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Médiation linguistique et culturelle

Au sens large du terme, la « médiation » renvoie au fait d’intervenir dans un conflit


opposant deux parties afin d’aider ces dernières à conclure un accord. On y a souvent
recours dans les litiges d’ordre politique ou industriel, par exemple, mais aussi dans
ceux qui relèvent de la sphère privée. Dans le domaine de l’utilisation des langues, la
« médiation » remplit une fonction similaire et tout aussi importante, à savoir
permettre aux personnes concernées de communiquer efficacement avec des
locuteurs de langues différentes de la leur, de comprendre certains termes ou concepts
ou de faire face à certaines situations ou idées nouvelles pour elles. Ce type
d’intervention est résumé comme suit dans le Cadre européen commun de référence
pour les langues 1: « … les activités écrites et/ou orales de médiation, permettent, par
la traduction ou l’interprétariat, le résumé ou le compte rendu, de produire à
l’intention d’un tiers une (re)formulation accessible d’un texte premier auquel ce
tiers n’a pas d’abord accès direct. Les activités langagières de médiation, (re)traitant
un texte déjà là, tiennent une place considérable dans le fonctionnement langagier
ordinaire de nos sociétés.» (p.18).

Pourquoi une médiation

Les difficultés de communication peuvent être liées, entre autres, à des différences
linguistiques ou terminologiques, à un manque de compétences dans l’autre langue
ou registre (par exemple, entre les locuteurs de langues différentes, ou entre des
spécialistes d’un domaine donné et des non-spécialistes), à des lacunes cognitives,
c’est-à-dire à une méconnaissance de certains concepts ou processus (elle-même liée
à un accès insuffisant à l’éducation, à un faible niveau de compétences en littératie ou
de développement cognitif), à un manque d’informations pertinentes (sur la manière
de déposer une demande de logement, par exemple), à des différences culturelles
(concernant les règles de politesse ou la ponctualité, par exemple) ou à un handicap
tel qu’une déficience visuelle ou auditive. Voilà autant d’obstacles que sont
susceptibles de rencontrer les migrants lorsqu’ils arrivent ou s’installent dans un
nouveau pays d’accueil. La médiation est donc très importante pour eux, comme pour
toute personne qui découvre un pays, sa langue et sa culture. D’ailleurs, certaines de
ces difficultés nous concernent tous. La médiation fait donc pleinement partie de
l’éducation, de la plupart des types d’apprentissage et de la vie en général.

Si la communication linguistique est le mode de médiation le plus utile, le plus


fréquemment utilisé et le moins figé, il existe d’autres moyens efficaces, non
linguistiques, pour faire passer l’information et permettre la compréhension dans
certaines situations. On peut ainsi utiliser des gestes/pointer quelque chose ou
quelqu’un du doigt, ou avoir recours à une signalétique (comme la signalisation
routière) ou à des schémas. En outre, les appareils électroniques connectés proposent
différents outils, souvent interactifs et fondés sur du texte écrit, des images et la
traduction automatique, pour résoudre les difficultés de compréhension.
Migrants et médiation

En raison de la situation particulière dans laquelle ils se trouvent, les migrants de tous
âges – et en particulier les adultes – devront probablement être soutenus au moyen
d’une médiation linguistique et culturelle assurée par leurs interlocuteurs dans la
société d’accueil, y compris par des personnes ayant elles-mêmes vécu l’expérience
de la migration, ou par d’autres migrants avec lesquels ils ont une langue en commun
et qui sont désormais moins concernés par les questions qui préoccupent les
nouveaux arrivants, et, naturellement, par des bénévoles travaillant auprès de
migrants. Cette médiation peut s’effectuer par des voies formelles ou informelles. En
effet, bon nombre d’instances gouvernementales et de centres communautaires
publient sur leur site Internet ou en version papier des documents traduits dans
certaines langues parlées par les migrants. Certains d’entre eux ont aussi mis en place
des services de consultation et de conseils pour les personnes qui ont besoin qu’on
fasse pour elles des démarches concernant le logement, la santé, l’emploi et le soutien
financier dans la société d’accueil. Parfois, ce soutien s’accompagne de services
d’interprétation. Par ailleurs, les enseignants et les bénévoles dispensant des cours de
langue et de connaissance de la société sont souvent amenés à jouer le rôle de
médiateurs. Comme le soulignent Coste & Cavalli (2015)2, il est important que les
personnes qui interviennent dans la médiation auprès des migrants comprennent et
acceptent l’importante responsabilité qui incombe aux médiateurs (p.62). Ceux-ci
facilitent effectivement l’entrée des migrants dans une communauté qui diffère, à
divers degrés, de ce qu’ils connaissent, et qui possède ses propres normes,
conventions et pratiques linguistiques et culturelles. En fonction de leur parcours
personnel, ce changement de vie peut être difficile à supporter et chaotique pour les
migrants et les demandeurs d’asile, et impliquer de nombreux défis. Il peut donc être
nécessaire de mettre en place des mesures de médiation spécifiques en fonction de la
manière dont les migrants réagissent à la différence et à la nouveauté, de leur capacité
à intégrer de nouveaux groupes sociaux et à participer à leurs activités, et des
difficultés spécifiques auxquelles ils sont confrontés.

