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DADIÉ
(Tragédie)
TRAGEDIE
KABLAN
Nahoubou et sa femme
Mais sache que n'importe quel individu ne saurait être Lorsque la lumière revient, la femme de Nahoubou assise
Macadou. dans la cour attend près du foyer, une marmite à ses côtés.
(Les acolytes enlèvent à Nahoubou son filet, lui prennent LA FEMME
sa bourse, son pagne). Qu'apportes-tu ?
NAHOUBOU NAHOUBOU
Vous me dépouillez ? Rien.
KABLAN LA FEMME
Au nom du Macadou. Ton pagne ?
NAHOUBOU NAHOUBOU
Rendre juste ce qui est injuste, tenir en ses mains débiles le Les hommes du Macadou.
destin des autres. Créer à sa volonté, typhon, zéphyr • affamer, LA FEMME
appauvrir, enrichir ; faire dire aux autres, c'est la nuit, alors que Ton filet ?
c'est bien le jour ! et qu'ils savent que c'est bien le jour (rires des NAHOUBOU
autres). La vanité au pouvoir devient le plus lourd des fardeaux. Les hommes du Macadou.
PREMIER ACOLYTE LA FEMME
Les intérêts de Macadou sont des intérêts capitaux. Que s'est-il encore passé ?
KABLAN NAHOUBOU
Sois Macadou et nous t'apporterons poisson, Les hommes du Macadou.
DEUXIÈME ACOLYTE LA FEMME
gibier, Ils deviennent un véritable fléau, les hommes du Macadou.
PREMIER ACOLYTE Non seulement ils t’ont pris ton pagne, ton filet.
femmes, NAHOUBOU
mais tout mon argent. Un véritable fléau. De mémoire d'homme on n'a jamais vécu une
LA FEMME période aussi affreuse.
Ton argent ? NAHOUBOU
NAHOUBOU Pas si fort, femme, des ennuis sont si facilement arrivés. Et il est
Mon argent... sage de nous tenir tranquilles.
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LA FEMME LA FEMME
C’est du brigandage manifeste. Tranquilles lorsque les injustices grouillent comme des asticots
NAHOUBOU dans une charogne ? Lorsque les hommes du Macadou nous attendent aux
Ne le crie pas trop fort. coins des routes comme des brigands attendent aux coins des bois ?
LA FEMME NAHOUBOU
Et pourquoi pas ? Le fait n'est-il pas patent, notoire ? N'est-tu pas Oui, femme, le silence et la tranquillité, la paix...
une des victimes ? LA FEMME
NAHOUBOU Fermer les yeux, la bouche, se boucher les oreilles. Peut-on voir le
Pas si fort, femme. Les hommes du Macadou. Macadou pour lui dire que les lois vont à l'encontre de nos traditions les
LA FEMME plus sacrées ?
Eh bien, les hommes du Macadou. Qui sont-ils ? NAHOUBOU
NAHOUBOU Voir le Macadou ?
Les hommes du Macadou. LA FEMME
LA FEMME Pourquoi pas ?
Comment sont-ils ? NAHOUBOU
NAHOUBOU Il n'est plus permis à quiconque de le voir, de lui parler.
Les hommes du Macadou. LA FEMME
LA FEMME Quoi ? On ne peut plus voir le Macadou ? Notre Macadou ?
Les hommes du Macadou, les hommes du Macadou. Enfin, sont-ils NAHOUBOU
des géants ? Sont-ils des nains ? Comment sont-ils ? Non !
NAHOUBOU LA FEMME
Les hommes du Macadou sont ce qu'ils sont ; les hommes du Alors, le Macadou de quel peuple est-il devenu ? On veut le savoir,
Macadou, à l’image du Macadou... nous !
LA FEMME NAHOUBOU
Femme, le silence, la tranquillité, la paix ! NAHOUBOU
LA FEMME Un songe-creux ! Un songe-creux ?
Au fait, pourquoi t'ont-ils pris le filet ? LA FEMME
NAHOUBOU Un songe-creux, c'est celui qui fait des projets en ayant le ventre
Ils voulaient de l'argent au nom du Macadou. vide. C’est ton cas. Fais comme les autres.
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LA FEMME NAHOUBOU
Je ne comprends pas... ton filet ? Il y a des choses interdites.
NAHOUBOU LA FEMME
L'ancienne logique n'est plus logique... Nous vivons sur des Les interdits ! les interdits c'est ce qu'ils se permettent tous. Les
nouvelles normes, n'ont-ils cessé de me crier aux oreilles. interdits. Que naïf !
LA FEMME NAHOUBOU
La force, la ruse... S’il en est ainsi, fais comme les autres. Dieu...
NAHOUBOU LA FEMME
Quels autres ? Mon pauvre vieux ! Dieu qu'en ont-ils fait ? Ils l'ont tous crucifié
LA FEMME et bâillonné pour qu'il ne dérange plus personne. Qui pense à Lui dans la
Les autres, tous les autres, mon ami. formidable mêlée ?
NAHOUBOU NAHOUBOU
Faire comme les hommes du Macadou ? Mais...
LA FEMME LA FEMME
Comme tous les autres qu'on voit se pavaner par les rues à ne rien faire, Mais quoi ? tu ne les vois pas tous chercher à gagner la
mais à s'enrichir on ne sait comment. Sont-ils plus intelligents que toi ? Non ! Ils terre et ses bonheurs, et ses honneurs ? Voudrais-tu être seul au paradis ?
savent tout simplement exploiter leurs amitiés, se faire accepter, se mettre au- NAHOUBOU
dessus des lois, tandis que toi tu restes dans ton coin, décidé à payer toutes les Comme les autres ?
taxes du monde, à supporter les affronts de n'importe qui... Secoue-toi un peu... LA FEMME
Montre les dents, les griffes, tout... Oui ! Ah si vous nous laissiez les mains libres, à nous les
NAHOUBOU femmes... vous verriez comme les choses marcheraient droit, car nous, on
Tout ? sait encore relever tous les défis. Il est de notre droit à tous que de vouloir
LA FEMME
sourire à la vie.
Oui, tout, tout ! enfin tu me comprends. Qui te dit que le Pays est la chose
NAHOUBOU
d'une compagnie ? Cesse d'être un songe-creux.
Faire comme les autres (il veut s’asseoir). Pourquoi pas ? Viens, (regarde la vie, elle est là, belle, généreuse...
LA FEMME qui passe sans nous attendre.
Lève-toi ! mon ami, lève-toi. Il y en a qui ne sont pas Macadou,
mais qui en fait sont plus Macadous que les Macadous. Il y a ceux que les NAHOUBOU
Macadous protègent, ceux que les Macadous entretiennent, ceux que les Tu me quittes ?
Macadous -39-
maintiennent ; entre dans la catégorie que tu veux. Fais quelque chose ; LA FEMME
sois quelqu'un et non plus le dernier des derniers. Que puis-je faire d'autre ? Penses-tu que je vais continuer à moisir
NAHOUBOU auprès d'un homme qui ne sait se montrer homme ? Rester ici pour vieillir
Faire quoi ? avant l'âge ? Non ! maintenant j'ai compris. L'amour, il a besoin d'un
LA FEMME minimum de sécurité, de soins, d'attentions.
