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Définitions
Définir le service public
Secteur public et service public : quelle différence ?
Le secteur public et le service public sont deux notions différentes. Le terme "secteur public"
renvoie à des organismes alors que "service public" est davantage utilisé pour définir une
activité (enseignement, police, justice…).
Un service public peut être assuré par le secteur privé. Par exemple, l’élimination des déchets
ménagers est un service public qui relève de la compétence de la commune ou d’un
établissement public de coopération intercommunale. La collectivité territoriale peut
cependant choisir de confier la gestion de ce service public à une entreprise privée.
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De plus, l’expression service public désigne deux éléments différents : une mission, qui est une
activité d’intérêt général, et un mode d’organisation consistant, de façon directe ou indirecte,
à faire prendre en charge ces activités d’intérêt général par des personnes, soit publiques (État,
collectivités territoriales, établissements publics) soit privées, mais sous le contrôle d’une
personne publique.
Plusieurs fonctions selon un régime juridique bien fixé
Selon les finalités poursuivies, le service public remplit quatre fonctions principales. On
distingue les services publics à finalité d’ordre et de régulation (la défense nationale, la justice,
la protection civile, les ordres professionnels…), ceux ayant pour but la protection sociale et
sanitaire (sécurité sociale, service public hospitalier…), ceux à vocation éducative et culturelle
(enseignement, recherche, service public audiovisuel…) et ceux à caractère économique.
Le régime juridique du service public est organisé autour de trois grands principes.
Le premier est celui de la continuité du service public. Il constitue un des aspects de la continuité
de l’État et a été qualifié de principe de valeur constitutionnelle par le Conseil constitutionnel
(décision 79-105 DC du 25 juillet 1979). Il repose sur la nécessité de répondre aux besoins
d’intérêt général sans interruption. Cependant, selon les services, la notion de continuité n’a
pas le même contenu (permanence totale pour les urgences hospitalières, horaires prévus pour
d’autres). La jurisprudence du Conseil d’État est très précise sur cette exigence : est ainsi
condamné un service qui ne respecte pas les heures d’ouverture annoncées (ouverture tardive,
fermeture hâtive). Toutefois, ce principe de continuité doit s’accommoder du principe, à valeur
constitutionnelle lui aussi, du droit de grève. La plupart des agents des services publics
disposent de ce droit, à l’exception de certaines catégories pour lesquelles la grève est interdite
(policiers, militaires…) ou limitée par un service minimum (navigation aérienne, transports
ferroviaires, télévision et radio…).
Le deuxième principe est celui de l’égalité devant le service public, lui aussi à valeur
constitutionnelle, qui procède de l’application à ce domaine du principe général d’égalité de
tous devant la loi, proclamé par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Il
signifie que toute personne a un droit égal à l’accès au service, participe de manière égale aux
charges financières résultant du service (égalité tarifaire sauf pour les services facultatifs, tels
que les écoles de musique, par exemple), et enfin doit être traitée de la même façon que tout
autre usager du service. Ainsi, le défaut de neutralité – principe qui est un prolongement du
principe d’égalité – d’un agent du service public, par exemple une manifestation de racisme à
l’encontre d’un usager, constitue une faute déontologique grave.
Enfin, le dernier principe de fonctionnement du service public est celui dit d’adaptabilité ou
mutabilité. Présenté comme un corollaire du principe de continuité, il s’agit davantage
d’assurer au mieux, qualitativement, un service plutôt que de sa continuité dans le temps. Cela
signifie que le service public ne doit pas demeurer immobile face aux évolutions de la société ;
il doit suivre les besoins des usagers (ex : souplesse d’organisation des services publics) ainsi
que les évolutions techniques (ex : passage, au début du XXe siècle, du gaz à l’électricité).
À ces éléments s’est ajoutée la place traditionnellement importante de l’État en France. Depuis
l’époque de Colbert (XVIIe siècle), la puissance publique a toujours considéré qu’elle avait un
rôle à jouer dans le développement économique du pays. Le service public a souvent servi de
fondement à cette intervention économique étatique dans des domaines extrêmement variés :
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transports ferroviaires (Plan Freycinet à la fin du XIXe siècle), transports aéronautiques
(Concorde), téléphone (appui donné à l’entreprise Cit-Alcatel durant les années 1970)…
Dans le vocabulaire européen, on ne parle pas de services publics mais de services d’intérêt
général (SIG) et de services d’intérêt économique général (SIEG). Cependant, seuls les SIEG sont
mentionnés dans les traités européens, sans toutefois être définis.
Dans la pratique, les SIG désignent les services marchands et non marchands que les États
considèrent comme étant d’intérêt général et qu’ils soumettent à des obligations spécifiques
de service public. Les SIEG ont un sens plus restreint et désignent uniquement les services de
nature économique soumis à ces obligations de service public (ex : transports, services postaux,
énergie, communications). Ils constituent en quelque sorte un sous-ensemble des SIG. Seuls les
SIEG sont soumis aux règles de la concurrence, à la seule condition que l’accomplissement de
leur mission ne soit pas compromis.
Dans cette optique restrictive, plusieurs directives ont, ces dernières années, mis fin à la
situation de monopole de certains services publics (exemple de la directive qui a entraîné le
vote de la loi du 26 juillet 1996 consacrant la généralisation de la concurrence en matière de
télécommunications, ou encore de la directive du 12 décembre 2006 relative aux services dans
le marché intérieur, ou enfin des quatre "paquets ferroviaires" ayant entraîné une libéralisation
progressive dans ce domaine, composé de directives adoptées entre 2001 et 2016).
La Commission européenne a nourri le débat sur les services publics en publiant notamment
un Livre vert (2003) et un Livre blanc (2004) sur les SIG. Elle y rappelait qu’ils constituent un
élément essentiel du modèle de société européen, permettant d’améliorer la qualité de vie de
tous les citoyens et de lutter contre l’exclusion sociale. Il faut évoquer également une
communication de la Commission en date du 20 novembre 2007 relative aux services sociaux
d’intérêt général. Il résulte de ces différents textes que les SIG sont des activités de service,
marchands (par exemple, poste, énergie, télécommunications, transports, distribution de l’eau,
ramassage des ordures, télévision) ou non (régime légal de sécurité sociale, activité
hospitalière, éducation), considérées comme étant d’intérêt général par les autorités
publiques, et soumises comme telles à des obligations de service public.
Dans ces conditions, si le droit européen ne constitue pas nécessairement une menace pour
le service public français, il entraîne en revanche, nécessairement, des réformes de
l’organisation du service public "à la française".
L'administration d'État
L'administration centrale
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Quels sont les rôles respectifs du Président et du Premier ministre en
matière administrative ?
La Constitution de 1958 organise un partage des pouvoirs administratifs entre le président de
la République et le Premier ministre qui sont, avec les ministres, les autorités de
l’administration d’État.
L’administration lui est donc subordonnée, et est tenue d’exécuter les décisions
gouvernementales. Le Premier ministre nomme aux emplois civils et militaires et exerce le
pouvoir réglementaire, sous réserve des privilèges accordés au chef de l’État dans ces domaines
(art. 13).
Lors de la première cohabitation (1986-1988), s’est posée la question d’un droit de veto dont
disposerait le Président en refusant de signer ces textes, à l’exemple de François Mitterrand.
En effet, le Conseil des ministres ne peut l’y contraindre.
Cependant, ce n’est pas un pouvoir propre au chef de l’État, car le Premier ministre doit apposer
lui aussi sa signature sur ces actes de nomination : on parle de contreseing.
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Les services se trouvent généralement à Paris, à l’exception de certains d’entre eux (ex. : le
service des pensions du ministère de la Défense, situé à La Rochelle). Ils ont une mission
d’impulsion des politiques du ministère.
Ils sont chargés, en liaison avec le cabinet du ministre, de la mise en œuvre des directives du
gouvernement, de la préparation des projets de loi ou de décrets et des décisions ministérielles.
Composés de fonctionnaires, ils constituent des structures permanentes. Le personnel
administratif ne change pas avec le ministre.
Les directions (parfois directions générales) : elles peuvent être thématiques et correspondre
alors à un domaine d’activité du ministère, comme la direction de l’eau et de la biodiversité au
ministère de la transition écologique et solidaire, ou fonctionnelles et alors transversales,
comme les directions en charge des ressources humaines. Elles sont dirigées par des directeurs
nommés en conseil des ministres par le président de la République, qui n’est pas tenu de suivre
les propositions du gouvernement. L’organisation d’un ministère en directions ne peut être
modifiée que par un décret du Premier ministre contresigné par le ministre concerné.
Chaque direction comporte des subdivisions dont l’appellation varie selon les ministères. Il peut
s’agir de sous-directions, de services ou encore de divisions. À leur tête, les sous-directeurs, les
chefs de services ou de divisions sont nommés en vertu de règles statutaires.
L’unité de base au sein des différents ministères est le bureau dirigé par un chef de bureau.
Les services d'un ministère sont répartis entre une administration centrale, le plus souvent
localisée à Paris, et des services déconcentrés en région.
Les décrets d’attribution pris après la formation du gouvernement par le Premier ministre
déterminent les domaines d’intervention de chaque ministère. Chaque ministère dispose, pour
son fonctionnement, de crédits qui lui sont attribués chaque année par la loi de finances.
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Le nombre de ministères n’est déterminé ni par la Constitution, ni par la loi. Un décret
présidentiel nomme les membres du gouvernement. Leur nombre varie en fonction de critères
politiques (un ministre peut être chargé à la fois de l’économie et du budget, ou seulement du
budget, par exemple) ou des priorités du gouvernement.
Ainsi, la création d’un ministère ou d'un secrétariat d’État (qui correspond au dernier niveau
hiérarchique des ministères) peut mettre en valeur un objectif du gouvernement : en 1974, un
secrétariat d’État à la condition féminine est créé pour la première fois, par exemple.
L’administration centrale regroupe les services situés au siège du ministère, installé le plus
souvent à Paris. Il s’agit des directions générales, sous-directions et bureaux. Contrairement au
cabinet, ces structures sont permanentes car elles ne dépendent pas du ministre en place.
L'administration centrale est composée de fonctionnaires.
L'administration centrale impulse les grandes politiques du ministère et décide des modalités
d'application. Ainsi, à l’Éducation nationale, il revient à l’administration centrale de décider des
programmes ou de prévoir le nombre d’élèves.
Quel est le rôle des services déconcentrés ?
Les services déconcentrés mettent en œuvre localement les politiques décidées au niveau
central. Présents dans chaque circonscription, les services déconcentrés sont composés de
fonctionnaires placés sous l'autorité d'un préfet. Le rôle du préfet est de représenter l'État en
tenant compte des spécificités et des problématiques locales.
À l’Éducation nationale, par exemple, les services déconcentrés sont répartis en académies
(nouvelle fenêtre). Chaque académie est placée sous l'autorité d'un recteur.
Qu'est-ce qu'un cabinet ministériel ?
