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The liturgical homily has a bad record even though it still affects lots of people every Sunday and represent the
most important food for the faith of quite a number of churchgoers. This article consists of a number of
reflections derived from practice and from the teaching of homiletics so as to turn preaching into a place that
proposes to become a believer, serving a ≪ pastoral task of giving birth ≫. The preacher is so to say appointed
by his community to be in closer contact with the Word of the Lord and to heartily share that Word. If he speaks
in a true, intelligent, lively and positive manner, the homiletic activity will become a sort of spiritual
accompaniment of the community, however diversified contemporary congregations are.
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1. L'homélie, un acte de foi
Acte de foi dans la liturgie
Acte de foi en la Parole
Acte de foi dans l'assemblée
Foi en la puissance de la Parole prêchée
2. Une Parole reçue dans l'oraison
3. La Parole expliquée : pour une prédication intelligente
Servir la Parole et non s'en servir
Être attentif à ce que veut faire le texte
Être conscient du point de contact avec le texte
Débusquer les fausses pistes
Respecter l'altérité «rugueuse » des textes
S'effacer devant le mystère d'une rencontre
Obéir selon la foi
4. Parler authentiquement
Quelques caricatures à éviter
Être soi-même en homme de Dieu
Rester vulnérable à la vie
5. Parler clairement
Parler « juste »
Parler « vivant»
Choisir un visage d'Église
Pratiquer un langage oral
6. Parler positivement
Construire une vie
Éveiller à l'espérance
BEUGRE 1
Nourrir la vie spirituelle
7. Une homélie de « pro-position »
Faire retentir l'appel à la conversion
Des lumières sur le sens de l'existence
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1 C'est le sous-titre du collectif dirigé par G. ROUTHIER, Faire écho au Verbe. Réinvestir dans
l'ho (...)
2 Pour reprendre une expression en vogue depuis peu, grâce notamment aux deux ouvrages
dirigés par P (...)
L'homélie a fort mauvaise réputation. Elle continue pourtant de rejoindre chaque dimanche un nombre
considérable de personnes à travers les diocèses et les paroisses, et de leur offrir une nourriture plus ou moins
consistante pour leur chemin de vie. Il vaut donc la peine de réinvestir dans l'homélie 1 et de lui vouer une
attention soutenue, car elle constitue, aujourd'hui plus que jamais, un lieu éminent de la proposition de la foi et
de la pastorale d'engendrement2.
3 C'est le titre donné à un malicieux ouvrage d'un groupe de théologiens lyonnais :
P. THOMAS, Si vou (...)
2Le présent essai a pour seule prétention d'énoncer quelques réflexions sur le commentaire liturgique
de la Parole, à partir de ma propre expérience de prédicateur et de professeur d'homilétique, également
d'émettre quelques suggestions afin de contribuer à renouveler l'art de prédication, dans l'espérance
que celles-ci touchent tant ceux qui prêchent que celles et ceux qui se passionnent, se nourrissent ou...
s'ennuient pendant le sermon3.
3Il est significatif que nos considérations théologiques s'inscrivent dans un mouvement général de
redécouverte de la rhétorique, dans les registres juridique, politique, social et commercial. L'université
de Fribourg est d'ailleurs sur le point de créer un Master transdisciplinaire en rhétorique, qui
convoquera les compétences des professeurs de droit, de lettres et de théologie.
4Au contraire de cette réactivation de l'antique discipline de la rhétorique dans l'univers profane, il est
étonnant de constater combien on se préoccupe rarement de l'homélie en Église catholique, notamment
dans le domaine francophone4. Très peu d'impulsions pastorales vigoureuses ont été données à ce
propos par les Conférences épiscopales ou les Congrégations romaines, et un nombre très restreint de
publications en français lui ont été consacrées ces dernières années5. On chercherait en vain des lieux
ou des sessions de formation permanente en France, en Suisse ou ailleurs en francophonie. C'est un
peu comme si, après la belle réforme de Vatican II (Constitutions Dei Verbum et Sacrosanctum
Concilium), il était naturel que l'homélie en découlât.
5Il y a là de quoi engendrer le découragement, aussi bien chez les prédicateurs que chez les auditeurs.
Pourtant, l'heure est bel et bien venue de se pencher à nouveaux frais sur l'homélie, tant la soif
BEUGRE 2
spirituelle des assemblées croît. Pourquoi si peu de fidèles interpellent-ils le président de la liturgie au
sujet de sa prédication, pour le féliciter, à l'occasion, pour l'inviter à poursuivre, à persévérer ou à
redresser sa visée? Si les pasteurs sont appelés à aimer leurs auditeurs, ceux-ci peuvent également les
soutenir.
6En effet, l'homélie est d'abord un acte de foi en Église, qui continue de croire que la prédication
liturgique actualise la Parole de Dieu, selon l'exemple de l'homélie de Jésus à la synagogue de
Nazareth: «Aujourd'hui, proclame Jésus, en refermant le rouleau d'Isaïe 61 qu'il venait de lire,
s'accomplit à vos oreilles ce passage de l'Écriture» (Lc 4,16-21). Quel modèle inégalable, notamment
par sa brièveté !
L'homélie [...] est fortement recommandée comme faisant partie de la liturgie elle-même; bien plus,
aux messes célébrées avec le concours du peuple, les dimanches et jours de fêtes de précepte, on ne
l'omettra que pour un motif grave (Sacrosanctum Concilium, n. 7).
8C'est parce que la célébration permet la rencontre effective avec le Seigneur ressuscité
que l'homélie y conduit aussi.
Acte de foi en la Parole
6 Cette unité est un peu atténuée lorsque prêche un prêtre autre que le président de la
célébration (...)
