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DÉRIVABILITÉ
Les fonctions qu’on étudie en analyse sont souvent définies sur des intervalles, mais souvent aussi sur des réunions
d’intervalles comme R∗ ou [0, 1[∪[2, 3]. Dans ce chapitre, pour simplifier, les lettres D, E. . . désigneront
i πtoujours des réunions
πh
finies d’intervalles — mais on pourrait généraliser à certaines réunions infinies d’intervalles comme − , +πZ. On notera
2 2
par ailleurs K l’un des corps R ou C, et quand on emploiera les notations [a, b] ou ]a, b[, il sera sous-entendu que a et b
sont deux réels et que a < b.
Définition (Dérivabilité en un point ou sur une réunion raisonnable d’intervalles) Soit f : D −→ C une fonction.
f (x) − f (a)
• Soit a ∈ D. On dit que f est dérivable en a si la limite : lim EXISTE ET EST FINIE . Cette limite est
x→a x−a
′
alors appelée le nombre dérivé de f en a et notée f (a).
• On dit que f est dérivable sur D si f est dérivable en tout point de D. La fonction x 7−→ f ′ (x) est alors appelée la
dérivée de f .
On note D(D, K) l’ensemble des fonctions dérivables sur D à valeurs dans K.
Explication Si on a choisi une fois pour toutes par convention de noter x la variable de f , le nombre dérivé de
df
f en a peut être aussi noté (a) — même chose avec n’importe quel symbole autre que x.
dx
f (x) − f (a)
Explication Si f est dérivable en a, alors pour x ≈ a : ≈ f ′ (a), donc : f (x) ≈ f (a)+ f ′ (a)(x −a).
x−a
Ce raisonnement sans rigueur justifie tout de même rapidement le fait que la tangente de f en a est LA DROITE LA PLUS
f (b) − f (a)
PROCHE DU GRAPHE DE f AU VOISINAGE DE a. Plus géométriquement, sachant que est le coefficient directeur
b−a
f (b) − f (a)
de la corde reliant les points de coordonnées a, f (a) et b, f (b) , la limite : f ′ (a) = lim représente la
b→a b−a
« pente limite » des cordes précitées.
y = f (x) y = f (x)
On fait tendre b vers a.
f (b) b
La corde reliant
f (a) b a, f (a) et b, f (b) f (a) b
La tangente de f en a
a b a
Exemple Pour tout n ∈ N, la fonction x 7−→ x n est dérivable sur R de dérivée x 7−→ nx n−1 .
x n − a n X k n−k−1 X
n−1 n−1
En effet Soit a ∈ R. Pour tout x ∈ R \ a : = a x −→ a k a n−k−1 = na n−1 .
x−a k=0
x→a
k=0
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Christophe Bertault — Mathématiques en MPSI
Théorème (La dérivabilité implique la continuité) Soient f : D −→ R une fonction et a ∈ D. Si f est dérivable en a,
alors f est continue en D.
$ ATTENTION ! $ La réciproque est totalement fausse, pensez à la fonction valeur absolue en 0. C’est contre-intuitif,
mais il existe même des fonctions qui sont continues sur tout R mais dérivables en aucun point.
−→ f ′ (a)
x →a
z }| { −→0
x →a
f (x) − f (a) z }| {
Démonstration Puisque f est dérivable en a, alors : f (x) = × (x − a) + f (a) −→ f (a),
x−a x→a
donc en effet f est continue en a.
Le résultat suivant est la version dérivable d’un résultat analogue sur les limites du chapitre « Limites d’une fonction ».
Théorème (Caractérisation de la dérivabilité à partir des parties réelle et imaginaire) Soient f : D −→ C une
fonction et a ∈ D.
f est dérivable en a si et seulement si Re( f ) et Im( f ) le sont.
Explication Parce qu’elle n’est qu’un cas particulier de la dérivabilité en général, la dérivabilité à gauche (resp.
à droite) implique la continuité à gauche (resp. à droite).
