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Fiche de lecture Amour et responsabilite 1

Amour et responsabilite
Karol Wojtyla (futur Jean Paul II)
Stock, 1985.

Notes personnelles :
Ce libre est étonnamment clair, pour un livre de Jean Paul II ! Peut-être parce qu'il est
philosophique... Ce sont les cours de morale sexuelle qu'il a donnés quand il était professeur de
morale à l'Université Catholique de Lublin (Est de la Pologne ; vers 1956). Ce qui est frappant aussi,
c'est l'indépendance d'esprit qu'il affiche : il ne dispense pas une synthèse de la pensée de divers
auteurs, comme n'importe quel professeur, mais il dispense sa propre synthèse et vision des choses,
même si pour cela il s'appuie sur d'autres penseurs que lui, comme le fait un maître. Et c'est
précisément en cela qu'il est incontournable ! (Karol Wojtyla ne dit jamais « je », mais j'introduis ce
pronom personnel quand sa pensée personnelle me semble s'exprimer pour la souligner.)

Introduction.

Ce livre n'est pas l'expose d'une doctrine, mais le fruit la confrontation permanente
entre la doctrine et la vie, ce qui est la base du travail pastoral. L'amour constitue le bien propre
du monde des adultes, et comme la Bible s'est exprimee de façon concise mais claire sur le sujet en
matière de morale sexuelle, le prêtre que je suis se doit d'expliquer et de clarifier les verites
fondamentales qui s'y rapportent. Neanmoins, ce livre peut être considere comme philosophique
(et non catechetique) car l'ethique est une partie de la philosophie. « L'amour » est à la fois
l'amour humain et l'amour divin de charite, si bien que beaucoup de manuels separent ces deux
types d'amour, reliant l'amour humain à la temperance (vertu cardinale) et l'amour divin à la
charite (vertu theologale) ; nous tenterons de lier les deux car il faut elever l'amour humain au
plan divin, mais ne pas introduire de separation dans ce qui est un unique mouvement du sujet.
Autre incomprehension classique : on pense que le sexe est du domaine du corps, du domaine animal,
et donc que c'est la medecine qui va nous donner les normes d'action ; je pense quant à moi que le
sexe est du domaine de la personne, et donc que c'est la philosophie qui va nous fournir des normes
d'actions pour comprendre l'amour humain et la responsabilite humaine ; ce qui fait que vous ne
trouverez les questions medicales qu'en annexe de ce livre, comme un complement eclairant.

Chapitre 1 : La personne et la tendance sexuelle.

Jouir de ? Jouir par ? Jouir avec ?


Le monde objectif où nous vivons est compose de personnes et de choses. La chose est un
être inanime ; l'animal et la plante sont animes donc on parle d'un individu de son espèce ; l'homme
est une personne, il a une perfection d'être qui se distingue des autres vivants et s'en distingue de par
son interiorite. La vie interieure se concentre autour du vrai (faculte de connaître) et du bien (faculte
de desirer, tendance vers), et est en communication avec l'exterieur de soi (le monde visible et le
monde invisible surtout Dieu). Penser et choisir constituent la capacite d’autodetermination de
l'homme, que l'on appelle son libre-arbitre ; personne ne peut vouloir à la place d'autrui. Ainsi, il est
(il est en soi ; il doit être en pratique) maître de lui-même. Quand je pose un acte qui a une
personne comme objet, je dois être respectueux de sa dignite propre ! Et c'est surtout vrai dans
le domaine sexuel (qui est le sujet du livre).
Quel principe d'action se donner quand on agit envers une personne (que l'on prend une
personne comme objet de notre action) ? Jouir de : c'est prendre quelque chose comme un instrument
pour atteindre notre but. Le moyen sert le but, mais aussi le sujet qui le choisit. Jouir de est
moralement acceptable de la part de l'homme envers des objets, des plantes, et des animaux, dans la
mesure du raisonnable (sans excès ni cruaute). Mais l'est-ce dans les relations inter-humaines (travail à
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l'usine, discipline dans l'armee, education dans la famille, relations sexuelles dans un couple) ? La
nature même de la personne humaine exclut d'être reduite à l'objet, puisqu'elle est auto-determinee (et
que l'objet ne l'est pas) ! Ce serait porter atteinte à ses droits naturels, porter atteinte à son essence
même, la faire inexister comme personne. La seule façon de profiter du concours de quelqu'un est
de le convaincre de collaborer avec nous, susciter sa libre participation. Et c'est ainsi que Dieu
Lui-même agit envers nous. C'est de la morale naturelle, basee sur des convictions personnalistes. « A
la fin du XVIII°s., Emmanuel Kant a formulé ce principe élémentaire de la morale dans l'impératif :
'Agis de telle sorte que tu ne traites jamais la personne d'autrui simplement comme un moyen, mais
toujours en même temps comme la fin de ton action.' A la lumière des considérations précédentes, (le)
principe personnaliste ordonne : 'Chaque fois que dans ta conduite une personne est l'objet de ton
action, n'oublie pas que tu ne dois pas la traiter seulement comme un moyen, comme un
instrument, mais tiens compte du fait qu'elle-même a, ou du moins devrait avoir, sa propre fin.'
Ainsi formulé, ce principe se trouve à la base de toute liberté bien comprise, et surtout de la liberté de
conscience. »
L'antithèse de l'utilisation de l'autre s'appelle l'amour : c'est le partage d'un même but, le
fait que l'autre adopte mon bien comme son bien aussi, donc il y a desormais un but commun, non
seulement à atteindre ensemble materiellement mais vecu par chacun comme tel, il y a un lien
interieur entre nous qui constitue la relation d'amour. Seules les personnes ont part à l'amour. Le choix
conscient fait en commun exclut la subordination de l'un par rapport à l'autre, mais inclut l'egale
subordination de chacun à ce bien à atteindre. Et c'est la mise en lumière (la conscience claire à
l'esprit) de ce but voulu ensemble qui permet de se comporter de façon juste envers l'autre : tant le
chef que le subordonne ont conscience de la mission à accomplir ensemble et chacun à sa place.
Dans le domaine sexuel, là plus que partout ailleurs, seul l'amour peut exclure
l'utilisation d'une personne par l'autre. Dans le mariage, le but commun sera à la fois la
descendance familiale (procreation et education des enfants) et, en même temps, la maturite croissante
dans les rapports personnels entre les epoux. Mais ce but doit être atteint dans le bon etat d'esprit, avec
la bonne intention, il doit être « vecu de l'interieur », en ayant le souci de la realisation de la personne
humaine (de chacun). « L'amour est communion de personnes. » Autrement dit, on ne doit jamais
atteindre les fins du mariage au detriment de l'autre... Car ce serait utiliser l'autre, jouir de lui : c'est la
consideration (philosophique) utilitariste.
Le plaisir, comme la peine, peut être sensuel (satiete/manque), affectif
(satisfaction/insatisfaction), ou interieur (joie/tristesse) ; et cela est surtout vrai (c'est le sommet) dans
les relations avec une personne du sexe oppose (= complementaire). Dans le rapport sexuel humain, ce
n'est pas seulement la partie sensuelle qui entre en jeu, mais toutes les dimensions de la personne
humaine qui est à la fois sujet de son action et objet de l'action de l'autre. Parce que les partenaires
sont des personnes, le rapport sexuel n'est jamais « purement physique ». « La morale sexuelle
résulte du fait que les personnes ont conscience non seulement de la finalité de la vie sexuelle mais
aussi de leur propre personnalité. » Ne traiter l'autre que sous l'aspect du plaisir ou de la douleur qu'il
m'occasionne, cela revient à le traiter comme un moyen, comme un objet. « La conviction que
l'homme est une personne nous amène à accepter la subordination de la jouissance à l'amour.»
L'utilitarisme est tentant, et il est bien enracine dans le monde contemporain (comme
philosophie ou comme praxis à l'echelle individuelle ou collective). Mais, à bien y regarder,
considerer que le plaisir conduit au bonheur, c'est dire que l'homme a pour facultes penser et sentir,
alors que notre experience nous indique nous nous devons parfois renoncer au plaisir pour atteindre un
but plus grand que nous avons choisi (notre faculte de vouloir nous distingue des animaux, est une
caracteristique humaine propre). La seconde limite de l'utilitarisme que m'oppose l'experience, est
quand je me situe comme objet utilise par l'autre... et que je n'y trouve pas du tout de plaisir ! Qui,
alors, de moi ou de l'autre peut invoquer son plaisir comme principe d'action ? Loin de construire une
societe, ce principe se revèle d'un egoïsme pur et sans avenir. Car harmoniser les rapports humains
pour que chacun y degage « le maximum de plaisir » n'est pas sortir du cercle de l'egoïsme, qui n'a pas
de reelle et donc durable consideration pour autrui, et qui exigera fatalement un jour que l'autre me

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serve à mon maximum de plaisir, sans part de renoncement qui serait antinomique. « L'utilitarisme
paraît être le programme d'un égoïsme conséquent, d'où on ne peut passer à un altruisme
authentique. » L'utilitarisme n'aboutit pas à l'amour.
Dieu commande d'aimer Lui-même, notre prochain, et nous-mêmes, c'est-à-dire à
chaque fois des personnes. L'utilitarisme ne peut donc repondre à ce Commandement. Pour
obeir au Commandement de l'amour, il faut se baser sur une autre norme, la norme
personnaliste. Cette norme peut être formulee de façon negative (ne pas utiliser une personne
comme un moyen, ne pas la reduire à un objet), mais elle peut aussi être formulee de façon
positive (la personne est un bien tel que seul l'amour est l'attitude juste à son egard). « La
formule exacte du commandement est : 'Aime la personne', tandis que celle ce la norme personnaliste
dit : 'La personne est un bien à l'égard duquel seul l'amour constitue l'attitude appropriée et
valable.' » « L'essence de l'amour comprend l'affirmation de la valeur de la personne en tant que
telle. » Notre attitude envers les personnes doit être honnête (subjectivement) mais aussi equitable
(objectivement). Etre juste envers une personne, c'est être toujours prêt à lui accorder ce qui lui revient
à titre de personne. Et dans le domaine sexuel il faut être très vigilant car ce qu'on appelle « amour »
peut très vite devenir injuste envers la personne, etant souvent colore de vision utilitariste, sciemment
ou inconsciemment, à cause de la presence d'un fort plaisir qui peut vite entraîner non seulement à la
recherche du plaisir mais à la recherche du plaisir pour lui-même. « Bien que l'application totale du
commandement de l'amour dans son sens évangélique se réalise par l'amour surnaturel de Dieu et du
prochain, cet amour n'est ni en contradiction avec la norme personnaliste, ni réalisé abstraction faite
de cette norme. »

Interprétation de la tendance sexuelle.


