie communale ordinaire, c’est que la régie communale autonome a la personnalité
juridique et un conseil d’administration. Elle s’occupe des activités commerciales de la commune,
p.ex. : gestion des partis communaux.
- Les organismes d’intérêt public (OIP). Ils sont régis par la Loi du 16 mars 1954, qui liste des
catégories d’OIP en classant en catégories A-B-C-D.
C’est une loi qui régit les OIP, et ces OIP sont créés par des pouvoirs publics fédéraux ou fédérés.
Dans catégorie A, on est sous la hiérarchie du ministre, p.ex. : faits d’asile (= l’agence pour
l’accueil des demandeurs d’asile), bureau du plan.
Dans la catégorie B on est sous la tutelle d’un pouvoir ( l’autonomie est plus grande pour
l’OIP) p.ex. : Activist (OIP créé par la Région de Bruxelles-Capitale pour les demandeurs
d’emplois), le théâtre royal de la Monnaie (OIP qui gère la culture).
- Les entreprises publiques autonomes (EPA) = des entreprises qui sont dans des secteurs
concurrentiels, mais qui gèrent un service public, p.ex. : SNCB, Bpost, Proximus, Belgocontrol (=
gestion de la sécurité aérienne). Ces entreprises avaient d’abord le monopole, mais pour être
plus efficaces, elles se sont transformées en EPA.  Elles restent publiques, car l’état détient
toujours plus de 50% du capital, mais elles sont autonomes car elles sont distinctes de l’état. Il
n’y a pas de contrôle hiérarchique, mais il y a un contrat de gestion, qui met des obligations à
charge de l’entreprise. « L’état doit-il garder plus de 50% ? » : la question s’est posée dans le
gouvernement Michel (par la NVA). Une loi avait été adoptée pour permettre la privatisation (et
descendre en dessous de 50% de la participation de l’état), qui n’était valable jusqu’au 31
décembre 2018.
( !! ) Elle n’a jamais été mise en œuvre, car elle aurait ouvert un débat sans fin. Vendre les
actions c’est un one-shot, mais garder les actions, c’est s’assurer d’avoir les dividendes chaque
année.
- Les autorités administratives indépendantes (AAI). Ce sont des organismes indépendants du
pouvoir exécutif. Indépendant dans le sens où elles arbitrent/gèrent un secteur. P.ex. la CREG
(commission de régulation d’électricité et de gaz), qui est l’arbitre entre les fournisseurs  ; le
gestionnaire du réseau et les consommateurs. Ce n’est PAS le ministre de l’énergie qui s’occupe
de ça  la CREG existe, car l’Europe a exigé de mettre en place ces formes de structures. Autres
exemples : l’APD (autorité de protections des données) créée en décembre 2017 sous l’impulsion
de l’Europe ; le CSA, qui est une instance de régulation du respect des règles en matière des
mineurs, des investissements dans ce secteur, de règles de publicité, etc.
- Les instances ad hoc. Ce sont des instances taillées sous mesure, pour les besoins d’une
institution en particulier. P.ex. : Beaux-Arts, pour Beaux-Arts on a créé une SA de droit public à
finalité sociale. C’est une SA mais la loi lui interdit de poursuivre un but lucratif (on est entre le
droit administratif et le droit des groupements).
- Les intercommunales. Ce sont des communes qui décident de se regrouper pour créer un
nouvel être juridique, distinct des communes elles-mêmes, pour gérer un pan de l’intérêt
communal. P.ex. : ramassage des déchets.
Les intercommunales sont tantôt pures (uniquement composées de pouvoirs publics), tantôt

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Droit administratif

mixtes (composées de pouvoirs publics mais ouvertes aux privés, le public restant toujours
majoritaire).

Les modes de gestions du service public sont parfois externalisés et parfois internalisés. Il peut aussi y
avoir des services publics complètement privatisés, p.ex. : le service public de l’enseignement.
4° Les prérogatives exorbitantes de l’Administration et les sujétions particulières auxquelles elles sont
soumises
L’administration a des prérogatives exorbitantes, au vu des services qu’elles gère, mais elles est soumise
à des obligations particulières.
Pourquoi ces 2 faces ? L’administration dispose de la souveraineté. L’état doit servir l’intérêt général,
donc l’état doit pouvoir s’imposer. Cependant, il faut éviter l’arbitraire  donc il faut compenser par
des obligations particulières pour canaliser l’administration.
P.ex. droit d’expropriation, droit de réquisition, mais on distingue surtout 3 privilèges :
- Privilège du préalable : privilège de la force obligatoire de l’acte.
- Privilège de l’exécution d’office : force contraignante de l’acte.
- L’absence des voies d’exécution forcée contre l’administration, immunité de l’administration.

a) Le privilège du préalable
L’administration a le droit d’édicter unilatéralement des actes, en vue de l’intérêt général, qui s’imposent
au citoyen. Elle n’a PAS besoin du consentement de celui-ci. Ces actes bénéficient d’une présomption de
légalité = l’autorité de la chose décidée.
Peut-on le contester ? Oui évidemment, mais la contestation n’a PAS d’effet suspensif en tant que tel  !
Pourquoi ? Le but, c’est que l’administration puisse être efficace.
 C’est normal que ce ne soit pas suspendu directement, sinon tout le monde suspendrait tout.
L’acte doit être respecté, sauf si le juge suspend ou annule l’acte. Tant que le juge ne dit rien, il
faut respecter l’acte.
Ce privilège peut être utilisé dans des contrats p.ex. : imposer des pénalités, des résiliations au
cocontractant.

Ce pouvoir est assez exorbitant et il est attribué à ceux qui exercent un service public, MÊME à ceux qui
ne sont pas dans le noyau dur.
EXEMPLE : C.C., arrêt 75/2009, 5 mai 2009 : les indépendants doivent payer des cotisations à l’Inasti, qui
est un organisme où il y a des caisses privées, chargées de récolter le montant.
Une caisse privée décide d’avoir recours à un acte de contrainte à l’encontre d’un privé. Cette caisse
privée, a-t-elle le pouvoir d’exercer un privilège à l’encontre d’une société ?
L’affaire arrive devant la Cour constitutionnelle, qui dit « les personnes privées en question exercent,
contrairement aux créanciers privés, une mission de service public, laquelle permet que soit admis que la
procédure de recouvrement puisse déroger aux règles du droit commun. Le bénéfice de la contrainte
octroyé aux caisses d’assurance sociale en cause ne constitue pas une mesure disproportionnée dès lors
que les débiteurs disposent d’un recours devant les juridictions de l’ordre judiciaire ».

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Droit administratif

 Mêmes des organismes privés peuvent bénéficier d’un privilège du préalable ou de l’exécution
d’office, prendre des mesures qu’un créancier privé ne pourrait pas prendre vis-à-vis du privé, et
ce, parce qu’ils exercent une mission d’intérêt public.

b) Le privilège de l’exécution d’office


Non seulement l’acte est obligatoire, mais il est contraignant. L’autorité peut passer à l’exécution
forcée : elle peut user la contrainte/force publique pour faire exécuter sa décision, SANS intervention du
juge, ce que le particulier ne peut PAS faire.
C’est organisé par la loi ou par la Cour constitutionnelle. P.ex. : loi sur la TVA  l’administration peut
avoir recours à la contrainte et elle peut envoyer un huissier de justice. Une exception à ce pouvoir-là, en
matière d’expropriation : l’autorité peut décréter l’expropriation d’un bien (l’autorité se saisit de biens
privés pour motif d’intérêt général), mais elle a besoin de l’autorité du juge !!
Ce préalable de l’exécution d’office est l’accessoire du 1e préalable.

c) L’absence des voies d’exécution forcée contre l’Administration


= l’immunité des biens de l’administration.
L’idée, c’était que les biens de l’administration ne puissent faire l’objet d’exécution forcée. C’était une
règle non écrite, justifiée par la nécessité de la continuité du service public. P.ex. : on ne saisit pas les
véhicules de fonction de police.
Cette coutume originaire de France était problématique, car on a constaté que les autorités publiques en
abusaient, notamment dans des situations où l’état était condamné en justice à payer des sommes, et le
créancier se retrouvait en face d’une autorité qui ne payait pas. Le créancier voulait exécuter mais on lui
rétorquait « immunité d’exécution ». Tous les biens étaient protégés/immunisés, que ce soit des biens
du domaine public ou domaine privé.

 On a mis ça en cause et on a vu de la jurisprudence apparaître, pour dire que certains biens


étaient saisissables. Face à cette jurisprudence, le législateur a modifié le Code judiciaire en
1994. Il a ajouté l’art. 1412bis  on consacre le dogme de l'insaisissabilité des biens des
pouvoirs publics au §1 : « Les biens appartenant à l’Etat, aux Régions, aux Communautés, aux
provinces, aux communes, aux organismes d’intérêt public et généralement à toutes personnes
morales de droit public, sont insaisissables ».

Au §2 : « Toutefois peuvent faire l’objet d’une saisie, les biens qui sont listés par les personnes
précitées ». On a invité les autorités publiques à faire une liste des biens saisissables.
« A défaut de liste, peuvent être saisis les biens qui ne sont manifestement PAS utiles à ces personnes
morales pour l’exercice de leur mission ou pour la continuité du service public ».

Dans la pratique, aucune liste n’a été faite !! Par conséquent, des litiges sont apparus.
Exemples :
- Les tableaux qui décorent une maison de repos sont-ils insaisissables ? Non, par contre, la

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Droit administratif

cuisine oui.
- Peut-on saisir les biens des fabriques d’église ? Non. Voilà 2 exemples caricaturaux.
- Situations incertaines : peut-on saisir le compte en banque de l’ONSS ? Le 1 e juge dit que oui 
la Cour d’appel de Bruxelles réforme le jugement et dit que tout compte en banque est
insaisissable, car un compte en banque est indispensable au service public de l’ONSS.  En
attendant, il faut saisir un autre bien.

A propos des EPA, on a un régime particulier d’insaisissabilité (art. 8, al. 2). Les EPA ont des avantages,
mais n’ont pas tous ces pouvoirs exorbitants, ce qui est logique, puisqu’elles sont sur un marché
concurrentiel.

L’administration est ligotée par différentes obligations, qui pèsent beaucoup plus lourd que pour les
citoyens.
- L’administration doit être transparente, doit donner accès aux documents, doit permettre de
prendre copie.
- L’administration doit respecter les procédures pour adopter ses normes.
- Les actes individuels de l’administration doivent être motivés, loi de 1991, c’est une garantie
pour les citoyens contre l’arbitraire  la motivation doit être dans l’acte : elle ne peut pas être
donnée après-coup. Une entreprise fait plus ou moins ce qu’elle veut. Même quand il y a des
votes, le vote est secret mais la nomination doit être motivée.
- L’administration doit respecter les règles de marchés publics. L'autorité ne peut choisir, comme
elle veut son cocontractant, que ce soit pour des travaux, des fournitures ou des services qu'elle
souhaite obtenir. Soit, elle est tenue de respecter la loi organisant les marchés publics, soit, à
défaut, des règles générales applicables à toute action de l'administration.
- Tous les actes de l’administration sont susceptibles de contrôle juridictionnels par les cours et
tribunaux ou par le Conseil d’Etat.

5° Les théories du service public et de la puissance publique comme explications d’un droit
Le pouvoir administratif est fort. Il a des modes de gestions très variés ; il a des privilèges, mais aussi des
obligations. Il faut donc avoir un droit particulier, un droit distinct du droit civil, qui crée un équilibre
entre la puissance de l’administration et les droits du citoyen. Un droit qui a une juridiction particulière,
notamment le Conseil d’Etat.
REMARQUE : au UK, on n’a pas de droit administratif  nous, on a été influencé par la France.

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Droit administratif

C. Les grands traits du droit administratif


- Le droit administratif = soumis au principe de légalité.
- C’est une branche du droit public, mais il est influencé par le droit privé.
- C’est un droit dispersé entre les instances fédérales et fédérées et c’est un droit très jurisprudentiel.

1° Une administration soumise au principe de la légalité : Etat de droit et Etat de police


Toute action administrative est régie par la légalité.
L’autorité n’est pas libre : elle doit respecter des règles de droit externe (Conventions internationales,
Cour constitutionnelle, etc.) et internes (règlement, circulaires etc.).
Le rapport à la règle n’est PAS équivoque. On peut comprendre ça avec la différence entre compatibilité
et conformité à la loi  la conformité exprimant un respect plus strict de la légalité.
- Quand l’administration doit prendre une décision conforme à la règle, elle a une compétence
liée, elle n’a pas de choix.
- Quand on parle de compatibilité, l’administration a différents choix, qui sont tous compatibles
avec la loi  l’administration a une compétence discrétionnaire.

EXEMPLE : l’administration a-t-elle le choix dans le calcul du traitement des fonctionnaires ? Non, il y a
des barèmes, des règles.
Quand on calcule la pension de quelqu’un, on prend une décision en vertu d’une compétence liée  le
choix doit être conforme.
EXEMPLE 2 : quand l’administration décide sur la demande d’un permis de bâtir, la règle permet d’avoir
une hauteur entre 12 et 20m (entre 3 et 6 étages). Elle a le choix  : 12m, tout comme 15m, c’est valable,
mais pas 35m.
 L’autorité a une compétence discrétionnaire, qui lui permet de dire qu’autant de mètres, c’est
ok, mais une autre hauteur également, tout en respectant une limite.  Elle peut également
refuser 18 mètres par exemple, mais en motivant sa décision.

Enjeu de la distinction ?  Savoir qui est le juge de l’administration.


- On considère que, quand la compétence est liée, il y a en réalité un droit subjectif, qui
correspond à l’obligation de l’administration.
 Le litige va devant les C&T.
- Par contre, si c’est une compétence discrétionnaire, on estime qu’il n’y a pas de droit subjectif en
cas de litige. P.ex. : sur la hauteur de mon immeuble.
 Le litige ira devant le Conseil d’Etat (qui jugera de la légalité de la décision).

( !! ) L’administration prend des actes réglementaires généraux ou des actes particuliers, qui doivent eux
aussi respecter la légalité.

2° Le droit administratif est une branche du droit public


Dans le droit public, on distingue classiquement le droit constitutionnel et le droit administratif.

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Droit administratif

- Droit constitutionnel : pouvoirs de l’Etat, rapports entre gouvernants et gouvernés, droits et


libertés fondamentaux, mais tout ça, ce n’est rien sans administration.
- Droit administratif : règle le statut et les procédés d'intervention des administrations centrales
ou locales de l'Etat, ainsi que les droits des administrés dans leurs rapports avec ces
administrations.

Entre le droit constitutionnel et droit administratif, il y a un continuum. Le droit administratif est inspiré
du droit constitutionnel, mais celui-ci est souvent vague et incomplet : il a besoin d’être précisé par le
droit administratif, qui lui donne son efficacité. Le droit administratif est un droit de
terrain/d’application, où viennent s’ancrer les choix de l’autorité politique. Il est le prolongement du
droit constitutionnel. Il occupe le terrain ; il se préoccupe du quotidien.

3° Le droit administratif est néanmoins (et de plus en plus) influencé par le droit privé
Il se rapproche du droit privé, parce qu’on constate un rétrécissement des activités de l’état, au profit
du privé. On a privatisé de très nombreux secteurs, p.ex. la télécommunication, la poste, la SNCB, etc., et
ce, sous l’impulsion de l’Europe, qui a considéré que le consommateur serait mieux servi par une mise en
concurrence. Cette mise en concurrence fait que le régime de droit administratif exorbitant ne se justifie
plus.

On constate aussi que le public et le privé ont tendance à se rapprocher sous plusieurs motifs :
- Le public va prendre des activités dans des domaines privés.
- On met en place des partenariats public-privé (PPP). On fait ça, parce que l’état se rend compte
qu’il ne peut pas tout faire  il a besoin du privé et le privé a besoin de l’état ; c’est un win-win.
P.ex. du côté flamand, il y a un PPP qui s’appelle Scholen van Morgen. Idée = faire rénover les
écoles qui appartiennent au réseau public au sens large du mot, par le privé.
On a voulu faire la même chose du côté francophone, et puis on y a renoncé.
C’est intéressant car ça oblige à revoir les règles sur les prérogatives exorbitantes.
L’entrepreneur qui rénove, veut avoir la garantie d’être payé.
Du côté flamand, on a aménagé dans un décret des procédures sur la saisie des biens pour ces
partenariats de rénovation. Voilà du droit administratif qui s’efface sous les exigences d’un privé
(vouloir être payé).
- A quelles conditions l’administration est-elle responsable ? Y a-t-il une régie de responsabilité
civile particulier pour l’administration ? Non.
Depuis Cass., arrêt Flandria, 5 novembre 1920 (1), on a consacré le principe de la responsabilité
de l’exécutif, et donc l’administration est soumise à l’art. 1382 C.civ. + Cass., arrêt Anca, 19
décembre 1991 (2) consacre la responsabilité du pouvoir judiciaire + Cass., arrêt Ferrara, 2006
(3) : responsabilité du pouvoir législatif.
- Qu’en est-il de la responsabilité des agents des pouvoirs publics ? Loi du 12 février 2003 : la
responsabilité civile des agents des pouvoirs publics est la même que celle dans les contrats de
travail. Un agent n’est pas responsable de sa faute, SAUF dans ces cas : en cas de dol, en cas de
négligence grave et en cas de faute légère habituelle. Ce régime est appliqué aux agents du

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Droit administratif

pouvoir public.

A l’inverse, le droit administratif influence parfois d’autres branches. P.ex. : quand on licencie quelqu’un
dans le privé, faut-il auditionner la personne, comme on le fait pour le statuaire ?
Le droit du travail ne dit rien. Cour constitutionnelle, arrêts 86/2017 du 6 juillet 2017 et 22/2018 du 22
février 2018 : il faut entendre la personne quand on la licencie. La Cour de cassation avait, elle, dit le
contraire en 2015 (geen hoorplicht).

4° En Belgique, le droit administratif est éclaté entre le droit administratif fédéral et celui des entités
fédérées
Les entités fédérées ont leur propre corps de règles pour leur administration, et donc on a des évolutions
divergentes, même s’il y a une coupole commune (qui est la Constitution et les textes européens). Il y a
une grande fragmentation, parce que les matières elles-mêmes sont aussi régionalisées.
P.ex. : on a le droit de l’environnement mais il diffère en Région flamande, wallonne et Bruxelles-
Capitale.

Apparaît aujourd’hui, un droit de la régulation. C’est lié à un nouveau rôle de l’état : celui-ci est un
arbitre dans des secteur économiques en concurrence, mais l’état essaie de régir les activités à l’aide
d’outils qui viennent du droit administratif.
En ce sens, l’état n’est plus celui qui est actif dans l’économie, mais celui qui organise un secteur
libéralisé autour de compromis, entre des objectifs de valeur économique et des objectifs de valeur non-
économique.
P.ex. : dans le secteur de l’énergie, on a un acteur : la CREG (Commission de régulation de l’électricité et
du gaz) = le régulateur. Il est régulateur du marché qu’on a créé et a une grande autonomie ( CC,
n°130/2010, 18 novembre 2010). Elle n’est ni soumise à un contrôle hiérarchique du ministre, ni à un
contrôle de tutelle du ministre. Elle a été créée volontairement, pour que certaines missions qu’elle
accomplit soient soustraites au gouvernement. Certes, ce dernier nomme les membres de la CREG, mais
il n’a aucun ordre à leur donner. Ils sont complètement indépendants. C’est l’Europe qui a imposé aux
états membres cette forme de régulation.
Ainsi, pour la Cour constitutionnelle, « la CREG est une autorité administrative qui dispose d’une large
autonomie, qui n’est pas compatible avec la soumission de cette autorité à un contrôle hiérarchique ou à
une tutelle administrative. Elle est instituée dans le but d’accomplir certaines missions que le législateur
souhaitait soustraire à l’autorité du Gouvernement fédéral ».

5° Le droit administratif est un droit autonome, fortement jurisprudentiel et en pleine évolution


Il y a beaucoup d’arrêts du Conseil d’Etat et des cours et tribunaux. Paradoxalement on se retrouve dans
un phénomène de codification, mais aussi jurisprudentiel. La codification, on la retrouve dans des
secteurs particuliers, p.ex. : Code du logement et Code d’urbanisme pour le fédéré, Code des sociétés,
Code de droit économique pour le fédéral, etc. Mais plus on a des codes détaillés, moins on a de grands
principes. On se retrouve avec des juges qui doivent forger la jurisprudence !

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Droit administratif

 On a un droit en mutation, un univers normatif de plus en plus contraignant, un paysage


institutionnel qui se disperse.
D. Les sources formelles du droit administratif

Même si a priori le droit administratif est un droit propre à chaque état, il est depuis de nombreuses
années, influencé par des règles de droit international ou supranational.

1° Le droit international public et le droit européen


a) Les traités internationaux
Il y a des traités qui s’appliquent au droit administratif p.ex. le droit du Conseil de l’Europe, la
Convention de Aarhus de 1998, qui consacre 3 droits en matière de droit de l’environnement (i.e. :
droit à l’information, droit à la participation et droit au recours). La Convention de Aarhus est toujours
utilisée aujourd’hui.
On a la CEDH qui est un des traités les plus importants à prendre en considération, notamment en ce qui
concerne la protection juridictionnelle de l’administré.

b) Le droit de l’Union européenne


Le droit supranational est différent du droit national, et les droit et libertés consacrés dans le droit
primaire européen s’imposent au droit administratif. La Charte des droits fondamentaux donne aussi
des droits et obligations et influence le droit administratif. Le droit secondaire européen influence encore
plus le droit administratif. Les directives européennes sont très nombreuses.
Le droit des marchés publics n’est quasiment que régi par des directives européennes. Le droit des
modes de gestion des services publics vient aussi du droit européen. Dans de nombreux domaines, le
droit interne doit être conforme aux règles européennes.
 ( !! ) Inversement, un droit administratif européen apparait, influencé par les droits administratifs
nationaux.

c) Le droit du Conseil de l’Europe (CEDH non comprise)


La Charte sur l’autonomie locale de 1985 fonde des principes de bon fonctionnement démocratique
des institutions locales et le droit belge doit respecter ces principes.
De même, la Charte sociale européenne de 1961, révisée en 1996, garantit des droits fondamentaux
dont le Conseil d’Etat a déjà sanctionné la violation, considérant que cette Charte avait, en partie, un
effet direct.

ACTUALITÉ : arrêt du Conseil d’Etat  condition de détention des enfants dans des centres fermés, le
Conseil d’Etat valide certaines choses et en invalide d’autres.

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Droit administratif

2° La Constitution comme base du droit administratif


Dans la Constitution, il y a plein de dispositions qui touchent au droit administratif : toutes les libertés
publiques, les pouvoirs du Roi, le contrôle juridictionnel (Const., art 159 : un juge ne peut appliquer une
norme illégale, il peut donc écarter une norme illégale, contrôle diffus  contrôle centralisé, réalisé par
la Cour constitutionnelle), les institutions provinciales et communales.

3° La loi (le décret et l’ordonnance)


Le droit administratif nécessite d’avoir égard au droit international, européen et constitutionnel.
Ensuite, on a la loi.

Les règlements doivent le plus souvent avoir un fondement légal, donc il faut regarder ce que dit ce
fondement, qui est chez nous partagé entre le fédéral et le fédéré.
En Belgique, il n’existe pas de code de droit administratif, comme en France. Il y a des codes sectoriels,
des lois éparses.
Ce fondement peut être dans des lois ordinaires, mais aussi dans des lois spéciales. Il faut tenir compte
de ces règles répartitrices de compétence, car souvent il faut regarder si l’autorité n’a pas violé une
norme répartitrice de compétence.
Souvent, après une réforme de l’état, il y a des litiges sur les compétences nouvellement partagées.
P.ex. : loi climat, février 2019  il y a eu l’idée d’adopter une loi spéciale climat  la SLCE a dit qu’on ne
pouvait adopter une telle loi au niveau fédéral.

On a aussi les lois cadres et les lois d’habilitation (ou lois de pouvoirs spéciaux). On a vécu sous un régime
de pouvoirs spéciaux de mars à juin 2020. Le parlement a octroyé les pouvoirs spéciaux au
gouvernement Wilmès, en vertu de l’art. 105 Const. Cet article permet d’habiliter l’exécutif, sous
certaines conditions, de faire la loi.
Quelles sont ces conditions ?
- Ça doit être limité dans le temps,
- les arrêtés pris doivent faire l’objet d’une confirmation par le législateur (dans les 6 mois +/-),
- la loi d’habilitation doit fixer les domaines dans lesquels on peut intervenir.

4° Les règlements
a) Les arrêts royaux et les arrêtés des Gouvernements communautaires et régionaux
Après les différentes sortes de loi, on a les règlements, qui se prennent sous la forme d’ arrêtés royaux
(fédéral) et d’arrêtés de gouvernement (fédéré).
Le Roi agit avec contreseing ministériel et tous les textes ont valeur, après publication au Moniteur
Belge. Fondement = Const., art. 108. Cet article permet d’exécuter les lois, càd dégager de la loi, ce qui
s’en déduit naturellement, d’après l’esprit de la loi.
Const., art. 105 = le fondement pour les lois d’habilitation.

Le Roi a aussi un pouvoir direct, comme Const., art. 107. Le statut de la fonction publique est une

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Droit administratif

matière réservée au Roi par Const., art. 107.

b) Les arrêtés ministériels


L’arrêté ministériel est en dessous de l’arrêté royal. A priori, l’arrêté ministériel n’existe pas  ; il n’est pas
prévu dans la Constitution. Est-ce que cela interdit toute délégation ? Non, mais les délégations sont
strictes  elles ne peuvent porter que sur les mesures d’exécution d’un arrêté, des mesures
secondaires et le ministre a un pouvoir limité. Il peut s’agir d’actes individuels, ou des circulaires
ministérielles, qui ne sont pas contraignantes.
Ce qu’on ne connaît PAS en Belgique, c’est la délégation de signature. Le ministre ne peut pas dire qu’un
fonctionnaire signera à sa place. Ce système existe en France, pour des raisons pratiques. Si ça devait
exister, il faudrait en tous les cas que le dossier montre que le ministre ait en effet pris la décision.

c) Les arrêtés d’organismes publics et d’autorités administratives indépendantes


Le pouvoir réglementaire est attribué à des organismes de gestion de service public et à des autorités
administratives indépendantes. Ce n’est pas prévu par la Constitution, mais pourtant, c’est permis. C’est
para-constitutionnel. C’est permis, notamment sous l’impulsion de l’Europe : il parait plus efficace et
nécessaire que ce soit des autorités compétentes qui règlent ça.
P.ex. : règlement adopté par la FSMA, est-ce possible ? Pendant des années, la SLCE a dit non, mais ce ne
sont que des avis. La Cour constitutionnelle est venue valider le mécanisme, qui n’est même pas dans la
Constitution. Sous certaines conditions, notamment les conditions énumérées aux art. 33, 105 et 108 de
la Constitution, on ne s’oppose PAS à ce que le législateur confie une compétence à une autorité
indépendante.

Conditions ? Il faut un contrôle de plusieurs types :


- Un contrôle par l’autorité elle-même, qui doit approuver les projets de règlements.
- Il faut une publication du document.
- Il faut un contrôle juridictionnel. Les actes pris peuvent être contrôlés par un juge.
- Il doit y avoir une responsabilité politique, le ministre compétent et l’entité elle-même doivent
pouvoir être amené à se justifier devant la Chambre des représentants. Le ministre peut être
entendu sur interpellation parlementaire, le président de la FSMA peut être convoqué par une
commission, etc.
Ce mécanisme est devenu constitutionnel par la jurisprudence, et via des encadrements. C’est l’Europe
qui a invité les autorités nationales à créer ce genre d’instances et puis, à s’organiser selon le droit
interne.

d) Les arrêtés et règlements des pouvoirs locaux


Les communes ont le pouvoir de prendre des règlementations. Il y a des mesures prises dans chaque
commune pour le Covid, par exemple. L’administration s’organise via des règlements d’ordre intérieur.

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Droit administratif

5° La jurisprudence et le rôle créateur du Conseil d’Etat

La jurisprudence est une des sources les plus importantes du droit administratif. C’est un peu
paradoxal : on a beaucoup de textes mais il faut en déduire des principes ou bien le contraire, les règles
sont trop générales, donc il faut des litiges pour connaître leur application. Souvent ce sont les juges de
l’administration qui disent comment une règle s’applique.
Interdiction d’arrêt de parlement pour le juge. Ce n’est pas tout à fait vrai pour le Conseil d’Etat, qui
rend des arrêts qui ont valeur erga omnes. Le Conseil d’Etat a un tel pouvoir, qu’il rend des arrêts en
assemblée générale, c’est-à-dire avec tous les juges du SCACE.

Tous les textes s’apprécient à la lumière de la jurisprudence du Conseil d’Etat, mais aussi de la
jurisprudence des cours et tribunaux.

6° Les principes généraux du droit administratif


Les principes généraux du droit teintent par le fait que le droit est plus vaste que la loi. Le droit va au-
delà des textes, il y a du droit non-écrit, et en particulier les PGD. C’est un domaine très vaste et il
connaît des applications singulières en droit administratif.
Où places les PGD dans la HDN ?  Il y a plusieurs endroits, ça dépend selon le type de principe.
RÉFLEXION : y a-t-il des principes généraux tout en haut ? Peut-être ; comme l’interdiction de la torture.
Il existe des PGD supra-constitutionnel. Il existe des PGD en dessous de la Constitution, mais supra-
législatifs. Il n’y a rien dans la Constitution sur les droits de la défense p.ex., mais il y a le principe général
des droits de la défense.
Il y a une spécificité dans le droit administratif = il y a des principes propres au droit administratif : les
principes de bonne administration (beginselen van behoorlijk bestuur).

- Définition du PGD : règle que le juge qualifie de juridique. Le principe général est inventé par le
juge. Celui-ci le déduit éventuellement de textes, mais pas nécessairement, et c’est le juge qui
consacre ou pas le PGD.
- Ensuite, il y a des principes généraux du droit administratif, en général sur le comportement de
l’administration, source non écrite, applicable sans textes.
- Et puis il y a les principes de bonne administration :

a) Le principe « patere legem quam ipse fecisti »


« Respecte la loi que tu t’es donnée », si tu t’es donné une règle, tu es obligé de la respecter, sauf si la
règle permet la dérogation. C’est un PGD (malgré quelques controverses, mais discussion sans intérêt).
Une autorité est tenue de respecter la règle qu’elle s’est donnée, sauf exception.

CE, n°238.294, arrêt Argano, 23 mai 2017 : Mme Argano travaille comme tribunal en tant que greffier
(niveau C), elle veut passer au niveau B  elle passe un examen, où il faut avoir 30/50 et elle n’a que
21/50. Elle demande à voir les motifs de son échec ; il était prévu dans le règlement que chaque membre

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Droit administratif

du jury tienne une fiche d’évaluation.


L’état belge fournit une seule fiche non signée, sauf qu’il en faut 3 (une par juge). L’auditeur du Conseil
d’Etat investigue, et tout d’un coup, l’état fournit 3 fiches, non signées qui mettent 21/50. µ
Evidemment, le Conseil d’Etat dit que l’état n’a pas respecté le règlement de sélection. Le moyen unique
est fondé, en vertu du principe patere legem quam ipse fecisti.

L’autorité peut-elle se dispenser de respecter sa loi, si elle estime que sa loi est illégale ? L’autorité peut-
elle faire usage de l’art. 159 Const. ? Non, pour des raisons de sécurité juridique. Si l’autorité trouve que
sa loi est illégale, elle n’a qu’à la changer, elle ne peut se dispenser de l’appliquer. Elle peut, par contre,
demander au juge d’appliquer C. 159 et d’écarter sa norme (c’est bizarre, mais possible).

b) La non-réotractivité des actes administratifs


Art. 1e C.civ. : « la loi ne dispose que pour l’avenir, elle n’a pas d’effet rétroactif ». Ce principe exprime le
souhait de la sécurité juridique, la prévisibilité. Le fait que la loi soit accessible pour chacun et que
chacun puisse raisonnablement prévoir les conséquences d’un acte qu’il pose. De ce texte, on a prévu un
PGD de nature législative, mais ce prince n’es pas absolu  il est admis que l’acte réglementaire soit
parfois rétroactif, moyennant certaines conditions :
- L’acte doit être pris pour restaurer la légalité.
- Ça doit être fait dans le respect des droits acquis. On ne peut rétroagir au mépris des droits
acquis de quelqu’un.
- L’auteur de l’acte rétroactif doit motiver la rétroactivité, il doit justifier la rétroactivité. Sans
motivation, cette rétroactivité est a priori suspecte.

On trouve assez souvent des actes rétroactifs, p.ex. annulation d’un acte pour la forme. On reprend le
même acte, mais il est rétroactif. Bon exemple également : les lois fiscales de fin d’année, souvent on les
prend et elles valent pour l’année écoulée.

c) Les droits de la défense et le principe du contradictoire


Ces principes sont liés, mais ne sont PAS identiques.
Principe du contradictoire = audi alteram partem, « entends l’autre partie ».
 Principe très simple, qui veut que quand l’autorité veut prendre une mesure grave vis-à-vis de
quelqu’un, il est de bonne administration de l’entendre avant de se prononcer. C’est dans son
intérêt de le faire.
Qu’est-ce qu’une mesure grave ? CE, 28 septembre 2018, n° 223.540 : un Mr se plaint de ne pas
recevoir une rémunération supplémentaire, car il n’avait pas des rapports favorables pour son
travail. Fallait-il l’entendre avant qu’on décide qu’on ne lui accordait par la prime ? Non, dit le
Conseil d’Etat : c’est un avantage et il ne faut pas l’entendre.

CE, 24 juin 2020 : on retire à quelqu’un un agrément. C’est un Mr qui est agréé pour les mineurs
étranges non accompagnés. Ce tuteur pose plein de problèmes  on lui retire son agrément. Dans ce

43
Droit administratif

cas-là, il faut l’entendre dit le Conseil d’Etat.

‘CONCLUSION’ : l’autorité ne doit pas toujours entendre.  Si elle estime que le dossier comporte déjà
assez d’éléments objectifs et que l’audition n’apporterait rien de neuf, elle peut ne pas entendre la
personne. Par contre, l’autorité ne peut pas préjuger de l’utilité de l’audition. L’autorité n’est pas
obligée d’entendre s’il y a urgence, si ça met en péril l’intérêt général.

Les droits de la défense, ce n’est plus dans l’intérêt de l’administration  c’est dans l’intérêt de
l’administré. Les droits de la défense ajoutent des garanties au profit de l’administré.
- Celui-ci a le droit de préparer sa défense dans un délai raisonnable.
- Il a le droit d’être assisté de la personne de son choix.
- Il a le droit de faire entendre des témoins.
- Il a le droit que ceux qui l’entendent, soient ceux qui délibèrent et inversement (ceux qui ne l’ont
pas entendu, ne peuvent pas délibérer).

Les deux principes impliquent que l'intéressé ait reçu communication des reproches ou griefs, de la
nature de la mesure envisagée, qu'il ait pu être entendu oralement ou par écrit, qu'il ait pu consulter son
dossier, qu'il ait bénéficié d'un délai raisonnable pour faire valoir sa défense, etc.

d) L’impartialité et l’objectivité
Toute l’action administrative doit être impartiale, puisqu’elle est vouée à l’intérêt général. L’impartialité
s’apprécie de 2 manières :
- L’impartialité objective : ce sont les apparences. N’importe quel tiers qui regarde
l’administration de l’extérieur, doit croire qu’elle est impartiale.
CE, n° 167.303, 30 janvier 2007, Ebens et Hanssens : ils veulent construire une maison style
fermette, et l’autorité provinciale (Brabant Wallon) dit ok pour le permis. Voilà que le
fonctionnaire délégué (Monsieur X) fait un recours à la Région wallonne, car il considère que ce
permis n’est pas légal et n’aurait pas dû être accordé.
La Région wallonne refuse le permis (on va appeler la fonctionnaire, Mme Z). Ils font valoir au CE
que l’impartialité objective de la Région wallonne ou du fonctionnaire n’a pas été respectée, car
depuis lors, Mr X est devenu le chef de Mme Z. Le refus de permis a été annulé par le Conseil
d’Etat.
- L’impartialité subjective : elle tient dans le fait que la ou les personnes qui ont décidé, n’aient pas
déjà une opinion. Càd qu’une personne s’est déjà prononcée alors qu’elle va connaître du
dossier et donc a exprimé un point de vue qui ne lui permet plus de dire qu’elle est impartiale.
On trouve souvent, dans des affaires plus ou moins retentissantes, des personnes politiques
dirigeant l’administration et qui doivent se prononcer, qui disent aux médias qu’il faut la
sanction la plus sévère, etc.
L’impartialité subjective est plus souvent difficile à démonter dans un organe collégial. Souvent,
la personne qui a parlé, va statuer en collège.
RÉFLEXIONS : est-ce que celui qui a déjà pris attitude, contamine tous les autres ? Tout le collège

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Droit administratif

est-il lui-même déjà exclu ? Pas nécessairement, ou plutôt non. Il faut 2 conditions :
1. Un ou plusieurs membres a/ont déjà fait preuve de partialité
2. Il faut montrer que la partialité de ce ou ces membres a pu influencer l’ensemble des
membres du collège (preuve très difficile à rapporter).
L’impartialité subjective d’un organe collégial ne fonctionne que rarement devant le Conseil
d’Etat. Par contre, l’impartialité subjective d’une personne ça fonctionne.

e) L’obligation de comparer les titres et mérites des candidats à un emploi public


L’autorité doit décrire le type de profil qu’elle recherche. Elle doit examiner soigneusement les
candidatures et elle doit motiver son choix. Raison ? Sa décision peut être contestée. La motivation est
requise, MÊME lors d’un scrutin secret.

CE, arrêt du 29 septembre 2020, arrêt Thirion : Mme Thirion travaille à l’autorité belge de la
concurrence. Elle voudrait postuler au renouvellement de son mandat. Elle postule en 2018, et en janvier
2020, on lui dit qu’elle n’est pas apte. Aucun des candidats n’est alors considéré comme apte, et on lui
donne des raisons, mais les critères sont assez flous.
L’autorité décide de relancer un appel en candidature en septembre 2020, pour le poste toujours vacant.
Mme Thirion décide de repostuler, sauf que dans l’appel à candidatures, il est mis que ceux qui ont déjà
postulé avant, ne peuvent plus postuler. Par conséquent, Mme Thirion n’a aucune chance.
Le Conseil d’Etat considère que cette exclusion de ceux qui avaient déjà présenté l’examen ne repose sur
aucune explication objective et raisonnable, c’est discriminatoire. Ceux qui peuvent procéder à la
nouvelle candidature, sont doublement avantagés, les critères sont plus précis et la concurrence est
réduite, puisque ceux qui avaient déjà participé, ne le peuvent plus.
Fondement : art. 10, al. 2 Const.

f) Principe du délai raisonnable


= l’autorité doit agir en respectant des délais.
Il y a des délais d’ordre dont le dépassement n’entraine aucune conséquence et des délais de rigueur qui
ont une conséquence quand le délai est expiré. Ils luttent contre l’inertie de l’administration.
Si l’administration n’a rien dit après 30j par exemple, c’est un refus tacite  j’ai un droit de recours.

L’idée = l’autorité ne peut pas faire attendre le citoyen de manière déraisonnable ; il a le droit que son
cas soit examiné dans un délai raisonnable. C’est un principe de droit non écrit : même s’il n’y a pas de
délai, il faut toujours respecter le délai raisonnable, spécialement en matière disciplinaire !!

Comment apprécier le caractère raisonnable du délai ? On examine divers facteurs :


- L’importance de l’affaire,
- on va voir le comportement de l’administration (a-t-elle été négligente ?),
- le comportement de l’administré.
 C’est une question d’ordre public et on voit régulièrement des cas où l’autorité est négligente et

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Droit administratif

sanctionnée pour dépassement du délai raisonnable.

CE, arrêt Jamotte, 26 mars 2014, n° 210.995 : Mr Jamotte est un agent pénitencier, qui travaille à la
prison d’Arlon. Parmi ses prisonniers, il y avait Marc Dutroux. Paris Match a publié des photos de
Dutroux  qui a donné ces photos à la presse ?
Ça ne peut être qu’un agent pénitencier. On suspecte Mr Jamotte. On le suspend préventivement
disciplinairement. On l’interdit temporairement d’accès à la prison, mais il est aussi poursuivi
pénalement devant le tribunal correctionnel pour des violations des dispositions du Code pénal,
notamment la corruption passive. Le tribunal le condamne ; il considère que les fait sont établis. La Cour
d’appel de Liège confirme la décision du tribunal correctionnel, sans lever la suspension.

 Que va-t-on faire maintenant disciplinairement ? Mr Jamotte dit que ce n’est pas lui, qu’il va le
prouver et il demande la révision de son procès (procédure particulière devant la Cour de
cassation). Il dit à l’administration : « je suis en train de faire ce procès en révision ».
L’administration attend. Au bout du compte, en 2013, on décide de révoquer Mr Jamotte pour
faute grave en tant qu’agent pénitencier. Les faits datent de 2004, mais la procédure disciplinaire
n’a été entamée qu’en 2007, pour n’aboutir à la sanction administrative qu’en 2013.
Mr Jamotte va au Conseil d’Etat qui dit qu’il y a dépassement du délai raisonnable. Oui, Mr
Jamotte a fait un procès en révision, mais l’administration n’explique pas pourquoi le dossier a
été ralenti à ce point. Mr Jamotte gagne en suspension, et l’administration retire l’acte.
 Peut-on encore le sanctionner ? Non, si le délai raisonnable est dépassé, on ne peut plus le
sanctionner !

g) Les principes de bonne administration : « beginselen van behoorlijk bestuur »


Ces principes viennent des Pays-Bas.
La plupart de notre droit administratif vient du droit français, mais on a aussi une influence néerlandaise
et la plus connue, c’est celle-ci.

Ces principes de bonne administration vont un peu plus loin. L’idée = l’administration doit agir comme
un bon père de famille. La jurisprudence en la matière est complètement évolutive. Il n’y a pas de liste
de principes généraux de bonne administration. Il n’y a pas un seul principe de bonne administration, il y
a DES principes de bonne administration.

Pourquoi ces principes sont-ils apparus ?  besoin d’un contrepoids au pouvoir discrétionnaire de
l’administration, lutter contre l’arbitraire, faire en sorte que l’administration agisse en bon père de
famille, assurer que l’administration soit même plus que correcte...
- Du côté hollandais, il y a le principe du hoorplicht (audi alteram partem).
 En Belgique, on ne le classe pas dans les principes de bonne administration, mais peu
importe.
- Redelijkheid, principe du raisonnable. Idée = l’autorité face à différentes options qui se
présentent à elles, ne peut choisir celle qui défie la raison. L’autorité doit toujours prendre une

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Droit administratif

solution raisonnable.
CE, n° 222.114, arrêt du 17 janvier 2013 : Mr avait un mandat à l’IBPT et sortait de mandat. Dans
l’appel aux candidats, il est mis qu’il ne serait pas tenu compte de la manière dont le mandat a
été exercé, si un sortant postule. Le Conseil d’Etat dit que c’est complètement contraire à la
raison. « Oui, vous voulez mettre tout le monde sur un pied d’égalité, mais c’est discriminatoire
que quelqu’un ne puisse faire valoir son bilan, c’est déraisonnable en tant que tel. » Ça ne veut
pas dire que ceux qui veulent renouveler, ont un avantage, mais on ne peut pas dire qu’on n’en
tient pas compte du tout. P.ex. : quelqu’un qui est dangereux  on peut lui interdire d’encore
porter une arme à feux.
- Principe de proportionnalité. L’autorité doit toujours prendre la mesure la moins attentatoire
aux libertés publiques. L’autorité doit prendre des règles proportionnées. Le contrôle du Conseil
d’Etat est un contrôle marginal, car la proportionnalité s’apprécie très subjectivement  le
Conseil d’Etat n’annule que ce qui est manifestement disproportionné.
P.ex. : les mesure anti covid dans le Bas-Rhin. Le Conseil d’Etat français a dit que la mesure du
port du masque obligatoire en zone rurale était disproportionnée.
P.ex. : arrêt en matière de lutte contre la mendicité. Dans la ville de Namur, en raison de plaintes
pour diverses incivilités, de vols, liés à la mendicité, on prend un arrêté communal qui interdit la
mendicité dans le centre de Namur. Recours de la ligue des droits de l’homme et d’un mendiant
pour dire que c’est une atteinte à un droit fondamental et que la mesure est disproportionnée.
Le Conseil d’Etat a annulé le règlement. Oui, il y a des problèmes, mais seulement dans certaines
rues, ce qui ne justifie pas de prendre une mesure aussi large, s’étendant à tout le centre de
Namur. Le Conseil d’Etat dit même que rien ne justifie d’interdire la mendicité avec les enfants.
- Rechtzekerheid = principe de sécurité juridique. L’administration doit respecter les attentes
légitimes qu’elle fait naître auprès des citoyens par son comportement, QUAND BIEN MÊME ces
attentes sont illégales. Ça pose une vraie difficulté : il y a la loi, puis il y a la pratique. Quid si
l’administration admet des choses qu’on ne peut pas tolérer ? L’autorité a-t-elle le droit, tout
d’un coup, de faire volte-face ?
 L’autorité doit restaurer la légalité, mais ad futurum, pour le passé.
Elle ne peut revenir en arrière, si elle a créé une attente légitime. CE, n° 210.000, arrêt du 21
décembre 2010 (AG) : port du voile d’une enseignante dans un athénée. Une prof de maths
donne cours avec son voile et le règlement de l’athénée change. Les professeurs ne peuvent plus
porter de signes convictionnels. Elle va au Conseil d’Etat, et invoque la sécurité juridique. Ça a
toujours été comme ça. Le Conseil d’Etat dit non : « la confiance en une attitude de fait de
l’autorité n’empêche pas cette dernière d’édicter à un certain moment un règlement d’une
manière générale et réglementaire, dont l’application emporte la modification de la situation
juridique de ses agents ». Le fait de porter le voile n’était qu’un état de fait  ça n’empêche pas
l’autorité de modifier la réglementation. « Les agents ne peuvent escompter que leur statut
restera inchangé depuis leur nomination ou leur désignation jusqu’à la fin de leur carrière. Le
simple fait que la partie adverse a admis par le passé que la requérante donne cours voilée, ne
lui interdit dès lors pas de changer à un moment donné d’attitude sur le port de signes
convictionnels », dit le Conseil d’Etat.
- Principe de prudence (voorzichtigheid). La Cour constitutionnelle dit dans un arrêt de 2006 que

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Droit administratif

le principe de prudence doit caractériser chaque action administrative, même en l’absence de


disposition légale ! L’autorité DOIT être prudente.
- Principe de minutie (zorgvuldigheid). L’autorité doit, avant de prendre une décision, veiller à
s’entourer de toutes les données utiles, à prendre une décision en parfaite connaissance de
cause  elle doit avoir fait en examen complet des données. P.ex. agent de change fait l’objet
d’une plainte pénale d’un de ses clients. L’autorité de surveillance justement, suspend l’agent de
change. Sauf que l’autorité ne se renseigne pas sur la suite de la plainte pénale, celle-ci est
classée sans suite. L’administration voit sa décision de suspension être annulée par le Conseil
d’Etat, pour défaut de minutie : l’autorité devait actualiser les infos qu’elle avait.

 L’administration doit respecter une somme énorme de réglementations ; respecter des principes
généraux, en espérant que ce qu’elle fera, passera le cap d’un contrôle par les cours et tribunaux
et le Conseil d’Etat.

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Droit administratif

PARTIE II. LES INSTITUTIONS ADMINISTRATIVES

A. La théorie des personnes morales de droit public

1° La personne morale
Les personnes morales ne sont pas naturelles, ce sont des fictions. On crée un être juridique par le droit.
Ces personnes morales ont pour but de satisfaire l’intérêt général ou spécifique. Ces personnes morales
sont composées de membres, qui sont représentés par des organes qu’ils ont choisis et qui exprimeront
la volonté de la communauté.
Exemple : la commune est une personne morale, qui représente les habitants de la commune et les élus
(les conseillers communaux) représentent la volonté de la communauté. Cette communauté a un
patrimoine propre, distincts des personnes physiques, p.ex. : le bois de la Cambre appartient à la ville de
Bruxelles ; il n’appartient pas aux habitants. Ces personnes morales existent en vertu de la Constitution
ou de la loi. Elles ont la personnalité juridique et cette capacité juridique leur permet d’agir en justice.
 Les personnes morales échappent à la précarité des personnes physiques, les personnes morales
ne sont PAS mortelles.

2° Les collectivités politiques et les organismes personnalisés


Deux types de personnes morales de droit politiques :
- Les collectivités politiques, qui ont un caractère territorial. On crée une personne morale, qui
représente un certain nombre d’humains qui présentent une certaine homogénéité. Elle a des
compétences sur un territoire propre, et la communauté s’administre elle-même.
- On distingue les collectivités supérieures et les collectivités subordonnées :
• Les collectivités supérieures ont le pouvoir législatif, et n’ont pas de contrôle supérieur
(sauf juridictionnel), p.ex. : l’état, les Communautés et les Régions, la COCOM et la
COCOF. Ces collectivités supérieures peuvent créer d’autres personnes de droit public.
• Les collectivités subordonnées sont sous tutelle administratives, p.ex. les 10 provinces et
les 580 communes.
- Les organismes personnalisés = les animaux publics, les entités détachées de l’état, des
Communautés et des Régions, qui ont la personnalité juridique et qui sont spécialisées pour
gérer un pan de l’intérêt général.

2 principes de base régissent la création des personnes morales :


- Principe de la légalité. Les personnes morales de droit public n’existent pas naturellement  il
faut une intervention constitutionnelle ou législative pour les créer  rt. 9 LSIB.
- Principe de la spécialité. On crée par la loi une personnalité juridique, mais on lui donne une
capacité spécifique, un but particulier. Idée = il y a un objet social. L’entité que l’on crée ne peut
dépasser son objet social. Tout animal public que l’on crée reçoit des humains et des moyens
matériels, financiers, juridiques pour réaliser une activité déterminée. Il faut que l’on
circonscrive ça. L’autorité qui crée l’animal public délimite le périmètre d’activité de l’animal qu’il
crée ; ce que celui-ci peut faire ou ne pas faire. L’animal public peut-il acquérir des biens, peut-il

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Droit administratif

s’associer ? Si ce n’est pas autorisé expressément : non ! Il faut voir pour chaque organisme créé,
les limites de son périmètre d’action. C’est important pour la gouvernance de chacune de ses
entités.

B. Les institutions administratives fédérales

1° L’administration centrale
Comment fonctionne l’état fédéral ?

a) Le pouvoir du Roi d’organiser ses services (art. 107 Const.)


On a d’abord le Roi qui s’occupe d’organiser la fonction publique. Const., art. 107 permet au Roi de
nommer aux emplois d’administration général  le Roi a une compétence exclusive.

b) Les Ministres du gouvernement fédéral et le Conseil des Ministres


Chaque ministre est à la tête d’un service public fédéral (jusque 2000, on appelait ça un « ministère »). Il
y a 12 SPF et leur nombre est fixé à chaque début de législature.

c) L’organisation des Services publics fédéraux


Ce service public est dirigé par différents organes, essentiellement par 2 organes :
- Conseil stratégique. C’est l’organe qui donne des avis et qui est le relais entre l’administration et
le ministre. Il est présidé par le ministre, qui peut être entouré d’experts. Tout ça, c’est réglé
dans un arrêté royal du 7 novembre 2000.
- Comité de direction. C’est le pilote du ministère au quotidien. Ce n’est PAS le ministre. C’est lui
qui gère au concret la coordination des services. Il s’occupe du budget, du plan du personnel
(management des gens qui travaillent dans le ministère), il donne son avis, notamment en
matière de nomination et de promotion. C’est lui qui présente les candidats aux ministres pour
les postes importants.
 Quand le comité de direction présente des personnes pour les postes vacants et les classe dans
un ordre – si le comité de direction est unanime – le ministre ne peut nommer quelqu’un d’autre
 ne peut nommer que le premier sur la liste. C’est pour éviter la nomination politique.
 Si le comité n’est pas unanime, le ministre retrouve la liberté de nommer le 2 e ou le 3e, en
motivant.

d) Les cabinets ministériels


On les appelle aussi la « cellule stratégique ». Le cabinet ministériel est un organe qui a pour fonction
d’appuyer le ministre dans la préparation et l’évaluation de sa politique pour l’intégrer au mieux avec
l’administration (sur papier). En réalité, c’est la cellule qui est la garde rapprochée du ministre et qui

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Droit administratif

s’occupe au jour le jour de la vie politique du ministre. La cellule stratégique est dirigée par un chef de
cabinet  c’est l’endroit de cœur du pouvoir. Sa taille est déterminée en chaque début de législature,
et ce sont les ministres qui choisissent la composition de leur cabinet.
 Ils peuvent engager des gens de l’administration, mais aussi des gens de l’extérieur.

RÉFLEXION : est-ce critiquable que le ministre ait une cellule stratégique ? Non, c’est absolument
nécessaire dans notre démocratie associative. On a chez nous, un multipartisme et des gouvernements
de coalition.
On prépare les décisions dans les intercabinets = les réunions préparatoires entre les membres des
divers cabinets ministériels concernés par la matière. Les réunions sont là pour déblayer le terrain en
faveur des ministres. Il est indispensable dans un système de coalition qu’on ait cette c oncertation
préalable.
Les gros nœuds, on laisse les ministres les régler entre eux. Les membres des cabinets sont des
collaborateurs personnels du ministre  ils ne font pas partie de l’administration.

( !! ) Il y a aussi des inconvénients aux cabinets.


- La vie de cabinet se fait dans l’urgence, et il y a parfois un manque de maturité, et de
l’amateurisme. Qui a l’expérience ? C’est l’administration, qui elle, reste continue. Or trop
souvent, le ministre ne fait pas assez appel à l’administration et préfère se reposer
EXCLUSIVEMENT sur ses collaborateurs. Pourquoi ? Car l’administration ne répond pas 24 heures
sur 24, ses collaborateurs, eux, si.
- Parfois les cabinets proposent de fonctionner avec un fonctionnaire détaché, qui abandonne
alors son poste dans l’administration pour aller travailler chez un ministre. Il existe des dérives :
un fonctionnaire quitte l’administration pour travailler chez un ministre, pour avoir une
promotion  « quand il quittera le cabinet il aura tel poste ». C’est le phénomène de
recasement des collaborateurs.
- Il y a aussi une politisation. Ça n’intéresse pas un fonctionnaire d’avoir une couleur politique,
mais quand il va travailler dans un cabinet, on lui colle une étiquette politique dessus.
- On demande aussi parfois aux collaborateurs de ne plus travailler pour le ministre, mais de
travailler à sa réélection, et finalement de faire autre chose que ce qu’ils doivent faire (p.ex. :
Milquet).

Les cabinets ministériels sont une bonne chose, mais une chose dont il faut se méfier aussi !! On devrait
donc essayer de les améliorer.
1- Ce qu’il faudrait d’abord, c’est s’assurer de la qualité des gens engagés. Le plus souvent on
requiert un diplôme universitaire.
2- Limiter les collaborateurs.
3- Mieux gérer les cabinets, et notamment prévoir pour ceux qui y travaillent, des indemnités de
fin de cabinet. Ainsi, quand leur mandat se termine, on leur donne 6 mois d’indemnités (sauf
s’ils trouvent un travail entre-temps).

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Droit administratif

2° Les autorités administratives indépendantes


A côté de ça, on a aussi les autorités administratives indépendantes. C’est une espèce en voie
d’apparition. On n’en parle pas dans la Constitution. On en parle discrètement dans certaines normes qui
créent ces instituions.
L’idée = dans une série de secteurs, notamment les secteurs dérégulés/en concurrence, il faut un
arbitre. Cet arbitre, c’est une autorité dite administrative, car elle aura une fonction exécutive, une
fonction réglementaire, une fonction de contrôle d’un secteur en particulier, p.ex. : FSMA, CSA (Conseil
supérieur de l’audio-visuel), APD (autorité de protection des données), etc.
 Ce ne sont pas des SPF ! Ce sont des organismes distincts de l’état, qui ont une mission
spécifique = d’être une autorité administrative, qui est indépendante (puisqu’elle a un rôle
d’arbitre).

L’indépendance est double :


- Par rapport au monde politique . Les membres qui dirigent ces organismes sont nommés par la
Chambre des représentants, mais ils sont indéboulonnables, sauf faute grave.
- Par rapport au secteur. L’arbitre est indépendant par rapport au secteur qu’il régule. Le FSMA
est censé être indépendant des banques, le CSA doit être indépendant de la RTBF et de la VRT,
etc.

3° Le médiateur fédéral
« Ombudsman ». C’est celui ou celle qui a pour mission d’être un médiateur entre l’administré et
l’administration.
La loi du 22 mars 1995 crée le médiateur fédéral, et en fait il y en a 2 (nl-fr).
Ils sont nommés par la Chambre des représentants pour un mandat de 6 ans.
Que fait le médiateur ? Il fait 3 choses :
- Premièrement, il examine les réclamations quant au mauvais fonctionnement des
administrations fédérales.
- Deuxièmement, il peut mener des investigation sur demande de la Chambre sur un problème
déterminé.
- Finalement, il peut faire des recommandations à la Chambre sur des choses qu’il faudrait
améliorer. Le médiateur fait son rapport annuel et peut venir avec des questions particulières.

Récemment, le médiateur fédéral a signalé un problème majeur fiscal. Documents «  tax on


web  » : déclaration préremplie par l’administration fiscale, sauf qu’il semble que 33% des
documents «  tax on web  » mis en ligne, sont inexacts. Le médiateur a fait un rapport à
l’intention de la Chambre, pour dire que ça n’allait pas  ça perturbe le citoyen dont on
prémâche mal le travail.

Le plus souvent le médiateur est saisi de réclamations puisqu’il est un pont entre l’administration et les
citoyens.
Que fait le médiateur ?

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Droit administratif

- Le médiateur peut d’abord rejeter, s’il constate que celui qui se plaint n’a pas fait la moindre
démarche auprès de l’autorité pour obtenir satisfaction.
- Deuxièmement, comment articuler qu’il y a un délai qui court pour agir en justice, et quel est
l’impact d’avoir saisi le médiateur ? On a voulu favoriser la médiation, en prévoyant en 2014, que
le délai pour agir devant le Conseil d’Etat est suspendu en cas de saisine du médiateur.

Différence entre suspension et interruption d’un délai ?


1- L’interruption a pour effet de faire courir un nouveau délai de la même longueur,
2-  la suspension a pour seul effet d’arrêter le délai qui court, et quand la cause de suspension
prend fin, le temps se poursuit.
 Pour favoriser la médiation et éviter que tout le monde se rue au Conseil d’Etat, si j’agis auprès
du médiateur, mes 60 jours de recours devant le Conseil d’Etat sont suspendus et le médiateur a
4 mois maximum pour répondre à ma réclamation.

La saisine du médiateur n’est jamais obligatoire, c’est une faculté qu’on essaie d’offrir au citoyen
dans le but d’arriver à une solution par médiation plutôt que de poursuivre en justice.

- Si la plainte est déclarée recevable, le médiateur examine si l’administration a eu une bonne


conduite administrative.
Qu’entend-on par-là ? Le médiateur s’est doté de directives, règles qui définissent ce que c’est.
On a une quinzaine de règles.
 D’abord le principe de légalité.
Puis le principe d’égalité et de non-discrimination ?
La décision est-elle raisonnable et proportionnée ?
Délai raisonnable ?
Etc.
 Après on se demande si l’administration a été efficace dans sa coordination ?
Courtoise ?
Accès approprié ?
 ( !! ) Ce sont des règles qui ne sont plus juridiques !! On ne fait pas un moyen de manque de
courtoisie devant le CE.

- Tenant compte de ces critères, le médiateur va dire si la plainte est fondée, non fondée ou
partiellement fondée.
Suite à son analyse, il peut inviter l’administration à modifier sa décision, mais il peut aussi dire
au citoyen que celui-ci a tort. Le médiateur a-t-il le pouvoir de faire modifier la décision ? Non,
le médiateur n’a pas l’efficacité d’une décision de justice. La médiation = plus qu’un conseil
mais moins qu’un ordre. Le médiateur recommande à l’administration de modifier sa décision,
mais il n’a pas le pouvoir d'injonction d’un juge, donc l’administration peut très bien ne pas
suivre la recommandation du médiateur.

RÉFLEXION : dans les faits, est-ce que l’administration modifie sa décision ? Dans 80% des cas, oui 

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Droit administratif

dans 64% des cas, elle le fait en moins de 6 mois. Le médiateur statue en droit, mais aussi en équité.
Parfois il demande à l’administration d’avoir une pratique plus équitable mais PAS légale. Le médiateur
n’a pas toujours raison non plus en tant que tel. Attention, la médiation n’aboutit pas toujours. Le
médiateur a environs 4500 plaintes, dont 70% sont recevables, et dont 30% sont déclarées fondées.

Dans quels domaines y a-t-il des plaintes ?


- Surtout en droit des étrangers, question d’accès au territoire, de séjour, d’éloignement… (=
plaintes quant au mauvais traitement administratif de personnes qui sont démunies, ne parlent
pas la langue, qui n’ont rien).
- Aussi beaucoup de plaintes dans domaine social, les allocations des personnes handicapées, etc.
- Dans la matière fiscale, les amendes, les impôts, etc.

Le médiateur dit dans son rapport en 2018, qu’il compte promouvoir le bon fonctionnement de la
démocratie. Il s’appuie sur des signaux lancés par les citoyens, il travaille avec des pouvoirs publics et il
contribue au fonctionnement d’une administration responsable, intègre et équitable.

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Droit administratif

C. Les institutions administratives communautaires et régionales

1° L’administration centrale (art. 87 LSRI)


En vertu de l’art. 87 LSRI, chaque gouvernement fédéré dispose en propre d'une administration,
d'institutions et d'un personnel. Au niveau fédéré il y a aussi des cabinets.
Il n’y a qu’un seul médiateur pour la Région wallonne et pour la Communauté française.
Tout comme l’état fédéral, les entités fédérées peuvent mettre en place des autorités administratives
indépendantes (par décret), p.ex. : le conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), régi par un décret
coordonné de la Communauté française du 29 mars 2009.

2° Les organes d’intérêt public (art. 9 LSRI)


Les autorités régionales et communautaires peuvent créer des animaux publics : art. 9 LSRI.
Art. 9 LSRI : « Dans les matières qui relèvent de leurs compétences, les communautés et les régions
peuvent créer des services décentralisés, des établissements et des entreprises, ou prendre des
participations au capital.
Le décret peut accorder aux organismes précités la personnalité juridique et leur permettre de prendre
des participations en capital sans préjudice de l'article 87, § 4, il en règle la création, la composition, la
compétence, le fonctionnement et le contrôle ».

Ce texte fonde le principe de la légalité de création d’organismes publics régionaux. Seul un décret peut
en créer. Le principe de spécialité s’applique également.

Les Régions ont fait preuve d’imagination à 2 égards :


- En Flandre, on a les PPP (partenariats public-privé). Un décret flamand de 2003 crée un cadre
pour faciliter les projets qui réunissent les pouvoirs publics et le privé. Exemples : School van
Morgen (rénovation des écoles du réseau flamand). On assouplit les règles d’association, les
règles d’incessibilité des biens (art. 412bis). On a mis en place un ‘kenniscentrum’ (centre de
connaissance) qui reconnaît/labellise les PPP, càd qu’il faut le label PPP pour pouvoir échapper
aux règles de droit commun.
 Ça n’existe pas du côté francophone !

- La création de formes hybrides . Les personnes morales existent dans le Code des sociétés et des
associations. Dans ce code, on trouve des formes limitées de sociétés : la SPRL, la SA, etc.
Il y a un catalogue de sociétés.
Les entités fédérées peuvent-elles créer des nouvelles formes d’êtres juridiques, ou sont-elles
tenues par le catalogue fédéral ?

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Droit administratif

 Réponse de la Cour constitutionnelle, dans 3 arrêts (2005, 2008, 2017). Oui, on peut créer des
formes hybrides, des formes nouvelles, qui dérogent au catalogue. Ça fait partie de l’autonomie
des Communautés et des Régions. C’est en appliquant l’art. 9 LSRI  elles peuvent façonner les
organismes comme elles l’entendent. P.ex. : établissement sans but lucratif comme la
UAntwerpen.
Attention, il y a des évolutions administratives qu’il faut avoir en tête, le paysage n’est pas
uniforme, il y a des spécificités fédérées.

D. Les institutions communales


Quatre principes de base :
- 1e principe de base : l’autonomie communale.
- 2e : il y a une subordination des autorités communales.
- 3e : les autorités peuvent exercer des missions déconcentrées pour l’état fédéral.
- 4e : l’organisation des institutions locales est désormais aux mains des Régions, MAIS avec des
exceptions.

1° L’autonomie communale
L’autonomie communale =une longue tradition belge. Elle est consacrée aux art. 41 et 161 Const. : les
intérêts exclusivement communaux sont réglés par les conseils communaux, selon les principes établis
par la Constitution.
Const., art. 162 : dans cet article, on trouve ces différents principes, à savoir l’élection directe des
membres du conseil communal, l’attribution aux communes de ce qui est d’intérêt communal, la
décentralisation, la publicité des séances, l’intervention de l’autorité de tutelle.
La Cour constitutionnelle est la gardienne indirecte de ces principes, puisqu’elle ne contrôle pas
directement ces articles  elle contrôle ça via les art. 10 et 11 Const., combinés avec ces articles (41,
161 et 162).
RÉFLEXION : ne fallait-il pas élargir le contrôle de la Cour constitutionnelle ? = Proposition de la LS et la
SLCE a émis un avis assez réservé. Ça n’a pas beaucoup d’intérêt dit-il. Le Conseil d’Etat suggérait plutôt
de consacrer le principe de subsidiarité.
La Charte sur l’autonomie locale, en son art. 4 §3 (ratifiée par la Belgique) consacre le principe de
subsidiarité. Idée = l’exercice des responsabilités publiques doit de façon générale incomber de
préférence aux autorités les plus proches des citoyens.
L’attribution de responsabilité à une autre autorité doit tenir compte de l’ampleur et la nature de la
tâche, ainsi que les exigences d’efficacité et d’économie. Le Conseil d’Etat avait suggéré que l’on
définisse dans la Constitution l’intérêt communal ou que l’on consacre le principe de subsidiarité plutôt
que de laisser la définition vague (au lieu de « tout ce qui est d’intérêt communal est géré par la
commune »).
 Ces idées-là sont restées en jachères, rien n’a été fait.

( !! ) Cette autonomie locale doit être respectée par toutes les entités, càd l’état fédéral, les

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Droit administratif

Communautés et les Régions, MAIS ce n’est PAS un respect absolu.

2° La subordination
Les collectivités sont autonomes, mais subordonnées.
Si les compétences communales n’ont pas été définies, la compétence de la compétence appartient au
législateur. C’est lui qui définit ce qu’il attribue ou pas aux entités communales, p.ex.  : en Région
wallonne, on a donné des habilitations communales pour la protection de la nature.

L’autonomie locale constitutionnelle n’empêche pas le législateur compétent de définir le niveau


adéquat pour régler la matière  on peut enlever tout ou en partie une matière à une commune, p.ex. :
avant, il y avait 19 zones de police à Bruxelles (une par commune).  Il n’y en a plus que 6 pour des
questions d’efficacité, d’économie, d’ampleur de la tâche.
 On a enlevé la compétence aux communes d’organiser leur propre police.
Est-ce constitutionnel ? Oui, dans un arrêt de 2009, la Cour constitutionnelle a estimé que la commune a
toujours quelque chose à dire, puisqu’elles siège dans les zones de polices (il reste une implication
communale, on ne leur a pas enlevé toute leur compétence).
EXEMPLE : les élections.  En Région wallonne on a estimé qu’il était plus efficace d’avoir une législation
qui est la même pour toutes les communes.

Le législateur a parfois défini certaines compétences, qui relèvent spécifiquement de l’intérêt


communal.
C’est une confirmation de l’autonomie, p.ex. : art. 135, §2 NLC fonde toute la gestion communale en
matière de propreté, sûreté, tranquillité des lieux publics.
 On peut jouer sur l’autonomie dans une certaine mesure. Il y a bien une subordination des
entités locales.

La subordination apparaît en matière fiscale. Art. 170 Const. : les communes disposent d’un pouvoir
fiscal, mais il y a une exception qui montre la subordination. Le législateur peut prévoir des exceptions
aux taxations locales.
 Il estime qu’il peut y avoir une fiscalité autonome communale, mais elle peut être revu par l’état
fédéral, qui peut empêcher que l’on taxe certaines matières.
Deux types de tutelle :
- Tutelle de légalité, consacré à Const., art. 162, 6°. L’autorité supérieure vérifie que les actes de
l’autorité subordonnée soient bien légaux.
- Tutelle dite d’opportunité, on constate que l’acte est légal, mais il blesse l’intérêt général.
L’autorité supérieure estime en opportunité qu’elle ne peut pas laisser l’acte de l’autorité
subordonnée.
Dans la Charte sur l’autonomie locale, il est prévu qu’on peut instaurer des mécanismes de
tutelle, mais seulement la tutelle de légalité.
( !! ) La Belgique a donc fait une réserve quand elle a ratifié : la Constitution belge n’est pas
conforme à la Charte. La Belgique a deux formes de tutelle, dont une n’est pas autorisée par la

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Droit administratif

Charte.

3° La déconcentration
L’autorité locale exerce des missions déconcentrées. L’autorité locale est le prolongement des entités
supérieures, qui lui confient des missions, essentiellement dans le domaine de l’urbanisme et de
l’environnement. La délivrance de permis d’urbanisme se fait souvent au niveau local : c’est une mission
confiée à la commune, par la Région. Les communes gèrent les registres de l’état civil, et elles le font en
tant qu’organe déconcentré de l’état.

4° L’organisation des institutions locales


Depuis 2005, l’organisation est régionalisée : art. 6, §1, VIII LSRI consacre ce principe. De 1830 à 2005,
TOUT était fédéral : les communes étaient régies par la même règle. Aujourd’hui, on a des règles
différentes pour les communes de Wallonie, Flandre et Bruxelles.
Il y a des exceptions à cette compétence régionale. Ces exceptions sont nombreuses :
- Quant au statut. Les Régions ne peuvent pas toucher aux équilibres communautaires durement
acquis (protection des flamands à Bruxelles et protection des francophones dans les communes à
facilités flamandes). Il y a des dispositions auxquelles les Régions ne peuvent pas toucher.
- Quant à la protection des minorités. La règle de stand still (PAS celui de Const., art. 23)  on
doit respecter le niveau de protection des minorités tel qu’il est acquis. Les francophones en
Flandre ont des droits (et inversement), et ce niveau de droits ne peut être réduit. Une question
s’est posée à propos des contrôles des écoles francophones dans la périphérie flamande ; 6
communes à facilités autour de Bruxelles (on est en Région flamande). Dans ces communes à
facilités, il y a des écoles francophones. Qui contrôle la qualité de ces écoles, sachant qu’elles
sont financées par la Communauté flamande ? Les flamands décident qu’ILS peuvent contrôler.
Annulation par la Cour constitutionnelle, au motif du stand still. Il y avait, dans un accord déjà
existant, un droit pour ces écoles francophones d’êtres contrôlées uniquement par la Cour
constitutionnelle. Le nouveau ministre flamand ne se satisfait pas de la décision de la Cour
constitutionnelle.
- Quant aux règles d’organisation. On ne peut pas faire des règles différentes d’organisation des
communes ou de tutelle. Il faut garder un statut uniforme.
- Quant à la nomination des gouverneurs . Ils sont nommés par les Régions sur avis conforme du
gouvernement fédéral. C’est quoi un avis conforme ? = un avis que l’on doit respecter, c’est un
droit de véto. Si le CM dit non à tel candidat présenté par la Région, la nomination doit être
conforme à l’avis du CM. On a fait ça parce que les gouverneurs sont des agents déconcentrés de
la collectivité fédérale. Le fédéral se mêle de la nomination car on veut un équilibre
communautaire.
- Quant aux provinces. Il y avait une exception de toucher aux provinces, mais la réforme
constitutionnelle de 2012 a changé ça. (On verra ça plus loin.)
- Quant aux élections. On ne peut pas toucher à la compétence du Conseil d’Etat de statuer en
dernier ressort. Les Régions organisent les élections comme elles le veulent, mais elles ne

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Droit administratif

peuvent empêcher le contrôle du Conseil d’Etat sur la validité des élections. Peut-on supprimer
l’obligation de vote aux élections communales ? Plutôt oui, mais il faut un décret spécial pour
cela (majorité des 2/3).
- Quant à la tutelle. Non seulement il y a la tutelle régionale, mais on a aussi des tutelles dites
spécifiques = la tutelle de l’état fédéral pour leurs compétences sur les communes et des tutelles
potentielles des Communautés. P.ex. : financement de la protection civile, tutelle sur les
bibliothèques.
- Quant au pouvoir fiscal. La commune a des pouvoirs fiscaux, sauf les exceptions établies par la
loi, Const., art. 170 §4 al. 2. On vise la loi fédérale, PAS le décret régional.
C.C., n°105/2015, 16 juillet 2015 : les communes cherchent de l’argent et taxent ces pylônes, les
antennes GSM. La Région wallonne a voulu harmoniser ces taxes et interdire aux communes de
taxer sur ça. Les communes ont rouspété devant la Cour constitutionnelle et le premier moyen a
suffi pour gagner. C’est la loi fédérale qui peut interdire les taxes, PAS les décrets, sauf art. 10
LSRI (pouvoirs implicites).
C.C., n°164.2018, 29 novembre 2018 : contre-exemple. Un décret flamand limite le montant
maximal des taxes communales sur les services de taxis, et la Cour constitutionnelle a admis ici
qu’au nom des pouvoirs implicites (art. 10 LSRI), la Région puisse le faire.

