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M.

Franz FISCHLER
Membre de la Commission européenne chargé de l'agriculture, du développement
rural et de la pêche
Allocution d'ouverture
Atelier régional sur les plans de reconstitution des stocks dans le Sud-Ouest
Bruxelles, 10 juin 2003
Mesdames et Messieurs,
Je me félicite tout particulièrement de l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui
d'ouvrir ce débat sur les modalités d'une reconstitution à long terme d'un certain
nombre de populations halieutiques importantes de la Communauté.
Permettez-moi tout d'abord de vous présenter un bref aperçu des derniers avis
scientifiques concernant ces stocks, avant de vous exposer les principes directeurs
et les principaux éléments qui, selon la Commission, devraient être à la base de ces
plans de reconstitution.
Je constate avec plaisir que de nombreux représentants importants du secteur et
des gouvernements des États membres sont présents ici aujourd'hui afin
d'examiner des questions aussi fondamentales.
La Commission a en la matière un certain nombre d'idées que je me propose de
vous exposer, mais il ne s'agit que d'idées. Rien n'est encore arrêté, cette réunion
constitue la première rencontre dans le cadre d'un processus qui va vous permettre
de contribuer concrètement à la formulation de ces importants plans de
reconstitution.
Nous avons l'intention, à la suite de cet atelier, de soumettre les plans de
reconstitution aussi vite que possible à la discussion. Nous considérons que les
propositions doivent s'appuyer sur les mêmes fondements que celles qui ont été
présentées pour le cabillaud et le merlu du nord.
Les plans seront largement conçus en fonction des caractéristiques des différentes
pêches et s'appuieront sur les derniers avis scientifiques disponibles du CIEM et du
CSTEP.
Pour résumer très brièvement les avis scientifiques en la matière, tous les stocks en
question sont en deçà des limites biologiques de sécurité.
La biomasse du stock reproducteur est tombée à un niveau extrêmement
préoccupant.
Depuis 1984, la biomasse du stock reproducteur de merlu austral est passée de
plus de 50 000 tonnes à moins de 20 000 tonnes…
…en ce qui concerne la sole dans la zone huit «a» et «b», elle est passée d'environ
16 000 à moins de 7 000 tonnes...
…et pour la sole dans la zone sept «e», la situation est sensiblement la même avec
une baisse de 60 % et un niveau actuel inférieur à 2 000 tonnes.
En ce qui concerne la langoustine en mer Cantabrique et à l'ouest de la péninsule
ibérique, l'avis des scientifiques prône l'arrêt total de la mortalité par pêche. Je sais
bien que certains d'entre vous contestent vivement l'avis scientifique et nous
entendrons leurs arguments, mais il incombe à la Commission de recueillir le
meilleur avis scientifique disponible, faute de quoi nous ferions preuve de la plus
grave irresponsabilité.
Avant d'aborder un certain nombre de questions à l'ordre du jour, permettez-moi
de vous rappeler les cinq principes de base sur lesquels doit s'appuyer aux yeux de
la Commission le plan de reconstitution.
1. Le premier principe est l'efficacité. Quelle que soit notre décision, quelles
que soient les mesures que nous appliquerons, l'efficacité doit être notre
objectif primordial. Si nous n'obtenons pas les résultats nécessaires en
matière de conservation, nous perdrons notre temps puisque nous
causerons des difficultés économiques et sociales pour rien ou pas grand
chose.
2. Le second principe est celui de l'équité et de la proportionnalité. Pouvons-
nous faire en sorte que les premiers responsables de la mortalité des

