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Revue du gestionnaire public - mardi 18 février 2020

ÉTUDE

Gilles Alfonsi1, directeur délégué à l’accompagnement des directions pour le pilotage des politiques
publiques au département de la Seine-Saint-Denis

À côté de la question budgétaire et des enjeux de renouvellement de la démocratie locale, le


renforcement des dispositifs de pilotage - aujourd’hui souvent insuffisants - constitue une
question cruciale pour relever les défis de l’efficacité des collectivités territoriales. Gilles Alfonsi
évoque ces défis à partir de son expérience d’une vingtaine d’années consacrées à l’animation
de différentes fonctions d’aide à la décision au sein du département de la Seine-Saint-Denis. Il
propose une approche panoramique des démarches et des outils pour (re) donner du sens et
du pouvoir d’agir aux décideurs et aux managers publics. Cependant, au-delà du nécessaire
portage de ces questions par les directions générales, l’implantation d’une culture de gestion
doit à la fois prendre en compte la technicité grandissante nécessaire à l’animation des outils et
s’appuyer largement sur des modes de travail collaboratifs.

Partons d’un constat déplaisant : une majorité des collectivités territoriales ne disposent pas de
systèmes de pilotage correctement structurés, ni de fonctions d’aide à la décision, et ce n’est
pas principalement une question de taille ou d’échelle d’intervention. Certes, il existe un archipel
d’expériences en la matière, qui sont ponctuellement reliées par des échanges de pratiques au
sein des réseaux professionnels. Dans le répertoire des métiers du Centre national de la
fonction publique territoriale (CNFPT), on trouve les métiers de contrôleur de gestion, d’auditeur
interne, de chargé d’évaluation, de conseiller en organisation, de chargé d’étude... Les
différents domaines d’expertise ont leurs spécialistes et de nouveaux outils ne cessent d’être
élaborés, ici pour mieux structurer l’information là pour associer les usagers. Mais de
nombreuses collectivités sont pilotées uniquement par la contrainte budgétaire, là où celle-ci ne
devrait être qu’une des variables - certes centrale - de la décision. Nombre de cadres
dirigeants, mais aussi d’élus, s’interrogent d’ailleurs : comment implanter durablement une

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culture du pilotage et de la gestion ?

Ce diagnostic ne serait pas nécessairement problématique si l’investissement public local ne


constituait pas un enjeu politique considérable pour la nation, si l’action des collectivités
territoriales n’était pas au coeur du modèle social français (que l’on réduit trop souvent à l’action
de l’État) et si les politiques publiques n’étaient pas difficiles à orienter, à mettre en oeuvre et à
ajuster. De fait, si on se rappelle que, selon la Constitution « les collectivités s’administrent
librement par des conseils élus », si donc l’on considère que les collectivités territoriales n’ont
pas vocation à être de simples opérateurs de prestations, alors construire le pilotage de leur
action devrait être une priorité majeure des décideurs.

Depuis plus d’un quart de siècle et au-delà des alternances politiques, contrairement à une idée
communément admise, la sphère de l’action publique locale s’est considérablement
étendue. Les responsabilités politiques et sociales des collectivités territoriales se sont élargies
du fait des choix du législateur : transferts de compétences de la part de l’État, nouvelles
obligations et nouvelles normes, nouveaux champs d’intervention... Elles se sont élargies aussi,
dans un phénomène empirique, où la volonté des exécutifs de répondre aux besoins des
territoires et de leurs habitants conduit nécessairement à l’extension des domaines d’actions, à
une diversification des activités et des prestations, à la mise en oeuvre d’innombrables projets.

Dans le même temps, l’action publique locale se complexifie.

Chaque politique locale a des finalités multiples et enchevêtrées, qui doivent être travaillées
ensemble, et non s’opposer. Tel dispositif d’économie sociale et solidaire, par exemple, relèvera
à la fois d’objectifs sociaux et éducatifs, voire démocratiques. Mais au-delà de la pluralité des
objectifs de chaque politique locale, ce sont les politiques elles-mêmes qui s’enchevêtrent
désormais. Le cas des politiques sociales et des politiques écologiques est emblématique de
l’impératif de développer des approches systémiques des besoins et des variables externes et
internes. Les politiques en direction des personnes handicapées et des personnes âgées,
destinées à fusionner partiellement dans le paradigme de l’autonomie, sont elles-mêmes
appelées à converger avec des politiques sociales, préventives et culturelles. Et ainsi de suite.