Théorème (Caractérisation de la dérivabilité à l’aide des dérivabilités à gauche/à droite) Soient f : D −→ C une
fonction et a ∈ D. On suppose f définie au voisinage de a à gauche et à droite.
f est dérivable en a si et seulement si f est dérivable à gauche et à droite en a avec de plus : f g′ (a) = f d′ (a).
Démonstration a
f (x) − f (a)
f est dérivable en a ⇐⇒ lim existe et est finie
x→a x−a
f (x) − f (a) f (x) − f (a)
⇐⇒ lim et lim+ existent, sont finies et égales
x→a− x−a x→a x−a
⇐⇒ f est dérivable à gauche et à droite en a et : f g′ (a) = f d′ (a).
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Christophe Bertault — Mathématiques en MPSI
§
f ln(1 + x) si x ¾ 0
Exemple La fonction x 7−→ est dérivable en 0.
sin x si x < 0
b
$ ATTENTION ! $ Une fonction peut n’être ni dérivable à gauche ni dérivable à droite en un point. C’est le cas de la
f 1 f (x) − f (0) 1
fonction x 7−→ x sin en 0 prolongée par continuité en 0 par f (0) = 0, car x 7−→ = sin n’a pas de limite en
x x −0 x
0, ni à gauche ni à droite.
Zoom
Démonstration Pour les assertions (ii) et (iii), remarquons que lim g(x) = g(a) car la dérivabilité de g en a
x→a
implique sa continuité, et de même lim f (x) = f (a) pour l’assertion (iv).
x→a
(i) La fonction λ f + µg est dérivable en a avec : (λ f + µg)′ (a) = λ f ′ (a) + µg ′ (a) car :
(ii) La fonction f g est dérivable en a avec : ( f g)′ (a) = f ′ (a)g(a) + f (a)g ′ (a) car par produit :
′
1 1 g ′ (a)
(iii) Supposons g(a) 6= 0. La fonction est alors dérivable en a avec : (a) = − car :
g g g(a)2
1 1
(x) − (a)
g g 1 g(x) − g(a) g ′ (a)
=− × −→ − .
x −a g(x)g(a) x−a x→a g(a)2
g( y) − g f (a)
si y 6= f (a)
(iv) Pour tout y ∈ E, posons : τ( y) = y − f (a) Par dérivabilité de g en f (a) :
′
g f (a) si y = f (a).
lim τ( y) = g ′ f (a) , et pour tout x ∈ E : τ f (x) f (x) − f (a) = g ◦ f (x) − g ◦ f (a) — y
y→ f (a)
g ◦ f (x) − g ◦ f (a) f (x) − f (a)
compris pour x = a — donc : = τ f (x) −→ f ′ (a)g ′ f (a) .
x −a x−a x→a
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p
Exemple La fonction x 7−→ x 3 Arcsin x est dérivable sur ] − 1, 1[.
En effet
• La fonction x 7−→ x 3 Arcsin x est dérivable sur ] − 1, 1[ par produit. Or — tableau designe — cette
fonction est positive sur [−1, 1] et nulle seulement en 0, donc est dérivable sur ] − 1, 1[ \ 0 À VALEURS
p
DANS R∗+ . La fonction racine carrée étant dérivable sur R∗+ SEULEMENT, x 7−→ x 3 Arcsin x est dérivable
sur ] − 1, 1[ \ 0 par composition.
p
• Ce raisonnement ne nous apprend rien sur la fonction x 7−→ x 3 Arcsin x en 0 car nos théorèmes
d’opérations sur p la dérivabilité nous parlent de dérivabilité mais pas de NON-dérivabilité. De fait, la
fonction x 7−→ x 3 Arcsin x est quand même dérivable en 0 car :
p p v v
x 3 Arcsin x − 0 x 4 t Arcsin x t Arcsin x − Arcsin 0 Æ
= × =x −→ 0 × Arcsin′ (0) = 0.
x −0 x x x −0 x→0
p
On pourrait montrer en revanche que x 7−→ x 3 Arcsin x N’est PAS dérivable en −1 et 1.