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populations menacées soient affectés au premier chef par les mesures du
plan? Les mesures concernent-elles les bons navires? Si tel n'était pas le
cas, les navires de pêche risqueraient d'être pénalisés sans qu'il y ait pour
autant de bénéfice en termes de conservation pour les espèces que nous
tentons de protéger.
3. Le troisième principe concerne la capacité de gestion. Nos mesures
peuvent-elles être mises en pratique et fonctionner? Les États membres
disposent-ils des moyens administratifs nécessaires à leur application? Si tel
n'est pas le cas, que faire pour que le système fonctionne?
4. Le quatrième principe a trait à la capacité de contrôle. Il ne sert à rien
d'introduire des mesures qui peuvent être facilement tournées. L'un des
principaux avantages de la gestion de l'effort de pêche, par exemple, réside
dans le fait qu'il est beaucoup plus facile de contrôler si un navire est au port
ou en mer qu'il ne l'est de surveiller chacun de ses débarquements. Tous les
dispositifs que nous envisagerons aujourd'hui doivent être susceptibles
d'être convenablement contrôlés et mis en œuvre.
5. Enfin, le dernier principe concerne la simplicité. Ce principe sous-tend en
réalité toute la nouvelle politique de la Commission. Les utilisateurs du
système doivent être en mesure de comprendre son fonctionnement. Il doit
être transparent et inspiré par le bon sens. Une des questions qui devra être
abordée au cours des deux prochains jours sera celle de l'articulation de
l'ensemble des plans de reconstitution et des autres plans de gestion des
pêches. Il y aura lieu d'éviter les confusions et les recoupements dans la
réglementation.
Le premier point de notre ordre du jour sera consacré à la discussion autour de la
stratégie de reconstitution:
- L'interaction entre les différents stocks constitue ici un élément clé. Nous devons
examiner très précisément les relations entre les stocks de merlu et les stocks de
langoustine. Il nous semble que ces stocks devraient relever du même plan de
reconstitution. De la même manière, il paraît absolument logique d'envisager les
stocks de sole dans le cadre d'un autre plan.
- Les objectifs à long terme que nous fixerons seront essentiels pour la
reconstitution de tous les stocks. À l'évidence, la mise en place d'un plan de
reconstitution doit absolument s'appuyer sur des objectifs à long terme connus.
Ceux-ci doivent être arrêtés de manière réaliste et reposer sur les avis scientifiques
les plus autorisés et les plus actuels à notre disposition pour chaque population.
- Nous devons examiner les calendriers prévisionnels pour la réalisation de ces
objectifs dans le cadre des différents scénarios. C'est grâce à ces prévisions que
vous, pêcheurs et responsables du secteur, serez en mesure de planifier votre
activité et de procéder à toute restructuration de la flotte qui pourrait se révéler
nécessaire.
- Nous devrons également arrêter des trajectoires de reconstitution. C'est-à-dire,
quel indice de reconstitution allons-nous viser? Quels sacrifices économiques
sommes-nous disposés à consentir dans le court terme afin d'éviter une
catastrophe économique? Si nous optons pour une reconstitution rapide, les
retombées immédiates pour le secteur risquent d'être lourdes. Mais si nous fixons
un indice de reconstitution trop lent, les populations risquent de ne jamais se
reconstituer, et les conséquences pour les régions côtières d'Europe seront
désastreuses. Votre contribution à cette partie du débat sera fondamentale, mais
elle doit être empreinte de réalisme. L'équilibre que nous recherchons entre les avis
scientifiques et les éventuelles retombées socio-économiques de notre plan est des
plus subtils. Il ne fait toutefois aucun doute qu'il n'y aura pas de plan de
reconstitution à coût zéro.
- Nous devons mettre au point des règles de capture basées sur les objectifs à long
terme et les objectifs annuels associés. Ces règles permettront de fixer des TAC
annuels beaucoup plus rapidement et avec une beaucoup plus grande garantie de

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protection des stocks. Vous en tirerez en outre avantage puisque vos possibilités de
capture d'une année sur l'autre seront plus sûres.
Après l'examen de ces questions, nous aborderons ce que la Commission considère
comme la pierre angulaire des plans de reconstitution: l'application de «la gestion
de l'effort de pêche».
La gestion de l'effort est la méthode la plus efficace et la plus maîtrisable pour
réduire la mortalité par pêche et pour obtenir une reconstitution à moyenne
échéance. Ne nous voilons pas la face et reconnaissons l'échec de notre ancienne
politique, qui consistait à gérer les stocks au moyen de TAC, de quotas et de
mesures techniques, et dont les dégâts doivent être réparés. Ces dégâts, nous en
avions d'ailleurs connaissance, car le CIEM nous avait maintes fois alertés à leur
sujet. Comme je l'ai dit, il est grand temps de redresser la barre en agissant sur un
levier efficace, à savoir l'effort de pêche. Je sais que les stocks dont nous parlons
ne sont pas aussi gravement menacés que les stocks de cabillaud et de merlu, mais
là n'est pas le problème. Ce qui importe en l'occurrence, c'est qu'ils ne se portent
pas bien, que notre méthode traditionnelle de gestion de ces stocks n'a pas
fonctionné et que nous devons à présent mettre en œuvre une méthode efficace
pour en assurer la reconstitution, pour éviter que la situation ne finisse par devenir
aussi mauvaise, si ce n'est pire, que pour le cabillaud !
Qu'il me soit maintenant permis de vous informer très succinctement des
informations les plus récentes reçues des milieux scientifiques. Pendant que les
ministres examinent le plus de reconstitution que nous avons présenté cette année
au mois de mai pour le cabillaud, le CIEM a de nouveau lancé un cri d'alarme. Tant
en mer du Nord qu'à l'ouest de l'Écosse ou dans le Kattegat, l'état des stocks de
cabillaud est pire encore qu'on ne le pensait. Voilà qui montre, s'il en était besoin,
l'absolue nécessité de mettre en place un plan de reconstitution qui fonctionne.
Dans une situation de crise avérée, nous ne pouvons pas nous contenter de
discourir; c'est maintenant qu'il faut passer à l'action.
Je reviens aux systèmes de gestion de l'effort et sur divers aspects qui nous
semblent devoir être retenus :
 Première observation, chaque État membre se voit attribuer
quantitativement un effort de pêche global, à charge pour lui de le répartir
comme il l'entend. Ce système permet aux États membres de procéder à
une répartition tenant compte des possibilités des divers opérateurs. Il
encourage par ailleurs le désarmement définitif de navires. Si la flotte
diminue, le nombre de jours de sortie augmentera pour chaque navire.
 En second lieu, s'agissant des propriétaires de navires, il convient d'autoriser
les transactions portant sur leurs allocations en matière d'effort de pêche.
Tant que les limites fixées sont respectées en ce qui concerne l'effort global,
de telles transactions ne devraient pas remettre en cause l'intérêt du
système quant à la conservation des stocks.
 Troisièmement, nous devons prendre en compte la segmentation de la
flotte. Une méthode envisageable consiste à établir des distinctions par type
d'engin de pêche, ce qui permet d'appliquer des mesures restrictives claires
en fonction du type d'engin utilisé. Cette méthode permet d'affecter les
engins considérés à la pêche d'autres espèces. Une autre solution possible
est d'établir une segmentation fondée sur l'historique des débarquements.
Pour faire simple, disons que si vous avez autrefois effectué des
débarquements massifs pour les lots considérés, vous serez inclus dans le
segment dont l'effort a été révisé à la baisse. Les volumes respectifs des
captures et des débarquements pouvant toutefois être extrêmement
différents, ce système ne peut pas refléter avec précision les secteurs dans
lesquels la mortalité par pêche est maximale. Il s'agit là d'une question dont
le traitement devrait profiter des discussions constructives que nous lui
consacrerons aujourd'hui.
 Les autres aspects essentiels ont trait à la portée du système. Quelles zones
chaque plan de reconstitution doit-il couvrir ? Si des arguments solides