Plusieurs lois votées ces dernières années, telle la loi d’août 2015 portant Nouvelle organisation
territoriale de la République (dite loi NOTRe), avaient pour objectif affiché de simplifier le
millefeuille territorial. De fait, il est sage de ne pas exclure que dans certains cas cette
simplification soit possible et nécessaire. Cependant, dans le même temps, il faut prendre acte
que la complexité à laquelle font face les décideurs politiques et administratifs, mais

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aussi les agents du service public, reflète celle des besoins auxquels il s’agit de
répondre et des finalités données à l’action. Dans la plupart des domaines d’intervention,
une multitude d’acteurs doivent être écoutés, se mettre en réseau, les collectivités étant
appelées parfois à jouer un rôle d’assemblier sur leur territoire d’intervention. Or, les évolutions
des besoins et des attentes des habitants constituent peu ou prou un angle mort de l’action
publique en général, et de l’action publique locale en particulier.

À ce propos, illustrons la banale affirmation selon laquelle la société se transforme


profondément et rapidement. Les mutations de la famille doivent ou devraient impacter
fortement de nombreuses politiques publiques (politiques éducatives, en direction de la petite
enfance, de soutien à la parentalité, en faveur de l’autonomie des personnes...). La révolution
informationnelle modifie en profondeur les relations entre les professionnels et avec les
usagers. L’accès généralisé aux études supérieures contribue, avec d’autres phénomènes
moins visibles, à ce que les attentes des citoyens soient circonstanciées et leurs exigences
renforcées. Certains territoires accueillent de nombreuses populations étrangères ou immigrés,
où les politiques culturelles ont à valoriser les cultures d’origine et où les politiques éducatives
doivent accompagner les enfants issus de l’immigration. Et d’autres transformations émergent
sans qu’on mesure encore leurs conséquences prochaines, telle la montée en puissance de
l’intelligence artificielle.

Tous ces phénomènes, profonds et systémiques, conduisent à souligner la nécessité de


dispositifs de pilotage structurés et renforcés de l’action publique locale, sans lesquels la
décision est trop souvent sourde (aux besoins), aveugle (en termes d’objectifs) et muette
(incompréhensible aux yeux des citoyens).

Ainsi, les défis de l’aide au pilotage peuvent être résumés autour de trois enjeux : - prendre en
compte les phénomènes à l’oeuvre sur les territoires et les enjeux partenariaux, explorer le
champ des possibles et proposer des évolutions des politiques publiques, - développer l’aide à
la décision et au pilotage stratégique et opérationnel, pour redonner du sens et du pouvoir d’agir
aux décideurs et aux managers publics, - soutenir les directions et l’ensemble des cadres dans
leurs méthodes et leur management pour moderniser les services et favoriser l’innovation.

Le renforcement du pilotage recouvre ainsi trois dimensions concrètes.

Il recouvre d’abord le développement de démarches permanentes de pilotage, bien au-delà


de la seule promotion du mode projet. En effet, pour obtenir des effets d’acculturation des
cadres et des agents, il faut des efforts durables, qui s’appuient sur la conviction des personnes

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et leur cheminement progressif. À condition d’impliquer les différents niveaux de décision - des
responsables opérationnels aux élus -, les démarches de gestion, lorsqu’elles ont une acception
large (non focalisée sur la seule préparation budgétaire, mais visant la formalisation des
politiques publiques et leur suivi), forment un socle structurant. Pour cela, la mise en place
d’une segmentation stratégique et de documents de gestion est l’occasion de renforcer la
lisibilité des politiques et des services rendus aux usagers, de diffuser l’idée que chaque pilote
d’activités n’est pas seulement un manager d’équipe ou un gestionnaire de moyens, mais en
charge de piloter la mise en oeuvre d’actions publiques. Et c’est aussi ouvrir le champ du suivi
régulier et de l’évaluation.

Le renforcement du pilotage implique aussi le recours à des expertises : non pas pour
organiser des bulles de spécialistes en surplomb des pilotes stratégiques et opérationnels des
actions, mais pour les soutenir. À ce propos, il est illusoire de penser que ces experts seraient
purement et simplement interchangeables et qu’un turn-over accéléré serait nécessairement
gage de bonne gestion. Créer des collectifs de travail dédiés à l’aide au pilotage, c’est au
contraire reconnaître le temps nécessaire à la production et à la gestion des connaissances, au
traitement des données et à leur analyse critique, à la formalisation des actions et à la mise en
débat des propositions. Mettre en place des productions récurrentes, c’est se donner les
moyens de disposer de référentiels d’analyses partagées, tout en travaillant à leur amélioration
continue. Démographes, géomaticiens, ingénieurs décisionnels, designers de politiques
publiques, conseillers en gestion, évaluateurs, documentalistes 2.0, urbanistes de la donnée...
ce sont là des métiers d’avenir de l’aide au pilotage. En outre, de nouveaux métiers seront
nécessaires pour travailler en prospective, élaborer de nouvelles médiations avec les usagers
et la société civile, ou encore imbriquer les réflexions stratégiques et organisationnelles.