Quelque chose, débrouille-toi, montre que tu as des dents, des NAHOUBOU
griffes, des crocs comme tout le monde. Tu pars ?
NAHOUBOU LA FEMME
N'est-ce pas trop me demander ? On m'a appris à pêcher et à Combien de fois faudrait-il te le dire ? Oui, je pars.
cultiver. Comment puis-je faire comme les autres ? C’est si difficile. NAHOUBOU
LA FEMME Tu m'abandonnes ?
Mais si facile d'être le dernier des derniers, de se laisser marcher LA FEMME
sur les pieds, sur la tête, de se laisser piétiner, de se relever et de crier, Non, je te quitte (elle ricane). Les hommes du Macadou, le gibier,
Merci ! Non ! J'en ai assez. L'existence est devenue un enfer... un enfer le poisson, le filet, le pagne, l'argent, la marmite constamment vide (rires).
dans ta maison... (elle fait mine de partir). Le vent a-t-il jamais de chez nous emporté un bon fumet ? Je vais me
NAHOUBOU chercher un homme qui soit homme (elle sort).
Tu pars ? NAHOUBOU
LA FEMME Un homme qui soit homme (elle réapparaît). Ah ! tu me reviens...
Il me faut de l'air, de l’air pur, vivifiant. Chez toi, on meurt LA FEMME
d'atrophie. On peut ici mourir à cent ans sans avoir jamais connu un seul Non, je te quitte (elle emporte des objets, puis le dévisage, rit et
jour de véritable bonheur. Je vois comment vivent les autres femmes... sort). Je te quitte...
NAHOUBOU
Tu pars ? NAHOUBOU
LA FEMME
Un homme qui soit homme. Elle a raison. Je traîne trop de poids... On m'a reconnaisse... Que Nahoubou d'hier soit l'opposé de Nahoubou de
chargé de trop de chaînes... Faire comme les autres, c'est faire tomber les chaînes, demain... tout comme le jour diffère de la nuit. Il faut que tout me revienne
se déchaîner... Que m'a-t-on dit, redit sur tous les tons ? Etre bon, être juste. Sans et que ceux qui n'ont rien, pour me faire la cour m'apportent même le peu
cesse penser aux autres. Qui pense aux autres ? Faire comme les autres, me mettre qu'ils ont... C’est ça être un homme, arracher la bouchée et le verre de
dans la peau d'un autre, me battre, devenir citadelle, hérisson, scorpion, vipère,
toutes les mains... (il rit...). Un seul homme peut m'aider à réaliser mon
mordre, écraser, tuer... tuer... moi aussi... (il regarde ses mains) tuer. Non ! si.
rêve : Bacoulou (il s 'équipe). Me voici prêt pour la grande aventure.
Elles peuvent demeurer propres et tuer... Ma femme est donc
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définitivement partie... Elle va se chercher un homme... Je préfère rester tel que je Il faut qu'on entende parler de moi... et on entendra parler de moi,
suis pour pouvoir regarder les autres en face... Vieille éducation (il rit). Spolié, moi Nahoubou de la tribu des Kwakwaboué (il sort).
abandonné... Seul dans cette maison pleine de la présence de ma femme qui Nahoubou chez Bacoulou
m'aidait à tout supporter. Sans elle, que vais-je devenir ? Ne suis-je pas un obstacle
NAHOUBOU
? Un monstre ? Non ! Je veux rester moi-même.
(Transpirant, lance au poing, arc et carquois en bandoulière,
UNE VOIX
besace de vivres aussi, chasse-mouches sous l'aisselle, les jambes en sang
Sors ! Sors ! Sors !
labourées par les épineux, il avance ; s'arrêtant...)
VOIX DE KABLAN
Sois, Macadou, et nous t'apporterons poisson,
Qu'il fait bon sous cet arbre ! Dix jours de marche m'avait-on
VOIX DU DEUXIÈME ACOLYTE
affirmé, et voilà près de vingt jours par monts et par vaux sans rencontrer
gibier,
un village. Vingt jours (il boit). Qu'ont-ils donc à nicher si haut et si loin
VOIX DU PREMIER ACOLYTE
les sorciers-guérisseurs ? Quelle est donc cette montagne qu'on ne finit
femmes,
plus de grimper (il compte). C’est bien la sixième. Et on m'avait assuré que
KABLAN
la grotte de Bacoulou se trouvait au flanc d'une montagne pareille. Qu'ai-je
argent,
rencontré depuis cinq jours ? des lions des scorpions, des serpents, des
TOUS
iguanes de plus en plus monstrueux. Ne ferais-je pas mieux e revenir sur
tout (rires) tout...
mes pas ? (Il se lève, regarde ses jambes) fatiguées, elles sont fatiguées de
NAHOUBOU
monter, de descendre, de marcher, d’être griffées par les herbes, griffées
Chassé, abandonné. Que de sombres histoires courent sur l’origine
par les épines, d'enjamber les troncs d'arbres, de franchir torrents et
des fortunes de certaines personnes. Et pourtant ne sont-elles des hommes
ruisseaux. Me porter encore (il les tâte). Me mener vers un nouveau
considérables... les conseillers les plus écoutés du Macadou, les amis les
destin... Bacoulou, le sorcier guérisseur au flanc de la sacrée que personne
plus intimes de tous les notables ? Il me faut faire comme les autres, plus
n'a jamais visitée. Bacoulou ne serait-il pas le produit d'une imagination en
que les autres... devenir un autre homme, que plus personne ne me
fièvre ? Plus de vingt jours de marche ! (Montrant le chemin à parcourir). BACOULOU
Par ici c'est l’aventure, certainement le bonheur, par-là, derrière, c'est le Est-ce bien ce que tu veux ?
village avec... avec tout le passé des hommes installés, exposés, mais qui NAHOUBOU
ne vivent pas. Oui.
VOIX DE FEMME BACOULOU
Je pars ! Je vais me chercher un homme qui soit un homme ! Tout ce que tu veux ?
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LES VOIX NAHOUBOU
Sois Macadou si tu veux, si tu peux et tu auras droit à tout... Oui... oui, mais tout différent des autres hommes, si puissants qu'ils
NAHOUBOU aient pu être. Pour apprendre aux hommes comment on devrait régner, je
Derrière, le passé... avec des hommes qui ne vivent pas parce qu'ils ne voudrais aucune limitation à ma puissance.
vivent dans 'la peur, dans l'inquiétude. Se chercher un homme qui soit BACOULOU (riant)
homme (regardant la hauteur de la montagne, ses jambes). Vous m'avez La puissance !
beaucoup et longtemps porté. Pour avoir droit à tout, être plus que les NAHOUBOU
autres... il nous faut encore marcher, marcher, marcher... marcher, N'est-ce pas la puissance qui est le critère de valeur pour les
marcher... hommes et les États ?
BACOULOU
La puissance !
OBSCURITÉ NAHOUBOU
Un bandit puissant ne passe-t-il pas pour un honnête homme ? Un
Etat sauvage puissant ne devient-il pas un Etat civilisé, un Etat modèle ?