Le cabinet ministériel désigne l'ensemble des collaborateurs personnels choisis par le ministre.
Ils assistent et conseillent le ministre dans ses missions.
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Quel est le rôle du cabinet ?
Le cabinet tient un rôle à la fois politique et administratif auprès du ministre.
Il trouve son origine dans la nécessité, pour un ministre, de pouvoir compter sur une équipe
dévouée et proche de lui sur le plan politique (puisqu'il ne peut choisir les membres de son
administration).
Au fil du temps, le cabinet a pris une importance grandissante dans le fonctionnement politique
et administratif du Gouvernement. Un membre du cabinet assiste parfois, en lieu et place du
ministre, à des réunions interministérielles dont le but est d’arrêter des décisions
gouvernementales. Les membres du cabinet sont de plus en plus les interlocuteurs privilégiés
des services de l’administration centrale, rôle en principe tenu par les directeurs
d’administration centrale.
Quelle est l'organisation interne du cabinet ?
Il n’existe pas de règle juridique définissant une organisation particulière des cabinets
ministériels. Les ministres nomment librement les membres du cabinet (par arrêté), qui
peuvent appartenir au secteur privé ou à l’administration.
Depuis un décret de 1948, de nombreuses directives ou circulaires ont tenté d’imposer une
réduction des effectifs dans les cabinets.
Un décret du 19 mai 2017 relatif aux cabinets ministériels (nouvelle fenêtre) pris par le président
de la République Emmanuel Macron a d'abord limité le nombre de conseillers à dix pour un
ministre, huit pour un ministre délégué et cinq pour un secrétaire d’État.
Le décret a été modifié depuis 2017. Désormais, la limite est de quinze conseillers pour un
ministre, treize pour un ministre délégué et huit pour un secrétaire d’État. Le ministre en charge
de la santé peut, en plus des quinze conseillers, nommer un conseiller chargé du Covid-19.
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Quelle autorité dirige les services déconcentrées ?
Les ministères ont des services déconcentrés répartis en plusieurs niveaux géographiques. Ces
services sont généralement placés sous l’autorité d’un préfet :
Certains ministères (justice, administration fiscale, Éducation nationale) ont une organisation
spécifique et leurs services déconcentrés échappent à l'autorité du préfet. Par exemple, les
académies de l'Éducation nationale sont dirigées par un recteur.
Les services déconcentrés regroupent plus de 85% des agents de l’État. Les agents de l'État qui
travaillent dans les services déconcentrés ne doivent pas être confondus avec les agents
des collectivités territoriales qui appartiennent à la fonction publique territoriale.
La révision générale des politiques publiques (RGPP), initiée en 2007, modifie l’organisation des
services déconcentrés pour les rationaliser :
la direction départementale de la cohésion sociale (DDCS) : dans les départements de moins de 400
000 habitants, la DDPP et la DDCS peuvent être fusionnées dans une direction de la cohésion sociale et
de la protection des populations (DDCSPP) ;
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la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de
l’emploi (DIRECCTE) ;
la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL(nouvelle
fenêtre)) ;
la direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS) ;
la direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (DRAAF (nouvelle
fenêtre)) ;
la direction régionale des affaires culturelles (DRAC (nouvelle fenêtre)) ;
la direction régionale des finances publiques (DRFiP) ;
le rectorat d’académie (nouvelle fenêtre) ;
les agences régionales de santé (ARS (nouvelle fenêtre)).
Depuis le décret du 3 décembre 2009, il n’existe plus, en principe, que trois directions
départementales interministérielles : la direction départementale de la protection des
populations ; la direction départementale de la cohésion sociale ; la direction départementale
des territoires.
Depuis le décret du 16 février 2010, les directions régionales ne sont plus qu’au nombre de
huit : direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et
de l’emploi (DIRECCTE) ; direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du
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logement (DREAL) ; direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale
(DRJSCS) ; direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (DRAAF) ;
direction régionale des affaires culturelles (DRAC) ; direction régionale des finances publiques ;
rectorat d’académie ; agences régionales de santé (ARS).
Qui dirige au niveau local les services déconcentrés ?
Le corps des préfets dirige les services déconcentrés. Ainsi le préfet de région, qui est le préfet
du département où se trouve le chef-lieu de la région, représente l’État à l’échelon régional, le
préfet de département à l’échelon départemental et le sous-préfet à l’échelle de
l’arrondissement. Depuis un décret du 16 février 2010, le préfet de région a autorité sur les
préfets de département pour la mise en œuvre des politiques publiques (en dehors des
questions relatives au maintien de l’ordre public et au droit des étrangers).
Pour certains services dont les particularités sont importantes, il existe une direction propre
rattachée au ministère concerné. C’est le cas des services déconcentrés du ministère de la
Défense, dirigés par des préfets de zones de défense, ou de ceux de l’Éducation nationale
(académies) dirigés par les recteurs.
Les préfets et sous-préfets sont sous l’autorité directe du ministre de l’Intérieur et sont
les représentants personnels de chacun des ministres. Ils sont nommés par décret du président
de la République et sont astreints à une stricte loyauté à l’égard du gouvernement. En tant que
représentant du Gouvernement, ils doivent mettre en œuvre ses décisions en s’appuyant sur
les services déconcentrés de chacun des ministères. Ils dirigent également de nombreuses
réunions destinées à organiser des actions interministérielles nécessitant la participation de
plusieurs services déconcentrés, aussi bien en période normale (ex : politiques de sécurité)
qu’en période exceptionnelle (ex : tempêtes de décembre 1999, canicule de l’été 2003).
Néanmoins, cette position hiérarchique des préfets est toujours quelque peu contestée. En effet,
les moyens de communication modernes permettent aux services déconcentrés de prendre
l’avis de leur administration centrale plutôt que d’attendre les directives du préfet.
Les autorités administratives indépendantes
Comment les AAI et API sont-elles organisées ?
Bien qu’"indépendantes", les autorités administratives indépendantes (AAI) et les autorités
publiques indépendantes (API) sont liées budgétairement à un ministère. Leur budget est inscrit
au budget général du ministère ayant la compétence la plus proche de leur domaine
d’intervention. Il en va différemment pour celles qui, telle l’Autorité des marchés financiers
(AMF), se sont vu reconnaître la personnalité morale et bénéficient donc d’une autonomie
financière.
Les AAI et API sont des institutions collégiales, à l’exception du Défenseur des droits, du
Médiateur national de l’énergie et du Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Elles
sont dotées d’un président qui exerce l’autorité sur les services de l’AAI ou de l’API, fixe l’ordre
du jour des débats et peut disposer de pouvoirs propres.
Le mandat des membres est d’une durée de trois à six ans, renouvelable une fois et irrévocable
(sauf cas de manquement grave à leurs obligations légales ou d’incapacité définitive). Le cumul
des mandats de membre de plusieurs AAI ou API est interdit, sauf cas prévus par la loi. De plus,
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les lois de 2017 prévoient un certain nombre d’incompatibilités du mandat de membre d’une
AAI/ API avec l’exercice d’autres mandats ou fonctions.
L’importance des services des AAI ou API est très hétérogène. Il existe des services assez peu
étoffés, comme le Haut conseil du commissariat aux comptes, et d’autres plus nombreux, par
exemple, ceux de l’Autorité des marchés financiers ou du Conseil supérieur de l’audiovisuel.
Les personnels peuvent relever du droit privé et être recrutés par contrat, mais, dans de
nombreux cas, il s’agit de fonctionnaires détachés ou mis à disposition. Ainsi, le Défenseur des
droits est entouré de fonctionnaires, ce qui constitue un avantage certain, car ils connaissent
parfaitement les administrations avec lesquelles les administrés sont en conflit. Leur
intervention en est alors d’autant plus efficace.
Quelles sont les différentes autorités administratives indépendantes
(AAI) et autorités publiques indépendantes (API) ?
La loi du 20 janvier 2017 a fixé la liste des 24 autorités indépendantes : 17 autorités
administratives indépendantes (AAI) et 7 autorités publiques indépendantes (API).
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Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement
(CNCTR) ;
Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) ;
Commission nationale des comptes de campagne et des financements
politiques (CNCCFP) ;
Commission nationale du débat public (CNDP) ;
Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) ;
Défenseur des droits ;
Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement
supérieur (HCERES) ;
Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).
Cette mission implique la prise d’actes organisant le secteur, soumettant les entreprises à des
règles et les sanctionnant le cas échéant, mais aussi prenant en compte les demandes et les
besoins des acteurs de ce secteur. C’est une des particularités de ces autorités qui, plus que
l’administration "classique", doivent établir des relations de confiance avec les acteurs des
domaines qu’elles ont la charge de réguler.
Dans certains pays, aux États-Unis notamment, ces organismes ont été accusés de "faire corps"
avec le secteur concerné en omettant de le contrôler. De telles critiques ne sont pas d’actualité
en France, d’autant plus que la loi ordinaire du 20 janvier 2017 dispose que leurs membres
doivent veiller "à prévenir ou à faire cesser immédiatement tout conflit d’intérêts".
Quel est le rôle des AAI ou des API en matière de protection des droits
des citoyens ?
Dans ce second champ de leur activité, les AAI et API doivent veiller notamment à l’impartialité
des décisions de la puissance publique (ex. : absence de discrimination) et remédier aux
dysfonctionnements de l’administration.
C’est particulièrement le cas du Défenseur des droits créé par la révision constitutionnelle de
2008 (art. 71-1) et issu de la réunion de quatre institutions : le Médiateur de la République, le
Défenseur des enfants, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité et
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la Commission nationale de déontologie de la sécurité. Les lois organique et ordinaire du 29
mars 2011 ont précisé son statut et ses attributions.
Le Défenseur des droits peut être saisi directement et gratuitement par toute personne
physique ou morale afin de défendre les personnes dont les droits ne sont pas respectés et de
permettre l’égalité de tous dans l’accès aux droits.
La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), quant à elle, est chargée de
veiller au respect du droit pour toute personne "de décider et de contrôler les usages qui sont
faits des données à caractère personnel la concernant" dans les conditions fixées par la loi du
6 janvier 1978 qui l’a instituée.
Parmi les autres AAI/API œuvrant dans ce champ au sens large figurent :
conseiller aux opérateurs une pratique particulière (la Commission nationale de l’informatique
et des libertés - CNIL, par exemple),
tenter de trouver un compromis entre l’administration et un administré (le Défenseur des
droits, par exemple).
Certaines ont un pouvoir de décision individuelle : délivrer l’autorisation d’exercer une activité
ou un pouvoir de nomination, par exemple.
Réglementer et sanctionner
Elles peuvent aussi détenir un pouvoir de réglementation, consistant à organiser un secteur
d’activité en établissant des règles. Ce pouvoir réglementaire appartient en principe au Premier
ministre ou au président de la République. Il est reconnu de manière exceptionnelle, mais
limitée, à un organe indépendant du gouvernement. En effet, ce n’est pas un pouvoir
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réglementaire autonome : il s’applique uniquement à des mesures de portée limitée et dans le
respect des lois et décrets.