Enfin, renforcer le pilotage nécessite de se doter d’outils performants qui tous doivent à la fois
simplifier le travail à faible plus-value et libérer du temps pour la réflexion et la décision. On peut
citer ici rapidement les systèmes d’information décisionnels (SID), avec l’enjeu que ces
systèmes de reporting ne soient pas focalisés sur la seule mise en forme de représentations
plaisantes d’indicateurs déjà connus mais qu’ils permettent de nouvelles analyses issues du
croisement de données (données de contexte, données d’activités, données budgétaires,
données RH). Les systèmes d’information géographiques (SIG) peuvent apporter une vision
territorialisée de l’action, surtout si au-delà de la juxtaposition des couches de points
géographiques, ils s’attachent à une description fine des données. Les outils collaboratifs
peuvent permettre de développer des coopérations fructueuses entre des métiers, des agents
et des partenaires, notamment sur la base d’échanges d’expériences ou pour la conduite de
projets communs. Enfin, les outils de recueil des points de vue des usagers et de
l’ensemble des parties prenantes de l’action publique offrent des possibilités riches, à la fois en

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termes de collectes d’informations quantitatives et qualitatives, et en termes de restitution.

Encore faut-il battre en brèche une idée reçue selon laquelle le pilotage des collectivités
territoriales serait le domaine réservé de l’exécutif et du top management. Il importe de bien
mesurer que les fonctions d’aide au pilotage ont vocation à être utiles à tous les niveaux
de management stratégique et opérationnel. Il ne s’agit nullement là d’induire un
affaiblissement du pouvoir des élus et des directions générales, mais de prendre acte du fait
que l’articulation entre les orientations générales et les objectifs opérationnels, le rapport
entre le stratégique et l’opérationnel, les sources d’efficacité et d’optimisation du service
public sont au coeur des enjeux de pilotage.

Dans les faits, l’efficacité de la mise en oeuvre repose principalement sur les échelons
intermédiaires, et sur la qualité du dialogue de gestion à tous les niveaux, ce qui souligne qu’un
effort pour soutenir les cadres intermédiaires est bénéfique pour les décideurs. Et l’on peut aller
plus loin, par exemple s’agissant de l’évaluation des politiques publiques : il se pourrait bien
qu’au lieu de s’inquiéter d’année en année du manque de disponibilité des élus pour s’y atteler,
elle puisse démultiplier son utilité en formulant aussi systématiquement que possible des
propositions sur les questions d’orientations et de stratégie, sur la mise en oeuvre
opérationnelle, sur les pratiques professionnelles et les relations avec les usagers, et sur les
partenariats. La même logique, qui consiste à ce que la production de connaissances vise à
être utile largement et à ce que la matière recueillie soit mise à profit au-delà du seul
questionnement initial des commanditaires des travaux, pourrait d’ailleurs concerner d’autres
fonctions d’aide au pilotage. De fait, une conception moderne du management public,
soucieuse de prendre sa part au dépassement de la crise démocratique actuelle, devrait ainsi
revaloriser le rôle des agents du service public en même temps que la délibération
démocratique, ouverte aux citoyens, et le rôle des exécutifs.

Mon expérience d’animation de différentes fonctions d’aide au pilotage au sein du département


de la Seine-Saint-Denis et mes nombreux échanges avec des professionnels de tous les
niveaux de collectivités m’ont amené à ébaucher la représentation (cicontre) des fonctions
d’aide au pilotage. Soulignons qu’il ne s’agit pas là d’un modèle qu’il s’agirait d’appliquer et
précisons que chacune des fonctions ne nécessite pas la création d’une entité administrative.
Le propos n’est ici que de proposer une vision panoramique - simple et de ce fait probablement
incomplète - des enjeux de pilotage et des apports pour les prendre en charge.

Au centre de cette représentation, l’usager interne, qu’il s’agisse de l’exécutif, de la direction


générale, d’un pilote d’activité (directeur, chef de service...), d’un encadrant ou d’un agent.