Le terme d'instinct (sexuel) designe quelque chose d'involontaire, d'animal ; ce n'est donc pas
ce qui caracterise l'homme ni ce à quoi il est appele. L'homme peut s'auto-determiner, il est supra-
instinctif. On peut parler chez lui d'impulsion, mais ce terme a un relent de determinisme exterieur qui
fait qu'on lui prefèrera le terme de tendance, qui souligne bien que le mouvement est interieur, qui
perfectionne l'homme. L'homme n'est pas responsable de ce qu'il se passe en lui dans le domaine
sexuel, mais il est responsable de ce qu'il fait.
Tout être humain est sexue, et qu'il soit homme ou femme determine une certaine orientation
de tout son être ; mais il y a une tendance à aller vers le sexe oppose, par une attirance psycho-
physiologique, car on constate que physiquement les sexes se complètent (« s'emboîtent ») et que
psychologiquement aussi il y a une complementarite. Ce constat, double du constat que nous desirons
ce complement, est une marque de l'insuffisance de l'individu humain, de sa contingence. « Mais les
hommes, en général, ne poussent pas aussi loin leur réflexion sur le fait du sexe. » Cette tendance est
certes commune avec les animaux, et c'est parce qu'il y a une attirance necessaire à la propagation de
l'espèce qu'on se rend compte qu'il y a aussi une attirance vers l'autre façon d'être, et que celle-ci chez
l'Homme est plus fine, plus centree sur la personnalite de l'autre que sur sa simple identite sexuelle,
c'est un attrait vers un être concret et non un être abstrait, vers une personne et non vers un individu du
sexe oppose, vers l'integralite de son être et non vers ses seules caracteristiques sexuelles (KW dit
« valeurs sexuelles »). Et cette tendance sexuelle chez l'homme se transforme naturellement en
amour ; cela le distingue de l'animal ; mais ce n'est pas la simple cristallisation de la tendance,
c'est le fruit d'une somme d'actes volontaires poses pour enraciner l'attrait dans une relation,
dont la tendance fournit la matière mais ne determine pas tout, et l'homme demeure auto-
determine, libre... et donc responsable. Les actes sexuels de l'homme sont à considerer comme
responsables pour l'amour, car l'attrait sexuel laisse une place à la liberte humaine. Notons aussi que si
la difference sexuelle (psycho-physiologique) est à considerer au niveau de l'individu, elle doit aussi
être prise en compte au niveau de la societe car l'homme est aussi un être social.
Le bien premier est l'existence, in se ; ensuite seulement vient le fait d'exister ainsi, ut talis.
Et l'existence de l'espèce homo passe par l'attrait sexuel. Ayons conscience qu'exister, n'est pas le sujet
de la science naturelle mais celui de la philosophie : la realite du sexe n'est donc pas objet de la

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science mais de la philosophie, elle ne peut être comprise, appreciee, que par la philosophie.
L'impulsion sexuelle ne doit donc pas être utilisee en dehors de l'amour envers une personne, et encore
moins à son encontre. Il ne faut pas non plus la denigrer car elle fait partie de la propagation de
l'espèce, procreatio, et de l'amour au sein du couple d'un homme et d'une femme, et doit donc être
integree de façon harmonieuse dans ces realites humaines. Mais l'homme n'est pas très à l'aise avec
cette impulsion sexuelle, sans doute parce qu'il la comprend mal, ne discerne pas sa signification
existentielle. Il doit integrer dans l'amour personnel sa tendance existentielle, donner à une
tendance universelle une realisation personnelle, qui se concretise par l'enfant, qui est à la fois
l'espèce propagee et l'amour inter-personnel concretise : leur propre enfant.
La question de la tendance sexuelle revêt une grande importance religieuse dans le
catholicisme, car elle est l'oeuvre du Createur. Et la Creation n'est pas simplement un acte du passe
mais une œuvre continue (conservatio est continua creatio). Les hommes, en particulier, participent
librement et sciemment au mouvement de transmission de l'existence ! Plus : ils peuvent être les co-
createurs conscients d'une nouvelle personne ! Comprenons bien : même s'il est issu d'un acte d'amour
spirituel, c'est un rapport charnel qui transmet l'existence mais lie à lui, il y a une action divine qui
donne une âme liee au corps produit, c'est une œuvre conjointe avec Dieu. En effet, l'esprit ne provient
pas du corps, et aucun esprit cree ne produit un autre esprit : seul Dieu donne l'âme humaine ; et Il le
fait « dans » l'acte et « par » l'acte de fecondation corporelle. C'est pourquoi l'acte d'union sexuelle
doit non seulement être l'expression d'un d'amour mais aussi l'acceptation d'une nouvelle personne
dont il faudra assurer l'accueil et le plein developpement physique, psychologique, et spirituel (bref,
l'education integrale). « C'est dans l'oeuvre de l'éducation de nouvelles personnes que se manifeste
toute la fécondité de l'amour de leurs parents. C'est là son but essentiel et sa direction naturelle. »
L'education a pour materiau une personne ; ce n'est pas du dressage. L'amour de l'educateur
doit donc faire avec tout ce qui constitue la personne, dont ce que Dieu y met. « En effet, Dieu ne
laisse pas l'éducation, qui est dans une certaine mesure une création continuelle de la personnalité,
entièrement et exclusivement aux parents, mais Il y prend part aussi Lui-même, personnellement. Ce
n'est pas seulement l'amour des parents qui s'est trouvé à l'origine de la nouvelle personne, les
parents n'étaient que des co-créateurs : c'est l'amour du Créateur qui décida du commencement de
l'existence de la personne dans le sein de la mère. La grâce parachève cette œuvre. Dieu Lui-même
prend à la création de la personnalité humaine une part suprême dans le domaine spirituel, moral,
strictement surnaturel. Les parents, s'ils ne veulent pas faillir à leur vrai rôle, celui de co-créateurs,
doivent aussi y contribuer. »
Il n'y a pas que l'ordre surnaturel qui soit divin ; l'ordre naturel l'est aussi (car venant
du Createur), mais il ne faut pas le confondre avec l'ordre biologique : l'ordre biologique
(empirique, fonctionnel) fait partie de l'ordre naturel, mais l'ordre naturel est une relation à
Dieu (pense, signifiant). L'homme contemporain, qui ne considère que l'ordre biologique parle
de reproduction dont on peut maîtriser les lois par de la technique ; la reproduction a donc
l'homme pour auteur. Mais si l'homme veut bien considerer l'ordre naturel, sa signification, son
sens, il faut respecter les dispositions de la nature ; la procreation a donc l'homme comme
cooperateur de Dieu-Createur. L'union des sexes de personnes n'a pas la même signification que
l'union des sexes des animaux ou des gamètes des plantes ! Prendre en consideration la
dimension personnelle, « la norme personnaliste » permet d'eviter les erreurs qui ont ete
commises dans l'histoire de la pensee et des mœurs.
Première erreur : l'interpretation rigoriste. Partant d'une mauvaise comprehension du rapport
entre Dieu et les hommes, elle comprend que Dieu utilise les hommes pour la perpetuation de l'espèce
humaine. Donc le mariage a pour unique but la generation, et le plaisir qui y est lie ne peut être
recherche, il ne peut être que tolere. L'erreur reside dans une mauvaise comprehension du rapport
entre la Cause Première et les causes secondes qui sont des personnes : Dieu n'utilise pas (comme
objets) les hommes, mais suscite leur libre cooperation ! « En s'unissant dans les rapports sexuels,
l'homme et la femme le font en tant que personnes libres et raisonnables, et leur union a une valeur
morale quand elle correspond à l'amour vrai des personnes. » Le Createur ne se sert pas des

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personnes humaines mais leur ouvre la possibilite d'une realisation particulière de l'amour. A elles de
situer leur relations sexuelles dans le cadre de l'amour inter-personnel ou en-dessous ! Car Dieu ne
veut pas seulement propager l'espèce humaine, mais propager les hommes !!! C'est-à-dire des
personnes dignes et capables d'aimer. « En nous enseignant Son commandement de l'amour,
l'Evangile nous oblige à ne comprendre que de cette façon la volonté de Dieu. » Sans le vouloir, le
rigorisme separe le plaisir de l'acte qui le produit de ce qui signifie cet acte. « Goûter le plaisir sexuel
sans traiter pour autant la personne comme un objet de jouissance, voilà le fond du problème
moral sexuel. » On ne peut vaincre l'utilitarisme que si l'on considère la joie comme principe et
non l'utilite ! « Il existe une joie conforme à la nature de la tendance sexuelle, et en même temps à la
dignité des personnes ; dans le domaine étendu de l'amour entre l'homme et la femme, elle découle de
l'action commune, de la compréhension mutuelle, et de l'accomplissement harmonieux des buts
choisis ensemble. Cette joie, ce 'frui', peut provenir aussi bien du plaisir multiforme créé par la
différence des sexes que de la volupté sexuelle que donnent les rapports conjugaux. Le Créateur a
prévu cette joie et l'a liée à l'amour de l'homme et de la femme, à condition que leur amour se
développe, à partir de l'impulsion sexuelle, normalement, c'est-à-dire d'une manière digne des
personnes. »
Seconde erreur : l'interpretation libidienne. Freud est le père du pansexualisme : pour lui,
toutes les manifestations de la vie humaine sont des manifestations de la tendance sexuelle, ou plus
exactement de sa volupte (Libido-trieb), qu'il confond avec elle. Selon cette conception, seul le plaisir
est recherche per se, et la propagation de l'espèce n'est qu'un but secondaire survenant per accidens.
Ce qui revient à nier l'interiorite de la personne, sa liberte ; c'est une reduction à l'animalite. Nous
avons dejà mis en lumière ce qu'est veritablement l'homme et cela repond au freudisme.
Troisième erreur : l'interpretation malthusienne. Elle se situe au niveau societal et est une
reflexion d'abord d'ordre economique, partant du postulat que la planète ne pourra jamais nourrir une
expansion de la population ; et face à cette peur on en conclue qu'il faut refrener la tendance sexuelle
ou du moins juguler la procreation. On retrouve une ideologie utilitariste qui est contraire aux
convictions personnalistes de la morale catholique : il nous semble devoir maintenir le primat de la
personne sur l'economie (le materialisme), au nom de l'amour qui est la capacite et la noblesse des
personnes humaines !
Écueils propres au catholicisme : bien comprendre la doctrine des fins du mariage. L'Eglise
enseigne comme fins du mariage la procreation et l'aide mutuelle (et non pas l'amour), auxquelles on a
rajoute parfois le remède à la concupiscence. C'est un constat objectif, donc indiscutable (mais base de
la discussion). La norme personnaliste ne s'y oppose pas, mais elle apporte avec elle la façon de vivre
ces fins du mariage, en rappelant la dimension de l'amour (qui concerne les trois fins) ! « L'Eglise, en
définissant l'ordre des fins du mariage, souligne seulement que la procréation est un but
objectivement, ontiquement plus important de l'aide mutuelle des époux, êtres complémentaires
(mutuum adiutorium), de même que ce but secondaire a plus d'importance que la satisfaction du désir
sexuel naturel. Mais il ne peut être question d'opposer l'amour à la procréation ou de donner à celle-
ci la priorité. » On ne peut separer la procreation de l'aide mutuelle, car il s'agit non pas alors
simplement d'un accroissement numerique de l'espèce humaine, mais de l'accueil et de l'education
epanouissante de personnes humaines, ce qui ne peut se faire hors du cadre aimant de la famille, qui
repose sur l'aide mutuelle des epoux ; et on ne peut separer non plus le remède à la concupiscence de
la relation mutuelle des epoux ni de la procreation sans retourner à l'etat infra-humain, bestial.

Chapitre 2 : La personne et l'amour.

L'amour est la realisation la plus complète des possibilites de l'homme. L'homme trouve dans
l'amour la plus grande plenitude de son être, qui epanouit le plus complètement son existence.
Evidemment, pour qu'il en soit ainsi, il faut que l'amour soit veritable. Que signifie exactement cette
expression ?

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Analyse générale de l'amour.


