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7 | 2003
Abstract
La définition du service public par l’autorité publique n’implique en tant que telle ni mode
démocratique de décision, ni possibilité d’expression des utilisateurs, ni réelles procédures de
contrôle ; les politiques, une technocratie ou une bureaucratie peuvent confisquer le service d’intérêt
général. Dans l’objectif de remédier à ces dysfonctionnements, une libéralisation des services publics
a été menée au cours des années 1980 et 1990, aussi bien en France que dans le cadre de la
construction européenne.
Pour autant, une libéralisation totale, qui ne ferait relever ces activités que du droit commun de la
concurrence, mettrait en cause la réalisation des objectifs et missions d’intérêt général et ne
remédierait en rien à la marginalisation des usagers. Dans ces conditions, les règles européennes,
résultantes de débats contradictoires, d'initiatives d'acteurs, de mouvements sociaux, ont consisté à
mettre en œuvre une libéralisation maîtrisée, organisée, régulée. L’objectif est de définir des formes
d’organisation et de régulation qui évitent les dérives à la fois du monopole et du tout concurrence,
qui permettent de conjuguer l’incitation à l’efficacité des règles de marché et les finalités d’intérêt
général. Cette problématique impose de transformer profondément la perspective pour remettre au
centre le consommateur, l’usager et le citoyen. Cette refondation des services d’intérêt général
fondée sur la réponse aux besoins des consommateurs, des citoyens et de la société, conduisent à
mettre l’accent sur deux éléments-clés : la régulation et l’évaluation.
Full text
Introduction
1 L’expression « service public » a un double sens, désignant tantôt l'organisme de
production du service, tantôt la mission d'intérêt général confiée à celui-ci. L'on confond
souvent aussi à tort service public et secteur public (y compris fonction publique), c'est-à-
dire mission et statut, destinataire et propriétaire. Pour éviter ces confusions, l’Union
européenne utilise l’expression de « services d'intérêt général », désignant ainsi les
activités de services, marchands ou non, considérées d'intérêt général par les autorités
publiques, et soumises pour cette raison à des obligations spécifiques.
3 Partout en Europe, par-delà la diversité des mots et des concepts, des formes
d’organisation (à l’échelle nationale ou locale), des formes de propriété (publique, privée
ou mixte), on retrouve ces trois objectifs, qui conduisent à ce que les mêmes secteurs
(éducation, santé, justice, sécurité et autres fonctions régaliennes, transport,
communications, énergie) ne relèvent pas seulement du droit commun de la concurrence,
mais aussi de règles et normes particulières ; les services d’intérêt général font partie des
valeurs communes de l’Europe, du « modèle social européen ».
4 C’est l’autorité publique, à chaque niveau territorial (local, régional, national, européen),
qui décide, à un moment donné et dans son aire de responsabilité, qu’un bien ou un
service, existant ou nouveau, relève du service d’intérêt général.
5 Elle a la responsabilité, dans la transparence et la proportionnalité :
6 La finalité des services d’intérêt général, la base de leur légitimité, est donc de répondre
aux besoins des usagers, des citoyens et de la société.
casser les frontières nationales pour réaliser des « marchés intérieurs » dans
chacun des secteurs relevant de missions d’intérêt général, ce qui conduisait à
mettre progressivement en cause les formes antérieures d’organisation, qui avaient
été définies dans le cadre de la construction de chacun des États membres (sur des
bases nationales ou infra-nationales selon les pays et les secteurs),
inciter à une meilleure efficacité au bénéfice des utilisateurs de ces services par
l’introduction d’éléments de concurrence dans des domaines qui avaient été
souvent « protégés » par des droits exclusifs ou spéciaux, locaux, régionaux et/ou
nationaux.
27 Pour autant, on s’est vite aperçu que dans ces secteurs il ne pouvait pas y avoir une
libéralisation totale, ne les faisant relever que du droit communautaire de la concurrence.
Dans ces secteurs, l’introduction de la concurrence :
28 Une libéralisation totale, qui ne ferait relever ces activités que du droit commun de la
concurrence, mettrait donc en cause la réalisation des objectifs et missions d’intérêt
général et ne remédierait en rien à la marginalisation des usagers.
29 Dans ces conditions, les règles européennes, résultantes de débats contradictoires,
d'initiatives d'acteurs, de mouvement sociaux, ont consisté à mettre en œuvre une
libéralisation maîtrisée, organisée, régulée. L’Union européenne a été amenée à compléter
les projets sectoriels de libéralisation par la construction de nouveaux concepts et normes.
On a vu apparaître le concept de « service universel » dans les télécommunications et à la
poste, celui de service public a commencé à être défini dans l'énergie et les transports ; le
nouvel article 16 du traité de l'Union européenne reconnaît les services d'intérêt général
comme composantes des « valeurs communes » et souligne leur rôle dans la promotion de
la « cohésion sociale et territoriale » ; l’article 36 de la Charte des droits fondamentaux,
proclamée lors du Conseil européen de Nice de décembre 2000 y fait référence ; les
institutions européennes construisent progressivement une doctrine nouvelle du « service
d’intérêt général ».
30 L’objectif est de définir des formes d’organisation et de régulation qui évitent les dérives
à la fois du monopole et du tout concurrence, qui permettent de conjuguer l’incitation à
l’efficacité des règles de marché et les finalités d’intérêt général2.
34 Les usagers sont devenus plus exigeants à l'égard des services publics, qu'il s'agisse de
qualité du service, de réponse sur mesure à leurs besoins, de rapidité de réponse à leurs
demandes, d'attrait pour le durable, l'écologique, le simple, le naturel, évidemment de
coût, mais aussi d'information et de transparence.
35 Sur la base de la montée des niveaux d'information, d'éducation et de culture, se
développent des désirs de ré-appropriation par les individus, les petits groupes sociaux et
les collectivités de base des problèmes qui les concernent directement. Les usagers des
services publics sont porteurs de nouvelles exigences de service, de qualité, de satisfaction
de la diversité de leurs demandes et aspirations, de réponses à leurs besoins spécifiques,
de services de proximité, d'expression et de reconnaissance.
36 Il faut reconnaître la place centrale des consommateurs dans le fonctionnement de
chaque service d’intérêt général. Les consommateurs (domestiques, industriels, PME-
PMI) devraient être présents à tous les niveaux de définition des objectifs et missions,
comme de leur mise en œuvre, avec de réels pouvoirs, au même titre que les autres
acteurs, être systématiquement consultés en préalable et surtout être étroitement associés
aux procédures d'évaluation.
37 Cela implique de mettre en œuvre des dispositifs concrets, en particulier :
Notes
1 P. BAUBY, Le service public, Paris, Flammarion, 1997.
2 P. BAUBY, Reconstruire l’action publique, Paris, Syros, 1998.
3 P. BAUBY, Évaluer les performances des Services d’intérêt économique général en Europe,
rapport pour la Commission européenne, Bruxelles, CEEP-CIRIEC, 2001.
References
Bibliographical reference
Pierre Bauby, “Modernisation et libéralisation des services publics : l’usager sujet ou
objet ?”, Pyramides, 7 | 2003, 61-74.
Electronic reference
Pierre Bauby, “Modernisation et libéralisation des services publics : l’usager sujet ou
objet ?”, Pyramides [Online], 7 | 2003, Online since 26 September 2011, connection on 01 July
2021. URL: http://journals.openedition.org/pyramides/410
By this author
Recomposer l’action publique dans le contexte de la mondialisation [Full text]
Published in Pyramides, 9 | 2005
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