La richesse et les armes ne sont-elles pas les facteurs essentiels de
Lumière sur une grotte, des meubles rudimentaires, des masques, puissance ?
un feu allumé. Bacoulou, un vieil homme, est assis sur un tabouret ; devant BACOULOU
lui, sur un autre tabouret, Nahoubou. Par intervalles, on entend croître et Oui... oui... C’est ce qui est constant, fréquent, quotidien.
décroître les bruits de la forêt. Bacoulou souvent fixera les flammes
comme pour y puiser son inspiration. NAHOUBOU
Mais à ma puissance, aucune limitation. Je voudrais agir comme si
NAHOUBOU je tenais tout le peuple dans la main là, comme ça. C’est-à-dire, pouvoir
J’en ai fini... Mon avenir est entre tes mains... faire de lui, ce qui me plaît, en toute circonstance, agir à ma guise sans que
personne ne puisse broncher. S’il me plaisait de faire dévier de cours Le monde est grand, vaste, infini...
fleuve et océan... Que nul n'ose élever la voix... mais au contraire, que tous NAHOUBOU
applaudissent. Pour moi il devra être petit, tout petit, tenir dans ma main. Des
hommes à moi qui me serviraient. La revanche éclatante...
BACOULOU BACOULOU
Ce que vous appelez puissance n'est que la grande faiblesse des Le monde comprend les vivants, les morts, les génies, les eaux, les
faibles qui veulent se servir de la force comme bouclier. forêts...
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NAHOUBOU NAHOUBOU
Je veux être puissant, avoir droit à tout. Faire moi aussi la pluie et Tous me doivent être soumis. Je veux que les oiseaux chantent
le beau temps, être le bon dieu pour les uns, le diable pour les autres... Tout mes louanges, que l'enfant dans le ventre de sa mère sache déjà qui je suis,
me permettre, agir comme un dieu. que devant moi toute volonté s'efface, fonde comme beurre au soleil ; que
BACOULOU toute tête si couronnée soit-elle s'incline ; que même après ma mort, mon
C’est la mode, être puissant ! penser plus aux armes qu'aux ombre sur les villages, les eaux, les forêts, sur le monde entier continue de
hommes, plus au prestige qu'à la vie des autres. Evidemment qui planer.
maintenant sait observer, écouter ? Il y a inscrit dans le ciel de grands BACOULOU
changements futurs... proches... Qui maintenant comprend le langage des Je comprends. Longtemps, et beaucoup humilié...
choses, des hommes, le langage d'un regard ? d'un sourire, d'une main qui NAHOUBOU
se tend, mais qui n'aurait jamais dû se tendre ?... Qui, de sa forteresse de Trompé, humilié, volé... Nous avions tous pensé qu'en mettant
nom, de sa citadelle de fortune Nakata sur le trône, nous y mettions un homme, mais qu’est-il devenu ? Un
NAHOUBOU monstre de maître absolu, qui nous fait dépouiller par ses hommes, au
Bacoulou, moi je veux vivre dans l'esprit des hommes, collé à leur point que nos femmes nous abandonnent, que nous ne sommes plus en
peau, à leur âme. Etre pour eux indispensable, aussi indispensable que l'air sécurité nulle part. Un fléau…
qu’ils respirent. BACOULOU
BACOULOU Oublions...
Hum ! Indispensable ? NAHOUBOU
NAHOUBOU C’est la foire d'empoigne et l’on peut crier partout malheur aux
Creuser ma tombe dans la tête des hommes, me graver dans faibles, malheur à l’homme sans armes...
l’histoire du monde en lettres rouges indélébiles. BACOULOU
BACOULOU
Oublions... La faim déchaînée fait plus de ravages que l’inondation BACOULOU
la plus dévastatrice. Il y a de tout en nous... Difficile, très difficile de rester homme lorsqu'on veut à tout prix
Oublions... être célèbre...
NAHOUBOU NAHOUBOU
C’est bien ça. Oublier qu'on a été méprisé, maltraité, spolié ; qu'on Mettre un terme à tout ce qui porte atteinte à la dignité de l'homme.
tremble aujourd'hui devant ceux qu'on faisait hier trembler, oublier qu'on Est-ce un rêve trop ambitieux ? Vouloir sortir des masures, des enclos, des
s'est appauvri à soutenir Nakata, à hisser Nakata sur un trône, oublier que ghettos, de tout ce qui limite, borne, entrave, enchaîne... libérer les voies et
mon foyer a été brisé... Non ! Il faut que la société sente sa propre mettre les interdits dans le sens qui me plaira ! Moi ! Moi !
pestilence, et je veux que le monde entier entende parler de moi... BACOULOU
-46- Que Dieu sauve les aveugles et les sourds !
BACOULOU -47-
Il te faudrait avoir pouvoir sur tout ce qui se meut. Or cela n'est pas facile. NAHOUBOU
NAHOUBOU Trop loin, Dieu ! Et notre terre n'est-elle pas peuplée de sourds et
Je veux être le maître absolu des cœurs, des esprits. Je veux que rien ne se d'aveugles ! du moins de gens qu'on croit sourds et aveugles ! de gens
passe sans que je n'en sois l'unique ordonnateur ; que chacun tremble... en
qu'on aveugle et qu'on rend sourds ?
entendant prononcer mon nom Nahoubou. Je veux être maître du jour, maître de la
BACOULOU
nuit...
Oui, oui tu peux avoir raison.
BACOULOU
NAHOUBOU
On ne saurait être grand homme en écoutant ses appétits et ses
Non dis : Tu as raison ! Que les moutons un jour refusent de se
rancœurs.
NAHOUBOU laisser tondre ! de se laisser conduire docilement à rabattoir ; que les
moutons demain aient des griffes et des crocs et alors... alors il n'y aura plus de
Je veux tout changer ; redonner sécurité dans la cité, respect à
sacrifice, aucune tête ne se mettra plus sur le billot pour la grande apothéose de
l’homme.
sang.
BACOULOU
BACOULOU
Changer l'assiette de la société, remodeler les cœurs, les mêmes
Hum ! Hum ! Hum !
rêves, mais toujours les mêmes turpitudes de sauveur, de libérateur, de
NAHOUBOU
messie.
Qu'il ne descende plus jamais sur terre, le bon dieu, tant que nous
NAHOUBOU
n’aurons pas fait de la terre un lieu habitable pour tout homme. Je dis bien
Tenir les cœurs comme on tient les rênes d'une cavale ! craint et
tout homme. Et puis est-ce être aveugle et sourd que de vouloir être
béni, mon nom partout chanté. Le libérateur ! Le créateur de l'empire ! Moi
Macadou ?
!
BACOULOU et lumière... à tout prix mettant le monde à feu et à sang pour que leur nom
Emplir le monde du bruit de ses actes, lorsque la voix d'un homme figure dans nos annales. Je sais Nahoubou, je sais combien les peuples
peut à peine franchir un fleuve, un rideau de forêt. souffrent, nous savions peser le poids de la fatuité, de l'ambition, de de la
NAHOUBOU volonté morbide d'être le seul dont on puisse parler. Le maître...