Nous avons admis le théorème suivant au chapitre « Rappels et compléments sur les fonctions ». Grâce à lui, nous avons
pu justifier la dérivabilité des fonctions arcsinus, arccosinus et arctangente et calculer leurs dérivées.
y = f −1 (x) y = x
$ ATTENTION ! $
L’hypothèse selon laquelle f ′ ne s’annule pas
est essentielle ! b
y = f (x)
Tangente VERTICALE,
donc f −1 n’est pas dérivable. b
Tangente HORIZONTALE,
f ′ s’annule.
Démonstration Soit b ∈ J .
• Comme f est continue et bijective, f −1 est continue en b : lim f −1 ( y) = f −1 (b) ♣.
y→b
−1
f (x) − f f (b)
• Or f est dérivable en f −1 (b) : lim −1
= f ′ f −1 (b) , donc après passage à l’in-
x→ f −1 (b) x − f (b)
′ x − f −1 (b) 1
verse — par hypothèse f ne s’annule pas : lim = ♠.
x→ f (b) f (x) − f f −1 (b)
−1
f ′ f −1 (b)
f −1 ( y) − f −1 (b) f −1 ( y) − f −1 (b) 1
• Composons enfin ♣ et ♠ : lim = lim = .
y→b y−b y→b f f −1 ( y) − f f −1 (b) f ′ f −1 (b)
Pour tout k ∈ N, si la fonction f (k) est bien définie, dite dérivée kème de f , on dit que f est k fois dérivable sur D. On note
généralement f , f ′ , f ′′ et f ′′′ plutôt que f (0) , f (1) , f (2) et f (3) respectivement.
Pour tout k ∈ N, l’ensemble des fonctions de D dans K k fois dérivables sur D est noté D k (D, K).
Explication Si on a choisi une fois pour toutes par convention de noter x la variable de f , la dérivée kème de f
dk f
peut être aussi notée — même chose avec n’importe quel symbole autre que x.
dx k
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$ ATTENTION ! $ Être de classe C 1 , ce n’est pas être « dérivable et continue » — puisqu’on est toujours continu quand
on est dérivable — mais être « dérivable à dérivée continue ».
Dérivabilité Continuité
Classe C ∞ ··· Classe C 2 Classe C 1 Dérivabilité
deux fois = Classe C 0
(v) Réciproque : Soit I un intervalle. Pour toute f ∈ D k (I , R) bijective de I sur J = f (I ), SI f ′ NE S’ANNULE PAS SUR
I , alors : f −1 ∈ D k (J , R).
On peut remplacer dans chacune de ces assertions « D k » par « C k » et « C ∞ ».
En pratique Pour montrer qu’une fonction est deux fois dérivable, on applique directement le théorème précé-
dent, on ne s’amuse pas à montrer qu’elle est dérivable, à la dériver, puis à montrer que sa dérivée est de nouveau dérivable !
f
(iii) Au rang k : « Pour toutes f , g ∈ D k (D, C), si g ne s’annule pas sur D, alors : ∈ D k (D, C). »
g
Hérédité : On suppose le résultat vrai au rang k. Soient f , g ∈ D k+1 (D, C), g ne s’annulant pas sur
′
f f f ′ g − f g′
D. Alors f ∈ D(D, C) et g ∈ D(D, C) donc ∈ D(D, C), et : = . Or d’après (ii),
g g g2
′
f f
f ′ g − f g ′ , g 2 ∈ D k (D, C), donc ∈ D k (D, R) par hypothèse de récurrence, i.e. ∈ D k+1 (D, C).
g g
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Définition (Extremum local, point critique, point intérieur) Soit a ∈ D. Point intérieur
• On dit que a est intérieur à D s’il existe ǫ > 0 pour lequel : ]a − ǫ, a + ǫ[ ⊂ D.