ACTUALITÉS : on a publié les noms des chefs de cabinets ; 19 hommes et 1 seule femme, pour ces
cellules stratégiques, on a engagé environs 800 personnes. On a interdit la prostitution sur tout le
territoire de la ville de Bruxelles, à cause du Covid. Un homme et un autre requérant ont agi au Conseil
d’Etat, et ont obtenu, par un arrêt du 9 octobre 2020, que le Conseil d’Etat suspende. Suspension au
motif que l’art. 121 NLC donne des compétences aux communes pour prendre des règlements
complémentaires en matière de prostitution – ici la ville de Bruxelles a pris un règlement sur base de
sécurité sanitaire – or quand on se base sur l’art. 121 NLC, ça ne peut pas porter sur la sécurité sanitaire
(c’est le fédéral ou la Région).

5° Le « corps communal » ou les institutions de la commune, collectivité politique locale de base


- Conseil communal = c’est le parlement de la commune.
- Collège = comme l’exécutif.
- Bourgmestre = « chef » de l’exécutif (président du collège).

a) Le conseil communal
= L’assemblée démocratique de la commune, c’est le petit parlement.
Le nombre dépend de la population de la commune, de 7 à 55 membres. Ils sont désignés par l’élection
direction (les dernières = en octobre 2018), sur base de la représentation proportionnelle. Ici, le système
d’Hondt ne s’applique pas.  On a ici un système imperiali, qui a pour effet d’avantager les listes les
plus importantes.
REMARQUE : est-ce constitutionnel qu’il n’y ait pas le même système de répartition des sièges à toutes
les élections ? Peut-on avoir le système D’Hondt au niveau fédéral et le système imperiali au niveau

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Droit administratif

communal ? Réponse de la Cour constitutionnelle, dans son arrêt C.C., n°86/2012, 28 juin 2012 : le
principe d’égalité de répartition des sièges à attribuer entre les listes ou les partis, s’effectue selon les
mêmes modalités aux divers niveaux de pouvoir.
Est-il justifié de favoriser les plus grandes listes au niveau local ? Oui, dit la Cour constitutionnelle, c’est
raisonnable parce qu’on constate au niveau communal, qu’il y a un plus grand morcellement, plus de
partis se présentent. Si plus de listes se présentent, il y a une instabilité et donc, la Cour dit qu’il est
justifié de prendre des mesures pour éviter un morcellement du paysage politique, en favorisant la
formation de groupes politiques suffisamment cohérents.

Qui vérifie la validité des élections ? Ça varie en fonction des Régions. En Région wallonne, c’est le
gouverneur de province.
ACTUALITÉS : ce sont les gouverneurs de province qui ont décidé des couvre-feux actuels à Bruxelles et
dans la province du Luxembourg). Ils ont une fonction juridictionnelle, ils examinent les recours.
 En cas de recours contre la décision du gouverneur, c’est le Conseil d’Etat qui est compétent
dans un recours de pleine juridiction.
C’est une matière à laquelle les Régions ne peuvent pas toucher.
Le Conseil d’Etat peut annuler une élection communale, s’il constate des irrégularités qui ont été
susceptibles d’influencer la réparation des sièges entre les lites. (Si on constate de nombreuses
irrégularités dans le décompte des voix, l’élection en peut ne pas être validée).
EXEMPLE : dans les communes de Bilzen, il y avait des bulletins en plus ou en moins que le
nombre de votants  rien n’était juste, or un siège se jouait à quelques voix près.  Le CE a
annulé et on a revoté.

Après l’élection, le candidat n’est pas nécessairement élu. Il peut être sanctionné s’il a trop dépensé
électoralement.
En Belgique, on a un financement public, et chaque candidat reçoit une somme maximale de ses
dépenses. Ensuite, il doit donner des justificatifs. S’il dépasse le niveau autorisé, la sanction est = la perte
du mandat.

L’élu au conseil communal doit, durant son mandat, faire une déclaration de patrimoine et de
rémunération. On veut la transparence sur ce qu’il gagne par ailleurs (pour voir les influences qui
pourraient agir sur son mandat).
Il y a un contrôle démocratique en la matière, et il doit déclarer ses mandats et rémunération. S’il
déclare de manière incomplète ou fausse, la sanction = la déchéance du mandat (et ses mandats
dérivés ; il y a des membres de conseils communaux qui siègent dans une zone de police par exemple) et
il est inéligible pour 6 ans. Par conséquent, il ne pourra pas se représenter avant la 2 e élection. La Cour
constitutionnelle a dit qu’une double sanction n’était PAS inconstitutionnelle.
Le conseiller communal perd aussi son mandat s’il quitte sa commune, vu que s’il quitte sa commune, il
perd une des conditions d’éligibilité !

Le conseil communal est élu pour 6 ans, et il n’y a PAS de mécanisme de dissolution. ainsi, il n’y a pas
d’instabilité politique.

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Droit administratif

Celui qui est élu conseiller communal, l’est pour 6 ans  il n’y a AUCUN régime disciplinaire contre lui.
Et, si le conseiller change de parti, il ne doit pas rendre son mandat, car il n’y a pas de mandat impératif
(même principe que Const., art. 42 : absence de mandat impératif des parlementaires  c’est la même
chose pour les conseillers communaux).

Que fait le conseil communal ? Il « fait la loi » dans la commune, il gère les intérêts communaux. Const.,
art. 41 et 162 : il exerce le pouvoir réglementaire, soit en adoptant des règlements d’administration
intérieure, soit il s’occupe des règlements de police.
Il gère l’intérêt communal en termes de gestion de la police locale ou d’exécution de normes fédérales
ou fédérées. Le conseil communal agit tantôt en tant qu’entité autonome décentralisée, qui prend une
règle, p.ex. : règlement général qui dit qu’il faut porter le masque dans telle rue, tantôt il agit en tant
qu’autorité déconcentrée d’un pouvoir régional ou fédéral pour prendre des mesures d’exécution qui lui
sont demandées.

Disposition clé : art. 135 §2 NLC : cet article oblige les communes à assurer aux habitants la jouissance de
la propreté, de la salubrité, de la sûreté, de la tranquillité, etc. des rues et des édifices publics. On vise à
assurer l’ordre public matériel, dans le respect des règles supérieures et du principe de proportionnalité.
EXEMPLE : la commune de Bruxelles, qui a pris un règlement pour interdire la prostitution, s’est
trompée. Elle a usé de l’art. 135, mais elle ne pouvait le faire, parce qu’elle n’avait pas le juste motif pour
en user.  La salubrité publique ne fait PAS partie de la compétence de la commune ; c’est une
compétence fédérale, selon la loi fédérale ou éventuellement régionale mais PAS communale.
La commune ne peut prendre que des mesures complémentaires pour la moralité ou la tranquillité
publique. Or, le covid ne pose PAS de questions de moralité ou tranquillité publique. P.ex.  : règlement
interdisant la mendicité dans tout le centre de Namur. Règlement considéré comme disproportionné, car
les troubles causés par la présence de mendiants ne concernait que quelques rues. Le conseil communal
intervient aussi pour les marchés publics, pour déterminer les modes de passation des marchés publics,
SAUF en cas d’urgence ou délégation au collège communal.

Const., art. 162 prescrit les règles principales de fonctionnement du conseil communal + différentes lois,
(p.ex. : Code de la démocratie locale en Wallonie, etc.) + règlement d’ordre intérieur, propre à chaque
conseil communal.

Le conseil communal ne se réunit que lorsque les affaires l’exigent et au moins 10 fois par an (au moins
1x/mois sauf les mois d’été, en principe).
( Ce n’est pas comme une session parlementaire qui dure tout le temps.)
Le conseil est convoqué par le collège, avec un ordre du jour et le conseil est en principe présidé par le
bourgmestre (il dirige la réunion). Cependant, on a considéré qu’il valait mieux que le conseil désigne en
son sein un président, pour éviter que le bourgmestre, qui représente l’exécutif, influence trop le
législatif.
 Le plus souvent, on voit désormais qu’il y a un président élu qui dirige le conseil communal. Ce
n’est pas obligatoire, mais on le fait souvent.

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Droit administratif

Les conseillers ont un ordre du jour, peuvent aller consulter toutes les pièces/dossiers à l’administration,
ils peuvent poser des questions orales/écrites au collège (faire des interpellations) et les séances sont
publiques.
On a même instauré la possibilité d’avoir des interpellations citoyennes en Région wallonne et
Bruxelles-Capitale.
EXEMPLE : à Woluwé-Saint-Pierre, les citoyens ont fait une interpellation, car ils voulaient que la piste
cyclable de l’Avenue Tervuren soit faite différemment que prévue dans le projet de la Région Bruxelles-
Capitale (la Région a rejeté le projet des citoyens).

Les séances sont publiques, sauf les limites prévues par la loi. Ces limites sont de 2 ordres :
- Le conseil communal peut lui-même décider, à la majorité qualifiée des 2/3, de siéger à huis clos,
parce que la publicité causerait des inconvénients graves. (C’est dans l’intérêt général de ne pas
rendre ça public.)
- Les questions de personnes. Dès qu’on touche à des questions :
1. de personnes,
2. de nomination,
3. disciplinaires,
on ne le fait PAS en public.

Attention, JAMAIS de huis clos pour les questions budgétaires et de comptes !!


Les débats peuvent être enregistrées, et cet enregistrement est un document administratif, dont le
citoyen peut consulter la copie.

On ne vote que si la majorité des membres est présente. Si ce n’est pas le cas, on ne peut plus délibérer
et, dans ce cas-là, on reconvoque les conseillers à une autre séance. Si on n’est toujours pas en nombre à
l’autre séance, ALORS on peut QUAND MÊME délibérer.
 Après 2 convocations régulières, la délibération peut avoir lieu.

Les conseillers communaux délibèrent, mais ceux qui ont un conflit d’intérêt doivent s’abstenir, car ils
n’ont plus l’impartialité requise. EXEMPLE : attribution d’un marché public pour refaire la rue. Si un
conseiller communal qui a une entreprise postule, il doit se retirer  il ne peut pas donner son avis (s’il
ne se retire pas, l’attribution est viciée. Il y a même des sanctions pénales pour celui qui ne tient pas
compte des conflits d’intérêts).

On vote à la majorité absolue des suffrages et en principe on vote à haute voix. En cas de partage des
voix, les propositions sont rejetées.

Il y a des scrutins secrets pour les questions de nomination et de sanction disciplinaire. Le scrutin est
secret pour assurer l’indépendance des votes émis, pour assurer que chacun vote en âme et conscience.

Il y a un secrétaire général (appelé directeur général en Wallonie) qui prend note, car, il faut un procès-
verbal disponible et public. Les règlements, pour être opposables, doivent être publiés et affichés aux

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Droit administratif

valves de la communes (aujourd’hui, ils sont mis en ligne).

b) Le collège des bourgmestre et échevins ou (en Région wallonne) le collège communal ( !! )
Il y a 2 appellations, car en Région wallonne, on a rajouté le président du CPAS, donc on a appelé ça le
collège communal, puisqu’il n’est ni bourgmestre, ni échevin.
À Bruxelles-Capitale, le président du CPAS n’a qu’une voix consultative  il a une voix délibérative en
Wallonie.

En Région de Bruxelles-Capitale, après les élections communales, les partis examinent les votes, et
s’allient.
Ils présentent le 1er échevin et on va jusqu’échevin à pourvoir. On fait un vote au conseil communal sur
chacun des candidats proposés au poste.
La candidature n’est valable que s'il est présenté par la majorité de la liste sur laquelle il s’est présenté.
On a fait ça pour éviter des transfuges ; que des candidats non élus changent de partis, pour pouvoir
avoir un poste d’échevin. Le candidat doit être élu par la majorité du conseil communal.

Dans ce système, on a autant de votes qu’il y a de postes à pourvoir, et le collège des bourgmestre et
échevins ne peut être renversé. Il a la stabilité politique, il a la continuité pour 6 ans aussi.
 Voilà le système bruxellois.

 Le système wallon est différent. En Région wallonne, on a le pacte de majorité. On a aussi des
coalitions, et on se présente ensemble dans le pacte de majorité.
Les partis qui s’entendent, composent la dream team  dans un document, ils proposent une liste
d’échevins, et le conseil communal adopte, à haute voix, le pacte de majorité  UNE élection unique.

Conditions pour ce pacte :


• Les transfuges sont interdits aussi.
• Il faut une mixité, càd 1/3 de membres de sexes différent.
• Si des hauts fonctionnaires (au fédéral) se présentent comme échevin, ils doivent choisir entre les
deux (fonctionnaire au fédéral OU échevin).
On considère que le travail d’échevin est déjà suffisamment prenant. Il occupe presque un temps plein
(la chasse à mandat, ça ne va pas, dit Tulkens).

La différence majeure, c’est que du côté wallon, on a mis en place un méandre de responsabilité du
collège devant le conseil communal. Ce mécanisme est inspiré du parlementarisme rationalisé.

Il y a la possibilité de voter des motions de méfiance constructives  on peut renverser la majorité. On


peut changer la majorité en cours de législature. Il y a 2 types de motions de méfiance constructive :
- Collective, on vise tout le collège.
- Individualisée, on vise un échevin en particulier.

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Droit administratif

1- Motion de méfiance collective.


Ce mécanisme assez bien utilisé, existe depuis plus de 12 ans, et on a décidé de l’encadrer.
Quelques règles :
- Pas de motion de méfiance dans l’année et demie qui suit l’installation du conseil.
- Après une motion de méfiance, il faut attendre un an pour en redéposer un autre.
- Au cours d’une même législature, il ne peut y avoir que 2 motions de méfiance sur l’ensemble du
collège.
- En fin de législature, il est interdit de déposer une motion de méfiance après le 30 juin de l’année
qui précède les élections. P.ex. : prochaines élections communales en octobre 2024  donc la
dernière motion de méfiance dans les communes wallonnes ne peut survenir après le 30 juin
2023. But de cette règle ? Éviter la surenchère électorale.

 Donc 1 an demi après l’élection, 1 an entre chaque, max. 2 ans, et rien après le 30 juin de l’année
qui précède les élections. La motion de méfiance collective a souvent été utilisée. Dans diverses
communes, on a vu des renversements de majorité, p.ex. : à Verviers récemment.

REMARQUE : la motion de méfiance, est-elle un acte attaquable devant le Conseil d’Etat ? Quand le
conseil décide de renvier le collège, l’acte est-il attaquable devant le Conseil d’Etat ?
La question s’est posée, notamment en raison du caractère politique de la décision (une nouvelle
alliance se met en place). Le Conseil d’Etat a estimé qu’effectivement, il était compétent. Il pouvait
contrôler la légalité, MAIS que le caractère politique de la mesure faisait qu’il devait regarder avec une
sérieuse restriction  qu’il n’allait pas se mêler du combat politique. Par conséquent, il allait seulement
regarder si la forme avait été respectée, les conditions de la procédure (il ne va PAS regarder les
motifs).

2- Motion de méfiance individuelle.


Elle est dirigée à l’encontre d’un seul échevin. Elle est recevable, si elle est signée par la majorité
de chaque groupe politique qui constitue le pacte.
Avant, un échevin qui faisait n’importe quoi, on ne pouvait PAS s’en débarrasser, maintenant SI.

Quels sont les droits de l’échevin face à cette motion ? Il a le droit d’être entendu, mais a-t-il le
droit d’être entendu avec un avocat ? Non  la Cour constitutionnelle a considéré qu’il doit
comparaître en personne et qu’il n’a PAS le droit de se faire assister par un avocat, parce que
c’est une question de confiance en sa personne.
Le débat est de nature politique.  Pourquoi devrait-il se faire assister par un avocat pour
défendre la matière dont il gère son échevinage (S’IL a BESOIN d’un avocat  c’est qu’il n’est
PAS capable d’assumer une fonction politique).
 Voilà un rare cas où il y a des droits de la défense, mais pas d’avocat, en raison de la nature de la
mesure.

La motivation de la motion de méfiance, doit-elle être motivée ; faut-il une motivation


formelle ? C’est un acte d’administration attaquable devant le Conseil d’Etat, mais doit-on

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Droit administratif

expliquer pourquoi l’échevin ne convient plus et qu’on le renverse et remplace ? Oui, il faut une
motivation formelle, mais elle peut être succincte, dit le Conseil d’Etat.
Le Conseil d’Etat ne regarde pas le contenu de la discussion. La motivation peut être réduite et
peut même être stéréotypée (« attendu que l’échevin ne présente plus les compétences requises
pour l’exercice convenable de sa fonction, par ces motifs, il est renversé par x-nombre de voix
contre x). C’est possible, vu le caractère politique.
 Le Conseil d’Etat fait donc un contrôle marginal.

3- Motion de méfiance mixte.


Il y a aussi des motions de méfiance mixtes, qui sont à la fois collective et individuelle. Elles
doivent répondre à certaines questions de recevabilité (cf. Verviers, infra).

Les échevins en Wallonie sont sur un siège éjectable. Par ailleurs, tant à Bruxelles, qu’en Wallonie, les
échevins sont aussi sous le contrôle de l’autorité supérieure, l’autorité de tutelle : la Région de Bruxelles-
Capitale ou la Région wallonne.

Le ministre compétent peut prendre des sanctions disciplinaires contre un échevin, qui aurait eu une
inconduite notoire ou qui commettrait des négligences graves.
- L’inconduite notoire = le comportement d'un échevin qui, dans sa vie privée, en dehors de ses
fonctions, a un comportement qui ne convient pas, comme : fraude fiscale, alcoolisme et délit
de fuite en état alcoolisé, etc.
- Les négligences graves = la mauvaise gestion de sa fonction  il ne gère pas convenablement
son échevinage/son département.

Les sanctions sont de 2 ordres : soit il est suspendu pour maximum 3 mois, soit il est révoqué.
( !! ) Ce n’est PAS la même chose que la motion de méfiance (par le bas).
 Ici ça vient par le haut, c’est l’autorité de tutelle qui intervient pour assurer que la gestion
communale, dans telle commune, avec tel échevin, soit correctement faite.

Peut-on être échevin et siéger comme parlementaire wallon en même temps ? Non, sauf pour 25% du
parlement wallon.
On a voulu couper les liens entre les élus locaux et les parlementaires wallons, sauf à 25%, car on avait
peur que les échevins dans le parlement ne défendent que l’intérêt local.
Néanmoins, on n’a pas voulu dissocier complètement  sinon les parlementaires wallons n’auraient
plus aucune connaissance du terrain. Voilà l’équilibre.

Que fait le collège communal ?


Les échevins ont des compétences, mais n’ont PAS le pouvoir de décider seuls (pas comme les ministres,
qui peuvent prendre des arrêtés ministériels) !!
On décide collégialement et quand on est en désaccord dans le collège, on décide au consensus (il faut
se soumettre ou se démettre).
Le collège prépare les travaux du conseil. C’est lui qui fait les actions judiciaires. Il s’occupe des marchés

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Droit administratif

publics aussi (et a encore de nombreuses autres compétences…).


Il intervient tantôt comme tantôt comme autorité décentralisée, tantôt comme autorité déconcentrée
du fédéral, des Communautés et des Régions.
C’est lui qui gère l’état civil ; mission déconcentrée de l’état fédéral.
C’est lui qui délivre les permis de bâtir. Il a les attributions de police. Il peut interdire d’urgence des
représentations qui compromettent l’ordre public, etc.
Il s’occupe aussi de la circulation.

Fonctionnement ? C’est l’opposé du conseil communal. Le collège est présidé par le bourgmestre. Le
collège se réunit, en général, toutes les semaines (3 fois) et, chaque fois que les affaires l’obligent. On
vote par la majorité absolue des voix. Les travaux du collège sont secrets.
 La seule chose qu’on connaît, c’est le résultat de la délibération.

Le secrétaire communal dresse aussi un PV des décisions prises par le collège communal.
Interdiction aussi de délibérer pour ceux qui auraient un intérêt et il y a un scrutin secret s’il y a lieu
d’être.

c) Le bourgmestre
Sa désignation diffère selon qu’on est en Région Bruxelles-Capitale ou en Wallonie.

Région de Bruxelles-Capitale : art. 13 NLC.


Le bourgmestre est nommé par le gouvernement régional. Jusqu’en 2005, il était nommé par le Roi
(comme tous les autres bourgmestres), puis on a régionalisé la matière. Il est nommé parce qu’il est
présenté par les conseillers communaux. Pour que la candidature soit acceptée, le candidat doit aussi
remplir certaines conditions :
- Critère politique  : le candidat doit être soutenu par la majorité des membres du conseil communal et
la majorité du groupe politique auquel il appartient, pour éviter les transfuges.
- Critère technique  : le candidat doit être apte à la fonction de bourgmestre ; il doit avoir les qualités
requises.
- Critère moral : la personne ne doit pas avoir de poursuites pénales à sa charges (on demande au
procureur général s’il y a un dossier en cours etc.).

Il est nommé par arrêté du gouvernement de Bruxelles. Il prête serment et son mandat dure 6 ans. Le
mandat ne peut être renversé  il peut uniquement être suspendu pour 3 mois, ou révoqué pour cause
d’inconduite notoire ou de négligence grave. Le bourgmestre a une indépendance, parce que c’est l’élu
local : c’est le premier représentant de la collectivité locale (et aussi un agent du pouvoir central).
Au nom de l’autonomie locale, on respecte fort la position du bourgmestre.

Région wallonne. Le bourgmestre est désigné par un mécanisme automatique. Est bourgmestre de plein
droit, l’élu (qui est un conseiller communal de nationalité belge) qui a obtenu le plus de voix de
préférence sur la liste qui a obtenu le plus de voix parmi les groupes politiques qui sont parties au pacte
de majorité. On a voulu faire un mix entre l’élection directe pure, et une logique de groupe/d’alliance. On

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Droit administratif

récompense le parti qui a le plus de sièges de plein droit.


Pourquoi ce n’est pas le 1er de la liste ? Pour éviter cette question d’ordre  pour que chaque candidat
sur la liste ait sa chance. Ce n'est pas le candidat plébiscité par les électeurs qui devient nécessairement
bourgmestre.

Le bourgmestre peut faire l’objet d’une motion de méfiance soit collective (contre lui et toute son
équipe), soit individuelle (dirigée que contre lui).

Un mot sur les communes à facilités : dans ces communes, le mécanisme de nomination est encore
différent. En Région flamande, on nomme aussi les bourgmestres, comme à Bruxelles (à l’opposé du
système appliqué en Région wallonne), où c’est une élection parmi la ‘dream team’. On avait présenté
quelqu’un à la Région flamande, qui l’avait refusé, notamment parce que le candidat bourgmestre avait
envoyé des convocations électorales en français (non pas en Néerlandais). Ce bourgmestre aurait voulu
aller devant le Conseil d’Etat, sauf qu’il serait tombé devant les chambre flamandes du Conseil d’Etat.
Dans la pacification communautaire, on a décidé que si la Région flamande refusait un candidat et que
l’affaire arrive devant le Conseil d’Etat, c’est l’assemblée générale du Conseil d’Etat qui statue. Si
l’assemblée générale décide d’annuler le refus, l’arrêt du Conseil d’Etat vaut nomination.
On ne renvoie pas à la Région flamande, qui ne le nommerait quand même pas, et on serait dans un
carrousel.
Ça s’est passé dans les communes à facilités, certains refus ont été jugés justifiés, d’autres ont été
annulés et le refus de l’assemblée générale a valu nomination.

Affaire de Verviers, CE, arrêt n°248/539, 9 octobre 2020 : après les élections communales de 2018, il y a
eu formation d’une alliance entre le PS et différents partis. Puis il y a eu la bagarre au sein du PS, et des
motions de méfiance constructives ont été votées pour s’allier avec d’autres. Le PS reste toujours
majoritaire et a toujours le même nombre de siège. Mme Targnion a plus de 2000 voix  elle est censée
devenir bourgmestre. Il y a la bagarre au sein du PS et on s’arrange pour nommer Mr Istas comme
bourgmestre, qui n’a fait que 539 voix (7 e en voix de préférence). Le Conseil d’Etat suspend ce
mécanisme, et considère que la motion de méfiance telle qu’elle avait été votée (et le remplacement par
Mr Istas) est illégale dans sa généralité. Le PS est tenu de respecter l’ordre de préférence des voix.

Que fait le bourgmestre ? C’est le président du collège, éventuellement le président du conseil. C’est le
1er magistrat de la commune  c’est lui qui insuffle la politique. Le bourgmestre est le relais du pouvoir
supérieur aussi. P.ex. : il met en œuvre de nos jours les mesures covid. Il a des compétences de police, il
peut prendre des mesures individuelles pour garantir l’ordre public, il peut faire fermer des logements
pour des causes d’insécurité ou d’incendie.
Art. 134 et suiv. NLC :
- Il a des compétences en matière de lutte contre la traite et le trafic d’êtres humains.
- Il peut prononcer une mesure d’interdiction temporaire de lieu, en cas de trouble à l’ordre
public.
- Il dispose de la compétence pour fermer des établissements suspectés d’abriter des activités
terroristes.

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Droit administratif

- Le bourgmestre est le chef de la police communale, il intervient dans les zones de polices aussi.
Tout ce qu’il fait, il doit en informer le collège et le conseil communal. Le bourgmestre peut aussi, s’il y a
urgence, prendre des mesures de polices réglementaires, en cas d’émeute par exemple, à faire ratifier
par le prochain conseil communal.

E. Les institutions provinciales


(Points 1° et 2° pas vus au cours.)
Les provinces sont une institution en voie de potentielle disparition. La Constitution a été révisée (voy.
art. 41) pour permettre aux Régions de supprimer les provinces, si elles le désirent (possible depuis
2014). Les provinces peuvent être remplacées, au besoin, par des entités supra communales autres.
Pourquoi a-t-on fait cela ? En 1831, on a 3 niveaux de pouvoirs (fédéral-provinces-communes)  sauf
qu’aujourd’hui on en a bien plus  dû à la fédéralisation de l’État.
N’y a-t-il pas un étage de trop ? Quel est encore l’intérêt de la province ? Certaines étaient pour la
supprimer, d’autres contre.
 On a donc décidé de donner le choix dans la Constitution  chacun fait comme il veut.
Les Régions peuvent, si elles le veulent, supprimer des provinces et elles peuvent faire des choix
différents. P.ex. : les Flamands peuvent garder le Limbourg et la Wallonie pourrait supprimer des
provinces. La suppression d’une province est subordonnée à certaines conditions, notamment, un
décret spécial, et on peut aussi créer de nouvelles entités à la place (les entités supra communales avec
la personnalité juridique, avec des élus, qui seraient AU-DESSUS des communes).
Il ne resterait rien de la province, SAUF l’arrondissement électoral et le gouverneur de province. Aucune
Région n’a encore supprimé une province, car il faut une majorité des 2/3.

La province est organisée comme la commune, elle a un conseil et un collège. Le collège a un président
(Mathieu Michel qui était président du collège provincial du Brabant Wallon, est aujourd’hui secrétaire
d’État).

3° Le gouverneur
Le gouverneur de province.
Il n’a rien à voir avec le bourgmestre. C’est le commissaire du gouvernement dans la province. Il est
nommé par la Région, par avis conforme du CM.
D’un point de vue organisationnel, le gouverneur est un fonctionnaire déconcentré au sein de la
province  il représente l’état fédéral.  Chez le bourgmestre, c’est la qualité d’élu
autonome/communal qui l’emporte (il représente la commune),  tandis que, chez le gouverneur, c’est
l’inverse, il représente l’état central, la Région.

Particularité dans le choix du gouverneur = il est nommé au grand choix. Cela signifie que le gouverneur
doit être nommé, parce qu’il a la confiance des politiques qui le nomment, et donc, on a admet que les
conditions de sa nomination soit différentes que d’autres postes de la fonction publique.

Normalement c’est l’égalité (càd la comparaison des titres et mérites, la motivation etc.)  pour le

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Droit administratif

gouverneur ce n’est pas tout à fait comme ça, a dit le Conseil d’Etat.
Dans une affaire où un candidat s’est présenté et n’est pas été choisi, il y avait une motivation pour le
candidat choisi, mais rien n’était dit dedans sur le fait qu’il soit moins bien.
 Il n’y a PAS de comparaison des titres et mérites  le candidat va au Conseil d’Etat et dit que
c’est contraire au principe des titres et mérites.
RÉFLEXION : le Conseil d’Etat peut-il contrôler la nomination d’un gouverneur, ou est-ce un acte
politique non-contrôlable, ce qu’on appelle dans la théorie française un « acte de
gouvernement ».
Acte de gouvernement : acte tellement sensible, politiquement non-contrôlable par le juge (exemple le
plus flagrant : reprise des essais nucléaires sous-marins par J. Chirac au large de la Nouvelle-Calédonie 
contesté par Green Peace au Conseil d’Etat : on a dit que c’était un acte de gouvernement, incontrôlable
par le Conseil d’Etat).
( !! ) Cette théorie n’existe PAS en droit belge. Tous les actes administratifs sont contrôlables, aussi
sensibles politiquement soient-ils (motion de méfiance constructive tout comme une nomination du
gouverneur même si c’est une nomination intuitu personae).

In casu, le Conseil d’Etat a dit que c’est un acte contrôlable, NÉANMOINS fort politique  on peut
admettre qu’il n’y ait pas de comparaison des titres et mérites. Il est nécessaire et suffisant qu’on indique
les qualités du candidat retenu, s’il est compétent, et qu’on l’explique.
 On ne doit pas dire pourquoi on le préfère : c’est une nomination intuitu personae !
 C’est pour ça qu’on dit « au grand choix ». L’autorité peut le nommer et peut aussi le révoquer,
comme elle l’entend. Or, ses décisions doivent être motivés. Il s’agit de matières contrôlables,
mais ‘de très loin’.  On n’a jamais vu un cas pareil, mais théoriquement il est possible de
révoquer un gouverneur.

On a donc une évolution incertaine des provinces. Le rôle du gouverneur est important, mais il ne
participe PAS aux délibérations du collège (il y assiste, mais sans voix délibérative).

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Droit administratif

F. Les autres institutions subordonnées

(1° à 4° : pas vus en cours.)

5° Les intercommunales et les autres formes de convention ou d'association entre communes


= phénomène bien connu chez nous. Elles sont prévues par l’art. 162, al. 4 Const. L’idée = les communes
et les provinces peuvent s’associer pour gérer des pans de l’intérêt communal. On crée un nouvel être
juridique, avec un CA, un comité de direction. On lui donne un financement, qui gère un pan d’intérêts
communaux, car c’est plus efficace. P.ex. : distribution d’eau, déchets, etc. Les intercommunales font en
plus grand, ce que font les communes.
Elles n’ont PAS de pouvoir réglementaire, PAS de pouvoir de police en tant que tel.
2 types : intercommunales pures qui n’associent QUE des pouvoirs publics  mixtes qui associent des
pouvoirs publics et des partenaires privés. Toutefois, dans les intercommunales les pouvoirs publics
doivent toujours avoir la majorité dans les organes de décisions (dans l’AG et dans le Comité de
direction).

La Communauté métropolitaine de Bruxelles.


La 6e réforme de l’état a prévu, dans l’art. 92bis LSRI, une nouvelle structure de concertation : la
Communauté métropolitaine de Bruxelles. L’idée = faire gérer par cette structure des questions
d’importance transrégionale.
Bruxelles = un tout de 19 communes. Ce n’est pas très grand, mais un tas de gens viennent travailler à
Bruxelles  il y a des problèmes de mobilité, de sécurité, etc.
L’idée, c’est d’avoir une sorte de droit ‘uni’/ensemble : l’autorité fédérale, les 3 Régions, les 19
communes bruxelloises et les communes des 2 provinces du Brabant.

Il faut un accord de coopération pour mettre en œuvre cette nouvelle structure, mais cet accord
coopération, on l’ATTEND toujours. Le monde politique flamand et francophone est incapable de
s’entendre sur ce sujet-là ! Les Flamands ne veulent PAS, parce que ça sera sans doute une extension de
Bruxelles  risque : que les Bruxellois dépassent leurs 19 communes et ça, c’est hors de question !
 Les Bruxellois, eux sont demandeurs, mais ils n’ont pas envie que les Flamands s’occupent plus de
Bruxelles. C’est la méfiance respective ; personne n’arrive à avancer, mais tout le monde dit que c’est
dommage que telle et telle matière ne soit pas réglée de manière commune.
On n’a donc pas (encore) mis en place un nouveau système juridique, mais c’est resté sur le papier.

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Droit administratif

PARTIE VI. LES BIENS DE L’ADMINISTRATION

I. Régime de la domanialité

1° Domaine public et domaine privé de l’administration


= régime juridique des biens de l’administration, qui se distinguent entre un domaine public et un
domaine privé. C’est le droit des biens de l’administration. Le critère de rattachement = l’appartenance
à une autorité publique organique.
Le régime de la domanialité s’applique aux biens qui appartiennent aux personnes publiques organiques
(l’État, les Communautés, les Régions, les communes, etc.).
Ces biens se distinguent en 2 grandes catégories, le domaine privé et le domaine public. Les bien du
domaine public sont soumis à des règles dérogatoires au droit commun.
Pourquoi y a-t-il un régime de domanialité pour ces biens ?
Car ils appartiennent aux personnes publiques (1), MAIS ils sont aussi affectés par l’usage de tous ou par
un service public de manière qu’il est absolument nécessaire, au nom de la continuité, que
l’administration dispose de droits particuliers sur ces biens, d’une protection particulière, plus forte (2).

Il n’y a PAS de régime légal pour ces biens publics. Art. 537 et suiv. C.civ. sont consacrés à des biens qui
ne sont pas qualifiés de biens du domaine, mais comme « des biens qui n'appartiennent pas à des
particuliers, qui sont administrés par des personnes publiques et ne peuvent être administrés et aliénés
que dans les formes et suivant les règles qui leur sont particulières ».
L’art. 537 C.civ. ne définit même PAS le domaine public ; n’établit aucune règle  il ne fait qu’annoncer
des règles particulières qui auraient pu/dû se trouver dans une loi spéciale sur le domaine public.
Cependant, il n’y a jamais eu de loi  ce sont essentiellement la doctrine et la jurisprudence qui ont
façonné le régime juridique applicable aux biens du domaine public.

Par la Loi du 4 février 2020, on a adopté un nouveau livre III du C.civ. sur les biens, entré en vigueur le 1 er
septembre 2021. Dans ce livre III, il y a l’art. 3.45, qui est consacré aux biens du domaine public. Un seul
article !  Donc on reste avec un régime légal partiel et embryonnaire.

Art. 3.45 nouveau livre III C.civ. : «  Biens publics et biens privés. Les biens publics appartiennent au
domaine privé, sauf s’ils sont affectés au domaine public. Les biens du domaine public ne sont pas
susceptibles de prescription acquisitive par une autre personne privée ou public et ne peuvent faire l’objet
d’une accession en faveur de toute autre personne privée ou publique ou de tout autre mode ordinaire
d’acquisition. Toutefois, il peut exister un droit personne ou réel d’usage sur un bien du domaine public
dans les mesures où la destination publique de ce bien n’y fait pas obstacle  ».
 Cet article fait un résumé très succinct de tout ce qu’on va voir : quels sont les biens du domaine
privé et publics, le régime juridique qui s’applique aux biens du domaine public et qui visent à les
protégés puisqu’affectés à un service public (imprescriptible, inaliénable) et on peut accorder,
dans certaines limites, des droits personnes ou réels d’usage aux tiers.

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Droit administratif

a) Définition et champ d’application


Le domaine public a un caractère exceptionnel par rapport au domaine privé. Les biens appartenant à
l’État sont présumés appartenir au domaine privé  ce n’est que par exception qu’ils appartiennent au
domaine public. C’est par un acte d’affection qu’un bien rentre dans le domaine public. Un bien doit
expressément être affecté au domaine public. Souvent ce sont des biens immeubles, mais ça peut être
des meubles ex. œuvres d’art qui se trouvent dans les collections du musée royal.

Quels sont les critères pour distinguer les 2 domaines ?


Depuis la fin du 19e siècle, et jusqu’il y a 2 ans, la Cour de cassation a toujours dit : les biens du domaine
publics sont les biens affectés à l’usage de tous.
 Cette jurisprudence a toujours été critiquée par la doctrine, qui disait que les termes étaient trop
restrictifs. Oui, il y a des biens du domaine public affectés à l’usage de tous, p.ex. voiries, places, etc. Par
contre, il y a un certain nombre de biens, dont personne ne conteste qu’ils fassent partie du domaine
public, qui sont affectés à l’usage, pas nécessairement de tous, mais d’une catégorie de citoyens, d’une
partie du public.

 Une définition plus nuancée, plus englobante et qui correspond mieux à la conception qu’on a
du domaine public, a été élaborée par la doctrine et reprise par la jurisprudence.
 Les biens du domaine public = tout bien affecté à un service public qui fait l’objet
d’aménagements spéciaux dans ce but, p.ex. aéroports, gares, musées, prisons, etc.

Quid des biens pour lesquels la situation n’est pas tout à fait claire  ? Ça dépendra de la sensibilité de la
juridiction p.ex. : bureaux administratifs qui sont loués par une administration  ne se distingue pas de
bureaux d’une entreprise : il n’y a PAS d’aménagements spéciaux ici.
Cas plus délicats : palais de justice, hôtel de ville, école, etc.  dans ces cas, les juges vérifient dans
quelle mesure ils font l’objet d’aménagements spéciaux pour être affectés au service public et on a
tendance à considérer qu’ils font partie du domaine public.

Aujourd’hui est acquis dans la jurisprudence que c’est par une combinaison de 2 critères qu’on définit le
contenu du domaine public : le bien doit être affecté à une activité du service public et il doit faire l’objet
d’aménagements spéciaux.

La Cour de cassation a longtemps continué à dire que les biens du domaine public, c’était les biens
affectés à l’usage de tous, mais elle a récemment changé sa jurisprudence et elle a repris la définition
moderne dans un arrêt Cass., 15 mars 2018 : un bien public est soit un bien affecté à l’usage de tous, soit
un bien du service public, avec des aménagements spéciaux.

Champ d’application ratione personae


Les biens du domaine public sont la propriété des personnes publiques organiques, avec comme
conséquence que, quand des biens appartiennent au prestataire privé d’un service public fonctionnel
(p.ex. : établissement d’enseignement libre), ils ne sont PAS protégés par le régime de domanialité
publique.

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Droit administratif

De ce point de vue, on peut espérer que le nouvel art. 3.45 C.civ. permettra une évolution, parce que
dans l’art. 3.45 on ne vise PAS les biens qui appartiennent aux personnes publiques  on vise
simplement les biens publics, SANS les DÉFINIR. Il appartiendra à la jurisprudence de trancher cette
question et de dire que, si les biens qui sont manifestement affectés à un service public avec des
aménagements spéciaux, ils sont des biens publics ou non.

b) Affectation et désaffection
L’acte d’affection est un acte administratif de portée individuelle. Il faut une décision d’affectation
expresse ou implicite, mais certaine ( !! ), pour qu’un bien fasse partie du domaine public.
 L’acte contraire, c’est l’acte de désaffectation, qui est la décision de l’autorité de retirer un bien du
domaine public pour le rapatrier dans son domaine privé (et il PERD sa protection particulière). Cet acte
doit être expresse et motivé. Or, il faut admettre que parfois, même si c’est contraire au principe, une
désaffectation tacite puisse exister.
C’est le cas quand les actes d’autorités ne peuvent se comprendre autrement que comme valant
désaffectation. P.ex. : il y quelques années, on a supprimé un certain nombre de gares. Quand la SNCB
décide de supprimer une ligne de train ou une gare et donc de désaffecter la gare, c’est un acte de
désaffectation. Si on ne trouve pas la décision mais qu’on constate sur le terrain que la gare a été
fermée, qu’elle a été vendue, qu’on a enlevé les rails… la désaffection existe nécessairement puisqu’elle
se manifeste par des actes concrets.

SYLLABUS : traditionnellement, on considère que la désaffectation doit aussi être concrète, càd qu'elle
doit s'accompagner d'une modification de l'affectation concrète du bien, à défaut : elle ne produit
aucun effet  le bien continue de relever du domaine public. L'autorité peut donc décider de modifier
l'affectation concrète du bien, ou encore ne plus qualifier l'activité qui s'y exerce de service public, même
si celle-ci reste inchangée.

2° Règles applicables au domaine public


On parle de régime d’indisponibilité : les biens du domaine publics sont affectés et réservés à l’usage de
tous ou au service public, en telle sorte que des personnes privées NE PEUVENT en disposer à titre
personnel. Ce régime d’indisponibilité se décline en 3 grandes règles/principes : inaliénabilité,
imprescriptibilité, insaisissabilité.

a) L’inaliénabilité et ses tempéraments


L’inaliénabilité d’un bien est liée à son affectation. Les biens du domaine public sont hors commerce (=
implique l'impossibilité de vendre le bien, l'échanger, ou constituer un droit réel dessus).
Sur ces biens, on n’admet QUE les droits précaires et révocables. Nul ne peut acquérir sur ces biens, par
convention ou usucapion, un droit privé qui puisse faire obstacle à leur usage et porter atteinte au droit
de leur puissance publique de régler et de modifier cet usage en tout temps, selon les besoins et l'intérêt
de l'ensemble des citoyens.

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Droit administratif

On est dans l’essence même du régime d’indisponibilité. Ce régime a été créé, parce que l’application du
droit civil ferait obstacle à l’usage public de ces biens.
Il existe des tempéraments, dont l’art. 3.45 tient compte, puisqu’il dit «  toutefois, il peut exister un droit
personnel ou réel d’usage sur un bien dans la mesure où la destination publique de ce bien n’y fait pas
obstacle  ».

Qu’on fait les législateurs ? Ils ont voulu, dans certaines hypothèses, permettre, voire encourager des
investissements privés, sur des biens du domaine public.
- Décret Région W. 1994 sur les aéroport et aérodromes : des personnes privées peuvent détenir
des droits réels pour mener une activité économique sur le site.
- Décret fl. 2003 sur le PPP : idée = encourager les partenariats entre autorités publiques et
personnes privées, c’est un win-win (avantages pour les 2).
Être une PPP me donne des droits spécifiques, p.ex. : on peut conférer des droits réels aux
partenaires privés sur les biens du domaines publics, dans la mesure où ces biens réels ne sont
pas manifestement incompatibles avec la destination publique du bien.

La jurisprudence a aussi évolué, Cass., 18 mai 2017 : on a admis que, sur le domaine public, on confère
un droit réel de superficie à une personne privée, MAIS l’autorité publique peut retirer ce droit
n’importe quand (en indemnisant).

Tous les droits ne sont pas compatibles avec la destination publique du bien. EXEMPLE : droit
d’emphytéose  susciterait de grosses difficultés au regard de l’affection publique, car en vertu de la
vieille loi sur l’emphytéose, une disposition impérative dit que ça doit durer entre 27 et 99 ans. Une
rupture conventionnelle du droit d’emphytéose, au profit de l’autorité publique, serait contraire à cette
disposition impérative.

b) Imprescriptibilité  usucapion
Les biens du domaine public sont imprescriptibles : l’autorité peut contester toute action possessoire ou
toute revendication basée sur la possession même de bonne foi. Ça résulte de l’art. 2226 C.civ. qui
s’oppose à la prescription des choses hors-commerce et l’art. 3.45. nouveau C.civ. reprend cette règle.

c) L’insaisissabilité et ses exceptions


Il faut lire ce principe au regard de l’art. 1412bis C.jud (loi du 30 juin 1994), qui dit que les biens
appartenant à l’état - aux Régions - aux Communautés - aux communes - aux provinces - etc., sont
insaisissables (§1). Sont saisissables, PAR EXCEPTION : les biens dont les personnes morales de droit
public ont déclarés qu’ils pouvaient être saisis et les biens qui ne sont manifestement pas utiles à ces
personnes morales pour l’exercice de leur mission ou pour la continuité du service public (§2). On a
ajouté ce 2e paragraphe en 1994, car on arrivait à des situations où les créanciers de l’État avaient des
difficultés à faire exécuter leur jugement, car l’état traînait des pieds.

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Droit administratif

Aujourd’hui, on peut aller jusqu’à une saisie et une mesure d’exécution à l’égard des biens de l’état et
que celui-ci ne s’exécute PAS, alors qu’il a été condamné. On peut saisir p.ex.  : des tableaux décorant le
bureau du bourgmestre, si on enlève les tableaux, la commune peut continuer à fonctionner. Des
riverains de l’aéroport qui avaient obtenu une condamnation contre l’état belge, ont fait une saisie
conservatoire sur le voilier Mercator.

On dit que tout bien manifestement inutile à l’exercice du service public peut être saisi, mais l’autorité
peut faire opposition à une saisie et a une faculté de substitution. Si elle estime qu’elle veut conserver
ce bien, elle peut s’opposer à la saisie et peut proposer d’autres biens qu’elle estime moins utiles. Le but
est que le créancier puisse exécuter son jugement, MAIS c’est l’administration qui est juge des biens qui
lui sont utiles ou pas. L’art. 1412bis C.jud. ne repose PAS sur la distinction classique du domaine privé-
public. Ici, on a un régime autonome et il utilise d’autres critères que la domanialité, ce sont uniquement
des critères organiques !

3° Règles applicables au domaine privé


Ces biens sont dans le commerce : l’administration peut en user comme des particuliers, ils peuvent être
vendus et aliénés et ils sont prescriptibles.
Ils sont soumis au régime de l’art. 1412bis C.jud.

Quelques règles existent dans l’usage des biens du domaine privé :


- Ce sont des règles déduites des art. 10 et 11 Const. Quand une autorité publique décide de
vendre un bien de son patrimoine, elle doit organiser une procédure objective, impartiale et
concurrentielle pour la vente.
- Il y aussi une règle qui s’impose tant à l’État fédéral qu’aux Communautés et aux Régions (loi
domaniale 31 mai 1923). Il faut une autorisation par le législateur de la collective publique pour
aliéner un bien qui dépasse €1.250.000. L’idée = dire que quand le fédéral ou le fédéré se défait
d’un bien avec une certaine valeur, il faut que le parlement ait une vue sur ce que fait le
gouvernement et qu’il y ait un contrôle démocratique par les représentants élus sur la gestion
patrimoniale. De plus, peut-être que le risque que la collective politique se désargente, dilapide
son patrimoine.

4° Autorisations/concessions domaniales
Ce sont des titres permettant une utilisation privative du domaine public. C’est toujours précaire et
révocable, puisque le domaine public implique que l’autorité publique puisse reprendre à tout moment
la gestion du bien émettant fin à ces titres.

a) Autorisations domaniales
Ce sont des actes unilatéraux ( concession = contrat) par lesquels l’autorité permet l’occupation de
son domaine public par une personne privé.

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Droit administratif

On distingue :
- Les permis de stationnement où il n’y a PAS d’emprise au sol, p.ex. : terrasse de café. Là, il faut
une autorité de police, car ça met en cause la sécurité du passage.
- Les permissions de voirie AVEC une emprise au sol. Ça concerne surtout les impétrants, càd tous
les opérateurs qui doivent mettre des canalisations, câbles dans le sol, etc. Eux devront obtenir
une autorisation de l’autorité de police de la commune, mais aussi une autorisation de l’autorité
gestionnaire du domaine.

b) Concessions domaniales
La concession est un contrat administratif, dont l’objet est l’occupation du domaine public par une
personne privé, généralement, contre une redevance.
On les utilise beaucoup dans les ports, les gares (magasins)...
La concession donne un droit de créance à un titulaire de concession, mais qui est toujours précaire.
L’autorité peut y mettre fin, mais le concessionnaire a droit à une indemnité en cas de fin anticipée (qui
couvre le dommage lié à la perte de la concession, mais aussi le préjudice lié à la période qu’il aurait dû
encore passer dans les lieux, et où il aurait pu amortir ses frais).

(5° Régimes de la voirie : pas vu au cours.)

II. Expropriation pour cause d’utilité publique

A. Notions
C’est un procédé particulier qui n’appartient qu’aux autorités publiques. On prive une personne de sa
propriété, SANS son consentement, voire contre son gré.
C’est une institution qui existe depuis longtemps, et qui en droit belge, trouve son siège dans l’art. 16,
Const. : « Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique, dans les cas et de la
manière établie par la loi et moyennant une juste et préalable indemnité ».
L’objet de cet article est la protection de l’exproprié, qui fait l’objet d’une mesure très attentatoire à ses
droits.
On essaie de trouver une juste conciliation entre le droit de propriété et les exigences de l’intérêt
général.
 Art. 1er du PACEDH, nr1.
 CrEDH, arrêt Sporrong&Lönnroth c. Suède, 23 septembre 1982 : expropriation, et la CrEDH a
jugé qu’il y avait une atteinte disproportionnée au droit de propriété qui n’était pas justifiée.

Particularité de l’art. 1er PACEDH, nr1 : il est applicable aux biens de manière très large. Il vise les
meubles et les immeubles, mais aussi les créances. Il y a une jurisprudence de la CrEDH où la Cour a dit
que cette disposition visait AUSSI la protection de la créance, sur base de la responsabilité civile (=
créance indemnitaire).
On avait des litiges sur la responsabilité des guidages de bâtiments de navire dans le port d’Anvers (où il

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Droit administratif

est très difficile de rentrer). Une loi avec effet rétroactif avait privé les victimes d’une faute des sociétés
de pilotage de mer, de réclamer cette créance. On avait posé la question à la Cour constitutionnelle, qui
avait dit que ce n’était pas discriminatoire, puis la CrEDH a dit que ça l’était quand même.

La Cour constitutionnelle met en œuvre le principe du tout indivisible. Elle est compétente pour
connaître de la violation du titre II de la Constitution. L’art. 16 figure dans le titre II, donc la Cour
constitutionnelle contrôle si une loi ne viole pas cet article (ou en combinaison avec Const., art. 10 et
11).
La Cour combine les garanties qui se trouvent dans les dispositions du titre II Constitution, avec les
disposions des Conventions internationales qui portent sur le même objet.
 Donc on peut invoquer devant la Cour constitutionnelle la violation d’une LDO en combinaison
avec l’art. 1er du PACEDH, nr1.

B. Régime juridique : éléments de l’article 16 C.


1° Dans les cas prévus par la loi
L’expropriation doit être faite dans les cas prévus par la loi.
Conception originelle : l’expropriation est un acte très grave  c’est une décision qui dépasse ce que
peut faire l’exécutif. On avait imaginé que le législateur allait se prononcer de manière individuelle sur
les autorisations d’expropriation (comme les naturalisations).
 Toutefois, cette conception n’a PAS été suivie dans la pratique. On a admis très vite que la loi fixe, de
manière générale, les causes d’utilité publique qui permettent l’expropriation. Ces causes d’utilité
publique sont parfois évidentes, p.ex. construire une ligne de chemin de fer, des routes, des aéroports,
etc. Il n’y a pas de risque que l’exécutif dépasse ses pouvoirs et il n’a pas besoin de l’autorisation du
législatif, puisque la cause d’utilité publique est évidente.
Par contre, quand l’expropriation est utilisée à des fins qui ne sont PAS d’utilité publique évidentes, à des
fins parfois qualifiées d’utilité privée, mais jugée d’intérêt public néanmoins, on a estimé que le
législateur devait intervenir pour définir les fins d’utilité privée qu’il considère comme d’utilité publique.
 Il existe un certain nombre de lois qui permettent l’expropriation dans des buts assez précis, qui
ne sont pas d’utilité publique évidente, p.ex. : une loi a permis aux universités libres d’exproprier
pour construire les bâtiments universitaires. On a estimé qu’on n’était pas dans de l’utilité
publique évidente, et qu’il fallait une loi particulière.

2° Pouvoirs expropriant
Il faut distinguer la base légale (LDO) de l’arrêté d’expropriation, qui permet une expropriation bien
précise.
- Au niveau de l’état fédéral, il FAUT une base légale (loi de procédure ou loi particulière), et c’est
le gouvernement qui prend un arrêté d’expropriation permettant l’expropriation de tel bien
déterminé.
- Même schéma au niveau fédéré (base dans le décret ou l’ordonnance + arrêté).
- Au niveau des pouvoirs locaux (Région wallonne et Bruxelles-Capitale), il faut une autorisation

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Droit administratif

du gouvernement de la Région concernée.


Enfin, une personne privée PEUT être le pouvoir expropriant, sur base d’un arrêté d’expropriation en
vertu d’une loi particulière qui le prévoit ex. universités libres.

3° Causes d’utilité publique


Les causes d’utilité publique énoncés dans l’art. 16, Const. ont un degré différent selon que l’utilité
publique est évidente ou non. Les causes d’utilité publique sont définies par la loi, et, sous le contrôle du
juge de l’expropriation : il contrôle les motifs (la qualification juridique)  n’y a-t-il pas un
détournement de pouvoir ? (L’autorité poursuit uniquement un intérêt privé, p.ex. une commune
procède à une expropriation d’une maison, parce que le bourgmestre a envie d’acheter cette maison 
c’est un détournement de pouvoir).

4° Procédures prévues par la loi


L’expropriation doit toujours respecter les procédures prévues par la loi.
Différentes procédures sont prévues :
- Procédure de droit commun, loi du 17 avril 1835 (vaut au niveau fédéral).
- Procédure d’extrême urgence, loi du 26 juillet 1962.
C’est une procédure menée en urgence, plus expéditive que le droit commun. Cette loi a été
créé pour construire les autoroutes. On devait exproprier des centaines de terrains. Il fallait des
procédures très efficaces et la procédure de 1835 ne pouvais jamais être utilisée pour que les
autoroutes soient construites dans un délai raisonnable.
La difficulté = le législateur n’a pas dit que sa loi ne valait que pour les autoroutes  on a dit que
ça valait pour toutes les causes d’utilité publiques de Const., art. 16.
Pourquoi est-ce que les autorités publiques, qui voulaient exproprier, devaient s’embêter avec la
procédure de 1835, alors qu’on a cette procédure d’extrême urgence de 1962 qui va beaucoup
plus vite.
Attention, il y a une faiblesse dans cette loi. Le juge peut contrôler l’extrême urgence, et si
l’extrême urgence est déniée, le juge peut CENSURER l’expropriation !
La condition de bien respecter la procédure d’extrême urgence est de ne pas traîner. Par
conséquent, il y a peu de risque pour l’autorité.
La procédure de droit commun est devenue la procédure anormale ( avant, on l’utilisait pour
presque toutes les expropriations). On a fini par considérer que la procédure de droit commun
était celle d’urgence. Au niveau des Communautés et des Régions, ça dépend. La Région
wallonne a adopté, il y a 2 ans, un décret du 22 novembre 2018 qui règle la procédure
d’expropriation pour toutes les autorités qui dépendent de la Région wallonne, càd les
administration et OIP de la Région, mais aussi tous les pouvoirs locaux.

a) Phase administrative
Dans cette phase, on élabore d’abord un projet d’expropriation. C’est le dossier que l’autorité doit

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Droit administratif

élaborer avant de lancer l’expropriation. Ce dossier doit contenir certains éléments : plan des parcelles à
exproprier, identité du pouvoir expropriant, périmètre des immeubles à exproprier, identités des
propriétaires.
Une fois ce dossier constitué, un arrêté royal ou arrêté du gouvernement est adopté pour permettre
l’expropriation. On a longtemps appelé ça un « décret d’expropriation », mais ça prête à confusion. 
On parle plutôt « d’arrêté d’expropriation ». Cet arrêté, avec le dossier, est communiqué au Comité
d’acquisition d’immeubles, qui est une administration au niveau fédéral (en voie d’être régionalisée), qui
joue un peu le rôle de notaire des pouvoirs expropriants.

b) Phase de négociations
Avant de saisir un juge, l’administration qui veut exproprier, doit d’abord faire une offre de cession
amiable. Avec le Comité d’acquisition, elle propose un prix pour l’expropriation du bien qu’elle veut
exproprier. Le propriétaire peut être d’accord si l’offre est bonne.  En cas de désaccord (ce qui est
souvent le cas, car le Comité n’est pas souvent généreux), on arrive dans la phase judiciaire.

c) Phase judiciaire
Le propriétaire aura le bénéfice d’une protection judiciaire, d’une expertise, mais aussi de la garantie de
Const., art. 16.
Il a la garantie d’une indemnité juste et préalable. Une juste indemnité, ce n’est pas juste la valeur
vénale du bien, c’est une indemnité qui se veut très large. Le juge va déclarer l’expropriation fondée ou
non fondée (ex. pas de poursuite d’utilité publique, ou pas d’urgence au sens de la loi de 1962).
En cas d’expropriation fondée, le juge fixe le montant de l’indemnité, et elle devra être conciliée, càd que
l’administration devra la mettre sur un compte et qu’elle devra montrer au juge qu’elle est à disposition
de l’exproprié.
Après ça, le juge ordonne l’expropriation et ordonne l’envoie en possession (c’est ce jugement qui sera
transcrit au Bureau de conservation des hypothèques).

(Différences entre les 2 procédures : délais plus courts, suppression de l’enquête publique dans la phase
administrative, etc. (cf. détails syllabus).)

Quel juge est compétent ? Dans la loi de 1835 et le décret wallon de 2018, c’est le tribunal de 1e
instance de l’arrondissement géographique où se trouve le bien exproprié.  Dans la loi de 1962 c’est
le juge de paix du canton.
Pourquoi ?  Le législateur de 1962 a dit que c’est le juge le plus proche qui est compétent. Il est là pour
aller voir les lieux, et donc dans une procédure d’extrême urgence, ça sera le juge le plus disponible et
efficace.

Quid du Conseil d’État ? La procédure d'expropriation comporte un acte administratif. Le décret


d'expropriation est contrôlable par le Conseil d’État, et une phase ultérieure judiciaire de mise en œuvre
dudit décret.

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Droit administratif

Une concurrence de compétence entre le Conseil d’État et les Cours et tribunaux a déjà existé.
La question a été posée à la Cour constitutionnelle, en termes de discrimination. Si le Conseil d’État se
déclare incompétent, et qu’on arrive devant le juge de paix, n’y a-t-il pas de discrimination ? C.C.,
n°68/2002, arrêt 28 mars 2002 : la Cour constitutionnelle dit que la matière relève essentiellement du
juge judiciaire, car la loi l’a désigné (Const., art. 144) et qu’on se trouve dans des droits subjectifs
(Const., art. 16 et art. 544 C.civ.).
La Cour constitutionnelle dit que le Conseil d’État garde une compétence, mais qu’il est limité. Il ne peut
se déclarer compétent que dans 2 hypothèses :
- La validité d'un arrêté d'expropriation tant que la phase judiciaire de l'expropriation n'a pas été
mise en œuvre.
- Même si la phase judiciaire est entamée, le Conseil d’État est compétent en cas de recours en
annulation introduit par des tiers, pour autant que ce tiers puisse se prévaloir de l'intérêt
légalement requis. P.ex. : locataires des propriétaires (c’est arrivé très rarement).

La Cour constitutionnelle a insisté sur un point : que ce soit le Conseil d’État ou le juge judiciaire, le
contrôle de légalité doit être le même et être aussi sévère des 2 côtés. Le juge judiciaire doit faire un
contrôle de légalité externe, mais interne aussi.
Pour la légalité interne, il doit vérifier si les motifs sont valables, si l’utilité publique justifie
l’expropriation, fondement légal pour l’autorité expropriante, si c’est une procédure d’extrême urgence
(le juge doit regarder s’il y a une réelle urgence), absence de détournement de pouvoir, etc.

5° Juste et préalable indemnité


L’indemnité doit être préalable : l’indemnité doit être consignée au profit de l’exproprié par
l’expropriant AVANT l’envoi en possession par le juge.

L’indemnité doit être juste : l’indemnité doit assurer une réparation intégrale du dommage subi par
l’exproprié en raison de l’expropriation.

Cette indemnité est fixée par une expertise. C’est l’expert qui définit le montant de l’indemnité et celle-
ci doit permettre à l’exproprié d’acquérir un immeuble équivalent, càd de la même valeur, mais de
différents points de vue.
L’indemnité doit couvrir le prix de vente (valeur vénale du bien), les frais qu’il faudra encourir pour
acquérir un nouvel immeuble. En cas d’expropriation partielle, l’indemnité tiendra compte de la
dépréciation du bien. On tient aussi compte des troubles de jouissance ou d’exploitation, de la valeur de
convenance (préjudice tout à fait subjectif, p.ex. : maison dont j’ai hérité, j’y suis très attaché, je peux
faire valoir une indemnité morale supplémentaire), de la valeur de notoriété.

La législation prévoit qu’après l’expropriation, que si l’administration n’affecte pas le bien à une utilité
publique, l'ancien propriétaire peut le récupérer, il a un droit de rétrocession (s’il restitue
l’indemnité !!). Ce droit de rétrocession doit s'exercer dans les 3 mois de l'affichage à la commune, d'un
avis signalant la revente des biens. La Cour constitutionnelle a ajouté à cette formalité l’obligation pour

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Droit administratif

l'autorité de notifier son intention de revente aux ex-propriétaires, et ce, par application du principe
général selon lequel un acte administratif à portée individuelle doit faire l'objet d'une communication
individuelle aux personnes concernées.

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Droit administratif

PARTIE III. LES CONTROLES DE L’ADMINISTRATION OU LE « CONTENTIEUX ADMINISTRATIF »

Cette partie porte sur le contentieux administratif.


Le droit administratif s’occupe des règles relatives à l’intérêt général, mais aussi des règles qui
permettent de mettre fin aux contestations qui suscitent des interventions de l’autorité publique : on
aborde cela dans cette partie.
Le contentieux administratif = la prévention ou le règlement des contestations nées de l’action
administrative. Le contentieux administratif constitue non seulement en des contrôles administratifs ou
juridictionnels, mais aussi en des modes de prévention des contestations.

A. Les contrôles administratifs


Ce sont des contrôles, d’une part en interne, pris par l’autorité qui réexamine sa décision, ou une
autorité externe (une autorité de tutelle par ex.) ou par le biais de recours administratifs organisés ou
non par les textes, où on s’adresse à une autre instance encore pour réexaminer la situation.

Les caractéristiques des contrôles administratifs = le contrôle se fait AVANT la saisine d’un juge ; le
contrôle est total : il se fait en droit et en fait, en légalité et en opportunité.
 A côté de ça, on a des contrôles juridictionnels, qui sont exercés par les juridictions judiciaires et par
le Conseil d’État, ou d’autres juridictions administratives.

Par rapport aux contrôles administratifs, ces contrôles juridictionnels présentent la particularité de ne
porter QUE sur la légalité de l’acte de l’administration.
La séparation des pouvoirs interdit au juge de statuer en opportunité, de se substituer à l’administration
et de faire œuvre d’administrateur.
Entre les deux modes de contrôle sont apparus des modes de prévention de contestations, pour
désamorcer les litiges entre les administrés et l’administration : on a des procédures de participation
dans les enquêtes publiques (1) ; il y a aussi des dispositifs destinés à assurer la transparence de l’activité
administrative (notamment le droit d’accès aux documents administratifs) (2), et enfin le rôle de
conciliation joué par les médiateurs (3).
Voilà le plan qu’on va suivre : les contrôles administratifs, les modes de prévention, les contrôles de
l’administration, que ce soit par le Conseil d’État ou dans la cadre de la responsabilité des pouvoirs
publics.

1° Le contrôle hiérarchique
Premièrement, les contrôles administratifs.
On distingue le contrôle hiérarchique, du contrôle de tutelle.

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Droit administratif

Le contrôle hiérarchique se situe dans la déconcentration administrative. Un pouvoir de décision est


délégué à des agents subordonnés, qui ont des compétences exercées au nom et pour compte de
l’autorité administrative, qui les emploie.
Cependant, ces agents subordonnés sont sous le contrôle de leur supérieur hiérarchique, qui exerce un
pouvoir hiérarchique.
 Ces agents supérieurs peuvent donner des instructions, des injonctions obligatoires à leurs
subordonnés, qui sont tenus de les respecter.
 Ils peuvent aussi vérifier d’office l’exercice des pouvoirs par leurs subordonnés, on peut
demander d’amener un dossier pour le vérifier.
 Ils peuvent retirer ou réformer dans certaines conditions, les décisions de leurs subordonnés.
( !! ) Ce pouvoir hiérarchique n’est PAS organisé par la loi ou les règlements  c’est un pouvoir qui
s’exerce spontanément, de manière informelle, d’office ; il n’y pas de règle ou de procédure à
respecter. C’est un contrôle extrêmement large de tous les jours, et qui porte tant sur la légalité de
l’acte que sur son opportunité. C’est un contrôle purement interne, l’administration lave son linge sale
en famille.

2° Les contrôles de tutelle


À côté de ça, il y a le contrôle de tutelle, qui se relie à la décentralisation administrative.
Le pouvoir de décisions est confié à des autorités décentralisées, qui ont un pouvoir autonome.
Toutefois, ces autorités décentralisées sont sous un contrôle de tutelle, et on distingue la
décentralisation territoriale (p.ex. : communes), de la décentralisation fonctionnelle (où on crée des
organismes publics).
Dans le cadre de ce cours, on voit la tutelle sur les collectivités locales, tutelle qui vient contrebalancer
l’autonomie constitutionnelle des communes et provinces.
Const., art. 162 : rappelle l’autonomie locale, mais rappelle aussi que, parmi les principes de
fonctionnement, il y a le contrôle de tutelle, pour empêcher que la loi ne soit violée ou l’intérêt général
blessé.
De ce texte, la jurisprudence et la doctrine déduisent que l'autonomie est la règle  la tutelle
l’exception.
 En conclusion, les pouvoirs de tutelle ne s’exercent QUE dans la mesure où ils sont consacrés
EXPLICITEMENT  ils doivent donc faire l’objet d’une interprétation restrictive en cas de
discussion !

a) La notion de tutelle administrative


Qu’est-ce qu’une tutelle administrative ? Ce n’est PAS comme en droit civil, c’est-à-dire une béquille.
 Ici, c’est un frein pour maintenir les pouvoirs locaux dans les limites de leurs attributions.
La tutelle administrative = l’ensemble des moyens mis en œuvre par des autorités supérieurs dans le but
de contrôler la conformité des décisions des autorité subordonnées, tant au regard de la légalité qu’au
regard de l’intérêt général.  Il y a là, une double référence :

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Droit administratif

- Éviter que la loi ne soit violée (la loi étant entendue au sens très large  toute atteinte à la
légalité, eu regard à toutes les sources du droit administratif),
- Opérer un contrôle de conformité au regard de l’intérêt général. Ce contrôle permet à l’autorité
de tutelle de censurer des actes qui sont légaux, MAIS qui apparaissent cependant contraire à
des exigences d’intérêt public supérieur. L’autorité peut donc en estimer l’opportunité, en
motivant que la décision, quoique légale, n’est pas admissible.
-
REMARQUE : le contrôle n’est pas de pure opportunité. L’autorité de tutelle doit MOTIVER, sous le
contrôle du Conseil d’État, en quoi la décision de l’autorité locale porte atteinte à une intérêt, dont la
collectivité générale a la charge et qui doit primer sur l’intérêt local.
Dans la Charte sur l’autonomie locale du 15 octobre 1985, il est prévu à l’art. 8 que les collectivités
locales ne soient soumises qu’à des contrôles de pure légalité, et pas de contrôle d’opportunité.
 Néanmoins, la Belgique a émis une réserve en ratifiant cette Charte !  Puisque la Constitution belge
prévoit une double tutelle (légalité et d’opportunité), il fallait bien introduire une réserve.
REMARQUE : la tutelle d’opportunité n’est pas exercée fréquemment, mais c’est un moyen de pression
d’une manière ou d’une autre.

b) L’organisation et l’exercice de la tutelle administrative


Qui organise et exerce cette tutelle administrative ?
Vu la tendance générale de l’état belge, et au regard de l’art. 7 LSRI, la matière a été
régionalisée/défédéralisée.
L’art. 7 dit que c’était les Régions qui étaient compétentes pour l’organisation et l’exercice de la tutelle
sur les provinces/communes, etc., et ce, sans préjudice cependant de la compétence de l’autorité
fédérale et des Communautés d’organiser elles-mêmes, pour leurs compétences, une tutelle
administrative qui sera dite « spécifique ». P.ex. : tutelle en matière d’enseignement primaire  c’est
une compétence des Communautés ou en matière de protection civile, qui est une compétence fédérale.
 C’est une tutelle accessoire par rapport à celle exercée directement par la Région.

Chaque Région organise donc la tutelle comme elle le veut !!


« Organiser la tutelle » signifie qu’elle définit qui exerce le contrôle de tutelle, selon quelle procédure,
les délais, les formes.
On constate que, effectivement, il y a des règles différentes de Régions à Région.
Il y a des choix politiques à faire en la matière.
- Soit on peut être confiant par rapport aux autorités locales et exercer une tutelle à distance.
- Soit au contraire on est méfiant et on exerce une tutelle rapprochée, très stricte.
 On constate des variations.
On a constaté parfois un phénomène d’une tutelle qui était éloignée, qui s’est rapprochée en raison des
abus, p.ex. : en 2005, du côté de Charleroi, il y avait beaucoup d’abus dans l’attribution des marchés
publics par la Ville de Charleroi. Personne ne dénonçait les choses parce qu’il y avait une forme
d’entente, pas de contrôle de tutelle.

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Droit administratif

Ça a fait scandale et de ces scandales, il en est résulté une réaction de la Région wallonne, qui a décidé
de mettre en place un régime de contrôle beaucoup plus strict, sur toutes les communes wallonnes, et
donc d’exercer un contrôle exigent (notamment la communication de plus de documents, contrôler leur
validité, etc.)
Le contrôle était tellement strict, que l’Union des villes et communes de Wallonie a dit, en 2009, qu’on
est passé d’un régime qui se voulait équilibré, mais dont la mise en œuvre n’était que très partielle, à un
véritable contrepied très contrôlant, dénotant une méfiance envers les pouvoirs locaux, peu à l’avantage
de leur image auprès du grand public. De plus, finalement, on constatait que l’annulation par la Région
des actes pris par la commune, s’avérait très rarement nécessaire.
 Ces contrôles ne servaient donc pas à grand-chose en réalité, MAIS c’est peut-être grâce à la
menace du contrôle que les décisions sont devenues plus légales qu’avant !
L’idée = la tutelle est organisée de manière efficace, par des communications électroniques, des délais
stricts, etc.

c) Les procédures (ou procédés) de tutelle


Quels sont les procédés ou procédures de tutelle ? On distingue la tutelle générale et la tutelle spéciale.

Tutelle générale Tutelle spéciale

Tutelle répressive ou a posteriori Tutelle préventive ou a priori

Tutelle facultative Tutelle obligatoire

Tutelle d’annulation (1)


La tutelle générale = celle qui s’exprime par le procédé de l’annulation.
L’idée = potentiellement, tous les actes de l’autorité locale peuvent être éventuellement annulés par
l’autorité supérieure.
Il est clair que cette tutelle est facultative, parce que l’autorité de tutelle NE POURRAIT matériellement
exercer un contrôle sur toutes les décisions de toutes les communes de la Région concernée.
On a une sélection d’actes, qui seront peut-être contrôlés. La Région peut elle-même le demander ou
bien son attention peut être attirée par des réclamations introduites par des citoyens, par exemple. Cette
tutelle générale d’annulation est facultative ET elle est répressive (elle est a posteriori).
L’acte est d’abord adopté par l’autorité subordonnée, la commune par exemple  il produit certains
effets, avant d’être soumis à une éventuelle tutelle.
Si la Région trouve à redire, tutelle de légalité ou d’opportunité, l’acte est anéanti, avec effet rétroactif :
il est censé ne jamais avoir existé.
Pour éviter ça, il peut y avoir un préalable, c’est-à-dire on peut suspendre l’acte de l’autorité
subordonnée, qui peut alors le retirer.
Cette tutelle générale, même sans suspension, s’exerce au regard de la légalité et de l’intérêt général.
Elle doit toujours être motivée, et elle doit s’exercer dans un certain délai.

