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La Géomancie
à l'ancienne Côte des Esclaves
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BERNARD MAUPOIL

La Géomancie
à l'ancienne Côte des Esclaves

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Troisième édition avec une postface de Claude Rivière

OUVRAGE PUBLIÉ AVEC LE CONCOURS DU CENTRE NATIONAL DES LETTRES

PARIS
INSTITUT D'ETHNOLOGIE
MUSÉE DE L'HOMME-PALAIS DE CHAILLOT- PLACE DU TROCADÉRO - PARIS (16<)
1988
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IVIDENER LIBRA'RY
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ISBN - 2-85265-012-6
JSSN - 0767-8703
Copyright by Institut d'Ethno/ogie 1988
INTRODUCTION

A la mémoire de Madame Georges le Beau.

La matière de cet ouvrage a été recueillie - au cours d'un séjour


administratif dans le Bas-Dahomey - de janvier I 9 34 à janvier I 9 36,
notamment à Abomey et à Porto-Novo.
L'enquêteur tient à s'excuser des erreurs d'interprétation ou de
notation qu'il a pu commettre. Il s'est .efforcé, avec bonne foi, de
faire sien le point de vue de ses interlocuteurs. Il espère que cette
étude, si incomplète soit-elle, fera au moins gagner du temps à ceux
qui le suivront, et dont la recherche pourra se diriger d'emblée
sur les pointS faibles du présent ouvrage.
Il lui a paru bon de résumer, pour le lecteur et pour le voyageur
éventuel, les conditions dans lesquelles s'est effectué son travail.

Conditions de l'enquête.
En ce qui concerne les informateurs du Bas-Dahomey, il est
essentiel de distinguer « l'il1formateur en pagne», ignorant les
manières de penser européennes, et le cc letti:é », fonctionnaire ou
non, plus ou moins au courant de nos usages et d_e nos goûts.

A) Informateurs en pagne. - Ils ont été choisis de préférence


parmi les meilleurs ou les plus réputés. Le principe testis 11n11s,, testis
1111/lius a été scrupuleusement appliqué; de très nombreuses infor-
mations ont été recoupées jusqu'à cinq fois. On a tenu le plus grand
compte des contradictions, lorsque les dires opposés étaient de
bonne source, et l'enquêteur s'est refusé à usurper leur droit de
synthèse aux philosophes de l'ethnographie.
VIII l.A CH\OMANC:lll A J, 1ANCll!NNR CÔ'l'H DES ESCLAVES INTRODUCTION IX

1. Confinncc cl bonne volonté furent suffisantes; d'utiles libéra- mais qu'il importe de percevoir à temps, hésite a exprimer certains
llté11 les nlimenterent. de ses sentiments, notamment les plus nobles. Il prefère, s'il n'est
Il. Le désir d'abonder dans le sens de l'enquêteur n'a même pas été mis en confiance, laisser l'enquêteur sur une impression grossière:
constaté. Certaines hypothèses ont été accueillies par des dénéga- il répugne à se mettre en valeur par des mots.
tions énergiques, voire par la plus franche hilarité. VIII. Influences momentanées. Le psychisme du devin, - du
Ill. Nul refus catégorique de répondre. Il serait en contradiction Bok:mà, - élabore l'ensemble des connaissances de Fa selon deux
avec la plus élémentaire des politesses. plans bien distincts. D'une part, les acquisitions mnémoniques:
IV. Aucune dissimu'lation par affirmation d'une contre-vérité, interprétations sans nombre des signes, chants, prières, etc., - et
procédé de défense courant, n'a été relevée. corporelles: manipulations, attitudes, etc., - qui tendent à se trans-
La dissimulation par omission est fréquente, mais souvent non former, par une répétition quasi-quci~dienne, en réflexes. D'autre
intentionnelle. Il faut éperonner le témoin, qui, cependant, vient part, les arcanes de Fa, entre\'us parfois au cours des apprentissages
parfois au-devant de l'enquêteur, annonce qu'il a quelque chose à contradictoires de l'adolescence ou de la maturité, et que le silence
dire qui intéressera. des" longues méditations abandonne, dans la vieillesse, a toutes les
La dissimulation digressive a surtout pour but de masquer une fantaisies de l'inconscient.
ignorance. Elle est souvent révélatrice. Ramené à la question, le Selon le domaine o:l s'applique l'enquête, les réponses sont d'une
sujet demande un délai pour répondre, et se renseigne. précision instinctive ou se perdeùt dans les brumes de l'émotivité.
V. La fabulation apparaît si l'interlocuteur, conscient de son Seuls, certains grands .Bob11à très vieux, dont le travail fut contrôlé
ignorance, en est humilié. Savoir répondre que l'on ne sait pas, et l'acquisition des connaissances stimulée.au temps de \a monarchie,
voilà qui classe un bon informateur. La fabulation est fréquente peuvent encore répondre aux questions les plus troublantes. Ces
chez certains <( lettrés ». vieillards savants ne se trouvent plus guère que dans l'ancien
VI. Les« erreurs par persévération>> (à distinguer des quiproquos royaume d'Abomey, loin des influences contrariantes de la côte.
et des erreurs d'interprétation) ne sont pas le fait de l'informateur Presque toutei les difficultés rencontrées résultent de l'extrême
en pagne, mais de quelques.« lettrés >> dont elles dissimulent le divergence des opinions professées en matière religieuse. L'esprit
plus souvent l'ignora11ce. Une contre-suggestion les ébranlera ou de chaque informateur, avec une absence de dogmatisme qui mérite
les détruira. l'attention, se reconnaît vaincu par « l'inconnaissable », et propose
VII. Interpretation: un obstacle considérable réside dans l'aspect aux problèmes mystiques des solutions qui varient avec les indi-
purement verbal de l'enquête. D'une part, certains mots, si bien vidus, et, pour un même individu, avec les circonstances et l'inci-
traduits ou devinés soient-ils, dissimulent à l'enquêteur, non seule- dence de la question. Chaque idée transmise, chaque croyance
ment une partie de leur contenu affectif, mais encore une pensée confiée, bourgeonne spontanément d'images nouvelles, et semble
informulable, faite d'images, de souvenirs, de schémas moteurs, que trouver un regain de vi6.. Au milieu de cette effervescence, que peut
la traduction stérilise, transpose ou trahit. Cette·opacité du langage, faire l'enquêteur, sinon reproduire fidèlement, parmi les changeantes
qui est réciproque, ne se dissipe que dans une atmosphère de interprétations, celles qui lui semblent les plus proches du passé
réciproque sympathie, dont la continuité ne s'acquiert que diffici- et du vrai ?Des recoupements serrés, en fin de travail, nous ont
lement. amené à constater que la compréhension d'un problème ou les
D'autre part l'informateur, par une pudeur fort compréhensible, éléments d'une réponse étaient parfois, en une même personne
XII LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES INTRODUCTION XIII

b) le rôle politique du devin du roi dans les trois monarchies milable, et il ne le fut jamais que par fragments, pour quelques
d'Allada, d'Aborney et de Porto-Novo, - mais d'Abomey surtout. privilégiés.
Rôle parfois mystéri~ux, dans' la mesure où le devin, pour les Restait le signe: les signes; tout l'intérêt se reporta sur eux.
périlleux honneurs d'une cour, saYait lier, voire subordonner, sa Autour d'eux purent s'exercer l'imagination, les sentiments. Deux
force religieuse aux intérêts temporels de la monarchie et du peuple. cent cinquante-six petits dieux étaient nés, à qui l'on se hâta de
Rôle toujours délicat de confident et de conseiller, - tantôt protégé, créer un passé, des sentiments, des armes, des faiblesses, une légende,
tantôt desser\·i par ses fonctions sacrées et par le ·passé, - de con- autour de qui se noua le faisceau bigarré et contradictoire des
seiller écouté, mais toujours contrôlé. L'histoire en a conservé la trace « correspondances». Sur tout ce qui, dans le Fa, était susceptible
orale.
d'interprétation, vinrent se greffer les croyances locales déjà exis-
tantes. Ainsi l'homme multiplie l'inconnaissable, pour se soumettre
Ces traits fondamentaux ont perdu toute actualité. plus totalement à lui, pour le soumettre plus totalement à soi.
L'essentiel s'est effondré; le reste a évolué et passe au premier Les mémoires enregistrèrent et transmirent ces notions plus ou
plan. moins assimilées et encore en devenir, mais dégagées de la gangue
Le rôle politique du Bolm1à a suivi la décadence des monarchies. rebutante de la logique et de la science étrangères.
Allada et Abomey ont perdu leurs rois, celui <le Porto-Novo est une Parti d'un ésotérisme emprunté aux quatre éléments, aux quatre
ombre. Les chefs ont intérêt a écouter - à faire semblant d'écouter points cardinaux, aux douze signes zodiacaux, le culte deFa serpente
- les Blancs qui les choisissent sans consulter le destin, et ils en lentement, comme tant d'autres, vers l'impasse de la magie et
tirent prétexte pour prendre, à tort et à travers, des libertés toujours des charmes. Après avoir évolué selon les tendances profondes
plus grandes avec le passé. du groupe social qui l'adoptait, le bloc des connaissances de Fa,
Du point de vue religieux, l'ésotérisme de Fa ne tente plus émietté par trop d'incohérences, est tombé, depuis la conquête par
aujourd'hui qu'un très petit nombre de devins, et effraie les autres. ies Blancs, dans le domaine commun, où il dégénère, entre les mains
Aller du signe à la chose signifiée, approfondir l'idée du monde, de charlatans sans contrôle,-· plus ou moins adroits, mais rarement
s'efforcer vers Dieu par la connaissance, telle n'est pas la démarche dangereux, -en une caricature de lui-même. En l'absence d'un corps
d'un esprit réaliste, en quête avant tout d'efficience. Et d'ailleurs, .de doctrine transmis ù un collège hiérarchisé de prêtres-devins, il
Fa n'est pas né dans cette terre dahoméenne où le hasard l'a trans- devient un gagne-pain accessible aux pµ.resseux, et les violentes
planté, où les hommes lui imposèrent et tant d'élagages, et tant de attaques que lui prodiguent, saris le conm~ître, les Missionnaires
greffes étranges. chrétiens contribuent à le faire évoluer vers la magie noire.
On pourrait, semble+il, retracer de la façon suivante l'évolution
du contenu re.ligieux de Fa, depuis l'apport en Afrique occidentale Fa se survit à lui-même. La conquête a précipité son destin, et,
de cette croyance étrangère, déjà élaborée ailleurs. lorsque seront morts les derniers des vieux Bobno qui peuvent
Dés le début, on dut assister à l'abandon quasi-immédiat et géné- encore évoquer le temps jadis .et mettre un frein à l'impudence
ral de ce qui, dans l'ésotérisme, semblait trop imprégné de croyances des jeunes, il connaîtra sans doute d'autres métamorphoses étranges.
orientales et d'astrologie, trop dépendant aussi d'un système gra-
phique, pour être accessible à la majorité des Noirs. Une évolution parallèle se manifeste dans la mentalité des clients
L'ésotérisme ne subsista que dans la mesure où il devint assi- « lettrés>> des devins. Convertis ou non au christianisme ou à
XIV LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES

l'Islam, ils continuent à consulter Fa. Mais à l'ancienne ferveur se


substitue lentement une fragile volonté de « se mettre au-dessus
de cela». L'évolution, pour l'instant, apparait surtout dans le désir
de passer pour un esprit fort. La moindre surprise du destin défait
ces attitudes de matamores s'efforçant, par la seule irréflexion des
1
critiques, de s'égaler aux Blancs. Les circonstances actuelles excusent l.

et favorisent largement ces contradictions et cette nervosité.

Alger, Palais de Mustapba, février i936.

Les langues dont il est ici question ne s'écrivant pas, un mode simple et déja
classiq1te de transcription a été adopté. Il présente l'avantage d'appliquer jusqu'a
un certain point le principe connu :un signe po1tr chaque son, un son pour c!Jaque
signe ..
Pourtant, il n'a pas été créé de signes pou.r les consonnes labio-vélaires KP, GB,
KW, GW, qui ne forment qu'un son. N'ont pas été'notés non plus les tons musicaux,
qui semblent être au nombre de cinq au moins '.
Voici les quelques équivalences que nous avons appliquées :

e E ouvert;
::> o ouvert ;
c .. son du français TCH ;
J : . D mouillé, comparable au son. français DJ;
iil : son du français GN ;
u son du français ou ;
w : même valeur qu'en anglais ;
\v : son du français u ;
H : aspiration moyenne ;
x : aspiration forte ;
la tilde nasalise les voyelles: À, È, ù correspondent au français AN, IN, o::-i; i,
ù n'ont pas d'équivalents en français.

1. Dr. Diedrich W ESTERMANN. Grammati/1 der Eive-Spracbe. Berlin, Dietrich Reimer, I 907,
p. 2:" Wir unterscheiden fünf verschiedene Silbentône ... Die Sil be kann bis fünf verschic-
denc Tône habcn l>.
**
BIBLIOGRAPHIE AFRICAINE DE FA.

Cette énumér;ition ne prétend pas être complète. Les loisirs d'un congé administratif,
contrarié par les exigences médicales, nous ont seulement permis de classer en partie nos
notes et de prendre connaissance d'informations dont aucune ne se trouvait au lieu de
l'enquête. Nous les avons recueillies à la Bibliothèque Nationale, non sans difficultés, - et
au British Museum dont nous remercions tout particulièrement le Bibliothécaire, pour
l'extrême obligeance qu'il mit à nous accueillir et à fadliter nos recherches.
Le service d'archives du Ministère des Colonies opposa à nos pressantes démarches un
silence systématique.
Il n'y a pas lieu d'analyser isolément chaque texte. Trop souvent il s'agit d'ouvrnges
subalternes où se superposent, sans esprit critique, dès observations douteuses et des juge-
ments sans aménité. La mauvaise foi et le sectarisme ne sont pas rares, on l'a vu. .
Nous attirons cependant l'attention du chercheur st:r les observations faites au sujet de
Fa par !'Évêque yorouba J. Johnson (1899), R. E. Dennett (19w), le Missionnaire J. Spieth
(1911), le Professeur M. J. Herskovits (1933 et 1938) et le Médecin-Colonel R. Trautmann
(1939).
Les principaux ouvrages <l'outre-Atlantique mentionnant Fa ont été signalés en cours
d'ouvrage. Nos excellents correspondants le Docteur Price-Mars et les Professeurs Arthur
Ramos et Fernando Ortiz, dont les corrrspondances nous furent d'un si grand intérêt, ne
nous en voudront pas de ne les rappeler ic; que pour les remercier encore .

•••
A
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'{ Faith .. , Appwdix A, p. 161. Adesola serait le pseud. du Rev. E. T.Johnson. Farrow
reproduit, p. 161-165, la trad. d'un intéressant poème de cet auteur).
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·1
f
XVIII LA GÉOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES BIBLIOG RAPH tE XIX

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113. RENAUD (Médecin-commandant) et AKINDÉLÉ (Médecin-auxiliaire principal). La Collec- Afric. de Lyon, n° 5, mai 1930, p. I00-104.
tivité chez. lés Goun de l'ancien Royaume· de Porto-Novo, 1938. In Coutumiers Juridiques de
l'A. O. F., t. III, Paris, Larose, Publ. du Corn. d'Ét. Hist. et Scient. de l'A. O. F., V
SérieA,n°_IO, 1939,p. 537, 544, 545.546, 548, 551.
u4. RIVET (Paul). Cf. LABOURET. 130. V1GNÉ o'OcToN (Dr Paul). Terre de Mort (Soudan ff Dahomey). Paris, A. Lem erre,
1892, p. 84, 87, 96, 123, 127, 133, 136, 142, 218, 221, 229, 231-233.
s
w
II S. SALINIS (A. de, S.].). La Marine au Dahomey. La Naïade (1890-1892). Paris, L. Sanard,
1901, p. 95, 117-u8, 141, 142. 131. WESTERMANN (Diedrich). Grnmma!ik der Ewe-Sprache. Berlio, Diedrich Reimer, 1907,
r 16. SETON (R. Sydney). Notes on tbe !gala tribe, Northern Ni~eria. Journal of the African pass ..
Soc., Londres, t. XXIX, 1929~1930, p. 43-44, 50, 154. Gottes·vorstellungen in Obergui11ea. Africa, Londres,, t. I, n° 1, janv. 1928,
r 17. SKERTCHLY (J. A.). Dabomey as it is, being a narrative of eiglit month's 1·esidence in that p. 193-194, 206.
country, with a full account of the notorious annual Customs, and the social and 1·eligious A study of the Ewe language, transi. by A. L. Bickford-Smith, laie lnspector
institutions of the Fons, also an (1.ppendix on Ashanter and a Glossary of the Dahoman words of Schools, Gold Coast Col •. Londres, Oxford Univ: Press, 1930, pass ..
and Tilles. (B. M. 2358. d. 13.). Londres, Chapman et Hall, 1875, p. 474-477 et - The African To-Day. Londres, Intern. Inst. of Afr. Laog. and Cult., 1934,
pass .. p. 196, 542-544.
II8. SoLICHON (Administrateur). Croyances et superstitions dans le Bas-Dahomey·. Bull. du Witchcraft. Africa, Londres, t. VIII, n• 4, oct. 1935, p. 551-552.
Corn. d'Ét. Hist. et Scient. de l'A. O. F., Paris, n° 4, oct.-déc., 1921, p. 667-671, 674. Cf. BAUMANN.
119. SPrnss (Missionar Carl). Bedeutimg der Personennamen der Ewe-Neger in Westajrica. 132. WIENER (Leo). Africa and the Discovery of America. Philadelphie, Innes & Sous,
Archiv für Anthrop., Brunschwig, t. XVI, 1918, p. w4-159, pass.. · t. III, 1922, p. 275-277.
120. SPIETH (Missionar Jakob). Die Ewestamme, Material z.ur Kunde des Ewe Volkes fo 13 3. WILLIAMS (Joseph ]., S. J .). Africa's God. II - D.1ho111ey. Anthropological Series of
Deutsch-Togo. Berlin, Diedrich Reimer, 1906, p. 68* et 80*. the Boston College Gradua te School, t. I, 11° 2, juin 1936, p. 166, 170, 171.
Die Religion der Eweer in Süd-Togo. Gottingen, Vandenhoek et Ruprecht, Africa's God. III - Ni.feria. Anthropological Series of the Boston College
191 I, p. 32, 97, 189-225. Graduate School, t. I, n° 3, oct. 1936, p. 221-224.
121. STEPHEN-CHAUVÉT. Musique Nègre. Paris, Soc. d'Édit. Géog., Marit. et Colon., 1929, 134. WILM (Ritter v.). Cf. FROBENIUS.
fig. 56, p. 207, table, p. 240. 135, WITTE (P. A,) [et JOHNSON (Aloisius)]. Sprichwiirter der Ewhe-Neger, Gê-Dialekt
I 22. SYDow (Eckart v .). Handbuch der Westafrikanischen Plastik. Berlin, Diedrich Reimer, (Togo, Westafrika). Aothropos, St. Gabriel Modling, t. XII-XIII, 1917-'1918, p. 68.
1930, p. 138-139, 160.

FILMS.
T
AuP1A1s (Missionnair~ François). Un film sans titre. Cercle de la Planète, Boulogne-sur-
123. T. C.A. The Timne and other tribes of Sierra Leone. Journal of the African Soc., Seine, Avenue du 4 Septembre.
Londres, t. XVI, 1916-1917, p. 38.
124. TALBOT (Percy Amaury). The Peoples of Southern Nigeria. A sketch oj their History,
Ethnologyand Langttages, with an abstract of the 1921 Cenms~ (B. M. ow.006. ff. 9).
Londres, Oxford Univ. Press, 1926, 3 vol., t. II, p. 33-34, 185-188, 357 et pass . .
t. III, P· 431-433. '
Sorne Foreign influences on Nigeria, Journal of the African Soc., Londres,
t. XXIV, 1924-1925, p. 185.
PREMIÈRE PARTIE.
CHAPITRE PREMIER.

'DÉFINITIONS.

FA.

Expression de la notion de futm. - Le mot Fa. - Définition et caractéristiques : Fa et


les ioodli. Associatiorrs d'idées. Attributio11s. - Ico11ographie de Fa. Sa filiation. - Par-
ticularités : noms honorifiques, langue secrète, Fa palladium urbis, ta111t;1rn ~t dan~es de
Fi1. - Pro,·erbes et dictons.

Expression de la notion dll ji1t11r.

Malgré le rôle considerable que joue la divination au Dahomey, il ne


semble pas exister de mot simple pour désigner le futur. Joulord propose
dans son vocabulaire : cc Futur, (1011e11on e dja », expression qu'il n'explique
pas et qui signifie : le temps qui vient Delafosse note dans le sien :
1

« Futur (adj.) 111e1t11kà », qü'il n'interprète pas davantage, et qui signifie:


ce qu'il y a devant quelqu'un, mais au sens matériel seulement (mz-11111.·ù 2 ) .
Futur, avenir, se dit : nul~à-m;. J ou do 111tkà-111a. Cette dernière expression
est très courante. Elle signifie : ce qui est devant nous, et que nous ne
distinguons pas.
Le mot futur s'exprime d'autres façous encore. On peut dire, comme
en français : demain, SJ, - ou employer des expressions telles que : sJ
e jrt e, demain vient, SJ e na wa e, demain arrivera, attestées par le proverbe
suivant : 11n-de tü sJ e 11a wa e a 4 (ou encore : mz-de 111 SJ e fa e a), nul ne
sait ce que sera demain.

r. ]. Jou LORD, Missionnaire. M111111el Fr,111çais-Di1ho111éen, Grn111mair<', phrases 11s11elles, Voc,1-


bulaire. Lyon, Vve M. Paquet, 1907; p. 155/2. L'expression lnvmu e ja e (temps-lui-ve11ir-
crase pour we-le, exprimant le futur) est assez coura111me11t employée.
2. Maurice DELAFOSSE. Ma1111e/ Dahoméen, gn111111iaire, chres/0111athil', diclio111111ire frm1ç11is-
d,1homée11 et daho111ée11-fra11çais. Paris, Ernest Leroux, 1894, Vocab11laire, p. 254/1.
3. Ph. E. CouRDIOUX, Missionnaire. Afrique occident.ile, Diction11aire abrég1 1 de /,1 la11g11e
fô-gbe 011 daho111Jm11e. Pre1itiJre p.irtie : fr.r11çais-d11ho111ém. Paris, E. Leroux, 18ï9, p·. 66 :
«Futur, sm., nukome; uenu e ja ». lb., p. 60: 11 Avenir, rn1., nukome ».
4. M.-à-m. : personne-une-savoir-demain-il-(futur)-venir-il-(négation).
Tnslil1tl d' Eilmolo![ie. - B~rnud MAUl'o11..
1

4 LA GEOMANCIE A L ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES


DEFINITJO!'\S 5
Sa-gudo (demain-derrière) signifie : ce qui aura lieu au delà de demain. Le mot fa. signifiant en langues fon ou gè: fraîcheur, être frais, n'a d'ail -
Citons aussi l'expression plus recherchée, encore employée par le5 per- lems aucun rapport aveÇ, spn homophone du \'Ocabulaire <li\'Înawire. Il
sonnes âgées: ayi edo na hô esa e, la terre qui sera éclairée demain. n'y a là qu'une simple coïncidence, ·-soulignée par les devins, - et il ne
La notion de présent s'exprime le plus généralement par les mots egbe, saurait ètre question Je s'aider <lu j(J-ghi: ou du gt'-gbë pour µéterminer une
ehiJms, qui signifient aujourd'hui. ~·tymologie que les Yorouba eux-mêmes semblent avoir oubliée. Les devins
S'il s'agit du présent immédiat, les Fon disent : di, di ja di, ou di tololo, Bob11à du Dahomey, qui . ne se posent guère la question, se bornent à dire
aussitôt. que Fa redoute le feu et le soleil, et aime la fraicheur: d'où son nonL
Au sens extensif de : en notre temps, de nos jours, ils diront : hwe mitiJ On pourrait rechercher une étymologie arabe'. Il reste enfin· la ressource
nu (c'est-à-dire hwenu-mitô: temps-notre), notre temps. hasardeuse <le voir en Fa, soit le 110111, plus ou moins altéré, de la localité
La notion de passé se traduit le plus souvent par les expressions : e ka wa d10L1 la connaissance divinatoire se serait répandue en Nigeria, soit le nom
yi, e ka di, ou e ka va, qui signifient que e, c'est-à-dire la chose, l'événe- de celui qui l'importa du nord ou <le l'orient. Ce problème, comme beau-
ment, s'en est allé, s'est éloigné de nous. ~oup d'autres, ne peïlt être résolu au Di1horney.
Toutes ces expressions sont empruntées à la langue fon 1 •

Le mot Fa. Déft11itio11s et caractéristiq11es. Fa el les vooù.


Associations d'idées. Âttrib11tio11.ï.
Le mot Fa est employé par les Fon. Les gens d'Ifè, les Yorouba, disent
La plupart <les auteurs constatent que Fa est le dieu, ou le gen1e, de la
!fa, et les Mina du Togo Afà '.
Fa exprime en fà-gbe deux idées parentes. Celle <le fraicheur, - fraîcheur divination, l'intermédiaire entre hommes et <lieux. Ir est donc consulté à
tout propos 2.
de l'eau, de l'atmosphère : si fifa, eau fraîche - et celle de douceur agréable,
au sens moral. Celui qui «a le cœur chaud »,celui qui est ému, qui éprouve
sein, Redujll. fff.1 >>. lb., p. 77 : « .fâ kühl sein '" - M. DELAFOSSE, op. cil., Vvcab.,
un sentiment de douleur ou de colère, reçoit le conseil de « rafraîchir son J'• 378 r : "f.i froid, être froid, apaiser, consoler "· lb., p. 379 1 : « fifa frais, i'roid '" -
cœur », <le retrouver la paix, l'équilibre J. Ernst HENRICI. Lebrb11ch der Ef>he-5/>rache (Hwef-A11lo-, Auecbo- 11. Dahomey-M1111dart mil Glos-
s11r 11. ei11er Knrte der Slilavwliaste: Stuttgart u. Berlin, W. Spemann, 1891 : Glossar,
r. Nous ferons suivre les citations yorouba d'un (Y), gii-gbe de (Gü) et gè-gbe de (Gè).
p. 188: « F11, .fi~fil, kühl, friedfrrtig, ruhig, zart sein,fti (D.) kühl, kalt, frisch >>. - Sens en
1·orouba, v. R. E. ÜENNETT. How tlil• Yornl>a co1111/, in Journal of the African Society,
Mais nous ne nous astreindrons pas à faire suivre d'un (F) tout ce qui est fon.
Londres, t. XVII, 1917-1918, p. 62 (seule citat.).
2. Le Dr GAILLARD orthographie différemment : « Iphâ, le fétiche gardien du foyer
0 0
~
que l'on honore .wec de l'huile de palme >>. (Étude mr les Laawtres du Bas-Dahomey, in Ill" F' --'

L'Anthropologie. Paris, t. XVIII, 1907, p. 119.) 1. Jl~ ou Jl~ fa'/ 1111


: sort, augure. ~l_~J !..:__, ff'.. 11111jc1rrib11 l-jiï/i, celui qui consulte le
3. Jakob SPIETH emploie comme équivalents de Fa : kühl, angenehm, unschiidlich : '1f,,-J (i _,,, \/ '

Die Ewc-Slii111111e, Material zui· K1wde des Ewe Vo/kes i11 Dmtsch-Togo. Berlin, Diedrich Reimer, sort. '-' •<' I '-:-' _);:;;:;.· ~, .fi1l·11111jarrib l~fiï/ 11 , consultons le sort.
1906, J, chap. v, p. 422 et chap. x, p. 858. lb., chap. v, p. 423: « Wie aber für den Ei'ueer das Le mème mot est usite en pays somali: v. Richard F. BURTON. First Footsteps i1l F.1st Africa.
Wort (.1, Frieden, kein sittliches Gut, sond<::rn stets nur einen kë>rperlichen Zustand bedeutet, London, Longman, 1856, clrnp. II. p. 55 (seule citat.).
so be,ieudet es auch in seiner Anwéndung auf Gott nur soviel, dass er alles in Hülle und Fülle 2. J. A. SKERTCIJLY. D11ho111ey as il is; /1ei11g 1111armlive of e(i;bt 111011/bs residence in !bat
besitze, von keinem Feind bdiistigt werde und durch und durch gesund und rein sei, d. h. t'Oô111try, etc .. London, Ch,1p111m <llld Hall, 1874, chap. XXVI, pp. 474 et 476-~77. -
Leben habe. Er ist der dqmmyotq und der fafatq, der« Gütige und Fried"olle '"Dans le même Alfred Burton ELLIS. The Yornb.1-sj1ealii11g peoj>les of the Sla1•e Coast of West Afric,1, //Jeir Reli-
sens, ib., p. 103 : «Der Charakter eines solcheo Kë>nigs wird mit dem Worte fa ais fned- ·~·ion, Ma1111ers, C11slv111s, L.nus, L1111i;w1,~·e, Etc. London, Chapman and Hall, 1890, ch:ip. II,
liebend beschrieben "· ld., Die Relii;io11 da Ew<fl' in Siid-Togo. Gë>ttingen, Vandenhoeck p. 56. - D. WESTERMA!\N. T1/ôrterb11ch der Eî.ue-S/>rache, !. Teil, Ewe-Deutscbes Worterbucb.
u. Ruprecht, 1911, chap. m, p. 189: « afa ist das jenige Wesen, das alles Heisse kühl und Berlin, Diedrich Reimer, 1905, p. 130: cc a(.i, 11/d Wahrsagerei. - ka 11., wahrs.1gen; -
alles Verdorbcne neu macht "· Ib., chap. m, p. 222, n. 2 : « Fa, kühl sein, is~. der a.fi1 fé và, 1w1rn lrtku. der .-\usfall des afâ war ungiinstig, der Mensch (dess~n Schicksal
Gegensatz von « !iQ dzo >>, heiss sein. Wem die \Veit kühl ist, der wird von keinem Uber erfragt wurde) wird sterbcn. - afâ dzi ii•oto11a ,;ea Mawu -lue l11111edodp <le l!luewv dz.i be,
.belastigt und kann also in Frieden leben "· - D. WESTERMANN, op. cil., p. 12 : "fa kalt wo11y.1 11ya, siwo le d:;:Qdzq ge 1.fe wv d:;:i, durch das 11. erfahrt man Gattes Absichtcn mit den
6 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLA YES DEflNITIONS 7

Le Hérissé l'étudie ayec Lôgba, et le considère comme· un i·od1i personnel On entend dire, en effet,,Fa de-xasu, que l'on traduit littéralement par :
à chaque individu, naiss111t et disparaissant avec lui'. Ellis le compare à Fa est le roi (axasu) de dg, du palmier à huile. Mais l'expression complète
Jsiiiïi 2
• Spieth, au lieu de le classer au nombre des diYinités protectrices c:~t : Fa gln.-de xasu, Fa est le roi de la vie (gbz) d'ici-bas (de).
personnelles, - personliche Schutzgütter, - en fait une divinité du sol, ·- L'hypothèse d'une superposition de Fa, vodü importé, à un très ancien
Erdengott 3. De là peut-être l'opinion d'Arthur Ramos : Ifa est un culte culte local ne doit pourtant pas être exclue. Une légende du signe Loso-Cz
végétal, - culto pbytolatrico 4, - opinion que le surnom de Dieu des semble lui donner du poids'.
noix de palme, donné par maints auteurs >, paraît confirmer. Dés que Maw11 eut cn~é la terre, il y installa de, le palmier à huile. Ce de, personne
n'en a approfondi le sens sec1'ct ; il est la vie m'l:me, c'est tout ce que l'on en peut dire.
Menschen, damit sie wissen welche Ereignisse sie treffen \\"erden ». - M. DELAFOSSE, op. C'est pourquoi on lui a>simila Fa, qui est m,Issi la ,·ie. De fut envoyé par la di\'init~.
cit., chap. XII, p. 165, n. 1. - A. LE HÉRISSÉ. L'A11cien Roya1t111ed11 Daho111ey, 111r>:11rs, reli- nuprême, avec pleins pouvoirs sur toute la surface de la tt:rre.
gio11, histoire. Paris, Larose, 1911, chap. v, p. 140. - Geoffrey Edgar Soloman GoRER. Personne alors ne connaissait Afoit·11 : si l'on désirait savoir quelque chose, on interro-
Africa Da1ices, A book about Tf/est Afric.111 Negroes. London, F.1ber and Faber, 1935, liv. III. f!Cllit de en lui tournant le dos, et l'on était exaucé. En ce temps-là, ni hommes, ni bêtes
pp. 202-203. (Cf. bonne critique de cet om·rage par Mt; Iville J. HERSKOVITS. Africau Trnve- ne mouraient. De rut tout naturellement considéré comme la divinité suprême, puisqu'il
logue, in The New Republic, Nov. 20, 1935.) De même à Cuba: Prof. Fernando ÜRTIZ. ctait la vie. Car tout, dans le palmier, est utile ù la vie, et le signe Loso-Cz le dit : de 1111 de
Hampa A(ro-C11ba11a, Los Negros Brujos (Ap1111tes parn 1111 esludio de etnologia cri111i11al). 11w gk ak1t•E, rien de ce qui constitue le palmier n'est sans valeur'· Ainsi se prit l'habitude,
Madrid, Editorial América, s.d. (!905), chap. 11, p. 58. - Et au Brésil: Niria RoDRIGUES. pour exprimer l'idéL' de vie, i.l'employcr les mots g1>s-dc•.
0 A11i111is1110 Fetichista dos Negros Bahi.111os. Hio de Janeiro, fübliotheca de Divulgaçâo Cependant, le progrès faisait son apparition sur la terre : des arbres se mirent à croître, et
Scientifica, 1935, chap. 1, p. 55 et passim. - Prof. Dr. Arthur RAMOS. 0 Ne.~ro Brasi/eiro, des légumes. Mais on ne savait pas encore accommoder les. mets sur le feu.
Etlmographia religiosa e psychanalyse. Rio de Janeiro, Bibliotheca de Divulgaçâo Scien- Or de avait des enfants, ses fruits (de 1.-i"vi, ou de-ki), et ils mûrirent, puis tombèrent sur le
tifica, 1934, chap. 1, p. 38 ..- Nous avons plaisir à remercier ici les Professeurs Fer- sol. Les hommes les ramassèrent et les mangèrent. Et ils les trouYèrcnt bons. Ils prélevèrent
nando Ortiz et Arthur Ramos de leurs si utiles correspondances. l'huile de leurs pulpes et s'en oignirent le corps, et leurs corps luisants rurent trouYés plus
1. Op. cil., chap. \", p. 139. - Dans un sens analogue, cf. Description de la Nlgritie j>a;· beaux.
.'vJ.P.D.P. (PRUMEAU DE POMMEGORGE). Amsterdam et Paris, Maradan, 1789, p. 201; Alors un ch,;sseur de la forêt, sur le conseil de de, découvrit l'arbre de feu (z.o-ti i). Les
« chaque nègre a chez lui sa fétiche particulière, qu'il consulte avec des petits chandeliers patates, jetéc.:s dans l'eau et cuites sur un foye1 imprO\·isé, furent trouvées délectables. Le
de fer à plusieurs branches, de petites boules rondes mises en plusieurs tas, qu'il recompte clrnsséur se rendit à nouveau dans la forêt, lù où il avait trou,·é le feu, et rencontra Az.iza,
plusieurs fois. Sa manière d'agir ressemble assez à celle de nos superstitieuses tireuses de sur un seul pied, avec de longs che\'cux et tout velu. Az.iza lui montra comment il fallait
cartes ». Les chandeliers de fer et les boules rondes doivent être les asè et les noix de palme. traiter les noix du palmier pour en c.:xtraire l'huile, et lui apprit que l'on pouvait faire cuire
2. Op. cit., chap. xv, p. <.90: « Ifa, god of divination, who is the benefactor of man and les p<ltates dans ceùe huile. Le chasseur recueillit un peu d'lrnire dans une feuille lligo111â
thé unveiler of the future was probably originally a ghost-god, as no doubt was Osanhin, roulée en cornet 4. Et tous trouvèrent l'huile délicieuse. A1.iz.a lui expliqua aussi comment
god of medicine ». on préparait le ddi<i, qui servit d'amadou pour capter le feu i1 sa source dans la forêt et le
3. Die E'1ve-Slâ111me, op. cit., p. 66* sqq. ramener ~u foyer familial. Telle est, jusqu'à nos jours, la raison pour laquelle le Fnvi, l'initie
4. Op. cil., chap. 1, p. 38 : « Outra cuita phytolatrico é o de Ifâ cujo fetiche é o fruto au culte de Fa, emporte du deliii dans le bois sacré de Fa s.
dendezeiro (elais guineeusis) >>. - Cf. aussi Renato MENDONZA. A inf/11ê11cia Afi"icaiw 110 C'est ainsi que lts premiers hommes fireni de de leur plus grande divinité, l'arbre de vie,
Porl11gués do Brasil, 2• Ediçào. Sào Paulo, Companhia Editora Nacional, 193 5, chap. v11, car ils lui devaient tout. Pour c< \'Oir notre Mawu >>, pour trouver notre kpJli, notre âme, il
p. 131 : « Por vêzes assumia uma feiçâo dendrolâtica ... ». - Edison CARNEmo. Religiàes faut donc retourner \'ers la nature, vers la forêt où la di\'Ïnité nons entend et peut nous
Negras, Notas de Etnographia Religiosa. Rio de Janeiro, Bibliotheca de Divulgaçào Scienti- exaucer, comme elle faisait au temps des ancêtres. Et voilà pourquoi l'on nomme Fa : \li-
fica, 1936, p. 46. · i·odli, divinité de la forêt.
5. Bishop Samuel CROWTHER. A Gmmmar and Vocabulllry of the Yoruba l.mguage. London,
Seeleys, 1852, p. 130. - Abbé Pihre-Bertrand BouCHE. Sept a11s en Afrique occideutale, La
!. CL tableau des signes, deuxième partie, chap. I, p. 414.
Côte des Esclaves et le Dahomey. Paris, Pion-Nourrit, 188s, p. 120 : « il a reçu le surnom
2. Litt. : p<1lmier-chose-une-(négat.)-refuser-monnaie.
de ... fétiche des amandes de palme ». - A. B. ELLIS, op. cit., chap. n, p. 56 : « Ifa, god
3. Il s'agit sans doute d'un arbre allumé par X<vioso, i·odn du tonnerre et de la foudre.
of divination, who is usually termed the God of Palm Nuts, because sixteen palm-nuts are
[j 4. T1i-go-u11-111.1 (pour 111i-1111)-kpà : déroule [ton pagne qui est noué] devant, et regar-
used in the process of divination n. - J. SPIETH, Die Relù;iou . ., op. dt., chap. m, p. 189 : y dons. Lorsque le cha;seur rapporta de la forêt son échantillon d'huile, on s'assura qu'il
« Das afa selbst besteht aus 32 Ôlpalmnüsse ". - R. E. DENNETT. At the Back of the Black H
Man's Mi11d. London, Macmillan and Co, 1906, chap. XXI, p. 217 : « Ifa ... is also the ~ n'en avait pas caché d'autres sous son pagne. La feuille, qui n'avait pas encore de nom,
garda celui dl' t1igo.
name of the palm nut god of the Yoruba"· ·- Alexandre Librecht d'ALBÉCA. La France au
Dahomey. Paris, Hachette, 1895, chap. rx, p. 139: «Afa préside à la récolte des palmiers».
j 5. F.1-i•i : enfant de Fa. I11fra, chap. vu.
8 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES DEFINITIONS 9

Farrow considère !fa comme la divinité suprême du pays yorouba, son plc111ent sur une étymologie douteuse 1 ou des propos mal interprétés 2.
oracle le plus écout( 1 • Les rôles d'oracle, de messager des dieux, de protec- I~C
"
témoianaae
lj b
de FartO\Y, .postérieur à ceux de Bouche et d'Ellis, paraît
teur de l'individu, sont reconnus à Fa par tous les informateurs, et des obser- suspect i. Par ailleurs, nous nous refusons à voir une garantie dans l'opinion
vations faites au Brésil les attestent également 2. wncordante de certains compilateurs+. Des remarques faites chez les Négro-
Il en est d'autres dont les auteurs font parfois mention, et au sujet Jes- 1\méricains, notamment ù Cuba, viennent à l'appui de cette thèses, mais
q uels les Bok:mà du Dahomey ne sont pas d'accord : il s'agit du rôle de Fa nous n'a\'ons pu en obtenir confirmation au Dahomey.
dans la procréation, signalé par Bouche, et dont Ellis fait un « attribut
secondaire J ». M~1is son affirmation : « lfa était probablement à l'origine le *
**
Dieu de la fécondation ·f ll, est donnée sans plus de base que celle de Crow- Comment distinguer, au milieu de l'imprécision des auteurs, les princi-·
ther reprise par Dennctt ' et par Talbot 6 • Peut-être repose-t-elle sim- pales caractéristiques de Fa? Et d'abord, est-il une divinité, un vod1i, appar-
6
tient-il à un pan théô'n ?
1. Faith, Fauries and Fetish or Yorub.1 Pa,i;1mism, Bei11,i; so111e llC(01t11! of the Religio11s Beliefs
of the W1'sl African .V1'grot's, parliwl.1rll' of the Yoruba Trifies of 5011/hem X(![eria. London, the fn1mer of the lrnm;rn body in the womb ». ·- DENNETT lui-même, i/1., chap. X\', p. 15 I:
Society for promoting Christian knowkdge. New York and Toronto, J\facmilbn, 1926, cc Edu thus is another form o( Eshu, the devil, or !fa, as procreator ».
chap. I\', pp. 35-36. - Melville J. et Frances S. HERSKO\'ITS citent ces paroles de devins 6. Op. ct't., vol. II, chap. 11, p. 33 : « Ifa ... is the god of palm-nuts, also of fecundity
d'Abomey : cc Fa is Mawu and Mawu is Fa». (An Oulli11e of Dahomean Relig·io11s Beliej, nnd birth ».
in Mcmoirs of the Arnerican Anthropological Association. ?v1enasha, nurnb. 41, 193 3, p. 51 ;
con1pte-n:ndu in Anthropos. St. Gabriel Modling, 1934, pp. 552-553.)
1 OI'
1. R. E. DENNETT, At the B.1ck .. ,oj1. cil., chap. XXI, p. 217: «The verb F11 is to clean
scr:1pe off... This idea of scr<lping off is con1wcted with the idea of creation bath in Xi,·ili
2. A. RA.\IOS, op. <il., chap. 1, p. 38 : (( lf1i e um orixd adivinho. 0 processo de <ldivinha- nud Bini ». lb., chap. Xll, p. 232.
çào corn este orix1i, usa do pelos feiticeiros ou baba/ads chama-se o/har com o Ifii ». Olhar 2. Une portonovienne dit à P. Bouc HE: « ... ils étaient trois qui m'ont créée : Obba/,i/a,

1
corn o ]f,\ est la traduction littérale du fà-gbe : yi Bob11ô /Jwe, bo yi kpà do Fao, vas chez le C/11111![0 et !fa». Cc sont, ajoute l'anteur, les« trois membres de la triade sacrée». (Op. cil.,
Bob11ô et \'as (au Fagba.rn du devin) regarder au moyen de Fa. - On sait que l'idèe d'un chnp'. vu, p. 113). En réalité, la femme voulait dire qu':J/111111/n et Cti,;'o étaient installés
(a/u111 s'appliqu<rnt ml:me aux dieux fut longtemps familière à la littérature grecque (Ho:nère,
Eschyle, Hérodote ... ), a\·ant de faire place à la conception de Zeus auteur de toute desti-
1 (tlv-ayi, posés sur la terre) dans la maison de son père av<lllt sa n:üssance. Quant à Fa,
n'importe qui peut s'en proclamer le lils : « Fa est notre père à tous n.
née. Cn111p., è1 -Rome, la déesse Fortune (Fort1111a Pri111igl'llia) representée comme la mère 3, Op. cil., chap. 1v, p. 40 : « Wh ile the chief function of Ifa is that of divination, he is
commune des dieux et des hommes, allaitant Jüpiter enfant et Junon. t1lso credited, as a second<1ry one, with th!! power to cause fecundity. Women pray him to
3. P. BoucHE, op. cil., 1885, p. 120: cc La fecond,nion est l'attribut spécial d'Ifa. Aussi be made fruitful... But, although !fa is supposed to cause conception, hc does not form
lui fait-on des offranJes a,·ant de se marier, afin de se le rendre frworable ; il préside aux the child i1I ulero, that being the office of Obatala ».lb., p. 43·
enfantements, et les femmes lui demandt:nt le privilège de la maternité. N'avoir pas d'en- 4. Ch. LE BRUN-RENAUD. J,es Possessio1tsji·r1uçnis1·s en Afrique Occidentale. Paris, L. Bau-
fants est réputé une honte». - A.B. ELLIS, op. cil., 1894, chap. 11, p. 56: ·" Ifa's secon- doin, 1886, chap. xvi~ p. 158. - J. TEILHARD DE CHARDIN. L.z G1ti11ù s11pilrieurc el ses
dary attribute is to cause fecundity : he presides at births, and women pray to him to be 1" Missions; étude géogmphique, social<' el 1't'ligimse ... Tours, Alf. Cattier, 1889, chap. \'Il,
nude fruitful ; while on this account offerings are always made to him before rnarriage, it p. 165 : " lfa est. .. le dieu ... dès mariages, de la maternite », - Dr Paul VIGNE
being considered a disgrnce not to bear children. To the native mind there is no conflict d'OcToN. Terre de Mortrsoudan l'i Da/Jo111ey). Paris, A. Lemerre, 1892, pp. 123, 218 et 232-
of functions between lfa and Obatala, for the former causes the woman to become 233. - Jules PornmR. Ct1111.pag1te du Dahomev. r81p-1894. Pn!cédie d'uue ,:tlllle _;'éographiq11e
pregnant_, \\·hile the latter forms the child in the womb, which is supposed to be a dl /Jistorique sur ce p.zys. Paris, L1v,1uzelle, 1895, ch,1p. u, p. 37 : cc !fa, ré\'élatricc des eve-
Jitkrent thing ;1ltogether ». On trouve ég;ilernent dans ELLIS des traductions libres du ncmcnts futurs, patronne du mariage et de la naissance 1>. .. cc Obatala, dieu de la génera-
,\[issionnaire Noi.'l B-HJDIN. Ce dernier écrit de Fa " il est le révélateur des événements tion ». - Edouard FoA. Le D.rho111ry, histoire, géog1«tf>hie, 111œ11rs, co11l11111es, r1111n11trce, i11d11s-
futurs, le patron du mariage et de la naissance '" (FJ/frhis111e el F/ticheurs. Lyon, Sémin. trie. Expéditions jr1111çaises (r89r-r894). Paris, Hennuver, 1895, chap. \'fil, p. 222 : « Ifa,
Jes Missions Africaim:s, 188_t, p. 30). - O. \VESTERMANN. Gollen·orstell1111gen iu Obeiyuinea, dieu du mariage et de l'accouchement ».
in Africa. Londres, vol. I, u 0 1, Jan. 1928, p. 193 : « Obatala bildet aUch <las Kind im 5. F. ÜRTIZ, op. ~it., chap. II, p. 58: cc I(ti, que es el revelaùor de Io oculto y el p;ltrono
:'.11uttèrleibe, nach dem die Empfangnis durch den Gott ifii \'Orangegangen ist ». P. 194: « Ifa de las relaciones sexuales y del parto ». - Jacques RAIMUNDO. 0 Ele111mlo Afro-Negro 1111
ist ... ausserdem Gott der Fruchtbarkeit 11nd er ,·ernrsacht die Empfangnis im Mutterleibe "· Liugua Portug11es11. Rio de Janeiro, Renasc'ença Editora, 1933, Vowb111drio, p. r 34: « ljii, sm.
~· Il>., chap. 1\-, p. Sï. O ultimo dos três grandes orixas, o revelador das coisas perdidas ou ocultas, o patrono <las
5. S. C1wwTHER, np. R. E. DENNETT, op. cil., chap. vu, p. 81 : « Orishala, Bishop Cro\V- relaçôes amorosas e do parto. Do ioruba ijû ».
ther says, is another name for Obatala, whom he calls the Great Goddess(?) of the Yoruba, 6. KEHREN, «Missionnaire à Zagnanado >>, le définit de la façon suivante : « Fa est un dieu
Cf. note 6, page 9.
ro LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES DEFINITIONS 1I

La plupart des devins Bobnà déclarent que Fa est << comme un vodü >>. q11'lls ont mangé leur interdit; il révèle tout. Les vodrt n'agissent pas de la
Il leur est aussi difficile d'affirmer qu'il n'en est pas un que de démontrer 11ol'tc. Les vodiï aiment tuer. Les vod1i sont cruels; en tout cas ils sont vio-
le contraire. Il est vod1i dans la mesure où il est inconnaissable ; mais il n'a lonts. Fa n'est pas comme eux : il est comme un homme bon plutôt gue
pas certaines propriétés des vodtZ, celle surtout de posséder, de faire entrer comme un vodü; il est humain. C'est à lui que les vodii, vie~rnent deman-
en transes, d'affoler momentanément ses adeptes 1
• Fa n'a jamais rien de1· conseil, car il est comme un bienfaiteur. Ceux que frappa ce côté humain
accompli de semblable et son culte ne comporte ni érection de séminaires HOllt amenés à classer Fa à part, à ne pas l'intégrer dans la catégorie des
(h1tf(pams) ou de temples (vodii-hwe 0 ) , ni cérémonies en des lieux publics. votl1i, en tout cas à le faire participer moitié de l'homme, moitié d'un vodii ...
Citons, parmi des réponses de Bob11à : Fa est le messager de Dieu ... - Cet aspect humain de Fa a retenu l'attention de nombreux devins : fa
Fa est un vod17 secourable, qui sait tout, qui voit tout, qui est proche par- tlHt un vodi"i, mais il n'est pas comme les autres vodtt : il dit la vérité ... -
tout. .. - Fa n'est pas un vodiï : il est de la classe des organisateurs du Fn, dit le Ziimï, " roi de la nuit » de Porto-Novo', n'est pas un vod1t. Il
monde ... -- Fa n'est pas à proprement parler un vodti : il tient le milieu n'est pas non plus un'e personne ... Un autre jour, le Zimà dit : lorsque
entre les divinités et les humains ... - Fa est une chose avec laguelle on 1'011 a chez soi son Fa, on a aussi son vodti personnel. . . - Certains
découvre les secrets. fa est le chef (the leader, précise l'infor111ateur) de disent gue Fa est un vodti. C'est faux, car tout est clair en Fa. Par ailleurs,
tous les vodii : il les corn mande tous. C'est à lui qu'ils demandent la per- le vvdü fait l'objet d'un culte public, Fa est individualisé. Il est vrai que
mission de faire quoi que ce soit. .. - Beaucoup de Bolmzô disent : Fa est Lagba, gui est aussi individuel, est un vodü, puisqu'on le nomme hù da/Jo,
comme les vodTt. Car il n'est pas tout à fait de leur catégorie. Il dit tous les le ornnd (au sens de: puissant) vodti ... Un autre jour, le même informa-
ri ' .
secrets, il explique tout. Il dit par exemple, à ceux gu'un vodù harcèle, leur déclare : fa est un vodit personnel. Quand on a son Fa, c est comme st
l'on avait son vod1i à soi, chez soi. Lorsgu'arrivera,le moment de l'adorer, on
11ccomplira la cérémonie personnellement et individuellement, et l'on sera seul
de second rang par son ongme, mais des plus honon!s : il est chargé par le jupiter des
Noirs de révéler ù ses dévôts les choses cachées, les secrets de J'a,·enir, l'issue heureuse ou ;\ connaître avec précision i1 qui l'on s'adresse ... - Fa est le meilleur des
malheureuse d'une affaire commencée ou à entreprendre ... Aucun ne laisse passer un évé- vodù: il est tout désintéressement et ne trompe jamais. Il est éternel, alors
nement de quelque importance sans en référer ,\ Fa '" (Le Dieu Fa, in Écho des Missions quc les amulettes n'ont de valeur que temporaire ... - La faculté d'inves,-
Africaines de Lyon. Lyon, 3e ann., no 1, janv.-fév. 1904, p. r 5). - Leo FROBENIUS résout la
question d'un trait de plume ( Uud Afrika sj>rach .. , 1. Bd., Au( den Trii111111em des klassischen
tigation de Fa est illimitée : son attention peut se porter même sur la pensée
Atlantis. Berlin-Ch., Vita, Deutsches Verlaghaus, 1912, chap. xm, pp. 254-255): cc der grôsste et sur la vélléité •.. - Toute 'chose, toute difficulté, si .pénible soit-elle,
Teil dér eingeborenen Leu te, sowohl das Ornkd ais den Gott, an den es gerichtet ist, mit Fa «se calme »au contact de Fa; guelle que soit sa gravité, - sa «chaleur»,
bezeichnen. Und doch kann kein Zweifel darüber herrschen, dass ein eigentlicher Gott Ifa gar
- elle se fera légère et fraîche. Fa est ce qui remplace Dieu pour nous, ce
nicht existiert. « Ifa » heisst : « Palmkern »... Ifa ist nichts weiter ais die Erfüllung des Kau-
S<tlitiits Bedlirfnisses, eines Strebens nach konkreter Konzcntration einer Welt, die die Einge- que nous interrogeons pour connaître l'avenir. Il ne ment jamais ... ~Fa
borenen niclit mehrverstehen. »lb., pp. 258, 270: « Ich betonteschon, dass Ifa eigentlich nur est lumière, dit-on souvent, car il édaire les hommes. Il est le révélateur
« Palmkeroe" heisst, dass Ifa jedeufalls nicht ais Gott entstanden ist, sondern mehr ein 3
des choses cachées 2 ••• Fa ne se dissimule pas: il tend ses mains ouvertes ...
Orischasystem oder die Gruudlage eines Orischasystems darstellt '" - Cf. E. F. GAUTIER.
L'Afrique uoirt occidmtale. Paris, Larose, 1935, p. 122.
1. Infra, chap. m, p. 59 sqq. - On dit pourtant que des prêtres de Fa sont possèdes, 1. Il exerçait ses fonctions depuis 1900 en\'iron, et fut imposé par le roi 1oftt. Vieillard
dans des circonstances exceptionnelles. Il s'agit en réalité de rêves faits par certains d'entre 11ffable et spirituel, il guida nos premii:n:s recherches avec une patiente intelligence dont
eux, surtout à l'époque oü ils sont élèves; obsédes par l'érnde, ils reçoivent en rêve des nous le remercions amicalement.
instructions spéciales. On en donnera uu exemple plus loin, cbap. IV, f. Le rhe de YA WOICA. 2. Mais l'a n'est pas comparable au soleil. Contrn, H. E. DENNET'I'. Nigerian Studi.es.
2. L. FROBENIUS, op. cil., I. Bd., chap. xm, p. 25 5 : cc Man kann im ganzen Lande der I.ondon, Macmillan and Co, 19ro, chap. xv, pp. 150-151. - A. B. ELLIS, op. cil.,
Joruben von Nord nach Sêid, von Ost nach \\lest aile St:idte absuchen, und man wird weder chap. xv, p. 29 5 : " lfa, as the god of prophecy, and the being who wards off evil and
einen Altar des Gattes Ifa, noch eine barstellung des Gattes Ifa, noch einen Menschen n!Tords hdp, ressembles Apollo, who, in Homer, is perfectly distinct from the sun-god,
finden, der sich ais Sohn des Orischa Ifa ausgeben kann. ffa ist ebenso wenig ein Orischa though identified with him in later times ».
wie Egun oder Oro oJer Ossenj '" Cenains d~vins parletJt pourtant de temples anciens en 3. Cette dernière phrase est du vieux devin Hùjajàn11, qui se réfugia à Bopa après la
pierre dans la région d'Ifé, en Nigeria. prise d'Abomey (17 nov. 1892), pour y· achever sa vie.
I2 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES DEFINITIONS I3
Nous nous sommes efforcé , d'obtenir une précision plus grande en bien ni 1hal. Il est impartial : .il informe, et son rôle s'arrête là. En pratique,
demandant à certains informateurs quelle image évoquait en eux l'audition l~s renseignements qu'il drn111e permctte~1t à l'homme de se tenir sur ses
à brûle-pourpoint du mot Fa. Voici quelques réponses. 1-{!ll'lles, et par là il fait le bien. Si celui qui le consulte demande assistance
Je me représente les cérémonies de Fa, la venue des consultants ... - un agresseur, visible on non, Fa recommandera· certains médicaments
l.!Olltl'C
Je revois un vieux Bok:mà très bon qui fréquen,tait chez mon père ... - 111ngiques qui, en saLffant le consultant, heurteront son e111{emi. L'impar-
Vérité, chose qui dit la vérité, chose invisible que Dieu a créée pour dire tlnlité de Fa consiste donc, en définitive, à renseigner et à assister également
le vrai. Car il ne veut pas que ses enfants restent dans les ténèbres ... - lOllS ceux qui font appel à lui, ~1 ne favoriser personne. Cette attitude inlrn-
Puisse tout être apaisé, frais, adouci !.. - Les ténèbres se dissipent. Tout maine lui est parfois reprochée, en des légendes notamment.
ce qui semble obscur ~ux hommes, Fa le dérnile ... Dès que j'entends : Fa, ' Fa ne juge pas. Il est un agent <le renseignements. Attaché :1 ce· qui lui
je pense à Gbaadu 1
• est de1mndé, il ne pone que des jugements de réalité. Il ignore la légalité
Le Bvbnà Gzdzgbe, à Abomey, le plus grand devin du Dahomey, dont la et les jugements de:(hommes. Ce n'est pas qu'il soit, comme certains le
réputation s'étend au loin, nous dissuada d'entrer dans le détail : «tous les pensent, amoral : il est divin. Il est le ,·éhicule de la \'Olonté divine, que
Bvbnà s'efforcent de définir Fa avec pompe. Chacun cherche une définition 11enl il ré,·èk sûrement.
qui intéresse, qui intrigue. Mais moi, quoique Bvb11iî, je ne me risquerai Pourtant, on reconnaît à Fa une compréhension dont les 1:od1i se montrent
pas à définir ! Seule la nature miraculeuse qui a créé Fa pourrait en parler incapables. Fa n'est pas une force naturelle. Il est la sollicimdc de Dirn
savamment». pour sa création. Exempt·des passions aveugles des ·uod1i, il rejoint e11core
l'inhumain en refusant de se soumettre aux hommes : une bon11e consulta-
Le côté contradictoire et souvent superficiel des réponses citées montre tion ne s'achète pas. Il est a\·lsé, néanmoins, de faire des S<Lcritices ~1 Fa, par
du moins que les devins admettent, une fois pour toutes, l'existence de Fa et analogie avec les autres cultes, pour plaire, pour apaiser, pour entretenir les
ne se posent pas de questions sur son identité. Le culte de Fa est en effet bons rapports. Mais il ne faut pas confondre Fa ayec k l.·pali ou le signe
assez stable pour que le prêtre n'aie pas à démontrer la réalité ou l'efficience issu d'une consultation 1

du dieu 2 •
Il va de soi que Fa est invisible. Néanmoins, certains devins fanfarons
Nous retiendrons que Fa est spécialisé dans la fonction d'information ou imbus de n)agie preten<lent pouvoir, grùce à l'absorption de medica-
individuelle. En principe, il ne constitue à aucun titre une arme magique ments, se donner la vision de Fa dans leurs songes. Les descriptions sans
offensive mise à la disposition des devins ou de leurs clients, et ne fait ni intérêt qu'ils font de ces r~ves nous invitent ù la méfiance. E11 rbilité,
1. Voici une définition rédigée par un instituteur de Savalou : Fa est une substance
lorsque le devin consulte Fa, il manipule les objets divinatoires..> : le rôle
incorporelle, ayant une existence propre, distincte, la conscience d'elle-m~me, et à laquelle de Fa est à ce moment de favoriser la disposition de certains d'entre eux,
Mawu a confié l'art de prévoir l'Jvenir sans jamais se tromper. - Gbaadu : cf. infrn, de telle sorte que leur réponse soit adéquate :\ la que,tion posée par le con-
chap. IJl, pp. 84-1 r r.
sultant. Ce que l'on perçoit, au cours de la consultation., c'est la manipu-
2. C'est la raison pour laquelle, sans doute, Fa semble n'avoir pas eté « catholicisé »
assimilé à un« saint». Cf. F. ÜRTIZ, op. cil., chap. Il, I'· 59: « Nina Rodrigues no cita eÎ lation de la noix de palme ou d'un chapelet; mais ces objets ne sont pas
santo catolico asimilado a l/ii, ni yo he podido ;weriguarlo. Probablemènte los negros no Fa.
encontraron entre el sinnt'lmero de santos profesionales uno que pudiera satisfacer sus deseos Le principal secret, celui de l'existence de Fa, n'ayant jamais été dévoilé,
de conocer el porvenir y las dem;\s cosas ocultas ». - Pourtant A. RAMos, en 1934, cons-
tate 1:assi111ih1tion d'/j.i avec le « s;1int sacrement" des catholiques, np. cit., chap. v, p. 122. on conçoit sans peine que celui des manipulations, des recettes, des, ta lis-
Do E. CARNEmo, op. cil., 0 Sincr<'lismo Rez1:i;iosn, p. 155. Cf. surtollt M. ]. HERSKOVITS.
A/rican Gotls and Catholic S.iillts in Ni•w TVorld N~i;ro Belie(. American Anthropologist. 1. Infra, chap. vr et v11.
Menasha, new series, t. 39, 11° 4, Oct.-De~. 1937, p. 635-643, Ifa, p. 642. ·-Pour protester 2. Infra, chap. v. - Les anciens Romains donnaient ù cette sorte d'observation proYo-
contre les propos de ~ertains Missionnaires qui ravalent volontiers Fa, même dans leurs quée le nom d'ampicùi (.111spicia impelr,1/il-11), par opposition aux ,wg11ri,1 où l'objet de
.!crits, au niveau du fetichi:m1e le plus barbare ou le plus criminel, on dit souvent au Daho- l'observation (oiseau, p. ex.) se prt!s~nt<IÎt spontanément. Les deux termes finirent par se
mey que Fa est égal on s;.ipérieur au Christ. confondre.
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES .DEFINITIONS

mans, de l'enseignement général des futurs devins, ne soit pas exigé rigou- divinisé ou même d'un sim ple 2 messager ', Fa ne serait pas un message, ou
reusement. Trop de mystère finit par troubler l'esprit. Si les devins gardent le message par excellence, pe quelque divinité suprême, dont il constitue-
parfois jalousement leurs connaissances, c'est surtout pour éviter les concur- rnit le mode d'expression; en d'autres termes, s'il ne serait pas la parole
rents. Et aussi par peur : chaque fois que des informateurs nous ont fait d'un grand 'i!odiï, du grand .vodiï, par quoi celui-ci transmettrait ses ordres,
sentir que nous allions trop loin dans notre enquête, il ne s'agissait plus de exprimerait sa \·olonté, éclairerait ses créatures sur ses intentions, c'est-à-
Fa stricto sensu, mais d'un signe des magiciens noirs, ou de Gbaadn ', ou dire sur leur destin. Dans ce cas, chaque consultation se décomposerait
de la préparation d'un charme. Et nous ne parlerons pas de ce parti-pris de comme suit : une question posée par le devin, au moyen d'objets consacrés
mystère qui trahit l'àpreté :m gain. qu'il manipule, et un Fa ou réponse écrite, dicté par la divinité aux mêmes
objets, qui auraient la double fonction d'émettre et de recevoir. Le Fa
La question : Fa est-il un vod1i ? pose celle de la dualité du rôle de Fa. Fa serait ainsi, non le messager, mais le message même du grand Dieu ;
est ouvert à tous ceux qui sont inquiets de leur sort; ils \'Ont aussi som·ent chaque message de célui-ci serait un Fa et chaque Fa serait la parole du
qu'ils peuvent chez le devin, qui consulte pour eux et transmet la réponse grand Dieu, de Mawtt 2 •
de l'inconnaissable. Fa donne aussi à l'homme la ré\·élation unique du des- Cette façon de voir reçut l'approbation des meilleurs informateurs du
tin de son existence tel que le dieu créateur le conçut en l'envoyant sur
terre; cette révélation capitale a lieu au cours d'une cérémonie nocturne, /iq11es et l'œ11vre de civilisation. Co11/ére11ces do1111t'es a l' fostitut catholique de Pirris, 1927-1928.
Paris, Blaud et Gay, 1929, Aspir.1/io11s religieuses des non-civilises, p. 53.)
dans le bois consacré à Fa 2, et l'initié est alors admis :1 se constituer un I. Comparer avec cette invocation au sikidy malgache : « ..• Tu n'as pas d'yeux, et cepen-
Fa personnel qui n'est autre qu'une Cune extérieure. dant tu vois; tu n'as pas d'oreilles, et tu entends; tu n'as pas de bouche, et tu parles ...
On peut donc distinguer un Fa de tout le monde, qui n'entre pas à pro- Car ... tu perçois ce que je ne puis percevoir, titant le messager de Dieu, son fidèle inter-
prète». (Histoire physique, 11aturelle el politique.de Madagascar, pub!. par A. et G. GRANDI-
prement parler dans la catégorie des grands cultes publics, mais répond en
DIER. Paris, lmp. Nationale, 1917, vol. IV, Eth110/ogie, t. Ill, p. 499. lb., pp. 495-496).
consultation, par l'intermédiaire des prêtres-de\'ins, à tous ceux qui l'inter- 2. L'hypothèse d'un langage de la divinité, d'un message de l'inconnaissable, est d'ail-
rogent; et un Fa (ou signe) individuel, objet d'ün culte privé rendu par leurs présentée par deux auteurs, comme nous devions l'apprendre plus tard. J. D. CLARKE,
· Superintendent of Education en Nigeria (Prov. d'Ilorin), nous écrivait, en juin 193 5 :
chaque initié au symbole de son âme extérieure.
« You say «!fa is not a vod1i •>, that is, orisha in Yoruba, imale. in Ekiti. I think that Epega
Le grand Fa est-il dieu ou héros? Connut-il l'apothéose, comme tant de was right on that point, for he is supported by Lijadu. They both say that Ifa is uot a
vodlt, à la suite d'un suicide ou d'un meurtre ? La légende, au Dahomey du spirit or orisha, but is the messages or words Orunmila sent by him to the enquirer,
moins, nous éclaire fort mal à ce sujet, et nulle rech~rche sérieuse n'a e1;core through the Babalawo; that every such message is an !fa. That is an attractive explanation
of the problem and I believe it is right, but I que$tioned my Babalawo ou the point again,
été faite en Nigeria i.
and he maintained that lfa was an orisha just as E~u,. ~ango, and al! the others '" -
Après avoir interrogé maint Bob11ô, et spéculant sur l'origine orientale Rcportons-noll5 à la courte brochure du Rev. D. ÜNADELE EPEGA. The mystery of Yoruba
de Fa 4, on peut se demander si, au lieu d'une divinité en soi, d'un héros Godr. !mol~ Oluwa Institute, Ode, R~mQ, Nigeria, Lagos, The Hope Rising Press, 1931,
chap. 1v, p. 12 : cc (a) The received iP.struction from Qrumnila is called Ifa. (b) A kind of
1. Infra, chap. m, pp. 84-111. Palm Nuts which Qrunmila recommended for use in divination and as the object (represen-
2. Infra, chap. v11. ting Qrunmila) to be worshipped are also called Ifa. The Babalawos (fathers of Mysteries)
3. Certaines traditions yorouba font de Fa un ètre humain déifié après sa mort. Les noms are disciples of Qrunmila or, as commonly called, Ifa priests >>. lb., p. 39 in fine : cc Evcry
des dtt seraient ceux de ses seize disciples. (OrnstLE KERIBO. Hislory of the Gnds, p.1111phld interpretation of !fa as produced by the babalawo is regarded as haviug proceeded direct
p1·inted by tbe Egba Govern111e11l Press, August 22, 1906, p. 19. - Cf. aussi un article from Qrunmila '" EPEGA complique, semble-t-il, le problème, en faisant d':Jrtlmila une
intitule Tfa et signé F. S., in Nigerian Chronicle, March 12, 1909. Ces deux textes sont cités di\'inité supérieure à Fa et distincte néanmoins du Dieu créateur, alors qu':Jnimila est presque
par R. E. DENNETT, Nigeria11 Studies, op. cil., chap. v111, pp. 88-89.) unanimement considéré comme un nom honorifique de Fa. Mais il n'y a là qu'une question
4. L'interprète en retraite Leandre MA RTJN, de Savalou, nous a donné cette intéressante de terminologie, qui ne l'empêche pas d'unir cc 1. Odudua the Aja!Qrun and Olodumare,
définition abstraite : '' Le Fa, à proprement parler, n'est pas un vod1i ; c'est une scit'.ncc 2. Qrunmila and 3. Ori~a-nla. These three are one and act in concert. They are Supreme

naturelle permettant de deviner l'avenir, et que les hommes ont rangée parmi les cultes'" - Beings and do not come among the 401 Imalçs. The ... Imalçs are their messengers ».
Le Missionnaire Fr. AUPIAIS, qui laissa au Dahomey des sou\'enirs que beaucoup d'Européens (Chap. v, pp. 19-20.) - Cf. aussi F. AUPJAIS, qui n'a pas spécialement étudié Fa (loc,
peuvent envier, considère aussi la consultation de Fa com1ùe une science. (Ll's Missions Catho- cil., p. 5 5, n. r) : "Fa serait Dieu lui-même, selon quelques Indigènes ».
M

r6 LA GEO~IANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES

Dahomey, et notamment de Gedsgbe, à Abomey : « Fa Gbz wi! do t::i, Fa est


l
~t
~
!il

1
DEFINITIONS

chée à l'allié mortel, accaparée par lui. Fa, plus que les capricieux vod1î des
r7

celui qui transmet le message (wè) de la Vie, de 1\1aw11. » B i:ultes publics, satisfait ert l'homme le besoin de sécurité, de certitude. Il
~~
Fa serait ainsi la voix de Dieu (M11w11) \'ers son peuple. Il serait comparable ~
i4 devient, comme un ancêtre, l'intime témoin de l'être qui le possède.
au fatum inéluctable des mythologies gréco-latine, s'imposant aux dieux fl
Il D'où la tendance de certains auteurs à classer Fa dans une catégorie des vodü
l11êmes. personnels, à ne voir en lui que l'objet d'un culte individuel On peut en 1