Point NON intérieur
Soit f : D −→ R une fonction.
• On dit que f possède un maximum local en a si f est majorée par f (a) au voisinage de a.
• On dit que f possède un minimum local en a si f est minorée par f (a) au voisinage de a.
• On dit que a est un point critique de f si f est dérivable en a avec : f ′ (a) = 0.
x
ci-dessous.
Zoom
Théorème (Condition nécessaire pour un extremum local en un point intérieur) Soient f : D −→ R une fonction
et a ∈ D un point intérieur. Si f est dérivable en a et possède un extremum local en a, alors a est un point critique de f .
b b
$ ATTENTION ! $
b
a a a
Situation standard du théorème Il est important que Réciproque fausse : tout point critique
(cas d’un maximum local). a soit un point INTÉRIEUR. n’est pas un extremum local.
Démonstration Étudions le cas d’un maximum local en a. Comme a est un point intérieur à D, D contient un
voisinage ]a −ǫ, a +ǫ[ de a pour un certain ǫ > 0, et comme f possède un maximum local en a : f (x) ¶ f (a)
pour tout x ∈]a − ǫ, a + ǫ[ — avec le même ǫ quitte à le diminuer. Par conséquent :
f (x) − f (a) f (x) − f (a)
∀x ∈ ]a − ǫ, a[, ¾0 et ∀x ∈ ]a, a + ǫ[, ¶ 0.
x −a x−a
Or f est dérivable en a, donc si nous faisons tendre x vers a à gauche dans l’inégalité de gauche : f ′ (a) ¾ 0,
et si nous le faisons tendre à droite dans celle de droite : f ′ (a) ¶ 0. Conclusion : f ′ (a) = 0.
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Théorème (Théorème de Rolle) Soit f : [a, b] −→ R continue sur [a, b], dérivable sur ]a, b[ et telle que f (a) = f (b).
Il existe c ∈ ]a, b[ pour lequel : f ′ (c) = 0.
f (b) b
f (a) b b
bc
= f (b) = f (b)
a b a b a b a b
Exemple Pour tous α, β , γ ∈ R, le polynôme P = 4αX 3 + 3β X 2 + 2γX − (α + β + γ) possède une racine dans ]0, 1[.
En effet Fixons α, β , γ ∈ R.
• On a bien sûr d’abord envie d’utiliser le TVI. Hélas : P(0) = −(α + β + γ) et P(1) = 3α + 2β + γ
et le signe de ces deux nombres n’est pas du tout clair.
• Changeons donc de point de vue et posons : Q = αX 4 + β X 3 + 2γX 2 − (α + β + γ)X . Ce polynôme
Q est une primitive de P et clairement : Q(0) = Q(1) = 0. D’après le théorème de Rolle, P = Q′
s’annule donc au moins une fois entre 0 et 1.
$ ATTENTION ! $ Le théorème de Rolle est faux pour les fonctions complexes. Par exemple, la fonction t 7−→ eit est
continue sur [0, 2π], dérivable sur ]0, 2π[, et : ei0 = e2iπ = 1, mais pourtant sa dérivée t 7−→ ieit ne s’annule pas.
Théorème (Théorème des accroissements finis) Soit f : [a, b] −→ R continue sur [a, b] et dérivable sur ]a, b[.
f (b) − f (a)
Il existe c ∈ ]a, b[ pour lequel : f ′ (c) = .
b−a
Explication Le théorème des accroissements finis généralise le théorème de Rolle. La morale de l’histoire ?
ϕ la fonction f − d. Cette fonction ϕ est continue sur [a, b], dérivable sur ]a, b[ et : y = d(x)
ϕ(a) = ϕ(b) = 0. Le théorème de Rolle affirme donc que ϕ ′ (c) = 0 pour un certain
f (b) − f (a)
c ∈ ]a, b[, ou encore : = f ′ (c). b
b−a b
y = ϕ(x)
3 ′ ′
Exemple Soit f ∈ C [a, b], R . On suppose que : f (a) = f (a) = f (b) = f (b) = 0. a c b
(3)
Alors f (c) = 0 pour un certain c ∈ ]a, b[.
