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COURS DE PHILOSOPHIE

Classe de Tle A4

« En général, la passion fait privilégier


les désirs du corps au détriment des
désirs de l’âme. Certes, elle étincelle
certainement votre vie. Seulement, elle ne
doit pas incendier votre esprit»
Dm

DANIEL MOUKOURI – ENSEIGNANT DE PHILOSOPHIE


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THEME 2 : L’ACTION

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CHAPITRE 2 : PASSION ET RAISON

Justification du Chapitre

Ce chapitre te permettra de te familiariser avec les concepts passion et


raison, afin d’étudier l’impact de l’un sur l’autre, car la finalité ici, est
celle de t’apprendre à agir avec bon sens, et surtout de façon altruiste
dans toutes tes entreprises.

VAUVENARGUES
1715 - 1747
« Un homme sans passion est
comme un roi sans sujet »

Daniel MOUKOURI – Enseignant de Philosophie.


INFOS UTILES POUR LA MAITRISE DU CHAPITRE

Situation Problème :
Jusqu’ici, il existe toujours des jeunes qui ont mis le cœur sur le ballon. Ils se disent que si Eto’o peut, eux
aussi peuvent, car Eto’o lui, tout comme les autres grands joueurs du monde, a été passionné par ce sport.
Mais ces jeunes ont du mal à gérer école et football, vu qu’ils sont tiraillés entre le foot qu’ils veulent et les 2
diplômes que leurs parents attendent d’eux. A la fin même, ils finissent par abandonner leurs études et se
donner tous les moyens pour réaliser leur rêve car pour ces derniers, c’est la réussite à tout prix et à tous les
prix, même au prix de leur dignité humaine.
1. Quel est le problème ainsi émis ?
2. Penses-tu que les passions sont essentiellement mauvaises ?
3. Quelle attitude dois-tu garder lorsque tes passions veulent te faire perdre la raison ?

Problème Philosophique : La valeur ou l’impact des passions au sein de l’existence humaine.

Problématique : Reconnaitre que les passions contribuent à la construction de ce monde, n’est-ce pas
méconnaitre qu’elles viennent aussi à aliéner parfois l’homme ?

A quoi le mot « PHILOSOPHIE » s’assimile-t-il dans tout ce chapitre ?

 Raison/bon sens ;
 Liberté ;

Daniel MOUKOURI – Enseignant de Philosophie.


INTRODUCTION GENERALE DU CHAPITRE
Aujourd’hui, nous sommes en plein XXIème siècle. Mais, il semble que beaucoup d’entre nous se soient
trompés sur le fait que les problèmes d’hier, ne s’atemporaliseraient pas. Nous pensions avoir coupé
(complètement) les ponts avec le dogme religieux que nous « imposaient » les penseurs de la Période
Patristique et Médiévale en donnant ainsi le pouvoir à l’homme de fonder lui-même la connaissance et
être au centre de son existence grâce à son libre-arbitre, comme on pouvait le voir dans la Période
Moderne. Or aujourd’hui – tout comme hier – et plus que jamais, nous sommes confrontés aux défis que
nos Passions nous soumettent, et le pire, c’est qu’elles semblent nous écarter de la droite Raison. On
comprend donc pourquoi les stoïciens, bien avant que les Pères de l’Eglise ne voient en le Christ du stoïque,
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nous sensibilisaient déjà sur la nécessité de rester fort mentalement devant notre corps, rongé par tout type
de désir (excessif), au point où Dénis Diderot a pu dire que : « si le petit sauvage était abandonné à lui-
même, [...] il tordrait le cou à son père et coucherait avec sa mère ». Lorsqu’on plonge dans l’histoire,
cependant, on se rend compte que la passion a d’emblée été condamnée par le rationalisme au nom de la
lucidité et de la maîtrise de soi, mais exaltée plus tard par le romantisme, car perçue comme une force qui
arrache l’être humain de sa médiocrité. La question centrale que nous voulons donc traiter dans ce nouveau
chapitre, est celle du véritable rapport que les passions entretiennent avec la raison. De façon spécifique, on
veut savoir son réel impact sur l’existence humaine, étant donné que les uns les condamnent, tandis que les
autres les promeuvent. On devra donc tenter de résoudre ce principal problème en étayant chacune de ces
thèses antagonistes.

Daniel MOUKOURI – Enseignant de Philosophie.


Leçon 1 : LES PASSIONS : DEFINITION ET MANIFESTATIONS

Justification : la pertinence de cette leçon relève du fait elle te permettra de ressortir leur genèse afin de
percevoir et comprendre leurs manifestations.