Mais une vision abstraite de Fa ne saurait satisfaire les ambitieux qui effet admettre que si Fa est la réponse, le message du créateur à chaque être,
tiennent à imposer leur volonté à l'inconnaissable, - Bvb11ô trop influen- il y a lieu de voir, dans l'ensemble des connaissances et du rituel de Fa, un
cés par la magie, voire par la sorcellerie~ - ni la masse, dont il ne con-
tente pas la flambante imagination. D'où la création d'une luxueuse hété-
1 nspect individualisé du culte du grand dieu.

rodoxie, où deux cent cinquante-six petits dieux, - les signes secondaires En résumé, le point de vue de la masse et celui d'une élite de dedns
de Fa, - introduisent leur perpétuelle trépidation. Il ne s'agit pas de déterminent deux déh.nitions différentes de Fa.
deux cent cinquante-six réponses stéréotypées, telles que chacun pourrait Selon la masse, il est considéré à la: fois comme un dieu en so_i, et comme
les trouver dans un dictionnaire, telles que les présentent certaines nomen- un ensemble de dieux : les signes. Doué d'omniscience et d'ubiquité, il est
clatures arabes, voire certains charlatans d'Europe Ce sont de vrais voda,
1
• de plus infaillible et ne dit que le vrai. Bienfaiteur des hommes, à qui il
espiègles, instables, violents, parfois sanguinaires, mais que leurs contradic- révèle en consultation la source de leurs en nuis et, dans la forêt sacrée,
tions et leurs folies rendent plus proches de l'homme. leur destin, il est le soutien de ceux qui désespèrent : il rend confiance en
L'humanisation de Fa, qui constitue à certains égards une régression, la vie.
eut au 111oins un résultat pratique : celui d'éterniser son culte, en rejetant Selon les rares informateurs qu'une certaine _austérité de pensée n'effraie
tout risque d'erreur sur les devins. En effet, imaginons les réponses de Fa pas, Fa est le message même du plus 'haut principe divin, de Maw11. Il est
codifiées dans un livre ou dans la mémoire des Bvb11iJ : toute erreur met- un mode abstrait d'interprétation ou de révélation du passé ou du futur,
tra en cause, non le devin, mais la divinité qui révéla les réponses. Au con- mode indirect, déductif, par quoi le consultant reçoit, grâce à l'entremise
traire, si l'on voit en Fa un personnage inachevé et multiple, affublé de d'un spécialiste, la réponse au problème qui trouble son esprit. Par dessus
masques changeants, on 'imputera les erreurs d'interprétation ù la négli- tout, il ouvre. à chaque homme l~ possibilité ~'entendre de quel destin
gence ou à l'ignorance des devins, et l'infaillibilité de Fa ne sera pas atteinte. Mawu avait marqué son ·âme, avant de l'incarner sur terre, et de rendre un
Or, il ne faut jamais« faire honte à un vodü ». culte à cette âme. Il ne s'agit plus ici de divinité secourable. Fa n'est pas
De nos jours, on critique très librement l'âpreté au gain ou l'incapacité une divinité : il est la voix de Dieù. Fa n'est pas secourable : il enferme
de certains Bo/{::intl. Si l'explication qu'ils donnent d'un signe-réponse ne l'homme dans son déterminisme 2 •
satisfait pas, on n'hésite pas à soumettre le même signe à un autre devin,
J. A. LE HÉRISSÉ, op. cit., chap. v, p. 137.
surtout s'il s'agit de la cérémonie, unique dans l'existence d'un homme, où
2. Citons, pour la récréation du lecteur, F. BUTAVAND. Éludes de Li11guisliq11e Africaiur-
le consultant est mis en face de son destin, cc reçoit son Fa », symbole de Asiatique Co111parée. Dahoméen - Agni - Volof - Serère - Mandé - Haoussa - Peul -
son âme extérieure et de son esprit tutélaire, dans la forêt sacrée. Nupien - Ba11to11, etc. Par.is, Adri.en Maisonneuve, 193 3, pp. 10-11 : « On a été conduit
La possession d'un signe de Fa est conçue comme une alliance avec une à admettre que dans les mots en a le radical avait primitivement la signification de main
ou rle pied. Les analogies du chinois et de l'annamite corroborent entièrement cette hypo-
di\finité non seulement omnisciente et tutélaire, mais personnelkment atta- thèse. Voici quelques exemples qui ne laissent aucun doute a ce sujet:
ann.
I. Nous faisons allusion à L'Oracle des Dames et des Demoiselles, au Napoleon's boo/1 of Fate afa, génie sagesse » phât, Bouddah
et à d'autres écrits de mème encre. Cf. R.F. BURTON, op. cit., chap. xn, p. 3 3 5. - L'obser- aja, destinée » phan, destinée ».
Yation a êté faite à Cuba: f. ÜRTIZ, op. cil., chap. v, p. 280: « Tambi0n favorecici la difu- P. 19, l'auteu;· souligne cette· découverte : « Afa, le génie de la sagesse et de la divination,
sicin de las supersticiones adivinatorias en general, en este aspecta, h1 circulacicin de abritas dont les prêtres pratiquent la magie. Afa n'est autre que l'ana. ph(lt (pr. fa) qui désigne
dè literatura nociva procedentc.;s de Emopa, como Los Misterios de la Mano . ., Ortic11lo de Bouddah '"
Napoleon, etc .. ,, Ib., p. 269.
LA GEOMA~CIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES DEFINITIONS 19
. l
On entend dire aussi qt~'il possède quatre yeux, deux devant et deux der-
rière '.
lcO}.;OGRAPHIE DE FA. SA FILIATION.
Ces représentations, --7. que les informateurs ne livrent pas spontanément
et dont ils ignorent souvent l'origine, - s'expliquent à la façon des devi-
La tendance à anthropomorphiser est peu développée au Dahomey. Une nettes, et reposent sur une assimilation avec le fruit du palmier à huile
motte de terre, une poterie spéciale, une couleur, des espèces végétales ou dont le devin manipule les noyaux pour trouver un' signe. Lorsqu'il est
animales, symbolisent les vod1i mieux qu'une statue, et il ne s'agit nulle- mùr, le fruit est rouge et charnu, et chacun sait qu'un fruit est invertébré.
ment là d'incapacitl'.· artistique. Une fois la pulpe prélevée, la coque de la noix apparaît fortement sclérifiée,
Fa, de l'avis des meilleurs devins, n'est pas susceptible de représentations, dure et noire. Enfin, si l'on casse l'endocarpe, on aperçoit la graine, sous
anthropomorphes ou autres'. On peut tout au plus le comparer à diverses un mince tégument"d'un blanc carné ou d'un blanc jaun~ître. Par ailleurs,
entités, - le plus souYent à la vérité, - ou à certains objets, - ceux qui les noix de palme sont marquées de trois ou quatre « yeux >> noirs (de-lû
forment la base de son culte : noix de palme, palmier spécial, - ou encore à n111ni), les pores. Et si l'on parle de tatouages (!nus), c'est que leurs coques
quelques animaux qui symbolisent la puissance et dont on retrouve la trace présentent des côtes lo1igitudinales dues à l'adhérence des fibres. Les con-
au nombre Je ses noms honorifiques, à l"déphan t surtout 2 • teurs joueront indifféremment avec ces images, et les non-initiés ne com-
On le décrit parfois comme un être rouge, mou, désossé, sans consis- prendront pas. Jusqu'au jour où l'on demandera aux hommes blancs le sens
tance, ne pouvant marcher ni même se tenir debout, mais, à cela près, en de comparaisons devenues sybillines !
tout point semblable à un homme. Dans divers contes, Fa est décrit comme un homme qui passe. Il est sus-
Certains croient que Fa est de couleur blanche, d'autres qu'il est notr. ceptible de parle!', de commander, de donner la vie. Mais chacun sait que
les contes de Fa sont multiples e't contradictoires. Il n'en faut retenir que
1. Le goùt du sensationnel et l'obsession de la sexualité, qui attirent maint pseudo- la conclusion, qui s'adapte ù un cas précis comme la morale d'une fable.
ethnographe vers l'Afrique, ont fait écrire à P. V1GNÊ n'OcTON : "Les babbah10s, prêtres Quant au maté1;iel divinatoire, - noix de Fa, plateau, chapelet, sac du
d'Ifa, et les adorateurs d'Elegbar promenaient le phallus de leur dieu et la vul\'e de leur de\:in, asê divers, - il n'est, dans l'esprit du pltis humble des consultants,
dl:esse sur tous les membres du malade, puis fichant aux pieds du tara ces attributs
obscènes » .. , etc. (Op. cil., p. 136.) Pure imagination ! - Il n'existe pas non plus de qu'un intermédiaire. Il n'est pas perçu comme etant Fa, même partielle-
masqües de Fa au Dahomey. Cf. it ce :sujet Capt. Frederick William Burr-THOMPsoN. ment. Il compose un ensemble d'objets que Fa peut animer, et qu'il
West Africau SeC/'t'I Societfrs; lheir org,wis(l/io11, officiais a11d teac/1iug. London, H. F. & imprègne de son invisible et provisoire présence.
G. Witherby, 1929, chap. \',p. 83. - Abbé Emmanuel DESRIBES. L'Éva11gile au Dahomey
et â la câte des Escl1wes, ou Histoire d,•s ,\Jissio11s Aji-icaines de Lyo11. Clermont-Ferrand, Imp.
Il n'existe pas, à proprement parler, d'image précise à caractère géneral
Meneboode, 1Sn, liv. VII, chap. III, p. 363: cc Tous les ans, après la récolte, on consulte dans l'esprit du sujet parlant qui évoque le nom de Fa.
lia, dieu de la fortune, pour sa,·oir quel sacrifice sera le plus agréable au (masque fétiche)
gélédé ». - M. DEL.-\FOSSE. Le Trô1w de BJh,111zi11 et les portes des Palais d'Abo111é an Musée
Les avis sont très partagés quant à la filiation de Fa. Il est commode d'en
Etlmogmphiq1œ du Troci1déro, in La Nature. Paris, n° 1090, 21 avr. 1894, p. 3 30: cc J'ai tom
lieu de croire que la figure bizarre sculptée au-dessus d'une antilope sur le plateau inférieur de faire le fils du grand Dieu (Mawu.-vi, 5$-vi) : puisque toute la création est
l'une des portes, et qui doit représenter un masque composé d'un nez et de deux yeux, est
le symbole d'Afa: les prétres de ce 1•otlo1111, en effet, se couvrent sou,·ent la figure d'un
masgue analogue, lorsqu'ils se préparent à consulter l'oracle». - Le Mo11de Coln11i11l Illustré. 1. Un /lobwJ portonovien nous dit: cc Les vvd1i sont des, êtres faits comme nous, avec des
Paris, n° 4), mars 1927 : sur une photo illust. un article intitulé Le n'.~io11alis111e 1111 Dahomey, yeux, de la chair, etc ... Fà seul n'est pas comme les autres. Il a en effet quatre yeux, deux
par X, p. j7, on lit : cc Masques, en yorouba guélédé ». Le gshclë, pas plus qu'un autre devant et deux derrière. De plus, il marche ù reculons. Je l';ii vu en rêve: il n'a pas d'os;
masque, ne concerne ni Fa, ni les ·l'Odli. Ce nom désigne, nous dit un cc lettré 11, une « ins- sa couleur est noire, il a deux bras et deux jambes, deux mains et deux pieds. Sur ses
titution carna\·.1lesque, une association récréatii·e dont les Nago de Kétou répandirent l'usage. joues sont gravées les quatre marques des Yorouba. Je l'ai vu drape dans un grand pagne,
Néanmoins, les participants se cachent pour <1pprendre leurs chants et détiennent des gri- sous lequel apparaissait une robe toute eu perles. Et il tenait à la main une queue de cheval
gris ».(Pl. Ir, A). (s:m). Il n'avait ni sandales ni parasol. D'ailleurs, n'importe qui peut voir Fa : il y a des
2. I11fn1, noms honorifiques, pp. zo-26. préparations à cet effet. On peut alors lui parler directement et recevoir ses réponses •.
Institut d'Etb11ologie. - Bcrn;trd MAUPOIL. 2
,- '

20 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES DEFINITIONS 21

son œuvre, on ne risque pas de se tromper '. Mais on ne peut donner r. Le nom honorifique de Fa le plus répandu semble être :Jru111ila ou
aucune précision 2 • C'est ainsi que le Zit1tc!, à Porto-Novo, nous déclara un :Jrômila (prononcé souvent :Jlümila et :Jlômila). Il se décompose, selon
jour que Fa était le troisième fils de A1awu, et se démentit plus tard en G;dEgbe, en :Jlà-mi-ala (Y), et signifierait : Dieu (:J!:Jrù) nous sauvera, donc :
affirmant que Fa était « comme un fils » de Mawn seulement: Mawu, Dieu seul sait ce que nous serons demain 1 • Le mot est cité par de nom-
ajouta-t·il, a créé et inscrit à Ife l'ensemble des signes de Fa. Mais il n'est breux auteurs, et a franchi l'Atlantique avec les Noirs esclaves 2 •
pas à vrai dire le pere de Fa. 2. Agbàmilegu ou Akaogn/:Jgbô (Y)! Tu as donné à Gu la connaissance.
Selon certains, Fa serait le fils de deux femmes. Veut-on insister par là Almzi!:Jgbo (Y) ! Tu nous as donné la connaissance, l'instruction.
sur sa nature miraculeuse? Veut-on éloigner l'idée d'une participation au Nom très courant, usité par les Yorouba et les Fon.
« péché originel >> ? 3. Kpettt (F), courant parmi les mêmes peu pl es, entre en corn binaison
D'une façon générale, on ne lui connaît ni frères ni sœurs. On lui prête avec d'autres noms' et peut donner dans certains chants : Kpetu Agbàmilegu,
parfois des femmes, « car il n'est p~s bon qu'un homme vive seul». Fa Ajina Kpetu, ou Kpetu Ajina Gbogbo '·
Il faut se résigner à ne trouver associés à· Fa que divers vodù qui, selon L'expression kpetu rappelle une légende du signe Lrû;-Gbe : celui qui
de nombreuses informations, composent son chœur, et dont nous retrou- dépend de ce signe a beaucoup d'ennemis, mais ils seront sans force contre
verons les noms : LEgba, Kènesi ', Na, G11, Ags, Ali (le chemin), Ayizà, lui, de même que le fusil (tu) ne peut rien contre les pierres ou les mon-
Duwo, Kiti, xahpa-Lisa.
ley Bras., 1864, chap. IV, p. 185, n. 1, et J. A. SKERTCHLY, op. cil., chap. IX, p. 208,
écrivent : strong name, J. SPIETH : Beiname. - Pour les grands noms de Fa spécialement,
on dira Fa 111là111ilï, (Famimhï : Ga et Ouidah,) Fa fii ou Fa fiiko.
PARTICULARITES : a) Noms ho11orifiq1tes. I. R. E. DENNETT propose une autre explkation, d'après son informateur Togun :
« Togun called the stones pillars, still to be seen in Ire, Orunmila ... » (Nigeriau Studies,.
L'usage d"attribuer des noms honorit-iques aux hommes éminents et à tout op. cit., chap. n, p. 24, n. 1.)
le personnel divin permet de saisir un intéressant aspect de la pensée daho- 2. James JOHNSON, Assistant Bishop. Yombii Healhe11is111. Exeter and London James
Townsend & Son, 1899, chap. 111, p. 2I : « pni11111ila (Heaven is the wise and su~cessful
méenne. Le nom honorifiqu~ souligne le respect et la reconnaissance :
Arbiter or Reconciler ; again, Heaven knows him who wlll be saved or how to- savc) "· -
énumé1·er les(< grands noms» d'une divinité ou d'un être constitue un rite S.s:. FARROW, op. cit., chap. IV, p. 41 : « Orunmila, which means literally « Heavcn knows
de conciliation. De plus, il n'e<>t pas donné au premier venu Je connaître salvation ». El~, ianother of bis attributice names, and a principal one, is a contraction of
les noms honorit-iques d'un vodti, d'un roi ou d'un grand homme; ni de Orunmila >>.lb., p. 34. - R. E. DrnNETT, Nigerian Sti1dies, op. cit. chap. vm, p. 87:
« He is known by the names Awnomila, the calabash in whicb the sixteen paln1 nuts are
les comprendre 4. kept ... »lb., chap. xv, p. 148: « •.\wnomila is the Bini for Orunmila, another name for
Ifa, and amongst those people it is the name of a small basin wrapped in cloth containing
1. S. S. FAtrnow, op. <"il., chap. ff, p. 34: "!}1, or On111111ii!I, the Son of God "· - the lviawnomila, or sixteen sacred palm nuts of Ifa ». lb., p. 150 : « He is also Orunmila,
D. WEsnmM.\NN, Goltes-1'orstel/1111g-e11 .. , art. cil., p. 19~: « Al~ Sohn des obaia/a und des odu- or Heaven ». - D. ÜNADELE EPEGA, op. cit., chap. m, p. 9 : « Odudua, Qrunmila and
dua wird ifi1, der Gott der \Vahrsagung, angeschen. Nach anderer Tradition, war cr aber Ori~a-nla are said to have descended from heaven to Il~-Ifc: and ther~ created man "· lb.,
ein Mensch, den ein weiscr Mann die Kunst des Wahrsagens mit 16 Palmnüsscn lehrte ». chap. IV, p. I 5 : « It is said ·that when Olodumare was creating man. Qrunmila was pre-
2. A. B. ELLIS. Op. cil., chap. II, p. 57: « Ifa first appeared oi1 the l'<lrth at Ife, but. .. bis sent there as Witness of Fate ».Et pass .. - John PARKINSON. Yoruba Fol/dore, in journal of
parentage and origin are unexplained ". lb., p. 88: « Shaugo ... is said by sorne to be of the African Society,. London, Macmillan, 1908-1909, p. 184. - Pour Cuba, ~(. Lydia
independent origin, like Ifa ». - N. lhUDI:\, oj>. cil., p. 33. CABRERA. Contes Nègres de Cuba. Paris, Gallimard, 1936, trad. de l'esp. sur le MS par Francis
3. La famille des K1'11esi, divinités de la magie noire, est fort nombreuse et comprend de Miomandre, p. 3 3 : "Orumbila, le devin de toute chose».
les individualités suivantes~ Al.'f'aso, M11jiœù, N.i. S'.f•, Did.1, .ï.adida, Adàgbô, Gologli, 3. Ajina, pour ajinakn, éléphant; abréviation fréquente de ce mot qui sert souvent à hono-
Afasanakpe 11'Gba1111lipeo, Glhiamn, A:;_1•:;_0, Zcïldi /1'm,111ù, etc .. On considère volontiers que les rer, outre Fa, les représentants éminents du pouvoir temporel. G/Jogbo: puissant. Surie cha-
principales IOnesi sont au nombre de quarante et une. peau d"un asè exposé au Musée Historique d'Abomey, et dédié à la mémoire de GIE/€,
4. Nom honorifique se dit en ./(i-r;/1.< : 1ii-jij<, adti-1iib, ou 1ïi sy1'sy1' (nom fort), par oppo- s'érigent trois défenses d'éléphant. GIEZ. est comparé a l'éléphant : liitete tafwayi [ = tE aja
sition au 1/i titengbe (vrai nom). Richard F. BURTON. A Missiv11 Io G,·/efr, King of Dahomey, ayi] ba aji11.i nà lE gEû ! Tous les animaux passent sans laisser de traces (durables], saut
with notices~( lhe so-c.tlled" Âllla:;_,11us •>, th,• Gnmd C11sto111s, the Yi•arly Custo111s, the H11111,111 l'éléphant. Gaû est une onomatopée qui évoque le bruit de hl marche de l'éléphant ; un des
Sacrifices, the Presml Slale of tin S/,1ve Trade and the Ye5n>'s Place i11 .V11/11re. London, Tins- noms de GlelE était Axam gui.
22 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES DEFINITIONS 23
tagnes (kpe) 1
: on vise en vain une montagne. Fa est, comme elle, plus fort piète est la suivante : SaJ,:ele x1su kà gbo me do l.·u lixo (ou lm li-gbo-xo) : le
que les fusils. Le chant correspondant à ces paroles est le suiYan'. : roi de Sakété a coupe la corde sur le chemin de la mort.

Lta-i-Gbe 2 ws mi kà ! Une légende se rattacllè i1 ce titre. Fa arrive à Sakéte au moment où le


Du ys i1à si 1îô na. roi est à l'agonie. On l'appelle et on lui commande médicaments et charmes,
Ke sô gudo ma lm kpe tu , pour sau-Yer le moribond. Il répond : il est déjà attaché à la corde de la mort;
mais je puis couper cette corde, si vous m'accordez tout ce que je deman-
kè sà nukô 111a hu kpe tn;
derai. ~ On lui répond : oui, prends le pays entier et notre roi sera ton
kè so.disi ma lm kpe tn ;
sujet. - Fa guérit le malade et devint roi de Sakété, Sal.·e/e xarn.
kè sô arnio ma lm l.pe 111 •
7. Kpekpejeniwele, Kpehpejc11ilipe ou Kpekpejrkpe ! Invincible ! Dur comme
Kpe!u golo see !
la pierre (ou la montagne).
Lta-i-Gbe ws 111i l(a !
8. Fa, Baba, ji wo (Y) ! Fa, Baba/mua, cherche et vois ! - En abrégé :
Nous avons trouvé L.ts-Gbc [dans le bois sacré]! Fa Ba ji wo !
Ce signe est de ·bon augure. 9. Aksfaye (F, Nago d'Ira, Y)! Parfois prononcé Ahjaye/11; ce dernier
Les ennemis qui se glissent derrière nous ne peuvent tuer Kpctu: mot désigne surtout Jvfawu. Celui qui révèle ce que chacun possède en son
Les ennemis qui se glissent devant nous ne peuvent tuer Kpe11i; cœur.
Les ennemis qui se glissent à notre droite ne peuvent tuer Kpctn; ro. A ts, b tà là! ou a ts, alà b tà (Y)! Tu as étalé(= tu as inscrit
Les ennemis qui se glissent à notre gauche ne peuvent tuer Kpetu. ton Fa dans le bois sacré), et pourtant ton malheur cominue. - Sous-
Kpe111 reste idemne ! entenJu : fais des sacrifices pour améliorer ton sort.
Nous avons trouvé Lte-Gbe [dans le bois sacré]! r r. Dodo gbJ là (F) ! Le trou [la tombe] qui nous appelle vers l'au-deL\.
-· Fa est le maître de la vie.
4. Aydt'gtï ou Ayd1gtl. Graine de «palmier de terre·» (ayi-de-Miiï =terre-
12. Agbo njosii (Y)! No1'1 donné aux noix consacrées. Les Fon défor-
palmier-graine), ou Gbs dekii/i (pron. gbsde/ui) : graine [enfant] de cette
mèrent cette expression, et en firent : ai;bo 11 do zii I Moi, buffie, je suis
Vie 1de Mawu ].
comme la grande sylve ! 1
5. Ajina j'- iï 111a de. L'éléphant piqué par une épine (1ï) ne la retire pas.
I 3. Cdepe nô do wè nu lm! Cshps, qui transmets les messages de la mort!
- Autre explication, plus simple : Fa, comparé à l'éléphant pour sa force,
- Sous-entendu : sur l'ordre de Fa. Lorsqu'un consultant est gravement
et résidant au centre du régime de palme, ne souffre pas des épines qui le
malade, l' agiïmaga, le chapelet manié par le devin, dénonce les intentions de
transpercent et n'éprouve pas le besoin de s'en défaire. Il n'existe pas d'hos-
la mort 2 •
tilité entre la force de fa et l'attribut de Fa : Fa. ne fait pas de mal à Fa.
14. Blrgede nô mà 1111 js Fs-to~111e ! Blegede., œil perçant qui vois toute
L'éléphant incarne la forme de Fa, et par extension Fa lui-même. Le mot
chose jusque dans le pays d'Ifè ! - On peut dire encore : nukh blegede, ou
ü represente ici le régime de noix de palme, - hérissé de piquants : les
nukû blebleble !
épines bractéales, - où seront recueillies les noix sacrées, attribut de Fa.
r 5. Ajagajigi (Y) ! Invocation très courante, évoquant une idée de bra-
6. Salœte X:JS/t ! Roi de s~tkété ! - Ce nom incite certains à croire que
voure, de force herculéenne. Elle s'adresse parfois au v11dti Xwioso.
Fa, venant de Nigeria, se fit connaître d'abord à Sakété '· La formule corn-
16. fedu (F)! Plusieurs étymologies sont proposées: a) Jésus; b) ce qui
1. Rpe signifie à la fois pierre ou montagne, et viser. convient aux signes, aux du ; c) en gè-gbe (version improbable), ce qui con-
2. Par euphonie, au lieu de Lete-Gbe.
3. L'informateur de J. D. CLARKE lui a dit qu' « Ifa v1va1t au début dans le pays
d'Oke !~kiti, qui est entre ciel et terre, et ne vint que plus tard se fixer à Ilç Ifç ». In litt. 1. Comp. le nom honorifique du roi Gezo : agbo do golo uà zs zû :
le le buffie en pleine
Notre correspondant pense qu'Oke ?;<iti serait peut-être Sakété; un vieil informateur force traverse la forêt (sous-entendu : sans crainte).
-d' Abomey, après avoir hésité entre Kétou et Sakété, opta pour cette dernière localite. 2. Sur le sens de cekps et d'aJ:lÏlllllga, cf. illjr,1, chap. v, II, pp. 197-202.
LA GÉOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES ,DÉFINITIONS 25

vient à la ville; d) mais la formule complète est : ami ms X'JSll, jedtt ! roi 26. Du ala sa kpo nô kpele dhwà ! La bonne nourriture re\·enue inven-
1

qui te plais dan's l'huile, jedn ! Ce dernier mot est une onomatopée é\'oquant due du marché attire de n'ombreuses (personnes, surtout des enfants, qui
le bruit des noix de Fa tombant dans les jarres pleines d'huile. se la partagent).
17. Ji-hwevodù! A111a-nô môiue! Vod1i du ciel! Celui qui ment voit la
1 27. Kago 111/. 1/la do iïi-mi; do nn ma do agbidi. Il ne faut pas peindre la
vérité! - Le menteur a trouvé son maître : on ne ment pas à Fa. Ce nom bouche ( === le bord supérieur) de la calebasse de Fa a ,·ec de la bouse; il ne
aurait été créé au temps de l'arrivée de Fa parmi les Fon, et viserait les fout pas peindre la tranche supérieure d'un mur avec de la terre noire. --
Bokât:J, sectateurs de Bo, qui restaient dans l'erreur en présence dl!' vrai Fa aime la clarté et sa calebasse doit être passée à la craie blanche.
dieu. 28. A:::,nz.J-nô ma k11 11aki. Le malade ne doit pas se moquer du fagot. -

Variante: ]i-hwe vodù ! A111a-11Jmô we, b:J we bn del Même sens. Ajouter: Sous-entendu : il en a, besoin pour faire chautfer son eau, préparer ses médi-
et sa [fallacieuse] vérité s'est évanouie. caments, etc. 2 •
r8. Xwic1xwici1111k1î dakps (do akps. ou do akpa) ! Il est tout petit, et porte Ce nom honorifique, comme certains autres, serF parfois de proverbe.
des yeux sur les côtés. - Cette désignation vise surtout la noix divina- 29. Gbti niï gbà ntl jra;do. Tout ce qui est courbe, pe·1cl1é, tortu, F.1 a le
toire. pouvoir de le remettre droit, d'aplomb.
r9. Hwe tiï, {1J da mia ! le soleil sort ( = se lève) et le mur rougit. - Fa 3?· C:Jhata nô wli agbàlï. Fa attrape l'antilope qui somnole. - Cakata
apparaît et tous obtiennent la lumière. signifie prostré.
20. Ayi ws sa do; baba dayi wezù ma Il rampe sur le sol; on ne
iul do! 2 Il s'agit là également d'une devise de Gbe-F11 J.
peut courir dans la boue. - Celui gui a attendu longtemps pour demander 3I. Kaxo wetete nà z.i x!a dayi. La cour n'est gardée par aucun p1ege:
son Fa, lorsqu'il y est contraint par la force des choses, obtempère malgré l'hyène (xla) n''en tombe pas tnoins. - L'hyène même a trouvé plus malin
tous les obstacles. qu'elle 4.
2 r. Yeke ma kpe ! On ne rencontre pas Lsgba face à face! - Yeke est un Il s'agit là, selon certains devins, d'un nom honorifique du signe Woli-
des noms de Lsgba. Mê.ji, qui a des affinités avec le xla 5.
22. Agblinà yr:J de-ldul, bs gbo ghe ! ' L'étourdi, l'ignorant, qui voit en Fa 32. Quelques auteurs citentuµ autre<< grand nom», orthographié Bango 6 ,
de simples noix de palme, la gorge lui est tranchée! Banga 1 ou Gb<].ngba 8 • On dit en effet: o s:J tao ta si gbangba (Y) : il dit la
2 3. Kpolàsa-x'JS11 (YF) ! Roi de Kpokisa ! 4 vérité en public.
24. Kpolo ma fft (vieux F) ! On ne crache (tü) pas les noix de Fa. -
1. Ala, crase pour alajyn.
Lorsqu'au cours d'une cérémonie le Favi, l'initié à Fa, prend les noix con- 2. Azuzà-llà : ne pas confondre ave~ Azà-nà, prêtre de Salipata.
sacrées dans sa bouche, il lui est interdit de les cracher. Kpolo est une ono- 3. Infra, deuxième partie, chap. m, trente et unième signe.
4. Xia, hyène tachetee, probablement Crôcutn crocuta (Erxleben). Le mot est traduit à tort
matopée gui évoque le bruit des noix reposées dans leur assiette.
par loup ou par lynx. D. WEsTERMANN, op. cil., p. 222/2 : « hln (D.) Luchs '" - M. DELA-
25. Al1pa ja olw da (Y)! Qui ajourne la mort! - Fa a <•tué le jour de la FOSSE, op. cil., Vocab., p. 288/2 : « hhi lynx ». lb., p. 273/1 : « Loup kiiligà, hla »;
mort>> du condamné, et lui en a assigné un autre. p. 273/2: «Lynx g·bewi, bla ». - L'animal ressemblant le plus au lynx semble être gbtlzià,
mais il devient très rare. Ktili-gû désigne le chef (gà) des bêtes sauvages, donc kpo, le léo-
pard. Gbe-wi, comme l'indique son nom, est le chat (awi) sauvage (gbe = brousse).
. I. Ji-hwe : là-haut-maison. Les expressions jihwe vodli, yë!Jwe, jishwe, jih1t•c yehwe,
5. fofra, deuxième partie, chap. 11, troisième signe .
signifient ~ 1 1>dli et désignent aussi bien G11 que Lis,1, .'vf,zwu ou le« dieu des Bbncs '"Le mot 6. N. BAUDIN, op. cil., r881, p. JO : «On l'appelle allssi Baugo (le dieu des noix de
nl'./1'.z11 (port. : .cruz) désigne uniquement ce dernier ; le mot akluzu-11à (abrége klunà) palme), parce qu'il emploie 16 noix de palme pour consulter le dieu >>.
des1gne ses serv.1teurs, aussi bien que les grands prêtres locaux. Le symbole de Jibwe-velnue 7. Sir Richard Francis BURTON. Abeo/1111,i and the C1m.iroo11s Mou11lai11s. London, Tinsley
est une croix, représentant les quatre points cardinaux. . Bras, 1863, 2 vol., t. I, chap. 1v, p. 189 : « Their deity being called Banga, God of
2. Dnyi, crase pour do ayi. Palm-Nuts, they choose as his symbols those that are placenta! with four hales » (seule
3. Be, crase pour /I~ e. citat.). - P. BoucHE. Op. cil., 1885, p. 120: «Il a reçu le surnom de Ba11ga ou fétiche des
,i. Il existe dans le cercle d'Abomey, canton de IÙ11n, un village de ce nom. limandes de palme, parce que les babba/,rwos se servent ordinairement dans leurs pratiques
Cf . note 8, page 26.
26 LA GEOMANCIE A L'ANC!El\NE CÔTE DES ESCLAVES
DEFINITI01'S 27

33. Aba iktt wij:i (Y)! C:lui qui contrecarre les jugements de la mort'! légendes des signes, et cette infinie traditiqn orale qui fait partie de l'ensei-
3+ Ayiz.:i-vodti ! Vodtt des Ayiz.:i ! - Les Ayiz.:i, qui demeurent dans la gnement de Fa. Cet enseignement lui-même n'est d'ailleurs secret que dans
région d' Allada,· ont une vénération particulière pour Fa. (Aucun travail n'a quelques-unes de ses partie;;.
été publié sur ce peuple attachant, laborieux et craintif.) Il serait également hasardeux de croire que les prêtres de Fa aient
3). Babalu-aye (Y)! Père suprême de la vie 2
!. - Nom donné à tous les « inventé une écriturehiéroglyphique dont Skertchly a constaté et observé
grands vodü, à Maw1t et à Fa. Pour invoquer spécialement Fa, on le joint à des spécimens au tem p.le de l'arc-en-ciel à Da houé et dont on peut exami-
l'un des noms honorifiques précédemment analysés. ner des fragments sur les bas-reliefs de divers palais 1
». D'abord, parce que

36. Agbo wi d1td1t lm do F~ t:i ! Celui qui tue le bélier noir sans tache! le texte de Skertchly ne vise nullement les prêtres de Fa, mais ceux du
« vodtl Arc-en-ciel » (Dà-hwe,· maison de Dà) 2, et parce que, surtout,
Fa ne fait nulle part l'objet de représentations figuratives murales.
b) Langue secrète.
Tous les Bolmià nient, non seulement l'existence, mais l'utilité même
Dans son Manuel Dahoméen, Delafosse signale que les prêtres de Fa " se d'une écriture secrète de Fa : « Fa n'a pas besoin de se cacher; il n'a rien à
servent d'une langue à part, que le vulgaire n'entend point et que l'on dissimuler. Au contraire, sa fonction est de révéler! Certains mots employés
apprend aux initiés dans le plus grand mystère i ». Aucun Bok:Jnà, aucun au cours de"s cérémonies de Fa et qui ne semblent être ni du fà-gbe, ni du
informateur en général, n'a pu confirmer cette allégation. Ce que « le vul- yorouba, ni du gè-g/ie, nous sont inconnus. Mais ces mots nous ont été
gaire » n'entend pas, ce sont parfois des expressions yorouba, certaines transmis tels quels : nous ne les avons pas forgés J ".
Le terme Fa-gbe existe bien, au sens de : langue de Fa +. Mais il désigne
de divination de seize amandes de palme ». (Texte traduit par F. ÜRTIZ. op. cil., chap. II, les noms honorifiques, les prières, les formules accompagnant la préparation
p. 58.) des amulettes de Fa, les légendes des signes, toutes les p:1roles que prononcent
8. A. B. ELLIS, op. cit., 189+, chap. II, p. 56 : « he has the title of Gbangba (explanation,
les devins à l'occasion de leur ministère. Elles sont intelligibles, - au moins
demonstration, proof) "·
1. ]. JOHNSON, op. cit., chap. m, p. 21 : " Abakuwijp '" dans leur lettre, - et traduisent le plus souvent les messages que le devin
2. Bab11-o/mua-aye, père-suprême-vie. Cf. A. RAMOs, op. cil., chap. l, p. 37 : « 0 reçoit de Maw11.
negros bahianos tamben o (Xapa111111) chaman Abalaû-aiè (Oba111aiê, no Rio, Babayû-ayil, em
Cuba)•>. - F. ÜRTIZ. op. cit., chap. II, p. 63. - Alejo CARPENTIER. i Ecue-Yamba-0 ! Noi•ela
afro.:.ubana. M;iJriJ, Editorial Es pana, 19 !) , Glosario, p. 227. c) ·Fa, palladium urbis; fatll/a/11 et dallses de Fa.
3. Chap. xm, p. 182. - La même année, DELAFOSSE écrivait : «Afa, génie de la
sagesse et de la divination ... à la fois l'Atbéné et l'Apollon de Delphes des anciens Grecs. Il Il y a des signes de Fa qui protègent une agglomération, ville ou vil-
a toute une congrégation de prêtres et de prêtresses initiés dès l'enfance et dans le plus grand
secret à ses mystères, qui parlent entre eux une langue incompréhensible au reste du peuple,
et se servent de caractères hiéroglyphiques, très souvent reproduits sur les murs des palais et 1. Jb.,chap. xm,p. 182.
des q:mples, dont seuls ils connaissent la signification "· Et, en note: "Il est hors de doute 2. Op. cil., ch a p. v, p. w9 in fiiu : « ... a Danhwe, or Temple of tbe Rainbow god.
que les Dahoméens possèdent depuis longtemps une véritable langue hiératique et une This ... consists of a long low shed, the inner wall of which is daubed with figures, in al!
véritable écriture ... " (La Nalnre, loc. cil., p. 330.) - Les mots« grand secrets "• "It is.,. colours, represeoting men, animais and f<!tiche hieroglypbics. » Il s'ngit sans doute des
marked with peculiar mystic hieroglyphics >>, employés par J. A. SKERTCHJ.Y, (op. cit., temples de Xuj<./Jw<'dii ou de Zogbodota. Le Dr]. C. DoRSAlN\'IL a été induit en erreur par
chap. xxvr, pp. 476, 474,) semblent être à la base de cette assertion. - Camp. Th. ces textes. (Mt!dico-sociologie, Vodou et Nh•rose. Port-au-Prince, Imp. « La Presse », 1931,
W. DANZEL. Die A11fii11r;e der Schrift, Beitrii,!{e zur Knltur- 1111d Universalgeschichte. Leipzig, p. 167).
R. Voigtliinder, 1912, chap. II, pp. 109-1w: "Es sind « hieroglyphische Zeicben," deren 3. A. L. d' ALni;cA donne les renseignements les plus romanesques sur des fragments de cale-
speziellere Bedeutung hauptsiichlich den Priestern (! !) des Afà, der Gottheit der Weisheit und basses porteurs de signes et voyageant mystérieusement d'Ouidah au camp de Béhanzin.
Divination, bekannt ist. Diese Priester ... werden ... in eine Geheimsprache und die Kennt- (Op. cil., chap. 1x, pp. 143-144, fig. p. 148). -- Th. W. DANZEL, op. cil., pp. 47-48, repro-
nis dieser Symbole eingeweiht. lndessen heisst es doch dieser Bilderschrift eine zu grosse duisant Friedrich MÜLLER (in Gli1bus, Braunschweig, Bd. 81, pp. 279-280 : Fetischistisches
Vol!kommenheit zusprechen, wenn Maurice Delafosse sagt : « Il est hors de doute que aus Atahpa111e (Deul.<ch-Tog·o), Die Ge/Jeimsprnc/Je der Fetisc/Jj1riesler), donne une information
les Dahoméens possèdent depuis longtemps ... une véritable écriture, qui malheureusement parallèle. -- Cf. i11ji·a, chap. VII, h. 62.
n'a pas trouvé son Champollion "· 4. Co111p. latin fatum (de fari, parler), dont le premier sens fut: prédiction 01,1 injonction.
/ ?

.,

LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES DEFINITIONS 29


!age 1 • Tantôt le signe protège tout le vi liage, tan tôt il existe un signe Il existe deux danses de Fa. L'une, d'un rythme rapide, accompagne le
affecté à chaque quartier. Fa-kps et en porte le nom; la cadence des hochets(asà) s'y ajoute souvent 1 •
Dans les localités où vit un descendant du fondateur, du to-nô (proprié- La seconde, plus lente, s.'accompagne du Fa-lrps et du bruit sec produit par
taire du pays), on procède parfois à une consultation annuelle en l'honneur les battants des gudaglo 2, dont' la pointe heurte le sol en cadence.
de l'agglomération entière, à l'issue de laquelle le devin exige un sacrifice
global pour Lt tranquillité du pays, - bœufs, moutons, etc., - dont le 10- d) Proverbes et dictons de Fa.
110 assurera l'exécution. Seuls, les chefs et les notables seront au courant des
Avant de citer les proverbes concernant Fa, qu'il nous soit permis de rap-
détails de cette cérémonie.
peler cette jolie définition proverbiale du proverbe : owe l' ui aro bi ara ba
D'après certains, on peut consulter ~n ce cas le Fa du to-nâ, si ce person-
sonu, owe l'a fi wa a (Y). Le proverbe est le cheval de la parole : quand la
t~age a reçu son fa de la forêt sacrée. Sinon, un grand Bob11a consultera le
parole se perd, c'est à l'aide du proverbe qu'on la recherche i.
sien propre.
r. Fade Wô iii z.1i-xasu. Le palmier de Fa se nomme roi de la forêt. -
Le signe de la ville est considéré comme un protecteur, et se confond
Fa lui-même est invisible ; .tout ce que nous percevons de lui, ce sont ses
souvent avec le signe du fondateur, lorsqu'il est connu. La population doit
noix, fruits d'un palmier que l'on peut donc nommer roi de la forêt.
obéir à ses volontés, mais il ne semble pas qu'un devin soit spécialement
Ce sont peut-être des dictons semblables qui ont induit certains auteurs à
affecté au signe protecteur.
La consultation a lieu soit à l'aide des noix de Fa et de la tablette divi- voir en Fa un culte phytolâtrique.
2. Bob awono e yro Fa ni e de-lei Wô mô. Le devin appelle Fa : mais il ne
natoire, soit à l'aide du chapelet - agùmaga 2 - selon l'usage local. Si l'on
trouve que des noix de palmier. - Se dit à ceux, ou de ceux, dont les aspi-
use du chapelet, on peut le jeter au loin, afin de diminuer les risques
rations ou les efforts ont été déçus : tel consacre sa vie à la connaissance de
de fraude.
Fa, qui ne trouve finalement qu'une noix.
Les villes d'Abomey, d'Ouidah, de Porto-Novo, passent pour avoir
3. Na hwc Fa yi gbe 4, bo z.i Bokonô-tiJ di;.. Explication : Fa na yi nu wa jê a de
chacune un signe. Ouidah aurait Gbe-Sa, Pono.:.Novo Ghc-Guda >, et, à
11r:.? Quelqu'un se rend à la maison de Fa, et culbute son devin. Est-ce ainsi
Porto-Novo, le quartier Aklô aurait pour signe Abla-1\!hji. Toutes ces notions
sont fort imprécises. que tu comptes obtenir ton Fa?
4. Dà dn Bobnô dalJO vi.a, tî lepe-nu ws ! Quelle honte, si un serpent mord le
Il n'existe pas de tambours de Fa. Le mot Fa-lep~ désigne les chants fils d'un grand Bobnô ! - Un devin doit être à l'abri des surprises du sort,
rythmés à l'aide de battements de mains sur la poitrine nue des chanteurs 4. ou du moins les prévoir. D'autre part, il ne consulte pas pour lui-même.
Le Fa-kp~ a lieu obligatoirement chaque année au début des Fa-nuwiwa, et J. A. LE H1i1ussÉ, op. cil., chap. VI, p. 184, Il. 2 : « Asan : instrument de musique
coïncide à peu près avec le moment où l'on lave les noix i, et facultative- formê d'une gourde à long col, à demi remplie de petits ç,1illoux qui frappent ses parois en
ment dans toutes les circonstances où l'on rend gràces à Fa. Plusieurs cadence>>. - On retrouve ce mot en Guinée hollandaise; M. J. et F. S. HERSIWVITS.
Rebd Des/iny, A111ong the Bush NegTOes of Dutc/J Guiana. New York and London, Witt-
légendes de signes parlent cependant des « tamtam de Fa ».
lcsey House, 1934, font figurer sur leur carte le village d' « Asindopo Lantiwe », dont k
nom complet est un proverbe fan : asci dokpo 110 li a, e 11a do we ,i[tl, abrégé : asci dolipo nà li
r. Plutarque observait de même, après les astrologues, gue la fortune d'une ville, comme we, on n'agite pas un. asci seul, l'asci s'agite par paire. -- En Haïti (M. J. HEHSKOVITS.
celle d'une personne, dépend de la position des astres au moment de sa naissance · d'a11rès L1/e iu a Haitian Valley. New-York and London, Alfred A. Knopf, 1937, Glossary, p. 339):
;\fonilius, la lune était dans le signe de la Balance au jour de la fondation de Rome (Àstr~110- « açon, calabash rattle ... useJ in sacred dan ces ».
111ica, IV). 2. I1ifra, ch a p. 1v. C~t usJge du gw/11glo caractérise les N ago.
2. Infrn, chap. v, p. 208. 3. P. BoucHE. Les Noirs peinls par eux-111i111es. Paris, PoussielgueFr., I883, (Œuvre de
3· Gbe-Guda a pour interdit le manioc, qui est cependant abondamment cultivé dans la Saint-Jérôme pour la publication des travaux philologiques des Missions,) Introdu,;tion, p. 5:
région de Porto-Novo. << Owe !'(li) <;!in è>rQ; bi è;H'Q b:\ nQ, t.JW<! J'[1ii. iwa a: owe oun Ç>rQ ni irin. Le proverbe est le
4· Xwakà, crase pour xc,-akà, frapper-poitrine. cheval de la conversation : languit-elle, il la ranime et lui donne ses allures ».
5. Infra, chap. vu, p. 276, chap. vm, p. 3 38. 4. Hwe-gbe, à la maison.
30 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES
DEFINITIONS 31
5. E ka ag1imaga nn ahwli Kp:mttwa; hwà do iio towe ms, asr:Jkii.ii ! On a con-
IH! peut avoir deux s:.; le portier Ag:Jm n'est pas mon S$, Fa seul est mon
sulté Fa avec l'agiïmaga pour la vierge Kp:Jnuwa et elle s'est écriée : graine
.ra, et je vais aller le voir.
d'asr:J, que de sornettes passent entre tes dents !
Ces paroles s'appliquent à ceux qui s'efforcent d'usurper une autorité quel-
La vierge Kpmuwa (fille de Kp:J, du Léopard), citée par de nombreux
conque.
proverbes, passe pour avoir eu à un haut degré l'esprit satirique. Elle se
13. Z1i ha b$-We-ziï, bo .:;:; Se-tci Fao, bs. d:J: afo na we niî. aka js. f:J, bo .tô '.:J,
moque ici des hâbleurs qui disent des inepties au cours de leurs consulta-
tions. tloli:/10 111a zz S:. Fa fo /t ne. fLe. ,singe] /Ja [qui vit] dans la fo'.·êt 1• a cou:u st vite
qu'il a dépassé son propre Fa de Se [Maw11], et [son Fa lm] dit: qm te don-
6. A /:J-vi dokpo s:J do t:. du na fo e no ftà blo, e s:J we g:J na fo, e nô VE tt dud:J
nera un coup de main si tu tombes à l'eau, et qui te sortira de l'eau? nul,
11u )':Jl~p:Jv1i. Si l'on se sert d'un seul doigt pour tracer les du [si l'on ne trace
11inon moi-même, ton Fa de S:., ne pourra t'aider.
que des indices simples], on réussit facilement; si l'on se sert d'un doigt de
Le sens est clair : on ne peut rien faire sans son Fa. li est vain de vouloir
plus [si l'on alterne les indices simples et doubles], cela devient plus diffi-
H'ttffranchir de lui.
cile pour les débutants. - Il faut commencer par l'étude des signes simples,
r + E na kâ Fa do vo, bo na l~à Mawu do vo a. Fa w;: iïi Mawn. On ne
tels que Gbe-MëjÏ, avant de passer aux signes à indices doubles.
doit pas mettre Fa à part, et Mawu à part. C'est Fa que 1' on nom rn e Maw11.
7. E 11à yi tu-nn zo gbe, b:J nà 1îi akutn a. On entre dans l'armée, et, le
r 5. Nue mô e ji w-;.11ii j:. : Maw1t e mi mi5 e ne Ili J:à 11-;.. Fa j:. 1ii S-;.-ce.
même jom:, rapide comme la flamme, on prétend disserter de tout ce qui
On tombe sur là chose que l'on voit : ce Maw11, auquel nous croyons, n'est
concerne la guerre. (Application très générale.)
1 nutre que Fa. C'est Fa qui est mon 5,_ (Mawn).
8. Të 111i ma gblo 111t iue a, na yr:J Bob a. Si ton plateau divinatoire, ton
Nous ne pouvons percevoir la grande divinité, Mawu. A quoi bon cher-
Falë, n'est pas assez large ( = si tu manques d'argent), ne dérange pas le
cher, puisque nous tenons Fa (c'est-à-dire les objets de Fa), qui répond à
devin. -- Si tu es pauvre, abstiens-toi de faire appel au devin : les sacri-
nos questions ? De là à croire que, pratiquement, Fa est plus efficace que
fices sont coùteux.
Mawu, il n'y a qu'une nuance de pensée.
9. Ayi gb:J lfa lawoke lfa kà osi nl~f>ala lfa mbz nh (Y). Celui qui connaît
Fa ( = son métier de devin) n'a pas besoin de regarder au plafond avant 1. Ha, ou x11: Papio sp., cynocéphale.
de donner l'interprétation adéquate.
IO. Due kâ, b:J ms lm, ejE nà lëli, b:J 111:. nà gà. Le même Fa annonce aux uns
la mort, aux autres la guérison.
I 1. Ce proverbe, déjà noté plus haut, est complété ici : me de tü s:J e ja
e a. Fa Aydekiüi l~à nô mi5 niï jë s:J. Nul ne sait ce qui arrivera demain : seul,
Fa peut le découvrir 2

12.Na Ws !nue ku, b:J sava su hà de bo d:J: Ss ho Fa /:Jglo, bs d:J : S?. we 1110 ko
nàdo 111;; 11u Ag:Jsn-sava 1za 1îi s:. nu mi 11e, na 1ii s:.-ce ne, Fa jè iii ce, fo 11 na yi 1116.
Une personne [est morte et] se rend vers la mort fpour retrouver son Fa,
son SE], et le portier [de la mort] ferme la porte à son approche et [lui] dit:
j'interdis que tu voies ton Fa de Se [MawuJ. Le [mort] riposte : un seul être

r. Nli, pour 1mk11111E, visage. On dit de ceux qui se sont enrichis ou ont •1cquis de la con-
sidération: f; 111i blo 111t ~,son Fat; s'est agrandi. Fat< est en ce sens synonyme de prestige.
2. Varial1tes : .l{/1,ta tti SJ e ja e 11. Fa.. . etc. . L'homme ne sait pas ce qui arrivera
demain. - }[;de nà sig.i111à 111tluï 111t j; sa a. ~Fa... etc. Nul ne peut voir avec l'œil ce qui
surviendra demain.
ORIGINE LÉGENDAIRE ET ORIGINE HISTORIQUE 33
Le rôle historique considérable que dut jouer Ifè à une époque imprécise
explique le crédit dont elle jouit encore. Les Fon d'Abomey eux-mêmes,
qui se disent descendants des Aja venus de l'ouest, ont tendance à faire
dériver d'Ifè la majorité de leurs institutions, de leurs arts et de leurs
CHAPITRE II. cultes 1

Selon les informateurs les plus sérieux, il y a lieu de distinguer une Ifè
ORIGINE LÉGENDAIRE ET ORIGINE HISTORIQUE. terrestre et une Ifè mystique. La première comprend tantôt le pays d'Ifè
nctuel, - « pour répondre à vos questions, il faudrait interroger des Bobnii
d'lfè », - tantôt l'Ifè d'autrefois, capitale d'une culture.
Quant à l'Ifè mystique, on la situe dans la direction du soleil levant, -
1. Légende : le pays d'Ifè, l'Araba. - JI. Histoire : diYination avant t.:t après Fa. - Aire Li.wji, du côté de Lisa. On est parfois tenté de traduire Ifè par les mots :
de dispersion, analogies. - Conclusion.
horizon de l'est, car certains prêtres de Fa la décrivent comme le lieu idéal

1 to the origin of the Yoruba people and of mankind generally, several of which begin with
the tradition of a delüge >>. P. 18 : « Ife is also credited with bdng the place of origin of
LEGENDE : a) le pays d'IJC . .
nrnny of the gods, e. g. Ija, the supreme oracle ». lb., p. 46. - Eckart \", S\'oow. African
Culture. Africa, J. of the Internat. Jnst. of Afr. Lang. and Cult., vol. I, n° 2, avr. 1928,
Fa ne naquit pas au Dahomey : c'est un enfant adoptif. Il est venu, p. 215. - Joseph ZIMMERMANN, Evêque. Annales de la Prop. de la Foi, t. LIII, 1881,
disent presque tous les informateurs, de la ville d'Ifè, en pays yorouba. p. 59. - P. BOUCHE. Sept ans .. , op. ci!., chap. xv, p. 269: «·Qu'est cette ville sacrée, ber-
Administrativement, Ifè relève du gouvernement des Provinces du Sud- ceau de la création et de l'lum1anité r Pourquoi l'appelle-t-on If~, amour ? » - Quant à
la traduction Ife = amour, le Dr Paul GouzmN a fait le même contresens dans sa Co11trib11-
Nigérien, et constitue l'une des trois Divisions de la Province d'Oyo (ar>, lio11 d l'étude des Di11/ectes du Daho111ey, Ma1111el fnmco-yorouba de com•ersatiou, spJci11le111e11/ à
ou Aya ), dont les deux autres sont Ibadan et Oyo. La Division d'Ifè s'étend l'ttsage du médecin. Paris, A. Challamel, 1899, p. 53 : « lfè amour, volonté, envie >>. De
officiellement sur une surface de I. 558 milles carrés et corn prend une popu- même R. E. DENNET. How the Yoruba count. Journal of the African Soc., London, Mac-
millan, t. X.VII, 1917-1918, p. 69, et BAUDIN, Missionnaire. Dictio111111ire Yoruba-Frn11çais,
lation recensée de 129.606 âmes, ce qui représente une densité de 83,r9
s. l. n. d. (texte polycopié), p. 242 : « ife, s., amitié, amour, affection, dilection, tendresse,
au mille carré '. volonté, volition, vouloir, libre arbitre, désir, envie, consentement, assentiment, pré, agré-
Mais le Dahoméen qui prononce respectueusement le nom d'Ifè ne pense ment, approbation, souhait, vœu, passion, amourette, épousailles». - P. Amaury TALBOT.
guère à ce développément administratif. Il pense à un Etat autrefois floris- Tbe peoples of Southern Nigeria, etc .. London, Oxford Univ. Press, 1926, vol. II, Etlmvlogy,
p. 338 in fi11e: «Ile Ife ... was at any rate the seat of an ancient dynasty and in ail proba-
sant, et dont la capitale fut une ville sainte 2 • Peut-être même sa pensée bility of the leaders of the various migrations from the east, and here are found the prin-
est-elle toute abstraite, et Ifè n'évoque-t-elle pour lui qu'une patrie mystique, cipal stone monuments existing in this part of Nigeria». - Carl KJERSMEIER. Ce11tres de
le séjour du grand dieu créateur, d'ou émane tout le mystère du monde et style de la sculpture uègre africaine. Paris, A. Morancé, Copenhague, Fishers Forl., 1936,
celui de sa vcn ue sur terre ; . vol. II, pp. 18-23. - A. E. M. GrnsoN. Slavery in Western Ajrica. Jourual of the African
Soc., London, Macmillan, 1903-1904, p. 44. - C. H. ELGEE. The Ife l/0111· carvi11gs, ib.,
1907-1908, pp. 338-343. - I-I. R. PALMER. Hislory of Katsina, ib., 1926-1927, pp. 231-232.
1. N~[[eria Ham/book, coutaiuing Statistical and Gme1 al iuforniation respectiug the Colony 1. R.F. BURTON, op. cit., t. I, chap. XIX, p. 194; chap. xxu, p. 232. - S. CROWTHER,
a11d Proteclvrate, pr. and pub!. by the Governmet'lt Printer, Lagos; tenth ed., 1933, p. 23. op. cit., Pre/ace, p. iii : cc Ife is still regarde·l as the origin of the Yoruba nation, as well as
~· On.pourra, ù ce sujet, se reporter à L. FRODENIUS, op. cil., notamment au chap. xm: the spot from which ail other nations derived their existence. The priests wbo are very
Die Hetltge Stadt, consacré à Jfè. superstitions, and much celebrated for their superior art of divination; impose upon the
3· A. B. Eu.Is, op. cit., chap. rv, p. 89: cc Ife is consi~ered the cradle of the human natives many fabulons staries connected with Ife the land of their ancestors. Ife is the pan-
race:'· - R. E. DENNETT, Nigerian Studies, op. cil., p. 3 et chap. II, p. 26. At the Back .. , theon of Yoruba : ail kinds of idols are to be had there, and celebrated gods are frequently
oj>. ~tt., chap .. ~rx, p. 194, chap. xxu, ·p. 232. - S. S. FARRow, op. 'cit., chap . II, p. 14: purchased there by the people of other tribes ». - D. ON ADELE EPEGA, op. cit., chap. m,
« Ile ~the tradtt1onal cradle of the Yoruba race and religion). » P. 17 : «The most sacred p. 10 : « Ali the Yoruba-speaking tribes, as well as the Benins and the Dahomians trace
place 1s the town of Ife, some fifty miles to the east of Ibadan. There are various myths as their origin to Ilç-Ifç ».
u

ORIGINE -LEGE'.'o1D:\IRE ET. ORIGINE HISTORIQUE 35


34 LA GÉOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES

où, à l'orient, le ciel et la terre se joignent. Lieu évidemment hors d'atteinte', 111i :ton soleil s'élève; si quelqu'un voit son soleil s'éle\·er, il expose :1 ses
et auquel ils n'attribuent aucune valeur astrologique précise. rnyons tout ce qui lui est cher. C'est-à-dire : la chance te favorise: tu peux
GsdEgbe, le plus remarquable Bokanà du Dahomey, rappelait, avant de en profiter! L'informateur possède un interprète personnel, qui précise: « il
donner un avis. l'expression euphémique courante : e yi Fs, il est parti pour ne s'agit pas du soleil, mais de « l'étoile » de chacun. A defaut d'un mot
Fè ',annonçant la mort d'un albinos (tisa) 3, d'un python royal d'Ouidah adapté à cette idée, nous disons soleil., C'est au lieu ou le soleil se lève que
(Dâgbe), ou même d'une personnabilité éminente+, notamment d'un grand se trouve l'étoile de chacun de nous. L'étoile qui t'a ainené en cette vie se
Bobnô. Fè, ajoutait-il, c'est la vie, au sens le plus général du mot. Si l'on trouve au levant>>. La phrase suivante, traduite à l'informateur, est com-
se rend au pays mystique de Fè, c'est-à-dire si l'on meurt, on découvre la prise et approuvée d'emblée : «c'est dcnc à l'orient, là où les astres, émer-
vie. Il faut donc, pour connaître le secret de la vie, commencer par quitter geant au-dessus de l'horizon, possèdent toute la vigueur de la jeunesse, que
ce que nous croyons être et ce que nous nommons la vie. l'astrologie plaça l'horoscope, c'est-à-dire le point précis où le moment de la
naissance attache notre destinée ' >>.
A propos de la parenté entre Ifè et la notion d'orient se devine une trace
confuse d'astrologie au Dahomey. Lisaji, point cardinal correspondant à b) L'Araba.
l'est, a pour synonyme Tiiz.oji, dont le sens général est : lieu exclusivement
réservé à nos têtes 1. On emploiera cette expression si l'on voit venir de Les prêtres de Fa, que les Fon nomment Bob11ô, portent en langue
l'orient des nuages chargés de pluie, et l'on se preparera à recevoir l'averse, yorouba le nom de Babalawo, pères du secret 2 • Le premier Babalawo qui
«car ce qui vient de l'est nous est réservé». consulta Fa à Ifè se nommait, dit-on, Alaba ou Araba i. La légende ajoute
Par ailleurs, un proverbe dit : hwe to-we wws ; ms-dt WEVs a, m;. nô hia qu'il reçut de Dieu même la connaissance de Fa. Dieu l'installa à Ifè, dont
il fut le premier habitant, puis fit croître, dans la bonne terre de ce pays,
1. Cf. chap. m, p. 62, fig. 1. - Comp. Côte d'Ivoire : «Ce village (des morts) est dans le un palmier à huile à seize branches. Tout autour de son tronc, seize trous
ciel. On y accède par une longue piste qui parcourt toute l'étendue plate de la terre, aboutit étaient disposés 4 , où les noix du palmier tombèrent, à raison de seize dans
à la mer qui entoure la terre de toutes parts. Là, tout près, est l'horizon où la calotte
céleste vient toucher l'eau. Des pirogues y conduisent ». (Etlmographie d'uue peuplade de
la Côte d'ivoire, les Guérés, par le Méd.-Capitaine J. Bour.NOIS, inédit, MS, pp. 39-40). I. A. BoucHÉ-L'ECLERCQ. Histoire de /,i di-1•i11atio·1 dans l'Antiquiti'. Paris, E. Leroux,
2. Les Fon, supprimant volontiers les préfixes des mots étrangers qu'ils empruntent, disent
1880, t. Il, chap. vr, p. 237.
Fè, les Yoruba Ifè. 2. l11jra, chap. IV, p. 112.