Les AAI et API peuvent disposer d’un pouvoir de sanction lorsqu'un acteur du secteur d’activité
contrôlé ne respecte pas les règles. Ainsi, l’Autorité de la concurrence ou l’Autorité des marchés
financiers peuvent infliger des amendes importantes. L'Arcom (ex. CSA) peut également
suspendre l’autorisation d’émettre d’une radio ne respectant pas ses obligations.
En plus de ces dispositions, la nomination du dirigeant de certaines AAI ou API par le président
de la République s’exerce après avis public de la commission permanente compétente de
chacune des deux assemblées. La liste des autorités concernées par cette procédure a été
complétée par la loi organique du 20 janvier 2017 en y ajoutant notamment la Commission
nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) et la Commission nationale des comptes de
campagne et des financements politiques.
À quelles obligations les membres des AAI et des API sont-ils soumis ?
Les membres des autorités administratives indépendantes (AAI) et des autorités publiques
indépendantes (API) sont d’abord tenus d’exercer leurs fonctions avec "dignité, probité et
intégrité" et doivent prévenir ou faire cesser immédiatement tout conflit d’intérêts (art. 9 de la
loi du 20 janvier 2017).
La fonction de membre d’une AAI ou d’une API est incompatible avec un certain nombre de
fonctions : celles notamment de chef d’un exécutif local (ex. : maire, président de conseil
départemental ou régional…), de président ou vice-président de certaines assemblée locales
ou d’outre-mer (ex. : président de l’Assemblée de Corse, de Martinique…), celles de chef
d’entreprise, gérant de société…
Lorsqu'ils exercent leur mandat à temps plein, les membres d’une AAI ou d’une API ne peuvent
exercer une activité professionnelle ou un emploi public. Seuls les travaux scientifiques,
littéraires, artistiques ou d’enseignement peuvent être autorisés par le président de l’autorité.
Les autres structures administratives
Que sont les services à compétence nationale ?
Ces services se situent à mi-chemin entre les administrations centrales et les administrations
déconcentrées. En effet, il s’agit de services dont les attributions ont un caractère national – à
la différence des services déconcentrés –, et dont l’exécution ne peut être déléguée à un
échelon territorial. Mais ils se distinguent également des services centraux, car leurs missions
ont un "caractère opérationnel" et, pour ceux placés sous l’autorité d’un ministre, ils
bénéficient d’une certaine autonomie.
Les services à compétence nationale ont été mis en place par le décret du 9 mai 1997 (modifié
par le décret du 30 juillet 2008) dans un souci de réorganisation de l’administration. Le texte
venait modifier la loi du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la République,
qui ne distinguait que deux types d’administrations : les administrations centrales et
déconcentrées. Ils ont été envisagés comme des outils permettant d’assumer des missions de
conception, d’animation et d’évaluation des politiques publiques.
Ainsi, ils remplissent des fonctions de gestion, d’études techniques, des activités de production
de biens ou de prestations de services. On peut citer les Archives nationales depuis le 1er
janvier 2007.
Les EPIC sont des organisations, pour la plupart régies par le droit privé, qui assurent la gestion
d'une activité de service public dans les domaines industriel et commercial (la RATP ou l'Opéra
national de Paris par exemple).
Les EPA sont des organisations de droit public qui exercent une mission d'intérêt général
dans tous les domaines autres que le commerce et l'industrie : la santé (comme l'établissement
français du sang), l'enseignement (comme les universités), etc.
Que sont les établissements publics administratifs (EPA) et industriels
et commerciaux (EPIC) ?
Les EPA et EPIC sont les deux régimes juridiques possibles d’un établissement public (EP). Ils se
distinguent par leur activité : service public administratif, pour les EPA, ou service public
industriel et commercial, pour les EPIC.
ses ressources (surtout redevances payées par les usagers pour les
EPIC) ;
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ses modalités de fonctionnement (identiques à ceux d’une entreprise
privée ou non).
Sont ainsi des EPA, les caisses nationales de la sécurité sociale, Pôle Emploi ou quelques musées
nationaux (ex : le musée du Louvre, le musée d’Orsay, le château de Versailles) et des EPIC, la
RATP ou encore les théâtres nationaux.
Les EPA et les EPIC ne sont pas soumis de la même façon au droit public. Ainsi, un EPA relève en
principe du droit public administratif : son personnel est composé d’agents publics, ses
décisions sont des actes administratifs et les conflits relèvent de la justice administrative sauf
exception.
En revanche, un EPIC est largement régi par le droit privé : son personnel est soumis en principe
au Code du travail et s’assimile très largement aux salariés du secteur privé, et les contrats qu’il
passe avec ses usagers relèvent du droit privé. Néanmoins, les frontières sont moins étanches
qu’il n’y paraît.
Enfin, pour distinguer les EPA et les EPIC, certains auteurs ont créé la distinction entre "activités
de plus grand service" et "activités de plus grand profit". Néanmoins, ces expressions ne sont
pas par elles-mêmes très révélatrices.
Qu’appelle-t-on démembrement de l’administration ?
L’expression "démembrement de l’administration" est apparue dans un rapport de 1960-1961
de la Cour des comptes, pour désigner la tendance de l’État à confier certaines de ses tâches à
une institution de droit privé, jouissant d’un régime juridique plus souple. L’État n’est pas la seule
personne morale de droit public à avoir recours à cette technique : les collectivités territoriales
et certains établissements publics (ex : universités) sont aussi concernés.
Le recours à cette technique est justifié par deux principaux objectifs. Le premier et le plus
fréquemment affiché est l’amélioration de l’efficacité de l’action administrative, les
administrations elles-mêmes étant gênées par la rigidité des règles du droit public. Le second
objectif, plus rarement évoqué, est de faire coopérer personnes publiques et personnes
privées.
Ce procédé est néanmoins critiqué. D'abord, échapper aux règles strictes du droit public ne
semble pas toujours une bonne chose, car certaines semblent essentielles (ex : celles de la
comptabilité publique pour contrôler l’emploi des deniers publics). Par ailleurs, l’efficacité du
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procédé n’est pas toujours démontrée : l’activité d’un démembrement peut continuer de
recouper celle d’un service administratif, ce qui est une source de dilution des responsabilités.
Enfin, le contrôle de l’administration sur ces démembrements apparaît insuffisant.
Le but poursuivi par la création des agences est de disposer de structures capables de répondre
à des besoins spécifiques. Ainsi, parmi les premières agences créées, on peut citer : l’Office
national des forêts (1964), l’Agence nationale pour l’emploi (1967), l’Agence nationale de
valorisation de la recherche (1967), le Conservatoire du littoral (1975).
certaines sont créées en réponse à des crises : Agence française de lutte contre le SIDA (1989),
face à l’épidémie de cette maladie ; Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (2004), à la
suite de la canicule du mois d’août 2003 ;
d’autres correspondent à l’émergence de nouvelles politiques publiques : Agence pour les
économies d’énergie (1974), après le premier choc pétrolier ; Agence nationale pour la
rénovation urbaine (2003), pour la réhabilitation des "quartiers difficiles" ;
d’autres encore sont créées pour coordonner des politiques décentralisées : Agence nationale
pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (Acsé), créée en 2006 et dissoute en janvier
2015 ;
certaines créations, enfin, visent à moderniser l’administration : Agence nationale de sécurité
sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), créée en 2010 par fusion
de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) et de l’Agence française de
sécurité de l’environnement et du travail (AFFSET).
Les agences, en France comme en Europe, se sont beaucoup développées. Dans son étude
annuelle 2012, "Les agences : une nouvelle gestion publique ?", le Conseil d’État en dénombrait
103, pour un budget de 330 milliards d’euros.
GIP, GIE, fondation : quelles différences ?
Les groupements d’intérêt public (GIP) sont des personnes morales de droit public – à caractère
administratif ou industriel et commercial –, tandis que les groupements d’intérêt économique
(GIE) et les fondations sont des personnes morales de droit privé. Par ailleurs, les GIP et les GIE
ont un objet relativement strictement défini, à la différence des fondations.
Les GIP sont apparus dans la loi du 15 juillet 1982 sur la recherche et se sont ensuite étendus à
d’autres domaines (ex : enseignement, sport, action sanitaire et sociale). Ils ont pour objet de
favoriser la coopération des personnes morales publiques et privées qu’ils regroupent en leur
sein pour gérer des équipements ou des activités d’intérêt commun. Ils peuvent être
rapprochés des établissements publics, qu’ils concurrencent. Le Conseil d’État, dans une étude
de 1996, a reconnu leur utilité tout en souhaitant une clarification de leur statut.
18
Les GIE ont été créés par l’ordonnance du 23 septembre 1967. Ils permettent également la
coopération entre personnes publiques et privées. Leur objet est de faciliter ou de développer
l’activité économique de leurs membres, sans toutefois réaliser des bénéfices sauf à titre
accessoire. Ainsi, l’organisation d’un colloque par un GIE, comprenant en son sein une ou des
universités, peut éventuellement générer des bénéfices, qui sont alors réinvestis dans l’activité
principale du groupement.
Une fondation est une personne morale de droit privé à but non lucratif, comme les associations.
Il s’agit d’affecter des biens à la réalisation d’une tâche ou d’une œuvre d’intérêt général dans
un but désintéressé (ex : nombreux hôpitaux, "Cité universitaire" à Paris) grâce à une libéralité
(donation, legs). Un décret peut lui accorder la personnalité juridique en la déclarant d’utilité
publique (fondations reconnues d’utilité publique ou RUP). Les fondations ont été, ces
dernières années, encouragées par plusieurs textes, notamment la loi du 4 juillet 1990 créant
les fondations d’entreprise et celle du 1er août 2003 sur le mécénat, les associations et les
fondations.
La fonction publique
Il existe un autre mode d’organisation possible pour la fonction publique : le système de l’emploi,
également appelé système des dépouilles ou spoil system. Le fonctionnaire est alors affecté à
un des emplois du service public et n’a pas nécessairement vocation à faire carrière au sein de
la fonction publique.
Dans cette organisation, un nouveau gouvernement doit pouvoir compter sur la loyauté
partisane des fonctionnaires, et donc remplacer ceux qui sont en place par des "fidèles".
Néanmoins, ce système, pratiqué aux États-Unis, est en pleine évolution, et fait une place de
plus en plus grande à des mécanismes de carrière.
Quelles sont les différentes catégories d’agents dans l’administration ?
Le terme "agents" désigne l’ensemble des personnels employés par l’administration. On
distingue plusieurs catégories d’agents, en fonction de leur régime (titulaires, non-titulaires de
19
droit public ou de droit privé) et de leur employeur (État, collectivités territoriales,
établissements publics).
Si le mot "fonctionnaires" est souvent employé dans le langage courant pour désigner
l’ensemble des agents publics de l’administration, juridiquement parlant, ils n’en forment qu’un
sous-ensemble, certes majoritaire (environ 4,150 millions, militaires inclus, sur un total de
5,526 millions d'agents au 31 décembre 2017 selon le rapport annuel 2019 de la fonction
publique).