Introduction 4

Imaginez un peu un monde où aucune volonté n’existe, un monde où personne ne désire personne,
un monde sans émotion et sans sentiment en fait : pensez-vous que si un monde comme celui-là existait, vous
serez même en vie ? Vous me direz « non » bien évidemment, car si tel était le cas, c’est que vous qui êtes en
train de lire ce cours n’existerez même pas, ni même vos parents, ni même leur parents, ni même l’humanité
toute entière. Ainsi, il faut bien croire que c’est l’amour, le sentiment positif le plus puissant, qui a fait naitre
l’humanité et qui d’ailleurs la maintiendra en vie. A contrario, c’est la haine et, quelque part, l’indifférence et
l’orgueil, qui causeront sa perte. Mais, pour qu’on arrive à la naissance ou même à l’extinction de l’humanité,
il faut que les désirs pré-mentionnés (même si la liste n’est pas exhaustive) aient été à leur paroxysme, pour
ne plus être de simples désirs, mais plutôt des passions. Il importera donc dans ce cours de donner une
définition spécifique aux passions, tout en déclinant leur genèse (I) afin de voir comment est-ce qu’elles se
manifestent dans la vie de l’homme (II).

I. Définition et Genèse des Passions


Le terme passion vient du latin « passio » issu du verbe « patior » et qui renvoie au fait de souffir,
d’endurer ou encore d’éprouver. Par ailleurs, ce mot s’oppose à « actio », qui veut dire action. En fait, cette
expression traduit une certaine souffrance chez la personne qui la subit (Exple : la passion du Christ). Dans
le dictionnaire Le Robert, on définit la passion comme un état affectif et intellectuel assez puissant pour
dominer la vie mentale. Et philosophiquement, cela est perçu comme ce qui, par opposition à l’action, à la
raison et à la volonté, est subi. La passion c’est donc ce qui, en moi, est plus fort que moi. Or, comment nait-
elle ? Qu’est-ce qui motive son apparition ?

A première vue, il se pourrait que les passions soient du ressort de notre corps étant donné que c’est
notre sensibilité qui nous permet d’être en contact avec les phénomènes extérieurs, c’est-à dire, ce qui est
perceptible dans le monde, dans la nature. Plotin, philosophe antique, viendra confirmer ce fait en disant
que : « l’âme isolée des désirs du corps, avec lequel elle a une union étroite est une âme embellie et purifiée ».
Il ressort de ces propos que le corps est la source même des passions, car les passions, comme on peut le sous-
entendre, sont essentiellement négatives, et ne peuvent que rimer avec l’imperfection du corps,
contrairement à l’âme qui, elle, ne peut contenir une telle négativité. Mais cette vision des choses est-elle
assez pertinente ?

Il semblerait donc que ce point de vue ne soit pas partagé car lorsqu’on se tourne vers les idéalistes,
on peut constater que les passions se localisent plutôt dans l’âme, vu que c’est notre fort intérieur qui
manifeste l’aspiration à la contemplation. On se voit donc donner raison à Jacques Bégnine Bossuet pour
qui : « la passion est un mouvement de l’âme ».

Sinon en réalité, quel que soit la localisation des passions, la responsabilité de l’homme est
interpellée car leur gestion ne saurait en aucun cas trahir le bon sens. Reste maintenant à savoir comment
celle-ci se manifeste en soi.

Daniel MOUKOURI – Enseignant de Philosophie.