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Droit administratif

 Il y a un délai de rigueur qui s’applique, dans lequel l’autorité supérieure doit se décider. Si à
l’issue de ce délai, elle s’est décidée et elle a annulé l’acte  l’annulation prend effet. Si elle n’a
rien dit, il y a confirmation tacite  l’acte est confirmé (le recours éventuel est rejeté) et il
devient définitif.
REMARQUE : ces délais varient de Région à Région, chaque entité régionale décide le délai
qu’elle trouve adéquat avec ou sans prolongation.

Tutelle spéciale (2)


La tutelle spéciale s’exerce par le procédé de l’approbation.
Comme elle est spéciale, elle ne s’exerce par définition, QUE sur les actes de l’autorité subordonnée, qui
sont énumérés par la loi.
Ce sont des actes qui sont identifiés dans des textes qui disent « tel type d’acte doit être soumis à
approbation de l’autorité régionale ». De quels actes s’agit-il ? Des actes les plus importants, comme
l’adoption des règlements-taxes, le statut du personnel, l’adoption du budget et des comptes, les
passations de marchés publics les plus importants, les sanctions disciplinaires les plus lourdes infligées
aux agents locaux…
Cette tutelle d’approbation n’est PAS facultative, elle est OBLIGATOIRE pour tous les actes qui sont listés
dans les textes énumérés ci-dessus, par exemple.
C’est une tutelle d’approbation obligatoire qui intervient a priori. Pourquoi est-elle préventive ? Parce
que la décision de l’autorité subordonnée ne produit aucun effet tant qu’elle n’a pas été approuvée 
c’est l’approbation qui permet à l’acte de produire ses effet ( c’est l’inverse de l’annulation).
Le contrôle d’approbation = ce qui permet à l’acte de sortir ses effets, et tant qu’il n’y a pas
d’approbation, l’acte ne sort aucun effet.
De nouveau, le contrôle d’approbation s’exerce tant au regard de la légalité (tutelle de légalité), qu’au
regard de l’intérêt général (tutelle d’opportunité).
Le refus d’approbation par l’autorité régionale doit être motivé.
À nouveau, il y a un délai de rigueur, dans lequel l’autorité régionale de tutelle doit se prononcer. C’est
normal : on n’attend pas indéfiniment que l’acte soit approuvé. Ça veut dire que, à l’issue du délai de
rigueur, soit il y a un acte positif  l’acte est approuvé, soit il y a une désapprobation  l’acte est refusé
expressément, soit il y a silence  le silence vaut approbation tacite.

RÉFLEXION : entre la tutelle d’annulation et d’approbation, laquelle des deux est la plus
sévère/restrictive ?
Celle d’approbation est la plus lourde : elle est obligatoire. Elle subordonne la validité de l’acte de la
commune à l’approbation.
 C’est donc un procédé exceptionnel par rapport à l’annulation (qui est le procédé de base).

Tutelle de substitution (3)


A côté de ça, il y a une tutelle encore plus exceptionnelle, la tutelle coercitive, notamment la tutelle de
substitution.
C’est un procédé par lequel l’autorité de tutelle prend un acte à la place de l’autorité
locale/subordonnée qui s’y refuse, qui s’abstient de le faire.

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Droit administratif

On le fait par l’envoi d’un commissaire spécial. On envoie un délégué qui restaure la légalité, puisque
toutes les injonctions qui ont été faites à l’autorité subordonnée, n’ont servi à rien.
Il faut constater un refus, caractérisé de respecter la légalité par l’autorité subordonnée ( voir texte de
l’ordonnance Bruxelloise et du Code wallon).
P.ex. : affaire des guiches de Schaerbeek en 1976.
Dans la commune de Schaerbeek, le bourgmestre FDF (aujourd’hui : DeFi) constatait que, dans sa
commune, il y avait 10% de néerlandophones, et donc il était absurde d’exiger que tous les agents au
guichet communal soient bilingues (il n’y en avait pas assez et ça ne servait rien).  Il a décidé de faire
des guichets séparés, des guiches francophones et des guichets néerlandophones, et comme ça tout le
monde était servi dans sa langue.
Sauf que… cette ‘bonne idée’ était mauvaise au regard de la loi.  La Loi sur l’emploi des langues
impose le bilinguisme des agents à Bruxelles ; il est obligatoire de pouvoir s’adresser au public dans les
deux langues ; il doit être accueilli dans les deux langues.
Le bourgmestre est sommé par le Ministre de l’intérieur (à l’époque la matière n’était pas encore
régionalisée) de mettre fin à ces guichets séparés, de réorganiser le hall communal.
Or, il ne fait rien. Après plusieurs injonctions, on a envoyé un commissaire spécial, qui donc ? Ganshof
Van der Mersch, procureur général à la Cour de cassation. Il est allé, avec la police, arracher les
panneaux pour les guichets néerlandophones/francophones.

Ce qu’on constate encore, c’est que, hormis cette tutelle coercitive, l’autorité de tutelle n’a pas de
pouvoir d’agir à la place de la commune !! Elle ne peut pas réformer l’acte, elle ne peut pas l'approuver
partiellement ou le réécrire. Tout ce qu’elle peut faire, c’est dire si c’est valable ou pas, annuler ou
désapprouver, l’autorité locale devant alors tenir compte du motif. Ce n’est PAS elle qui peut réformer
l’acte en tant que tel.

Voilà pour les recours de tutelle, mode utile d’intervention pour restaurer la légalité, pour contrôler ce
que fait l’autorité locale.
La tutelle n’est jamais obligée d’intervenir. Elle a un délai de rigueur dans lequel elle doit intervenir si elle
intervient. MAIS, elle peut décider de ne rien décider, ce qui est alors une confirmation de l’acte (peut
être attaqué devant le Conseil d’État).
Le recours à l’autorité de tutelle, suspend le recours devant le Conseil d’État, le temps que l’autorité de
tutelle se prononce.

3° Les recours administratifs


A côté de la tutelle, on a les recours administratifs. Les recours administratifs sont intentés devant
l’administration active, pas devant un juge. Il faut bien distinguer recours administratif du recours
juridictionnel.
- Le recours administratif est introduit devant l’administration, tranché en droit et en fait, en
légalité et en opportunité et l’autorité de recours a le plus souvent un pouvoir de réformation.
-  Ce n’est pas le cas du recours juridictionnel : celui-ci se fait devant un juge, et il ne se fait pas
en opportunité  c’est un recours de la pure légalité.

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Droit administratif

Il y a 2 types de recours : non organisé et organisé.

a) Les recours non organisés ou gracieux


Le recours non organisé est aussi appelé recours gracieux. C’est un recours qui se fonde sur l’art. 28,
Const.  c’est la possibilité d’adresser aux autorités des pétitions (l’article concerne le Parlement, mais
aussi toute autorité publique).
On peut saisir toute autorité administrative d’une réclamation, d’une plainte pour lui demander de
revoir une décision que l’on trouve injuste-illégale.
 On peut demander lui demander de la retirer, de l’abroger pour le futur, de la modifier.
Attention, c’est un recours non organisé, car il n’est PAS prévu par un texte. On fait une demande à
l’autorité : « s’il vous plait, pouvez-vous retirer l’acte ? ». L’autorité n’a AUCUNE obligation de statuer
sur cette demande ; elle n’a pas de délai ; elle fait ce qu’elle veut.
Ce recours est introduit soit devant l’autorité qui a adopté la décision, soit devant le supérieur
hiérarchique, soit encore devant l’autorité de tutelle (s’il y en a une). L’auteur de l’acte ou le supérieur
hiérarchique ou l’autorité de tutelle pourra prendre une décision. L’auteur de l’acte et le supérieur
hiérarchique peuvent retirer l’acte, tous peuvent l’abroger.
 Chacun pourra faire usage des pouvoirs qui leur ont été conférés.
 Pour ce recours, il n’y a aucune règle de forme, de procédure ; il ne faut pas nécessairement
entendre, et il n’y a aucun délai.
 Cette réclamation peut être faite en tout temps, sans devoir respecter des règles de forme. Il
faut le faire tant que l'autorité est compétente, ratione temporis, évidemment.

Attention, ce recours non organisé n’a aucun effet sur l’écoulement des délais de recours devant le
Conseil d’État ( aucun effet interruptif).
( !! ) Toutefois, il y a une (et une seule) exception = le recours devant l’autorité de tutelle. Si on introduit
le recours à temps, dans le délai pour exercer la tutelle, le recours devant le Conseil d’État est
interrompu (≠ suspendu !), jusque quand l’autorité se prononce ou jusqu’à la fin du délai pendant lequel
elle pouvait se prononcer.

Le recours gracieux peut être un piège aussi, en fonction de la réponse qu’on reçoit.
 Sur le recours gracieux, l’autorité peut avoir plusieurs attitudes :
- L’autorité peut changer d’opinion et donner raison au réclamant,
- L’autorité peut aussi confirmer la décision, soit avec les mêmes motifs (acte purement
confirmation), soit le même dispositif, mais avec des motifs nouveaux, qui montrent qu’elle a
réexaminé le dossier, mais qu’elle ne change pas d’avis pour autant.
Où est le piège ? Il est dans le fait que, si l’acte est confirmatif sans motifs nouveaux, en réalité il n’y a
pas de nouvelle décision, car l’acte n’est que purement confirmatif du 1 er  ( !! ) c’est alors le 1er acte
qu’il faut attaquer et le délai court depuis le 1 er acte, PAS depuis l’acte confirmatif.
C’est un petit piège = il faut attaquer le 1er acte.

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Droit administratif

REMARQUE : par contre, si l’acte est confirmatif avec de nouveaux motifs, alors il y a un nouvel acte,
donc un nouveau délai qui permet d’agir contre cette nouvelle décision, sans que l’on doive agir contre
la 1ère décision.
‘CONCLUSION’ : ce recours non organisé ne sert a priori pas à grand-chose, c’est souvent un coup d’épée
dans l’eau.

b) Les recours organisés


Les recours organisés sont plus importants, car ce sont des recours obligatoires.
On ne peut pas le rater : il est organisé par des textes qui indiquent la forme, la procédure à suivre, et sur
ce recours organisé, l’autorité de recours est tenue de statuer et, elle doit respecter elle-même des
règles de forme, faut-il entendre, le délai, décision motivée, qui doit la signer, etc. Le recours organisé
est très utile, il est exercé devant l’autorité qui est indiquée dans les textes.
- Tantôt ça peut avoir lieu devant la même instance : on dira que c’est un recours en
reconsidération organisé/obligatoire,
- Tantôt c’est un recours au supérieur hiérarchique (ministre, ou auprès de l’autorité de tutelle s’il
y a une tutelle, p.ex. : en matière d’urbanisme).
- Ça peut aussi être devant des commissions ou des chambres de recours spécialement instituées,
(par exemple domaine de la fonction publique en matière de sanction disciplinaire).  Avant
d’aller devant le juge, on va devant une commission de recours. P.ex. : recours devant la décision
d’un jury d’examen, avant de saisir un juge, je dois faire un recours organisé, devant le même
jury.

L’autorité de recours administratif doit se prononcer en droit et en fait.


Elle a un pouvoir de réformation. Elle a un pouvoir discrétionnaire, comprenant un pouvoir
d’opportunité comme l’autorité de 1er degré. Elle peut revoir la décision, elle peut décider de ceci, de
cela.
Le recours organisé est un recours obligatoire, que l’on doit épuiser.  Si on va directement devant le
juge, notamment le juge du Conseil d’État, en omettant de s’arrêter ou d’exercer le recours organisé, le
recours au Conseil d’État sera déclaré irrecevable. Il s’agit de l’exception omissio medio (« il a omis le
médium, il a omis une étape avant de saisir le juge »).
Ce qui est intéressant, c’est que dans le recours organisé, la décision prise sur recours administratif, se
substitue à la 1ère décision, c’est ce qu’on appelle l’effet dévolutif du recours. La décision sur recours
efface la 1ère, quelles que soient les illégalités de la 1ère, la 2e décision remplace la 1ère.
 La décision sur recours devient l’acte attaquable devant le juge, ce n’est plus la 1 ère décision,
qu’importe ses illégalités.
 Il y a eu un recours organisé, une nouvelle instance s’est prononcée. On regarde si elle a
respecté les règles de fond et de forme, et c’est sa décision qui devient l’acte attaquable, dès
lors qu’elle remplace la 1ère décision.
A l’issue du délai, si l’autorité de recours ne se prononce pas, on considère que le recours est rejeté, et
qu’il y a confirmation tacite de la première décision. C’est la première décision qui devient l’acte
attaquable, tel que tacitement confirmé sur recours.

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Droit administratif

Ces actes (de substitution ou confirmation) sont attaquables devant le Conseil d’État.

B. Les modes de prévention des contestations


On peut essayer d’éviter d’aller devant le juge, par différents moyens, afin d’aboutir à apaiser des
situations.

1° Les procédures participatives

D’abord par des procédure participatives (Conv. Aarhus, par exemple), où on se dit que, si la population
participe à la prise de décision, elle l’acceptera plus facilement  elle n’intentera pas de recours.
(Également, par l’intervention du médiateur (ombudsman, voir partie 2) fédéral ou pour les
Communautés et Régions.

2° La transparence administrative
L’idée vient du Conseil de l’Europe. En 1977 déjà, le Conseil de l’Europe invitait à améliorer la protection
de l’individu contre l’administration et contre les abus de son pouvoir discrétionnaire. Le Conseil de
l’Europe invite les états membres à faire lieu, de même que la Convention de Aarhus en 1988, à propos
de la transparence en matière environnementale.
Ce fut une véritable révolution – l’obligation pour l’autorité d’être au service du citoyen – en étant
transparente, en ne pouvant invoquer que dans de rares exception le secret administratif, alors qu’avant
ça, c’était son mode de fonctionnement habituel, dans une position de supériorité vis-à-vis de
l’individu.
REMARQUE : pourquoi la supériorité ? Parce que l’autorité sert l’intérêt général.

Cette révolution copernicienne a été mise en œuvre par deux instruments principaux : la motivation
formelle des actes administratifs (ce n’était pas évident à ce moment-là, ça doit être motivé dans l’acte,
voir partie 4), et l’obligation de transparence dans les documents administratifs.
L’idée d’accès aux documents administratifs est que, si les citoyens ont accès aux documents
administratifs, ils pourront prendre connaissance du dossier, et décider d’agir en connaissance de cause
devant le juge, ou de ne pas agir.
 Tandis que, si on ne leur dit rien, ils verront toujours dans la suspicion du secret  ils auront la
volonté d’en savoir plus.
 La transparence est au bénéfice de tout le monde .

C’est l’art. 32, Const. qui, depuis 1994, consacre ce droit fondamental de la transparence administrative.
Le texte est simple à lire : « Chacun a le droit de consulter chaque document administratif et de s’en faire
remettre copie, sauf dans les cas et conditions fixés par la loi, le décret ou la règle visée à l’article 134 ».
 Ce sont les législateurs qui sont compétents pour définir des exceptions à ce droit, et y apporter
donc d’éventuelles limitations, au point même qu’il a été jugé qu’un accord fiscal, dont il a été

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Droit administratif

prévu qu’il était confidentiel, ne peut pas se soustraire au droit de documentation accessible par
tout citoyen qui en fait la demande, s'il est dans les conditions pour le faire. C.E., n°239.401, 13
octobre 2017, Ville d’Andenne (syllabus : il a été jugé qu’une clause de confidentialité contenue
dans un accord fiscal ne peut être une raison valable de soustraire ce document administratif au
droit garanti par la Constitution).
La notion de documents administratifs est très large, elle s’entend de toute information en possession
de l’administration. Par information on entend, décision, actes préparatoires, plans, rapports, etc., et
toute forme de support (support papier-électronique-photographique-banque de données etc.). En bref  :
tous les éléments en possession de l’administration, le citoyen a le droit d’y avoir accès, de le
consulter, et si possible de s’en faire remettre copie. On constate que le constituant a visé très large, car
il n’y a PAS de condition d’intérêt à justifier.
En principe, je peux demander un document, sans devoir me justifier, c’est mon droit (il peut y avoir des
exceptions).

En exécution de l’art 32, Const., il y a de très nombreux textes sur la transparence administrative,
adoptés au niveau fédéral, fédéré et local. On se focalise sur la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité
de l’administration.

a) Champ d’application de la Loi du 11 avril 1994


Cette loi s’applique aux autorités administratives fédérales et aux autres autorités administratives, dans
la mesure où il n’y a PAS de restriction par d’autres textes applicables.
C’est la loi de base.
A quelles autorités administratives la loi s’applique ? L’art. 1, al. 1 ne donne pas de définition positive : il
dit simplement que l’autorité administrative, c’est l’autorité visée à l’art. 14 LCCE. On renvoie aux
autorités dont les actes peuvent faire l’objet d’un recours devant le Conseil d’État. Il n’y a pas de
définition très claire de la notion d’autorité administrative. Par conséquent, à ce stade-ci, on retient que
ce ne sont pas les instances judiciaires (documents détenus par les autorités judiciaires ne sont pas
accessibles), ni les instances législatives.

L’accès aux documents administratifs = l’accès à l’information sous quelle que forme que ce soit, dont
l’autorité administrative dispose. On ne doit pas justifier d’un intérêt, si ce n’est que l’art. 4, al. 2 prévoit
QUAND MÊME, pour les documents à caractère personnel, la nécessité de justifier d’un intérêt.
On vise les documents comportant des jugements de valeurs sur une personne, un document qui
pourrait lui être préjudiciables par sa divulgation. Je ne peux pas demander la fiche fiscale de quelqu’un,
ni les procès-verbaux de quelqu’un lors d'une nomination (je peux le demander, mais je dois me justifier
d’un intérêt).

Quelles sont les droits et obligations que comporte la loi ?


Il y a 2 formes de publicité : la publicité active ou passive.

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Droit administratif

b) Les obligations de publicité active


Le législateur fédéral est allé plus loin que ce que la Constitution prévoit, parce que le législateur fédéral
a consacré à l’art. 2 de la loi, des obligations à charge de l’administration d’être transparente
activement, c’est-à-dire fournir spontanément une information claire et objective sur son action.
Ce n’est pas passif, ni sur demande, c’est pro-actif.
L’autorité administrative doit prendre des initiatives (au nombre de quatre), quelles sont-elles ?
- Chaque autorité doit s’organiser pour qu’il y ait un service qui réalise l’information sur
l’administration, qui fournit les informations sur l’administration.
- L’autorité administrative fédérale doit avoir un document expliquant son organisation, son
fonctionnement, décrivant ses compétences (Qui sommes-nous ? Que faisons-nous ?).
- Chose très utile, toute correspondance émanant d’une autorité administrative fédérale indique
le nom, les coordonnées, l’adresse email, le numéro de téléphone, qui peut fournir plus
amplement d’informations sur le dossier.
Autrement dit, c’est ce qu’on appelle « l’agent traitant » = l’agent qui traite le dossier. C’est un
avantage, car avant il n’y avait rien, il n’y avait qu’un numéro général d’appel, mais souvent les
gens ne décrochaient pas  les personnes n’étaient pas là, ou renvoyaient la balle à une autre
instance administrative.
C’est fini, il y a un agent qui est indiqué sur chaque document, qu’on peut contacter par
téléphone, email, etc.
- Très important, l’art. 2 prévoit aussi que, quand une décision à portée individuelle est notifiée,
elle doit mentionner à la personne concernée les éventuelles voies de recours administratives ou
juridictionnelles, les instances compétentes pour en connaître, les formes et délais à respecter.
On indique spontanément au citoyen devant qui il doit aller, le temps qu’il a pour introduire son
recours, et on dit comment il faut le faire (recommandé, nombre d’exemplaires).
Quid si ce n’est pas indiqué ? La loi prévoit que le délai de prescription pour introduire le recours
ne court pas. On doit indiquer le recours au citoyen  si on ne le fait pas, le délai de recours ne
court pas.
On a là une très forte protection du citoyen, mais la protection est apparue trop forte.
Pourquoi ? Car la protection valait pour toutes les décisions des autorités, en ce compris celles
attaquables devant le Conseil d’État. On a vu des gens qui, ayant reçu une décision sans la
mention de voie de recours, n’agissait pas au Conseil d’État, puisque le délai ne commençait pas
à courir. Ils n’attaquaient que beaucoup plus tard, après 1 an ou plus, et c’était recevable.
 Il y avait là une trop grande incertitude pour l’administration, une insécurité juridique sur la
validité de l’acte  il fallait donc mettre en place un autre système.
C’est pour ça que l’art. 19 LCCE a été modifié en son alinéa 2 : il faut donc combiner la Loi de
1994 et les LCCE : le délai de prescription de recours de 60 jours devant le CE ne prend court QUE
si la notification par l’autorité administrative de l’acte à portée individuelle, indique l’existence
du recours et les formes et délais à respecter. Lorsque cette condition n’est pas remplie, les
délais de prescription prennent court 4 mois après que l’intéressé s’est vu notifier la décision .
On est passé d’un extrême à l’autre :
o Avant, on ne disait rien et le délai de 60 jours commençait à courir. Le citoyen pouvait
parfois rater le délai.

92
Droit administratif

o Puis, on a dit que, tant que la voie de recours n'était pas indiquée, le délai ne courait pas
du tout.
o On a changé cela, et on a dit que pour le recours au Conseil d’État, si la voie de recours
n’est pas indiquée, le délai de recours est de 60 jours, plus 4 mois. On diffère la prise de
cours du délai de 4 mois  ce n’est plus indéfini pour rééquilibrer le rapport entre
l’administration et l’administré, c’est normal.
o
Voilà pour l’obligation de publicité active qui pèse sur l’autorité, et c’est assez bien respecté.

c) Les obligations de publicité passive


A côté de ça, il y a la publicité passive, c’est-à-dire le droit d’accès aux documents administratifs, au sens
de l’art. 32, Const., à la demande de l’administré (= droit pour l’administré et obligation en retour dans
le chef de l’administration).
Que comporte ce droit ? Il comporte 3 choses :
- Un droit de regard : le droit de prendre connaissance sur place des documents, aller consulter les
documents. On ne peut pas le refuser à quelqu’un a priori (Loi de 1994, art. 4).
- Le droit d’obtenir des explications, corollaire essentiel (Loi de 1994, art. 5).
- Le droit de recevoir copie, moyennant rétribution (la rétribution ne peut pas excéder le prix
coûtant).

C’est un droit assez puissant, consulter-obtenir des explications-repartir avec une copie.
La question s’était posée notamment pour la consultation de copie d’examen des étudiants.
Avant, on ne pouvait avoir aucune explication, même pas de motivation.  Aujourd’hui il y a une cote,
des explications supplémentaires et une motivation, et possibilité d’une prise de copie, à certaines
conditions.

La procédure est assez simple, on demande par écrit ou oralement, les documents qu’on veut consulter.
L’autorité répond dans les 30 jours (délai qu’elle peut prolonger de 15 jours  = 45 jours en total). Au
bout du compte, soit elle communique les documents, soit elle refuse de les communiquer, soit elle se
tait et l’absence de décision équivaut à un refus (refus tacite).
En cas de refus, l’autorité doit se justifier. De plus, il faut rappeler que l’accès aux documents
administratifs est le principe, et les motifs de refus sont l’exceptions  donc les exceptions
s’interprètent de manière restrictive.
Quelles sont ces exceptions ? Elles sont énumérées à l’art. 6 de la loi.

Exceptions absolues.
Il faut commencer par l’art. 6 §2.
Les exceptions absolues sont celles qui s’appliquent d’office, à toutes les administrations du pays, et ces
exceptions – si elles sont présentes – obligent l’autorité à refuser la demande.
 Refus de la demande d’office  il n’y a pas lieu de faire une balance des intérêts.

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Droit administratif

Pour quels motifs ? Notamment,


1. si la publication-communication du document administratif porte atteinte à la vie privée d’une
personne (SAUF si celle-ci a donné son accord à la publication du document),
2. d’autre part si ça touche à une obligation de secret instaurée par la loi (p.ex. : je voudrais
connaître les consultations juridiques données au CM par des avocat pour justifier les mesures
Covid ; la relation entre l’avocat et son client est une relation couverte par la confidentialité 
c’est garanti par le droit pénal ; donc je ne peux pas demander les consultations),
3. également le secret des délibérations du gouvernement fédéral ou des autorités responsables
des pouvoirs exécutifs fédérés (je ne peux pas avoir les délibérations du comité de de
concertation),
4. ou encore les informations qui touchent aux habilitations de sécurité (ce qui touche à la
protection nucléaire, sécurité contre le terrorisme etc.).
C’est une exception obligatoire-absolue, en ce que, si l’autorité constate qu’un de ces quatre intérêts
risque d’être atteint, l’autorité doit refuser la communication du document (et l’expliquer).

Exceptions obligatoires relatives.


Relatives, on entend qu’elles protègent des intérêts relevant de la compétence fédérale, mais il y a lieu
pour l’autorité de faire une balance pour voir si l’intérêt de la publicité l’emporte ou non sur la
protection d’un intérêt conçurent.
Quels sont ces intérêts concurrents ? Par exemple les libertés et droits fondamentaux des administrés,
les relations internationales fédérales de la Belgique, l’ordre public ou la défense nationale, un intérêt
économique/financier, etc.
JURISPRUDENCE : cas où l’autorité a eu raison, CE, n°205.404, 17 juin 2010, sprl Piout : la Sprl fait l’objet
d’une enquête fiscale. Il y a eu une dénonciation d’un ancien employé, qui a dénoncé des turpitudes au
sein de l’entreprise qui l’employait.
On fait des recherches, des descentes fiscales, etc. et la Sprl veut avoir accès au dossier administratif, ce
qui est son droit. Mais, on le lui refuse…  + la Sprl va en recours devant le Conseil d’État.
L’administration dit qu’elle refuse, parce que l’intérêt à la publicité ne l’emporte pas sur la protection de
l’ordre public, la protection notamment aussi de la personne qui a communiqué des informations à titre
confidentiel, qui a dénoncé un fait punissable ou supposé tel.
Et pourquoi ? Parce que si la Sprl a connaissance de la personne qui a dénoncé les faits, le Conseil d’État
ou l’autorité avec l’aval du Conseil d’État, dit : « il risque d’y avoir des représailles à l’égard des
personnes concernées, on va lui crever ses pneus, griffer ceci, etc. ».
L’administration a dit : l’intérêt pour la Sprl de connaître tout le dossier administratif, savoir qui a déposé
plainte, ne l’emporte pas sur la protection relative de la personne qui a donné l’information et l'ordre
public (si représailles).

CE, n°232.974, 20 novembre 2015, Fautré et Demblon : ce sont des manifestants anti-mondialisation,
qui font l’objet de mesures d’encadrement par la police. On craint qu’il y ait du grabuge. Fautré et
Demblon voudraient avoir accès aux plans d’encadrement des manifestations. On le leur refuse. Le
Conseil d’État l’a considéré comme justifié, en disant que ce sont des informations sensibles ; que dans la

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Droit administratif

balance des intérêts, si elles étaient rendues public, on ne pourrait plus faire d’organisation comme on le
fait maintenant, et qu’en réalité, les plans des policiers seraient directement déjoués par des contre-
manifestants, etc.,  et donc : refus de communication.

D’autres fois, l’autorité procède à mauvais escient de la balance des intérêts et refuse de communiquer
des documents, notamment arrêt du 13 octobre 2017, où des communes souhaitaient connaître des
informations sur des dégrèvements fiscaux qui avaient été consentis. Les personnes morales paient des
impôts à l’état fédéral, et il y a des centimes additionnels qui sont reversés aux communes. Sauf que, si
l’autorité fédérale consent des dégrèvements, des abattements fiscaux, reconnaît à des sociétés qu’elles
doivent moins payer, forcément les centimes additionnels sont moindres également.
La question qui s’est posée dans un litige commune-État fédéral, est de savoir si les communes avaient
un droit de regard, d’accès aux documents administratifs concernant les dégrèvements, ou les agents du
fisc pouvaient opposer le secret professionnel dont ils disposeraient.
Le Conseil d’État a statué, en disant que c’était la transparence qui devait l’emporter  les communes
intéressées doivent pouvoir vérifier la régularité des dégrèvent, comprendre pourquoi on a moins taxé
ces sociétés-là, et pourquoi donc elles paient moins de centimes additionnels à la commune.
Le refus d'expliquer les dégrèvements en tant que tel, est contraire à la transparence administrative dans
cette balance des intérêts !

Exceptions facultatives.
Art. 6 §3 : ça concerne toujours l’autorité fédérale.
Exceptions pour différents motifs qui sont énumérés de manière exhaustive : le document peut être
source de méprise car inachevé, incomplet, le document a été confidentiellement communiqué à
l’autorité, la demande est manifestement abusive, la demande est formulée de manière trop vague (tous
les documents relatifs à la rémunération de tous les agents de l’état). L’autorité peut refuser la
communication si c’est vague-abusif-excessif-confidentiel, MAIS elle doit avoir de bons motifs pour le
faire, si elle n’en a pas, elle sera sanctionnée.
EXEMPLE : CE, n° 212.547, 7 avril 2011 : Test achat avait voulu obtenir des données de la part des
hôpitaux, sur le taux de respect des règles sanitaires, notamment en matière de lavage des mains. Test
achat savait que le SPF santé publique disposait d’informations fournies par les hôpitaux, quant aux taux
de respect des bonnes pratiques en matière de lavage des mains par le personnel médical, les hôpitaux
font des statistiques là-dessus pour étudier les incidences que ça peut avoir.
Test achat voulait ces informations peut-être pour faire un hitparade des hôpitaux les pires, toujours est-
il le SPF a refusé de fournir ces informations. Même si sur ce point-là on peut comprendre le SPF, il a tort
en droit, il n’a invoqué aucun motif obligatoire ou même facultatif pour justifier le refus de
communication de ces données. Celles-ci doivent être communiquées !
 Test achat assumera ses responsabilités, s’il rédige un article mal écrit, peu objectif, qui cause
grief à l’un ou l’autre ; c’est son problème, pas celui de l’État.
 Ce n’est pas le rôle de l’État de refuser l’accès à ces documents administratifs. Le CE a sanctionné
le refus de communication.
En cas de refus, quelle est la procédure ? On demande à l’autorité de reconsidérer sa position, tout en
saisissant une commission spécialisée pour avis, la CADA (Commission d’accès aux documents

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Droit administratif

administratifs). La CADA donne son avis dans les 30 jours, à défaut (=si son avis est tardif), il est négligé.
Son avis dira si l'autorité a bien ou mal fait de refuser l’accès au document.
Après l’avis de la CADA, l'autorité se prononce. ( !! ) Elle n’est PAS tenue de suivre l’avis de la CADA, mais
celui-ci pèse quand même lourd (surtout si la CADA dit qu’il faut communiquer le document et qu’on ne
l’a pas fait). Contre la décision de l’autorité, après l’avis de la CADA, il y a le Conseil d’État (  possibilité
d’intenter un recours). Devant lui, il ne faut pas justifier d’un intérêt particulier non plus.

d) Petit bilan de cette législation


Deux remarques supplémentaires : le droit à la transparence administrative permet aussi le droit de
rectification (art. 7). Le droit de rectification porte sur les données qui sont erronées, incomplètes,
inexactes  on peut en demander une rectification.
Que penser de cette législation ? La transparence administrative est un outil puissant pour le citoyen,
pour faire valoir ses droits et pour agir devant le juge que si le besoin l’est véritablement.
 La transparence évite qu’on saisisse le juge uniquement ad exhibendum, pour exhiber le
document.
Le but dans le passé, c’était parfois d’agir en justice pour pouvoir consulter le dossier, mais
constater qu’au final le dossier tenait la route, c’était absurde.
Aujourd’hui démocratiquement, la publicité offre un avantage indéniable : il y a un droit de
regard sur l’administration  elle n’est plus une maison opaque, mais n’est pas pour autant une
tour de verre. L’administration sait qu’elle pourrait être contrôlée  elle ne peut se retrancher
derrière un secret ; elle doit spontanément s’expliquer, se justifier, sachant qu’elle doit montrer
des pièces. Ça la rend responsable vis-à-vis du public, pour lui rendre service et à son bénéfice,
elle doit admettre qu’elle n’a rien à cacher a priori, SAUF lorsque la loi lui fait injonction de
cacher ou l’invite à faire la balance des intérêts entre des intérêts contradictoires. Il n’y a PAS de
transparence absolue.

‘CONCLUSION’ : c’est un bilan positif, mais les procédures sont lourdes en cas de refus de
communication, et le recours devant le Conseil d’État prend parfois pas mal de temps. La publication du
document perd parfois de son intérêt quand le Conseil d’État rend (enfin) son arrêt des années plus tard
 les données sont dépassées, il y en a de nouvelles, etc.
 C’est inefficace, l’accès au moment le plus urgent, au moment de l’action serait bien plus
efficace.
 On peut se demander si on ne devrait pas introduire une procédure en référé ou en cessation
immédiate, pour statuer sur des refus abusifs de communication !

3° Le médiateur ou « ombudsman » (Voy. 2e partie du syllabus, sur les institutions fédérales et fédérées)

C. Les contrôles juridictionnels

96
Droit administratif

1° L’organisation constitutionnelle du contrôle juridictionnel de l’administration

a) Un constat de départ : le contentieux administratif est un contentieux « éclaté »


Il faut comprendre la manière dont le contentieux administratif est organisé par la Constitution. 1 er
constat de départ : le contentieux est éclaté.
En France, il existe un ordre organisé de juridictions, de tribunaux et de cours et à côté de ça, il y a le
Conseil d’Etat. On voit là une de pyramide de juridictions administratives.
 Chez nous, il y a un système dualiste qui a été mis en place, tant les juges de l’ordre judiciaire, que les
juges administratifs (notamment le Conseil d’État et les autres juridictions administratives) sont
compétentes pour juger l’administration.
On trouve ces dispositions dans des articles importants :
- Const., art. 144 : les contestations relatives aux droits subjectifs de nature civile sont de la
compétence exclusive des cours et tribunaux de l’ordre judiciaire.
- Const., art. 145 : les contestations relatives aux droits subjectifs de nature politique sont aussi de
la compétence de principe des cours et tribunaux, mais le législateur peut confier le règlement
de ces contestations à d’autres juridictions (administratives).
- Const., art. 160 : crée le Conseil d’État, juridiction administration qui statue par voie d’arrêt et
donne des avis.
- Const., artt. 146 et 161 : permettent au législateur fédéral de créer des juridictions
administratives.
- Const., art. 158 : la Cour de cassation se prononce sur les conflits d’attribution entre le Conseil
d’État et les cours et tribunaux  elle vérifie qu’on respecte bien le partage de
compétence/d’attribution, entre l’ordre judiciaire et le Conseil d’État.

b) La théorie de l’objet véritable et direct du recours comme système général de répartition des
attributions juridictionnelles
Pour faire ce partage, la Cour de cassation a développé des théories sur ce qu’est un droit subjectif au
sens des articles 144 et 145 de la Constitution et sur la manière dont on départage les attributions entre
les juridictions. C’est la Cour de cassation qui a donné une démarcation entre la compétence des 2, et
parfois ça pose des difficultés au point que l’on peut s’interroger sur la pertinence de ce dualisme de
juridictions.

1 Le contentieux des droits subjectifs et le contentieux objectif


Tout d’abord, qu’entend-on par droit subjectif ?
- Les droits subjectifs civils = des droits organisés par le Code civil et les lois qui le complètent
(p.ex. : droits relatifs à la personne, relatifs au patrimoine, droit à la réparation, à la filiation, à la
propriété, etc.). Il s’agit de droits qu’on peut invoquer dans des relations interpersonnelles.
Toutes les contestations relatives à des droits civils sont de la compétence exclusive des cours et
tribunaux, MÊME quand il y a une autorité administrative qui est en face.

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Droit administratif

 La Cour de cassation l’a affirmé dans Cass., arrêt Flandria, 5 novembre 1920 : c’est la NATURE du
droit qui importe pour justifier la compétence du juge judiciaire  ce n’est pas la qualité des
parties en cause : cette dernière est indifférente à la compétence du juge judiciaire !

- Les droits subjectifs politiques ont trait à la participation active des citoyens (droit de payer les
impôts dans la mesure déterminée par la loi, accès à la fonction publique, voter et être éligible,
bénéficier des avantages que procure l’État, etc.). Toutes les contestations relatives aux droits
civils politiques sont aussi de la compétence de principe des cours et tribunaux de l’ordre
judiciaire, SAUF si le législateur désigne un autre juge (administratif) !

A côté de ça on a le contentieux objectif. Le contentieux objectif ne statue pas sur l’étendue d’un droit
ou sur la nature d’un droit. Le contentieux objectif traite de la légalité d’un acte administratif, sa
compatibilité/conformité avec les règles de droit objectif qui sont supérieures. Autrement dit, le procès
n'est pas fait à une personne mais à un acte. Il suffit d’avoir un intérêt à agir  pas besoin d’un droit
subjectif pour pouvoir agir devant le Conseil d’État !

Cette répartition des attributions doit être nuancée, en raison de la réforme de l’art. 144, Const. en
2012.
 On a ajouté un « toutefois » : toutefois la loi peut, selon les modalités qu’elle détermine,
habiliter le Conseil d’État ou les juridictions administratives fédérales à statuer sur les effets civils
de leur décision.
Qu’est-ce qu’on entend par « effets civils » ? En réalité, on s’est rendu compte que le système dualiste
avait pour effet que, celui qui obtenait l’annulation d'un acte administratif devant le Conseil d’État,
n’obtenait PAS toujours complète satisfaction.
Pour obtenir la réparation de son dommage, vu l’art 144, al. 1 Const., on ne pouvait agir que devant les
cours et tribunaux dans le cadre d’un nouveau procès.
L’administration fait un procès devant le Conseil d’État et obtient annulation de l’acte. Pour obtenir une
réparation pécuniaire, elle doit le faire devant les cours et tribunaux.
Est-ce conforme au principe d’économie des procédures ? Ne fallait-il pas mieux permettre au Conseil
d’état d’aussi se prononcer – dans la foulée de son annulation – sur les conséquences des effets civils de
la décision qu’il a annulée ?
 Autrement dit, on a modifié l’art. 144 en faisant une entorse à cette séparation de départ
(contentieux subjectif  cours et tribunaux  contentieux objectif  Conseil d’État), par souci
d’économie.
Il est permis qu’une loi habilite le Conseil d’État à statuer sur les effets civils de ses décisions, les
conséquences de l’annulation qu’il prononce.
Et c’est ce qu’on a fait  en complétant les LCCE par l’art. 11bis LCCE : celui qui obtenu
l’annulation d'un acte administratif devant le Conseil d’État, peut demander devant ce même
Conseil, une indemnité réparatrice (( !! ) ≠ des dommages intérêts ! Mais, c’est plus ou moins la
même chose). Il peut demander de l’argent, à charge de l’auteur de l’acte, s’il a subi un
préjudice suite à l’illégalité.

98
Droit administratif

Attention, s’il agit ainsi devant le CE, il ne peut PLUS agir en responsabilité civile pour obtenir la
réparation du même préjudice devant les cours et tribunaux  il y a un choix à faire, soit
l’indemnité réparatrice, soit les dommages et intérêts.

2 La jurisprudence de la Cour de cassation et du Conseil d’Etat relative à l’objet véritable et direct du


recours
Ceci étant précisé, comment a-t-on déterminé le partage entre la compétence du Conseil d’État, relative
au contentieux de l’excès de pouvoir – art. 14 LCCE (qui permet au Conseil d’État d’annuler les actes
administratifs individuels ou réglementaires entachés d’illégalité) – et l’existence du pouvoir judiciaire.
Au début, quand on a créé le Conseil d’État en 1946, on pensait qu’il n’y avait AUCUN conflit possible ;
on avait l’idée que c’était deux choses radicalement différentes. Le contentieux des droits subjectifs
n’avait jamais appartenu au Conseil d’État et ne lui était pas confié, et la compétence de contrôler la
légalité des actes administratifs n’était pas exercée par les cours et tribunaux. On ne songeait pas à l’art.
159, Const. C’était un contentieux purement objectif  on n’invoque pas la violation d’un droit
subjectif pour le saisir, il suffit d’un simple intérêt, l’intérêt à faire assurer le respect de la légalité par
l’administration.
Et donc le Conseil d’État, par un raisonnement analogue, recevait les requêtes lui demandant d’annuler
un acte administratif. On ne lui demande pas de faire respecter un droit subjectif !
 Et donc il a commencé à se saisir de requêtes, quand bien même l’annulation avait pour effet de
rétablir le requérant dans des droits pécuniaires, des droits subjectifs quelque part.
La Cour de cassation est rapidement intervenue, dès 1952, au titre de Const., art. 158, en rendant deux
arrêts de principe qui ont fixé le critère de partage.
Que disent ces arrêts ? On lit que le Conseil d’État n’est pas nécessairement compétent quand le recours
tend à l’annulation d’une décision administrative et ne comprend pas d’action en paiement. Bien qu’on
demande l’annulation d’un acte, le Conseil d’État n’est PAS nécessairement compétent, car il y a lieu, dit
la Cour de cassation, lors de l’examen de la compétence d’avoir égard à l’objet véritable et direct du
recours.
C’est une théorie prétorienne, inventée par la Cour de cassation, confirmée par plusieurs arrêts, et par le
Conseil d’État, qui a veillé à auto-limiter son champ d’application. En effet, la Cour de cassation est
supérieure au Conseil d’État  elle peut casser des arrêts du Conseil d’État, s’il s’est déclaré – à tort –
compétent pour connaître d’un litige alors qu’il porte sur des droits subjectifs, ou s’il s’est refusé à tort
de se déclarer compétent au motif qu’il pense qu’il y a un droit subjectif.

Le Conseil d’État doit se déclarer incompétent quand le requérant, même sous couvert d’un recours en
annulation, demande de juger sur un droit subjectif qu’il détient contre l’administration.
 Autrement dit, le Conseil d’État ne peut se contenter de l’objet formel du recours, de lire ce qui
est dans la requête  raisonnement : « on demande l’annulation d’un acte, donc je suis
compétent ». Le Conseil d’État doit qualifier l’objet du recours ; il doit regarder si l’objet
véritable du recours n’est pas un droit subjectif. Si c’est le cas, il doit se déclarer incompétent.
On reviendra sur l’objet véritable infra.

99
Droit administratif

L’objet véritable du recours.


Comment voir ce qui est l’objet véritable du recours ? 
- On regarde ce qui est demandé, le petitum.
- On regarde aussi si les moyens invoqués tendent à consacrer un droit subjectif, la causa petendi.
Les deux conditions sont cumulatives. Le Conseil d’État peut connaître d’un recours d’un acte qui refuse
d’exécuter une obligation de l’administration, s’il ne se prononce que sur des moyens de compétence ou
de forme (la causa petendi, ce n’est pas le droit subjectif  c’est le respect de la compétence ou de la
forme), mais le Conseil d’État doit regarder ce qui est demandé. On ne demande pas au Conseil d’État a
priori de l’argent, SAUF l’indemnité réparatrice. On ne demande pas au Conseil d’état d’être rétabli dans
son droit de propriété, dans un droit personnel contractuel par exemple, mais on peut demander
quelque chose qui touche à un de ces droits-là, pour autant que le moyen ne touche QU’À des règles de
compétence ou de forme.

Quand est-ce qu’il y a un droit subjectif ? Quand le droit objectif confère au citoyen le pouvoir d’exiger
d’un autre (une autorité administrative ici) un comportement déterminé. Ce droit, on l’a dans son
patrimoine, et l’autorité doit le respecter.
A-t-on des droits vis-à-vis de l’administration ? Oui, notamment quand celle-ci exerce une compétence
liée.
Rappel de la différence compétence liée  compétence discrétionnaire :
1. L’autorité dispose parfois d’un pouvoir discrétionnaire (la plupart du temps, d’ailleurs), c’est-à-
dire quand elle a une marge d’appréciation, qui lui permet de juger de la manière dont elle fait
usage de sa compétence, conformément à l’intérêt général, qui lui permet de choisir dans les
limites de la loi, une gamme de solutions, toutes régulières, également envisageables, p.ex.  :
délivrance d’un permis d’urbanisme, combien d’étages pour l’immeuble.
2. Par contre il y a d’autres situations où le droit objectif impose à l’administration une obligation
juridique déterminée. Les conditions dans lesquelles elle doit se décider, ne lui laissent que peu
de marge d’appréciation, voire aucune. Elle a une compétence liée  il n’y a qu’une
option/solution possible.

L’autorité doit constater la réunion objective des conditions énumérées ci-dessus, et en tirer des
conséquences déterminées par le droit objectif, SANS jugement d’opportunité, p.ex.  : la fixation du
barème des agents  ce n’est pas l’autorité qui décide discrétionnairement ; il y a des règles (âge,
diplôme, etc.), comme l’octroi de subsides ou les sanctions en matière disciplinaire.

On ne peut donc PAS demander au Conseil d’État la protection d'un droit subjectif, notamment pour
l’annulation d'un acte individuel qui porte atteinte à ce droit subjectif. On peut le faire quand on dirige
son recours contre un règlement, parce que l’annulation d’un règlement n’a pas pour objet de protéger
ses droits subjectifs propre.
En agissant au bénéfice de tous ceux qui sont soumis au règlement, c’est plus large  on peut agir
devant le Conseil d’État, qui peut annuler le règlement, ce que ne peuvent pas faire les cours et
tribunaux. Contre un règlement, on ne peut pas invoquer un droit subjectif et le Conseil d’État ne se

100
Droit administratif

déclare pas incompétent. C’est contre l’annulation d’un acte individuel qu’il peut y avoir enjeu de droits
subjectifs. Il faut voir l’objet véritable.

L’objet direct du recours.


Le Conseil d’État doit voir si l’objet véritable n’est pas un droit subjectif, car il est clair que l’annulation
d’actes administratifs peut avoir des effets directs sur les droits subjectifs.
Un agent public qui proteste contre une sanction disciplinaire pécuniaire, c’est un enjeu des droits
subjectifs  si on lève la sanction, il retrouve son salaire  l’annulation de la mesure aura un effet sur
son traitement, mais il s’agit d’un effet indirect : ce qu’il veut, c’est contester la proportionnalité, la
régularité de la sanction. L’objet direct du recours, c’est bien l’exercice de l’autorité de son pouvoir
discrétionnaire d'appréciation, qui modifie la situation administrative de l’agent (même si ça a un impact
également pécuniaire sur son traitement). Dans ce cas-là, le Conseil d’État reste compétent, car c’est
l’objet véritable et direct.

Sur la base de ces principes, il y a toute une jurisprudence où le Conseil d’État se déclare incompétent
sur, par exemple, la rupture fautive d’un contrat de travail, pour une réclamation d’indu, des litiges sur
des traitements, des subventions, primes, subsides, etc.
Il y a pas mal de jurisprudence du CE et de la Cour de cassation à ces sujets, car il existe pas mal
d’hésitations.
EXEMPLE : clause d’un acte de vente d’immeuble acheté par une commune, des contestations sur le
droit d’être inscrit sur le registre de la population, etc.  ce n’est pas du ressort du Conseil d’État.
Quand il y a, à l’inverse, un pouvoir discrétionnaire d’appréciation, qu’il n’y a pas de droit subjectif, le
Conseil d’État est compétent, notamment pour un permis d’urbanisme, par exemple.

Il y a des divergences et/ou des hésitations dans la jurisprudence :

CE, n°211.468 du 23 février 2011, saga Rütter : M. Rütter est un policier qui procède, en tant que
policier, à un contrôle de police (contrôle d’identité). C’est son droit de le faire. Le contrôle a lieu, mais
voilà que, quelques mois plus tard, alors qu’il n’est pas en service, il croise les personnes qu’il a
contrôlées et ces personnes le battent et le blessent suffisamment fort pour qu’il ait une incapacité de
travail (au point même qu’il arrête de travailler complètement et qu’il demande de bénéficier d’une
indemnité particulière, une prime d’aide aux agents en service, victimes d’actes de violence).
REMARQUE : être policier est un risque et pour les encourager, on leur octroie une prime en cas de
violence qui leur cause un dommage pendant leur service.
M. Rütter demande cette prime, sauf qu’on lui dit qu’il a été victime quand il n’était pas en service. Il
considère que la décision est injuste et il suit ce qu’on lui dit  il attaque le refus d’indemnité devant le
Conseil d’État. L’auditeur du Conseil d’État, qui donne un avis, dit que le Conseil d’État n’est pas
compétent, il s’agit d'un droit subjectif.
 Le Conseil d’État, quant à lui, n’est pas du même avis que son auditeur et tranche qu’il est compétent.
Cependant, il pose d’abord une question préjudicielle à la Cour constitutionnelle, pour contrôler s’il n’est
pas discriminatoire de refuser les indemnités pour violences à un policier qui n’est PAS en service et de

101
Droit administratif

les accorder à un policier qui est victime des mêmes violences alors qu’il EST en service. (Autrement dit,
si M. Rütter s’était fait tabasser pendant le contrôle, il aurait été indemnisé, alors qu’ici non.)
C.C., n°05/2012, 11 janvier 2012 : la Cour constitutionnelle décide qu’il y a discrimination, s’il n’y a pas
d’indemnisation. L’affaire revient devant le Conseil d’État, qui se prononce sur le fond et qui décide
d’annuler le refus d’indemnité de M. Rütter (d’environ 50 000 euros).
CE, n°219.803, 18 juin 2012. Le Ministère de l’intérieur de l’état belge ne se laisse pas faire, et va en
cassation, sur base des art. 158, Const. et 33 LCCE, considérant que le Conseil d’état a excédé sa
compétence ; qu’il s’est prononcé sur un droit subjectif.
Dans un arrêt Cass., 8 mars 2013, la Cour de cassation casse la décision, considérant qu’effectivement,
M. Rütter s’est trompé de porte, il était question d’un contentieux de droits subjectifs civils  ce qui
relève exclusivement de la compétence des cours et tribunaux (Const., art. 144 et 145). Il s’est trompé
depuis le départ.
 Cette histoire est assez scandaleuse, d’où la note : l’étrangeté d’un voyage d’un justifiable égaré
au sein des hautes juridictions. Comment s’y retrouver ? On trouve d’autres exemples de
justiciables qui ne savent pas s’ils doivent aller au contentieux des droits subjectifs ou au
contentieux objectif. Notons que parfois, l’autorité elle-même ne le sait pas !

L’autorité a l’obligation d’indiquer les voies de recours. À défaut, le délai ne court pas ou du moins il
est allongé de 4 mois. On trouve des notifications avec indication de voies de recours qui sont soit
erronées (aller devant le Conseil d’État, alors que l’enjeu véritable est un droit subjectif), soit la
notification indique les 2 voies de recours (Conseil d’État et le Tribunal de 1 ère instance, notification
du genre à dire « débrouillez-vous »), ou même parfois on ne dit rien du tout, pour ne pas engager la
responsabilité (pour ne pas dire qu’il faut aller à droite, alors qu’en réalité, il faut aller à gauche).

Situation très compliquée qu’on rencontre souvent : devant quel juge faut-il agir (judiciaire ou
Conseil d’État) ?
Ce n’est pas facile du tout et on constate que le problème existe dans l’autre sens aussi  devant les
cours et tribunaux, l’enjeu véritable est la légalité d'un acte administratif, sans protection d’un droit
subjectif. Aucun droit subjectif n’est invoqué et il n’y a alors qu’un droit objectif qui relève de la
compétence du Conseil d’État.
Si on invoque un droit subjectif devant le juge judiciaire, on est recevable, mais il faut démonter qu’il
y a un droit subjectif en jeu, et on verra que dans l’affaire du bois de la Cambre, la commune d’Uccle
s’est vue opposer, dans son recours en référé contre la ville, que le juge civil n’était pas compétent  ;
qu’il n’y a pas de droit subjectif dans le chef de la commune et qu’elle aurait dû aller devant le juge
du Conseil d’État.

Comment s’y retrouver ? Certains font un procès des deux côtés  c’est catastrophique pour
l’économie des procédures. On a envie de dire « ça plaide pour le monisme, ça plaide pour un seul
juge »  au final, on s’en fout du juge, ce qu’on veut c’est être jugé ; c’est qu’un juge se prononce
sur le fond (qu’un juge se prononce ‘on the merits’).
Malheureusement, notre système n’est pas comme ça. Il a été renforcé dans son dualisme, car on a
consacré la constitutionnalité du Conseil d’État à l’art. 160 de la Constitution en 1994, et donc on vit

102
Droit administratif

avec ces deux ordres de juridictions – avec cette summa divisio entre le contentieux des droits
subjectifs et le contentieux des droits objectifs.
 Elle est problématique, pourquoi ?
Parce qu’il est rare qu’une compétence soit complètement discrétionnaire. Le plus souvent, le
pouvoir de l’administration est lié d’une manière ou une autre, mais il est rare aussi qu’une
compétence soit complètement liée.
 L’administration a toujours une marge de manœuvre. Entre ces deux pôles, il y a des
compétences plus ou moins liées ou plus ou moins discrétionnaires, et, la frontière entre
compétence liée/discrétionnaire est aussi la frontière entre droit subjectif et intérêt.
‘CONCLUSION’ : cette jurisprudence n’est pas facile à appréhender. Beaucoup d’avocats trébuchent.
Pour y remédier un peu, dans beaucoup de situations concrètes, le doute est permis sur la solution à
choisir.
C’est difficile de savoir si on a une condition objective exempte de tout pouvoir d’appréciation ou s’il y a
une condition appréciative qui entre en compte.
« La summa divisio s’apparente dans bien des cas à une summa confusio »  il faut bien réfléchir et
voir si on est dans un cas de compétence discrétionnaire ou liée.

c) Les interventions du législateur


À côté de ça, il y a aussi parfois des interventions du législateur. De temps en temps, il intervient pour
déterminer dans un contentieux lié à une action administrative, qui est juge. Il indique expressément un
juge, et il faut respecter cette indication.
Ce n’est pas le Conseil d’État qui est compétent dans ces cas-là, car il n’a là qu’une compétence
supplétive.
P.ex. : les litiges de droit du travail dans la fonction publique relèvent de la compétence exclusive des
Cours et tribunaux du travail. Les litiges en matière d’expropriation par l’autorité publique relèvent de la
compétence du juge de paix quand il s’agit de procéder à la prise en possession. Les litiges sur des
certificats relèvent de la compétence des tribunaux de l’entreprise. Les litiges concernant des droits civils
politiques et le contentieux fiscal ne vont plus devant le Conseil d’État (les règlements-taxes oui)  ces
recours vont exclusivement devant les tribunaux de 1 ère instance. Les litiges de sécurité sociale ou
d’accident du travail dans le secteur public vont devant les juridictions du travail.

On trouve aussi des juridictions administratives qui interviennent, par exemple le gouverneur de
province en matière de litige de contentieux électoraux communaux avec une compétence bien
spécifique du Conseil d’État au titre de l’art. 16 de sa compétence  c’est le Conseil d’État qui établit un
recours de pleine juridiction. Par contre, les litiges en matière de liste électorale sont de la compétence
des Cours et tribunaux.

REMARQUE : la Région flamande, insatisfaite de la manière dont le Conseil d’État se prononce dans
certaines affaires (trop de temps + pas assez pragmatique) a décidé de crée ses propres juridictions
administratives, notamment le Raad voor vergunningbetwistingen (Conseil du contentieux des
autorisations). Ce Conseil est une juridiction, crée par la Région flamande, avec ses propres magistrats, sa

103
Droit administratif

propre composition et il remplace le Conseil d’État, qui intervenait à l’époque au titre de juge de l’excès
de pouvoir.
Toutefois, la Région flamande a décidé de conserver le juge du Conseil d’État comme recours contre les
décisions de ses juridictions, mais en tant que juge de cassation administrative !! Le Conseil d’État
n’intervient pas au titre de l’art. 14, al. 1 LCCE mais bien au titre de l’art. 14 al. 2.
RÉFLEXION : la Région flamande pouvait-elle ainsi créer des juridictions administratives fédérées ?
C.C., n°08/2011 : la Cour constitutionnelle valide le mécanisme.
Certes la Cour constate que Const., artt. 144, 145, 146 et 161 réservent à la loi fédérale le droit de créer
des juridictions. ( !! ) MAIS, le mot « loi » entendu dans ce sens-ci, ce n’est pas le mot « loi » dans le sens
vertical, mais la loi dans un sens horizontal (loi VS décret-ordonnance).
A priori il y a excès de compétence de la Région flamande, dit la Cour constitutionnelle  elle ne peut
pas créer ses propres juridictions. Mais il y a le mécanisme prévu à l’art. 10 LSRI, c’est-à-dire les pouvoirs
implicites. La Cour constitutionnelle admet que, via les pouvoirs implicites, la Région flamande déborde
sur la compétence du pouvoir fédéral, qui lui est pourtant réservée. Ratio ? Les 3 conditions sont
réunies :
- Condition 1 : c’est nécessaire,
- Condition 2 : la matière se prête bien à un règlement différencié. Auparavant, il y avait déjà des
juridictions administratives spécialisées (tout le contentieux ne va pas directement au Conseil
d’État ; il peut y avoir passage par des juridictions administratives d’abord et donc on peut créer
des juridictions administratives fédérées),
- Condition 3 : l’impact n’est que marginal, car la compétence du Conseil d’État n’est pas
totalement évacuée (on garde la compétence du Conseil d’État à un autre titre, en tant que
juge de cassation administrative. Par conséquent, le Conseil d’État conserve un contrôle sur
l’action de la juridiction administrative flamande fédérée, et donc on est dans les conditions de
l’art. 10).

Tout ça pour dire que le CE est loin d’avoir le monopole de la compétence de juge l’administration.
1. S’il y a un droit subjectif il n’est pas compétent,
2. il peut y avoir des juridictions spécialisées qui ont été créés,
3. des juridictions fédérales qui reçoivent des attributions spécifiques.
4. des juridictions administratives fédérales ou fédérées qui ont pu être mises en place.
 Il faut bien regarder tout cela, pour voir qui est le juge compétent et le Conseil d’État doit
décliner sa compétence quand il est saisi à mauvais escient.
EXEMPLE : en Communauté française, on trouve la Commission de plainte des étudiants relatifs
à des refus d’inscription d’étudiants. Cette juridiction est une juridictions administrative
fédérée, mise en place par la Communauté française et dont les décisions sont contrôlées par le
Conseil d’État (pas d’intervention du Conseil d’État dans le cadre d’excès de pouvoir).

REMARQUE : question sur la protection du citoyen dans le cadre de le publicité active de


l’administration, notamment l’art. 2, 4° Loi 11 avril 1994  il faut indiquer la voie de recours dans l’acte,
et si elle n’est pas indiquée, la protection veut que le délai ne coure pas.

104
Droit administratif

L’idée du délai qui ne court jamais, ne renforçait pas, mais altérait la sécurité juridique pour
l’administration.

2° Le recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d’Etat


Ce recours est une des multiples compétences du Conseil d’État. En plus de ça :
- Le Conseil d’État donne aussi des avis par sa Section législation, sur des projets de lois, décrets et
ordonnances.
- Le Conseil d’État a aussi une fonction cassation administrative (art. 14 §2 LCCE),
- il a un contentieux de pleine juridiction en matière électorale (art. 16 LCCE) et enfin,
- il est compétent pour accorder une indemnité en équité en cas de dommage exceptionnel (art.
11 LCCE). Toutefois, c’est une compétence un peu tombée en désuétude, ( !! ) à ne pas
confondre avec l’art 11bis LCCE sur l’indemnité réparatrice (PAS en désuétude du tout).

La compétence du Conseil d’État au contentieux de l’excès de pouvoir est l’essentiel de sa mission, et


plus précisément, le contrôle de la validité des actes administratifs émanant des autorités
administratives.

a) Une compétence générale mais supplétive


On dit que la compétence du Conseil d’État est générale, MAIS supplétive !
Générale, parce qu’elle s’exerce à l’égard de TOUS les actes administratifs, de toutes les autorités
administratives. Mais elle s’efface cependant, en présence :
1) soit d’une compétence attribuée aux cours et tribunaux (quand on a des droits subjectifs),
2) soit d’une compétence attribuée à une juridiction administrative spécialisée ou juridiction
judiciaire spécialisée.
 C’est pour cette raison que la compétence du Conseil d’État est supplétive/subsidiaire.
Hormis ces cas où le Conseil d’État doit décliner sa compétence, il dispose d’une compétence générale
pour annuler tout acte administratif.

Le Conseil d’État statue par voie d’arrêt sur des recours en annulation. C’est un contentieux objectif qui
ne se prononce pas sur des droits subjectifs et a priori, la création du Conseil d’État n’a rien retiré aux
attributions des cours et tribunaux de l’ordre judiciaire.

b) Les actes des autorités administratives


Point très important : la détermination des autorités contrôlées par le Conseil d’état.
Le Conseil d’État contrôle les administrations (= les autorités administratives), mais, qu’entend-on par-là
? L’art. 14 LCCE ne définit pas la notion, or c’est très important : si l’auteur de l’acte n’est pas une
autorité administrative, le Conseil d’État n’est PAS compétent. De plus, le Conseil d’État n’a pas une
maîtrise totale pour déterminer qui est ou pas une autorité administrative.
Le Conseil d’état agit sous le contrôle de la Cour de cassation, gardienne de la relation des attributions
entre les juridictions administratives et judiciaires (Const., art. 158, combiné à l’art. 33 LCCE).

105
Droit administratif

Tantôt c’est la jurisprudence qui définit la notion d’autorité administrative, (mais c’est la Cour de
cassation qui a la dernier mot), tantôt c’est le législateur qui est intervenu pour étendre le champ
d’application de la notion d’autorité administrative.
Comment définit-on la notion d’autorité administrative ? On le fait autour de la théorie des trois cercles
d’autorités administratives.

Premier cercle
Il est défini positivement comme étant l’exécutif, et négativement : ce qui ne relève pas du pouvoir
judiciaire ou du pouvoir législatif.
C’est un cercle qui comprend toutes les autorités classiques, qui, selon un critère organique, dépendent
du pouvoir exécutif. Quelques exemples : le Roi, le gouvernement fédéral/fédéré, les OIP, les
fonctionnaires, les autorités locales (communes, provinces, intercommunales),…
L’ensemble de ces autorités ne constitue PAS le pouvoir législatif, NI le pouvoir judiciaire, et donc leur
activité est une activité administrative, réalisée par des autorités administratives.

Jusque-là, a priori pas de difficulté, quoi qu’on puisse se poser une question (concernant un exemple
d’une situation)  quid de la décision prise par le Ministre de la justice, qui refuse un congé
pénitentiaire. CE, n°218.010, 15 février 2012, Martin : l’affaire concernait Michelle Martin, condamnée
aux assises, qui purgeait sa peine et a demandé un congé pénitentiaire, qui lui a été refusé par le
Ministre de la justice.
Mme Martin fait un recours devant le Conseil d’État, qui s’est déclaré incompétent en estimant que,
même si ça émane du Ministre de la justice ( = que l’acte émane d’une autorité administrative), en
réalité la décision du Ministre, dans ce cas-là, est faite en tant qu’autorité qui prête son concours à
l’exécution d’une décision répressive  = plutôt à la fonction judiciaire. Par conséquent, le Conseil
d’État n’est pas compétent pour en connaître et donc Mme Martin a frappé à la mauvaise porte.
Ce n’est pas toujours évident, même pour le 1 er cercle  une autorité que l’on croit assurément
administrative, ne l’est pas forcément !
On n’inclut pas, dans le 1er cercle, les décisions administratives prises par les assemblées parlementaires
ou par les juridictions à propos de questions administratives sur leur personnel, la passation de marchés
publics, etc. On a estimé dans un 1er temps, que ces décisions ne relevaient pas du Conseil d’État, mais
ça a été remis en cause.

Deuxième cercle
Le 2e cercle est apparu par une situation un peu particulière, qui n’avait pas été envisagée  des
questions se posaient sur le statut de tous ces organismes qui gravitent autour de l’état, ces personnes
morales qui sont créées sous la forme de droit privé (ASBL, sociétés commerciales, etc.), mais qui sont
dépendantes à l’égard des pouvoirs publics, créés par eux.
Formellement, elles sont des organismes privés, mais elles sont liées organiquement au service public ou
elles accomplissent parfois même des missions de service public.
 Comment les situer, est-ce que ce sont des autorités administratives ?

106
Droit administratif

La question s’est posée dès 1948, CE, n°97, 3 juillet 1949, arrêt Bonheure : le Conseil d’État considère
que la SNCB est une société anonyme, mais c’est une autorité administrative, car elle est créée et est
contrôlée par l’État (critère organique) + elle a pour but de servir l’intérêt général (critère fonctionnel :
assurer le transport de marchandises et voyageurs).
La question s’est posée de la même manière pour la compagnie du chemin de fer du Congo, qui était
entièrement privée, mais qui tenait des actes (titres fonciers). On a estimé que c’était des actes émanant
d’une autorité administrative, car la compagnie a une activité/une fonction de service public.
C’est ainsi que le Conseil d’État a étendu son champ d’intervention, on lui demandait de plus en plus une
protection juridictionnelle contre les actes commis par ces organismes.
REMARQUE : on voit que la Cour de cassation intervient parfois, pour sanctionner le Conseil d’état,
quand il va trop loin dans l’utilisation du critère organique ou qui parfois, ne va pas assez loin en ne
retenant pas le critère fonctionnel.
Pour retenir un autre critère, finalement : le critère de savoir si la décision qui est prise, est obligatoire à
l’égard des tiers, du moins pour les personnes morales de droit privé.

En résumé : le Conseil d’État étend sa compétence par le critère organique ou un critère fonctionnel (il
entend les 2 de manière assez large), et il est d’abord arrêté par la Cour de cassation à propos du critère
organique.

A propos du critère des organes, la Cour de cassation dit, dans un arrêt Cass., chambres réunies, 14
février 1997, que, même si elle a été créée par une autorité administrative et est soumise au contrôle
des pouvoirs publics, une société anonyme n’est pas nécessairement une autorité administrative et le
fait qu’une mission d’intérêt général lui soit confiée est, à cet égard, sans pertinence.
La Cour de cassation ajoute que, ce qu’il faut = savoir si la société anonyme prend des décisions
obligatoires à l’égard des tiers  si elle n’en prend pas, elle ne perd pas son caractère privé.
La société est privée, mais elle est créée par les pouvoir publics. Le fait qu’elle a une mission d’intérêt
général est sans pertinence, et il faut en fait voir si elle prend des décisions obligatoires à l’égard des
tiers !!

Le CE a décidé alors, vu cet arrêt, de n’appliquer plus que le critère organique et il se déclare
incompétent à l’égard de certains organismes qu’il contrôlait auparavant, par exemple : les jurys de
l’enseignement libre (enseignement subventionné, p.ex. : St Louis).
Question : est-ce que les décisions des jurys relèvent de la compétence du Conseil d’État ? Au vu de
l’arrêt de 1997, le Conseil d’État dit non. Certes, il y a une mission d’intérêt général, mais St Louis n’a
aucun lien organique avec les pouvoirs publics  ça ne peut pas être considéré comme une autorité
administrative.
Le CE se déclare incompétent dans des arrêts de 2001 (concernant l’Institut St Luc).
Et voilà que la Cour de cassation sanctionne à nouveau le Conseil d’État, en disant que le seul fait qu’une
institution n’a pas un lien organique n’exclut PAS la compétence du Conseil d’État.
En effet, des institutions privées, mais agréées par les pouvoirs publics, peuvent prendre des mesures
obligatoires à l’égard des tiers. Elles peuvent déterminer de manière unilatérale des obligations à l’égard
des tiers et donc le critère fonctionnel doit jouer également, même si ce n’est pas lui qui est essentiel 

107
Droit administratif

ce qui compte = savoir la portée de la décision qui est prise, que ce soit par une institution
organiquement liée ou une institution privée.

Autrement dit, on a essayé de faire la synthèse de la matière, notamment dans un arrêt CE, n° 213.949,
17 juin 2011, à propos de la Haute-École Léonard de Vinci  = une histoire de marchés publics : la
compagnie qui est évincée fait un recours au Conseil d’état, estimant que son éviction et illégale.
La vraie question qui se pose d’abord, c’est « est-ce que la Haute-Ecole est une autorité
administrative ? » Dans cet arrêt, le Conseil d’État fait la synthèse, en disant qu'il faut distinguer d’une
part les personnes morales créées par les pouvoirs publics mêmes, sous une forme de droit privés aux
fins d’assurer une mission de service public, d’autre part il faut distinguer les personnes morales de droit
privé, nées de l’initiative privée, mais qui sont agréées ou contrôlées par les pouvoir publics, pour
assurer une mission de service public. Les premières sont partie intégrante de l’administration, elles
peuvent être qualifiées d’autorités administratives, même si elles ne prennent PAS de décisions
obligatoires envers des tiers, tandis que les secondes ne seront qualifiées d’autorités administratives
QUE si elles sont habilitées à prendre et lorsqu’elles prennent unilatéralement des décisions obligatoires
à l’égard des tiers.
 Donc : on a d’une part des personnes morales créées par les pouvoirs publics, qui sont toujours
des autorités administratives qui ont des missions de service public, et d’autre part des
personnes morales de droit privé, nées d’une initiative privée, qui peuvent être des autorités
administratives mais UNIQUEMENT pour les actes par lesquels elles lient les tiers.
Pour revenir à l’affaire de la Haute-Ecole et la SA Energis, on constate que la haute-école est une création
de différentes ASBL, contrôlées et subventionnées par la Communauté française  donc c’est la
seconde catégorie, MAIS : la décision d’attribuer un marché public n’est pas un acte obligatoire envers
les tiers !
La décision ne concerne QUE ceux qui ont participé au marché public et n’a pas d’autre effet.  Ici, le
Conseil d’État est incompétent.
 La SA devait agir devant les cours et tribunaux de l’ordre judiciaire, puisque la haute-école n’est
pas une autorité administrative dans ce cas-ci.
Dans quel cas alors y a-t-il une décision obligatoire à l’égard des tiers ?
P.ex. : les décisions prises, précisément, par le jury d’une université, qui est née d’une initiative privée,
comme St Louis.
Les décisions prises par St Louis à l’égard des étudiants d’octroi du diplôme lient les tiers, comment ? Par
mon droit d’être admis en master dans l’université de mon choix.
C’est obligatoire à l’égard des tiers, mon diplôme a une valeur juridique spéciale MÊME SI le diplôme est
délivré par une institution privée (St Louis), mais contrôlée par les pouvoirs publics. La décision a un
effet obligatoire à l’égard des tiers.
Une décision de refus aux examens de bac 1 pour des absences injustifiées, est-ce que ça lie les tiers ?
Selon Cass., 28 mars 2019 : non, elle n’est pas obligatoire.
 Elle a un effet sur l’étudiant, qui ne peut pas présenter l’examen, mais elle n’est pas obligatoire à
l’égard des tiers, puisqu’il peut toujours (éventuellement) être admis à un examen ailleurs  il
n’y a pas d’interdiction de participer à tout examen.

108
Droit administratif

‘CONCLUSION’ : il faut vraiment examiner chaque décision et sa portée, pour voir si on est dans le cadre
d’une décision qui lie ou pas les tiers et pour voir aussi si ont dans le cadre d’une personne morale créé
par les pouvoirs publics ou une personne morale d’initiative privée.

Ca n'est pas toujours simple, même s’il y a convergence sur ces critères, comme l’indique un arrêt C.C.,
n°131/2012, 30 octobre 2012, qui dit « l’art. 14 LCCE attribue au Conseil d’État le pouvoir de connaître
des recours en annulation d’une décision d’attribution d’un marché public prise par une autorité
administrative. Une ASBL ne peut être qualifiée d’autorité administrative que dans la mesure où elle
prend des décisions obligatoires à l’égard des tiers, si elle détermine unilatéralement ses propres
obligations vis-à-vis des tiers ou constate des obligations de tiers. L’attribution d’un marché public n’est
pas une décision créant des obligations à l’égard des tiers ».