3· S. S. FARRow, op .. cit., chap. rv, p. 43 : « It is the work of Obatala ... to form the 3. Le mot a franchi l'Atlantique. Au Brésil, Joào do Rio (As Religioes 110 Rio, cil. ap.
child in utero ; hence any physical defect in the new-born child is attributed to him, and A. RAMOS, op. cil., chap. I, p. 39 et ap. E. CARNEIRO, op. cit., p. 44) voudrait y voir une défor-
such child is dedicaded to hirn frorn birth. This is notably the case with albinos "· Dans Je mation d'Elegbara. - A. RAMOS, ib., chap. x1n, p. 278. - En Guinee hollandaise, M. J.
Bas-Dahomey, les albinos sont nommés lisa et consacrés au vodü du même nom, qui corres- cc F. S. HERSKOVrTs notent le mot «Ab baisa>>, qui semble être synonyme d'Alaba Jrica (Y)
pond au nago Jbatala. ou Alaba Lisa (F), alias Akpsko (Y), grand prêtre de Lisa. (Op. cil., clrnp. XI, p. I97)· -
4. La mort du roi est· annoncée, à Abomey, par la formule : zci lm, le jour est mort, la L'origine arabe du mol AL1ba semble diffi-:ilement contestable. Cf. cependant C. H. BECKER,
nuit tombe;-« car le roi est comme le soleil». Trois jours après la mort du roi, on proclame: /oc. cit., p. 305 : « Ein gelehrtcr Kanomann, der lange Jahre im Yorubalande gelebt hat,
ayi hiJ, le jour se lève (ayihibiJ = aurore), car un nouveau roi est désigné. Au moment où bcstiitigt mir, dass der andere Name für diese Priester (die Ba/>al.1-wo), Araba, nichts mit Ara-
l'on annonce za ku, le roi défunt est déjà enterré. Il est mis en terre aussitôt après sa mort, bcrn zu tun hat, sondern wie Frobenius nngibt, den grossen Baum bedeutet, was danu zu
mais la nouvelle n'est publiée que le lendemain. - La formule so j<, la foudre est tombée, cinem Ehrentitd wird ». Cf. infra, p. 37, 11. 2.
annonce la mort d'une personne foudroyée. - Des victimes des deux sexes de la variole, 4. Co111p. L. FROBENIUS, op. cit., Bd. l, chap. xv, p. 33.I : " Auf S. 325 bildc ich ais
Sakpata, on dit : D.i dasi (crase pour : Da do asi), notre Père a épousé une femme, - ou Fig. I einen derartigen dreikantigen Monolithen. ab. Von diesem sagten die Eingeborencn,
vodü hll;!i, le vodù a tué, - ou encore e yi fi dagbe, il (le défunt) est allé en un bon endroit. sic hiitten ibn vordem ais eine Art Zeitmesser gebraucht. Wenn der Schatten dieser Stele
5. Ni signifie conserver, réserver; le lieu où les femmes se retirent mensuellement est nach gewissen Richtungen_bestimmte Punk te eines darum gezogenen Krdses traf, so erkannte
fï-1îiiïi ponr le mari . •i'./i désigne aussi l'arc-en-ciel, figuré couramment avec deux cames man daran, dass der Zeitpunkt für bestimmte heilige Peste gegeben sei. Die J<reise, die um
(zo). Zo évoque ici le lieu où sont implantées les cornes : la tète, c'est-à-dire, par extension, den MonoliLhen gezogen waren, waren r6teilig, worüber wir uns nicht mchr wundern, da
les gens. Ji veut dire : sur. wir diese Zahl überall wiederkehren findetl. Dem Wesen 11ach warw diesc Mo11olithm 11/so
fosli/111 d'Etlmologir. - Bernard MAUPOIL.
I;!,_

' )

LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES ORIGIN,E LEGENDAIRE ET ORIGINE HISTORIQUE 37


chaque trou. Ce qui donne un chiffre de deux cent cinquante-six (carré de déJié à Fa, ou les signes sont gravés'. Le g~1rdien spirituel de cette
seize), correspondant à celui des signes de Fa, dont chacun des seize princi- demeure est un chef important que l'on nomme Alaba n'lfe, l'Alaba d'Ifè.
paux engendre quinze secondaires 1

Ce nom d' Alaba aurait été donné, selon certains, au chef suprême de
En outre, Dieu enseigna à Alaba les gestes et manipulations qui per- tous les Babalawo, « ap pape des devins », dit un lettré. Un devin nago
mettent de consulter le Fa, et Alaba, à son tour, les apprit au monde entier. n(firme que, de son vivaô.t, Fa avait.un serviteur pour porter son sac, comme
Quant à l'arbre, nommé Fe-de (palmier de Fè), il est resté, dit-on, au lOllS les Babalawo. Juste avant de quitter cette vie paur devenir vodit, Fa

même endroit. Et depuis sa création on peut le voir, dressé tout droit le décida qu'il resterait toujours à son service. Il se nommait Agli, ou Agri (?).
matin, incliné vers le milieu du jour, et touchant le sol de toutes ses palmes Et lorsque Fa fut devenu vodû, la population entière proclama que cet
et de sa cîme à la tombée de la nuit. Il se relève le lendemain, et ce mou- homme servirait d'intermédiaire entre elle et Fa. Et il reçut le nom d'Alaba.
vement se poursuit jusqu'à nos jours 2 • Les noix de ce palmier étrange ont, C'est cet Alaba d1fè qui prie Fa dans sa grande demeure. Lorsqu'un
paraît-il, six yeux. füll:le veut implorer Fa, il va d'abord trouver l'Alaba, qui intercède pour le
Lorsqu'Alaba quitta cette vie, on le remplaça. Tous ses successeurs por- postulant. ~i même un curieux désire voir le monument de Fa, il passe par
tèrent le titre d' Alaba. l'Alaba, qui exige un cadeau et fait un sacrifice et une prière propitiatoires,
Mais il n'y a pas de temple de Fa à Ifè. Fa n'est pas un vodù à qui l'on avant d'ouvrir la porte de la maison.
puisse élever un temple, quoi qu'en pensent quelques vieux Bok:mô fon, per- L'Alaba est également devin du roi, et du roi seulement'. Quand il se
suadés qu'il y eut autrefois à Ifè une grande forêt où l'on trouvait des rend chez celui-ci, il peut s'asseoir au même niveau que lui. Il vient avec
temples dédiés à tous les grands vodù, et aussi à Fa. C'est dans cette forêt, au 11ne quinzaine d'autres devins, qui sont chargés d'exécuter les gestes et les
lieu dit Ff..-de, que se trouverait le miraculeux palmier d'Alaba i. manipulations. L'A laba ne s'occupe que d'interpréter, et de prescrire les
Le mot Alaba apparaît encore dans la formation du nom honorifique sacrifices.
Alabacs, donné à Lisa (alias Dudu.wa); ce nom semble être synonyme L'influence de l'Alaba est telle que, lorsqu'il dit quelque chose, ses
d':Jbalace 4. Peut-on - et pourquoi ? - poser l'équation : alaba = aba 5 ? paroles se réalisent. Tous cherchent à se concilier ses bonnes grâces. On
Les ethnographes britanniques sont bien placés pour répondre. D'ailleurs le lui porte à manger, on lui offre jusqu'à des parcelles de terre, on loue des
mot alaba, d'après le ton et l'accentuation, pourrait avoir plusieurs sens. cultivateurs qu\ travaillent pour lui et lui apportent ensuite les produits de
Selon un autre informateur, il existerait à Ifè un monument de pierre leur travail. On lui donne des bœufs, des moutons, des cabris ...
A sa mort, on couvre son corps de deux cents pagnes différents, comme
Zeitmesser und Sonuenubren. Wir .wissen, dass derartige Sonnenuhren hier in Afrika ais erste on fait pour l':mi, pour le roi d'Ifè. Mais il n'y a pas de sacrifices humains
ihrer Art. festgestellt, sonst aber bekannt sind ». - Comp. R. E. DENNETT. Nigeria11 Sludies,
op. cil., chap. li.
en l'honneur de l' Alaba : on lui offre deux chevaux, deux bœufs, d'innom-
r. I11fra, deuxième partie, chap. 1. brables moutons.
2. L'arbre gita, aux propriétés magiques nombreuses, passe pour avoir les mêmes mou-
vements à Ifè. Il parait difficile de ne pas voir ici le souvenir d'un cadran solaire rudimentaire. I. Il y a assurément une part de verité dans cette tradition, puisqu'elle est parvenue à la
D'où peut-être certaines assimilations de Fa au soldl. Cf. R. E. DENNETT. Nigerian Sludies, connaissance de J. SPIETH au Togo : « Auch das Ha us, \VOrin das afa zuerst seincn Sitz
op. cit., chap. xv, p. 150: «This is Ifa in his character as the heavenly revealer, the Sun» ... JlClrnbt hatte, war aus Steinen erbaut >>.(Die Reli,r;ion .. , op. cil., chap. m, pp. 189-190). Il y
3. Une tradition différente, d'ofigine yorouba, rattache Fa à la ville d'Ado: «Après bien eut un monument en pierre du même genre, parait-il, à Das.i, au Dahome1"
des pérégrinations et des aventures, Ifa se fixa enfin à Ado, et planta sur le rocher une noix 2. L. FROBENIUS, op. cit., Bd. I, chap. xm, p. 279 : « Jeder Herrsche~, sei es der Alafin

de palme, qui produisit seize palmiers sur la même tige n. Ce passage de N. BAUDIN (op. oder der Oni oder einfache Fürstlichkeiten wie der Baie, haben ihre eigenen Priester, welche
cit., p. B) est traduit purement et simplement par A. B. ELLIS (op. cil.,. chap. n, p. 57), viclfach mit dem Tite! Araba bezeichnet werden. Dies \Vort Araba hat nun aber nichts mit
sans référence. « L'emprunt » ne se borne pas à ces quelques lignes. den Arabern zu tun, wie dies hier und da eigentümlicherweise behauptet wird. Ais Araba
4. N. BAUDIN, op. cit., p. 8 : « On l'appelle encore ... alaba/ache, l'oracle qui prédit l'ave- bczeichnet der Jorube jeden hervorragenden Gegenstand. Stehen mehrere Baumwollbaüme
nir'" - A. B. ELLIS, op. cil., chap. n, p. 39 et n. r : « Alabalase (Al-ba-11i-ase): one who hciei11ander, so wird der hiichste ais Araba bezeichnet. Aber Araba ist auch kein eigentli-
overtakes the coming to pass ». Il s'agit d':Jbatiila. cher Tite! d~s Oberpriesters '" - S. CRO\\'THER. A Gra111111ar .111d Vocab11/ary . ., op. cil.,
5. :Jba (Y) signifie roi. 11• 28 : "Ala,r;lm (mia-a,r;ba) s., an eider, a persou of respect, a persan of honour, rulers
11mong the people; sir».
LA GEOMA '.\!CIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLA \'ES ORIGINE LEGENDAI~E. ET ORIGINE HISTORIQUE 39
La plupart des devins nient que Fa ait participé de l'humanité avant de drcl'ivait ses visions, finirent par avoir très peur de lui et s'enfuirent. Cepen-
devenir dieu ; soit que cette légende rabaisse la volonté de mystère ou d'abs- l11\lll il acquérait de la popularité, devenait une sorte de prophète que tous
traction de leur croyance, soit qu'ils aient des raisons obscures de la tenir v1111nicnt consulter. C'est ainsi que Fa, bien qu'assis, devint un personnage
pour fausse. On entend dire parfois que Fa vint sur terre envoyé par Dieu ~onnu, accumula richess~s, ~sclaves et champs. Au bout d'un certain temps,
(Mawn), qu'il tr<tça sés signes sur une pierre, - ou sur des pierres,--. à Mt1w1t trouva anormal déle laisser se prostituer, pour ainsi dire, au milieu
Ifè, puis disparut. Les pierres seraient encore visibles, et l'Alaba en aurait la ile~ hommes. Il le métamorphosa en, palmier (Fa-de), ce qui explique le
garde. rôle des noix de palme dans les matJipulations des devins. Mawn transforma
Quoi qu'il eu soit, on nomme actuellement Alaba, dans le Bas-Dahorriey, Pli même temps les serviteurs de Fa en avîni. Et la plante avini donna des
le plus remarquable Bobnô connu. GEd;gbe fut le dernier Alaba incontesté l(l'llincs dont on se sert encore pour pr~parer les chapelets divinatoires, _les
du Bas-Dahomey et du Bas-Togo, et son nom n'est pas ignoré dans le sud- 11H1l111aga 1 •
ouest nigérien. Nul n'est actuellement digne de lui succéder. Ces propos sont ·démentis vivement par les Bobno avertis, qui les trouvent
Irrespectueux et grossiers.
Les légendes intéressantes sur l'origine de Fa s.ont peu nombreuses. Il 3. A Abomey, disent les Gunu de la côte, les traditions concernant Fa
semble réellement que la question ne se pose pas. Voici quelques exemples ~ont bien différentes des nôtres. En effet, de nombreux chasseurs du Dàxortu.,
de réponses. Ill\ cours de leurs expéditions, rencontrèrent des animaux fabuleux gui leur
r. D'après le plus grand nombre d'informateurs, Fa est une créa- enseignèrent, à propos de Fa, des choses que l'on ne connaît nulle part
tul'e de Dieu, de },,fawu, gui l'envoya sur cette terre. Un devin précise que 11Hleurs. Cette allégation est confirmée à Abomey. La légende suivante,
la création eut lieu d'un seul coup ; on ne conçoit pas, dit-il, une divinité racucillie à Porto-Novo, put être recoupée.
qui a toutes les perfections et serait soumise à des délais, à un calendrier, à
Quoi qu'on vous dise, sachez que Fa n'est pas né de deux femmes, qu'il n'est jamais
la fatigue. Certains, notamment à Abomey, pensent que Mawu créa « la lmnbé du ciel sur cette terre, et qu'il n'est pas _originaire de la ville d'lfé. Voici comment il
vie entière>> un jour de marché Ajaxi tombant sur un dimanche, et qu'i_l b'y fit connaître.
recommanda à toutes ses créatures de se reposer le lendemain, jour de Un chasseur de la ville d'Ifè aperçut au cours d'une chasse un agbiili "Il voulut le tuer,
vlK11 1 mais, au moment où le coup allait partir, l'animal se changea en homme : ne tire pas,
n:tarché Hùjro (ou Myôxi). Depuis ce temps, lorsque le marché de Hüjro
dit-li, j'ai une bonne.chose à te donner. - Et d'apprendre au chasseur tous les secrets de Fa,
tombe sur un lundi, nul ne travaille aux champs. d'l1rno111brables légendes, et tout ce qui concerne Fa de près ou de loin ; de sorte que le chas-
2. Vient ensuite la croyance naïvement obscène aux con~eptions miracu- bUlll' connut son propre destin. Avec ce bagage, il pouvait gagner de quoi manger jusqu'à la

l.;uses. Selon un devin de Porto-Novo, par exemple, une femme lavait un tln de ses jours.
Alors le chasseur revint dans la ville d'Ifè, essaya son nouveau métier. Il le trouva bon, et
jour ses linges au bord de l'eau. Comme elle était penchée sur so'n travail,· continua à l'exercer. Mais, lorsqu'il eut célcbré chez lui une des cérémonies prescrites par
un vent s'éleva derrière elle, la pénétra et la féconda. Ce vent était une méta- <'/.1["'111, il la trouva moins ·efficace qu'on ne te· lui avait promis. La fois suivante, il décida
morphose de Mawu. C'est ainsi qu'une femme conçut Fa sans le concours d'opcrcr dans la forêt, et son sacrifice eut une extrême effic:1cité. Po_µr cette raison et jusqu'à
no~ jours, les cérémonies en l'honneur de Fa ont lieu de préférence dans la forêt, surtout la
de l'homme.
principale, - la recherche et la remise du signe individuel contenant le destin d'un être. Car
D'autres légendes affirment que Fa est le fils de deux femmes. Sa mère, P11 est un -vodü de la forêt.
n'ayant pas trouvé de mari, s'accoupla avec une autre femme. -L'enfant,
ajoute l'informateur, un portonovien, était bizarrement constitué : c'était un Il s'agit là sans doute d'une légende du signe Sa-Woli.
vrai monstre. On peut comparer sa naissance a la ponte d'un œuf non
1 .. fofra, chap. v, p. 197.
fécondé, qui n'aurait pas durci comme les autres. Fa ét'.lit une clrnse i. Genre d'antilope africaine, peut-être le tragélaphe (en nago ogla, en haoussa belowa, en
en chair, sans squelette. Il restait assis ou étendu sans pouvoir se lever ni IOllCOuleur vilhro'j. L. FROBENIUS use du mot « Galla, antilope naine"• dans une ,. naïve
bouger. Pourtant il était doué de parole, il mangeait, il voyait. Il voyait 'l'lcrfabel » qui semblJ..être une légende du signe Di-Losa. (Kulturgeschichte Afrikas. Zürich,
Phnidon-Verl., s. d. (1933), Ill. Teil, pp. 330-331.) - D. WEsTERMANN. Worterbuch, op.
même partout, d'un bout ;\ l'autre du monde. Ses deux parentes, à qui il !'Il., p. 136:
« afia, eine grosse, in der Steppe sich aufhaltende Antilope».
V'

LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES ORIGINE LEGENDAIRE ET OlpGINE HISTORIQUE 41


Outre l'agbàlî, il y a, dans la forêt, d'autres animaux qui comprennent Fa. Quant à l'agbâli, il tenait sans doute ses secrets de Dieu même.
L'afyàku, autre sorte d'antilope, est leur chef. Le glêz.î, rongeur des champs, 4. Le Ziïnà, à Porto-Novo) fréquente de nombreux Musulmans et son
qui ne sort que la nuit', connaît aussi de nombreux secrets, ainsi que l'an- Information s'en ressent. Il pense que Fa a été tracé en seize signes princi-
tilope rousse, ts. On considère le porc-épic comme un Bok:mô, et l'on dit ptlllX par Mawu, sur untp.ierre rectangulaire blanche installée par lui à La
qu'il demeurait auprès de Fa à Ifè, car il produit, en agitant sa queue, un Mecque. Les signes ressortaient en noir. De haut en bas étaient inscrits : les
son comparable à celui des clochettes aligle. Ne consultant pas lui-même à lettres de l'alphabet arabe, les seize signes principaux de Fa et les caractères
cette époque, il s'exprimait néan rnoins avec un remarquable à-propos, dit-on, latins.
et certains signes ont gardé le souvenir de ses paroles, notamment Jiogbe et La Mecque fut, d'après le Z1inà, la première contrée peuplée par Dieu.
Yêku-Msji 2 • On dit aussi que le lqgoz.o, la tortue, et l'ajinaku, l'éléphant, C'est de là que les hommes se répandirent sur la terre, chacun emporwnt
«fouillent le Fa )) (kâ-Fa)d~ms la forêt. Non alphabet. Les gens d'Ifè furent les premiers à accourir lorsqu'ils apprirent
Avant de faire un enfant, l'antilope agbâli consulte Fa pour savoir sous l'existence de la pierre mystérieuse; ils s'initièrent à la connaissance de Fa
quel signe il viendra. Lorsqu'elle connaît ce signe, elle fait une prière à et de ses signes, puis revinrent à Ifè et passèrent maîtres à leur tour. Il se
Maw11. Et, avant même d'être né, le petit porte aux deux flancs le signe de créa à Ifè un centre d'études de Fa, et les Noirs jugèrent plus commode d'y
sa naissance. Il n'est pas interdit aux chasseurs de le tuer, mais celui dont venir travailler que d'affronter le Hadj.
la halle ou le trait atteindra cette marque mystique deviendra fou. Du moins, Voilà pourquoi tous affirment, aujourd'hui, que Fa vient d'Ifè.
le signe Cê-Tula l'affirme. 5. De Porto-Novo encore, cette légende du signe Fu-Guda.
C'est encore des révélations de 1'agbàlî que viendrait l'usage pour le Bob-
nô d'emmener dans le bois sacré, dans le Fa-z.ü, le jour d'une remise de Le siège de l'influence de Fa est dans la noix du palmier spécial de Fa (Fa-de). Car Fa
~c transforma en noix de palme.
signe individuel, une planche de bois nomméeodukpo ou 1-:Jkpo i, sur laquelle
Au début, Fa était un homme sans membres et sans os. Ou le transportait partout oü l'on
sont gravés ou simplement inscrits les seize signes capitaux de Fa, et qu'il nvait besoin de ses prédictions. Tous s'approchaient de lui pour le questionner. Il parlait, et
enterrera dans la forêt. Planche et signes sont dissimulés sous une natte en tout ce qu'il annonçait aux gens se réalisait. Ce qui provoqua la jalousie de XEVioso, le ~·adù
fibres de bambou, afin que nul ne les voie. Si une femme ou une jeune fille Tonnerre, qui se dit : moi, si puissant, moi qui fais tant de bruit, qui lance au loin mes
pierres et dirige la foudre, personne ne me respecte plus ? Personne ne vient plus chez moi?
les apercevait, elle risquerait une ménopause précoce et n'enfanterait plus.
Lorsque je veux manger, on demande d'abord la permission ù Fa? Fa n'est rien devant
Les devins d'Abomey nient le rôle d'agbâlî dans l'invention du fakpo. moi 1 Je vais le tuer. Lorsque ce sera fait, les hommes me reviendront bien ...
Ce qu'il importe de retenir, c'est que Fa est un vodû de la forêt. On le Alors Xwio50 s'arma d'un grand conteau et coupa Fa en deux. Fa éleva la voix et dit : tu
m'as coupé en deux, mais je suis immortel. M~intenant, je vais résider dans les noix du Fa-de
nomme assez fréq'uemment, nûkâ-ms vodù, z1ikâ-ms vodtî ou z.tî·me vodü :
et dans l'arbre avini, et dans le crocodile, et dans taklo, la tortue d'eau douce.
vodü de la forêt 4, Cependant, il n'est pas vraiment un vodii: il agit à l'ins- C'est alors que se dressa, tout seul, l'arbre <111initi, qui n'existait pas encore. Il porta des
tar des vodù, car il prédit l'avenir. Mais il est plus fort qu'eux. fruits, et ces fruits tombèrent, et un animal gros comme un bœuf, nommé o/a (Y) ou avuii
(P), les avala. Mais les fruits ne voulurent pas re;ter en lui, et il dut les vomir. Des gens
nllèrent ramasser les fruits qu'il avait von?is et ils en firent des agll111a,fa, des chapelets divina-
r. Gl~-zi = gü-zi : champ-obscurité, celui qui mange dans les champs la nuit, et non 1oires, pour consulter Fa comme on fait de nos jours.
"œuf de champ» (M. DELAFOSSE, op. cit., Vocab., p. 282). Sorte de mulot, encore nommé Depuis ce temps, on ne voit plus Fa lui-même, mais on le sent dans toutes ces choses qu'il
acu, aflsu (F) et kète (Y), peut-être Criceto111ys ga1J1bia1111s. li ne s'agit pas de la musaraigne, 11 dites. Car lui-même, de son vivant, annonça qu'il devait se trouver dans le crocodile et
<]Ui serait plutôt W?-taklE (F). Les précisions d'ordre zoologique ou botanique ne sont données tlnns la tortue d'eau douce.
ici que sous toute réserve, les noms scientifiques des espèces envisagées étant le plus sou-
vent inconnus des services coloniaux spécialisés.
2. Cf. P. A. TALBOT, op. cil., t. II, chap. x, p. 188. 6. Un Babalawo venu de Lagos à Porto-Novo nous a conté l'histoire
3. Infra, chap. v, p. 206, et vu, p. 2 . . Odu-kpo : signe-bâton. Le mot hJ Jésigoe toute sui van.te.
anomalie dans la nature, par exemple « l'enfant qui ·parle :i.u jour de sa naissance, celui qui
nait avec des dents '" etc .. Les Na go traduisent bkpo par kpalaaba.
...
Dieu a créé Fa, qui était originairement un homme. Toutefois, il n'avait pas de squelette.
4. Nü-kâ-m• : chose-cor,le ( = li~ne)-dans. Nti-M désigne la forêt. Il exista dès la création du monde. Les hommes le coornltaieot sur tout événement impor-
42 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES ORIGINE LEGE~DA!RE ET ,ORIGINE HISTORIQUE 43
tant. Si une guerre approchait 1 , ils le faisaient venir en hamac et lui demandaient si cette En allant trouYer Mmt•11, El s.m1it déjù ce qu'il fallait répondre il son y1s1teur. Ne
guerre viendrait jusqu'à eux, et quelle en serait l'issue. Comme il disait touj0urs la \'érité, PL'llS•!Z pas qu'il y eùt là une simulation, et que le peuple ftlt trompé. El était auprès de
aux amis comme aux ennemis, les hommes finirent par se fàchcr, et comme, d'autre part, M11w11 comme le Résident de Porto-Novo (!'Administrateur français) auprès Ju Gou\·cr-
aucun parti ne pouvait se l'approprier, un beau jour ils le tuèrent. 1\cur, qui habite la même Yille, Le Résident n'en fait-il pas plus, dans sa circonscription,
A l'endroit où il quitta cette vie poussa un palmier à huile. Et les signes que Fa avait lJlll! le Gouverneur ' Ne le !yoit-on pas s9u,·ent ? Pourtant, il est cemé agir au nom du
1
inscrits sur le sol restèrent au pied de l'arbre. Les JJabalawo vinrent au pied de l'arbre et ( l.rnverneur. Et, par ailleurs, n'est-il pâ s commode, souvent, de cc se faire counir? »
ramassèrent ses fruits. Et les Musulmans ramassèrent les signes mêmes, c'est-à-dire la terre,
la poussière où ils étaient inscrits.
Le palmier avait seize branches. Tout le pays rassembla des nourritures pour les offrir ù 8. Nous donnerons une f~is enco;·e la parole au Ztinù dont le syncrétisme
cet arbre miraculeux .. Des Babalawo furent désignés à tour de rôle pour monter la garde au 1·cligieux, pour gênant qu'il puisse p;traître, est sincère, et constitue le
pied .du palmier et assurer l'exécution des offrandes. Ils disaient alors qu'ils se rendaient;\ ~ymptôme d'une évolution.
At!t·! 2; "<I''
Un' jour, les hommes transgressèrent un interdit du palmier, celui qui contraignait les Ba- Jcsus se rendait ù Jérusalem. Une foule nombreuse l'escortait. Il savait que ses ennemis
balawo de garde à l'abstinence sexuelle avant de se rendre auprès de l'arbre sacré. Celui-ci nvnicnt tendu des piéges sur sa route. Il arrh·a ù la croisée de deux chemins. L'un, que ~~s
disparut. L'llllcmis avaient parsemé d'embûches, était ouvert, net, engageant. Mais des pièges, des
Mais, chaque année, les hommes retournèrent à l'endroit où il se dressait. epincs empoisonnées se dissirnulaie11t sous le sable. L'autre chemin de Jésus était le bon,
lllnis il était tout obstrué par des toiles d'ar;1ignées.
7. Selon un vieux devin nago, né à Porto-Novo, Entre ces deux chemins, Jésus hésitait. Ne sachant lequel prendre, il invita ses savants ù
lé conseiller. Alors ils dé.:larerent : on ne peut pas répondre à ta question sans consulter
Fa était un homme comme nous. Il vécut longtemps sur la terre, à Ifè. Il devint si d'abord Fa. - Fa fut donc consulté, et révéla qu'il fallait prendre la route la moins enga-
vieux qu'il ne pouvait plus ni boire ni marcher. Il restait assis au même endroit. C'est alors Hèilllte, et d'abord se procurer lin rameau de palmier pour dégager la \'Oie. C'est ainsi que le
qu'il fut divinisé. Il était auprès des hommes le messager du vodü Duduwa. chemin fut ouvert pour Jésus. C'est ainsi que Jésus confirma la vérite du Fa.
Le premier vodü que Dieu envoya sur terre fut :Jrica Lûa (Y), c'est-à-dire Lisa (F). Mais, Depuis lors, ceux qui \'iennent demander leur Fa se munissent d'un, rameau de palmier,
en cours de route, il but du vin de palme et s'enivra. C'est ainsi que Maw11 parvint à le C11r Jésus tenait en sa main des rameaux lorsqu'il fit son entrée ù Jérusalem 1 •
dépasser et arriva le premier. Fa était le troisième. Et lorsque Mawu et lui arrivèrent a pro-
ximité de la terre, voici qu'elle était inondée.
Fa fut chargé de rapporter à Lisa tout ce que Maw11 tentait pour faire rentrer les eaux II
sous terre. Lorsque la terre émergea, précisément à Ifè, Lisa dit à Fa de féliciter Ma.wu et de
lui annoncer qu'il en faisait son représentant sur terre. Fa serait lui-même le récadère ', le Histoire : a) La divi1111tion avant Fa.
messager de Mawu . ..
A .ffè, Fa guérissait tous les malades. C'était son rôle. Il soignait les maux de tête, les
<1 Consulter un devin >J, pour un Dahoméen, est un aéte tout simple et
maux de ventre, tous les maux, toutes les fièvres ; il guérissait les aveugles, donnait des \'O-
mitifs aux gens empoisonnés ... Car Dieu, en créant le monde, créa le bien, mais aussi le banal ; cela se ramène à << prendre une précaution >J. Et ce peuple méfiant
mal. Le mal est embusqué derrière le bien. Il n'est pas né de l'homme : Dieu a voulu qu'il prenait ses précautions longtemps avant l'introduction de Fa en son pays. Il
fùt. se contentait, il faut le reconnaî~re, de peu, et l'on comprend le succès
Tout ce que Mawu transmettait au peuple en qualité de messager de Lisa, Fa en avait
d'avance la révélation, avant même de se rendre chez Mawu, ce qu'il faisait la nuit, lorsque
presque inquiétant de Fa, lorsqu'on le transplanta à Abomey.
tous dormaient. Alors ils tenaient conseil. Fa devait transmettre à Ma.wu les révélations On pratiquait àvant Fa:
qu'il tenait de Lisa, avant d'en donner connaissance à la population. Et, lorsqu'il avait parlé agbazr; : petite natte que le devin (agbaz.e.kà-t:J) tenait à la façon d'un pen-
au peuple, Maw11 venait confirmer ses paroles.
Un jour, Sakpata., la Variole, qui était vraiment misérable à l'époque, alla trouver Fa et lui
dule;
posa cette question : que dois-je faire pour être heureux? - Mais Fa, au lieu de répondre, leècàkà: consultation à l'aide de cailloux (!?è) choisis (câ) dans le lit d'une
alla tout d'abord rendre compte de cet entretien à Mawu. Puis il revint vers Sakpata et lui rivière, du Mono notamment 2 ;
prescrivit un sacrifice. Et après ce sacrifice Sakpata fut heureux, il eut des enfants, de l'argent
et son bonheur dure toujours. I. Aucun autre devin ne nous a confirmé cette légende, qui rappelle vaguement un épi-
rndc de la \'ie du Prophéte. Cf. Le Koran, trad. M. KASIM!RSKI. Paris, Charpentier, nOU\',
r. Ces informations sont traduites littéralement. cc La gu\l"re approche » est une traduction cd., 1925, t. II, p. 244 et n. r, ~hap. CXI, 4 (il s'agit dès mauvaises intentions d'Oumm-
mot a mot : guerre et groupe d'hommes s'expriment par le même mot. ·l-Jamîla, femme d' Abou Lahab, contre le Prophète).
2, Porteur de la récade, du bâton de commandement (portugais : recado, message). 2. cc Nous savons que chez les anciens Arabes, il y avait un d'erb bel h'aça ou /en/ ji111, dans
1,

ORIGINE LEGENDAIRE ET ORIGINE HISTORIQUE 45


44 · LA GEOMAXCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES

t;i : le devin (t;ikà-t;i ou sil<à-t;i) observe fixement l'eau contenue dans une b) Apparition de Fa sur la « C6te des Esclaves ».
jarre asiwèhgbà, où i1 a jeté quelqmis cauris;
mwè : le devin (mwekà-t;i) regarde fixement son client et les lignes de sa Un manuscrit ancien donne la description assez exacte d'une consultation
main; de Fa vers 1700. Cel~exte, qqe nous citons ici, ne comporte aucune préci-
kpàdà : le divin observe fixement les yeux du consultant avant de sion de lieu, aucun détail sur l'origine de la croyance 1 •
répondre. « Pour consulter leur Dieu particulier chaque Nègre fait ches luy avant de sortir ce qujl
Il existait d'autres procédés encore. On a honte, aujourd'hui, de les énu- 11ppelle encore Fetiche qui est de se metre aterre dans vn coin de sa maison, jl adevant luy
vnc petite table eslevée d'vn pied et deux en quarré eslevée d'vn poulce ou deux deterre sur
mérer et ils n'ont plus cours, en général, qu'auprès des pauvres d'esprit 1 •
lnquelle sont des queües de cheval des grelots des petits sacs a metre des noyeaux depalmiste
. J-e mode de divination (nulcikà) le plus suivi, avant l'importation de Fa, et 100 autres bagatelles, letout garny dEtoffes desoye - entre cette table et luy jl ya vnc
était Bo 2. Bo était un dieu, mais personne ne peut dire au juste d'où il est plnnche dvn pied delong sur vn derny de large laquelle ades bords et acosté deluy vne Espece
venu, ni à quelle époque. On le considère comme très ancien, antérieur de coupe de bois ou de cuiure dans laquelle jl met des noyeaux depalmistes sur lesquels
npres avoir mange dun fruit dupais et de la maniguette jl crache dessus et les remue bien dans
même à 1 arrivée des Aja sur le plateau d'Abomey, et l'ou a gardé sa mémoire ses mains, ce qujl apelle leur donner a manger. Cesont ces noyeaux qui servent afaire la con-
dans certaines localités, où des hommes lui rendent un culte. Il s'agit en sultation. Il jttte eusuitte dela poussiere debois dela couleur dubuis sur cette petite planche
général de ventriloquie. Le Bokà-t;i se présente au client devant un tas de qujl estend apres quoy il reprend les noyeaux dededaus la coupe ou jl les avoit mis et les
remue encore dans ses mains pendant vntems et fait des marques avec le doigt du milieu sur
feuilles qu'il agite, en lui faisant croire qu'il appelle un mort ; d'ou les lnpoudre et apres avoir bien fait ce manege il donne a vn petit negre qui est acosté de luy
noms d'as;iho-t;i ou d'as'1llâ-t;i, donnés parfois au dt:vin de Bo i. Quand le des bouges, des coquillages, des morceaux depots defer ou autres choses aquoy jl a attaché le
client est suffisamment troublé, le devin extrait de son ventre des oracles bon et le mauvais succès des affaires sur lesquelles il consulte et recommance la mesme
ccremonie pendant laquelle le petit uttgre se cache pour metre cequjl a rcuu dans' ses mains
plus ou moins pertinents. Il a souvent auprès de lui un canari renversé sur
li paroist cnsuitte et presente les mains a son maitre qui.luy fixe vne des deux et suivant
le sol, qui est censé contenir la voix de !'au-delà. ccqui est dedansjl juge du bon ou du mauvais succés de sa consultation. LeNegre atant de foy
Par un procédé comparable, suppléant à la ventriloquie, un compère Il cette fetiche que pas vn ne manque ala faire avant de sortir deches luy les jours marqués
Il moins dvne affaire de consequence, qui les empesche dans ce cas vn autre La fait pour luy
invisible parle à l'orifice d'un canari sonore, pendabt que le devin brasse ses
LcRoy comme les autres ».
feuilles. Parfois, les paroles émanent d'une tête de mort, ce qui émeut encore
plus le client 4. Il est probable que Fa se répandit sur la côte, dans la région d'Ouidah,
nvant son adoption officielle à Abomey.
lequel on devinait l'avenir en jetant des pierres». Edmond DouTTÉ. Magie et Religio11 dans
l'Afrique du Nord. Alger, Jourdan, 1908, chap. vn, pp. 377-378. - ]. WELLHAUSEN. Resle
des aràbischen Heidenthums, 2e ed .. Berlin, Georg Reimer, 1897, p. 207, n. 4. - Ce procédé
c) Apparition de Fa a Abomey.
porte le nom de kë cùî cùi, consulter avec des pierres choisies ; il est pratiqué par les kè-cùl-
Ilest déjà impossible d'obtenir, même à Abomey, une version précise et
cià Boko, et le grand devin d' Abomey Gedegbe l'employa jadis.
1. Ils n'ont pas fait, à notre connaissance, l'objet d'études spéciales. A. B. ELLIS fait une
complète de l'introduction de Fa dans le, Bas-Dahomey.
courte allusion;\ leur existence (op. cit., chap. v, p. 97). - La consultation décrite par
Willem BosMAN l'est de façon trop imprécise pour permettre des rapprochements. (Voyage de de ces têtes en France ; j'en ai vu souvent, dans vos foires, notamment à Paris. - Le Boko-
Guinée, co11le11ant itne description 1wuvelle et IÏ'ès exacte de cette côte où l'on troûve et où l'on tra- '1<1, qui n'avait pas compris le mot foire, reprit : les religions se ressemblent et ne se con-
fique l'or, les dents d'éléphants et les esclaves; etc., trad. franç .. Utrecht, Antoine Schouten, naissent pas. Vous, Blancs, vous allez à l'église, et vou5 dites que c'est la maison de Dieu:
1705, Dixième lettre, p. 154). est-ce donc que Dieu vous l'a dit ?
!. Relation dn Roy.lltme de Judas en Gninée, de son Gouvernement, des mœur:S de ses /Jabitans,
2. A distinguer de bo, amulette, dont le ton est plus elevé.
3. As.1-/;o-t.1 : as:J-frapper-celui qui ; aso -kà-to : as:>fouiller-celui qui; celui qui dit l'avenir tle leur Religion, et du négoce qni sy fiiit. MS no 104, Arch. du Minist. des Col., fonds du
en frappant ou en brassant les feuilles. Son action se nomme aso-xuxo. As.1 d'ésigne le bruit Dépôt des Fortifications des Colonies, s.l., anonyme; date: 1691 et 1678-1701 (sic). La
des feuilles agitées. mauvaise volonté soutenue de ce service d'archives nous empêche de donner d'autres préci-
4. A Koli notamment, prés d' Allada. Le vieux de.vin qui nous donnait ces informations fut sions sur cet important document (Gite ap. Henri LABOURET et Paul RIVET. Le Royaume d' Ardci
interrompu ù ce moment par un de ses fils, brigadier libéré du service militaire et revenant tison Ev.wg-élisation au XVIII•siècle. Paris, Institut d'Ethnologie, 1929, p. 28), et d'affirmer
de France, qui n:lus dit : ce!J parait vous surprendre ? Pourtant, il y a un grand nombre qu'il n'en existe pas d'analogues dans le même fonds.
L\ GEO:\[ANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCL\ \'ES ORIGHŒ LEGENDAIRE ET ORIGINE HISTORIQUE 47
On croit généralement que« deux Babala'il'O nago,]isaet GôgcJ, - on ajoute p61dr ses murs, et le pria de lui prêter AdeiEp : cc il t'a vendu de la pluie l'an dernier. Il sau-
rn bien m'en vendre cette ann~e ».
parfois Abilwbi, - apportèrent ce culte nouveau à Abomey au début du règne
Le roi fit appeler le devin, lui ordonna' d'adresser les prières voulues à ses noix de Fa pour
d' Agaja Commerçants ambulants, m;iis non musulmans, ils se fixèrent
1

tt11tisfaire son fils aîné, et lyi remit tout le nécessaiœ. Au jour fixé par Adehy<, une pluie
dans le pays et y firent souche. ]isa pouvait, dit-on, pro\'oquer la pluie >>. "hondante tomba. ·.,... ·
C'est depuis lors ~1u'Adeleye reçut à Abom~y le surnom de jisa: celui qui vend (.r,z) la
La plupart n'en savent pas plus, et, si soigneusement recueillis qu'aient été
pluie (ji).
les quelques détails qui suivent, nous les .donnons sous réserves. }isa regagna son pays L\traisiéme année. Il ne se fixa pas à Abomey, où l'un de ses dis-
lllillcs, Dlwusi, prit sa succession cot•me Jevin et porta son titre. Ensuite vinrent Adan1iluï,
ün certain Adehy•, expert en divination, arriva un jour à Abomev sous k règne d'Aga- »Upérieur à Liiw111i, et fils aîné de Tasu-Hlii de Hwalnue ; Ayihënu, fils d'Adwzikzi ; Ayi-
ja, accompagné de Gc!s;ô (né à Zado de père Nago), At~, Ibilwbi' et Gbûa, tous Nago i. Lt: Wl(belan6; Aklll/1ü.
père d' Adehyz était, dit-on, originaire d'Ifè, sa mère de Gbo111aca. Or il n'avait pas plu depuis Gogo eut de même pour successeur ii11médiat son disciple H1ljo, fils de Gcltlllo de Zndo.
trois ans :1 Abomey. On annonça au roi qu'Adehy< se faisait fort, après manipulation de noix Portl!rent ensuite lè titre de Gàgà : (Urn Ai•aiià disciple de Hlijo, et Gles11gbe, disciple du pré-
dt: palme, de faire tomber l'eau. Agaja le fit comparaître un matin devant lui, et le pria de c~dcnt.
répéter ces propos. Le devin acquiesça, et le roi lui demanda le prix de son intervention. Ni Acle!Eyz ni ses quatre compagnons ne ·firent souche à Abomey. Mais ils transmirent
AdeZ.yz exigea un cabri, une jarre d'huile de palme, deux cents francs, une pièce de tissu et leurs noms - devenus titres - à des disciples, et nombreux sont les devins qui invoquent
deux poules. Le tout lui fut aussitôt apporté. Mais le roi lui promit, s'il ne pleuvait pas le ~es lointains précurseurs avant chaque consultation.
jour même, qu'il serait décapité.
,4dehy• accepta le risque et se mit en prières devant ses noix de palme jusqu'au delà dt: Agaja ne se rendit pas au bois sacré de Fa, mais tous ses successeurs
midi. Et il ne pleuvait pas. Agaja qui avait revêtu, pour cette solennitt', des vêtements nou-
veaux, ainsi que ses femmes et ses enfants, convoqua ses chefs pour qu'ils assistassent à la
reçurent leur kpali avant d'occuper le trône. li eut été contraire à l'étiquette
mise à mort de l'imposteur. Vers quime heures, il fit dire à AdeZ.y,que son exécution aurait dahoméenne de ne pas faire profiter les rois défunts d'une innovation qui
lieu dès que tout le monde serait assemblé, et, vers seize heures, le devin fut ligott< comme devait servir efficacement la dynastie. En conséquence, dès le règne d'Aga-
une bête. A ce moment, le ciel entier se couvrit et la pluie tomba.
Le roi réunit un grand conseil et demanda si quelqu'un co111faissait le Nago. Nombreux
/a, ]isa fut chargé de « fouiller son Fa» pour découvrir le kpali des quatre
furent ceux qui chantèrent les louanges d'Adeleye, affirmant qu'il était homme de parole et premiers rois. Par la suite, chaque roi désigna un Bokanà éminent qui fut le
que ses noix de palme ne mentaient jamais. Agaja lui remit sur le champ une nouvelle devin officiel du palais.
somme de deux cents francs et le félicita publiquement de sa réussite.
Ad~hye pria le roi de lui confier des jeunes gens dont il ferait ses disciples et qui pt:rpé-
tueraient ses connaissances dans le pays. Le roi accepta et prit l'habitude de consulter le Fa d) La divination apres l'installation de Fa.
du Nago.
Pendant un an, la pluie cessa à nouveau de tomber. Kakpo-Naxa, fils aîné du roi, qui vou-
Hwajele, (en tendu aussi Hwàjile,) mère du roi Tegbesu successeur d' Agaja,
lait.se construire une maison, alla trouver son père, lui exposa qu'il avait besoin d'eau pour
nec à Ajahà1m., installa à proximité d 'Abomey, à BagbonJgô, un vodü nouveau
nommé Bagbo, susceptible de dire !'.avenir 1

1. Contra, Marie-Madeleine PRÉVAUDEAU. Abomey la Mystique. Paris, éd. Albert, 1936, Bagbo est originaire du village de ]aluma, qui dépend du cercle de
p. 5 1 : cc Akaba. • • conseillé par <c Fa», le destin, choisit pour lui succéder son frère
Agadja ».
Savalou 2

2 .• Le mot fut transformé par les Fon en Abikobi.


3. Les voyageurs anciens font débuter le règne d'Agaja ou Agaja-Trndo en 1708, et lui 1. Hmijele passait pour une forte femme, experte en talismans et grande psychologue. Un
assignent une durée de vingt, vingt-et-un ou vingt-quatre ans (1728, 1729 ou 1732). Selon 11 loua» de ce nom (« Ouan-Guilé ») existe aux Antilles. (Marthe OuuÉ. Les Autillfs, Filles
eux, Tegbesu serait mort en 1 774 ( 17 mai) ou en 1775 ; le cc Bossa A chadée » des anciens tl~ France, Marti11iq11e, Guadeloupe, Haïti. Paris, Fasquelle, 193 5, p. 300). Elle introduisit de
autems est la déformation d'un de ses noms: Tegbesu A/Jade. (Archibald DALZEL. T/nHistory 1101\lbreux vodü au Dahomey, notamment les statues de Lisa et de Mawu du palai~ de Sig-boji,
of Dahomey, an Inland Kingdom of Africa ; colllpiled frmn authe11tic Mel/loirs ; wiili 11/l Intro- dont Béhanzin brûla les reproductions en s'enfuyant d' Abomey le 16 novembre 1893. Ces
duction and Notes. London, T. Spilsbury and Son, 1893 ; A ]ourney Io the Court o; Bossa clligics furent remplacées, sur ordre du roi Ago-li-Agbo, par le sculpteur Az·iüitail, fils de.Som
Ahadee, King of Dahomy, in the Year 1772, by Robert NoRRIS, p. 149 : c< He did not long Adadi, artiste du palais. (Tuji·a, chap. Ill, p. 70, n. 4).
survive this interview, but lingered on the 17th of May, 1.774, when be <lied, aged ne<lr 2. Notice géo,i;n1phique, topographique et statistiq11e iur le Dahomey, par les Officiers de l'État-
seventy years, of which he had reigned about (ourty li). - « Ashadé » est un « loua» en Mujor du Corps expéditionnaire du 13énin (IIIe, IVe et Ve parties). Paris, Baudoin, 1894,
Haïti. (M.]. HERSKO\'ITS; Life .. , op. cit.,pass.). pp. 36-37-: cc Coufédéralion de Dj,t/loukou. - Elle est située à l'ouest de Sav<ilou ; ... elle
J

'Il;

LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES ORIGINÈ LEGENDAIRE ET ORIGINE HISTORIQUE 49


Hwâjele, apprenant l'existence du vod1t de Jaluma, demanda à Tegbesu tout Le Bagbo de faltt111a ne ~( parle» pas. On lui exprime un desir, en le
ce gu'il fallait pour l'acguérir. Une expédition le ramena à Abomey près du pifant de l'exaucer, on lui promet tel cadeau lors de la réalisation, et on le
palais de Sîgboji. Mais le roi, se mefiant de la puissance du nouveau venu, quitte. A Bagbonàgà, le vod1î répond par l'intermédiaire de son prêtre, fils
pria sa mère de l'éloigner et de l'installer ailleurs, dans les champs. Le il>un Nago Ca, qui ndus affirma être inspiré. Il répond aux prières, conseille
choix de Hwàjele se fixa sur EagbonàgiJ, où ne se trouvait aucun autre vodù, lus consultants, leur fixe un délai au bout duquel ils seront exaucés s'ils le
et où quelques cases à peine se dressaient Un chemin relia Si(Tboii
1

b I
à Baif-
1'
mérite nt.
boniJgà, passant devant le palais personnel de Tegbr!su, situé au quartier La légende suivante concernant Bagbo a été recueillie pour nous à Jaluma
Adàdolepoji. Le roi ne craignait pas d'aller adorer le vodit dans son nouveau pur l'interprète en retraite Léandre Martin :
temple.
On commença par faire co11fiance à Bagbo, dont on crut qu'il parlerait Bngbô était un fé~iche habitant sous l'eau de la rivière Zou. Quand on venait lui apporter
iles offrandes, on les remettait au grand féticheur, qui descendait les offrir sous l'eau à sa
aussi bien, sinon mieux. que Fa. Deux garanties valent mieux gu'une, et la tll\•lnité. Trois heures après, il réapparaissait avec des nourritures cuites et prêtes à être cou-
monarchie pouvait avoir intérêt à diviser les devins 2. Dans la suite, on 1om111ées. Il les distribuait:\ ceux qui étaient venus consulter Je fétiche, en les assurant que
s'aperçut qu'il ne valair guère mieux que les prédécesseurs de Fa. Néan- lours vœux étaient accueillis et qu'ils en auraient la réalisation sous peu. A la longue, comme
les fidèles affiuaient, Bagbô ordonna au grand féticheur d'aller chercher un lieu sûr et de
moins, il ne fut pas renvoyé, car il n'est pas bon de (( faire honte » à une
1'y installer. Il lui dit de ne plus descendre Je visiter sous l'eau, de peur de s'y voir un jour
diviniré, si faible soit-elle. i'Utcnu. Il lui transféra toute sa puissance en lui recommandant de ne recevoir rien qui dépas-
Ce vodit n'accepte pas d'argent, ni à faluma, ni à BagbonôgiJ. On lui offre llAt les cadeaux d'usage. C'est alors que Je grand féticheur de Bagbô a choisi Djalouma comme
des cauris, des poulets, des cabris. Les cauris devenant de plus en plus lieu de sa résidence et que ce village devint le centre cultuel de son ,·andou.
rares, il est parfois difficile de s'en procurer.
Aire de dispersio11 de Fa. AnalogÏt's.
~ompr~nJ ~e vastes territoires presque déserts. Son chef, Noukoumoké, réside à Djalloukou,
a 30 k.tlometres au sud-ouest de Savalou, et à 60 kilométres au nord-ouest d'Abomey. Le culte de Fa s'étend du Bas-Nigeria occidental au Bas-Togo.
« Djalloukou est un beau et gros village qui n'a pas moins de 300 cases construites en
Dans le Bas-Togo, où l'on admet son origine yorouba et dahoméenne ',
barre ~t bien. entreten.ues. Ce village est r.emarquable par sa propreté, tout y respire l'aisance
maigre les pillages frequents que les habttants ont eu à subir de la part des Dahoméens ... il occupe une ~égion qui s'étend au sud de la ligne idéale Atakpamè-Agbaudï
Les autres localités dépendant de Djalloukou sont : Dialouma, .. a 1 heure 1 12 seulemei.t 1\ la frontière du Dahomey.
de Djalloukou, sur le sentier qui conduit à Tado ». - Cf. aussi A. L. d'At~ÉCA, op. cil., La limite septentrionale, au Dahomey, suit approximativement le huitième
ch. XI, p. 191.
r. Village situé à deux heures et demie de marche d'Abomey environ. Tous le 5 habitants parallèle.
ont le même vodù, Gbagbo, et le même ancêtre, un certain Klobi possesseur avec ses deux Enfin, la traite a permis à J;a de franchir l'Atlantique : sa présence est
li-11 es, de la seule ferme de l'endroit lors de l'arrivée, avec ses deux
' fils, d'une' certaine Mama
l\ttestée au moins au Brésil et à Cuba. Les mots : BokaniJ et Babalawo se
Amàyagb•. Le village reçoit encore des visiteurs d' Agoni, d'Ouidah, de Cotonou, d'Allada,
de Porto-Novo, etc .. Dans la famille du voda11iJ,on porte trois marques verticales parallèles a
retrouvent également en Haïti. Mais les études afro-américaines sont fort
la tempe et deux sous l'œil. peu poussées sur cette guestion 2 •
2. M. J. et F. S. HERSKOVITS. An Outline . ., op. cit., p. 3 5 : cc Legend also tells that in the
reign of .Agadja .. , the system of divination lmown as Fa was introduced, because the monarch
1. J. SPIETH, Die Religion . ., op. cit., Einleitung, p. 3 : cc Von Osten her bekamen sie ihre
was anxwus ta discredit the divining done by the bok'}ntQ - the diviners of the indigenous
people o,~ the p~atea~ >> .. -A. L. d'ALBÉcA rêve à des causes économiques. Hypothèse sédui- 1·ciigiosen Geheimbünde, den des Yewe und den des Wahrsageordens, und zwar kam das
sante, s tl ~e l expnmatt par 1111 non-sens : (<Aja, dieu des amandes de palme, dieu de la Ycweunwesen, dessen heutige Gestalt nur noch spiirliche religiose Züge an sich triigt, aus
~ag.esse, ~u1.sque c'est grâce à lui que les noirs peuvent vendre les amandes qui, autrefois, Dahome, wiihrend die Heimat ihrer Wahrsagerei in Yoruba, ostlich von Da home, zu suchen
eta1ent la1ssees aux porcs». Ethnographie. Les populations indigènes de la aJte occidentale d'A- lst ». Id., Die Ewe-Stamme, op. cit., Die Erdengotter, p. 68: (( aus Dahome und Yoruba kamen
frique. Rev. Scientif. (Revue Rose), Paris, t. XLIV, 2•sem. 1889 (3esé.rie), no 1 2(26•ann.), Afa, « Zeichendeuterei und Wahrsagerei », sowie der einen •grossen Teil des Ewelandes
b~herrsehende Geheimbund der Yeweverehrer ».
21 sept. 1889, p. 363. (Ex (<Les Etablissements français du golfe de Bénin (géof!raphie, com-
mtrce, langue), à paraître chez Baudoin». Seule cil.). 2. Infra, chap. IV, pp. 112, n. 2 et II4, n. 3.
50 LA GÉOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES ORIGINE LEGENDAIRE ET ORIGINE HISTORIQUE

A Madagascar, le sikidy, pour n'être pas issu du Fa, n'en possède pas moins Cette opinion se confirme à la sim~le observation des deux faits suivants:
la même origine et a fait l'objet d'études détaillées'. lit géomancie pratiquée dans toute l'Afrique du Nord jusqu'au Niger, proche
parente du Fa, a subi en milieu musulman une évolution très différente.
Conclusion. D'autre part, à la fin d~, xv1e siècle, un mode divinatoire de même allure
En ce qui concerne le royaume du Dahomey, on peut admettre que le Fa que le Fa est introClui-t à Madagascar par des Sémites parlant et écrivant
a été officiellement introduit à Abomey sous le règne d'Agaja, dans les pre- l'arabe.
mières années du xv~ne siècle, par une caravane de commerçants nago. On en peut déduire que le Fa au Dahomey et le sikidy à Madagascar ont
Aucune indication historique ne permet encore de fixer pré_cisément une origine commune, mais que la Grande Ile, étant plus proche de la
la date et les conditions de l'introduction en pays yorouba. Il serait intéres- Rource, ou plus accessible, se trouva envahie la première.
sant à cet égard de préciser le rôle des Haoussa. Cette source est-elle l'Égypte islamique ? Cela ne semble pas douteux
L'allure de certaines légendes, les contradictions~ou les lacunes sur des en ce qui concerne le Yorouba, mais l'apport à Madagascar fut plus direct.
points importants, ainsi que la routine ou se plaisent les devins du Dahomey, Un auteuJ," semble avoir perçu la complexité tout orientale de ce pro-
nous donnent à penser que, dans les annces 1700, le culte dahoméen de Fa blème d'origine ; il s'exprime malheureusement de façon trop succincte:
était encore entaché du caractère suspect des nouveautés en vogue, tandis «Nous pouvons ... supposer ... qu'elle (la Géomancie) était connue
qu'en pays yorouba il entrait déjà dans le stade de la décadence. depuis fort longtemps en Perse aux vmc et 1x• siècles tout au moins, c'est-à.-
D'autre part, l'absence presque totale de préoccupations astrologiques dire à cette époque de haute culture iranienne où fleurissaient les Univer-
sités célèbres de Gondé-Shapour (sic) et de Bagdad, vers lesquelles conver-
conscientes, dans un domaine où elles devraient occuper le premier plan,
suffit à attester qu'il ne s'agit pas d'une découverte des Noirs, mais d'un geait alors l'élite intellectuelle de tous les pays.
c< Ce sont les savants arabes et juifs, formés dans ces universités, qui, ei1
emprunt à une civilisation totalement étrangère ; et il serait insuffisant de
m~me temps que la science philosophique et médicale acquise, emportèrent
ne mentionner comme source possible que la géomancie grecque 2 •
la science géomantique à Damas, à Alexandrie et au Caire, d'où, d'une part,
r. Histoire physique ... de Madagascar . ., op. cit., 'vol. IV, t. III, p. 42 5, n. 1 : « L'introduc-
elle. s'enfonça en Afrique par la Haute-Égypte jusqu'au Soudan et au Darfour,
tion du sikidy à Madagascar est due aux immigrants de race sémite ; ceux venus de l'Inde,
comme les Antisalû't et les M.irow·1111a11ii sakalava, ont dit à l'un de nous que leurs ancêtres et, d'autre part,yar la voie méditerranéenne gagna le Maghreb et l'Espagne
n'en étaient point les importateurs. - Les Zana'Malatii du Nord-Est, ou descendants de for- où la civilisation arabe allait atteindre tout son éclat ' ».
bans européens, avaient recours aux Zafy Borahii (de l'île Sainte-Marie) ou aux Zafin-dRami-
nia pour tirer le sikiâj. C'est sous Andriamanel6, vers l 580, qu'il a été introduit dans le b.1bylonie11ne... Lorsque parut Bérose, il y avait longtemps dcjà que, de divers points,
centre de l'île ». et notamment de l'Égypte, des notions ù la fois astronomiques et astrologiques étaient
Le mot sikiâj (sikilj sur les côtes), viendrait lui-même (id., ibid.) « De l'arabe sih'r importées en Grèce et vulgarisées par la philosophie naissante''·
«magie, incantation». (L. DAHLE. A11ta11. An1111al, 1876, p. 80, et 1886, p. 219), ou plutôt 1. A. Rou HIER. Histo1'ÙJ1te, ap. Colonel E. CASLANT. Traité Ûlémeutaire de Géo1111111cie. Paris,
de sikl ((figure" (STEINSCHN EIDER. Die Sikidy. Zeitschr. der deutsch. Morgenliind. Gesellschaft' libr. Véga, 1935, p. 169. - Cf. aussi à ce sujet D. ÜNADELE EPEGA, op. cil., p. 38: "Sorne
Leipzig, 1877, pp. 762-765)». Etc .. of the ways of expression- in Ifa or Odu Ifa are of quite rece11t date and some are of hoary
2. J. A. SKERTCHLY, op. ât., chap. XXVI, p. 474: cc lt isthe Dahoman representative of nntiquity, far older th an the Pharaons n. - Henri LABOURET et Moussa T!\A VÉLE. Quelques
the Grecian geomancy, a custom prevalent al! the world over ». - D. vVESTERMANN, aspects de /,1 ma.fie afrfrai11e, Bull. du Cam. d'Ét. hist. et scient. de l'A. O. F., t. X, nos 3-
Gottesvorstellungen .. , art. cil., p. I94 : « Diese in Westafrika weitverbreitete Wahrsa- •I• juil.-déc. I927, pp. 489-490. - Pour plus de précisions en ce qui concerne l'Inde, cf.
gekunst ist mit dern Sandschlagen der Mohammedaner verbunden, und ist besonders unter /\lbrecht WEBER. ludis.:11e Siudie1t. Berlin, Ferd. Dümmler, 185J, Bd. II, i8, Zur Grschichte
den Yoruba zu einem ausserordentlich komplizierten System weiterentwickelt worden, es der iudische11 Aslroio,!{ie, PP· 236-287, c. 1-1. BECKER. Neue Literalur zur Gesc/Jichte Afrilws.
handelt sichbei ihm um Tausende von môglichen Konstellationen >>. - A. BoucHÉ-LECLERCQ, Der Islam, Strassburg, Bd. IV, 1913, p. 305: cc Überlrnupt ist die Geomantik im ganzen
op. cil-., t. II, chap. VI, p. 207 .. 208 : cc C'était en effet de la Chaldée, mise en rapport direct Orient verbreitet, in Ostafrika sowohl wie im Westen, in Agypten wie in Indien, und an
avec l'Occident par les conquêtes d'Alexandre, que leur [au·x Grecs] était venu l'enseignement den indischen Namen liisst sich noch deutlich erkennen, Jass sie aus den arabischen
astrologique en corps de doctrine. La vogue de l'astrologie commença àans le monde médi- cntstellt sind, und etwas Ahnliches wird sich wohl auch bei den Yorubanamen nachweisen
terranéen le jour où le prêtre chaldéen Bérose, contemporain d' Antiodrns Soter er de Ptolé- nssen, wenn sie einmal philologisch korrekt aufgenommen sind". Etc ..
mée Philadelphe, ouvrit à Cos une école dans laquelle il expliqua les arcanes de la science
Institut d' Ellmologie. - Bernard MAUPOIL.
:'.::, ', ~- .

