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Gaia Sexe Et Catastrophe
Gaia Sexe Et Catastrophe
ET CATASTROPHE
© Wildproject 2024 pour la traduction révisée et pour la composition de ce
livre à partir de cinq chapitres de Lynn Margulis et Dorion Sagan, Microcosmos
(Wildproject, 2022) dont le titre original est Microcosmos: Four BillionYears
of Evolution from Our Microbial Ancestors
ISBN 978-2-381140-698
Gaïa, sexe
et catastrophe
Traduction de Gérard Blanc et Anne de Beer
révisée par Clément Amézieux
Préface
Myriam Bahaffou
Wildproject
Sommaire
Note des éditeurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
Préface de Myriam Bahaffou . . . . . . . . . . . . . . . . 11
Avant-propos. Le microcosme . . . . . . . . . . . 35
1. Sexe et commerce génétique planétaire . . . 49
2. Holocauste à l’oxygène . . . . . . . . . . . . . . . 65
3. Nouvelles cellules . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 85
4. L’énigme du sexe . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101
Glossaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 117
Les 50 ans
de l’hypothèse Gaïa
Note des éditeurs
Baptiste Lanaspeze
Georgia Froman
Février 2024
Myriam Bahaffou est chercheuse en philosophie féministe le
jour, militante en période d’essai la nuit (entre autres choses).
Elle s’intéresse aux liens interespèces dans une perspective
écoféministe et décoloniale afin d'élaborer une compréhen-
sion intersectionnelle des enjeux touchant à la justice clima-
tique. Elle est l’autrice de Des paillettes sur le compost : écofémi-
nismes au quotidien (le passager clandestin, 2022).
Préface
de Myriam Bahaffou
« Au microscope surgirait un paysage fantastique de
sphères bouillonnantes pourpres, aigue-marine, rouges
et jaunes. À l’intérieur des sphères violettes de Thiocapsa,
des globules jaunes de soufre en suspension dégageraient
de temps en temps des gaz nauséabonds. Des colonies
d’organismes visqueux s’étendraient jusqu’à l’horizon.
Quelques bactéries s’accrocheraient aux rochers par
une extrémité, s’insinuant dans des fissures minuscules
et commençant à pénétrer à l’intérieur de la roche elle-
même. De longs filaments quitteraient l’amas familial,
glisseraient lentement, se cherchant une meilleure place
au soleil. Des bactéries agiteraient leur fouet en forme de
tire-bouchon. Des filaments multicellulaires et des foules
de cellules bactériennes gluantes, comme du tissu, ondu-
leraient au gré du courant, envelopperaient les galets de
brillants reflets rouges, roses jaunes et verts. Des pluies
de spores, emportées par la brise, s’écraseraient contre les
boues et les eaux basses en éclaboussant. »
Lynn Margulis et Dorion Sagan (p. 64)
Partouze générale
Pour Margulis, nous faisons erreur sur la nature du
sexe, notamment à cause de l’importance que nous lui
donnons : « Notre sexe de type méiotique ne mérite
pas le qualificatif de grandiose que nous lui décer-
nons. Il est certainement beaucoup moins important
pour la biosphère que la sexualité bactérienne, qui
est une stratégie de survie immédiate par laquelle des
micro-organismes reçoivent de nouveaux éléments gé-
nétiques aussi facilement que l’on attrape un rhume. »
(p. 113) La correction de notre définition du sexe ne
peut advenir qu’à la condition de se mettre du point de
vue des micro-organismes. Cela requiert trois gestes
que je développerai dans ce texte : le premier est la
reconnaissance de la relativité des humain·es et de leur
sexualité dans l’évolution ; le deuxième, le déplace-
ment de la perspective individuelle ; et le troisième
(qui n’est pas formulé par Margulis), l’abolition du
récit hétérosexuel comme explication fondamentale
de la vie.
De l’humilité-humusienne-humaine…
Cela nous invite à décentrer non seulement la
place du sexe, mais aussi celle de l’humanité dans
l’évolution. À rebours d’un schéma cumulatif où les
périodes bien délimitées se succèdent, charriant cha-
cune son lot d’êtres spécifiques, non humains puis
humains (habilis, erectus, neanderthalensis, sapiens) ; à
rebours surtout d’une vision de l’évolution où nous
démarrerions comme de « simples » organismes aqua-
tiques qui progressivement se libéreraient de notre
condition primitive pour devenir l’Homme bipède
moderne tourné vers l’avenir que nous connais-
sons, Margulis démontre que les êtres humains et
les contours définis de ce que l’on appelle commu-
nément notre corps – au singulier – sont une fiction.
Cette fiction d’un corps préservé, intègre, unique, a
également donné lieu à cette aberration scientifique
qu’est l’exceptionnalisme humain, c’est-à-dire l’idée
selon laquelle les humain·es7 seraient capables d’apti-
tudes et de compétences qui excèdent tout ce qui les
Margulis queer ?
Le sexe au sens biologique, comme nous l’avons souli-
gné plus haut, signifie simplement l’union de matériel
génétique provenant de plus d’une source pour produire
un nouvel individu. Il n’a rien à voir avec la copulation,
Mais plutôt que de dire que si, si, les queers se repro-
duisent ielles aussi, des théoriciennes de la symbiose ont
proposé de déplacer la question : et si c’était l’idée même
de patrimoine génétique individuel qui était fausse ? Et si
les vies queers, humaines et pas qu’humaines, attestaient
justement d’autres facteurs dans l’évolution21 ?