II. Manifestations des Passions.

La passion peut se manifester de plusieurs manières, tant par les émotions (joie, tristesse, colère,
jalousie, peur, angoisse etc.) que par des sentiments (amour, affection etc.) ; on aura donc tort de la réduire
à l’état amoureux, qui n’est qu’une de ses formes. Alain, lors d’un cours, rappelait à ses étudiants qu’on
distingue traditionnellement trois passions à savoir : l’amour, l’ambition et l’avarice. Et donc, lorsqu’il disait
« Vingt ans, quarante, soixante », ce n’était qu’une boutade, mais qui recèle un message important : chaque
passion a ses âges, ou plutôt chaque âge a ses passions, qui l’emportent davantage que d’autres. Être avare à
20 ans, c’est aussi rare qu’être amoureux à 60 ans, et plus grave encore. Toute passion n’est pas amoureuse,
mais toute passion, à ce que l’expérience a pu démontrer, est aimante.
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Qu’est-ce que l’ambition, sinon une certaine façon passionnée ou passionnelle d’aimer le pouvoir que
l’on n’a pas encore. Qu’est-ce que l’avarice ? Sinon l’amour de l’argent qu’on a déjà. La passion, en ce sens
général, se caractérise par la concentration du désir sur un seul objet ou sur un seul type d’objet, que l’on n’a
pas ou que l’on craint de perdre. Le passionné reste prisonnier du manque, mais sous deux formes différentes
: l’amour de ce qu’il n’a pas encore (l’ambitieux, le cupide) et la peur de perdre ce qu’il a déjà (le tyran, l’avare,
le jaloux).
Au final, on dira que les passionnés, sous leurs grands airs, sont de petits enfants qui n’ont
malheureusement pas encore accepté le sevrage : ils cherchent un sein, ou bien ils ont peur qu’on le leur
retire. C’est dire qu’ils n’aiment qu’eux-mêmes. Sortir de la passion, ou plutôt cesser d’en être esclave, c’est
se libérer du petit enfant qui pleure en chacun.

Conclusion
Tout compte fait, il convient de dire que la conception des passions ne reste pas sans conséquences,
n’empêchant pas ainsi l’homme d’agir. Même si leur définition renvoie presque toujours à une portée
essentiellement péjorative, il se peut encore qu’on puisse procéder à l’éducation des passions.

Daniel MOUKOURI – Enseignant de Philosophie.


Leçon 2 : EDUCATION DES PASSIONS

Justifications : Cette leçon te permettra de saisir les circonstances dans lesquelles nos passions peuvent
assombrir notre existence afin de savoir les utiliser à bon escient au sein de ta relation avec les autres.

Introduction
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Chez René Descartes, la passion renvoie à tout ce qui résulte de l’emprise du corps sur l’âme.
D’ailleurs, le propre d’une passion est qu’elle arrive de façon involontaire, or, en principe, l’homme est censé
tout provoqué selon sa volonté. Là donc, la passion sera vue comme mauvaise car irrationnelle et
contraignante, d’une part en tout cas. Mais, dans la mesure où l’homme sera considéré comme puissance
d’invention, la passion sera plutôt valorisée, car à l’intensité de l’émotion, elle joint la durée et la profondeur
du sentiment. Une émotion, en effet, est intense mais brève, un sentiment peut être durable mais il se dilue.
La passion semble unir les deux forces, intensive et extensive. Pour certains rationalistes, la passion est une
réelle servitude, or pour les romantiques, elle est une suprême liberté car exalte l’homme. Finalement, il
semble que son éducation semble être relative, étant donné qu’il y en a qui font sa promotion (I), tandis que
d’autres veulent qu’on s’en affranchisse (II).

I. L’Impact Négatif des Passions


La passion, fondamentalement, s'oppose à la raison, cette dernière entendue au sens vague de faculté
de juger, c’est-à dire de réfléchir. Ainsi selon Emmanuel Kant : « l'inclination que la raison du sujet ne peut
pas maîtriser ou n'y parvient qu'avec peine est la passion ». On voit donc que tout ce qui est de l'ordre de
l'affectif et de la sensibilité, les passions se caractérisent par l'emportement, qui empêche toute réflexion, tout
exercice normal de la raison. C'est un violent déséquilibre, comme une commotion cérébrale, qui fait qu'on
ne s'appartient plus. On comprend donc fondamentalement que celles-ci contribuent à la destruction et à
l’aliénation de l’homme, tel le cas des personnes follement amoureuses ou même des fanatiquement
religieuses. De ce fait, n’y a-t-il pas de quoi reconnaitre, une fois de plus, la véracité des propos d’Emmanuel
Kant selon lesquelles : « la passion est une véritable maladie de l’âme » ? Vu que nos désirs excessifs que
sont nos passions, nous font faire des choses anormales, de surcroit, de manière inconsciente. Il faut donc
s’initier à l’ataraxie, comme le préconisent les stoïciens pour marcher selon les droites lignes de la vertu.
De plus, la portée négative des passions s’explique dans le fait que l’homme est un éternel insatisfait ;
il aura toujours des manquements quelque part. Plus il comble certains manquements, plus il en veut encore,
il ne s’en lassera jamais. On peut constater cela avec les hommes riches ; ils feront tout pour garder leur
richesses et chercheraient à en avoir davantage, car pour eux : « qui a bu, boira ». On peut ainsi dire qu’ils
sont esclaves de leur passion. Ils se verront donc mettre tout en jeu, même leur dignité, et comme cela ne
suffira pas, ils devront même chercher à fonder et/ou à maintenir leur liberté sur celle des autres au point où
Thomas Hobbes a pu dire que : « l’homme est un loup pour l’homme » lorsqu’il faut qu’’il parvienne à ses
fins. En conclusion, on comprend que : « toutes les passions sont exagérées et elles sont passions que parce
qu’elles exagèrent » pour reprendre les propos de Chamfort ; on manque donc de sagesse et de lucidité quand
on s’y attache. Seulement, doit-on concevoir cette thèse de façon exclusive ?