9La valeur de l'homélie prend racine dans la conviction que le prédicateur, en lisant et commentant
l'Évangile, accomplit une mission de l'Église, au même titre que lorsqu'il prononce les paroles
sacramentelles. C'est pour cette raison fondamentale que la prédication durant une eucharistie est
réservée au ministre ordonné. De même que le prêtre seul peut dire au nom de son ordination les
paroles mêmes du Christ lors du dernier repas avec ses Apôtres, de même re-présente-t-il, rend-il
présent le Christ, lorsqu'il proclame l'Évangile et l'actualise dans la prédication. L'identité de
présidence souligne le lien entre les deux « tables ». Le Christ est aussi réellement présent dans la
bonne nouvelle annoncée que dans le Pain et le vin eucharistiés6.
7 Pour une étude de ces deux textes, avec leurs conséquences en pastorale, voir notre ouvrage
cosign (...)
10Croire en l'homélie, c'est croire en l'efficacité de la Parole de Dieu, qui ne retourne pas à lui sans
avoir fécondé la terre humaine, comme la pluie ou la neige (cf. Is 55,10-11), une Parole plus pointue et
plus acérée qu'une épée à deux tranchants (He 4,16-17)7.
BEUGRE 3
Cantores (les «petits chanteurs»): «Frères, chantons (prions) pour que l'on prie, pour qu'on regarde un
peu le ciel ! ».
12Comme en tout processus de communication, la parole naît dans ceux, et de ceux, qui l'écoutent:
l'homélie a besoin de l'auditoire comme l'arbre de la terre où il est (trans)planté. La parole joue dans
cet espace où elle est dite et accueillie. C'est ainsi qu'elle peut effectivement devenir «intéressante», au
sens du latin interesse, «se situer entre» le prédicateur et l'auditoire.
16C'est dans cette perspective que s'inscrit la parole prêchée, en écho catéchétique à la Parole révélée :
le monde plongé dans un tohu-bohu indescriptible a besoin d'un verbe qui apporte clarté et repères ; les
hommes contemporains déboussolés dans le flux d'une réalité mouvante attendent une parole-phare qui
balise leur route.
10 Je pense à un prêtre qui, chaque fois qu'il a rédigé une homélie dont il se sent assez satisfait
e (...)
17Que les prédicateurs continuent donc de méditer les textes, de chercher des idées, de quêter des
images et de laisser faire l'Esprit, source de toute créativité. Qu'ils se soutiennent mutuellement, qu'ils
se passent des «tuyaux»10, qu'ils échangent sur leurs joies et difficultés dans ce ministère. Qu'ils ne se
privent pas de demander des échos « en vérité » de la part des membres de leurs conseils ou des
groupements de la région, qu'ils procèdent de temps en temps à des enquêtes auprès des paroissiens,
qu'ils organisent des forums de débat ouverts à tous après les eucharisties. Comme je le dis chaque
année, à la dernière séance de mon séminaire pratique d'homilétique : c'est maintenant que cela
commence, pratiquez la «supervision» homilétique sans modération!
BEUGRE 4
2. Une Parole reçue dans l'oraison
18A quoi bon «prendre» la parole si on ne l'a pas d'abord «reçue» ? L'homélie s'engendre dans l'état de
disponibilité intérieure qu'adopte le prédicateur, à l'image du petit Samuel dans le temple : « Parle,
Seigneur, ton serviteur est en état d'écoute » (1 S 3 ,9). Il s'agit donc de commencer par accueillir les
textes au cœur de l'Église, de la prière et de la liturgie. Le Dominicain M.-J. Lagrange aimait recevoir
les passages qu'il allait étudier et prêcher parmi les chants et l'encens. Rien ne remplace donc, avant
même de consulter tout commentaire, une première lecture des textes, qui inaugure ainsi un long
processus de rumination et de maturation de la Parole. L'homélie est à porter comme un enfant, afin
qu'elle devienne susceptible d'engendrer à la foi. Tant mieux si certaines péricopes résistent au premier
coup d'œil.
11 Origène, Philocalie 2 (Philocalie 1-20. Sur les Écritures, Sources Chrétiennes, éd. M. Harl,
Paris (...)
20C'est à la chapelle que le prédicateur prépare le mieux son homélie, afin de puiser dans l'oraison
inspiration et conviction, pour accorder son instrument à celui qui lui donne la partition. Une telle
démarche tient un peu du pèlerinage : le prédicateur vient à la prière pour y retrouver les traces de
Dieu. Il y emporte avec lui les destinataires de son homélie: c'est qu'il est comme mandaté par le
peuple pour aller fréquenter le Seigneur sur la montagne d'un Sinaï d'aujourd'hui, y recevoir la Loi de
vie et la volonté du Père, ensuite redescendre dans la plaine, afin de transmettre ce qui déborde de
l'abondance de son cœur12.
21L'homélie et l'Écriture coulent de la même source, elles ne deviennent chair et sang des hommes que
par l'inspiration de l'Esprit Saint. Comme dans l'existence, l'Esprit poursuit et active la sanctification
des fidèles par l'intermédiaire des humbles discours des présidents d'assemblées, même s'ils ne sont ni
Bossuet, ni François de Sales, ni le curé d'Ars. Il y insère son «énergie» propre, qui fait bouger l'Église
et qui recrée, dimanche après dimanche, le peuple de l'Alliance. Ainsi «inspirés», les prédicateurs
peuvent ressembler à ces conteurs de campements sous tente, faisant dans le désert de la société
hypermoderne et urbanisée le récit inlassable des merveilles de Yahvé, celles d'autrefois et celles qu'il
promet de réaliser aujourd'hui. Ni meilleurs ni pires que leurs prédécesseurs, ils sont attelés à la même
tâche que les prophètes bibliques, charge rude mais belle, imprévue mais passionnante. Ils sont comme
Amos, appelé « malgré lui » à interpeller le peuple d'Israël :
22Prophète, je ne l'étais pas, ni fils de prophète. Éleveur de bétail, j'étais, et planteur de sycomores.