L'attrait : la femme apparaît comme un bien à l'homme, lui plaît, et reciproquement. « Plaire »
part du sensible (des apparences physiques) puis prend une dimension intellectuelle (connaître
la personne), à laquelle se joignent les sentiments (eprouves ; l'affectivite) et la volonte (se
focaliser sur la personne, la choisir plus particulièrement que les autres personnes). Chacun est
sensible à des « arguments » qui lui sont innes (instinctifs) ou acquis (par sa culture ou sa quête
personnelle), qui sont soit physiques soit spirituels et qui ensemble constituent la personne.
L'attrait est le debut de l'amour mais n'en est qu'une partie ; c'est l'amor complacientiae medieval.
Chacun reconnaît chez l'autre des arguments qui s'y trouvent, mais surtout des arguments auxquels il
est sensible et donc qui induisent chez lui une reaction specifique (on se comporte differemment si on
est principalement attire par le corps ou par l'esprit de la personne). Cet attrait, d'abord ressenti de
façon passive, va devenir le moteur d'une plus grande connaissance de l'autre, mais peut parfois
aveugler la raison et tourner en boucle (on aime être amoureux). Il faut donc qu'il y ait un equilibre,
une juste synthèse, entre les sentiments eprouves et la raison froide pour fonder la connaissance
integrale de la personne. On peut s'exprimer autrement et dire que si plaire est à la fois apparaître
comme un bien, le bien que l'on est vraiment, plaire est à la fois apparaître comme beau, et comme on
parle de la beaute d'une personne, il faudra que la beaute interieure tout autant que la beaute exterieure
de l'aime(e) (voire davantage car elle dure plus longtemps) soient toutes deux prises en consideration
par l'amoureux(se).
La concupiscence : la femme apparaît à l'homme comme ce qui le complète ontiquement, et
reciproquement. L'amor concupiscientiae est ce constat, mais il n'est pas la concupiscence ! C'est le
desir de la personne pour moi (et pas de son sexe uniquement, sans reduction de la personne à l'objet).
C'est un stade de plus : c'est une personne qui me plaît, certes, mais c'est une personne que je veux
pour moi ! Il y a un risque utilitariste dans cette tendance, mais ce n'est pas necessairement l'etat
d'esprit que l'on peut avoir dans ce stade de developpement de l'amour. Savoir que l'autre m'est utile
n'est pas forcement le rabaisser à un objet de jouissance, ni à un moyen utile comme un objet, mais le
savoir utile pour moi en tant que personne. (C'est ainsi que l'homme desire Dieu : pour Lui-même,
comme fin, et pas comme moyen.)
La bienveillance : l'amor benevolentiae, c'est vouloir le bien de l'autre. C'est un elan altruiste,
qui perfectionne l'elan egoïste du stade precedent, qui atteint le sommet du desinteressement : je desire
ton bien ! C'est un amour plus pur, car plus proche l'essence de même de l'amour. Et cet amour
epanouit non seulement celui qui en est beneficiaire (l'aime) mais celui qui en est l'auteur (l'aimant). Il
coexiste avec l'amour de concupiscence et le complète : là reside la richesse particulière de l'amour
conjugal mais aussi sa difficulte specifique.
Le problème de la reciprocite : l'amour de l'homme pour la femme, et reciproquement, est
surtout un amour entre eux. Numeriquement et psychologiquement, il y a deux amours (moi et toi) ;
mais ils s'unissent en un tout objectif qui fait qu'il y a un amour de couple où deux personnes sont
engagees (nous). L'amour est l'elan de moi vers toi qui reclame une reciprocite (sinon il occasionne
une souffrance qui peut aller jusqu'au renoncement à aimer) ; l'amour, en soi, est inter-personnel, il est
une force qui unit, sa nature est contraire à la division et à l'isolation. Mais l'amour n'est pas que bi-
lateral, il aspire à être commun. Et c'est cette dimension de reciprocite qui fait que l'amour de
bienveillance peut coexister avec l'amour de concupiscence : je desire l'autre pour moi, certes, mais
plus profondement je desire l'autre en soi pour moi (et cela ne devient problematique que dans la
jalousie). Aussi, le desir de reciprocite n'exclut-il pas le caractère desinteresse de l'amour. La
reciprocite realise une synthèse entre l'amour de concupiscence et l'amour de bienveillance. La
reciprocite dure aussi longtemps que dure ce qui la fonde : si c'est un simple interêt materiel ou
esthetique passager, c'est fragile ; si c'est un amour-vertu, alors c'est stable. Et savoir qu'on peut
compter sur l'autre sans être deçu, croire en l'autre, est source de paix et de joie, qui sont donc des
fruits de l'amour vrai. Comment avoir confiance dans une personne qui n'est là que pour son plaisir ?
Il ne saurait y avoir de vraie reciprocite où ne règnent que deux egoïsmes : le 'nous' ne surgit pas où
demeurent deux 'moi'. La vie commune se charge d'apporter des occasions de verifier et bonifier

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l'amour : c'est une ecole de perfection. « Il faut toujours bien vérifier l'amour avant de le déclarer à la
personne aimée, et surtout avant de le reconnaître comme sa vocation et de commencer à construire
sa vie sur lui. »
Sympathie et amitie : difference et complementarite. La sympathie, 'eprouver ensemble', est
quelque chose de passif et de subjectif, ce qui n'enlève rien à sa force. Plus qu'une affection entre les
personnes, la sympathie est une affection pour une personne. Un element plus profond existe aussi :
l'amitie, qui est quelque chose d'actif et d'objectif. Il faut transformer la sympathie en amitie, et
completer l'amitie par la sympathie, afin qu'elles coexistent sans se gêner : c'est là l'ars amandi,
l'education à l'amour. Un autre stade de cette education est la camaraderie, qui est une bonne
preparation : elle a cela d'objectif qu'elle est fondee sur des proximites de goûts ou d'interêts, mais qui
sont superficielles. Elle met sur la voie de l'amitie qui a un fondement plus profond et veut le bonheur
de l'autre comme si c'etait à soi-même, qui realise l'union des volontes (unum velle), une inter-
personnalite qui s'exprime par le 'nous'.
L'amour sponsal : l'ultime qualite (stade) de l'amour. « (L'amour sponsal) consiste dans
le don de la personne. Son essence est le don de soi-même, de son propre 'moi'. (…) 'Se donner'
c'est plus que 'vouloir du bien' (…) Il fait naître le don mutuel des personnes. » Le monde des
personnes a ses propres lois d'existence et de developpement : car une personne ne peut pas être
la propriete d'autrui comme l'est un objet ; mais elle peut se posseder soi-même et se donner
librement sans se contredire (même si c'est paradoxal) ! C'est ce que le Christ a dit en Mt 10, 49 :
« Qui aura trouve sa vie la perdra, et qui aura perdu sa vie à cause de moi la trouvera ! » Se donner
soi-même tout entier, c'est ce que nous appelons l'amour sponsal, le degre sponsal de l'amour, qui est
l'amour le plus complet. Nous ne parlons pas ici du devouement à une cause ou une personne, pour
admirable que cela soit (la mère, l'instituteur, le medecin, le prêtre), mais du don d'une personne à une
autre personne qui a ete choisie. C'est le cas dans le don de soi à Dieu, et dans le don reciproque des
epoux dans le mariage. Dans le mariage, l'homme et la femme vivent ce même amour sponsal,
mais de façon differente en raison de leur difference psycho-physiologique. Ce don de soi n'est
pas uniquement sexuel mais entier (toutes les dimensions de soi). « L'élément sexuel joue un rôle
particulier dans la formation de l'amour sponsal. Les rapports sexuels font que cet amour – tout en se
limitant à un seul couple – acquiert une intensité spécifique. Et c'est seulement ainsi limité qu'il peut
d'autant plus largement s'ouvrir vers de nouvelles personnes qui sont le fruit naturel de l'amour
conjugal de l'homme et de la femme. » Eduquer l'enfant à cette forme d'amour est une preparation
lointaine au mariage. L'amour sponsal diffère des autres formes de l'amour, mais il ne peut ni ne
doit se former sans elles, surtout la bienveillance et l'amitie.

Analyse psychologique de l'amour.


La perception se fait au contact de l'objet par les sens externes, qui laissent une image
(representation) de l'objet dans les sens internes. L'intensite de la perception sensorielle (son
emprunte) est souvent liee à l'emotion que nous avons ressentie, et qui elle designe la valeur que
l'objet a pour nous, son retentissement en nous. « La perception, c'est la réaction aux propriétés,
l'émotion, la réaction aux valeurs. » Valeurs qui sont sensorielles ou non, materielles ou
spirituelles. Et quand perception et emotion sont liees, naît l'affection ; l'objet devient important
pour le sujet. Dans l'amour humain, il y a « la première impression » faite ou « la forte impression »
faite, ainsi que l'emotion qui permet de comprendre l'autre comme ayant du prix (« valeur ») pour soi.
Un contact physique entre un homme et une femme va provoquer chez chacun une
impression sensorielle agreable car c'est la tendance naturelle d'être seduit par le sexe oppose. Mais ce
n'est pas tant le côte physique materiel qui va marquer les personnes, que le fait que par là les
personnes se disent et se font connaître : l'emotion qui naît est liee aux personnes, ce n'est pas materiel
mais spirituel. La sensualite, se concentrer sur l'impression sensible uniquement, elle, fait fi de la
personne qui pose le geste. La beaute est une consideration contemplative ; la sensualite est une
consideration utilitariste ; on peut donc dire que la sensualite empêche l'experience de la beaute. La
sensualite est instinctive, donc elle n'est pas en soi moralement mauvaise ; sa valeur morale depend de

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Fiche de lecture Amour et responsabilite 8

l'usage qu'on en fait. Mais l'Homme ne peut pas se satisfaire de la satisfactions de ses instincts car il a
une dimension en plus que celle de l'animal, la dimension spirituelle, interieure. « C'est pourquoi ce
qui est entièrement naturel chez les animaux est, chez l'homme, au-dessous du niveau de sa nature. »
Et ses instincts ne le mènent pas invariablement au bien moral... Chez l'animal l'instinct sexuel est lie
à la reproduction, ce qui n'est pas vrai chez l'Homme. L'Homme ne peut pas s'epanouir
humainement s'il ne considère pas le corps de l'autre comme l'expression de sa personne
(personnalite), ce qui est un processus « d'intégration ». La sensualite (sens externes et sens
internes), qui se porte sur le corps uniquement et sur les zones erogènes principalement, est certes un
des elements de la relation d'amour conjugal, mais ce n'est pas le seul ; sublimee, elle peut devenir un
element important, non maîtrisee, elle peut devenir destructrice (car impersonnelle). L'affectivite
aussi est un element mais non suffisant de la relation d'amour humain. Nous entendons par
affectivite ce qui porte à apprecier de façon globale la personne de l'autre, la masculinite et la
feminite, qui est un attrait qui tend à devenir exclusif et pour toujours, mais qui n'est pas encore assez
individualise pour être vraiment personnel. Même si l'homme n'a pas la même affectivite (n'est pas
attire par les mêmes choses) envers la feminite que la femme a une affectivite pour la masculinite,
chacun à sa façon doit relever les mêmes defis : ne pas avoir un rapport à l'autre idealise (ethere), car
le risque est alors de verser dans la haine (tout autant aveugle que l'idealisation), quand la realite vient
à s'imposer à la conscience. Ainsi, tout comme la sensualite, l'affectivite necessite elle aussi un
processus d'integration.
Ce que l'on nomme « integration » fait reference au latin « integer = entier ».
« L'intégration est donc totalisation, tendance à l'unité et à la plénitude. » C'est prendre en
consideration la totalite de la personne de l'autre et la totalite de la relation tissee avec elle. Ce
processus se base donc sur la dimension spirituelle de l'Homme, qui lui permet de discerner la verite
et d'exercer sa liberte. La verite est du domaine de la connaissance, pas simplement de leur perception
materielle, mais du jugement personnel qui n'est pas materiel. La verite conditionne la liberte, fait
echapper au determinisme par le recul du jugement (recul par rapport à l'instinct dans le domaine
sexuel).
D'un point de vue psychologique, l'amour est une situation : situation interieure dans chaque
personne, et situation entre deux personnes ; c'est quelque chose d'unique ne pouvant se reproduire.
Cela prend de la place (une place insoupçonnee auparavant) : il y a un grand attrait physique, un
violent attrait affectif, et toute la personne se concentre sur l'amour de façon consciente. « L'amour est
toujours un problème de l'intériorité et de l'esprit ; à mesure qu'il cesse de l'être, il cesse aussi d'être
amour. Ce qui en subsiste dans les sens et dans la seule vitalité sexuelle du corps humain ne constitue
pas son essence. » Car l'amour n'existe que là où existe la liberte ; et la liberte est un ressort
interieur. Or, un engagement libre n'est possible qu'à base de verite (de choix bien fonde, de
vrai choix) : cette verite est subjective (sincerite) mais aussi objective.

