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Aménagement et Développement Territorial

Semestre 7

Professeur : Mohamed Boustane

Année universitaire : 2023/2024

École Nationale d’Architecture d’Agadir

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Le développement territorial

Selon Guy Baudelle et al., « le développement territorial est un processus volontariste


cherchant à accroître la compétitivité des territoires en impliquant les acteurs dans le cadre
d’actions concertées, généralement transversales et souvent à forte dimension spatiale »1 qui,
de ce fait, « place les acteurs locaux au cœur de la gestion des territoires. Ce mode de gestion
exprime la volonté de prendre en compte les besoins des populations locales et de répondre à
leurs aspirations. Il répond à l’ambition de servir les intérêts des communautés locales que
celles-ci définissent elles-mêmes » » (Angeon Valérie et Callois Jean-Marc, 2006).

L’avènement et l’affermissement du concept de développement territorial s’inscrivent dans un


contexte des approches, modes de faire et pratiques de l’aménagement du territoire qui sont
restés marqués par l’emprise prise de l’acteur Etat et ses rôles et interventions hégémoniques
en matière d’élaboration et de la mise en œuvre des politiques publiques et stratégies de
développement économique et social adoptés tout au long de la période postérieure à la 2e
Guerre Mondiale jusqu’au début des années 1980. Cette période correspond à l’âge d’or de la
politique de l’aménagement du territoire de manière concomitante à l’ère de l’Etat Providence
marquée par un interventionnisme massif de l’Etat et l’amorce des grands chantiers de
construction, d’aménagement et d’équipement des composantes du territoire national dans le
cadre de la mise en œuvre des orientations stratégiques, des choix majeures et options
d’aménagement décidés par l’Etat.

Cet affermissement se fait au nom de la critique de cet interventionnisme massif de l’Etat, de


son dirigisme et de son monopole des actes d’élaboration des politiques publiques. Cette
critique intervient de manière générale dans le cadre d’une tendance internationale qui a été
marquée par les conséquences des crises financières mondiales survenues tout au long des
années 1970, qui ont fini par réduire considérablement les capacités des Etat quant au
financement de leurs politiques et actions publiques. La fin des années 1970 et le début des
années 1980 marquent le début et l’amplification du processus d’essoufflement de l’Etat qui
n’est plus en mesure de continuer sur le même élan pris depuis le début des années 1950.

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Guy Baudelle, Catherine Guy, Bernadette Mérenne-Schoumaker, Le développement territorial en Europe.
Concepts, enjeux et débats. Rennes, Presses Universitaires de Rennes, coll. Didact Géographie, 2011, 281 pages

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Cet essoufflement s’accompagne de la consolidation d’une situation nouvelle où l’Etat n’est
plus le seul acteur à s’accaparer de l’exclusivité des actes de prise des décisions et de la
supervision de leur mise en œuvre. Les années 1980 sont marquées en effet par la prise
d’importance d’autres acteurs dont la légitimité s’agrandit et dont les rôles sont
progressivement reconnus comme déterminants pour réaliser les objectifs de développement
économique et social. L’Etat, comme le décrit Sabine Panel, devient un acteur parmi d’autres,
au même titre des acteurs de la société civile et des acteurs du secteur privé à qui il faut
reconnaitre et concéder des marges d’action et de manœuvres de plus en plus grandes.

Cette période connait de même la consolidation des réformes concernant la décentralisation


politique. Les collectivités locales ne sont plus invités à se cantonner dans les rôles de
l’exécution des décisions et politiques publiques adoptées par l’Etat pour les territoires dans le
cadre d’une logique foncièrement descendante, top down. Elles ne sont plus à considérer
comme des relais entre l’Etat et la population mais deviennent les acteurs majeurs en termes
de promotion du développement économique et social de leurs territoires respectifs dans la
mesure où, de par les lois concernant la décentralisation, elles sont investies de la mission de
la gestion des affaires locales.

La logique première de la politique de l’aménagement du territoire doit changer pour faire la


transition de la logique du territoire donné à la logique du territoire construit. Le territoire
n’est plus cantonné à la seule délimitation opéré par les découpages administratifs. Le
territoire, de par sa définition qui va s’imposer désormais, devient un construit d’acteurs.
Cette évolution est parfaitement illustrée par l’intitulé suggestif du livre de Benoit Antheaume
et Frédéric Giraut : "Le territoire est mort, vive les territoires".

L’avènement du développement territorial concerne en fait plus que la volonté de donner plus
de marges de manœuvres, de décision comme d’action, aux acteurs locaux. Il s’agit en réalité
de l’affermissement d’un nouveau paradigme qui concerne l’évolution des modes de l’action
de l’Etat dans le cadre d’un mouvement de critique général qui taxent son efficacité. L’idée
principale qui est mise en avant pour soutenir la légitimité de l’optique du développement
territorial est que le développement ne peut plus être pris en charge par l’Etat par le prisme
exclusif de l’aménagement du territorial et des politiques publiques nationales élaborées par le
Centre dont la mise en œuvre doit être assurée par le Local.