Les agents titulaires se définissent par la permanence de leur emploi et leur titularisation dans
un corps et un grade. Ce sont des agents publics, dits "statutaires" car régis par un statut de
droit public, et non soumis à des contrats ou conventions collectives. On distingue les agents
titulaires de l’État (fonctionnaires de l’État proprement dits, magistrats, militaires, employés
des assemblées parlementaires) et les agents titulaires des collectivités territoriales et des
hôpitaux.
La catégorie des agents non titulaires s’est multipliée aussi bien au sein de l’administration
d’État que territoriale ou hospitalière. Elle présente des conditions plus souples de
recrutement. Il existe plusieurs régimes : agents auxiliaires, contractuels (en CDD ou CDI),
vacataires (payés à la vacation et souvent à temps partiel, par ex : médecin de dispensaire),
intérimaires.
À l’intérieur de cet ensemble, on distingue les agents non titulaires de droit public et les agents
non titulaires de droit privé. Depuis l’arrêt Berkani du Tribunal des conflits du 25 mars 1996, "les
personnels non statutaires travaillant pour le compte d’un service public à caractère
administratif sont des agents contractuels de droit public, quel que soit leur emploi". Les autres
– par exemple, les agents des services publics industriels et commerciaux (sauf exception), ou
ceux des caisses locales de sécurité sociale – relèvent du droit privé.
Les garanties reconnues à ces personnels non titulaires ont été améliorées, notamment par la
loi du 3 janvier 2001 sur la résorption de l’emploi précaire dans la fonction publique et la loi du
26 juillet 2005 transposant la directive européenne du 28 juin 1999 qui prévoit la
transformation automatique, au bout de 6 ans, des CDD en CDI. La loi dite "Sauvadet" du 13
mars 2012 a défini le dispositif de titularisation des agents contractuels en vigueur jusqu'en
mars 2018. La loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique accorde de
nouvelles garanties aux agents contractuels (portabilité du CDI), en même temps qu’elle facilite
considérablement leur recrutement (embauche possible de contractuels sur la majorité des
emplois permanents, les emplois de direction, par contrat de projet).
Que sont les grands corps de l'État ?
Il n’existe pas de définition juridique précise des grand corps de l’État. L'expression désigne
une institution administrative de haut niveau (inspection générale, Conseil d'État...) dont les
membres sont considérés comme les plus hauts fonctionnaires de l'État.
20
corps de l'État présentent des caractéristiques communes qui les distinguent des autres corps
de la fonction publique :
Les voies qui mènent aux grands corps sont peu nombreuses et particulièrement sélectives, ce
qui peut contribuer à la cohésion de leurs membres. Des critiques dénoncent une homogénéité
des fonctionnaires des grands corps (même origine sociale, même origine géographique, même
formation).
Les fonctionnaires
Qu'est-ce qu'un fonctionnaire ?
Un fonctionnaire est une personne employée par un organisme public dans un emploi
permanent. Il est titularisé à son poste dans un grade de la hiérarchie administrative. Il existe
21
trois catégories de fonctionnaires mais leur statut repose sur des critères communs.
Il existe trois catégories de fonctionnaires correspondant aux trois fonctions publiques : les
fonctionnaires de l’État, les fonctionnaires territoriaux et les hospitaliers.
En général, les fonctionnaires sont recrutés par concours. Les lauréats d’un concours de la
fonction publique effectuent souvent une période de stage pour vérifier leurs aptitudes. À la
fin de cette période, ils deviennent fonctionnaires par leur titularisation. Il s’agit d’un acte pris
par une autorité de l’administration qui les emploie (un décret du président de la République
pour nommer les préfets, par exemple). Elle constitue une garantie obligeant l’administration
à trouver au fonctionnaire un emploi correspondant à son grade en cas de suppression de son
poste.
Qu'est-ce que le statut général des fonctionnaires ?
Le statut des fonctionnaires comprend des règles applicables à tous les agents.
Contrairement aux personnels du secteur privé, la situation des fonctionnaires n’est pas régie
par un contrat. Les fonctionnaires sont placés sous un régime de droit public. En principe, seuls
la loi et le règlement organisent leur statut. Cela n’empêche pas, en pratique, les fonctionnaires
de participer à la détermination de leurs conditions de travail. Ils le font grâce à :
L'ensemble des mesures concernant les agents des trois fonctions publiques (recrutement,
rémunération, carrière, par exemple) sont regroupées dans le code général de la fonction
publique (CGFP)(nouvelle fenêtre) depuis mars 2022. La partie législative du code rassemble les
quatre grandes lois statutaires de la fonction publique (dites Le Pors) de 1983, 1984 et 1986.
22
S'il existe un statut général de la fonction publique s’appliquant, sauf dispositions contraires, à
tous les fonctionnaires, il faut néanmoins distinguer trois versants de la fonction publique :
la fonction publique territoriale, regroupant les fonctionnaires travaillant pour les collectivités
territoriales (régions, départements, communes et leurs établissements publics) ;
la fonction publique hospitalière (agents travaillant dans les établissements publics de santé,
établissements sociaux ou médico-sociaux comme les hôpitaux publics et les maisons de
retraite).
Corps et catégories
À l’intérieur de chacune des trois fonctions publiques, les fonctionnaires sont regroupés dans :
les C à des fonctions d’exécution (aide-soignant, agent territorial spécialisé des écoles
maternelles - ATSEM, etc.).
Certaines catégories de fonctionnaires ont en outre un statut particulier. Par exemple, il existe
un statut particulier pour les magistrats, défini par une loi organique, afin d’assurer leur
nécessaire indépendance. Les fonctionnaires de la police nationale ne disposent pas du droit
de grève, de même que les militaires qui ne peuvent pas non plus adhérer à un syndicat.
Comment devient-on fonctionnaire ?
La règle de principe du recrutement des fonctionnaires est celle du concours au terme duquel
les meilleurs candidats sont admis.
Le concours apparaît comme le plus efficace des systèmes. Il permet, d’une part, d’assurer
l’égalité d’accès des candidats en évitant les discriminations à l’embauche et, d’autre part,
de vérifier les compétences des candidats. Si ce système n’est pas le plus satisfaisant, il semble
être en tous cas le moins mauvais car d’autres solutions n’apportent pas les garanties
d’impartialité et de compétence suffisantes.
Pour se porter candidat à un concours de la fonction publique, il faut satisfaire à des conditions
d’âge, de diplômes, avoir la nationalité française ou celle d’un des pays de l’Union européenne
ou de l'Espace économique européen et jouir de ses droits civiques. Les candidats européens
n'ont toutefois pas accès aux emplois dits de "souveraineté" (par exemple, certains emplois de
secteurs régaliens comme la défense ou les affaires étrangères).
Lors du déroulement d’un concours, les deux principes essentiels sont l’égalité entre les
candidats et l’impartialité du jury. L’égalité entre candidats est assurée par plusieurs éléments :
la gratuité de la participation.
L’impartialité, quant à elle, fait l’objet d’un contrôle sévère du juge administratif. Les membres
du jury ne peuvent faire savoir à l’avance qu’ils refuseront certains candidats (ex : un maire,
président de jury, ayant fait savoir qu’il refuserait par principe la réussite des femmes au
concours…). Les proches d’un candidat ne peuvent bien évidemment pas siéger dans le jury
d’un concours.
En revanche, s’il est saisi d’une requête dirigée contre les modalités d’organisation ou de
déroulement d’un concours, le juge administratif ne s’estime pas compétent pour juger
l’appréciation portée par le jury sur la valeur des épreuves, écrites ou orales.
Toutefois, d’autres voies de recrutement que le concours existent. Il est possible de devenir
fonctionnaire :
après avoir suivi une période de stage dans certains corps ou cadres d'emplois de catégorie C ;
par la voie du parcours d’accès aux carrières de la fonction publique territoriale, hospitalière et
d’État (PACTE). Il s’agit d’une formation en alternance ouverte aux jeunes de 16 à 28 ans pas ou
peu diplômés ainsi qu'aux chômeurs de longue durée âgés de plus de 45 ans. À l’issue de leur
formation, les bénéficiaires peuvent devenir fonctionnaire de catégorie C ;
après un CDD si on a la qualité de personne handicapée ;
suivant le dispositif des emplois réservés (pensionnés, militaires et leurs familles proches).
24
le droit à rémunération et à pension de retraite : le fonctionnaire a droit à une rémunération
après service fait, qui se décompose en un traitement, des primes et indemnités. Ce droit est
prolongé à la retraite par le versement d’une pension ;
le droit à l'avancement ;
le droit à des congés : congés annuels, de formation, maternité, parental ou maladie ;
le droit à la formation professionnelle, reconnu comme un droit par la loi du 13 juillet 1983 (art.
22). Depuis le 1er janvier 2017, le compte personnel de formation (CPF) a succédé au droit
individuel à la formation (DIF) ;
Le droit à la participation : en application de l’article 9 de la loi du 13 juillet 1983, les
fonctionnaires participent par l'intermédiaire de leurs délégués siégeant dans les instances de
dialogue social à l'organisation et au fonctionnement des services publics, à l'élaboration des
règles statutaires, à la définition des orientations en matière de politique de ressources
humaines et à l'examen de décisions individuelles. Ils participent également à la définition et à
la gestion de l'action sociale, culturelle, sportive et de loisirs dont ils bénéficient ou qu'ils
organisent ;
le droit à la protection de l’administration : lorsqu'un fonctionnaire est mis en cause pour des
faits liés à l’exercice de ses fonctions ou s’il est victime d’attaques à raison de ses fonctions ou
en sa qualité de fonctionnaire (menaces, injures, violences, harcèlement, diffamations, etc.),
l’administration doit lui accorder sa protection (frais d’avocat, de procédure). Elle peut, le cas
échéant, être tenue de réparer le préjudice subi par l’agent ;
Le droit à la protection du "lanceur d’alerte" : l’agent qui relate ou témoigne, de bonne foi, aux
autorités judiciaires ou administratives d’un délit, d’un crime, d'une situation de conflit
d’intérêts ou lance une alerte éthique (violation grave d'une loi ou d'un engagement
internationale, menace grave pour l'intérêt général, etc.) est protégé contre toute sanction ou
discrimination (concernant sa rémunération, sa promotion, etc.). Il en est de même pour l'agent
qui dénonce des agissements contraires au principe de non-discrimination, sexistes ou relevant
d’un harcèlement moral ou sexuel.
Les obligations des fonctionnaires sont précisées dans le chapitre IV de la loi du 13 juillet
1983(nouvelle fenêtre). Les obligations de dignité, d’impartialité, d’intégrité et de probité,
consacrées depuis longtemps par le juge administratif, ont été inscrites dans le statut général
par la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des
fonctionnaires.
L'obligation d'effectuer les tâches confiées : le fonctionnaire, quel que soit son niveau
dans la hiérarchie, est responsable de l'exécution des tâches qui lui sont confiées. Il n'est
pas dégagé de ses responsabilités par "la responsabilité propre de ses subordonnés".