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L’idée essentielle est qu’indépendamment de la question organisationnelle sur la place


éventuelle des différentes fonctions au sein de l’organigramme d’une collectivité, toutes méritent
a minima une réflexion sur les enjeux qu’elles recouvrent et sur les compétences nécessaires
(ou non) au pilotage de l’action publique locale.

. La fonction observation a pour objet principal d’étayer la connaissance du territoire et de ses


habitants, connaissance qui nourrit la réflexion sur les besoins et les objectifs des politiques
publiques, mais aussi la prospective sur les dynamiques territoriales.

Exemples de productions : portraits de territoires, cartes, data visualisation, analyses


territoriales, projections démographiques, sites géomatiques.

. La fonction analyse de gestion fait vivre en continu un socle de connaissances sur les
politiques publiques : formalisation des politiques (dénomination, déclinaison des objectifs,
identification des réalisations : prestations aux usagers, projets...), indicateurs de réalisation et
de résultats.

Exemples de productions : revues de gestion, tableaux de bord, documents de gestion, projets


et bilans d’activités, études thématiques.

. La fonction évaluation des politiques publiques s’attache à apprécier les effets et l’utilité
sociale des politiques et des actions, avec cette spécificité de le faire en prenant en compte les
points de vue des parties prenantes des politiques publiques (en particulier ceux des usagers).
Exemples de productions : études statistiques, programmes pluriannuels d’évaluation, rapports
d’évaluation, guides méthodologiques.

. La fonction coopération territoriale anime le partenariat avec les collectivités et les autres
institutions (publiques et privées), contribuant à la prise en compte des points de vue des
partenaires dans la conduite des politiques publiques et à la territorialisation de l’action.

Exemples de productions : fiches de connaissance et d’analyse par Commune, bilans d’activités


territorialisés, site collaboratif ou extranet dédié aux partenariats locaux.

. La fonction veille et gestion des connaissances a notamment pour objet de capitaliser sur les
réflexions et les expériences internes et externes, d’accompagner les pilotes d’activités et les
porteurs de projet pour structurer l’information. Exemples de productions : panorama de presse,
benchmarks, rapports de veille documentaire, portail documentaire, bibliothèque numérique,
lettres d’informations thématiques ou par projets.

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. La fonction conseil en organisation accompagne les managers de la collectivité et les agents


dans leurs projets de modernisation (tournés vers l’amélioration des relations avec les usagers)
et de transformation managériales et organisationnelles.

Exemples de productions : guides méthodologiques (mode projet, simplification des procédures,


comitologie...), voyages apprenants, conférences managériales, rapports d’étude.

. La fonction finance consiste à fournir les éléments nécessaires aux analyses budgétaires, à la
maitrise des coûts (contrôle de gestion) et, plus largement, à la performance de l’organisation.

Exemples de productions : analyses budgétaires, tableaux de suivi budgétaires.

. La fonction maitrise des risques a pour objet principal d’accompagner l’identification des
risques (financiers, juridiques, organisationnels...) par les managers et la mise en oeuvre de
plans d’action.

Exemples de productions : guides méthodologiques, cartographie des risques, plan d’audit,


rapports d’audit.

La limite d’un tel graphique est bien sûr qu’il ne représente pas les multiples articulations
souhaitables et bénéfiques entre les fonctions d’aide au pilotage. On peut ici en évoquer
quelques-unes, à forte plus-value :

. L’évaluation se nourrit de la connaissance des politiques publiques et des données de suivi


des réalisations. Elle contribue aux réflexions stratégiques et opérationnelles sur les contenus
et les objectifs des politiques (analyse de gestion).

. L’évaluation des politiques publiques se nourrit aussi de la connaissance du territoire


(observation). Elle contribue en retour à orienter les travaux destinés à saisir les besoins et les
attentes des habitants, par exemple à partir du repérage de signaux faibles témoignant de
phénomènes émergents.

. L’analyse de gestion et la fonction budgétaire contribuent au suivi des activités, qui donnent
lieu aussi bien à des prestations aux usagers (internes ou externes) qu’à des dépenses et des
recettes. Notons que la maîtrise des risques apporte en outre au décideur des éléments de
priorisation sur les variables à actionner.

. Le conseil en organisation s’enrichit de la connaissance des finalités et objectifs des politiques


publiques (analyse de gestion). Il contribue aux réflexions sur la recherche conjointe d’efficacité
de la politique publique, d’efficience et de qualité du service rendu (optimisation, dans une
acception large).