Mais le Seigneur m'a pris de derrière mes vaches et il m'a dit : « Va, prophétise à mon peuple. Alors,
maintenant, écoute la Parole du Seigneur ! » (Am 7,14-15)
3. La Parole expliquée : pour une prédication intelligente
Servir la Parole et non s'en servir
13 Pour l'articulation de ces trois mondes - «derrière le texte», «du texte» et «devant le texte» -
v (...)
BEUGRE 5
23Le but de l'homélie consiste à transmettre la Parole à la communauté, afin de nourrir celle-ci et de la
faire vivre. Pour faire parler les textes, il s'agit donc d'entamer avec eux la conversation, de «
surprendre » la conversation originelle qui a présidé à leur rédaction (« le monde derrière le texte ») et
de se pencher attentivement sur leur texture littéraire, leur genre littéraire, leur construction, leur
fonction au sein de l'ensemble du Canon des Écritures («le monde du texte»). C'est seulement par une
ascèse que peut s'engager la conversation avec la personne du prédicateur puis avec l'assemblée
liturgique («le monde devant le texte»)13. Cette ascèse articule des approches diachroniques et
reconstructives, pour déterminer l'enracinement historique des textes, avec des méthodes
synchroniques et narratives, afin d'établir leur agencement littéraire, leur portée rhétorique, leur
contexte dans le Livre auquel ils appartiennent, leur visée théologique spécifique. Les prédicateurs
catholiques devraient s'imposer la même discipline que leurs homologues réformés, en lisant
régulièrement un ou deux grands commentaires bibliques. Puissent-ils continuer de rester informés des
recherches académiques en exégèse, de cultiver une saine curiosité théologique !
14 Ainsi, pour les revues : Le Monde de la Bible, Biblia ou les Cahiers Evangile avec leurs Supplémen (...)
24Pour prêcher sur les textes de la Genèse, de l'Exode ou du Deuté-ronome, comment faire l'économie des
récentes remises en question de la théorie documentaire du Pentateuque, qui met désormais en avant deux
grandes traditions (deutéronomiste et sacerdotale) et non plus quatre (yahviste et élohiste abandonnées)? Pour
rejoindre les préoccupations des gens, comment faire totalement l'impasse sur les dernières découvertes en
archéologie biblique et sur les débats qu'elles ont suscités autour de l'historicité des événements narrés par les
deux Testaments ? De nombreuses revues et ouvrages d'intelligente vulgarisation s'emploient à faire connaître
ces recherches14.
25La lecture attentive des textes en vue de la prédication porte dès le début le souci des auditeurs. On
peut parler dès lors d'une « exégèse homilétique»15, au sens qu'elle se soucie moins des débats
techniques ou historiques soulevés par la science exégétique que de la signification des textes dans leur
capacité de refigurer le monde des auditeurs futurs. Une telle approche privilégie par exemple
l'attention à ce que veut faire le texte, à sa visée rhétorique, différente selon qu'il s'agit d'une parabole,
d'une invective ou d'un dit de sagesse. Le prédicateur est alors conduit à adopter une forme
homilétique qui donne la possibilité au texte de produire l'effet pour lequel il a été écrit. Ainsi, un
sermon sur la béatitude « Heureux les pauvres en Esprit » ne devrait pas exhorter (« Nous devons être
pauvres en Esprit ») mais proclamer le bonheur en acte qu'elle procure. Une homélie sur le
renversement par Dieu des puissants, dans le cantique du Magnificat (Lc 1,46-56), gagnerait à ne pas
expliquer la nature d'un tel renversement mais à le mettre en œuvre, par exemple en narrant une
histoire de renversement.
16 Voir notamment M. Graves, The Sermon as Symphony. Preaching the Literary Forms of the
New Testamen (...)
17 Cf. J. CHILDERS, Performing the Word. Preaching as Theatre, Nashville, 1998.
26Preaching as event, disent les Américains16. Il convient de faire de la prédication elle-même un
événement de grâce, une « performance», comme un concert ou une représentation théâtrale17 - sans
tomber dans les dérives des shows médiatiques de certains télévangélistes nord-américains -, un acte
de parole où les choses adviennent tandis qu'elles sont dites.
BEUGRE 6
27Il est un autre point constitutif de l'exégèse homilétique: être conscient de l'élément du texte avec lequel le
prédicateur s'identifie et propose à ses auditeurs de s'identifier. Ainsi, lorsque les pharisiens critiquent Jésus
parce qu'il mange avec les pécheurs, de quel côté la prédication se met-elle : spontanément du côté du Christ ou
de celui des pécheurs ou plutôt de celui des chefs du peuple ? Comme le dénonce avec humour F. Craddock,
dans un manuel homilétique pétri de bon sens :
Lorsqu'on se rend compte que les prédicateurs ont toujours tendance à graviter autour des meilleurs sièges proposés par le
texte, on a avantage à opérer un déplacement ; pour le prédicateur ce sera salutaire, et pour la communauté, bienvenu. Le
prédicateur peut revenir au texte et écouter Paul ou Jésus plutôt que de répéter ce qu'ils ont dit. Cela fera une différence
énorme au niveau du sermon.18
28Ensuite, le prédicateur peut avoir un intérêt à expliciter les mots ou expressions que les fidèles comprennent
souvent de travers : par exemple la « crainte » vétérotestamentaire, la « chair ou le corps », pas du tout reçus en
leur signification «holistique» de globalité de l'être humain dans sa visibilité relationnelle 19. Il a pour tâche
d'essayer ainsi de combler le fossé qui demeure indéniablement entre la mentalité contemporaine et les
conceptions bibliques, lesquelles placent Dieu immédiatement derrière un phénomène naturel (l'orage au Ps 29)
ou un événement (le malheur dans une ville en Am 3,6, ou l'endurcissement de Pharaon en Ex 14,8), tandis que
l'homme postmoderne en cherche (légitimement) les causes secondes, physiques ou morales, au nom de
l'autonomie et de la liberté individuelle.