L'obligation d'obéissance hiérarchique : le fonctionnaire est lié par le principe
hiérarchique. Il doit se conformer aux ordres de ses supérieurs, sauf lorsque "l'ordre
donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt
public".
L’obligation de se consacrer entièrement à ses fonctions : en principe, un fonctionnaire
ne peut pas cumuler ses fonctions avec une autre activité, privée ou publique. Il existe
néanmoins des exceptions et dérogations, par exemple pour les activités
d’enseignement ou d’écriture ou pour la création ou la reprise à temps partiel d'une
entreprise.
25
L’obligation de dignité signifie que le fonctionnaire ne doit pas, par son comportement,
porter atteinte à la réputation de son administration (dénonciation calomnieuse,
scandale public en état d’ébriété…).
L’obligation d’impartialité exige du fonctionnaire de se départir de tout préjugé d'ordre
personnel et d’adopter une attitude impartiale dans ses fonctions.
L’obligation de probité impose au fonctionnaire de ne pas utiliser ses fonctions pour en
tirer un profit personnel. Le principe d'intégrité est proche de celui de probité. Il
nécessite également du fonctionnaire d’exercer ses fonctions de manière
désintéressée.
L’obligation de neutralité et de respect du principe de laïcité : ces obligations anciennes
ont été aussi introduites en 2016 dans la loi du 13 juillet 1983. Le fonctionnaire
doit traiter de façon égale tous les usagers, indépendamment de leurs origines, leur
sexe, leurs convictions politiques ou religieuses, et respecter leur liberté de conscience
et leur dignité. Il lui est interdit de manifester ses opinions religieuses durant son
service. Une circulaire du Premier ministre du 13 avril 2007, relative à la charte de la
laïcité dans les services publics(nouvelle fenêtre), rappelle les devoirs des fonctionnaires
en la matière.
L’obligation de faire cesser ou prévenir les situations de conflit d’intérêts : cette
obligation date de la loi du 20 avril 2016. Le fonctionnaire doit veiller à mettre fin
immédiatement ou à prévenir les situations de conflit d'intérêts dans lesquelles il se
trouve ou pourrait se trouver. Le conflit d’intérêts est défini comme "toute situation
d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés, de nature à
influencer ou paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif des
fonctions".
Les obligations de secret professionnel et de discrétion professionnelle : les
fonctionnaires sont tenus au secret professionnel dans le cadre des règles instituées par
le code pénal. Ils doivent, par ailleurs, faire preuve de discrétion professionnelle pour
tous les faits, informations ou documents dont ils ont connaissance dans l'exercice ou à
l'occasion de l'exercice de leurs fonctions.
Le devoir d’information : les fonctionnaires doivent satisfaire aux demandes
d'information du public. Cette obligation est la traduction statutaire du principe de libre
accès aux documents administratifs. Le devoir d’information est toutefois limité par le
secret professionnel et par l'obligation de discrétion professionnelle.
L’obligation de réserve contraint le fonctionnaire, à qui la liberté d’expression est
garantie, d’observer une retenue dans l’expression de ses opinions, notamment
politiques (par exemple propos violents ou injurieux). Cette obligation ne figure pas
dans la loi du 13 juillet 1983. Elle est appréciée par le juge administratif.
Depuis 2017, certains hauts fonctionnaires sont soumis à des obligations déontologiques
particulières (déclaration d’intérêts, etc.).
Le contrôle déontologique des fonctionnaires a été modifié, en dernier lieu, par la loi du 6 août
2019 de transformation de la fonction publique(nouvelle fenêtre) (suppression de la commission
de déontologie de la fonction publique, nouveau rôle confié à la Haute autorité de transparence
de la vie publique, pour les postes exposés, contrôle du rétro-pantouflage (fait pour un
fonctionnaire de réintégrer ou d'intégrer l'administration après avoir travaillé dans le privé).
26
L'action de l'administration
Contrairement à un contrat, qui repose sur l’accord des deux parties, un acte administratif ne
requiert pas le consentement des administrés. C’est pourquoi on dit qu’il est unilatéral. L'AAU
peut être établi par une personne publique, mais aussi par une personne privée chargée de la
gestion d’un service public administratif, ou plus rarement d’un service public à caractère
industriel et commercial. Néanmoins, tout acte pris par une personne publique n’est pas un
AAU (ex : actes législatifs).
Toutefois, certaines décisions administratives peuvent échapper à cette dichotomie. Ainsi, les
circulaires, qui en principe ne sont pas réglementaires – elles n’ajoutent pas d’éléments à la loi
mais l’explicitent –, ont parfois une portée réglementaire. Elles sont alors le plus souvent
illégales, car rédigées par les ministres qui ne disposent pas en principe du pouvoir
réglementaire, sauf par délégation.
27
Actes administratifs unilatéraux, contrats administratifs : quelles
différences ?
Les actes administratifs unilatéraux (AAU) sont un moyen d’action unilatérale de
l’administration envers ses administrés par lequel elle leur impose sa volonté, tandis que les
contrats administratifs sont un procédé d’action bilatéral, qui suppose un échange de volontés
et l’accord des deux parties.
Le contrat peut paraître plus propice à l’association des administrés à l’action administrative.
C’est ce qui explique, pour ses promoteurs, une certaine vogue de la contractualisation dans le
droit administratif français (notamment, contrats de plan entre l’État et les régions, dont
l’actuelle génération a commencé en 2015 pour une durée de cinq ans). En réalité, il convient
de nuancer fortement cette appréciation. En effet, d’une part, les prérogatives de
l’administration sont importantes dans le cadre contractuel, et d’autre part, plusieurs
procédures consultatives se sont développées, depuis une vingtaine d’années, au sein de
l’action unilatérale de l’administration associant de façon efficace les administrés aux projets
d’actes administratifs (ex : les commissions de coordination des actions de prévention des
expulsions locatives instituées par la loi du 25 mars 2009, devant lesquelles l’administré
concerné se présente avant toute décision d’expulsion).
Mais le nombre d’auteurs du texte ne différencie pas l’AAU (un auteur) du contrat administratif
(plusieurs signataires). En effet, les AAU sont parfois l’œuvre de plusieurs autorités. Ainsi,
lorsque des mesures prises par l’État concernent plusieurs départements, elles peuvent être
mises en œuvre par plusieurs préfets à la fois grâce à un arrêté interpréfectoral. De même, au
niveau central, une mesure portant sur l’industrie du cinéma, intéressant à la fois le ministre
chargé de l’Économie et celui de la Culture, peut prendre la forme d’un arrêté interministériel.
En quoi consistent les contrats administratifs ?
Les contrats administratifs sont une catégorie de contrats conclus par l’administration, qui peut
également signer des contrats de droit privé.
Les contrats – administratifs ou privé – constituent, avec les actes administratifs unilatéraux,
le second moyen d’action de l’administration dans ses relations avec les administrés.
Tout d’abord, si la loi le qualifie comme tel (ex : les marchés de travaux publics par la loi du 28
pluviôse an VIII) ou si un texte déclare le juge administratif compétent pour régler les conflits
sur le contrat de l’administration dont il traite.
Sinon, en l’absence de qualification du contrat par un texte, des critères dégagés par la
jurisprudence doivent être présents :
le contrat contient des clauses qu’on ne trouverait pas dans un contrat privé et qui confèrent à
la personne publique des prérogatives ou des avantages exorbitants, ou imposent à son
28
cocontractant des obligations ou des sujétions exorbitantes (on parle de clauses exorbitantes
du droit commun).
On distingue plusieurs types de contrats administratifs dont les principaux sont les marchés
publics, les contrats de concession et les contrats de partenariat public-privé.
Selon le code de la commande publique, un marché de partenariat "est un marché public qui a
pour objet de confier à un opérateur économique ou à un groupement d'opérateurs
économiques une mission globale ayant pour objet la construction, la transformation, la
rénovation, le démantèlement ou la destruction d'ouvrages, d'équipements ou de biens
immatériels nécessaires au service public ou à l'exercice d'une mission d'intérêt général et tout
ou partie de leur financement." (article L1112-1(nouvelle fenêtre)).
Le marché de partenariat est un contrat à paiement public différé. Le cocontractant privé est
rémunéré sous forme de loyers à compter de la mise à disposition des ouvrages construits.
Cette rémunération est liée à des critères de performance fixés par le contrat pour chacune de
ses phases.
L'ordonnance du 23 juillet 2015 prévoit que l'acheteur public peut financer en partie le projet
:
La passation d'un marché de partenariat doit être autorisée par l'autorité compétente
(ministres chargés du budget et de l'économie pour les marchés passés par l'État).
Pourquoi des PPP ?
Inspirés d’exemples étrangers (la "Project Finance Initiative" lancée au Royaume-Uni en 1992),
les PPP sont créés en France par une ordonnance du 17 juin 2004 sous la forme de "contrat de
29
partenariat". L'objet de ces contrats est de sortir des limites inhérentes aux deux formes
classiques de contrats administratifs : la délégation de service public et le marché public.
Les contrats de partenariat autorisent une plus grande souplesse de gestion pour la personne
publique, tout en assurant qu’elle reste en charge de la gestion du service public. Toutefois,
l'Inspection générale des finances constate dès 2012 que l'association du secteur privé à
l'exercice de prérogatives qui relèvent de la puissance publique, peut soulever des
interrogations.
Depuis la signature du premier PPP en 2005 (construction de l'Institut de la vision dans le XIIe
arrondissement de Paris), de nombreux PPP ont été signés, parmi lesquels :
À partir de 139 000 € (144 000 avant le 1er janvier 2020) pour l’État et ses établissements
publics, l’acheteur public doit respecter une procédure formalisée : appel d’offres, procédure
concurrentielle (avec négociation ou avec mise en concurrence préalable), dialogue compétitif.
Si la valeur estimée du marché est inférieure aux seuils de procédure formalisée, l’organisme
public peut recourir à une procédure adaptée dont il détermine librement les modalités.
Pour les marchés à partir de 90 000€ HT, la publicité est obligatoire : publication au BOAMP ou
dans un journal habilité à recevoir des annonces légales, et à partir de 144 000€, publication
30
au Journal officiel de l’Union européenne. Pour les marchés compris entre 25 000 et 40 000€
HT, il est possible de ne publier, sur le support choisi par l'acheteur, uniquement cinq données
sur le marché public (auparavant 16 données essentielles devaient être publiées).
Depuis le 1er janvier 2020, la procédure dématérialisée (par voie électronique) est obligatoire
pour les marchés dont le montant estimé est égal ou supérieur à 40 000€ hors taxe.
L’entreprise qui passe contrat avec une personne publique subit un certain nombre de
contraintes. Ainsi, l’administration dispose d’un droit de direction et de contrôle de l’exécution
du contrat lui permettant, par exemple, de vérifier l’état d’avancement des travaux. Elle peut
aussi sanctionner l’entreprise défaillante par des pénalités de retard ou par la résiliation du
contrat.