Rechercher la médiation, apprendre à jouer le rôle de médiateur

Les cours formels de langue et le soutien informel en langue peuvent renforcer


considérablement la capacité des migrants à rechercher d’eux-mêmes une médiation
linguistique et culturelle lorsqu’ils en ressentent le besoin. Ils peuvent également les
aider à acquérir davantage de confiance et d’autonomie dans le processus visant à
réduire l’écart entre leur expérience personnelle et leur répertoire linguistique et
culturel, d’une part, et ce qui leur est inconnu, étranger ou incompréhensible dans
leur nouvel environnement, d’autre part. Dans le cadre des cours formels de langue, il
est possible de prévoir des activités pratiques pour entraîner les migrants à demander
des informations, une aide linguistique (« Excusez-moi, pourriez-vous parler plus
lentement ? », « Que signifie xxxx ? »), des indications d’ordre culturel (« Dois-je
l’appeler ‘Marie’ ou ‘Mme Dupont’? »), ou à demander leur chemin. Les activités
mises en place par les enseignants peuvent également aider les migrants adultes à
rechercher une médiation linguistique et culturelle et des informations pratiques de
façon indépendante, en se servant d’Internet, en consultant des dictionnaires en ligne
ou en prenant contact avec les organismes pertinents, par exemple. En outre, les jeux
de rôles, les activités de simulation en salle de classe et les exercices de reformulation
permettent aux migrants de se mettre à la place de ceux qui sont en mesure d’assurer
une médiation linguistique et culturelle en faveur d’autres personnes. L’aide qu’ils
sont capables de proposer peut-être d’un niveau basique et se limiter, par exemple, à
indiquer son chemin à quelqu’un, à expliquer la signification d’un mot ou d’un nom,
à répondre à des questions sur les coutumes ou sur certains aspects de la vie
quotidienne, de la culture ou de la religion qui ne leur sont pas familiers. Mais le fait
d’apprendre à rechercher et à proposer une « aide médiatrice » sensibilise les
apprenants à la langue utilisée dans ce contexte et développe leurs stratégies dans ce
domaine. Plus généralement, cela peut aussi renforcer leur confiance en eux en tant
que participants à la société, ainsi que leur estime d’eux-mêmes. Dans un premier
temps, les enseignants qui organisent ce type d’activités doivent procéder à un
diagnostic informel pour évaluer les besoins individuels des apprenants en termes de
soutien linguistique et culturel, ainsi que le niveau de capacité à rechercher un tel
soutien et à le proposer à d’autres qu’ils possèdent déjà.

La communauté d’accueil et la médiation

A elle seule, la médiation linguistique et/ou culturelle dispensée de façon formelle par
le biais d’organismes publics ou dans le cadre de cours de langue et de connaissance
de la société a peu de chances de répondre aux besoins individuels quotidiens des
migrants, qui ont besoin de s’intégrer dans la société d’accueil. L’apprentissage
informel joue également un rôle fondamental à cet égard, en particulier grâce à la
médiation que d’autres membres de la communauté (les employeurs, les prestataires
de services, les voisins, la population en général et d’autres migrants) peuvent
proposer en interagissant avec les migrants. Dans les documents du Conseil de
l’Europe, l’intégration est généralement décrite comme un processus à double sens.

Cependant, trop souvent, les membres de la communauté d’accueil ignorent ou


oublient le rôle qu’ils peuvent jouer dans le processus d’intégration. Il faut mettre
davantage l’accent sur la lutte contre la discrimination, la xénophobie et les préjugés
dans l’éducation formelle et informelle, ainsi que dans les campagnes de publicité, et
prendre plus d’initiatives visant à sensibiliser davantage la communauté hôte aux
types de médiation linguistique et culturelle qu’elle peut proposer de façon informelle
aux personnes qui ne maîtrisent pas encore la langue de leur société d’accueil ou qui
n’en comprennent pas totalement la culture ou les normes. La disposition à apporter
un tel soutien et le fait de s’intéresser aux cultures et aux parcours des migrants
contribuent à rapprocher les autochtones et les nouveaux arrivants, tout en permettant
à la communauté d’accueil de jouer son rôle dans le processus d’intégration.
RR

[1] Conseil de l’Europe (2001) : Cadre européen commun de référence pour les
langues : Apprendre, enseigner, évaluer (CECR), Editions Didier, Paris. Disponible
en ligne : www.coe.int/lang-CECR

[2] Coste, D., Cavalli, M., (2015), Education, mobilité, altérité - Les fonctions de
médiation de l'école, Conseil de l’Europe, Strasbourg, Chapitre 3.1.1.
www.coe.int/lang/fr

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