Même s’il y a convergence dans la jurisprudence et dans l’application, ça n'est pas toujours si simple. On
peut reprendre l’arrêt, CE, n°225.637, 28 novembre 213, SA Decom, à propos d’un ASBL Gial : cette ASBL
Gial avait été créée par 3 entités publiques : la Région de Bruxelles-Capitale, la ville de Bruxelles et le
CPAS de la ville de Bruxelles (pour gérer l’informatique).
Un marché public est attribué, une société n’est pas choisie et celle-ci intente un recours devant le
Conseil d’État. Première question qui se pose : est-ce que Gial est une autorité administrative ? Elle est
créée par des pouvoirs publics  elle est dans la 1ère catégorie. A priori, elle assure une mission de
service public (gérer l’informatique pour les administrations locales). Le Conseil d’État s’estime
compétent ; il dit que c’est une autorité administrative, même quand elle passe un marché public, parce
qu’adopter une conclusion opposée permettrait à des organismes, qui sont les prolongements des
pouvoirs publics, d'échapper non seulement à la compétence du Conseil d’État, mais encore aux
diverses législations qui se fondent sur la notion d'autorité administrative. Quelle législation ?
Notamment la loi du 29 juillet 1991 sur la motivation des actes administration ou l'ordonnance du 30
mars 1995 de la Région de Bruxelles-Capitale relative à la publicité de l’administration.
La question est : « est-ce que Gial doit motiver ses décisions d’attribution, respecter la transparence
administrative ? », et : « est-ce que Gial est justiciable du Conseil d’État ? ».
Si on dit que Gial est une autorité administrative, la réponse est 3 fois oui.
 Si on dit que ce n’est pas une autorité administrative, alors elle ne doit pas motiver ; elle n’est pas
contrôlable par le Conseil d’État. Donc le Conseil d’État, pour éviter ça (= échapper à son contrôle), dit
que Gial est une ASBL qui est une autorité administrative.
La Cour de cassation casse cet arrêt dans un arrêt de 2014 : elle dit que le Conseil d’État devait constater
que l’ASBL Gial pouvait prendre des décisions obligatoires envers les tiers, ce qu’elle ne constate même
pas.
L’affaire revient devant le Conseil d’État, qui dit dans un arrêt 2014, que Gial est une ASBL créée en
l’absence de toute disposition législative ; son activité ne s’inscrit pas dans l’exécution de lois ou
règlements (c’est purement privé) ; ses statuts ne lui confèrent pas une parcelle de la puissance
publique ; il n’y a pas de contrôle de tutelle ; elle n'a pas de droits exorbitants du droit commun, lui
permettant de prendre des décisions obligatoires en général. Et donc, puisque l’attribution d’un marché
public n’est PAS un acte qui un effet à l’égard des tiers, il faut considérer au bout du compte que Gial

109
Droit administratif

n’est pas une autorité administrative, même dans une définition large de l’art. 14 LCCE 
conséquemment, le Conseil d’État n’est pas compétent !

Cette longue histoire pour dire qu’il faut regarder si la personne morale de droit privé, même créée par
une autorité administrative, prend un acte qui ressort de l’imperium dont elle est saisie. Donc il faut voir
s’il y a cet imperium ; s’il y en a un, alors le Conseil d’État est toujours compétent, et certainement pour
les personnes morales de droit public.  Pour les personnes morales de droit privé, c’est uniquement
pour les actes par lesquels ils lient les tiers et qui sont obligatoires à l’égard des tiers.

Troisième cercle
Le 3e cercle est défini par le législateur sous l’influence de la Cour constitutionnelle. Dans le 1 er cercle, on
exclut les actes adoptés par les assemblées parlementaires et par les juridictions, mêmes les actes de
nature administrative, par exemple : actes à l’égard du personnel, à l’égard des tribunaux  ces actes
échappent à la compétence du Conseil d’État.
Le personnel ou ceux qui fournissaient des services pour le service public judiciaire se retrouvaient sans
protection juridictionnelle. Quand ils voulaient aller devant le Conseil d’État pour contester la
nomination de quelqu’un ou l’attribution d’un marché public, il se déclarait incompétent en disant « non
ça émane du pouvoir législatif ou judiciaire, donc je ne suis pas compétent ».
Une question préjudicielle a été postée sur le caractère discriminatoire de cette jurisprudence  « est-il
normal qu’un candidat à un poste au sein d’une administration du parlement n’ait pas de droit de
recours pour contester la décision d’un concurrent, même chose pour un magistrat ? ». La Cour
constitutionnelle a considéré que l’absence de protection reconnue aux fonctionnaires des parlements
est contraire à la Constitution – est discriminatoire.
L’idée de sauvegarder la liberté d’action des élus est, certes, légitime, mais il n’y a pas de raison
d’empêcher les fonctionnaires qui travaillent au parlement ou ceux qui fournissent des marchés publics
par exemple, d’avoir eux aussi une protection juridictionnelle.
La Cour constitutionnelle (arrêt de 1996) a estimé qu’il y avait là une lacune et qu’il ne pouvait y être
remédié, que par une intervention du législateur. C’est lui qui doit assurer à la fois l’indépendance du
pouvoir législatif et l’indépendance du pouvoir judiciaire, mais aussi veiller à donner des garanties qui
travaillent pour eux.
 Le législateur s’est exécuté, en étendant la compétence du Conseil d’État aux actes
administratifs.
Art. 14 LCCE : la compétence du Conseil d’État est étendue aux actes administratifs relatifs aux marchés
publics et aux membres du personnel, pris par les assemblées ou leurs organes (p.ex. : les médiateurs),
ainsi que par les organes des juridictions (le Conseil d’État/la Cour constitutionnelle) ou encore le Conseil
supérieur de la justice.
Voilà une série d’instances qui, a priori, sont dans le giron législatif et judiciaire. Pour leurs actes
administratif, touchant aux marchés publics et aux membres de leur personnel, ils sont contrôlables.
 Ce sont des autorités administratives contrôlées par le CE.

110
Droit administratif

On a vu apparaître du contentieux. Exemple : le Parlement wallon devait désigner un nouveau greffier


(un greffier en chef, qui allait gérer l’ensemble du Parlement) et voilà qu’un candidat est évincé. Il va au
Conseil d’État. Première question : « est-ce que la nomination du greffier est un acte qui émane d’une
autorité administrative ? ». C’est un acte administratif, évidemment, mais est-ce qu’il émane d’une
autorité administrative (le Parlement wallon) ?
Réponse du Conseil d’État dans un arrêt de 2019 : « oui »  « S'il est exact que le greffier, par sa
fonction, est lié à l'activité politique et législative du Parlement wallon, il n'exerce pas en tant que telles
d'activités politiques ou législatives. Il n'est pas un organe politique du Parlement, il ne prend pas part au
vote des décrets ou des résolutions et ne fait partie d'aucune commission ».
 La compétence du Conseil d’État pour connaître d'un recours contre la nomination d’un greffier,
ne met PAS en cause l’indépendance qui doit être garantie au parlement.
Autrement dit, le parlement, dans ce cas-là, ne fait pas œuvre législative, il fait œuvre d’autorité
administrative, et pour ce genre de nomination de personne, le Conseil d’État est compétent.
( !!) Par contre, pour l’activité législative, c’est la Cour constitutionnelle qui est compétente !

Même chose pour le pouvoir judiciaire : est-ce que le procureur du Roi est une autorité administrative
quand il délègue la tâche de faire la liste des firmes qui pourront enlever les véhicules accidenter ou qu’il
faut déplacer ?
L’établissement de la liste relève-t-elle d'un acte administratif ? Oui.
Le procureur du Roi agit-il dans ce cas-là comme autorité administrative ? Oui.
De telles décisions n’ont PAS de lien avec les tâches d’enquêtes, ou d’exécution de décisions de justice.
 En réalité, l’établissement de la liste de dépanneurs est en lien avec un marché public et est donc de
la compétence du Conseil d’État en cas de litige.
REMARQUE : par contre quand le procureur du Roi prend des mesures disciplinaires à l’égard d’un
membre de son personnel, le Conseil d’État n’est pas compétent, parce qu’il y a un tribunal disciplinaire
spécifique, créé par une loi du 15 juillet 2013 (le Conseil d’État n’est pas compétent, car il y a une
juridiction spécialisée).

(ASTUCE ÉTUDE : la jurisprudence sur le deuxième cercle est la plus compliquée  bien relire !)

c) Les conditions de recevabilité


Pour agir devant le CE il faut satisfaire à des conditions de recevabilité, sur la capacité et l’intérêt à agir.

La capacité
La capacité juridique = les personnes physiques ont une capacité d’exercice de leurs droits quand elles
sont majeures  quand elles sont mineures, il faut respecter les règles de représentation inscrites dans
le Code civil.
 Pour les personnes morales de droit privé : elles doivent agir par l’intermédiaire de leurs organes
compétents pour agir en justice (CA, comité de direction, etc. ; ça dépend des statuts).
Même chose pour les ASBL  la loi de 1921 et même chose pour les pouvoirs publics. Par exemple : les
communes agissent par l’intermédiaire de leur collège communal, mais avec autorisation du Conseil

111
Droit administratif

communal pour agir devant le Conseil d’État.


Si les associations n’ont pas la personnalité juridique (p.ex. : comité de quartier ou syndicats), a priori ils
ne peuvent PAS agir – sauf certaines exceptions –, notamment pour les syndicats  dans la mesure où
ils interviennent pour la défense de leurs prérogatives, telles qu’elles résultent de la réglementation.
REMARQUE : ‘bonne nouvelle’ = les avocats ne doivent plus déposer la justification de leur mandat,
(art.19 LCCE) (= mandat at litem) (= présomption réfragable).

L’intérêt à agir
On pourrait se dire que, dans un recours de contentieux objectif, qui porte sur la légalité d’un acte, il
n’est pas nécessaire de justifier d’un intérêt à agir.  Toutefois, on a voulu exclure l’action populaire :
c’est l’action qui est intentée uniquement dans l’intérêt de la loi, sans qu’on doive justifier d’un intérêt
quelconque.
 Il est quand même requis de justifier d’un intérêt dans le chef du requérant.
S’il en dispose, son recours est recevable.
Qu’entend-on par l’intérêt à agir ? L’intérêt à agir provient du fait que l’acte qui est critiqué, affecte la
situation du requérant de manière défavorable  elle lui cause un grief et corrélativement, l’annulation
de l’acte procurerait au requérant un avantage = faire cesser le grief que lui cause l’acte.

Tout acte administratif ne pose pas nécessairement un grief, p.ex. : CE, n°232.420, 2 octobre 2015,
Province du Brabant Wallon : une nouvelle école secondaire avait été autorisée dans le Brabant Wallon
par la Communauté française (à Perwez) et voilà que la province s’insurge contre cette décision.
Pourquoi ? Elle considère que la création de cette école lui est préjudiciable (elle aussi, organise un
enseignement). Toutefois, le Conseil d’État dit qu’il ne voit pas comment la province pourrait avoir
intérêt. En effet, la province a pour mission de servir l’intérêt provincial et de veiller à ce qu’il y ait une
offre adéquate d’enseignement (offerte sur son territoire).  La province n’a PAS pour fonction de
concurrencer les autres pouvoirs organisateurs  elle n’a donc PAS intérêt à s’opposer à la création d’un
établissement provincial (d’une nouvelle école, in casu), qui vise à combler un manque d’établissement
scolaire. L’acte ne lui cause pas grief en tant que tel, et donc, le Conseil d’État déboute la province de son
recours.

Souvent les gens ont un intérêt suffisant. L’intérêt peut être matériel ou moral.
Il doit satisfaire à plusieurs conditions :
- l’intérêt doit être personnel,
- direct,
- certain,
- légitime, et
- actuel.
 C’est la jurisprudence qui a retenu ces critères. On l’illustre dans ce qui suit.

L’intérêt doit être personnel (1)


Il faut être personnellement affecté par une situation.

112
Droit administratif

On ne peut pas agir au nom de quelqu’un d’autre.


Exemple où ce n’est pas le cas : ceux qui distribuent de la presse publicitaire que l’on trouve dans les
boîtes aux lettres, qui peut faire l’objet de taxes communales. But : dissuader leur distribution.
Les distributeurs agissent en annulation de la taxe, et le Conseil d’État considère qu’ils n’ont pas d’intérêt
personnel, car ils ne sont pas débiteurs de la taxe, la taxe est due par l’éditeur responsable du papier
publicitaire, mais pas par les distributeurs.
L’intérêt personnel peut être entendu de manière large.
On y inclut aussi l’intérêt fonctionnel : le titulaire d’une fonction peut agir pour protéger les prérogatives
de sa fonction, p.ex. : un conseiller communal qui estime qu’une décision, qui a été prise par le Collège,
aurait dû être prise par le Conseil  a un intérêt fonctionnel à agir.
On a vu Vlaams Belang agir contre des mesures de régularisation de réfugiés, aux motifs que la mesure
ne devait pas être prise par le Gouvernement, mais devait faire l’objet d’une loi. Le Conseil d’État a
estimé qu’ils avaient un intérêt fonctionnel à agir en tant que député.

L’intérêt doit être direct (2)


Il doit être direct, dans ce sens que l’annulation doit procurer au requérant une satisfaction immédiate et
effective. Il ne peut y avoir une interposition d’un lien de droit entre l’acte attaqué et le requérant.
CE, n°210.685, 26 janvier 2011, Roucloux et Lequime : Uccle ; contrat d’une fabrique d’Eglise avec un
opérateur pour mettre sur son toit une antenne GSM, mais il y a des écoles juste à côté, et les parents
sont inquiets.
Ils assignent la fabrique de l’Eglise devant le Conseil d’État (ils contestent la décision de la fabrique
d’église de conclure le contrat). Le Conseil d’État dit que leur intérêt n’est pas direct, car l’antenne GSM
fait l’objet d’un contrat, mais aussi d'un permis d’environnement. Celui-ci doit émaner de la Région de
Bruxelles-Capitale (= autoriser l’exploitation de l’antenne).
 L’annulation de la décision de la fabrique d’Eglise NE PEUT PAS procurer une satisfaction
immédiate et effective, puisqu’il faut encore un autre lien de droit entre l’acte attaqué et le
requérant.
 Ce n’est que quand il y aura le permis d’exploitation de l’antenne, qu’on pourra attaquer devant
le Conseil d’État. Il considère que la seule décision de la fabrique d’église est impuissante en tant
que telle pour permettre l’exploitation, donc il n’y a pas d’intérêt direct.

L’intérêt doit être certain (3)


L’intérêt ne peut pas être éventuel, lointain ou hypothétique !
CE, n°247/562, 15 mai 2020 : la partie requérante habite Schaerbeek et elle conteste le programme de la
Région de Bruxelles-Capitale, qui approuve le développement d’un contrat de quartier durable. Ratio  ?
Elle considère que les développements prévus dans le contrat de quartier lui causent griefs.
Le Conseil d’État rejette le recours, en estimant que l’intérêt n’est pas certain ; pourquoi ?
Parce que, en réalité, le contrat de quartier nécessite d’une série d’actes subséquents (permis
d’urbanismes, expropriations…) et ce sont ces actes-là qui auront des conséquences sur l’aménagement
du territoire dans le périmètre concerné et qui pourraient éventuellement causer grief à la partie
requérante. Concernant le programme, ce n’est PAS le cas selon le Conseil d’État : il dit qu’il faut agir
plus tard  l’intérêt est incertain, trop hypothétique.

113
Droit administratif

L’intérêt doit être légitime (4)


Il doit être légitime, en ce sens qu’on ne peut pas assurer la protection d’une situation illégale, contraire
à l’ordre public ou aux bonnes mœurs.
CE, 236/128, 14 octobre 2016 : sur les nuisances aériennes.
Elles violent les normes de bruit à respecter, et l’autorité donnait une tolérance aux compagnies où elles
auraient dû être sanctionnées.
Les compagnies devaient respecter un nombre de décibels, mais on avait une tolérance de 6 ou 9
décibels même si la norme était violée.  La Ministre de l’environnement dit : « je mets fin à cette
tolérance, même si elle existe depuis 15 ans ».
Les compagnies aériennes font un recours contre cet acte administratif, mais le Conseil d’État les
déboute, en disant que, en réalité, la demande de suspension tend à permettre au requérant de
continuer à enfreindre la législation sur la lutte contre le bruit aérien. Leur intérêt revient à leur
procurer un permis de continuer à violer la norme sans être sanctionné.
 Un tel intérêt n’est pas légitime et ne peut fonder un recours au Conseil d’État.

L’intérêt doit être actuel (5)


L’idée veut que l’intérêt à agir doit exister lors de l’introduction du recours + il doit substituer pendant
toute l’instance, jusqu’à ce que le CE se prononce.
Il faut montrer que l’annulation garde toujours un sens, un effet utile pour le requérant. P.ex. : j’habite
Bruxelles le temps de mes études ; on construit un immeuble en face de chez moi  j’intente un recours
contre l’acte administratif qui autorise la construction, mais ensuite, je quitte mon kot, sans que le
recours n’ait été tranché. Le recours n’a plus d’effet utile pour moi ; l’intérêt a disparu  donc l’intérêt
n’est plus actuel.
On voit souvent, au fil du temps, des recours qui avaient un intérêt au départ, mais il disparait et parfois
l’intérêt disparait juste du fait de l’écoulement du temps, du délai instauré par le Conseil d’État pour se
prononcer.
( !! ) La jurisprudence du Conseil d’État a considéré que, lorsque la perte d’intérêt est due à la lenteur du
Conseil d’État à statuer – ce qui revenait à dénier le droit à un procès dans un délai raisonnable – dans
des arrêts d’assemblée générale assez récents (de 2018 et 2019), l’intérêt subsiste, (notamment si on a
demandé une indemnité réparatrice avant l’arrêt constatant l’irrecevabilité du recours).
L’indemnité, on peut la demander après une annulation par le Conseil d’État, mais on peut aussi la
demander d’emblée avec le recours en annulation ou en cours de procédure.
Même s’il n’y a plus d’intérêt contre l’acte administratif qui a produit ses effets (j’ai déménagé), j’ai
toujours un intérêt à obtenir le constat de l’illégalité de l’acte, aux fins d’entendre ensuite statuer sur la
demande d’indemnité réparatrice (= intérêt par ricochet).
Autre élément : avant, on estimait que le requérant ne pouvait pas perdre son intérêt lorsque la perte
d’intérêt ne résultait pas d’un acte qu’il avait lui-même accompli (le déménagement, par exemple) ou
résultait d'un acte qu’il avait négligé d’accomplir.
( !! ) Si c’est un acte qui lui est personnellement imputable, il perd son intérêt  si c’est purement le fait
d’un tiers, l’intérêt subsiste en tant que tel. (Il a fallu la CEDH pour le rappeler  par la suie, le CE s’est
incliné).

114
Droit administratif

Est-ce qu’il y a un intérêt particulier dans le chef des associations ?


Oui, les associations/personnes morales doivent agir en vue de leur intérêt collectif, en vue du respect de
leur objet social. Cet objet social ne peut être l’intérêt général.
Les associations doivent agir en vue de leur objet statutaire. On arrive à des situations où parfois, l’objet
statuaire est d’intérêt général, p.ex. : la défense de l’environnement, des droits de l’homme…
Comment faire alors ? La jurisprudence était assez stricte : elle exigeait que les associations ne puissent
agir que dans le cadre de leur objet social, pour autant que ce soit lié à une zone géographique
déterminée. Autrement dit, pour être plus concret, Interenvironnement Wallonie ne pouvait pas agir
pour les problématiques environnementales locales, si c’était une mesure générale pour la Wallonie, oui,
si ce n’était pas le cas, non.

 Cette jurisprudence est en train d’évoluer, parce que, sous l’influence de la Convention Aarhus, le
droit d’action en justice des associations doit être considéré comme présumé de la possibilité de
participation en droit interne, dans le cadre des évaluations d’incident.
 Plus clairement : puisque les associations de protection d’environnement peuvent participer aux
études d’incident, dans ses artt. 2.5, 6 et 9.2, la Conv. Aarhus vient dire que celui qui peut
participer, a un intérêt présumé à agir en justice ensuite.
Le Conseil d’État, dans différents arrêts, a entériné cette jurisprudence et a facilité l’intérêt à
agir des associations de protection de l’environnement. On trouve la même chose pour les
associations de protection des droits de l’homme, et aussi dans le Code judiciaire avec le nouvel
article sur l’action collective.
 Il y a une tendance à élargir le prétoire à des causes d’intérêt général, même s’il n’y a pas
d’action populaire !

Le recours doit être fait par quelqu’un qui est capable, qui a l’intérêt et dans un certain délai (= délai de
60 jours  question de sécurité juridique).
Ce délai court à partir de la publication pour les actes qui doivent être publié, à partir de la notification
de l’acte si l’acte doit être notifié à une personne (et en lui indiquant les voies de recours, art. 19, al. 2
LCCE). S’il n’y a ni publication, ni notification, mais qu’un tiers apprend quelque chose, il agit dans les 60
jours à partir de la connaissance de l’acte, et c’est à lui de démontrer quand il a pris connaissance. Si
c’est contesté par la partie adverse, c’est à elle de rapporter la preuve.
( !! ) Il faut rappeler aussi que la procédure de médiation permet aussi de SUSPENDRE ce délai de 60
jours (≠ l’interrompre), et si la médiation n’aboutit pas, le délai reprend son court.

d) Aperçu de la procédure (en bref)


La procédure est réglée par un arrêté du régent de 1948, c’est le règlement de procédure.
Cette procédure est contradictoire, écrite et inquisitoire et parfois très formaliste ( pleines
d’embûches).
Elle est contradictoire et écrite, car les parties s’échangent des écrits de procédure ; les arguments
doivent être mis par écrit ; les plaidoiries se réduisent au minimum ; de moyens de droits doivent être

115
Droit administratif

exposés dans la requête et celle-ci ne peut être complétée par la suite, SAUF par de nouveaux moyens
(issus du dossier administratif ou d’ordre public).
 Ces moyens écrits sont très importants, car ils fixent le cadre.
Ce n’est PAS parce qu’on a des moyens, qu’ils sont nécessairement tous recevables. Il y a une différence
entre l'intérêt au recours et l'intérêt au moyen.
L'intérêt au recours ne dépend pas de l'intérêt au moyen ; l'intérêt au moyen est à examiner au regard
de chaque moyen qui est formulé.
Autrement dit, un requérant n’est autorisé à invoquer des moyens que si le moyen (le grief) lui a causé
grief (1), que si ça a une influence sur le sens de la décision prise (2) et que si ça l’a privé d’une garantie
ou si ça touche à une compétence de l’auteur de l’acte (3).
On a voulu réduire l’invocation de n’importe quel moyen par n’importe qui  on a voulu éviter que,
pour n’importe quelle inégalité, le Conseil d’État annule quelque chose, alors que ça ne procure pas
forcément un avantage au requérant ou que le moyen qu’il invoque, ne lui a causé aucun grief à lui.
P.ex. : enquête publique. Dans mon quartier, un nouveau projet se développe. L’enquête publique a lieu
dans ma rue, les affiches sont placées, etc. Mais, je constate que les affiches auraient aussi dû être
placées deux rues plus loin. Ce n’est pas le cas.
Je ne peux pas invoquer l’illégalité devant le Conseil d’État de l’enquête publique, aux motifs que les
affiches auraient dû être placées plus loin. J’ai un intérêt au recours évidemment, mais je n’ai pas
d'intérêt à invoquer ce moyen-là, car il ne m’a pas causé grief (dans ma rue, les affiches ont bien été
placées), je n’ai pas d’intérêt au moyen. On veut éviter des annulations pour des motifs formels, qui ne
sont pas nécessairement invoqués par les personnes concernées.

La procédure est inquisitoire, parce que c’est le greffe du Conseil d’État qui règle la procédure. Devant
les juges judiciaires, ce sont les parties qui décident ou pas de poursuivre la procédure. Ici, c’est le greffe
qui notifie les documents, qui fait courir les délais. Les magistrats disposent d’un pouvoir d’enquête et
d’instruction. Le Conseil d’État peut sommer une partie de déposer les pièces d’un dossier administratif
qui serait incomplet, il peut imposer des astreintes, etc. En bref, le Conseil d’État est un moteur lui-
même de la procédure, même si les parties peuvent se DÉSISTER de leur recours.
On ne renvoie PAS d’affaires au rôle comme devant le juge judiciaire, la procédure est donc inquisitoire.

La procédure est semée d’embûches, parce que, si l’on ne respecte pas le délai ou les formes prescrites
pour déposer des écrits de procédure, il y a des sanctions radicales  il faut connaître les étapes.

Etape 1. La requête en annulation. Elle doit être introduite dans les 60 jours, à défaut d’irrecevabilité.
La requête doit comporter un exposé des faits et des moyens d’annulation. Les moyens présentés
ultérieurement sont rejetés pour cause de tardiveté, SAUF s’ils sont d’ordre public !
Même les moyens d'ordre public ne sont pas tous nécessairement recevables à n’importe quel stade de
la procédure, s’ils :
- sont invoqués tardivement (ce qui est déloyal procéduralement), et
- s’ils ont pour effet d’altérer le déroulement normal de l’examen du recours.
Le but = que le cadre soit tracé d’emblée, le plus complètement possible. Il ne faut oublier aucun moyen
 sinon on ne peut rétablir la situation, (sauf parfois pour les moyens d’ordre public oui et encore, à

116
Droit administratif

certaines conditions).

Etape 2. Ce recours en annulation, le greffe le notifie à la partie adverse, qui est l’autorité
administrative. Elle a 60 jours pour déposer un mémoire en réponse, et déposer le dossier administratif.
Si le mémoire en réponse est déposé après 60 jours, il est écarté des débats, et si le dossier administratif
n’est pas déposé dans les 60 jours, les faits, tels que relatés par le requérant, sont réputés prouvés, à
moins qu’ils soient manifestement inexacts (présomption de véracité) !
 On veut sanctionner la partie adverse qui traine, tant pis pour elle.

Etape 3. Ensuite, la balle revient dans le camp du requérant, qui doit déposer, dans les 60 jours de la
notification du mémoire en réponse, un mémoire en réplique (ou un mémoire ampliatif, pour amplifier
sa requête s’il n’y a PAS de mémoire en réponse). Dans tous les cas, il doit le faire. S’il ne le fait pas dans
les 60 jours, il est présumé se DÉSISTER et de ne plus avoir d’intérêt.
L’idée = si dans les 60 jours, au vu du mémoire en réponse, le requérant ne dit plus rien, il est présumé
perdre son intérêt et le recours est rejeté d’emblée.

Etape 4. Si tout est respecté, le dossier est envoyé à l’auditeur (corps de magistrats sélectionné après
concours) qui donne un avis sur le sort à réserver sur un dossier. Attention, l’auditeur ne juge PAS  il
est comme un avocat général à la Cour de cassation : il donne un avis.
L’auditeur n’a pas de délai de rigueur ( parties), mais sa réponse tombe souvent dans les 6 à 12 mois.
En fonction du contenu du rapport, l’auditeur fera adresser son rapport à la partie à laquelle il donne
tort. S’il conclut au rejet du recours, le rapport sera adressé à la partie requérante  s’il conclut à
l’annulation, son rapport sera d’abord envoyé à la partie adverse (auteur de l’acte, puisqu’il
recommande qu’on l’annule).

Etape 5. Que font les parties qui reçoivent le rapport en 1 er ? Elles ont un délai de 30 jours,
- soit pour s’incliner (« tant pis, je laisse tomber mon recours ou bien je laisse mon acte se faire
annuler »),
- soit elle dépose un dernier mémoire, pour dire que, malgré le rapport, elle persiste et elle va
contester le point de vue de l’auditeur dans un dernier mémoire.
SANS dernier mémoire, c’est une procédure accélérée pour conclure l’affaire, au seul vu du rapport de
l’auditeur (annuler ou rejeter).

Etape 6. Si un dernier mémoire est déposé, alors l’autre partie prend connaissance du rapport de
l’auditeur et du dernier mémoire qui constate le rapporte, et dépose à son tour, dans les 30 jours, un
dernier mémoire pour réfuter le dernier mémoire de la partie adverse. Là aussi : délai strict de 30 jours,
et écartement en cas de tardiveté.

Etape 7. Puis, les parties attendent d’être convoquées par le Conseil d’État pour une audience. Pas de
délai de rigueur. À la fin de l’audience, l’affaire est prise en délibéré  l’auditeur rend (une fois de plus)
son avis (il peut changer d’avis) et les parties attendent l’arrêt du Conseil d’État. Les arrêts tombent assez
rapidement (souvent un projet d’arrêt est préparé par le Conseil d’État).

117
Droit administratif

Les délais sont stricts et calculés selon des règles assez simples, dies a quo non computatur et dies ad
quem computatur, c’est-à-dire que le délai est calculé en n'incluant pas le 1er jour, et jusqu’au jour
d’échéance (compris dans le délai), SAUF si le délai expire un samedi/dimanche/jour férié. Dans ces cas-
là, l’échéance est reportée au 1er jour ouvrable.
‘ASTUCE’ : toujours noter le délai dans son agenda avec 1 jour de moins, pour être sûr de ne pas rater le
délai.

Voilà pour la procédure qui aboutit à un arrêt de rejet ou d’annulation.


- Arrêt de rejet : le requérant a eu tort  l’acte n’est pas annulé et le requérant doit payer
quelques dépends (indemnité de procédure). Ça ne veut PAS dire que l’acte est complètement
valable  il peut encore être contesté devant les cours et tribunaux, via Const., art. 159.
- Arrêt d’annulation : celui-ci opère avec effet rétroactivité  l’acte est censé ne jamais avoir
existé/produit d’effets de droit. Les parties sont replacées dans la minute qui a précédé l’erreur
commise, et l’autorité peut parfois reprendre le même acte POUR AUTANT qu’elle tienne
compte du motif.
Est-ce que l’autorité doit tenir compte des évolutions juridiques survenues depuis  ? La réponse
est plutôt oui, et elle doit justifier de quel droit elle tient compte.
Effet erga omnes pour les actes réglementaires bien sûr. Cette annulation a un impact sur la
sécurité juridique. C’est pour cette raison que l’annulation peut être tempérée par le mécanisme
du maintien des effets : l’art. 14ter LCCE permet que, même si un acte réglementaire ou
individuel est annulé, le Conseil d’État peut moduler les effets dans le temps de son annulation,
c’est-à-dire que le Conseil d’État détermine si les effets restent acquis définitivement ou
temporairement. Ce pouvoir, justifié par la sécurité juridique, existe de manière similaire dans le
chef de la CJUE ou de la Cour constitutionnelle. Pourquoi ?
 Pour éviter que des situations acquises soient inutilement remises en cause.
On voit toute une jurisprudence en la matière, où le Conseil d’État fait une balance des intérêts,
(« faut-il maintenir les effets ou pas ? »).
Ce pouvoir est important, parce que, quand le Conseil d’État en fait usage, les cours et tribunaux
doivent en tenir compte au point même qu’ils ne peuvent plus utiliser Const., art. 159 contre le
même acte que le Conseil d’État a annulé, mais dont il a MAINTENU les effets  !!  Le maintien
des effets a un effet chloroformant-anesthésiant de Const., art. 159 : les cours et tribunaux ne
peuvent plus écarter l’acte réglementaire, puisque ses effets ont été maintenus par le Conseil
d’état, quand bien même que l’arrêté était illégal.
La faculté de moduler les effets de l’annulation des actes réglementaires est ancienne.  Celle
pour les actes individuels est plus récente : elle date de 2014. Cette compétence ne peut être
justifiée que pour des raisons exceptionnelles (entorse au principe de la restauration de la
légalité). C’est pour cela qu’il faut une décision motivée spécifique sur ce point et après un débat
contradictoire. Le maintien des effets peut tenir compte des intérêts des tiers  le Conseil d’État
peut ‘aller voir plus loin’ que les parties au cas.

Les arrêts d’annulation ont autorité de chose absolue, erga omnes  les arrêts de rejet, par
contre, n’ont qu’autorité de chose relative, inter partes.

118
Droit administratif

Une fois qu’un arrêt est annulé, l’autorité ne doit plus que s’incliner. Toutefois, parfois, elle est
récalcitrante. On a doté le Conseil d’État d’un moyen assez puissant pour forcer l’administration
récalcitrante : le mécanisme de l’astreinte. Celui-ci est repris aux artt. 17 et 36 LCCE : il intervient quand
l’administration s’abstient de prendre un acte qu’elle devrait prendre, ou qu’elle s’abstient de ne plus
prendre des actes qu’elle ne peut plus prendre.
EXEMPLE : une sanction disciplinaire a été annulé pour dépassement du délai raisonnable par  on ne
peut pas resanctionner la personne. Le Conseil d’État a ce pouvoir de prendre des astreintes qui ne
portent PAS sur des droits subjectifs. Elle n’a donc, dans les cas de ce type d’astreinte, pas pour objectif
de faire gagner de l’argent à la partie adverse. L’astreinte est une sanction pécuniaire pour non-respect
d’un ordre judiciaire, elle vise à RÉTABLIR la LÉGALITÉ. Cette astreinte peut être modulée en fonction du
comportement de l’autorité. On peut retourner devant le Conseil d’État pour demander une astreinte
supplémentaire : celle-ci est versée pour moitié à la justice et pour moitié à la partie requérante.
( !! ) L’astreinte est une menace et est rarement utilisée.

e) Le référé administratif
Cette procédure dure environ 12 à 24 mois, ce qui est beaucoup, car parfois il y a des situations urgentes.
On s’est rendu compte qu’il fallait coupler le recours en annulation d’une procédure spécifique, la
procédure de référé administratif, qui est apparue qu’en 1991 : on a introduit la possibilité de demander
la suspension d'un acte administratif, dans le but d’éviter que des conséquences irréparables résultent
de l'acte administratif en attendant son annulation. P.ex. : un bâtiment est construit  quid de
l’annulation quand il est déjà construit ? On ne va pas tout démolir…
 Il y a plein de situations où il est nécessaire de trancher plus rapidement, MAIS il faut aussi
respecter le principe de présomption de la légalité d’autorité administrative. Ce que l’autorité
administrative fait, est présumé être légal, car elle agit au nom de l’intérêt général, elle a le
privilège du préalable, mais les citoyens ont le droit de CONTESTER des décisions sans qu’il y ait
d’effet suspensif du recours.
Cependant, un juge va se prononcer plus rapidement, si on invoque deux conditions.
Ces deux conditions CUMULATIVES sont inscrites aux artt. 17 et 18 LCCE : invoquer un ou plusieurs
moyens sérieux susceptibles de justifier l’annulation de l’acte et invoquer l’urgence.
- Moyens sérieux. On ne demande pas un moyen fondé, on demande qu'un moyen pourrait
mener à une annulation  but = éviter les moyens frivoles. Le moyen sérieux n’est pas d’office
fondé.
- Urgence. Auparavant, il fallait démontrer un risque de préjudice grave et difficilement réparable.
Cette idée a été abandonné en 2014, car c’était parfois une échappatoire pour le Conseil d’État
 ne pas statuer sur les moyens (il se contentait de dire qu’il n’y avait PAS de risque de
préjudice). On a décidé de faire plus simple : ce qui compte = que les citoyens (et
l’administration) soient jugés rapidement : c’est l’urgence qui justifie la compétence de référé,
et l’urgence doit être apprécié de la même manière que devant le juge judiciaire, selon l’art. 584
C.jud.
Casuistique du Conseil d’État sur quand il y a urgence ou pas : il y aura urgence selon le péril que

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Droit administratif

l’on veut conjurer ; est-il proche ou pas ; il n’y a pas d’urgence non plus si la partie requérante a
laissé l’urgence se créer (elle a agi tardivement)  ça s’apprécie au cas par cas.
( !! ) On peut faire un recours en référé en même temps que le recours en annulation, avant le recours
en annulation ou aussi en cours d’instance (après les 60 jours, car tout d’un coup un élément nouveau
qui justifie l’urgence est apparu). Exemple : mon voisin obtient un permis de bâtir ; je conteste et j’agis
en annulation dans les 60 jours, mais il ne construit pas encore ; tant qu’il ne le fait pas, il n’y a pas
d’urgence, mais si après 60 jours, il se met à construire  je peux agir en suspension en référé
administratif en disant « il y quelque chose d’urgent, je voudrais empêcher que les travaux se
poursuivent et que le Conseil d’État suspende l'acte administratif ».

( !! ) Deux bémols à ces conditions :


- Bémol 1. Si les 2 conditions sont réunies (qu’il y a urgence et des moyens sérieux), le Conseil
d’État peut toujours faire une balance des intérêts : il peut considérer que l’intérêt à la
suspension ne l’emporte pas sur les inconvénients liés l’exécution de l’acte attaqué.
 L’intérêt public l’emporte en tant que tel.
Les conséquences négatives d’une suspension sont trop grandes par rapport aux avantages en
tant que tels. Le Conseil d’État fait parfois une balance, comme dans CE, n°228.195, 13 août
2014, Szymkovicz : il s’agit de choisir le représentant de la Belgique biennale d’art contemporain.
C’était la Communauté française qui devait choisir pour cette année-là, et elle avait décidé de
faire une sorte de marché public, faire un appel à un projet et demander à un jury de classer les
meilleurs projets.
Les candidats devaient déposer une monographie relative à leur œuvre, montrer qu’ils n’étaient
pas des débutants.
Voilà que le jury choisit un lauréat et que M. Szymkovicz termine 7 e et dernier. Il conteste
l’attribution au 1er, au motif que le 1er n’avait PAS déposé de véritable monographie.
Il avait bien déposé des brochures sur son œuvre, etc., mais pas une monographie, c’est-à-dire
un ouvrage conséquent.
Le Conseil d’état dit « effectivement, je ne vois pas de monographie dans le chef du vainqueur,
donc le moyen est sérieux  le 1er n’étais pas recevable ».
Il y a urgence puisque la biennale de Venise se tient prochainement, mais le Conseil d’État dit
que, en réalité, même si M. Szymkovicz a raison, les conséquences de la suspension sont trop
importantes par rapport à l’avantage qu’il en tire  puisque, de toute façon, il n’est que 7 e et si
le Conseil d’État faisait droit à sa demande, plus personne ne représenterait la Belgique.
 La balance des intérêts fait que, même si vous avez raison, votre requête est rejetée.
- Bémol 2. Combien de temps dure cette procédure ?
Le référé administratif dure de 8 à 10 mois, mais parfois, c’est quand même trop LONG. Voilà
pourquoi – à côté du référé ordinaire dont on vient de parler – il y a une procédure de
suspension d’extrême urgence (pour les périls imminents), quand la procédure en référé
imminent est impuissante à prévenir le péril redouté.
Et donc, on peut doubler la procédure d’urgence par une procédure d’extrême urgence : elle est
exceptionnelle, l’idée = le référé ordinaire ne pourrait pas prévenir le préjudice. Il faut que ce
soit expliqué dans le recours de manière incontestable, par des éléments précis et concrets, pour

120
Droit administratif

montrer que la suspension ordinaire serait irrévocablement tardive.


CE, arrêt 9 octobre 2020 sur l’interdiction de prostitution sur le territoire de la ville de Bruxelles :
arrêt d’extrême urgence.
 Il faut réfléchir : « est-ce qu’il vaut mieux faire une procédure en annulation, ou, est-ce qu’il vaut
mieux à côté de ça, faire une procédure en suspension ordinaire de référé administratif. Oui ou
non ? Pourquoi ? Ou faut-il faire une procédure d’extrême urgence en suspension ? Oui ou non ?
Pourquoi ?
Peut-on cumuler le tout ? Non. Si on choisit d’aller en extrême urgence, on ne peut PLUS aller en
urgence ordinaire, sauf si on a perdu le caractère d’extrême urgence, là : si. Si on a choisi d’aller
en urgence ordinaire, là on ne peut plus aller en extrême urgence, ça serait une contraction.
 Il faut bien réfléchir à ce qu’on fait, et introduire le bon recours au bon moment, le recours en
annulation dans les 60 jours, et les recours en suspension ordinaire ou d’extrême urgence, au
bon moment, pendant les 60 jours/après les 60 jours, en fonction des éléments de fait.

Les arrêts de suspension bénéficient d’une autorité de chose jugée au provisoire. La solution retenue au
provisoire peut être différente. Un moyen non sérieux peut être jugé ultérieurement fondé, et
inversement, un moyen sérieux peut être jugé non-fondé, mais c’est rare.
Si le Conseil d’État suspend, l’autorité de chose vaut erga omnes, mais elle ne produit d’effets que pour
l’avenir  on empêche que l’acte ne puisse encore être exécuté.

f) Les recours contre les arrêts du Conseil d’Etat au contentieux de l’excès de pouvoir
Y a-t-il des recours possibles contre les arrêts du CE ? La réponse est négative, le CE se prononce en 1er
et dernier ressort mais 2 exceptions. Il n’y a pas d’opposition, ni d’appel, ni d’opposition et ce que le CE a
décidé n’est pas révisable par les C&T, quand bien même le CE se serait trompé sur sa compétence, il n’y
a que la C. cassation pour se prononcer là-dessus, le juge judiciaire ne peut ignorer un arrêt d'annulation
du CE au motif que le CE n’aurait pas été compétent pour se prononcer en la matière, le CE s’est
prononcé point, on respecte ses décisions. Sauf :
- Il y a un recours possible en cassation, notamment si le CE a dépassé ses attribution (statuer sur
des droits subjectifs, sur une autorité qui n’était pas administrative etc.)
- Il y a un recours aussi quand on constate qu’il y a un procès en révision, un élément tellement
fondamental est découvert après. On peut ré-examiner les arrêts au fond, mais pas les arrêts en
référé administratif.
- La rétractation. Après un arrêt de la C.C. qui annule la base légale d’un acte administratif, cet
acte peut alors être retiré et on peut demander au CE de revoir son arrêt, puisqu’il s’est basé sur
la base d’une norme qui entre temps est devenue inconstitutionnelle, et il y a des procédures en
rétractation.

g) Effet interruptif de la prescription de l’action en responsabilité par le recours au Conseil d’Etat


Dernière chose, est-ce que le recours au Conseil d’État interrompt la prescription de l’action en
responsabilité civile contre les pouvoirs public ? Oui, mais ce n’était PAS le cas auparavant.

121
Droit administratif

Avant, agir devant le Conseil d’État n’avait aucun effet interruptif, disait la Cour de cassation, au regard
de l’art. 2244 C.civ. : seule la citation en justice avait un effet interruptif de l’action en responsabilité 
un recours au Conseil d’État n’est PAS une citation en justice.
C’était absolument injuste  on avait des requérants qui agissaient pour l’annulation d’un acte
administratif, puis qui ‘attendaient gentiment’ que le Conseil d’État se prononce, ça mettait 5 ans, 7 ans…
ils gagnent  ils veulent faire un procès à l’état, mais, dommage pour eux : l’action est PRESCRITE…
Conséquemment, contre cette injustice, le législateur est intervenu, en 2008, en modifiant l’art. 2244
C.civ. : « Un recours en annulation d’un acte administratif devant le Conseil d’État a, à l’égard de l’action
en réparation du dommage causé par l’acte administratif annulé, les mêmes effets qu’une citation en
justice ».
L’action devant le Conseil d’État permet aussi d’intenter, par la suite, en recours demandant une
indemnité réparatrice.
Néanmoins, l’article a été mal écrit : le mot « annulé » a lui-même été annulé par la Cour
constitutionnelle (dans des arrêts de 2018) qui dit que tel qu’il est écrit, le texte viole les artt. 10 et 11,
Const., parce qu’il ne confère pas un effet interruptif de prescription au recours qui n’aboutit PAS à une
annulation. Or, c’était absurde d’exiger que l’interruption n’eût lieu QUE si l’acte était ANNULÉ : c’est le
fait de saisir le Conseil d’État qui interrompt l’action en responsabilité.
Autrement dit, pour faire encore plus clair : le recours au Conseil d’État a un effet interruptif jusqu’à ce
que le Conseil d’État se prononce, et, quand il s’est prononcé, si l’acte est annulé, la partie gagnante a le
choix :
- soit de demander une indemnité réparatrice dans les 60 jours ,
- soit, dans un délai de 5 ans, d’agir en dommages et intérêts , quand bien même l’acte est bien
intérieur à 5 ans. Un nouveau délai de 5 ans revient, commence à partir de l’arrêt qui annule
l’acte.
Si on est dans un cas de rejet, on peut toujours éventuellement agir, mais on a moins de chance de
l’obtenir puisque l’acte n’a pas été annulé, car aucune faute n’a été consacrée.
h) Évolution
On a vu que le Conseil d’État avait cette compétence de :
- dire si un acte administratif était valable ou non,
- de rejeter ou d’accueillir un recours (et donc d’annuler l’acte)
et on s’est rendu compte que le Conseil d’État était beaucoup trop frustre : il se limitait à
1. une annulation pure et simple de la totalité de l'acte (avec effet rétroactif), ou
2. à un rejet du recours sans autre possibilité, et ce, QUEL QUE soit le motif de l'illégalité retenue.
Ceci était particulièrement déploré lorsque les irrégularités sanctionnées étaient purement
formelles.

Le politique a souhaité modifier les pouvoirs du Conseil d’État  deux affaires ont donné lieu à cette
modification, qui a eu lieu 2014 : l’affaire du tram de Wijnegem et une affaire à Anvers.
- Dans la 1ère, il s’agissait d’une nouvelle ligne de tram. Les riverains étaient contre et décident
d’intenter un recours devant le Conseil d’État (pas de suspension). Le tram est construit, il
fonctionne et voilà que l’arrêt du Conseil d’État tombe, qui dit que ce permis était en fait illégal –
juridiquement parlant  il faudrait arrêter le tram et enlever les rails posés.

122
Droit administratif

 Irritation du monde politique face à cet arrêt du Conseil d’État, qui a l’air un peu hors de la
réalité. En effet, il est vrai qu’il tombe assez tard par rapport aux travaux réalisé.
- 2e source d’irritation , un agent de l’État commet plusieurs fautes disciplinaires et il est révoqué.
Voilà que le Conseil d’État décide, 5 ans plus tard, que la révocation n’avait pas été faite
correctement  il faut le réintégrer, puisque l’arrêt du Conseil d’État a un effet rétroactif. Mais,
on peut se poser la question : est-ce que ça a du sens… ? Là aussi  frustration du monde
politique, qui considère à nouveau que le Conseil d’État intervient trop tard, et trop loin de la
réalité.

En 2014, on décide de modifier les Lois coordonnées sur le Conseil d’État, en permettant au Conseil
d’État de prendre diverses mesures alternatives, destinées à assouplir son contrôle, comme l’écrit le
juge de la Cour constitutionnelle, Michel Pâques  le législateur veut éviter ou neutraliser l’annulation
par le Conseil d’État. On voit une série de nouveaux éléments apparaître, ayant pour effet un
‘changement de paysage’, basé sur 5 éléments :
- La consécration de l'intérêt au moyen.
- La boucle administrative (également appelée bestuurlijke lus).
- Les indications dans l’arrêt.
- Une faculté de substitution en cas de compétence liée de la partie adverse.
- La faculté de modaliser la rétroactivité de l'annulation (voir SUPRA !).

1- L’intérêt au moyen
Il faut un intérêt au recours, mais on ne peut invoquer n’importe quel moyen.
L’intérêt au recours s’apprécie en tant que tel avec différents éléments de fait  l’intérêt au moyen
s’examine au regard de chaque moyen tel qu’il est formulé. Le but = on ne peut qu’invoquer les
irrégularités qui influencent de manière effective les décisions administratives. Le Conseil d’État ne doit
pas se prononcer sur des moyens relatifs à des irrégularités purement formelles ou formalistes, qui ne
présentent PAS d’intérêt pour le requérant (ex. affaire sur l’enquête publique) [= 1 ère source permettant
d’éviter l’annulation (trop fréquente)].
On constate qu’il y a de la jurisprudence à ce sujet. On conteste l’intérêt au recours ou l’intérêt au
moyen, ça favorise la position de l’autorité, il est vrai.
MAIS, en ce qui concerne les associations, elles, elles peuvent invoquer pleinement des irrégularités qui
lèsent l’intérêt collectif, même si ça ne les affecte PAS personnellement, dit la Cour constitutionnelle.
Ce n’est pas au requérant de démontrer que l’irrégularité a pu avoir une influence sur le sens de la
décision  c’est le Conseil d’État qui doit constater que la décision n’aurait pas été différente SANS le
vice de procédure invoqué par le requérant.

2- La boucle administrative
C’est l’art. 38 LCCE, et cet article ne devrait PLUS EXISTER, parce que la boucle administrative a été
annulée par la Cour constitutionnelle.
L’idée vient cette fois-ci des Pays-Bas (en Néerlandais, on parle de bestuurlijke lus). L’idée = assez

123
Droit administratif

pragmatique : aux Pays-Bas, on permettait à l'autorité publique de réparer une illégalité mineure sous
le contrôle du Conseil d'État. La Région flamand avait également repris ce système.
 Autrement dit, le Conseil d'État, après un débat contradictoire, devait prendre une décision par
laquelle il invitait l'administration à refaire son acte dans un délai déterminé.
SI cette régularisation intervenait, la décision ne serait pas annulée !
On évitait ainsi que des irrégularités mineures, qui n'avaient pas d'incidence sur le dispositif de la
décision, aboutissent à des annulations rétroactives préjudiciables à la sécurité juridique et à
l'administration, et qui, le cas échéant, n'apportent en réalité, aucune satisfaction au citoyen 
dès lors que l'autorité pouvait reprendre le même acte, cette fois expurgé de l'illégalité formelle
sanctionnée.
Toutefois, la boucle administrative a été annulée par la Cour constitutionnelle ; le système a été annulé
pour la Région flamande et l’art. 38 LCCE a été annulé par un arrêt de 2015. La Cour considérait que le
système était discriminatoire.
 Donc faux départ pour la boucle administrative.
La Région flamande a modifié son système de boucle administrative dans un nouveau décret, en tenant
compte de ce qu’avait dit la Cour. Cependant, sa correction a fait l’objet d’un nouveau recours devant la
Cour constitutionnelle, et dans un arrêt de 2016, la Cour a rejeté le recours.
On s’est dit que, puisque les flamands ont trouvé la formule qui tient la route constitutionnellement,
l’État fédéral pourrait lui aussi revoir son art. 38 LCCE, et l’écrire correctement.
 Rien n’a été fait dans le gouvernement Michel, et dans un mémorandum du 4 juillet 2019, destiné
aux décideurs politiques, le Conseil d’État a demandé d’étendre les instruments permettant le
règlement définitif du contentieux et notamment de réinstaurer une procédure de boucle
administrative, inspirée de celle non annulé par la Cour constitutionnelle.
(Tulkens ne sait pas si le gouvernement Vivaldi l’a prévu, mais voilà un mécanisme qui pourrait revenir et
qui était assez pratique.)

3- Les indications dans l’arrêt


Il faut prendre l’art. 35/1 LCCE : à la demande d’une des parties, au plus tard dans le dernier mémoire, la
SCACE précise dans les motifs de son annulation, les mesures à prendre pour remédier à l’illégalité
ayant conduit à l’annulation.
L’idée est inspirée du Conseil d’État de France, où le Conseil d’État indique à l’autorité ce qu’elle doit
faire.
REMARQUE : le Conseil d’État a un côté un peu irritant quand il se contente d’annuler en disant « ce
n’est pas légal, mais comment doit-on faire ? » Le Conseil d’État disait : « ce n’est pas à moi de vous le
dire »  et l’autorité refaisait l’acte, mais TOUT AUSSI MAL  nouvelle annulation etc.
Pour éviter les recours à répétition, il est mieux que, si une partie en fait la demande, on précise
comment remédier.
C’est là que certains on dit qu’on avait un contrôle de l’État.
A-t-on des cas d’application ? Ce n’est pas fréquent, p.ex. : CE, n°246/444, 18 décembre 2019 :
commune de Bernissart, question de calcul de dotation (sommes payées aux communes pour leur
service d’incendie). Il se fait qu’il y a des procédures.
Les communes peuvent faire des recours en réformation devant le Ministère de l’Intérieur, contre les

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Droit administratif

mesures qu’ont pris le gouverneur, selon une loi de 2007.


Il se fait qu’ici, le Ministère de l’Intérieur est intervenu à un moment où, entre les deux, la législation
avait été modifiée par une loi de 2018.
Dans l’ancien régime, le gouverneur indique le montant de la dotation, et on exerce un recours devant le
Ministère de l’Intérieur. L’autorité de recours n’est pas liée par les motifs de la décision de 1 ère instance.
Vu l’effet dévolutif du recours, le Ministre statue à nouveau en exerçant un pouvoir d’appréciation
propre, pour substituer sa décision à celle du gouverneur  il n'est pas tenu de réfuter les motifs de la
1ère décision : il suffit qu’il décide quelle est sa position ; il doit exprimer sa nouvelle position. Il ne doit
pas contrôler la légalité de la décision du gouverneur. En effet, on est dans un recours en réformation.
Or ici, le problème c’est que le Ministre de l’Intérieur s’est trompé : il a considéré que le gouverneur
avait bien exercé son pouvoir discrétionnaire, qu’il avait fait une appréciation adéquate, mais le
Ministère de l’Intérieur s’est mépris sur la nature de ses pouvoirs : c’est lui qui devait exercer son propre
pouvoir ; c’est lui qui devait NON PAS exercer une tutelle d’annulation de la légalité, mais une tutelle de
réformation.
 C’est lui qui devait se faire son propre point de vue, et donc son acte est annulé au Conseil
d’État.
Toutefois, le gouverneur refait un acte, MAIS la loi a changé…  Il y a un régime nouveau depuis 2018,
qui donne un autre pouvoir au gouverneur, la question qui se pose : « doit-on, après annulation par le
Conseil d’état et la mise en œuvre de l’effet rétroactif, encore appliquer l’ancien régime, ou doit-on déjà
appliquer le nouveau régime ?
Le Ministère de l’Intérieur demande au Conseil d’État ce qu’il doit faire  il demande l’application de
l’art. 35/1 LCCE.
Le Conseil d’État fait droit à cette demande, et consacre les 3 dernières pages de son arrêt à expliquer
que la nouvelle loi ne s’applique PAS aux recours dont il sera saisi après annulation, selon la
jurisprudence de la Cour constitutionnelle. C’est toujours la loi EN VIGUEUR AU JOUR de la décision qui
règle les voies de recours qui est applicable, puisque la décision a été prise sous la loi de 2007, quand
bien même on est en 2019, on n’applique pas la nouvelle loi de 2018.
 Le Conseil d’État vient dire expressément que l’entrée en vigueur postérieure à la date de la
décision du gouverneur, d’une nouvelle législation sur les voies de recours, n’entraîne PAS le
dessaisissement du Ministre ou ne change pas la nature du recours dont il a valablement saisi. Il
doit toujours exercer ses anciens pouvoirs (MÊME S’il y a une nouvelle loi).
Une demande complémentaire avait été faite sur la manière de l’exercer (« comment le Ministre
doit-il exercer ses ‘anciens pouvoirs’ ? ») et le Conseil d’État est venu dire comment il doit le faire
(dans un seul acte, il n’est pas tenu de réfuter point par point les griefs formulés, etc. De plus, il
doit prendre une liberté par rapport à ce qu’a décidé la 1 ère instance, puisque c’est un recours
en réformation).
 Voilà donc un arrêt qui donne une certaine sécurité à l’autorité sur ce qu’il faut faire 
attention, ça ne veut PAS dire que, sur le fond, la décision n’est pas attaquable. La compétence
de l’auteur de l’acte et la procédure à suivre est clairement indiquée (= la loi à appliquer).
Retour concret au casus : après, la commune de Bernissart pourra toujours faire un nouveau
recours : on n’a pas aidé une partie plus que l’autre.
‘CONCLUSION’ sur cet arrêt : l’intérêt de cet arrêt = les parties savent à quoi s’en tenir, on sait quelle est

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Droit administratif

la procédure à suivre alors que la législation a entre-temps changé (arrêt sur Moodle !!).

4- Une faculté de substitution de la partie adverse par l'arrêt du Conseil d'Etat en cas de compétence liée
L’art. 36 §1er al. 2 LCCE : « Lorsque la nouvelle décision à prendre résulte d'une compétence liée de la
partie adverse, l'arrêt se substitue à celle-ci ».
L’idée = pas de neutraliser l’annulation : c’est plutôt le contraire, d’assurer que l’annulation ait plein et
entier effet  éviter des carrousels procéduraux, parce que, à un certain moment, quand la compétence
est liée, la partie adverse ne peut pas persister à commettre une illégalité.
Cette décision est prise par le Conseil d’État, un peu à l’instar de ce qu’on a vu pour les refus
d’annulation des bourgmestres dans les communes à facilités linguistiques. Cet art. 36 §1er al. 2 ne
connaît pas de fréquentes applications, mais on a quand même par exemple CE, n°231.918, 9 juillet 2015
arrêt Jacobs : l’arrêt porte sur une installation horticole en Flandre qui était illégale. M. Jacobs est voisin
de cette installation et celle-ci veut s’étendre en zone agricole. Mais ce n’est pas autorisé, et l’autorité
délivre quand même le permis. Après la délivrance du permis, le Conseil d’État obtient une 1 ère
annulation, en 2010, de cette autorisation. Peu importe, l’autorité continue, et un nouvel arrêt est rendu
par le Conseil d’État en 2012, car nouveau recours.
Voilà que l’autorité continue encore avec un arrêt de 2013.
Le point, c’est que l’autorité persistait à délivrer un permis illégal, et contre la dernière délivrance de
permis, le Conseil d’État, dans son arrêt de 2015 annuler de nouveau l’acte, mais constate surtout que,
de son arrêt, il apparait que l’extension de l’entreprise horticole n’est pas compatible avec la zone
agricole. (Ça avait déjà été constaté dans des arrêts de 2013). Par conséquent, la partie adverse
(l’autorité publique) est obligée de refuser le permis, puisque ce n’est pas compatible avec la
destination. Dans le cas d’espèce, le Conseil d’État a dit qu’il n’y avait qu’un acte à prendre (refuser le
permis). La compétence de l’autorité est complètement liée  par conséquent, il y a lieu de se mettre à
la place de l’autorité et de prendre une décision par un arrêt qui se substitue à la décision que l’autorité
n’a pas prise et qu’elle aurait dû prendre (il n’y avait pas d’autre décision à prendre, il fallait refuser le
permis). C’est ce que le Conseil d’État a fait, il annule l’autorisation et le permis est refusé.
 Donc, le Conseil d’État se substitue à l’autorité quand elle a une compétence liée !!
Deux commentaires sur cet arrêt :
- Compétence liée ? Oui mais il ne concerne PAS un droit subjectif. Dans le choix que l’autorité
avait, elle ne pouvait pas autoriser une entreprise horticole en zone agricole. C’est là qu’il y a un
aspect lié dans le chef de l’autorité, mais ce n’est pas pour autant un droit subjectif. C’est pour
ça qu’on a pu dire que, quand l’autorité n’a qu’un seul choix et qu’elle persiste à faire le mauvais
choix, à la fin, on peut tout simplement lui dire qu’elle ne délivre plus de permis, car ce n’est pas
autorisé, point c’est tout.
- Ici, le conseil n’est pas le conseil de l’état  au contraire, le Conseil d’État devient le conseil du
citoyen  il vient aider le citoyen en sifflant la récréation, en disant stop à ces illégalités
auxquelles il met fin, car l’autorité persiste.

Toujours dans la volonté de neutraliser ou éviter l’annulation ou même de la rendre efficace, la question
du maintien des effets se pose : on peut demander au Conseil d’État, à titre subsidiaire, quand il veut

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Droit administratif

annuler un acte, d’éventuellement envisager de maintenir les effets, art. 14ter LCCE. Le Conseil d’État le
fait après un débat spécifique sur la question, et c’est lui qui décide s’il maintient définitivement ou
provisoirement, pour le délai qu’il détermine, si un acte peut être maintenu. On voit régulièrement, dans
la jurisprudence, des débats sur la question, des arrêts qui font droit, au nom de la sécurité juridique.
Toutefois, pour des actes individuels c’est plus rare  c’est surtout pour des actes réglementaires.

3° Le contrôle de l’administration par les juges judiciaires

a) Les pouvoirs des cours et tribunaux de l’ordre judiciaire face à l’administration


L’administration est doublement contrôlée par le juge judiciaire et par le Conseil d’État. Pourquoi ? En
raison des artt. 144 et 145 de la Constitution, ces articles consacrent l’exclusivité de la protection des
droits subjectifs par les cours et tribunaux. C’est la nature de ce droit subjectif en cause qu’un particulier
a éventuellement vis-à-vis d’un pouvoir public, qui justifie la compétence des cours et tribunaux. C’est la
nature des droits et non PAS la qualité des droits qui déterminé cette compétence. Dès que le litige a
pour objectif un droit subjectif, le juge judiciaire est compétent, même si c’est l’administration qui est
au procès.
 On ne fait plus le procès à l’acte, mais à l’administration pour l’éventuelle illégalité de son acte
ou la faute qu’elle a commise.
Dans cette partie, on se focalise essentiellement sur Const., art. 152, et ensuite sur l’art. 1382 C.civ.

Quand on crée le Conseil d’État en 1946, l’art. 159 Const. existe déjà et demeure inchangé.
On consacre le principe de la légalité – la hiérarchie des normes – qui peut mener au contrôle des actes
administratif.
Ceci n’avait pas beaucoup lieu, on ne l’exauçait pas.
Quand on a créé le Conseil d’État, on s’est dit qu’il était seul compétent. Or, au fil des années, l’art. 159,
Const. a connu renaissance  on a vu un succès grandissant des cours et tribunaux de l’ordre judiciaires.
Aujourd’hui, les cours et tribunaux sont incontournables en ce qui concerne le droit administratif, mais
on s’adresse aux juges civils en la matière.
REMARQUE : comment en est-on arrivé là ? C’est en raison de la jurisprudence de la Cour
constitutionnelle (alors la Cour d’arbitrage) à propos des procédures d’expropriations, où la Cour a
développé une jurisprudence spécifique, qui en fait vaut pour acte administratif.
Explications : dans une expropriation, il y a deux phases.
La 1ère phase = l’arrêté d’expropriation = l’acte administratif, qui décide qu’il faut exproprier un bien,
parce que l’intérêt général le requiert (avec indemnisation). Cet acte administratif est attaquable devant
le Conseil d’État. L’autorité NE PEUT prendre possession du bien qu’elle a décidé d’exproprier, parce
qu’elle a besoin d’avoir une autorisation expresse d’un autre juge, notamment le juge de paix dans la
procédure classique de la Loi de 1962.
 ( !! ) C’est une EXCEPTION au privilège du préalable.
Lorsque l’autorité demande l’envoi en possession (= 2e phase) devant le juge judiciaire, la question s’est
posée de savoir si ce juge judiciaire a le pouvoir, lui aussi, de contrôler la légalité de l’acte
d’expropriation. Question : « y a-t-il un double contrôle (du Conseil d’État et du juge de paix sur le même

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Droit administratif

acte) ? Y a-t-il des contrôles successifs (par le Conseil d’État, puis par le juge de paix), ou n’y a-t-il aucun
contrôle du juge judiciaire ? ».
 La Cour constitutionnelle a estimé que, si un envoie en possession est demandé devant le juge
de paix, d’une part le Conseil d’État perd sa compétence (il ne statue plus sur la légalité de
l’arrêté d’expropriation),  et, d’autre part, ce sera le juge judiciaire, et plus précisément le juge
de paix lui-même qui fera ce contrôle.
 Ce contrôle est équivalent à celui du Conseil d’État.
Autrement dit, les expropriés ne sont privés de RIEN DU TOUT. Certes la contestation qu’ils font de
l’arrêté d’expropriation ne sera plus jugée par le Conseil d’État, du fait de la demande d’envoi en
possession, mais ils retrouvent la possibilité de contrôler par voix d’exception d’illégalité cet arrêté
d’expropriation devant un autre juge : le juge de paix.
La Cour constitutionnelle dit que, en réalité, il y a une équivalence de contrôle entre les 2 juridictions.
L’art. 159 de la Constitution permet, dans cette matière, au juge de paix, d’exercer le même contrôle
que celui qu’aurait exercé le Conseil d’État, s’il n’avait PAS été saisi du fait de la demande en possession.

Ce raisonnement d’équivalence est transposable à toute matière. Donc : Const., art. 159 est une
invitation faite aux cours et tribunaux à faire un contrôle complet de la légalité des actes
administratifs, comme le Conseil d’État. Const., art. 159 est un moyen absolu, efficace pour intervenir
en matière de contentieux. Attention, c’est une arme redoutable, parce qu’un acte administratif
irrégulier, ne produit PAS d’effets !!
L’art. 159, Const. est une bombe à retardement sous chaque acte administratif réglementaire ou
individuel  c’est le gardien impitoyable et intemporel de la légalité  à tout moment, on peut faire le
contrôle d’un acte administratif à titre incident, devant un juge.
S’il s’agit d’une norme législative, il faut poser une question préjudicielle à la Cour constitutionnelle, mais
pour un acte administratif, il n’y a PAS de question préjudicielle, c’est un contrôle diffus entre TOUS les
juges, qui peuvent donc contrôler la légalité d’un acte au nom eu regard au principe de la légalité.

L’inconvénient = on touche à la sécurité juridique, parce que parfois, il y a des distractions bien acquises
qui sont remises en cause, des actes qui ont produit des effets définitifs. En effet, enfaite, les délais pour
agir devant le juge administratif sont expirés, mais malgré tout, on peut le remettre en cause, on rétablit
ainsi la légalité certes (et en même-temps, on met fin à une injustice), mais on risque de créer du
désordre.

‘CONCLUSION’ : ce pouvoir de Const., art. 159 va très loin + avec Const., art. 144 et 145, il a retrouvé
une nouvelle jeunesse. Ça va tellement loin que la Cour de cassation a jugé, dans des arrêts des années
1970, que l’examen de la légalité d’une décision administrative ne cesse pas de relever de la compétence
des cours et tribunaux, MÊME SI la décision peut être attaquée devant le Conseil d’État.
Cette compétence n’est pas altérée par la circonstance qu’un tel recours a été introduit devant le Conseil
d’État, mais n’a finalement pas entraîné l’annulation de l’acte. La même chose vaut pour l’exception :
elle peut être invoquée à tout moment, même si on n’a pas agi devant le Conseil d’État, alors qu’on
pouvait le faire.

128
Droit administratif

A côté de ça, est-ce que le Conseil d’État applique lui aussi l’art. 159 de la Constitution ? Oui, mais avec
une nuance importante. L’article vise les cours et tribunaux, et, vu que le Conseil d’État est une
juridiction, il applique l’art. 159, Const. aux actes réglementaires, quand on lui demande – à titre
incident – d’examiner la légalité/validité d’un acte réglementaire qui n’avait pas été attaqué devant lui,
mais qui sert p.ex. de fondement à un acte individuel subséquent. C’est à l’occasion de la contestation de
cet acte individuel qu’on peut examiner la validité d’un acte réglementaire devant le Conseil d’État,
MÊME au-delà de 60 jours.
 Par contre, le Conseil d’État refuse de faire cet acte incident pour les actes individuels, il considère
que ces actes individuels peuvent être attaqués DANS les 60 jours devant lui. S’ils ne le sont pas, la
sécurité juridique justifie que le juge administratif n’examine PLUS la légalité de cet acte  la stabilité
des situations juridiques individuelles et la nécessité de ne pas entraver le bon fonctionnement du
service public, par une exception d’illégalité tardive, justifient qu’il y a ait une jurisprudence différente du
Conseil d’État et de la Cour de cassation.
 Donc le Conseil d’État privilégie lui plutôt la sécurité juridique, même s’il est le gardien de la
légalité ! Il se rend compte que son intervention erga omnes sur la légalité peut avoir des effets
dévastateurs et refuse EN TOUS LES CAS, au-delà du délai de 60 jours, d’examiner la légalité d’un
acte administratif individuel  tandis que la Cour cassation considère que le principe de la
légalité est quasiment absolu et qu’on doit regarder la légalité de TOUT acte administratif, à
tout moment.

Toujours au titre de la même sécurité juridique, le Conseil d’État peut, malgré l’annulation d’un acte
réglementaire ou individuel, maintenir les effets de cet acte (art. 14ter LCCE).
C’est ici que, justement, entrent en collision l’art. 14ter LCCE et l’art. 159 de la Constitution.
La question qui s’est posée : « comment combiner les deux articles ? ».
Autrement dit, si le Conseil d’État maintient les effets d’un acte qu’il a annulé, en vertu de l’art. 14ter
LCCE, est-ce que le juge judiciaire doit respecter l’arrêt du Conseil d’État ou peut-il écarter les effets de
l’acte annulé, en vertu de l’art. 159 Const. ?
La jurisprudence a été divisée :
- D’abord le Conseil d’État a dit que l’art. 14ter devait être respecté, et que Const., art. 159 ne
devait pas s’appliquer.
- Cependant, à Charleroi on a estimé l’inverse : même si les effets d’un acte illégal ont été
maintenu par le Conseil d’État, l’art. 159, Const. NE lui permet PAS de faire abstraction de
l’irrégularité  il doit finalement écarter le règlement et ses effets.
- La Cour constitutionnelle met fin à cette controverse, dans C.C., n°18/2012, 9 février 2012 : elle
tranche en faveur de la position du Conseil d’État  elle estime que, quand le Conseil d’État a
annulé un acte administratif, mais en a maintenu les effets, l’art. 159, Const. doit s’effacer !
 REMARQUE : c’est un arrêt très intéressant, qui a suscité des controverses.
La Cour dit que le contrôle juridictionnel incident par le Conseil d’État est, évidemment, important : c’est
le contrôle de la légalité des actes administratifs. Pendant un temps, il était considéré comme absolu.
L’art. 159 de la Constitution consacre le principe de la légalité, MAIS la Cour dit qu’aujourd’hui (en
2012), il faut confronter ce principe de la légalité cardinal à d’autres dispositions constitutionnelles NON
moins importantes, ou même inscrites dans des conventions internationales ou supranationales.

129
Droit administratif

Alors : quels sont ces textes concurrents à Const., art. 159 ?


- Premièrement : Const., art. 160, qui consacre l’existence du Conseil d’État et qui confie à celui-ci
le contentieux objectif de la légalité des actes administratifs. Ce contrôle de la légalité incidente
inscrit à l’art. 159, Const. doit tenir compte, dit la Cour, de l’effet utile de l’arrêt d’annulation du
Conseil d’État  sinon : à quoi sert le Conseil d’État ? Il faut également tenir compte des
modalités dont les arrêts d’annulation peuvent être assortis, on entend par-là précisément le
maintien des effets.
- Deuxième tempérament : le principe inscrit à l’art. 159, Const. doit être interprété au regard du
principe de sécurité juridique. Ce principe, dit la Cour, est inhérent à l’OJ belge et l’OJ de l’UE et
de la CEDH.
On trouve dans le droit de l’UE et de la CEDH, le principe de sécurité juridique et la Cour tient
compte de ce principe pour son propre contrôle. Par conséquent, elle estime que, au regard de
l’art. 160, Const. et du principe de sécurité juridique, il y a en fait des restrictions au contrôle
incident de la légalité, même si la Constitution ne le dit pas.
Même si ça semble absolu, en réalité d’autres dispositions constitutionnelles et le respect de
certains droits fondamentaux justifient de faire cet équilibre. L’art. 14ter LCCE ménage
justement un équilibre entre le principe de la légalité (qu’il faut vérifier) et le principe de sécurité
juridique  l’art. 14ter confie à une juridiction le soin de déterminer si, pour des raisons
exceptionnelles, on maintient les effets d’un acte malgré qu’il soit illégal. On les maintient par
voie de disposition générale.
Le Conseil d’État peut même encore être plus subtil, dit la Cour constitutionnelle : on peut
évidemment maintenir les effets, mais ça fait que celui qui gagne, en fait il perd (parce qu’il croit
qu’il gagne  annulation de l’acte  mais enfaite, on MAINTIENT les effets…). On peut être
subtil en exceptant du maintien des effets les justiciables qui ont introduit le recours en
annulation, qui ont saisi valablement le Conseil d’État ou la Cour constitutionnelle.
 On peut faire le prospective overruling, c’est ce qu’on fait dans les pays anglo-saxons. L’idée =
on distingue si le maintien des effets vaut aussi pour les parties qui ont saisi le juge en temps
utile. Le plus souvent, le maintien des effets ne devrait PAS valoir pour elles, car ça reviendrait à
les priver de leur victoire.

( !! ) Cet arrêt 18/2012 n’a pas arrêté de susciter la controverse.


- Pour les uns, c’est une hérésie  au regard de la hiérarchie des normes, on a fait prévaloir une
normale législative (art. 14ter LCCE) sur une norme constitutionnelle (art. 159, Const.).  Boucle
étrange : la norme inférieure aide à interpréter la norme supérieure.
 Certains disent qu’il fallait agir autrement : qu’il fallait que le constituant modifie l’art. 159, pour
dire qu’il ne s’appliquait PAS TOUJOURS, car il y avait la possibilité de maintien des effets.
-  Ce n’est pas l’opinion de Tulkens , il trouve que l’arrêt est l’expression d’une modernité bien
comprise. Il n’y a PAS de violation de la hiérarchie des normes,
(1) car la sécurité juridique et l’existence du Conseil d’État se trouvent dans des dispositions
équivalentes à Const., art. 159, voire même supérieure (dans Const., art. 160 et le principe de
sécurité juridique) et
(2) car la Cour, selon lui, a vraiment été pragmatique.