Analyse morale de l'amour.


Il existe de nos jours une « morale de situation » ; elle se rattache à l'existentialisme. Selon
cette doctrine, il n'y a rien en dehors de la situation (pas de norme objective à appliquer au cas
concret) : seul ce qui est vecu a une valeur morale ; c'est la reduction au psychologisme. Il n'y aurait
donc pas de norme morale. Or, c'est precisement face à la norme morale que s'exerce pleinement la
liberte, car « doit suivre » suppose « peut ne pas suivre » ; c'est la norme qui manifeste la volonte
personnelle. « Voilà pourquoi ce n'est pas dans le seul domaine de la psychologie qu'il faut
chercher la pleine intégration de l'amour humain, mais dans la morale. » Sans la dimension
morale, l'amour humain ne peut pas être pleinement vecu. Dans la Revelation, nous recevons une
norme, « la norme personnaliste », l'obligation morale d'aimer Dieu et notre prochain comme nous-
mêmes : d'aimer des personnes. C'est une vertu surnaturelle, divine, mais elle est mise en œuvre par
des Hommes, donc nous pouvons aussi l'etudier comme un phenomène humain. L'amour entre un
homme et une femme peut avoir divers degres de realisation ; le plus haut et pur est l'amour
sponsal, celui qui mène au mariage. Divers elements font partie de l'amour humain.

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Fiche de lecture Amour et responsabilite 9

Le premier et le plus fondamental de ces elements est la valeur de la personne humaine.


Le monde des êtres est fait de choses (inanimees ou animees) et de personnes ; la personne se
distingue de la chose et de l'animal en ce qu'elle a une dimension interieure, spirituelle, qui la hisse au-
dessus de la matière et de la sensibilite. « Un abîme infranchissable sépare le psychisme animal de la
spiritualité humaine. » De plus, il y a une valeur inherente à la personne humaine en tant que telle,
donc commune à toutes les personnes, et une valeur inee plus incarnee (ses attributs sexuels), donc
commune à un genre precis, puis une valeur ajoutee propre à la personne concrète (capacites, culture,
beaute, etc.). Chacun sait que le corps qui l'attire est un corps humain, le corps d'une personne : il doit
donc accueillir sa reaction sensuelle et affective, et la rehausser au niveau de la personne. « Ainsi donc
dans toute situation où nous éprouvons les valeurs sexuelles d'une personne, l'amour exige leur
intégration dans la valeur de la personne, voire leur subordination à cette valeur. » Nous appelons
cette attitude « l'affirmation de la personne ». « Dans la pleine acception du terme, l'amour est une
vertu et pas seulement un sentiment, et d'autant moins une excitation des sens. Cette vertu se forme
dans la volonté et utilise ses ressources de potentialité spirituelle, c'est-à-dire qu'elle constitue un
engagement réel de la liberté de la personne-sujet, fondé sur la vérité concernant la personne-objet. »
En parlant d'amour-vertu, il ne s'agit pas de laisser de côte la dimension affective ni la dimension
sexuelle, mais de les orienter par sa volonte, de les assumer dans un acte volontaire et libre, dont
l’intention est le respect de la personne de l'autre. « C'est seulement orienté vers la personne que
l'amour est amour. » Les rapports sexuels comme toute l'affectivite, ne peuvent être que l'expression
de cet amour. On ne peut du reste que cacher durant un temps l'egoïsme qui se cache derrière les sens
et l'affectivite seuls : la fragilite d'une telle construction apparaîtra forcement un jour... Et celui qui en
fera les frais souffrira atrocement. Il s'agit d'eviter de telles desillusions en construisant la relation sur
les bonnes bases. L'amour sponsal consiste dans le don de soi et l'acceptation de l'autre, de façon
reciproque. « L'amour est par nature réciproque : celui qui sait accepter, sait également donner. »
Attirer l'autre à soi, le faire devenir en quelque sorte notre propriete, c'est en devenir
responsable. C'est pourquoi on porte aussi une responsabilite sur notre propre amour : est-il
assez mûr pour se proposer à l'autre, pour assurer l'autre qu'il trouvera en nous une plus
grande plenitude d'être ? « Plus le sujet se sent responsable de la personne, plus il y a en lui
d'amour vrai. » Le don reciproque ne peut se faire que si les deux personnes se trouvent bien
ensemble, subjectivement et objectivement. Il faut fonder le lien volontaire sur la dimension interieure
de la personne de l'autre avant tout, car l'affectivite peut s'emousser parfois et la dimension sexuelle
evolue voire cesse : seul le cœur de la personne demeure. « Et la vie se chargera de nous faire
comprendre la valeur d'un tel amour, véritable et profond. (…) Il ne faut jamais oublier que tout
amour humain doit traverser une épreuve de force et que c'est alors que se révèle sa vraie valeur. »
L'affectif idealise ; se concentrer sur la personne connecte au reel, avec ses qualites et ses defauts, et
sait continuer d'aimer la personne malgre ses faiblesses et même ses peches, « car la personne elle-
même ne perd jamais sa valeur essentielle de personne. »
« Se donner » signifie « limiter sa liberte au profit d'autrui ». La privation de liberte
devrait être desagreable, mais l'amour la rend agreable, positive, joyeuse et creatrice. Car la
liberte est faite pour l'amour (tout en nous est fait pour l'amour, du reste). Inexploitee,
inemployee, la liberte devient la source d'un sentiment de vide en l'Homme. « L'homme désire
l'amour plus que la liberté : la liberté est un moyen, l'amour est un but. Mais il désire l'amour vrai,
car c'est uniquement sur la base de la vérité qu'un engagement authentique de la liberté est
possible. » « L'amour de volonté s'exprime surtout dans le désir de bien pour la personne aimée. Le
fait de désirer la personne pour soi ne révèle pas encore la potentialité créatrice de la volonté, ni ne
constitue l'amour au sens positif du terme. » On constate une lutte en nous entre la tendance à
prendre et l'elan à donner. C'est dans l'elan du don du bien à l'autre que l'on retrouve l'elan createur.
Et si ce bien voulu est absolu, infini, on souhaite Dieu à l'autre, qui seul peut combler parfaitement le
cœur de l'homme. Bien des gens ne souhaitent pas explicitement Dieu, faute de s'être demande en quoi
consiste le bien absolu ; ils se contentent de souhaiter à l'autre le bien qu'il souhaite avoir, sans trop
savoir ce que c'est, même s'ils le veulent pour lui. « Lorsque l'amour atteint sa vraie grandeur, il

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Fiche de lecture Amour et responsabilite 10

confère entre l'homme et la femme, non seulement un climat spécifique, mais aussi une conscience
d'absolu. » Mais il faut transposer cet absolu dans le quotidien, et c'est pourquoi l'amour
necessite d'être eduque. Car l'amour repond à une norme, il a une loi interne. Il n'est pas livre
acheve mais à elaborer. Ce qui constitue les personnes n'est que la matière première de l'amour.
En un sens, l'amour n' « est » jamais : il « devient » perpetuellement ! « L'homme est, en quelque
sorte, un être condamne à creer. La creation est pour lui une obligation egalement dans le domaine de
l'amour. » Mais un amour reussi ne peut être l'oeuvre des personnes uniquement : il est aussi
conjointement l'oeuvre de la Grâce de Dieu. « Nous considérerons l'amour surtout en tant
qu'oeuvre de l'homme, tentant d'analyser les voies principales de ses efforts. Mais nous y
découvrirons aussi l'action de la Grâce, participation cachée du Créateur invisible qui, amour Lui-
même, a le pouvoir, à condition que les hommes y collaborent, de former tout amour, même celui qui
se rattache aux valeurs du sexe et du corps. C'est pourquoi l'homme ne doit pas se décourager, si son
amour suit des chemins tortueux, car la Grâce a le pouvoir de les redresser. »

Chapitre 3 : La personne et la chastete.

Réhabilitation de la chasteté.
Je parle de « rehabilitation » de la chastete dans le sens où Max Scheler parlait de
« rehabilitation de la vertu » : n'est à rehabiliter que ce qui a perdu la bonne renommee et l'estime, ce
qui subit le « ressentiment » de l'homme contemporain. C'est le même procede que celui de l'acedie,
de la paresse : tristesse qui decoule de la difficulte d'un bien. « Le ressentiment fait partie de la
mentalité subjectiviste, où le plaisir remplace la valeur véritable. » Ainsi de la chastete de nos jours.
Pourtant elle est condition de l'amour par le respect de l'autre qu'elle permet dans la maîtrise de soi...
L'Homme desire l'amour car il lui promet le bonheur et peut combler son cœur. Mais « l'amour se
développe par la profondeur de l'attitude pleinement responsable d'une personne envers une autre,
alors que la vie érotique n'est qu'une réaction de la sensualité et de l'affectivité ». Trop developper
l'erotique sous-developpe l'amour, car empêche d'atteindre le niveau de la personne. Et la non-
integration de l'amour est une possibilite ! Certains pourraient en rester au niveau sensuel
(erotique) ou sensible (sentimental) et ne pas atteindre le niveau de la personne de l'autre
comme sujet individuel, libre et respectable. La chastete contient l'idee de chasser tout ce qui
« salit » ou devalorise l'amour : pour preserver le côte objectif de l'amour, la vertu de chastete
est necessaire.
Dans l'amour, l'homme et la femme ont l'impression de devenir un seul sujet commun
d'action (« nous »), et non plus d'être en rapport bilateral de sujet à objet ; de fait, si leurs volontes
s'unissent vers un même but, si leurs sentiments sont similaires, cette illusion est possible, mais ils
demeurent deux sujets responsables pour autant. Chacun a besoin de la vertu de continence, de « se
tenir en main », de se contrôler, car c'est le desir sensuel (pour les valeurs sexuelles de l'autre, disons
pour sa beaute plastique) qui attire en premier et qui fait naître ensuite le plaisir d'être ensemble
(attrait de la masculinite pour la feminite et reciproquement) puis la joie de connaître et vivre avec la
personne (dans toute sa complexite et individualite, en ce qu'elle est unique et irremplaçable). La
concupiscence charnelle ne considère que l'aspect sexuel de l'autre, et donc cesse de s'interesser à
l'autre quand elle a obtenu satisfaction. Dans le monde animal, attrait et reproduction sont lies
(chaleur/rut) et situes dans une periode favorable (liee au temps de gestation pour que la naissance ait
lieu au printemps) ; mais dans le monde humain ils sont distincts (car l'Homme est libre et non
determine) donc sont l'occasion d'un jugement moral de bien ou de mal, de conformite ou de
difformite entre l'attrait pour le corps et celui pour la personne, entre le desir d'union et le desir de
procreation. L'affectivite est dejà une elevation par rapport à la sensualite, et il paraît pur au point que
la bestialite la degrade et la degoûte ; mais ce n'est pas encore le sommet (aimer les femmes ce n'est
pas aimer une femme), et cela peut devenir une idealisation (amour romantique) qui fera le lit
d'amères deceptions, ou au contraire se faire contaminer par la sensualite auquel cas le sentiment
aboutit en relation charnelle et devient une illusion de l'amour (on ne vit que dans la sincerite