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f (3)
f ′′
En effet Comme f est continue sur [a, b], dérivable sur ]a, b[, et comme :
f′
f (a) = f (b) = 0, le théorème de Rolle montre que : f ′ (u) = 0 pour un f
certain u ∈ ]a, b[. a b
Ensuite, comme f ′ est de classe C 1 sur [a, b] avec : f ′ (a) = f ′ (u) = f ′ (b) = 0, le théorème de Rolle
montre que : f ′′ (v) = f ′′ (w) = 0 pour certains v ∈ ]a, u[ et w ∈ ]u, b[.
Enfin, comme f ′′ est continue sur [v, w] et dérivable sur ]v, w[ avec : f ′′ (v) = f ′′ (w), le théorème de Rolle
montre que : f (3) (c) = 0 pour un certain c ∈ ]v, w[ ⊂ ]a, b[.
Exemple Soient I un intervalle et f ∈ C k (I , R). Si f s’annule en au moins k + 1 points distincts, alors f (k) s’annule en
au moins un point. Ce résultat est un grand classique, étudiez-le bien !
En effet La figure ci-contre illustre l’idée de la preuve pour k = 4. On part de
f (4)
5 zéros (au moins) pour f . En appliquant le théorème de Rolle entre ces zéros f (3)
on parvient à exhiber 4 zéros (au moins) de f ′ , puis 3 (au moins) pour f ′′ . . . f ′′
et enfin (au moins) un zéro de f (4) .
f′
Nous allons montrer proprement par récurrence que pour tout i ∈ ¹0, kº, f (i) f
s’annule en au moins k − i +1 points distincts. Pour i = k, on a tout simplement
le résultat.
Initialisation : L’assertion pour i = 0 n’est autre que l’hypothèse du théorème.
Hérédité : Soit i ∈ ¹0, k − 1º. On suppose que f (i) s’annule en au moins k − i + 1 points distincts x 1 , . . . , x k−i+1
rangés dans l’ordre : x 1 < . . . < x k−i+1 . Pour tout j ∈ ¹1, k − iº, f (i) est continue sur [x j , x j+1 ], dérivable
sur ]x j , x j+1 [ et : f (i) (x j ) = f (i) (x j+1 ) = 0. Le théorème de Rolle affirme donc l’existence d’un zéro x ′j de
f (i+1) compris strictement entre x j et x j+1 . Nous voilà donc à la tête de k − i = k − (i + 1) + 1 zéros de f (i+1) ,
lesquels sont bien deux à deux distincts car : x 1′ < x 2 < x 2′ < x 3 < . . . < x k−i
′
< x k−i .
Les constantes de primitivation et de résolution des équations différentielles linéaires sont toutes issues du théorème qui
suit, il était temps que nous le démontrions !
Théorème (Caractérisation des fonctions constantes dérivables) Soient I un INTERVALLE et f ∈ D(I , C).
Démonstration Une preuve du cas réel suffit via la caractérisation de la dérivabilité à partir des parties réelle
et imaginaire. Soit donc f ∈ D(I , R).
f (x) − f (a)
• Si f est constante sur I , alors pour tout a ∈ I : = 0 −→ 0, donc : f ′ (a) = 0.
x−a x→a
• Réciproquement, supposons f ′ nulle sur I et donnons-nous x, y ∈ I avec x < y. Alors f est continue sur
f ( y) − f (x)
[x, y] et dérivable sur ]x, y[, donc : = f ′ (c) = 0 pour un certain c ∈ ]x, y[ d’après le
y−x
théorème des accroissements finis. Aussitôt : f (x) = f ( y), donc comme voulu f est constante.
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Démonstration
(i) Reprenez simplement la preuve du théorème précédent avec des inégalités à la place des égalités.