Une fois l'habilitation accordée, les ordonnances sont prises en Conseil des ministres et doivent
être signées par le président de la République. Une controverse a existé pour savoir si le chef de
l’État était obligé de les signer. Le Président Mitterrand a, quant à lui, refusé d’en signer
plusieurs pendant la première cohabitation (1986-1988).
Les ordonnances entrent en vigueur dès leur publication au Journal officiel. Un projet de loi de
ratification doit être déposé devant le Parlement, qui peut :
31
Le processus d'adoption d'une ordonnance
lorsqu'un projet de loi de ratification d'une ordonnance a été déposé dans le délai fixé par la loi
d'habilitation ;
et que le Parlement ne s'est pas prononcé sur cette ratification ;
l'ordonnance non ratifiée bénéficie rétroactivement d'une valeur législative, c'est à dire qu'elle
intègre la législation sans être débattue au Parlement.
32
Depuis le début des années 2000, le nombre d’ordonnances est en forte augmentation. Les
gouvernements ont souvent utilisé à cette procédure pour des sujets techniques ou des
réformes délicates (comme les "ordonnances Covid-19" de mars à juin 2020, par exemple).
Une étude du Sénat de juin 2022(nouvelle fenêtre) montre que le nombre d'ordonnances
publiées chaque année est supérieur au nombre de lois promulguées. Entre mai 2012 et mai
2022, le rapport comptabilise 621 ordonnances publiées (soit une hausse de 85% par rapport
à la période 2004-2012). Des évolutions de fond sont également constatées :
les ordonnances ne sont plus uniquement utilisées pour des sujets techniques
(simplification du droit, application outre-mer...) mais elles concernent des sujets de
nature plus politique ;
la ratification par le Parlement est de moins en moins systématique (20,3% des
ordonnances publiées pendant le premier quinquennat d'Emmanuel Macron, entre
2017 et 2022, ont été ratifiées). Néanmoins, il est très rare qu'une ordonnance
devienne caduque (une seule ordonnance depuis 2007) car le Gouvernement respecte
l'exigence du dépôt d'un texte de ratification dans le délai fixé par la loi d'habilitation.
La portée des décrets est variable selon le public qu'il vise. On dit que le décret est :
les décrets d'application, qui précisent les modalités d'application d'une loi ;
les décrets autonomes, qui traitent des sujets ne relevant pas du domaine de la loi.
les décrets délibérés en Conseil des ministres sont les plus importants et sont signés par le
président de la République (selon la procédure décrite à l'article 13 de la Constitution) ;
33
les décrets en Conseil d’État quand la consultation du Conseil d'État est obligatoire (par exemple
pour les décrets qui modifient des lois antérieures à 1958) signés par le Premier ministre après
avoir été soumis au Conseil d'État pour avis ;
enfin, les décrets simples, eux aussi pris par le Premier ministre, constituent le mode le plus
fréquent d’exercice du pouvoir réglementaire.
Les décrets sont publiés au Journal Officiel. Lorsque des procédures exigées par les textes
(signature d’un décret pris en Conseil des ministres par le chef de l’État, par exemple) ne sont
pas respectées, le décret peut être annulé par le Conseil d’État.
L'arrête peut émaner des ministres, des préfets, des maires, des présidents de conseil
départemental ou de conseil régional. Le président de la République et le Premier ministre
peuvent toutefois recourir aux arrêtés pour organiser leurs services. Les arrêtés sont des actes
administratifs unilatéraux.
Il faut préciser que les arrêtés peuvent avoir plusieurs auteurs. Ainsi, il existe des arrêtés signés
par différents ministres, lorsque ceux-ci interviennent dans le champ de compétence de
plusieurs départements ministériels. De même, il peut exister des arrêtés signés par plusieurs
préfets s’ils concernent différents départements.
Sur le plan de la forme, l’arrêté, comme le décret, comporte à la fois des visas, rappelant les
textes qui le fondent, et un dispositif précisant le contenu de l’acte et ses effets juridiques. Ce
dispositif se présente en principe, mais ce n’est pas une obligation, en un ou plusieurs articles.
Dans la hiérarchie des normes, l’arrêté est inférieur au décret. Comme c’est le cas pour le
décret, la portée de l’arrêté peut être variable. Il peut être réglementaire, lorsqu'il pose une
règle générale (ex : arrêté municipal interdisant à toute personne circulant dans une rue d’y
stationner), ou individuel (ex : nomination d’un fonctionnaire).
Une circulaire peut aussi prendre la forme d'une note de service ou d'une instruction.
34
Le code des relations entre le public et l'administration(nouvelle fenêtre) impose la publication
électronique de toutes les circulaires de l'État sur un site relevant du Premier ministre (site
Légifrance). Une circulaire qui ne serait pas publiée sur ce site dans un délai de quatre mois ne
peut en aucun cas être opposée aux administrés.
Entre 2012 et 2018, plus de 1000 circulaires par an ont été mises en ligne sur Légifrance(nouvelle
fenêtre). Depuis 2019, leur nombre est en forte baisse.
les "circulaires interprétatives", qui rappelaient ou commentaient le texte (loi, décret surtout).
Elles ne créaient pas de règle nouvelle, et les administrés ne pouvaient pas les attaquer devant
le juge administratif ;
les "circulaires réglementaires" qui ajoutaient des éléments au texte et créaient des règles
nouvelles. Les administrés pouvaient alors attaquer ces circulaires devant le juge administratif.
Depuis un arrêt du Conseil d'État de 2002 (arrêt du Conseil d'État Mme Duvignères(nouvelle
fenêtre)), la distinction entre circulaires interprétatives et réglementaires n'a plus cours. Le
Conseil d’État a fixé un nouveau critère de recevabilité pour les recours contre les circulaires :
le caractère impératif. Toute circulaire ayant des dispositions à caractère impératif est
désormais attaquable.
Si l’ordonnance a été ratifiée, elle a la valeur la plus élevée puisqu'elle a la même valeur qu’une
loi. S’agissant des autres textes, plus leur auteur est élevé dans la hiérarchie administrative,
plus leur valeur est grande. Ainsi, les décrets l’emportent toujours sur les arrêtés. Les circulaires
n’ont pas, en principe, la valeur d’une décision.
Au sein de chaque catégorie, le principe demeure le même. C’est pourquoi un décret délibéré
en Conseil des ministres, parce qu’il est signé par le président de la République, est supérieur
aux décrets signés par le Premier ministre. De la même façon, l’arrêté pris par un ministre
l’emporte sur un arrêté signé par un préfet, qui lui-même est supérieur à un arrêté municipal.
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L'encadrement de l'action de l'administration
Pouvoir discrétionnaire, d'appréciation, comment l'administration peut-
elle agir ?
L'action de l'administration est très encadrée. Sa marge de manœuvre, qui peut varier selon les
situations, est déterminée par la loi.
Ainsi, dans de nombreux cas, l'administration ne dispose que d'une compétence liée, c'est-à-
dire qu'elle a pour rôle d'appliquer les textes de loi. Par exemple, si une personne souhaite et
peut bénéficier d'une aide (comme les aides au logement), l'administration doit faire en sorte
qu'elle perçoive le montant auquel elle est éligible.
Dans d’autres cas, l’administration est en mesure de juger elle-même d'une situation. Elle reste
néanmoins soumise au principe de légalité, ce qui signifie qu'elle doit agir en conformité avec
la loi. On dit que le pouvoir de l'administration est :
Plus le sujet est technique, plus le juge administratif a tendance à considérer que
l’administration doit disposer d’un pouvoir discrétionnaire.
Quel contrôle le juge administratif exerce-t-il ?
Le juge administratif s'assure de la légalité des actes administratifs.
Le recours le plus fréquent auquel doit répondre le juge administratif est le recours pour excès
de pouvoir, qui demeure le principal moyen de contestation de la légalité des actes
administratifs. Dans ce type de procédure, le juge administratif a pour rôle de protéger les
droits et les devoirs des administrés en s'assurant que les décisions prises par l'administration
ne sont pas sorties du cadre légal.
Le contrôle effectué par le juge administratif peut évoluer avec le temps. Ainsi, dans certains
domaines soumis au pouvoir discrétionnaire de l’administration, on est passé d’une absence
de contrôle à un contrôle minimal, voire renforcé (par exemple dans le cas d'une erreur
manifeste d'appréciation, qui désigne une disproportion excessive entre les faits et la décision
prise par l'administration).
Les décisions prises dans le cadre d’un pouvoir discrétionnaire n’échappent pas au droit et
peuvent également faire l'objet d’un contrôle par le juge.
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Qu’est-ce que le principe de légalité ?
Le principe de légalité se définit comme la soumission de l’administration au droit.
Une norme établie par l’administration (ex : décret, arrêté) doit donc toujours être conforme à
celles qui lui sont supérieures (obligation de conformité). Le terme "légalité" indique que la loi
est la norme supérieure essentielle à respecter pour l’administration. Mais elle est loin d’être
la seule.
La norme constitutionnelle doit être respectée par l’administration, lorsqu'un acte administratif
fait directement application de la Constitution. En revanche, lorsqu'un acte administratif est
conforme à une loi dont il fait application, le juge administratif ne le sanctionne pas s’il viole
une disposition constitutionnelle. En effet, il sanctionnerait alors l’inconstitutionnalité de la loi,
ce qui est du ressort du Conseil constitutionnel (théorie de la « loi-écran »).
Les traités et conventions internationales doivent être respectés, même lorsqu'une loi contraire
à ces textes est adoptée ensuite, depuis un arrêt de principe de 1989 (Conseil d’État, 20 octobre
1989, Nicolo).
Les principes généraux du droit : les administrations doivent également respecter des principes
non écrits, dégagés par le juge administratif, et qui ont une valeur supérieure aux normes
administratives.
Enfin, au sein même des actes administratifs, il existe une hiérarchie : les normes réglementaires
ont une valeur supérieure à celle des actes individuels (ex : arrêté de nomination). De plus, pour
un même type d’actes, celui qui émane de l’autorité administrative supérieure l’emporte.
Pour sanctionner l’illégalité d’un acte administratif et l’annuler, il existe deux types de
contrôles : le contrôle administratif, exercé par l’auteur de l’acte lui-même ou son supérieur
hiérarchique, et le contrôle juridictionnel exercé par le juge administratif (procédure du recours
pour excès de pouvoir).
Quelles sont les différentes formes de responsabilité de l'administration
?
L’administration est soumise au principe de responsabilité, qui l’oblige à réparer les dommages
causés par son fait. Ce principe peut prendre plusieurs formes.
Dans les autres cas, la responsabilité est dite "extracontractuelle", car elle ne trouve pas son
fondement dans un contrat. La responsabilité peut alors être :
une responsabilité pour faute : la victime doit alors démontrer une faute de l’administration ;
une responsabilité sans faute : il faut seulement prouver que le dommage est en lien avec une
activité de l’administration, qui n’a pas commis de faute pour autant.