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. Le Conseil en organisation met à profit les veilles thématiques et parangonnages réalisés par
les documentalistes, qui aboutissent, par exemple, à l’organisation de voyages apprenants à
destination des cadres.

Reste encore à évoquer la contribution directe des fonctions d’aide au pilotage à l’animation et
aux contenus de certains projets, à travers un exemple : la mise en oeuvre du projet open data
menée au sein du département de la Seine-Saint-Denis de 2015 à 2019.

Trois fonctions d’aide au pilotage ont été mises à contribution : l’analyse de gestion, pour mettre
à disposition des données d’activités, financières et RH et leurs métadonnées issues du
système d’information décisionnel ; l’observation pour fournir des couches de données
géographiques issues du système d’information géographique ainsi que des données sur le
territoire ; la veille et la gestion des connaissances pour verser de nombreux documents issus
de la bibliothèque numérique de la collectivité, documents qui donnent du sens aux données et
en illustrent les usages possibles. Le livrable issu de cette collaboration, qui implique aussi bien
sûr d’autres acteurs (direction des systèmes d’information et direction de la communication) est
le site data. seinesaintdenis.fr, accessible à tous sur Internet. Un tel exemple montre que les
synergies entre les fonctions d’aide au pilotage peuvent bénéficier directement aux usagers.

A. - Une gouvernance forte

Pour réussir l’implantation d’un système de pilotage dans une collectivité territoriale, un
portage fort de la direction générale est indispensable afin de légitimer la démarche et les
fonctions d’aide au pilotage. Plus précisément, le rôle personnel du directeur ou de la directrice
général.e des services est déterminant car c’est lui ou elle qui embarque la totalité des
managers.

Indissociablement de cette légitimation, les métiers de l’aide à la décision ont besoin de la


confiance de la direction générale et d’un degré d’autonomie qui leur permettent, une fois
validés les attendus des travaux, de produire librement des connaissances et de conduire les
projets en développant des relations coopératives avec les directions. Il importe que la direction
générale comprenne bien l’intérêt que le dispositif de pilotage soit utile aux différents niveaux
de pilotage stratégique et opérationnel, ce qui suppose que les animateurs des fonctions
d’aide au pilotage aient un niveau de délégation et une autonomie suffisants. La conviction
inverse - les fonctions d’aide au pilotage ne serait qu’un dispositif de reporting tourné vers le top
management et l’exécutif - produit des effets contreproductifs : non seulement des réticences
individuelles, mais un défaut d’adhésion alors que l’essentiel des gains attendus se situe à

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l’articulation du stratégique et de l’opérationnel, et dans la relation aux usagers.

Dans tous les domaines de l’aide à la décision, les relations avec les directions et les pilotes
d’activités doivent être de nature collaborative et bienveillante. Outre qu’il ne s’agit jamais
de se substituer aux pilotes d’activités, il ne s’agit pas de juger les personnes, ni d’ignorer les
contraintes des interlocuteurs, mais toujours de mettre à profit leurs points de vue et leurs
expertises. C’est ce qui permet que l’expression de désaccords soient bénéfiques à tous et
d’avancer, autant que possible, par consensus, et a minima en comprenant bien les points de
vue et les intérêts en présence.

Si une démarche de pilotage peut produire rapidement des effets significatifs - par exemple en
termes d’amélioration de la formalisation des politiques publiques ou de qualité du dialogue de
gestion - la possibilité d’inscrire une telle démarche dans la durée détermine la possibilité
d’acculturer l’Administration et de conduire des projets structurants dont la complexité
nécessite du temps (décisionnel, SIG, Open data, gestion des connaissances...). La stabilité
d’une partie des équipes est particulièrement utile, évitant des retours en arrière inévitables
lorsque le turn-over des agents est trop fréquent et massif.

B. - L’accompagnement et l’appropriation

Dans la conduite opérationnelle des fonctions d’aide à la décision, piloter par la réalisation
des livrables est souvent le plus efficace, dans une logique continue de pas à pas, autorisant
la production de documents imparfaits voire un droit à l’erreur (sous réserve bien sûr
d’indications méthodologiques et de précautions explicites). L’acculturation se fait
essentiellement dans la production, et non obligatoirement à travers la diffusion préalable
d’apports théoriques à la mise en oeuvre. Pour autant, les apports théoriques et réflexifs sont
évidemment indispensables à ce type de démarches.