LE PANTHÉON DE LA « CàTE DES ESCLAVES » 53


llsih à la fois leur exode eê le culte de leurs morts. Ainsi fut créé l'ayizà.:
tl':..tiegbe-mi-gosï-dà-e, mi-na-blo-a-yi-zâ-tà, bo-11a-nô-hwiy:J ' : pour marquer Je·
jour de notre départ vers l'inconnu, nous instituons l'ayizâ, et nous l'ado-
rcrnns désormais. C'ést, en l'honneur de ce vodît que plus tard les rois
CHAPITRE III.
li' Abomey, lors <l'e l'instauration du culte du Léopard, instituèrent la cére-
monie dite minadoazâgbe 1.
LE PANTHÉON DE LA « CÔTE DES ESCLAVES>>.
De nombreux mots désignent, dans le Bas-Dahomey, ce qui est mysté-
l'icux : !:J, badabada, kpacal~paca, budo, blebu, vodif.-htl, !J, if;.. .. Le mot vodtl,
qui émigra vers certaines parties des Amériques, où des auteurs récents
I. Les vodü. Généralités. Nombre et classification. Caractères. Conception de l'univers.
Le Clergé et la Monarchie. Extension et décadence des cultes. - II. Mawu-Lisa. - croient l'avoir découvert, appartient, selon toute vraisemblance, à la langue
Xwioso. Sakpata. - Diï. - III. LEgba. Caractèr'es, origine et culte. - IV. Gbaadu. Con. Un vieil informateur d'Abomey en proposa l'étymologie suivante:
Appellations. Origine. Caract<:res. Culte. Préparation et inst!illation. Interrogatoire d'ini- i1odlÏ désigne, dans notre langue, l'inconnaissable ou les inconnaissables (1111
tiation. Offrandes et prières.
t' mi ma tü wû a e); il se compose du mot vo et de l'exclamation dti, syno-

Il n'entre pas dans le cadre de ce travail d'analyser l'origine, la psycho- nyme de hü. Celui qui poursuit un souvenir ou une pensée qui le fuit
logie et le culte des vodil. Nous avons cru bien faire en donnant ici, sans R'cntend dire : do vwe (pour vo) ws kpà, expression synonyme de dayi (pour
examiner de mythes, quelques notes qui faciliteront la lecture des chapitres do ayi) ms kpà: regarde dans ton rein J. Dans la langue de Fa, l'expression:
suivants et des contes traduits dans la seconde partie; elles permettront de /1()-yi Fa hwe, bo do vwe-ms kpà est la phrase courante par laquelle on encou-
situer Fa, culte de la divination, par rapport aux grands cultes publics, avant 1'1\ge celui qui cherche à s'adresser à Fa, qui lui répondra à l'aide du vo-de4;
de passer à l'étude de Gbaad11. va chez le Fa (chez son devin) et regarde ù l'aide du vo (pour trouver le
vrai).
I. - Les VoDù. L'exclamation hù ! sourde et nasalisée, est émise par un interlocuteur !1
bout d'arguments et qui s'avoue vaincu, par celui :\ qui l'on demande plus
Une description complète de la mythologie du Bas-Dahomey reste entiè- qu'il ne peut donner s.
rement à faire. Nous n'avons même pas de nomenclatures des principaux
1. Jour-nous-partir-là-bas-lui, nous-(futur)-faire-toi-aller-aujourd'hui-sien, et-( fut.)- (suf-
vodü des grandes villes. Nous ignorons le détail de leur origine, presque fixe d'habitude) -adorer. L'ayi\ti est bien connu en Haïti : cf. M. J. HERSIWVITS. Lije .. ,
toujours extérieure au Bas-Dahomey. Telles divinités ont été prises ou op. cit., chap. XIV, p. 280 et pass ..
achetées à l'ennemi ou au voisin, en Nigeria, en Gold-Coast ou au Togo; 2. Sur l'emplacement du futur Abomey, les émigrés trouvèrent trois vodll principaux :
1lww1, Gede et Nakiz.€, dont les cultes subsistent. Gede est un «loua" connu en Haïti.
tels vodü existaient avant l'occupation du pays par les Fon; d'autres forent
(M. J. HERSKOVITS, Li(e .. , op. cit., pnss .. - Dr. Elsie Clews PARSONS. Spirits Cult in
introduits par l'épouse d'un roi. /layti. Journal de la Société des Américanistes, Paris, 1928, t. XX, p. I 58).
Quelles divinités les émi11rants Aja apportaient-ils à Abomey lors de leur 3. On admet que le siège de la pensée se trouve dlns les reins (courbature), dans le cœur
exode? Le roi des Aja de Tado' rendait, dit-on, un culte à une hache en (palpitation) et dans la tête (1nigraine).
4. Infra, chap. v, p. 202'.
silex tombée du ciel. Quant aux émigrants, ils décidèrent à Allada, pour 5. L'onomatopée 1111 - que nous écririons hm! - se trouve aussi dans la langue évé.
compenser l'abandon de la terre des ancêtres, de créer un vodii qui symbo- D. WESTERMANN. Worterbttch .. , op. cit., p. 231. -Elle est connue en Haïti: cc Hoû11h 1 Notre
créole comporte, outre le langage parlé, certains sons nasaux ou gutturaux que l'on émet
I. On entend dire aussi Sado, Alada-Sado. Les rois d'Abomey restèrent en contact al'ec snns ouvrir la bouche et qui, quand ils ne suppléent pas à l'émission normale des mots,
Tado jusqu'à la conquête par les Français. Chaque année, ils envoyaient des émissaires faire servent à en renforcer la valeur. C'est tout un langage spécial, kgs des temps de servitude,
les sacrifices aux ancêtres, sous la direction de KpDyiz.li (kpD-yi-~li : le léopard se rend dans dont les termes valent surtout par l'intonation. - Tel est le « Hoûnh 1 ,, qui confirme ici le
la forêt), roi de Tado. sentiment d'admiration exprimé par la phrase précédt!nte )), (Geor,jeS SYLVAIN. Cric? Crac!
LA GEOMANCIE A L'ANCIEN>:E C6TE DES ESCLAYES LE PANTHEON DE LA « C6TE DES ESCLAVES » 55
Vo-dû signifierait donc : nous avons pensé longuement, au plus profond
Nombre des voDu. Leur classification.
de nous-mêmes, nous avons médité sur les causes, sur notre origine, sur le
mystère de la création et de la vie; mais, renonçant à comprendre, nous Il est bien difficile d'éraluer, fût-ce approximati~ement, le nombre des vodü
nous sommes écrié : hiN ceci nous dépasse. - Explic'ation peu convain- honorés dans le Bas-Dah'omey, même en restreignant le sens du mot au
cante. mnximum. En deh~rs des grands cultes répan~us paft6ut, il est une infinité
Chacun des mots qui évoquent l'idée de mystère s'est plus ou moins do cultes locaux, anciens oq,importés. Il est des vo'dü dont l'installation ne
spécialisé. Le mot vod1î désigne ce qui est mystérieux pour tous, indépen- dnte que de quelques années'.
damment du moment et du lieu, donc ce qui relève du divin. On dira, Quelques auteurs ont cru pouvoir préciser. Le chiffre deux cent un ou
par exemple, que celui qui meurt devient vodti : cela ne signifie nullement qunt1·e cent un leur a été proposé, mais Farrow, reproduisant Johnson sans
que tout le monde l'adorera, mais simplement qu'il est parti vers ~n monde Io citer, considère comme un minimum le nombre de six cents en pays
inconnu et sans aucun doute divin. Traduire vod1î par divinité est donc yorouba 2 • Dans le même pays, Frobenius affirme l'existence de seize grands
exact, mais ne donne qu'un des sens du m6t, celui qui semble le moins dieux, et en tire des conclusions relatives à Fa i.
imprécis, et se rapproche le plus de notre mentalité. Le mot fétiche est en
J)lcu, quoique vague et obscure, le représente cependant comme l'ordonnateur et le maitre
tout cas à éviter '. 1lll l'univers". - Dans le Bas-Dahomey, les convertis au catholicisme ont adopté, tout comme
los Noirs des Amériquc:s, - et sans s'être concertés le moins du monde avec les rares repré-
Fables de La Fontaine rncoutées j>ar un monl1r1,'11ard haïtien et trnnscrites en vers créoles. Paris, 8ulllauts de la religion dite réformée, - des assimilations entre le culte des saints et celui des
Ateliers Haïtiens, 190I, p. 207, n. 8). - M. J. HERSKovns. Life . ., op. cit., chap. XIV, w1/tl; C'est ainsi que Michel a été parfois reconnu en Xwioso, Paul en Ag,, Gabriel en
p. 268. Avlâ1ete, Pierre en Ajag11na ou en Gu, Ariel en Ayidohw<do, Raphaël en Oduwa, etc .. Fa est
I. A. BoUCHER, Evêque. A travers les Missions du Togo et du D,r/Jo111ey. Paris, Pierre Téqui, èOLISidéré parfois, chez les Négro-Américains, com111e le «Saint Sacrement». - P. BoucHE
I926, p. 35: «Le culte n'est donc pas, semble-t-il, l'idolùtrie grossière d'un objet materiel. ~~mble avoir perçu le danger de ces affinités pour la propagation du christianisme. (Op. cil.,
Le fétiche n'est que l;l demeure OÙ reside l'esprit ». - ]. TEILHARD DE CHARDIN, op. cit., clrnp. vn, p. 109).
chap. VI, p. I62 : " Les Nagos nomment ces dieux subalternes des orle/ms: les Europeens 1. Tel Golo, ou Goro, importé de Gold-Coast. Cette divinité nouvelle, que ses inventeurs
les appellent fétiches. Quelques auteurs, même catholiques, leur ont donné le nom de ~l ses concessionnaires eurent l'hAhileté d'orner d'un masque catholico-islamique, a causé
saints"· - P. BoucHE. Cil. ap. TouRNAFOND. Le Da/Jomey. L'Explorateur. 1875, p. 43, ll~j1\ maint désordre dan~ le Bas-Dahomey et le Bas-Togo. Chacun sait que 11 Golo empoi-
n. r : " Les Noirs ne rendent nullement un culte à la matière, à la foudre, aux serpents, aux uonne ». Son d:mger résulte de ce qu'il constitue une magie noire collective, modelée sur la
statuettes, etc.; mais ils adressent leurs hommages aux esprits, génies ou saints, qui, d'après 1·ullgiou et lui empr~ntant ses procedés. Les membres de la secte accomplissent de véritables
eux, établissent leur séjour dans divers objets ou dans le corps de quelques animaux». - messes noires et ne négligent pas la violation des sépultures. Les éléments évolués ont parfois
J. A. SKEHTCHLY les compare aux anges du christianisme et.parfois à de «saints patrons>> folt bon accueil à cette folie i;i.ouve!Je. Il y a là, peut-être, un essai de société secrète, mi-
(op. cil., chap. xxvr, pp. 466 et 472). - A sa suite, M. DELAFOSSE écrit : «Des êtres ni confcssionnelle, mi-politique. Telle qu'elle est organisée actuellement, elle sert les intérêts de
divins ni humains, plus puissants que l'hom111e et moins puissants que Dieu, des êtres non divers escrocs, coureurs de filles et agitateurs. Cf. à ce sujet les intéressl\nts articles de ]'Evêque
matériels, des génies, des anges, com111e on voudra," et, plus loin: «Les v6dü se rapprochent J, Cr.ssou, Vic. Apost. du Togo, in Etudes Missionnaires, Supplément à la Revue d'His-
plutôt des anges ou des saints de la religion chrétienne, dés premiers surtout ». (Op. cil., tolrc des Missions. Paris, «Les Amis des Mission~», t. IV, no 1, avr. 1936, pp. 1-39 et
chap. xm, pp. 178 et 180). Le même auteur précise ailleurs sa pensée : «Il faut donc bien 110 2, nov. 1936, pp. 230-243 : Une Religion nouvelle en Afrique Occidentale. Le « Goro » ou
se garder de confondre les vodo1m avec Maou, et c'est commettre une grave erreur que de « /(1111dt. ». Son aspect actuel au Togo.
leur donner le nom de divinités. Les Dahoméens ne les regardent pas du tout comme des 2. J. JOHNSON, op, cit., chap. 1, p. 10: «The number commonly reckoned is 401, but it
dieux, et ne leur donnent jamais le nom de Maou, pas plus que nous n'attribuons le nom de ls more correct to say the number is 600, arranged generally under two divisions, 200 a~
Dieu aux anges ou aux saints. Ils les invoquent et leur rendent un culte, tout comme nous the Babalawos would say, placed on the right side, and 400 on the left-hand side ». -
invoquons ces derniers et leur rendons un culte. Ils les regardent comme des intermédiaires S. S. FARROW, op. cit., chap. m, p. 23: «(B) A large class of Lesser Gods, or Orisbas, their
entre Dieu et l'homme, absolument comme le font les chrétiens à l'égard des saints». (Le number being variously stated as 201, or 401, by their Bab.ilawos, or priests, but probably
Trône .. , art. cil., p. 329). - N. BAUDIN (art. cil., p. 87) critique amèrement cette façon comprisingover 6oon. Jb., chap. 1v, p. 35. - Les mêmes chiffres sont donnés par le Rév.
de voir.:« On a quelquefois comparé les fétiches aux saints que les catholiques invoquent J), ÜNADELEEPEGA, op. cit., pp. 5-8. -R.E. DENNETT,Nigeria11Studies,op. cil., chap.xn,
comme intermédiaires entre Dieu et les hommes. Ce rapprochement a pu se111bler heureux à p. 120: « 201 (the ôriginal'number of Yoruba Orishas, or rather the number said by the
quelques protestants, mais il démontre une ignorance absolue. Nulle part on ne trouve parmi prlcsts of !fa to have been in the right hand division)». - D. WESTERMANN, Gottesvorstellu•1-
les Noirs un seul exemple d'un culte subordonné à un Être supérieur : l'idée même leur en i:m .. , etc., art. cit., p. ,197: «Wenn freilich die Yoruba und die Edo von 201 oder 401
. 111anque complètement,,. Pourtant, vingt lignes plus haut nous lisons : «Leur conception de Gottheiten reden, so ist <las lediglich eine << runde Zahl >> in der Bedeutung « sehr vie! n.
3. Op. cit., Bd. I, chap. xm, p. 286 et pnss ..
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LE PANTHEON DE LA « CÔTE DES ESCLAVES » 57
Le nombre considérable des vodü-divinités et la relative indépendance de - Himmelsgotter, dz.imawuwo; - les dieux terrestres,- Erdengotter, anyi-
leurs cultes ont frappé certains observateurs. Comment établir une classifi- mawuwo, messagers des prem5ers et au nombre desquels figure Fa, - et les
cation dans une masse pareille? dieux protecteurs individuels - personliche Schutzgotter '.
\
D'après leur origine, on peut distinguer les cultes royaux, les vodii rame-
nés par le roi de ses expéditions victorieuses, les anciens cultes locaux, Caracteres.
- to-vodü, ayi-nà, - les vodû achetés à des alliés, - l'achat englobant le n

rituel. Un lien de solidarité unit les vodiï et ks hommes; ils se complètent


Nombreuses paraissent être, parmi ces divinités, celles qui vécurent autre- ot ne pourraient se passer les uns des autres. Par leurs prières et leurs sacri-
fois sur terre '; l'élément terrestre et le céleste ne s'en reconnaissent que fices, les hommes c< donnent de la force aux vodù ». Plus les offr~ndes
mieux l'un dans l'autre, et cette croyance exprime la secrète et réciproque sont nombreuses et magnifiques, plus les divinités ont de force, meilleures
nostalgie qui paraît incliner les vodü à redevenir des hommes, et les hommes sont leurs intentions; si leur nombre décroît, les vodü s'affaiblissent.
à s'élever à la connaissance ou à l'exercice des choses divines. Les croyants, s'en rendent compte, ce qui en traîne parfois un certain laisser-
Les prêtres connaissent une classification qu'il y aurait intérêt à suivre, uller dans les rapports d'homme à dieu. Mais l'homme est retenu sur la
et que Le Hérissé semble avoir signalée le premier 2 • Le Dahoméen, dont voie de l'abandon par la contrainte sociale, la peur des représailles divines,
l'esprit critique est poussé fort loin, ne peut admettre qu'un dieu-é1ément et la confiance qu'il garde en l'efficacité d'une alliance avec l'inconnaissable.
puisse remplir seul toutes les fonctions de sa charge. Ici l'esprit d'analyse Si l'on cess1Ît complètement d'honorer un vodü, c< son nom disparaîtrait».
s'unit à l'esprit de ·hiérarchie. L'unité n'existe qu'en fonction de la pauvreté; Dans ce dernier cas, le vodü abandonné pourrait réapparaître en un autre
dès qu'un chef se lève quelque part, il lui faut des serviteurs, et plus il en lieu. Nous apprîmes ainsi, au cours d'une instruction criminelle sur les bords
aura, plus il sera considéré. De même le Tonnerre, la Terre, tous les grands de la rivière Tagbo, affiuent de la So, que le vodü Tagbo, après abandon par
vodû possèdent un ensemble de satellites entre qui se répartissent les devoirs les Nago d'Ifanhin (Ifàiii), était apparu miraculeusement dans la région où
de leur charge J. il coule aujourd'hui, à deux chasseurs du roi Gbeji, sous la forme de deux
Le Hérissé distingue «les vôdoun des pays» et les ancêtres fondateurs de canaris d'où s'échappa soudain un cours d'eau. Fa, consulté, annonça: qu'il
tribus divinisés, mais admet également la division en neuf chœurs d'un s'agissait d'une çlivinité en quête de prêtre. Mais les prêtres que l'on choisit
nombre imprécis de vodü, et crée, pour Lsgba et Fa, la catégorie des « vôdoun dans le pays moururent les' uns après les autres de façon anormale. Fa pré-
personnels»> 4. cisa que les vodü-no du pays ignoraient la façon de servir cette divinité étran-
Au Togo, Spieth répartit les dieux en trois catégories : les dieux célestes, gère, et qu'il fallait chercher quelqu'un d'lfanhin pour en faire le Tagbo-
ldunô. Ce qui fut fait et donna d'excellents résultats jusqu'à nos jours.
1 . C'est le cas de tous les Nesuhwe ou Ta-vodü. Théoriquement, le vodFi est infaillible et parfait. Ce principe est accepté,
2. Cette classification, donnée par un chef de canton, «divise les vôdoun en neuf chœurs
- malgré ce qu'il peut avoir de terrifiant, - avec un certain sens de l'hu-
(aouan =groupe, calé~orie, troupe) qui ont chacun, sauf le premier, un Houngan (chef de
fétiche), reconnu par les rois sinon importé par eux, et auquel s'adresse un culte public, mais mour, comme l'atteste, entre autres, ce proverbe chanté: vodü ma mà wiya;
nullement obligatoire». (Op. cit., chap. v, p. 103). - M. J. et F. J. HBRSKOVITS expriment mi hü-si ku w; 2 : le vodtî ne saurait avoir honte, c'est-à-dire être mis en
la même pensée par le mot panthéon : «The Dahomean does not conceive of a single deity 6chec. Le vodii ne ment pas, ou plus exactement : on ne doit pas le laisser
as performing all the fonctions of each of the elements. He rather envisages groups of ddties,
with each group forming a pantheon ruled by a pantheon head ». (An Outline .. , op. cit., mentir. Ses « femmes » sont responsables de son infaillibilité. Si elles
pp. 9-10). Et, allant plus loin : "Now, while no Dahomean will deny the validity of the assurent mal leurs fonctions, si elles le laissent «avoir honte», il les tuera.
worship of any Vody, he identifies himself with the cuit of the particular pantheon with Les sacrifices sont la « nourriture du vodü ». Mais les Dahoméens sont
which he is associated. In a word, he belongs to a church >>.(lb., p. 10).
3. Contm, Lucien LÉvY-BRUHL. Le Surnaturel et la Na{ure dans la Mentalité primitive.
Paris, F. Alcan, 1931, p. xxvm, au sujet des puissances invisibles. 1. Supra, chap. 1, p. 6, n. 3.
4. Op. cit., chap. v, p. 100-137. 2. Var. : vodli 11à wiyà a; mi hli-si ku 1111 WE,
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LE PANTf!EON DE LA « CÔTE DES ESCLAVES >> 59

trop spiritualistes pour croire que le ·uodiï vienne manger un sacrifice. Le . vlennentles consu !ter. Tels sont notarn ment : 1
, AgE
Lsgba 2, Xu, Hlâ ( vodii
vodii invisible «se nourrit» d'un s~·mbole ; on admet que l'âme -le r - de l'eau originaire de Zado), Dà et ses satellites, Sakpata et ses satellites 3 ,
des victimes égorgées ou des objets offerts et détruits rejoint la divinité /)âgbe 4, Le prêtre de la divinité consultée traduit les réponses, après avoir
invoquée et la réjouit'. Qu'est au juste cette âme, cette essence incorpo- nbsorbé un charme not~mé kpe ou ac<.; il s'abandonne alors à une inspiration
relle émanant des victimes, par quelles voies parvient-elle à son destinataire ? qui échàppe à tour" contrôle.
Ceux qui passent pour avoir étudié ces matières arnuent qu'aucune expli- Mais il reste entendu, çl,isent. les vodü-nô eux-mêmes, que Fa présente le
cation ne les satisfait : « En affirmant que des messagers portent les ye, on plus de garanties de véracité.
croit résoudre le problème, et les Missionnaires qui nous ont parlé des
angdi (anges) nous ont tout d'abord bien intrigués; mais l'existence de ces Le caractère essentiel de la divinité semble être sa propriété de posséder
messagers pose elle-même quantité de problèmes nouveaux 2 n. celui qui la sert, ûe lui « monter à la tête J>, comme disent les Fon : vodü-
«Ce que mangent les vodit »,déclare un vieux devin originaire d' Abomey, wa-ta-towe 5•

«c'est ce que mangent les hommes ou les animaux au nom des vodù. Si le Le Docteur Price-Mars voit dans la «crise vaudouesque un état mystique
sacrifice consiste en un abandon d'argent, d'étoffe, un miséreux ou un faible caractérisé par le délire de la possession théomaniaque et le dédoublement
d'esprit en fera son affaire; mais s'il s'agit de nourriture, les animaux ou les de la personnalité. Elle détermine des actes automatiques et s'accompagne
insectes se chargeront de la devorer, peut-être même un homme aff,1mé. Et 6
de troubles de la cénesthésie ». '
une sorte d'esprit émanera du produit de cette digestion. Un prO\·erbe ne
dit-il pas : la terre seule sait comment l'homme urine et défèque?» i
1, Jean-Baptiste LABAT, Missionnaire. Voyage du Chevalier des Marchais en G.uinée, Isles
Cette explication semble blasphématoire aux vodü-nà les plus avertis 4,
Voisines et à Cayenne, }~lit en 1725, 1726 & 1727, Contmant une Description très exacte &
Par ailleurs, le sacrifice implique l'idée de communion avec autrui, et un /rils étendue de ce Païs & du Commerce qui s'y fait. Paris, G. Saugrain, r 730, t. 1, Dixième
informateur précise : d'une libéralité faite à autrui. On n'imagine pas un Lettre, p. 161.
homme sacrifiant, puis consommant seul son sacrifice : il lui faut non seu- 2. Infra, chap. VI, p. 2 .
3. Surtout Adohwà et Hweve, venus de Maxi Adowi à Abomey au temps de Gez.o. (Cf.
lement un témoin, mais un commensal. Le sacrifice est un acte social. S. S. FARROW, o/>. cil., chap. rv, p. 42).
La sollicitude des vodù vis-à-vis des mortels se manifeste par la satisfaction 4. P. BoucHE,iin Le Contempornin, déc. 1874, cit. ap. A. DESR!BES, of>. cit., p. 182 :
qu'ils peuvent donner aux prières individuelles ou collectives, par la régula- «... je fus témoin, écrit le P. Bouche, d'une consultation dans le temp.le de ce saint
rité et le calme qu'ils assurent a.ux occupations des êtres et à leur vie. (Danbé) "·
5. Vodù-venir-tête-sienne, au lieu de vodii-wa ta towe-ms, le vodù vient dans sa tête. De
Certains vodü possèdent la particularité de révéler l'avenir, et les fidèles même au Brésil°: A. RAMos, op. cil., chap. vm, p. 170 : « Quando o orixd se manifesta
nu ma pessôa, diz-se que o santo lhe rnbiu d cabeça, e a esse estado especial chamam os ncgros
cahir nosanto ». - Nina RooRIGUES, op. cii., chap. rn, p. 103: « Gastou avultada quantia,
1. Les Noirs de Cuba ont la même croyance en ce qui concerne la « comida del santo,, :
sulJmetteu-se a todas as prescripçôes, a no emtanto o santo nunca lhe rnbio a cabeça ». -A
« El espiritu de los alimentas û ofrendas llega hasta los dioses; Io restante es aprovechado Cuba : A. !\AMOS, op. cit., chap. rn, p. 137 : « Dar el sa11to 6 subirse el santo d la cabez.a ».
por los brujos ». (F. 0RTIZ, op. cit., chap. m, p. 13 1). nn Haïti: Docteur PRICE-MARS. Ainsi parla /'Oncle, Essais d' Ethno,rraPhie. Imp. de Compiègne,
2. Angeli: mot courant à Porto-Novo. Comparez avec les mots suivants, usités surtout
1928, p. 122 : cc Dans l'Ouest et dans Je Sud de la République, on dit d'un individu jugulé
par les Nago: « Anjanu ou Anjênu (Anjenou) ... génies bons qui peuvent apparaître quand pnr.la crise, qu'il a sa loi ou son mystere, dans le Nord, qu'il est monté p111· les Auges ou les
on les évoque et qui peuvent donner les réponses entendues par celui qui seul joue le rôle de Sain.ts "· - François-Marie KERSUZAN, Évêque. Lettre Pastorale contre les Superstitions et les
médium. Les matières employées sont l'eau, l'huile, <lu sable, des poudres, etc ... ». (Thomas U11ions illégitimes. Con.:arneau, Typog. Le Tendre, r 896, p. 8 : « Il avait les Anges dans
MouLERO, Etudiant en théologie. Le Cathéchis•ne expliqué. Les Anges. La Reconnaissance la tête"· - E. Clews PARSONS, art. cit., p. 163: « It is on your head that the loi walks
Africaine, revue citée, 1re ann., no 8, r 5 déc. 1925, p. 7). On emploie souvent le mot 11/i- (marché) - loi marché su' li, the spirit possesses him ». P. 164, n. 2: « Shwal (cheval) .•.
jànu, où l'on reconnaît l'arabe : djinn. 1·cgular tenu for the possessed ». P. 165 : « He (Ls.rba) descends into a person's head ».
3. Ayikûr:bà-u,e-116-mà-nïi-je-aday<to-xo-me : terre-ètrc-(h\bit. )-voir-chose-tomber-celui qui 6. Op. cit., p. r 3 1. Nous tenons à remercier tout particulièremeni le Qr PRICE-MARS,
défèq ne-terre-ventre-dans. Sénateur de la llépublique noire, d'e l'accueil amical qu'il voulut bien réserver à notre cor-
4, Vod1i-nà, prêtre, litt.: maître (de l'effigie) du vodû. respondance.
~''~ - \

60 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LE PANTHEON DE LA « CÔTE DES ESCLAVES ll 6r

Cela relève de la psychiâtrie, et l'on doit déplorer que les médecins colo- Ces états quasi-morbides, ces «états de saint ll, sont nettement tempo-
niaux s'intéressent si peu à l'ethnographie '. 1'1\ires. La transe passée, les' patients se retrouvent eux-mêmes avec surprise,
Il semble que ces crises entrent dans la catégorie des interprétations déli- mnis ne manifestent ~ucun symptôme de confusion mentale, a fortiori de
rantes, c'est-à-dire de raisonnements nés d'une sensation réelle, d'un fait démence. D'aillet1rs, il faut que leur sincérité soit entière, et leur étrange
exact, dont les déductions seules sont illogiques ~u paranormales. Ces inter- oblation sans arrière-pensée : la même attitude, prise et répétée de sang-
prétations délirantes sont fréquentes dans les psychoses, mais elles sont sou- froid, ne manquerait pa:s de' causer des altérations physiques et mentales
vent le résultat de troubles sensoriels ou cénesthésiques. D'où l'usage de dnngereuses.
«médecines» destinées à les activer 2 , et les activant d'autant plus sûrement Il serait intéressant d'étudier le rôle et la fréquence des suggestions hy-
que la psychose atteint simultanément un plus grand nombre de sujets, par- pnotiques dans la provocation de ces « manies l>. Mais on sait que cette cause
ticulièrement _suggestibles, et souvent en période d'affaiblissement. Il est peut avoir les n1êmes effets que l'auto-suggestion '.
pourtant des cas où la crise éclate sans aucun artifice.
Ces troubles psychiques, provoqués ou non, sont temporaires. Mais leur Le phénomène de la possession nous amena à poser la question suivante:
)

répétition, et la contrainte sociale, en rendront le rappel de plus en plus jusqu'à quel point le vodiï vient-il en vous? Jusqu'à quel point votre propre
facile. Cette même contrainte sociale leur évitera le stade de la systémati- désir ne le crée-t-il pas? 2 ·

sation. Point ne leur est besoin de se justifier : ils ne surprennent personne. Un vieillard nous répondit: nue jro e, e wz ni vodn tnE tà : l'objet du désir,
Ils font partie de !'expérience acquise dans les collèges des vodtî. lei est le vodü de chacun. Et encore : vodü towe la, ayi towe me. we. de. Gbe. no
Il existe une affinité clinique entre la conception délirante mystique et tlr.l~pa 1Wô. a; ayi ms wz nô daxo do : ton vodü se trouve dans ton propre rein.
les idées érotiques. Peut-être faut-il chercher là l'origine du nom de vodü-si, L1l Vie ne chuchote pas à !'Oreille des gens: c'est dans ton rein même qu'elle
épouse de la divinité, que se donnent les possédés du Dahomey 1. Mais aux pnrle J.
hallucinations sensorielles et cénesthésiques, aux mortifications, aux muti- La révélation de la Vie (de Mawu) n'est pas extérieure à nous. Les vodît
lations parfois 4, ne viennent point s'adjoindre, même au plus fort du délire, d6pendent étroitement de leur créateur : l'homme. Il y a d'innombrables
des actes, des mimiques, des paroles obscènes : la mort les sanctionnerait tlspèces de Xe.vioso, de Sakpata, de Dà, voire même de Mawu et de Lisa,
aussitôt. Il y a, en revanche, formation de phénomènes nettement extérieurs Nclon les lieux,, donc selon les fidèles. Au contraire, Fa est le même partout.
à la conscience, peut-être illusion d'un commerce génésique plus ou moins
matérialisé avec l'esprit mystérieux. Il existe dans bon nombre de cas une 1, MoREAU DE SAINT-RÉMY rapporte que. le magnétisme exercé par la danse du Vaudou
~8t tel que des Blancs, trouvé~ épiant les mystères de cette secte et touchés par l'un de ses
certitude d'obéir à des hallucinations impératives, d'ordre divin 5,
membres qui les avait découverts, se sont mis à danser. Cf. aussi Dr PRICE-MARS, op. cit.,
Il, 143. - Les« civilisés »se laissent parfois piper à des tentations plus simples. Ne flit-ce
r. Haïti et le Brésil ont au contraire .!'excellents médecins ethnographes. IJllC par ce que les religions noires suscite11t de mystère, et grâce an penchant, commun au
2, Nos « sorciers » de jadis se frottaient avec divers onguents susceptibles de provoquer urnnd nombre, à retomber dans la « barbarie», de nombreux Européens, et non des moindres,
ce que la médecine nomme des « hallucinations persistantes et enchaînées » : sucs de man- ne dédaignent pas de s'assurer, par l'entremise des hommes-médecine, irs faveurs de l'incon-
dragore, de bt:lladone, etc .. Ces préparations sont d'un usage plus rare c)1ez les Noirs du Bas- 1111lssable. Leurdépartd'Afrique n'interrompt pas toujours cett~ emprise. - En ce qui con-
Dahomey. Clll'llC la p.avla des Grecs, rappelons que Socrate voyait en elle« l'origine de nos plus grands
3. L'expression vodft-si se traduit à Cuba et au Brésil par bijos del santo (F. ÜRTIZ., op. cit.) Mens »,puisqu'elle était d'_origine divine ; il en trouvait une preuve dans le fait que cc le
par filhos ou filhas de sa11/o (A. RAMOS, op. cit.); par 'asi, « priestess or medium», en Guyane mot appliqué à l'art divinatoire, le plus beau de tous, en provient» (p.av1x~ > p.aYt'<x~).
holl. (M. J. et F. S. HERSKOVITS. Rebel .. , op. cit., chap. rx, p. r 59):- Le synonyme hù-si est (PhMre, 244 a, b, c).
attesté en Haïti. (M. J. HERSKOVITS. Life .. , op. cit., pass.). 2, cc Ce désir qui monte vers Dieu est-il vraimeqt différent de Dieu ? Le musulman le
4, Il semble que les excès sanglants de certaines cérémonies soient du domaine des croit et son Dieu est personnel et volontaire ». (E. DouTTÉ, op. cit., Co11clusio11, p. 603).
charmes (cakt'tikpe, par exemple) et non des vodü. 3, Cette 4ernièrc phrase est un proverbe. On ne saurait mieux traduire que- par ces mots,
5 . Rappelons la remarque connue de BALL : « Le rapport est tel entre la folie religieuse et 11dmis aussitôt par l'informateur : cc Ce n'est pas au-dessus de nous, c'est au fond de notre
l'excitation sexuelle qu'on pourrait croire que ce sont les mêrries cellules cérébrales qui pré- cruurque brùle éternellement la ft;mme divine». (E. DouTTÉ, op. cit., dernière phrase de
sident aux mêmes phénomènes ". 111 Conclpsion, p. éu5).
T
)

LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LE PANTHEON DE LA << CÔTE DES ESCLAVES >> 63
Il est l'unité de la vie : il est la voix intérieure du SE, et la voix extérieure La volonté de garder à tout prix le secret sur le développement des cri~es
qui révèle la vérité aux consultants. vaudouesques ne doit pas faire perdre de vue la remarquable tolérance reli-
gieuse pratiquée par les ;vodûnà, les devins et les adeptes de tous les cultes
Le curieux spectacle dont les « criseurs du vodii n sont les créateurs et les du Bas-Dahomey. Les meilleurs auteurs s'accordent d'ailleurs pour recon-
acteurs, ne semble pas encore susceptible de faire l'objet d'une étude, au naître que le Noir est, « en règle générale, aussi éclectique et tolérant que
~royant ' ». J·

Conception de l'Univers.
J'o'leiL .... ......
La figure I schématise la version du grand Bolt:mô G<.thgbe.
La terre et le ciel sont ensemble comme une ·calebasse fermée, que l'on
nppelle Odu, dont le nom complet est une invocation, et comme un cri de
J)omain.e tÙM' mcrt..r détresse : Odit-wa la a lepe l'Odu (Y)! Inconnaissable, sauvez-nous! Odu est
.Terre iiabi:tk synonyme de Mawu, considéré· comme crcateur, et de Gbaadu. Tout autour
.. ·· de la terre se meut la mer. C'est pour cette raison que l'on trouve de l'eau
.... ··· en creusant profondément le sol 2. L'eau entoure la terre sur toute la sur-
"!fo" •'
face convexe de sa demi-calebasse. La terre occupe tout le reste '·
C'est à l'endroit précis où l.i mer finit que le ciel se confond avec elle,
que les deux «lèvres» (nu-fio we) de la calebasse se rejoignent. Le lieu
idéal, inaccessible à l'horn me, l'horizon où se rencontrent le ciel et la mer,
se nomme lfè. Alfè se trouve la demeure de tous les vodü. Sous les ordres
, de Mawu, ils se répandent par le monde, voient ce qui se passe sur terre, et
i·cndent compte ensuite ù leur maître 4,
Les morts occupent un domaine difficilement déterminable, au-dessus de
ln terre. Les meilleurs d'entre eux séjournent à lfè, parmi les vodîi.

1. M. DELAFOSSE, analyse de Raoul ALLIER. La Psychologie rie la co11versio11 ... Revue


d'Ethnographie et des Traditions populaires. Paris, n°• 27-28, 1926 (1927), p. 287. - Cap·
tnin R. S. RATTRAY. Wh<!t the Africa11 believes, in The West African H.eview. Liverpool, Col.
Bouse, Nov. 1934, p. 12: « Anyone who bas ever lived for . . - - - - - - - - - . . . ,
long among West Africans or attended their religious cere-
monies, will sooner or later 'become awarë of the Afri-
Dahomey du moins. C'est, nous dit-on, « la seule chose du Dahomey que cnn's tolerance towards the religion of others ». Etc ..
les Blancs n'aient pas cassée n. On doit se borner à savoir que les adeptes 2. L'emploi du mot mer est ici symbolique.

du vodü s'enduisent parfois le visage d'un certain produit, ou ingurgitent 3. Camp. fig. incon1plète donnée par R. E. DENNETT,
Nlgeria11 Studies, op. cit., chap. xv, p. I 50.
un certain breuvage avant d'entrer en transes, ce qui a lieu souvent sur une 4. Le Capitaine MAIRE a relevé, au palais de « Bécon,
simple prière du vodünô. Les vodûnô se surveillent étroitement, et la moindre Ouli » (GbEkà-Hüli), résidence du roi Gezo, un bas-relief
indiscrétion entraînerait un ou plusieurs empoisonnements. L'esprit de lucre dont nous lui empruntons la reproduction et qu'il définit :
qui règne en certaines contrées, à Porto-Novo notamment, vaincra peut- <<Rond représentant le monde soumis à Guézo ». S'agit-il de - - - - - - - - - •
deux calebasses et de l'intervalle qui les sèpare ? (Dahomey. FIG. 2.
être la résistance opposée jusqu'ici ~ux rares enquêteurs. llesançon, Cariage, 1905, pl. XVIII, pp. 44-45). (Fig. 2). Bas-relief d'Abomey.
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LE PANTHEON DE V~ «-èÔTE DES ESCLAVES » 65
.'-'/ ,-.1

Quant à Mawu, il se confond avec sa création entière. Invisible et partout rdnult<\t de troubles'. Tous les vodtînà étaient soumis aux prêtres d'Agasu et
présent, il occupe tous les séjours connus ou inconnus. Il a pour récadères di: Zomadonu (cultes royaux~, c'est-à-dire à l' Agasu-nà de Hwahwe et au MivEd~
tous les vodii et tous les morts d 'lfè, qui transmettent ses ordres. du quartier Adàdokpo;f-Lsgo 2 • Lisa et Mawu n'échappaient pas à la règle,
Les mots gbe (vie), weke (immensité), ayihühàme (tout ce qu'éclaire toujours en vigueJir, en vertu de laquelle nul n'a accès auprès du chef
l'aurore, (F) et ayie (Y) expriment la notion d'univers. MllllS passer d'abord par le subaltèrne. Ainsi se créait une sorte de religion
ll'l~tat i, qui succomba lors de la conquête, laissant la place au panthéon
populaire dont le~ deux héros sont les vodû Sakpata et Xwioso.
Le Clergé et la Monarchie.
I, M. J. HERSKOVITS a recueilli à ce sujet le témoignage suivant : cc Agadja was dissatis-
Les prêtres des vodft portent le nom de vodü-nà, ceux qui « ont » le vodü, ~ud with the rôle the magic charm played among the conquered Dj•tovi. There were too
qui en sont les gardiens responsables. Ils reçoivent parfois le nom de hübo- nrnuy plots against the monarchy instigated by the Sagbata gods and by the gods of the
l'ivers and the silk-cotton trees ... So man y of the vodunQ and their followers were sold into
nô ', maître des amulettes du vodü 2 • Tout vodü possède des amulettes spéci-
aliwcry, that today no one is left whÔ know.s how to worship the ancient gods of the ri vers
fiques, dont le secret fait partie de l'éducation des~prêtres; ils ne peuvent ~lld the silk-cotton trees, and these are restless and harass the Dahomeans >>. (An Outline . .,
en effet « commander » le vodü et initier les vodiï-si (épouses du vod1t) sans tif'/, cil., p. 35). L'origine de ces rropos n'est pas donnée, mais il est facile de la découvrir si
une sérieuse préparation magique, et, s'ils veulent « appeler sa colère » sur l'on connaît un peu Abomey et les intrigues qui s'y nouent sans cesse. Si l'on sait que l'in-
fonnateur principal de HERSKOVITS aspirait à ressusciter, clandestinement et à son profit, le
quelqu'un, ils ne pourront la diriger que grâce aux amulettes. oultc royal des Toxosu, génies des eaux, on comprend l'intérêt qu'il avait à en faire attester
La monarchie d' Abomey perçut le danger que pouvaient présenter pour jllll' écrit la décadence. - Il est certain que les rois n'hésitaient pas à condamner les vodunà
elle les puissantes congrégations de prêtres, en contact étroit avec les fidèles coupables. Enfermés chez le Mewu après l'épreuve du poison, leur sang ne devait pas cou-

qu'elles conseillaient et suggestionnaient i. La maîtrise des amulettes sacrées


lur: «ils mouraient d'eux-mêmes;>. Les prêtres de Sakpata, .surveillés particulièrement pa~
lu monarchie, ont repris, depuis la conquête, un pouvoir dangereux.
renforçait cette influence, qui ne demandait parfois qu'à dévier sur le plan 2. Agam, considéré par les auteurs tantôt comme le léopard totémique des dissidents
politique. Aja, tantôt comme le fils du totem et de la femme du roi des Aja, semble être le fils d'un
Il ne semble pas, néanmoins, que les rois du Dahomey aient connu de Inconnu considéré pour les besoins de la cause comme un léopard. Il a paru commode de
Io nommer Aga-su, pour éviter toute allusion à cette pater-
difficultés sérieuses à ce sujet. Ce sont eux, en effet, qui installèrent dans nité insolite. - Nous faisons toute réserve quant au carac-
leur capitale tous les vodü qui s'y trouvent encore; nul vodii n'y fut introduit lCl'C totémique du L~opard d'Abomey. Les rois d'Abomey,
sans leur ordre exprès. Pour éviter qu'un homme se mît à commander au tl'Allada et de Porto-Novo ne furent à l'origine que des me-
11uurs d'hommes et non ·des rois de droit divin; Abomey
nom d'un dieu populaire, les rois se fixèrent, dès l'origine, ce plan d'assu- n'est à aucun titre la ville « mystique » év.oquée par M.-M.
jettissement des autels au trône. Prenant point d'appui sur les vodû royaux, i>niw AUDEAU (op. cit. ). Au contraire, il exj11te encore trncè
dont les prêtres étaient à leur dévotion, ils contrôlèrent étroitement les tic quatre clans(?) répartis suivant les quatre orients: Ke, FIG. 3.
/ltl, Aja, Ay:J, capitales Kettt, Save, Tado, Ayo·ou :Jyo (cf. A.
actes des vodünà, et leur infligèrent les sanctions opportunes sans qu'il en
f,ll HÉRISSÉ, op. dt, chap. r, p. 47 et n. 1). Ces quatre grandes familles étaient, semble-t-il,
1. Hli-bv-110: vo.lli-amulette-(suff. d'appartenance). Le mot est hien connu aux Antilles. m.1sculines; on leur donnait le nom de to-m dabo (ville-suff. de masculinité-grand). (Fig. 3).
Le roi de Ke régnait sur les gens de Ke et était l'allié du roi de tous les animaux, Kpo,
2. J. SP!ETH. Die Rel(!{io11 .. , op. cit., chap. m, p. 178 : « Der Oberpriester, hubono »,
Léopard (Terre). Le roi de Hti régnait sur les gens de Hli et était l'allié de !'Arc-en-Ciel
etc., et en note : « Hunuwo, humbono, husunu, husunukpe oder atJch soklohu, genannt ».
Il s'agit des prêtres de« Yewe >>. Hümnu et Hüsunukp• sont des noms propres au Dahomey, (Alr). De même, les rois des Aja et des Ayo étaient alliés du roi de tous les oiseaux, le
surtout en p~ys aja. l'llpace Hàsu-hàsu (Fm), et de toutes les eaux, dont la Mer, Xu est roi, (G<degbe fait remar-
3. La suppression de Gezo par les prêtres de Sakpata, à laquelle certains auteurs ont fait quer a ce sujet que yo signifie sel en nago. Rappelons d'autre part que l'aigle symbolise l'élé-
111cnt Feu des hermétistes).
de brèves allusions, est improbable. Le motif allégué, - le désir de Gezo de réduire ou de
3. Pierre LABARTHE. (Voyage à la Côte de Guùiée, ou Description de l'Afrique depuis le cap
supprimer les Coutumes sanghrntes de ses ancêtres, - n'avait d'ailleurs rien qui pùt alarmer
les Sakpat1111à. Il se peut, en revanche, que les rois Agàglo et Agajt1 aient été supprimés par Tagrin j11sq11'a11 Cap Lopez-Gonzalvès. Paris, Debray, An XI, 1803), parlant du règne de
un pr_être de Sakpata; mais il s'agissait, semble-t-il, de vengeances per~onnelles, à propos de t< llossa-Ahadi » (Tegbem, mort selon NoRlHS le 17 mai 1774), écrit: cc Les« Dahomets »
l'Cgardent leur roi comme une divinité)), (Git. ap. Dr. BARTET. Colonne expéditionnaire dans
femmes. Quant à Ge::._o, il fut sans doute tué d'un coup de fusil, au retour d'une expédition
militaire. li• F-laut-Dahomey. Paris, Imprimerie Nationale, sept. 1898, ex Archives de Médecine Navale.
Paris. Juill.-aoùt-sept. 1898, p. ro).
66 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LE PANTHEON DE LA1 «C-l:ÔTE DES ESCLA \'ES »
·~~,/ )'
Par ailleurs, nul membre de la famille royale ne pouvait part1C1per à un Pour maintenir leur,prestige, ils usent de la crainte, parfois de la terreur,
culte populaire; nulle femme de roi ne devait retourner au hül1pam<. où, jeune -. magie noire, violations de sépultures, mises en gage, empoisonnements,
fille, elle avait été initiée, et où la coutume exige encore que les initiées ~ <lans les trop nomgreux secteurs ou une dénonciation est improbable.
reviennent. Pour accroître leur influence, ils se mêlent lentement, avec précaution, -
cn1· ils sont restés presque tous illettrés, - à la vie politique du territoire :
Extension el décadence des Ctûtes.
puisque tant de regards convergent vers les Blancs, pou'rquoi n'en pas tirer
La force d'expansion des cultes de la cc côte des Esclaves» a fait l'admira- pnrti? Mais le gcfût du secret qui est en eux, et qu'ils ont développé dans
tion de ceux qui la const;itèrent aux Antilles, au Brésil et dans les États l'onceinte de leurs séminaires, les incite à jouer ce rôle dans l'ombre, selon
méridionaux de l'Amérique du Nord (le Deep South), ou le trafic des Noirs les méthodes d'autrefois. Obligés, pour éviter la stagnation et la déchéance,
n'amenait cependant pas que des Dahoméens, des Yorouba ou des Mina 1 • do se faire une place nouvelle dans un monde ou l'esprit s'émancipe enfin,
Après la conquête coloniale, une double évolution s'est manifestée. 0[1 les yeux sont depuis longtemps grands ouverts, les prêtres, défenseurs
L'effacement de l'autorité royale permit aux prêtres d'exercer, sans con- des traditions, resteront essentiellement une puissance occulte.
trôle effectif, leur pouvoir sur une population désorientée. Mais, surpris
eux-mêmes et ne sachant organiser leur victoire, ils se laissent peu à peu II. - MAWU-LISA: '. Xzv1oso et SAKPATA.
discréditer par un.e maladroite âpreté au gain et leur indifférence devant le
problème posé par la présence des Blancs. Devant l'ensemble des fidèles Tous les auteurs ont reconnu dàns le Bas-Dahomey l'existence d'un être
dont la rapide évolution, due aux bouleversements de la conquête, aiguisait suprême. Mais, par une merveilleuse entente, ils lui ont dénié tout pouvoir,
!;esprit critique et le goût de savoir, devant la propagande chrétienne et 11lnon toute action 2.
musulmane, les prêtres restent prisonniers d'un monde immobile et désuet, 1 . Lisa n'est peut-être qu'une déformation du nago orica. Ma-ivu pourrnit signifier rien
dont toutes les possibilités déjà s'eJÇprimèrent 2. n'est phis grand (cf. Joseph J. WILLIAMS, S. J .. Africa's God. I - Gold Coast and its Hinter-
/1111d, in Amhropological Series of the Boston College Graduate School, vol. I, April 1936,
1. A. RAMOS, op. cit., Introd., p. 17 : « Desses negros rndanezes, os mais importantes Joram Boston Coll. Press, pp. 55-56 : «The Reverend J. Fuchs writes me from Travie »,
os « yorubanos » ou « nagôs » e os « gêges » ( « Ewes » ou « dahomeyanos ") e em segundo logai-, os ('l'sé'vié ?) « Togo, French West Africa ... He derives Mawu, the name of the Supreme
« miiias. » ( « Tshis » e << Gds »), os.« haussds », os « tapas », os « bornus,, e os « grimcis ,, ou Bcing, as follows : f< lvfo expresses negation, wu means more; the sense, then, is 'nothing
«gallinharn.lb., p. 29, n. 9 : cc Ortiz tamben attribue a predominancia da religiâo yorubana, nllove', or 'nothing greater ... ' ». lb., pp. 56-58), ou mieux : qui partage (ma) les corps (wu,
em Cuba, nao so ao consideravel numero <lestes escravos introduzidos na America, como pour wutu), qui a donné un corps à chacun. On doit accepter ces étymologies sous les plus
ainda : cc al mayor progçeso de su teologia comparada con las demis de aquellas comarcas; srnndes réserves. Maivu se retrouve en Guyane holl. (M. J. et F. S. HERSKOVITS. Rebel • .,
a la intensa foerza exp.ansiva de los Yorubas ; a·1~ muy denso de su poblacion ; a la di fusion o/>. cit., chap. xt, p. 191).
de su lengua que hablan mas de tres millones de negros, etc .. ». 2. Willam BosMAN, op. cit., Dix-huitième Lettre, p. 394. - John BARBOT. A description
2. Il faut mal connaître le Dahomey pour voir un facteur d'évolution souhaitable dans of the Coasts of North and South Guinea, and ·oj Ethiopia inferior, v11lgarly Angola . ., etc., in
l'iconoclasie et les blasphèmes, sans base sociale, de quelques mauvais garçons rentrés de Collection of Voyages, de CHURCHILL, 1732, t. IV, chap. 1v, p. 3 52/2.-- P. LABARTHE, op. cit.,
France. Ces fanfarons d'incrédulité évoluent d'ailleurs très vite vers la magie noire. Cf. Lettre XIII, p. 136. - P. BAUDIN, op. cil., p. 6 : << Ils le considèrent comme l'être suprême
François STEIN METZ, Evêque, Vicaire Apostolique du Dahomey : cc Les stations du Dahomey Ol primorJial »... cc Les Noirs ne rendent à Dieu aucun culte et le laissent dans le plus outra-
étaient au nombre âe 16 en 1900, de 22 en 1914, de 27 en 1920, de 69 en 1923; elles flCOllt oubli '" Les contradictions de cet ecclésiastique ont été relevées par le Jésuite J. J.
dépassent actuellement la centaine. La progression a été rapide. Après Dieu, il est permis WILLIAMS. Voodoos aud Obeahs. New York, Lincoln Mac Veagh, The Dial Press, 1932, p. 54. -
d'attribuer ce changement, en partie du moins, aux nombreux tirailleurs sénégalais que le Jl. BOUCHE, op. cil., chap. vu, p. 107. - ]. TEILHARD DE CHARDIN, op. cil., p. 161: ((il n'est
Dahomey a fournis pendant la guerre et dont un grand nombre revint à ses foyers. Ces l'objet d'aucun culte. Les Noirs laissent !'Être suprême dans un outrageant oubli ». - A. L.
jeunes gens, enlevés pendant plusieurs années à leur milieu païen et à son influence, ont ll'ALBEcA, op. çit., chap. 1x, p. 138 : « Ils ne rendent à Maou aucun culte ». - CHAUTARD,
constaté qu'ils sont revenus de la guerre sans a\·oir fait de sacrifice aux fétiches, comme le Missionnaire. Le Dahomey. Lyon, E. Vitte, 1890, p. 13 : «Leur fétichisme est plus spiritua-
paganisme l'exige. Ils ont vu des prêtres, des églises, quelques-uns ont été convertis et liste qu'on ne pense. Ils admettent l'immortalité de l'âme, l'existence d'un seul Dieu, Mahou,
baptisés en France. De retour au pays, ils ont parlé, puis manifesté leu'!" mépris des fétiches, qui s'occupe des Blancs, tandis que les Noirs sont gouvernés par les dieux inférieurs ou
et du fétichisme. La jeune génération les a écoutés avec attention et plaisir "· (Une œ1t'in fétiches». - MALA VIALLE. Le D1ihomey. Montpellier, Boehm, 1890, p. 21 : " Le Seigneur des
apostolique et française. La Reconnaissance Africaine, revue citée, 2e atm., no 15, 16 avr. Esprits, appele aussi le« Cid» ou la« Grande Ombre ,,, est pour eux un être trop élevé pour
1926, p. 3).
luslilul d'Etlmo/ogie. - Bernard· MAUPOIL.
68 LA GEmlANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LE PANTHEON DE LA) <<1 CÔTE DES ESCLAVES >l 69
'~) I