29Grâce au travail exégétique, le prédicateur parvient à relativiser avec pertinence des éléments très marqués
par le contexte de l'époque, donc à une saine « démythologisation» de la cosmologie biblique à trois étages, de
la présentation imagée des anges et des démons, du paradis et de l'enfer dans les Saintes Écritures. Il est
indispensable de « dé-contextualiser » les textes afin de libérer ce qu'ils «donnent à penser» aujourd'hui, puis de
pouvoir les « re-contextua-liser» correctement.
BEUGRE 7
S'effacer devant le mystère d'une rencontre
32Un prédicateur demeure un humble porte-parole, un héraut, un haut-parleur, telle Bernadette Soubirous lors
des apparitions à Lourdes : « Je ne suis pas chargée de vous faire croire, je suis chargée de vous le dire ! » Celui
qui prêche exerce une double mission: faire entrer les auditeurs dans le monde des textes bibliques, faire entrer
le monde biblique dans le monde des auditeurs. Devant Dieu, sur la montagne, comme Moïse, il plaide la cause
de sa communauté et en célébration il la lui présente. Devant le peuple, dans la plaine, il plaide la cause de Dieu
et, en célébration, il fait retentir l'interpellation divine aux oreilles de ses auditeurs, sans fausse retenue. Il a un
double mandat à exercer avant de se retirer, de s'effacer, tel Jean-Baptiste (cf. Jn 3,28-30) devant la rencontre
avec l'Époux, qui relève du mystère de l'intimité du croyant et de la grâce de Dieu, dans le secret de leur face-à-
face. Indispensable, l'homélie demeure insuffisante: elle se place au service de la rencontre de foi, libre et
personnelle. L'essentiel se joue dans le silence qui suit la prédication, car le silence qui suit Mozart est encore
Mozart.
L'assurance tirée de l'étude (pas la pseudo-assurance de la bravade) ouvre la porte aux pouvoirs de la communication.
Connaître son sujet et croire en sa valeur rend libre ; c'est cette liberté qui permet à toutes les facultés de s'épanouir à leur
meilleur niveau au service de la parole et de l'écoute20.
34Porté par une liberté exercée dans l'humilité et l'humour par rapport à soi-même, le prédicateur n'est pas tenu
de dire le dernier mot, le plus savant ou le plus intelligent, sur les textes. Il peut se contenter de murmurer: voici
ce qu'Isaïe me dit ce matin, voilà comment j'entends aujourd'hui cette péricope de Matthieu.
4. Parler authentiquement
35Je plains les prédicateurs qui empruntent textuellement leur prédication à un site internet, à une revue ou un
homéliaire, même si leur référence est de qualité. Car chacun a son propre timbre : l'accent est à la parole ce que
le sourire est au visage. Un Strasbourgeois ne s'exprime pas comme un Genevois, ni un Marseillais comme un
Québécois. Chaque prédicateur porte en lui une vibration propre, selon laquelle il « sonne juste et parle vrai ». Il
faut être et rester naturel, être et demeurer soi-même, pour écrire et interpréter sa propre musique pour le style,
la voix et le ton comme pour les gestes. À chercher le « populaire », on finit dans le trivial ; à quêter les effets de
manche solennels, on aboutit au prétentieux.
BEUGRE 8
Être soi-même en homme de Dieu
21 G. Bernanos, Journal d'un curé de campagne (1936), dans Œuvres romanesques, éd. A. Béguin et M. Es (...)
37L'acte de communication homilétique unifie la vie de celui qui prêche : c'est l'occasion pour ce dernier
d'entendre la musique profonde de son être, de refaire sa théologie biblique, dogmatique ou morale et d'en
dégager l'essentiel. Le parler vrai de la prédication se présente alors comme un acte-carrefour où formation et
expériences se donnent rendez-vous ; à condition que le prédicateur parle avec conviction, se donne à la tâche,
se livre tout entier à son auditoire et se laisse brûler et blesser par la Parole. Le Journal d'un curé de
campagne de Bernanos l'exprime admirablement: «La Parole de Dieu c'est un fer rouge. Et toi qui l'enseignes,
tu voudrais la prendre avec des pincettes [...] Je prétends simplement que lorsque le Seigneur tire de moi, par
hasard, une parole utile aux autres, je la sens au mal qu'elle me fait 21. » Car la conviction se révèle contagieuse,
l'enthousiasme communicatif. Que voilà un beau compliment, au terme d'une célébration : en tout cas, celui-ci,
il y croit. L'homélie est une affaire de feu sacré: reprendre le texte écrit d'une prédication après l'avoir entendue
entraîne souvent une déception, car il y manque le timbre, la vibration, l'accent.
22 H. Babel, La prédication, communicatrice de vie, Genève, 1991, p. 36.
38Le prédicateur agit autant par ce qu'il est que par ce qu'il dit. Comment parler authentiquement de la relation à
Dieu, sans la vivre soi-même? L'auditoire se rend tout de suite compte si l'homélie sonne juste. L'étymologie du
terme grec (homoios, semblable; ilè, troupe, foule) le dit bien: l'homélie se présente comme un discours
développant un étroit contact avec les auditeurs et se déployant comme un entretien familier à propos des textes
et de la vie. À cet égard, toute l'activité pastorale est « homilétique». Le pasteur H. Babel l'exprime en une
formule lapidaire et provocante : «Prêcher non comme on prêche mais comme on parle. Et comme on parle pour
son temps22.»