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scientifiquement étayés peuvent être présentés pour que telle ou telle zone
soit exclue d'un plan de reconstitution, nous les prendrons en considération;
à défaut de tels arguments, les zones concernées entreront nécessairement
dans le champ d'application du plan de reconstitution, qui sera mis en œuvre
efficacement et équitablement.
Parmi les divers aspects des plans de reconstitution que vous examinez, il faut
mentionner celui des mesures techniques, qui est intimement lié au programme de
gestion de l'effort de pêche. La structure des engins, les zones d'exclusion, les
fermetures en temps réel, voilà autant d'éléments susceptibles de jouer un rôle
dans les plans de reconstitution. Il s'agit là de mesures que nous devons examiner
soigneusement; elles ont le mérite d'être éminemment axées sur l'objectif de
conservation qui nous occupe, mais nous savons trop peu de choses quant à leur
contribution effective à la réduction de la mortalité par pêche.
Nous sommes prêts à étudier l'apport que les mesures techniques, y compris les
mesures nationales existantes, pourraient fournir à la reconstitution des stocks
considérés. Au mois d'avril, des scientifiques ont souligné la nécessité d'améliorer le
schéma d'exploitation des merlus australs et plaidés pour des zones et des périodes
d'exclusion spécifiquement destinées à protéger la langoustine. Le CSTEP se réunit
cette semaine, à notre demande, pour traiter expressément des questions ainsi
posées.
Permettez-moi de conclure en disant que nombreux sont parmi vous, je ne l'ignore
pas, ceux qui traitent l'effort de pêche comme s'il n'avait aucun sens, sans voir qu'il
est un des facteurs dont peut dépendre le respect des TAC. Bon nombre d'entre
vous, je le sais aussi, ont le sentiment que l'on ne dispose pas de données
scientifiques suffisantes pour entreprendre dès maintenant quelque action que ce
soit, or d'après toutes les informations en notre possession, il ne faut pas l'oublier,
la situation est d'une extrême gravité; si nous restons inertes, peut-être sera-t-il
trop tard.
Permettez-moi encore d'insister sur le point que voici: nous savons que certains des
stocks dont nous parlons aujourd'hui ont été considérablement surexploités l'année
dernière et que dans le même temps certains États membres ont réduit leurs
budgets affectés aux contrôles. Aussi est-il clair que l'efficacité maximale des
programmes de gestion suppose une condition préalable impérative, à savoir un
sens élevé des responsabilités tant au niveau des flottes concernées qu'à celui des
services de contrôle des États membres.
Notre engagement est de parvenir à mettre au point des plans de reconstitution
efficaces et gérables. Nous sommes venus en discuter avant même qu'une
quelconque proposition eût été élaborée, abstraction faite du document qui vous a
été remis et qui expose nos premières pistes de réflexion. À vous maintenant de
partager le rôle ingrat du décideur et donc d'infléchir véritablement l'avenir. Je vous
demande de vous attaquer à cette tâche avec tout le sérieux qu'elle requiert.
Je vous remercie de votre attention.

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