Aucune fonction d’aide à la décision ne peut aujourd’hui se passer d’un système d’information
performant, donc de systèmes informatiques de qualité. Il est indispensable, à la fois,
d’accompagner la montée en compétence techniques des agents parties prenantes des
fonctions d’aide à la décision et de placer des compétences techniques (par exemple en
matière de décisionnel) au plus près de ces collègues. Plus largement, promouvoir la culture de
la donnée et développer un dispositif de gouvernance de l’information sont des enjeux
stratégiques incontournables... mais difficile à relever. Face à des systèmes d’information
nombreux et éparpillés, souvent opaques et peu agiles du fait des politiques commerciales des
éditeurs, les collectivités sont appelées à doser l’équilibre entre des investissements financiers
et humains importants permettant de (re)conquérir une maîtrise de leurs SI et des percées
d’innovation dans des champs à forte plus-value ou à effet levier remarquable.

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Le plus tôt possible et, en tous cas à un certain niveau de maturité du dispositif de pilotage,
développer des articulations et des synergies entre les fonctions d’aide à la décision est
très profitable à la pertinence des productions. En matière d’étude, le croisement de
données d’observation, des indicateurs d’activités, financiers et RH permet par exemple de
rapporter les services rendus à des populations cibles et d’apprécier l’efficience, dans une
logique de mesure des impacts. Dans l’accompagnement des projets de modernisation des
directions, le croisement entre analyse de gestion et conseil en organisation motive et donne du
sens aux évolutions organisationnelles, pour éviter leur réduction aux questions
d’organigramme. Cela contribue à ce que le manager public soit plus qu’un organisateur des
activités et des tâches de ses équipes, avec à la clef des effets de motivation. En matière
d’optimisation, les croisements entre analyse de gestion, finances, conseil en organisation et
maitrise des risques enrichissent les scénarios et les propositions en direction des décideurs, ce
qui peut améliorer la qualité de la décision.

La valorisation des réflexions et des productions des cadres et des agents doit être au
coeur des démarches de pilotage et du management. En effet, l’appropriation des notions de
base de l’analyse de gestion, de l’évaluation ou de la maitrise des risques suppose non pas
seulement des efforts de sensibilisation et de formation, mais aussi un véritable partage des
objectifs poursuivis. Ainsi, pour être autre chose qu’un plan d’économies qui ne dit pas son
nom, une démarche d’optimisation doit effectivement concerner à la fois l’efficacité de la
politique publique, la qualité de services et l’efficience. Pour être autre chose qu’une
transformation subie qui démobilise, une réorganisation implique nécessairement les agents
concernés en valorisant leurs métiers et en prenant en compte leurs points de vue. Une
cartographie des risques est produite par la direction qu’elle concerne, qui détermine son plan
d’action, le suivi n’étant pas un dispositif de récompense des bons et des mauvais élèves, mais
un exercice d’accompagnement à la responsabilité. Et ainsi de suite.

En conclusion : Comment impulser

une culture du pilotage ?

Cette question est souvent posée dans les réseaux professionnels et au cours des formations
des cadres territoriaux. Elle l’est notamment de la part de professionnels de collectivités qui
disposent de peu de moyens. Un.e directeur.rice général.e de collectivité territoriale peut sans
moyens supplémentaires mettre en place un dispositif permanent de reporting entre les
directions et la direction générale. De telles réunions de travail, où chaque direction vient faire le
point sur ses activités, tantôt en proposant des sujets, tantôt en répondant à une commande
d’aborder tel ou tel sujet transversal, peuvent être des moments privilégiés à la fois pour
partager et affiner les orientations, échanger sur la mise en oeuvre, corriger ce qui doit l’être.

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Leur récurrence (tous les deux mois pour chacune des directions, par exemple) produit un effet
d’entrainement : responsabilité des pilotes d’activités, valorisation des avancées et prise en
charge commune des difficultés. L’élaboration d’une segmentation stratégique - qui établit une
vue globale des politiques menées - et la création de documents de gestion - qui pose le socle
de la formalisation de ces mêmes politiques - peut, elle, s’appuyer sur la constitution d’une
modeste équipe d’analystes ou de conseillers de gestion, dont le métier doit être distingué des
travaux d’analyse des coûts pour se centrer sur l’accompagnement méthodologique à la
formalisation et au suivi des politiques publiques. Mais d’autres portes d’entrées sont sans
aucun doute possibles. À partir de là, si l’on conclut par un brin d’optimisme, tout est possible.

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