37
Lorsque la responsabilité est pour faute, celle-ci peut être qualifiée de simple ou lourde. En
principe, une faute simple suffit aujourd’hui à engager la responsabilité de l’administration,
mais dans certains cas une faute lourde demeure exigée.
Lorsque la responsabilité est sans faute, elle peut être de deux types :
soit "pour risque" (ex : dommages liés à des travaux publics, à l’utilisation de matériels
dangereux comme des explosifs, à des risques subis par les agents pendant leur service) ;
soit pour "rupture d’égalité devant les charges publiques" du fait d’une loi ou d’une décision
légale (ex : une loi interdit la commercialisation d’un produit qui a fait la fortune d’une
entreprise, ruinant de ce fait cette dernière).
Ainsi, le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) établit que les entreprises
chargées de services d’intérêt économique général sont soumises aux règles définies par le
traité en matière de concurrence (art. 106-2 TFUE). En droit français, l’ordonnance du 1er
décembre 1986 sur la liberté des prix et de la concurrence a précisé que les règles qu’elle
définissait en la matière s’appliquaient également aux activités de production, de distribution
et de services des personnes publiques (art. 53).
Ces évolutions juridiques se sont traduites notamment dans le secteur des télécommunications
et de l’énergie. Ainsi, la loi du 31 décembre 2003 a redéfini le service universel de
télécommunications en précisant qu’il peut être attribué à d’autres opérateurs que France
Télécom, dont elle a prévu la privatisation (effective en septembre 2004). De même, la loi du 3
janvier 2003 a permis le développement de la concurrence dans les secteurs du gaz et de
l’électricité. EDF et GDF sont d’ailleurs devenus des sociétés anonymes en novembre 2004,
jusqu'à ce que GDF fusionne avec la société Suez en 2008, la participation de l’État au capital
devenant alors minoritaire (l’entreprise a été renommée Engie en 2015).
L’administration est-elle soumise au principe de précaution ?
Le principe de précaution s’impose aux administrations. Il les oblige à développer en leur sein
des procédures de prévision et d’évaluation afin de tenter de prévenir les risques majeurs
pouvant conduire à l’engagement de leur responsabilité.
Le principe de précaution a été introduit en droit français par la loi Barnier du 2 février 1995 sur
le renforcement de la protection de l’environnement. Selon ce principe, "l’absence de
certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas
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retarder l’adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de
dommages graves et irréversibles à l’environnement à un coût économique acceptable".
Le Conseil d’État a fait application de ce principe. Dans son arrêt Association Greenpeace
France du 25 septembre 1998, il a prononcé sur ce fondement un sursis à exécution d’un arrêté
du ministère de l’Agriculture et de la Pêche qui autorisait la commercialisation de variétés de
maïs génétiquement modifié.
Par ailleurs, par son arrêt Commune d’Annecy du 3 octobre 2008, le Conseil d’État a précisé que
tous les droits inscrits dans la Charte de l’environnement avaient une valeur juridique
contraignante.
Dans certains pays, notamment anglo-saxons, l’administration est jugée comme un particulier
devant les juridictions ordinaires.
Sous la Révolution (loi des 16 et 24 août 1790 et décret du 16 fructidor an III), les
révolutionnaires décident que les juges ne peuvent pas intervenir dans les affaires de
39
l’administration. C’est l’apparition du principe de la séparation des autorités administratives et
judiciaires. Mais il n’existe pas encore de tribunal administratif. Un administré en conflit avec
une administration doit s’adresser en dernier lieu au ministre, qui est à la fois juge et partie
(c'est le système dit du "ministre-juge").
En 1799 et 1800, la Constitution de l’an VIII crée le Conseil d’État et la loi du 28 pluviôse an VIII,
les conseils de préfecture départementaux, compétents dans des domaines précis. L'avis du
Conseil d’État est consultatif : la décision en ce domaine demeure théoriquement celle du chef
de l’État, le Conseil ne faisant que proposer une solution. Mais, dans la majorité des cas, ses
projets d’arrêts sont suivis (système dit de la "justice retenue"). Ce système ne met toutefois
pas fin au précédent : à l’exception des compétences des conseils de préfecture, les ministres
restent les juges administratifs de droit commun devant lesquels les administrés portent leur
requête, les recours ensuite devant le Conseil d’État ne sont que des appels.
La loi du 24 mai 1872 permet au Conseil d’État de devenir un juge administratif à part entière
prenant lui-même des décisions contraignantes, sans l'intervention du pouvoir exécutif
(système dit de la "justice déléguée"). De plus, par son arrêt Cadot du 13 décembre 1889, il
abandonne la doctrine du ministre-juge et devient juge administratif de droit commun.
Les décisions du Conseil constitutionnel du 22 juillet 1980 et du 23 janvier 1987 accordent une
valeur constitutionnelle à l’indépendance et à la compétence de la juridiction administrative. La
révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a confirmé cet ancrage constitutionnel, en
introduisant à l’article 65 du texte fondamental la notion d’ordre administratif. Dans sa décision
du 3 décembre 2009, le Conseil constitutionnel a qualifié la Cour de Cassation et le Conseil
d’État de "juridictions placées au sommet de chacun des deux ordres de juridiction reconnus par
la Constitution".
La réclamation adressée par l’administré au juge porte le nom de recours contentieux, par
opposition au recours gracieux qui désigne la réclamation directement adressée à
l’administration.
Les motifs pouvant conduire à une telle saisine sont assez variés. Il peut s’agir :
d’obtenir l’annulation totale ou partielle d’une décision administrative, comme le refus d’une
bourse de l’enseignement supérieur ou une mesure de police (ex : arrêté municipal interdisant
la circulation dans une rue pour des raisons d’ordre public) ;
d’engager la responsabilité de la personne publique du fait d’un dommage subi par l’administré
qui sollicite alors une indemnisation (ex : responsabilité hospitalière à la suite d’une faute dans
le traitement d’un patient, dommages liés à des travaux publics) ;
de régler un contentieux fiscal, la contestation des impôts directs (impôt sur le revenu, impôt
sur les sociétés, taxe d’habitation, taxe foncière...) et de la taxe sur la valeur ajoutée relevant
du juge administratif ;
Par ailleurs, il est possible de saisir le juge administratif en cas d’urgence. La loi du 30 juin 2000
a sensiblement renforcé les pouvoirs et les moyens du juge dit des référés. Ce juge de l’urgence
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peut notamment ordonner une mesure d’instruction (ex : un constat de dégâts causés par la
faute d’une personne publique).
Mais il peut aussi prononcer le sursis à exécution d’une décision administrative. En principe, les
décisions administratives peuvent être mises en œuvre même si elles font l’objet d’un recours
"classique" devant un tribunal. Mais si le juge considère qu’elles auraient des conséquences
trop graves, il peut suspendre leur exécution pendant un certain temps.
La contradiction est un droit pour les justiciables et elle s’impose au juge. En aucun cas, ce
dernier ne peut fonder sa décision sur un élément qu'une partie au procès ne connaît pas.
En plus des éléments apportés par les deux parties, le juge peut exiger la production de
certaines pièces ou la présentation de certains éléments supplémentaires. Il peut par exemple
demander à l’administration de lui fournir les motifs d’une décision administrative.
Le principe de l'inquisitoire est justifié par le déséquilibre important qui existe entre les deux
parties (administré/personne publique) dans un procès administratif. Le juge a donc un rôle
central dans la constitution des défenses respectives, contrairement à la
procédure accusatoire, pratiquée dans les pays anglo-saxons, dans laquelle le rôle du juge se
limite à celui d'arbitre impartial entre les deux parties.
Néanmoins, depuis les années 2000, la procédure orale tend à se développer devant le juge
administratif, notamment en raison de la hausse des procédures de référé (procédure
d'urgence permettant au juge de prendre des mesures provisoires). Par ailleurs, certains
41
contentieux spéciaux comme les contentieux des étrangers (entrée, séjour, asile, etc.) ont
favorisé le développement de l'oralité.
Il annule une décision administrative illégale (décision qui ne respecte pas le principe de
légalité ou qui utilise des moyens à des fins non prévues par les textes). Une fois le jugement
rendu, tout se passe comme si cette décision n’avait jamais existé : ses effets produits avant le
jugement sont également annulés. Dans certains cas, le juge administratif ordonne à
l’administration de prendre une nouvelle décision dans un sens déterminé.
Le juge peut aussi modifier une décision pour la rendre légale. Par exemple, s'il constate de très
graves irrégularités au cours d'une élection, et que celles-ci ont eu un effet considérable et
mesurable sur le résultat, le juge peut déclarer élu un autre candidat.
Si les parties au litige le demandent, le tribunal administratif (ou la cour administrative d’appel)
peut transmettre une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d’État. Celui-ci a la
possibilité de renvoyer la question au Conseil constitutionnel pour qu'il se prononce sur la
conformité d’une disposition législative aux droits et libertés protégés par la Constitution.
Le juge peut-il condamner l'administration ?
Le juge administratif peut condamner une administration à payer une somme d’argent
(dommages et intérêts). Si le juge constate qu’une administration a causé un préjudice (le
mauvais entretien d'une route a provoqué un accident, un médecin hospitalier a administré un
traitement inadapté à un patient, par exemple), il peut la condamner à indemniser la victime.
Le juge peut-il intervenir en urgence ?
Depuis la loi du 30 juin 2000(nouvelle fenêtre), le juge administratif peut être sollicité dans le
cadre d'une procédure d'urgence. Il s’agit, dans ce cas, du juge des référés, qui peut notamment
demander la suspension de l’exécution d’un acte administratif, ordonner une expertise ou
enjoindre la communication d’un document.
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En appel (voie de recours permettant de réclamer un second jugement), les requérants doivent
en principe saisir les cours administratives d’appel (CAA), instituées par la loi du 31 décembre
1987(nouvelle fenêtre).
En dernier lieu, l’arrêt de la cour administrative d’appel peut être contesté par un pourvoi en
cassation devant le Conseil d’État.
Le juge des référés statue seul. Il peut s’agir du président du tribunal administratif, d’une cour
administrative d’appel ou d’un magistrat expérimenté (au minimum deux ans d’ancienneté et
grade de premier conseiller). Dès qu’il est saisi d’une requête en urgence, il fixe la date de
l’audience. Le délai peut varier, en fonction du degré d’urgence, de quelques heures à quelques
43
jours. Dès la fin de l’audience, ou un peu plus tard s’il l’estime nécessaire, le juge annonce le
sens de sa décision. Il ne peut prendre que des mesures provisoires.
Pendant longtemps le juge des référés a été critiqué pour son incapacité à gérer l’urgence. Il
existait de nombreuses procédures de référés, mais elles étaient éparses et peu efficaces. La
loi du 30 juin 2000 sur le référé devant les juridictions administratives a réformé ces procédures
et renforcé les pouvoirs du juge des référés.