(ii) Supposons d’abord f strictement croissante sur I . D’après (i), f ′ est alors positive ou nulle sur I .
Ensuite, si f ′ est identiquement nulle sur un intervalel [a, b] avec a ¶ b, alors f y est constante donc :
f (a) = f (b), donc enfin a = b par stricte monotonie.
Réciproquement, supposons que f ′ est positive ou nulle sur I et n’est identiquement nulle sur aucun
intervalle [a, b] avec a < b. D’après (i), f est alors croissante. Soient x, y ∈ I avec x < y. Par croissance :
f (x) ¶ f ( y). Si f (x) = f ( y), la croissance de f montre que f est constante sur [x, y], donc que f ′
est identiquement nulle sur [x, y] — ce qui est faux. Forcément : f (x) < f ( y).
$ ATTENTION ! $
• Mine de rien, dans les deux théorèmes précédents, l’hypothèse selon laquelle I est un INTERVALLE est indispensable.
Le théorème est faux si I est une réunion d’intervalles disjoints.
f est constante sur I1 et sur I2 , y = f (x) y = f (x) f est croissante sur I1 et sur I2 ,
b
• On peut avoir : f ′ (a) > 0 en un point a sans que f soit strictement croissante au voisinage de a. C’est le cas
f 1 x
de la fonction x 7−→ x 2 sin + prolongée par 0 en 0. Bien sûr, f est dérivable sur R∗ et en revenant au taux
x 2
1 1 1 1
d’accroissement de f , on montre aisément que : f ′ (0) = > 0. Pourtant : f ′ (x) = 2x sin − cos +
2 x x 2
pour tout x ∈ R∗ , donc f ′ change de signe régulièrement au voisinage de 0, donc f change de sens de variation
1 1
régulièrement au voisinage de 0. En deux mots, le x sin est petit au voisinage de 0 alors que le cos prend une
x x
1 ′
infinité de fois les valeurs 1 et −1. Comme on ajoute , f prend une infinité de fois au voisinage de 0 des valeurs
2
1 3
proches de − et .
2 2
Zoom
Définition (Lipschitzianité) Soient f : D −→ C une fonction et K ¾ 0. On dit que f est K-lipschitzienne sur D si :
Pente +2 Pente +2
b b
b
b
b Les figures de gauche illustrent la 2-lipschitzianité
b b b b de la fonction représentée. Les cordes issues de
chaque point ont toutes un coefficient directeur
compris entre −2 et 2.
Pente −2 Pente −2
Exemple La fonction x 7−→ |x| est 1-lipschitzienne sur R d’après l’inégalité triangulaire « |x| − | y| ¶ |x − y| ».
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1
Exemple La fonction x 7−→ est 1-lipschitzienne sur [1, +∞[ mais pas sur R∗+ .
x
1 1 x−y |x − y|
En effet Pour tous x, y ∈ [1, +∞[ : − = = ¶ |x − y|.
x y xy |x|.| y|
1 1
−
2x x 1 f (x) − f ( y)
En revanche : =− 2 −→ −∞, donc l’ensemble des réels , x et y décrivant R∗+
2x − x 2x x→0 x−y
1
avec x 6= y, n’est pas borné, donc x 7−→ n’est pas lipschitzienne sur R∗+ .
x
Théorème (La lipschitzianité implique la continuité) Toute fonction lipschitzienne est continue.
Théorème (Inégalité des accroissements finis) Soient I un intervalle et f ∈ D(I , C). Si | f ′ | est majorée par un certain
K sur I , alors f est K-lipschitzienne sur I .
Explication Alors que le théorème de Rolle et le théorème des accroissements finis sont faux pour les fonctions
complexes, l’inégalité des accroissements finis constitue quant à elle un résultat robuste encore valable dans le cas complexe.