Rester vulnérable à la vie
23 Au moment où cet article a été achevé (juin 2008), il était impossible en Suisse de ne pas faire r (...)
39Pour faire passer tout l'Évangile dans toute la vie, il est indispensable que le prédicateur demeure vulnérable à
ce qui se passe et à l'existence des gens 23. L'authenticité de Don Helder Camara m'avait ainsi laissé une forte
impression lors de l'un de ses passages à Fribourg : il ne se plaçait pas du tout en professeur ou en sage ; il
commençait par raconter comment, au début, il n'avait lui-même rien compris, et comment les autres lui avaient
ouvert les yeux. Cette humilité avait ensuite conféré à son propos une prodigieuse crédibilité. Dès lors, le
pasteur saura relever une rencontre qui lui a touché le cœur durant la semaine : une joie ou une détresse
partagées. Il suffit d'y faire sobrement allusion, avec pudeur et délicatesse. Le peuple de Dieu le saisit, car il vit
des expériences analogues. Devant les grandes questions existentielles, personne ne peut s'enorgueillir.
40Toute parole est risquée. Le prédicateur n'a pas besoin de prétendre exprimer les vérités éternelles. Il veillera
simplement à y donner accès, avec pertinence, voire impertinence, en osant une parole directe, parfois
inhabituelle ou « in-solente ». Il y faut une seule restriction: le prédicateur est là, avec des frères et sœurs, non
pour ouvrir des blessures mais pour panser des plaies.
5. Parler clairement
24 Cf. Babel, La prédication, communicatrice de vie, p. 39-47.
25 Cf. B. Reymond, «Le prédicateur 'virtuose' de la religion. Schleiermacher aurait-il vu juste?», Et (...)
26 La mère d'un jeune prêtre lui avouait après ses premières prédications : «Tu emploies des mots bea (...)
41Une homélie obscure et compliquée n'est pas plus profonde qu'un sermon clair et simple 24 ! Les remarques de
paroissiens sont ici à redouter : «Vous être trop calé, trop intelligent pour nous ! » Il en va ainsi pour tous les
arts. «Il est au pouvoir de tout le monde d'être compliqué, mais le grand art trouve le chemin de la simplicité »,
déclarait Wilhelm Furtwàngler, chef d'orchestre. Et Pablo Casals, violoncelliste: «Les choses les plus simples
sont celles qui comptent vraiment ». Simplex, dans le langage biblique, s'oppose à duplex, d'où vient duplicité.
La complexité confine souvent à l'obscurité. Le prédicateur ressemble alors au virtuose qui accumule les
gammes afin de donner l'impression que la musique interprétée est aisée 25. On fuira donc le jargon
ecclésiastique, le «patois» de Canaan. On saura se faire conseiller 26 par des confrères bien intentionnés et
veillera à avoir quelque chose à dire, comme le conseillait Cicéron. Le modèle de tout prédicateur demeure
assurément le Christ lui-même: «Les foules étaient extrêmement frappées par son enseignement, car il
enseignait avec autorité et non pas comme les scribes», selon Mt 7,28-29. Dans la synagogue de Nazareth, les
auditeurs «étaient dans l'étonnement des paroles de grâce qui sortaient de sa bouche» (Lc 4,22).
Parler « juste »
42Contrairement à l'adage italien traduttore, traditore, le prédicateur qui ne traduit pas la Parole pour
aujourd'hui la trahit. Si la prédication ecclésiale ne sort pas du langage convenu et la plupart du temps pas
compris, si elle ne parle pas la langue de l'assemblée et ne se risque pas à aller à sa rencontre, elle emprisonnera
BEUGRE 9
la parole. La sollicitude pastorale du responsable de communauté se mesure à son désir de comprendre ses
auditeurs, de porter une attention soutenue à ce que pensent, éprouvent, désirent, souffrent, refusent, choisissent,
oublient les gens des maisons et des rues, des bureaux et des boutiques de sa paroisse ; ces femmes et ces
hommes, ces jeunes et ces enfants rencontrés, écoutés, approuvés, contestés, de semaine en semaine, avec leurs
mots et leurs manies, leurs slogans et leur tabous, leurs allures et leurs silences. L'homélie est acte de
communion, elle allie beaucoup de bienveillance et de connivence, avec un peu d'esprit critique.
27 Au sens théologique fort de la « reconnaissance » d'un lien interpersonnel, tel que développé lors (...)
43C'est seulement s'il se sent reconnu27 dans ce que dit le prédicateur que l'auditeur y prête vraiment attention.
On ne retient de nouveau que ce qui peut être relié à un élément familier. C'est tout l'art de
la recognitio, reconnaissance : partir du déjà connu pour conduire plus loin. F. Craddock en parle abondamment
:
28 Craddock, Prêcher, p. 27.
Qu'on ne voie pas là [...] la suggestion de prêcher ce que les gens ont envie d'entendre, mais plutôt l'affirmation que l'on
devrait prêcher de temps à autre ce que les gens ont envie de dire28.
29 Ibid., p. 46
44Parler «juste», c'est parler autant de la part de la communauté qu'à son adresse. L'homélie ressemble à la
prière, elle donne voix à ce que les gens sentent, savent, croient. « Mais elle peut aussi les briser, précise F.
Craddock, si un jour ils entendent vraiment ce qu'ils ont pris l'habitude d'écouter sans l'entendre 29.» Ceci exige
du prédicateur qu'il commence par s'écouter lui-même avec sérieux, dans ses coups de sang et ses haut-le-cœur,
dans sa propre perception du siècle, afin de mieux écouter et rejoindre ses auditeurs.