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Fiche de lecture Amour et responsabilite 11

subjective et non dans la correspondance objective). L'affectivite a besoin de la barrière de


protection que constitue la chastete, barrière qu'elle permet de construire dans un premier
temps, celui de la prise de distance avec l'attrait charnel.
Rien n'est plus subjectif que l'affectivite et le sentiment. L'affectivite est davantage sensible
(sens externes et sens internes), reaction aux valeurs de l'autre sexe (charme/force) ; et le sentiment est
davantage psychique (fait assume et pensee entretenue). L'amour aspire à être integre et eleve au
niveau de la personne. L'amour est subjectif, certes (on ne discute pas les goûts de chacun, on ne
conteste pas les sentiments) ; mais il ne faut pas verser dans le subjectivisme qui est un relativisme de
l'amour, qui nie le rapport adequat objectif entre les personnes (les gens vont bien ensemble ou pas,
objectivement ; ils se sourient ou se chamaillent en permanence). Le problème devient alors que le
sentiment « colore » tout et deforme la realite ; et que la sincerite ne dispense pas de la verite... « Il n'y
a qu'un pas pour passer du subjectivisme du sentiment à celui des valeurs. » Le subjectivisme des
valeurs entraînera toutes les dimensions de l'autre (personne, feminite, corps) à devenir un moyen de
plaisir (plaisir d'être avec quelqu'un, d'être estime, plaisir du baiser ou de l'etreinte amoureuse) ; la
personne de l'autre n'est plus un but mais un moyen ; le but, c'est moi-même, ma propre satisfaction.
Alors on aboutit à l'hedonisme theorique et pratique. C'est une attitude utilitariste. « L'égoïsme se
concentre uniquement sur le 'moi' du sujet et cherche à réaliser son bien sans se préoccuper des
autres. » Il exclue l'amour, mais permet les arrangements egoïstes bilateraux (on peut « se mettre
ensemble » même longtemps sans qu'il y ait amour vrai s'il y a un interêt suffisant perçu par chacun :
ne pas être seul, être valorise, avoir une vie sexuelle confortable, etc.) : on ne desire que son propre
plaisir et on accepte le plaisir de l'autre à côte ou à condition du nôtre. Mais en aucun cas il n'y a de
« nous » construit ni de recherche du bien de l'autre. Et le fait que le phenomène soit courant n'en fait
pas une verite... Cette attitude a alors une valeur morale coupable : non que le plaisir (sexuel ou
sensuel au sens epidermique) ou la joie du sentiment amoureux (d'être apprecie quitte à jouer avec les
sentiments plus profonds de l'autre) soient mauvais en soi, mais l'orientation egoïste du cœur, lui, est
mauvais, et l'un entraîne très facilement l'autre...
En quoi peut-on dire que l'amour peut être coupable ? N'est-ce pas une contradiction
dans les termes ? Nous avons vu que la sensibilite et l'affectivite fournissent matière à l'amour,
mais qu'elles reclament une integration de l'amour au niveau de la personne (qui est gratuit,
pour l'autre) dans un mouvement reciproque. Et c'est à ce niveau qu'il y a matière à pecher,
c'est là que le risque existe, dans le fait d'assumer interieurement la relation... ou pas ! Tout
comme la concupiscence n'est pas que desir charnel mais tendance à reduire l'autre à l'objet. Et elle est
une tendance, une disposition permanente à agir, un germe de peche (qui peut germer ou pas). Face à
cette tendance inscrite dans les sens (suite au peche originel nous dit la theologie catholique), il faut
mettre en place une autre tendance qui elle sera acquise : la vertu de chastete. Le peche originel a
introduit un desordre : l'Homme aimerait bien pouvoir se fier à ses desirs spontanes et non les verifier,
et il souffre de ce manque de spontaneite. Autant l'attrait physique est dans les sens externes, donc loin
du volontaire (il peut l'entraîner, mais il s'en distingue nettement à la conscience du sujet), autant
l'attrait sentimental est dans les sens internes et se distingue moins nettement de la volonte (même si
c'est different : ressentir n'est pas consentir !). Et ce d'autant plus qu'un acte de refus de la part de la
volonte n'a pas d'effet immediat ni sur le ressenti sentimental, ni sur le ressenti physique. Le peche
n'est pas à confondre avec une erreur de la pensee (je pense que l'autre est fait pour moi ; sincerite
dans le jugement) mais une mauvaise orientation de la volonte (je veux l'autre pour moi, à mon
service ; droiture d'intention). Le peche est alors de mettre le subjectif au-dessus de l'objectif, de
mettre le sentiment au-dessus de la personne et de l'amour. « L'authenticité du vécu devient
souvent l'ennemi de la vérité dans la conduite. » Un autre danger court de nos jours : le
subjectivisme des valeurs dont le slogan pourrait être « il n'y a pas de mal à se faire du bien ! »,
où l'agreable se substitue au bien, où là encore, mais sous une autre forme, le subjectif se place
au-dessus de l'objectif. Là encore, ce n'est pas une erreur de la pensee mais un choix de la volonte :
cela peut être momentane et c'est alors 'un peche de faiblesse', mais cela peut être aussi beaucoup plus
ancre et c'est alors 'une structure de peche', 'un vice', qui finit pas rendre la personne incapable de

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Fiche de lecture Amour et responsabilite 12

percevoir le niveau de la personne de l'autre : il ne comprend l'autre que comme objet (même libre et
consentant) de son propre plaisir.
Tandis que poses dans l'objectivite, l'homme et la femme parviendront à definir avec justesse
ce qui existe entre eux, ce que chacun aime et veut promouvoir chez l'autre. Alors, cette union des
personnes trouvera son complement dans les rapports sexuels, son aboutissement (« consummatum est
» = atteindre le sommet). « Le péché est une violation du bien véritable. Dans l'amour entre l'homme
et la femme, ce bien c'est surtout la personne et non pas les sentiments en eux-mêmes, ni, moins
encore, le plaisir pour lui-même. (…) On ne doit donc jamais leur sacrifier la personne, car on
introduit ainsi dans l'amour l'élément du péché. (…) La volonté peut et doit interdire la désintégration
de l'amour (…). La volonté peut et doit avoir pour guide la vérité objective. Elle peut et doit exiger
que la raison lui donne une vision adéquate de l'amour et du bonheur qu'il peut apporter à l'homme et
à la femme. » Une telle orientation de la personne permet de la preserver elle-même et de preserver
l'autre, le conjoint ; sachant que la comprehension de l'amour de l'un peut influencer celle de l'autre,
en bien ou en mal, en bonifiant l'amour limite ou en entravant l'amour lumineux.
Un amour mûr est un amour volontaire, donc qui a une dimension morale. C'est la vertu de
chastete qui rend moral donc humain (et pas animal) l'amour entre un homme et une femme. St
Thomas d'Aquin a rattache la chastete à la vertu de temperance (soumission du sensible à la raison ; et
l'homme sera heureux s'il agit selon sa nature d'être raisonnable) ; mais il semble (à KW) qu'elle doive
bien plutôt être rattachee à la vertu d'amour, car l'amour est davantage une question d'etat d'esprit (que
de maîtrise des sens) comme nous l'avons dit, une question de prise en compte de la valeur de la
personne, une lutte contre l'esprit d'utilitarisme. L'amour est question de comprehension plus que
de sensualite : son antithèse est une question d'egoïsme plus que de concupiscence. « La chasteté,
c'est la 'transparence' de l'intériorité. » La chastete n'est pas d'abord un refus du corps qu'une
adhesion à la personne, c'est un interêt plus qu'une fuite (et ainsi elle ne peut devenir lieu d'un
refoulement risquant une explosion differee). La chastete veritable ne denigre pas le sexe ni le
mariage (contrairement aux manicheens qui se voulaient moralement purs). « Ainsi seuls un
homme et une femme chastes sont capables d'éprouver un amour véritable. » La chastete ne conduit
pas à un mepris du corps mais induit une certaine modestie du corps : reserve devant le mystère
de la personne (soi et autrui), et devant Dieu (la destinee surnaturelle de l'Homme est d'être uni
à Dieu !).
Passons maintenant à l'examen des deux elements de la vertu de chastete : la pudeur et la
continence.

Métaphysique de la pudeur
Des phenomenologues (M. Scheler, F.Sawicki) se sont penches sur la pudeur, qui est une
tendance à dissimuler ; non parce que ce que l'on cache est mal (on peut avoir honte de voir rendue
publique une bonne action) que parce que ce qui doit être cache est revele, c'est l'exteriorisation indue
qui est un mal. La pudeur sexuelle est pudeur du corps. Le vêtement peut cacher ou mettre en valeur
donc on ne peut reduire la pudeur au vêtement. Les organes sexuels, quand ils sont vus comme objets
possibles de jouissance, sont objet de pudeur ; c'est pour cela qu'ils ne le sont pas chez les enfants. Les
hommes sont plus sensibles au sensuel que les femmes, qui sont plus sensibles au sentimental : les
hommes sont plus pudiques, et les femmes doivent apprendre à l'être devant les hommes ; les femmes
sont plus reservees et les hommes doivent apprendre à l'être devant les femmes. La pudicite, c'est la
disposition constante à eviter ce qui est impudique. L'Homme s'appartient et appartient à Dieu ; il
n'appartient qu'à la personne à qui il se donne par amour. La pudeur, et la pudeur sexuelle, est
l'expression de l'inviolabilite de la personne, la revelation du caractère supra-utilitaire de la
personne, tant de ma personne que de celle de l'autre. Au-delà du corps, c'est la personne qui est
sujet de la pudeur, de la non-divulgation publique aux inconnus. La pudeur n'est pas faite pour
fuir le corps mais pour inspirer l'amour pour la personne entière ; ce n'est pas une fuite de
l'amour, c'est une voie d'accès à l'amour. « La femme tend à devenir objet de l'amour pour pouvoir
aimer. L'homme veut aimer pour pouvoir devenir objet de l'amour. » La crainte du contact est une

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Fiche de lecture Amour et responsabilite 13

manifestation de l'amour vrai. Un couple recherche l'intimite pour l'union charnelle : ce n'est pas fait
aux yeux de tous, mais dans l'intimite partagee, où l'amour partage bannit la honte au sujet des corps
devoiles, car l'amour est affaire d'interiorite et non seulement de corps.
La honte est absorbee dans l'amour : l'homme et la femme cessent de la ressentir car ils
ressentent une juste proportion entre sexe et personne. La pudeur est une defense naturelle de la
personne ; quand cesse la menace cesse la crainte et la protection. L'union sexuelle n'est pas impudeur
permise ou legalisee par les liens du mariage mais pudeur absorbee dans l'amour, selon la vocation à
devenir « une seule chair » voulue par le Createur.
Il existe neanmoins un danger à banaliser la honte sexuelle si ce n'est au sein de l'amour vrai
et respectueux de la personne de l'autre. Une honte qui disparaît trop vite devant la nudite est en fait
impudicite. La pudeur doit être enseignee car par nature les personnes sont plus ou moins pudiques, ne
mettent pas les limites au même endroit.
L'impudeur est la negation ou le manque de pudeur. Il y a deux sortes d'impudeur : impudeur
du corps ; et impudeur des actes d'amour.
La pudeur n'a rien à voir avec la pudibonderie, qui est une hypocrisie, une façon de
cacher le corps sans cesser de le considerer comme simple objet de plaisir ; la pudibonderie est un
appel à l'impudicite, c'est une impudeur des intentions. La formation à la pudeur ne doit pas se faire
dans la severite qui mènerait au puritanisme et à la pudibonderie. Impudeur n'est pas nudite ou
vêtement, elle est depersonnalisation par la sexualite ; il y a une intentionnalite dans l'impudeur. On
n'est pas impudique en etant denude chez le medecin ou legèrement vêtu à la plage. Dans l'art, la
representation du corps et de l'amour doivent en dire la verite, donc le respect ; sinon c'est de la
pornographie.