130
Droit administratif

 Plutôt qu’attendre qu’on procède un jour (et quand ?) à la révision de l’art. 159 (jamais
déclaré à réviser) et d’être éloigné de ce que fait le parlement (qui s’en fout de C.159), il faut
répondre au problème et la Cour devait répondre à la question posée. Elle devait donner la
réponse la plus cohérente avec le système juridictionnel qui est mis en place. Ça revient à
constater que certes, Const., art. 159 existe depuis 1830, mais qu’il y aussi un Conseil d’État et il
faut donc combiner les deux (la disposition et le Conseil d’État).
La sécurité juridique justifie aujourd’hui, en 2020, de NE PLUS ADMETTRE que l’exception
d’illégalité vaille de manière absolue et donc  ici, on a fait une balance entre les deux ! C’est la
sécurité juridique qui justifie qu’on ne remette pas en cause des actes individuels devant le
Conseil d’État, après le délai de 60 jours ( par contre devant le juge judiciaire on peut
l’invoquer à tout moment).
 Voilà pour la BALANCE entre les deux.

Qu’en est-il des effets des arrêts rendus par le Conseil d’État ? Il faut distinguer deux cas de figure
importants :

1er cas de figure – un arrêt annule l’acte administratif.


Quand l’acte est annulé, quel en est l’impact sur les juges judiciaires ? Cass., 13 mai 1982 : arrêt
important, la Cour de cassation veut que les juridictions judiciaires constatent l’autorité de chose juge
erga omnes  la juridiction judiciaire saisie d’une action en responsabilité, liée à un acte qui a été
annulé par le Conseil d’État, doit nécessairement décider que l’autorité administrative, auteur de l’acte
annulé, a commis une faute (1), d’office au sens de l’art. 1382 C.civ. De plus, il faut que cette faute
justifie d’ordonner une réparation (2), pour autant qu’il y ait évidemment, entre ces excès de pouvoir et
un dommage (qui est établi), une sorte d’unité absolue entre l’illégalité et la faute (3) (on verra au
dernier cours qu’il y a une théorie contraire, théorie de l’unité relative).
L’arrêt qui annule un acte a autorité de chose jugée devant les cours et tribunaux, qui doivent
considérer que l’excès de pouvoir constaté par le Conseil d’État est une faute au sens de l’art. 1382
C.civ., SAUF erreur invincible ou cause d’exonération (on ne doit plus appliquer l’art. 159, Const., puisque
l’acte a déjà été annulé).

2e cas de figure – le Conseil d’État rend un arrêt qui rejette un recours en annulation
La situation est pour le moment controversée et évolutive.
La loi organique sur le Conseil d’État ne dit RIEN sur l’autorité d'un arrêt de rejet.
Le Conseil d’État estime qu’entre parties, l’arrêt de rejet a autorité de chose jugé, mais quand le Conseil
d’État s’est prononcé et qu’il a rejeté un recours, l’acte administratif est-il décisivement valable (a-t-il
reçu un brevet de légalité) ?
 Réponse négative : même si l’acte n’a pas été annulé par le Conseil d’État, il peut encore, en
vertu de l’art. 159, Const., être contrôlé – à titre incident – devant les cours et tribunaux. On ne
peut pas dire que l’acte qui n’a PAS été annulé par le Conseil d’État est exempt de toute faute-
illégalité.  C’est la Cour de cassation qui le dit dans des arrêts des années 1970 et 1990 :
1) Elle a estimé d’abord, en 1977, qu’il n’y a aucune autorité de chose jugée pour un arrêt de rejet
du Conseil d’État statuant sur la validité d’un acte réglementaire (il peut TOUJOURS être soumis

131
Droit administratif

à un contrôle par le juge judiciaire, pour d’autres motifs ou les mêmes). L’art. 159, Const. justifie
ce mécanisme (= priorité à la légalité).
2) Ce raisonnement est étendu, en 1997, aux actes individuels, au motif que Const., art. 159 ne fait
PAS la différence entre des actes réglementaires et individuels. La Cour de cassation a considéré
que, même si on avait les mêmes parties et les mêmes moyens, on n’avait PAS le même
contentieux, puisqu’on a : d’un côté, le contentieux objectif devant le Conseil d’État et de l’autre
côté, le contentieux des droits subjectifs, qui relève exclusivement de la compétence des cours
et tribunaux.
( !! ) Il n’y a PAS d’identité d’objet au sens de l’art. 23 C.jud., qui justifierait qu’il y aurait identité
de chose jugée. Cela signifie que, celui qui a perdu au Conseil d’État, peut tenter sa chance
devant le juge judiciaire et celui-ci NE PEUT SE BORNER à dire le Conseil d’État a déjà jugé, selon
la Cour de cassation.  Le juge judiciaire doit se faire sa propre opinion de la légalité de l’acte
administratif ; il PEUT donc se prononcer dans un sens contraire à ce que le Conseil d’État a dit
(le juge judiciaire peut soit dire la même chose, soit dire autre chose).

 L’art. 159 de la Constitution fait donc primer, dans la théorie de la Cour de cassation, la légalité
sur la sécurité juridique.
Les juges ont le pouvoir de censurer des illégalités administratives par voie d’exception. AUCUNE
illégalité ne peut jamais se prescrire, dans cette théorie-là. Cette jurisprudence est-elle
praticable, n’est-elle pas critiquée ?
Est-ce raisonnable de permettre au citoyen de faire des recours réitérés contre l’administration ?
La Cour de cassation elle-même, dans un rapport de 2009 de son procureur général, s’interroge
sur ce mécanisme et ne manque pas de le critiquer, en disant ceci :
« Le système dualiste qui, en Belgique, permet aux parties à un litige d'inviter deux juges
relevant d'ordres juridictionnels différents à contrôler chacun la légalité d'un acte administratif
faisant débat entre elles, peut trahir des faiblesses que la doctrine n'a pas manqué d'épingler.
Parmi celles-ci, une attention particulière doit être accordée à l'absence de reconnaissance, par
le juge judiciaire, de l'autorité d'un arrêt par lequel la SCACE rejette le recours en annulation
dont un acte administratif faisait l'objet : en ne s'estimant pas tenu par un tel arrêt, le juge saisi
d'une action à l'occasion de laquelle la légalité de ce même acte administratif est à nouveau mise
en cause, peut décider que celui-ci est illégal, étant entaché d'un vice que le Conseil d’État avait
précisément exclu. »

Cette situation, en laquelle le débat sur la légalité d'un acte administratif est à nouveau ouvert devant
le juge judiciaire – ALORS QU'il avait été clos devant le Conseil d’État – peut être regrettée pour 2
raisons.
(1) D'une part, elle amplifie le risque d'appréciations divergentes entre le Conseil d’État et le juge
judiciaire, de la légalité d'un même acte administratif. Pour le justiciable, ceci ne peut
qu'entretenir la consternation.
(2) D'autre part, elle ne révèle pas une articulation harmonieuse entre les interventions successives
du Conseil d’État et du juge judiciaire au titre de leurs attributions respectives, compromettant
ainsi l'idéal d'économie procédurale qui doit pourtant focaliser toutes les attentions dans le

132
Droit administratif

contexte général de saturation des prétoires.


(Autrement dit : est-ce normal qu’on puisse aller deux fois devant les juges ?  Les juges
judiciaires sont-ils les juges d’appel du Conseil d’État quand celui-ci n’a pas donné
satisfaction… ?)

Un auteur a récemment suggéré que le législateur envisage l'opportunité et la faisabilité d'une


intervention à la faveur de laquelle, par le biais de l'adoption de dispositions appropriées, une certaine
autorité pourrait être reconnue aux arrêts de rejet prononcés par la SCACE.
Certes, la démarche n'est PAS exempte de difficultés et requiert, au préalable, une réflexion soutenue.
Cette réflexion aurait pour but :
- d’identifier les cas dans lesquels un arrêt de rejet doit se voir reconnaître quelque autorité à
l'égard du juge judiciaire,
- de préciser l'étendue de cette autorité et
- de définir les modalités pour une publicité concrétisée de ces arrêts de rejet.
Une telle initiative aurait le mérite de traiter l'une des difficultés que suscite la pratique du dualisme
juridictionnel « à la Belge », SANS, par ailleurs, remettre plus fondamentalement en cause les mérites de
ce système, dont les diverses ressources pour la protection juridictionnelle du citoyen sont évidentes.

La Cour de cassation termine en disant qu’il faudrait que le législateur intervienne en la matière, parce
qu’il y a des difficultés (devrait faciliter la chose).
Tulkens ne partage PAS cette opinion, car la difficulté n’existe que du fait de la Cour de cassation  c’est
elle qui a décidé, en 1977 et 1997, que les arrêts de rejets n’avaient aucune autorité de chose jugée. Ce
n’est pas le législateur !!
 Pourquoi devrait-il lui maintenant intervenir alors que, en réalité, la Cour de cassation pourrait
elle-même régler le problème.  La Cour de cassation va-t-elle évoluer ? Cette jurisprudence a-
t-elle donné lieu à une intervention du législateur ou autre chose ?
En réalité ça n’a pas beaucoup changé, si ce n’est dans le chef des juridictions elles-mêmes.

Quelques exemples :
- La Cour d’appel de Gand a suivi la doctrine et considéré, dans un arrêt Gand, 17 novembre 2015,
que l’art. 159, Const. ne pouvait pas être appliqué pour contrôler – entre les mêmes parties – la
validité d’un acte administratif, qui avait déjà été contrôlé par le Conseil d’État, à propos des
mêmes moyens présentés, mais rejetés par le Conseil d’État. La Cour d’appel n’applique pas du
tout la jurisprudence de la Cour de cassation, selon laquelle les mêmes moyens peuvent être
présentés devant le juge judiciaire, MÊME SI le Conseil d’État les a rejetés.
La Cour d’appel de Gand se fonde sur la sécurité juridique pour exactement dire l’inverse sur la
cohérence et l’économie procédurale.
Elle dit que, quand une situation de droit a déjà été éclaircie par le Conseil d’État, et qu’il s’est
déjà prononcé sur la légalité d’actes administratifs individuels, alors que les mêmes critiques de
droits sont formulées devant le juge judiciaire, la sécurité juridique interdit à ce dernier de se
prononcer à nouveau sur la légalité.
 Voilà donc un arrêt tout à fait à contre-courant de la position de la Cour de cassation. Toutefois,

133
Droit administratif

cet arrêt a été cassé en 2017 pour un motif de fait totalement étranger (erreur sur le fait).
 On notera quand même que le procureur général avait ADMIS l’existence de la controverse, et
qu’il recommandait malheureusement à la Cour d’appel de maintenir la jurisprudence de la Cour
de cassation.
- Deuxième élément qui intervient, Cass., 14 décembre 2015. Dans cet arrêt, la Cour de cassation
semble elle-même infléchir sa jurisprudence. Elle dit que l’autorité de chose jugée d’un arrêt de
rejet n’a lieu QU’à l’égard des mêmes faits appréciés, en fonction de la même norme juridique.
Ça veut dire que les arrêts de rejets du Conseil d’État, auraient peut-être une certaine autorité
de chose jugée, inter partes, pour les mêmes moyens.
 Autrement dit : on voit bien l’équilibre qu’on voudrait trouver  celui qui est allé devant le
Conseil d’État, qui a vu son cours rejeté en raison de sa tardivité (et donc : aucun moyen n’a été
tranché), peut toujours aller devant le juge judiciaire. Si son recours a été jugé recevable, mais
que certains moyens ont été rejeté, les moyens rejetés ne peuvent PLUS être présentés devant
le juge judiciaire.
Si on lui dit qu’il n’a PAS d’intérêt au moyen, là, il peut aller devant le juge judiciaire pour lui
demander de vérifier la légalité du même acte administratif non annulé par le Conseil d’État
pour d’autres moyens, auxquels il n’avait pas songé.

Mais quel est l’intérêt du pouvoir judiciaire par rapport au Conseil d’État ? Quels sont ses pouvoirs quand
il constate une illégalité/une faute ?
Très classiquement, on a vu que le Conseil d’État annule un acte administratif, point barre (indemnité
réparatrice peut-être, mais c’est nouveau).
Le juge judiciaire a une palette beaucoup plus large : il peut prendre différentes mesures pour rétablir la
légalité ou des mesures de réparation.

Il y a ici des distinctions importantes qui ont été faites récemment par Sébastien De Rey dans une thèse
de 2019  il a finement constaté que la Cour de cassation commettait une confusion entre les mesures
de rétablissement qu’un juge pouvait ordonner et les mesures de réparation.
- Les mesures de rétablissement ont pour objet de mettre fin à la violation d’une règle juridique.
Elles ne requièrent PAS que toutes les conditions de la responsabilité soient réunies.  On
rétablit la légalité, point. C’est tout. Et la décision du juge est contraignante : il ordonne une
mesure de rétablissement, notamment s’il y a un engagement clair et déterminé qui a été violé à
l’égard du demandeur  donc le juge peut ordonner des injonctions à l’autorité (de faire ou de
ne pas faire) et même sous astreinte (accomplir ou s’abstenir de prendre un acte précis).
- A côté de ça, le juge peut aussi prendre des mesures de réparation.  La mesure de
rétablissement = l’exécution forcée en nature d’une obligation primaire ou la cessation d’une
licéité, TANDIS QUE la réparation au sens strict a une fonction indemnitaire ou compensatoire  :
soit c’est une réparation en nature (octroi au demandeur d’un équivalent non pécuniaire), soit
c’est une réparation par équivalent (par des dommages et intérêts, qui représentent la mesure
du préjudice subi).
 Donc la réparation en nature n’est PAS toujours l’exécution de l’obligation primaire : c’est
quelque chose de DIFFÉRENT que ce que lui aurait procuré l’exécution en nature, qui compense

134
Droit administratif

adéquatement le dommage. La réparation en nature permet de réparer aussi, mais ne cherche


pas à rétablir l’illégalité en tant que telle.
REMARQUE : attention à la différence ‘réparation-exécution’ !!

Cette distinction est importante, et elle est reprise dans des conclusions récentes (de B. Dubuisson) (=
numéro spécial, qui paraitra le 7/11/2020, consacré aux 100 ans de l’arrêt Flandria du 7 novembre 1920,
voy. Moodle).

Qu’est-ce que cela veut dire in concreto ? Et comment peut-on ordonner une mesure de
rétablissement ? Un juge peut enjoindre à l’autorité de faire quelque chose et il peut même enjoindre un
Ministre de présenter un avant-projet de loi, par exemple. Voy. affaire du Softenon, qui était un
médicament pris par les femmes enceintes dans les années 1960. Cependant, ce médicament s’est avéré
avoir des effets secondaires catastrophiques, parce que les enfants qui naquirent, alors que leurs mères
avait pris du Softenon durant la grossesse, n’avaient pas de bras ou des bras raccourcis et un handicap
d’emblée.  Des procès ont eu lieu. Les personnes victimes du Softenon ont grandi avec des difficultés
qui se sont accrues avec l’âge, et elles ont demandé à obtenir une indemnisation à charge de la
collectivité, de la part de l’État, un fonds d’aide aux victimes de la thalidomide.
La Ministre de la Santé de l’époque avait accepté, et promis qu’elle allait déposer un avant-projet de loi
au Parlement, pour créer un fonds d’aide aux victimes du Softenon.
Il se fait que le gouvernement est tombé, que sa promesse de faire un avant-projet de loi, qui avait été
rédigé, mais jamais déposé, n'avait pas été suivi par les ministres de la Santé successifs.
Les victimes du Softenon ont fait un procès pour obtenir une injonction de déposer l’avant-projet de loi
au parlement, estimant qu’il y avait un engagement unilatéral par l’ancienne Ministre de la Santé, mais
qui n’avait jamais été exécuté.
 Conséquence : Bruxelles, 22 février 2018 : arrêt retentissant de la Cour d’appel de Bruxelles, qui
reconnaît la faute de l’État et enjoint les Ministres de la Santé de déposer au Parlement un
avant-projet de loi. Le parlement ne doit PAS voter le texte, mais il faut présenter le texte. Il se
trouve que la loi a été votée : loi 5 mai 2019 relative à l’octroi d’une somme forfaitaire en
faveur de personnes atteintes de malformation congénitales dues à l’ingestion par leur mère
pendant la grossesse de médicament contenant la thalidomide.
 Voilà comment un juge force l’autorité à ne pas persister dans la faute qu’elle a commise (ici
non-respect d'une promesse).
Le rétablissement en nature n’est pas toujours une chose facile. La réparation en nature non plus, parce
que parfois, elle est abusive  dans ces cas-là, il y aura réparation par équivalent.
Pourquoi la réparation en nature pourrait être abusive ? Parce qu’elle cause un préjudice
disproportionné pour l’administration ; parce que c’est un abus de droit, p.ex. : des gens ont construit,
puis leur permis est déclaré illégal  pas de suspension, et on veut tout faire démolir. Oui, ils n’auraient
pas dû construire… Pourquoi le permis est-il illégal ? Est-ce que c’est réparable ou pas ? La mesure n’est-
elle pas disproportionnée, si elle entraîne une démolition complète ? Ne peut-on pas plutôt compenser
par des dommages et réparation, avoir une réparation par équivalent ?
( !! ) On dit que la réparation en nature doit être privilégiée, MAIS quand ce n’est pas possible  la
réparation par équivalent est légalement ordonnée.

135
Droit administratif

Exemple : quelqu’un avait travaillé dans un cabinet ministériel et il avait été licencié. Il avait été en
justice, et il avait obtenu une réparation. Il avait demandé à la Cour d’appel de Bruxelles sa réintégration
dans un cabinet ministériel ou une administration fédérale, et il l’avait obtenu.
La Cour de cassation casse cette mesure, en estimant que la fonction exercée par les membres d’un
cabinet ministériel est par essence temporaire ; elle n'est PAS organisée par des critères. La fonction
repose sur une relation de confiance personnelle entre le membre du cabinet et le Ministre.
Le Conseil d’État avait annulé le licenciement, et la Cour de cassation dit alors que demander la
réintégration devant le juge judiciaire n’est pas possible si le Ministre n’est plus en fonction. L’arrêt qui
ne nie pas que le Ministre avait démissionné mais ordonnait néanmoins sa réintégration soit au cabinet,
soit au sein d’une administration fédéral, n’est pas légalement justifié, même ici, pour la fonction de
chauffeur de cabinet.
 Ça n’est pas possible, vu la nature de la relation contractuelle au sein d’un cabinet, MÊME pour
un chauffeur. Il fallait passer par une RÉPARATION PAR ÉQUIVALENT en dommages et intérêts.

On voit donc que la palette est assez large, des mesures de rétablissement d’injonction, des mesures de
réparation en nature, des mesures par équivalent.
Le juge judiciaire doit cependant respecter le grand principe de la séparation des pouvoirs.
Ce principe veut que le juge ne puisse pas faire œuvre d’administrateur : il doit respecter le pouvoir
d’appréciation discrétionnaire (s’il y en a un) de l’autorité. Il doit laisser à l’autorité le soin de choisir la
solution qui lui parait la plus adéquate. Il ne peut pas interférer en la matière, mais on voit là qu’il y a
aussi des évolutions ; des évolutions qui montrent qu’on peut revoir peut-être la manière on oscille
entre la réparation-la prévention-l’indemnisation ou l’injonction en cas de faute commise par les
pouvoirs publics.

Trois exemples :
Exemple 1. Cass., 4 mars 2004, arrêt Noordrand : il s’agit de la question du survol de Bruxelles et des
nuisances aériennes.
La question qui se pose est la suivante : « faut-il la dispersion ou la concentration des nuisances ? Vaut-il
mieux que tout le monde reçoive un peu de nuisances, ou vaut-il mieux concentrer ces nuisances, en
indemnisant ceux qui sont touchés exclusivement ? »
Le gouvernement avait décidé, en 2000, de concentrer les vols en dehors de la Région Bruxelles-Capitale,
dans la partie Noordrand (partie au Nord de Bruxelles en Flandre). Les habitants du Noordrand attaquent
cette concentration en justice : ils reçoivent toutes les nuisances  c’est une atteinte au droit à la vie
privée, atteinte à l’environnement sain (Const., art. 23), droit au repos nocturne, le droit de vivre la
journée dans son jardin et d’ouvrir les fenêtres la nuit. Ils obtiennent un arrêt de la Cour d’appel de
Bruxelles, qui dit que le plan de concentration fait par le gouvernement est illégal, attentatoire à leurs
droits et disproportionné. La Cour d’appel enjoint l’État belge de procéder à un plan de dispersion. Cette
inaction sera cassée par la Cour de cassation, parce qu’en enjoignant de faire un plan de dispersion, le
juge a pris une décision qui prive l’autorité de son pouvoir discrétionnaire. ( !! ) Il n’y a pas de
compétence liée en la matière  il y a plusieurs solutions possibles.
Le juge s’est substitué à l’autorité, méconnaissant ainsi le principe de la séparation des pouvoirs. Le juge
aurait dû dire : « vous ne pouvez pas faire une concentration, vous devez faire autre chose, comme la

136
Droit administratif

dispersion », mais il NE pouvaient PAS l’IMPOSER.

Exemple 2. Bruxelles, 21 février 2014 : des personnes morales de droit privé ont eu vent qu’un Ministre
allait proposer au Roi un arrêté royal, dont ils connaissaient le contenu, qu’ils trouvaient illégal (domaine
de rémunération pour la diffusion d’œuvre dans des lieux publics, matière de droit d’auteur).
Ils ont demandé aux juge judiciaire une injonction pour interdire au Ministre de présenter à la signature
royale le projet d’arrêté.
Question : « peut-on interférer à ce point-là dans l’exécutif au motif de prévenir une illégalité (un droit
subjectif va être atteint) et donc d’interdire à un Ministre de présenter un projet à la signature royale ?  »
C’est très audacieux.
Le Tribunal de 1ère instance de Bruxelles a fait droit à cette demande, estimant que le juge a le droit de
réparer, mais aussi de prévenir des atteintes à des droits subjectifs par les pouvoirs publics.
Cette décision a été réformée par la Cour d’appel de Bruxelles, en 2014. Certes les cours et tribunaux
sont compétents en vertu de l’art. 159 de la Const. pour contrôler la légalité interne et externe des actes
administratifs, MAIS ce pouvoir est soumis à 2 limitations :
1. Le juge ne peut pas exercer lui-même un pouvoir discrétionnaire qui appartient à l’administration, pas
plus que le juge judiciaire ne peut apprécier l’opportunité de l'action de l’administration.
2. Les arrêts de règlements sont interdits au sens de l’art. 6 C.jud. : se prononcer par disposition
générale et réglementaires est contraire à la séparation des pouvoirs. Le juge ne statue que dans le cas
d’espèce et donc on ne peut pas prendre ce genre de mesures judiciaires. L’acte en question pouvait
être soumis à signature royale et APRÈS la publication, pouvait faire l’objet éventuellement d’un recours
en annulation devant le Conseil d’État, de recours en dommages et intérêts ou d’écartement
d’application devant les cours et tribunaux.

Exemple 3. Affaire Urgenda (vient des Pays-Bas) : cette affaire est relative au constat qu’aux Pays-Bas,
les règles européennes en matière de réductions des gaz à effet de serre n’ont PAS été atteintes.
Voilà que des collectifs de citoyens ont assignés l’État hollandais, afin d’obtenir des injonctions pour
aboutir à réduire les gaz à effet de serre et améliorer la qualité de l’air.
Le tribunal de La Haye a fait droit à cette demande en 2015. Ça ‘fait beaucoup de bruit’  la Cour
d’appel de La Haye confirme en 2018. Ça fait toujours autant de bruit, et puis encore mieux, la Cour de
cassation (Hoofdraad) hollandaise, dans une décision du 20 décembre 2019, a rejette le recours. C’est au
nom du droit à la protection de l’environnement (art. 8 CEDH) qu’il y a un dommage environnemental,
par l’absence de mesures de prévention prises par l’état hollandais  par conséquent, il y a une
obligation qui pèse sur l’État. Le juge peut donc non pas constater simplement le défaut de l’État, mais il
peut lui donner une injonction de légiférer – qui est admissible – malgré la séparation des pouvoirs,
moyennant le respect de la marge de manœuvre des pouvoirs publics (« qu’en privant l’administration
de sa liberté de choix et en se substituant à elle, les juges d’appel avaient méconnu le principe de la
séparation des pouvoirs »).
On ne peut pas réduire la marge de manœuvre des pouvoirs publics en tant que telle.
L’injonction judiciaire dans Urgenda, est admissible parce qu’elle porte sur un résultat prescrit par le
droit objectif, c’est-à-dire adopter un plan de réduction des gaz à effets de serre, pour améliorer la
qualité de l’air  les moyens restent à la liberté de l’État hollandais.

137
Droit administratif

Pourquoi on parle de ça ? Parce que l’arrêt Urgenda pourrait venir « faire des petits » en Belgique,
pourrait avoir le même effet ; et il y a déjà de la jurisprudence qui va en ce sens, et qui restreint donc la
séparation des pouvoirs (pas que l’affaire du Softenon), notamment une action qui a opposé Green
Peace à la Région flamande : Green Peace a fait une action en cessation environnementale contre la
Région flamande, au motif que celle-ci n’avait pas adopté un plan de qualité de l’air, comme l’exige une
directive UE sur l’air pur en Europe.
Le tribunal de Bruxelles enjoint à la Région flamande d’adopter le plan (il ne s’agit, in casu, pas d’un
contenu précis du plan, comme dans Urgenda).
La Région flamande avait un an pour s’exécuter, sous peine d’astreinte.
Elle avait la liberté totale de choisir ce qu’il fallait faire pour réaliser un plan de qualité de l’air. Elle a pris
un plan sur la qualité de l’air, mais le juge a constaté qu’il ne satisfait pas entièrement aux exigences
européennes  des astreintes (€1000/jour) ont été dues (jusqu’à max. €500.000), et elles sont
réclamées actuellement (en ce moment, il y a un litige sur la reddition de ces astreintes).
Autre exemple : la surpopulation dans les prisons. On a vu des litiges francophones à Bruxelles et à Liège,
où on a obtenu des injonctions judiciaires pour non-respect par l’État belge des conditions de gestion des
prisonniers, conformes aux droits de l’homme.
Les prisons sont dans un état inadmissible : on viole les droits fondamentaux  injonction à l’État belge
(demander d’adopter des règles sur des courtes peines, modifier la détention préventive…).
Tant à Liège qu’à Bruxelles, on a dit : « rien ne permet à un tribunal d’imposer des modifications
législatives aux législateur ». Par contre, ce que le tribunal de Bruxelles a fait = imposer de ramener dans
les 6 mois, le nombre de détenus dans les établissements pénitentiaires de Forêts et St Gilles à la
capacité maximale autorisée par rapport à la taille des bâtiments.
La séparation des pouvoirs n’interdit pas qu’un objectif très précis soit imposé, du moment que la liberté
reste dans les moyens pour y parvenir (voy. article en ligne (Moodle) par S. Van Drooghenbroeck).

Petit retour en arrière sur le contrôle de la validité des actes administratifs par le Conseil d’État et les
juges judiciaires, en vertu de l’art. 159, Const.

( On aborde des mesures COVID-19 à ce sujet, et des contestations devant le Conseil d’État.)
Quatre arrêts ont été prononcés par l’assemblée générale du Conseil d’État, dont deux datent du 28
octobre 2020 et deux du 30 octobre 2020.
( !! ) Ces arrêts sont importants, car ils tranchent différentes questions, et rejettent tous les recours. 
Sur 32 arrêts, on ne voit qu’une seule suspension, concernant la question de la restriction de l’exercice
de la prostitution dans la ville de Bruxelles. Le Conseil d’État s’est prononcé sur différents moyens,
notamment sur un moyen important de la base légale des mesures anti-COVID qui sont prises.

Dans un 1er arrêt, du 28 octobre 2020 (= arrêt en Français), le Conseil d’État a évité la question, en
considérant que le moyen avait été formé tardivement et que donc, on ne pouvait pas le reprendre
comme tel.
Le recours avait été mal écrit et donc on ne peut pas venir avec un nouveau moyen après l’introduction
de la requête.
C’est une manière de botter en touche qui n’a pas duré longtemps, puisque dans un arrêt du 30 octobre

138
Droit administratif

2020, n°248.818 (arrêt en Néerlandais), l’assemblée générale du Conseil d’État a rejeté le manque de
base légale des mesures COVID.
 Le Conseil d’État rend un long arrêt, où il explique qu’il y a différentes bases légales qui sont valables  :
d’une part, la Loi du 5 août 1992 sur la fonction de police et d’autre part, la Loi du 15 mai 2007 relative
à la sécurité civile (et plus précisément, ses artt. 181, 182 et 187). Le Conseil d’État considère que la base
légale est suffisante pour prendre – par arrêté ministériel – des mesures en la matière. Il dit également
que, s’il y avait une difficulté dans une des lois qui sert de base légale, ce n’est PAS de sa compétence (au
regard de Const., art. 105)  ça relève de la compétence de la Cour constitutionnelle. Par conséquent,
le Conseil d’État ne peut pas connaître du problème.
 Il estime que tout va bien ; il y a une base légale suffisante !

 Ces arrêts s’opposent fortement à un jugement du Tribunal de police de Charleroi du 21 septembre


2020, qui a examiné la même question, mais qui est arrivé à une conclusion radicalement opposée : on
poursuit une personne prise plusieurs fois en violation des mesures COVID entre mars et avril. La
personne ne sait ni lire, ni écrire (handicap mental) et ne s’exprime pas avec aisance. A-t-elle son
discernement (responsabilité pénale) ? Indépendamment de ça, le Tribunal estime devoir vérifier s’il y a
bien une infraction pénale valablement indiquée dans un arrêté ministériel.
Dans un très long jugement, le Tribunal aboutit au constat que la Loi de 2007 sur la sécurité civile ne
fournit AUCUNE base légale pour les mesures COVID. Il estime que le texte ne voulait pas dire autre
chose et qu’il faut interpréter restrictivement les faits qui permettent de punir les gens. Il faut une
intervention du législateur pour lutter contre les infractions, un arrêté ministériel NE SUFFIT PAS.
 L’action publique est irrecevable. Toutefois, ce jugement n’est pas définitif, il fait l’objet d’un
appel.

REMARQUE : ce qui est frappant = on a deux instances juridictionnelles, qui disent fondamentalement
des choses différentes.
D’une part, le juge remet en cause la légalité de la mesure , tout en disant qu’il ne l’applique pas pour ce
cas-ci. D’autre part, le juge du Conseil d’État qui rejette, se fonde sur le même défaut de la légalité. Est-
ce que la messe est dite définitivement ? La réponse est non : c’est tellement non, qu’une série de
constitutionnalisés ont publié dans Le Soir et Le Standaard une carte blanche, qui s’intitule « Sortez le
Parlement de la quarantaine ». Ces constitutionnalistes reprochent au Conseil d’État d’avoir statué
comme il l’a fait. Ils considèrent que, en réalité, le Conseil d’État s’est trompé ; qu’il devait juger
autrement.
 En un mot : « il faut une Loi Corona » : c’est au Parlement de décider ce qui est interdit ou
autorisé et à quelles conditions on peut sanctionner.
Le titre est « Sortez le Parlement de la quarantaine », car le Parlement n’a eu rien à dire sur ces
questions.
Pourquoi les constitutionnalistes disent que la messe n’est pas dite ? Parce qu’ils considèrent
qu’un arrêt de rejet du Conseil d’État n’a PAS autorité de chose jugée, sauf inter partes. D’autres
juges judiciaires, à l’instar du juge de Charleroi, écartent aussi la mesure prise par arrêté
ministériel (injonctions de respecter le lock down, fermetures de restaurants, etc.), ce qui ne met
donc PAS fin au litige.  L’arrêt du Conseil d’État donne une fausse sécurité au pouvoir législatif

139
Droit administratif

et à l’exécutif.
Les constitutionnalistes trouvent même que le Conseil d’État aurait dû faire autre chose, c’est-à-
dire qu’il aurait été de bonne politique que le Conseil d’État constate qu’il y a un moyen
sérieux (défaut de base légale), constate qu’il y a urgence, mais que – procédant à une balance
des intérêts, comme il peut le faire – il ne suspende pas les mesures.
 Autrement dit, on pourrait toujours sanctionner les gens sur la base d’un arrêté qui a
véritablement du plomb dans l’aile (car il est affecté d’une illégalité qui est jugée sérieuse), mais
ça n’empêche pas de continuer les poursuites avec, éventuellement, une loi de réparation.
Ça aurait été une manière de ménager la chèvre et le chou, c’est-à-dire toujours assurer
l’interdiction de faire certaines choses et les respecter, MAIS avertir clairement le législatif qu’il
devait intervenir, car il n’y a pas assez de base légale.
On peut ne pas être d’accord avec cette position, mais on voit que le débat fait rage, sur une et
la même question, notamment la légalité des mesures COVID qui ont été prises récemment, le
18 et 23 octobre 2020.
(Lire ces arrêts du Conseil d’État. L’arrêt du 30 octobre 2020 répond (et va dans un autre sens)
au jugement du Tribunal de police de Charleroi du 21 septembre 2020.)

(= Documentation en plus qui fait partie de la matière à connaître. Tulkens insiste là-dessus  Lombaert
va traiter de la question de la légalité d'un acte administratif, de son fondement légal et va reprendre
également ces arrêts comme illustration.)

b) La responsabilité des pouvoirs publics


C’est la 3e et dernière forme de contrôle des pouvoirs publics (outre le contrôle par le CE et le juge
judiciaire via l’art. 159, Const.). Il s’agit du contrôle de responsabilité, au sens de l’art. 1382 C.civ.

Une nouveauté depuis 2014 – à côté de la responsabilité des pouvoirs publics et des dommages et
intérêts qu’ils sont éventuellement redevables sur base de l’art. 1382 C.civ. – il y a aussi l’indemnité
réparatrice, prévue par le nouvel art. 11bis LCCE (on la voit à la fin du cours).
Il s’agit d’une indemnité qu’on peut demander à charge de l’auteur d’un acte qui a été jugé illégal, après
l’annulation, on peut dans les 60 jours qui la suivent, demander au Conseil d’État de se prononcer sur les
effets civils de son arrêt. L’acte est illégal et le Conseil d’État examine, dans les 12 mois, quelle
indemnité réparatrice il y a lieu d’allouer, en tenant compte des intérêts publics et privés en présence.
Par ce mécanisme, on évite d’aller devant le juge judiciaire. Le Conseil d’État apprécie à sa façon le lien
de causalité entre l’illégalité, constatée par son 1er arrêt, et le dommage allégué. Il apprécie la
preuve/réalité de ce dommage et fixe un montant d’indemnité réparatrice.

Toute une jurisprudence nouvelle se développe, où le Conseil d’État alloue des montants d’indemnité
réparatrice.
Il y a un choix à faire  le principe « electa una via » s’applique : après l’arrêt du Conseil d’État  soit
on va, dans les 60 jours, devant le Conseil d’État, dans le but d’obtenir une indemnité réparatrice, soit on
décide de faire une action en responsabilité civile, pour recevoir des dommages et intérêts devant le juge

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Droit administratif

judiciaire, et ce, dans les 5 ans. Dans ce cas-là, on ne peut PLUS demander une indemnité réparatrice
devant le Conseil d’État. On verra, à la fin du cours, les 7 différences entre ces procédures.

La question qui se pose maintenant = « quel est le fondement légal et comment apprécie-t-on la
responsabilité des pouvoirs publics ? »  C’est l’art. 1382 C.civ. qui règle cette matière.
Ça a évolué : il y a d’abord eu l’arrêt Flandria du 5 novembre 1920, puis on a eu l’arrêt Anca de 1991,
qui a consacré la responsabilité du pouvoir judiciaire, et enfin : un arrêt Ferrara de 2006 qui consacre la
responsabilité du pouvoir législatif.
La manière dont on apprécie la responsabilité de ces deux derniers pouvoirs (judiciaire et législatif)
influence la manière dont on apprécie la manière dont la responsabilité du pouvoir exécutif est engagée.

1- La responsabilité du pouvoir exécutif entendue classiquement


(On va d’abord comprendre classiquement comment l’on interprète la responsabilité du pouvoir
exécutif, selon quel critère, à quelle condition, et puis on va voir comment on apprécie la responsabilité
personnelle éventuelle.)
Il y a la Loi du 10 février 2003 qui protège le pouvoir exécutif. On va voir les évolutions de la
jurisprudence, pour s’intéresser aux responsabilités des deux autres pouvoirs (judiciaires et législatifs) et
en tirer des conclusions. On fait essentiellement du droit civil, mais appliqué aux pouvoirs publics.
 On est donc bien dans du droit public administratif.

Premièrement la responsabilité du pouvoir exécutif entendu très classiquement.


On analyse l’arrêt Flandria, Cass., 5 novembre 1920  la Cour de cassation fait un revirement de
jurisprudence. Elle valide le fait que les cours et tribunaux sont compétents pour ordonner la réparation
d’un dommage causé par la puissance publique.
L’affaire était ‘toute bête’ : un arbre, situé sur un domaine public de la ville de Bruges, s’était effondré
sur les serres où la société Flandria exploitait son entreprise horticole. L’arbre avait endommagé les
serres  un litige s’était noué : Flandria demandait réparation à charge de la ville de Bruges.
Un juge pouvait-il juger la ville de Bruges ? La réponse était non,  jusqu’à ce que la Cour de cassation
affirme l’inverse : elle dit que la Constitution a déféré aux cours et tribunaux la connaissance exclusive
des contestations qui ont pour objet les droits civils (ancien art. 192  aujourd’hui : Const., art. 144).
La Cour de cassation poursuit que, par ces termes, la Constitution a mis sous la protection du pouvoir
judiciaire tous les droits civils, tous les droits privés consacrés par le Code civil et les lois qui le
complètent.
On confie aux cours et tribunaux la mission de réparer des atteintes portées à ces droits. La Cour
poursuit, en vue de réaliser cette protection : la Constitution n’a pas égaré à la qualité des parties en
litige, ni à la nature des actes, MAIS uniquement à la nature du droit lésé.

En conséquence, quand une personne allègue qu’une atteinte a été portée à son droit, et qu’elle
demande réparation du préjudice qu’elle a éprouvé, le pouvoir judiciaire PEUT ET DOIT connaître de la
contestation et il est qualifié pour ordonner la réparation du préjudice, MÊME SI l’auteur prétendu de la
lésion est l’État, une commune ou une quelconque autre personne du cas public, (comme dans le cas où

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Droit administratif

la lésion serait causée par un acte illicite de l’administration publique) !!


 Autrement dit, la société Flandria (partie privée) dispose d’un droit civil en réparation sur base
de l’art. 1382 C.civ., dont seul le juge judiciaire peut connaître, pour en ordonner
éventuellement la réparation.
Le juge judiciaire est compétent, qu’il y ait un acte illicite ou non de l’administration publique ou
bien simplement violation de l’art. 1384 al. 1 C.civ.
In casu, la commune était gardienne du bien, à savoir l’arbre de son domaine public.

REMARQUE : cet arrêt est véritablement majeur, même si le chroniqueur des J.T. qui l’a commenté après
a considéré que cet arrêt ne révolutionnait rien du tout.
 Au contraire : c’est un arrêt qui ouvre une vague ; la boîte de Pandore est ouverte et le monde pourra
changer complètement en termes de responsabilité.

Que retenir de cet arrêt ? Toute personne de droit public est responsable devant les cours et tribunaux
de l’ordre judiciaire pour tous ses actes. Les règles applicables sont celles du droit commun, art. 1382
C.civ.

Dans un premier temps, l’arrêt est interprété de manière restrictive et on fait une distinction entre la
responsabilité de l’État pour des actes administratifs d’exécution (défaut d’entretien de la voirie par
exemple), par opposition aux actes administratifs de décision (choisir le tracé d’une nouvelle voie
publique par ex.). La 2e catégorie d’actes comportant un caractère politique, notamment les actes
administratifs de décision, échappait à toute appréciation juridictionnelle. Cette distinction n’a pas
subsisté, puisqu’elle est supprimée en 1963, par un arrêt de la Cour de cassation. On apprécie la
responsabilité de l’État pour n’importe quel acte. Le critère d’évaluation de la faute extracontractuelle
est double 
- ou bien la faute consiste en un acte ou une abstention, qui viole une norme de droit
international ayant des effets directs dans l’OJ national/une norme de droit interne imposant de
s’abstenir ou d’agir de manière déterminée (= l’hypothèse de l’illégalité).
- A côté de ça, 2e critère, il y a un acte positif ou une abstention – qui n’est pas une illégalité – mais
qui s’analyse en une erreur de conduite  s’analyse au regard du critère de la personne
normalement prudente et soigneuse/diligente, placée dans les mêmes circonstances (=
l’hypothèse de la violation d’une norme de prudence).

a- Illégalité
L’illégalité est souvent établie, notamment par des arrêts du Conseil d’État. Quand le Conseil d’État
annule un acte administratif, c’est qu’il était illégal, forcément.
Est-ce que cette illégalité est ipso facto une faute ?
Arrêt important, Cass.,13 mai 1982 : la Cour de cassation répond par l’affirmative. C’est la théorie de
l’identité (ou l’unité) absolue entre l’illégalité et la faute. L’autorité administrative commet une faute
quand elle accomplit un acte administratif qui méconnaît la Constitution ou les lois qui lui imposent de
s’abstenir ou d’agir d’une manière déterminée.

142
Droit administratif

Elle engage donc sa responsabilité si cette faute cause un dommage, sous réserve d’une erreur invincible
ou une cause d’exonération de responsabilité  il y a donc quand même une échappatoire.
 Mais s’il n’y a pas soit une erreur invincible, soit une cause d’exonération de responsabilité 
l’illégalité constatée par le Conseil d’État correspond à une faute.
Pourquoi est-ce constaté par le Conseil d’État ? Parce que les arrêts d’annulation du Conseil d’État ont
autorité erga omnes.
 Le juge civil, saisi d’une demande en réparation fondée sur le même fait illégal, ne peut QUE
conclure à la faute. Illégalité = faute  selon la Cour de cassation, il ne faut même plus
démontrer la faute de l’autorité publique devant le juge judiciaire. Elle est déjà établie par l’arrêt
d’annulation, qui constate l’excès de pouvoir commis par l’autorité administrative.
Il n’est PAS obligatoire d’aller devant le Conseil d’État ! Ce n’est pas un préalable obligé, car on
peut, en vertu de l’art. 159, Const., demander aux cours et tribunaux de l’ordre judiciaire de
vérifier incidemment la légalité des actes administratifs. Et, en cas de constat d’illégalité, en
déduire la responsabilité de l’administration, MÊME en l’absence de décision du Conseil d'État.
 Le juge judiciaire ne va pas se prononcer en opportunité, mais il fait un contrôle complet de la
légalité interne ou externe de l’acte administratif, comme le Conseil d’État.

Il y avait là un 1er modèle très protecteur du citoyen : dès qu’une illégalité était consacrée par le Conseil
d’État (et il y en a beaucoup), on se demandait s’il n’y avait pas une responsabilité pour les pouvoirs
publics et pour le bénéficiaire de l’annulation. On se posait la question : « est-ce qu’il n’a pas droit à des
dommages et intérêts ? » Alors oui : peut-être qu'il a droit à des dommages et intérêt, puisqu’une
illégalité a été commise, ce qui équivaut à une faute. MAIS… il faut que deux conditions supplémentaires
soient remplies.
1. Il faut établir un dommage. C’est une question de fait. La démonstration du dommage s’effectue
par tous les moyens de droit et de fait. De plus, toute forme de dommage est réparable, p.ex. :
le dommage matériel, le dommage moral…
(Attention, il se peut aussi que l’illégalité constatée par le Conseil d’État n’ait causé aucun
dommage et que notamment, une réparation soit déjà intervenue.)
2. Il faut un lien de causalité entre la faute et le dommage.  On pourrait démontrer que la
décision administrative illégale aurait été identique SANS le vice de forme constaté, p.ex. : acte
signé par quelqu’un qui n’avait pas la compétence  on reprend exactement le même acte, ça
ne change rien. On constate que, dans ces cas-là, le dommage serait survenu de la même
manière en l’absence de faute.
 C’est parfois difficile à démontrer, et le préjudice consiste souvent – compte tenu du lien causal
aléatoire – en la perte d’une chance, c’est-à-dire qu’on affecte le préjudice d’un coefficient lié à
la perte de la chance.
EXEMPLE : trois candidats postulent un poste vacant dans l’administration. Le candidat A est
nommé, mais sa nomination est annulée. Est-ce que cela veut dire que nécessairement le poste
aurait été attribué à B ou C. Ils ont obtenu l’annulation, mais ils ne peuvent pas prétendre qu’ils
avaient nécessairement toutes les chances d’obtenir le poste. Ils ont perdu la chance d’obtenir le
poste. Peut-être que A et B avaient la même place, et C après. La chance peut être élevée ou très
faible. Il y a une gamme de probabilité et le dommage consistera à indemniser cette perte de

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Droit administratif

chance en appliquant le pourcentage de chance que la faute a fait perdre à la victime, par
rapport au préjudice subi. ( !! ) Ce n’est donc PAS un dommage intégralement récupéré, mais un
dommage calculé en fonction de la perte de chance évaluée.
‘CONCLUSION’ : ce qu’il faut retenir = l’existence d’une illégalité constatée par le Conseil d’État ou par
les cours et tribunaux est une faute, mais cette constatation n’entraîne PAS nécessairement un
dommage !  Ce n’est le cas QUE si la victime démontre que l’application de législation, SANS le vice
qui a affecté la décision, l’aurait nécessairement placée dans une situation plus favorable . (Il y a toute
une jurisprudence assez conséquente en la matière.)

b- Violation d’une norme générale de prudence


Ici, on est dans un cadre où l’acte administratif ne viole aucune règle de droit  il n’y a pas d’illégalité
avérée.
Néanmoins, la responsabilité peut être engagée parce que l’autorité a peut-être méconnue la norme
générale de prudence qui s’impose à elle ; l’obligation de se comporter comme une autorité
normalement prudente et soigneuse/diligente, placée dans les mêmes circonstances.
Comment apprécie-t-on la responsabilité de l’administration ? Est-ce que c’est la même manière que le
citoyen ?
Paradoxalement, pour l’administration c’est PLUS FACILE, grâce aux principes généraux de bonne
administration. L’autorité doit être prudente, raisonnable, statuer dans un délai raisonnable, etc.
Ces principes, qui sont une source du droit, permettent de donner à la faute des pouvoirs publics une
réelle consistance, même en l’absence de norme qui impose à l’administration d’agir/de s’abstenir d’une
manière déterminée.
 On trouve régulièrement dans la jurisprudence de la responsabilité pour manquement à
l’obligation d’information, au respect du délai raisonnable, etc.
On a un très gros contentieux sur la responsabilité du pouvoir exécutif au regard de ces critères.

2- Quant à la responsabilité personnelle des fonctionnaires


Finalement qui est responsable quand l’administration est responsable ? Les agents sont-ils eux-mêmes
responsables ou y a-t-il une forme de protection ?
La réponse se trouve dans la Loi du 10 février 2003 relative à la responsabilité des et pour les membres
du personnel au service des personnes publiques.
Pour le dire d’emblée, les fautes des pouvoirs publics engagent rarement la responsabilité personnelle
des fonctionnaires. La Loi du 10 février 2003 s’est alignée sur le régime d’immunité dont bénéficient les
travailleurs sous le contrat d’emploi (art. 18 de la loi du 3 juillet 1978 sur les contrats de travail). Cette
Loi de 2003 a mis fin à une discrimination, qui avait été constatée par la Cour constitutionnelle. La
discrimination était que, sans la Loi de 2003, les agents publics pouvaient faire l’objet d’action publique
récursoire, CONTRAIREMENT aux employés dans un cadre PRIVÉ, avec un contrat de travail.
Dans trois cas, il était possible de se retourner contre l’agent, via une action récursoire :
- En cas de dol,
- En cas de faute lourde,

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Droit administratif

- En cas de faute légère habituelle.


Il s’agit de trois hypothèses exceptionnelles, où le privé peut se retourner contre son employé.
L’autorité pouvait à tout moment se retourner contre son agent. La Cour constitutionnelle a considéré
que c’était discriminatoire et la Loi du 10 février 2003 est venue aligner le régime de protection des
statutaires sur le régime des contractuels.

Les contractuels de la fonction publique, quant à eux, bénéficient de la Loi du 3 juillet 1978. Par
conséquent, on ne peut se retourner que dans trois cas contre les contractuels de la fonction publique :
- le dol, c’est la faute volontaire,
- la faute lourde, c’est la grosse bévue,
- et la faute habituelle, c’est celle qui est répétée régulièrement.

Qui est bénéficiaire de cette Loi de 2003 ? Les membres du personnel au service d'une personne
publique, dont la situation est réglée STATUTAIREMENT.
 Sont donc exclus les agents non-subordonnés (Ministre, secrétaire d’Etat, bourgmestre, les députés…
PAS le gouverneur de province par contre).
« Au service d’un personne publique », qu’entend-t-on par-là ? Personne publique : ≠ autorité
administrative, ≠ personne morale de droit public.
 On a voulu à dessein utiliser un terme extrêmement large, parce qu’on voulait couvrir TOUTES
les personnes travaillant au service d’organismes, ayant emprunté même une forme juridique de
droit privé (intercommunales sous la forme d’une S.A., une ASBL, les animaux publics…).

Les agents sont couverts pour les actes fautifs qu’ils commettent dans l’exercice de leur fonction. 
C’est la même chose que l’art. 1384 al. 3 C.civ., qui fonde la responsabilité du commettant pour le
préposé.
Ces agents publics ne répondent pas de la faute qu’ils commettent aux tiers, ils ne répondent que vis-à-
vis de leur employeur public de leur dol (1), de leur faute lourde (2) ou de leur faute légère habituelle
(3), comme l’art. 18 de la Loi du 3 juillet 1978.
Cette immunité ne concerne QUE la responsabilité civile (pas pénale, ni disciplinaire). Ça veut donc dire
que cette immunité met l’agent à l’abri d’un recours exercé par un tiers et à l’abri du recours par un
employeur, qui ne peut agir en remboursement qu’après indemnisation de la victime.
Il faut aussi avoir associé la personne en question, à un règlement amiable, sous peine d’irrecevabilité de
l’action (art. 5 de la loi).

Il y a un régime qui a été introduit aux art. 271bis et 271ter NLC, pour protéger les bourgmestres et
échevins des actions dirigées contre eux et pour lesquels ils sont aussi civilement responsables quand
notamment on met en cause leur fonction. L’action récursoire de la commune à l’encontre du
bourgmestre ou d’un échevin est aussi limitée au dol, la faute lourde et la faute légère habituelle.

Sur cette loi en particulier, dans le numéro spécial sur l’arrêt Flandria, il y a tout un article sur la
responsabilité personnelle des agents. La loi connaît peu de cas d’application, car elle joue son rôle de
protection des agents en tant que tel, même si elle est améliorable.

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Droit administratif

(Petit commentaire : la carte blanche a suscité une contre carte blanche (référendaire à la Cour
constitutionnelle), elle sera sur Moodle aussi.)

3- Evolutions en matière de responsabilité


Il y a des évolutions à plusieurs niveaux, notamment au niveau de la Cour de cassation à propos de
l’équation, illégalité = faute. La Cour de cassation avait émis une réserve : l’illégalité est une faute, SAUF
erreur invincible ou autre cause d’exonération.
- 1ère évolution : on est, semble-t-il, passé d’une conception de l’illégalité et de la faute comme
une unité absolue à une unité relative. Cette évolution résulte de deux arrêts de la Cour de
cassation qui ont interpellé la doctrine (voy. arrêt du 25 octobre 2004 et arrêt du 8 février
2008).
- 2e source d’évolution : la responsabilité du pouvoir judiciaire et législatif (voy. infra).

a- Quant à l’identité entre l’illégalité et la faute : de l’«   unité absolue  » à l’«  unité relative  » ?
Cass., 25 octobre 2004 : la Cour de cassation a porté nuance au fait que l’identité absolue ne vaut pas
nécessairement et que donc, l’autorité peut se tromper, mais NE PAS nécessairement commettre une
faute.
L’arrêt s’agit d’un conflit qui opposait une entreprise et l’ONSS. Une travailleuse était assujettie, mais
parfois il y a de faux engagements et donc l’ONSS n’accepte pas les affiliations. L’affiliation avait d’abord
était admise et puis l’ONSS change son point de vue : elle retire la décision d’assujettissement, en disant
qu’il n’y a pas de contrat de travail en réalité. Attention, quelque part, parfois, c’est aussi fait pour
frauder.
La travailleuse et son employeur contestent et introduisent un litige devant les juridictions du travail et
demandent le rétablissement de l’affiliation. En plus de cela, ils réclament des dommages et intérêts liés
à ce retrait d’assujettissement et à la modification de position de l’ONSS.
La Cour du travail de Mons, en 2003, considère que le retrait d’assujettissement est illégal. Elle fait, en
conséquence, droit à l’action en responsabilité.
L’ONSS a méconnu une norme de droit national, qui s’impose d’une manière déterminée, c’est-à-dire
assujettir ceux qui sont dans une relation de travail  l’ONSS a donc commis une faute, au sens de l’art.
1382 C.civ.
 Pourvoi en cassation de l’ONSS et la Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour du travail sur
conclusion contraire de son avocat général. La Cour de cassation dit que, effectivement, la faute de
l’autorité consiste en un comportement qui doit s’apprécier selon le critère de l’autorité normalement
prudente et soigneuse placée dans les mêmes conditions, SOUS RÉSERVE de l’erreur invincible ou la
cause d’exonération ou la violation d’une norme de droit national ou d’un traité international, qui a des
effets juridiques dans le droit interne et qui impose de s’abstenir ou d’agir d’une manière déterminée.
Toutefois, la Cour ajoute que la seule circonstance que la Cour du travail ne s’est pas ralliée à propos de
l’assujettissement litigieux de l’analyse de l’ONSS, n’implique PAS que l’ONSS a commis UNE FAUTE.
En effet, aucune norme de droit n’impose à l’ONSS, dans une qualification de relation de travail, de

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Droit administratif

s’abstenir ou d’agir d’une manière déterminée. Il n’y aurait faute de l’ONSS QUE si on constatait un
comportement qui consiste en une erreur de conduite, à apprécier sous le critère de l’autorité
administrative normalement prudente et soigneuse placée dans les mêmes circonstances –
comportement que l’arrêt de la Cour du travail ne conteste pas.
 Il ne suffit pas de dire : « oui on a violé la loi sur l’assujettissement », car cette loi n’impose PAS
quelque chose  il fallait voir comment l’ONSS s’est comportée, et on ne nous dit rien à cet
égard.
 Pour certains, il y avait là un véritable revirement de jurisprudence entre l’arrêt de 1982 et de
2004. Le 1er se prononçant sur une obligation de résultat (il faut respecter la loi), le 2 e se
prononçant sur une obligation de moyen (il faut mettre tous les moyens en œuvre pour arriver
au résultat, en se posant la question justement : « doit-on l’assujettir ou pas »).
D’autres ont dit que c’était un affinement de la jurisprudence antérieure : on examine au cas
par cas ce que la norme impose ; si le comportement qu’elle contient est suffisamment précis ou
pas.
Si ce n’est pas le cas, l’erreur d’interprétation commise par l’autorité n’est pas
automatiquement fautive  elle peut méconnaître la loi dans son interprétation et néanmoins
ne pas être fautive, POUR AUTANT qu’elle ait eu un comportement normalement soigneux et
prudent.
REMARQUE : voilà une vision très différente, qui fait qu’on passe de l’unité absolue à une unité relative,
dont on verra à la fin qu’elle a été retenue par la Cour de cassation dans un arrêt n°106/218 (infra).

b- Extension de la notion d’erreur invincible


2e exception : l’erreur invincible. La Cour de cassation a dit que l’erreur invincible était une exception à la
responsabilité ; une cause d’exonération à la responsabilité. Ça remonte à l’arrêt de 1982.
(L’autorité peut parfois commettre des erreurs invincibles et on en trouve la confirmation dans différents
arrêts.)
On admet que, lorsqu’il y a un revirement de jurisprudence imprévisible par rapport au moment où
l’autorité s’est prononcée, évidemment il y a erreur invincible.
 Par contre, quand il y a divergence d’interprétation, il n’y a PAS nécessairement erreur invincible 
l’autorité doit faire un choix entre différentes interprétations ; ce n’est pas une erreur invincible.

La Cour de cassation a retenu l’erreur invincible dans un arrêt, Cass., 8 février 2008 : les circonstances
de fonds doivent être connues pour voir comment la Cour de cassation élargit la notion d’erreur
invincible.
Il s’agissait de la commune de Thuin, Hainaut, qui avait engagé un secrétaire pour son CPAS, en lui
faisant passer un stage. Ils l’ont engagé pour 1 an et, après 1 an, on a des doutes sur la compétence
professionnelle de la personne  on prolonge son stage pour 1 an de plus, et ce, avec son
consentement, SANS l’intervention de l’autorité de tutelle.
Après la deuxième année, on décide de ne pas garder la personne en question et on la licencie.
Il fait un procès devant le Conseil d’État, pour dire que, en réalité, la décision de non-prolongation est
illégale, parce qu’on ne pouvait pas lui imposer un stage.

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Droit administratif

Les textes prévoient souvent des stages à l’engagement, mais pas pour ce poste-là. Personne ne l’avait
vu, ni l’autorité de tutelle, ni les pouvoirs locaux, ni lui-même, MAIS, enfaite, ce stage était
fondamentalement illégal : il ne pouvait pas être licencié  il était engagé d’emblée de manière
définitive et à durée indéterminée.
La personne gagne devant le Conseil d’État, et elle décide d’intenter un procès en dommages et intérêts :
« j’aurais dû avoir un travail et j’ai droit à des dommages et intérêts  ». Il fait ce procès, mais ne le gagne
QU’en partie devant le 1er juge (pourquoi en partie, on ne sait pas).
Toujours est-il qu’il ne se satisfait pas de cette indemnisation partielle et fait un recours devant la Cour
d’appel de Mons. La Cour de Mons estime, quant à elle, qu’il y a erreur invincible dans le chef de la
commune de Thuin : « oui elle s’est trompée, mais tout le monde s’est trompé  les pouvoirs de
tutelles ne sont jamais intervenus, la personne elle-même n’a pas protesté, ni à l’engagement, ni à la
prolongation… Bref, tout le monde est passé à côté de la question, DONC une erreur invincible a été
commise ».
Perte pour la personne en question : elle ne touche aucune indemnité, puisque l’autorité est exonérée
de sa responsabilité, quand bien même elle a commis une illégalité certaine.
 Pourvoi en cassation de la personne, mais : rejet du pourvoi, parce que selon la Cour de
cassation, le juge du fond a pu légalement déduire des faits une erreur invisible. C’est le juge du
fond qui apprécie souverainement les circonstances qui fondent sa décision. La Cour de
cassation ne fait que vérifier si on reste dans le concept légal de l’erreur invincible. In casu, elle a
considéré que oui.
Or, c’est un élargissement assez large… Toute erreur de droit, même commise par plusieurs
autorités, n’est pas nécessairement invincible. Elle pourrait être considérée comme inadmissible
et quand même entraîner une responsabilité.
Dans ce cas-ci, ça a été admis et donc voilà un 2 e motif pour réduire l’unité absolue entre
l’inégalité et la faute, puisqu’on élargit la notion d’erreur invincible.

 Autrement dit : aujourd’hui, il y a un courant important – doctrinal et jurisprudentiel – qui remet


en cause largement l’idée d’automatisme entre l’illégalité de l’acte administratif et la faute
civile, même l’illégalité constatée par le Conseil d’État.
C’est l’unité relative de l’illégalité de la faute qui apparaît de plus en plus ; théorie qui fait que, il
y aura une illégalité constatée par le Conseil d’État et une faute, uniquement si la norme de
droit violée imposait à l’administration une obligation claire, précise et inconditionnelle
(quasiment une obligation de résultat), qui rend la faute intrinsèque à la violation de la norme. À
l’inverse, si la norme est dépourvue de clarté, précision et inconditionnalité, sa méconnaissance,
même constatée par le Conseil d’État, NE REND PAS forcément fautif le comportement de
l’administration.
‘CONCLUSION’ : on admet finalement que l’administration puisse commettre des erreurs/des
illégalités, mais qui ne sont pas des fautes au niveau civil.

c- Responsabilité de l’Etat du fait de pouvoir judiciaire


Cette évolution est aussi influencée par la responsabilité de l’État en matière de la fonction judiciaire et

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Droit administratif

de la responsabilité de l’État au niveau législatif.


Après l’arrêt Flandria, on a deux fameux arrêts - les arrêts Anca (numéro 1 et numéro 2), du 19
décembre 1991 et du 8 décembre 1994 – où la Cour de cassation a reconnu, pour la première fois,
la responsabilité de l'État pour faute du service public de la justice, à savoir une faute dans l'exercice de
la fonction de juger. Le critère = voir si une norme impose à un juge d’agir. Si le juge méconnaît
l’obligation qui découle de la norme, il engage la responsabilité de l’État.

Les faits : il s’agissait de la possibilité (aujourd’hui disparue), pour un Tribunal de commerce (= Tribunal
d’entreprise aujourd’hui) de déclarer une société en faillite SANS l’avoir entendue. Il y avait une
procédure assez exceptionnelle, car le Tribunal de commerce était avisé par des ‘clignotants’ (sécurité
sociale et d’autres éléments) du fait qu’une société battait de l’aile et pouvait être déclarée en faillite.
La procédure permettait de prononcer la faillite en l’absence de la personne. La société pouvait
néanmoins faire opposition, puis appel.
La question = savoir si cette procédure était admissible ou pas ( = matière assez controversée).

La société Anca avait été déclarée en faillite par un Tribunal de commerce et estimait que c’était
contraire à son droit d’être étendue. Sur cette base, elle obtint finalement que l’on consacre la faute du
service public de la justice.
La Cour de cassation admet, en 1991, que le juge est tenu d’appliquer la règle de droit. Certes, ses
décisions peuvent être réformée mais après réformation, une faute PEUT être commise en la matière
lorsqu’il applique le droit (Anca numéro 1).

Le juge avait refusé de reconnaître la responsabilité des pouvoirs publics, donc il y a eu cassation.
Après cassation : renvoi devant la Cour d’appel de Liège, mais elle ne condamne PAS l’État  « il n’y
avait pas de règle, imposant au magistrat de s’agir ou de s’abstenir d’agir d’une manière déterminée.
Oui, il y avait le procès équitable à respecter (et plus précisément le droit d’être entendu), ce qui n’a pas
été le cas ! »
 « Néanmoins… » : ce n’est PAS parce que le juge viole la loi – le droit d’être entendu, partie du
procès équitable in casu – qu’il engage nécessairement, en violant la loi, la responsabilité de
l’État.  Il y a donc PLUS que la simple violation de la loi. Avec l’arrêt Anca numéro 2, on
démontre les standards en termes de responsabilité  le juge n’engage la responsabilité de
l’État (en violant la loi) QU’en ce qui concerne des règles qui lui imposent d’agir ou de de
s’abstenir d’agir d’une façon déterminée.

 Violer la loi ≠ toujours engager la responsabilité de l’État en tant que telle du fait du service
public de la justice.

Bien plus, à propos des fautes commises par les juridictions suprêmes (Cour de cassation, Conseil d’État,
Cour constitutionnelle), dans un arrêt C.C., n°99/2014, 30 juin 2014 : la Cour constitutionnelle, estime
que la responsabilité de l’État ne peut être mise en cause pour les juridictions suprêmes QU’en cas
de violation suffisamment caractérisée.
 Donc on voit qu’il y a déjà autre chose pour le pouvoir judiciaire que pour l’exécutif : il faut une
violation suffisamment caractérisée pour les hautes juridictions ou la violation d'une norme
obligeant d’agir ou de s’abstenir d’agir d’une manière déterminée (pour toute juridiction).
 Voilà pour la responsabilité du pouvoir judiciaire.

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Droit administratif

d- Responsabilité de l’Etat législateur


Cass., 28 septembre 2006, arrêt Ferrara : Mme Ferrara avait un litige suite à une opération médicale.
Elle mettait en cause la responsabilité de son médecin, qui aurait fait une erreur professionnelle. Une
expertise a lieu pour évaluer la faute et le dommage éventuel, et elle attendait qu’on tranche sur les
conséquences en la matière. On lui explique qu’elle devra attendre 6 ans avant d’être jugée, car les
Tribunaux de 1ère instance de Bruxelles sont bouchés et qu’il y a un arriéré judiciaire très important.
Qu’à cela ne tienne, elle fait un 2e procès, contre l’État belge :
- pour faute du législateur de ne pas avoir prévu assez de moyens,
- de ne pas nommer suffisamment de magistrat, pour respecter l’obligation internationale
souscrite par la Belgique, à savoir l’engagement de faire juger les causes dans un délai
raisonnable.
Elle gagne son procès, qui ira jusqu’en cassation. La Cour de cassation dit – dans cet arrêt Ferrara – que
l’État est soumis aux règles de droit, notamment à celles qui régissent la réparation des dommages
résultant des atteintes portées fautivement à des droits subjectifs. « Le principe de la séparation des
pouvoirs n’implique PAS que l’État serait, de manière générale, soustrait à l’obligation de réparer le
dommage causé à autrui par sa faute ou celle de ses organes dans l’exercice de la fonction législative.
Ni le principe de la séparation des pouvoirs, ni les artt. 33 à 36 et 42 Const. ne s'opposent à ce qu'un
tribunal de l'ordre judiciaire constate pareille faute, pour condamner l'État à réparer les conséquences
dommageables qui en ont résultées ».

C’est un arrêt essentiel de principe, qui consacre le fait de la faute du législateur qui peut être engagée
pour ce qu’il fait ou ne fait pas (= le principe).
Restait la question qui n’avait pas été soumise à ce moment-là à la Cour de cassation : « quels sont les
critères de la faute du pouvoir législatif ?  Peut-on dire que, comme toute illégalité est une faute, toute
inconstitutionnalité constatée par la Cour constitutionnelle est une faute ? Peut-on faire ce
parallélisme ? » 

Cass., 10 septembre 2010, Belgische Staat c. C.G. : la Cour de cassation casse un arrêt de la Cour d’appel
de Bruxelles, qui avait dit que, puisqu’il y a le constat d’une inconstitutionnalité par la Cour
constitutionnelle, en matière fiscale à titre préjudiciel, il y a ipso facto, faute.
La Cour de cassation casse lapidairement, en disant que ça ne signifie PAS nécessairement qu’il y a eu un
comportement fautif dans le chef du législateur.
Autrement dit : le législateur peut méconnaître la Constitution. La Cour Constitutionnelle peut le
constater, puis le dire pour droit dans un arrêt à titre préjudiciel ou d’annulation, mais il n’y a pas
nécessairement faute au sens civil  il faut encore regarder si le législateur a eu un comportement
fautif.
Quels sont les critères de ce comportement fautif de l’État législateur ? Une violation avec ou sans faute
de la Constitution ?

Si on fait le bilan, on constate que l’équation inconstitutionnalité = faute, connaît une nouvelle
exception d’importance.
On peut se demander s'il faut maintenir cette jurisprudence de 1982  n’y a-t-il pas des choses à

150
Droit administratif

revoir ? S. Van Drooghenbroeck a écrit, dans un article très perspicace de 2007 à la RCJB, qu’il a constaté
qu’il y avait 3 modèles de responsabilité des pouvoirs publics :
- Modèle 1, modèle exécutif . C’est le modèle le plus protecteur des citoyens. C’est celui qui est
fondé sur l’art. 1382 C.civ. et l’arrêt de principe du 13 mai 1982 de la Cour de cassation. On
applique le régime d’unité absolue de l’illégalité et de la faute, le régime de responsabilité stricte
 dès que l’État commet une illégalité constatée par le Conseil d’État, il y a, ipso facto, faute,
SAUF erreur invincible. On ne regarde pas s’il a eu un comportement prudent ou pas, etc.
C’est l’unité absolue. Nul ne peut méconnaître la loi, l’exécutif certainement pas  c’est une
faute, point barre.
- Modèle 2, modèle judiciaire . Il est moins strict, il admet la relativité de la norme, qui doit être
confrontée à des preuves des faits. Il faut examiner le contexte interprétatif ; il faut déterminer si
la norme impose d’agir ou de s’abstenir d’agir d’une manière déterminée. On va voir si une
autorité, placée dans les mêmes circonstances, se serait prononcée de la même manière ou pas.
En plus, pour les hautes juridictions, ce ne sont que les violations suffisamment caractérisées qui
peuvent être prises en compte (donc on peut commettre des violations de la loi qui ne sont pas
très caractérisées, et on n’engage pas la responsabilité de l’État pour autant) (= un modèle
nettement moins protecteur).
- Modèle 3, modèle communautaire développé par le CJUE . Ce modèle considère que l’illégalité
ne vaut pas faute. Elle ne le vaut QU’en cas de violation suffisamment caractérisée du droit
COMMUNAUTAIRE.
S’il y A un certain pouvoir d’appréciation dans le chef de l’État, la faute ne sera établie que
moyennant méconnaissance grave et manifeste des limites de ce pouvoir d’appréciation.  S’il
n’y a PAS de pouvoir d’appréciation, alors la simple contravention au droit de l’Union peut être
assimilée à une violation caractérisée et peut, par conséquent, fonder une action en
responsabilité.
Ce n’est que quand il n’y a pas de choix à faire et qu’on ne respecte pas le droit communautaire,
qu’il y a faute. Pour le reste, c’est très large  il faut véritablement une méconnaissance
manifeste et grave de son pouvoir d’appréciation.

e- Evolutions récentes
On constate que le droit interne est en train d’évoluer du 1er modèle de 1982, vers le 2e modèle, voire
même le 3e.
On retrouve un peu cette évolution dans l’arrêt de la C.C. n°106/2018, 19 juillet 2018 : la Cour
constitutionnelle a dit que le régime de l’unité relative n’aboutit pas à un régime discriminatoire par
rapport à celui de la responsabilité des personnes privées (= la comparaison qui était faite).
En effet, « quelle que soit la nature de la personne dont la responsabilité est mise en cause, la faute
devant être démontrée par la partie qui soutient que le comportement de l’auteur de l’acte lui a causé
un dommage consiste soit en une violation d’une norme légale ou réglementaire imposant un
comportement ou une abstention d’agir suffisamment déterminés, soit, en l’absence d’une telle norme,
en une violation d’une norme générale de conduite enjoignant d’agir comme le ferait une personne
normalement soigneuse et prudente, placée dans les mêmes conditions ».

151
Droit administratif

Est-ce qu’un régime absolu privé est relatif pour les personnes publiques ? Non  : on vient dire que dans
tous les cas, en réalité,
- soit il y a la démonstration de la violation d’une norme légale, imposant une façon d’agir
suffisamment déterminée,
- soit – en l’absence d’une telle norme et en l’absence d’illégalité – il y a la violation d’une norme
générale de conduite enjoignant d’agir comme une personne normalement soigneuse et
prudente placée dans les mêmes conditions.
 Autrement dit : le citoyen a aussi le droit à une certaine erreur, dans une certaine mesure, s’il
se comporte soigneusement et prudemment et pour autant qu’il ne viole pas la loi.

 C’est la même chose pour l’administration  alignement entre les deux (car plus ou moins des
‘cas identiques’). Finalement, le régime de responsabilité des pouvoirs publics est le même que
celui des pouvoirs privés et doit s’entendre de manière semblable, avec des nuances toutefois
pour le pouvoir judiciaire.