Parler « vivant»
30 Le grand homiléticien américain D. Buttrick conçoit la construction d'une homélie par séquences (m (...)
31 Selon la notion d'homilétique narrative et de temporalité mise en récit développée notamment par E (...)
32 Voir G.M. Martin, « Predigt als 'offenes Kunstwerk' ? Zum Dialog zwischen Homiletik und Rezeptions (...)
45«La meilleure homélie, disait un plaisantin, c'est celle qui commence par une excellente introduction, qui se
termine par une conclusion pertinente, et qui essaie de rapprocher le plus possible les deux l'une de l'autre». Une
bonne prédication est celle qui dès l'accroche (captatio benevolentiae) captive l'auditoire, le maintient
constamment en suspens, comme dans un film 30 ou un roman en plusieurs actes et épisodes 31, et qui le laisse
avec des questions ouvertes: une « œuvre d'art ouverte», selon un courant de l'homilétique germanophone 32.
33 W. Engemann plaide dans ce sens à partir d'une analyse sémiotique du langage de la prédication : « (...)
46En effet, comme dans toute communication, c'est l'auditeur qui « fait le sens », à partir de la proposition qui
lui est transmise. Il importe donc de lui donner à penser, à méditer, à réfléchir, à transformer, à agir, pendant et
après la célébration, en évitant un langage clos et obtus, en cultivant au contraire un type d'expression aérée,
évocatrice et invitatoire. L'homélie ouvre des allées de significations : aux auditeurs de les emprunter
librement33.
34 Voir T. Long, Preaching the Literary Forms of the Bible, Philadelphia, 1989, et mon ouvrage, Prêch (...)
47Tous les genres sont permis, sauf le genre ennuyeux. Parler vivant, lorsqu'on est curé d'une paroisse durant
plusieurs années, exige de savoir varier les formes, en fonction particulièrement des genres littéraires des textes
prêchés34 : formes narrative, méditative, exhortative, poétique, anecdotique, ecclésiale, «politique », doctrinale,
morale, sacramentelle, liturgique. Sinon risquent de tomber des remarques comme celle-ci : « Votre prédication
était comme l'épée de Charlemagne. - Ah, incisive, puissante, étincelante, victorieuse ? - Non, longue et plate ! »
Choisir un visage d'Église
48La Révélation divine est langage, la prédication ecclésiale est langage. Le type de langage retenu induira tel
ou tel visage d'Église auprès des assemblées: visage d'une Église-bastion, qui se sent menacée et agressée par le
monde sécularisé et mauvais, si ne sont mises en avant que la Tradition et le Magistère, à coup de citations
d'autorité et avec évitement de toute formulation innovante ; visage d'une Église voulant à tout prix épouser le
monde environnant, avec le risque que le sel de l'Évangile ne s'affadisse et que la Parole de Dieu ne perde son
tranchant (cf. Ep 6,17), si on donne dans le spirituellement correct, la tolérance sans relief et le syncrétisme
interreligieux ; ou encore visage d'une Église militante, à la reconquête prosélyte d'une société qui s'est éloignée
de Dieu, si on recourt à un discours truffé de déclarations, d'exigences et de condamnations, qui finit par devenir
un acide corrosif plutôt qu'un levain dans la pâte.
49Au contraire, avec un langage qui creuse en profondeur le message de la foi, qui propose la Bonne Nouvelle à
partir de la vie des gens et invite à la relation personnelle et communautaire avec Dieu, voici que se dégage pour
les fidèles l'image d'une Église libre, véritable signe lumineux pour le monde, telle une ville bâtie sur la
montagne et visible par tous, une Église qui touche les cœurs par le témoignage d'une expérience spirituelle
inouïe. De même, avec le langage de l'empathie et de l'explication dans la patience et la charité, à l'exemple du
Christ cheminant avec les disciples d'Emmaus, voilà que se déploie le visage d'une Église solidaire de
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l'humanité, qui fait entendre avec honnêteté et sincérité sa voix dans le concert du monde, sans hypocrisie ni
néotriomphalisme, en reconnaissant ses faiblesses et ses fragilités et en se donnant les moyens de les corriger ;
une Église qui gagne en crédibilité par la pertinence et la discrétion de son action au service des petits, dans
l'amour et le respect de la dignité de chaque être. Le langage de l'homélie sera donc capable de transformer en
bon pain la farine évangélique, à condition que se lèvent des prédicateurs boulangers, qui donnent à goûter la
saveur de la Bonne Nouvelle, en des prédications pétries d'images, de métaphores, d'anecdotes, et même de
plaisanteries. Pourquoi donner à manger des biscottes de régime, alors qu'on dispose de pain frais et
croustillant?
Pratiquer un langage oral
50L'homélie relève enfin de l'oralité, de l'oraliture, ose même dire B. Reymond. Elle s'inscrit dans la grande
chaîne de l'oralité, depuis la prédication des prophètes et de Jésus, dont le texte des Écritures garde la trace,
jusqu'au témoignage vivant des auditeurs. Elle prolonge la proclamation liturgique. Si le prédicateur la proclame
par cœur plutôt qu'il ne la lit, c'est mieux. S'il la prononce de l'abondance du cœur, c'est encore mieux. La
manière propre à chacun s'adapte aux périodes de la vie. Mais l'improvisation se prépare soigneusement, pour ne
pas sombrer dans le bavardage. L'improvisation est la solution spontanée d'un problème longuement médité.
51Si donc le prédicateur préfère écrire entièrement son sermon, qu'il le fasse en vue de l'annonce orale, avec des
phrases brèves, sans trop de subordonnées, avec des images concrètes, comme dans une conversation. La parole
orale frappe l'oreille une seule fois et exige d'être comprise tout de suite, alors que le lecteur peut revenir à
l'exposé écrit. Il y a un moyen d'animer «l'écriture orale» d'une homélie : rédiger celle-ci en pensant à quelques
personnes représentatives de la communauté (âgée, jeune, active, à la retraite, cultivée, étrangère,
«conservatrice», «libérale»...) ; s'adresser à elles directement en écrivant le texte, avec une question sans cesse
présente à l'esprit: vont-elles comprendre, suivre, rester intéressées ?