De plus, le juge des référés peut suspendre l’exécution d’une décision administrative (référé-
suspension) si deux conditions sont réunies :
Le recours administratif permet d'éviter un procès. Ce recours peut prendre deux formes :
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Le destinataire du recours dispose d'un délai de deux mois pour y répondre. Un recours
contentieux (avec saisine du juge administratif) ne peut pas être lancé avant expiration du
délai : il faut, avant cela, que l'administration ait le temps de répondre au recours
administratif qui lui a été adressé.
soit elle accepte d'annuler son acte, ce qui règle le conflit avec l'administré ;
soit elle rejette le recours, auquel cas l'administré peut décider d'abandonner le recours ou de
saisir le juge administratif ;
si elle n'a pas répondu à expiration du délai de deux mois, son silence vaut pour réponse.
L'administré peut alors décider de saisir le juge administratif.
Dans certains domaines (comme les contentieux fiscaux ou les contentieux des étrangers),
l'administré doit obligatoirement effectuer un recours administratif avant de saisir le juge : on
appelle cela le Recours administratif préalable obligatoire (Rapo).
Qu'est-ce que le recours contentieux ?
L'administré peut saisir le juge administratif directement (s'il n'y a pas d'obligation de déposer
un recours administratif préalable) ou après l'échec d'un recours administratif (à expiration du
délai de deux mois).
excès de pouvoir ;
pleine juridiction ;
interprétation et appréciation de la légalité ;
répression.
Il s’ouvre par une requête qui ne suspend pas l’exécution de la décision administrative en cause,
à la différence du référé-suspension (procédure permettant au juge de prendre une mesure
provisoire de précaution en urgence).
Selon le type de recours, les pouvoirs du juge sont différents. Par exemple, dans le cadre d'un
recours pour excès de pouvoir, le juge est amené à valider ou invalider (donc annuler) la
décision administrative. Dans le cadre d'un recours de pleine juridiction, il peut :
Contrairement au recours administratif, seuls des motifs de droit peuvent conduire le juge
administratif à annuler l’acte contesté et/ou indemniser l’administré des préjudices causés.
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Il s’agit d’un contrôle sur l’action administrative qui n’est pas exercé par le juge administratif. Il
peut être interne ou externe.
Le contrôle interne est nécessaire pour veiller au respect du droit par l’administration et
préserver ainsi l’État de droit. L’administration dispose pour cela d’organes pour la conseiller :
le Conseil d’État et la Cour des comptes.
Mais l’élément central du contrôle interne est lié au pouvoir hiérarchique, qui débouche sur
le contrôle hiérarchique. Ainsi, tout supérieur hiérarchique peut modifier ou annuler les actes
de ses subordonnés, qu’ils ne soient pas conformes à la légalité ou qu’ils ne lui paraissent pas
opportuns.
Les corps d’inspection participent également au contrôle interne. Ce sont des organes
administratifs, présents dans la plupart des ministères et relevant directement du ministre,
chargés du contrôle des services. Certains sont très spécialisés (ex : l’Inspection générale de
l’Armée de l’air au sein du ministère de la Défense) ; d’autres ont une vocation plus générale
(ex : l’Inspection générale des finances qui relève du ministre des Finances).
Le contrôle financier est le dernier aspect de ce contrôle interne. Il est symbolisé par la présence
dans chaque ministère d’un fonctionnaire rattaché au ministre du Budget et chargé de s’assurer
de la régularité de la dépense : le contrôleur financier, appelé contrôleur budgétaire et
comptable ministériel depuis la réforme du contrôle financier (décret du 27 janvier 2005).
un contrôle politique exercé par le Parlement sur le pouvoir exécutif (questions, commissions
parlementaires, délégations et offices, voire motion de censure) ;
un contrôle administratif exercé par les autorités administratives indépendantes (AAI, par ex :
Défenseur des droits) ou les autorités publiques indépendantes (API : ex, le CSA). On parle de
contrôle externe parce que ces autorités sont soustraites à tout pouvoir hiérarchique.
Il peut être déclenché par le supérieur hiérarchique lui-même, ou par un administré mécontent
d’une décision administrative et qui aura exercé un recours hiérarchique. Dans ce cadre, le
supérieur dispose de trois pouvoirs. Il peut :
Les corps d’inspection sont chargés, pour le compte d’un ministre, de contrôler le bon
fonctionnement des services d’un ministère. Il en existe une vingtaine dont les plus prestigieux
sont l’inspection générale de l’Éducation nationale, l’inspection générale des Affaires sociales,
ou l’Inspection générale des Finances. Ils sont généralement constitués soit de jeunes
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fonctionnaires recrutés à leur sortie d’école (ex : ENA, Ponts et chaussées), soit de hauts
fonctionnaires en fin de carrière et jouissant d’une longue expérience.
Néanmoins, ces corps font aussi l’objet de critiques. D'une part, ils ont tendance à délaisser le
contrôle pur des services administratifs pour lui préférer un rôle de conseil. D'autre part, et
surtout, il est difficile d’attendre un contrôle très sévère de la part d’un organe interne à
l’administration. En effet, s’il est exercé par des hauts fonctionnaires en fin de carrière, ils ont
une bonne connaissance du milieu inspecté mais peuvent se montrer parfois indulgents. Et s’il
est exercé par de jeunes fonctionnaires, leur manque d’expérience de terrain peut être un
handicap.
Le contrôle financier a été réformé par le décret du 27 janvier 2005, entré en vigueur depuis le
1er janvier 2006, à la suite de la mise en œuvre de la LOLF (loi organique relative aux lois de
finances) du 1er août 2001 et de sa logique de responsabilisation des gestionnaires. Il vise à
garantir le respect du principe de séparation des ordonnateurs et des comptables et à assurer
une vision globale des processus de la dépense et de la situation patrimoniale de chaque
ministère. Dans les services centraux de l’administration d’État, il est désormais effectué par
les contrôleurs budgétaires et comptables ministériels, relevant du ministre du Budget et
placés auprès des principaux ordonnateurs de l’État. Ils coordonnent les trésoriers-payeurs
généraux de région, qui sont les autorités chargées du contrôle financier des administrations
déconcentrées.
Quel est le rôle de la Cour des comptes ?
La Cour des comptes est une juridiction financière chargée notamment de contrôler le bon
emploi des fonds publics, d'évaluer la régularité de la gestion publique et d'en informer le
Parlement, le Gouvernement et l'ensemble des citoyens.
juger la régularité des comptes établis par les comptables publics dans les services de l’État. Il
s’agit d’un contrôle très technique, qui vérifie que les règles spécifiques s’imposant aux
comptables publics sont bien respectées.
Les comptes des comptables des collectivités territoriales et de leurs établissements publics
sont, quant à eux, soumis au contrôle des chambres régionales des comptes (CRC). La Cour des
comptes est, dans ce cas, juge d’appel.
contrôler le bon emploi et la bonne gestion des fonds publics, y compris dans les organismes non
dotés de comptables publics. Chaque année, la Cour procède à des investigations au cours
desquelles les conseillers enquêtent sur pièces et sur place. À l’issue de ces "enquêtes", la Cour
des comptes établit un rapport, destiné au ministre concerné, qui pointe les éventuelles
défaillances ou gaspillages constatés dans un service. Cette activité se concrétise aussi par la
publication du rapport annuel de la Cour des comptes.
certifier la régularité, la sincérité et la fidélité des comptes de l’État (depuis la loi organique
relative aux lois de finances du 1er août 2001(nouvelle fenêtre)). Elle est chargée de la même
mission notamment pour les comptes des organismes nationaux du régime général de la
sécurité sociale. Depuis 2013, la Cour certifie chaque année les comptes des deux assemblées
(Assemblée nationale et Sénat).
Assister le Parlement et le Gouvernement dans l'évaluation des politiques publiques.
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Ces missions sont assurées par les personnels de la Cour, majoritairement des magistrats,
nommés par décret.
Quelle forme de contrôle assurent les AAI et API sur l'administration ?
Toutes les autorités administratives indépendantes (AAI) et autorités publiques indépendantes
(API) n’exercent pas de contrôle sur l’activité de l’administration, et certaines d’entre elles
seulement en partie (ex : le Conseil supérieur de l’audiovisuel – CSA – sur les télévisions
publiques mais aussi privées). Ainsi, on peut citer la Commission nationale de l’informatique et
des libertés (CNIL), la Commission nationale du débat public (CNDP), la Commission du secret
de la Défense nationale (CSDN) et les deux autorités les plus sollicitées, le Défenseur des droits
et la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA), animées par la même volonté
d’améliorer les relations avec les administrés.
Le contrôle assuré par les AAI et API est multiforme, et varie donc de l’une à l’autre.
Ainsi, certaines d’entre elles sont dotées d’un pouvoir de sanction. C’est le cas du CSA, qui peut
infliger des pénalités pécuniaires, mais aussi interdire d’antenne une station de radio qui aurait
gravement méconnu ses obligations. D'autres peuvent formuler des avis ou des
recommandations pour régler les difficultés. Tel est le cas, par exemple, de la CNIL ou du
Défenseur des droits.
Certaines disposent en outre d’un pouvoir réglementaire, qui leur permet de fixer les règles
applicables dans un secteur donné (ex : CSA, CNIL).
Au-delà de ces formes de contrôle, les AAI et API rédigent chaque année un rapport d’activité.
Ce dernier a avant tout pour fonction d’alerter l’opinion publique sur certains problèmes
rencontrés dans leur activité quotidienne. Ainsi, la CNIL a pu insister sur les risques potentiels
pour les libertés liés au développement de traitements automatisés de plus en plus
performants. Entré en vigueur le 25 mai 2018, le règlement général pour la protection des
données (RGPD), applicable à l’ensemble de l’Union européenne, attribue à la CNIL des missions
supplémentaires et lui confère un pouvoir de contrôle et de sanction accru en matière de
protection des données personnelles.
La CADA : comment les citoyens peuvent-ils avoir accès aux documents
administratifs ?
La Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) est une autorité administrative
indépendante (AAI), créée par la loi du 17 juillet 1978, afin de renforcer la transparence de
l’action administrative.
La composition de la CADA est une garantie de son indépendance. Parmi ses onze membres,
nommés pour une durée de trois ans renouvelable, on compte trois magistrats (un conseiller
d’État, un conseiller à la Cour de cassation, un conseiller à la Cour des comptes), trois élus (un
député, un sénateur, un membre d’une collectivité territoriale), un professeur des universités
et quatre personnalités qualifiées. Le conseiller d’État préside la Commission.
elle peut aider l’administré à obtenir un document administratif dont la communication lui a été
refusée. Elle émet un avis sur le caractère communicable ou non du document et dispose à cet
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effet de larges pouvoirs d’investigation. Elle doit être obligatoirement saisie avant tout recours
devant le juge administratif ;
elle peut également conseiller l’administration qui sollicite un avis sur le caractère
communicable ou non de certains documents ou sur les conditions de leur communication ;
elle peut proposer des modifications de textes réglementaires et législatifs, en vue de renforcer
la transparence au sein de l’administration ;
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