Problèmes de la continence
Un homme chaste, c'est un homme qui se domine ; cette attitude est digne de l'Homme
et le mène à sa perfection. Telle est l'approche aristo-thomiste. L'approche wojtylienne est celle
de l'amour : ni la sensualite ni la sensibilite ne sont un obstacle à l'amour, mais il faut les
moderer et pour cela les mettre en perspective avec la personne. La continence signifie contenir,
comme contenir une invasion ; mais elle ne peut être un but en elle-même. Au debut la maîtrise de soi
engendre une frustration car elle est un renoncement à la valeur sexuelle, mais avec le temps de
l'integration, elle devient un epanouissement, un espace de liberte. L'affectivite vient alors completer
la connaissance « froide » de la personne. Il faut utiliser les energies latentes de sa sensualite et de son
affectivite pour qu'elles nous aident à tendre à l'amour veritable au lieu d'y faire obstacle. La tendresse
permet de sublimer l'affectivite.
La tendresse c'est manifester le lien de proximite, de comprehension, que l'on a de la
personne, notre capacite à eprouver son propre moi ; c'est un message de bienveillance et de
devouement. Accepter un geste de tendresse n'est pas le partager, mais n'y être pas oppose. Tendresse
n'est pas sensualite. Les enfants et les malades ont un certain droit à la tendresse, parce qu'elle leur est
necessaire. Il faut de toutes façons une certaine tendresse et une certaine fermete pour ne pas tomber
dans la sensiblerie. La tendresse entre un homme et une femme exige un degre superieur de
responsabilite car elle entraîne un effet chez l'autre : on ne peut pas jouer avec les emotions si
elles ne renvoient pas à une realite plus profonde. Une tendresse prematuree detruit ou empêche
l'amour vrai et objectif. Il faut neanmoins beaucoup de tendresse dans le mariage, pas tant parce qu'un
corps a besoin d'un autre corps mais parce qu'une personne a besoin d'une autre personne. La
tendresse, c'est l'art de 'sentir' l'autre en pensant toujours à son bien veritable. La tendresse permet de
savoir que ma vie est partagee et que je ne suis pas seul. Jesus dit que pour le suivre il faut se
renoncer ; la continence est la voie de l'amour.

Chapitre 4 : Justice envers le createur

Le mariage

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Fiche de lecture Amour et responsabilite 14

La norme personnaliste est le fondement de la monogamie et de l'indissolubilite du


mariage. Hors de cela, le danger est la reduction de la femme à être simple objet de jouissance.
Le mariage est une union spirituelle mais aussi materielle : c'est un engagement de toutes les
dimensions de la personne. Aussi, on peut se remarier après veuvage ; ou pas : garder le lien spirituel
unique est digne d'eloge. La volonte « à l'Origine » du Createur a ete alteree par le Peuple Elu : on dit
souvent que les Patriarches etaient polygames afin d'avoir une descendance nombreuse, mais la Bible
souligne aussi que c'est par jouissance comme le cas du harem du Roi Salomon. Dans la Bible, on voit
bien que le retablissement de la monogamie dans le Nouveau Testament est lie au Commandement de
l'Amour, que nous assimilons à la norme personnaliste (le respect de chaque personne, la servir et non
s'en servir), non sans avoir conscience que le Grand Commandement concerne aussi l'amour de Dieu,
a une dimension surnaturelle. Avoir une femme, la quitter, et en prendre une autre (polygamie
successive) est la preuve par les faits que la femme etait consideree principalement pour ses
valeurs sexuelles ; sinon la separation ne donnerait pas lieu à une autre union (la separation est
un mal parfois necessaire pour preserver l'integrite des personnes quand le climat est deletère) :
ce qui les unissait n'etait pas le vrai amour, c'etait sans doute plafonne au stade affectif mais pas
vraiment personnaliste. Le mariage ne dure pas (moralement) qu'aussi longtemps qu'on le decide ou
qu'on le veut (même de façon bilaterale), car il est un engagement plenier (de toute sa personne et
pour tout le temps durant l'autre est en vie) envers la personne (en tant qu'être) pris en conscience
(avec intention de s'obliger soi-même) : la norme personnaliste est au-dessus de la volonte et des
decisions des contractants ; toute autre attitude place l'autre dans une situation utilitaire au service de
mes desirs. Des personnes qui ne sont pas arrivees au stade de l'integration ne devraient pas se
marier (un mariage sur le fondement sexuel ou affectif uniquement est mal fonde), du moins
tant qu'ils ne sont pas susceptibles de parvenir à l'integration dans le cadre du mariage (car on
mûrit avant mais aussi dans le mariage). La stricte monogamie a ses fondements dans la foi mais
aussi dans la raison : c'est une manifestation de l'ordre personnaliste.
Certes, l'adage latin copula facit matrimonium dit que l'union sexuelle engage les personnes,
mais nous traitons maintenant du mariage comme institution, qui est une façon de regler la justice
sociale (d'un individu par rapport à l'autre – surtout par egard pour la femme qui risque le plus d'être
instrumentalisee -, et du couple face à la societe). Le mariage « justifie » les rapports sexuels vecus
dans l'intimite, les rend justes car ce qu'ils expriment (le don de soi à l'autre reciproque et libre)
a dejà ete exprime publiquement dans l'echange des consentements fait de façon publique et
reconnu ; et aussi par rapport à l'enfant (qui est la consequence logique de l'acte sexuel) qui est
à reconnaître et accueillir dans la societe. La famille est fondee sur le mariage ; mais le mariage
n'est pas au service de la famille comme cellule de base de la societe : le mariage est un bien en soi
entre deux personnes (même sans enfants à venir pour l'extension et la survivance de la societe
humaine). Car le mariage ne sert pas que l'existence (generation) mais aussi l'amour (au sein du couple
ou au sein de la famille) ; certes avoir des enfants c'est mieux servir l'amour en servant mieux
l'existence par son expansion : « C'est ainsi qu'il faut comprendre l'idée de cette assertion : 'la
procréation est le but principal du mariage'. » Si l'amour est mûr entre les conjoints, l'enfant vient
l'epanouir encore plus. « La structure sociale de la famille n'est bonne que dans la mesure où elle
assure au mariage ce caractère (personnaliste) et où elle le préserve. » C'est pourquoi la polygamie,
qui augmente la fertilite, est moins morale et conforme au mariage car elle est moins
personnaliste que la monogamie : la valeur numerique n'est pas preferable à la valeur
qualitative quant on parle de personnes. On voit bien que « epouse » n'est pas synonyme de
« maîtresse », « concubine », « petite amie », etc. ; il y a une distinction naturelle, et c'est vouloir
effacer ces differences (au nom de la liberte de se determiner) qui est factice et conventionnel
(artificiel, ideologique, oriente). Le mot mariage « matrimonium » vient de « matris-munia », il insiste
sur la responsabilite de la maternite, qui est « le risque » planant dans les rapports sexuels : autant
l'homme peut s'enfuir et nier les consequences de son union charnelle, autant la femme ne peut que les
assumer (même un avortement est une decision face à un fait acquis qu'est la grossesse), et les actes
sexuels « hors cadre » se feront toujours à son prejudice, même si elle a desire l'union charnelle sur le

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Fiche de lecture Amour et responsabilite 15

moment. C'est vrai des rapports pre-conjugaux ; ce l'est encore plus dans les rapports extra-conjugaux
(adultère). Le mariage « justifie », « rend juste », les rapports sexuels entre les conjoints, entre
eux et la societe, et entre eux et Dieu (en tant qu'Il est Createur, Il a un droit de regard sur tous ;
et se donner ou recevoir en propriete l'autre le regarde car Il a le dominium altum sur chacun).
Nous pouvons alors comprendre la dimension sacramentelle du mariage. Le mariage est
un « sacrement » dès l'Origine eleve au degre de sacrement de la Nouvelle Alliance. « 'Le
sacrement de la nature' a été plus tard confirmé dans l'Evangile par l'institution, ou pour mieux dire
par la révélation, du 'sacrement de la Grâce'. » 'Sacramentum' signifie 'mystère', donc part d'inconnu.
Comprendre le dominium de Dieu comme Createur fait comprendre le mariage naturel ;
comprendre l'ordre de la Grâce et sa necessite pour parvenir à aimer comme il faut et être
justifie devant Dieu permet de comprendre le mariage sacramentel. « Pour cette raison, le
Sacrement du mariage a été institué au moment même où fut définitivement révélé l'ordre surnaturel »
(en clair : sur la Croix !).
« La valeur de l'institution du mariage consiste en ce qu'elle justifie le fait des rapports
sexuels de l'homme et de la femme. Ce fait n'est pas un acte isole, mais une suite d'actes. C'est
pourquoi le mariage humain est un etat (etat conjugal), autrement dit une institution durable creant le
cadre de la coexistence de l'homme et de la femme pour leur vie entière » D'autant plus que les actes
sexuels signifient et conditionnent le developpement de l'amour entre les personnes. « Là plus
qu'ailleurs l'Homme est responsable de l'amour. Ajoutons que cette responsabilité est complétée par
celle de la vie et de la santé de la personne. »
La procreation n'est pas la reproduction : nous sommes des personnes, qui donnons la
vie à des personnes ! La procreation ne peut se passer d'amour, de choix conscient des
personnes. De même, on ne devient pas geniteur mais père ou mère (et c'est un engagement, une
nouvelle relation envers une nouvelle personne). « Les rapports sexuels de l'homme et de la femme
dans le mariage n'ont la pleine valeur d'une union des personnes que lorsqu'ils supposent une
acceptation de la possibilité de la procréation. » Car c'est inherent à la constitution de l'Homme. « La
procréation reste la fin naturelle des rapports conjugaux, bien que l'acte sexuel accompli à un
moment d'infécondité naturelle puisse ne pas l'atteindre. Considérée objectivement, la vie conjugale
n'est pas une simple union des personnes, mais une union des personnes en rapport avec la
procréation. » « Dans les rapports conjugaux de l'homme et de la femme, deux ordres se rencontrent :
celui de la nature, dont la fin est la reproduction, et l'ordre des personnes qui s'exprime dans leur
amour et tend à sa plus complète réalisation. » Dans le monde animal, il n'y a que l'instinct sexuel en
vue de la reproduction ; dans la sphère des personnes, en plus de l'instinct qui donne matière à
l'amour, il y a de la place pour la liberte et l'expression d'une volonte. C'est cette volonte qui est
exprimee par le consentement de mariage, volonte de s'unir charnellement à l'autre et d'avoir des
enfants avec lui. Procreer une personne, devenir père ou mère, a une dimension personnaliste : les
mots de 'paternite' et de 'maternite' designent une etape interieure de la personne qui procree ; la
femme peut ressentir la maternite avant même d'être enceinte (lors de la puberte elle comprend et
desire la maternite), tandis que l'homme ne peut la ressentir que des annees après avoir donne la vie à
un enfant (quand les interactions avec lui sont plus bilaterales). « Les rapports sexuels de l'homme et
de la femme dans le mariage n'ont la pleine valeur d'une union des personnes que lorsqu'ils
supposent une acceptation de la possibilité de la procréation. » Soulignons ici ce caractère virtuel,
potentiel. « Si l'on exclut des rapports conjugaux radicalement et totalement l'élément potentiel de
paternité et de maternité, on transforme par là même la relation réciproque des personnes. L'union
dans l'amour glisse vers une jouissance commune, ou, pour mieux dire, vers celle de deux
partenaires. » Exclure entièrement, absolument dans l'intention et artificiellement dans la mise
en pratique, la paternite et la maternite de l'union sexuelle, c'est risquer de limiter
objectivement les rapports charnels à la jouissance, dont l'objet serait la personne : on retombe
dans l'utilitarisme, qui s'oppose au personnalisme ! Dominer sa tendance aux relations sexuelles
'aveugles', c'est à la fois reconnaître son existence et lui donner une orientation 'vers la procreation'.
Même lorsqu'on met en œuvre des methodes naturelles (JP2 ne parle en annexe que des methodes