6. Parler positivement
52Pourquoi notre prédication apparaît-elle si souvent triste, moralisante, larmoyante, voire sinistre ? L'Évangile
est une bonne nouvelle et non pas l'annonce d'un accident. «Réjouissez-vous», ne cesse de clamer Paul (cf. Ph
4,4). Pourquoi les prédicateurs lisent-ils leurs homélies, ainsi que les annonces paroissiales, comme s'ils
anticipaient la fin du monde ?
Construire une vie
53«Que dans les assemblées tout se fasse en vue de l'édification», dit encore l'Apôtre des nations (1 Co 14,26).
Les prédicateurs ne sont pas là pour saper le moral des gens, mais pour les aider à (re)construire leur vie dans ce
monde en chantier. Il s'agit d'annoncer le salut, non la terreur. «Vous nous angoissez, nous n'avons pas besoin de
cela», disaient à juste titre des paroissiens à leur pasteur. Certes, l'homélie aide à prendre conscience de sa nuit
et de son péché, afin de creuser le désir de la lumière et du pardon. Mais elle n'a pas à virer à la jérémiade. Il
convient que les fidèles sortent de l'assemblée non pas dégoûtés d'eux-mêmes et du monde, mais remplis de
l'envie de se battre et d'affronter sereinement la réalité telle qu'elle est. F. Craddock écrit dans cette perspective :
35 Craddock, Prêcher, p. 91
Si les auditeurs peuvent quitter la célébration sans avoir l'impression qu'on les a rabaissés ; si leur sentiment qu'ils peuvent
valoir quelque chose a été justifié ou restauré, si l'amour de Dieu et sa grâce ont été perçus comme des réalités accessibles ;
s'ils sont convaincus que leur repentance et leur confiance sont acceptables aux yeux de Dieu ; s'ils sont plus ouverts à
autrui et plus assoiffés de vivre dans l'alliance de Dieu ; alors il y a des chances que même des étrangers remercient le
prédicateur: «Vous nous comprenez tout à fait bien»35.
Éveiller à l'espérance
54La proposition de la foi requiert une prédication de l'espérance, qui bien sûr ne cajole pas mais console et
conforte, guérit et pardonne, révèle la puissance de la grâce, une grâce humble, entêtée et inépuisable, se
faufilant dans les moindres interstices de foi pour éclater en joie, en paix et en confiance dans la présence de
Dieu. Rejoindre la vie des auditeurs, c'est puiser dans l'Évangile des raisons de vivre et d'espérer, le goût de
croire, l'audace de demander, de s'engager à cause de Dieu. S'il convient de dire ce qu'il faut faire, encore faut-il
donner l'envie de le faire. S'il est indispensable d'annoncer le kérygme, encore faut-il montrer que ces vérités
donnent à vivre.
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55La pastorale d'engendrement demande un type de prédication qui sache proposer un enseignement spirituel
nourri de la Révélation scripturaire, de la Tradition des Pères, des saints et de l'Église et de l'expérience humaine
profonde. Nourrir la vie spirituelle, c'est parler de la participation à la nature divine qui est promise à l'homme
(2 P 1,4) ; inviter à la prière et à l'oraison qui irrigue toute l'existence dans l'Esprit ; ouvrir les portes du
Royaume de la gratuité et du don, au-delà de l'immédiateté et du rentable ; inviter à l'aventure intérieure et au
sacrifice consenti avec amour; faire entrer dans le monde du recueillement, de l'étonnement et de la paix du
cœur, de l'indignation aussi face aux injustices, des blessures de l'âme et de l'exil intérieur; conduire dans cet
univers, de quête de beauté et de sens de l'existence, de la responsabilité assumée et du service engagé ; faire
souffler la brise de l'Esprit qui entraîne l'homme au plus profond de lui-même, par un regard fait d'idéal et de
lucidité ; prêcher le Royaume, sa folie et son extravagance, sa loi d'amour sur-abondante, telle que la
manifestent par exemple les Paraboles36 ; enfin faire surabonder la grâce là où le péché abonde (Rm 5,20).
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1982; Predigt als Rede. Über die Wechselwirkungen von Homiletik und Rhetorik, Stuttgart, 1986; Rhetorische
Predigtlehre, Mainz - Leipzig, 1999. Les francophones ont beaucoup à apprendre des recherches homilétiques issus de
l'aire germanophone ou anglophone.
5 Signalons P. GUERIN et T. SUTTCLIFFE, Guide du prédicateur. À l'usage des laïcs et des prêtres, Paris, 1994 (manuel
utile aussi pour les agents pastoraux laïcs chargés d'assurer une méditation biblique lors d'une célébration, en aumônerie
d'hôpitaux, de foyers, de prisons, de collèges, en catéchèse d'enfants, de jeunes ou d'adultes, en réunions de groupes);
M. WAGNER, L'Évangile en flagrant délit d'actualité. Essai sur une prédication pour le temps présent, Paris, 1994
(comment faire en sorte que les homélies rejoignent les auditeurs) ; P. VIVARES , L'appel de la Parole. Essai sur la
prédication, Châteaufort, 2000 (une belle théologie de la prédication) ; G. MICHONNEAU et Fr. VARILLON, Propos sur la
prédication, Paris - Château-fort, 2000 (des considérations pleines de spiritualité et de bon sens) ; La Maison Dieu, n° 227
(«L'homélie»), Paris, Éd. du Cerf, 2001 ; Th.-D. HUMBRECHT, Le théâtre de Dieu. Discours sans prétention sur l'éloquence
chrétienne, Paris, 2003 (avec d'intéressantes suggestions pratiques).
6 Cette unité est un peu atténuée lorsque prêche un prêtre autre que le président de la célébration ou encore un diacre.
7 Pour une étude de ces deux textes, avec leurs conséquences en pastorale, voir notre ouvrage cosigné avec J. LOULIER-
PAJOR, Catéchèse : la Parole au centre, Saint-Maurice, 2007.