La terre transformée en champ clos de bataille a fait de nous, non NAHOUBOU
des frères, mais de redoutables guerriers. Le soleil au coucher a toujours Bacoulou aide-moi à être Macadou, même aveugle, même sourd ;
couleur de sang. Chacun le sait. Bacoulou, laisse-nous nous battre dans la je ne serai pas le premier du genre dans l'histoire, mais dans l'histoire, on
plaine, nous les aveugles, nous les sourds. Aide-moi à triompher. Nous parlera longtemps, longtemps du Macadou aveugle qui fut un Macadou
avons tous soif de respect, d'un minimum de respect, de sécurité. Ne exceptionnel. Souvent levé dans la nuit, j'ai compté, recompté, compté et
monte-t-il pas de partout un bruit de ruche ? murmures confus, diffus... recompté sur mes doigts les jours de bonheur... Ils ont toujours été
flots de doléances informulées silences imposés, bâillons !... maigres... (Bacoulou fixe la flamme, bruits croissants de forêt... éclairs
-48- furtifs, grondement lointain de tonnerre). Je veux
BACOULOU -49-
Penses-tu à l'action des hommes du Macadou ? maintenant faire comme les autres, me battre. Je veux que désormais, on me
NAHOUBOU regarde comme on regarderait le soleil, qu'on m'attende comme on attendrait la
Je pense à tous ceux qui, à califourchon sur nos épaules, se pluie après une terrible sécheresse ; qu'on m'accueille comme on accueillerait un
demandent pourquoi il peut monter de partout le bruit de ruche qui n'est Dieu...
pas un chant d'allégresse. Ces forêts de mains tendues, de têtes ployées, les BACOULOU
larmes qui coulent le jour, la nuit, le sang qu'on verse comme on viderait Un Dieu...
des eaux de ménage, qui les voit ? La clameur quotidienne des êtres NAHOUBOU
affamés, qui l'entend ? J’ai vécu tout cela Bacoulou, tout cela... j'en suis Oui, Bacoulou, un Dieu, un dieu... et pourquoi pas ?
ivre. BACOULOU
BACOULOU Je lierai pour toi, en un seul faisceau, la terre et tout ce qu'elle
Que Dieu sauve les aveugles et les sourds. porte. Des hommes, tu en feras ce que tu voudras, parce qu'ils seront
NAHOUBOU constamment à tes pieds, les mains tendues.
Qui sont les aveugles et les sourds ? NAHOUBOU
BACOULOU Dieu parmi les hommes, plus qu'un Macadou.
Ils sont de toutes les classes et de toutes les conditions. Sourds du BACOULOU
ventre, sourds du cœur, sourds de la tête... aveugles de tous les sens, les As-tu jamais vu des phalènes autour d'une lampe les soirs, en
vrais aveugles, les vrais sourds… isolés dans le monde, et se voulant pôle saison de pluie ?
NAHOUBOU BACOULOU
Oui... Les hommes vont te porter avec plus de joie que leur propre joie de
BACOULOU vivre. Tes rêves les plus audacieux, les plus secrets, les plus extravagants
Tu seras la lumière pour les hommes que tu attireras vont prendre corps.
irrésistiblement. Il te faudrait cependant accepter d'immenses sacrifices. NAHOUBOU
NAHOUBOU Modeler l’histoire, travailler l'histoire, infléchir le cours de
Je veux être plus que les autres (coups de tonnerre dans le l’histoire, être le pivot de l'histoire, le moyeu autour duquel va tourner
lointain). l'histoire. En finir avec le temps des hommes du Macadou. Ah ! les temps
BACOULOU odieux des hommes du Macadou. Faire penser aux autres, au-delà des
Ai-je bien compris ? Ai-je compris que tu ne reculerais devant autres, à la multitude enlisée dans la vie, pataugeant dans les besoins,
aucun sacrifice, je dis bien aucun sacrifice... Réfléchis... engluée dans la misère. Enfin ! Faire voir à chacun plus loin que son seuil,
LA DE LA FEMME plus loin que soi... mêler, brasser tous les hommes qui se croient si
Fais comme les autres ! différents !... Allier couleurs, situations, langues !
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LA VOIX DE KABLAN BACOULOU
Sois Macadou et tu auras droit à tout. Attention... il importe que tu saches qu'un Macadou, surtout un
LA VOIX DE LA FEMME Macadou célèbre, n'est le parent de personne.
Vous me dépouillez ? NAHOUBOU
LA VOIX DE KABLAN (rires) Parent de mes parents, mais le Macadou de tous ; être le dieu qui
Au nom du Macadou. dispense bonheur, malheur, qui fait et défait les fortunes ; celui dont on
LA VOIX DE LA FEMME quête ardemment le regard, le sourire...
Je pars me chercher un homme qui soit un homme. BACOULOU
NAHOUBOU Ton ascension sera vertigineuse.
Devant aucun sacrifice. NAHOUBOU
BACOULOU Et fabuleuse ma fortune.
Je vais alors te hisser à l'extrême pointe de la gloire. Tes BACOULOU
mensonges les plus impudents passeront pour vérités premières. Les fortunes colossales et insolentes, les gloires impérissables
NAHOUBOU naissent du sang.
Nouveau soleil, je vais éclairer des chants, des danses, des rires ; NAHOUBOU
dans une cité qui ne sera plus la jungle. Du sang ?
BACOULOU L'amour a besoin d'un minimum de sécurité, de soins, d'attention...
Il n'est pas au monde une pièce d’or qui n'ait une odeur de sang ! (rires). Je te quitte... je pars... (ricanements).
sa goutte de larme ! BACOULOU
NAHOUBOU Je vais t'ouvrir grandes, toutes grandes, les portes de la fortune et
Du sang ! de la gloire...
BACOULOU (Nahoubou sort... bruits de la forêt, au lointain tam-tams,
Combien d'hommes disparaissent dont on ne retrouve jamais les chœurs... éclairs... obscurité... grondements sporadiques du tonnerre. Un,
traces ; du sang... deux coups de feu, cris, râles...).
NAHOUBOU LA VOIX DE LA FEMME
Du sang ! Il a tué son frère.
BACOULOU LES VOIX
Il me faudrait donc du sang pour t'ouvrir les portes de la fortune, (Alternativement) Il a tué sa mère. Il a tué son frère... (La lumière
les portes de la gloire. revient sur la grotte de Bacoulou. Même tableau que
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NAHOUBOU le précédent. Bacoulou, assis à la même place, a devant lui deux crânes
La fortune et la gloire ! Du sang ! Du sang ! Je t'en apporterai humains et une bouteille de sang. Nahoubou, assis, regarde tour à tour
autant que tu voudras. passer un lion, un crocodile, deux gros serpents, un scorpion, une hyène...)
BACOULOU NAHOUBOU
Du sang sorti de ta famille... de ton propre sang, le sang de ceux que tu C’est du sang authentique.
chéris le plus... le sang de ta mère et de ton frère. BACOULOU
LA VOIX Je le vois.
Sois Macadou si tu veux, si tu peux, et tu auras droit à tout... tout... tout...
NAHOUBOU
NAHOUBOU
J’ai tué.
Le sang de ma mère, de mon frère...
BACOULOU
LA VOIX DE LA FEMME
Qui n'a jamais tué dans sa vie ! Faisons le compte. Non, il faut à
Qu'attends-tu pour faire comme les autres ? Sois quelqu'un et non
l'histoire un visage propre.
plus le dernier des derniers !
NAHOUBOU
NAHOUBOU
J’ai tué !...
Du sang ! Mon propre sang !