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Fiche de lecture Amour et responsabilite 16

Ogino – calcul des 14 jours – ou Holt – Methode des temperatures – et pas de la methode Billings, car
elle n'est pas encore connue – les etudes de la Docteur Billings debutent en 1953 et ne seront
reconnues que vers 1969 – à l’epoque où il enseigne à Lublin – soit à partir de 1956 –) afin d'eviter
une conception, on ne contredit pas l'etat d'esprit personnaliste car on se soumet à l'incertitude
inherente à la nature : ce n'est pas mathematique, c'est empirique. Un argument en faveur de la
contraception artificielle est de dire que l'homme a la capacite, de par son intelligence, de dominer la
nature, et donc qu'il agit humainement en ayant recours à la contraception physique (preservatif) ou
chimique (pilule). Mais, il faut reconnaître que l'homme ne doit pas dominer la nature en la violant,
mais en utilisant ses lois ! Il ne doit pas s'opposer à la nature, la contraindre (ou alors il va payer une
facture salee !), mais en maîtriser les possibilites, les forces. Et la nature est en faveur de la vie :
maîtriser la capacite de fecondite n'est pas la même chose que steriliser la tendance naturelle à la
fecondite ! Notons aussi que une certaine dose d'imprevu fait partie de la vie, dans le domaine sexuel
comme ailleurs. On constate bien que toutes les unions sexuelles ne sont pas fecondes, qu'il y a du
fortuit, mais qu'elles le sont potentiellement en soi ; ainsi doit-on maintenir les choses et garder l'esprit
ancre dans la nature temoignant de celui du Createur. Les epoux n'ont pas à ne s'unir qu'en vue de
la procreation ; mais ils n'ont pas non plus à l'exclure potentiellement de leurs unions.
L'homme et la femme peuvent avoir peur de la conception d'un enfant, car si c'est une joie,
c'est aussi une charge ; aussi reflechir à l'opportunite d'avoir un enfant ici et maintenant fait partie de
la responsabilite humaine. Mais cette crainte de la conception non totalement maîtrisee ne doit pas
paralyser l'amour. C'est dans l'optique d'un certain contrôle de la fertilite que prend place la vertu de
continence, une maîtrise de ses etats erotiques, et une culture de la personne et de l'amour veritable.
La vertu de pudeur reagit face à l'utilisation de soi dans les rapports conjugaux. Ce contrôle de la
fertilite devrait permettre de choisir pour la procreation les moments à tous points de vue les
plus favorables.
A l'inverse, il peut arriver aussi qu'un couple peu fertile veuille à tout prix avoir un enfant. Il
ne faudrait pas alors que les unions charnelles n'aient lieu que lors des periodes reperees comme
fertiles, car alors ce serait une autre forme d'utilitarisme de l'autre, de manque de gratuite et de
consideration de l'autre en tant que tel, tourne vers son bien veritable. « Le mariage est une institution
d'amour et pas seulement de reproduction. »
Utiliser la contraception est encore plus dangereux, oppose à la nature de l'amour, et glissant
vers l'utilitarisme de l'autre au profit de la seule jouissance sexuelle. C'est le plaisir qui devient le
contenu de l'acte et non plus l'amour. L'exclusion deliberee de la fecondite ne peut se faire que de
façon artificielle. L'utilisation de methodes naturelles ne peut pas être equiparee à une
contraception : 'je peux être parent' n'equivaut pas à 'je ne veux pas être parent'. « Il faut que
l'homme accepte sa grandeur », qu'il accepte sa dignite de personne, son respect de l'amour et sa
responsabilite en la matière. « La raison dont l'homme est doté ne doit pas lui servir à calculer le
maximum de plaisir dans sa vie, mais surtout à connaître la vérité objective, afin qu'il fonde sur elle
les principes absolus (des normes) et qu'il les suive. C'est alors qu'il vit d'une manière digne de ce
qu'il est, d'une manière juste. » La moralite humaine ne peut pas non plus être fondee sur l'utilite (c'est
du machiavelisme) mais sur l'honnêtete.
« Les époux doivent renoncer à la convivence conjugale s'ils 'ne peuvent', 'ne veulent' ou bien
'ne doivent' pas devenir père et mère. (…) Toutefois, chaque fois que l'homme et la femme sont
obligés de renoncer à la convivence conjugale et aux expériences de caractère sensuel et sexuel
vécues dans l'amour qui l'accompagnent, il leur faut appeler la continence à l'aide. » La continence
est plus difficile au sein du mariage qu'en dehors, car l'habitude des rapports sexuels induite dans le
mariage demande un renoncement plus coûteux à ceux qui le doivent qu'à ceux qui n'ont jamais fait
cette experience charnelle. Dans le mariage, l'acte sexuel devient un besoin, pas seulement un besoin
physique mais aussi un besoin affectif. Pourtant, quand l'union sexuelle n'est pas raisonnable, les
epoux doivent s'en abstenir. Le fait est aussi que notre epoque est moins ouverte au schema familial de
la famille nombreuse avec le père responsable des conditions materielles et la mère responsable de la
cohesion interieure de la famille ; un peu en raison du travail des femmes, mais pas que. La pensee

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Fiche de lecture Amour et responsabilite 17

malthusienne, qui postule que la croissance demographique croît plus vite que la croissance
economique et que les capacites de la planète (ce qui n'est pas prouve soit dit en passant) a aussi
influence vers les techniques contraceptives.
Les methodes naturelles ne doivent pas être prises pour des techniques : la methode
inclut un etat d'esprit, une intention ; c'est une façon de faire pas un procede. « La continence en
tant que vertu ne peut pas être considérée comme un moyen anticonceptionnel » car comme toute
vertu elle doit être concentree sur le bien et non sur l'utile. « Tant qu'elle n'est pas vertu, la continence
reste étrangère à l'amour. » « L'amour de l'homme et de la femme doit mûrir pour atteindre à la
continence, qui à son tour doit devenir un élément constructif de leur amour. » Dans la methode
naturelle, la continence n'est que periodique ; elle ne doit pas manifester une opposition fondamentale
à procreer. Les epoux qui pratiquent une methode naturelle ne prennent pas tous les moyens pour
empêcher une conception, mais ils evitent aussi les moyens (contraceptifs) qui deteriorent l'amour et
le transforment en pure jouissance (même consentie à deux).

Par rapport à Dieu, qui est une personne (Trois Personnes unies en fait), et envers qui
des relations sont possibles, il faut exercer la justice, qui est une condition d'existence de
l'amour. Dieu est le Createur de l'Homme ; Il en est aussi le Redempteur nous dit la Bible. L'attitude
de Dieu par rapport à l'Homme est une attitude d'amour et un appel à vivre uni à Lui : l'Homme a une
vocation surnaturelle. « La norme personnaliste détermine donc en premier lieu les relations entre
l'Homme et Dieu. » Quand on comprend ce qu'on doit à Dieu, on comprend les devoirs qu'on a envers
Lui. « L'Homme ne pourrait être son propre législateur que s'il n'était pas une créature, s'il était lui-
même sa cause première. »
En tant que Createur, nous devons, en justice, respecter l'ordre naturel. Mais il y a plus :
l'Homme devient gardien de la nature, il est particeps Creatoris, il prend part à l'oeuvre de Dieu,
nous dit la Bible. Et parmi cette œuvre il y a l'être humain, la personne humaine. « L'Homme
n'est juste envers le Créateur que dans la mesure où il aime les hommes. » Et cette norme
personnaliste s'applique tout particulièrement à la vie sexuelle, expression de l'amour d'une
autre personne. « La personne est une créature de choix, car elle reflète de manière particulière la
nature de son Créateur. » « Et l'amour à son tour reflète principalement l'essence de Dieu. » (cf 1 Jn
4, 8 : « Dieu est Amour ») Dans la vie sexuelle, il y a de façon nette participatio Creatoris à la fois
par la procreation et par l'amour, dont la somme est la veritable union des personnes.
La justice envers Dieu ouvre d'autres perspectives que le mariage. En tant que creature,
l'Homme tient tout ce qu'il est de Dieu ; il doit rendre tout son être à Dieu. Et encore : l'Homme ne
pourra jamais être strictement juste envers Dieu, être son egal. La relation de religion n'est pas une
situation de justice absolue mais une declaration de bonne volonte : le Christ a clairement manifeste
une autre source que la justice, l'amour ! Et l'amour, qui tend à l'union des personnes, realise ce que la
justice ne peut faire, etablir une relation reciproque equilibree, le don total de soi.
La virginite, qui signifie « intact » et qui est marquee de façon physiologique chez la femme,
designe aussi de façon secondaire le fait que la personne est inalienable, maîtresse d'elle-même, qui
n'appartient qu'à elle et à Dieu. « La virginité physique est l'expression extérieure du fait que la
personne n'appartient qu'à elle-même et à Dieu. » Quand elle se donne à l'autre, la personne cesse
d'être vierge, elle appartient à l'autre ; et ce don est reciproque. C'est ce qu'on nommera l'amour
sponsal. « Certes, la femme est seule en général à éprouver l'acte sexuel comme abandon ; l'homme
l'éprouve plutôt comme possession. Mais de toute façon le mariage est fondé sur l'amour sponsal
réciproque, sans lequel l'abandon physique mutuel n'aurait pas de valeur personnelle. »
Par rapport à Dieu, dans une relation d'amour, s'abandonner à Lui suppose la
conscience que Dieu s'abandonne à nous de façon reciproque (et première), ce que le Christ a
revele. Un abandon exclusif est le fruit d'un processus spirituel qui a grandi sous l'influence de
la Grâce : il constitue l'essence de la virginite mystique, qui est l'amour sponsal de Dieu. Ceci,
comme decision sciemment prise, inclut et reclame la virginite physique (ou du moins le non-mariage,
le fait de ne pas se donner à une creature après avoir atteint ce degre de don de soi à Dieu). Pour

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Fiche de lecture Amour et responsabilite 18

autant, le celibat (du Latin coelebs = non-marie) n'est pas assimilable à la virginite mystique : il peut
avoir d'autres motivations que l'amour exclusif de Dieu. Le celibat des prêtres dans l'Eglise catholique
se trouve au confluent de la virginite mystique et de raisons sociales (être disponible à tous) ; il exige
en soi la virginite des candidats (même s'il peut dans les faits être dispense à des hommes ayant ete
maries car on parle là d'une recherche evolutive de Dieu durant sa vie), car le sacerdoce est une
consecration aux affaires du Royaume de Dieu sur terre. Ce qui gît au fond du cœur de l'Homme, c'est
le besoin de se donner à l'autre ; c'est un besoin de nature spirituelle ; si bien que le mariage ne
l'entrave pas mais ne le satisfait pas totalement non plus : les gens maries ont aussi une quête
spirituelle, une envie de se donner à Dieu. La virginite consacree ne signifie pas la predominance des
valeurs spirituelles sur les valeurs physiques, car le mariage n'est pas la predominance des valeurs
physiques sur les valeurs spirituelles ; la virginite consacree est plutôt une anticipation dans le temps
de l'eternite de l'union totale avec Dieu qui aura lieu après la resurrection finale (cf 1 Co 7). Tant le
mariage que la virginite consacree et le celibat consacre font appel aux energies spirituelles de
l'Homme.