8 Cf. F. CRADDOCK, Prêcher, Genève, 1991, p. 25.
9 9 Au sens de «mise en relation» que comporte également le terme logos, et qu'on retrouve dans «logique» et «logistique».
10 Je pense à un prêtre qui, chaque fois qu'il a rédigé une homélie dont il se sent assez satisfait et imagine qu'elle pourrait
se montrer utile à d'autres, la transmet par courrier électronique. Le même n'hésite pas à demander à d'autres des
propositions originales pour des prédications aussi délicates que celles de Noël ou de Pâques.
11 Origène, Philocalie 2 (Philocalie 1-20. Sur les Écritures, Sources Chrétiennes, éd. M. Harl, Paris, 1983, p. 241).
12 Cf. T. Long, The Witness of Preaching, Louisville - Westminster, 1989 ; également ma thèse d'habilitation, Prêcher
l'Ancien Testament. Un défi herméneutique, Fribourg, 2006, p. 62-67.
13 Pour l'articulation de ces trois mondes - «derrière le texte», «du texte» et «devant le texte» - voir par exemple S.M.
Schneiders, The Revelatory Text. Interpreting the New Testament as Sacred Scripture, San Francisco, 1991.
14 Ainsi, pour les revues : Le Monde de la Bible, Biblia ou les Cahiers Evangile avec leurs Suppléments ; pour les
ouvrages : M. Quesnel et P. Gruson (éd.), La Bible et sa culture, 2 vol., Paris, 2000, ou la nouvelle édition du
classique Pour lire l'Ancien Testament. Le Premier Testament par les textes, de G. Billon et P. Gruson, Paris, 2007.
15 Expression fort prisée notamment par B. Reymond : De vive voix. Oraliture et prédication, Genève, 1998, chap. 10, p.
107-114.
16 Voir notamment M. Graves, The Sermon as Symphony. Preaching the Literary Forms of the New Testament, Valley
Forge, 1997 ; M. Nicol, « To Make Things Happen. Homiletische Impulse aus den USA», dans U. Pohl-Patalong et F.
Muchlinsky (éd.), Predigen im Plural. Homiletische Aspekte, Hamburg, 2001, p. 46-54.
17 Cf. J. CHILDERS, Performing the Word. Preaching as Theatre, Nashville, 1998.
18 Craddock, Prêcher, p. 122.
19 Comme en 1 Co 6,13 : « Le corps est pour le Seigneur et le Seigneur pour le corps».
20 CRADDOCK, Prêcher, p. 70-71.
21 G. Bernanos, Journal d'un curé de campagne (1936), dans Œuvres romanesques, éd. A. Béguin et M. Estève, Paris,
1961, p. 1071-1072
22 H. Babel, La prédication, communicatrice de vie, Genève, 1991, p. 36.
23 Au moment où cet article a été achevé (juin 2008), il était impossible en Suisse de ne pas faire référence, de manière
parabolique, à YEurofoot.
24 Cf. Babel, La prédication, communicatrice de vie, p. 39-47.
25 Cf. B. Reymond, «Le prédicateur 'virtuose' de la religion. Schleiermacher aurait-il vu juste?», Etudes théologiques et
religieuses, 72 (1997), p. 163-173.
26 La mère d'un jeune prêtre lui avouait après ses premières prédications : «Tu emploies des mots beaucoup trop
compliqués, mon cher fils ! »
27 Au sens théologique fort de la « reconnaissance » d'un lien interpersonnel, tel que développé lors du Congrès
catéchétique francophone Ecclesia 2007 (Lourdes, octobre 2007) par F. Moog, « La reconnaissance, un enjeu décisif pour
l'Église et sa mission », Les Actes du Congrès de la responsabilité catéchétique, Tabga Hors Série n. 3, Paris, 2008, p. 32-
41.
28 Craddock, Prêcher, p. 27.
29 Ibid., p. 46
30 Le grand homiléticien américain D. Buttrick conçoit la construction d'une homélie par séquences (moves) comme le
scénario d'un film : Homiletic. Moves and Structures, Philadelphia, 1987 ; A Liberation of Preaching, Louisville, 1994.
31 Selon la notion d'homilétique narrative et de temporalité mise en récit développée notamment par E.L. Lowry : The
Homiletical Plot. The Sermon as Narrative Art Form, Atlanta, 1971 ; Doing Time in the Pulpit, Nashville, 1995 ; The
Sermon. Dancing the Edge of Mystery, Nashville, 1997.
32 Voir G.M. Martin, « Predigt als 'offenes Kunstwerk' ? Zum Dialog zwischen Homiletik und
Rezeptionsästhetik», Evangelische Theologie, 44 (1984), p. 45-58; E. Garhammer et H.G. Schüttler (éd.), Predigt als
offenes Kunstwerk. Homiletik und Rezeptionsästhetik, München, 1998.
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33 W. Engemann plaide dans ce sens à partir d'une analyse sémiotique du langage de la prédication : « Wieder den
redundanten Exzess. Semiotischer Plädoyer für eine ergänzungsbedürftige Predigt», Theologische Literaturzeitung, 115
(1990),
34 Voir T. Long, Preaching the Literary Forms of the Bible, Philadelphia, 1989, et mon ouvrage, Prêcher l'Ancien
Testament aujourd'hui, p. 480-517
35 Craddock, Prêcher, p. 91
36 Comme le démontrent admirablement les études sur les paraboles de P. RICŒUR que nous avons traduites de l'anglais en
français: L'herméneutique biblique, Paris, 2001, p. 147-277
37 S. AUGUSTIN, De doctrina christiana, IX, XII-XIV (§ 27-31), se réfère explicitement au De oratore de CICÉRON.
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