L'observateur le plus négligent ferait justice de ces propos, dont la naïveté -!WH que Fa est supéri,eur à Ma1w1/et à Lisa, qui seraient muets sans lui.
n'est sans doute qu'apparente. Il existe <les temples de Mawu et de Lisa Ml l'on veut installer leur symbole quelque part (vodü do lepe), ou leur con-
dans toutes les agglomérations côtières et, dans l'intérieur, jusqu'en pays Ril\!l'r:r une «femme >i1 qu'il s'agisse d'une cérémonie, d'un sacrifice, d'un
Mahi. Des bœufs y sont immolés 1
• Les vvd1ïsi de ces importantes divinités ll'Ollble constaté <l;tns l'exercice du culte, Fa est toujours consulté sur la
sont partout visibles; Herskovits putles photographier et enregistra nombre
2 llllllll'c, le temps, le lieu, la durée des mesures à prendre. Tous les vodü sont
de leurs chants. (Pl. II, B). i\ .;et égard sous son contrôle. On conçoit l'importance politique revêtue
Outre leur rôle apparent et public de di\·inités supérieures, Mawu-Lisa p11r une telle pui~sance ; aussi bien les grands prêtres de Fa seuls avaient-ils
sont les maîtres absolus <le la destinée <le chaque être. Ils créent, et déter- contln'Clment accès auprès <lu roi d'Abomey, qui leur affecta même un local
minent. Ils ont réparti un grand nombre <le leurs attributs entre divers (/~1gbaji) à l'intérieur de son palais.
vodû, mais se sont réservé le plus délicat de tous. En ce sens, on peut <lire Par ailleurs, tout Européen ayant vécu dans le Bas-Dahomey remarque
que Fa, la connaissance de notre destinée, est une manifestation de l'indul- à témoin Mawu, notamment lorsqu'ils
1IYl.lC quelle facilité les Noirs Nennent
gence ou de la pitié de Mawu: il est «sa parole >l '· On dira même en ce 6011t dans leur tort. Ayant eu mainte fois à remplir les fonctions <le juge
lllHtructeur en divers lieux du Bas-Dahomey, nous observâmes que le fait
qu'ils osent l'invoquer». - M. DELAFOSSE, oj>. cit., chap. xm, p. 178 : « Seuls les Blancs ll'lnvoquer Mawu était l'indice presque assuré d'un faux témoignage. Les
peuvent l'invoquer directement». - J. POIRIER, op. cil., chap. u, p. 36. - Dr BARTET, op. 1ldpositions sincères ne contenaient que très rarement une allusion au grand
cit., p. 14. -Lucien HEUDEBERT. Pro111e11ades au Dabo111ey. Paris, Dujarric et Cie, 1902, p. 127.
fllldfi.
- A. BoucHER, op. cit.,chap. X\'II, pp. 106-w7: cc Aucune statue, aucune forme matérielle ne
peut le représenter. Il n'est ni honoré, ni blasphémé. Il reste indifférent il ce qui se passe dans L'explication de ce phénomène est fort simple : Mawu est le nom par lequel
ce monde inferieur et il est inutile de le prier. A peine si le Dahoméen prononce son nom dans los
Missionnaires chrétiens désignèrent leur <lieu. Pourquoi choisirent-ils
quelques rares exclamations ou invocatio~s solennelles». - S. S. FARROW, op. cil., chap. Xi, Mawu qui, dans le couple créateur, est femme? 1 Les Noirs l'ignorent,
p. 140: <<the belief in a Supreme Deity ... is yetof one who is unapproachable, so that there
is no conscious desire, or expectation, oî èntering into open communion with him ». - La
mnls ils s'étonnent parfois de constater que !'Occidental distingua dans leur
même contradiction se trouve chez cc G. Krn, Séminariste ». Le p,:1ic/1is111e 1111 Da/10111ey, in pnnthéon Mawn, principe femelle, pour le matérialiser dans les catéchismes
La Reconnaissance Africaine, revue citée, 2• ann., no 25, 1 5 sept. 1926, p. 2. Citant les ~OllS les espèces d'un vieil homme barbu. Lorsqu'au tribunal un témoin ou
paroles d'un nouveau « converti >>, il fait dire à celui-ci : « En toute occasion, j'invoquais
llll lnculpé désire faire une fausse déposition, il est donc normal qu'il invoque
avec respect le nom de Dieu, mais c'était tout. Je ne l'adorais pas parce que je n'avais pas
peur de lui, pensant qu'il est toujours bon e1wers les hommes. Je ne songeais ù lui que M11w11 <levant le juge européen, signifiam ainsi, par une restriction mentale
vaguement, comme à un être lointain. Au contraire, je redoutais les fétiches. Je craignais qui le met à l'abri de toute sanction, non pas son dieu, mais celui de l'homme
que la moindre offense, même involontaire, de ma part n'attirât sur moi leurs châtiments.
bl1inc. Invité à prononcer le même serment sur son vodü personnel, le par-
Aussi, quand je m'agenouillais devant leurs images, je ne pensais qu'à eux, et nullement à
Dieu. J'étais alors dominé par la crainte ... ,; Id., il>., no 2 r, 15 juil. 1926, pp. 7-8. - lurc hésite, refuse; s'il accepte, il doit inventer une autre restriction mentale,
G. GoRER, op. cil., liv. III, p. 199: cc He has no altars and no-servants, no formai worship ». ou faire un sacrifice expiatoire en rentrant chez lui.
- M.-M. PRÉVAUDEAU, dans un opuscule contenant de justes observations sur la psycho- La confusion établie entre les Mawu païen et chrétien, et qui semble dater
logie coloniale, mais où une information hâtive romance les données de LE HÉHISSÉ :
«L'abstraction Mahou n'est nulle part représentée et jamais même invoquée » (op. cit.,
lie fort loin, n'a pas manqué, jointe à la prédication chrétienne, d'obscurcir
p. 4). Etc .. singulièrement les notions que les Dahoméens avaient de leur grand dieu,
1. cc Autrefois» la victime, aprè'S immobtion, était entièrement brûlée, et le vent en dis- ou plus exactement, du couple divin Mawu-Lisa. Les contradictions sont
persait les cendres. Ce procédé fut introduit par les N ago.
Innombrables en ce domaine, et personne n'y trouve son compte.
2. M.J. et F. S. HERSKOVITS. An Outliue . . , art. cit., pp. 15-16.
3. M.J. HRRSKOVITS n'a pas lai~sé d'êtrP. frappé par cette constatation: cc Most important
of all, it is Mawu who, though she divided her kingdom among her children, the. other Historique.
Great Gods, and gave each autonomous rule over his own domain, has yet withhcld from
ail of them the knowledge of how to create, so that the ultimate destiny of the Uni verse is Le culte de Mawu-Lisa fut apporté à Abomey par Hwajele, mère du
still in her hands. When the children punish and destroy, she can crcate anew ».Au 011tli11e ...
aff. cil., p. 12.
1. Mawu reçoit encore le nom de Nii: principe féminin, ou Nanabluk11 (Y).
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES »
LE PANTHEON DE LA Cè
;
CÔTE DES ESCLAVES 7r
roi Tegbesu, pour mettre un terme à une querelle de succession '. Tegbesu,
en effet, était arriYé au pouvoir malgré ses frères, et Hwàjele, « forte
comme un homme », employa tous les moyens pour assurer sa stabilité. Caractères.
Elle se rendit notamment à Ajahoms, son pays natal, y fit l'acquisition des
Le culte de Mawucorrespond aux cultes nago d':Jlau, d'Oduwa ou Duduwa,
vodii Màwu-Lisa, et les ramena à Abomey. Son fils, consulté sur l'empla-
cement qui leur conviendrait le mieux, leur interdit l'accès du palais, où un ll'Ajaguna; celui .de Lisa à ceux d':Jbatala 1 , :Jricala, !cala .o~ lcalalamô: .
adroit protocole défendait au roi de s'agenouiller: «les vodü n'entrent pas
Il importe peucde savoir si Mawu-Lisa forme un couple divin ou une divi-
l\lt6 hermaphrodite: 2 il est admis partout que Mawu-Lisa créa ou créèr:~t
dans la maison du roi>>. Sa mère insista pour qu'ils n'en fussent pas trop
éloignés, « afin que le roi plit les voir de chez lui». On les installa à Jwa,
Io monde. On peut s'étonner en revanche de ce que les Fon, lorsqu ils
youlent nomme; l'auteur de toute chose, désignent de préférence Mawu,
en un seul temple, derrière le palais de Sigboji. Et Tegbesu, lorsqu'il eut
lllli est femelle : ccll est conforme à l'étiquette d'agir de la sorte. Parler à la
triomphé de-ses ennemis, édifia selon la coutume son portail, mais l'orienta
Comme, c'est parler au mari. Mawu transmettra à Lisa les paroles de l'orant».
de façon à pouvoir saluer de chez lui les vodu nouveaux sans violer l'étiquette
en se rendant publ,iquement en leur temple. Le principe' de cette dualité dans l'unité ne s'exprime guère e'.1 art 3 • l~
existe néanmoins des représentations de Mawu et de Lisa, contrairement a
Hwàjele fut alors la grande prêtresse de Mawu-Lisa pour Abomey. Les
llO que l'on croit d'ordinaire 4, mais' invisibles, enfouies lors de la .conséc~~tion
règles de la cour n'interdisaient pas encore formellement aux mères des rois
d'être en même temps «femmes de rndii ». Elle obtint de son fils qu'il réunît
de leurs temples. Mawu et Lisa, ·créateurs de la Terre et du Ciel et s 1den-
1lfinnt en leur création, sont symbolisés par une calebasse fermée 5•
et mît à sa disposition des Aja, à qui elle transmit le rituel et la langue
Rien ne permet donc d'affirmer la présence d'un dieu unique. Mawu ~t
secrète de Mawu-Lisa. Un certain Gede-vi, nommé Zo, possédait un tambour
alwto; Hwajele le lui emprunta pour célébrer la première cérémonie 2. J.im évoquent l'union de la Terre et du Ciel; la calebasse fer~é: les umt
un un même symbole, et à Mawu-Lisa se substitue alors un pnnc1pe ésoté-
Le rituel des vodü d'AjaxiJ1115 put bénéficier par la suite d'apports nago.
l'lque aujourd'hui confus, qui sera étudié plus loin sous le nom d'Odu.
Avant eux n'existaient à. Abomey qu'Ayizà, et quelques cultes locaux que
les Aja adoptèrent.
Jrolle tient une canne ordinaire. Le visage est tatoué de bleu. La moitié <;l:o~te du ct'a~e est
Hwàjele avait rapporté d'Ajahà1115 deux statuettes en bois représentant iiolntc en bleu (les M~wusi se font raser la moitié de la tête, comme les Dast). Un collier de
Mawu sous la forme d'une femme portant un croissant lunaire, Lisa sous uml'ls et d'atîkù, enfilés sur un fil de fer, croise sur le devant du corps. Des bracelets semblabl~s
ornent poignets et chevilles. La hauteur totale est d~ 91 cm. . ~e sc~lpteur .se nommait
celle d'un caméléon tenant en sa bouche un soleil '· Des effigies semblables
1tiüitaft fils de Sosa AdôdE, fils d'Agàglo. (Cf. à ce su1et A. LE HERISSE, op. cil., chap. v,
furent sculptées dans la suite pour remplacer les premières. Les deux exem- ;1, 126,'et les renseignements fantaisistes reçus par G. GoRBR, op. cit., liv. III, PP· 199-
plaires aujourd'hui visibles ont été commandés par le roi Ago-li-Agbo 4, aoo). (Pl. II, C). · · · · d 1 b
1, A. CARPENTIER, op. cit., Glosario, p. 234: (< Obatala. Divmidad ~~drogma e a ru-
1. Cela implique qu'il existait déjà ailleurs. Lùa est mentionné en 1658 (règne de Hwe- jurln nfrocubana, representada frecuentemente ~n los altares por ~! ~rucifi10 »'.
gbaja ?) par les Capucins mineurs. (H. LABOURET et P. RIVET, op. cit., pp. 30 sqq .. Le roi 2 , p. BAUDIN se contredit en écrivant : a Dieu! seul échappe a 1 an~rogymsme ... >> (op.
« Toxonu », dont il est question dans les ouvrages anciens analysées par ces auteurs, pour- Cii,, p. 6) et:<< Obàtala et Odudua, disent les féticheurs, ne sont qu une seule et même
rait bien n'être que to-xoln, roi du pays (Gii), correspondant à to-xosu (F)). - Cf. aussi A. divinité, une divinité hermaphrodite». (lb., p. 12). . ,. . . ,
LE HÉRISSÉ, op. cit., chap. v, p. 1t7. - Pour la chronologie, cf. rnpm, chap. II, p. 46, .n. 3. J, Il y aurait lieu cependant d'étudier certaines danses nago, ou 1 m1t1é affecte de n user
2. On le frappe encore aujourd'hui en l'honneur des Nernxwe royaux, sous le nom de 11uc d'un bras et d'une jambe. . .
Zokotwe, c'est-à-dire akoto de Zo. · 4, J. SPIETH .. Die Ewe-Stiimme, op. cit., chap. v, p. 42 3 : (< Die Tatsache, dass es keme
3. Ce symbolisme semble attester la présence de cultes différents, superposés à ceux du hlldllchen Darstellungen von Gott gibt, •. ist. .. beachtenswert >>.
Ciel et de la Terre. S. A. B. ELLIS; op. cit., chap. rr, p. 41 : « Obatala and Odudua, or Heaven and Earth,
4. La statuette de Mawu conservée au Musée d'AQomey est peinte en rouge, et repose roscmble, say the priests, two large calabashes, which, when once shut, can never be opened.
sur une base carrée à angles coupés, peinte en bleu. Le personnage est debout, seins pen- 'l'hls is symbolised in the temples by two whitened saucer-shaped cal~bashes, placed ~ne
dants cloués au thorax. Les bras, cloués aux épaules, se tendent en avant. La main gauche çovering the other; the upper one of which represe.nts the concave firmament stretchmg
tient une canne de bois bleu, surmontée d'un croissant de lune blanc, pointes levées. La ovcr and meeting the earth, the lower one, at the horizon ». Etc ..
72 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LE .PANTHEON DE -L'\, << CÔTE DES ESCLAVES » 73
' (
rnpportées (nu-tu.ta), les deux divinités sont parfois représentées avec un seul
X;VIOSO et SAKPATA '. hrns et une seule jambe : Xwioso sous l'aspect d'une sorte de singe, as.sis de
profil et embouchant ou empoignant un e/mblème de la foudre, Salèpata sons
Parallèlement au culte de Mawu et de Lisa se sont développés ceux de ctilui d'un être humain debout, muni d'tÎne queue terminée par une sphère.
Sakpata, Terre dans ses rappoi·ts avecl'homme, et de Xwioso, ouAla-:Jba (Y), Lorsqùe X$vioso ou Sa!?pata, sous les espèces de la foudre ou de la variole,
phénomènes atmosphériques perceptibles à l'homme. Sakpata et Xwioso (tra- ont fait une vktime, leurs prêtres simulent une communion avec la chair
duits grossièrement par Variole et Tonnerre) sont deux vodii independants, a
du cadavre. Ils portent la langue un fragment de chair, prélevé au bra5,
en apparence du moins, mais dont certaines attributions sont parentes: c'est pnr exemple, et disent: Da wu là, mi do là dtt w~: mangeons le gibier que
ainsi que l'on trouve, parmi les attributs de Sakpata, do-so, le tonnerre du l\Otre Père a t'ué '.
trou (donc de la terre), qui tue êtres et plantes après avoir émis un gron- Les principaux membres du panthéon de Xwioso, qui ont tous des attri-
~.ement ; et, ~armi les attributs de Xwioso, la maladie éruptive coi1tagieuse butions distinctes, sont : Sogbo, ]akata, Gbad~, Aklôb~, Gbedru, Alde, parmi
2

;i-nu (chose den haut), comparable à la variole. los mâles, Adè, NaetE, Agbe, 4vlekete, Saxo, Kdi, parmi les femelles 2 • Chacun
Il est difficile de déterminer le sexe des deux grands vodü. On dit très possède son arme, so-kpè oti so-siavi (pierre ou hache du tonnerre), pierre
~auvent qu'ils sont masculins. Cette croyance commune ne satisfait pas les météorique ou instrument primitif.
mformateurs qui pensent. Certains estiment que Xwioso seul est mâle, et Dans le panthéon de Sal~pata, on trouve principalement: Da Zofi, DaLcîgit,
tirent argument d'un dicton fort commun. Lorsqu'un mari, conscient d'être lJom Zôhô le dôkpô-gà, Aglositta, Agbidi, Avimaj$, Da S1ji, Zomayi Kpwu,
trompé, expose à ses amis ses projets de vengeance, ne lui répond-on pas: 1ldohwâ, Da Làsu, Adukake, mâles, et les femelles: Nôxo AnanH, mère de tous
nu-de-vE nu sa mô a! Fi e ji-nuktt-sil J, kpodo ayikugbâ kpà, yi kpele-dele, a tù nu les Sakpata, Ywu Hwàmlàiîi, Kpadada (ou Kpadadadaligbo ), etc ..
e nô t.i do dô le a? Ce n'est pas une affaire ! Sais-tu ce qui se passe là-bas, quand
le Ciel et la Terre se rencontrent?
D.:\ AYJDOHW$DO 3,
D'autres, dont l'opinion mérite examen, affirment que Xwioso et Sakpata
sont hermaphrodites. En art, sur les bas-reliefs (axasu nu-dide) et les étoffes
L'opinion vulgaire veut que Dâ Ayidvhwodo ou Dà-bada HwEdo (en nago
Ocumale)véhic6le entre ciel et terre les projectiles de Xwioso; on l'appelle
I · On. entend encore XEbieso ou Xwieso, qui semble être le nom le plus correct, pronon-
~és 11.arf01s XEbyeso ou Xwyeso. M.]. HERSKOVITs, art. cil., écrit Sagbaia, que nous n'avons communément « serpent (da) ou fétiche arc-en-ciel ». On voit en lui le
iama1s en~endu, même a Ouidah ou chez les Aja. - Sa signifie ami. On dit aussi hàtiJ, mais dieu de la prospérité : « il est l'or».
on peut d_ire .sa-hà!iJ, o.u hàtà-sa. Kpata évoque l'idée d'une action menée jusqu'au bout. L'en- Dà remplit en effet une fonction de relation entre le ciel et la terre. On
sembl: s1~111fiera1t : 1ami de tout le monde, qui tue cependant tout le monde : Sakpata est
I~ vodu qui tue tous ses amis. Il a franchi l'Atlantique sous ses noms nago, Càkpana ou
d autres: " Os negros bahianos tambem o chamam Abalau-aiê (Obaluaiê, no Rio, Babayû-ayé, I. J.A. SKERTCHLY, op. cil., chap. XXVI, p. 469. ·- E. CHAUDOIN, op. cit., p. 352-353.
em C~ba) », (A. RAMos, op. cil., chap. I, p. 37), et se trouve assimilé parfois au «saint ,, 2. Comp. M.]. et F. S. HERSKOVITS. An Oulline .. , art. cil., pp. r 9-22. - Gb1tdE se retrouve
catholique Lazare (A. CARPE'ffIER, op. cit., 25, p. IJ4). Xwioso garda de même son nom outre-Atlantique: Pater H. OP-HEY. Haïti, de Parel der A11tillen. Missioneering Virnaf de 011/-
nago de Cigo, et s'identifie avec la sainte Barbe : cc Santa Barbara, Shango de Guinea, dios tldkking lot op onze dagen, verkrijbaar bij de Paters Montfortanen le Meerssw (L.), Schimmerl
~el trueno, de la esp.ida y de la corona de almenas, a quien algunos creen mujer ». (Id., (/.), Hoensbroeli-Stalion (L.), Oirschot (N.B.), s.d. (I9p.), p. 262 : cc De god van den wind,
ib., 25', P· .' I 5). - ~-J. et F. S. HERSKOVITS ont entendu, en Guyane hollandaise, les do Eolus in den Vaudoux, heet Bad ère ». - M .J. et F. S. HERSKOVITS ont recueilli en Guyane
noms d Aytsa (Y) et d Alado (vx F), encore usités sur la "Côte des Esclaves» pour désigner hollandaise les mots: « Sofia Bada» et « Afrekete » (Rebel .. , op. cit., Glossary, p. 353 et
Sakpala et .x~v.ioso (Rebel .. , op. cil., chap. Ym, p. r 3 3, chap. XIV, p. 26 5). chnp. vm, p. 13 3) et retrouvé en Haïti les loua << Sobo » et «Bade » (Life . . , op. cit., pass. ).
2 · Max1md1en Passy-Berry QuÉNUM. Au pays des Fons, in Bulletin du Comité d'Études 3, Le nom signifie : Dà nous montre les couleurs de la terre, s.-e, : et ne nous en dit
Historiques ~t Scientifiques de l'A.O.F., Paris, t. XVIII, nos 2-3,. avr.-sept. I935, p. 78: pns plus. D<i joue un rèile éminent dans la vie, et participe a tous les secrets; il nous laisse
"li Y a aussi le « Dôsô » (Poudre de Terre) qui foudroie sans éclairs ni tonnerre». n6nnmoins dans le mystére, et ne nous montre que les apparences. - Le mot a franchi
3. fi-nukt1-slt, la limite du. regard (quand nous l'élevons) là-haut. Et non le cc couvercle lAtlantique : M. J. et F. S. HERSKOVITS l'ont reconnu en Guyaue hollandaise sous la forme
de l'œil du ciel». (M. DELAFossE, op. cit., Vocabulaire, p. 394/2). archaïque Ayda HwEdo (op. cit., chap. XIV, p. 265) ,
74 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LE PANTHEoN DE LA{< CÔTE DES ESCL.-\ VES >> 75
\' '

dit souvent : Ayidohwdo daga (pour do aga) da weh, Ayidohwedo tourne '11111kà la. Fa hwe lcà U{e. Al:> 110 js m~~' a do ala e m€ la, a na 1110 dunô-h bi,
autour de la terre· comme un méridien. La comparaison avec l'arc-en-ciel tilk1ido-h a na mô bi. Wafo-gsd:. ·ws: a sa dokpo hu, bi jè a sa. La margue d'Ayi-
ne rend compte que de l'aspect sensible de ce symbolisme, dont l'origine 1/olnusdo est la marque)de Fa. On ne porte pas la main sur Da, (il ne faut pas
est peut-être solaire. Ne dit-on pas que Dii fait marcher le soleil? cc HwEdo, h1l manquer de respect, car)si tu portes1la main sur lui, tu trouveras tous les
c'est l'or; l'or, c'est hwe, le soleil». !lignes majeurs (de Fa), et, tu trouveras tous les signes mineurs (de Fa).
Matériellement, son rôle dans le monde est d'assurer la régularité des forces C'est
- une chaîne:
c en tirant sur un seul maillon, tu attires tous les autres.
productrices de mouvement. Il préside à tous les déplacements de la matière, /)à se manifeste ainsi à la source de tous les mouvements. Il reste vassal
mais ne s'identifie pas obligatoirement avec le mobile 1 • Cette restriction d~ Mawu-Lisa, car le mouvement est subordonné à la vie '.
est exprimée par les adages : nue dà wu e bi iîi Dà a, et : nu e nô didi e bi iîi Dà Quel rapport existe-il entre cette source de vie et le Soleil? Legba lui-
a, tout ce qui bouge, ou tout ce qui rampe, ne doit pas être nommé Dà. Tout meme a la nature du Feu, et une légende du signe Turulcpë-Msji, recueillie
ce qui brille n'est pas or. 1111près de Gsdsgbe, lui donne pour tête le soleil 2 • Et les Nago désignent
Si l'on dit que Dâ réside dans l'océan (xu), c'est qu'il représente pour {;1glia sous le nom d'Ecu- ou Ocu-bleke, et Dà sous celui d'Ecu- ou Geu-male.
l'homme le maximum de puissance dans un mouvement ininterrompu. Lo problème ne peut être résolu dans le Bas-Dahomey.
La vie est un de ces mouvements mystérieux, le mouvement par excellence,
que Dà a mission d'entretenir. Pour exprimer cette idée, la conscience popu- III. -- LEGBA.

laire a adopté des images simples et justes, et où l'on n'a vu trop souvent
Caracteres.
que de grossières caricatures. Ici commence au contraire le rôle spirituel de
Dà, qui exerce sa fonction de relation entre les êtres matériels et les âmes. Depuis longtemps, Lsgba est assimilé par les Missionnaires au Démon,
Chargé de conduire celles-ci du ciel à leurs demeures terrestres, on dit qu'il
IUIH\llt-General PITT RrvERs, Printed Priv. (London, Harrison and Sons, Printers in ordi-
a réparti ses pouvoirs entre deux Dà subalternes. Le culte très populaire du lllll'Y to Her Majesty), 1900, pl. 18, p. 37. Dans cet ouvrage, consacré à des objets confisqués
hà-dà, ou serpent-cordon, matérialise cette croyance. Le cordon ombilical ~li cours d'une répression militaire en r 897, on n'a pas davantage remarqué le symbolisme

conduit en effet l'enfant jusqu'au sol où la mère accouche. Mais, ce que l'être du J.ln .. L'objet est décrit de la façon suivante : « Fig. ro2. - Brass shield, 2 feet in diameter
1111d 08 inch. in thickness, ornamented with, three concentric rings. The outer one repre-
adore, en hono'\ant le palmier hà-de au pied duquel son hô-da fut enseveli, ~unts a row of leppards, with human heaà~''.and head-dresses alternating. A broad leaf-
c'est l'œuvre d'un autre dii, l'organe masculin qui assura sa naissance. nl111pcd sword, similar to Fig. ro6, and two execution swords, similar to Fig. 1 ro, are also
Dans la mesure où Ayidohwedo entretient la vie et participe aux naissances, l'Uprcsented on this ring. T)le middle ring is ornamented with a serpent with sinuous body,
l111vl11g its tail in_ its mouth. The inner ring is filled with foil ornaments, and small circles
il est un principe de bonheur et de prospérité. C'est à ce titre qu'il est associé à
~ovct· both this and the outer ring. There is a square hole i\1 the centre for the attachment
Fa, et que son symbole est gravé sur les planchettes divinatoires, sous forme ol' the handle '" (P. 36.)
d'une chaîne en général tressée 2 • On dit assez couramment: Ayidohwdo l, M.J. HERSKovns, dans un article intitulé Populatio11 Stalistics in the Kingdom of Dahomey
(ln Human Biology. Baltimore, vol. IV, no2, May 1932, pp. 253-261), décrit sous le nom
r. Tout ce qui porte en soi la cause de son mouvement dépend de Dà: l'auto, moto, mais 11' Ayidohwado un bâtiment du palais d' Abomey où la monarchie aurait constitué et tenu à
souvent hü, le train, ayi-hü, le bateau à vapeur, to-ji-hù, l'avion,johà-hü ... D1i ne commande lour les archives des recensements de populations. L'enquêteur a été trompé par un fabu-
pas seulement leur marche serpentine, mais le lieu même de leurs déplacem.ents: routes, liucur. Ayidohwedo est le nom d'une cour, et non d'un bâtiment, où le roi réglait, au pied
rails, sillages, voies aériennes. Hü désigne tout ce qui est motorisé. Le principe Hü est d'un arbre, les palabres de ses femmes, ou présidait à leurs réjouissances. La Migânà y exé-
subordonné au principe Dà lilllnit les femmes du roi coupables. Nul homme n'y avait accès. Nous avons vainement
2. Infra, chap. v, p. 192. -Sur ce symbolisme, cf. reproductions de divers objets en rap- ll6Snyé de recouper les données reçues par HERSKOVJTS; d'anciens fonctionnaires du palais,
port avec la représentation du monde, in L. FROBENIUS. Kulturgeschichte . . , op. cit., II. Teil, llllC veuve de Gle/e, Gedegbe et l'ex-roi Ago-li-Agbo les tenaient pour sciemment erronées.
pp. 169-17 3, notamment le disque en bronze du Bénin de la fig. 117, où le corps du serpent est ~I.e nom d'Ayidohwedo donné à cette cour, outre l'idée de richesse par fécondité qu'il
moucheté de signes Cs, tandis que la tête présente le signe Ftt, dont les deux indices inférieurs ~xprime, tient à une assimilation entre le roi et la terre : e na do axa 11u, bo de ayi kpo a?
s'unissent pour former l'œil de l'animal. En lisant les signa:; de la tête à la queue, on trouve 11.vom a.yi, ayi axorn /,Vas-tu parl~r du roi en écartant (de tes propos) la terre? Le roi est la
un signe Cs et neuf Fu. De toute façon, la lecture commence sur un Ci: et finit sur un Fu. lOl'l'C, la terre est le roi. (Tous deux -sont impénétrables).
- Cf. photographie de ce disque· in Antique Works of Art from Benin, collected by Lieu- 2. Infra, chap. v, pp. 190-191.
LA GÊOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES
LE PANTHEON DE LA « CÔTE DES ESCLAVES » 77
au Diable 1 • Rien n'est plus arbitraire que cette confusion, due sans doute à On dit encore : « si L:gba ne faisait pas le mal, Fa, avec qui il vit, n'au-
ce que certaines effigies de Lgba sont cornues, et à la réputation de mali- rnh l'icn à manger. Lorsque Ltgba a rempli ses mauvais offices, il en partage
gnité dont jouit cette divinité; mais Til Eulenspiegel lui-même n'est pas le Ill bénéfice avec Fa : ils mangent ensemble ». Des légendes contradictoires
Malin par excellence. Tout Noir qui connaît quelque,s mots de français se rendent compte de, cette sorte de complicité. On dit communément que Fa
croît obligé de traduire Lsgba par : le Diable, de même qu'il traduit Bok:mô , l~l redevable de ses connaissances à Lsgba 1 ; c'est la raison pour laquelle

par : le c ha ria tan 2 • /,•l{bll doit t<;mjoltr~ être « nourr.i » avant Fa, chez les Fon comme chez les
Pour cette raison ou pour d'autres, on entend dire parfois : tout ce qui est Yorouba 2.
bon vient de Fa et des vodü, tout ce qui est mauvais vient de Ltgba i. Un vieux devin, originaire d'Abomey, déclare : ügba est plus fort que
lOllH les vodü, et surtout plus malin. Il furète partout, est au courant
110 tout. Il est prudent de lui faire les sacrifices dont il est friand. Chacun,
1. R. E. DEN NET. Nigerian ~tudies, op. cil., chap. IX, p. 95 : cc Eshu. is the Being of Dark-
ness, white Ifa is the Being of Light and Revelation ». - P. BoucHE croit préciser: cc Eleg- 1lbH ln naissance, est affecté d'un L:gba qui suit son homme jusqu'à la mort,
bara est l'esprit du mal, le Béelphegor des Moabites, le Priape des Latins, Deus turpitudinis, Ill\ le poussant, si possible, à faire des bêtises. Mais L:.gba peut aussi faire le
comme dit Origène. Du reste, ne lui donne-t-on pas le nom d'échou, qui veut dire excré-
hlt!ll 1 ne fût-ce que pour la raison que le mal des uns fait parfois le bien
ment, ordure?» (Seplans . ., op. cil., pp. I20-12I). -·A. BORGHÉRO avait déjà écrit: cc L'idole
de Béelphégor se rencontre à l'entrée de toutes les maisons, et ses petits temples se comptent 1Ju~ nutres. Lsgba est considéré comme celui qui envoie l'aovi, le malheur,
par centaines» .... cc nos jeunes élèves découvrirent d'eux-mêmes que l'idole de Béelphegor- l'neddent. Par une <lssimilation compréhensible, on l'identifie souvent à
ressemble beaucoup au sphinx égyptieri ».(Annales de la propagation de la Foi. Lyon, ann.
1'11ovi '.
Ie63-I864, Missions dtt Dahomey, Relation par M. l'abbé Borghero, 3 déc. 1863, t. XXXVI,
pp. 430-432). - Le mot cc Beelphégor » retint l'attention de DEsRIBES (np. cit., liv. IV,
U.gba, dit-on parfois, est le Migâ de tous les vod17, leur justicier, leur
chap. m, p. 185). - Et le Dr P. BARRET de renchérir : cc Sur cette terre perdue, l'an- 11 colère >i, hàmEsi. Il y a là une question d'éthique, ou d'étiquette : un
tique Priape se voit partout élever des olonnes. Sa figure est au seuil de chaque maison; il Jll'lllld chef ne prend à son compte que le bien, et se décharge du mal sur
a des temples à Whydah. Ce dieu, que les Moabites, sous le nom de Belphégor, les Madia-
llll cxecuteur.
nites, les Ammonites, les Syriens même ont honoré et les Latins poétisé, il semble qu'on
revoie aussi son représentant dans ce menhir druidique, pierre·debout, que la critique en vain Certains vont jusqu'à dire: Lgba, c'est Fa, ce sont les vodù. Si l'on veut
s'est exercée à déchiffrer. Symbole de la fécondité active, peut-être hommage à la puissance l!Ktirper le mal de ce monde, il faut donc« tuer >l Fa et les vodü, car chacun
créatrice, au dieu qui multiplie et renouvelle l'univers, - ailleurs qu'au royaume de Daho-
mey; car ici, le natur.11isme obtus n'adore que la forme matérielle et sensuelle, l'image sans l'OHHll, op. cit., chap. xm, p. 178, est partisan d'un monothéisme absolu. - Un devin res-
l'idée >>. (Sùu!gambie et Guinée. - La Région Gabonaise. L'Afrique Occidentale. La Nature et pu~l1lble nous a déclaré : seuls comptent Fa et Legba; les vodü ne sont rien.
l'Homme Noir. Paris, Challamel et Cie, I888, chap. VI, pp. I68-I69). 1. La légende d'Orügâ., exposée par de nombreux voyageurs et reprise aux Antilles, n'a pu
2. L. FROBENIUS, op. cit., chap. xm, Bd. I, p. 255; cc Edschu l Die schwarzen und weis- dtro vérifiée à Abomey. A. B. ELLIS, op, cil., chap. n, pp. 58-59, reprenant N. BAUDIN,
sen Missionare ., haben den Eingeborenen beigebracht, dieser Edschu sei der Teufel. Uebe- !l/'1 cil., pp. 34-35. - .A. CARPENTIER, op. cit., chap. XXIV, p. 3. - Etc ..
rall, wo ein Missionar war, spricht das Volk heute vo~ Edschu, dem Teufel. Aber geht man 2. N. BAUDIN, op. cil., p. 34 ,; cc ... Avant de lui livrer son secret, Elegba stipula qu'il
in die Gehôfte, spricht man mit den Leuten in wiirmeren Touen, so hôrt man : cc Ja, Eds- 1lnrnit lui-même les prérüices dans les sacrifices offert aux dieux». - Camp. A. B. ELLIS,
chu, der hat sehr vie! Streiche begangen. , . Aber Edschu ist nicht schlecht ». M. J. et 0/1 1 clt., chap. 11, p. 58 : cc He (Legba) stipulated that in return for instructing in the
F. S. HERSKOVITs. An Out!ille . ., art. cit., pp. 5 5-5 6 : cc We suggest the fallacy of assuming ill'l of divination, he should always be allowed the first choice of ail offerings made». -
for LEgba the character of the Devi! of our theology, especially since the idea of Absolute Il. E. DENNET, Nigerian Studies, op. cil., chap. 1x, p. 94 : cc The first blood of a sacrifice
Good and Absolute Evil is altogether alien to the African. For we have seen that Mawu is h scnerally splashcd over Eshu, so that he may not prevent the Orisha to wbom the sacrifice
not in conflict with Legba, who, though a trickster and evil-doer, can also do good ». Cet 18 made from accepting the offering >>. lb., p. 96 : "When anyone wants to sacrifice to !fa
argument paraît décisif. (Quelques Missionnaires pensent que les premiers prédicateurs ont thcy say that it is best ta square his messenger, as he is a wicked persan ». - M. J. et
influé profondément sur les cultes de la cc Côte des Esclaves»). - P. Anton WITTE, in Anthro- [I, S. HERSKOV!TS. An Outline. .. , art. cil., p. 55. - Id., Sorne Aspects . ., art. cil., p. 291.
pos. St Gabriel Môdling, I93S, p. 553. Ille .. - De même au Brésil, Nina RoDRIGUEZ, op. cit., chap. 11, p. 77. - Si Legba n'était
3. Cf. à ce sujet R. E. DENNET. N~l{erian Studies, op. cil., chap. IX, p. 95 : cc Eshu is the jlllS servi le premier, le sacrifice serait anonyme, donc nul.
Being of Darlmess, while Ifa is the Being of Light and Revelation, personalities whose 3. Le même informateur ajoute: lorsqu'une femme accouche, elle perd du sang. Ce sang,
signs are Oshu the new moon and Orun the sun ». - A. B. ELLIS, op. cil., chap. IV, qui tombe sur l'enfant, 'sera son L;gba, dit-on, et le suivra partout comme une malédiction.
p. 87 : « We perhaps see a tendancy towards Dualism, which in the future might, if unùistur- Après l'accouchement, la mére prend trois fois le cordon tranché entre ses lèvres, et crache
bed, result in Elegba becoming the Evil Deity, and Obatala or Ifa the Good ». - M. DELA- ll'Ois fois' ù terre. Si plus tard, elle vient ù maudire l'enfant, sa malédiction s'accomplira.
LA GÉOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES Lh i'ANTHEON DE LA « CÔTE DES ESCLAVES » 79

d'eux est le bien et le mal à la fois. En effet, Legba n'agit pas sans ordres; ~olère que représente l!.ogba n'est autre que l'érection, et toutes deux se
seul, il n'est rien. Il est inconcevable sans un vodü ou sans Fa. Ou sans les lllllnifestent par un affiux de sang. Lëgba symbolyse aussi le vice et la
hommes : car le to-Lsgba, Lëf[ba de la ville ou du village, l'axi-Lëgba, LEgba rnvanche des instinct~ refoulés. Mais dans la mesure où les officiants
du marché, et le L$gba personnel sont les symboles de la méchanceté ou de llll culte de Lgbit: ont subi l'influence chrétienne, qui traite leur vodii
la colère du pays, du marché et de l'individu. Lsgba est aux divinités et à Ea on diable obscène, on voit se substituer, au rite païen bien banal du
ce que l'ombre est à la personne, ce que le revers est à l'avers. HCllllS genitor, un culte dém611iaque. Une évolution comparable permit
lll\K sectateurs du Python sacré d'Ouidah de substituer, au culte défaillant
Les catholiques font, au contraire, de Lëgba une divinité indépendante, d'un ancien génie protecteur, celui du serpent biblique : le Dâgbe, disent-ils,
exciGsivement orientée vers le mal '; cette assimilation au Démon s'étend ouvrit les yeux de l'homme ...
jusqu'au Brésil 2 et à Cuba ;, Ce genre d'évolution est à la base des cultes négro-américains du 'Uodii.
Les efforts des Missionnaires pour déprécier ügba tiennent surtout à
ce qu'ils ont cru reconnaître en lui un culte de l'instinct sexuel 4. La Legba, adopté par le panthéon haïtien, e5t décrit par Price-Mars comme
u le plus obligeant des dieux, le bon papa dont le rôle bienfaisant consiste à
1.G. Knr. Le Fétichis111e au Daho111ey, in La Reconnaissance Africaine. Cotonou, rev. cit., veiller sur le bien-être de ses fidèles en se tenant par tous les temps invi-
2e ann., n° 21, 15 juil. 1926, p. H: cc Parmi les mauvais fétiches, le Lêgba ou Aôvi est au Hlble et puissant au seuil des habitations, à la cc barrière » des propriétés, à
premier rang. Il est l'auteur de toutes les querelles, de tous les accidents, des guer·res, des calami-
tés publiques. Il ne cherche en tout qu'à nuire aux hommes, et il faut sans cesse l'apaiser par
ln croisée des chemins, pour défendre ses sujets contre la malfaisance des mau-
des sacrifices et des cadeaux». - T. MouLÉRo, ib., rrc ann., no 8, 1 5 déc. 192 5, pp. 6-7 : cc Le vnis esprits '.
démon, ou esprit mauvais, prend le nom de Lègba ou de Aôvi selon qu'il est considéré comme Plus loin, le même auteur, énumérant les « incarnations chrétiennes » de
fétiche, ou qu'il est regardé comme mauvais génie, auteur de tout mauvais accident. .. Dans tout
divers vodu, cite « Lsgba, le grand maître, le père, le dieu familier des Daho-
le pays, le diable est adoré comme fétiche. Chez les Fons, les Guens (Guins) et les Adjas, on
l'adore sous la figure de statues peu décentes faites avec de la terre pétrie qu'on piace au bord des méens qui est devenu saint Antoine (probablement saint Antoine l'ermite,
rues, à l'entrée des villages, des habitations, même dans les campagnes. On en trouve aussi pn1·ce que le saint est représenté non plus avec un porc, mais avec un coq
sur les places publiques ... Dans les milieux nagots .. , le diable, mauvais esprit, en tant qu'il est
•noir comme fidèle compagnon) >> 2 •
regardé comme auteur de tous mauvais accidents, de toutes querelles et de toutes rixes, est
appelé Esu (Echou). On dit aussi dans le même sens Elegbara ». Etc .. Cette bienveillance, jointe à une certaine friponnerie, a été signalée chez
2. A. RAMOS, op. cit., ch ap. 1, p. 34: « E~ u é outro orixd. E' o representante des poten- les Yorouba'· Elle n'exclut pas la violence, qui se manifeste lorsque l'exi-
cias contrarias ao homem. Os afro-bahianos assimilam-no ao demonio dos catholicos; mas, o
que é interessante, temem-no, respeitam-no (ambivalencia), fazenda delle objecta de cuita. 1. Op. cit., p. 152. -Cf. aussi Eugène AUBIN. En Haïti, Planteurs d'autrefois, Nègres d',w-
« Nada se faz sem Exti; - assevera-me Maria José, neta de africanos - para se conseguir /011rd'hui. Paris, Armand Colin, 19w, pp. 49-50: « Legba est l'esprit su_Périeur des Arada: ...
qualquer coisa, é precico fazer o dcspacho de Exu, porque do contrario, elle atrapalha tudo l .» Dnns leur incarnation, les mystères du Pétro franc représentent la sévérité, Legba personmfie
o cc despacho de Exû » é a ceremonia inicial, ou pade, nos terreiros. Costumam-no chamar os ln sagesse ... Legba, le législateur _du Panthéon haïtien ». - Gedegbe lui-même nous a .dit à
negros " o homem das encruzilhadas >>, porque onde ha entrecruzamento de estradas, ou de Abomey : Legba est un brave homme 1
ruas, la esta Exu, que é preciso despachar, dando-lhe pipocas e farinha corn azeite de dendê. 2. Jb., p. 180, - F. 0RTIZ, op. cit., chap. 11, p. 67 : cc En Cuba nos fetichistas catolizan
Nina Rodriguez consigna ainda os termos Bard ou Elegbard e Ortiz os de Ichû, Elegud ou Ale- 1\ Elegbard, comunmente llamado Alegud o Elegud, asimilandolo a las Animas benditas del
gud como synonimos de Exû. Nos <lias presentes, ouvi, na Bahia, chamarem-nos ainda os Jlurgatorio y generalmente al Âninia Sola». - Au Dahomey, on l'assimile parfois à
negros Senhor Leba, provavelmente deturpaçâo de Elei[bard. Alias, Leba estaria conforme a Michel.
origem dahomeyana lêgb.i (diabo) ». - Les mots« Pa Lebba » se retrouvent en Guyane
3• D. ONADELE EPEGA (op. cit., chap. -...II, p. 21); tout en lui décernant les épithètes
hollandaise. (M. J. et F. S. HERSKOVITS, Rebel . . , op. cit., chap. vm, p. 133). li' cc exceedingly dircy and rough in appearance ... insolent and conceited, Ȏcrit : <c Not only
3. F. 0RTJZ, op. cit., chap. 11, p. 65: cc Es/ni es el dios malévolo, tanto, que los fetichistas tlid he affiict men that would not make sacrifices to the gods but he punished also that will
de Bahia Io asimilan al Luz bel de los cat6licos ». not gather knowledge and wisdom or will not be industrious, or virtuous. In doing so he car-
4. Nous faisons toutes réserves quant à cet aspect du probléme de Legba ; il ne s'occupe l'lcs out the order of Orunmila. He is Orunmila's bodyguard, and that is why his statute is
des organes génitaux des deux sexes, semble-t-il, que dans la mesure où la sexualité conduit placed next Orunmila'~ ». -- L. FROBE~IUS (op. cit., Bd. I, chap. xm, p. 256) se permet
à la discorde, à la maladie ou au crime, en un mot à <c l'accident ». L'activité sexuelle en géné- tics rapprochements amusants : cc Edschu ist ein lustiger Kumpan, der Streiche ausführt, et':"'a
ral est sous le contrôle de Dà. wie derG()tt Maui in Polyne3ien; er hat aber vor allen Dingen den Menschen Gutes erw1e-
scn, denn er brachte das Ifaorakel ».
80 LE PANTHEON DE LA cc CÔTE DES ESCLAVES » Sr
LA GEOMA~CIE A L' ANCIEN'NE CÔTE DES ESCLAVES

geant L:.gba n'a pas reçu les sacrifices qu'il attend. « Sont n en effet L:.gba : ll!lllps que Gu. Gu et lui sont les représentants de Mawu, et surtout ses inter-
l'action de tuer, de blesser; l'accident, la méprise, la colère subite, le lap- mtldiaires. C'est par Legbd que Mawu passe pour s'adresser à ses divinités et
À ~C8 créatures terrestt'es. Cest par lui que les divinités et les hommes corn-
sus, le cauchemar, les rêves érotiques et la folie passagère. La maladresse
1

11\lllliquent avec leur créateur.


habituelle ne relève pas de lui : en rdation avec quelque insigne sottise
Selon une autre infonrnition, Lsgba est le premier des enfants de Mawu,
que la mère du maladroit a dû commettre, elle entre dans la catégorie des
[o 2 el uon principalcrécadère. Comme il s'était mal acquitté d'une commission
Il est difficile de donner une étymologie du mot Legba, venu du pays du grand dieu, il fut condamné à cet éternel priapisme qui choqua tant de
voyageurs européens, et qui dut l'affecter lµi-même;· puisque, par dépit, il
Yorouba. Les Fon expliquent que Lgba, toujours en mouvement, tourne
autour de !'uni vers, faisant rire et pleurer le monde entier; son nom rap- quitta Mawu pour venir sur terre.
pellerait cette particularité : ls, tourner, gba, tout (Y). Mais en pense plus Cette version est démentie à Abomey, où l'on commence à penser que
111 mentule dont les effigies mâles de Legba sont affublées a pour but de nar-
volontiers que Lgba signifie celui qui prend (le sacrifice) J.
MllCI" les passants. Il n'y a pas lieu de croire, ajoute-t-on, que LEgba soit plus
Le nom honorifique de hû-daho, grand vodû, est parfois donné à L<gba.
qu11lifié que les autres vodü pour donner des enfants aux couples stériles, d'au-
lnnt plus qu'il est obligé, paraît-il, de recourir à Lisa pour exaucer les prières
Origine et culte. qui lui sont adressées à ce sujet.
Nous avons entendu dire, cependant, par un informateur très qualifié:
Ceux qui voient en Lsgba une sorte de pauvre hère, vivant aux dépens u L•gba est le vodïl de toutes les nourritures, de toutes les récoltes, car c•est
de Fa, expliquent ce parasitisme de la façon suivante. lui qui régit toutes les « grimaces » du monde,_ et tout ce qui existe dans la
Au moment où Mawu envoya ses créatures sur la terre, Lzgba, son ser- l\lltllre est contraint à certaines grimaces avant de se reproduire. Si l'on ne
vit~ur, qui était loin de lui donner satisfaction, se présenta pour partir avec ilit pas volontiers que c'est Lëgba qui fait tout naître et tout pousser en cette
les autres. Mais Dieu le renvoya ... Alors Legba, se trouvant tout esseulé vie, c'est précisément 11our éviter de mentionner ces mimiques incorrectes.
après ce départ, se leva et descendit sans autorisation. C'est pourquoi il ne D'ailleurs, chacun sait que tout vient de lui. On le confond parfois a_vec le
reçut aucune bénédiction à son départ : Mawu n'ayant pas pourvu à son T)()dii Caoko (Y), qui « commande >> tous les fruits mûrs. L:.gba et Caoko se
sort, il dut s'associer à autrui pour subsister 1. ressemblent b~aucoup ». Legba ne ressemble qu'à trop de divinités! Son
Legba a-t-il une famille? Selon un lettré, il a été créé par Mawu, en même rôle évolue rapidement, et aucune étude ne lui a été consacrée.
En sa qualité de récadère du grand dieu, il est !'objet d'un culte original
qu'il serait arbitraire· de réduire à un culte individuel. Si chaque individu
1. A. B. ELLIS, op. cit., chap. II, p. 67 : cc erotic dreams are attributed to Elegba who
.
e1ther as a female or male, consorts sexually with men and women during their sleep, and so
' 11 un L:.gba chez lui, c'est. qu'il doit être à même d'entrer en contact à
fulfils in his own persan the fonctions of the i11cubi and succubi of mediaeval Europe ». tout moment avec la source de vie qu'est Dieu. Mais il ne faut pas v0ir là un
2 .. Celui qui commet un IE reçoit le nom de lEdato. L'étymologie d'Allada: IE-da-xo-nil, ceux
culte strictement privé, ni même familial. Il y a tout au plus appropriation,
dont l'origine est un IE, rappelle l'assassinat du roi de Tado et le remords des coupables,
exprimé par l'interdiction de boire dans un aja-ka, une calebasse aja. A. L. d' ALBÉCA, op. cit.,
ou mieux : localisation individ.uelle d'un grand culte public, pour des raisons
p. I 29 : cc Allada ou mieux Alada vient de cc Aledanou » .•. homme maudit et assassin des de commodité. cc Si j'ai un message à faire tenirà Xe.vioso, je m'adresserai à mon
siens». - J. GEAY. Origine, formation et histoire du Royaume de Porto-Novo, d'apres une L1gba. Si je n'ai pas de Legba personnel, j'irai faire ma prière au to-Legba; mais
légende orale des Porto-Noviens, in Bulletin du Comité d'Études Historiques et Scientifiques
celui-ci sera moins rapide. Si un malheur inimaginable détruisait toüs'les Lsgba
de l'A. 0. F., Paris, 1924, p. 625 : cc Allèdatomè » ou cc Allada » c'est-a-dire cc le pays de
la trahison ». - Il est difficile de distinguer les mots iE et Io, ledato et Zoxoto. Individuels d'une agglomération en respectant le to-Legba, il n'en résulterait
3. F. BuTA\'AND tranche la question en assimilant legba et linga (op. cit., p. r9). pour chaque fidèle qu'une perte de temps. Si dans les mêmes circonstances
4. Deux devins nous ont dit que LEgba fut d'abord un homme, e"t qu'il devint vodù à
disparaissaient d'un village tous les Fa et tous les kpali, ce serait une catas-
IjElu, au pays d'Ayo, à quelques jours de marche d'Ifè. C'est d' Ijdu que son culte se serait
répandu au Dahomey. trophe ».
82 CHAPITRE III LE PANTHEON DE LA « CÔTE DES ESCLAVES ll

Un BobnJ respectable, à qui nous soumîmes ces propos, protesta : le Io bien. Le roi n'exécute pas, il ne dit même pas au Mïgà d'exécuter 1 ; il ne
culte de Lsgba, dit-il, est bien individuel, et chacun édifie chez lui une 1rnvnille que pour le bien du peuple. Fa est comme un juge : on ne sau-
effigie de sa propre colère, sous le nom de LEgba, et s'efforce de l'apaiser. rnlt être à la fois juge ~t bourreau, cela ne se voit nulle part. L'atbànukuië,
Cette réaction est moins matérialiste : créer une idole pour t'adorer et l]lll est un aspect de Legba, est la colère de Fa. Chacun des aspects de LEgha
l'apaiser -- qu'b umaioe : un danger est moins redoutable s'il e,st matéria- o~l une colère. Et le grand Lsgba est la colère de Dieu. . .
lisé. Tous ceux qui 'ùnt un Fa de la forêt sacrée doivenc élever devant leur
pone un L<.gba do.-b, en terre pétrie. li sera pour eux comme un messager
Les différents LEGBA. , de Fa. Ils auront. de plus l'agbànukwê dans leur chambre. Lorsque Fa récla-
mera un sacrifice, l' agbànukwe sera nourri le premier, et recevra surtout des
Il existe plusieurs Lsgba, dont les effigies portent les noms suivants. i:oqs, des poules, des boucs, des cabris, de l'huile de palme, des colas. Ses
Agbonuxasn (roi du portail) est le petit LEgba individuel en terre, situé au Interdits sont ceux de tous les Legba : le vin de palme, le bélier, la potasse,
portail, que l'on peut posséder avant d'avoir été dans la forêt de Fa, mais le chien, (auquel on le compare souvent: « le chien, comme Lsgba, fait
qui, • ne fois cette solennité accomplie, est remplacé par un LEgba do b (en ll'Op de bêtises, est trop inconvenant n ), l'alcool, l'huile de cuisson des
terre pet rie) qui reçoit une men tu le 1 • nmnndes de palme (coco). Si l'on donne aux Lsgba leurs interdits, on pro-
L'axi-LEgba est le LEgba du marché. voque aussitôt une irritation qui peut être sanguinaire; ceux qui veulent
Le to-LEgba est le Logba d'un village, d'une agglomération. 1( enflammer leur Legba contre quelqu'un» emploient c.ette méthode.

Le Zàgbeta-Logba des chasseurs nocturnes est cornu et protège les Zàg- Il n'y a aucun conflit d'attributions entre le Legba du portail et celui de
beta. On ne le prend guère au sérieux. 111 chambre. Celui-ci protège la maisonnée contre tout malheur, notamment
Le hà-fagba défend le portail de chaque vodù 2 • contre les maléfices. Celui-là. empêche le malheur d'entrer : il arrête les
Le Cuahsà (Y) est celui1 des consultations par les cauris. Il traduit en Influences étrangères, tandis que le LEgba de la chambre garantit les gens de
nago les mots LEgba agbànukwe. hl maison contre eux-mêmes. Le LEgba de Fa est considéré comme le plus
Le LEgba agbànukwè (ou agbà-nukà, devant le bagage, ou Fa:-LEgba, Lsgba Important : son principal rôle est de protéger la maisonnée endormie. Tous
de Fa) protège le Fa auprès duquel il réside; et sera étudié plus loin J. Il deux« disent au. Fa ce que nous avons dans la tête. Ils rappellent à Fa nos
est devant Fa, dit-on. Il est son exécuteur, - son chef d'armée, dit un prières >>.
prêtre, -car Fa ne fait jamais de mal et ne tue pas; il serait malséant de dire Certains signes de Fa, - tels Fu-Meji, Gbe-Fu, Ce-Tula, Fu-Yeku, -
que Fa se met en colère. Fa est comme le roi d'Abomey, qui ne fait que demandent parfois l'érection d'une effigie spéciale, nommée Legba Jobiana,
qui se compose de deux LEgha adossés. Ils ont deux orientations, et l'on dit
d'eux : ils voient Lisa et Mawu en 'même temps. On les rencontre auprès
r. Cette mentule- ne demande pas de sacrifices, contrairement à l'opinion acceptée par
quelqL1es publicistes : c< Différent à cet égard du Pan cla_5sique et du Dieu de Lampsaqµe,
des habitations, à côté des autres Legba. Leur rôle est de protéger à la fois
le legba prend quelquefois, exag_érés de la façon la pllls grotesque, les attributs féminins; ln maison et ses abords. Ils empêchent les mauvais esprits d'y pénétrer, et
mais l'idée fondamentale du, culte rendu aux trois divinités est évidernment la _même. n1ême de s'en approcher.
Quant aux rites habituels, ils consistent principalenient eri fomentations d'huile de palme
Ce Legba exceptionnel reçoit des colas de ceux qui lui rendent visite. On
pratiquées Sllr ce qui caractérise particulièrement Je sexe du dieu ou de la déesse ». E. D.
FORGUES. Une mission· britanniqne auprès d'un roi nègre, ·Revue des Deux Mondes, Paris, le trouve, selon la tradition nago, chez tous les grands Bobnô 2 •
rer mars 1865,. p. Sr. - ~folls n'avons vu de LEgba femelles qu'aux environs de Porto, Certains informateurs pal'lent d'un LEgba à quatre têtes, nommé Legba
Novo (où leurs détracteurs européens s'empressent de venir les photographier de très près,
pour mieux crier au scandale ensu.ite ). Semblable incongruité est inconnue à Abomey.
2. Une danse de Li?ba précède toute cérémonie en l'honneur d'un 'tlodü (G. GORER, op. 1. Béhanzin le premier; depuis le roi sadique Adàzà, osa prononcer le mot : lrwi I
cit., liv. III, pp. 220-221). tue 1
3. Infra, chap. v, p. 177. 2. Son nom yorouba signifierait : LEgba qui est devant le portail et mange des colas.
Institut d'Ethnolo![ie. - Bernard MAUPOIL. 6
( ),~_- A
CHAPITRE III LE PANTHEON DE LA'~«,~COTE DES ESCLAVES »

aovi et dépendant du signe ]aga Son nom, qui évoque l'idée de malheur
1
• Le nom de Gbaadu désigne théoriquement celui qui « possède » tous les
(aovi), tient à ce que les Favi qui ont trouvé ce signe dans la forêt Fa. Si quelqu'un parvenait à accumuler dans son esprit toute la science,
deviennent souvent orphelins. Il s'agit là uniquement d'un sacrifice nommé toutes les connaissadces de Fa jusqu'aux degrés les pl us hauts, il serait
vo-b-fane-nà et destiné à ]aga; on prépare une petite statuette d'argile à Gbàadu. 'Personne ne pouvant acquérir toute la science de Fa, il n'est pas
quatre têtes, et on l'abandonne en un C•lrrefour. de Gbaadu humain.
Signalons que les signes de Fa qui « parlent » le plus souvent de L;gba Les noms hunorifiques de Gbaadu sont nombreux. Citons ceux-ci :
sont Di-Guda 2, Guda-Di, Di-Turukpê. Oduologboje (Y), celui dont le poteau de case est fait de plomb et non de
bois;
IV. - GBAADU. Alikalu, Alïluwo, Acacaniluwo (Y), trois noms qui expriment la même
idée : l'omniprésent, celui qui passe et que l'on trouve partout;
L'étude de Gbaadu, encore nommé Odu, présente les difficultés com- Ajerereabojujaja (Y), celui qui a des yeux partout. Ce nom est donné à
munes à toute recherche religieuse dans le Bas-Dahomey. Son origine est Gbaadu à cause de la jarre ajarala, (en nago ajerere,) qui est criblée de
étrangère; venu du Nigeria, c'est parmi les Yorouba qu'il conviendrait d'en trous;
retracer les débuts et le développement. D'autre part, ce culte effraie beau- Adakinikinikala (Y), juge suprême, qui sanctionne, qui discerne le bien
coup les Dahoméens, et il souffre autant de ·la rareté de ses autels que de et le mal;
l'él~ignement de sa source. L'espacement des relations entre Yorouba et Alabitrttôje (Y), sanglant, qui aime le sang, qui se repaît de sang;
fon depuis la conquête européenne, joint au souci d'accroître le bien-être :Jblekotogowo (Y), qui édifie ta-maison avflnt de se faire payer, c'est-à-dire:
matériel, détourne les croyants évolués et les prêtres des pèlerinages respec- qui te donne la vie et se paie ensuite à tes dépens, en t'enlevant ce qu'il
tueux de jadis. Le culte de Gbaadu, particulièrement ésotérique, a subi plus veut, selon sa volonté ;
que les autres les atteintes de la décadence. Baba-agba (Y), père, le plus grand 1 ;
lgba-iwa (Y), calebasse de l'existence 2 ,;
Appellations. Fa-ta (F), père de Fa. Père a ici le sens de : vieux, ancêtre respecté,
chef de ...
Les noms de Gbaadn ou Odu, rarement prononcés, appellent cepen-
Par ailleurs, certains noms propres rappellent. par leur Gom position le
dant certaines représentations à l'esprit des Bobnô, puisqu'ils semblent.
nom de Gbaadu. Tels sont , entre autres :
tous préférer, au moment ou ils les entenden_t, que la conversation
Odu-sa (Y), Odu est venu. Nom donné lorsque la naissance de 1'enfant
s'oriente différemment. Cette' réaction est particulièrement nette chez les
n été annoncée par Gbaadu, par un signe de Gbaadu ; .
devins possesseurs d'un Gbaadu, si incomplet soit-il : avant de parler de
Odu-hu-bo (F) 1, Odu est plus fort que tous les charmes.
ce puissant inconnu, ils doivent offrir au moins un peu d'huile à son
effigie. Dès que l'on parle de Gbaadu, le timbre des voix baisse.
Gba.1du existe au· Togo, où il est encore. plus difficile de l'étudier qu'au Dahomey.
L'étymologie de Gbaadu serait la suivante : igba odu. (Y), calebasse d'Od~ J.
1.
J, SPIETH, ou ses informateurs, le désignent sous le nom de « grand kpali ».· (Die Reliiion .. ,
La divinité est symbolisée par une ou plusieurs calebasses contenant des ojl. cit.,~hap. m, pp. 223-225). Son vrai nom figure dans une note (ib., p. 224, n. 1), parmi
objets mystérieux. quelques autres cités ici et dont la prononciation a subi des alrératioi:is : cc Gbadu, Dulogbo-
dr.c, Alitsakadu, Ebadabudueze, Akukumanikani, Dulotsokie, Babagba und G.akliga >>. Il
1. ]aga, ]agabefu, GadeglidiJ: euphémismes pour Ce-LEIE et Üle-Ce, signesquel'on ne doit ne figure pas à l'index do:s noms propres du même ouvrage. Camp. le culte domestique
jamais nommer. Pour les sacrifices de Gadeglido, on érige un voko à trois et surtout quatre figures. d'Agbadu et le culte secret de Bu/111 au Nigeria oriental, chez les Jukun, in C. K. MEER. A
2. Infra, deuxième partie, chap. rn, pp. 629-63 I. Sttda11ese Kingdo111, An Etlmo_r;rapbical Study of The juk1111-spet1/ûng Peoples of Niteria. London,
3. J. JOHNSON, op. cil., chap. lll, p. 27. - D. ÜNADELE EPEGA, op. cil, chap. IV, p. 16. - Kcgan Paul, Trench; Trubner & Co., Ltd, I93 I, chap. VI, p. 287-289.
Autre étymologie : igba dudu (Y), calebas~e noire. - Cf. aussi A. B. ELLIS, op. cit., chap. II, 2. Infra, p. 89, n. I.. •
.P· 57 : cc Ifa has an attendant or companion named Odu (? One· who emulates) ». 3. Litt.: Od11 -(compar. de supériorité)- amulette. Cf. M. DELAFOSSE, op. cit:, chap. v,
86 CHAPITIŒ Ill LE PANTHÉON DE LA « CÔTE DES ES<.':LAVES