Ce glissement entre le 2e et 3e modèle veut SURTOUT dire qu’on constate aujourd’hui que les
systèmes juridiques sont devenus trop complexes pour avoir une application de la loi purement
mécanique.  Il faut souvent de l’interprétation (p.ex. : divergences sur le fondement légal des
mesures anti-COVID19).
Conséquemment, le simple constat d’une illégalité objective ne signifie PAS NÉCESSAIREMENT
une faute : il faut examiner l’illégalité objective de manière pragmatique/concrète.
‘CONCLUSION’ : on protège un peu moins le citoyen, et on a un peu plus ‘pitié’ pour
l’administration, ( ? ) à tort ou à raison…

Face à cette situation, on peut agir en responsabilité civile et essayer de démonter la faute après l’arrêt
du Conseil d’État (attention à l’unité relative) ou on peut préférer d’agir en indemnité réparatrice.
Arrêt de la C.C., n°70/2019, 23 mai 2019 qui procède au jeu des 7 différences entre les 2 régimes :
- Différence 1 : l’indemnité réparatrice n’est demandée qu’après un recours en annulation devant
le Conseil d’État (acte individuel ou règlement)  tandis que l'action en réparation du droit
commun est intentée indépendamment de toute procédure au Conseil d’État ( on peut le faire
sur la base d’un arrêt du Conseil d’État, qui constate une illégalité, ou indépendamment de ça.)
- Différence 2 : dans l’action en responsabilité de droit commun, il faut démontrer la faute, mais il
faut détourer le dommage qui est la conséquence de la faute civile ou la négligence.  Devant
le Conseil d’État, il ne faut plus que montrer le dommage, qui est la conséquence de l’acte illicite
de la partie adverse. Pourquoi ? Parce que, en réalité, la faute est (déjà) établie par l’arrêt
d’annulation.
- Différence 3 : l’indemnité réparatrice ne peut être demandée que par celui qui a obtenu
l’annulation, éventuellement avec une partie intervenante  tandis que l’action en réparation
peut être intentée par toute personne lésée, même celle qui est intervenue en défense devant le
Conseil d’État. Elle peut se retourner contre l’État, au besoin,  alors que ce n’est pas possible
devant le Conseil d’État : ce n’est que le requérant ou l’intervenant – de son côté – qui peut
exercer l’action en indemnité réparatrice.

152
Droit administratif

- Différence 4 : une indemnité réparatrice ne peut être demandée qu’à charge de l’auteur de
l’acte  l’action en réparation de droit commun peut être intentée contre toute personne qui a
contribué par sa faute à l’élaboration de l’acte.
Certes, celui qui a été condamné à une indemnité réparatrice peut faire une action récursoire en
vertu du droit commun (se retourner contre quelqu’un d’autre, par exemple contre l’autorité
subordonnée/se retourner contre l’autorité de tutelle, mais elle doit procéder ainsi)  tandis
que dans l’action en réparation, on peut la diriger d’emblée contre les deux auteurs.
- Différence 5 : l’indemnité réparatrice ne constitue qu’en une somme d’argent  tandis que
l’indemnisation de droit commun peut constituer en des mesures de rétablissement et des
mesures de réparation en nature (supra).
- Différence 6 : l’indemnité en droit commun est intégrale  = tout le dommage et rien que le
dommage.  L’indemnité réparatrice peut être inférieure au dommage, puisque le Conseil
d’État doit fixer l’indemnité en tenant compte des intérêts publics et privés en présence. Il peut
par exemple dire : « oui, l’intérêt privé est important, mais l’intérêt public l’emporte encore, et
donc je tempère/modalise/réduis le montant de l’indemnité ».
- Différence 7 : l’indemnité réparatrice doit être obtenue au plus tard dans les 60 jours après la
notification de l’arrêt qui constate l’illégalité.  L’action en réparation de droit commun est
introduite dans un délai de 5 ans (art. 2262bis C.civ.).

 La Cour de cassation a estimé que les deux régimes n’étaient pas discriminatoires, quand on les
compare ; que ces 7 différences n’entraînaient pas une restriction disproportionnée des droits
de la partie adverse.

Pour terminer, il faut donc réfléchir s'il est mieux d’agir APRÈS un arrêt d’annulation en indemnité
réparatrice – qui a ses avantages et inconvénients – ou en dommages et intérêts – qui a aussi ses
avantages et inconvénients.
( !! ) Tulkens ajoute ENCORE une différence : l’indemnité réparatrice est prononcée en 1er et dernier
ressort  l’action en dommages et intérêts PEUT faire l’objet d’appel et ensuite de cassation.
 Là aussi  un aléa non négligeable.

(Arrêt Flandria (sur Strada) et l’arrêt Flandria 100 ans après (J.T.). Lire les conclusions de B. Dubuisson.)

153
Droit administratif

PARTIE IV. L’ADMINISTRATION EN ACTION – LE RÉGIME DES ACTES ADMINISTRATIFS, LES CONTRATS
ET LES MARCHÉS PUBLICS
- Ch. 1 : quand on parle de l’action de l’administration on vise les actes qu’elle prend et il importe
de savoir quels sont ces actes et comment les différencier d’autres opérations administratives,
qui ne sont pas des actes et qui sont soumises à un régime juridique différent.
- Ch. 2 : on va voir plus en détail l’acte administratif, en commençant par l’acte administratif
unilatéral ; quelles sont ses propriétés et forces, les règles d’application dans le temps, existence,
entrée en vigueur, abrogation retrait.
- Ch. 4 : chapitre important sur les conditions de validité et de légalité de l’acte administratif.
Exigences de légalité interne et externe pour chaque acte administratif.
- Ch. 5 : le régime juridique de l’acte contractuel.
- Ch. 6 : quelques contrats administratifs VS. simples contrats de droit civils que l’administration
peut prendre aussi.
- Ch. 7 : les marchés publics  les contrats les plus répandus parmi les contrats administratifs.

Chapitre 1. L’identification de l’acte administratif

1° L’acte juridique
L’identification de l’acte administratif. La réflexion démarre avec l’art. 1 de la Loi du 29 juillet 1991
relative à la motivation formelle des actes administratifs : « Acte administratif : l’acte juridique
unilatéral de portée individuelle, émanant d’une autorité administrative et qui a pour but de produire
des effets juridiques à l’égard d’un ou de plusieurs administrés ou d’une autre autorité administrative ».
On part de cette définition pour identifier l’acte administratif et pour le différencier des simples
opérations ou mesures administratives, qui ne sont PAS des actes.

Cette définition a le mérite de montrer comment interagissent la jurisprudence, la doctrine et la loi dans
la construction du droit administratif et dans la définition de ce qu’est un acte administratif. On a
constaté un certain mouvement en boucle  tout part de l’art. 14 LCCE, qui définit la compétence de la
Section du contentieux administratif du Conseil d’État pour annuler les actes et règlements des autorités
administratives.
L’acte administratif, qui peut être annulé par le Conseil d’État, est défini à l’art. 14 LCCE. Cet art. 14 est
très sommaire : il ne définit pas ce qu’est un acte administratif, donc c’est la jurisprudence du CE qui,
depuis les années 50, a défini ce qu’est un acte administratif, et qui a aussi identifié les opérations qui ne
sont pas des actes administratifs.
La doctrine a pris le relai et a systématisé cette jurisprudence, et, au terme de la boucle, le législateur
s’est approprié cette définition, qui résulte de la jurisprudence systématisée par la doctrine ; cette
définition de l’acte administratif.
 On la trouve notamment dans cette loi importante, la Loi du 29 juillet 1991.

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Droit administratif

a) Définition
« Acte administratif : l’acte juridique unilatéral de portée individuelle, émanant d’une autorité
administrative et qui a pour but de produire des effets juridiques à l’égard d’un ou de plusieurs
administrés ou d’une autre autorité administrative ».

1er élément de définition = un acte administratif est un acte juridique. On parle aussi parfois d’acte
décisoire/de décision et quand on veut définir ce qu’est cet acte administratif, on utilise aussi les mots
« manifestation de volonté en vue de produire des effets de droits/des effets juridiques ».
On a déjà vu l’acte administratif, par opposition au simple fait juridique.
En droit administratif, l’acte administratif est un acte juridique, c’est-à-dire une manifestation de
volonté de l’administration, qui, parce qu’elle détient le pouvoir de modifier l’ordonnancement
juridique, peut produire des effets de droit.
 Par opposition, les simples opérations/mesures administratives = des faits juridiques, c’est-à-dire
qu'elles ne sont PAS des manifestations de volonté, dont le but et l’effet sont de modifier
l’ordonnancement juridique et de créer des effets de droit.
Un fait juridique peut ÉVENTUELLEMENT avoir des conséquences en droit  de manière involontaire, en
quelque sorte, parce que ce fait peut constituer une faute, qui, en vertu de l’art. 1382 C.civ., peut forcer
l’auteur de ce fait de réparer les conséquences dommageables causées par la faute. Ces conséquences
sont involontaires ; le fait juridique n’est pas un acte de volonté visant à produire des effets de droits.

En droit administratif il faut toujours travailler avec des exemples 


Exemple numéro 1 : nomination où le Roi nomme un fonctionnaire. C’est un acte administratif, car c’est
une manifestation de volonté de l’exécutif, qui a des conséquences juridiques (la personne devient
fonctionnaire  il peut exercer une fonction publique, il a le droit de percevoir un traitement, etc.).
Exemple numéro 2 : autorisation de séjour délivré à une personne étrangère. Cette autorisation de
séjour, adoptée par le Ministre, produit des effets de droit  cette personne a le droit de séjourner et
circuler sur le territoire belge. Si la police lui demande les papiers, la personne doit montrer son
autorisation de séjour et les policiers devront respecter ce droit de séjour.
Exemple numéro 3 : permis d’urbanisme  autorise le propriétaire à construire un immeuble sur son
terrain.
Exemple numéro 4 : permis d’environnement  permet à celui qui l’obtient, d’exécuter une activité
soumise à un permis d’activité (exploiter une usine, par exemple).

Quid d'un refus d’une autorisation ? = Décision qui a des conséquences juridiques, parce que je dois
cesser d’exercer l’activité, ou je ne peux plus exercer cette activité sans qu’on m’oppose la décision de
refus.

Quid de la décision qui autorise ou met fin à l’autorisation précaire d’occuper la voirie ? Il s'agit, dans les
deux cas, d’une décision qui produit des effets de droit.
- Dans le premier cas : parce qu’elle permet l’occupation de la voirie,
- Dans le deuxième : parce qu’elle met fin à l’autorisation d’exploiter la terrasse sur la voirie

155
Droit administratif

publique.
Ce type d’autorisation est toujours précaire. Néanmoins, on considère que c’est un acte administratif,
adopté par une autorité administrative, qui crée des effets de droit. Raison ? Si je continue d’exploiter
ma terrasse sur le trottoir, la police pourra me dresser un procès-verbal et m’obliger à démanteler ma
terrasse.

En droit administratif, on connaît donc les actes administratifs (= des actes juridiques) et ce sont souvent
eux qui attirent toute l’attention.  Cependant, il y a aussi de simples faits administratifs (= des faits
juridiques), des opérations, des mesures… qu’il faut présenter en 4 catégories.

Catégorie 1. Les agissements purement matériels.


EXEMPLE : transfert d’un dossier entre deux services, contrôle d’identité mené par la police, le dépôt de
pièces à un dossier, une mise en demeure…
EXEMPLE DANS LA JURISPRUDENCE : un agent de gardiennage avait reçu une mise en demeure des
services du SPF intérieur, pour remettre sa carte d’accréditation comme agent de gardiennage. Il avait
attaqué la mise en demeure au Conseil d’État, qui a rejeté son recours, en disant que c’était irrecevable,
car il ne s’agissait pas d’un acte administratif (mais d’une simple mesure matérielle).
Il y avait eu un acte administratif préalable, qui était le retrait d’agrément de l’entreprise de gardiennage
pour laquelle cet agent travaillait, et la lettre n’était qu’une conséquence matérielle de cette décision
adoptée à l’égard de l’entreprise.
AUTRE EXEMPLE : quand les services de police procèdent à l’exécution d’un ordre de quitter le territoire,
en saisissant une personne étrangère qui fait l’objet de cet ordre. Le fait d’emmener cette personne dans
un centre de transit = acte matériel de pure exécution  il y a un acte juridique, MAIS il est antérieur.
( C’est la décision de refus de séjour avec ordre de quitter le territoire, que les policiers ne font
qu’exécuter).

b) Les actes préparatoires et interlocutoires (= catégories 2 et 3)


Catégorie 2. Les mesures préparatoires. Dans la jurisprudence on trouve systématiquement le terme
« acte préparatoire » mais c’est un faux ami. En réalité l’acte préparatoire n’est PAS un vrai acte
juridique, c’est en principe une mesure  donc on utilise le terme « mesure préparatoire » (c’est tout à
fait correct).

Une mesure préparatoire = une opération qui intervient dans le cadre de l’élaboration d’un acte
administratif – en amont –, i.e. avant que cet acte ne soit adopté. P.ex. : certains organes consultatifs
donnent des avis, il arrive souvent que les services administratifs fassent un rapport, il peut y avoir une
enquête publique avant la délivrance d’un permis… = des mesures purement préparatoires : ce ne sont
PAS des décisions. Ces mesures n’empiètent pas sur le pouvoir de décision. Elles n’ont pas d’effet
juridique définit qu’on pourrait contester.
 C’est purement préalable, préparatoire (= ‘la règle’).

( !! ) Attention, cette règle comprend une EXCEPTION : il arrive parfois que des actes prennent cours dans

156
Droit administratif

le courant de l’élaboration d’un acte administratif final et que ces actes produisent déjà des effets de
droit. On les appelle alors des « actes interlocutoires » ou des décisions préalables (parallèle : jugement
interlocutoire : jugement qui règle UN des points du litige, mais pas tout le litige  le juge ne vide pas sa
saisine ; il doit encore y avoir un jugement final).

En ce qui concerne les actes interlocutoires  on parle souvent d’actes interlocutoires pour des
présentations dans le cadre des nominations à une fonction publique. Quand il existe un organe public
qui peut proposer des candidats à l’autorité qui nomme, et quand l’autorité qui nomme est tenue par
cette proposition  dans cette hypothèse-là, en réalité, il y a un processus de codécision.
L’autorité qui peut proposer, par exemple le CSJ pour les magistrats, propose les 3 ou 5 meilleurs
candidats, et le Ministre qui peut nommer, choisit parmi ces candidats présentés par le CSJ.
 ALORS : si je suis candidat et que je figure dans la liste proposée par le CSJ, à VOTRE égard, cette
présentation ne cause pas encore de grief définitif  pour ce qui ME concerne, ce n’est qu’une
mesure préparatoire. Ce qui ME causera grief, et ce qui sera un acte à mon égard, ce sera la
nomination du Ministre, si ce n’est pas moi qui suis nommé.
En revanche, si je suis candidat au même poste et que je ne suis pas présenté par le CSJ, le Ministre ne
peut pas me nommer puisque, en vertu de la loi, il est obligé de choisir parmi les candidats proposés.
 Dans cette hypothèse-là, la présentation des autres candidats que moi par le CSJ, est un acte
interlocutoire = une décision préalable qui me cause déjà un grief/préjudice définitif.
Il est acquis pour moi que la procédure est terminée : je ne serai pas nommé. Donc, pour moi,
c’est un acte interlocutoire. Par conséquent, je peux introduire un recours devant le Conseil
d’État pour cet acte à mon égard.

EXEMPLE (en matière de marché public) : il existe des décisions préalables dans le cadre de l’opération
complexe que constitue la procédure de passation d’un marché. Une opération complexe, dans le sens
qu’il s’agit d’une procédure administrative, où il y a (éventuellement) plusieurs actes décisoires qui se
suivent pour aboutir à une décision finale (i.e. l’attribution du marché). P.ex. : la décision de sélection
qualitative (= décision préalable, où l’adjudicateur examine si les candidats qui se sont présentés sont
capables d’exécuter le marché, moyens financiers, expérience…).
Le Conseil d’État, dans l’arrêt du 2 décembre 2005, en assemblée générale, a décidé que, quand il existe
une procédure préalable dans le cadre d’une passation de marché public, on peut tout de suite
introduire un recours contre cette décision préalable et le Conseil d’État est compétent pour
éventuellement l’annuler !!

Catégorie 3. Les mesures de diffusion. Elles sont postérieures à la décision  ce sont les publications
d’un arrêté au Moniteur Belge ; la notification (= le courrier envoyé au destinataire d’un acte à portée
individuelle).
Les formalités post-décisoires ne sont PAS des actes  ce sont des mesures qui permettent de diffuser
l’acte pris auparavant. Si on méconnaît ces formalités, la conséquence peut être que les délais de recours
ne commencent éventuellement pas à courir. ( !! ) La conséquence n’est PAS que l’acte sera vicié : ce
n’est pas une formalité qui conditionne la régularité de la décision, puisqu’elle vient après.

157
Droit administratif

c) Les mesures d’ordre intérieur (= catégorie 4)


Catégorie 4. Les mesures d’ordre intérieur. On leur consacre des développements plus importants, parce
qu’elles ont une importance factuelle dans le fonctionnement de l’administration.
Une mesure d’ordre intérieur n’est PAS un acte administratif et le Conseil d’État juge systématiquement
qu’un recours dirigé contre une mesure d’ordre intérieur n’est pas recevable. Ratio ? Ce n’est pas un
acte au sens de l’art. 14 LCCE, car il ne produit pas d’effets juridiques, du moins en dehors de
l’organisation interne de l’administration (= mesures qui ne sont pas destinées à produire des effets
juridiques, dont les citoyens pour se prévaloir).

En effet, ces mesures d’ordre intérieur ont la particularité de s’adresser à un certain nombre de
personnes qui se trouvent à l’intérieur des administrations (agents et fonctionnaires publics), ou aux
personnes qui sont en lien de dépendance à l’égard de l’administration (comme les prisonniers dans les
prisons, les étudiants des écoles et universités publiques ou les militaires).

Quelle est la philosophie de cette conception d’ordre intérieur ? C’est au fond, une philosophie de non-
interventionnisme dans le chef du jeu – qui est le Conseil d’État : celui-ci respecte une sorte de domaine
réservé de l’administration  on est dans l’organisation interne ; on n’est pas dans le fonctionnement
de l’administration à l’égard des citoyens.
Tant le Conseil d’État considère qu’il doit protéger ceux-ci ( i.e. les citoyens) à l’égard des actes adoptés
par l’administration qui peuvent leur causer des préjudices, tant il est très réservé, en ce qui concerne
l’organisation purement interne  il se dit sans doute que, comme juge, il doit respecter une forme de
séparation des pouvoirs, et, que donc, l’organisation interne des services = vraiment l’attribut du
pouvoir exécutif.
Attention, le juge fixe quand même des limites à ce qu’il admet être des mesures d’ordre intérieur.
Quand l’administration dépasse les limites fixées par la jurisprudence, le Conseil d’État disqualifie ces
mesures d’ordre intérieur, en disant qu’en fait, un véritable acte avec des effets juridiques est adopté et
qu’il ne s’agit pas de la pure organisation interne.

1- Les circulaires et les directives administratives


On a les circulaires administratives, ministérielles qu’on appelle aussi parfois des « ordres de services ».
Une circulaire = un document par lequel le supérieur hiérarchique (le Ministre) donne un certain nombre
d’instructions à ses subordonnés, que sont les agents qui font partie de ce service. Les agents doivent
respecter ces instructions, car ils ont un devoir d’obéissance au supérieur hiérarchique (en particulier
envers le Ministre).
L’objet normal d’une circulaire, d’une instruction de service = expliquer aux agents comment ils doivent
mettre en œuvre les lois et règlements qui régissent les activités de leur service.
P.ex. : l’office des étrangers qui est chargé d’examiner les demandes de séjour de personnes étrangères,
applique la Loi de 1980 sur le séjour et ses arrêtés d’exécution.
Le ministre de l’Intérieur, prend une circulaire pour expliquer les conditions du regroupement familial et
des permis de séjour pour regroupement familial ou pour étudiants étrangers qui sont prévus par la Loi

158
Droit administratif

de 1980.
L’objet normal d'une telle circulaire = toujours d’expliquer aux agents ce qui se trouve dans la loi et la
manière dont le Ministre va appliquer cette loi.
Normalement, une circulaire est interprétative : elle explique la réglementation qu’un service doit
appliquer.
 Tant une circulaire est purement interprétative, le Conseil d’État dit que c’est une pure mesure
d’ordre intérieur et un recours dirigé contre une telle circulaire est déclaré irrecevable.

CE, n°244.846, 19 juin 2019, arrêt CIRE : l’ASBL Cire avait introduit un recours contre une décision prise
par le Secrétaire d’État par rapport à l’asile et la migration, non publiée, dont l’instrumentum leur est
aujourd’hui inaccessible et inconnue. L’objet de la décision = limiter à maximum 50 par jour le nombre
de demandes de protection internationale pouvant être présentée à l’office des étrangers.
Dans cet arrêt, le Conseil d’État a rappelé quelle était la théorie, en disant que, quand il s’agit d’une
simple circulaire interprétative, il s’agit d’une mesure d’ordre purement intérieur.
‘Clue’ de l’arrêt : le Conseil d’État a eu une autre lecture de la décision prise par le Secrétaire d’État. Le
Conseil d’État a dit que le Secrétaire d’État a usé de sa compétence pour prendre la décision (limite de
50 personnes par jour).  Selon le Conseil d’État, cette décision est un acte juridique unilatéral
réglementaire, modifiant l’ordonnancement juridique d’une manière générale et abstraite.
 Elle a des conséquences très concrètes et des effets de droits sur les tiers (étrangers qui veulent
se déclarer candidat-réfugié). Or, il n’est écrit nulle part, ni dans la loi, ni dans les règlements,
que le nombre de demandes qui pouvaient être introduites par jour pouvait être limité à 50.
 C’est pour cette raison que le Conseil d’État a décidé que, sous couvert d’une instruction de
service, le Secrétaire a fait une vraie règle, une norme déguisée qui, bien sûr, produit des effets à
l’égard des tiers, qui ne regarde pas uniquement l’organisation interne.
On est dans le domaine de la circulaire-réglementaire qui est un acte administratif.

Dans une série d’arrêts (n°164.853, n°214.113, n°234.857), le Conseil d’État a défini les conditions pour
qu’il puisse déceler – d’une circulaire réglementaire – un véritable acte administratif. La circulaire doit
produire des effets de droit pour les citoyens, pour les tiers. Pour déceler ces effets de droit, le Conseil
d’État met en œuvre 3 indices concordants :
- Tout d’abord il scrute le contenu de la circulaire  il vérifie si le contenu ajoute des obligations
par rapport au texte de la loi ou des règlements, ou ajoute/modifie une norme existante. On
regarde le pur contenu.
- Le Conseil d’État essaie d’identifier la volonté de l’auteur de la circulaire (= le Ministre). Le
Ministre a-t-il voulu imposer des nouvelles règles ? Est-ce que cela ressort de la manière dont il
s’exprime dans la circulaire ? Est-ce que le contenu de la circulaire est obligatoire selon sa
volonté ? ...
- Le Conseil d’État examine les effets de la circulaire ou les sanctions que l’auteur de la circulaire
peut imposer. Est-ce que l’auteur a réellement les moyens de faire respecter sa norme
déguisée ? Est-ce que l’auteur peut infliger des sanctions ou exercer la contrainte à celui qui ne
respecte pas sa circulaire ?

159
Droit administratif

Si ces 3 indices sont réunis, on se trouve devant une circulaire-réglementaire = illégale (  !! )  est
annulée automatiquement par le Conseil d’État
- sur base du motif/moyen selon lequel le Ministre n'a pas la compétence pour adopter une
norme, qui devrait en réalité se trouver dans une loi ou un arrêté royal ( incompétence de
l’auteur de l’acte)
- ou bien, moyen plus formel : pour le motif que le Ministre aurait dû demander l’avis de la SLCE
(violation art. 3 LCCE).
Une fois que le Conseil d’État a décidé de REQUALIFIER la circulaire (PAS une mesure d’ordre intérieur,
mais un vrai AA), il trouvera les moyens de l’annuler très aisément.

Catégorie particulière de circulaire : les directives de tutelle. Elles sont adressées par l’autorité de
tutelle aux pouvoirs subordonnés, soumis aux contrôles de tutelles. Ce sont souvent des directives
adoptées par les autorités de la Région, qui sont adressées aux provinces et au communes (soumises à la
tutelle administrative).
Ces directives portent sur la manière dont l’autorité de tutelle exercera sa censure à propos des actes
adoptés par les provinces et les communes. Exemple très caractéristique  les directives annuelles
adoptées par la Région wallonne, en matière de finance et de fiscalité locale = directives dans lesquelles
le Ministre wallon compétent énumère les différentes taxes qu’il est conseillé de mettre en œuvre et le
Ministre attire l’attention des communes sur certaines objections qui pourraient survenir sur telle ou
telle taxe qu’elle voudrait adopter.
Attention, là aussi, le Conseil d’État vérifie que l’autorité de tutelle ne déborde pas ses pouvoirs ;
n’impose pas – à travers cette directive de tutelle – de véritables règles de droit qu’elle sanctionnerait en
annulant les règlements-taxes adoptés au niveau communal.
Ces directives ne dispensent PAS l’autorité de tutelle d’exercer son pouvoir d’appréciation et de motiver,
dans chaque circonstance, pourquoi tel règlement-taxe serait illégal ou contraire à l’intérêt général.
Quand la Région wallonne doit être censurée (et c’est souvent le cas), parce qu’elle ne peut pas
considérer que sa directive de tutelle en matière de finance/de fiscalité locale est comme un règlement
(et que du coup, toute taxe dans la ligne de cette directive doit être censurée), c’est le Conseil d’État qui
censure et annule ces arrêtés de tutelle.

2- De quelques autres mesures d’ordre intérieur


Contentieux pénitentiaire.
= Les prisonniers introduisent des recours au Conseil d’État contre des mesures prises à leur encontre
par le directeur de la prison. Ces mesures sont souvent présentées comme des mesures d’ordre
intérieur, d’organisation interne de la prison.
Depuis un arrêt d’assemblée générale du Conseil d’État du 11 mars 2003, le Conseil d’État considère
que ces mesures consistent en un acte administratif. C’est pour cela que le Conseil d’État se déclare
compétent pour annuler ou suspendre ces actes, mais QUE QUAND le directeur de prison prend une
vraie sanction disciplinaire. Par « sanction disciplinaire » on entend les mesures prises à l’égard du
prisonnier – par le directeur de prison – lorsqu’il commet un ‘manquement’  suite au manquement, on
lui inflige une sanction.

160
Droit administratif

 Il s’agit d’un acte administratif, donc le Conseil d’État estime que les prisonniers doivent être
défendus (et être entendus devant un juge) : on trouve là une protection contre un éventuel
arbitraire.
 En revanche, dit l’assemblée générale de la Section du contentieux administratif du Conseil
d’État, quand on attaque une mesure d’ordre intérieur devant le Conseil d’État, dont le but est
d’assurer uniquement la sécurité au sein de la prison et NON PAS de punir  là le Conseil
d’État se déclare incompétent car ce n’est pas un acte administratif (mais c’est une pure mesure
d’ordre intérieur)  recours non-recevable.
Il y a plusieurs exemples de JP pour trancher dans quel cas on se trouve (acte administratif ou non  ?). Or,
il y a eu une évolution marquante récemment : il y a 2 ans  CE, n°242.885, 8 novembre 2018, arrêt
Mahi : une mesure avait été adoptée pour la sécurité. L’acte attaqué était un placement dans un régime
particulier individuel. Le Conseil d’État s’est déclaré compétent  il a dit que : ce n’était pas une mesure
d’ordre intérieur ; que l’acte a été justifié en raison du comportement du détenu ; il engendre une
restriction importante de ses droits.
 À partir du moment où le comportement du détenu est une justification importante de la
mesure et qu’on le prive d’une part non négligeable de ses droits, le Conseil d’État a tendance à
dire qu’il ne s’agit plus tout à fait d’une mesure d’ordre intérieur, mais plutôt d’un acte
administratif.
( !! ) Cette jurisprudence n’est pas tout à fait compatible avec l’arrêt de l’assemblée générale du
11 mars 2003 ( on verra comment ça va évoluer).

2° L’acte administratif est adopté par une autorité administrative ou une autorité «  assimilée »
« Acte administratif : l’acte juridique unilatéral de portée individuelle, émanant d’une autorité
administrative et qui a pour but de produire des effets juridiques à l’égard d’un ou de plusieurs
administrés ou d’une autre autorité administrative ».

(= 2e élément de la définition)
On examine la notion d’autorité administrative (car l’acte administratif est adopté par une autorité
administrative) = celle qu’on vise à l’art. 14 LCCE et à l’art. 1 de la Loi du 20 juillet 1991 (voir supra :
partie 3 [les 3 cercles]).

3° L’acte administratif peut être unilatéral ou contractuel


« Acte administratif : l’acte juridique unilatéral de portée individuelle, émanant d’une autorité
administrative et qui a pour but de produire des effets juridiques à l’égard d’un ou de plusieurs
administrés ou d’une autre autorité administrative ».

L’acte administratif est unilatéral (3e élément de la définition) : c’est un acte de volonté unilatéral.
(REMARQUE : on parlera des contrats plus tard, mais ce n’est pas très pertinent de parler des actes
administratifs, quand on a des contrats administratifs (certains auteurs le font)).
Le fait que l’administration ait le pouvoir d’adopter des actes unilatéraux = fondamental : c’est une
prérogative tout à fait remarquable.

161
Droit administratif

Pourquoi a-t-il cette prérogative ? Parce que le pouvoir exécutif (et ses ramifications, i.e. les différentes
administrations) est véritablement un pouvoir, que la Constitution et les lois adoptées en vertu de celle-
ci, lui confient cette prérogative exorbitante du droit commun.
( !! ) L’acte de volonté unilatérale en droit civil = quelque chose de très limité, d’exceptionnel  L’acte
de volonté unilatérale en droit administratif est la manière normale de travailler et d’agir pour
l’administration  celle-ci peut prendre des actes juridiques unilatéraux.
 L’administration peut agir d’une autre manière que les particuliers, que les sociétés
commerciales ou que les personnes morales de droit privé.

REMARQUE : on est ici dans l’exercice d’un pouvoir  par conséquent, quand on dit unilatéral, c’est par
opposition au contrat administratif (voir infra).

Théorie de l’acte détachable des contrats


But de cette théorie = la protection juridique et juridictionnelle.
Cette théorie consiste à dire qu’AVANT tout contrat, il y a une décision unilatérale qui est adoptée par
l’administration et qui a pour objet de conclure le contrat avec telle ou telle personne. Cette décision est
détachée du contrat (de manière abstraite et plutôt théorique), et est considéré comme un acte
unilatéral détachable, afin qu’on puisse faire un recours au Conseil d’État contre cette décision. Le cas
échéant, le Conseil d’État peut annuler l’acte détachable, alors que le contrat continue à vivre. Cela
permet de fournir une protection aux tiers évincés (= candidats au contrat, qui ne l’ont pas obtenu) (cf :
les marchés publics, les concessions et les autres contrats de l’administration).
 (Cette théorie s’applique quand l’administration passe un contrat avec un tiers, MÊME SI ce
contrat ne peut PAS faire l’objet d’un recours, car ce n’est pas un ace unilatéral, au sens de l’art.
14 LCCE. La théorie de l’acte détachable existe en quelque sorte pour remédier à cette
objection.)

Démarche ? Le Conseil d’État examine donc si cette décision – prise en vue de conclure le contrat,
comme acte unilatéral qui précède le contrat et qui s’en détache – a bien été adoptée dans le respect
des règles que doit respecter l’administration pour adopter cet acte détachable.
 Si ce n’est pas le cas, le Conseil d’État annule l’acte détachable  avantage : on dit que l’acte est
détaché de la signature du contrat  le contrat continue à vivre (car le Conseil d’État ne peut annuler le
contrat).

4° L’acte administratif est soit de portée individuelle soit de portée réglementaire


« Acte administratif : l’acte juridique unilatéral de portée individuelle, émanant d’une autorité
administrative et qui a pour but de produire des effets juridiques à l’égard d’un ou de plusieurs
administrés ou d’une autre autorité administrative ».

4e grand trait de l’acte administratif = il est soit de portée individuelle, soit de portée réglementaire (=
une summa divisio (= distinction cardinale)).

162
Droit administratif

- Le règlement = la norme, la règle. L’acte réglementaire est celui qui contient une règle de
comportement, qui a un caractère général et abstrait, qui se caractérise par sa permanence.
EXEMPLE : le statut des agents de l’État, arrêté royal du 2 octobre 1937 : c’est un arrêté royal de
portée réglementaire, qui contient toutes les règles sur les agents de l’État (de leur nomination à
la fin de carrière). C’est un peu le droit du travail de la fonction publique statutaire.
Tant qu’il reste en vigueur, l’arrêté royal s’applique à tous ceux qui sont nommé agents de l’État.
EXEMPLE 2 : plan d’aménagement (urbanisme) = un règlement. Il définit, sur le territoire qu’il
recouvre, des zones coloriées, et il dit tout ce qu’on peut faire en termes d’aménagement du
territoire et de construction sur la portée géographie du règlement.
C’est un règlement, parce que, tant qu’il est en vigueur, toutes les demandes formées de permis
de construire, devront respecter le règlement.
Tout arrêté d’exécution d’une loi/d’un décret/d’une ordonnance = en principe de port ée
réglementaire, en ce qu’il fixe des normes qui doivent être respectées par tous ceux qui
tombent sous son champ d’application.
- En comparaison, l’acte individuel concerne un ou plusieurs destinataires déterminées, et
s’applique de manière instante : il épuise ses effets avec son application ponctuelle à la situation
concrète.
EXEMPLE : un acte de nomination d’un fonctionnaire a produit tous ses effets une fois que celui-
ci est nommé et a prêté serment.
EXEMPLE 2 : une fois qu’un permis d’urbanisme est délivré et exécuté, que la maison est
construite, il a produit tous ses effets ;
EXEMPLE 3 : un permis de séjour s’applique à une seule personne, qui est ressortissante de tel
pays et qui est autorisé à séjourner sur le territoire belge à partir du moment où le permis de
séjour est délivré.

Quel est l’intérêt de cette qualification ? C’est que le régime juridique est très différent, selon qu’on est
face à un règlement ou un acte de portée individuelle :
- Seuls les règlements sont soumis à certaines solennités (consultation du SCACE par exemple).
- Tout règlement doit être publié (Moniteur Belge, valves communales, etc.)
 En revanche les actes de portée individuelle sont diffusés par voie de notification (lettre au
destinataire bien défini).
- La Loi du 20 juillet 1991 sur la motivation formelle s’applique uniquement aux actes à portée
individuelle (art. 1er de la loi).
- En termes de hiérarchie des normes, même si l’instrumentum, du point de vue purement formel,
peut être le même, un règlement est d’un niveau supérieur à un acte de portée individuel. P.ex. :
l’arrêté royal du 2 octobre 1932 portant sur le statut des agents de l’État est d’une portée
supérieure (selon la jurisprudence du Conseil d’État) à un arrêté royal qui porte sur la révocation
d’UN agent de l’État.
 Ce sont 2 arrêtés royaux  c’est le même instrumentum dans la forme, mais quant à la portée
et au contenu, le 1er est un règlement, le 2e est un acte de portée individuelle  l’acte de portée
individuelle doit donc respecter le règlement.

163
Droit administratif

- Petite différence entre la jurisprudence du Conseil d’État, de la Cour de cassation et des cours et
tribunaux (voir partie 3).
 l’art. 159, Const. est légèrement appliqué de manière différente.
1) Devant le Conseil d’État, je peux invoquer Const., art. 159 à l’appui d'un recours contre un
acte de portée individuelle et je soulève alors l’illégalité du règlement sur lequel repose l’acte
individuel. Je dis que le règlement administratif est illégal et je demande au Conseil d’État –
sur base de Const., art. 159 – de refuser d’appliquer le règlement et donc de considérer que
l’acte individuel n’a pas de base juridique valide. Le Conseil d’État est compétent pour le
faire.
2)  En revanche, si je demande au Conseil d’État – sur base d'un recours que j’introduis
contre un acte de portée individuelle – de considérer qu’un autre acte individuel est illégal,
sur base de Const., art. 159, et que je lui demande d’en tirer de conséquences sur l’acte
individuel que j’attaque (conséquence due à l’autre acte individuel)  le Conseil d’État va en
principe dire :  « non, je ne peux pas considérer comme illégal l’acte individuel qui n’a pas
fait l’objet d’un recours au Conseil d’État et qui est donc devenu définitif ».
La Cour de cassation et les Cours et tribunaux, quant à eux, (qui ne sont PAS soumis au délai
de 60j pour un recours contre un acte de portée individuelle) vont accepter d’appliquer l’art.
159 de la Constitution à l’égard d’un autre acte de portée individuelle et ne font PAS la
distinction.

EXERCICES
Ces actes sont-ils de portée individuelle ou des règlements ?
 Arrêté du Gouvernement de la Communauté française autorisant les hautes écoles à ouvrir de
nouvelles sections. C’est un acte individuel car il s’agit de hautes écoles particulières, qui sont
bien identifiées  elles peuvent ouvrir de nouvelles sections pour telle année scolaire. L’acte
produit ses effets en une fois.
 Décision de classer quelque chose comme monument ou site. C’est un acte condition, c’est-à-
dire un acte de portée individuelle, mais qui est la condition d’application d’un régime juridique
normatif fixé par la loi/règlement.
En bref : une décision de classer tel site comme monument ou site, a pour conséquence qu’une
série de règles s’applique (pas modifier fondamentalement l’aspect de la maison, p.ex.). C’est un
acte individuel, qui s’applique à un site/monument bien déterminé, mais il emporte l’application
d’une série de règles normatives. C’est la même chose que la nomination dans la fonction
publique.
 Décision interdisant la circulation de certains véhicules lourds : règlement communal, car chaque
véhicule lourd qui voudra prendre ce chemin sera soumis aux sanctions, tant que le règlement
est en vigueur.
 Ordonnance de police interdisant la prostitution en vitrine : règlement.
 Arrêté ministériel annulant un schéma de structure d’une commune comme autorité de tutelle :
tout acte d’une autorité de tutelle = toujours un acte de portée individuelle. C’est une décision
par laquelle l’autorité de tutelle annule tel acte ou refuse d’approuver tel acte d’une commune,
qui produit ses effets de manière instantanée, à propos d’un acte particulier d’une commune

164
Droit administratif

particulière.
Même si l’acte de la commune, qui est annulé ou qu’on refuse d’approuver, est un règlement,
l’acte qui l’annule reste un acte individuel  il anéanti en une fois le règlement.
 Interdiction de mise sur le marché des glaces Pingu : acte de portée individuelle, parce qu’il
s’applique à un produit bien déterminé, à une date déterminée. Il ordonnait le retrait du marché
de ces glaces, qui étaient emballées dans un pseudo-jouet, jugé dangereux pas la Commission de
sécurité des consommateurs. Pourquoi jugé dangereux ? Parce qu’il y avait des petites pièces
que les enfants en bas-âges pouvaient avaler.
 Les cas limites : permis de lotir. C’est une autorisation donnée par la commune, en principe, de
diviser un terrain, pour y faire plusieurs parcelles, en vue d’y construire plusieurs
immeubles/maisons.
Le lotissement permet à la fois de diviser un terrain en plusieurs parcelles et de demander des
permis d’urbanisme pour construire. Le Conseil d’État a jugé qu’il s’agissait d’un acte mixte, qui
comprend à la fois un pan individuel (il autorise le propriétaire à diviser son terrain : c’est une
autorisation qui s’applique en une fois), mais, il y a aussi un aspect réglementaire (le permis de
lotir prévoit aussi des prescriptions qui vont s’imposer à tous les permis de bâtir qui seront
demandés tant qu’il sera en vigueur, càd les permis de bâtir pour construire les maisons sur les
parcelles, et puis tous les permis éventuels de travaux-rénovation-transformation de ces maisons
devront respecter les prescription du permis de lotir initial, qui a donc un caractère
réglementaire).
Comme ces permis ont un pan individuel, le Conseil d’État a considéré que la Loi du 20 juillet
1991 s’appliquait et qu’il fallait motiver en la forme la délivrance du permis de lotir.
 Arrêté de la Communauté française portant reconnaissance des radios privées, donnant à
chaque radio privée reconnue une fréquence. Le Conseil d’État dit que c’est un acte collectif =
une collection d’actes de portée individuelle ( PAS de caractère réglementaire).
REMARQUE : parfois on a, dans le même acte, une série de nominations dans une
administration. Ce n’est pas parce qu’on reprend une série dans le même instrumentum qu’il ne
faut pas respecter les règles d’élaboration des actes de portée individuelle et notamment, qu’il
ne faudrait pas motiver en la forme (Loi du 20 juillet 1991).

5° Les actes écrits, oraux et les décisions implicites


« Acte administratif : l’acte juridique unilatéral de portée individuelle, émanant d’une autorité
administrative et qui a pour but de produire des effets juridiques à l’égard d’un ou de plusieurs
administrés ou d’une autre autorité administrative ».

5e caractéristique : les actes administratifs peuvent être soit écrit, soit implicites.
En principe, les actes administratifs sont écrits, mais la pratique administrative réserve parfois bien des
surprises.

En ce qui concerne les règlements (1)


Avant on disait qu’un règlement devait toujours être écrit.

165
Droit administratif

 Toutefois, il y a eu un arrêt CIRE, du 20 décembre 2018, où le Secrétaire d’État (Théo Francken) avait
émis cette instruction au service de l’office des étrangers de ne traiter que 50 demandes de
reconnaissance de réfugiés, par jour.
 Un acte administratif, qui, réellement, était un règlement = émis oralement (puisqu’il s’agissait
d’une simple instruction orale, donnée à ses services), dont l’objet était de modifier une
organisation interne.
 Le Conseil d’État a jugé que cette décision orale pouvait être un règlement.
In casu, il n’y a AUCUN instrumentum. Quid de la manière dont on a pu établir la réalité de cet acte ? 
Le Secrétaire d’État, est venu expliquer que : « oui j’ai donné une instruction orale à mes services. Mais,
on retrouve une trace de cette instruction (orale) dans les travaux parlementaires relatifs au projet du
budget général des dépenses pour l’année 2019 ». Il a souligné devant la Chambre des représentants
avoir usé de sa compétence pour prendre la décision. Cette déclaration devant la Chambre des
représentants est la seule preuve de cette décision, que le Conseil d’État a jugé être un acte juridique
unilatéral réglementaire, qui modifie l’ordonnancement juridique d’une manière générale et abstraite.
 ‘CONCLUSION’ : une décision orale peut être un règlement (mais c’est le seul exemple qu’on
connaît).

En ce qui concerne les actes à portée individuelle (2)


Les actes individuels peuvent être oraux.
Attention : en principe l’administration prend quand même le soin de se réserver un écrit pour pouvoir
en prouver l’existence, la date…

( !! ) Catégorie particulière d’actes : les actes implicites ou tacites dont on retrouve le mécanisme à l’art.
14 §3 LCCE = mécanisme qui permet de déboucher sur une décision implicite de refus, qui peut faire
l’objet d’un recours au Conseil d’État.
Ce mécanisme a pour objet de permettre à l’administré, qui est confronté à un silence persistant, de
mettre en demeure cette autorité et éventuellement d’introduire un recours au Conseil d’État contre
son refus implicite persistant.
 C’est une manière de donner un coup de pied au derrière à l’administration, qui refuse de se
prononcer alors qu’elle le DOIT.

Art. 14 §3 LCCE : « Lorsqu’une autorité administrative est tenue de statuer et qu’à l’expiration d’un délai
de quatre mois prenant cours à la mise en demeure de statuer qui lui est notifiée par un intéressé, il
n’est pas intervenu de décision, le silence de l’autorité est réputé constituer une décision de rejet
susceptible de recours. Cette disposition ne préjudicie pas aux dispositions spéciales qui établissent un
délai différent ou qui attachent des effets différents au silence de l’autorité ».
 C’est une disposition de portée générale, SAUF lorsque la loi prévoit autre chose (prévoit des
délais différents ou des conséquences/effets différents au silence de l’autorité administrative).

Les conditions (au nombre de deux) :


Condition 1. L’autorité doit avoir l’obligation de statuer, mais elle ne le fait pas.
Quand a-t-elle l’obligation de statuer ?

166
Droit administratif

La jurisprudence identifie 3 hypothèses dans lesquelles il y a véritablement une obligation de statuer


dans le chef d’une autorité administrative :

Hypothèse 1. Les recours organisés. Lorsqu’existe un recours administratif organisé par la loi ou par
un règlement, l’autorité de recours est obligée de se prononcer sur le recours dont elle est saisie  le
déni de statuer est interdit !

Hypothèse 2. Quand l’administration statue sur base d’une demande en vertu de la loi.
Elle doit se prononcer sur la demande qui lui est présentée. C’est tout le domaine des autorisations,
des permis (urbanisme, séjour, subsides etc.). Quand l’administration est saisie d’une demande sur
base d’une norme – MÊME SI le texte ne le dit pas expressément – comme c’est une demande  elle
est obligée de statuer sur la demande.

Hypothèse 3. = Dégagée par la jurisprudence du Conseil d’État pour la 1 ère fois dans CE, n°25.814, 6
novembre 1985, arrêt Boitquin : la Constitution oblige le Roi à exécuter les lois  implique que le Roi
est obligé de prendre un arrêté d’exécution d’une loi, quand celle-ci l’habilite à préciser tel ou tel
élément.  Si le Roi ne le fait pas, on peut mettre en œuvre le mécanisme du §3, art. 14, Const.

 Voilà les cas où l’autorité est obligée de statuer.


 Il existe des cas où l’autorité n’est PAS obligée de statuer, p.ex. : l’autorité de tutelle, qui
reçoit un acte d’une commune, peut exercer son contrôle et l’annuler, mais elle n’est PAS
obligée de le faire ; un agent commet un manquement  l’autorité dont il relève peut le
poursuivre au disciplinaire et prononcer une sanction disciplinaire, mais elle peut aussi classer
sans suite (parallèle : droit pénal) ; quand un recours gracieux est intenté devant une autorité,
celle-ci peut se prononcer sur le recours, mais elle n’est PAS obligée.

Condition 2. Condition de procédure : l’administré qui attend sa décision, doit mettre en demeure
l’administration de statuer.  Il doit écrire une lettre adressée à l’administration, par recommandé de
préférence, en l’enjoignant de prendre une décision (parce qu’elle le doit). Une fois qu’il l’a mise en
demeure, il doit attendre quatre mois.

Si ces 2 conditions sont remplies, il existe, en vertu de la loi (art. 14 §3 LCCE), une décision implicite,
tacite (= un refus ou un rejet) (exemples : un refus de recevoir le recours, un refus de donner le permis,
un refus d’exécuter la loi…)
REMARQUE : c’est un texte général et subsidiaire  si d’autres textes prévoient d’autres délais pour se
prononcer et d’autres effets au silence, art. 14 §3 LCCE ne s’applique PAS !!

Une question s’est posée : « une décision implicite de refus, qui est un acte de portée individuelle, est-
elle automatique illégale, parce qu’elle n’est pas motivée en la forme ? » Evidemment. C’est impossible :
la motivation formelle implique un instrumentum  une décision implicite n‘est pas formalisée, elle est
déduite du silence, donc elle n’est jamais motivée en la forme.
 Le Conseil d’État a jugé que la Loi du 20 juillet 1991 ne s’applique pas aux décisions implicites

167
Droit administratif

au sens de l’art. 14 §3 LCCE (EXCEPTION à l’application de la Loi du 20 juillet 1991).

6° L’acte administratif et l’acte susceptible de recours devant le Conseil d’Etat


On se pose une question en guise de conclusion : y a-t-il une correspondance ou non entre l’acte
administratif et l’acte susceptible de recours de l’art. 14 LCCE  = est-ce que c’est le même acte ? Est-ce
que tous les actes administratifs sont des actes susceptibles de recours et vice versa, ou y a-t-il une
différence entre les deux catégories ?
 Réponse : on a souvent confondu les deux notions : on a souvent dit qu’un acte administratif
pouvait aussi faire l’objet d’un recours au Conseil d’État.
La réponse est très largement positive : ce deux catégories sont largement correspondantes et
les deux actes sont largement synonymes !

( !! ) Néanmoins, il existe quand même certains actes administratifs qui sont des limites à la
compétence du Conseil d’État.
 Ce sont des actes administratifs, mais dont le Conseil d’État ne peut pas connaître, parce que sa
compétence est LIMITÉE !
- Il y a d’abord tous les actes administratifs qui participent à la définition des droits subjectifs,
notamment les actes administratifs dont l’objet est de reconnaître/consacrer/dénier un droit
subjectif qui se trouve dans la loi (et dont, par conséquent, le citoyen bénéficie).
EXEMPLE : l’acte qui fixe le traitement d’un agent. Cet acte met en œuvre le droit subjectif au
traitement et ce traitement est défini par les règlements qui organisent le statut pécuniaire. Il n’y
a aucune marge de manœuvre  il y a une compétence entièrement liée à laquelle, dans le
patrimoine de l’agent, correspond un intérêt légitime ( constitue un droit). Il peut obtenir ce
droit par la contrainte.
 On est dans le domaine des droits subjectifs.
Le Conseil d’État doit se déclarer incompétent si on attaque cet acte devant lui  il doit dire que
l’objet véritable du recours est le respect d’un droit subjectif ( Const., art. 144 = la
compétence exclusive des cours et tribunaux).
EXEMPLE 2 : octroi d'un subside selon une compétence entièrement liée. Un subside est octroyé
à une personne qui répond à des conditions purement objectives, qui font l’objet de pure
constatation. À partir du moment où je remplis les conditions, j’ai un droit subjectif au subside.
Le Conseil d’État ne peut pas connaître du recours contre le refus d'octroyer ce subside.
 S’il le faisait : son arrêt pourrait être cassé par la Cour de cassation (violation de l’art. 144,
Const.).
Autrement dit si le Conseil d’État s’estimait compétent, il y aurait une violation de la théorie de
l’objet véritable : il se serait prononcé sur les droits subjectifs dont la sauvegarde appartient
uniquement aux cours et tribunaux.
- Les actes qui ne sont pas définitifs. Il existe, devant le Conseil d’État, une exception que l'on peut
soulever et qui est reçue, quand on attaque un acte qui n’est pas définitif, c’est-à-dire un acte
qui doit encore être approuvé par une autre autorité (une autorité de tutelle) ; un acte contre
lequel un recours administratif peut être dirigé et que l’administration peut réformer. Dans ce

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Droit administratif

cas-là, c’est la décision finale qui peut faire l’objet du recours.


 Si on introduit son recours trop tôt, on l’introduit contre ce qui est déjà un acte administratif,
mais qui n’est PAS définitif  selon cette exception, appelée omissio medio, on a oublié une
étape (i.e. qu’il y avait encore une décision finale à adopter). Par conséquent, le Conseil d’État
dira que ce n’est PAS ENCORE un acte susceptible de recours.

A part ces 2 exceptions, les actes administratifs se confondent très largement avec les actes
susceptibles de recours.

Chapitre 2. L’acte administratif unilatéral


« Les propriétés ou forces de l’acte administratif ».
(Ce sujet vient d’une réflexion qui consiste en une comparaison de l’acte administratif avec d’autres
actes.  Comparaison faite par Marc Nihoul, avec un autre acte juridique unilatéral, qui est le jugement
(la décision judiciaire).
Nihoul distingue 3 caractéristiques du jugement. Il parle des propriétés ou des forces particulières que
détient cet acte juridique, émanant d’une autorité.)

On fait la même chose, en prenant pour base, non pas le jugement, mais l’acte administratif unilatéral.
Cet acte administratif unilatéral détient 3 propriétés distinctes :
- Il a une force obligatoire, qu’on qualifie parfois de privilège du préalable.
- Il a force probante (on entend le mot preuve).
- Il a une force contraignante ou on parle aussi de privilège d’exécution d’office (≠ force
exécutoire).

1° La force obligatoire de l’acte administratif ou le privilège du préalable


(1ère propriété) L’administration détient un pouvoir exorbitant, qui n’appartient pas à tout citoyen. Ce
pouvoir = celui d’imposer sa volonté unilatéralement, en créant des effets de droits obligatoires pour
la/les personne(s) destinataire(s) de ses actes.
Pourquoi parle-t-on aussi de privilège du préalable ?
Cette expression vient du droit administratif français et évoque 2 aspects :
- Il s’agit d'un privilège, parce que c’est un pouvoir exorbitant, que les citoyens ne détiennent pas,
c’est un privilège de l’administration, qui s’attache aux actes administratifs, parce que ce sont
des actes de pouvoir.
- Le second aspect est celui du préalable, pourquoi ? Parce que l’administration est dispensée de
ce préalable de procédure, qui consiste en une saisine préalable d’un juge pour que ses droits
soient proclamés et pour qu’elle puisse se procurer un titre exécutoire, c’est-à-dire une décision
qui lui reconnaît des droits et qui s’impose (= est obligatoire pour les tiers).
Un citoyen ne peut imposer sa volonté unilatéralement et modifier, par sa seule volonté, la
situation juridique d’un tiers,  alors que l’administration peut le faire en adoptant des actes
administratifs.
 Elle est donc dispensée du préalable de devoir saisir un juge pour dire quels sont ses droits en

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Droit administratif

vertus de la loi. Elle dit elle-même quels sont ses droits et oppose elle-même son pouvoir au
tiers.

Quelle est la portée de cette force obligatoire ? Elle s’impose aux tiers, elle modifier unilatéralement leur
situation juridique. Exemples : la nomination entraîne un changement de la qualité de la personne
nommée, qui peut revendiquer le titre de fonctionnaire et le droit de rémunération par l’administration ;
un permis d’urbanisme modifie le patrimoine et la situation juridique de son bénéficiaire.

Ces effets se produisent dès l’entrée en vigueur de l’acte administratif et jusqu’à ce qu’il prenne fin,
c’est-à-dire quand l’auteur de l’acte abroge ou retire l’acte administratif ou bien quand un juge décide
d’annuler un acte, parce qu’il était illégal, voire de le suspendre avant son annulation.

( !! ) Il faut insister sur un point : l’existence de ce recours devant le Conseil d’État ne prive pas l’acte
administratif de sa force obligatoire ou du privilège du préalable, parce que le recours au Conseil d’État
est toujours non-suspensif : il ne produit pas d’effet suspensif  cela veut dire qu’il ne suffit pas
d’introduire un recours pour priver d’effet l’acte attaqué ; il faut encore que le juge en prononce la
suspension. Tant qu’il ne l’a pas fait, l’acte produit tous ses effets : il reste obligatoire. Par conséquent,
l’administré doit obéir d’abord à l’acte qui bénéficie d’une sorte de privilège de légalité, tant que le juge
n’a pas renversé cette présomption de légalité et tant que le juge n’en a pas tiré les conséquences
(annuler ou prononcer la suspension).
Ce pouvoir, ce privilège du préalable correspond très largement au fond de la définition-même de l’acte
administratif, qui est un acte juridique et du pouvoir qu’a l’administration d’adopter des décisions
unilatérales.
REMARQUE : P. Goffeaux qualifie ce privilège du préalable de « manière d’agir normale de
l’administration » : c’est ce qui arrive le plus souvent  qu’elle prenne des décisions qui s’imposent au
tiers, donc il faut arrêter de parler de pouvoir exorbitant, de privilège du préalable.  Il faudrait plutôt
parler du pouvoir de l’administration d’adopter des décisions unilatérales.

2° La force probante de l’acte administratif


(2e propriété/force) La force probante est souvent ignorée par les auteurs de droit administratif, mais,
elle est en revanche souvent reconnue par le Conseil d’État dans le cadre de litiges.

Attention, la matière vient d’être réformée, puisque jusqu’ici, c’était les art. 1317 suiv. C.civ. qui étaient
le siège de cette matière (parlait de la preuve par acte authentique).
 Aujourd’hui, ce sont les art. 8.15 à 8.17 du livre VIII sur la preuve du nouveau C.civ. (= déjà entré en
vigueur) (la 1e partie du nouveau C.civ. est entrée en vigueur le 1er novembre 2020).
Art. 8.15 à 8.17 : ces dispositions ont trait à la preuve par acte authentique, pas de modification
fondamentale sur le fond. On souvent trait à croire que les actes authentiques, ce ne sont que les actes
notariés. C’est incorrect : le Code civil dit que l’acte authentique = tout acte qui a été reçu par un officier
public (= une personne publique, un fonctionnaire public), qui a le pouvoir de constater ce qu’il constate
(qui a le droit d’instrumenter) et qui respecte les formalités requises par la loi pour faire les constations

170
Droit administratif

auquel il procède.

La notion d’acte authentique est une notion du droit de la preuve. Cette branche du droit s’occupe de la
manière dont on établit/prouve des faits, tels qu’ils se sont produits, en vue de faire valoir ces faits à
l’appui de prétentions juridiques dans le cadre d’un litige. Il faut bien comprendre que, quand on dit
qu’un acte administratif a force probante d’acte authentique, cette force probante porte donc sur la
PREUVE des faits que cet acte constate.
 Les faits qui sont constatés dans l’instrumentum de l’acte, reçoivent une force probante
particulière qui est celle de l’acte authentique.

 Par opposition, on ne peut PAS dire que la force probante concernerait la validité de l’acte  ce n’est
pas une condition de régularité de l’acte !
C’est une question de preuve des faits que l’acte constate.
Ces faits sont prouvés par l’acte administratif avec une foi très forte. L’acte authentique = celui qui a la
force probante la plus forte, et plus précisément la plus difficile à renverser ( cas dans lequel il est le
plus difficile de prouver le contraire que ce qui constaté dans l’acte authentique).

On dit que l’acte authentique fait foi jusqu’à inscription de faux. Donc, pour prouver que ce qui est écrit
dans un acte authentique n’est pas exact, il faut faire une procédure judiciaire  : la procédure en
inscription de faux.

Il y a deux types de procédures en inscription de faux :


- Une procédure civile en inscription de faux. Devant une juridiction civile, on peut faire une action
pour prouver que ce que constate un acte authentique est inexacte. Exemple : un acte notarié de
vente contiendrait des erreurs sur les mentions que le juge peut constater. Il y a un litige civil à
propos de cette vente. On peut faire une action en inscription de faux pour prouver qu’il y a une
erreur dans l’acte authentique.
- Une procédure pénale en inscription de faux. Résultat = constater qu’il y a un faux en écriture
public, mais aussi de condamner l’auteur de ce faux.
L’officier public qui écrit un faux en écriture commet une infraction particulière  il s’agit alors
d’écriture d’un faux ET d’usage de faux. Il est puni de manière particulièrement sévère, parce
que les fonctionnaires prêtent serment de respecter la loi et la Constitution. Quand ils exercent
des pouvoirs, ils ne peuvent donc pas mentir (faire un acte qui contient des mentions inexactes,
c’est faire mentir l’acte).

Le Code civil prévoit les conditions dans lesquels un acte administratif peut avoir valeur d’acte
authentique.
- Condition 1 : l’autorité ou le fonctionnaire qui a adopté (signé) l’acte, constate des faits qu’il a en
son pouvoir de constater (= il est compétent pour constater les faits qu’il constate dans
l’instrumentum de son acte)
- Condition 2 : les formalités légales prescrites doivent être respectées pour que ses constatations
soient actées officiellement avec valeur authentique.

171
Droit administratif

Le nouveau Code civil contient trois nouvelles dispositions :


« Art. 8.15 : Support de l'acte authentique.
L'acte authentique peut être dressé sur tout support s'il est établi et conservé dans des conditions fixées
par la loi ou par le Roi, par arrêté royal délibéré en Conseil des ministres. Toutefois, les actes notariés qui
sont reçus sous forme dématérialisée sont établis et conservés conformément à la loi du 16 mars 1803
contenant organisation du notariat. La Banque des actes notariés instituée conformément à cette même
loi a la valeur de source authentique pour les actes qui y sont enregistrés. Sans préjudice des conditions
prévues à l'alinéa 2, une signature électronique qualifiée, telle que visée à l'article 3, 12° du Règlement
UE n° 910/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 sur l'identification électronique
et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur et abrogeant
la Directive 1999/93/CE est requise pour les actes authentiques établis, reçus ou signifiés sous forme
dématérialisée par un officier public ou ministériel. La qualité du signataire doit toujours pouvoir être
vérifiée au moyen d'une banque de données authentique prévue par la loi ».
 Cet article a beaucoup à voir avec le fait que les actes authentiques peuvent avoir un support
électronique  on a autre chose que du papier.
Des prescriptions particulières concernent les actes électroniques et les signatures électroniques
qualifiées.

« Art. 8.16 Acte authentique irrégulier.


L'acte qui n'est pas authentique du fait de l'incompétence ou de l'incapacité de l'officier public ou
ministériel, ou par un défaut de forme, vaut comme écrit sous signature privée, s'il a été signé par la ou
les parties ».
 Cet article parle des conditions de régularité de l’acte authentique.
Non seulement on déduit de cet article que, pour qu’un acte soit authentique, il faut que
l’officier public soit compétent pour le faire et qu’il a respecté les formes qui sont prescrites.
Mais aussi, un autre aspect est réglé par cette nouvelle disposition : la dégradation de l’acte
authentique qui survient quand il est signé par un officier ministériel qui outrepasse ses pouvoirs
ou qui n’a pas respecté des formes jugées importantes.  Cet acte authentique n’a plus valeur
d’acte authentique, MAIS attention : en tout cas, il vaut encore comme mode de preuve avec
une force probante inférieur  il vaut comme écrit sous signature privée.

« Art. 8.17 : Force probante de l'acte authentique.


L'acte authentique fait foi jusqu'à inscription de faux de ce que l'officier public ou ministériel a
personnellement accompli ou constaté, sans possibilité pour les parties d'y déroger. Est nulle toute
convention qui déroge à cette règle. En cas d'inscription de faux, le juge peut suspendre l'exécution de
l'acte. L'acte authentique fait pleine foi de la convention qu'il renferme entre les parties et à l'égard de
leurs héritiers et ayants cause ».
 Cet article parle de la force probante de l’acte authentique. Il dit ce qu’on vient de dire plus
haut : l'acte fait foi jusqu’à inscription de faux. Pour prouver le contraire, il faut faire une action
en inscription de faux.

172
Droit administratif

En droit administratif, certains actes administratifs ont force probante d’acte authentique. Cette force
probante ne peut être renversée que par une procédure en inscription de faux sur les faits que ces
actes constatent. Deux exemples :
- Les procès-verbaux des conseils et collèges communaux . Ils sont revêtus de la signature du
secrétaire communal (appelé directeur général en Région wallonne).
La NLC et le CWADEL disent que la signature a pour conséquence que le procès-verbal fait foi de
ce qu’il contient, et cette force probante est la force probante d’acte authentique.
Tout ce qui est constaté dans ce procès-verbal – contresigné par le Bourgmestre – est censé être
prouvé avec valeur probante d’acte authentique qu’on ne peut renverser que par une inscription
de faux.
Ce procès-verbal constate évidemment les membres du conseil ou du collège communal qui sont
présents, il notifie les différents points traités au cours de la réunion, il mentionne les points sur
lesquels il y aura une délibération et un vote et, à chaque fois, le procès-verbal va mentionne
quels sont les résultats du vote et quelles sont les délibérations qui sont adoptées ou pas.
P.ex. : dans le cadre d’une procédure d’attribution d’un marché public par une commune, c’est le
collège qui est compétent pour octroyer le marché, et il est noté dans le procès-verbal que, lors
du point qui concerne l’attribution de ce marché, un échevin quitte la séance (disons X) pour ce
point-là, car un des entrepreneurs qui s’est porté candidat est un membre de sa famille (Y)  : son
frère (disposition dans la NLC, reprise dans le CWADEL).
Il est mentionné dans le procès-verbal que l’échevin X a quitté la séance. Les membres du collège
étaient toujours assez nombreux pour statuer et ils ont décidé d’attribuer le marché public à
l’entreprise du frère, Y.
Un recours est introduit par un concurrent qui n’a pas obtenu le marché, qui soutient que Y a été
privilégié. Il estime qu’il y a violation des principes d’égalité et de mise en concurrence, parce que
son frère X a influencé la décision.
Que dit la requête ? Elle ajoute que ce qui est inscrit dans le procès-verbal, par le secrétaire
communal, n’est pas juste, parce que X n’a pas réellement quitté la séance. Il est resté là et a fait
campagne pour l’offre de son frère Y et a essayé de leur faire attribuer le marché à son frère.
Que répond le Conseil d’État ?
Il constate que le procès-verbal constate – avec valeur authentique – que X a quitté la séance et
que donc, pour renverser ce fait (c’est bien la preuve d’un fait : est-il resté et participé ou est-il
partie ?), il faut intenter une procédure en inscription de faux et le requérant doit demander au
juge de surseoir à statuer, jusqu’à ce que le juge judiciaire ait tranché sa procédure en inscription
de faux.
Il y a, dans la procédure du Conseil d’État, un incident de procédure lié à l’inscription de faux, qui
prévoit que, quand il y a une procédure en inscription de faux parce qu’une pièce essentielle du
dossier est taxée de fausse par une des parties, le Conseil d’État sursoit à statuer, jusqu’à la
décision du juge judiciaire, civil ou pénal.
Une fois que ce dernier a rendu sa décision, le Conseil d’État en tire les conséquences  : si le juge
judiciaire établit qu’il y a un faux, l’acte authentique sera dégradé et même anéanti et ce sera
l’autorité de chose judiciaire qui prévaudra. Le Conseil d’État applique cette autorité de chose
judiciaire en disant : « il est établi qu’il y a un faux en écriture publique et que donc, ce procès-

173
Droit administratif

verbal n’a plus valeur d’acte authentique. Les faits qui y sont relatés sont inexacts  »  il annule
l’acte dans ce cas-là.
 Par contre s’il n’y a PAS d’inscription de faux, ou si la procédure aboutit à ce que le faux ne
soit pas établi, le moyen devant le Conseil d’État sera rejeté !
- Arrêtés royaux, ministériels, de Gouvernement . Ils doivent mentionner, dans leur préambule, les
formalités qui ont été accomplies, qui sont le cas échéant obligatoires, comme la consultation de
la SLCE.
Il en suit que, quand on vise l’avis de la Section législation du Conseil d’État rendu à telle date à
propos de tel projet dans un préambule d’arrêté, en principe, il est établi avec valeur d’acte
authentique jusqu’à inscription de faux, que la formalité a été respectée et qu’il sera
impossible à prouver qu’on n’aurait pas consulté le Conseil d’État.
Pour le Conseil d’État, évidemment ça n’arrivera pas, parce que les avis sont disponibles et on
peut vérifier qu’un avis a été rendu. Mais, admettons qu’il s’agisse d’un autre organe qui a été
consulté et qu’il y a une contestation à cet égard, et que cet autre organe ne conserve pas bien
ses archives, et qu’on ne puisse pas aller vérifier. En principe, la mention aura valeur d’acte
authentique et ne pourra être renversée, à moins de faire une procédure en inscription de faux.

Deux conditions pour qu’un acte public ait valeur authentique : (1) il doit être pris par un officier public
compétent et (2) les formalités requises doivent être respectées.

Quid de ces formalités ? Il y a toute une jurisprudence qui fait une différence entre les formalités
substantielles et vénielles, et qui dit que, pour qu’un acte authentique soit dégradé, il faut qu’une
formalité essentielle n’ait pas respectée, c’est-à-dire une formalité dont le non-respect peut vraiment
avoir un impact sur son contenu et ce qu’il constate.
Exemple d’une formalité essentielle : que l’acte soit co-signé par le Bourgmestre lors d'un procès-verbal,
même si c’est le secrétaire qui l’a établi. C’est surtout le fait que le procès-verbal soit approuvé par le
Collège ou le Conseil qui importe. Lors de sa prochaine séance, on va pouvoir vérifier si ce que le
secrétaire a écrit dans le procès-verbal, correspond bien à tout ce que les membres ont compris, et ils
vont approuver en disant : « oui c’est bien ça qu’il s’est passé, X est bien sorti et n’a pas participé à la
séance ». Si tous approuvent, ça renforce la valeur authentique de l’acte.
 Tandis que, si on oublie de faire approuver et qu’il s’agit en fait d’un projet de procès-verbal qui n’a
jamais été définitivement approuvé, c’est évidemment beaucoup plus fragile. On comprend qu’il s’agit
d’une formalité substantielle, donc, si elle n'est pas respectée, c’est plus difficile de considérer qu’il y
avait bien là un acte authentique.
EXEMPLE : ce qu’il s’est passé sur tous les scandales en matière de marché public dans la ville de
Charleroi.  On a découvert, a posteriori, quand l’autorité de tutelle a été dépouiller tous les
documents préparatoires, qu’il y avait des procès-verbaux communaux (de Collège et de Conseil) qui
n'avaient jamais été approuvés.
Pour cause, en fait, ils étaient faits par le fonctionnaire dirigeant (le Secrétaire communal), et ils
n’étaient pas vraiment montrés à l’organe. De plus, personne n’avait vraiment connaissance de ce qui
était noté dans le procès-verbal.
 Des marchés étaient soi-disant attribués, alors qu’on n’en avait pas discuté au Collège ou au

174
Droit administratif

Conseil  donc évidement, il manquait là des formalités substantielles, qui faisaient que ces
procès-verbaux n’avaient pas vraiment valeur d’acte authentique.

3° La force contraignante de l’acte administratif ou le privilège de l’exécution d’office


(3e propriété de l’acte administratif) La force contraignante ou le pouvoir d’exécution d’office est
différent de la force obligatoire et du privilège du préalable, parce qu’on ne parle plus des effets
juridiques d'un acte, c’est-à-dire du fait qu’un acte modifie la situation juridique de tiers par la seule
volonté de l’autorité administrative.
On parle ici de l’exécution matérielle (au besoin par la force). On parle de la contrainte, même physique.
C’est l’hypothèse d’un administré qui ne se soumet pas à un acte administratif ; aux injonctions de
l’administration, alors que les décisions adoptées requièrent de sa part qu’il s’exécute, qu’il adopte des
attitudes matérielles pour que les décisions de l’administration soient respectées.

La question est alors de savoir dans quelle mesure l’administration peut se faire justice à elle-même. En
ce sens que non seulement elle s’est délivrée un titre exécutoire qui a force obligatoire, mais qu’en outre,
elle peut faire appel à la force publique pour que, sur le terrain, dans les faits, la situation de fait
corresponde à la situation de droit qu’elle a créée avec force obligatoire.

De ce point de vue-là, il faut d’abord bien circonscrire/délimiter l’hypothèse dans laquelle la question est
pertinente, car il y a une série d’actes administratifs pour lesquels la question de l’exécution d’office ne
se pose PAS réellement.

On distingue 3 hypothèses en fonction des catégories d’injonctions de l’administration :

Catégorie 1. Les actes administratifs qui doivent être mis en œuvre par l’administration elle-même.
P.ex. : l’administration octroie un subside à une personne qui répond aux conditions fixées par la loi.
Quelle est l’exécution concrète qui doit être donnée à cet acte ? Que l’administration fasse un paiement.
 Il n’y a pas lieu de se poser la question de savoir s’il faut contraindre le bénéficiaire du subside à quoi
que ce soit : lui, il ne doit rien faire ; il attend l’argent. C’est l’administration qui doit faire quelque chose
(payer).

Catégorie 2. Les actes administratifs qui octroient un avantage au destinataire, notamment une
permission, c’est-à-dire que le bénéficiaire de l’acte (permis, autorisation, etc.) peut le mettre en œuvre,
mais qu’il n’est jamais obligé de le mettre en œuvre.
P.ex. : ma commune me délivre un permis d’urbanisme, mais j’ai des problèmes financiers, et je n’ai plus
les moyens de construire, donc je « n’exécute » pas mon permis. Si je ne mets pas en œuvre mon permis
dans les 2 ans, le permis est périmé. À ce moment-là, il me faut un nouveau permis.
Mais, y a-t-il lieu de forcer le bénéficiaire du permis à l’exécuter dans les 2 ans ?
Non, car c’est une simple autorisation, il reste libre de le mettre en œuvre ou pas et il ne commet pas
d’infraction s’il le met/ne le met pas en œuvre. Toutefois, il commet une infraction s’il construit autre
chose que ce qui lui est refusé (= infraction d’urbanisme). Là, on peut prendre des injonctions pour le

175
Droit administratif

faire cesser de commettre une infraction.


S’il ne fait rien, on ne peut rien lui reprocher.

Catégorie 3. Seule catégorie pertinente : les actes administratifs qui imposent des obligations de faire à
leur destinataire.
P.ex. : L’administration enjoint à une personne de lui rebrousser une somme qui est indue,
l’administration impose à un propriétaire d’un bâtiment, qui menace ruine, de l’abattre, parce qu’il est
dangereux, l’administration enjoint à une personne de dégager la chaussée, parce que cette personne a
un arbre dans son jardin, dont une branche passe au-dessus de la voirie et gêne le passage…
Dans ce cas-là, la question de l’exécution forcée se pose évidemment, puisque l’administration enjoint à
une personne de faire quelque chose et il faut qu’elle fasse quelque chose pour se mettre en conformité
avec la situation juridique que l’administration ordonne.