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Nous avons jusqu’ici étudié les suites définies par une relation de récurrence « un+1 = f (un ) » essentiellement grâce au
théorème de la limite monotone. En cas de convergence vers un réel ℓ et sous l’hypothèse que f est continue en ℓ, nous
avons déjà vu que ℓ est un point fixe de f . Ce que le théorème de la limite monotone ne nous précise pas en revanche, c’est
la vitesse avec laquelle (un )n∈N s’approche de ℓ, ce qu’on appelle sa vitesse de convergence. Pour obtenir une approximation
de ℓ à 10−3 près, pouvons-nous nous contenter de calculer u10 ou bien devons-nous pousser jusqu’à u1000 , voire u101010 ? En
1
d’autres termes, l’écart |un − ℓ| converge-t-il vers 0 plutôt vite — par exemple s’il vaut n — ou plutôt lentement — par
2
1
exemple s’il vaut ? Nous allons voir que sous certaines conditions raisonnables, l’inégalité des accroissements finis peut
ln n
nous garantir une convergence rapide de la suite (un )n∈N .
En pratique La technique décrite ici est vraiment importante. On part d’un intervalle I , d’une fonction f : I −→ R
qui stabilise I et d’un certain u0 ∈ I . Nous savons qu’il existe alors une unique suite (un )n∈N définie pour tout n ∈ N par :
un+1 = f (un ). On suppose par ailleurs que :
— f possède un unique point fixe ℓ sur I ,
— f est K-lipschitizienne pour un certain K ∈ [0, 1[ — attention, « 1 » EXCLUS ! Typiquement, c’est l’inégalité
des accroissements finis qui fournit un tel résultat.
Ces hypothèses permettent de montrer successivement :
— que pour tout n ∈ N : f (un ) − f (ℓ) ¶ K|un − ℓ|, ou encore : |un+1 − ℓ| ¶ K|un − ℓ|,
n
— puis par récurrence, que pour tout n ∈ N : |un − ℓ| ¶ K |u0 − ℓ|,
— ce dont il découle par encadrement, sachant que 0 ¶ K < 1, que : lim un = ℓ.
n→+∞
Conclusion : nous avons atteint la convergence de (un )n∈N sans rien connaître de sa monotonie. Nous avons même obtenu
mieux, l’inégalité : |un − ℓ| ¶ K n |u0 − ℓ| montre en effet que (un )n∈N converge VITE vers ℓ, au moins aussi vite que la
suite géométrique (K n )n∈N tend vers 0.
Exemple Le polynôme X 3 + 3X − 1 possède une unique racine réelle, égale à 0,32218 à 10−5 près.
En effet
• Le TVI strictement monotone montre assez vite que la fonction x 7−→ x 3 + 3x − 1 est bijective de R sur
R, donc que le polynôme X 3 + 3X − 1 possède une et une seule racine réelle. Précisément : ρ ∈ [0, 1]
1
car : 03 +0−1 = −1 < 0 et 13 +3−1 = 3 > 0, et comme : ρ 3 +3ρ−1 = 0 ⇐⇒ 2
= ρ,
ρ +3
f 1
ρ est aussi LE seul point fixe de x 7−→ 2 sur [0, 1].
x +3
1
• On définit la suite (ρn )n∈N par ρ0 = 0 et pour tout n ∈ N : ρn+1 = f (ρn ) = 2 . On s’attend, si
ρn + 3
tout se passe bien, à ce que (ρn )n∈N converge vers ρ.
2x
• Pour tout x ∈ R : f ′ (x) = − 2 . Nous allons majorer | f ′ | pour pouvoir utiliser l’inégalité des
x2 +3
′′
6 x2 − 1
accroissements finis. Pour cela, re-dérivons. Pour tout x ∈ [0, 1] : f (x) = 3 ¶ 0, donc f ′
x2 + 3
2
est décroissante sur [0, 1], donc pour tout x ∈ [0, 1] : − = f ′ (1) ¶ f ′ (x) ¶ f ′ (0) = 0. Conclusion :
9
2
f est contractante sur [0, 1], précisément -lipschitzienne.