BACOULOU
LA VOIX DE LA FEMME
Que font-ils les autres ? Les flèches ont-elles cessé de siffler ? Les BACOULOU
fusils ont-ils fini de hurler de par le monde, de cracher la mort... de tuer ? Le pouvoir rarement procure le sommeil. Continuons. Aux quatre coins
Ne sont-ils pas des milliers qui, comme toi, rêvent d'hégémonie ? Des de la maison, il faut enterrer vivants quatre hommes, la tête vers l'extérieur, la
milliers qui chaque jour avancent les limites de leur champ, les limites de bouche ouverte. Ils chanteront ta gloire.
leur État ? Des milliers qui, chaque jour, entassent, amassent, accumulent NAHOUBOU
tout ce qu'ils peuvent rafler sur la faim des autres, le bonheur des autres ? Ma gloire. Ici et là, chez les vivants et chez les morts.
Prends un masque. Choisis le masque que tu veux. Hein... C’était fatal... BACOULOU
Tu as pris le masque du scorpion, le venin mortel, le masque du serpent, le A un carrefour, à midi et à minuit, tu lâcheras aux quatre Points
renouveau, le masque de la hyène (l'hyène vient se coucher aux pieds de cardinaux quatre pigeons verts, quatre coqs rouges, quatre blancs... Ils
Nahoubou). Vous êtes maintenant des alliés, des parents... seront, nuit et jour, les chantres de la gloire (il prépare de la mixture, les
crânes servent de gobelet). Bois... Pas de grimaces... Le pouvoir est sans
LES VOIX grimaces. Il est toujours ce qu'il est, ce qu'il veut être... bois... Que l'amour
Il a tué sa mère. s'attache à ses pas. Que le respect s'attache à ses pas. Et q partout où il se
Il a tué son frère. présentera éclate la victoire...
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BACOULOU LES VOIX
Ne les écoute pas. Vouloir être riche, célèbre, c'est toujours se Il a tué sa mère.
mettre en dehors des règles, refuser de faire la queue dans la vie, être hors Il a tué son frère.
ligne, hors-série. Au masque que tu as choisi, il faudrait chaque année NAHOUBOU
sacrifier vingt personnes. Taisez-vous !
NAHOUBOU BACOULOU
De ma famille ? Ah ! Tu as bu dans les crânes de ta mère et de ton frère... Tu as bu
BACOULOU de leur sang, de ton sang. Désormais tu ne boiras plus que dans des crânes
Plus n'est besoin que le sang à verser soit de ta famille. L'essentiel humains. Ton festin sera un festin de rêves humains, de chants humains...
est qu'il soit du sang humain, du sang qui parle, hurle... du sang qui bouillonne LES VOIX
comme un volcan, du sang qui gronde comme le tonnerre — (tonnerre). Il a tué sa mère.
NAHOUBOU Il a tué son frère.
Du sang, toujours du sang, partout sur les mains, dans les villes... des NAHOUBOU
gaves des ruisseaux, des fleuves... des rouleaux de sang ! ou autour de moi prend Taisez-vous ! Ces voix qui me parviennent de partout comme si
couleur de sang. Mes nuits prennent couleur de sang ! (Coups de feu, cris, râles). j'avais été le premier et le seul à sacrifier mère, frère...
BACOULOU NAHOUBOU
N'y prête aucune attention. L'histoire est pleine d'homicides. Elle Les mien dormiront longtemps : longtemps je saurais les tenir, les
est même faite d'homicides. éblouir, les river à toutes les chaînes honorables. Des troupeaux à mes
NAHOUBOU pieds... Des marionnettes pour amuser les gens, pour les amuser eux-mêmes...
Je veux montrer aux gens qu'un règne peut être humain, que les Heureux d'amuser les gens et de s'amuser eux-mêmes (rires). Je sens bouillonner
fusils peuvent et doivent se taire, les flèches, les lances, les harpons en moi des forces prodigieuses, prodigieuses. A l'étroit dans le monde...
peuvent et doivent se reposer. Et l'homme dormir en toute quiétude... BACOULOU
Un Dieu ne saurait vivre parmi les hommes.
BACOULOU NAHOUBOU
Chaque matin, au premier chant du coq, tu boiras dans chaque Faites tomber les barrières qui me bouchent la vue, reculer les
crane. En buvant dans ces crânes, tu es censé boire l'intelligence des autres horizons qui me limitent, dissipez-moi les nuages qui Osent planer sur ma
hommes, boire leur vitalité. Voilà pourquoi non seulement tu vivras tête... ma tête auguste, ma tête céleste.
longtemps, mais tu seras considéré comme le plus intelligent, parce que le BACOULOU
plus rusé, le plus retors des hommes de ton temps. L’odeur du sang !
-56- -57-
NAHOUBOU NAHOUBOU
Rendre la liberté, la paix aux hommes ! Être à la fois homme, Je me sens des ailes... des ailes... des ailes... Monter, monter tout
Macadou, Dieu ! Ma vérité, la seule vérité. dominer.
BACOULOU BACOULOU
Libre à toi de renverser toutes les valeurs, de piétiner justice, L'ivresse du sang !
amour. Nul n’osera protester. Bien au contraire. Tu pourras, le jour, la nuit, NAHOUBOU
faire arrêter qui tu voudras, assassiner, écumer des pays, des continents, les Que le ciel est bas ! Aucune profondeur ! Un monde dans lequel on
hommes toujours t’applaudiront. Tu as bu ton propre sang. Eh bien, tu es étouffe. Un monde à recréer. Qu'ont-ils donc fait tous les Macadous qui
désormais un Dieu. depuis des millénaires se sont succédés ? Rien... Absolument rien. Tout
NAHOUBOU refaire, tout rebâtir. L'horizon à ma porte, le soleil si proche de ma tête, l'océan à
mes pieds... Une cage ! Non ! Faites-moi de la place ; que reculent océans et
Un Dieu... Un Dieu ! Régner pendant des millénaires...
montagnes, tout ce qui peut constituer borne, obstacle, limite, fossé...
BACOULOU
BACOULOU
Il importe cependant que je te dise : le sang n’a jamais été un très
Tu es devenu serpent, la seule bête qui peut changer de peau. Que jamais
bon ciment pour sceller une dynastie. La voie du sang toujours conduit à plus en ta présence il ne soit fait de mal à un serpent. Maintenant tu peux partir,
l'impasse, les peuples alors se réveillent… partir dans l'éclat de ta gloire.
LES VOIX NAHOUBOU
Il a tué sa mère. Moi, je suis Nahoubou 1er et ma victoire, c'est ma victoire.
Il a tué son frère. BACOULOU
NAHOUBOU Ta victoire.
Encore les voix. Taisez-vous ! NAHOUBOU
LES VOIX J'ai dit ma victoire et qui osera soutenir le contraire ? Je vais régner
Il a tué sa mère. sur toutes les peuplades du monde, être le Macadou des Macadous. Allons
Il a tué son frère. vite occuper le trône qui nous attend !
NAHOUBOU
Veux-tu les faire taire ? C’est un ordre.
BACOULOU OBSCURITÉ
Ne les écoute pas. Le monde est plein de voix. Un dieu n'a pas à
écouter les voix folles de l’histoire. Va ton chemin. Va et
-58- -59-
laisse dans la vie le sillon le plus lumineux (tam-tams de joie, bruits de
Nahoubou 1er, Roi
foule, coups de fusils...).
Le peuple, heureux d'avoir un nouveau Macadou, procède à
NAHOUBOU
l'intronisation - chants, danses...
Que se passe-t-il ?