Même quand on se trouve dans ces catégories d’actes-là, que la question d’exécution forcée est
pertinente, l’administration ne peut PAS purement et simplement faire usage de son pouvoir de
contrainte ou d’un pouvoir général de contrainte.
( !! ) Elle doit toujours se soumettre à la légalité, au respect du droit et elle doit toujours privilégier les
voies de droit existantes prévues par la loi.
Tout d’abord, il peut y avoir des sanctions pénales pour un certain nombre de comportements qui
seraient contraires aux ordres/injonctions de l’administraient, par exemple : infraction d’urbanisme 
on construit ce qu’un permis ne permet pas, donc l’administration de l’urbanisme est habilitée à mettre
les scellés sur un chantier qui serait infractionnel et à mettre en œuvre des procédures pénales
d’infraction d’urbanisme.
De même, quand il y a des sanctions administratives qui peuvent permettre de faire respecter les
injonctions de l’administration, l’administration doit mettre en œuvre ces sanctions ou amendes
administratives.
Quand il s’agit de recouvrer des sommes par exemple, le fonctionnaire qui a reçu un traitement trop
important  on lui réclame de rembourser l’indu. S’il ne le fait pas, l’administration ne peut pas envoyer
la police chez lui pour le sommer de payer. Il faut passer par le juge judiciaire et faire une procédure
civile normale en recouvrement de somme devant le tribunal.

Dans tous ces cas, l’administration doit normalement respecter les modes légaux, qui sont normalement
mis à sa disposition pour faire respecter son droit.
Puis il y a un certain nombre de modes d’intervention d’office, qui sont consacrés par la loi,
généralement en matière de police administrative, où d’importants pouvoirs sont donnés par la NLC
aux autorités de la commune, au bourgmestre qui peut imposer la démolition des bâtiments menaçant
ruine. Si le propriétaire ne s’exécute pas  solution ? Faire exécuter aux frais du propriétaire, la
démolition manu militari.
De même, le bourgmestre peut mettre des scellés sur certains établissements, en vertu d’ordres qu’il
donne de fermeture d’établissements qui portent gravement à l’ordre public.
Donc la NLC prévoit des modes d’intervention d’office et ce sont ces modes-là qui doivent être respectés.

176
Droit administratif

Le pouvoir d’exécution d’office n’est mis en œuvre QUE


- quand la loi ne prévoit pas de moyens d’intervention qui peuvent être utile à l’administration
pour faire respecter ses ordres,
- et à condition qu’on se trouve dans une situation de nécessité, d’urgence impérieuse qui justifie
(et implique) que l’administration intervienne manu militaire, fasse usage de la contrainte.
Même lorsqu’existe cette urgence impérieuse, c’est-à-dire que l’administration agit et fait usage
de contrainte pour parer à un péril imminent/pour éviter une atteinte grave à l’ordre public,
l’administration devra respecter un principe de proportionnalité : elle ne pourra pas faire plus
que ce qui est strictement nécessaire (pour parer au péril imminent ou pour évier un trouble
grave à l’ordre public).

‘CONCLUSION’ : les pouvoirs d’exécution d’office sont au fond très limités, ils s’appliquent dans des cas
marginaux, notamment dans les cas où non seulement est requis une exécution matérielle d’un
administré pour se conformer aux actes administratifs et aux injonctions de l’administration, mais
encore, où il y a une nécessité impérieuse, ( !! ) moyennant le respect du principe de proportionnalité.
C’est vraiment dans des cas marginaux, avec des conditions très strictes !

Exemple classique qu’on cite en jurisprudence (et qui reste d’actualités, malgré la date) Cass., 20 janvier
1994 : panneau publicitaire placé sur le pignon d’une maison qui était au bord d’une voirie. Maison
classée comme se trouvant sur une voirie touristique, au sens d’un arrêté royal du 14 décembre 1959
(interdisait l’affichage le long des voiries touristiques).
Ce panneau faisait saillie sur le domaine public ; il dépassait de la limite de la propriété privée, et il
causait une gêne pour le passage.
La ville de Namur avait mis en demeure la société qui exploitait ce panneau (Belgaffiche) elle devait
l’enlever, car il était placé illégalement. Moyen ? Violation de l’arrêté royal du 14 décembre 1959 +
contraire à l’art. 98 Règlement communal, parce qu’il gênait le passage sur la voirie et était susceptible
de porter atteinte à la circulation, à l’ordre public.
La société Belgaffiche n’obtempérait pas, elle refusait d’enlever le panneau.  La ville de Namur a
envoyé ses services communaux pour enlever le panneau d’office.  Une action est introduite devant le
Tribunal de 1ère instance par la société Belgaffiche, qui demandait des dommages et intérêts pour le fait
qu’on lui ait pris son panneau ; ne lui ait pas restitué et qu’on ait porté atteinte à son activité.
Tribunal de 1ère instance, Namur, 21 octobre 1988 a jugé que la ville de Namur n’était pas autorisée à
enlever d’office et sans jugement préalable le panneau publicitaire litigieux.
 Condamnation de la ville de Namur = payer les dommages et intérêts à Belgaffiche.

Or, la ville de Namur fait appel. La Cour d’appel de Liège a réformé le jugement du Tribunal de 1ère
instance (C. appel Liège, 22 novembre 1991) : la Cour d’appel dit que, au fond Belgaffiche ne conteste
pas que le panneau publicitaire fût placé de manière illégale (contraire à l’arrêté royal de 1959). Le
panneau faisait une saillie et donc la Cour d’appel juge :
« Il est dès lors sans intérêt d’évaluer si la mesure d’office doit également répondre à la question
d’urgence de police communale. Il s’ensuit qu’il ne peut être soutenu que la ville appelante a commis

177
Droit administratif

une voie de fait ou d’abus de droit ».


 La ville de Namur n’a pas commis de faute, comme le panneau était placé de manière illégale,
elle pouvait l’enlever.

L’affaire va jusqu’en cassation, parce que Belgaffiche n’est pas d’accord. La Cour de cassation casse
l’arrêt de la Cour d’appel de Liège sur base de ce considérant-ci :
« À défaut de texte légal qui l’y habilitant et en l’absence de circonstances particulières nécessitant une
intervention urgente en vue d’éviter une atteinte grave à l’ordre public, l’autorité communale ne peut
procéder à l’exécution d’office, en dehors du domaine communal, de mesures qu’elle a édictées, sans
recours préalable au juge ».
 La C. cassation dit qu’ici, il n’y avait pas de texte qui permettait à la ville de Namur d’intervenir
d’office. Il n’y avait pas la preuve de circonstances particulières nécessitant une intervention
urgente en vue d’éviter une atteinte grave à l’ordre public. Certes, le panneau était placé
irrégulièrement, mais il n’y avait pas un danger grave à l’ordre public qui justifiait qu’il faille
l’enlever TOUT DE SUITE. Il était d’ailleurs resté là plusieurs années, sans qu’il n’y ait de
problème. Il dépassait sur la voirie, mais qu’un tout petit peu, de telle manière qu’en réalité, il
n’était même pas prouvé que c’était dangereux.
 Donc : la Cour de cassation casse cet arrêt sur base du considérant mentionné ci-dessus. De plus,
sur base d’un considérant concret qui concerne l’arrêt de la Cour d’appel de Liège, la Cour de
cassation constate que la Cour d’appel de Liège se borne à constater le caractère illicite de
l’affichage et dit qu'il est sans intérêt d’examiner si l’enlèvement d’office de ce panneau doit
également répondre à la condition d’urgence de police communale.
 Ce faisant l’arrêt de la Cour d’appel de Liège ne justifie pas légalement sa décision et la
défenderesse n’a pas commis une voie de fait ou un abus de droit.
‘CONCLUSION’ : cassation parce qu’il n’y a pas de justification légale de la décision et de
l’exercice de pouvoir d’exécution d’office en l’occurrence.

La Cour de cassation, qui n’a plus pris de décision en la matière depuis, valide le fait que le pouvoir
d’exécution d’office est un pouvoir marginal, exceptionnel, limité, soumis à des conditions restrictives
et que l’administration doit non seulement respecter les voies de droit qui sont ouvertes à elle, mais
aussi qu’elle généralement soumise au contrôle du juge dans l’exécution d’office.

B. L’application dans le temps de l’acte administratif unilatéral


À partir de quand et jusque quand l’acte produit-il ses effets ? Pour répondre à ces questions, on aborde
l’existence et l’entrée en vigueur de l’acte administratif + la question de la rétroactivité, qui est liée à
l’entrée en vigueur de l’acte et au fait qu’il produise des effets, par hypothèse, avant son entrée en
vigueur, puisque c’est ça, la rétroactivité.
On abordera aussi la mutabilité et de la fin de l’acte. Comment un acte peut-il évoluer, être modifié par
son auteur ou comment son auteur… ? Peut-il y mettre fin, avec ou sans rétroactivité (abrogation ou
retrait) ?

178
Droit administratif

1° L’existence, l’entrée en vigueur et la non-rétroactivité de l’acte administratif

a) Existence et entrée en vigueur


Un acte administratif existe dès son adoption, c’est-à-dire dès que son auteur le signe pour marquer le
fait qu’il prend la décision ; pour exprimer sa volonté d’adopter l’acte.
Quand c’est un auteur collectif (ex. un Collège) c’est souvent le vote ou la délibération ou le consensus
(pour les gouvernements) qui marque son adoption formellement. Il y aura la mention du vote dans le
procès-verbal, ou la mention du fait qu’une délibération a donné lieu à la décision dans le procès-verbal.

Quelles sont les conséquences de l’existence de l’acte ?


- 1ère conséquence : dès qu’un acte est adopté, on dit qu’il est exécutoire = il permet des mesures
de mise en œuvre, d’exécution, d’application, À CONDITION toutefois que ces mesures ne créent
PAS d’obligation dans le chef de tiers, mais ne leur procure que des droits.
EXEMPLE : si le texte d’un arrêté royal vient d’être signé par le Roi et contresigné par le Ministre
compétent, et que cet arrêté royal prévoit des subsides qui peuvent être octroyés sous certaines
conditions  ceux qui remplissent ces conditions, peuvent déjà obtenir le subside avant même
que l’arrêté royal n’entre en vigueur (= avant sa publication au Moniteur Belge).
Ratio ? Parce que, l’obtention d’un subside = un droit/avantage. Ce n’est pas une obligation, une
imposition à l’administré.
 Pour qu’il y ait obligation/imposition, il faut que l’acte entre en vigueur : il faut qu’il soit
diffusé par les modes légaux.

- 2e conséquence : dès qu’un acte est adopté, un recours au Conseil d’État peut être introduit
contre lui. Généralement, les délais n’ont pas commencé à courir, puisque les ne commencent à
courir que par les actes de diffusion.
Toutefois, cela n’empêche que, si j’introduis un recours parce que je sais qu’un acte vient d’être
adopté, et ce MÊME avant que les délais de recours ne commencent à courir, mon recours soit
valable.
 Il est dirigé contre un acte administratif qui existe et qui peut donc être attaqué.

L’entrée en vigueur se produit dès l’accomplissement des modalités de diffusion. Ce n’est que lorsqu’un
acte administratif est porté officiellement à la connaissance de ses destinataires, qu’il devient
obligatoire, opposable, et qu’il peut créer des obligations dans le chef de tiers.
- Pour les actes réglementaires  cette modalité de diffusion est généralement une publication
au Moniteur Belge (autorités fédérales et fédérées), au mémorial administratif (règlements
provinciaux), aux valves communales (règlements d’autorités communales, en particulier des
conseils communaux).
- En revanche, les actes de portée individuelle  sont portés à la connaissance de leur
destinataire, qui est un ou plusieurs destinataire(s) bien défini(s), par un acte de notification,
c’est-à-dire un courrier d’information qu’il faut en principe envoyer par recommandé, pour qu’il
ait une date certaine et qu’il fasse courir les délais de recours.

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Droit administratif

REMARQUE : c’est cette publication/notification qui fait courir les délais de recours devant le CE.

Quand se produit l’entrée en vigueur pour les actes qui doivent être publiés au Moniteur Belge ? Ils
entrent en vigueur 10 jours après leur publication au Moniteur Belge (art. 6 Loi du 31 mai 1961).
C’est une règle générale, MAIS subsidiaire = elle s’applique à toutes les lois et arrêtés réglementaires
publiés au Moniteur Belge, SAUF disposition différente, p.ex. : article final dans un arrêté royal, qui dit
que l’arrêté royal entre en vigueur à la date de sa publication au Moniteur Belge. C’est le jour-même de
Au contraire, l’entrée en vigueur peut aussi être retardée.

L’entrée en vigueur peut-elle être avancée dans le temps ? Un arrêté royal pourra comprendre une
disposition qui dit « le présent arrêté entre en vigueur x jours ou x mois avant sa publication au Moniteur
Belge. Une entrée en vigueur qui précède la date de diffusion = de la rétroactivité  c’est une norme
qui vise à régir des situations qui se sont produites avant qu’elle soit adoptée, diffusée, et avant qu’elle
ne devienne obligatoire et qu’elle n’entre en vigueur.

Petite précision sur la durée de la période de vigueur d’un acte administratif. En principe, il reste en
vigueur jusqu’à ce qu’il soit un jour anéanti.
- Il peut être annulé par l’autorité de tutelle ou par le juge,
- il peut être réformé par une autorité administrative sur base d’un recours administratif et
- son auteur peut éventuellement l’abroger ou le retirer.
Jusqu’à ce que se produisent ces évènements, l’acte administratif RESTE en principe en vigueur, et
continue à produire ses effets.
 Attention : il y a UNE EXCEPTION = celle des actes de durée temporaire. Il arrive parfois qu’un acte ait
une durée temporaire, fixée au préalable. P.ex. : mandat de haut fonctionnaire, mais c’est une situation
d’exception.
 En principe, les actes administratifs sont à durée indéterminée et ils restent en vigueur tant qu’ils
ne sont pas anéantis ou modifiés par les modes avancés ci-dessus.

b) Le principe général de la non-rétroactivité


En droit administratif, il existe le principe général de non-rétroactivité, selon lequel en règle, la
rétroactivité est interdite. En principe, il est interdit pour une autorité administrative d’édicter un acte
qui entend régir des effets antérieurs à son entrée en vigueur.
La rétroactivité est interdite, MAIS il y a des tempéraments (déjà analysés supra). On les rappelle
brièvement :
1. Le Conseil d’État admet tout d’abord qu’une décision soit rétroactive quand elle constitue une
réflexion à la suite d’un arrêt d’annulation du Conseil d’État (il a annulé une décision et il faut la
refaire) et que cette rétroactivité respecte l’arrêt d’annulation et soit indispensable au bon
fonctionnement ou à la continuité du service public.
2. Lorsque la rétroactivité correspond à une situation ayant existé régulièrement dans le passé
(exemples à la page 28 du 4e syllabus).
3. Et enfin, on admet une rétroactivité lorsqu’elle ne porte pas atteinte aux droits acquis ou qu’elle

180
Droit administratif

ne cause pas de grief. Ce que le Conseil d’État examine : porte-t-on préjudice à un droit acquis ?
Si la réponse est non  rétroactivité = admise.

REMARQUE : il faut également mentionner que le retrait d’acte est une EXCEPTION au principe de non-
rétroactivité, parce que l’autorité, quand elle retire un acte, anéantit son acte AVEC effet rétroactif.
L’acte = censé ne jamais avoir existé, puisqu’il est annulé.
 Anéantissement pour l’avenir mais aussi pour le passé.

2° La mutabilité et la fin de l’acte administratif  : abrogation et retrait


L’abrogation et le retrait d’actes sont 2 techniques par le biais desquels l’auteur de l’acte (donc
l’administration active) peut revenir sur ce qu’il a fait, peut modifier ou retirer l’acte.
Dans ce sous-titre, on parle de l’auteur de l’acte : de l’administration active, donc on ne revient PLUS sur
le pouvoir qu’a l’autorité de tutelle ou le Conseil d’État d’annuler ou sur le pouvoir de réformation dans
le cadre de certains recours  on parle vraiment de l’auteur de l'acte lui-même, qui revient sur sa
décision.
 L’administration a le pouvoir d’avoir des remords et de revenir sur ce qu’elle a fait, mais dans
certaines conditions.

L’administration a deux options lorsqu’elle a des remords.


1) Elle abroge l’acte.
2) Elle retire l’acte.
 Différence ?
1) Une abrogation, c’est seulement pour l’avenir (elle intervient ex nunc = à partir de maintenant),
2) tandis que le retrait produit des effets rétroactifs (il opère ex tunc = à partir du moment où l’acte
originel a été adopté).  L’acte est retiré pour l’avenir, mais aussi pour le passé. C’est comme
s’il n’avait jamais existé.
REMARQUE : au fond le retrait a les mêmes effets qu’une annulation par le Conseil d’État ou
l’autorité de tutelle.

a) L’abrogation
L’abrogation = un attribut fondamental de l’autorité, qui est liée au principe de mutabilité ou du
changement (= une des lois du service public ; voy. infra). Pourquoi ? Puisque l’administration – dans
l’intérêt du service public – est mue par la loi du changement : elle doit pouvoir s’adapter aux conditions
changeantes de l’intérêt général. Elle doit pouvoir modifier sa politique et ses décisions pour faire face
aux conséquences changeantes de l’intérêt général, ce qui implique qu’elle puisse modifier pour l’avenir
les RÈGLEMENTS qu’elle adopte.
Tout règlement, peut toujours être modifié pour l’avenir. La loi du changement ou de la mutabilité le
justifie et les destinataires du règlement ne peuvent donc pas faire valoir des droits acquis, en tout cas
des droits acquis au maintien du règlement tel qu’il existait.
EXEMPLE : les fonctionnaires publics et leur traitement fixé par des règlements  l’administration peut

181
Droit administratif

modifier ces règlements pour l’avenir et le cas échéant, diminuer la rémunération des fonctionnaires
publics, si les finances publiques vont très mal (en Grèce par exemple, on a dû procéder à cette
diminution).
 Un règlement peut TOUJOURS être modifié pour l’avenir.

( !! ) On parle de règlement : on ne parle PAS des actes de portée individuelle. Rappel de la différence :
- Les règlements = des normes de portée générale et abstraite et qui n’épuisent pas leurs effets
avec une application à une situation individuelle 
1) Ils s’appliquent tant qu’ils sont en vigueur,
2) Ils s’appliquent à tous les cas qui se présentent et qui rentrent dans leur champ
d’application.
C’est pour ces raisons qu’ils sont des normes. Evidemment, pour un règlement, on peut décider
que – pour l’avenir – on ne va plus l’appliquer ou le modifier ou l’appliquer d’une autre manière
( les situations futures qui se présenteront et qui tomberont sous son champ d’application,
seront traités d’une manière différente).
- Pour l’acte de portée individuelle, la définition est très différente. Un acte individuel a vocation à
régir une situation bien définie, et il a un ou plusieurs destinataires bien définis. Par conséquent,
il épuise ses effets avec son application ponctuelle et concrète, p.ex. : nomination, permis de
bâtir…

Ce qu’on veut dire ici, c’est que :


- D’une part, ça a du sens de parler d’abrogation pour un règlement.
- D’autre part, pour un acte individuel, ça en a beaucoup moins, voire aucun. La raison  ? L’acte
individuel a produit ses effets au moment où il a été notifié (i.e. au moment où il est entré en
vigueur).
L’acte individuel produit ses effets de manière instantanée. Voilà pourquoi ça n’a pas de sens de
dire qu’il ne produira plus ses effets pour l’avenir. (On pourrait aussi dire que ça revient à revenir
sur le passé, mais de manière déguisée.)
EXEMPLE : on me donne un permis d’urbanisme. Je construis ma maison et puis 2 ans après,
l’administration me dit que mon permis (qui est un acte individuel) est abrogé. À partir de
demain, il n’existe plus.
Qu’est-ce que ça veut dire ? Si ça veut dire qu’en réalité, je n’ai plus de base ou de titre juridique
pour construire ma maison. Si je construis quand même, elle est en infraction. La seule solution  :
démolir ce que j’ai déjà bâti. Ce qui se passe ici, c’est qu’on revient sur le passé, puisque, quand
j’ai construit ma maison, j’avais cet acte individuel (valable), qui est le permis (que j’ai mis en
œuvre ; il a produit ses effets).
 Dire qu’il y a une abrogation d’un acte individuel, au fond, c’est la même chose que dire qu’on le
retire, qu’on revient sur le passé, de façon rétroactive.

( !! ) Il ne faut PAS CONFONDRE non plus l’abrogation qui vaut pour les règlements et l’acte contraire qui
vaut pour un certain nombre d’actes de portée individuelle.
- L’acte contraire est en réalité une nouvelle décision ; une décision différente de la décision

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Droit administratif

individuelle d’origine, MAIS qui produit des effets contraires. P.ex. (1) : on nomme un
fonctionnaire. Il commet des manquements disciplinaires graves et on décide de le révoquer ou
de le démettre d’office.
Cela veut-il dire qu’on revient sur sa nomination et qu’on la retire des années après ? Non : on
adopte une nouvelle décision, selon une procédure prévue par le statut. Cette définition a des
effets contraires à celle de la nomination, mais ce n’est pas purement et simplement une
abrogation de la nomination (acte individuel). P.ex. (2) : en matière de permis d’environnement,
il est souvent prévu – dans le régime juridique fixé par les décrets sur les permis
d’environnement – que, si le détenteur du permis ne respecte pas les conditions d’exploitation
qui assortissent son permis, l’administration peut décider de mettre fin à son permis, de le lui
enlever, parce qu'il n’a pas respecté les règles (au sens commun, on dit qu’on lui retire son
permis, mais ce n’est PAS un retrait AU SENS du droit administratif).
C’est une décision nouvelle de revenir sur son permis, d’enlever son permis, qui est un acte
contraire par rapport à la décision initiale de lui octroyer son permis. Cependant, la décision ne
constitue PAS une abrogation, ni même un retrait de cette décision d’origine.

Quelles sont les effets de l’abrogation ? Elle met fin aux effets de l’acte/règlement abordé uniquement
pour l’avenir, sans effet rétroactif.
On remarque qu’une abrogation peut prendre une forme un peu plus nuancée : il peut y avoir une
abrogation assortie d’une modification. On peut revoir un règlement et adopter d’autres règles pour
régir une certaine matière (= modification). Ça signifie que les dispositions qui ont été modifiées, sont en
fait abrogées et remplacées par des nouvelles.
 = Forme plus nuancée et plus complexe d’abrogation.

b) Le retrait
Le retrait = une décision de l’auteur de l’acte (acte A) ou de l’autorité compétente pour adopter l’acte
(acte B) qui consiste à anéantir cet acte pour le passé et l’avenir.
Le retrait peut agir tant pour les actes de portée individuelle, que pour les règlements (pour les
règlements on parle souvent de « rapporter ». Ce n’est qu’une différence terminologique, dont
l’avantage est qu’on sait qu’un règlement est en cause, et non pas un acte individuel  donc on peut
aussi dire « retirer »).

Le retrait vise en réalité à assurer un équilibre entre 2 valeurs parfois antinomiques :


- La sécurité juridique d’une part , qui veut que le destinataire d’un acte puisse à un moment être
certain que cet acte devienne définitif ; qu’il ne va plus être retiré  l’administration ne
reviendra plus sur ce qu’elle lui a accordé.
- Le respect de la légalité d’autre part . Le retrait est généralement justifié par le fait qu’un acte se
trouve illégal et que l’administration se rend compte qu’elle a mal fait, c’est-à-dire qu’elle a
adopté un acte irrégulier  elle veut y remédier.

Le retrait est une décision de l’administration qui a adopté l’acte, qui consiste à l’anéantir pour le passé

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Droit administratif

et l’avenir, avec effet rétroactif.


( !! ) C’est une exception au principe de non-rétroactivité, puisque le retrait démolit les effets que l’acte a
produit dans le passé ( c’est évidemment une atteinte à la non-rétroactivité).
Pour limiter les atteintes à la sécurité juridique, la théorie du retrait est soumise à des conditions
extrêmement strictes. On doit toujours chercher cet équilibre sécurité juridique VS légalité, lorsqu’on
porte atteinte à des droits acquis.

La théorie du retrait vient du Conseil d’État de France (arrêt du 3 novembre 1922 - C. Fr. Dame Cachet).
On l’a reprise en Belgique en la faisant reposer sur les dispositions des LCCE, formant la base juridique
du recours pour excès de pouvoir, du recours en annulation des actes et règlements administratifs .
Quelles dispositions ?
- D’une part l’art. 14 LCCE qui est le pouvoir de la SCACE d’annuler les actes et règlements
illégaux.
- D’autre part l’art. 19 LCCE, qui est la base juridique du délai de recours en annulation (= 60
jours).
Toutefois, quand le Conseil d’État invente/reprend une théorie au titre des principes généraux du droit
administratif, il tient toujours à le faire reposer sur des dispositions légales qui peuvent en être la
manifestation et la justification.

La théorie du retrait repose sur 2 distinctions essentielles :


- Distinction entre les actes créateurs de droit ou non. Quand on dit les actes créateurs de droit
pour la théorie du retrait, on vise de actes qui sont avantageux pour leurs destinataires, qui
procurent des avantages, qui sont positifs pour le destinataire.  Le retrait de cet avantage est
de nature à causer grief/préjudice aux destinataires de l’acte.
- Distinction entre les actes réguliers et irréguliers (légaux et illégaux). Les actes légaux respectent
les règles de droit, les actes illégaux ne respectent pas les règles de droit qui s’imposent à
l’administration.

Les actes créateurs de droit – théorie du retrait de l’acte


Ces actes sont les plus importants dans la théorie du retrait  c’est pour ceux-là que le retrait est le plus
susceptible de causer grief au destinataire de la décision qui est retirée.

Si un acte avantageux est régulier (1), c’est-à-dire qu’il n’est entaché d’aucune irrégularité, d’aucune
illégalité, il n’y aura, dans ce cas-là, PAS de possibilité de retrait !
L’administration ne peut pas retirer si elle n’a pas la justification du respect de la légalité.  Elle ne peut
pas retirer uniquement parce qu’elle a changé d’avis pour des raisons d’opportunité. Ce genre de retrait
constituerait une atteinte beaucoup trop grave à la sécurité juridique et aux intérêts de l’administré, qui
bénéficie de l’acte créateur de droit(s).
La doctrine stipule qu’il y a deux exceptions à la règle selon laquelle il n’y a pas de retrait d’acte
avantageux RÉGULIER :
- L’autorisation par la loi.

184
Droit administratif

(C’est un peu un cas d’école, car Lombaert ne connaît pas de loi qui autorise le retrait. C’est une
possibilité qui, théoriquement, existe, mais que ne retrouve pas dans la pratique. Il faut tenir
compte aussi du fait qu’on a aujourd’hui une Cour constitutionnelle, qui n’existait pas à l’époque
de l’arrêt du Conseil d’État de France et à l’époque de l’ancienne jurisprudence du Conseil d’État.
À cette époque, la loi ne faisait pas encore l’objet d’un contrôle. Aujourd’hui la Cour
constitutionnelle n’hésite pas à censurer des lois ou des décrets qui entraînent des effets
rétroactifs et qui permettent le retrait AVEC effet rétroactif de l’acte administratif, SANS qu’il y
ait des justifications supérieures d’intérêt général. Ce type de loi est donc sujette à caution.)
- L’éventuelle renonciation du bénéficiaire à ses droits.
Si le destinataire de l’acte avantageux décide que ce n’est plus dans son intérêt de bénéficier de
cet acte, il peut demander à l’administration de le retirer ou il peut en tout cas valider, par sa
renonciation, le retrait de cet acte avantageux. P.ex. : nomination faite au bénéfice d’une
personne, qui était candidate pour ce poste. Puis cette personne, pour des raisons qui lui sont
propres, n’est plus candidate au moment où elle est nommée. Les délais de recours ne sont pas
encore expirés  elle peut renoncer à sa nomination et l’administration peut la retirer pour
l’octroyer à quelqu’un d’autre.

Les choses sont tout à fait différentes si l’acte créateur de droit est irrégulier (2).
S’il est irrégulier, il peut être retiré puisque là, se produit la tension entre la sécurité juridique et le
respect de la légalité.
Celui qui a obtenu un acte – même irrégulier – a quand même intérêt à ce que cet acte soit consolidé,
(au-delà d’un certain délai en tout cas).
Toutefois, si l’acte est irrégulier, il y a une violation du droit (= violation de la légalité)  l’administration
est SOUMISE à la légalité, donc en principe, elle doit essayer de réparer ce qu’elle a mal fait.
 L’administration doit se comporter de manière conforme au droit. Ce n’est que lorsqu’il y a
tension, qu’on peut déclencher le retrait.

Quelle est la condition pour qu’un retrait soit décidé pour un acte créateur de droit irrégulier ?
Il faut d’abord qu’une condition de délai soit respectée. Le retrait doit avoir lieu dans les 60 jours (qui
sont les mêmes 60 jours que ceux du recours devant le Conseil d’État, artt. 14 et 19 LCCE). Pour autant
qu’on soit dans ces 60 jours, l’administration peut devancer ce recours et anéantir elle-même la décision
que le Conseil d’État pourrait annuler.
L’acte n’est pas encore définitif pendant cette période : il est encore fragile, et s’il est irrégulier,
l’administration peut le retirer.
De plus, elle ne peut le retirer que si elle peut motiver adéquatement que l’acte est entaché
d’irrégularité. L’administration doit, dans la décision de retrait (qui est AUSSI un acte administratif de
portée individuelle), expliquer pourquoi son retrait est justifié par une illégalité. Elle doit donc expliciter
quelle est l’illégalité de l’acte qu’elle retire.
 Deux conditions : dans les 60 jours et motivation sur l’illégalité.

Que se passe-t-il quand un recours au Conseil d’État a été introduit dans les 60 jours ? Ce délai est
prolongé. L’acte demeure fragile (il n’est PAS définitif) : il peut, du jour au lendemain, disparaître,

185
Droit administratif

puisque le Conseil d’État peut l’annuler et donc l’administration peut elle aussi, devancer le Conseil
d’État et annuler elle-même (l’administration) (= retirer cet acte).
Elle peut le faire jusqu’à la fin de la procédure devant le Conseil d’État = jusqu’à la clôture des débats. La
jurisprudence précise que l’administration peut le faire dans les limites de la recevabilité et du bienfondé
du recours.
- Donc, avant de retirer, l’administration doit vérifier si le recours est recevable : « a-t-il bien été
introduit AVANT l’expiration des 60 jours ? ( Sinon on n’est plus dans l’hypothèse où l’acte
n’est pas définitif). Elle doit aussi contrôler si les conditions de recevabilité propres à la personne
du requérant sont remplies (« a-t-il bien un intérêt à introduire ce recours ? La décision attaquée
et qu’on envisage de retirer est-elle de nature à lui causer grief ?).
= les limites de la recevabilité.
- L’administration doit aussi le faire dans les limites du bienfondé du recours. Ça signifie que
l’administration doit, pour retirer l’acte, motiver l’irrégularité.
Attention, quand un recours est introduit, il faut que l’irrégularité que l’administration retienne,
soit une irrégularité soulevée par le recours  il doit s’agir d’un des moyens invoqués dans la
requête.
C’est n’est que pour ces moyens que l’acte demeure fragile ! C’est sur base d’un des moyens
invoqués dans la requête que le Conseil d’État peut annuler et donc il faut que ces moyens soient
sérieux/fondés et que l’administration motive pourquoi elle estime que ces moyens le sont.
 Si un recours est introduit dans les 60 jours, mais qu’il ne comporte PAS de moyens sérieux
(que des moyens farfelus, aucun d’entre eux ne tient la route)  l’administration ne pourra pas
retirer, parce qu’elle ne pourra pas se fonder sur le bienfondé du recours (= mal fondé).
 Même s’il existe une irrégularité que l’administration a vue, mais que le requérant n’a pas
dénoncé, en principe l’administration ne pourra PAS retirer, une fois qu’un recours a été
introduit et qu’on a dépassé les 60 jours du délai d’introduction de recours.

On voit qu’il y a un pouvoir plus limité de retirer, une fois qu’un recours est introduit (il faut que ce soit
dans les limites de la recevabilité de recours et du bienfondé de ce recours).
EXCEPTION : il y a une exception, les moyens d’ordre public.
Si le Conseil d’État peut soulever lui-même des moyens d’ordre public, qui ne sont PAS soulevés par le
recours (pas invoqués dans la requête), l’administration pourra elle-même retirer en motivant
l’irrégularité sur base d’un moyen d’ordre public (= moyen qu’elle constate elle-même).

Si la décision de retrait est mal motivée, que le moyen d’ordre public n’est pas fondé = que
l’administration s’est trompée en retirant et en motivant de la sorte, le destinataire de l’acte pourra
évidemment introduire un recours contre cette décision de retrait, le Conseil d’État pourra annuler le
retrait, qui fera renaître la décision d’origine, qui a été retirée.

Voilà les conditions du retrait. Donc : quand l’acte est définitif (pas de recours introduit dans les 60 jours
ou recours introduit, mais rejeté), en principe l’acte irrégulier créateur de droit ne peut PLUS être retiré.
 C’est alors la sécurité juridique qui l’emporte sur la légalité. On s’accommode du fait que l’acte légal
puisse subsister puisqu’il a passé le cap des contrôles et que le destinataire de cet acte a intérêt que la

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Droit administratif

sécurité juridique soit, à un moment, respectée (l’acte devient définitif).


EXCEPTION : il y a une exception à ça = les cas de fraude du destinataire de l’acte (celui qui a menti par
exemple : a fait des fausses déclarations pour obtenir une décision).
 Dans ce cas-là, l’administration peut revenir en tout temps sur l’acte qu’elle a octroyé, étant
trompée par cette fraude. C’est admis par la jurisprudence.
EXCEPTION (2 (?)) : l’hypothèse de l’inexistence, qui a encore de tenants. Qu’est-ce que l’inexistence ?
D’après une vieille doctrine, l’inexistence c’est une illégalité tellement énorme qu’on peut considérer
que ce n’est même pas un acte. Ça le rend inexistant, donc on peut l’annuler à tout moment et sans
respecter aucun délai. Exemple : CE, n°222.134, 18 janvier 2013 (en Néerlandais). C’est une hypothèse
qui est devenue très rare.

Ce qui est important = bien retenir les conditions du retrait d’acte : par rapport au délai de 60 jours, par
rapport à la procédure qui est introduite devant le Conseil d’État. Pourquoi ? Parce que c’est une
pratique fréquente en droit administratif  on a souvent des décisions de retrait qui sont adoptées dans
le cadre d’une procédure devant le Conseil d’État, après un arrêt de suspension ou un rapport de
l’auditeur qui constate que l’acte est illégal, par exemple.

Les actes non créateurs de droit – théorie du retrait de l’acte


Qu’en est-il des actes non-créateurs de droit, qui ne sont pas avantageux ?
Ceux-là, on considère que l’administration PEUT les retirer en tout temps, parce que le retrait ne cause
PAS de grief.
Petit rappel : des exceptions au principe de non-rétroactivité peuvent être admises, quand ces
exceptions ne causent pas de grief !
En cas d’actes non créateurs de droit, on peut admettre des retraits quand le destinataire ne subit pas de
préjudice à cause de ce retrait. Parfois, on voit que le retrait est en réalité avantageux pour les sujets de
droit, puisqu’on retire une décision qui était pénible pour eux.
C’est en tout cas le cas en ce qui concerne les sanctions disciplinaires : quand je reçois une sanction
disciplinaire et qu’après, on me la retire  je suis soulagé, peu importe qu’on me la retire dans les délais
ou pas, car je n’ai pas envie de conserver ma sanction  je ne vais pas m’en plaindre.
C’est aussi le cas pour les refus et les actes récognitif.
Qu’est-ce un acte récognitif ? C’est une décision qui se borne à reconnaître une situation juridique
consacrée par des normes supérieures (par la loi ou des règlements).
C’est souvent en matière pécuniaire qu’on trouve des actes récognitifs  la décision par laquelle
l’administration fixe le traitement de son fonctionnaire, ne fait en réalité qu’appliquer un barème qui est
fixé par un arrêté royal (notamment l’arrêté royal qui fixe le statut pécuniaire). Si on s’est trompé, on
peut revenir sur cet acte, parce que c’est un acte purement récognitif : un acte qui reconnaît un droit
(mais qui se trompe).

Deux cas d’application de la théorie du retrait d’acte et du tempérament qu’elle constitue au principe de
la non-rétroactivité. Il s’agit de deux arrêts du Conseil d’État plutôt anciens, mais très parlants :

187
Droit administratif

A. CE, n°75.569, 10 août 1998, arrêt Graindorge : Mme Graindorge était une laborantine qui
travaillait sous statut pour une intercommunale hospitalière (dans le laboratoire). Elle avait une
maladie qui était une hépatite B chronique active. C’est une maladie grave, très pénalisante qui
peut s’attraper suite à la manipulation de sang contaminé, et ça avait été le cas.
Mme Graindorge a été très longtemps en congé malade (elle est tombée malade en 1989). Le 10
mai 1991, on constate qu’elle avait peu travaillé dans ces 2 ans. Le Comité directeur décide que
les absences pour incapacité de travail de Mme Graindorge, sont considérées comme des
absences intervenues dans le cadre de législation en matière de malade professionnelle. Par
conséquent, il décide de continuer à lui donner l’entièreté de son salaire.
Donc, en 1991, on considère que ses absences sont liées à une maladie professionnelle. Avec
cette considération, on anticipe en quelque sorte sur une décision à venir du Fonds des maladies
professionnelles (devant lequel Mme Graindorge avait introduit une demande).
Les années passent et Mme Graindorge est toujours malade. En septembre 1993, le Fonds des
maladies professionnelles prend une décision qui, pour le passé, ne lui est pas très favorable : le
Fonds décide que Mme Graindorge n’était pas en incapacité physique temporaire à partir de
1988. Il en découle qu’elle ne devait pas être écartée du milieu de travail.  Cela veut dire que
ses absences depuis 1989 ne seraient pas dues à sa maladie professionnelle !
Toutefois, cette décision pouvait encore être contestée. Mais, malheureusement pour Madame
Graindorge, la décision de septembre 1993 fût communiquée à l’intercommunale, qui est
l’employeur de Mme Graindorge.
En sa séance du 18 mars 1994, le Comité directeur de l’intercommunale décide (et c’est là que ça
devient intéressant) d’annuler sa décision du 10 mai 1991 (en son point 1). De plus, le Comité
ajoute qu’il place la requérante en disponibilité pour maladie AVEC effet rétroactif, à la date du 3
avril 1991. Finalement, il décide également de fixer son salaire d’attente à 60% de son salaire.
 Que fait la partie adverse (le Comité directeur) en 1994 ? Elle décide d’annuler ce qu’elle avait
décidé en 1991 : « les absences sont liées à la maladie professionnelle et donc on décide qu’elle
garde l’entièreté de son salaire et on ne la place pas dans une position administrative
différente ».  En 1994, on annule la décision du 10 mai 1991 et on décide de la placer en
disponibilité pour maladie avec 60% de son traitement, avec effet rétroactif au 13 avril 1991.

Le Conseil d’État annule d’office et soulève un moyen d’ordre public dans son arrêt :
« Ce faisant, le 10 mai 1991, la partie adverse (l’intercommunale) s’est définitivement prononcée
sur la situation de Mme Graindorge, que par cette décision, la partie adverse a implicitement
mais certainement exclu la mise en disponibilité de la requérante pour une période déterminée.
Et que, cet acte adopté en 1991, qui conditionne la position administrative de la requérante est
un acte individuel créateur de droit, que le retrait d’un tel acte ne peut être opéré que s’il est
illégal et que même dans ce cas, le retrait ne peut intervenir que dans le délai de recours en
annulation, qu’une fois ce délai expiré, l’acte devient définitif. Considérant que l’acte attaqué
place la requérante en disponibilité avec effet rétroactif et retire la décision précitée du 10 mai
1991, que ce retrait opéré après l’expiration du délai de recours au Conseil d’État viole tant les
règles du retrait de l’acte administratif que le principe de non-rétroactivité de ceux-ci ».

188
Droit administratif

 C’est une annulation pour violation des règles liées au retrait et pour violation du principe de
non-rétroactivité.
Pourquoi ? Parce que l’intercommunale avait placé Mme Graindorge, en 1991, dans une position
d’activité de service avec des absences reconnues comme liées à la maladie professionnelle.
Cette position lui permettait de garder l’entièreté de son traitement, malgré ses longues
absences. En 1994, l’intercommunale décide de retirer la décision adoptée en 1991 et de revoir
la situation administrative de Mme Graindorge, c’est-à-dire de la placer en mise en disponibilité
pour maladie et de la priver d’une partie de son traitement.
Une révision rétroactive de son traitement a lieu, ayant pour conséquence que Mme Graindorge
devait rembourser 40% de son traitement sur 3 ans.

B. CE, n°212.235, 25 mars 2011, RSCA : la requérante = l’ASBL Royal Sporting club d’Anderlecht, et
la partie adverse = la commune d’Anderlecht.
En 2004, le Sporting d’Anderlecht avait obtenu un permis d’urbanisme de la commune qui lui
permettait de transformer un centre de tennis et de hockey sur un terrain dont elle est
propriétaire, en centre d’entraînement de football pour les jeunes.
Puis, en 2009, la commune d’Anderlecht – suite à des accords pris avec la Région de Bruxelles-
Capitale – notifie au Sporting d’Anderlecht une « notification rectificative de son permis ». Cette
notification rectificative dit « on s’est trompés à l'époque, voilà votre permis tel qu’il aurait dû
être délivré  en réalité vous ne pouvez pas transformer les terrains de hockey-tennis en terrain
de football  vous devez maintenir un certain nombre de terrains de hockey ».
 Suite à cette notification rectificative, le Sporting d’Anderlecht introduit un recours au Conseil
d’État, en disant : « on modifie et on retire a posteriori mon permis (5 ans plus tard) ».

Le Conseil d’État suit le club, en disant que « en 2004, un permis d’urbanisme a été délivré. Il a
régulièrement été notifié. Il porte la signature du Secrétaire communal et de l’échevin  et
donc c’est un acte qui produit des effets de droit pour le requérant : la commune NE PEUT retirer
son acte que s’il est IRRÉGULIER, et ainsi de suite.
 Dans cet arrêt, le Conseil d’État rappelle la théorie du retrait d’acte. Et l’arrêt du Conseil d’État
est cinglant : l’acte attaqué, du 16 juin 2009, qui « rectifie » le permis délivré le 24 novembre
2004, imposant la condition nouvelle de préserver des terrains d’hockey, s’apparentent à un
réel RETRAIT du permis, tout au moins à une modification substantielle de celui-ci, alors que
son auteur n’était PLUS (5 ans plus tard) en mesure de retirer ou de modifier cet acte créateur de
droit.
‘CONCLUSION’ sur cet arrêt : c’est un acte créateur de droit, donc on ne peut le retirer que dans
le respect des délais, et que s’il est irrégulier, aucune des conditions n’était prouvée en l’espèce
 résultat ? Annulation.

C. La validité de l’acte administratif unilatéral


Ce chapitre est important, parce qu’on est dans un État de droit, où les autorités publiques se
soumettent au respect du droit.

189
Droit administratif

Un État de droit implique que les pouvoirs sont d’attribution (Const., art. 33), donc chaque organe de
l’État est tenu de se soumette au respect du droit.

Pour l’administration, le respect de la légalité – au sens de l’ensemble des sources qu’on a étudiées – est
un impératif, puisque, dans un État de droit, l’administration de l’exécutif est soumise au respect de la loi
au sens large.

Le Conseil d’État l’a rappelé récemment, dans les chambres de langue Néerlandaise  : CE, n°243.847 28
février 2019 : le Ministre de la Justice avait refusé de désigner les membres d’une Commission des frais
de justice établie par la loi. Ce refus empêchait cette Commission de fonctionner et privait le requérant
d'un recours, organisé par la loi, contre la décision qui avait été adoptée par un juge d’instruction qui
rejetait sa demande de prise en charge des frais de justice.

Le Conseil d’État a constaté, tout simplement, que le Ministre de la justice devait respecter la loi et que,
dans la mesure où la loi lui enjoignait d’organiser/de mettre sur pied cette Commission de frais de
justice, il ne pouvait pas refuser de le faire.

Le requérant avait envoyé une lettre un Ministre de la justice pour lui demander de mettre sur pied la
Commission et le Ministre avait expressément refusé, en invoquant des motifs budgétaires et de timing
politique.
Or, le Conseil d’État n’a pas été convaincu par ces motifs. Il était d’opinion que « la loi est claire ; elle doit
être respectée ».
 L'administration est ‘entièrement’ soumise au respect du principe de la légalité. C’est ce que
proclame l’art. 14 LCCE, en disant que la Section du contentieux administratif du Conseil d’État
peut annuler les actes et règlements des autorités administratives qui sont contraires aux
sources du droit administratif, qui s’imposent à l’administration.
L’art. 14 LCCE n’est pas très précis/systématique : il ne décrit pas dans le détail les différentes
illégalités qui peuvent être invoquées devant le Conseil d’État. En réalité, c’est la jurisprudence
qui a joué (et joue) un rôle important dans la matière.
En effet, elle a systématisé les différents cas d’ouverture du recours en excès de pouvoir :
1. Elle a précisé les différents moyens de droit qui peuvent être invoqués devant le Conseil
d’État,
2. Et elle a stipulé que ceux-ci peuvent mener à l’annulation d’un acte pour violation de la
légalité.

Plan de cette partie : on distingue d’abord la légalité externe (= la manière dont l’acte est adopté :
compétence de l’auteur de l’acte, les règles de procédure, et les formes qui ont trait à la formalisation de
la décision = l’acte écrit/l’instrument qui est le support de cette décision) et la légalité interne (= contenu
même de l’acte : les motifs et principes généraux de droit, selon lesquels tout acte administratif doit
reposer sur des motifs pertinents et admissibles en droit ; les buts (intérêt général) ; et l’objet de l’acte).

190
Droit administratif

1° Les exigences de légalité externe

a) La compétence de l’auteur de l’acte


La compétence de l’auteur de l’acte est le 1er vice de légalité (= l’incompétence).
C’est un vice fondamental : la décision adoptée par une personne qui n’a pas la compétence d’adopter
cette décision est viciée de manière fondamentale et irrémédiable  elle doit être annulée par le
Conseil d’État.
Le Conseil d’État considère d’ailleurs que c’est un moyen d’ordre public. Par conséquent, il le soulève
d’office, si les parties ne l’ont pas soulevé précisément devant lui.
La compétence trouve son siège dans l’art. 33, Const., qui dit que les pouvoirs sont d’attribution (« Les
autorités détiennent des pouvoirs qui leur sont attribués par la Constitution et par la loi en vertu de la
Constitution. Ces pouvoirs doivent être respectés. Seules les autorités compétentes peuvent adopter les
décisions prévues par la loi »).
La compétence se décline elle-même en 3 aspects, la compétence :
- Matérielle.
- Territoriale.
- Temporelle.

La compétence matérielle (ratione materiae)


On parle d’incompétence ratione materiae quand l’objet-même de la décision qui est adoptée, échappe
au pouvoir de son auteur ; quand une autorité adopte une décision qui n’est pas en son pouvoir
d’adopter en ce qui concerne l’objet-même, la matière qui constitue cette décision.
Une autorité administrative doit toujours trouver dans la loi (ou le règlement adopté en vertu de la loi),
une base juridique expresse qui fonde sa compétence d’adopter une décision. Là aussi, la doctrine fait
des distinctions qui sont intéressantes, surtout pour comprendre en quoi concrètement peuvent
consister ces décisions adoptées par une autorité incompétente.
On distingue trois types :
- Empiètement de pouvoir. On parle d’empiètement de pouvoir quand une décision est adoptée
par une autorité exécutive, alors qu’elle relève de la compétence d’un autre pouvoir au sein de
l’État. Exemple : Const., art. 107  seul le législateur peut adopter des impôts. Toutefois, il
arrive parfois que dans un arrêté royal figure une contribution qui a toutes les caractéristiques
de l’impôt et qui donc est adoptée par un auteur incompétent, qui se rend comptable
d’empiètement de pouvoir ( le Roi ne peut adopter d’impôts. C’est directement contraire à
l’art. 107 de la Constitution). Ce genre de contributions constituent une confiscation du pouvoir
législatif, qui lui seul peut adopter des contributions obligatoires (impôts, taxes).

- Empiètement de fonction. Il s’agit d’une autorité administrative qui adopte une décision relevant
de la compétence d’une autre autorité administrative. P.ex. : en matière de marche publics des
communes, il appartient en principe au Conseil communal de décider de lancer un marché +
définir les conditions dans lesquelles ce marché sera attribué.
Et, il appartient, selon la NLC ou le CWADEL, au Collège communal de mener la procédure et

191
Droit administratif

d’attribuer le marché en respectant les conditions fixées par le Conseil communal.


Si dans une commune, le Collège adopte lui-même les documents du marché en vertu duquel il
mène lui-même la procédure d’attribution et attribue le marché, le Conseil communal
n’intervenant pas  on est dans une hypothèse d’empiètement de fonction. Effectivement, le
Collège a confisqué la compétence du Conseil d’adopter les documents du marché public. En
faisant ainsi, on vicie la procédure de marché public. Par conséquent, le marché public pourra
être annulée par le Conseil d’État en cas de contestation du vice. (Raison ? L’autorité
compétente ne s’est pas prononcée sur la décision préalable à l'attribution du marché.)

- Usurpation de pouvoir (ou absence totale d’investiture). On vise les hypothèses d’une ‘autorité
publique’ (soi-disant), qui n’est pas du tout une autorité publique désignée par la loi, ayant la
compétence d’adopter des décisions administratives ; d’une personne qui n’est pas du tout un
fonctionnaire, ayant, en vertu d’une délégation par exemple, le pouvoir d’adopter des décisions,
mais qui, néanmoins, prétend adopter des actes administratifs.
Ça se produit parfois, et quand ça se produit ce sont généralement les membres des cabinets
ministériels qui pensent qu’ils peuvent agir à la place du Ministre, parce qu’ils ont l’habitude de
préparer ses dossiers. Attention : à partir du moment où ils signent
1. à la place du Ministre,
2. une décision qui relève de sa compétence,
ils font une usurpation de pouvoir : ils ne sont pas un Ministre ou un ‘pouvoir dans l’État’  ils
sont UNIQUEMENT des collaborateurs personnels du Ministre. À ce titre-là, ils ne peuvent PAS
adopter de décisions administratives.

Il existe une exception à cette règle selon laquelle une personne, qui ne détient aucune investiture dans
l’État, ne peut pas adopter de décision. C’est la théorie du fonctionnaire de fait.
Le nom est parlant : on parle d’un fonctionnaire de facto (de fait). Il est reconnu, en fait, comme
fonctionnaire, alors QU’EN DROIT, il ne l’est pas  il n’a pas d’investiture juridique.

Cette théorie s’est déployée dans deux hypothèses, en temps de crise/guerre.


Dans ces moments-là, la théorie du fonctionnaire de fait a été justifiée par le principe général
constitutionnel de permanence des institutions ; par le principe de droit administratif de continuité du
service public (= des exigences de maintien de l’État et de ses organes).
Pendant ces périodes, on exige donc le maintien de l’État et de ses organes, bien que les personnes qui
sont valablement investies pour exercer ces pouvoirs, ne sont plus disponibles.

En temps de guerre/crise
P.ex. : (Cass. 11 juin 1953) après WWII, des contrats qui avaient été conclus par des communes pour
faire face à des besoins essentiels pendant la guerre, ont été contestés.
C’était des litiges purement civils et contractuels, remettant en cause la bonne exécution d’un contrat.
Dans le cadre de ces litiges, on a invoqué le fait que les contrats n’avaient pas été conclus par les
autorités de la commune, même si c’étaient des contrats qui avaient été fait au nom de la commune et
pour pourvoir à des besoins communaux.

192
Droit administratif

C’était pendant la guerre. Les bourgmestres, échevins, membres des Conseils communaux… avaient été
déportés, ou étaient partis faire la guerre. Par conséquent, au sein des communes, il n’y avait plus
d’organe officiel, en mesure de fonctionner.
Pour remédier à cette carence bien malheureuse, des citoyens ont pris les choses en main et ce sont dit
qu’il fallait faire fonctionner les institutions communales jusqu’à la fin de la guerre. Ces citoyens avaient
agi comme s’ils étaient les représentants officiels de la commune.
La Cour de cassation a validé le contrat spécifiquement en cause, en invoquant la théorie du
fonctionnaire de fait, en disant que les personnes qui avaient conclu ces contrats pour la commune –
même si elles n’étaient pas bourgmestre, échevins, membres du Conseil communal – avaient conclu des
contrats valides  raison ? Les idées du maintien de la continuité et le principe de permanence de l’État
et des institutions le justifient. ( !! ) Attention : uniquement permis en cas de situations exceptionnelles.

Toutefois, on voit que la théorie du fonctionnaire de fait est aussi invoquée dans hypothèses beaucoup
plus courantes, en période normale. ( Si ce n’était qu’une théorie en temps de guerre, on n’en
parlerait pas dans le cadre du cours de droit administratif…)

La sécurité juridique des tiers et d’apparence


Cette théorie sert encore aujourd’hui (tous les jours ou presque). Cette théorie est justifiée, en période
normale, par l’idée de sécurité juridique des tiers et d’apparence. On se trouve dans des cas où les tiers
sont de bonne foi de croire que, la personne qui a adopté un acte, à toutes les apparences de la
compétence qui lui permet d’agir.

Historiquement, en France les mariages avaient été célébrées (dans une commune de Montrouge),
pendant plusieurs années, par un conseiller municipal (= comme notre conseiller communal), et non pas
par l’officier de l’État civil.
Du point de vue du droit civil, ces mariages pouvaient être considérés comme viciés, contraires aux
règles du Code civil, qui prévoyait l’intervention d'un officier ministériel bien précis (≠ le conseiller
municipal).
Quid des habitants de Montrouge ?  Tout le monde croyait que ce monsieur avait les pouvoirs de
célébrer, de passer les actes de mariages. Un certain nombre de couples se croyait, de bonne foi,
valablement mariés civilement.
Il y a eu des contestations et les juridictions ont fini par valider les mariages. La justification de ces
mariages, passés illégalement = la théorie du fonctionnaire de fait et en particulier la protection des
couples qui ont été mariés (leur sécurité juridique, parce qu’ils ont pu, de bonne foi, croire que la
personne qui les avait mariés, avait toutes les apparences de compétence  elle était compétente pour
le faire selon eux !).

Aujourd’hui, cette théorie est invoquée régulièrement en cas d’annulation par le Conseil d’État de la
nomination d’un fonctionnaire ou d’un officier ministériel qui a le pouvoir d’adopter des décisions.
EXEMPLE : nomination d’un notaire, qui était annulé ou bien d’un fonctionnaire, qui avait le pouvoir, en
vertu de délégation, d’adopter des décisions obligatoires à l’égard des tiers.
Lorsque ces décisions sont annulées par le Conseil d’État, on considère généralement que tous les actes

193
Droit administratif

qu’ils ont adoptés pendant qu’ils étaient nommés, sont VALIDES, parce qu’il faut que tous les tiers
soient protégés. Ces tiers pouvaient valablement croire que le notaire, qui a passé leur acte de vente,
était valablement notaire. Cet acte doit évidemment subsister, en vertu de la théorie de l’apparence et
de la sécurité juridique.
Ici, la théorie du fonctionnaire de fait est invoquée, car elle est un palliatif aux conséquences de la
rétroactivité l’annulation  le notaire dont la nomination est annulée, est censé ne jamais avoir été
notaire. Pendant toute la période où il a exercé la profession de notaire, on pourrait dire a posteriori
qu’il l’a exercé illégalement puisqu’il n’avait aucun titre. Lors de l’annulation, sa nomination a disparu
avec rétroactivité. Mais que fait-on des tiers ? En ce qui les concerne, les effets de la rétroactivité sont
excessifs et ravageurs. Ils portent gravement atteinte à la sécurité juridique et à la stabilité de situations
juridiques.
 On n’a pas voulu leur imposer ces conséquences (graves) de la rétroactivité et la théorie du
fonctionnaire de fait, sert au fond, à les en préserver.

La théorie des délégations de pouvoir (= atténuation au principe de base   : autorité compétente 


indiquée via la loi)
On en revient à la règle de base : les décisions doivent être adoptées par l’autorité compétente, c’est-à-
dire celle à laquelle la loi a attribué les pouvoirs qu’elle entend exercer.
Il existe, dans la pratique, une atténuation de cette règle stricte, qui est la théorie des délégations de
pouvoir.
On a une délégation de pouvoir (= délégation de compétence) quand l’autorité qui est compétente en
vertu de la loi (= donc à qui le pouvoir a été attribué), confie ce pouvoir à une autre autorité en lui
permettant d’exercer ce pouvoir à sa place.

Au départ, les délégations de pouvoir ont été contestées par la jurisprudence de la Cour de cassation en
particulier. Elle avait une conception stricte des attributions de pouvoir et elle considérait que, quand la
loi dit par exemple qu’une décision doit être adoptée par le Ministre, seul le Ministre peut prendre cette
décision.  Il ne peut confier l’exercice de son pouvoir d’adopter des décisions individuelles à un
fonctionnaire, qui est sous son contrôle et qui lui est subordonné.

Donc, au début, la pratique n’est pas admise, parce que (et c’est vrai) sur le plan strict des principes, elle
n’est PAS conciliable avec les règles d’attribution de pouvoir et avec le principe selon lequel seul l'auteur
qui détient le pouvoir en vertu de la loi, peut l’exercer et prendre des décisions.
 Mais, par la suite, la jurisprudence s’est assouplie peu à peu : sous la pression des faits et de la
pratique, les juges ont pris conscience du fait qu’un Ministre ne pouvait pas devenir « une machine à
signer ». Il ne peut pas passer toute sa journée à signer des documents qui contiennent des décisions. De
plus, matériellement, il ne peut, en réalité, pas examiner LUI-MÊME tous les dossiers à propos desquels il
prend juridiquement des décisions.
 Il faut donc bien admettre que derrière un Ministre, il y ait une administration, qui prépare les
dossiers/les décisions.  Pour un certain nombre de décisions, il est normal que le Ministre
puisse (un peu) se décharger et puisse déléguer sa compétence à des fonctionnaires (qui lui sont

194
Droit administratif

subordonnés) de prendre des décisions !

Cette pratique des délégations de pouvoir a évidemment un lien fort avec le modèle de la
déconcentration administrative ; modèle dans lequel il y a une grande centralisation. Toutes les
décisions sont prises au nom de l’État, par les autorités de l’État. Elles sont désignées par lui pour
adopter des décisions, MAIS il peut y avoir une certaine répartition vers le bas des responsabilités. Dans
ce modèle, le Ministre peut confier à des fonctionnaires – parfois répartis sur le territoire dans des
circonscriptions – le pouvoir de prendre des décisions à sa place.

REMARQUE : il faut bien opérer la distinction entre l’attribution de pouvoir et la délégation de pouvoir.
- L’autorité à qui le pouvoir est attribué = celle qui est désignée par ou en vertu de la loi pour
exercer le pouvoir au 1er degré (p.ex. : le Ministre).
- L’autorité qui bénéficie d’une délégation de pouvoir = le fonctionnaire à qui le Ministre
(attributaire des pouvoirs), confie ou délègue l’exercice de la compétence, par exemple.

REMARQUE 2 : il faut aussi faire une distinction entre d’une part, la vraie délégation de pouvoir, qui
permet au délégué d’adopter des décisions juridiques, des actes administratifs, ayant des effets à l’égard
des tiers et d’exercer une compétence particulière. Et, d’autre part, la simple autorisation de signer, par
laquelle un agent est simplement chargé d’un rail de mise en forme et de secrétariat. Exemple  : il arrive
parfois que le Ministre prenne une décision lui-même, en signant un document, en disant qu’il est
d’accord avec la proposition qui lui est faite, et puis un agent est chargé de mettre sa ‘permission’ en
forme, c’est-à-dire de faire un beau courrier pour le destinataire. Ce courrier sera signé par cet agent
mentionnant qu’il signe pour ordre (« p.o. ») du Ministre.
Ça veut dire que, en cas de recours contre ce type de décision devant le Conseil d’État, le dossier est
présumé signé par le Ministre lui-même : il a écrit « OK » sur un document préparatoire, et en faisant
ainsi, il a lui-même exprimé sa volonté d’adopter cette décision.

Donc…
- Si la délégation de compétence est désormais autorisée,
- Si la jurisprudence l’admet, sous le poids des faits et compte tenu du volume des affaires à
traiter par les autorités à qui les pouvoirs sont véritablement attribués,
 Ce n’est que dans le respect de conditions strictes.
Le Conseil d’État, en cas de contestation, vérifie toujours que les conditions de validité de la délégation
de pouvoir sont bien remplies.
Ces conditions de validité tiennent à deux actes qui sont en jeu dans le mécanisme de la délégation :
(1) L’acte d’habilitation ou d’autorisation . C’est le texte (loi ou règlement) qui prévoit généralement
l’attribution du pouvoir de l’autorité délégante et qui autorise cette autorité à déléguer les
pouvoirs qui lui sont attribués.
P.ex. : un texte qui dit que telle décision sera prise par le Ministre OU son délégué.
 Une habilitation à déléguer doit donc exister dans le règlement ou la loi, et doit en principe
être expresse, BIEN QUE la jurisprudence admette que – quand il y a un grand volume d’affaires
à traiter et que la délégation ne semble PAS contraire à l’intention du législateur (quand il a

195
Droit administratif

attribué le pouvoir au Ministre) – une habilitation tacite à déléguer ait lieu (( !! ) à CONDITION
qu’elle ne soit pas contraire au texte et à la volonté du législateur ou du pouvoir réglementaires).

(2) L’acte de délégation. Il doit absolument être exprès = l’autorité à qui les pouvoirs sont attribués
(le Ministre, par exemple) doit avoir adopté une décision de délégation par laquelle elle exprime
sa volonté unilatérale de confier l’exercice de sa compétence à son délégué/subordonné. Cet
acte DOIT exister : en cas de contestation, il faut pouvoir vérifier que le délégué, qui a adopté
une décision, avait bien le pouvoir de le faire.
Voilà pourquoi on parle de compétence matérielle et de compétence de l’auteur de l’acte, il faut
qu’il puisse montrer son acte de délégation, qui doit être exprès et qui justifie son pouvoir
d’adopter des décisions administratives.
PRÉCISION : quand il s’agit des cas où des décisions doivent être adoptées par un délégué qui
intéressent la majorité des citoyens, il faudra que la délégation soit publiée au Moniteur Belge,
pour qu’elle soit opposable au citoyen. Il faut que les citoyens sachent bien que telle ou telle
délégation, concernant une compétence qui relève des attributions du Ministre, sera adoptée et
que la compétence sera attribuée à untel ou unetelle (membre de l’administration du Ministre).

Régime juridique de la délégation ?


1. Elle est TOUJOURS exceptionnelle : le principe étant que l’autorité à qui le pouvoir est attribué
par la loi, l’exerce elle-même. La conséquence de ce principe = une délégation est toujours
considérée comme étant précaire et révocable et ce, ad nutum (= du jour au lendemain). Le
Ministre peut donc mettre fin à cette délégation et peut reprendre la compétence/recommencer
à adopter lui-même des décisions alors qu’il l’avait confié ce pouvoir à un subordonné.

2. La 2e condition du régime juridique de la délégation = le délégué doit être sous pouvoir


hiérarchique du délégant. Le supérieur hiérarchique a délégué, au délégué, ses pouvoirs. En
effet, le Ministre reste toujours maître des pouvoirs qu’il délègue.
 Le Ministre délègue l’exercice de sa compétence, MAIS PAS la compétence elle-même !! Il ne se
défait pas définitivement de ses pouvoirs  il peut toujours les reprendre et il peut intervenir
dans la gestion de son délégué, en donnant des instructions, en se substituant le cas échant, en
évoquant un dossier… (= en disant qu’il décidera quand même lui-même d’un dossier et qu’il le
reprend). Il peut aussi retirer une décision prise pas son délégué, mais uniquement dans les
conditions imposées par la théorie du retrait !! ( décision illégale ? + est-on encore dans les
délais ? [À supposer évidemment qu’il s’agisse d’un acte créateur de droit/avantageux]).

‘CONCLUSION’ : le régime juridique de la délégation = confier de manière :


- Provisoire
- Précaire
- Révocable
l’exercice d’un pouvoir et non pas le pouvoir lui-même (le ministre reste maître et continue à exercer le
contrôle sur l’exercice par le délégué de son pouvoir originel).

196
Droit administratif

La compétence territoriale (ratione loci)


(= Par rapport au lieu.) L’autorité administrative qui est matériellement compétente pour adopter un
acte, doit le prendre de telle manière qu’il produise ses effets sur le territoire dont l’autorité est
compétente.
Un certain nombre d’autorités administratives ont une compétence territoriale limitée. P.ex. : un Conseil
communal ou provincial ne prend que des décisions qui s’appliquent sur le territoire de la commune ou
de la province.
CE, n°17. 569, 27 avril 1976, Kon. Yachting verbond : le Conseil d’État avait été saisi par l’association de
navigation de plaisance de Nieuwport. Cette association avait introduit un recours contre une taxe
provinciale (de Flandre occidentale) sur les bateaux de plaisance qui naviguaient les eaux maritimes. À
chaque fois qu’un voilier sortait du port pour aller naviguer, il devait payer une taxe forfaitaire, par
sortie.
Le fait générateur était le fait ‘d’utiliser’ les eaux maritimes (= celles qui sont sur le bord du rivage).
 Le Conseil d’État a annulé ce règlement-taxe provincial pour incompétence territoriale de la
province. Pourquoi ? Parce que les eaux maritimes dépendaient de l’État fédéral et non pas de la
province. Le territoire provincial = limité à la terre/au territoire ( les eaux maritimes = domaine
étatique). Donc, en prévoyant un fait générateur qui se produit sur le territoire de l’État fédéral,
le Conseil provincial de Flandre occidentale avait excédé ses pouvoirs.

C.E. (A.G.), ASBL Airline Operators Commitee Brussels, n° 199.465 du 13 janvier 2010 : ce moyen a été
invoqué aussi dans l’éternel contentieux des avions autour de l’aéroport de Zaventem. Toutefois, il a été
rejeté par l’assemblée générale du Conseil d’État.
Quel était le moyen ? Il s’agissait d’un recours dirigé contre un arrêté bruxellois, adopté par le Ministre
Gosoin, qui prévoyait que, quand était dépassé un certain niveau de bruit mesuré sous forme de normes
d’immission, des amendes administratives étaient infligées aux sociétés aériennes qui survolaient
Bruxelles.
Qu’est-ce qu’une norme d’immission ? En droit de l’environnement, c’est une norme de niveau de bruit
qui permet de mesurer le bruit à l’endroit où il est reçu (= mesuré au sonomètre, placé sur le SOL).

Dans cet arrêt, pour l’ASBL, le moyen consistait à soutenir que les avions produisaient en réalité du bruit
en vol, c’est-à-dire quand ils sont dans l’atmosphère/en altitude.  L’atmosphère n’est PAS le territoire
de la Région de Bruxelles-Capitale. En vertu des conventions internationales, ce territoire appartient à
l’État belge et donc seul lui est compétent ratione loci pour adopter des normes à propos du bruit des
avions, produits LORSQU’ils survolent le territoire bruxellois (et NON PAS quand ils sont au sol).

 L’assemblée générale de la Section du contentieux administratif du Conseil d’État a rejeté le


moyen, en considérant que ce que la Région avait fait : ≠ émettre des règles concernant
l’atmosphère, MAIS des normes d’immission, dont la réception au sol était le critère déclencheur
de l’amende administrative !
En conséquence, la Région n’avait pas excédé ses compétences en matière de protection de
l’environnement, puisqu’elle avait utilisé un critère se trouvant sur le territoire de la Région, qui

197
Droit administratif

n’était donc PAS illégal au regard de la compétence en matière d’environnement.

REMARQUE 1 : cet arrêt C.E. (A.G.), ASBL Airline Operators Commitee Brussels valide le système des
normes d’immission.

REMARQUE 2 : la compétence ratione loci concerne des cas assez exceptionnels.

La compétence ratione temporis


La compétence temporelle est d’invocation plus fréquente : on voit plus souvent l’argument selon lequel
une autorité était compétente pendant une durée déterminée pour adopter une décision particulière et
qu’au final, elle l’a adoptée, alors qu’elle n’était plus compétente pour le faire.

Exemple : une décision est adoptée par une autorité qui n’était pas encore compétente pour l’adopter,
comme les autorités communales élues au mois d’octobre. La loi communale précise que les Conseils
communaux (et donc aussi les Collèges qui en sont issus) n’entrent en fonction que le 1 er janvier qui suit.
Si le Conseil communal élu, se réunit déjà au mois de novembre et prend un certain nombre de
décisions, celles-ci seraient illégales, parce que le Conseil communal serait incompétent ratione
temporis : il n’a pas encore les pouvoirs d’adopter les décisions qu’il prétend adopter au moment où il se
prononce, car mandat n’étant pas encore entamé.
Exemple 2 : décision adoptée par une autorité qui a mandat durant un certain temps, qui est achevé.

Ce qui est souvent en jeu à propos de cette notion ratione temporis = le respect des délais, en particulier
des délais de rigueur, qui sont parfois prescrit à l’administration pour prendre une décision.
Un délai de rigueur est un délai qui est prescrit à l’administration pour décider et dont le dépassement
est sanctionné. C’est-à-dire qu’il est précisé qu’au-delà de ce délai, l’administration ne peut PLUS
prendre une décision légale.
 Quand la loi ou le règlement est précis à cet égard et prévoit qu’au-delà d’un certain délai on ne
peut plus prendre de décision, on est face à un délai de rigueur. Donc quand l’autorité décide
alors que ce délai est EXPIRÉ  elle n’est plus compétente et elle prend une décision illégale en
dehors de sa période de compétence ratione temporis !

En principe, les textes doivent être clairs et donc un délai de rigueur se reconnaît facilement. Il est
pourvu d’une sanction, mais il arrive parfois que les textes ne soient pas suffisamment clairs, ne disent
pas expressément si le délai qui est prescrit est un délai d’ordre ou un délai de rigueur.
- Un délai d’ordre est un délai prescrit à l’administration pour son bon fonctionnement amis dont
le dépassement n’est pas sanctionné. Si elle le dépasse, elle peut quand même encore prendre
une décision, SANS que celle-ci devienne illégale et soit annulée en cas de contestation, pour
autant qu’elle respecte un délai raisonnable (si on ne prévoit pas de délai de rigueur, mais qu’on
tarde à un tel point que ça deviennent déraisonnable  le Conseil d’État peut annuler en disant
qu’il y a violation du délai raisonnable).
- Un délai de rigueur : voy. supra.

198
Droit administratif

Quand les textes ne sont pas clairs, la jurisprudence fournit un critère, mais qui n’est pas tout à fait
certain : elle fait la différence entre les compétences facultatives et le compétences obligatoires
(compétences obligatoires, p.ex. : décision implicite de refus (art. 14 §3 LCCE)).
1- Quand il existe une compétence obligatoire et que le type de délai n’est PAS précisé, en principe
le délai pour prendre la décision n’est pas considéré comme un délai de rigueur, mais plutôt
comme un délai d’ordre.
Pourquoi ? Parce que l’administré à tout intérêt à ce qu’une décision soit prise sur son recours/sa
demande, MÊME un peu au-delà du délai qui est prévu. En outre, prévoir un délai de rigueur,
n’offre pas beaucoup d’avantages dans cette situation.
2- En revanche, quand il s’agit d’une compétence facultative (p.ex. : la compétence de l’autorité de
tutelle d’annuler un acte administratif ; la compétence d’adopter une sanction disciplinaire à
l’égard d’un agent…), quand un délai est prescrit et qu’on ne dit pas expressément que c’est un
délai de rigueur, la jurisprudence a tendance à interpréter le délai comme étant un délai de
rigueur, parce que l’administré a intérêt que le dépassement du délai soit sanctionné.

Un mot sur le mode de computation des délais (manière dont on compte un délai exprimé en nombre de
jours). On les compte comme les délais des recours au Conseil d’État.
On ne compte pas le dies a quo, c’est-à-dire le 1 e jour de départ de la computation du délai. Mais, on
compte en revanche le dernier jour.
Or, la question est de savoir ce qu’il se passe quand ce dernier jour est un samedi/dimanche/jour férié.
Dans les délais de procédure contentieuse, comme la procédure devant la Section du contentieux
administratif du Conseil d’État, il y a des dispositions du règlement de procédure qui sont analogues à ce
que prévoit l’art. 53 C.jud., qui prévoit que le délai est reporté au prochain jour ouvrable (on dit même
« au plus prochain jour ouvrable » c’est-à-dira au dernier jour qui est utile). Toutefois, dans la procédure
administrative il est rarement prévu cette règle.
Parfois la jurisprudence a appliqué par défaut l’art. 53 C.jud. comme étant le droit commun de la
procédure (aussi applicable par défaut), aux procédures administratives.  C’est une jurisprudence qui
n’est pas tout à fait fixée avec certitude.
 Donc, du côté des administrations, il faut mieux être prudent : quand un délai expire un
samedi/dimanche/jour férié  ne pas compter sur un rapport, mais prendre la décision le
dernier jour utile (et éviter cette discussion qui est un peu épineuse et pas clairement tranchée).