Personne ne peut porter le nom de Gbaadu ou d'Odu. Mais les Nago Gicla de faire venir un 'Gbaadu d'Ifè. De la sorte, il se· trouva posséder chez
nomment volontiers Odubiyi, enfant d'Odu, ceux qui ont six doigts à une lur le Gbaadu le plu\ fameux et le plus complet du Dahomey ; on vient
main ou six orteils à un pied ; car Odu désigne ce qui est mystérieux, et oncore le prier de Porto-Novo, du pays aja, de Savalou, de partout. Car on
c'est un événement . mystérieux que de naître avec six doigts au lieu de 110 trouve de Gba"adu plus important qu'à If.è même.
cinq 1 •
c
Caractères.
Origine.
Selon un vieux Bobno d'Ouidah, fixé à Porto"Novo, possesseur d'un
La provenance exacte de Gbaadu est inconnue au Dahomey, ou l'on est
Gbaadu qu'il a abndonné par peur, et dont il a relégué les symboles dans
assez mal fixé sur les conditions de son importation. Un vieux devin
une malle à Ouidah, cc Gbaadu est un vodû des plus redoutables. Il est la
nago de Porto-Novo a entendu dire qu'un homme d'Ay:i, nommé Efo
femme de Fa, Fa-si, et il est plus fort que Fa. C'est la raison pour laquelle
Okolo, introduisit Gbaadu à Agôni H.wegbo, près de Zagnanado. Il se rendit
li lui arrive de tuer des initiés à Fa. Gbaadu est le plus grand secret de Fa,
chez un ami qui demeurait dans cette localité et se nommait Bada. Pen-
Il est le vodû de Fa, et nul n'en peut corn prendre le sens total ».
dant son séjour, Bada informa un ami d'Ouidah que l'homme d'Ay:i avait
Un devin d'origine nago, fixé depuis longtemps à Porto-Novo, affirme
installé chez lui un Gbaadu. Aussitôt l'ami invita El:i Okolo à veriir en faire
que seuls les devins du pays yorouba peUYent parler de Gbaadu : cc il est
autant chez lui. Le roi Tegbesu appela lui-même l'Ay:i-nu à Abomey, et la
ll'OP dangereux; ceux qui ont beaucoup de femmes et d'enfants se. refusent
connaissance de ce vodu se répandit peu à peu.
h l'avoir chez ~ux. En général, ceux qui le possèdent vivent seuls. Tel qu'il
Selon une autre version, plus vraisemblable et recueillie à Abomey,
ll8t symbolisé chez ceux qui me l'ont montré, il rappelle par la forme un
Gbaadu, originaire d'Ifè, fut apporté au Dahomey par un nommé Gb:ibsiè,
petit LEgba placé dans une assiette en terre. Mais peut-être ne m'a-t-on mon-
Bok:inô de Glch. Les symboles de la divinité furent déposés chez le grand
tre que Je LEgba d'un Gbaadu. Le mystère et la puissance de ce vodü m'in-
Gcdcgbe, beau-frère du roi.
citent à le comparer ou à l'assimiler aux Na,, aux Kèmsi. Aucun roi du
Gb:ik:isiè et trois autres personnages furent envoyés officiellement e-n mis-
l)nhomey n'en aurait possédé, m'a-t-on dit, mais cela n'~st pas sûr, car en
sion par Glclc, dans le but de ramener le précieux vodu. Les cadeaux dù
cette matière, le.s secrets sont bien gardés. .
roi d'Abomey au prêtre d'Ifè comprenaient deux cents hommes, un grand
« Quoi qu'il en soit, toute femme mariée à un devin possesseur d'un
nombre de pièces de tissus et de boutei lies d'alcool, et de l'argent.
Gbaadu et qui s'aviserait de tromper son mari mourrait sur-le-champ'· Un
Gb:ibsië et ses trois suivants revinrent avec Gbaadu et Duduwa. Ce der-
non-initié qui oserait toucher à un mets offert en sacrifice à ce vodu, mour-
nier fut installé à Kpatisa, et son LEgba, nommé Oku:ifo, près du palais de
rnit sur-le-champ, même s'il s'agissait du fils du possesseur et s'il avait été
Kâna. Gbaadu et Duduwa se trouvaient en r936 chez GEdsgbe.
chargé de préparer ces mets parson père. Dans ces conditions, on comprend
Avant le voyage de Gfobsiê, GEdsgbe possédait chez lui un symbole de
ln crainte des gens 1 Gbaadu fait entrer le danger dans la maison ou on l'ac-
Gbaadtt, - incomplet sans doute, car on nous dit : un petit Gbaadu, - dont
cueille. Si votre femme vous trompe, est-ce. une raison pour souhaiter sa
un compatriote nago lui avait appris l'existence. C'est GEdo.gbe qui suggéra à
mort? On prHère arranger les choses.
p. 84 : cc Le comparatif de supériorité se forme en ajoutant à la suite de l'adjectif le mot wu « Gbaadu n'est pas indulgent pour son détenteur : si celui-ci l'offense, il
(quelquefois prononcé u) qui signifie cr dépasser, surpasser», et par là« plus, davantage». - mourra. S'il invite, par exemple, quelques amis initiés à venir partager un
A Abomey, on emploie wu, déformé en u, mais de préférence lm.
1. P. Èoucm:, in Le Contemporain, déc. 1878, cit. par E. DEsRIBEs, op. cit., pp. 179-180:
« Ainsi les adorateurs d'Oddou orit à chaque' main un sixiéme doigt fixé au-dessus de la 1 Le Missionnaire Jacques BERTHO n'a pas été plus loin dans son information : « Sou-
seconde jointure du petit doigt et s'élevant jusqu'au-dessus de l'ongle>>. Cf. J. SPIETH, Die vent, en même temps qu'Afa, les hommes mariés reçoivent du bok'J110 un grigri spécial ap-
Ewe-Stiimme, op. cit., chap. m, p. 206 : «man heisst solche Kindér (Sechsfingerkinder) : pelé gbad11, qui se place auprès d' Afa et doit assure.r la fidéli~é des épou.ses ».(La Science du
« Hexenkinder » (!1dz.eviwo) ». - Au Dahomey, on les nomme Odu (Y), en l'absence d'un /)M/in au Dahomey, Africa, Journal üf the Internauonal Instnute of Afncan Languages and
mot fon correspondant. Cultures. London, vol. IX, n. 3, July 1936, p. 369).
88 CHAPITRE III LE PANTHEON DE LA « CÔTE DES ESCLAVES »
repas qu'il destine à Gbaadn, et s'il a 1'imprudence de toucher aux mets du nous ne connaissons pas, sauve-nous! car nous ignorons tout de l'origine
vodit avant leur arrivée, il mourra. de Gbaadu ».
« En somme, pour installer un Gbaadn chez soi, il faut être bien fort. Gedegbe nous git à ce sujet : « Odu est le père de tout. Gbaadu et Mawu
Outre les dangers inhêrents à Gbaadu, il peut se faire qu'en certains endroits, HOllt la même chose et ne sont pas la même chose. Mawu, par rapport à
la population, que cette présence rend nerveuse, fasse un mauvais parti à G/Jaadu, est un vodü comm·e les autres. Gbaadu exprime le plus haut degré
I'i!nprudent. de connaissanc~ que l'homme ait acquis de soi-même; ce.lui qui a reçu son
«En compensation viennent les avantages d'un tel vodù : il confère une k/10/i, qui a compris la valeur de son acte et qui, de plus, s'est fait initier au
indéniable influence à celui qui est assez fort, il crée un lien solide entre mystère de Gbaadu, donne désormais ce nom à ce qu'il nommait auparavant
initiés à son culte, et surtout, si quelqu'un souhaite du mal à l'adepte de Mawu, comme tout le monde ' ».
Gbaadu, ce mal se retournera contre l'auteur du vœu ou du sortilège 1 ». Lorsque le Favi d'un devin détenteur de Gbaadu se rend -dans la forêt
D'après un devin de Porto-Novo, « le culte de Gbaadu est très mal connu de Fa, le symbole de Gbaadu peut être transporté au lieu de la cérémonie.
dans le Bas-Dahomey, même parmi les Nago. L'esprit venu du pays des Dnns ce cas, seuls, ceux qui ont déjà reçu leur ltp'Jli accompagneront le
Blancs a soufflé et le goût des longues études d'autrefois se perd >>. Favi 2. Un non-initié risquerait, sinon la mort, du moins la cécité, car per-
cc Si l'on demande, ajoute+il, à un devin de Porto-Novo ce qu'il sait de HOnne ne peut regarder Gbaadu sans s'y être préparé. Cette cécitê ne serait
Gbaadu, voici ce qu'il répondra : Gbaadtt est peu connu ici. On ne peut 51rns doute pas éternelle, et des consultations de Fa donneraient le moyen
citer qu'une poignée d'individus qui en ont un chez eux; enc9re ne savent- d'en guérir; mais à vrai dire, on n'envisage même pas que semblable faute
ils pas au juste ce qu'il en faut penser, et les représentations qu'ils en font puisse se commettre.
faire ne sont rien moins qu'orthodoxes. Il \'ient du Nigeria, d'Ifè, comme ,Gbaadu joue un rôle important lors de la disparition du kp'Jli, par perte,
Fa. Ce sont des étrangers qui l'ont introduit parmi nous. On le trouve vol, incendie, etc .. C'est à lui en effet que le devin doit demander - en
aussi chez les Aja, à Ajaxàje. principe - le remplacement du kp'Jli d'un de ses clients. Si Gbaadu l'auto-
cc Il est très méchant, très dangereux. On le représente à l'aide de quatre rise on fera les cérémonies nécessaires i. Mais ce vodû est rare dans le Bas-
calebasses remplies d'o~jets innombrables et souvent coûtem:. Les frais '
Dahomey. On viendra souvent de très loin. le consulter chez un homme
qu'entraîne sa préparation nous incitent aussi à n'en pas.détenir. Si le devin Influent. Certains Bobno riches se procurent un Gbaadu personnel, celui
initie a une femme infidèle, ou si lui-même trompe sa femme, Gbaadn s'ef- qui corresp·ond à leur du seulement.
forcera de tuer le coupable. Et comme, à Porto-Novo, notre fidélité conju- Celui qui possède chez lui un Gbaadu doit édifier en son honneur un
gale est sujette à caution, nous ne sommes nullement enclins à faire bon Legba·, qui sera la colè_re de Gbaadu et son exécuteur.
accueil à un vodü si exigeant. 'Nous aimons mieux être trompés par nos
femmes que de les voir mourir >i. En résumé : le degré de .frayeur. q n'inspire -Gbaadu dépasse la normale.
Odu joue un rôle mystérieux. cc Il a, dit un excellent et vieil informateur,
1. D. ÜNADELE EPEGA, op. cil., chap. 1v, p. rb: « when a man who had received tem-
créé le monde. Avec ses mains n, ajoute-t-il. Odu et Mawu se confon- purcd Ifa (Ifa ti wQn ti tç) became rich or a chief, be may, if he chooses, .reœive lg~a
draient-ils donc? cc Odu a créé la nature; on ne sait qui l'a créé lui-même. Odu (OJu Calabash) or as it is also called 1 loba Iwa (the Calabash or Contamer of Exis-
Le besoin de généalogie poussant les hommes à se demander pur qui Odu tence) - Odudua Hims~lf being the Iwa i. e. Life-, Existence &c. In this calabash wonder-
working charms are stored by a great babalawo who gives directions as to how it should
avait été crêé, ils désignèrent Mawu. Mais, en réalité, Mawu et Odu se con-
be worshipped, with the strict warning, of course, that it should never be opened except the
fondent. Nous disons, en yorouba : Odu-wa la 11 kpe l' Odu (Y) ! Od u que dcvotee is exceedingly grieved and therefore anxious to leave this world. lgba lwa is so
made as not to be easily opened. .
Igba Iwa is rect:ived as an abject ot reverence, represeoting as it does Odudua. It 1s
r. A Abomey, le sabre du Migtl se levait sur les magici(!DS noirs convaincus d'avoir mis bclieved that tbrough its influence the receiver can have long, happy and prosperous life and
efficacement en œuvre leurs amulettes contre autrui. En s'attaquant ;i ceux qui voulaient overcome al! enemies '"
nuire a leurs semblables, Gbaadu restait dans le plan politique de la monarchie. 2. Infra, chap. vrr.
3. Infra, chap. vu, p. 326.
CHAPITRE III LE PANTHEON DE LA « CÔTE DES ESCLAVES »

Le croyant ne demande qu'à redouter le dieu qu'on lui désigne, mais il monies en son honneµr. Il est possibl1~ que cette règle ·ne soit pas toujours
raisonne sa crainte et ne désire pas qu'elle se mue en te'rreur. D'autre part, 1·eopcctée au Dahomey \elle l'est, dit:::.p'n à Ifè. .
l'acquisition d'un Gbaadu est fort onereuse. Enlin, au fond d'eux-mêmes, Lorsqu'un visiteur se présente dans une maison où l'on accomplit une
les Dahoméens ne semblent pas se juger dignes d'avoir un tel vodû parmi cdrémonie ou un s~crifice en l'honneur de cette divinité, le nouveau venu
eux; il y a peut-être là, en un certain sens, un cas de saturation religi·euse. est obligê de partager le repas en commun, et même de manger, le cas
Attendu la décadence du culte de Gbaadu et le mystère dont il s'entoure échéant, les interdits Je son, du, ce qui manifeste la supériorité de Gbaad111
encore, il serait imprudent de le définir plus précisément que par ces pro- Nllr Fa'.
positions : Gbaadu, vodû redouté, symbole du Ciel et de la Terre dans leur
union féconde, détenteur suprême des connaissances de Fa, a pour but de · Préparation et installation de GBAADU.

fixer un sentiment ésotérique de symbiose universelle. Il est en rapport avec


Avant de pouvoir parler de Gbaadu avec un initié, il faut boire de
un culte déchu des quatre éléments 1 et des quatre points cardinaux.
l'nlcool et partager avec l'interlocuteur le sang coagulé d'un sacrifice spécial,
multiple et coôteux. Celui qui parle est considéré comme un roi : si l'on
Culte. !'éduit le formalisme et les frais au minimum, il doit s'asseoir sur une
Gbaadu ne demande ni danses, ni chants. spéciaux, ni tamtam. Les pièce de tissu du pays, une étoffe de soie, et de la monnaie de métal. En
fidèles s'agenouillent devant ses symboles, se prosternent, portent de la affet le roi, à Abomey du moins, ne s'asseyait que sur des tissus du pays
Oll des étoffes précieuses. Si l'entretien se prolonge, il est recommandé de
terre à leur front, s'étendent sur le sol à plat ventre. Ils lui adressent leurs
prières s'ils ont quelque chose à demander. Sinon, ils se bornent à dire une consommer des fragments de noiJI: de cola trempés dans de l'huile de palme.
litanie où reviennent ses noms honorifiques entremêlés de louanges. Jamais Il faut par ailleurs rester à jeun, et s'imposer une continence sexuelle,
on ne doit demander à Gbaadu de réaliser les mauvaises intentions que l'on d'nilleurs de courte durée. Les étoffes sur lesquelles s'est assis l'informa-
a contre quelqu'un, même contre un ennemi dangereux. Les kpame-gâ, pré- tour, le verre où il a bu, la bouteille d'alcool qu'il a entamée et, d'une
parateurs de médicaments et dt: charmes, qui peuvent se trouver appelés à r11çon générale, tous les objets qu'il a dû toucher en parlant de Gbaadu
donner la mort, ne possèdent jamais de Gbaadu. Certains détenteurs de deviennent sa propriété. D'où le proverbe : celui qui confère Gbaadu ne
Gbaadu semblent néanmoins s'affranchir de cette règle impérative; du moins n11L1rait être pauvr~ : Odu-na-me-ta nô sa nude vo a.
passent-ils pour le faire, tant est gra1ide la crainte qu'inspire ce vodu.
Nous avons recueilli les témoignages les plus contradictoires sur la pré-
Il n'existe pas de collège organisé de prêtres de Gbaadu au Dahomey, ni
de séminaires où un enseignement soit donné. Le culte est trop peu répandu pnration et l'installation des effigies de Gbaadu chez les prêtres de Fa. Chaque
et trop secret pour que ses prêtres se réunissent entre eux. On leur donne le Informateur ignore ce que savent les autres, et considère ses connaissances
nom de Gbaadu-nà ou d'Odu-11ô, lorqu'ils détiennent les seize calebasses, et comme un secret sans prix.
le lieu où sont disposés les symboles d'Odu se nomme Oduxa-me. Voici l'opinion d'un devin de la banlieue de Porto-Novo, très imbu de
magie noire, et possesseur d'un Gbaadu sous les espèces d'une. ceinture gar-
Le culte de Gbaadu, strictement interdit aux femmes, est réserveaux seuls
initiés. Seuls, ceux qui ont un Gbaadu chez eux peuvent assister aux céré- nie de petites bourses de cuir et de perles multicolores. Il affirme que Gbaadu
ast plus fort que Fa et qu'il relève du monde de la sorcellerie'.. Le plus gros
I. Jamais les informateurs ne parlent spontanément des quatre éléments. Leurs connais- do son information, sauf en ce qui concerne les cheveux d' Aziza, est erroné.
:ançes, à cet égard, sont d'ailleurs fragiles et contradictoires. L'apport d'ouvrages occiden-
taux, la diffusion de la. langue et des écrits arabes, le passage de Musulmans lettrés, restau-
Il ignore l'étymologie par igba odu.
reront peut-être ces notions à demi oubfiées sous une forrne différente. A l'heure actuelle,
les intormateurs les meilleurs semblent attribuer à Gbaadu le lien qu'ils croient <;leviner entre 1. Infra, chap. vn, p. 327.
certains signes de Fa et les quatre éléments. L'un d'eux nous donna cette définition : Gbaadu 2. De nombreux charlatans de la région de Porto-Novo fabriquent des amulettes qu'ils
est formé d'Eau, d' Air, de Terre et" de Feu. Mais il ne put préciser.· nomment à tort Gbaad11.
92 CHAPITRE III LE' PANTHEON DE LA « CÔTE DES ESCLAVES » 93
«Je porte sur moi une ceinture-amulette (alickâ, corde des reins)comme d'agbogbo '.On se procure la tête d'un petit carnassier, ajagbë; quelques
tout un chacun, mais cette ceinture est consacrée à Gbaadu, que je connais dents de requin, neuf .qu seize. Un fragment d'os de «baleine». Un peu de
fort mal cependant. Celui qui me l'a remise n'était pas Bobnô. Quels objets !erre prélevée à l\ndroit où l'eau vient frapper le mur de terre ou la falaise
ont concouru à créer son efficacité? De minces guirlandes de perles de qui s'y baigne; ..:ar la terre, il cet endroit, dit il l'eau : tu ne passeras pas!
diverses grandeurs encadrent de petites bourses de cuir. Dans ces sachets, De même, celui qui en portera sur lui une pincée fera reLUler les maléfices.
l'objet essentiel est un sokpë (pierre de tonnerre) réduit en poussière. Il faut On se procure dél 'sang µe.deux canes; Ghaad11, en effet, est l'ensemble des
que la pierre choisie pour cet usage ait tué· un homme. La poudre est répar- 1/u. de Fa, et de nombreux du demandent de la chair de cane, notamment
tie entre toutes les petites bourses. En outre, je possède ici des bouts de Sa-M;.ji. On ajqute une sorte de craie comestible (/Jwe.);1chetée.au marché,
pagnes ayant appartenu à un noyé, à un foudroyé, à un homme tué par et que mangent souvent les femn1es enceintes; on la trouve dans re sol, et
le vodû Gu, -d'un coup de fusil ou de couteau par exemple, - à un homme le:-> Portonovicns la nomment ayighiit11. Avec du fil, une aiguille et un mor-
tué par Sakpa.ta, vodü de la variole. L'appartenance de la victime, - c'est- ceau d'étoffe blanche, on fait un sachet.
à-dire la victime elle-même, - est le symbole de la puissance du vodü qui a Le Bobnô initiateur prend alors sa tablette divinatoire et traœ successi\'e-
tué. l\1ent les seize signes majeurs dans i.rne poudre composée des sol.fè pulyéri-
Il y a encore, dans les petits sacs de cuir, un peu de terre provenant des s~s, mélangée à de la craie blanche écrasée. Après l'inscription de chaque
lieux où se célèbrent les cultes de Sal~pata, de Xcvioso, des Kênesi et du to- signe, le devin jette en son honneur sur le sol un peu d'eau, des fragments
Lcgba, et une pincée de terre ramassée par moi seul, à minuit, sur un che- de cola, et de l'alcool. Quand il a fini, il ramasse les morceaux de cola, et
min abandonné; je me suis couché sur le dos dans l'axe du chemin, et j'ai les offre à son Fa-Lgba ou à celui du nouvel initié. Cliaque signe doit être
prélevé un peu de la terre où mon occiput et mes talons avaient posé. Le inscrit trois fois, çe qui allonge la cérémonie, mais attire ù coup slir l'atten-
sentier est abandonné, et pourtant quelqu'un y est revenu : cela prouve tion de Fa: au premier appel, il peut être absent; au deuxième, il écoute;
que son souvenir n'est pas mort. De même, on se souviendra longtemps de nu troisième, il entend et répond.
celui qui a accompli cette cérémonie, sans qu'il meure; autrement dit, il Une fois tous les signes tra..:és, le devin laisse un peu de poudre divina-
vivra longtemps, comme le chemin. Il faut également se procurer, ce qui toire (y~) sur le Fats, où il trace le signe de son client, et coliserve le reste
est fort difficile, un cheveu d' Aziza '. Aziza, qui peut prendre l'apparence dans une bouteille ou un sachet, ce qui le dispensera, la fois suivante, d'ins-
d'un être humain, est quélque chose de très mystérieux (nu bada-bada), une crire à nom·eau les seize du.
sorte« d'animal saint» (gbe-vodù). Il nous emmène, pour faire des amulette~, Je n'ai énuméré que les choses .essentielles. On se procure aussi de nom-
auprès des monticules où se célèbre le culte des vodiï.. Si l'on désire posséder breuses rangées de petites perles de couleurs diverses, chaque couleur cor-
un charme très efficace, on cherche un cheveu d'Aziza, qui rend invincible. 1·cspondant à un vodit différent.
Les balles n'atteindrnnt pas celui qui le porte; si sa pirogue chavire, il ne se
noiera pas, etc .. Car nul n'a jamais vain..:u Aziza. 1. KEleb:J, ordre des Picariés,' famille des CuculiJés, selon le Dr MrLLET-l-IOHSIN. Co11-
lrib11tion à l'Él1ttle de la Faune omithologique dtt Bas-Togo, Bulletin du Comité' d'Études His-
Il faut encore certaines· perles, des nana, des azàii (à travers lesquelles,
lOl'iques et Scientifiques de l'A. O. F., Paris, a1111. 1923, no 1, jall\'.-mars, p. 66 :
par transparenée, on aperçoit le « serpent arc-en-ciel l>, Dà Ayidohw;.do), et u Coccystes cajjer, Licht. -Le coucoll cafre, le coucou édolio de Levaillant. Assez rare. Vit
dti dâmi (excrément de Dà). On ajoute des excréments de léopard (kp' ), qui pnr couple. Il joue en médecine indigène un rôle que je n'ai p;is pu élucider; toujours est-il
(jll!.! ses rémiges se vendent sur les marchés, à titre de médicament ou de gris-gris, avec
sont blancs ; des dents d' agbo de la brousse, c'est-à-dire de buffie ; des cauris;
celles du perroquet gris et Ju touraco vert et avec.la queue du rat palmiste. Ces plumes sont
des plumes : une plume rouge de perroquet, des plumes tachetées de hhb,, présentées piquées dans un os de seiche », x11-de, h1ngue de mer, « et alignées en séries.
une plume rouge d'aloko, une plume verte d' agbi; on n'emploie pas les plu mes Nom popo : lmivo ou kelévo, ou encore aklmi-ga11, grande perruque ». - Agbogbo, mèmc
o., même fam., est décrit par le même auteur (ib., p. 65): « JJucorax 11byssù1ic11s, Bodel.
~A lui aussi fui les chasseurs boches (sic) et ne se trouve plus que vors la frontière du
J.
SPIETH, Die Bivt-Sliimme; op, cil., p. 225/1 : « •.. so sagt man, es sei 'Sklave des
0

1. D11homey. Il porte le 110111 popo ag·bodo et doit jouer un rôle dans les croyances locales, car
Azizà oder Gbelq, Buschbesitzers (Waldteufels) gewo1'den >>.lb., pp. 830-832. Oil rencontre fréquemment sa représentation en pyrogravure sur les calebasses ou en sculp-
ture (bois ou cuivre)».
94 CHAPITRE lit LE PANTHEON DE ·LA « CÔTE DES ESCLAVES » 95
En dehors de la ceinture, on peut disposer Gbaadu dans un sachet, que 1lnges ordinaires; sa1 couleur tire sur le roux, et il vit dissimulé, pendant le
l'on installe sous son lit ou sous son oreiller. lour, dans les anfracfüosités
'1
des troncs d'arbres. Des feuilles de Fa sont dépo-
Il n'y a pas de rapport, à ma connaissance, entre Gbaadu et les quatre élé- 11ées sur les objets ci-dessus, dès qu'ils ont été introduits dans la calebasse.
ments. Sa caractéristique essentielle est de renforcer Fa. Il préserve l'initié Lorsqu'une cérêmonie en l'honneur de ce vodi'i a lieu, seuls ceux qui le pos-
de tout danger. sôdent déjà chez eux sont admis à y assister. Si on lui donne à manger des
Nul ne connaît son père ou sa mère. Je crois que Gbaadu a été extrait de nkass~, par exemple, 0~1 i;ie doit pas jeter aux poulets les feuilles qui ont
Fa, mais on dit que Fa lui doit obéissance, car, pour le préparer, il faut 8C1'vi à les envelopper : ils mourraient.
d'abord tracer tous les signes de Fa. Fa a Gbaadu comme protecteur. On ne Gbaadu tue les hommes au nom de Fa. Si son initié a commis un adultère,
peut dire, pourtant, que Gbaadu soit son père, .ni son fils. Les détenteurs 11 le tue. Mais si quelqu'un veut du mal à l'initié, ces mauvaises intentions
de Gbaadu n'ont d'ailleurs pas tous leur Fa». so retournent contre leur auteur.
La description qui précède s'applique également, selon. l'informateur, au Lorsque Gbaadtt reçoit à manger, il faut lui donner des paires: deux pou-
Gbaadu de la maison et au Gbaadu-ceinture. Il y a cependant une différence lets, deux chèvres, deux tortues de terre, deux pigeons, deux paniers
entre les deux modies de préparation : celui de la maison seul requiert des d'ignames ou de farine de maïs, ou d'akassa, etc .. Les quelques initiés qui
perles précieuses. nssistent à l'offrande pourront partager le repas, dont les reliefs seront
enterrés : car nul autre ne doit toucher aux aliments de Gbaadu.
Un vieux devin d'Ouidah, connu à Porto-Novo et également épris de Ses interdits sont : ataki, le piment '; afïti, moutarde malodorante se ven-
sorcellerie, après avoir avoué sa crainte de Gbaadu, déclare : «j'en avais un dnnt au marché 2 ; le coq; l'huile d'amandes de palme; degà, les crevettes :
il y a longtemps, mais celui qui me l'a donné en connaissait fort mal le secret: eelui qui lui offrirait des crevettes se courberait aussitôt comme cet animal;
entre nous soit dit, notre désir commun était de nous faire craindre. Je sais glmu, le bouc ; nisu, le taureau (mais Gbaadu accepte la vache et le bœuf) ;
seulement que la calebasse qui le represente doit être rugueuse, et que des aqluz.a, le porc, la truie, les porcelets; agbo, le bélier et le buffie ; kini-kini, le
charlatans ont vendu des Gbaadu au prix de cinq cents francs à des benêts lion, ou sa femelle; ajinaku, l'éléphant, et tous les animaux sauvages mâles.
qui n'en surent rien faire et s'en trouvèrent fort mal. Un vrai Gbaadu n'a ' L'huile de palme rouge sert à préparer les repas consommés par les fidèles.
pas de prix, et l'on cite des gens qui se sont endettés jusqu'à leur mort pour Lorsqu'un possesseur de Gbaadu meurt, son fils, même non initié, hérite
s'en procurer un. du dangereux vodû, et, après une ablution de certaines feuilles dont il se
Les objets fondamentaux qui entrent dans la composition de Gbaadu sont: lnve les yeux, peut le contempler, lui. offrir dès cérémonies et des sacrifices
un estomac de singe ajako (Y, zûvû F) ', mâle ou femelle,. et des œufs de i\ son tour».
perroquet kisE 1 • On peut fumer l'estomac pour le mieux conserver, mais cette
précaution n'est pas nécessaire ; il a la propriété singulière d'aveugler ceux Un vieux devin nago, fixé depuis longtemps au Dahomey, mais soumis
qui s'aviseraient de le regarder. L'animal lui-même est plus cruel que les llllX influences des villes de la côre, dit : «on ne doit donner le moindre
1·cnseignernent à quelqu'un, en ce qui concerne Gbaadu, qu'après l'avoir
1. Il est inexact qu'il faille incorporer à Gbaadtt un estomac de singe. On pourrait à la
rigueur y introduire un peu de peau, un peu de la main, ou un os de singe. 1, Cctpsicum 1ri1tescens (L.), ou C. an11ù11m (L.). Fam. Solanaceae.
2. KESE ou kisE, selon MrLLET-HORSIN, porterait aussi le «nom indigène » d'avécé. Art. 2. L'ajltl se vend sur les marchés et son oJeur, particulièrement oftensante, a frappé tous
cil., pp. 66-67, ordre des Picariés; fam. des Musophagidés: « Turacus Bujfoni, Vieillot. - Le le~ voyageurs. J. A. SKllRTCHLY, pour corser une description, ajoute: cc Imagine the scene with
touraco vert, le touraco de Buffon. Très rare en liberté dans le Bas-Togo. II y est emmené the thermometer at 900, and the buyers and sellers recking with perspiration, which com-
du Nord et nourri en captivité·comme oiseau sac\"e.·Frugivore, il est, du reste,- très facile à hlued with the odours of the afiti soup and stinking fish, constitute an aroma anything but
conserver avec des bananes (quatre par jour en moyenne). Certains chefs et certains féti- èondudive to appctite ». (Op. cil., chap. m, p. 59) - Le même produit jaune malodo-
cheurs en ont et seuls peuven_t, par.leur autorisation, en procurer aux Européens. Les plumes l'nnt, fait avec des graines de netté, bouillies et fermentées, est nommé st1111/>ala au Soudan.
pourpres de l'aile se vendent aux marchés comme gris-gris médic:imenteux, comme univer- cr. note d'Aug. CHEVALIEll 11p. L. C11ÉTÉ. Le Nété et q11elq11es au/l'es Parkia "de l'A. o.f.
selle p~na.:ée >>. (Thèse). Lons-le-Sciunier, L. Declume, 19ro, pp. 54-57.
CHAPITRE III LE PANTHEON DE LA « CÔTE DES ESCLAVES » 97
fait attendre trois mois au moins. Toute indiscrétion est tort dangereuse. Je ~lanehc de la plante grimpante sese (Y), qui a la forme d'un haricot; la
n'oserais pas aborder ce sujet, même avec l'un de mes anciens maîtres, c'est- âf11l110 noire de la. plante\ grimpante akicaah (Y).
à-dire avec l'un de ceux à qui je dois mon gagne-pain, donc la vie. Il y a . ltègnc minéral : de la'craie blanche; de l'excrément du «serpent arc-en-
trente ans que je suis Babalawo chez un grand chef religieux : pourtant; je Cl•l 11 (dà-mi) ; des tortillons de terre de barre ramassés au sol et provenant
ne pourrais me résoudre à l'interroger. Le père de ce personnage avait un de l'nffouillernent des vers de ~érre; du sable de la mer, de la rivière, de la
Gbaadu, qu'un incendie malencontreux détruisit ; son fils s'~nquit auprès ldMUllC:. Des perles; 'comprènant d'un~ part des perles rares : enila, ssgi (Y),
d'un devin des possibilités de réparer les dégâts. Le sacrifice proposé s'éle~ ' !f(11t/ 1 nana, làkà (F),~puis, enfilées, une quinzaine d'autres variétés, toutes
vait à deux chèvres, qua,tre poules, quatre pigeons, quatre pintades, deux dUlltnrntes; enfin des perles de pacotille, telles qu'on en peut acheter au
canards et deux canes, trente-deux escargots, vingt-quatre pièces de tissu, llldl'l!h6 pour quelques sous, et que l'on réduit en poudre avant de les intro-
quatre livres sterling. Si cette proposition, présentée il y a huit ans, n'a pas duh•o dans la calebasse de Gbaadu. Selon leur couleur, elles symbolisent les-
encore été suivie d'effet, ce n'est pas à cause de la somme de mille francs Mllltl suivants : blanches : Duduwa (F) ou :Jrica Lûa (Y); grosses perles mar-
environ par laquelle se chiffrerait la. dépense ; mais c'est qu'il faut, èn ron : Abà (F) ou :Jya (Y), première femme de Xwioso; jaunes: Takpodü
outre, se procurer tous les objets destinés à figurer dans les quatre calebasses (l1) ou :Jcif (Y) ; rouge et rose alternant : Xwioso (F) ou Càgo (Y) ; grosses
de Gbaadtt. Et là réside la principale difficulté ! » r11rlcs noires striées longitudinalement de· blanc et de marron : Ibo (F) ou
L'informateur possède un Gbaadu chez lui; il a introduit cette divinité :J11MI (Y), vodû mâle venu d'Ifè; il guérissait les maladies et prédisait l'avenir
chez quati:e personnes. llll'Hqu'il était homme parmi les hommes; petites perles marron : Yewa (Y),
cc Gbaadu, dit-il, est le vodü des Bobno. Il faut, avant de le détenir chez femme du pays d'Ifè changée en vodii; blanc tacheté de bleu : Xu (F) ou
soi, se procurer un grand nombre d'objets différents appartenant aux trois ()lok1i (Y), la mer; rouge : Xasu (F) on :Jba (Y) ; bleu foncé : Ag<.mft (Y),
'règnes. Règne animal: agbejü, deux plumes de l'oiseau agbe; kes .. -z.a, la fr6l'tl germain d':Jsàlit, ado~é à Ab;.okuta et à ]abtt; vert: Yeyemoolu (Y), vodii
queue rougeduperroquetksss, un morceaud'osde quelqu'un qui n'a j;1mais 1'e111olle adorée à Ifè, non connue des Fon; noir: Legba (F) ou Ecu (Y);
marché (qui est né perclus); un morceau d'os de bossu, de foudroyé, de 1~u11c ou marron et vert alternant : Fa (F) ou !fa (Y) ; blanc : Yemàja (Y),
varioleux, de noyé ; un morceau d'os d'éléphant, d'agbo (buffle), de lion, de 11\Ôl'e de Xwioso '. La pierre de tonnerre (so-kpt) n'entre pas dans la cale-
x/a 1 , de kpa (leopard), de l'antilope afyâku; un œil de léopard; un peu de hll8SC de Gbaadu,. 1
ce qu'on trouve dans l'estomac du xla, lorsqu'on vient de le tuer; une Tous ces objets sont répartis en quatre calebasses, dont chacune «sera »
tête entière de serpent hà; une tête de serpent aka (Y) ou amaniinu (F) 2 ; l'un des quatre premiers signes: ]iogbe, Y<-ktt, fVoli, Di, qui symbolisent- les
une tête de v~ (varan) ; un fragment d'excrément de xla,. de crocodile et 11t111tre points de l'espace. La calebasse ]iogbe est nommée la blanche, et l'on
de kpa (ce dernier -est blanchâtre). vursc de la poudrè de craie blanche dans son contenu. La calebasse Yeku est
Règne végétal: un peu d'écorce de l'arbre erü. (Y) ou adite (F); un peu 110111mée la noire, et son contenu est saupoudré de cendre provenant de
de sokps, qui se vend au marché ; un fragment de branche calciné et réduit· l'111'bre sib. La calebasse de Woli, au contenu recouvert de poudre de sokpê,
en cendres de l'arbre siKo (Y); un peu d'écorce de l'arbre igi!a 3; la graine 11~t nommée la rouge. La quatrième ne reçoit pas de nom de couleur.
- Une fois ces différentes formalités accomplies, on énumère tous les signes,
1. Xla, cf. supra, chap. 1, p. 25, n. 4. de un à seize, plus Cs-T1tla: ]iogbe, Ysku-Msji, Woli-Msji, Di-Msji, Loso-
2. La femelle amanon11 passe pour mourirle jour de sa ponte. Ce reptile, dont le dos est
tacheté et le ventre clair, a la couleur des feuilles mortes et peut atteindre les dimensions Miji, Wëh-Msji, Abla-Msji, Aklà-Msji, Guda-Msji, Sa-MëJÏ, Ka-Mefi,
d'un dàgbe. Sa morsure est fort dangereuse. 1'11mkpë-Msji, Tnla-Msji, LEtE·Msji, Cë-MEji, Baba-Xelrpa et Ce-Tula.
3. Arbre sacr~, roi des arbres, supérieur même au Roko. Gsdegbe possédait un z.ïkpo (tabou- On doit ensuite se rendre dans la brousse, casser quatre termitières, prendre
ret) fait d'un seul morceau de ce bois. Le mot nago igi, arbre, a passé dans le vocabulaire
vlv;ntes les guatt:e t<:!ines, et en placer une sous le contenu de chaque cale-
afrocub<iin : « También. tiene los diablitos, que personifican los ârboles, ô igis, generalmente
con figuras cornlgeras ». (F. ÜRTIZ. La Fiesta Afrocubana del «Dia de Reyes>>, Archivas del
Folklore Cubano, Habana, 1925, vol. I, p. 38). 1, Un spécimen de ces diverses perles a été remis au Musée de l'Homme.
CHAPITRE III LE PANTHEON DE LA cc CÔTE DES ESCLAVES » 99
basse. Les termites reines ne pouvant se déplacer, aucun nsque d'évasion I.n version suivante, recueillie à Abomey. présente un maximum d'inté-
n'est à courir. r•t. Il est à peine bespin de répéter que ces renseignements nous ont été
On écrase seize feuilles de Fa dans un canari plein d'eau. Un peu de cette lion nés comme secrets '.
c
eau, prélevée à l'aide d'une petite calebasse spéciale, est répandue sur chacun u L'installation d'un Gbaadu complet chez quelqu'un suppose la prépara-
des quatre contenus. 11011 de quinze récipients et' d'un. asè. Le total de ces seize objets est
Tous ces préparatifs ont lieu la veille au soir de la cérémonie. nommé calebass€ d'Od11: Igba Odtt. Le plus volumineux est la calebasse de
Le lendemain, le prêtre de Fa, tout de blanc vêtu, se met en prières dès W111adtt lui-même.·
six heures. Puis il dépose quatre colas, achetées la veille ou quelques jours Les récipients sont différents; chacun a son contenu propre, et repré-
d:avance, devant chacune des quatre calebasses. 811nte un serviteur de la calebasse de Gbaadu. Celle-ci est comme le chef de
Il prend successivement deux des noix exposées, sépare avec l'ongle du ll11nille au milieu de ses enfants, - à l'époque où existait la piété filiale.
p~uce les quatre lobes de chacune, qu'il jette comme des des devant leur Le nom d'Odu, sous lequel est désigné le plus souvent Gbaadt1, est, on
calebasse respective. Pour que la réponse soit favorable, quatre ou six lobes 1'11 vu, une abréviation de : Odu-wa, la û kpe l'Odu I sauve-nous, ô Inconnais-
doivent appuyer leur tranche contre le sol '. ARble 1On emploie, mais entre personnes déjà au courant, l'épithète Daxagu-
Le Bobnô mâche des colas n'ayant pas servi à cette opération, en nrême tfotû, celui qui est grand et demeure derrière la maison 2.
temps que du poivre ataku 2, qu'il crache sur les morceaux de colas exposés Ln grande calebasse d'Odu, Igbala i, est fermée, car elle symbolise l'union
devant les calebasses, du Ciel et de la Terre. On ne doit sous aucun prétexte soulever son cou-
S'a.dressant alors à Odu, il le prie de descendre 'dans les quatre calebasses. Vtit'cle; toute indiscrétion serait punie de cécité.
Mais il n'emploie pas le mot calebasse (ka); il dit: Odu, descends sur terre! Dnns chacun des quinze récipients se trouve une statuette en bois de roko,
Odu wa gbs I Viens dans la vie ! Il chante ensuite en nago les louanges Oil métal - parfois en or 4 - ou en terre de barre, et dont le symbolisme
d'Odu, en l'invoquant quatre fois par les mots: Odu huuuuhu I en changeant précis semble oublié.
de ton, et quatre fois par les mots : Odu hiiiihi ! Il est formellement interdit à toute femme de s'occuper de Gbaadu, à plus
Il aj.oute quatre fois : Ela soghooo sogboo ! ce qui signifierait : es-tu bien fol'tc raison de porter la main sur une de ses calebasses. Elle serait infailli-
arrivé, bien venu ? blcmen t punie1 de mort, car elle aurait dressé contre elle-même une
Quatre fois: da sat:JSatd I Puissé-je rester dai1s la vie longtemps, longtemps! ~olère que rien n'arrête. Rares sont ceux qui oseraient dévoiler ce mys-
Quatre fois : keh hie. sogü sogu ! Sauve-moi, garde-moi en paix! tbre de Gbaadu.. Dans la composition des différentes calebasses entrent bien
Quatre fois: ooogbo ayiwrJ! Nous voulons vivre vieux sur la terre 1 des produits dont nul ne connaît le secret, en dehors des grands initiés.
Quatre fois : da wi daji ! Puissé-je être heureux en cette vie! Pour se procurer celui qui doit châtier la femme indiscrète, il faut attendre
Si le prêtre a quelques prières particulières à adresser au vodti, il exprime
son vœu en langage ordinaire. r. Au cas où ces lignes viendraient à la connaissance de magiciens noirs du Bas-Dahomey,
nous croyons bon de les aviser que nos énuméra.tiens sont volontairement incomplètes, et
~près quoi il se réjouit avec les assistants. IJU'lls ne sauraient se flatter de constituer Ull Gbaad11 avec les seuls éléments dont la liste figure
Il immole ensuite les quatre pigeons, l'une des deux chèvres, - il garde l~I. Ceci soit dit dans l'intérêt de leurs ennemis, et pour la pai~ des tombes 1

l'autre, - deux canards, -les deux autres sont pour1ui, -les quatre poules i. Da-x~..g11do-to : père-maison-derrière-celui qui. «Derrière la maison» indique que la
1lmneure de Gb11ad11 n'est pas un lit>u de passage.
et les trente-deux escargots.
3, R. E. DEN NET, Nigerùw Studies, op. cil., chap. VI, p. ;/4·
Le devin qui introduit Gbaadu chez son collègue procède aux sacrifices 4, F. Bw~DEl.. Mission en Afrique Ocëde11t11/e fra11çaise (geolo{i'ie et 111i11es), fév.-juin I936,
avec un couteau, sans se servir de· làflè J~ i> l11Jdit, p. 80 : « Jusqu'à présent le Dahomey n'avait révélé aucune minéralisation en dehors
1l'un peu de titane. Chermette y a découvert de l'or et du chrome. L'étude de ces premiers
r. Sur le jet des colas, cf. infra, chap. VI, pp. 2 sqq .. Indices est en cours et l'on ne peut guère rien en dire .de précis actuellement, sinon qu'ils
2. Aframomum melegueta, fam. Zingibernceae. MOnt particulièrement intéress~nts ». (Autori5lltion de l'auteur). Les Dahoméens ont depuis
3. Infra, chap. v,pp. I94Sqq .. longtemps utilisé l'or de leur sol pour la préparation des bijoux royaux.
/tlsli/111 d'ElhnoloKie. - Bernard MAuPOl,L, 7
IOO CHAPITRE III LE PANTHÉON DE LA cc CÔTE DES ESCLAVES » IOI

que meure une femme enceinte. Le roi, - lorsqu'il y avait un roi, - en W1.w11sfa, celle qui do,nne l'enfant odu, correspond à Üts-MEJÏ;
était averti, et donnait ·ses instructions au dôkpa-gâ ou dônu-gà, chef des 1ldabidale, celui qui fait.}e bien et le mal. Il surveille les abords de la mai-
fossoyeurs. Celui-ci devait procéder, sur le cadavre de la morte, à l'abla .. IUll et correspond à Ce-Meji; ·
tion du vagin et des parties externes de la vulve, grandes lèvres et système :)Io, qui est inconn~issable, dont on ne sait rien. La désigne aussi «ce que
pileux compris. L'organe, soumis à une préparation destinée à le rendre im· nul ne doit.faire>>. Le seizièp1e sîgne majeur, Fu-Maji, porte encore le 110111
putrescible, se conserve une dizaine d'années au moins. de l,ogbo-Mejî, qui é.'Voque l'interdit qu'il viola 1

Toute femme qui s'efforcerait de toucher aux calebasses de. Gbaadu serait Quelle est la valeur des quatre principales calebasses? Nous sommes en
tuée par la morte, désireuse de partager sa dis-grâce avec une autre femme;
5 11luln ésotérisme, et l'on comprend le caractère sacré des déclarations qui
Il n'est que trois bons vodû, parmi les quinze qui entourent la grande 1 YOlll suivre.
calebasse Igbala. Leurs noms, tenus secrets, sont : Adeci, femelle, AùsECi, /g/Jala est le monde. Il est à la fois tout ce qui vit dans le ciel, sur la
mâle, et Alaola, femelle. Le mot Ade-â évoque, en nago, l'idée d'aller cher· ltHG et sous l'eau. Car autrefois, le ciel et la terre se touchaient 2. Des grê-
cher et de revenir; il y a donc correspondance avec le signe Yektt-MEji, qui IOllH y représenteront le Vent (l' Air); en effet, chaque grêlon con tient en
passe pour être venu le premier en ce monde et en fot renvoyé par sa mau• 1011 centre l'air du ciel lui-même. Il n'y a ni feu, ni terre, ni eau à l'intérieur
vaise conduite. Ala-wo-ala évoque l'idée de curiosité indiscrète et correspond d'un grêlon : lorsqu'il a fondu tout entier, on ne trouve rien. C'est donc
au signe femelle Di-Me;ï. bhm de l'air. On le met dans la calebasse dès qu'il est recueilli. La Terre
Les douze autres sont si dangereux que l'on <!oit, avant de les nommer à IM\ 1·cprésentée par du gypse (ayi-nuku, œil de la terre); le Feu par la feuille
quelqu'un, se frotter les mains et la figure avec certaines feuilles. urticante zo-mà (feuille du feu), qui brCile lorsqu'on la touche et qu'il faut
Ce sont: lllltlillir avec des pinces. Les feuilles de fraîcheur, fifa-mâ, représentent
A cale, celui qui garde la maison contre les ennemis du dehors; l'Bnu.
Baba-Aje, le père de tous les magiciens noirs. La magie noire relevant lldeci est de Feu. Dans sa jarre, le feu est ·représenté par la plume rouge
essentiellement des femmes, ce symbole est féminin; da la queue du perroquet hsE, ou par des spécimens d'écorce, de bois et de
Kpaya, celui qui tue les femmes coupables, correspond à Abla-Meji; fcmlllcs de roko. Cet arbre est considéré comme le plus puissant du monde
Ya-Agba, mère de toutes les personnes habitant la maison où .est installé Véf{étal, car son tronc est pénétrable à l'homme et contient mainte mer-
Gbaadu 1 • • v1dlle. ·
'
Acamô, celui qui garde les enfants, correspond à Guda-Meji; Ahseâ est d'Eau. Autour d'une baguette recouverte d'un cc vêtement »
Agaganigogodo, qui commande le monde animé. Après avoir prononcé ce (rnmu-odu) et couché dans sa calebasse, cet élément n'est pas représenté par
nom, il faut mettre de la terre sur son front et de l'huile de palme sur sa d1.1 l'eau de pluie, mais par la mère de toutes les eaux, des rivières, des
langue. On agit de même lorsqu'il s'agit du signe féminin Sa-Meji; lngunes et de là mer: par des gouttes de rosée.
Fait, celui qui détruit les habitants de la maison fautifs. Il correspond à A laolà est d' Air, cc de vent >>. Et l'air pénètre dans la boule (ko) de son
Ka-Meji; 11S~ sous forme de grêlons, dont chacun contient un peu d'air du ciel le plus
Adebda, qui est plus rapide que toutes les armes; lointain. Alaolà est symbolisé par un asè particulier, de la boule duquel se
Olorim~rî 2 , celui qui regarde les quatre points cardinaux; ddmchent verticalement des asè plus petits.
Les symboles de ces trois vodü et de l' lgbala comprennent en outre des
r. Iya Agha signifie mère âgée. Comp. P. BAUDIN, op. cit., p. r 1 : « Odudua, qu'on appelle objets nombreux, qui sont pour chacun les mêmes: des plumes des oiseaux
aussi Iya Agha, la mère qui reçoit, habite les régions inférieures de l'univers. Obatala et Odu-
dua dans le principe étaient étroitement resserrés et comme enfermés dans une grande cale- 111ound near the centre of the town so that each head faces one of the four great points of
basse, Obatala en haut, sous le couvercle », etc .. lhe compass >>. Cette représentation publique d'Olorimeri est inconnue au Dahomey.
2. R. E. DENNET, Nigerian Studies, op. cil.', chap. v, p. 70 : «The Yoruba -also have a l. Infra, deuxième partie, chap. II, p. 5 57.
figure called Olori merin which has four heads, which is generally found placed upon a 2. Fig. I, p. 62.
!02 CHAPITRE III LE PANTHEON DE LA « CÔTE DES ESCLAVES >> !03
ge ', agbi, kdsba, hss, d'innombrables feuilles liturgiques de Fa: amaje, weima lfOls n'aura pas son con1pte, ce qui aura des répercussions fâcheuses. Imagi-
(Y) ou zoma (F), etc.; du bois des arbres gita et diti. Oi!K1 par comparaison, trfis frères vivant chez leur père. Un visiteur entre
Celui qui installe un Gbaadu doit connaître à fond les propriétés de dnno la maison, et, av.ant de partir, offre aux enfants deux pièces d'un sou.
cha.q ue feuille, et surtout leurs affinités. Il sait quelles sont celles qui cor· Lu enfants remettent, comme iLse doit, le· cadeau au père; celui-ci donne
respondent à chacun des seize vodû, leur effet les unes sur les autres, leut' Ull BOU au premier, un SOU .au second, et rien au troisième, qui n'appréciera
effet sur chacun des objets destinés au vodû. Il en est qui, par simple contact llHH cette différenœ. Quant au père lui-même, il ne gardera rien en ce cas:
avec telle autre feuille ou tel objet, décuplent ou abandonnent leur énergie, Ill\ père ne doit-il pas- penser d'àbord. à ses enfants?
Pour éviter « l'accident», il faut prévoir les rapprochements redoutables, Si trois objets sont offerts, les trois vodu seront contents. Ils les apporte-
parer au danger qui en peut surgir en utilisant des forces compensatrices; La rom à Odu, qui les répartira entre tous les autres. Et dans ce cas, Odu ne
composition d'un Gbaadu nécessite, outre des connaissances approfondies, - lilnlera rien pour lui. Si l'on ne donne qu'un seul objet, cela va. encore :
une volonté continue d'harmoniser des forces essentiellement dangereuses et 01/11 le prendra et le répartira entre tous, car il n'a rien à refuser à ses
rebelles. Le moindre faux pas peut entraîner la mort du Bobnà. tnfnnts. Si quatre objets sont offerts, Odu en prendra un pour lui, et remet-
Lorsque tout est terminé, chaque calebasse contient une représentation 1rn les trois autres aux trois bons vodü qui assureront le partage.
des forces dont son signe est le symbole, et le couvercle d'lgbala est pout' Les chiffres cinq, sept, dix, onze, treize et quatorze sont contre-indiqués.
toujours fermé sur la somme de tous les objets, de toutes les feuilles, dont se 11/111/a est censé se réserver les offrandes de seize unités.
composent ses quinze subalternes». Gbaadu commande au Fa. Nul 11e connaît sa filiation: sa mère, nul ne
Le couvercle d'Igbala présente aux yeux du profane un ensemble hétéro· llllllt la nommer. Ceux qui veulent à tout prix lui trouver un père disent
clite de points et de traits tracés en blanc, en rouge, en noir et en gris; en 11u'll est le fils de Mawu, p.1rce qu'ils voient en Mawu le créateur de toute
0bservant de plus près, on reconnaîtrait, habilement dissimulés, la représen- ~hose. Mais cette explication ne satisfait pas les grands initiés; ceux-ci pré-
tation figurée du monde reproduite plus haut, et, sur le pourtour du cou· f~t'ent reconnaître qu'ils ne savent pas, ou affirment que Gbaadu est antérieur
vercle, les seize signes-mères de Fa. ~ tout ... »
Il semble donc que les seize symboles de Gbaadu corr~spondent bien à « .• Quelques Bobnà installent chez eux un Gbaadu simplifié, composé
ces seize signes. La situation particulière qui est faire aux quatre premiers, -· d'une calebasse .à couvercle, dans laquelle est introduite une collection
racines du monde, - apporte à cet égard une précision de plus. ll'objets composant un échantillonnage de tout ce qui se trouve dans la
n11ture. Les règnes anim il, végéul et minéral y participent : plumes des
« ... Les quinze symboles doivent entourer lgbala. Les trois bons vodû différentes sortes d'oiseaux, os ou poils des difl:érents animaux terrestres, spé-
sont le plus près de lui; le cabri que l'on immole doit leur faire face, sous cimens de chaque espèce de perle.
peine d'être aussitôt envahi par les gaz de la décomposition, ce qui empê- Gbaadu a des interdits : le piment,' le coq, tous les animaux domestiques
cherait le sacrificateur d'en consommer la chair. mfiles, et certains animaux sauvages : buffie, éléphant, léopard ...
Les sacrifices sont faits de préférence par trois : trois colas ou six; trois Une fois Graadu installé chez quelqu'un, nul voleur ne peut opérer dans
poules, ou une, ou quatre, màis pas deux; trois cabris, ou un, ou quatre, ln maison. On raconte, à Abomey, l'histoire dé deux voleurs (aujourd'hui
jamais deux. On peut offrir six, neuf, douze, quinze et seize unités, mais décédés) qui pénétrèrent chez GEdEgbe, le cambriolèrent, et furent contraints,
le chiffre deux doit être soigneusement évité 2 • En effet, comment le sacri- pnr une force mystérieuse, de déposer leurs paquets sur place, et de s'enfuir
fice offert a Gbaadu et à ses quinze enfants est-il réparti entre eux? Les trois honteux. Ils s'étaient soudain sentis comme paralysés. La femme de celui
bons vodü se servent d'abord. Si l'on oHre seult!ment deux objets, l'un des qni a Ghaadu ne le trompera pas, et ne causera pas de scandale dans le
pays. Au cas contraire, elle vomirait aussitôt du sang. Il en sera de même
r. Musophaga violacea (Isert). de ses bclles-filles. Aucun ennemi ne l'atteindra de ses sortilèges. Tout acci-
2. Duduwa «refuse» également le chiffre deux, mais il n'accepte pas quatre. dent prochain lui sera annoncé par un rêve. Le Favi d'un Bobnô qui pos-
CHAPITRE III LE PANTHEON DE LA << CÔTE DES ESCLAVES »
sède Gbaadu sera immunisé contre la magie noire, pourvu qu'il honore cette Q. As-tu le bœuf ?'
divinité.
R. Oui. >
Réciproquement, celui qui possède un Gbaadu ne doit pas lancer de sor- Q. As-tu le cabriv ?
tilège contre son prochain. Toute mauvaise intention, même si elle n'atteint R. Oui.
pas son objet, se retournera con_tre son .auteur ». Q. As-tu le mouton ? ,
lt Oui. c
Q. As-tu les poulets ?
1nterrogatoire d'initiation.
R. Oui.
Q. As-tu les canards ?
Celui qui confère Gbaadu s'assied sur les pagnes offerts par le postulant,
R. Oui.
sur de la monnaie, sur une lame de rasoir ; il a, à côté di; lui, une bouteille
Q. As-tu les pintades ?
d'alcool. Si, au lieu d'être celui qui confère, il n'est que son messager, il
R. Oui
rendra compte de l'accomplissement de sa mission à celui qui l'a envoyé,
Q. As-tu un pagne abuta, fait au Dàxomt. ?
en lui apportant quatre-vingts colas, sans dire mot.
R. Oui.
Q. Que cherches- tu ?
Q. As-tu un afüwe ? (pagne blanc tissé par les Dahoméens).
R. Je cherche la vie. Gb~ ba n'de.
R. Oui.
Q. La vie ? Quelle vie ?
Q. As-tu deux cent vingt colas ?
R. La vie de Gbaadu.
R. Oui.
Q. Est-ce que tu peux tenir la vie de Gbaadu ? Alàsi hu hè Gbaadu a?
Q. As-tu un pagne blanc ?
R. Oui.
R. Oui.
Q. Est-ce que tu pourras obéir à tous les ordres que donne Gbaadu?
Q. As-tu un pagne de couleur ?
R. Oui.
R. Oui.
Q. As-tu tout ce que l'on doit donner pour recevoir Gbaadu ?
Q. As-tu l1n pagne noir?
R. Oui, j'ai tout.
R. Oui.
Q. Celui qui a Gbaadu ne tue jamais d'être humain. Pourras-tu ne jamais
Q. As-tu un pagne rouge ?
tuer d'être h'umain ?
R. Oui.
R. Oui.
•Q. As-tu de la poudre de cuivre?
Q. Celui qui a Gbaadu ne peut penser aucun mal de son camarade, ni de
R. Oui.
son père, ni de son frère . ., ni de personne. Si quelqu'un a tué ton enfant,
Q. As-tu de la poudre de plomb ?
il ne faut pas tuer le sien à la place. De même pour ta femme; de. même
R. Oui.
pour ton père ; de même pour ta mère ... Peux~tu te soumettre à cette
Q. As-tu sept cent cinquante francs ?
loi ?
R. Oui.
R. -Oui.
Q. Non, je ne te donnerai pas Gbaadu,
Q. Celui qui a Gbaadu ne parle pas (il sait se taire). Si tu apprends que
R. Si, donne.
quelqu'un va tuer, ii faut t'y opposer. Si tu apprends qu'on va voler, il
Q. Écoute! Je vais te dire tout ce qu'il faut te procurer.
faut t'y opposer. Toùt ce qui est nuisible à un être humain, même le
Voici ce qu'il faut : .
simple renvoi d'un serviteur, tu t'y opposeras.
géj,mu, de la poudre d'or: gàwewe (ou kpataka xwlexwla), de la poudre
R. Je m'y opposerai.
d'argent ; gàjs, de la poudre de cuivre ; flele, de la poudre de plomb ; oka,
ro6 CHAPITRE III . LE PANTHEON DE LA « CÔTE DES ESCLAVES >l ro7

une grande calebasse ronde à couvercle l ïionu-hwe, un vagin de femme (ayJ); muche,. plus d'érections 1 de toute la journée ! Etutu, xddukpo ; oblikiti, avamâ;
lib:ilijî, de 1<1 farine d'igname,; fèliiidïjî ou gari, de la poudre de manioc,; la 11/1/n, akp<.mà ; icï., lissmà); alul?paida, iiônusisi ; weaje, akwwtà; atJla-dala,
plante agbegbe réduite en poudre, - cette plante que l'on trouve dans le sol godolw; wewto, gbejama; weele, dagberiia ; weJya, davünumà ; aja kpokpo, tevi-
0

si l'on creuse à l'aube, et qui s'enfonce de plus en plus à mesure que s'élève gami; ·ahl!!imà (F); akisà (Y) ; . welekpekpe (Y et F) ; seleuike (F); nônusisi
le soleil ; ydosû, la poudre de ys : on mélange ces poudres, et lon y mavovoa (F). ·
« appelle » les seize du. Ututuhii, le cœur de l'oiseau qui dit tututu, du per- Il faut aussi prép'àrer un médicament. lhocure-toi un gros escargot comes-
dreau; agbigbihü, le cœur de l'oiseau agbigbi; aklasuhü, le cœur de l'oiseau 1lble, (akotosu ou hwatotwe agbi,) une feuille. Jdôdo, une feuille alût,
1

aklasu; awJ wewe, un pagne blanc ; avJ wiwi, un pagne noir ; av:i v:ivJ, une feuille de basilic, xisixisi, et une feuille eliji. Ces quatre feuilles, écrase-
un pagne rouge; aw wlàwlà, un pagne bigarré ; hsEzà, deù plumes rouges lus garis de l'eau, coupe cc la fesse » de l'escargot que tu mettras également

de la queue de ksss; des plumes de kdevJ; agbijü, des plumes noires d'agbi; J11ns l'eau. Jette dans l'eau un petit couteau d'argent. Puis verse un peu de
gefû des plumes rouges de ge ; ayi-nukû ( œil de la terre), du gypse; hwe-mi l:fltte préparatioh sur tes yeux, sinon tu perdras la vue en regardant Gbaadu.
(excrément jaune du soleil), du soufre ; sû-mi, excrément vert de la lune, qui Alors seulement tu pourras réunir tous les objets énumérés plus haut.
guérit les plaies, la gale; loleocs, sève du roko tombée au pied de l'arbre et deve- Tu ne dois ni les montrer, ni les laisser voir à des femmes ou à des enfants,
nue dure comme pierre; ogila, un peu d'écorce de l'arbre sacré gila; zàjê, bois que sinon ils risqueraLent de, mourir.
l'on met dans la rivière : le poisson qui y touche meurt, et il ne faut jamais Lorsqu'ils sont réunis, le vodu est là :· on n'approche plus·!
en porter sur la tête; un poisson zokê; dEgbo-cs, peau prélevée sur l'extrémité Procure-toi un gbeje, un chapeau de feutre comme en pqrtent les Euro-
d'un gram d'hippopotame; wasswas<., terre recueillie sur la fourmilière des péens, une pièce de soie, et un pagne blanc fait au Dàhom~. Pose le pagne
petites fourmis noires; zàhwâ-xasu, reine des grandes fourmis noires; hsê-'{Ï, blanc à terre, sur une natte kplakpla, et apporte encore un morceau d'étoffe
Un œuf de perroquet ke.Sê, qui fait du brui:t lorsqu'on le touche. Il faut !'en- déchi(ée. Voici dans quel ordre sont posés ces objets et comment se
velopper dans un pagne et ne pas le regarder, sinon on perd la vue. Toke, déroulent les opérations : x. 0 la natte ; 2° le tissu de soie; 3° afiiwe, le pagne
une chauve-souris entière; hwehuhwehu, une arête de gros poisson de mer ; blanc du Dahomey; 4° une bouteille non débQuchée contenant du gin ou
lo-tams-kë, urre pierre qui se trouve sur la tête du crocodile ; kasukJsu-xJsu, un autre alcool sec ; 5° deux cents colas rouges, reposant sur le pagne
une reine de termites 1 ; akw2cyâcyà, de nombreux petits cauris réduits hlnnc; 6° toutes les feuilles, et les objets énumérés plus haut, sur le tout.
en poudre ; des perles nana, azàu, làkà, aleuta ; un rasoir; deux yswe-da 7° On prend la calebasse et on la lave trois fois, dans n'importe quelle
(Aziza-da, Gû; làll, Y), objets t;ès rares qu'un chasseur découvre parfois dans 01\ll propre ; les manches - si l'op&rateur en a - ne doivent pas toucher
la grande forêt, et qui ressemblent à de longs cheveux (da), à des cheveux l't.!nu. On couvre la calebasse avec une étoffe, et on la pose au soleil, bù
vivan'rs : si tu en mets deux dans una boîte, si aucune femme n'y touche, si cll1: sèche. On la relave deux fois. On la pose enfin parmi les autres obrets.
tu jettes dessus de la farine, et si tu y touches après un mois de cba~teté, 8° On recueille âe l'eau de mer, et ·du sable du bord de la me.r. On prend
la boîte sera pleine. Aliho-h Mde nukü dokpo, le sable ou la terre de un mortier et un pilon; on fait un~· prière devant le mortier, on lui donne
quarante et un chemins différents. lies colas et on lui immole un pigeon, un poulet et un canard. On con-
Il faut encore des feuilles. (amà), dont voici les noms yorouba et fon : somme les trois animaux.
Jdàdô (Y), afama(F); Jlêts, boyboy; akoko, desresige; akika, akûkô; kpeleogû, 9° Toutes les feuilles sont introduites dans le mortier. Mais attention !
anâ.mà ; ologoncue., kpaklesi ; jakiiià, mdana; awàlàjâjà, z.ükuzwi ; Jgsgs, Il y a des feuilles-~ui ne doivent pas se trouver réunies, sous peine de pro-
fëliiismà, feuille de manioc; weena, zoma; atïkpôla, gbagbada ; JcJkutu, adôtû; voquer la cécité de l'ignorant qui les mêle. C'est pourquoi l'on a procédé,
iokojs, sunumaba : les femmes s'en frottent les mains, mais si un homme les h l'avance, à la préparation et à l'administration d'un médica}.11ent spéci-
lique.
r. La termitière semble avoir été considérée déjà comme une divinité par les Gedevi. Elle
symbolise actuellement la force. . · 1, Le petit escargot akotwe, non comestible, est rejeté par Gbaadu.
108 CHAPITRE III LE PANTHEON DE LA « CÔTE DES ESCLAVES »

10° Il faut dire: « Xeeelu ... Xeeelu ... Xeeelu ..• ! (F) Ce qu'on .ne voit nncl'ilège, et de refernter. Mais il est bien entendu qu'une telle action est
jamais, ce qu'on ne fait jamais, je vais le faire. On n'écrase jamais tout ceci Rbominable et risque de'.se retourner contre le magicien.
dans un mortier: moi, je vais le faire. Mais ce n'est pas pour tuer quelqu'un. Gbaadu est ceusév résider datis 1a calebasse lgbala. On peut « l'appeler »,
Ce n'est pas pour voler. Ce n'est pas pour « gâter » les ancêtres. Ce n'est A l'intérieur de celle-ci, dans une tige en fer qui deviendra « la canne
pas pour prendre la femme d'autrui ... C'est pour sauver la vie de tous ; d'Odu ». On emploie pour cela les mêmes feuilles; on attend que meure
c'est pour détourner les actidents et le malheur. » (lne femme en ccfoches, et l'on introduit la canne dans son vagin. Après
Ir On pile les féuilles dans le mortier. Il y a différentes sortes de Gbaadu,
0
l'nvoir retirée, on fixe les feuilles sur la canne, et l'on immole les animaux
mais les feuilles que nous avons énumérées servent dans tous les cas. dnumérés plus haut.
I 2° On prend le sable de la mer et les aunes, le sable de la fourmilièr~ Si l'on" léchait la canne en formant un vœu, ce vœu se_réaliserait. tout de
des wasawasE et la reine des wasawasE. On réunit les feuilles pilées et on Wllite. Mais on ne doit pas agir ainsi ... >>
les range à part. On pose la reine des termites dans le mortier, avec les
sables et les cauris. On les pile ensemble.
Ojfra11des et prières.
r3° Tout en pilant, on commande de tuer un bœuf, dont on recueille un
peu de sang, que l'on aj_oute aux sables.
« La cérémonie suivante a lieu une fois par an. Au jour choisi et dans
14° On apporte de l'argile, que l'on met dans le mortier, et l'on pile.
ln matinée, c"elui qui a son Fa et Gbaadu, et doit se rendre dans la case de ce
r 5° On prend une bouteille d'alcool - mais il ne faut pas se servir de
dernier; se vêt d'un boubou de soie -- de n'importe quelle couleur, sauf la
celle qui est sur le pagne; on en verse le contenu dans le mortier: il ne faut
l'ouge -q~'il retire avant d'entrer. Il ne doit pas s'être nettoyé les dents, et
pas en boire.
Il n'a encore rien mangé, pas même une cola; il ne vient surtout pas de con-
16° On ajoute dans le mortier de l'eau ordinaire, puis de l'huile de palme
ffOmmer du sel ou du piment. ~l n'a pas eu de relations avec sa femme la
(drn"i).
nuit précédente.
I 7° On ramasse le tout, quel' on introduit dans ta grande calebasse.
Dès qu'il est entré, torse nu, dans la case consacrée, il s'agenouille et dit
r8° L'œuf de perroquet ne doit pas être pi-lé. On le met, à ce moment,
l'invocation suivante, qui app~lle sur lui la bénédiction de Gbaad11 :
dans la grande calebasse.
19° De même pour les organes féminins, qui ne· doivent pas non plus être Odu ologbo
écrasés. ologbo oje,
20° On introduit dans la grande calebasse, dans l'ordre suivant: le pro- toi qui· es plus ancien que le monde et dont on ignore l'âge,
duit de ce qui a été pilé; l'œuf de perroquet; le vagin; les feuilles pilées; au eni jaja akalu,
milieu, le rasoir (ou le couteau). toi qui créas tous.les pay~, et qu·e tons les pays connaissent,
21° En l'honneur d'Jgbala, on tue deux pintades, et l'on pose leurs têtes domi (ou Odu) aati ologbo ! (Y)
sur le tout. On tue deux poulets, deux canards, deux moutons •, deux toi qui possèdes toutes les « forces » et que tous respectent pour ton grand
cabris; les têtes des pigeons et des canards immolés sont pour le mortier, [âge!
un peu de sang des autres sacrifices est versé sur le contenu de la cale- Le BQbnô a apporté dans la del'neure de Gbaadu trois ou six colas; il les
basse ». divise chacune e~ quatre lobes, qu'il pose d'un coup sur le sol et observe.
SI la prière est acceptée, il s'écrîe Xeekpa ! et en dit une seconde :
« ..• La calebasse lgbala est alors enveloppée.
Si l'on veut tuer quelqu'un, il suffit d'ouvrir la calebasse, d'émettre le vœu hh hie soiû sogû
h.le h.h sod;;. sodE
r. Le. mouton devient ensuite un interdit de Gbaadu. oobo (ou oogbo) ayua
!IO CHAPITRE Ill LE PANTHEON DE LA « CÔTE DES ESCLAVES » III

aata ayifa U6111li:c. On élève, devant s:t calebasse, trois petits tas (ate Y) gui constituent
ayua wîi daji / ün éi:lrnntillonnage, sans sauce, des objets sacrifiés. Nul ne doit y toucher.
ala sogbo sogbo LI jlOl'lC au sancqiaire est refermée. Ce n'est qu'ensuite que le propriétaire
ala ata ata ~U (Jbaadu peut manger. Il corripose un assortiment semblable et le dép1ose
oobo (ou oogbo) ayua ~lflN une petite 'jarre où sera préparé un repas assaisonné au sel et au poivre,
aata ayua mils 1111ns piment, et dont la sauce se nomme asô (Y). La peau des cabris,
ayua wii 4afi I pQll• nrrachés, bien' lavée, (bata Y; ayû F,) est consommée en petite quan-
Icaala aluwaaiii iht, Cl crue. Asà et bata sont exclusivement préparés par des hommes. On
Icaala aluwaaiii prdl6vè encore le foie (ali) et la poche à fiel (vive); on les fait' griller, on
Odu hiii Ill ddcoupe, et on les mange : cette préparation ;itnère se nomme lo/6 (\').
Odu hiii I.e reste de la viande : cuisses; pattes, poitrine, etc., est préparé dans la
Caoko huuu même jarre, et tous les hommes présents vont s'asseoir et le mangent
Caoko huuu l11801llble. La sauce qui l'entoure porte le nom de halo (Y) '.Seuls, ceux qui
Icaala aluwaaiii one leur Fa et qui ont donné tout ce qu'il fau-t « pour a.ller chez Gbaadu »
Icaala aluwaaiii i{lllt présents. Ce repas, accommodé aux oignons, au sel et au poivre, sans
ogbo ayua piment, a lieu hors de la case comme le précédent.
aata ayua · Lorsqu'on a fini de manger, o·n n'entre pas dans le sanctuaire de Gbaadu.
ayua wii daji ! (Y) LI\ c6rémonie est terminée : on se quitte.