UN NOTABLE (asseyant le Macadou sur le trône).
BACOULOU
Nous te plaçons sur le trône.
Le peuple attend un nouveau Macadou !
LE PEUPLE
NAHOUBOU
Oui, sur le trône,
Ma victoire !
LE NOTABLE
BACOULOU
de notre propre gré.
Jamais un seul homme, si grand et si puissant qu'il puisse être n'a
LE PEUPLE
remporté de victoire.
Oui, de notre propre gré !
NAHOUBOU
LE NOTABLE
Ma victoire...
Si aujourd'hui, nous comprenons en te faisant Macadou, il ne
BACOULOU
faudrait pas demain, nous faire dire que nous ne comprenons plus rien,
Ce sont toujours d'autres qui meurent pour lui apporter victoire,
parce que nous aurons refusé de subir tes caprices.
gloire, fortune...
LE PEUPLE
Non ! Ne jure pas. Tu es le quatrième roi que j'asseois sur le trône. Dieu fasse
LE NOTABLE que tu sois le meilleur, que tu ne voies pas seulement ton ventre à toi, le ventre des
Il ne faudrait pas demain, nous faire dire que tu n'as pas le temps, tiens mais e ventre de tout le peuple...
LE PEUPLE LE PEUPLE
Que tu n'as pas le temps Oui... Oui...
LE NOTABLE LE NOTABLE
que nous sentons mauvais Que tu ne penses pas uniquement à ton honneur, mais à l'honneur
LE PEUPLE du pays qui te fait ce que tu es.
que nous sentons mauvais LE PEUPLE
LE NOTABLE Oui...
que tu ne nous dois rien LE NOTABLE (appelant deux hommes)
LE PEUPLE Kouame, Koffi, vous serez les conseillers du Macadou. C’est le
Non ! peuple qui vous a choisis. Conselliez-le nuit et jours (au Macadou).
-60- Souviens-toi, on gouverne avec le cœur et non avec des caprices des
LE PEUPLE fureurs, des rancœurs.
que le peuple n'est plus le peuple. -61-
LE PEUPLE LE PEUPLE
Non ! Non ! Qu'il s'en souvienne.
LE NOTABLE LE NOTABLE
Que tu es le Macadou suprême, que toutes les intelligences ici Le malheur pour un Macadou est de se croire le maître de l'univers
réunies ne valent pas ton intelligence. parce qu'il règne sur la conscience de quelques hommes. Apprends donc à
LE PEUPLE être.
Non ! Non ! Non ! PREMIER GROUPE
LE NOTABLE juste,
Prends garde ! Le pouvoir plus que l'alcool enivre et conduit à la mort. DEUXIEME GROUPE
Garde-toi surtout, surtout de traiter en ennemis, demain, tes amis d'aujourd'hui.
Equitable,
NAHOUBOU 1er
TOUS
Je le jure...
LE NOTABLE Oui… oui…
KASSI (qui était à l’écart)
Je persiste à dire et je déclare que vous faites du chat le gardien du NAHOUBOU 1er
poisson Aigle, je vous apporte le bonheur comme la becquée à l'aiglon. A
LE PEUPLE mon ombre : croissance et prospérité. Je veux faire de vous des hommes
Tais-toi qui n’adressent aucune prière à aucun dieu. Le jour, vous le prendrez dans
KASSI vos mains pour le réchauffer. Je libère chants et danses, rêve et dialogue.
Drapé de rouge le soleil a pris son visage de sang, regardez-le Je libère tout ce qui était lié, entravé, condamné. Je recolore tout ce qui
vous-même... La lune ce soir va ceindre sa double couronne de halo… couleur avait perdu ; redonne force et forme à tout ce qui n'avait plus de
Vous avez tous ce que cela signifie. La nature nous prévient forme et de force. Que les tam-tams de joie, annoncent au on entier le
UN VIEUX nouveau règne qu'est le règne de Nahoubou 1er. Moi... tous, je redonne
Le soleil et la lune sont de la fête. visage d’aurore, que les chants longtemps ensevelis rejaillissent des
profondeurs.
KASSI Je suis l'homme des berceaux et non des tombes.
Non, toute la nature proteste. Il y a eu complot, assassinat, Je suis le jour et je fais le jour,
usurpation… du sang versé… (La scène s’éclaire violemment. Tam-tams, chants, danses, coups
LE PEUPLE de fusil…).
Sors ! homme de malheur… (on l’expulse). OBSCURITÉ
-62-
LE NOTABLE -63-
I1 est devenu fou depuis la mort de l'autre Macadou. Mais si le sort Nahoubou 1er, et Losy
devait se montrer contraire, nous saurions toujours le conjurer.
Nahoubou 1er dans son palais, attend, énervé, impatient Voyant
LE PEUPLE
entrer Losy.
Oui ! Nous le saurons conjurer... Salut, bon Macadou. Salut...
NAHOUBOU 1er
LE VIEUX (versant la boisson)
Ah ! enfin ! Je respire. Tout s'éclaire dans cette maison que tu
Que les dieux, les génies et les morts soient à nos côtés en ce jour
fleuris par ta présence (il lui désigne un siège). La femme ! Je ne sais pas,
solennel. Nous nous donnons un Macadou, non un maître un tyran. Que le
mais tiens, je me sentais fatigué ; tout me paraissait triste, je me disais à
malheur passant près de lui devienne bonheur ; que la mort passant près de
quoi bon... je me posais des tas et des tas de questions... tu parais et me
lui devienne vie. Vous êtes les maîtres, vous qui voyez ce que nous
voici revitalisé rajeuni, léger, virilisé. Je me sens de taille à renverser tous
n'entendons pas ; aidez-le, inspirez-le et qu'il soit le meilleur des nos
les obstacles... Losy... dans la foule lors de mon intronisation, tu paraissais
Macadous ; que le soleil rouge, la double couronne de halo autour de la
lune soient l'annonce de jours heureux (cris, tam-tams, coups de fusil).
une étoile dans un ciel d'orage, tellement tu attirais les regards. Je Les hommes ! (elle rit). Ils racontent tellement de choses que nous
t'observais, je suivais le moindre de tes gestes, du coin de l'œil... n'écoutons heureusement que d'une oreille, et parfois même pas du tout.
LOSY Nous vous connaissons aussi. Votre seul plaisir : vous entourer de dizaines
Un Macadou jouer à ce jeu lors d'un couronnement... et de centaines de femmes...
NAHOUBOU 1er NAHOUBOU 1er
À quel jeu ne jouerait-on pas pour l’amour d'une femme ? Parce que vous êtes pour nous les plus belles parures.
LOSY
Les Macadous jouent d'autres jeux, à des jeux royaux. Losy
NAHOUBOU 1ER Votre fortune, les femmes, les enfants, des femmes partout, des
Par exemple ? enfants partout. Où s'arrête un Macadou, pousse un enfant... Nous le
LOSY savons.
Je ne sais pas. Je ne suis pas Macadou.
NAHOUBOU 1er NAHOUBOU 1er
En amour, il n'y a pas de roi, Losy... Il me semble entendre une musique de source au soleil, un concert
Losy d'oiseaux dans un matin éclatant de bonheur. Losy y a-t-il sur terre un lieu,
Il y a des femmes plus belles que moi. où tu mettes les pieds sans que les fleurs accourent te saluer, te faire
NAHOUBOU 1er cortège ? Si tu voulais... Losy…
Non, il n'y aura jamais de femme plus belle que toi, Losy ! Losy
-64- Si je pouvais...