Une autre application de la compétence ratione temporis est une théorie qu’on connaît déjà (évoquée
en droit constitutionnel) : la théorie des affaires courantes.
On distingue dans la doctrine et la jurisprudence, trois grands types d’affaires courantes :
1. Les affaires urgentes
Hypothèse de telle urgence qu’il est impossible d’attendre qu’un Gouvernement – avec tous ses
pouvoirs – soit formé. Il faut prendre une décision tout de suite. Solution  : le Gouvernent qui est
en période d’affaires courantes, i.e. celui qui n’est plus valablement contrôlé par le Parlement,
peut QUAND MÊME décider, vu l’urgence de la matière.

199
Droit administratif

2. Les affaires de peu d’importance


Le Gouvernement en affaires courantes peut expédier la gestion courante : les affaires de
gestion journalières/quotidiennes, c’est-à-dire celles qui n’ont PAS d’importance politique = les
décisions qui ne sont PAS susceptibles de créer un débat démocratique ; qui ne sont pas
susceptibles de donner lieu à des questions/à un contrôle par le Parlement.
3. Les affaires courantes par entraînement
Décision adoptée alors que le Gouvernement est en affaires courantes, qui peut avoir une
certaine importance politique, mais qui est l’aboutissement d’une procédure administrative
ayant été menée sans incident/sans heurt pendant que le Gouvernement était en possession de
tous ses pouvoirs. Au fond, la décision finale ne fait qu’achever l’œuvre de cette procédure 
elle est le prolongement de ce à quoi on pouvait s’attendre.
 Elle est conforme aux avis donnés et donc le Gouvernement ne prend en réalité pas une décision
chargée politiquement au terme de cette procédure administrative, qui a été menée tout à fait
sereinement.

Il y a deux exemples marquants en droit administratif de cette théorie des affaires courantes, dans
lesquelles le Conseil d’État a décidé que, quand il adopté les décisions en question, le Gouvernement en
cause n’était PAS en possession de tous ces pouvoirs. Il s’agit là donc bien de problèmes de compétence.
Oui, le Gouvernement en affaires courantes a certaines compétences, MAIS elles se limitent aux trois cas
précités. Le Gouvernement ne peut donc PAS exercer la plénitude de ses compétences.
 Il a des compétences limitées, pendant une période de temps limitée.
1. CE, n°46.028, 32 mai 1994, Leclercq : le Conseil d’État annule l’arrêté royal des principes
généraux (ARPG), prévu par l’art. 87 LSRI.
Qu’est-ce cet ARPG ? L’art. 87 LSRI prévoit que :
1) Tout d’abord, les Gouvernements des Communautés et des Régions disposent de leur propre
service et personnel.
2) Qu’ils (ces Gouvernements) peuvent adopter le statut de leur personnel de manière
autonome, c’est-à-dire qu’ils ne doivent PAS appliquer à leur personnel le statut des agents
de l’État.  Attention, ils peuvent adopter leur propre statut, MAIS – et c’était le cas jusqu’à
la 6e réforme de l’État (= a récemment changé) – à l’époque, le Gouvernement de la
Communauté ou de la Région devait adopter son statut dans le respect de l’ARPG = un
arrêté royal, fixé au niveau fédéral, qui décrivait les grandes règles du statut des agents de
l’État. Ces règles sont aussi transposables aux agents des Communautés et des Régions et
s’appliquent d’office à eux.
 Ainsi, on limite la compétence des Gouvernements de Communautés et des Régions lorsqu’elles
adoptent leur propre statut.

Cet ARPG a d’abord été adoptée en 1991 et puis, il a été annulé assez vite pour des questions qui
sont sans importance ici. Toutefois, en 1994 le Gouvernement a adopté un nouvel ARPG.

 Dans l’arrêt Leclercq, le Conseil d’État a annulé l’ARPG, parce qu’il avait été adopté par un
Gouvernement en affaires courantes. Le Conseil d’État dit qu’on ne se trouve pas dans une des

200
Droit administratif

3 hypothèses précitées !
Ce n’était pas à ce point urgent, on pouvait attendre que le Gouvernement soit valablement
constitué et ait la plénitude de ses pouvoirs.  Ce n’est certainement pas une affaire ordinaire
ou de gestion journalière, car c’est un arrêté d’une grande importance + grand poids politique
( il détermine et limite la compétence des Communautés et des Régions d’adopter le statut de
tous leurs agents. C’est un arrêté très important et donc le Conseil d’État n’a pas admis que cet
ARPG soit adopté en affaires courantes).

2. CE, n°197.522, 29 octobre 2009 en référé et n°212.559, 7 avril 2011 au fond, Ligue des droits de
l’homme (licences wallonnes d’exportation d’armes de la F.N. vers la Lybie). Le Conseil d’État n’a
pas admis non plus que le Gouvernement wallon délivre des licences d’exportation d’armes à la
fabrique nationale à Herstal pour livrer des armes à la Lybie.
Dans cette hypothèse, le Gouvernement était en affaires courantes, parce qu’on était juste après
la fin de la législature régionale. Le gouvernement n’était pas ‘complété’ par un Parlement
wallon.
De manière un peu abrupte, la décision a été jugée illégale dans cet arrêt, parce qu’il s’agissait
d’une décision politiquement très sensible. Le contexte international et l’État de destination
était une question délicate et ces contrats que la F.N. avait conclu avec la Lybie, tant dans les
médias que dans le parlement, étaient un grand sujet de discussion et de préoccupation.
Le CE a décidé de juger qu’on n’était pas du tout dans une gestion d’affaires journalières. Il a
aussi appliqué la théorie de l’entraînement, pour montrer que la procédure préalable à la
délivrance de cette licence d’exportation d’armes avait été chahutée, parce qu’il y avait eu un
certain nombre d’avis et de propositions qui avaient été faites par des organes établis par la loi
en la matière. Ces avis et propositions étaient très controversées (et on était loin d’être
unanimement favorable à cette licence d’exportation d’armes). On n’était pas du tout dans
l’hypothèse d’une décision qui s’est clôturée sans heurt et sans discussion.
 Décision ? annulation des licences d’exportation d’armes par le Conseil d’État.

Il reste à traiter deux questions qui concernent la compétence.


 Actes in terminis. Question = savoir si des actes peuvent être adopté in terminis = au terme du
mandat d’une autorité.
Quand une autorité est en place jusqu’à une certaine date, existe-t-il un moment où – la fin de
ce mandat étant proche – elle doit agir d’une autre manière ? Un moment où elle n’aurait plus la
plénitude de ses pouvoirs et ce, en dehors de la théorie des affaires courantes ?
NON : ça n’existe pas en droit belge !
Donc, p.ex. : les Conseils et Collèges communaux peuvent continuer à exercer pleinement leurs
attributions jusqu’à la fin de la législature locale et peuvent adopter des décisions
administratives jusqu’au dernier jour de la législature et de leur mandat.
Ils peuvent prendre évidemment prendre des règlements et des actes individuels jusqu’à la
dernière séance/délibération sans que le fait qu’il s’agisse d’un acte in terminis, soit une cause
d’illégalité = le principe.
Il ne faut pas se voiler du fait que ces actes peuvent quand même avoir des conséquences un

201
Droit administratif

peu dommageables pour les organes futurs qui naîtront des élections communales.
Les nouveaux Conseil et Collège communaux seront peut-être d’une composition politique
différente des précédents. Ils ne seront donc peut-être pas très contents que le précédent ait
adopté, en toute fin de parcours, des actes qui ne lui plaisent (probablement) pas.
1. En principe, pour les règlements, ça ne posera pas trop de problèmes. Un règlement PEUR
toujours être abrogé pour l’avenir. Il en suit que le nouveau Conseil communal pourra
adopter un nouveau règlement, qui se substituera alors au règlement qui ne lui plaisait pas,
sans que ça ne fasse l’objet de la moindre discussion.
2. Pour les actes individuels, au contraire, c’est un peu plus délicat. Pour peu que les délais de
retrait soit dépassés et qu’il n’y ait pas d’illégalité de l’acte, la nouvelle majorité sera tenue
par les actes passés in terminis par l’ancienne majorité. P.ex. : nominations faites au dernier
moment  on ne peut pas dire pour autant qu’elles soient illégales, parce que ça a été fait
en fin de parcours.
La seule chose qui puisse arriver éventuellement, c’est que l’autorité de tutelle annule ce
genre d’actes, MAIS en motivant qu’ils sont contraires à l’intérêt général (ce qui n’est pas
évident : il faut trouver des motifs pour dire qu’un acte porte atteinte à l’intérêt général.
Intérêt général ≠ nécessairement le même que l’intérêt de la commune).

 Question de savoir si – lorsqu’un acte a été adopté par une autorité incompétente – il peut être
ratifié par l’autorité compétente, alors qu’un recours est pendant devant le Conseil d’État. De
plus, le Conseil d’État admet-il que cette ratification régularise ce vice d’incompétence ?
Question qui se pose souvent à la Section du contentieux administratif du Conseil d’État.
Exemple : une décision a été adoptée par le Collège communal, alors que c’est une compétence
du Conseil.  Un recours est introduit, puis, en cours de procédure, le Conseil communal se
prononce en disant qu’il ratifie ; il approuve ; il régularise la décision prise par le Collège.
Le Conseil d’État n’admet PAS cette approche et annule quand même la décision, même ratifiée
et approuvée. Pourquoi ?
Parce que le Conseil d’État considère que l’organe compétent, lorsqu’il se prononce et prend une
décision, doit examiner réellement le dossier et se prononcer en pleine connaissance de cause
sur le dossier qu’il traite.
 Le Conseil d’État considère donc que par une simple ratification cela n’est pas le cas : il s’agit
d’une simple validation (et non pas à un examen méticuleux par l’organe compétent).

b) Les procédures
Quelles sont les procédures qui doivent être respectées pour qu’un acte administratif soit adopté ?
Ici aussi, on est dans du droit prétorien  une fois de plus, c’est la jurisprudence qui constitue l’essentiel
de la construction du droit administratif. Les procédures à suivre pour que l’acte administratif soit
adopté, font partie d’un domaine d’application privilégiée des principes généraux (comme droits de la
défense, audi alteram partem…) ; il n’y a PAS de codification en la matière.

Ces règles de procédure – que l’administration est tenue de respecter – formulent les différentes étapes,

202
Droit administratif

qui, in fine, aboutissent à ce que la décision finale soit adoptée. Deux types d’objets se conjuguent dans
ces règles :
(1) D’abord, il s’agit d’assurer une certaine protection des intérêts des administrés (faire en sorte
que l’administration prenne en compte les intérêts des personnes à qui la décision va
s’appliquer).
(2) L’autre objectif = que l’administration soit bien éclairée ; qu’elle connaisse bien le dossier ;
qu’elle soit le mieux informée possible AVANT de prendre une décision.
(Cette information portera bien évidemment aussi sur les intérêts des administrés, qui auront
été consultés.)

(Démarche du prof : on va étudier une sorte de typologie des grandes procédures qui se retrouvent dans
certaines procédures (d’adoption) d’acte administratifs. On ne va PAS voir en détail des procédures qui
seraient applicables dans tous les domaines. Par exemple : la procédure en détail de délivrance d’un
permis d’urbanisme.  Dans le cadre de ce cours, on se limite plutôt aux ‘généralités’. On démontre
et/ou analyse les principes qui s'appliquent de manière transversale à un grand nombre de procédures.

Les procédures consultatives


Ces procédures vont concentrer l’essentiel de notre analyse. Elles sont très fréquentes dans les
procédures administratives. Il y a deux grandes formes de consultation :
 les avis
 les propositions
Elles ne sont pas tout à fait identiques !

Les avis
Dans le cadre d’un avis, l’organe consultatif (= celui qui donne un avis) est consulté par l’autorité
compétente pour adopter la décision. Cette autorité lui soumet un projet de décision plus ou moins
formalisé, en lui demandant son opinion sur ce projet. Une fois que l’organe consultatif a rendu son
avis, l’autorité adopte la décision finale.

Les propositions
Dans le cadre d’une proposition, les choses sont légèrement différentes, puisque l’initiative n’émane
PAS de l’autorité compétente pour adopter la décision finale qui aurait fait un projet.  Elle émane de
l’organe consultatif qui soumet, à l’autorité compétente, un véritable projet de décision.
 C’est donc l’organe consultatif qui est à la manœuvre et qui soumet un projet de décision.
L’autorité compétente pourra approuver et adopter/pourra rejeter, en demandant alors une
autre proposition.
Les propositions sont assez fréquentes dans les procédures de nomination des agents publics, où une
autorité/un organe consultatif (p.ex. : pour les magistrats du CSJ) présente un certain nombre de
candidats au Ministre pour la nomination dans un poste de magistrat. Le Ministre pourra nommer les
personnes qui sont présentées ou éventuellement ne pas être convaincu et rejeter la proposition en
demandant une autre présentation.

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Droit administratif

Les avis VS les propositions


Les différentes catégories d’avis sont plus ou moins transposables aux propositions.

Avis facultatif /obligatoire :


 Un avis obligatoire = celui que la loi requiert  l’autorité n’a PAS le choix : elle doit demander un avis.
P.ex. : un Ministre qui veut proposer un texte réglementaire, doit demander l’avis de la SLCE.
 Un avis facultatif = celui qui n’est pas prescrit par la loi ou le règlement. L’autorité peut donc décider
d’en demander un (lorsqu’elle estime que ça éclaire son jugement ; que ça l’informe ; que c’est de
nature à améliorer la décision…), mais elle n’est pas obligée de le faire.
Si elle ne le demande pas, ça ne vicie pas la décision.
 À l’inverse, quand on ne demande pas d’avis, alors qu’il est obligatoire, et qu’on prend quand
même une décision  la décision est viciée et sera annulée en cas de recours.

Avis simple/conforme :
• Un avis simple = un avis qui ne lie PAS  il ne lie en rien l’autorité compétente pour décider. Sa seule
obligation : tenir compte de l’avis qui lui est donné et de motiver, le cas échéant, pourquoi elle s’en
écarte.
 Elle peut suivre l’avis ou ne pas le suivre, moyennant une motivation quand elle ne le suit pas, en
cas d’acte de portée individuelle, soumis à la Loi du 29 juillet 1991.
• Un avis conforme = un avis qui lie, dans une certaine mesure, l’autorité qui est compétente pour
décider, c’est-à-dire que l’autorité peut décider de suivre l’avis, ou de renoncer à prendre une
décision, parce qu’elle ne peut pas suivre l’avis, mais elle ne peut PAS adopter une décision contraire
(= une décision non conforme à l’avis).
Exemple classique de ces avis conformes : les délivrances de permis d’urbanisme. Quand la commune
est compétente (et plus précisément le Collège des bourgmestre et échevins) pour adopter les
décisions de délivrance de permis, ces décisions sont prises sur avis conforme du Fonctionnaire
délégué de la Région en question. Un haut fonctionnaire de la Région donne donc un avis sur le
dossier de demande de permis. Cet avis opère une certaine contrainte sur la décision communale !
Que veut dire « sur avis conforme du fonctionnaire délégué » ? Ça signifie que :
 si le fonctionnaire délégué donne un avis conforme qui est positif, l’autorité communale peut
suivre cet avis ( délivrer le permis), ou bien décider de ne pas délivrer le permis.
 Si l’avis du fonctionnaire délégué est négatif et qu’il s’oppose au permis, parce que celui-ci est
contraire à la zone des plans d’aménagement ou il est contraire au bon aménagement des lieux,
la commune ne peut PAS délivrer le permis.
 Si elle le faisait quand même, elle irait en contrariété avec l’avis.
( !! ) Le fonctionnaire délégué peut aussi délivrer un avis conditionnel = il peut délivrer un avis
positif, mais imposer le respect de certaines conditions urbanistiques. P.ex. : il faudra construire
des haies pour séparer les jardins, et non pas un mur, on demande de mettre une brique rouge
plutôt qu’une brique jaune (pour des raisons harmonie avec le voisinage).
Dans le cas où l’avis du fonctionnaire délégué prescrit de telles conditions, le Collège communal

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Droit administratif

pourra :
1. s’il délivre le permis, imposer les conditions prescrites par le fonctionnaire délégué,
2. ou il pourra décider de ne pas délivrer le permis. Ce faisant, il ne viole PAS l’avis conforme.
 En revanche, s’il délivrait le permis sans reprendre les conditions du fonctionnaire
délégué, il prendrait une décision illégale, car elle serait contraire à l’avis conforme.

Un avis est une exigence de validité de l’acte administratif.


 La décision finale est viciée si on ne demande pas l’avis, alors qu’il est obligatoire.
 Elle est viciée aussi, si l’avis n’est pas demandé d’une manière correcte . Par exemple : si la
consultation n’est pas effective ; si on n’a pas laissé à l’organe consultatif un délai suffisant pour
se prononcer (doit pouvoir prendre connaissance du dossier) ; si les informations suffisantes
n’ont pas été données à l’organe consultatif…
 Il faut aussi que l’avis ne soit pas périmé. En effet, quand l’organe consultatif a rendu son avis,
l’administration doit décider rapidement  elle ne peut pas attendre trop longtemps, en telle
sorte que les conditions changent entre temps et que l’avis a été porté sur un projet qui a été
modifié depuis l’avis rendu.
 Si c’est le cas, il faut redemander un avis. = +/- Une mise-à-jour de l’avis.
 Si on prend la décision sans demander la mise à jour de l’avis, cette décision sera (peut-être)
viciée, car elle porte sur un avis trop vieux, périmé.
 De plus, il faut que le Collège consultatif soit valablement composé, qu’il ait bien été convoqué
dans les règles prescrites par le texte qui organise la consultation ou bien par les principes
généraux quand les textes sont parcellaires ou ne précisent pas les règles de convocation et de
composition. Les principes généraux dégagés par la jurisprudence prévoient qu’un Collège
administratif statue valablement lorsque la majorité de ses membres sont présents (et que tous
ont été convoqués bien entendu) et lorsque la décision est acquise à la majorité des voix des
personnes présentes. (= Ce sont des règles supplétives dégagées par la jurisprudence, quand les
textes ne prévoient pas expressément quelles sont les règles de quorum et de délibération.)

Le régime de la proposition est grosso modo assimilé à celui de l’avis conforme, puisque l’autorité
compétente pour nommer peut :
1. soit suivre la proposition,
2. soit ne pas la suivre, mais dans ce cas-là, elle ne peut PAS décider autre chose. Elle doit renvoyer
la balle à l’organe consultatif, pour qu’il fasse une autre proposition.

En conclusion : la proposition et l’avis conforme reposent sur un processus de codécision, puisqu’il faut
que deux autorités – d’une manière ou d’une autre – se mettent d’accord pour qu’une décision précise
soit adoptée !

Les enquêtes publiques


Les enquêtes publiques sont très fréquentes en droit de l’environnement ou de l’urbanisme. Elles ont
fortement été généralisées, suite à la Convention de Aarhus du 25 juin 1998, reprise dans l’OJ de l’UE

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Droit administratif

par la directive du 26 mai 2003.

En Région wallonne, il y a une codification des procédures d’enquêtes publiques, dans un décret du 31
mai 2007.
Il s’agit d’une procédure consultative, qui est importante et fréquente lors de l’adoption de plans
programmes en matière de cadre de vie et de permis sur des projets importants. Elle a comme
caractéristique principale que l’ensemble du public qui sera impacté par le projet, puisse s’exprimer en
amont et puisse faire valoir son opinion.

Cette enquête publique, comment se déroule-t-elle ?

 Procédure essentiellement écrite. Elle permet à toute personne intéressée (i.e. les personnes qui
veulent participer, il ne faut pas avoir son domicile près du projet ou avoir un intérêt particulier)
d’être informée du projet, par des panneaux, affichés sur les lieux publics et dans les environs.
Ces panneaux renvoient à un dossier d’enquête publique, qu’on peut consulter avec toutes les
pièces de l’enquête (demandes de permis, programmes et plans en projet…). La procédure est
écrite, parce qu’on peut déposer une réclamation, c’est-à-dire qu’on peut écrire pour s'opposer
au projet ou pour faire valoir des objections à l’égard du projet.
 Cette procédure a aussi des aspects oraux, puisqu’au début de la procédure d’enquête publique,
il y a une réunion d'information (1), où le promoteur du projet explique son projet. Il y a
également une réunion de clôture (2), où toutes les personnes intéressées peuvent faire valoir
leurs réclamations orales, au cas où elles ne l’auraient pas fait à l’écrit, ou si elles veulent
compléter celles-ci (réclamations écrites).
REMARQUE : la procédure en ce qui concerne les réunions (1 et 2) est une procédure largement
informelle.
L’enquête publique est aussi soumise à des conditions de validité.

 Elle doit être effective, c’est-à-dire qu’il faut qu’on ait bien indiqué par les panneaux que
l’enquête avait lieu ; qu’on ait bien renvoyé au dossier ; que le dossier puisse être consulté à
l’administration communale ; qu’on laisse un certain délai aux gens pour aller lire le dossier,
qu’on ne fasse pas l’enquête publique au milieu des vacances d’été par exemple  entre le 15
juillet et 15 août, on ne peut pas faire d’enquête publique, car les gens sont en vacances. Il en
suit qu’ils ne peuvent pas réagir à un projet. L’enquête ne serait donc pas vraiment effective si
elle était faite à ce moment-là).
 L'enquête doit être utile = elle doit être faite quand le projet est encore réversible. Elle ne doit
pas être faite à un moment où tout est déjà décidé (dans ce cas, elle serait de pure forme).

c) Les formes
(3e vice d’illégalité externe ) Quand on parle des formes, il s’agit de la manière dont doit être rédigé
l’écrit/l’instrumentum de l’acte administratif  on regarde l’écrit qui abrite la décision administrative.
Quand on analyse un acte administratif (quant à la forme) : dans le préambule de l’acte, on trouve des

206
Droit administratif

visas. À la fin de la décision, on voit la mention d’une date et d’un lieu, qui côtoiera la signature de
l’auteur de l’acte (la signature permettant de valider l’existence de l’acte). La signature est plus qu’une
condition de validité/de légalité de la décision administrative : c’est en signant la décision que son auteur
– quand il s’agit d’un auteur unique – fait sienne la décision qui est adoptée.

Ces différents éléments qui constituent l’instrumentum de l’acte, ne nécessitent pas beaucoup de
commentaires. Le point qui va nous intéresser essentiellement, c’est la motivation formelle : objet de la
Loi du 29 juillet 1991.

La motivation formelle
La Loi du 29 juillet 1991
On passe à l’analyse de l’obligation de motivation formelle, objet de la Loi du 29 juillet 1991.
Au moment où la loi a été adopté, on est dans un contexte de développement de la transparence
administrative.
REMARQUE : on est dans la même époque que celle de l'art. 32, Const. et celle des différentes
lois/décrets/ordonnances, qui organisent la communication des documents administratif.
La Loi du 29 juillet 1991 fait partie du même grand mouvement de transparence administrative. À
l’époque : l’administration « était gouvernée par le secret, l’opacité ; c’était une administration qui
cachait ses pièces, ses documents, les raisons pour lesquelles une décision est adoptée… ».
 Transition : on passe à une administration qui se veut de plus en plus transparente ; qui se
transforme en tour de verre (période : début des années ’90).

Du point de vue de la motivation formelle, on voit une réelle révolution, puisque, avant la Loi du 29
juillet 1991, la règle était celle de la non-motivation.  Les décisions administratives ne devaient PAS
être motivées.
L’administration ne devait pas expliquer les motifs des actes qu’elle prenait ; les décisions ne contenaient
pas un exposé des motifs/une motivation de telle sorte que les administrés ne pouvaient pas
comprendre la décision (du moins vraiment comprendre les motifs de manière approfondie et précise).

Exceptions au principe de non-motivation (avant la Loi de 1991)


Toutefois, il y avait un certain nombre d’exceptions, que la jurisprudence avait édicté à ce principe de
non-motivation.
( !! ) Ces exceptions tenaient à des actes qui causaient des griefs particuliers,
(1) comme les sanctions disciplinaires (quand un fonctionnaire subissait une sanction disciplinaire,
on estimait qu’il fallait quand même une motivation formelle = explication des raisons pour
lesquelles on le punissant)
(2) ou encore les actes de tutelle (une décision de tutelle qui annule un acte local/refuse de
l’approuver devait être motivé en vertu de la jurisprudence).
(3) 3e exception de la jurisprudence : quand l’administration exerçait son pouvoir d’appréciation
d’une manière qui constituait un revirement d’attitude par rapport à une ligne d’attitude qu’elle
avait toujours adopté dans des cas semblables.
Quand elle s’éloignait de sa ligne de conduite (habituelle)/des directives qu’elle avait toujours

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Droit administratif

respectées  l’administration devait justifier ce revirement d'attitude dans l’exercice de son


pouvoir d’appréciation.
 En dehors de ces 3 cas d’exceptions, la règle était celle de la non-motivation !

Puis…  la Loi du 29 juillet 1991 a imposé une obligation FORMELLE de motivation aux autorités
administratives. But ? Souligner explicitement le fait qu’il s’agisse d’une exigence de forme, relative à la
LÉGALITÉ externe de l’acte.
 En ce qui concerne le secret qu’il y avait avant : « les murs opaques sont remplacés par des
grandes verrières. »

Quelle est l’exigence de forme ? Que les motifs pour lesquels la décision est adoptée 1, doivent être mis
en forme, exprimés, écrits dans l’acte administratif instrumentaire, qui permet de porter la décision à la
connaissance de ses destinataires.
 Donc la plus-value de la Loi du 29 juillet 1991 = l’obligation de mettre en forme ces motifs.

Objectifs de la loi
Cette loi se donne 3 objectifs distincts.
1. 1er objectif : du point de vue des destinataires des décisions administratives.
Il faut que, en recevant l’acte instrumentum de la décision qui s’applique à eux, les destinataires
puissent – simplement en le lisant – prendre connaissance et comprendre les motifs qui ont
justifié cette décision.
Cette nouveauté (= la mise en forme des motifs) a permis de mettre fin à une pratique qui était
relativement fréquente auparavant.  Avant les années ’90 (= avant 1991), des personnes
recevaient des décisions administratives, sans en connaître les motifs. Pour quand même les
connaître, elles intentaient des recours devant le Conseil d’État, uniquement pour que l’autorité
administrative soit obligée de déposer son dossier administratif  de cette manière : on pouvait
comprendre les motifs de la décision (car accès au dossier). = Une action ad exhibendum (= dans
le but de faire montrer les motifs).
C’était un peu stupide : on a jugé qu’il valait mieux que les administrés soient tout de suite
informés des motifs détaillés des décisions qui les concernent, pour qu’ils puissent
(éventuellement) les contester, en introduisant des recours.
 Plus efficace qu’adopter des actes administratifs, dont les motifs demeurent un ‘secret’, comme
c’était le cas dans le passé.

2. 2e objectif poursuivi par la loi, du point de vue de l’autorité administrative, qui prend une
décision.
Désormais, elle doit motiver sa décision en la forme  elle doit se livrer à un exercice de
rigueur, de discipline. Cet exercice de rigueur vise à écrire, selon un raisonnement logique qui ne
trahit pas d’incohérence, les raisons pour lesquelles elle adopte la décision qu’elle prend.
Cette obligation de motivation formelle a donc poussé les administrations à un devoir de sérieux,
1
Dont on verra que c’est une exigence de fonds, relative à la légalité interne : tout acte doit reposer sur des motifs
qui doivent exister, être exacts, pertinents et admissibles.

208
Droit administratif

à un devoir de discipline dans la rédaction des décisions.

3. 3e objectif, du point de vue du juge, qui contrôle l’acte administratif.


Sa tâche est facilitée et mieux balisée que dans le passé, parce qu’elle consiste en un contrôle
des motifs de l’acte : sont-ils exacts, adéquats… Il contrôle les motifs, via la lecture de la
motivation formelle, lorsqu’elle est prescrite.
Les motifs qui ont été écrits dans l’acte formellement, sont les motifs pour lesquels l’autorité a
adopté la décision  le juge se cantonne au contrôle de ces motifs-là.
Il ne faudra pas essayer – en tant que partie devant le Conseil d’État – d’invoquer d’autres motifs
(= des motifs qui ne sont PAS repris dans la motivation formelle). Dans ces cas-là, le Conseil
d’État dira : « mais non, on ne tient pas compte de ce type de défense ».
 Evidemment, ça objectivise le contrôle devant le Conseil d’État : le contrôle de l’acte et de ses
motifs est limité par ce qui a été écrit par l’administration  il ne faut pas ‘inventer’ des
histoires a posteriori.

Champ d’application de la loi ?


Cette loi s’applique aux actes administratifs unilatéraux et de portée individuelle.
 Les règlements, en revanche, ne doivent PAS être motivés en la forme ! (Ils échappent au champ
d'application de la loi).

La loi prescrit que la motivation consiste en l’indication (dans l’acte administratif) :


- à la fois des considérations de droit et
- à la fois des considérations de fait, qui servent de fondement à la décision (art. 3 de la Loi).
On distingue donc des considérations de droit et des considérations de fait.
La motivation en droit (1) c’est (souvent) la motivation dans le préambule, qui mentionne les disposition
législatives/réglementaires qui justifient l’exercice de la compétence/qui justifient les pouvoirs de
l’autorité + les procédures et règles que l’autorité doit respecter pour adopter la décision.

Selon l’art. 3 Loi du 29 juillet 1991, les autorités administratives doivent indiquer les considérations de
droit qui justifient la décision. Le Conseil d’État assurer un contrôle de cette motivation en droit. Il est
relativement souple sur ce point, c’est-à-dire qu’il ne sanctionnera un acte pour motivation formelle
juridique erronée QUE si l’administration s’est réellement trompée sur l’exercice de ses pouvoirs ; elle a
réellement mal appliqué la loi ; ou elle s’est emmêlée les pinceaux entre des compétences différentes.
 Il faut donc qu’il y ait un réel impact sur la décision prise  qu’il y ait une véritable conséquence
sur la situation de l’administré, qui se plaint de l’acte.
 Par contre, lorsqu’il y a une erreur purement matérielle dans les motifs de droit qui sont visés (p.ex. :
on s’est trompé d’un article d’une loi : au lieu de viser l’art. 34bis §2, on a visé l’art. 34ter §1, mais il
ressort de l’examen du dossier qu’on ne s’est PAS trompé sur l’exercice de la compétence/qu’on n’a PAS
appliqué une mauvaise loi  on a bien appliqué la bonne règle, mais il y a une ‘simple petite erreur
matérielle’ dans la citation des articles), le Conseil d’État n’annule pas pour cette raison. Il va dire  : « tout
le monde avait bien compris, y compris l’administré de quoi il s’agit, quel était le pouvoir qui été
exercée ».

209
Droit administratif

 Si on annulait quand même pour ce genre de petite faute, il suffirait à l’administration de changer sa
référence et de reprendre la même décision.
 ( !! ) Ce genre de décision n’apporte rien à l’administré.

En revanche, le Conseil d’État est plus sévère sur la motivation en fait (2).
De quoi s’agit-il quand l’art. 3 dit que l’administration doit indiquer dans l’accès les considérations de fait
servant de fondement à la décision ?
L’administration doit expliquer les faits/les circonstances de fait, qui l’ont conduit à exercer son pouvoir,
en adoptant la décision qu’elle a prise.
Il faut que ces faits ait été vérifiés par l’administration ; qu’elle les ait consignés dans son dossier
administratif (= l’ensemble des pièces qui ont concouru à l’adoption de la décision).
EXEMPLE : si une décision de sanction disciplinaire ne mentionne pas de manière précise les faits qui
sont reprochés à l’agent (et donc, qui justifient la sanction) – ces faits doivent être corroborés par le
dossier administratif  le dossier doit permettre de prouver que l’agent a commis ces faits – la sanction
sera annulée !!
Le Conseil d’État est très sévère si les faits ne sont pas établis et que l’administration a exercé sa
compétence SANS bien vérifier si les faits, qui lui permettent d’exercer son pouvoir, sont bien existants
et s’il s’agit bien des faits qui correspondent à la compétence qu’elle a exercée.

La Loi du 29 juillet 1991 prescrit pour le surplus des exigences de qualité de la motivation. L’art. 3
précise que cette motivation doit être l’indication des motifs dans l’acte.
C’est donc dans l’acte instrumentaire lui-même que doit être formalisée la motivation formelle.
 La forme = la valeur ajoutée de cette loi.
La motivation DOIT figurer dans l’acte. Deux conséquences en découlent :
- Non seulement la motivation doit être concomitante à la décision  cette motivation doit être
faite en même temps que la décision adoptée et doit reprendre des motifs qui sont constatés et
vérifiés au moment où la décision est adoptée.
 Pas question de d’abord prendre une décision, et puis de dire que les services feront bien une
motivation dans 10 jours, pour l’envoyer au destinataire de l’acte. Ça ne serait pas admissible,
puisque la motivation = les motifs sur la base desquels l’autorité décide.
Il faut que ces motifs existent et soient constatés au moment où elle décide, et pas que ce soit
une sorte de ‘décoration faite a posteriori’ !
- Seuls les motifs exprimés sont pris en compte en cas de contrôle juridictionnel. Il n’est pas
question d’invoquer des motifs qui ne seraient pas exprimés dans l’acte.
 Seul ce qui est dans l’acte compte.

Exception : la motivation par référence.


Il existe une exception jurisprudentielle à cette exigence de motivation formelle = la motivation par
référence.
= Hypothèse où l’acte instrumentaire mentionne l’objet de la décision, mais ne reprend pas tous les
motifs selon lesquels l’acte a été adopté. En revanche, il y a une référence, qui dit que l’administration se

210
Droit administratif

réfère à autre chose.


EXEMPLE : la délibération du Collège communal, qui est reprise dans le procès-verbal de la séance, en
matière de marchés publics. La délibération attribue un marché public à telle entreprise (= l’acte
instrumentaire : le procès-verbal de la séance). Le procès-verbal de la séance mentionne l’objet de la
décision (= attribuer le marché à telle entreprise), mais il ne reprend PAS tous les motifs sur lesquels on
s’est basé pour juger quelle offre était la meilleure, parmi les offres déposées.
En revanche, il y a une référence dans le procès-verbal du Collège, qui dit qu’il s’est référé au rapport
d’attribution, préparé par l’administration communale.
Qu’est-ce ce rapport ?
= un rapport fait par l’administration,
- qui contient la comparaison des différentes offres déposées au regard des critères d’attribution
(qui figuraient dans les documents du marché),
- et qui contient la motivation de cette comparaison  et donc l’explication selon laquelle l’offre
de la société qui été retenue, était bien la meilleure.  C’est celle qui a obtenu ‘le plus de
points’ au regard de l’ensemble des critères.
Ces notes doivent être motivées : il faut expliquer pourquoi telle entreprise, au regard de tel
critère, a une ‘note maximale de 10/10’, alors qu’une autre entreprise n’a obtenu ‘que 7/10’, etc.

Il existe tout un rapport longuement et très consciencieusement motivé, mais ce n’est PAS la
délibération du Collège : il s’agit d’un rapport fait par l’administration communale, transmis au Collège,
avec le résultat de l’examen des offres.
 La jurisprudence admet que cette motivation par référence soit admissible. Dans ce genre de
cas, l’acte n’est pas annulé s’il est attaqué (raison : vice de la motivation).
TOUTEFOIS, il faut respecter 3 conditions pour que la motivation par référence soit admise :

Condition 1. Il faut que le Collège se soit référé explicitement et clairement au rapport


d’attribution : il ne faut pas qu’il y ait d’ambiguïté ; il faut qu’il soit écrit clairement « vu le
rapport d’attribution » et que la volonté du Collège de faire sien les motifs d’attribution soit
claire.

Condition 2. Il faut que ce rapport d’attribution soi lui-même motivé aux vœux de la loi. Il faut
qu’il comprenne une motivation adéquate (voir infra).
 Si le rapport n’est pas lui-même motivé aux vœux de la loi, le Collège ne peut PAS se
dispenser de respecter les obligations de motivation en se référant à un rapport qui ne respecte
pas lui-même la loi !

Condition 3. Il faut que le rapport soit communiqué aux destinataires de l’actes (i.e. les
entreprises qui ont déposé une offre), en même temps que la délibération du Collège.
Il faut qu’ils en aient connaissance en même temps, puisque les motifs doivent être adressés aux
destinataires de l’acte (c’est le 1 er but de la loi : que le destinataire comprenne pourquoi la
décision est prise, et, en l’occurrence, pourquoi il n’obtient pas le marché et pourquoi son offre
n’était pas la meilleure).

211
Droit administratif

 Si ces 3 conditions sont remplies, la motivation par référence est admise, parce que si ces 3
conditions sont réunies  = comme si la motivation était dans l’acte lui-même.
Concrètement, l’acte sera accompagné d’un rapport agrafé/joint, qui sera notifié en même
temps que l’acte.
‘CONCLUSION’ : les buts de la loi sont atteints de la même manière.

La motivation doit être adéquate


Autre exigence de la loi, la motivation doit être adéquate.
Ça veut dire quoi ?
Dans la jurisprudence, on trouve beaucoup de qualificatifs pour dire « adéquat » : motivation suffisante,
la motivation permet d’atteindre le but de la loi, etc.
Il faut surtout retenir que, effectivement, ce que regarde le Conseil d’État : est-ce que le but poursuivi
par le législateur, est atteint ? C’est-à-dire que le destinataire de l’acte comprend les motifs de la décision
qui lui est adressée + la motivation suffit pour atteindre ce but.
L’exigence est évidemment variable, selon les cas. ( !! )
C’est une exigence très légère en cas de compétence entièrement liée, p.ex. : décision d’établir un
avertissement ; extrait de rôle pour le paiement de l’impôt qui est adressé à un redevable  cette
décision se contente de mentionner le nom du redevable, sa situation au regard de l’impôt et le montant
qu’il doit payer par application de la loi = la seule motivation POSSIBLE.
 A l’opposé, dans le cas d’une sanction disciplinaire par exemple – où le pouvoir d’appréciation est
très large (= compétence discrétionnaire) – la motivation ~ ce pouvoir discrétionnaire (pouvoir
d’appréciation large  motivation large également).
Ainsi :
1. L’autorité procède à un établissement des faits (= l’administration explique, dans
l’instrumentum, que les faits ont bien été commis par l’agent concerné + l’autorité explique les
preuves en question, grâce auxquelles elle a forgé sa conviction [« les faits ont été commis].
2. L’autorité devra expliquer que ces faits doivent être qualifiés juridiquement comme
manquement disciplinaire,
3. Et enfin, l’autorité devra expliquer le choix de la sanction – dans ce choix, elle dispose d’un
pouvoir d’appréciation – et en quoi elle est proportionnée au fait (ou en tout cas, pas
manifestement disproportionnée).

Quand on dit qu’une sanction doit être adéquate, il s’agit donc d’une exigence variable selon les cas 
cette exigence est plus large si le pouvoir d'appréciation de l’autorité est plus large !
Avec cette exigence d’adéquation de la motivation, on franchit la frontière (certes floue) entre l’exigence
de motivation purement formelle ( il faut que les motifs soient écrits dans l’acte) et l’exigence de
légalité interne ( une décision doit toujours reposer sur des motifs exacts, pertinents et admissibles en
droit, au regard de la compétence exercée).
 Donc, il y a un lien forme – fond (que le Conseil d’État relève dans une série d’arrêts).

212
Droit administratif

En tout cas, ce qui est requis quand on dit que la motivation doit être adéquate = que les motifs
déterminants/importants pour la décision prise, soient exprimés et suffisamment développés, de
manière cohérente pour que l’administré les comprenne.
En revanche, l’autorité ne devra PAS développer outre mesure, des motifs qui sont surabondants/peu
importants pour la décision adoptée.
 Il y a une sorte de proportionnalité de la motivation : l’administration ne doit pas répondre
systématiquement à tous les arguments qui auraient été invoqués devant elle  elle doit
exprimer les motifs déterminants qui permettent de comprendre pourquoi elle a pris la décision
adoptée.
 En tout cas, les motivations purement stéréotypées, qui ne démontrent pas que l’autorité a
exercé réellement son pouvoir d’appréciation ; qu’elle a réellement examiné concrètement,
individuellement, chaque dossier = clairement exclu et combattu par le Conseil d’État !

Il y a toute une série d’arrêts du Conseil d’État (déjà anciens), qui annulaient des décisions de la
Commission de dispense de la cotisation sociale des indépendants.
Les indépendants doivent payer des cotisations sociales et il existe un système selon lequel les
indépendants peuvent faire appel à une Commission de dispense des cotisations sociales, lorsqu’ils sont
confrontés à des difficultés financières.  Cette Commission peut leur permettre de suspendre leur
paiement de cotisations sociales pendant un ou plusieurs trimestres + elle peut même les dispenser de
payer des cotisations sociales pour des périodes où les indépendants sont dans une situation délicate.
Le critère qui est fixé par la loi : quand l’indépendant est dans une situation proche de l’état de besoin
 dans ce cas, il peut bénéficier de ces mesures de dispense.
Cette Commission de dispense avait pris des centaines de décisions de refus, toutes motivées par la
même phrase. Cette phrase se contentait de dire : « considérant que Mr untel, indépendant, exerçant
telle profession, ne se trouve pas dans une situation proche de l’état de besoin » point.
 Le Conseil d’État a annulé, en disant qu’il fallait une motivation formelle non purement
stéréotypée : il faut que chaque indépendant puisse constater qu’on a examiné son dossier et
que, au regard des éléments concrets qu’il a remis pour prouver qu’il est dans une situation de
difficulté financière, on a pris une décision en exerçant réellement son pouvoir d’appréciation.
Il faut que la Commission montre qu’elle a réellement examiné les dossiers et sur quels
fondements concrets elle a décidé, le cas échéant, que l’indépendant ne se trouve pas dans une
situation proche de l’état de besoin.

Il y avait un autre exemple dans la jurisprudence : celui d’une sanction disciplinaire grave, prononcée à
l’égard d’un agent communal. Il s’agissait d’une démission d’office, pour laquelle la seule motivation
était que l’agent X avait commis des faits graves, de nature à rompre le lien de confiance avec l’autorité.
Par conséquent, il fallait démettre d’office, point barre.
 C’est stéréotypé  ça ne permet PAS de :
1. vérifier si l’autorité a réellement vérifié et établi les faits,
2. vérifier si elle a expliqué qu’il s’agissait de manquements ( et que donc, les faits en
question doivent être qualifié juridiquement de manquement disciplinaire),
3. vérifié si elle s’est expliquée sur la nécessité ou, en tout cas, la proportionnalité de la

213
Droit administratif

punition choisie.

La motivation formelle renforcée/spéciale


Dans certains cas, sans que la loi le précise, la jurisprudence exige une motivation formelle renforcée ou
spéciale. (On a déjà évoqués ces cas  voy. supra.)

- 1ère hypothèse : une procédure de consultation a été menée, un avis a été rendu, une proposition
a été faite et l’autorité qui a le pouvoir de décider, NE SUIT PAS cet avis/proposition  elle
décide de s’en écarter.
La jurisprudence dit que, dans cette hypothèse-là, l’autorité doit consacrer une motivation
renforcée/spéciale à sa décision (pour donner tout son poids à la formalité de consultation qui
est prévue ou a été menée). Selon le Conseil d’État, elle doit expliquer de manière
particulièrement précise et pointilleuse pourquoi elle ne suit PAS l’opinion émise par l’organe
consultatif + pourquoi elle estime qu'il faut prendre une autre voie.

- 2e hypothèse : l’enquête publique, où l’autorité doit


1) non seulement tenir compte des résultats de l’enquête,
2) mais aussi elle doit motiver (en termes génériques) pourquoi, le cas échéant, elle s’écarte des
résultats de l’enquête publique/des réclamations citoyennes qui ont été émises (= pourquoi
elle ne suit pas les réclamations).
REMARQUE : c’est un travail difficile, parce que parfois, il peut y avoir des centaines ou des
milliers d’actes de réclamation.
L’autorité doit-elle répondre individuellement à chaque réclamant en reprenant sa
réclamation ? En faisait un résumé de ses griefs puis en répondant grief par grief ?
 Si on faisait ça, on aurait une motivation très détaillée, non susceptible d’être critiquée
devant le Conseil d’État. Toutefois, ce serait un travail de moine et on se retrouverait
avec des décisions qui feraient peut-être des milliers de pages.
C’est pourquoi le Conseil d’État n’exige pas ce genre de travail.  Ce qu’il dit, c’est que
chaque réclamant doit pouvoir trouver – en termes génériques – dans la décision, les
motifs pour lesquels sa réclamation a été examinée (il doit pouvoir en trouver la preuve)
et les motifs pour lesquels l'autorité ne suit pas sa réclamation ou ses objections.
REMARQUE : du point de vue de la méthode  comment faire pour motiver suite à une
enquête publique ?
L’autorité rassemble les griefs en grandes catégories et fait une liste de ce qui est
soulevé par toutes les réclamations (risques de nuisances sonores, d’augmentation du
passage de véhicules…)  elle regroupe les réclamations/objections communes et elle
RÉPOND EN COMMUN à ces différentes catégories de réclamation, de telle sorte que
chaque réclamant peut retrouver une réponse aux objectifs qu’il a émis.
 C’est ce qu’exige la jurisprudence en cas d’enquête publique.

- 3e hypothèse :

214
Droit administratif

1- lorsqu’une autorité exerce un pouvoir d’appréciation (par exemple pour reconnaître des
demandes d’autorisation de séjour à de personnes de nationalité étrangère sur le territoire
belge),
2- et que cette autorité s’est fixée des directives sur la manière d’exercer son pouvoir
d’appréciation face à ces demandes,
3- et lorsqu’elle décide, pour un cas particulier, de NE PAS suivre la directive  de prendre une
décision qui constitue un REVIREMENT d’attitude, par rapport à ce à quoi on pouvait
s’attendre (d’après les instructions générales qu’elle se donne dans l’exercice de son pouvoir
d’appréciation)
elle doit motiver spécialement pourquoi le cas en question nécessite un traitement différent de
ce qui est prévu dans les lignes de conduites qui se trouvent dans les directives sur l’exercice de
son pouvoir d’appréciation.
 En cas de revirement d’attitude dans l’exercice d’un pouvoir d’appréciation, l’autorité est aussi
soumise à une obligation renforcée/spéciale de motivation.

Les exceptions
Cependant, la Loi relative à la motivant formelle connaît des exceptions. Ces exceptions sont énumérées
à l’art. 4 de la Loi du 29 juillet 1991.  La motivation ne s’impose pas si l’indication des motifs de l’acte
peut :
1. Compromettre la sécurité extérieure de l’État.
2. Porter atteinte à l’ordre public.
3. Violer le droit au respect de la vie privée.
4. Violer des dispositions en matière de secret professionnel.
La doctrine dit qu’il s’agit de circonstances extrinsèques (= extérieures à l’acte), qui sont très concrètes
et qu’il faut pouvoir vérifier. L’administration ne motive pas dans l’hypothèse où – si elle écrit ses motifs
dans la décision – la motivation pourrait entraîner une violation de ces valeurs
supérieures/compromettre la sécurité extérieure de l’État. P.ex. : si on révèle, dans les documents
relatifs à un marché public, des motivations concernant le matériel militaire secret qui est utilisé  on
révèle des secrets militaires, qui pourraient éventuellement mettre en danger la défense de l’État.

Si on cherche dans la jurisprudence, on retrouve surtout des cas d’école. Parfois, on trouve des exemples
où l’administration a voulu invoquer l’art. 4 de la Loi, pour ne pas devoir motiver. Toutefois, on ne
retrouve que peu de cas où le Conseil d’État le valide ( = rare que l’administration puisse invoquer ces
circonstances extrinsèques concrètes).
 Le Conseil d’État fait une interprétation stricte de ces exceptions, le principe étant la
transparence !

ATTENTION : l’urgence n’est pas une exception !! L’art. 5 de la Loi 29 juillet 1991 le précise
expressément. Même en cas d’urgence, il faut motiver en la forme. Ratio ? En France, il existait une loi
sur la motivation formelle, qui permettait à l'administration de ne pas motiver quand il y avait un cas
d’urgence. On s’est rendu compte que c’était fort dangereux  l’administrant était très encline à

215
Droit administratif

invoquer l’urgence, voire à faire trainer les dossiers POUR QU’ILS DEVIENNENT urgent et que par
conséquent, il ne faille pas motiver.  Trop facile d’échapper à l’obligation de motivation !

Quid des scrutins secrets ?


Une question s’est posée avec acuité devant le Conseil d’État au début de l’application de la Loi de 1991 :
qu’en est-il des décisions adoptées au scrutin secret par des organes collégiaux ? Le cas typique étant
une décision d’un Collège ou Conseil communal sur une sanction disciplinaire d’un agent. La loi (NLC et
CWADEL) prévoit que ce sont des décisions prises au scrutin secret, parce qu’elles concernent des
personnes individuelles + chacun doit pouvoir être libre de voter en âme et conscience, de manière
secrète, sans que les autres sachent dans quel sens il vote.
Mais alors, est-ce que ce vote au scrutin secret permet de dispenser du respecter de l’exigence de
motivation formelle ? (Des communes ont soutenu devant le Conseil d’État qu’il n’était PAS possible de
motiver une sanction disciplinaire, alors que chacun avait voté secrètement.  Si on révèle les motifs,
on révèle quelque chose qui doit être tenu secret  les motifs sont propres à chacun !) Le CE n’a pas
suivi cela. Il a dit : « mais non, il n'y a pas d’impossibilité de prévoir une motivation formelle pour une
sanction disciplinaire, MÊME SI le vote est fait au scrutin secret. La preuve en est qu’il faut toujours qu’il
y ait des motifs admissibles pour sanctionner quelqu’un, peu importe qu’on vote au scrutin secret ou
pas ». Le Conseil d’État conseille donc aux administrations en quelque sorte : « quand vous votez sur une
sanction, vous devez prévoir : la sanction qu’on propose au vote (1), assortie d’une motivation formelle
qui justifie cette sanction (2), étant étendu que tout ceux qui votent pour cette sanction, le font sur base
de la motivation formelle liée.
 Approche : « si cette sanction emporte la majorité des votes, et par conséquent, est adoptée, la
motivation formelle – qui est liée à la sanction – est également adoptée, de façon concomitante.
 Pas besoin d’une exception pour le scrutin secret !

d) L’incidence de la violation des règles de légalité externe sur la légalité de l’acte administratif
Il s’agit de ce qu’on appelle traditionnellement « la théorie des formalités ». La question est de savoir,
pour l’ensemble des règles de légalité externes qu’on a vues, si la méconnaissance de ces règles entraîne
automatiquement l’annulation de l’acte ou alors s’il existe, en droit administratif, une exigence d’intérêt
au grief ? Faut-il que la nullité soit liée à un grief subit ? Faut-il que la méconnaissance de la formalité au
sens large ait causé un préjudice à celui qui s’en prévaut ? (= L’objet de la question.)
La réponse en contentieux administratif (= attitude du juge, quand il constate qu’une règle de légalité
externe a été méconnue) à cette question n'est pas simple, puisqu’elle implique de distinguer 4 grandes
catégories de formalités/règles de légalité externes :

CATÉGORIE 1 : les règles expressément prescrites à peine de nullité.


Ce sont des règles de légalité externes, pour lesquelles la loi précise expressément que, si elles ne sont
pas respectées, l’acte devient nul.  Voy. les articles de loi typiques « à peine de nullité ». On ne trouve
que peu d’exemples de ce règles prescrites à peine de nullité. Le plus célèbre  : l’art. 58 LCCE sur l’emploi
des langues en matière administrative, qui prescrit que les actes qui ne sont pas établis/rédigés dans la
langue exigée par les lois coordonnées (1. selon la situation territoriale réglée par l’acte, 2. selon les

216
Droit administratif

destinataires de l’acte, 3. selon l’administration qui l’émet…) sont entachés de nullité.


Face à ce type de règle, le juge n’a aucune marge d’appréciation. Il ne doit pas se soucier de savoir si la
méconnaissance de la langue dans laquelle l’acte devait être rédigée, a eu un impact/si celui qui a reçu
l’acte, comprenait bien la langue  peu importe : c’est nul. La loi le dit et le juge l’applique (en tout cas
dans cette hypothèse-ci).

CATÉGORIE 2 : les règles d’ordre public. = Les règles qui touchent aux éléments constitutifs de l’État.
Question : quel est le régime juridique du moyen d’ordre public ?  Ce moyen peut être invoqué par les
parties en tout temps, MÊME à la fin de la procédure ! ( En principe, les moyens doivent être invoqués
dans l’acte introductif, dans la requête en annulation devant le Conseil d’État.) De plus, ces moyens
doivent être soulevés D’OFFICE par la juridiction si jamais les parties ne l’ont pas vu.
Exemple typique : la compétence de l’auteur de l’acte. Cette matière est TOUJOURS d’ordre public !! (Il y
a d’autres formalités d’ordre public, mais elles sont relativement rares.)
Autre exemple clé : la consultation de la SLCE. Si l’auteur d’un texte réglementaire soumis à l’obligation
de l’art. 3 LCCE, n’a PAS respecté l’avis préalable de la SLCE  en cas de recours contre le règlement qui
sera adopté, la Section du contentieux administratif du Conseil d’État annulera en soulevant d’office le
moyen « violation de l’art. 3 LCCE ».

CATÉGORIE 3 : les formalités substantielles (= le plus fréquent). Une formalité substantielle = une règle
de légalité externe qui est prescrite, au moins en partie, dans l’intérêt des administrés (= une protection).
En partie aussi, cette règle visera à assurer le bon fonctionnement et la bonne information de
l'administration qui doit se prononcer. P.ex. : l’exigence du contradictoire, l’audition préalable dans le
cadre d’une mesure d’ordre qui vise à infliger une mesure grave en raison du comportement, le principe
audi alteram partem. Autre exemple : les procédures consultatives (avis, proposition, enquête publique)
 certes, elles sont prévues en partie pour assurer la bonne information de l’autorité qui prende une
décision, mais aussi pour protéger les intérêts des administrés qu’ils peuvent faire valoir (dans le cadre
de l’enquête publique). P.ex. : certains griefs liés à une atteinte à leur cadre de vie.
Un exemple pour bien comprendre la théorie des formalités substantielles (pour montrer comment le
juge tient compte du fait que, celui qui se plaint de la violation d’une formalité substantielle, DOIT avoir
subi un grief pour que le moyen conduise à l’annulation de la décision finale).  Une enquête publique
est menée dans le cadre de la délivrance d’un permis pour un projet de construction important. Cette
enquête publique implique qu’il y ait des affichages pour que les riverains soient informés + il faut aussi
que les riverains les plus proches soient informés par écrit ( faut que la commune leur adresse un
courrier, pour dire qu’il y a une enquête publique ; qu’ils peuvent consulter les dossiers et qu’ils peuvent
déposer des réclamations). Quelqu’un introduit un recours contre le permis – finalement délivré – en
disant qu’il n’a PAS été informé, qu’il n’a pas reçu de courrier d’enquête publique. C’est un voisin direct,
dans le rayon de 500 mètres (dans ce rayon, il fallait envoyer un courrier mais la commune l’a oublié  !)
 Le Conseil d’État vérifie néanmoins si cette personne a subi un grief. (1) S’il s’agit d’une personne
âgée qui ne sort jamais de chez elle (et qui, par conséquent, n’a pas vu les affichages  n’a pas pu
réclamer alors qu’elle avait des arguments et objections à faire valoir), le Conseil d’État dit  : « oui il y a eu
un grief, la personne n’a pas été informée alors qu’elle aurait dû l’être ». Le moyen porte ses fruits et le
permis sera annulé.

217
Droit administratif

 (2) Par contre, si celui qui se plaint de ne pas avoir reçu cette lettre est une personne qui,
manifestement, a été mise au courant (a vu les panneaux + a déposé une réclamation très volumineuse à
la commune + a participé aux réunions de début et de clôture de l’enquête ; en bref, la personne a été
très active dans l’enquête publique), le Conseil d’État dira : « quel est votre grief ? Vous n’avez peut-être
pas reçu de lettre, mais vous avez été bien informé + vous avez pu profiter de l’enquête + vous avez pu
faire valoir tous vos griefs ». Dans ce cas-là, le Conseil d’État considère que, certes, le moyen est établi
(l’irrégularité est établie), mais il n’y a pas eu de grief  donc, le requérant en question n’a PAS d’intérêt
en invoquant ce moyen-là.
 ‘CONCLUSION’ : il faut pouvoir prouver un grief ! C’est un peu l’idée que reprend l’art. 14, §1, al.
2 LCCE, qui dit que le Conseil d’État n’annulera une décision QUE si la violation d’une règle qu’il
constate, a eu un effet sur la décision prise/sur la compétence de l’autorité ou aura causé un
préjudice à celui qui l’invoque.  À défaut, celui-ci est privé de l’intérêt à invoquer ce moyen !

CATÉGORIE 4 : les formalités vénielles. Elles n’ont PAS pour objet (même pas partiellement) d’assurer la
protection des intérêts des administrés.  Elles sont purement internes à l’administration : elles sont
prescrites uniquement pour le bon fonctionnement de l’administration. Ces formalités ne peuvent donc
pas être invoquées utilement comme moyen d’annulation au Conseil d’État. Quelles sont ces règles ? Il
s’agit essentiellement des règles d’orthodoxie budgétaire, selon lesquelles l’auteur d’un règlement doit
demander l'avis préalable de l’inspection des finances s’il y a un risque de dépense, lié à la disposition
qu’il prend. La décision d’attribuer un marché public doit aussi être soumise cet avis préalable. But ?
Vérifier la bonne gestion des finances de l’État : ce n’est pas un moyen qu’un tiers peut invoquer devant
le Conseil d’État (pour contester l’attribution d’un marché public, par exemple).

(P. 52 sylla : il y a des modes de couverture des vices de forme. Le cas fortuit et la force majeure peuvent
être invoqués par l’administration, mais c’est extrêmement marginal. Pour tout dire, c’est un cas
d’école : Lombaert n’en a jamais vu en 30 ans de pratique.
L’autre hypothèse de couverture, c’est l'hypothèse d’un administré qui a acquiescé une irrégularité 
c’est la personne qui elle-même a empêché l’accomplissement de la formalité dont elle était le
bénéficiaire. P.ex. : un agent convoqué dans le cadre d’une procédure disciplinaire, qui refuse de se
présenter, sans remettre pour autant un certificat médical, qui établirait qu’il était incapable de se
défendre. Il est présumé avoir renoncé à son droit d’audition et avoir renoncé à se défendre (c’est aussi
une hypothèse très rare). Ces cas de couverture des vices de forme sont possibles mais ne sont pas
monnaie courante !)

2° Les exigences de légalité interne

a) Les motifs
Le premier élément de la légalité interne = les motifs. Depuis que le Conseil d’État connaît des recours
concernant des actes administratifs, il existe un principe général, dégagé par la jurisprudence, selon
lequel tout acte administratif doit reposer sur des motifs exacts, pertinents et admissibles en droit. Ce
principe général s’applique à TOUT acte administratif, que ce soit un acte unilatéral de portée individuel

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Droit administratif

ou un acte réglementaire  il n’y a pas d’exception comme pour la motivation formelle () : les
règlements NE SONT PAS dispensés ! Tout acte doit reposer sur des motifs/des justifications en fait et en
droit, aptes à la justifier. Il s’agit d’une ‘simple interdiction de l’arbitraire’ : toute personne, et a fortiori,
toute administration doit avoir des bonnes raisons objectives et admissibles pour agir.
 « Il n’y a que les insensés qui agissent sans raison. L’administration ne peut pas agir sans raison,
comme un fou ou un insensé ».

Quelle est la différence avec la motivation formelle ? La plus-value de la motivation formelle = sa mise
en forme : le fait pour l’autorité d’expliquer – dans l’acte instrumentaire – les raisons qui ont justifié sa
décision en droit et en fait. Or ici, on n’est PAS dans la mise en forme  on est dans un stade préalable.
Il faut que ces faits/ces raisons juridiques soient vérifiées, qu’ils existent et soient admissibles ; qu’ils
soient adéquats. Comment le Conseil d’État vérifie-t-il ? Via la lecture du dossier administratif qu’aura
constitué l’administration. Ce dossier comprend toutes les pièces qui permettent de fonder la décision, y
compris les motifs.

Les motifs de droits (1) = les règles juridiques qui fondent le pouvoir exercé ; c’est la base juridique de la
décision ( c’est une disposition législative ou réglementaire, qui établit le pouvoir exercé par l’auteur
de l’acte, preneur de décision).
- Il y aura un vice des motifs de droit dans le cas où la base juridique est elle-même illégale (art.
159 Const. : illégalité du règlement lui-même  peut être une base pour faire annuler un acte.
La base illégale est écartée et ne peut donc pas, par exemple, servir de base à une sanction
disciplinaire).
- On peut également imaginer le cas où la base juridique est inexistante : elle a été abrogée ou
annulée par un juge ou par une autorité de tutelle par exemple. Toutefois, on voit qu’un acte a
tout de même été adopté sur cette base.
- Finalement, l’hypothèse où l’acte administratif méconnaît la base juridique (il ne respecte pas la
loi qui établit le pouvoir) = violation directe de la base juridique.
Ces vices de motifs de droit constituent un moyen d’ordre public, car on touche de très près aux
compétences + au respect des bases juridiques qui fixent le pouvoir des autorités pour adopter des
actes.

Il y a un vice de motifs de fait (2),


1. si les faits – qui servent de motifs à l’acte – ne sont PAS établis matériellement. P.ex. : une
sanction disciplinaire est prononcée pour un détournement de fonds. L’agent est accusé d’avoir
détourné des fonds, mais l'administration ne peut PAS prouver avec certitude que c’est bien cet
agent-là qui a détourné les fonds.  Une incertitude demeure.
 Le Conseil d’État annule ce type de sanction disciplinaire, parce que les faits ne sont pas
matériellement établis par l’autorité. De surplus, il existe un principe général de présomption
d’innocence.
2. s’il y a une qualification juridique incorrecte des faits. C’est l’hypothèse où le complexe de faits
qui est pris en compte par l’administration ne peut pas être valablement qualifié/rentrer dans la
catégorie juridique qui détermine l’exercice de la compétence en vertu de la loi. P.ex. :

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Droit administratif

Dieudonné donne des spectacles contestés (on est en 2009). Il s’agissait d’un spectacle qu’il
voulait rendre à Saint-Josse. Le Collège des bourgmestre et échevins y avait adopté une
ordonnance (un arrêté de police), qui avait interdit le spectacle de cet artiste français. Suite à
cette ordonnance, Dieudonné a fait un recours en extrême urgence devant le Conseil d’État, qui
a suspendu en extrême urgence cet ordonnance d’interdiction (= CE, Dieudonné M’Bala M’Bala,
n°191.742, 23 mars 2009). Cet arrêt est IMPORTANT, parce que dans cet arrêt, le Conseil d’État
conteste que le Collège des bourgmestre et échevins n’a pas valablement qualifié les faits qui
risquaient de se présenter d’une manière lui permettant de prendre cet arrêté de police. La
police des spectacles est exercée par le Collège des bourgmestre et échevins, et celui-ci peut
interdire des spectacles dans des circonstances extrêmement graves (troubles de l’ordre public,
attroupement hostile et risques graves pour la tranquillité publique). Ici, les faits constatés par le
Collège des bourgmestre et échevins tenaient plus (et surtout) à la correction politique et
morale des propos qui tenus par Dieudonné. Le Conseil d’État a donc décidé que, ce faisant, le
Collège – qui était là pour faire respecter l’ordre et la tranquillité publique et éviter qu’il y ait des
émeutes sur la voie publique suite à un spectacle – avait méconnu ses pouvoirs et qu’il n’était
pas là pour faire régner une certaine moralité dans les prises de position à l’occasion de
spectacles. Ce qui était en cause, c’était la qualification juridique des faits. Les faits qui s’étaient
présentés ne correspondait pas à la catégorie abstraite de la loi (émeutes graves sur la voie
publique, fortement liées à ce spectacle).

b) L’objet
L’objet de l’acte = son dispositif : c’est ce qui est décidé, c’est la modification qu’il apporte à
l’ordonnancement juridique. P.ex. : délivrer un permis d’urbanisme, prononcer une sanction disciplinaire
et, plus précisément, la sanction de démission d’office infligée à un tel agent, ou nommer telle personne
à telle fonction publique. L’objet est évidemment un aspect primordial dans l’examen de la validité de
l’acte administratif, puisque celui-ci qui constitue le point de départ/le pivot de toute la réflexion.
Pour déterminer l’autorité compétente, il faut savoir quel est l’objet de la décision (une certaine autorité
est compétent pour adopter une décision ayant un objet bien déterminé). Et aussi, pour savoir quelles
procédures et formes il faut respecter, il faut savoir quelle (type de) décision on veut adopter, p.ex. :
pour adopter une sanction disciplinaire de démission d’office, il faut que telle autorité suive telle
procédure, en respectant les droits de la défense + il faut que l’autorité adopte un acte qui contient une
motivation formelle, qui motive la décision (voy. supra motivation formelle).
 L’objet est au départ de toute réflexion sur la validité de l’acte administratif.

L’objet permet également de qualifier un acte de règlement ou d’acte individuel ; de décider s’il est
créateur de droit ou avantageux, au sens de la théorie du retrait, de révéler s’il s’agit d’une compétence
liée ou discrétionnaire (« pour cet objet, l’autorité dispose-t-elle d’un pouvoir d’appréciation (= elle peut
choisir entre plusieurs solutions légales, À CONDITION de motiver et de ne pas commettre d’erreur
manifeste) ou est-ce que sa compétence est liée (à certains égards ou entièrement) ? »)

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Droit administratif

Vice de l’objet
Existe-t-il un vice de l’objet ? = l’objet de la décision est illégal. On peut imaginer qu’une autorité prenne
une décision dont l’objet est interdit par la loi. P.ex. : une autorité disciplinaire prononce une sanction
qui n’est pas prévue au statut, une autorité communale décide de muter un agent pour motifs
disciplinaires dans un autre service ( ce n’est pas prévu dans la liste des sanctions de la NLC ou du
CWADEL, à propos des sanctions que les autorités communales peuvent prendre).
 Les objets des sanctions nommées sont illégaux, contraire à la loi.
REMARQUE : cette matière rejoint fortement le vice des motifs de droits : la violation juridique
de la base juridique, parce que, quand on adopte une sanction qui n’est pas prévue dans la liste,
on méconnaît la disposition qui établit la liste !

Vice de validité de l’acte


Autre cas où l’objet est vraiment mis en exergue : dans un vice de validité de l’acte  quand on parle de
la proportionnalité d’une sanction disciplinaire. Quand une sanction disciplinaire est jugée
manifestement disproportionnée (et qu’elle est annulée pour ce motif-là), il s’agit d’une sanction
tellement grave, qu’elle n’aurait jamais été prononcée par une autorité normalement prudente et
diligente. Ça concerne l’objet-même de la sanction : on a révoqué un agent, alors qu’il n’avait fait qu’un
tout petit écart de conduite.
EXEMPLE : un ouvrier qui a pris un clou dans la boîte à clous pour le ramener chez lui parce qu’il avait
besoin d’un clou pour prendre un cadre dans sa chambre. On le révoque = manifestement
disproportionné. L’objet est en cause.
REMARQUE : c’est en lien avec les motifs de fait, car en lien avec les faits pour lesquels l’agent est puni.
L’objet est jugé illégal, parce que c’est une révocation pour des faits MINEURS.  Par contre, s’il avait
tué un collègue avec un couteau, on n’aurait pas jugé disproportionnée la révocation.
 On établit de nouveau un lien avec un autre élément de légalité : avec les motifs de faits, qui
permettent de décider si la sanction est proportionnée ou non.

RETENIR : l’objet = une sorte de pivot : on le trouve à la source de toute réflexion sur la validité de l’acte,
quel que soit le vice d’illégalité interne ou externe invoqué, MAIS on peine à dégager un vice de l’objet
qui serait purement et simplement lié à l’objet illégal SANS être lié à d’autres vices de légalité.
c) Le but
Le vice lié au but = le détournement de pouvoir. Ici, on touche véritablement à la légitimité de l’acte. La
question à se poser : « l’acte est-il adopté par une autorité poursuivant un but (il)licite ? » Si le but est
ILLICITE  on a un moyen qu’on peut invoquer devant le Conseil d’État ( détournement de pouvoir =
visé expressément à l’art. 14 LCCE).
Le but que doit poursuivre toute autorité administrative = atteindre l’intérêt général. Elle prend des
décisions, dans le but de satisfaire à l’intérêt à général ou à un aspect bien déterminé de l’intérêt
général, par exemple : en matière de fonction publique  la bonne gestion des ressources humaines de
l’administration en matière de marché public, le fait d’obtenir la meilleure offre et donc de passer le
meilleur contrat avec un tiers, dans l’intérêt général de l'administration.

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Droit administratif

Le moyen du détournement de pouvoir peut être invoqué lorsque l’administration – au lieu de


poursuivre le but d’intérêt général qu’elle doit poursuivre en adoptant un acte – poursuit d’autres buts,
qui ne sont pas d’intérêt général.
En droit belge, on a une conception très étroite de la notion de détournement de pouvoir, puisque pour
démontrer un détournement de pouvoir : non seulement il est exigé que l’autorité poursuive, en
adoptant un acte, un but étranger à l’intérêt général, mais encore, qu’elle ne poursuive aucun autre but
que des buts illicites-illégitimes.
( !! ) Donc évidemment, il est difficile d’en faire preuve, puisqu’il faut démontrer qu’un faisceau d’indices
précis et concordants existe et qui amène à la conclusion inévitable que le seul but poursuivi est étranger
à l’intérêt général ( vise à privilégier des intérêts privés).
P.ex. : des détournements ont été reconnus par la jurisprudence, au début des années ‘50, à propos de
nominations dans la fonction publique locale. Elles étaient justifiées non pas par les mérites et qualités,
mais plutôt par des copinages politiques ou familiaux.
Il y a eu des cas dans le passé, mais aujourd’hui, le détournement de pouvoir n’est quasi plus invoqué
(plus d’arrêts qui annulent pour détournement de pouvoir).
Il y a plusieurs explications. Tout d’abord, en raison de la conception étroite qu’on lui donne en droit
belge : c’est considéré comme étant un vice honteux, chargé d’une grande charge émotionnelle et
morale. Une autorité qui commet un détournement de pouvoir, prend une décision uniquement pour
avantager des intérêts purement personnels  on est donc à la lisière du droit pénal. (Parfois, on
dépasse même cette lisière, vu la conception qu’on s’en fait.) Il en suit que ce moyen est devenu très
rare ; le Conseil d’État est prudent avant de retenir un détournement de pouvoir.
Cette prudence s’est encore traduite dans le régime du contentieux du détournement de pouvoir,
organisé par les LCCE, puisque l’art. 91 LCCE en fait un moyen subsidiaire. De plus, une chambre du
Conseil d’État ne peut pas retenir un détournement de pouvoir seule : elle doit réunir l’Assemblée
générale de la SCACE  il faut que tous les juges de la Section du contentieux administratif soient
présents pour rendre un arrêt d’annulation sur base du détournement de pouvoir !!
En référé, ce n’est pas le cas, mais en annulation ça reste un moyen subsidiaire avec un régime de
contentieux spécial et très lourd.
Pourquoi ? Parce qu’une chambre va tout faire pour éviter d’en arriver à cette extrémité et de saisir
l’Assemblée générale du la section du contentieux.

 Le moyen est en voie de disparition. Parfois, il est encore invoqué, mais il est rarement retenu.
Toutefois, quand un acte est atteint d’un vice lié à son but (et qu’on suspecte qu’une
nomination, par exemple, a été faite pour d’autres raisons que des raisons liées à l’intérêt
général), le Conseil d’État trouve TOUJOURS un moyen pour annuler. P.ex. : constater qu’il y a un
vice des motifs de fait, parce que la nomination en question ne repose pas sur des justifications
exactes et raisonnables, qui procéderaient d’une juste comparaison effective des titres et
mérites des candidats ; l’acte ne démontre pas que le candidat qui a été choisi, était bien le
meilleur candidat au terme de la comparaison des candidatures ( retenir un moyen lié au vice
des motifs de fait, plutôt que de retenir le détournement de pouvoir : c’est beaucoup plus
commode. Il ne faut pas réunir l’Assemblée générale de la SCACE et en outre, c’est tout aussi
efficace, puisqu’on aboutit à la même annulation contentieuse !!)

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