9
2
• Aussitôt, pour tout n ∈ N : |ρn+1 − ρ| = f (ρn ) − f (ρ) ¶ |ρn − ρ|, donc par récurrence :
n n n 9
2 2 2 2
|ρn − ρ| ¶ |ρ0 − ρ| = |ρ| ¶ . Comme enfin 0 ¶ <1: lim ρn = ρ par
9 9 9 9 n→+∞
encadrement.
• Nous pouvons finalement utiliser (ρn )n∈N pour calculer une valeur approchée de ρ à 10−5 près, mais
combien de termes devons-nous calculer ? Pour tout n ∈ N :
n
2 ln 10−5
¶ 10−5 ⇐⇒ n¾ ⇐⇒ n ¾ 8.
9 2
ln
9
11
Christophe Bertault — Mathématiques en MPSI
On obtient donc une valeur approchée de ρ à 10−5 près en calculant u8 : u8 ≈ 0, 32218. En réalité,
on constate que les cinq premières décimales de u4 sont déjà correctes, mais ce qui compte, ce n’est pas
ce qu’on CONSTATE, mais ce qu’on DÉMONTRE. Nos calculs n’ont peut-être pas été d’une finesse à toute
épreuve, mais en tout cas ils sont corrects.
f (x) − f (a)
$ ATTENTION ! $ À titre d’introduction, remarquons que rien ne permet a priori d’affirmer que les limites : lim
x→a x−a
′
et lim f (x) sont égales. Conceptuellement, ces limites sont très différentes.
x→a
Théorème (Théorème de la limite de la dérivée) Soit f : [a, b[−→ R une fonction. On suppose que f est dérivable
sur ]a, b[ et CONTINUE en a et que lim+ f ′ (x) existe.
x→a
f (x) − f (a)
La limite : lim existe alors aussi et elle vaut : lim f ′ (x).
x→a x−a x→a+
On dispose bien sûr d’un résultat analogue au voisinage d’un point à gauche.
Démonstration Pour tout x ∈ ]a, b[, comme f est continue sur [a, x] et dérivable sur ]a, x[, l’égalité des
f (x) − f (a)
accroissements finis montre que : = f ′ (c x ) pour un certain c x ∈ ]a, x[. Nous obtenons ainsi
x−a
une fonction c : ]a, b[ −→ ]a, b[ telle que pour tout x ∈ ]a, b[ : |c x − a| < |x − a|. En particulier :
lim c x = a. Or par hypothèse, lim+ f ′ (x) existe et vaut disons ℓ, donc par composition, comme voulu :
x→a x→a
f (x) − f (a)
= f ′ (c x ) −→ ℓ.
x −a x→a
Théorème (Théorème du prolongement de classe C k ) Soient k ∈ N et f ∈ C k ]a, b[, R . Si lim f (i) existe et est finie
a
pour tout i ∈ ¹0, kº, le prolongement par continuité de f à [a, b[ est de classe C k .
On dispose bien sûr d’un résultat analogue au voisinage d’un point à gauche.
p 1
Exemple La fonction f : R+ −→ R définie par f (0) = 0 et pour tout x ∈ R∗+ : f (x) = x 2 x sin est de classe C 1
x
sur R+ tout entier.
1
En effet Pour commencer, f est de classe C 1 sur R∗+ . Ensuite : lim+ f (x) = 0 car la fonction x 7−→ sin est
p x→0 x
∗ ′ 5x x 1 p 1 1
bornée. Enfin, pour tout x ∈ R+ : f (x) = sin − x cos −→+ 0 car les fonctions x 7−→ sin
2 x x x→0 x
1
et x 7−→ cos sont bornées. D’après le théorème du prolongement de classe C 1 , f est donc de classe C 1 sur
x
R+ tout entier.
Sans le théorème du prolongement de classe C 1 , nous aurions dû étudier en plus la dérivabilité de f en 0 de
manière séparée en revenant à la définition avec taux d’accroissement.
12