Losy -65-
Tu le dis. NAHOUBOU 1er
NAHOUBOU 1er Les femmes peuvent tout ; par un sourire, par une colère vraie ou
Parce que c'est vrai. Si tu te voyais toi-même, si tu te voyais feinte ; elles peuvent tout renverser.
sourire, marcher, tu comprendrais... Losy
Losy Je me dois de te dire la vérité. Je suis fiancée et mon fiancé est de
Tu trouveras un jour une femme plus belle que moi. C’est dans ceux qui ne souhaitent avoir qu'une femme.
l'habitude des hommes ; une maladie que vous avez dans le sang. NAHOUBOU 1er
NAHOUBOU 1er Les Macadous en toutes choses, ont le pas sur leurs sujets.
La femme que j'aime sera toujours la plus belle. LOSY
Losy
J’ai toujours pense qu’en avoir plusieurs c'est n'en aimer vraiment nos volontés sont des ordres. C’est pourquoi nous sommes formés pour
aucune. tout comprendre très vite.
NAHOUBOU 1er Losy
Autrement fait est le cœur d'un homme ; il vit par la multiplicité Ah, la vie et ses problèmes, l'amour et ses complications !
des amours. C’est cela qui vous déroute, vous abuse. NAHOUBOU 1er
LOSY Dans cette maison, tu ne connaîtras aucun des labeurs épuisants
Pauvres femmes, parures au cou des hommes. qui très tôt déciment les femmes du peuple ; tu ne connaîtras aucune
NAHOUBOU 1er maternité.
Ah ! si tu voulais accepter la main que je te tends, Losy. Losy
Losy Oh... Je n'aurai donc pas d'enfant ?
La femme d'un Macadou. NAHOUBOU 1er
NAHOUBOU 1er Si ! Si ! SI Dieu le veut… et si…
Du plus puissant des Macadous. LOSY
Losy Ah ! tu me rassures, parce que nous les femmes, nous adorons les
Reine ! moi ! enfants et ne pas en avoir nous paraît une malédiction. Être mère, vous ne
comprendrez jamais ce que cela est pour nous ! Mère, mère !
NAHOUBOU 1er NAHOUBOU 1er
Une belle femme donne du lustre à son époux, Losy Losy, je te ferai mener l'existence la plus heureuse que femme de
Losy roi ait jamais connue... A quoi penses-tu ?
Je t'ai déjà dit…
-66- LOSY
NAHOUBOU 1er Il me semble entrer dans une ère nouvelle.
Fiancée ? Je rembourserai la dot au centuple... -67-
Losy NAHOUBOU 1er
Le remboursement n'est rien. Comment te dire cela ? Je te Mais c'est vrai, tu es dans un monde nouveau, dès ce seuil franchi.
l'expliquerai... Nous sommes ici dans un monde à part. La clameur des misères humaines,
NAHOUBOU 1er les fureurs populaires, le flot tumultueux des rivalités, tous viennent se
Il faut tout me dire. Mon amour saura tout comprendre, même ce briser aux pieds des gardes comme sur un récif. On ne peut commander
que tu n'auras pas dit. Nous les Macadous notre patience est très courte ; qu’en se plaçant sur des hauteurs...
Losy
Les murs vont-ils toujours garder la couleur du sang ? On raconte encore... Oh que les hommes ne racontent-ils pas ! que
NAHOUBOU 1er sous les montagnes de la forêt de Mohoua, coulent des fleuves de
Je les ferai laver pour toi. diamants.
Losy NAHOUBOU 1er
L’air colporte encore l'odeur âcre du sang. Je les ferai puiser pour toi, ainsi mesureras-tu l'extrême profondeur
NAHOUBOU 1er de mon amour.
Je vais le faire purifier pour toi. Des narines aussi délicates se Losy
doivent de respirer l'air le plus pur, le plus salubre. Pour toi, la nature fera On raconte que sous les eaux sont des fortunes fabuleuses.
toilette et revêtira ses plus belles couleurs, Losy ! À quoi penses-tu ? NAHOUBOU 1er
Losy Je commanderai aux génies de te les apporter.
On m'a dit que partout où l'arc-en-ciel prend sa source est une mine Losy
d'or. Aux génies de me les apporter !
NAHOUBOU 1er NAHOUBOU 1er
Pour toi les arcs-en-ciel joncheront de leurs trésors le sol que tu Ainsi comprendras-tu l'incommensurabilité de ma puissance. Les
fouleras. Ainsi mesureras-tu l'extrême ardeur de mon amour. fortunes du ciel et de l'onde, je les ferai cueillir pour toi... te mettre au cou
une corolle de jeunes étoiles émerveillées et palpitantes d'orgueil !
Losy Losy
J’ai toujours rêvé d'un pagne fait de la couleur de tous les papillons On raconte…
du monde.
NAHOUBOU 1er NAHOUBOU 1er
Tu auras des milliers de pagnes faits de la couleur de tous les Laisse les hommes conter et raconter. Ils content et racontent nos
papillons du monde. Ainsi mesureras-tu l'extrême densité de mon amour. prouesses, les hauts faits des maîtres ; ils content et racontent leurs propres
-68- rêves. Nous, nos rêves, nous les imposons, nous les vivons, nous les
Losy matérialisons. Nul besoin de dormir pour rêver.
On raconte que sous les montagnes fleurissent des champs de -68-
pierreries. Losy
C’est merveilleux la puissance...
NAHOUBOU 1er
NAHOUBOU 1er
Je commanderai aux hommes de les récolter pour toi.
Forme un vœu...
Losy N'importe lequel, le vœu le plus saugrenu, le plus stérile et tu le verras
prendre corps... visage... devenir réalité.
Losy L'amour n'aime pas être habillé en prince ; il ne serait plus accueilli dans
Je voudrais des canaris pleins d'or. les cases, les masures, les nids...
NAHOUBOU 1er (riant) NAHOUBOU 1er (riant)
Canaris pleins d’or... (il frappe trois fois les mains et des serviteurs Les femmes saura-t-on jamais où vous allez puiser vos idées ?
accourent apporter des canaris d'or). Les voici tes canaris d'or... J’ai pensé que tu Losy
allais me demander le soleil, la lune. J’aurais commandé aux génies de te les Dans les palais, l'amour très facilement s'enrhume, or l'amour que j'ai
apporter — (riant). Tu connais mal un Macadou. dans le cœur, est un amour de grand air. Il aime s'accrocher à tout ce qui vit.
Losy NAHOUBOU 1er
Je l'ai toujours pris pour un homme. Ah, si tu voulais...
Losy NAHOUBOU 1
Plus un homme ? Pour un Macadou, on doit tout pouvoir.
Losy
NAHOUBOU 1er
Il partage le destin des dieux, parce qu'il est Dieu sur la terre. Certainement, mais il y a encore des amours aveugles, têtus, des amours
que ne peut acheter aucune fortune, que ne peut vaincre aucune infortune.
LOSY
Je comprends. NAHOUBOU 1er
Losy ! Losy !