La vocation est le fait exclusif des personnes : elle suppose la faculte d'engagement individuel
à l'egard d'un but choisi. « Etre appele » a un sens passif provenant d'un corps social exterieur : on est
appele sous les drapeaux, appele à servir, etc. Mais cette expression a aussi un sens interieur et actif,
un sens personnaliste. « Il est de l'essence de cet appel d'indiquer la direction du développement
intérieur de la personne appelée, direction qui lui est propre et qui se manifeste dans l'engagement de
sa vie entière au service de certaines valeurs. Toute personne doit trouver cette direction, d'une part,
en constatant ce qu'elle porte en elle et pourrait donner aux autres, et, de l'autre, en prenant
conscience de ce qu'on attend d’elle. La découverte de l'orientation de ses possibilités d'action et
l'engagement correspondant constituent l'un des moments les plus décisifs pour la formation de la
personnalité, pour la vie intérieure de l'homme, encore plus que pour sa situation au milieu des
autres. Évidemment il ne suffit pas de connaître cette orientation, il s'agit d'engager toute la vie dans
ce sens. C'est pourquoi la vocation est toujours l'orientation principale de l'amour humain. Elle
implique non seulement l'amour, mais le don de soi fait par amour. (…) Le don de soi est étroitement
lié à l'amour sponsal, où une personne se donne à une autre. C'est pourquoi aussi bien la virginité
que le mariage compris dans leur sens profondément personnaliste sont des vocations. On ne l'admet
qu'à la base de l'ensemble des vues personnalistes dans lesquelles s'insère cette conception du
mariage. (…) La vocation n'a de raison d'être que dans le cadre d'une conception personnaliste de
l'existence humaines, supposant qu'un choix conscient accompli par la personne détermine
l'orientation de sa vie de son action. Selon la conception évangélique de l'existence humaine, la
vocation n'est pas déterminée uniquement de l'intérieur de la personne : le besoin d'orienter son
développement au moyen de l'amour rencontre un appel objectif de Dieu. Il est déjà contenu sous sa
forme la plus générale dans le commandement de l'amour et dans les paroles du Christ 'Vous donc,
vous serez parfaits...' Il appartient à chaque homme de bonne volonté d'appliquer cet appel à la
perfection à travers l'amour et de le concrétiser dans l'orientation donnée à sa vie. Quelle est ma
vocation ? Quelle direction doit prendre le développement de ma personnalité, compte-tenu de ce
qui m'a été donné, de ce que je veux transmettre aux autres, de ce que les hommes et Dieu
attendent de moi ? (… = avec le secours de la Grâce) Il importe que tout homme, poursuivant le
développement de sa personnalité et orientant son amour, sache insérer son effort dans l'action de
Dieu et réponde à l'amour du Créateur. Alors le problème de la vocation trouve une solution
adéquate. (…) Il apparaît à la lumière de l'Evangile que tout homme résout le problème de sa
vocation principalement par le choix d'une attitude consciente et personnelle à l'égard du
commandement de l'amour. Ce choix n'incombe qu'à la personne ; l'état de celle-ci (mariage,
célibat, voire virginité en tant qu'état) ne joue ici qu'un rôle secondaire. »

La paternite et la maternite ne sont pas que conception mais aussi attitude interieure,
une nouvelle cristallisation de l'amour des epoux fondee sur leur union profonde. S'il est vrai que la

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Fiche de lecture Amour et responsabilite 19

femme devient mère physiquement par l'action de l'homme, il est vrai aussi que l'homme devient père
interieurement (psychique et spirituel) par l'action de la maternite de la femme. Un enfant est la
confirmation de la maturite de l'amour des epoux, de leur progression morale, de leur capacite à
prendre en charge et eduquer une nouvelle personne. « Notons que former une personne est dans
un certain sens plus que pro-créer un corps. » Au-delà du developpement du corps, enfanter est
prendre en charge le developpement spirituel et la formation de l'âme. « C'est pourquoi la
paternité et la maternité spirituelle s'étendent au-delà de la paternité et de la maternité physiques. »
Au-delà, mais aussi en-dedans... L'education est le fait des parents mais aussi d'autres intervenants.
« La paternité et la maternité spirituelles caractérisent la maturité intérieure de l'homme et de la
femme, la paternité spirituelle est beaucoup plus proche de la maternité spirituelle que la paternité
physique de la maternité physique. » « L'enfantement spirituel est la preuve d'une maturité spirituelle
qu'on veut partager (bonum est diffusium sui). » C'est une façon de se prolonger dans le disciple, c'est
une transmission intentionnelle de sa personnalite (transmission au sens analogique bien entendu).
Cela se manifeste chez le prêtre envers le dirige, chez le maître envers l'elève, etc. « Tout homme,
même célibataire, est appelé, d'une manière ou d'une autre, à la paternité ou à la maternité
spirituelles, marques de maturité intérieure de sa personne. C'est une vocation comprise dans l'appel
évangélique dont 'le Père' est le modèle suprême. L'homme acquiert donc plus de ressemblance avec
Dieu, quand il arrive à être père ou mère spirituels. » Pour autant, la paternite et la maternite au sens
humains du terme n'est pas à negliger : c'est une transmission de la vie qui donne d'exister à des
personnes, envers qui on peut ensuite exercer une paternite et maternite spirituelles.

Annexe : la sexologie et la morale

L'angle biologique va completer l'angle personnaliste de nos analyses ; mais gardons à l'esprit
qu'il n'est que partiel et non predominant dans les conclusions à tirer : l'Homme est un être biologique
et spirituel. Et la morale ne peut se baser que sur l'aspect spirituel, personnel ; pas sur la biologie qui
est 'inerte'.
Le sexe est une realite qui a une dimension genetique (XX et XY), une dimension
somatique (gonades, organes sexuels, caracteristiques secondaires comme la pilosite), une
dimension physiologique (influence des hormones), une dimension psychique (virilite, feminite).
Les seules dimensions psychiques ne peuvent determiner le fait d'être un homme ou une femme car la
base objective corporelle est la base : un homme effemine est d'abord un homme, cela ne fait pas de
doute. (Contre l'ideologie du Gender avant l'heure !) Les hormones jouent un rôle important dans la
construction sexuelle du sujet : ce sont elles qui declenchent la puberte et la fecondite. Mais ce ne sont
pas les hormones qui determinent l'amour, qui est de dimension spirituelle (non-physique).
Homme et femme n'ont pas le même rythme de fecondite, ni le même rythme d'atteinte de
l'orgasme. C'est davantage à l'homme de s'adapter à la femme ; c'est à lui d'y être attentif, afin que le
plaisir soit atteint par les deux en même temps. Ne pas mettre en œuvre cela est de l'egoïsme, de
l'utilisation de la femme au profit de l'homme, et c'est injuste envers la femme, et prejudiciable à la
stabilite du couple et du mariage. Avoir peur des relations sexuelles est en fait une reaction primitive
de defense qui cache la peur de l'egoïsme et de la brutalite masculine chez la femme et la peur de
l'indifference et de la frigidite feminine chez l'homme.
« A la longue, une éducation sexuelle est nécessaire, dont l'objectif essentiel serait
d'inculquer aux époux la conviction : 'l'autre est plus important que moi'. Une telle conviction ne
naîtra pas subitement par elle-même, sur la seule base de rapports physiques. Elle ne peut résulter
que d'une profonde éducation de l'amour. Les rapports sexuels n'enseignent pas l'amour, mais
celui-ci, s'il est une vertu véritable, le sera dans les rapports sexuels (conjugaux). C'est alors
seulement que 'l'initiation sexuelle' pourrait s'avérer utile ; sans l'éducation, elle peut être
réellement nuisible. C'est à cela qu'on peut rapporter la 'qualité des rapports conjugaux'. La
'qualité' et non la 'technique'.» Dans les rapports il faut de la tendresse, de l'attention à l'autre qui
peut passer par la continence, et qui s'exerce toujours dans la vertu de chastete.

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Fiche de lecture Amour et responsabilite 20

« Il faut constater aussi que les 'essais' des rapports sexuels avant le mariage, dont on
parle beaucoup, ne constituent pas un critère de 'sélection', car la vie conjugale est bien différente
de la vie en commun avant le mariage. Un manque d'harmonie dans le mariage n'est pas seulement
le résultat d'un simple désaccord physique et ne peut être constaté à l'avance grâce aux rapports pré-
conjugaux. Les époux qui, par la suite, se considèrent comme mal assortis ont souvent connu une
période d'excellents rapports sexuels. Il apparaît donc que la dégradation du mariage est due à
d'autres facteurs. Cette constatation nous fait revenir au principe moral qui interdit les rapports pré-
conjugaux. Certes, elle ne le confirme pas directement, mais elle permet en tout cas d'écarter le
principe contraire qui va jusqu'à conseiller ce type de relation. »
La regulation des naissances n'est pas un problème pour la morale : reflechir avant
d'agir, être responsable de ses actes, c'est un devoir moral. Ce qui est problematique est l'etat
d'esprit dans lequel cette regulation est envisagee. Souvent adressee à la femme, la regulation (qui
se base sur elle) est en fait adressee à l'homme (qui est toujours fecond) : c'est à lui d'être continent et
vertueux, respectueux de la femme en renonçant à l'utiliser à son profit. Chaque femme a un cycle
personnel et variable (influence psychosomatique) ; nulle technique n'est applicable de façon
automatique : il faut une methode, un etat d'esprit qui inclut une attention à elle. Les methodes de
regulation des naissances sont en soi paradoxales : faites pour favoriser le choix d'une conception dans
les meilleures conditions, elle porte en soi aussi la possibilite de fuir la conception. Et ce qui est vicie
dans ce cas, c'est que la peur de concevoir peut bloquer le plaisir chez la femme durant l'acte charnel :
c'est un cercle vicieux qui va de crainte en deception ! Car la nature est en faveur de la vie... La
continence est en fait plus coûteuse pour la femme que pour l'homme, car lui n'est pas sujet des
variations dans son desir, tandis qu'elle est soumise aux influences hormonales qui lui donnent envie
d'avoir des rapports quand elle est fertile : si elle veut differer une conception, elle doit renoncer à ses
desirs de façon courageuse. Signalons pour finir le problème de l'interruption volontaire de
grossesse, qui est toujours source de nevrose : la femme ne peut se le pardonner, ni le pardonner
à l'homme qui l'a influencee (par son insistance ou sa fuite). En plus de considerer que
l'avortement est un peche terrible et qu'il ne peut pas entrer comme un facteur de la regulation
des naissances.
« Selon une opinion très répandue, le manque de rapports sexuels est nuisible à la santé de
l'être humain en général, et à celle de l'homme en particulier. Mais on ne connaît pas une maladie qui
pourrait confirmer la véracité de cette thèse. » De fait, les nevroses proviennent surtout de la
repression des elans naturels, qui n'a rien à voir avec leur sublimation qu'est la chastete.
Les conclusions de la sexologie medicale ne s'opposent pas aux principes de la morale
sexuelle : monogamie, fidelite conjugale, choix de la personne, pudeur, etc.
La vocation naturelle et surnaturelle de l'Homme est l'amour.

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