Le développement territorial naît de cette prise en considération de l’intrusion de nouveaux


acteurs dans le jeu politique donnant lieu à un critique de la domination de l’Etat et à la

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reconnaissance de rôle d’autres acteurs comme le secteur privé, les acteurs de la société civile
et les habitants. L’avènement du développement territorial consacre la critique du rôle
dominant de l’Etat et la critique de l’inefficacité de ses politiques publiques nationales. Les
écarts de développement se sont creusés davantage accentuant les injustices sociales. Les
catégories de l’action sont définies par l’Etat, notamment entre les métropoles, les grandes
villes, les villes moyennes, les petites villes, entre les composantes de l’urbain et du rural.

Le développement territorial souligne la nécessité de la modernisation des modes et modalités


d’élaboration des politiques publiques, des stratégies de développement pour se mettre au
diapason des réformes concernant la décentralisation et l’affermissement des enjeux du
développement durable. Le développement territorial vise à améliorer l’efficacité de l’action
de l’Etat, de ses politiques publiques par une responsabilisation grande des acteurs locaux et
l’instauration de modes de gestion et mécanismes de la gouvernance territoriale qui mettent en
exergue l’importance de la coordination et de la coopération entre les acteurs. La complexité
de la gestion des affaires publiques et l’imbrication des enjeux et défis de développement de
même que l’imbrication des échelles entre l’international, le national et le local rendent
impérieux la question de la recherche de l’échelle pertinente de la planification et de
l’intervention. Ces modes de gestion réhabilité l’échelle locale qui devient l’échelle pertinente
de planification au lieu de l’échelle traditionnelle du territoire national. « Les dynamiques de
développement territorial sont le fait de logiques d’actions collectives qui prennent forme au
sein d’espaces de dialogue entre les acteurs. Ces modes de coordination s’appuient sur et
produisent des configurations spatiales qui relèvent des organisations territoriales. » (Angeon
Valérie et Callois Jean-Marc, 2006).

L’action de l’Etat est appelé à changer pour faire la transition de la politique de


l’aménagement du territoriale au développement territorial, c’est-à-dire de passer d’un
système de planification commandé par l’Etat à travers la consécration d’une organisation
hiérarchique descendante qui laissent peu de marges de manœuvres aux acteurs locaux, en
confinant le Local à des rôles de mise en œuvre et d’exécution des décisions et orientations de
l’Etat dont la domination est assurée déjà par le monopole des ressources financières. Le
développement territorial implique que les politiques publiques et stratégies de
développement doivent s’élaborer, s’exécuter et s’évaluer dans le cadre des territoires et par
les acteurs de chaque territoire. Les processus de décentralisation qui se développent à
l’échelle mondiale donnent lieu à l’affermissement des collectivités territoriales qui sont
dotées de pouvoirs plus étendues comme en atteste les réformes consacrées par l’adoption des

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lois organiques relatives collectivités territoriales au Maroc (la loi organique n°111-14
relative à la région, la loi n°112-14 relative à la province et préfecture et la loi organique n°
113-14 relative aux communes). Le développement territorial est en effet synonyme d’une
autonomisation plus grande des collectivités territoriales et de la mise en évidence des
identités locales.

Le développement doit reposer davantage sur des dynamiques collectives d’organisation des
territoires ainsi que sur le principe de la prise en charge par les acteurs locaux. L’introduction
du développement durable dans les discours et la législation modifie les représentations et le
jeu des acteurs. Face à ce changement de valeurs et de méthode, les attentes ne sont
évidemment plus les mêmes. De nombreux acteurs sont incités à participer et doivent prendre
des décisions engageant leur territoire pour l’avenir. Le développement ne doit pas être plus
abordé par les seuls objectifs de la croissance économique, par les indicateurs quantitatifs. Le
développement devient une affaire des territoires. Il englobe les aspects économiques,
sociaux, culturels, politiques. Les politiques et stratégies de développement des territoires
doivent impliquer l’ensemble des acteurs et parties prenantes par la consécration de
démarches participatives.

Le développement territorial s’articule autour de trois dimensions :

₋ une dimension économique via la mise en valeur des atouts spécifiques du territoire et
la création de richesses pour lesquelles on cherche aussi une répartition équitable ;

₋ une dimension environnementale via la mise en valeur d’un environnement considéré


comme spécifique tout en assurant la préservation et le renouvellement des ressources
naturelles et patrimoniales ;

₋ une dimension sociale via une meilleure réponse aux besoins fondamentaux des
populations (logement, santé, services….) et le développement de la cohésion sociale.

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