II. L’Impact Positif des Passions


Pour les partisans de la philosophie relative à la positivité des passions et à sa promotion, il est évident
que celles-ci seraient tant bonnes que nécessaires au sein de l’existence humaine. En effet, l’expérience a

Daniel MOUKOURI – Enseignant de Philosophie.


démonté que les passions sont une véritable source de motivation dans la réalisation des grandes œuvres,
dans la mesure où elles constituent une condition suffisante pour atteindre une gloire. On peut dès lors
reconnaitre avec Friedrich Hegel que : « rien de grand ne s’est accompli dans le monde sans passion ; et rien
de grand ne peut s’accomplir sans elle ». De ces mots, on comprend avec notre philosophe allemand qu’un
homme passionné est la condition sine qua none qui permettrait de construire un monde dont tout le monde
rêve, de quoi dire aussi avec Joseph Ngoue que : « du cœur de l’homme, dépend l’avenir du monde ».
De plus, on conçoit tout-aussi la passion comme celle-là qui serait notre raison de vivre, notre raison
d’être, celle qui ferait notre bonheur en fait. Elles ne sont donc pas, de façon catégorique, perte du bon sens,
manque d'adaptation à la réalité ou encore maladie dangereuse menant le plus souvent à notre perte. Au
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contraire, elles sont là pour nous maintenir en vie ; si nous ne les avions pas, nous ne survivrions pas. L’âme
n'est avertie de la présence des choses qui nuisent au corps que par le sentiment qu'elle a de la douleur, qui
produit la passion de la tristesse, puis la haine pour ce qui cause cette douleur, puis enfin le désir de s'en
délivrer. Tout comme les auteurs précités, Soren Kierkegaard dira : « exister si l’on n’entend pas par ce mot
un simulacre d’existence, ne peut se faire sans passions ».
Au regard de ces contrastes, comment peut-on véritablement définir les passions, relativement à cet
antagonisme ?

Synthèse : ce que nous devons retenir au vu de ce contraste entre la vision pessimiste et la vision optimiste
des désirs excessifs de l’homme, est que : « les passions ne sont ni totalement bonnes, ni totalement
mauvaises ; tout dépend de l’usage qu’on en fait » comme le dit René Descartes. Et donc, c’est à nous d’être
conscients en ayant le sens du discernement dans les actes que l’on pose lorsqu’on est animé par un vif désir
afin de toujours agir avec bon sens, vu que nous ne saurions nous affranchir de nos passions, tout comme
nous ne saurions non plus en être esclaves. C’est pourquoi, en voulant montrer l’implication mutuelle de la
passion et de la raison au sein de l’existence humaine, Edgar Morin dira qu’ : « il n’y a pas de raison sans
passion, et il ne devrait pas y avoir de passion sans raison » vu que de toute évidence : « Dieu fit bien tout
ce qu’il fit que s’il avait cru nos passions nuisibles et susceptibles d’équilibre général, il ne les aurait pas
créé » comme le dit si bien Charles Fourier.

Conclusion
Fin de compte, il ressort de ce chapitre que les passions sont facteurs d’édification de l’homme et aussi
constructeurs de l’humanité. Cependant, leur usage doit certainement passer au crible de la raison, car tout
comme elles, et bien avant même, la raison fait aussi la grandeur de l’homme. Toutefois, un être de passion,
agissant en dépit de sa raison, peut-il être libre, en même temps que responsable ?

SUJETS DE REFLEXION

1. Doit-on s’affranchir des passions ?


2. Que vous suggèrent ces propos de Hegel : « Rien de grand ne s’est accompli dans ce monde sans
passion » ?
3. Les passions facilitent-t-elles la vie ou précipitent-elles la mort ?
4. Faut-il combattre les passions pour être libre ?
5. La passion nous sépare-t-elle d’autrui ?
6. Discutez cette affirmation d’Emmanuel Kant : « La passion est une véritable maladie de l’âme ».

Daniel MOUKOURI – Enseignant de Philosophie.

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