. Cette prière prononcét!, on peut demander à Gbaadu ce que l'on désire I , Comp. Fanuwiwa, infra, chap. vnr, p. 349.
obtenir. Une fois le sacrifice accompli, et avant de manger, on doit la
répéter.
Le prêtre prend les reins des victimes, d'abord des cabris, puis des pou- ·•
lets, des canards et des pigeons; il prend des escargots, un peu de viande,
le cœur et les intestins- sauf ceux des oiseaux, - et consomme le tout
sans sel ni piment, préparé avec du beurre de karité (limû) ».
~'escargot est un animal que recherche Gbaadu. Il s'agit, non pas du
petit es~argot akotwe, (dédaigné par tous les vodü,) mais d'un grand coquil-
lage pomtu nommé watotwe, akotosu, agbi (F) ou igbî (Y), dont la coquille
est noire et l'intérieur jaune. « Mawu aime son sang. . . » La seule raison
connue de son usage dans le culte de Gbaadu et de certai9s vodû est la sui-
vante : « l'eau que Dieu donne aux hommes et aux femmes pour faire des
enfants est se.i:iblable au sang de cet animal. Si l'on pouvait voir Dà Ayido-
hw<do et ouvnr son corps, on le trouverait plein d'un liquide semblable».
Ce liquide de vie sert à préparer des charmes dont on se baigne les yeux en
certaines circonstances, pour se préserver contre un spectacle réputé dange-
reux.
On ne pose jamais la nourriture sur le Gbaadumême, lorsqu'on lui offre un
)

LE <c BO!Dl\Ô ll I 13
13ob (F), simple abréviation 1
;

Bobwo (YF), rare ;> 2

BokJawonô (YF)! Bobno poss_esseur du secret ;


Nnkàt:i (F), celui qui cc foui.lle i>. Le même terme désigne le consultant;
CHAPITRE IV. N11gbonô (F), maître dé la vérité. Un des titres de Gzdsgbe, réservé aux
c
LE BOKJNÔ. plus grands devins ;
Vavauà (F), pl~s grand que nous tous, celui qui est plus grand que
lOllt ;
Sous quels noms on désigne le Boka110. - Les fonctions, le caractère. - Comment on devient
Bokanô. - Hiérarchie. - Le Bokani5, la médecine, la sorcelle~ie et l'empoisonnement. - Luwo (Y), D11w,>11à (F), Luwon8 ou F11/u~l'o11à (YF), possesseur J'un
Les femmes Bokano. - Les Bobnô du roi d'Abomey. Titulus tumuli. Dmvo;
Aiwgbogho (YF), le Bo!.•:Jnù ( Awo) est tout. Réservé aux grands Bti!.·wi> ;
Awojogtï (Y), Bobnâ qui cc mange ii (jo) les amulettes (ogti);
Awx:. e.[[lmiiglu (YF), le BobniJ sou b·e k cabri (et en touche la tête du
Sous quels noms .on le désigne.
/i'avi lors du sacrifice), mais ne peut porter le bœuf;
Il a paru intéressant de relever les différents noms dont peuvent être Aw.i/;;iik11kà.g/is (YF), le Bobnô de\·ine la mort (lm) et devine la \'ie (gbs);
désignés les Bobnô dans les langues fon et ,yorouba 1 • Cehains d'entre eux Alaf:Jcz (Y) (rare), qui dit la vérité ne parle jamais en vain 1; infaillible;
précisent en effet le caractère de la fonction. Voici une liste, sans doute Afrmà (F), possesseur de Fa. Le mot est composé correctement, mais ne
incomplète : 11'emploie pas: il rappelle par sa forme le terme.vod1i-11ô, et Fa est supérieur
Babalawo (Y), père du secret 1 (baba-ala-awo ou baba-ni awo ), et parfois nux vodti ·f ;
Awo; .)haluwa ou B11hal11wa (Y), père qui commande ;i nos forces. Terme choisi
Babanla (Y), grand-père ; pouvant désigner indistinctement le grand Dieu, le bienfaiteur, le pn'.:tre de
, . Il.
Awo-nô (YF), possesseur du secret (awo signifie mensonge en fô-gbe) ;
Les titres d'Ad11fs (YF) et d'Araha sont portés par ceux qui ont percé le
I. J. SPIETH emploie en eve-gbe les mots : « ajakalawo (Zeichendeuter) », (Die Eiue- mystère d'Ifè. Au Dahomey, Gsdzgbe était seul digne de les porter et n'a pas
Stiim111e, op. cit., Einlriltmg, p. 80,) ou : « Bokgwo, bokg, bok9n9 ». (Die Relition .. , op. cit., Lie successeur.
chap. III, p. I9l et n. r~.
2. A. B. ELLIS, op. cit., chap. II, p. 57: «A pries't of Ifa is termed a babalawo (baba-11i- Le Bobnô reçoit encore le nom de Gbz-·LCi-do-t:J, celui qui transmet le mes-
awo), "Father who has the secret». - S. CROWTHER,.op. cit., p. 59 : « Babbalawo (babba- 81\ge (wè)de Gbz, de la Vie, c'est-à-d.ire de Dieu. Ce titre expliqnl' con11!1ent
ni-awo), s. apriest oflfa». -S. S. FARllO\\', op. cit., chap, IV, p. 37: «babalawos(baba-li- i:l)t'tains de,·ins se sentent comparables ;\des prêtres du plus grand dieu. De
awo, the father who has the secret)». - P. BoucHE, Sept ans . ., op. cit.,.chap. VII, p. I20,
etc .. - Une traduction arabe est proposée par C. H. BECKEH, loc. ât., p. 305 : «Baba-
lawo : das bat mir ein gelehrter Kanomann, der lange Jahre im Yorubalande gelebt hat, 1, Ou dit B,;/,·;; Lsg/!11 au Dahomey er aux Antilles. Le mot bokar, en Haïti, s~mbk ..:n l:tre
folgendermassen ins arabische übersetzt: baba= Abu ; alit = =
~al;ib ; awo chaf! d. h. also dMv~.
der Ausüber des Chan, d. h. des Sandzaubers ».-A Cuba, on emploie les mots « Baba, 2, Le mot « Bol.·~<"i »,que J. SPIETH traduit p.tr : éh:,·e de B1il.·a111i, signifie en 1;1.gb<' : l~
B,1bald, Babalaos ll au sens de devin. (F. ÜRTIZ, op. cit., chap. IV, p. 197 et L. CABRERA, op. llltt di! Bob,< c'est-•i-dire d'un homme né a1·ec k cordou oml,ilical autour du cou. (Dfr Reli-
cii., pp. 140 (n. I) et I78). ·-Pour le Brésil, cf. entre autres Renato MENDONÇA, op. cit., NI011 .. , op. cil., chap. m, p. I91·, 11. 1).
(ouvrage critiqué par le Dr. PmcE-MARS. Le Cycle du Nèg-re, Essais de Géographie H11111aim, à l• A. B. ELLIS, op. cil., drnp. xu, p. 203. - BAuor:-:, ;\lissionn;1ire. lJic/i,•1w,1irc Frrwçai.<·
propos de /'École d'A11tbropo-Sociologie brésilie1111e, in Revue de la Société d'Histoire et de Géo- 1't1r11/!a et Yom/>a-Fr1111çais, tt!x'te polyc., s. /. 11. d., Del'in lP· 159) et Del'ineur (p. I6o):
gn1phie d'Haïti, Port-au-Prince, vo!.'VIII, no 26, juin I937,) Vocalmldrio, p. 174: Il nlnfQ~~' asQt<;!l~, s. » P. 172 : « FafQ~t,!, '" n. de,·iner, proph0tiser (se dit des de\'ins ou
« Babaloxd : sm. : sinônimo de Babalaô >l. Ce mot, usité principalenrnnt· à Rio, est· en réalité (~tlcheurs) ». - Alafm n'est que le début de cette sentence: ,1/11 fan, 1.-ii fg a/'ad,1 1111.
synpnyme, non de Babqlawo, mais de « Babalorixd, pai de santo >i , signalé à Pernambouc 4, M. DEL.~FOSSE e.rnploie cette expression dans une anecdote probablement contée par-un
par !emême auteur (ib.). 11 chrétien». (Op. cil., chap. XII, pp. 163-165).
I 14 LA GEOMANCIE A L; ANCIENNE COTE DES ESCLAVES LE <C BOK:::>Nà >> r15
•,
là à conclure, dialectiquement, que Fa est }vfawu, et que Mawu est Fa, il Voici, à titre de curiosité, des étymologies du mot Bobno proposées par
n'y a qu'une nuance de langue : ne dit-on pas que la récade du roi est le 1lcM lettrés et que certains devins ont acceptées, ne 'pouvant trouver mieux.
roi ? 1
1. Bo indique en fô-gbe l'impératif et impliyue l'idée de deuxième personne
Les anciens Bokanô décédés passent pour consulter Fa au pays des morts, 1111 singulier (plur. mi). fi, aller. KJ, empêcher. Nô, suffixe d'appartenance.
à Kntom~ 2 • On les nomme Bok:mô-làtô (F), les devins de l'au-delà. ~cns littéral : ctJui qui' va empêcher. Le BokJniJ etnpêche le malheur
Le D' Price-Mars a cru reconnaître dans les mots soudanais Boughô et 1l'11ttcindre son but.
Hogon l'origine des termes haïtiens Bôcor et Hougan '; mais elle semble 2. Ka, en nago, porter sur soi. Bo, maléfices, amulettes. No, comme plus
plutôt donnée par les mots fon Bokano (on dit parfois, en abrégeant, Bob) h1n1t. Sens : celui qui porte sur lui les charmes.
et Hügâ, qui signifient devin et prêtre. 3. Ka, enfô-gbe, empêcher. Le reste comme en 2. Sens : celui qui neu-
11'1\llse les amulettes.
1. Le pas a été franchi par certains informateurs de ;\Il, J. HERSIWVITs, qui a bien rnulu
nous le confirmer in litt .. Cf. Au Outliue .. , art. cil., p. l 5l : « We take Ma wu or Fa, as the •I• Ka, contraction de leoji, mot mina signifiant village. Le reste comme
author of man and bis destin y ... we say Fa is :vfawu and Ma\vu is Fa"· - Si1pra, chap. 1, !!Il 2. Sens : le maître de la cité des charmes.
p. 8, n. I. '
Le Ziinô lui-même, le «roi de la Nuit » de Porto-Novo, à qui nous pro-
2. Ku-to-111ô : mort-pays-dans. Le mot a passé en Haïti, où il est devenu "Kutume »selon
llOS~mes cette étymologie, trouva son enchaînement satisfaisant pour la
M. ÜULIÉ (op. cil., p. 294).
3. Op. cit., p. 97, n. 3. Il semble, par ailleurs, que le mot papaloi, usité cour,1mment en Haïti, logique. En effet, dit-il, bo sign·ifie amul&te ; toute amulette doit avoir un
dérive du yorouba ba/>,J/awo. C'est également l'opinion de Charles MONTEIL, qui note, dans sa hl\bitat: ka ; enfin, toute habitation doit avoir un propriétaire : no.
critique d'un reportage sur Haïti du journaliste W.-B. SEABROOK (Bulletin du Comité d'Études
Toutes ces hypothèses sont fantaisistes. Les études étymologiques ne
Historiques et Scientifiques del'A.O.F .. Paris, t. XIII, n°1, janv.-mars 1930, p. 87): "Dans les
titres des prl!tres, nous reconnaissons ... des mots de la Côte des Eschl\'es: Pa/'a-/oï n'est qu'une 1leviendront largement accessibles que lorsqu'une partie au moins de l'ensei-
corruption de Ba/1a-lowo, terme qui, dans !'Yorouba, signifie, comme en Haïti, «père du IJllCment des Africains aura lieu dans la langue vernaculaire. Le mot Bobnà 1
mystère».; bocor est le termef611gbé boconon(devin) ». - D 0 Suzanne CŒIHAIHE-SYL\'All'. A Rlgnifie celui qui (nô) repousse (b) bo 2 , celui qui est au-dessus de bo, et, par
pro/JOS du Vocabulaire des Croya11ces P11ysa11ues: Port-au-Prince, 1938, p. 8 bis. Ce qui n'implique
nulle identité entre les fonctions actuelles des papaloi et des de1·ins d'Ifa. - Citons cependant llxtension, de toute la magie noire i.
H. ÜP-HEY, op. cil., p. 258: «De godheid openbaart lrnar orakels door tusscl1eu: ko111st
1·an een priester genaamd « roi, loi of papa/ai », 11. l. koning of papa; en meer nog door de
Les fo11ctio11s, le caractère.
priesten.:s, di marna of koningin «11111111aloi », heet». - F.-M. Kr.11sczA:-:, op. cit., p. 5:
"El, pour la conduite de notre vie, tandis que le 1'ulgaire consulte un grossier papa-loi ... »
- Hesketh PmcttARD. lVhere Blac/1 mies White, a jonrney across and a/>0111 H.1yti. 'Westminster, Le Bobno, selon un.e définition donnée par un des plus grands d'entre
Arch. Constable et C 0 Ltd, 1900, p. 89 : « ~ man has a re\'enge to accomplish' ; be seeks a tHIX, est le père de tout ce qui vit sur terre, des rois et de leurs si,.1jets, des
Papa loi. He is the l'ictirn of an unrequited affection, he seeks the Papa:oi. The Papaloi is,
in fact, the pi1·ot on which 11101·es much of Haytian life » . ..-- Selon J. C. DoHSA!lfflL (op. 1,, Et non Gbokono. CL.Gouverneur E. MERWART. L'Art Dahome'en. Marseille, Moullot, 1922,
cil., \ï, p. 162), le mot 1011 (écrit soul'ent loi) serait congolais. D'autres reconnaissent en p, 9: « la tablette rituelle ... devant laquelle est assis le gbokonon (devin) ... ,, - Le lec-
lui le mot français roi, prononcé 'oi en créole Le même auteur e>time que les fonctions du lcur autorisera un curieux rapprochen1ent, sans prétention étymologique. En parcourant le
Babalawo se trou1·ent, en Haïti, entre les mains du diânô (ib., p. 169). Cf. aussi Jules FAINE. MS ll'un Dictionnaire Bisa-Françriis, dialecte de Garango, par A. PROST, des Missionnaires
Philologfr Cdole, f:.l11des Historiques el Éty111ologiques rnr /,1 /,1ng11e Creole d'Haïti. Pon-au-Prince, 11'Afrique, Pères Blancs, obligeamment prêté par l'auteur, nous lûmes, p. 25: " Bukô : ...
lm?r. de l'État,2• éd., s. d.,.Glossaire, p. 317. - .Mais on emploie d'autres mots ayant le l' sens: Devin ou Buko kokwa. Bukono ti·wo ktm, les devins font la divination ». Le bis,1,
sens dt: del'in : «La consultation ,fes bocors ou de1·ins pour connaître les secrets ou pour lloll'lcl dans le« Cercle» de Tenkodogo (Côte d'Ivoire), est donn2 comme une languè mandé
guérir des maladies» ... « Instruit d'a1·ance de ce qui se passe chez l'homme qui vient le con- l~olée au milieu des langues voltaïques.
sulter t:t sur tout ce qui le concerne, le Papa lui fait des révélations qui !'~tonnent » ... " la 2. Une phrase à double sens a été faite sur cette étymofogie : lm adii, azà adli do fi de /ni, bo yi
consultation des chapiteurs, ou interprètes de !'Imitation de Jésus-Christ et autres pn~tendus ~ïl 1 la mort menace, l:l maladie menace quelque part, va t'y opposer (s. -e. : comme tu t'es
devins de cette espèce>> ... « devi11eurs >>. (F.-M. KERSCZA:-1, ib., pp 6, 10, 5, 22). - «Le 1lpposé a bà), ce qni est à la fois une lé:1uaL1ge et un défi. Le mot bo est passé dans le voéabu'-
houngan se prête à d~rniler l'avenir». (E. AunIN, op. cit., p. 53). - Nous aih1erions l1ih·c afr-0-américain sous la forme rmbo, attestée par de 11ombreux auteurs.
obtenir, de uos amis haïtiens, des précisions sur chacun de ces termes·, dont la meilleure ) . ] . SPIETH, Die Relig-io11 .. , op. cit., Einleitunr:, p. 12: «Eine aüsserst interessante
analyse â ce jour est celle de .\f. ]. HERSKO\'ITS (Life . ., op. cil., chap. v111, pp. 151-152, [!i'scheinung ist die, dass die Wahrsager behaupten, die Wahrsagerei schlie~S'e die Anwendung
XII, 222, el pass. ). 1ler Zauberei vôllig aus n.
'lnstilllt d'E/b11"/ogfr. - Bernard MAuP011 ..
rr6 LA GEO'.\!ANCIE A L' A:t\CIE:t\XR CÔTE DES ESCLA \"ES LE !< BOK::J:NÔ » rr7

parents et des enfants. En conséquence, il ne doit ni tuer, ni faire du mal, 11uulqu'un osait l'insulter, voire porter la main sur lui, l'insolent serait
ni voler, ni prendre la femme d'autrui. Il doit agir en père, donc en bien- Al\rnment puni Non ~-Jar sa victime : le Bobnô, père de tout le monde, ne
1

faiteur. blllllllerait mot. M~is Lsgba secbargerait de venger l'outrage, et cette crainte
Son rôle public consiste à se tenir à la disposition des gens que les inquié· J11•1 représailles empêche les clients de troubler les consultations. Il est de
tudes ou les vicissitudes de la vie poussent chez lui. Il répond à leurs questions 1111\llVais devins qui dédanchent eux-mêmes la colère de Lgba, qui le lancent
et les aide de son mieux à retrom·er leur équilibre. Desservant de l'oracle, il ~Olltre l'agresseut~ Mais un vrai Bob11J ne doit pas faire le mal : il laisse
doit dire toute la vérité à ses consultants, prier pour eux, conduire dans le Diou apprécier et prendre s'il ya lieu l'initiative des sanctions. On n'emploie
bois sacré ceux pour qui est arrivé le moment de recevoir la révélation de p1rn, en parlant du coupable, la formule usitée lorsqu'il s'agit des divinités
leur Fa, exécuter les sacrinces nécessaires. Il est l'interprète et l'intermédiaire offensées : tel vvdti est dans sa tète 0 • On dit que Fa le tourmente : Fa do
de Fa. Sans lui, la transmission de la volonté du grand Dieu ne saurait li/IÎIÏ we ws, c'est Fa qui le chasse.
avoir lieu. ll est celui à l'entremise de qui les prêtres des vodn eux-mêmes i\u Dahomey, rien n'empêche tbt'.·oriquement le devin de consulter son Fa
viennent demander la conjuration d'un mal physique ou moral. Il soigne ~hnque jour, ou plusieurs fois par sem.aine, pour connaître k plus précisé-
les corps et les âmes. !llllnt possible les sorts des moments à ,·enir >. Le futur pourrait ainsi, semble-
Son rôle pri,·é consiste à assurer le culte de son Fa personnel, ù consulter l•ll, se trouver décomposé en éléments ~i courts que les risques d'erreur ou
pour sa famille ou même, s'il en a le pournir, pour l'agglomération qui 1IC surprise seraient réduits au minimum.
l'entoure, à recueillir les innombrables feuilles qui guérissent par absorption, Mais il n'en fera rien, car toukconsultation implique sacrifice, donc frais,
attouchement, ou incorporation à des talismans '. vl 11 l'accident n'est ecarté que .s'il re~oit du sang ii. En fait, les grands dedns
A la fois devin, prêtre, sacrificateur, prescripteur d'ordonnances et doseur n1x-mêmes se contentent d'une consultation par lune nouvelle, et d'une
de charmes, médecin 2 et parfois pharmacien, le Bok:mô n'était pas considéré, Jonsultation pour l'année. C'est ce que faisait G:.d:.gbe, qui se bornait i1 con-
dans S;) vie privée, comme un simple sujet du roi : ses fonctions le rendaient '•llll~r chaque matin, à l'aide de colas, «sans déranger son Fa >l.
quitte des tracasseries administratives. Le respect qu'il inspire dépend d'ail- Dès que paraît la nouvelle lune, le deYin installé dans sa cour la contemple,
leurs de ses qualités : bonté, infaillibilité, e"'.\emplarité de la vie, etc., et de lui !\dresse des prières destinées à proté~er tout ce qui est sien dans sa maison
son âge. Les visites courtoises que lui font ses anciens clients sont faculta- !H dans sa famiIJe. Puis il se relè,·e, se rend auprès de son Fa, auquel il
tives, et les cadeaux qu'ils lui envoient, s'ils veulent, sont proportionnés à leurs 1lo1111e des colas.' Le lendemain ou le surlendemain, il lui offre de l'igname
moyens. Nul·, en dehors de sa famille et de ceux qu'il a conduits au bois 111 des haricots cuits. Il consulte pour connaitre sous quel signe lui-même et
sacré, n'est tenu de l'honorer de façon particulière. Ses initiés seuls doiven' lç~ siens se trouveront au cours de cette lune nouvelle. Il fait les sacrifices,
se rendre à ses convocations. fort onéreux parfois, exig~s par le dn découvert.
Il n'en est pas de même lorsqu'il officie en qualité-de devin. Si à ce moment Guhgbe se rendait le premier jou,r de la lune dans sa cour, à minuit,
,11:i:ompagné d'un assistant de confiance, et adressait une prière à chacun des
r. Les grands Bobuii ont à cet effet des collaborateurs spéciaux, les kpamEgii, qui étudient
~oixc principaux signes. Puis il offrait des colas à son Fa, dans la chambre
les feuilles et composent les médicaments.
2. J. JOHNSON, op. cit., chap. m, pp. 19 et 28, chap. IV, p. 48 : <<The Babalawo is the de 'clui-cï'. Le quatrième jour, - trois jours s'étant écoulés sans cérémo-
president of the mysteries and thé rites and ceremonies of religion and worship, and he is nie nouvelle, - il donnait à son Fa, au Fagbasa, de l'igname, de l'huile et
also the Sacrificing Priest, the teacher of the religion and the Diviner by consulting the
Sacred Oracle». - (De même à Bahia : E. CARNEIRO, op. cit., p. 73 : «Os babalaôs têm, nào
obstante, uma importancia enorme na vida dos negros na Bahia. Sào os· conselheiros, os 1, La souillun~ encournc par l'insulteur entre d,ms la C<llegorie des hl.
medicos, os olhadores ».) - Contra, G. GoRER, op. cit., liv. III, p. 203: « his unique fonction J, Supra, chap. III, p. 59·
is revealing Fa.'s will ; beyond what is necessary to his business be performs no ceremonies, l· D. 0'1ADELE EPEGA,o/l. cil., ch<lp. Il", p. 15: •<greatYoruba Kings ... consultlfa every
and daims no magic powèr as other fetishers do». L'auteur a eu la malchance de se laisser 1\l'c 1h1ys )), - s. S. FARROW, op. cit., chap, ]\", p. 42: ((as it is far ea~ier to consult him rthe
informer par les habituels guides de touristes d' Abomey, qui il' ont aucune connaissance de Opcl<.!], the babahnvos do so cach day ... ; but 11"1 must be consulted e\'ery Jifth da~'. ...for
ces que~tions et aucun Jésir Je renseigner utilement. llrnt ... is Ifa's dayn. - ]. Jmpiso>i, op. cil., chap. m, p. 2-1.
1
II8 LA GEOMANCIE A L ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LE (( BOK'.)NÔ )) 119

des haricots. Trois jours après, il consultait dans son Fag6asa pour apprendre Il \'li, comme chacun, toucher le corps du défunt. Il procède ensuite à un
ce que r~servait le mois au pays, à lui-même, à la famille des rois 1 • 1/ir~Ji fü nu Fa, pour <;sécher les yeux de son Fa », dont les larmes ne
Certains BokJ11iJ très riches peuvent «donner à manger» à leur Fa tous les ~oulent pas à terre{ car les vodii ne pleurent pas comme les hommes 1 • Une
quatre jours, ou deux fois par mois. tiJls les funérailles terminées, il écrase de l'akassa dans de l'eau, ajoute des
llhrcs de raphia ef_ verse les noix de Fa sur le tout. Il les nettoie, les rince à
Le devin consciencieux est ainsi fort occupé par ses devoirs professionnels. l'1111u pure, les essuie dans un mouchoir propre et les dépose dans une assiette.
Par ailleurs, il doit continuellement se perfectionner au contact de collègues L'clllll de cette toilette est répandue sur le chemin. Une poule, ou simple-
plus instruits, car la connaissance de Fa n'a pas de limites. Cependant, il lui 1\lOJlt des légumes et de l'huile sont offerts aux noix, ce qui constitue un
reste en gértéral assez de temps pour cultiver son lopin de terre, sa palme- ~111.:dfice F ada111i111::. 2 • Le Fa, le sz indi \·iduel, J' âme, partage en effet l'émotion
raie, et il répondra fièrement à tous les interrogatoires d'identité : je suis lia ~elui dont il est le symbole, et Yeut être réconforté. Trois jours après le
cultivateur, 'et non : je suis Bob11à.
Mi:rifice, le prètre consulte et demande si la cérémonie en l'honneur du
Les devins ne portent plus aucun vêtement spécial et ne se rasent la tête 1l~funt est bien terminée, si personne ne sera victime d'accidents dus à cette
ou le corps qu'exceptionnellement 2 • SouYent ils enJourent de perles de Fa, ~il lise. Des sacrifices ont lieu, selon le signe trouvé.
- marron ou jaune et vert alternant ; - leur cou ou leur poignet. Autre- Il est inélégant, dans le même ordre d'idée, de dire qu'un prêtre de Fa
fois, ils étaient revêtus, à Abomey, d'une sorte de grande djellaba~; tissée à lllit mort : Babalawo nô ku a, un devin ne meurt pas. On dit : e yi ittila 3, e
la main dans Je pays ; ils portent volontiers, de nos jours, le pagne blanc ,11/ ]js, e yi bo gbe, e yi ama dagbe·, e s/Ï asè, e jo d"- lw, il est au pays d'après-
des prètres de Lisa et Maiu11. Quant aux perles vertes et marron, qui sont lli;nrnin, il est parti pour Ifè, il est, allé préparer des médicaments, des talis-
encore en usage, on peut se les procurer au marché, et ell"es se nomment ll\illlS, il est allé chercher la bonne feuille, il a retiré son asè (du sol), il a
tutiukpà (Y). On joint au collier ou au bracelet un cauri ou une noix de quitté la calebasse de prière (celle où il versait l'eau lustrale ava,nt de prier).
pal me enfilés >.'.
Son rôle d'interprète de Fa n'empêche nullement le devin <l'honorer un
Oll plusieurs vod1i à culte public. Nous n'en avons ·pas connu un seul qui
Les Bok:mô, n'ont pas d'interdits corporatifs. Exerçant un sacerdoce indi- n'ctît chez lui le symbole d'un 1.'odn, auquel il est attaché le plus som·ent sur
viduel, ils n'observent, en dehors des interdits familiaux et de ceux de leurs 11ordre de Fa. Mais il est anormal de cumuler les titres et les fonctions
vodû, que des interdits indiYiduels, dictés par le dtt de la forêt. lie Bobnô et ceux de vodùnà ou d\e vodt1si. Le Boleanô n'est prêtre que de Fa :
Pourtant, le prêtre de Fa ne participe pas aux funérailles, et y assiste 11 est indépendant des vod1isi et des vod1inà, qui lui demandent conseil+.
rarement. Chargé de s'opposer à la mort par ses consultations et la prépa-
ration de médicaments, il ne peut décemment se rendre là où la mort
1, J. SPIETH, Dfr Religion .. , op. cil., chap. Ill, pp. 219-220: «Die Teilnahme an der
triomphe. Mais lorsque meurt l'un de ses proches; ou l'un de ses auxiliaires, llucrdigung ist ihm untersagt. Gelit er doch hin, so bat er den Gebrauch seines ·afa verdor-
l1u11. Dagegen ist ihm die Teilnahme erlaubt, wenn einer seiner Angehôrigen gestorben ist.
r. Iuji-a, ch a p. v1, fig. 19, p. 21 ï. 111 diesem Falle muss er nach seiner Rückkehr dem afa mit zwei Hühnern die Tr:inen aus
2,, Contra, P. BAUDIN, op. cit., p. 36. llun Augen wischen » ... - On entend dire parfois : mi ua siisft dasi 1111 Fa, nous allons
3. Ces couleurs sont les mêmès a Cuba--: F. ÜRTIZ, op. cil., chap. III, p. I77. - Et au u88ll)'er les larmes de Fa, tournure moins élégante que ·111i na fli- dasi 1111 Fa, nous allons souf-
Brésil: E. CARNEIRO, op. cit., p. '72. 1lu1· les larmes de Fa.
4. R. E. DEN!ŒTT, op. cil., chap. XYIII, p. 216, n. 1: «The priests of Ifa, I am told by 2, Infra, chap. nu, pp. 351-352.
Mr. Taylor, wear light blue cloths, and I also noticed more than one instance of a Babalawo 3. J. JoHNSO~. op. cit., <'hap. YI, p. 52.
<lressed in cloth of this colour ». [!>., citat., ch.a p. vm, p. 90. 4. A. B. ELLIS, of'· cit., chap. v, pp. 95-96, voulant énumérer les prètres par rang d'im-
5. D. ÜNADELE EPllGA, op. cil., chap. rv, p. 1 ï: <<The Babalawo is known .by a ldnd of portance, cite d'abord les Bobnà. En effet, explique-\-il, «The reason of the Bab:1lawo taking
beads tied round the wrist of the left band, or by CO\\' (or ox) tails or elephant's tusks held th~ highest place in the priesthood-is that it is through his agency, as the priest of lfa, the
in the band, also by the use of a walking-stick called Osu, an iron statf mounted with small is
UOd of divination, that man learns what necessary to please t1ie other gods. The priests of
native bells. Osn is generally placed in a standing position. in front of ·a Babalawo's house- li'n thus, to a certain extent, control and direct the worship of the other gods, and in time
and worshipped ». of calan~ity, war, or pestilènce it is their business to declare what ought to be done to make
LE (( BOIDNà )) 121
120 LA GEOMANCIE A L'A~CIE~~E COTE DES ESCLA \·Es
1ft111itlos, le bateau qu'il ,rnrait dù prendre normalement Les informations
1

Dans le cas cependant où un Bobm'i hérite, en qualité de fils ainé, du titre <le
1hi \!C! genre, chez G-.dd;be, portaient toujours sur des états de vie ou des
vodüm' porté par son père, il est dérogé à cette règle. Le Lisa-nâ Ayasugbe,
f\;61ltJ111ents en cours de réalisation, imprévisibles, certes, mais partiellement
d' Abomey, cumule de la sorte les deux fonctions. G;dsgbe, considéré comme
le grand prêtre <le tous les vodit du Dahomey, ne se rendait qu'exception· "
•m111 lisés.
.. l)11 pourrait dire que F~ remplit dans le monde une fonction générale de
neltement en leurs temples. On l'a déjà dit : le vodüni> ne consulte que si
lllclngnomie.Il pe~çoit et révèle en chacun, non seulement l'accompli, mais,
son vodü rend des oracles, et la consultation n'a pas lieu comme celle de Fa;
1111 /;i1z.it, l'être le plus profond. Lorsque le devin est compétent, tout se
par ailleurs, tout vodîi possède un tambour, et Fa n'en a pas; enfin et sur·
Jhlm! comme s'il transposait, pour un instant, une modalité inconnue de la
tout, le vodii peut s'introduire dans la tête de son prêtre ou de son épouse,
~fllHfo dans le plan conscient.
qui entrent alors en transe : nul n'est jamais possédé par Fa.
. Les soins que nous devions à une tâche administrative pesante et la com-
Cet examen du rôle et des capacités des devins serait incomplet s'il
phndié des phénomènes considérés nous empêchèrent de procéder à une
111\'tJstigation méthodique de .:es préconnaissances, dont le « travail inter-
n'était fait mention des facultés métanormales de certains d'entre eux. Nous
ll~~·(!hique ii ne suffit pas toujours à rendre compte. De tels cas de production
avons pu nous rendre compte, auprès de G<.d,.gbe, qu'il prenait souvent
1116111gnomique durable sont sans doute exceptionnels dans le Bas"Dahorney.
connaissance des êtres en des conditions où l'exercice normal du raisonne·
ment ne donnait aucune indication, et sans qu'un état morbide justifüît
C)/Jtlllfl!l on devient BoIDNà.
cette extension spéciale de sensibilité 1 • C'est ainsi qu'il nous fit connaître Jl
qu'un Accident mortel d'automobile menaçait notre ami Fernand Audric, Î JI n'existe pas à proprement parler d'écoles où un ;lspirant Bobnô puïsse
une semaine avant que le malheureux, arrêté brusquement d.rns le désert de ,~ 1'11irc des etudes régulières. Les desservants de l'oracle ne forment pas une
,~

Nubie, mourùt d'insolation et de soif avec ses trois camarades de voyage. 'Î ~Ol'poration sacerdotale. Il faut, pour apprendre Fa, s'agréger à la clientèle
G'-dsgbe ignorait alors que notre ami eùt choisi la voie de terre pour reve· 1
11 1111 devin, s'instruire à son contact et à celui des disciples déjà formés.
nir en congé en France, et nous pressa de lui câbler de ne pas quitter, aux Void quelques récits concernant cette ~ériode d'apprentissage, en général fort
the gods propi1ious )), - ]. TEILHARD DE CHARDIN emprunte à N. BAUDIN la division des
longue'. On remarquera la réciprocité des services rendus par le Bobnô et
prètres " en quatre ordres, dont le plus important est celui des prétres d'Obatala, d'Odudua p111• l'élève, et l'absence de formalisme.
et d'Ifa ; on les nomme Baba/awos ». (Op. cil., chap. VII, p. 176). -- Contra, A. BoucHER 1
,1p. cit:, p. w6 : «Le sorcier, Bobnon, se distingue habituellement du féticheur et occupe
Jans la tribu un rang inférieur. Mais il est peut-être plus redouté encore. Il interroge le des.
une formule de sacrifice qui lui sera r,1ppelée au réveil. (Fréquent). - "Voyez, j'ai dit à cet
homme de Tëji de ne pas manger les nourritures qu'on lui apportera de l'extérieur, même si
1in Fd transmet ses oracles et connaît l'avenir. li fabrique des amulettes, des talismaus, des
ti'll1t1lt sa femme qui les lui offrait, et l'on a fait une cérémonie dans une maison voisine, 01i
ma,léfi.:,es par où il prétend mettre les esprits au service de ses clients, donner à son gré la
lui 11 apporté.un peu a manger et il a mangé, ·il doit donc mourir ». Le condamné se nom-
maladie ou la santé, obtenir une faveur, assurer une vengeance. Que le diable intervienne
llhllt ,\1akpàlàwo, et mourut effectivement à Tr!ji-Kpozü, dont il était le chef. (193 5). - Par-
J''lrfois, cela n'est pas surprenant ».
li111t 1\ sa femme préférée, Adoxog·1i: "je vais bientôt savoir si vraiment tu m'aimes, ta fille qui
1. En dehors des consultations, G'<i<gbe, tout en gardant la même 'Klivité d'esprit, la
eM 1\ Cotonou doit mourir, elle va revenir~\ la rnaison pour accoucher, et vingt et un jours
r\1ême spontanéité de parole, entrait parfois dans « un état second " oil se re!.îchait le con.
iljll'ès ses couches elle mourra, mais il ne faut pas s'élever contre cela, c'es~ un don de la Vie
trole de son attention et de sa volonté, pour émettre des informations métanol'males reçues
tout élaborées. Nous l'entendîmes parfois, en cours d'entretien, dans l'attitude prostrée de
IJo ,\.f,1-w,i], il n'y a rien qui puisse l'empêcher, et les enfants ne survivront pas à la mère».
Ali moment où il prononçait ses paroles, sa fille :J1116-fra était dans le train Je Cotonou :i
la somnolence des vieillards, pa;ler d'événements lointains dans le._ temps ou dans l'espace,
rli>hkon, ce que sa famille ig11orait. Elle accoucha de deux jumeaux et mourut au jour dit.
Hevenu ,i la conversation, il semblait sortir d'un rêve dont il oubliait aussitôt la trame. Ces
moments d'absenee étaient spontanés et son étonnante réceptivité en était seule cause,
Lus enfants, deux mulâtres, abandonnés par le père et soignés par la famille noire, mou-
llli'Cllt à Abomey dans le mois qui suivit. (Date approximative: 1932).
Exemples : « voici, cette femme Godol1po111E n'a plus que deux mois à vivre, elle mourra un
1, Fernand Audric, Administrateur-adjoint des Colonies, mourut à l'ùge de 29 ans, le
samedi soir, il n'y a rien à faire». il s\1gissait d'une femme de GEd•gbe qui mourut au jour
tixé. (Date approximative : 1934). - « Le pays est inquiet, il faut faire un sacrifice pour sa
7011 le 8 juin 193 5, avec nos camarades de promotion :\fart in et Eudier. Homme de cœur et
1l'l11itiative, sa mort affecta tous ceux qui l'avaient approché, Blancs et Noirs.
tranquillité, mais il n'y a plus de roi, comment faire? Gl<lE avait mis sa confiat~ce. en m?i'
a, De trois à sept ans chez les Yorouba, selon J. Joirnsox, op. cil., chap. IV, p·. 49. -
je dois faire ce que je peux, prenez· un cabri, de l'akassa, une calebasse ... " et 11 1mprov1se
122 LA GEOMANCIE A L' ANCIE~NE CÔTE DES ESCLAVES LE « BOK.::>Nà » 123

a) Co111ment A .. G. devint BoK:)Nà. (Abomey). b) Comment BABA-LALA est deve1111 BoKJNà. ( Allada ).
c

Quand j'atteignis treize ans, à Abomey, je décidai de devenir devin. Dès


Mon grand-père était.·Olub;., chef au pays d'Ap. C'est pourquoi l'on me
lors, je vécus régulièrement en contact avec des prêtres de Fa; d'ailleurs, il
nomme Lala, qui signifie : enfant des chefs, en yorouba. On m'appelle
y en a plusieurs dans ma famille même, et mon frère Kèkpecu fut Bobnô de
mnintenant Baba-Lala, car je suis bien vieux. Je suis né au pays d'Ap.
Béhanzin.
pilt'mi les Yorouba. J'étais encore porté au dos de ma mère l_orsque GU:. fit
On m'expliquait. J'étais curieux. Je répétais ce que j'entendais dire.
une incursion dans le pays. C'était la campagne de Caga, dirigée contre le
Puis, lorsque j'atteignis un certain âge, - j'avais deux femmes et quatre
roi lJalwko, dont la tête tranchée fut ramenée ,\ Abomey '. Mon père et moi
enfants, - je confiai mon instruction régulière au devin T~xwen11-111a-xwe­
fômcs pris, et amenés au Dàxom:.. Mon père, après ·avoir cultivé une terre
ji-daiaji ', qui n'était pas Bobnô du palais, mais consultait pour un grand
~OllS Ghh, fut nommé chef des cultivateurs de la région de I'èji, dépendant
nombre de gens d' Abomey, et pom certains des fils d·u roi. Je me mis alors
il' Abomey.
à apprendre sérieusement.
Pendant ce temps, j'étais rèsté à Abomey, mais, de temps en temps, on
Lors de la conquête, j'avais environ quinze ans et je servais chez Béhan-
lllU menait à mon père. On me reniit à une femme du roi Ghh, nommée
zin. Au moment où l'on préparait ses talismans, j'assistais mon frère au
'l\mdovs, de la famille Nyàwi, d'O~idah 2 • Lorsque je fus plus grand, T~ndovs
palais. On iu'y donnait parfois à manger, mais je couchais chez moi. Le
lllt! confia à un chef fon, nommé Nugbod~hwe, devin de Glzh et faisant par·
matin, je portais le bagage de mon grand frère. Quand les Blancs vinrent
tic de sa cour.
dans le pays, je n'étais pas tranquille, et pris plusieurs fois la fuite. Je fus
J'ai .connu, comme Bobno du palais : Wolo, Us11 Codokv, Hëde, et le chef
même arrête par le genela 2, mais relâché dans la journée.
dos devins de Jims, G:.dsgbe. Je ne nomme que les principaux, ceux qui res-
J'allais, dès que ie fus suffisamment dégrossi, consulter chez les clients de
rnicnt au Fagbasa du palais~ et avaient leurs entrées auprès du roi. Pendant
mon patron, en son nom. Je lui ramenais tout ce que je gagnais, et il me
111011 séjour chez Nngbod:Jhwe, je fus mis en apprentissage chez un certain
donnait ce qu'il voulait bien. J'étais chaque jour à la disposition de mon tltlo/Jii Agba1111. Mon patron faisait le commerce des amandes et de l'huile de
maître, tout en habitant chez mes parents. Nous étions très nombreux à étu-
pnlme, et tout ce qu'il achetait était destiné ù Tmdovs.
dier chez lui : outre ses dix fils, il avait près de cent initiés. C'est en r909, Mais Nugbod~hwe ne m'apprit pas le Fa, car je n'étais rien, à côté de lui.
cinq ans avant la guerre française (fiàse-hwâ), que je devins un Bobnô indé- C'est en circulant dans la ville, en assistant à des cérémonies par curiosité,
pendant. 1111 écoutant parler ceux qui savaient, que j'appris peu à peu ce qu'était Fa. Je
Je n'ai pas appris ou perfectionné mes connaissances chez les Nago, mais n'eus que plus tard l'idée de devenir devin et, lorsque je décidai de donner
j'ai beaucoup voyagé, car ma clientèle est très étendue. tics consultations, le~ gens furent bien surpris! Jamais je ne fus l'élèYe de
pc1·sonne. J'étais sans doute destiné à devenir Bobnô ...
D. \VESTERMANN, Go1tesvorstel/1111geu . ., art. cit., p. 194: «Die Einführung in die Geheim-
nisse des ifa bedingt eine Studienzeit von 3-7 Jahren ". -- La fonction, accordé.eau mérite,
n'est pas héréditaire; co11tm, G. GoRER, op. cit., liv. III, p. -204. Les fils peuvent succeder au 1, Cet épisode est rappelé sur de nombreux 11s11 de l'époque. de Gh/e. P. BoucHE (Sept
père. illlS .. , op. cit., chap. XXI, p. 358) rapporte que la destruction d'Ichaga (Gaga ou lcaga) eut
ll~u le 5 mars I862. - J. A. SIŒRTCHLY, op. cit., chap. XXIV, p. 453 : «In 1862, he fell
l. Tg-xwHm-ma-xwe-ji-do-aiaji, celui qui demeure près de la rivière ne doit pas [dans
l'eau] marcher sur des coquilles d'huîtres. C'est-à-dire : de même que celui qui s'est ecorche 1111011 lshagga, and carried off thousands of prisoners'. am.ongst whom were some ne~ro
lè pied en s'aventurant dans l'eau revient sur la berge, de même ceux qui voudront me nuire 111lssionaries >>. (lb., chap. x, p. I22 .) - A. LE HERISSE donne : mars 1862 (op. cil.,
par leurs amulettes i·ebrousseront chemin. ~h11p. XII, p. 330, n. l).

2. Le Général Dodds ; encore prononcé jyola, jyola DJdi~ Certains Dahoméens semblent J. TJ-11-do-Vô (père-je-comme-agir), j'agis comme mon pi:rc. La famille Nyfa•i existe
avoir gardé un souvenir relati1·ement respectueux de cet officier: il s'opposa autant qu'il put toujours.
au vandalisme et aux atrocit<'.:s qui déshonorèrent d'autres « conquérants >>.
12-1- u. GEœ1A~c1E _., L' ANÇIE!\NE coTE DES ESCL\ vEs LE « BOK'.JNÔ »

Cet homme wnait au pa)·s Maxi, et a\·ait passé par Kpob:. (Pobé des
c) Com1nwt N. H. est deven11 BoK:JNà. (Porto-No\'o). 111\l'tcs). Il ajouta : je sùis content de toi. Je te montrerai et t'apprendrai
bien des choses. Aiusi, par exemple, si tu es sur le point de partir pour un
Il y eut des devins dans- ma famille, mon grand-père paternel, entre 1111drnit quelconque, et si un malheur, une maladie. une guerre risquent de
.rntres. Mais c'est surtout dans la maison de ma mère, à Pono-Novo, que Fa 1'11ttcindre en route, tu prononceras le nom d' A klâ-M;.ji; puis tu l'écriras
se trouvait à l'aise. Ma mère n'a\·ait pas son kp:>li ; pour qu'une femme ait un pnr terre. Ou enco~e, si tu as sous la main une planchette, tu inscriras ce
l1p:>li, il faut que Fa l'ait expresst'ment exigé. Le plus grand deYin de ma fa- Nlw1e dans de la craie pilée sur la planchette. Puis tu mangeras une cola, que
mille fut le père de mon grand-père maternel, dont j'ai oublié le nom. Ill l\ valeras a yec un peu de la pondre du signe ...
Je n'ai pas à proprement parler appris le Fa. Fa ne s'apprend pas comme 11 me donna aussi des phrases en yorouba à prononcer : tibi ti rile layenf:.,
on apprend, à l'école, à lire et à écrire. Il faut avoir le don. Moi-mème, je ln nature \'eut le bien et le mal. Et encore : e 1~1·wo ab 11i !11b akpiida, le nom
ne pensais nullement devenir prêtre de Fa; je n'avais pas d'affinités avec Fa. 1lu poignard est le suivant : le poignard ne doit jamais entrer dans un car-
Et si j'avais été à l'école, je serais peut-ètre baptisé à l'heure actuelle.
11uois. ·1
Ce n'est pas à Porto-Novo que me vint la connaissance de Fa, mais en Ce sont lù deux devises d'Ald1i-Mzji.
Nigeria, dans une l\xalité nommée Gczc. J'y demeurai un temps assez long, Après arnir entendu tout cela, je passai une nuit agitée. J'oubliai naturt:l-
chez le mari d'une de mes tantes paternelles. Personne, dans cette famille, lvment ces paroles, nouvelles pour moi. Mais, dès cette première nuit, j'eu:-:
n'était Bobno. Et moi, je m'occupais des travaux de la terre. On m'avait ll11 songe : je me trouvais face à face avec un inconnu de taille élancée,
donné déjà mon l>p:J!i et mon Fa de la forêt, ·lorsque j'étais tout petit, et l}lli, étendu par terre, s'appuyait sur son coude droit. Un deuxième. se. tenait
trop jeune pour y comprendre quoi que œ soit. ild~out, et manipulait un g11magil. Il le lança sur le sol, et fit a111s1 appa-
Un jour, je quittai la maison pour me rendre au marché. Je rencontrai rnltre un par un tous les signes. Au fur et à mesure, il les nommait ... Le
sur mon chemin une femme vorouba, une femme élan.:ée, inconnue de hrndemain, je me rappelai tout, même les devises oubliées de la veille.
moi. Elle m'aborda en disant : tiens~ - et me mit quelque chose dans la Mais je conçus une grande peur de ces evénements successifs et me rendis
main: c'était un dâmi mort blanc et un diimi mort rouge'. Elle ne me salua 11\1 plus vite chez un devin borgne nommé Htisu Dogida, pour consulter Fa.
pas ... C1ctait le deYin du chef de Gez.e et je lui dis simplement: depuis quelque
Je rentrai à la maison et, sans rien dire à personne, enfermai les pierres temps, je ne Jor~ plus. - Il m'interpréta Fa, me dit que ïétais né pour
dans ma valise. A quelque temps de là, je me rendis à Porto-Novo pour ~ll't' devin, et que, si je ne le devenais pas, je n'aurais jamais aucun repu'
visiter mon père. C'était neuf jours après cette rencontre. ;\euf jours plus tl1111s la vie. Puis il me congédia.
tard, j'étais de retour :1 Ge:;:e. Je m'aperçus alors que ma valise tout entière La nuit sui\·ante, je ne pus dormir. Je retournai chez le prêtre' dès le len-
était mangée par les termites. Je n'y prêtai pas autrement ~mention, et ne tlcmain, et il me déclara : tu ne mourras pas, \'as en paix!
dis rien. Vers ce temps-là, je reçus une lettre dePorto-l\ovo. Mon père était \·ieux;
Un jour que j'allais Je nouveau au marché, je croisai un homme de Il sentait sa fin Yenir et me reclarnait, car il n'y avait personne pour le rem-
courte taille, qui semblait bien être un Fon. Il parlait le nago, la langue des placer. Je rentrai donc chez lui. A cette époque, Hliji _était roi ù .~or~o­
Blancs, le git-gbe et le fü-gb1·. Il me demanda : me connais-tu? - Non, je Novo. Je trom·ai dans le quartier un devin aux co11sultat10ns duquel J ass1s-
ne le connaissais pas. Il dit encore: je vais te montrer quelque chose. Un 111i régulièrement; il se nommait K1thui. Mais je ne fus pas son élève, bii.:n
malheur est vite arrivé. - Et il sortit de sa poche un crayon et un morceau que les gens le disent. Je devais avoir plus de trente ans : j'avais une femme,
de papier. Puis il traça le signe Aklâ-Meji 1 et me demanda : con nais-tu ce l'l cinq en fonts déjà.
signe? - Non, je ne le connaissais pas. Il me l'apprit. Finalement, K11kwi remarqua que j'avais l'esprit prompt, m'invita chez
1, Dà-mi : excrément du votl1i Dei.
lui, et me donna spontanément des explications.' Cependant, jl' me souvenai~
2. I11fra, deuxième partie, hlliti<:me signe, p. 492. de mes rh·es.
126 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LE << BOK:lNÔ » 127

Kukwi m'appelait à donner mon avis parmi les autres devins. Et lorsqu'il çhnleur, se fût irrité, ~t r;i'eût pas manqué de faire au danger approchant un
m'arrivait de me dérober aux explications que l'on me d.emandait, je tombais mnuvais parti.
malade dès mon retour dans la maison de mon père. A Tvli succédacGbôhèto. Il fut mis au courant, par les parents et les
Mon père mourut après la guerre allemande (jamâ hwà). vers I 9 r 9, à f11miliers du roi précéde1)t, de ce que j'avais prédit. Et il m'a toujours
Porto-Novo, où je demeure depuis lors. Je commençais à cette époque à con- llHtimé depuis lors. Il a trois Bvbnà, mais nous ne servons pas que lui.
c
sulter pour les clients. Et ils étaient satisfaits de moi. Tous savaient que Nous consultons pour tous ceux qui viennent à nous ou nous appellent.
j'étais Bok:mô. Nous allons tous trois ensemble chez le roi, lorsqu'il nous convoque. Les
Si bien qu'un jour le roi de Porto-Novo, Toli, m'invita chez lui. Il s'agis- deux autres se nomment : Làkpiue!Ja et Tasinô. Ce dernier remplace Hôv~ga,
sait d'une cérémonie familiale. Toli avait un beau-frère qui venait consulter mort récemment.
pour lui de temps en temps. Il devait avoir plusieurs autres devins, mais ne Je n'ai jamais été à Ifè; je n'ai pas été non plus au Dà.YOlll:.. Je ne connais
les appelait pas ensemble. En tout cas, nul d'entre eux. n'était spécialement (iuhgbe que de nom.
attaché à sa personne. Toli fut satisfait de mes réponses et me fit souvent
appeler. Et toute sa famille et ses parents me convoquèrent lorsqu'il s'agit de d) Comment le ZùNô est de·venu BOK::>Nô. (Porto-NoYo ).
faire la grande cérémonie commémorative des prédécesseurs du roi. Or, pour
consulter en une circonstance aussi solennelle, on ne fait pas appel au pre- Le Zü11ô répète souvent ce que Fa lui a prédit, lorsqu'il avait cinq ou six
mier venu! 1\118: qu'il deviendrait roi, verrait la mer et se rendrait au pays des Blancs 1•

Et ce jour-là je dis à Joli je vois que tu feras cette cérémonie de façon Cependant il se mit, dès qu'il en eut l'<îge, à faire du commerce. Il avait
satisfaisante. Mais il y a aussi un danger assez grave à courir : il se peut que Jus dépôts de marchandises dans de nombreuses localités. Mais partout, dans
tu meures au septième jour. Si ce n'est pas le septième, ce sera le seizième. 11118 différents .endroits, Fa ne lui prédisait pas de succès. Il lui recomman-

Si ce n'est pas le seizième, ce devra être avant trois lunes écoulées. Toli se 1lnlt au contrai;e de viser plus haut. Il lui promettait que ses ennemis mour-
récria et me demanda ce qu'il fallait donner en sacrifice - ce sacrifice que les rnicnt, que ses enfants, ses femmes et ses esclaves seraient riches, que ses
Fon nomment adra ~ pour éviter le danger. Je lui dis : trois cabris. Mais illllÎS seraient heureux.
Toli ne tint aucun compte de mes paroles, et n'acheta pas les cabris. Quelques Et les prédictions de Fa se réalisèrent. A la mort du Z1ïnô Kàho, il de,·int
jours après le seizième jour, il mourut d'un abcès 1 • u l'oi de la Nuit», comme disent les Blancs. Son accession ù une si haute
Nul doute que, s'il eût acheté ses trois cabris, il ne frît pas mort. Je i:hnrge lui valut certains ennuis, même dans sa propre famille, et, comme
comptais immoler l'une de ces bêtes pour la maison du roi, une autre pour li n'occupa ces fonctions que sur l'ordre exprès du roi Tofa, son ami, on le
.chasser le danger de mort, et les placer, après l'immolation, au lieu désigné nomma Ziïnà M$je : le Zii.11ô gui porte les perles (jz) d'autrui 2 •
par Fa, qui sait par où passe le danger et où il faut lui abandonner sa part Assuré de la protection de Fa, sachant que le mal se tournera contre gui
pour le distraire. Et le roi aurait été indemne. Quant au troisième animal, lu lui souhaite, jamais le Z1ïnà ne se met en colère. Fa lui apporte la certitude
je l'aurais tué et cuit. J'aurais posé le Fa de Toli au portail de sa maison, Ill la sérénité.
- non au portail de la grande cour, - au pied de l'escalier qui monte à Voici ce qu'il pense de la formation d'un Bvl>wô.
l'appartement du roi. Après l'avoir étendu à terre sous sa victime, j'aurais
1, Le Zünà se rendit en France en 1931, à l'occasion de !'Exposition Coloniale Interna-
recouvert le tout d'une cuvette, ou. de tel autre couvercle. L'animal aurait
llon11lc de Paris; il fut. reçu par des ministres, par de hautes personnalités ecclésiastiques (à
été posé tout chaud encore de la cuisson : de la sorte, Fa, gui n'aime pas la Ll"lcux notamment), et dina à la table présidentielle à la droite de Paul Doumer. Son sens
111Rll de l'humour l'empêcha de tirer vanité de cette gloire éphémère.
a, Ces noq1inations, imposées à l'encontre de la dévolution coutumière, sont loin d'a\'oir
1.To-li, littéralement : le pays s'assied, c'est-à-dire : le calme revient. Le roi Dom Toli IOlljours d'aussi bons rcsultats. Celle d'un Akpfog1i Meje, imposée par l'administrntion il Porto-
Tofa, «chef supérieur" de Porto-Novo, est mort le 3 mai 1930, après trois jours de maladie, Novo, en 1931, créa une vive· effervescence et dut êtte annulée. (Il s'agissait de remplacer
« d'un abcès septicémique dans la région deltoïdienne droite ". (Archives du Dahomey). l'.1k/ilogà Hweto Agbo, décédé le 8 jüin 1931).
128 LA GEOMANCIE A L'AXCIENKE CÔTE DES ESCLA\"ES LE « BOKJNÜ » 129