NAHOUBOU 1er
Le peuple n'attend de moi qu'un geste pour niveler les plus hautes Losy
montagnes, combler les fleuves les plus profonds... A tes pieds, le plus Se marier, c'est unir deux destins, qui donc épouse une fortune n’est pas
incandescent des amours. marié, encore moins qui épouse les honneurs.
-70- -71-
Losy NAHOUBOU 1er
Dans les palais, l'amour se dégrade et perd ses couleurs. Toi, à mes côtés, je serai plus fort qu'un troupeau de buffles en colère. Et
NAHOUBOU 1er lorsque pour toi j'aurais empli ce palais de tout l'or du monde, je dirais aux gens :
Palais, serviteurs, fortune, considération, tout ce qui donne du goût à la venez voir ce que peut le courage...
vie, tout ce pour quoi les hommes se combattent et se tuent... sont à tes pieds. Losy
Losy Quelle fortune peut-on édifier sur la misère des autres !
je te convie, à laquelle je t'associe ; Mort à tout ce qui est mort pour l’homme,
NAHOUBOU 1er récession, rétention, restriction, condamnation... fais éclater mille soleils dans mon
Je les promènerai par les steppes fertilisées, par les rizières, par les cœur de messie... Le monde va entendre ma voix. Le moindre murmure va prendre
fleuves domestiques, l'océan amené à mon seuil et je leur dirai voilà ce que peut une puissante résonance !
l'intelligence. Losy
Comment te dire ?
Losy NAHOUBOU 1er
Quelle fortune peut-on amasser sur la faim des autres ! Ne dis rien.
Losy
NAHOUBOU 1er Comment t'expliquer ?
Femme, aie des idées plus saines sur le pouvoir. Viens à mes côtés et tu NAHOUBOU 1er
sauras ce qu'est le pouvoir. Il n'est pas dans mes habitudes de prier même les N'explique rien.
dieux. Losy ! la belle maternité qui va être la mienne : le père, la mère, l'aïeul de Losy
l'histoire. Couper dans le temps une nouvelle aurore et faire des matins les plus Que dois-je faire ?
radieux des manteaux pour les miens, ma famille, ma tribu ! C’est mon heure, ton
heure aussi Losy. NAHOUBOU 1er
On ne demande jamais ce qu'on doit faire lorsqu'un roi a exprimé sa
Losy volonté.
Comment pourrais-je oublier ce que nous avons toujours été ? Les rêves
que nous portons sur les bras comme des enfants morts dont on refuse partout la Losy
sépulture... Quand cesserons-nous de vivre de promesses et de danses ? Il y a des amours butés contre lesquels on bute soi-même et dans ce
monde...
NAHOUBOU 1er
Familles sans souches, racines au vent, dispersées, essaimées, fleuves de NAHOUBOU 1er
colère, torrents boueux de haines sordides, dressé au-dessus des éclairs humains, je de faims, de haines exacerbées, déchaînées, incontrôlées, les cités ne
trace à tous le chemin... seront plus des jungles et les tigres sur le seuil des
-72- -73-
Losy maisons ne joueront plus sur la peau des agneaux. Voilà le monde que je veux voir
Le chemin de ta gloire. fleurir autour de nous, le monde dont tu seras reine. Dans le grand matin, forger le
NAHOUBOU 1er destin, donner cœur et poumons à chaque homme pour un nouvel essor, pour
Soleil, Requin, Taureau, Lion, l'orgueil m'a déjà tout pris. Losy. Levain franchir les nouveaux siècles...
des jours heureux et des belles aurores, la terre lavée de toute pestilence, des Losy
hommes du Macadou des courtisans du Macadou... Une tâche immense à laquelle Cher Macadou.
NAHOUBOU 1er J’existe et tu ne saurais aimer autre personne. L’amour Macadou est
Être la flamme qui réchauffe les corps transis de misères, de peurs, le souvent un ordre, et ces mains que tu vois peuvent devenir étau pour quiconque
parfum qui redonne force aux poumons, le baume qui tonifie le muscle, la couleur tenterait d’entraver le cours de mon affection.
joyeuse, féerique qui fait des yeux des escarboucles dans la nuit. Je libère chants et LOSY
danses ! L'amour naïf est une force contre laquelle s'usent les Plus fortes armées.
Losy NAHOUBOU 1er
J’ai peur. Tu es encore Jeune. Et c'est cette pureté qui ravive mon amour : quelle
NAHOUBOU 1er femme aurait hésité un amour dénudé et un amour assorti d’or de diamants, de
Avoir peur dans ce palais ? respects de sujets ?
Losy LOSY
Je ne sais pourquoi et pourtant j'ai peur... Un amour nu n’est jamais esclave. L’amour, tu le sais n’aime pas les
chaines…
NAHOUBOU 1er
Déleste-toi du passé, moi aussi j'ai eu peur, j'ai tremblé, j'ai passé des NAHOUBOU 1er
nuits sans dormir... maintenant c'est moi qui effraie, c'est moi la loi... Même dorées.
Losy LOSY
J’ai peur de tout ce qui est force. Car le pouvoir même populaire reste Surtout lorsqu'elles sont dorées ·
toujours entre des mains partisanes.
NAHOUBOU 1er
NAHOUBOU 1er Je ne t’admire que d’avantage. Je ne t’aime que plus fougueusement. Ah !
Ce bras devenu le plus puissant du monde saura te protéger ou t'atteindre si tu voulais, Losy… aux autres femmes, il me suffirait de jeter une œillade pour
où que tu sois. les voir accourir venir s’assujettir. Mais rarement on est maitre de son cœur, et me
voici ton sujet tout Macadou que je suis, Losy…
Losy
Connaître à quoi on lie son sort est le salut pour une épouse. LOSY
-74- Donne-moi le temps de réfléchir.
NAHOUBOU 1er -75-
Je suis le Macadou, cela devrait suffire. NAHOUBOU 1er
LOSY On ne devrait plus réfléchir lorsqu'on a à ses pieds, or, diamants,
Je pense plus à l’homme qu'au Macadou. respects de tout un peuple.
NAHOUBOU 1er Losy
Oui, tu as raison, or et diamants, arguments suprêmes pour les cernés par les insomnies, distinguent mal un porte-canne de malheur d'un
amours débiles, les cœurs infidèles. porte-canne du bonheur. Laisse-moi faire. Je sais comment aborder mes
NAHOUBOU 1er parents.
Ce cœur et ce palais t'appartiennent. Des palais je t'en ferai bâtir NAHOUBOU 1er
des centaines et des centaines, pour toi, pour tes parents, cousins, amis, Losy !
pour tous ceux qui le touchent de près et de loin... Losy
Losy Je devine d'avance leur joie, leur allégresse, leurs transports.
Devrait-on réfléchir après de tels présents ? NAHOUBOU 1er
NAHOUBOU 1er Losy ! Losy !
Je me le demande. Losy
Losy Dans une semaine au plus tard tout sera réglé.
Peut-on même réfléchir ? NAHOUBOU 1er
NAHOUBOU 1er Dans une semaine au plus tard !
Je me le demande encore.
Losy Losy
Donne-moi le temps d'en parler aux parents. Je t'aime peut-être plus que tu ne le supposes. Nous les femmes,
NAHOUBOU 1er nous étalons peu nos sentiments. Nous les laissons deviner (ils s
Je pourrai leur dépêcher un porte-canne. 'embrassent).