Tout comme on apprend à lire et à écrire les caractères latins ou arabes, L'élève pourra se chercher un maître plus savant et continuer ù voyager
on apprend à lire et à écrire Fa. Celui qui s'intéresse à fa s'instruit peu à peu Hlon ses possibilités, pour approfondir son étude. On voit mème de vieux
auprès de ceux qui saYent. Cette étude est individuelle : elle n'est pas pr6tn.!s de Fa se remettre en route. Car nul ne se flatte d'ètre arrivé au fond
donnée dans un séminaire. d1.1 la connaissance de° Fa.
Les prêtres de Fa ne sont pas tous de compéten.:e égale; certains ont une Chaque devin peut avoir plusieurs élè,·es, et confier celui qui en sait le
spécialité ou un renom particuliers. Si quelqu'un a naiment le désir de se 111olns au plus expérih1enté.
faire devin, il doit changer de maîtres, .:ollectionner les multiples expériences Une fois sorti de chez le maître, l'élè\·e ne garde envers lui que l'obliga-
d'autrui, et choisir. Il lui sera utile, à cet égard, de rnyager de ville en ville, llOn au respe.:t extérieur : s'il le rencontre, il se prosterne. La malédiction
en général pauvrement, pour étudier les différentes manifestations de Fa devant les asc du maître punirait tout manquement. Par ailleurs, l'élèYe
partout ou c.:ela sera possible. Ces voyages d'étude, - que Fa n'impose pas, l'll~Onnaissant peut revenir chez son ancien maitre, se recueillir de temps en
mais au sujet desquels il sera consulté, - sont surtout fructueux si le futur tamps devant le Fa de celui-ci, ou lui enrnyer différents cadeaux. !\fais il n'a
Bobnô se rend à Fè, à fibu, à Oyo, à Abomey; ils faisaient autrefois l'auto- R\l~Une obligation \·is-ii-vis de lui, si ce n'est celle d'être respectueux, ni vis-
, rité et le mérite de ceux qui les entreprenaient. Et il arrive encore qu'on R•Vls du Fa du maitre.
reproche à un devin de n'arnir pas été approfondir ses connaissances au pays L'0lève de\·enu devin installe chez lui des asè de Fa. Alors les gens
même de Fa,;\ Fè. peuvent venir prier et consulter. Une fois les asè plantés, il imite son maître,
1
Pour entreprendre un tel déplacement, il est bon de laisser derrière soi 1 11 se trouve dans la contrée, afin de procéder ù l'inauguration. On tue des
tout signe de richesse; de partir avec un unique pagne, co1111ne un pauvre; Vtlhris, des amis sont invités, et d'autres prêtres. Un repas en commun
de n'emporter que juste assez d'argent pour subsister en route et arri\·er 1\ lieu. On bat le tamtam. On se réjouit. Aucqne nourriture spéciale n'est
s:rns encombre chez le maître que l'on \'tut visiter. Celui-ci nourrit son pl'~parée.
élève et l'instruit. Moyennant quoi, dès que le disciple peut être enrnyé Trois jours après la fête, on demande à Fa s'il n'a pas été offensé, s'il
dans la ville, en cours de stage, pour se faire la main, tciut ce qu'il rapporte, u11ccepte >l la cérémonie. Il faut, pour cette consultation inaugurale, inviter
- poulets, cabris, etc., - reYient ù son maître ; car ce que l'on mange 111 maître et d'autres devins. C'est le maître qui interroge Fa. Si la réponse
chez le Bob11ô provient de Fa '. L'élhe est par ailleurs serviteur de son ll~l favorable, un sacrifice est fait et une .50tnme d'argent versée; le tout est
1
maître. \Hllporté par les Bok:mà. Si Fa le demande, on égorgera les victimes sur place.
Le maître apprécie les progrès faits par son disciple et son degré d'attention Ml le nouveau de\·in est pauvre, des poils de cabri, des plumes de poule,
en le mettant :\l'épreuve, en l'i1witant à interpréter Fa à un consultant, en ~lll'Ollt déposés, en guise de sacrifice, dans la rue. D'après la réponse de Fa,
sa présence. le maitre bénit les asê de son élève, un grand et deux petits.
Il arrive souvent que la durée de l'enseignement à recevoir soit fixée dt·s
l':.uriYée de l'élève. Celui-ci doit parfois rester un certain nombre de mois e) Comment 010 est devenu Bo1DNèi 1
• (Porto-Novo).
en plus chez le maître et trayailler ù sa place. Pendant ce temps, le maître st
Quatre mois aYant ma naissance, Fa annonça à mon père que l'enfant
repose. Lorsque l'élève a assez servi au gré du maître, celui-ci lui donne sa
bénédiction et le congédie.
qu'il attendait serait un garçon, et un Babalawo. Mon père, pour vérifier
~l:ltlc prédiction, alla voir d'autres deYins, qui révélèrent la même chose.
L'élève part avec un chapelet divinatoire (g11111agii) et divers objets consti-
tuant un petit «sac de Bo/0110 >l. Ce bagage lui est offert. Aucune cérémonie Je suis né it Ifè. Mon père, mon grand-père, mon arrière-grand-père
611ilcn t d'lfè.
p.1rticulière n'a lieu au moment du départ.
Mon père mourut sept mois après ma naissance. Je ne le connus pas.··

I. Cette nie semblt: exagérément optimiste. La crise e~onomique, au Dahomey, atteignait l, Ojo : nom d91111é, en pays yorouba, aux t>nfants nés avec le placenta autour du cou.
;1\ors sérieusement les honoraire" des prt!très et ùes devins (1934). Hon nom de Je,·in est Awo-Yafa (Y), Bnbala'i.:'o-\·enu.
130 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LE << BôK:::J'.l:Ô » I 3I
J'avais quatre mois lorsque je reçus mon Fa. Mon père me porta dans le en\'irnn sept ans plus tard. Six mois et quim::e jours après mon arri\·ée,
bois sacré. Fa répéta que j'étais né pour faire un devin, que jé le resterai ln Franç.tis faisaient po~r la première fois payer l'impôt 1 • Je me fixai au
toute ma vie, mais que je n'exercerai pas mon métier à Ifè : je devais m'ex- ~Unrtier Hwey:Jgbe,:, dans la maison du devin Fan/ai où je restai jusqu'à
patrier. Tous me croiront mort, car j'irai très loin, et, pendant des années, 111 mort Je mon maître.
an n'aura plus de nouvelles de moi. Mais lorsque je sentirai venir ma fin, J'ni séjourné à Kalavi, à Agbvmz, à Kr/11, à •..Jjawcrc, en d'autres lieux
alors il faudra tn'ep retourner vers Ifè, et les gens, me reconnaissant, seront fn~ore. Pendant ~ix ans, j'ai voyagé tout autour de Porto-Novo.
étonnés. Puis je retournai à Abwlwta, où j'appris à préparer les amulettes, à utiliser
Fa m'a prédit des débuts difficiles, une vie pauvre, des femmes stériles, loa f~uilles. Après un an et demi de séjonr, je partis pour Lagos {où je passai
qui finiront par m'abandonner. Et en effet j'eus onze femmes, qui, après O!l~I.) mois; il devait y avoir dans la ville environ quatre cents devins de Fa
une longue stérilité, s'en allèrent. Actuellement, j'en ai Jeux autres. i\ l'cpoqm:. Le plus important d'entre eux se nommait Aji11alw .Jni111i/11. Tous
Parmi les onze premières, une me donna une fille, une autre un fils: c'est los seize jours, il rece\·ait, comme pour un conseil, quatre Baba/am' n:·nus
tout. 11Vêc différents mets, pour communiquer avec lui. Le grand devin leur don-
Fa m'a prédit une longue vie. Il m'annonça que je serais heureux dans ma llillt sa b~·né<liction; ils se rendaient de\·ant son Fa, lui demandaient la puis-
vieillesse, que j'aurais femmes et enfants ... ~1\llCC et la prospérité <le la ville.
Lorsque je sus bien parler, ma famille me révéla que j'étais destiné à Fa. l,e Résident britannique de Lagos, lorsqu'il constatait une anomalie dans
Vers douze ans, je commençai 111011 apprentissage et fus pla.:é sous la garde 111 ville, consultait toujours Ajfoalw. Le fils de ce grand prêtre, Fah.111il:.kti,
du devin Fat7wa ', mon oncle, à Ifè même. Je ne savais encore rien de Fa. (ut désigné par le Gouverneur pour succéder à son père et suine ses tradi-
Je séjournai quatre années chez mon oncle. Puis je me rendis chez le tions;,
Babalawo Obe, où je poursuivis mon étude pendant trois ans et quatre mois. A Lagos, je poursuivis mon étude des amulettes et de Fa, et j'épousai ma
Ensuite je quittai Ifè, et me rendis à Jbadâ, chez le devin Aja/a, où je restai ~lm1uième femme. Puis je revins à Porto-Novo, où je m'installai comme
deux ans et quatre mois. Je le quittai pour me fixer un an et deux mois llC\'În et comme fabricant d'amulettes, comme bowala 6 •
dans une grande ville, à Gbo111àca, chez le Babalawo Küle.
1; Toia mourut le 8 fel'rier 1908; il r<:gnait depuis 18ï 5. Sm la premii!re perception de
Je revins à Ifè où, pendant un .an, je portai le sac des grands devins l'impôt, cL FoNSSAGRIVES; Colo11ie du Dal.·0111,•y,•I Dépmda11ct's. R11pporl d'msm1ble sur J,1 sit1111-
lorsque le roi les invitait pour une consultation. A cette époque, j'avais déjà llti11 .sré11érale d~ la Colo11ie eu 1899. Porto-No\'o, et Edmund D. :-.loREL. Th<' Frmc/1 i11 Western
consulté Fa pour autrui. Je partis d'Ifè avec un Babalawo nommé Falakpe 2, ri/Id Cmtr.11 ..J/i'ica. Journal of the African So.:iet~" London, 1901 - 1902, p. 201.
~, Hi.·e-og/>e, maison-même : la maison par excellence, celle du roi. Antre étymologie,
pour me rendre à l/eca. Nous y restâmes neuf mois. Mon camarade inter- 1loutense : b<l'e = maison, 1·oyo = nouveau, .~'/>,• = d.rns : cbns U nou\'elle maison, ou :
prétait Fa pour les consultants de l'endroit; moi, je poursuivais mon étude. 1l.111s la nlilison neu\'e.
Falakpe était devin, mais c'ét~it surtout un guérisseur. Je le suivais pour )'. Nom yorouba : Fa garde notre corps. ·
.1. flo (Y), .4.·wôli (F et Gii).
apprendre ses recettes médicales. Nous revînmes ensemble à Ifè, mais je ne
l • En yorouba : Fa m'a fait du bien. L\ première femme d'Aji1111lm mourut en donu,mt
fis que traverser la ville, et, quittant mon maître, me dirigeai sur ]ii.b11. U, Io jollr à un enfant mort-ne. Il prit une deuxieme iemme qui mournt stérile, puis deux autres
je restai quatre ans auprès du devin de la région, Abâ, fils du roi. Il avait 11ul moururent également. Lorsqu'il eut jete son devolu sur un<.! cinquième foncée, on décon-
"~11111 fort à celle-ci de contracter un mariage de si mauvais augure. Et comme un jollr elle
quatorze femmes et quarante enfants.
11leurnit, son 6.ancé lui demanda : qu'as-tu? - Tout le monde me dit que celles qui t'épousent
De ]ii.bu, je me rendis à Porto-Norn, où régnait alors Tofa, qui mourut •om condanmées il mourir. - Mais non, dit Aji1111k11, il ne faut pas les écouter. - Craignant
1}11'elle lui èchappùt, il la séduisit, et elle mit au monde un garçon. C'est,\ œ garçon qu'il
r. Fa-11-wa (Fa-moi-venir), Fa, me voici! 1lomrn le nom d' lfalwiild11i (Y) : Fa a coupé la cQrde de la mort, - nom qui évoque pour
2°. La m~re de FalokpE eut un premier fils qui mourut, puis elle resta dix ans stérile. Fa, lul lcs·joies de la paternité. (Les renseignements rela.tifs à nos voisins britanniques de Lagos
consulté, hti prédit qu'elle devait enfanter une fois encore avant de 1'1ourir. En effet; elle ~Ollt donnes ici sous toute réserve).
mit au monde un second enfant, auquel elle donna ce nom yorouba qui signifie : grâces 6, Bo= amulette, ·w.1 = faire, la =celui qui. On dit encore />o-to, père des amulettes,
soient rendues il Fa ! Ut Sl\l'tOUt azô-da-lo (maladie-preparer-père), le père de toutes Jes maladies.
lustitul d' Et/>1101.>gie. - Bernard ~Ül:POIL. 9
132 LA GEOMANCIE A L' ANCIE1'NE CÔTE DES ESCLA \'ES LE « BOK'.YNO » 133
Lorsque je sentirai·venir la m9rt, je reprendrai le chemin d'Ifè, mon pays. 111S et une natte. Ils ont'· planté ces asè, le premier pres de ma tète, le second
1
Et ceux qui me reconnaîtront sèront surpris. 1\ ma droite, le troisième à mes pieds, le quatrième à ma gauche. Et ils se

MOnt couchés en formant 0


autour de moi un carré, sur leurs nattes. Ils m'ont
f) Le re've de Y AWOICA. (Tori, Banlieue de Porto-Novo), f11lt répéter à tout: de rôle :' Jiogbr, puis Ydnt-MEji . .. Et avant mon réveil,
voih\ qu'ils. étiient déjà tous partis. . . N'y a-t-il pas là l'annonce d'un
Jamais je n'ai porté le sac d'un autre Bok:mô. Jamais je n'ai \•isité un autre 11111lheur pour mot?
Bobnô pour lui demander de m'apprendre Fa. C'est Dieu lui-même qui Les vieux qui étaient là me répondirent: nullement! Jamais on n'a n1 de
m'apprit ce que je sais, vers 1914 ' . l\11vita vêtus de blanc. C'étaient des Bob11ô, enrnyés du ciel pour t'apprendre
. . . Nous dormions à vingt dans une chambre. Vingt hommes de ma !ln. - Voilà ce que dirent les vieux et ceux qui étaient expérimentés.
famille, après une veillée mortuaire. Tous étaient plus âgés que moi. Aussitôt, j'envoyai chercher les noyaux avec quoi l'on prépare les g11111agt7,
Pendant mon sommeil, je vis approcher de moi, venant du Nord, quatre Ill m'en préparai un.
vieillards in~onnus, à barbe et à cheveux ~lancs. Chacun tenait à la main un Puis, rentré chez moi, je me mis l r~péter les signes indiqués par les
asè, et sous l'aisselle ~ne natte en fibres de bambou. Les asè étaient revêtus quatre vieillards. Les camarades qui m'entendirent demandèrent comment
de blanc. l'nvais pu acquérir ces connaissances tout seul et se moquèrent de moi.
Arrivés près de moi, le premier planta son nsè près <,le ma tête, déroula sa Mnis je n'en avais cure. Je m'occupai sé.rieusernent de mes signe~, et les
natte, et s'y coucha sur le dos. Le second planta .son asè à ma droite, déroula NIHnes pénétrèrent dans ma mémoire.
sa natte et s'étendit sur le dos. Le troisième planta son asè ii mes pieds, Alors je devins peu ,\ peu populaire, et tous reconnurent en m~]t un
déroula sa natte et s'étendit sur le dos. Le quatrième planta son asè ù ma /)olionô. Je commençai à interpré~er Fa pour des consultants. Lorsque sur
gauche, déroula sa \1atte et s'y étendit sur le dos. Leurs corps formaient un llltl route je rencontrai un de,·in, je le regardai faire et puisai ,\ son cxpé-
carré, tête de l'un contre pieds de l'autre. l'lcnce. Par ce moyen, je corn plétai peu à peu la mienne.
Alors, le premier, qui était couché près de ma tête, m'appela:
- Yawoica !
Et je répondis: g) Co111me11t \V. est devenn Bobnv. (Abomey).
- Agoo! 2

fV. est venu a~ monde au cours de la troisième année du regne de Ghlz,


L'autre dit :
~c qui lui donne soixante-treize ans en 1934- Il y a cinquante deux ans qu'il
- Répète : Jiogbe.
1cçut son kp:Jli; il se souvïent nettement de ce dernier chiffre, mais ne con-
1

Et je répétai : jiogbe.
lltlit pas son âge.
A ma droite s'éleva la voix du deuxième; chacun d'eux me fit ainsi répéter
Il est devenu devin sans quitter k Dàho111z. Il commença son étude dans
le nom d'un des quatre premiers du. Et le premier m'appela à nouveau pour
li1 maison paternelle. Son père était un des Bok:Jnà de Gezo et de Gleh '.
m'apprendre un cinquième du. Et ainsi de suite jusqu'à seize.
Vers trente-cinq ans, ~ il était marié, - il se rendit à Kà11a 2 chez le
Alors ils se relevèrent pour s'en aller, arrachèrent du sol leur asè, et rou- }Jo/1onô dahoméen Degrnà. Gardant pour domicile Abomey, il resta en relations
lèrent leur natte ...
Je me réveillai tout en larmes. Mes sanglots réveillèrent les vieux qui
1. L'informateur nomme les devins du palais suivants: sous Gez.o : H1ilii1111 et Wolo, les
dormaient près de moi. Ils me demandèrent ce qui m'arrivait. Je répondis: lll'incipaux; il y en eut une dizaine en tout. Sous Gleh: Nowa, Wolo, Acasu, c,d,gl•e, Urn
je viens de voir en rêve quatre vieillards vêtus de blanc, portant chacun un C:oro/10, en tout une vingtaine. Sous Gbeliilz.i : Ged<.![be, chef d'une vingtaine de devins.
2. Cana des cartes. Le nom ancien semble avoir ete K1il/li11a, (certains disent Kilm111),
1. Et comme il avait environ six ans lors de la conquête du Dahomey, il pouvait en a\·oir 1lont Gedegbe ne put nous donner l'étymologie. Le pays deK1i1111 était autrefois peuplé de Nago
vi1~gt-huit en 1914, et quarante-huit lors de nos entretiens en 1934. 1l'.1yo; le roi Tegbesu défit leur chef, J1at1bi. Le pays .passe pour avoir été ocrnpé, a\'ant les
2. Équivaut ici à. l'<mglais : Hello ! Nngo, par des Musulmans. Nulle enquète n'a etc faite à ce sujet.
1 34 LA GEOMANCIE A L' ANCIEN!\E COTE DES ESCLA \'ES LE « BOK:J~à » 13 5
0

smv1es avec ce dernier. Il allait le mir tous les cinq ou huit jours, l'accom- fulR destitué, puis expu Îsé, du palais, il acheva son existence dans la maison
pagnait au cours de ses déplacements, et reçut ses leçons pendant dix ans. 1lu Mew11, ministre de la Cour, où il disparut 1

Dès qu'il fut en possession de son /(p:Jli, que lui remit le prêtre Gb;:/J, il G;.d;gbe se rappdait encore, en r93q, les incidents soulevés par ces deux
se mit à consulter Fa en qualité de devin. lll'dtcndants au trône: l'u11 qui n'y avait pas droit et refusait de le rendre,
Il n'a pas été it Ifè. Les Bob11iJ d' Abomey s'y rendent d'ailleurs très rare- 1'11utre, désigné P'lj Fa, par son père Agàglo et par la « voix du peu pie u, et
ment. Il ajoute qu'il a fréquenté des Nago, mais qu'il ne les apprécie pas: ils 1·ufusait d'y monter pour que le sang ne coulât pas. Il avait environ dix: ans,
commercialisent Fa. lorsqu'il assista à l'embrasement du palais d'Abomey 2 • Il se .souvenait aussi

h) Co111111wt G;:DôGBE est devenu Bobnà. (Abomey). 1. E bu, il disparut. ü n grand nombre de personnages repu tés gênants << disparaissaient
çh~v. Mewu u. - Cet expose historique, correct dans l ensemble, présente des inexactitudes
Adti<ii prit, sur le trône du Diiho111z, la succession d'AgiJglo. 1 Celui-ci, 110 detail dont nous nous excusons. Les contradictions foisonnent en ces matières. La suc-
Gii8Slon de Ge-:::._o charge Adcizci, et réciproquement; les descendants des dignitaires de cette
avant de mourir, aYait consulté Fa, qui désigpa pour lui succéder Gez.a. Gezo tpoque çroublée sont, aujourd'hui encore, des partisans, et l'histoire d' Abomey reste •i
etant trop jeune, SOÜ frère aîné Ad11lw11u proposa Adazû, qui devait s'en ô~rlre. ·
tenir au rôle tout provisoire de représentant du roi mineur, nous dirions de 2. L'incendie du palais par le peuple mit finau règne d'Adiizii. Gèzo restaseuJ·sur le trône
A pnrtir de 18 18. Gzdzgbe avait donc, en 1936, près de œnt vingt-huit ~ns. La variol.e lui
régent. ;\fais Adii:z.ci prit goût au pournir et garda ses fonctions pendant unluva qnatre-vingt treize enfants lors de la conquête, à Agbadogudo, et 1l se rappelait, en
vingt ans, maigre la majorité de Gezo. La tyrannie d'Adtizà, aggravée par la jilllvler 1936, les n~ms de soixante-deux ile ses enfants vivants. L'aîné de ses fils act~ellement
brutalité de ses fils, fut tdle qu'on se demande comment le peuple put la 1•lvnuts, Zogb,m, qui porte depuis la mort du pcre le nom-titre de GE<lëgbe, est ne dans la
lrolsieme année du règne de Glsh (1861) et ses cheveux sont entièrement blancs. (Pl. IV.)
supporter si longtemps. Gczo, cependant, prêchait le calme et retardait la
G1d<""beconnut tous les Caca d'Ouidah 'dont les descendants ne se sout pas encore inquiétés
rtrnlution prête à éclater. Finalement, sentant venir l'heure des règlements 1l'~ci·ir; la vie. Il nou~ montra sur son 'front la Cicatrice d'une blessure reçue an cours de la
de comptes, les fils d'Adà~ti incendièrent le palais. La population en profita cnmpagne de Ca,;•·a, 'en 1862.
pour destituer le roi, et mettre Gczo sur le trône. Gezo entra donc au palais, C'est lui que le Missionnaire DoRGÈRE, en 1890, nommait« le Grand Féticheur Boconou "·
t\~cl ÊTIENNE écrit de DORGÈRB : « le personnage avec lequel il se retrouvait de préférence
où se trouvait encore son frère ii qui il ne fit aucun reproche, et qu'il auto· vlnlt le 0arand féticheur Boconou. Celui-ci etait très puissant auprès de Behanzin, qu'il m:
risa ;\ rester. Le peuple exigea dans la suite son expulsion. Or il faut, l1our l}Ulltait presque jan~~is. Il avait, dès le début, témoigné une grande sympathie au religie.ux
qu'il soit honoré après sa mort au même titre que ses prédécesseurs, qu'un l'r1111çai~, pour lequel il s'éprit d'amitié et dont il facilita la tâche ». (Le R. P. Dorgere,
1forieu 111issio1111afre au Dahomey, Récits et Souvenirs. Co11quete du Da.bo111ey. Toulon, J. Alté,
roi meure dans l'exercice de ses fonctions et dans l'enceinte du palais. Adàzâ, 1909, chap. nr, pp. 148-149, et. ch a p. VIII, pp. 170-172). Le 22 septembre 1890, DoRGÊllE le
q Ut' C<~ù n'eût probablement pas rem·ersé s'il eùt été moins fou, ne doit donc M11lu11it dans une lettré sous les noms de «Très illustre Monsieur Boconou » et «très illustre
pas l:tre considéré co1nrne un roi, et les généalogistes ne le nomment pas plus ~ulgncur "· Guh.fbe insista an près de Béhanzin pour que le Missionnaire captif fût remis rn

que son émule Béhanzin. Pourtant, dès son intronisation, Adii~ii fit toutes llhoné.
G1d1gbe se trouve nom1üé par le Capitaine· MAIRE, _op. cit., pp. 77: <<Le grand féticheur de
les .:érémonies exigées par la coutume royale en l'honneur de son père défunt; hl cour, Boconou Gnédégbé "•et 92 : «seuls revêtus de grands pagnes, les grands féticheurs
et il s'assit sur le. trône d"e son père avant d'avoir le sien propre. Mais, une lloconon Guédégbé et notre ·ami Poïzou » ...
Il l'est aussi par A. L. d'ALBÉcA, op. cit., chap. 1x, p·. 142 : «Après les défaites d·e Dogba,
Poguessa, Akpa, Ouakon », - Ww1e-Dogba, Kpolûsa, Al~pa, WaliiJ, de mi-septembre 1892
1. ..\.LE H~:R1ssÉ (op. cil., chitp. 1, pp. 18, 19 et chap. XII, p. 309, 312) note que ces
à 111 lin de la campagne, - «malgré l'occupation d' Abomey, les féticheurs ne s'avouè~e1H pas
monarques ont régné n:spectiwment de Tï89 à 1797 et de 1797à1818. Cet auteur ne donn~ 1•11l11cus. ,Le Boco110 Nougbozoume (féticheur qui est sur le chemin de la vérité), gardien des
pas so.:ssources, mais nous lisons dans l'ouYraged'A. DALZEL que« Bosa Ahadee •> (Teg/>m1),
l1loles, so~·te de chapelain de la maison royale, et Sossou Dococe/011, dit Papa (su·rveillant dn rite,
prédé.:esseur d' « Adahooi1zou II n (l<p<'gla), mourut le 17 mai 1774, après quarante année~
l'l\llg de ministre)., avaient transplanté sur le plateau de Zounvei-Hono » - Züi«yi Xa1111 -
de règn~, et que Kpi'.fla succombait la variole le 17 avril 1789_. Nous n'avons pas de r;iisons
u los dieux lares et les principaux fétiches des quartiers d' Abomey. Par des sacrifices où l'on
de suspecter ces textes, qui sont de Robert NoRRIS (ap. A. DALZEL, op. cit.). Il semble que
Immola quelques \•ieillardsinutiles et des enfants originaires des pays nagots, ces ministres du
LE H1\RISSÉ se soit l~rgement scr\"Ï des dates citées par DELAFOSSE (of>. cil., chap. XXI\',
~llltc avait consulte Lerrba et Afa. Les invisibles s'étaient décl~trés satisfaits et avaient prédit
pp. 448-._i5 3). Ce dernier auteur reH\'Oie à BURTO>:, DALZEL, BuLFINCH LAMBE, SxEL-
lu départ prochain du blanc et la r,entrée à Abomey du roi du Dahomey. De là, chez B~hanzin
c:RAYE, DuNCAl\, FoRHt·:s, \\"u.~10T. et aux notes des Gom·erneurs britanniques d'Ouidah.
ùl dans l'esprit de ses conseillers intime;, Im~\\'o, Ihomè, Chettingan, » - '!\ï1ua1•a,
136 LA GEO:\lANCIE ..\ L . ..\NCIE~NE CÔTE DES ESCLAVES LE « BOK'.)~O ll

'•
qu'ddiizà lui a\·ait offert plusieurs fojs des cauris, et lui avait conféré le sur- çhcz un devin. Je suis tonjours resté dans cette maison où, dans mon enfance,
nom de Lilciittt 1
• \Ill de mes oncles maternels était le maître. Cet oncle était le grand vodnno de
cc Au temps d'Agaja, dit-il, les ,--ly::mu se battaient entre eux. Parmi les M.w (Akpdw) '. C"était un nago, comme mes parents, et il excellait dans la
captives de guerre vendues par eux à Abomey, se trouvait une femme, Ya \!Onnaissance de Fa.
dby:mâ, d'Jya, qui devait être ma mère. Elle fut achetée sous le règne d' Agôglo, ... Or, p'armi l~s captifs que les rois du Dahomey ramenaien tde leurs carn-
successeur d'Agaja, et je naquis sous ce règne. pngnes contre les Nago, on épargnait les devins. Con.fiés à la garde des grands
Mon père, Cafta, succéda à mon grand-père paternel, Kaleni (ou Lodta, ou lllgnitaires, les meilleurs d'entre eux restaient relativement libres de circuler,
Loxata ), sur le trône de Savè. dgôglo, désireux de se procurer des femmes à npi·ès un examen professionnel chez le grand devin du palais. Mais ils devaient
Savè, envoya une expédition razzier les plus belles. Mais Cajia, dont la famille l'Llsider dans la ville, sous la responsabilité du grand devin. On leur faisait
fut capturée, se rendit spontanément à Abomey et proposa au roi de s'y ins- boire l'eau de f;xahè11u 2 • Chaque expédition en amenait de nouveaux. Ils
taller auprès de ses enfants. Agôglo trouva son attitude courageuse, le prit fréquentaient volontiers chez mon oncle, qui était un grand parmi eux. Je
en amitié, lui fit apporter son hamac et un tamtam, et Cafta fit le tour du pI'ofitai largement de ce va-et-vient, et pus acquérir beaucoup sans me
palais en hamac, au son du tamtam. Puis le roi lui donna des bœufs, un d!'.•placer, en les écoutant.
bouvier, et deux femmes. J'ai reçu mon Fa du bois sacré à Abomey, d'un devin qui mourut sous
Cajta donna à l'une de ces dernières le nom de Mwu - dont le symbo- <iezo, et j'ai commencé à consulter pour autrui sous Je même règne, quatre
lisme signifie : on ne se tire pas d'affaire en donnant une femme à quelqu'un, ,\Ils avant la première expédition contre lg/ia, à laquelle je ne participai pas.
lorsqu'on l'a dépossédé de son trône, de toute sa famille et de ses biens 2 • Il Ht toute ma connaissance me venait des entretiens avec les prisonniers de
nom ma l'autre Sa (demain), dont le sens est à reine caché : tel rit aujour- Mllcrre. Je m'en allais un peu partout pour consplter, notamment à Atlada et
d'hui qui demain pleurera. Agciglo lui demanda des explications sur ces noms, 1\ Ouidah.
et Cafta les lui donna. Un des chefs captifs de Cafta, voyant le roi d' Abo- J'épousai ma première femme sous GPz.o.
mey se rembrunir, voulut intervenir dans le débat, mais Cafta le frappa Un jour, le premier fils de Gl-:.h, Hiilàzo, vint me mir dans mon l:àgbasa,
durement au visage avec son anneau de poignet. Agôglo, qui pensait le ren- ponant un morceau de calebasse où était gravé un d11 (Loso-Tula). Il en
Yoyer dans son pays natal, décida de garder près de lui un homme aussi demandait J'inteq)fétation. Je pris de sa main le morceau de calebasse, et
résolu. Cafta resta donc auprès de son vainqueur, qui lui offrit une maison lui llis ce qu'annonçait le signe. Il s'agissait d'un voyage à entreprendre, dont
et tout le nécessaire. Et Gezo prit pour femme sa fille Zoyidi, ma sœur Oil demandait de prévoir les peripetieset l'issue. Je répondis: celui qui, \'OU-
consanguine, et c'est d'elle que naquit Glsh, qui était mon aine. lnnt entreprendre un voyage, partira sous c:e signe, s'expose à perdre son
J'ai acquis ce que je sais de Fa à Abomey, où je naquis. J'ai appris Fa nmi k plus intime, peut-2·tre même son fils preféré.
comme d'autres apprennent à lire et à écrire, mais jamais je n'ai été élhe Alors Hêilâzo demanda quel sacrifice éviterait ces malheurs. Je répondis :
mais ce n'est pas pour toi que je consulte! Va d'abord voir celui qui t'a
Yoyü•exomz ou Ydexomz, Cotlgii., - "une forte dose d'espér.rnce,. qui explique la résistance,
plutôt morale que matérielle, qui nous fut opposée en 1893 ».(lb., chap. x1, p. 194). Cette
Cll\'oyé ici, et rapporte-lui mes· paroles.
information mérite de nombreuses retouches. l:n des noms de G<dsgbt' était Gbo-zii-mE- Il prit congé. Je l'accompagnai un peu. Il me dit: lorsque j'aurai vu celui
dog!lji (3rand-forl!t-dans-juste), la grande forêt de Fa est l'expression du vrai. Béhanzin lui qui m'a envoyé chez toi, je viendrai te porter ses paroles.
dit un jour, pour l'honorer, qu'il était lui-même la forêt (z1i) de vérité (1111gbo): il garda le
Je n'eus plus de ses nouvelles. Or, il était allé au palais rendre compte à
nom de .V11gbozii1m. Cf. GRAKDIN, op. àl., t. II, chap. xvr, p. 185 : « Bocono Lunobo-
doumé, le grand féticheur, qui ne l'a pas abandonné». lJ/ih du résultat de sa mission. Ghl:., desireux de vérifier mon interpré-
1 • · Hâ111z - ·1·1i-li-M-1ii-edede-11à-w,1-1ii-li-:la/J;>-e-dye (palais -jeune-mil-arrad1er- repiquer-lui-
voi~i-(habit. )-deveni r-nomrner-mil-grnlld-il-ce), voici le jeune mil du palais qui, une fois 1, Le titre d'Akpzl.·o a été porté dans I.1 suite par G<d;g/Je.
r.:pique, s'élève et devient grand mil. (L'action de repiquer's'exprime par les mots lui-Ili). ~. Eau consen'<;e au palais de Sigboji: Tous ceux qui avaient bu de cette eau étaient lies
2. :Vlw11 tutu -wi 11à su 1m, on n'est heureux que d'un bonheur qui vous appartient 1Hl Dahomey panm pacte d'alliance défensi\·e et offensive qu'ils ne pou,·aient rompre, à peine
(s-e.: et non d'une aumône). !lu mort.
I3 8 LA GEO~IANCIE A L'A~CIENNE CÔTE DES ESCLA\"ES LE « BOK'.)NÜ n 139

tation, fit appeler un de ses Bobnà, lui exposa qu'il arnit consulté un autr1: n•u, de ne point oubli~r1ce que l'on va m'apprendre. Fuissé-je, lorsque j'in-
devjn avant lui, et lüi répéta mes paroles. Le voyage projeté par le, roi n'était voquerai ton nom, me souvenir des leçons apprises!
autre qu'une expédition contre la ville de Gbaso. Le prêtre de Fa, sentant que [,es sept adJkpo sont déposés devant le Lsfiba et surmontés des sacs de diverses
le roi Msirait vivement partir en campagne et ne voulant pas le contrarier, dO\lleurs, des cauris, etc.. A près une prière adressée à Legba, le bouc est
lui dit: la première interprétation est fausse. Si tu Yeux 1;artir, pars. Immolé, et ce sacrifice
c
réparti entre les divers objets exposés. Un coq est
Et le roi partit contre Gbaso. . Immolé et son sang donné aux mêmes objets. Alors on prend les sept sous,
Pendant la campagne, son gran'd ami Adàdeja mourut à Abomey. ~e roi ~uolques sacs, un peu d'akassa, un peu de chaque objet; on enfouit ces
revint. Quatre mois plus tard, Hàlà-;,o mourait ... 1
• prdlèvements dans un des adJkpo, dont on entoure le cou du Lëgba. Le reste
Ghh fut surpris d'avoir reçu la vérité d'un simple devin de la Yille. Il liMl ensuite ramassé et ramené chez l'élève, qui le dépose dans une jarre sous
m'envoya chercher, et me dit le bien qu'il pensait de moi. Souvent, il m'ayait ln11uclle il allume du bois. Les objets sont réduits en poudre.
envoyé des signes à interpréter. Il me fit part de la mort de son ami et de A partir de ce moment, l'élève dont la mémoire défaille peut rappeler ses
son fils, puis m'annonça qu'il me prenait comme devin, et que je resterais nouvcnirs en mangeant soir et matin un peu de cette préparation, pendant
désormais près de lui. On comptait :1 cette époque une Yingtaine de Bolw1<1 trois mois, en poursuivant son étude.
au palais, sous la direction du Dahoméen Tf/olo ». Tous les objets énumérés ci-dessus sont apportés en double. Le de,· in
wmlc l'autre moitié pour lui.
* Le nouvel élève assiste aux consultations, écoute, observe. Il doit éduquer
**
ftOll attention. On lui montre, pendant deux à dix jours, les seize principaux
On a pu remarquer à quel point le formalisme est exdu des études qui nlHnes. Il possède un agùmaga très simple, fait a\·ec des débris de calebasse:
ouvrent la carrière de Bobnô, puisque Je. plus granà devin du Dahomey, 11 c'est, en quelque sorte, son cahier de brouillons>>. Ses rêves t'aideront,
dont l'autorité ne fut jamais contestée, à qui des Européens même s'adres- 1\VCC le concours de Legba, à retenir les leçons.
sèrent, n'a pas fait d'études régulières, n'a été l'élève attitré de personne. Aprèsles noms et la figuration des signes principaux, on lui explique les
Lorsqu'un nouvel élève se présentait chez G~dëgbe, il était admis après 11 p1iroles » principales de chacun d'eux, ce qui dure deux mois au minimum.

certaines formalités, mais sans une cérémonie spéciale d'intégration. Il appor- Il apprend ensuite les vikàdo, ou signes secondaires, au nombre de deux
tlÎt di\·ers animaux et objets, - autrefois on apportait un cheval, - dont llllllt quarante, qu'il connaîtra sommairement au bout de quatre ans.
le sacrifice permettait d'acquérir et de retenir les matières enseignées. A ce moment, il subit un examen d'ensemble sur l'objet de son étude. S'il
Aujourd'hui encore, avant de s'initier à Fa chez celui dont on s'est fait k le passe à la satisfaction de son maître, celui-ci lui apprend divers inte1:dits. Puis,
disciple, il faut offrir un sacrifice au Lgba du maître. t6ce rasée, l'élève ira recevoir son Fa dans le bois sacré, des mains du maître.
L'élève prend de J'akassa, une feuille nommée iueagb:J, un coq, une feuille Alors il commence à consulter pour· autrui, manipule un ag1i.maga moins
nommée ciayo, sept cauris, sept sous, sept ad:J!?po(sacs en raphia), sept sacs fruste, inscrit des signes dans la poudre du Fat~, accomplit les sacrifices pour
en étoffe rouge, sept sacs en étoffe noire, sept sacs en étoffe blanche, sept ln menue clientèle de son maître. Il peut poser des questions pour parfaire
sacs en étoffe bigarrée. Le tout est présenté à l'effigie de L:gba avec un bouc, QUS connaissances, et ne s'en prive pas. Après les consultations qu'il donne,
et la prière suivante lui est adressée: donne-moi, dans la nuit et dans la jour- lu débutant amène fes clients à son maître, pour que celui-ci vérifie l'in-
llll'prétation et ajoute ce qui a pu être omis.
r. Son cadet, le futur Béhanzin, fit appel à ses magiciens de magie noire, et Hcilci~o (ou Il n'est fixé aucune durée pourl'étude du Fa. Les élèves s'en vont lorsqu'ils
A/Jciltl:;.o) mourut de la \·ariole. Ce crime, profondément déploré ·par le peuple d'Abomcy et NOllt assurés dans leurs connaissances par une suffisante pratique. Fa est une
par tous les notables, même de nos jours, marque le début de la décadence du ro\·aume.
Hciltizo, intelligent et bon, ralliait les suffrages des Noirs et des Blancs. Cf. J.-A. SKE~TCHLY,
8dcnce infinie, que nul ne se flatte de posséder complète, et les plus grands
oj>. cit., chap. \'11, p. 159 : " A rnore.generous, hospitable, intelligent young fellow I ne\·er devins sont d'éternels élèYes.'
met •>, el .pass .• C'est ainsi que d'anciens disciples, devenus Yieux, retournent chez leur
140 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LE « BOK::>NÔ »
maître lorsqu'une question les embarrasse; au milieu d'une consultation, Le seul é_vénement, tout facultatif d'ailleurs, gui marque son entrée en
ils viennent demander conseil. fonctions, est - si l'on ose cette comparaison triviale - une « pendaison
Aucune cérémonie spéciale ne marque le départ d'un élève. Il est de cou- Liil crémaillère >>; Le· Bobnô invite ses collègues du voisinage, pour se conci-
tume que celui-ci demande à cette occasion la bénédiction de son maître, 11111· leurs bonnes grùces, et sans doute pour se faire remarquer par les gens
son ac~ (Y), c'est-à-dire un peu de sa force magique 1 • Le devin fait les Lill quartier, ses clients futurs. Il offre un cabri à son devin du l:àz1i. Un
prières désirées, crache sur la tête ou, ce qui est encore mieux, mais fort h1rnquet a lieu, proportionné aux moyens du nouveau devin, qui a tout
rare, dans la main du Favi, que celui-ci léchera aussitôt. Les paroles qu'il lmérêt à bien faire les choses.
prononce le plus souvent à ce moment sont les suivantes : Favi, nu lili na
ni wiwa, Favi, ce que tu souhaites se réalisera 2 • Hiérarchie· des BoK::>N0.
Une fois rentré chez lui, le Favi tue un poulet pour son Fa. Trois ans
après, il lui immole un cabri. Tous les ans, ensuite, ou tous les trois ou Un vieux devin d' Abomey nous a énuméré, de la meilleure foi du
quatre ans, il célèbrera les Fanuwiwa i. monde, les titres suivants, correspondant à sa conception d'une hiérarchie
pnnni les prêtres de Fa. D'abord vient le Lmuo ou Oluwo, ou Baba Lml'o
* (Y)', nommé encore Alaba (Y); c'est le plus grand Bobnô connu dans un
** ~rnnd périmètre. A Abomey, et dans le Bas-Dahomey en général, il n'en
On n'exige du futur Bok:mô que la possession du kpali et du Fa de L1 cndste plus depuis la mort de G21hgbe. Au second rang vient lt BobniJ dalJo,
forèt sacrée. On n'imagine pas un devin qui n'aurait pas cette expérience le grand Bobnô. Enfin, les innombrables Awo kelœre (Y) ou Bobnô kp~vi
essentielle. La cérémonie se déroule pour lui comme pour le commun des (F), c'est-à-dire les petits Bokanô, les débutants, ceux qui n'inspirent qu'une
consultants. Dans les deux cas, il faut un certain nombre de sacrifices et de ~onfiance moyenne, que peu de clients connaissent et qui ne reçoivent pas
libéralités, l'assistance de deux, trois ou quatre Bobnà. Il existe cependant de titre spécial.
une différence quant à la fixation de la date de la: cérémonie. Les simples Selon un Babalawo de Lagos, l'Oluwo est non seulement le chef de tous
consultants sont avertis, par une consultation nouvelle, de la nécessité pour lus devins, mais même celui d'Araba (ou Alaba); tous deux conseillent le
eux d'aller prendre leur Fa dans le bois sacré. Pour l'apprenti Bobnà, il n'en mi (aba) qu'ils \·ont voir en certains jours. Viennent ensuite les Babalawo,
va pas de même. C'est son maître qui lui annonce que le moment est venu; puis leurs élèves, les apprentis devins, que l'on nomme Jmawo, c'est-à-dire
parfois, il prévient lui-même le maître qu'il se sent prêt. Une fois le mois Ullfants du secret OU enfants du devin c~mà-a'iUO ).
choisi par le maître et l'élève, Fa peut être consulté sur le choix d'un Go.dsgbe nous a proposé la liste suivante, en yorouba, dont il ne fait usage
jour favorable. Il y a bien aussi, en ce cas, consultation préalable, mais que pour en énumérer les éléments sous forme d'invocation 2 :
elle ne porte que sur la date de l'obtention du kpali; l'essentiel est déjà Iba Luwo donue le Fa dans la forêt;
décidé. Iba Jugbâna assiste le précédent et remet le hpali après avoir cousu le sac J ;
Le nouveau devin ne reçoit pas à proprement parler d'investiture. Com-
r. J. JOHNSON, op. cit., chap. n, p. 48 : «An Oluwci ... is a senior and chiefof the
ment imaginer, en mati~re de Fa, une cérémonie terminale? Fa constitue
cl11ss of Babalawos, whose directious the rest are ail expected to obey; but often may a
une étude sans fin. l\llln be heard speaking of a Babalawo from whom he has received his !fa as his Oluwo '"
·~ Olwwo est peut-être à l'origine du mot afro-cubain' 11/ue, synonyme de Babalti, dont
I. Sur l'ac<, cf. infra, chap. vm, p. 334, n. 1. 11. 01rnz cherche l'étymologie (op. cil., chap. m, p. i98).
2. Co111p. Maroc, E. DouTTÉ, op. cit., chap. x, p. 441 : la salive est «un des modes les 2, Ce.tte liste servant aux invocations, chaque nom est prt:cédt: de l'exclamation iba ! par
plus usuels de transmission de la baraka : quand le chérif d'Ouezzàn est en tournée, on lui 111 gr.tee de. Les Fon diraient u'jirn/11 ! («A valou »et « yanvalou »en Haïti; cf. M. J. HERSKO-
amène les enfants et il leur crache dans la bouche en disant : Teqra, in cbd Allàh, « tu l'ITS, Life . ., op. cil., Glass., p. 339).
deviendras savant >>. Ce mode de transmission de force magique est normal, car « tout l · L'assistant du principal Bok1,11ô, dans le bois sacré, porte le' nom yorouba d'ojugbiina,
arrive par la bouche ». 1111<: l'on prononce babituellementjogbtîna parmi les Fon. (Infra, chap. v11, p. 292). On trouv_e
3. Infra, chap. vm, pp. 338 sqq .. uu mot chez diœrs auteurs. J. SP!ErH, Die Religion . ., Clp. cil., chap. Ill, p. 194: « dzogbana '"
LA GEm!ANCIE A L'ANCIENNE COTE DES ESCLAVES \ LE « BOIDNà >>

AkJ11ija apprend aux hommes à consulter Fa; l)nhomey. Les conJiti~n~ politiques de l'admission à Abomey de la croyance
lba Abda a consulté le premier (abb) dans le _pays où l'on se trouve; i\11 Fa, et surtout de ses repré.sentants, en sont peut-être la cause.
At·wihls Gbrna a préparé le Fate, le fris, le fokpo;
Ajakaoko consulte Fa en tout lieu; Le BOIC>Nà, la Ù1édeci11e, la sorcellerie et l' empoison11c111ent.
lba Aczda dit la prière rapidement exaucée 1
;

Jba Baba est votre père ; Tout prêtre de (Fa est en même temps guérisseur '.
lba Yeye est votre mère; La distinction entre l'amulette et le médicament paraît d'origine récente,
lba Alaba Tùubelodc Ifs représente l'ensemble de tous les Bubnà de l'au- lll c:lle est encore peu répandue. Il existe pourtant une différence entre la
delà, et comprend tous les devins <le Fa décédés et inconnus; pt•cmière (bo), le médicament, composé de feuilles et d'eau (ama-si), et les
Awotintà-awoce, prononcé par les Fon A·wonità-awoce, corrige celui qui se poudres (ati). On peut dire que tous les médicaments sont des bo : mais la
trompe; 1·~dproque serait fausse.

Awodabai conseille dans la forêt sacrée · De même, le mot amablot:i désigne indifféremment celui qui prépare les
' mcdicaments et celui qui prépare les amulettes 2 •
Td1ai explique comment on trace les signes, comment on manipule les
noix, etc.; Le Bobnà se procure, en général au marche, et avec l'argent qu'il a
demandé au consultant, la matière première de l'amulette : cornes, cdnes,
lba Dalewe consulte sur des feuilles à défaut de }àtz, ou antérieurement
au Fats; peaux de toute sorte d'animaux, - le xla, le singe, servent tout particu-
!ha Twimà a consulté sur des feuilles de palmier; lièrement à cet usage, - herbes, poudres, etc .. On ne trouve aucun
Awàfafefedifa consulte dans le vent; llllisman tout fait au marché.
Awolah consulte dans la nuit;
J. J. JoHNSON, op. cil., drnp. III, p. 28: "every Babalawo is necessarily·a physi.:ian in
Tsdimàle reste toujours assis; hls own way >>. - Cit. de BoRGHÉRO 11/1. DEsRrnEs, op. cil., p. 294 : "On m'appelle
:>lwiwkacocodagba Jmàcoko se sert du contenu d'un 'seul Us pour consulter 2 • lloucounou, qui veut dire méqedn ». Etc ..
Les grands Bobnà invoquent ceux que désignent ces noms au moment de 2. J.A. SKERTCHLY, op. cit., drnp. xv, pp. 344-345: «The next morningiwas\·cry
1111well with fever, and the complementary ,stick-bearers conveyed the news of my illness
consulter Fa, afin de ·s'assurer une bonne consultation 3.
IO the king. In about1 an bour, the Amrnasinkpele, or drnggist to bis Majesty, accompanied
Cette conception d'une hiérarchie n'est pas familière aux devins du Bas- hy thirteen Ammablutoh, or doctors, paid me a visit. They examined my tangue, felt my
h~·nd, bands, feet and back, and then retired to Joe's kitchen, where they mixed an <lperient
llrnught for me. After that one of the Bukono priests arrived, who proceeded to cast lots and
- R. E. DE_NNETT, op. dt., dup. xv, p. 152: cc Ifa's Ogboui is composed of. .. Ajigbona ~ensuit Afa by means of bis magic ntits, and at last discovered that tcn fowls must be
a11d assistant '" - J. JOHNSON, üp. cit., chap. m, pp. 24 et 27, chap. 1v, p. 48 : "An Mil~rified for my benefit. The required offerings were supplied by the ki11g's druggist, and
Ajigbona is a chief assistant both co the Ohrn:o and anv of the otber Babalawos aud on an the sacrifice duly made; after which the "·raculty » took their departure, much to my
occasion of great sacrifice, e .g., that of offering a hu1~1an being, be is the onl; one, with 1·e1ief ». On reconnaît dans k mot « Ammablutoh » le : a111a-blo-to, feuille-faire-celui-qui,
an Aworà, appointed to accompany the Babalawo who w<mld perfonn the sacrifice to what (synonyme d'a111a-wa-to et d'azJ-d11-to), c'est-à-dire : celui qui prépare les feuilles, les médi-
may be described as the most sacred place in the Igbodù, and which is the place both of ~11111ents, le docleurje11illes des Antilles. (E. AUBIN, op. cit., chap. Il, p. 63 : " un />ocor,
slaughter and of offering >>. - L. FROBENIUS, op. cit., Bd. I, chap. xm, p. 279 : « Weiterhin \Ill cc docteur-feuilles >>. - H. HoP-HEY, op. cit., p, 267 : «De « bocor of docteur-feuilles>>,
hat ein jeder Oluwo, Odofin und Aro seinen Adjutanten, welcher ais Adjigbona bezeiclmet 111. de plantendokter ... 5> - .-\. RAMOS. As culturas Negras 1zo No·vo M1111do, A11//Jropologi11
wird ».
1:11/l11ml e Psyc/Jologia social. Rio de Janeiro, Bibliotheca de Divulgaçào Scientifica, ,·ol. XII,
1. Akada et Acëda, cf. S.S. FARROW, op. cit., App .•.J, p. 162. drnp. Yll, p. 204 (seule cit.) : « Um bocor, - escreve Wirkus - nâo é um sacerdote, é um
2. L'invocation se termine sur les mots : ajuba gbogbo ! gràces soiènt rendues à vous docfr111 feuille. » Comparar com o nosso/doulor de raiz »). - Quant à "Ammasinkpelc »,l'au-
tous, où encore : puissiez-vous tous m'assister ! l~m a pris pour un titre un surnum personnel : Masikpë11E était un kp11111eg1i de Gezo, dont le
3. Certains auteurs ont recueilli des listes toutes différentes ù ce sujet. Citons entre autres : vrni nom était W1111u. Un jour, il dut examiner une malade qui n'érnit autre qu'une des
S.S. FARROW, op. cit., chap. vm, p. 103. - R.E. DENNETT, Nigeria11 Studies, op. cit., femmes du roi (llpo-si), nommée Kpede, la Jolie. Il fut si intimidé qu'il n'osa même pas
chap. xv, p. 152. - J. JOHNSON, op. cit., chap. JI, p. 24. - L. FROBENIUS, op. cit., .1pprocher d'elle. L'histoire se répandit, et le nom de Masillped! rappelle une parole de Gezo,
chap. xm, p. 279, etc .. recommandant au ktm111<g1i du roi de n'avoir pas peur (si) de sa femme Kp<ds.
144 .LA GÉOMANCIE A r.' ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES ,LE c< BOK:::n~èi »

Ces amulettes servent en général à soigner la maladie du consultant : mal · • aux sorns
SRl1cnu proport10nne · reçu s . Beaucou1)r d'indigents sont soi 0anés L'

de ventre, de tête, maux d'yeux, plaies, fièvre, maladies vénériennes ... w·11tuiternent, et même nourris 1

Le devin doit savoir préparer laxatifs et diurétiques, pommades et cata-


plasmes. Il sait appliquer des ventouses (calebasses ou cornes), même scari- A proximité du cakp~ et à quelques dizaines de mètres de son enceinte,
fiées, et pratique des saignées; il est assuré que certains arrivent à soigner
utilement les nen·eux. Si le cas est bénin, le deYin remet la potion préparée •t

au patient, en lui indiquant le mode d'emploi : manger, boire, porter sur


soi, autour des reins, etc .. Dans un cas grave, il opère lui-même, et
administre le médicament '. w

Quelques Bolw1ô, par leur intelligence précise des simples, acquièrent une
r1-.l.__1
1
réputation qui raffermit celle qu'ils doivent à leur connaissance de la di\·i-
nation 2 • C'est ainsi que le « roi de la Nuit n, àvPorto-NoYo, reçut des
LLI
visites, non seulement de simples paysans du voisinage, mais même de
nombreux lettrés de la ville, et parfois de Blancs; on cite le cas d'une
Européenne qui lui aurait demandé un cc grigri » de fécondité. Des Mission-

t0r
naires ont pu acquérir et utiliser discrètement certaines connaissances de
ces empiriques. li est hautement regrettable que l'étude scientifique de ces P''
1·1 1
médicaments trop souyent méprisés ne soit pas entreprise. La phar111acopée pd J LJ
d
européenne ne pourrait qu'y gagner.

Les grands de\·ins possèdent, à proximité de leur domicile, un enclos


no111111é cakpa, cal>pa-ln, ou 11111agbe, contenant une ou plusieurs grandes
cases compartimentées où ils logent les malades en traitement. Les conta-
gieux sont répartis dans des cases individue.lles (fig. 4). Les familles apportent
la nourriture au devin ou à ses kpam~gà, qui ont seuls accès auprès des
patients, afin d'éviter les ·\·isites suspectes. Les grands malades, les lépreux
notamment, séjournent six ou sept mois chez le guérisseur.
Lorsqu'un patient paraît condamné, sa famille est avisée et \·ient le
prendre. S'il s'agit d'un contagieux, elle doit l'installer dans une case isolée,
FIG. 4. - Cakpcr de Gsd<gbe. (Dessin de son fils Fad;uugbo).
et, si elle n'a pas les moyens d'en édifier une, elle le laisse chez le Bok:mà.
i elltl·ée réser1·ée au Bok'110.· - /1, c1otuies.
• · - c, c' , C'tses
· réservées aux malades conta-
La case où il meurt sera detruite, si possible brûlée. icu . avec cellules d'isolement. - d, enclos des non-contagieux.' - e, en~-los des coiw·1-
' ' · '
Les médicaments usuels sont à la charge des malades qui les font acheter K lj, · . L te de l'est est réservée au Bolonà. - j ,J', cases ,les convalescents
1cscents non contagieux. a P0 r . . ., .. · .
. · _ " nlnrm:icie salle des médicaments oit les· contagieux reçoi\ent 1euis s?ms.
au marché. Lorsqu'un malade quitte le cal.·pa, la famille fait au Bobnô un ~ontagieux. ,, r ' '
• ·eusc·'e pour J'e11fouissement des ordures. -. b, 11, amu ettcs
l t / d '·u iées
U ne fiosse y est· ~i .
o· e a,) dc.:s.. t· 1 · •
~ écarter les maladies contagieuses extérieures (lnuekpàto ). - 1 , ar~ade magique (pm : t:stmc.:_c
1. Le Dr. GAILLARD signale les traitements sui\·ants : « infusions ou macérations de ~écarter le vent de la contagion extérieure. - j , p~usieu:s jarres contt:.nant .Jes.mé~ican~en'.s.
plantes et de racin.:s, igniponcture, ·émissions sanguines ». (Art. cit., p. 124). · ') • - p, j>I• , pe ' portc.:s mterdites à tous les mal.ides, reserv"es .tu
- k, amu lette .ir Io (·~.-ut 111/.1
2. J. SPI ETH, Di,• Rel1~i:io11. :, <1'· cit., chap. III, p. 225 : « D<IS Wichstigste aber, was seul BokJnà ou à ses aides.
z:1111 ,tt"a gd1iirt. ist immer die Medizin ... Ein afa-P1·iester, der viele Kriiuter kennt, wird

berlihmt, und s<:in.: Kollegen beugen sich ,·or ihm ». r. ]. BER.THO, art. cit., p. 361.
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES r
1 LE (( BOK'.)NÔ ))

s'élève un petit monticule composé de cailloux, de cauris, de nœuds do lel'l'O, d'un principe foncièrement bienveillant; il est le père de ses consul-
ficelle, de morceaux de porcelaine, de fragments de calebasse, de tessons do (ftlHS, et un père ne peut faire de mal à ses enfants. Sa nature physique et
bouteilles, de colas rouges et blanches, de pièces de monnaie, d'os d'ani" '"' mornle n'est nullement, affectée du (( signum dial:,oli )),
maux, de résidus de bois calciné (zotikpo). Le tout se nomme az.à-kple-z.t7-j/ 1 Un vrai Bokanô doit ~cc sentir venir» son client, deviner s'il est réellement
lieu de rassemblement des maladies. !ffté 011 s'il vient('demander une arme dans un mouvement de colère, et ne
Le devin jette lui-même sur le tas ces objets hétéroclites, deux ou trois !Amnis oublier que le rôle essentiel de Fa est celui de médiateur, de paci-
fois par semaine, et obligatoirement lors de l'arrivée d'un malade nouveau, Rentcur. Son devoir se borne à dire au consultant, menacé s'il est dans sa
lis sont, au préalable, promenés sur le corps des patients, et le même doHtinée d'être victime de~ forces occultes dirigées contre lui. En effet, Fa
objet peut servir à plusieurs, à condition d'être reposé sur le sol entre chaque e'nttnche seulement au destin des consultants, qu'il a mission de leur révéler.
série d'attouchements. Il ne créé, ni n'empêche : tout ce qui est inscrit au destin d'un être doit
Les cailloux reçoivent une préparation magique spéciale. 1'11~complir. Il pourra tout au plus déplacer le mal, le limiter, ou l'ajourner,
Il y a là un rite d'az.à-1ïii'îi, de renvoi de la malaèfie, d'!i!xpulsion du mal, Gill' il .recherche la fraîcheur, l'équilibre, le bien-être : il ne spécule jamais
qui constitue un sacrifice VJ. Le devin prononce, sur les objets qu'il va aur le malheur d'autrui '.
lancer, des paroles destinées à identifier les projectiles avec l'influence mor· Voici néanmoins un extrait d'un article (anonyme) rédigé par un Mis-
bide qui se dégage du cakpa ou le menace, et lui donne ainsi un commen· filonnaire, au sujet de crimes commis par des devins au Togo.
cernent de personnalité. ((Je parlais là des féticheurs et des Bokonons (variété de sorciers); les
Nul ne passe à proximité de ce lieu isolé. L'azo-/,ple-zii-ji est redouté, mais umpoisonneurs se recrutent parmi eux. Il n'y a qu'eux à connaître les poi-
nul sacrifice ne lui est adressé. Périodiquement, un !epamogà vient l'enfouir. N(lns. Il est vrai que des particuliers empoisonnent, mais ils ont auparavant
11 le fait obligatoirement si un malade dE cakpa ou un membre de la famille pnRsc auprès de ces pharmaciens d'un nouveau genre, pour se procurer le
du devin meurt. poison et en connaître le mode d'emploi. C'est dans ces sociétés secrètes
11u'il faut chercher les spécialistes de l'empoisonnement ... les houbonons ...
Le Bob11i5 soigne donc également le corps et l'<îme li est devin, con-
1

seiller, mais aussi pharmacien et guérisseur. On l'accuse cependant de se ~hnp'. 1x, p. 240. - A. L. u'ALJJÉCA, op. cil., chap. IX, p. r 38 : « Les Azento ... s01.11 de
11drltnblcs sorciers et pratiquent la magie». - lb., chap. x, p. 161. - P. MARTY, Etudes
livrer ù la magie noire, de vendre des poisons (nudonu111s ou n11vw1î), et les
1111' l'lsla111 au Dahoi11ey, in Revue du Monde Musulman. Paris, E. LEROUX, t. LX, 1925,
auteurs chrétiens sont les plus acharnés contre lui 2 • 11, 13 3 : «A leu,.s qualités et fonctions sacerdotales, ils [les Vodounou] joignent, la plupart
1111 temps, encore qu'ils s'en dCfendent, soit celles de sorciers ou magiciens (Bokonou), ;ni
IUIJS tiù on l'entend d'ordinaire dans les sociétés noires, c'est-à-dire d'agents de mal et de
Contrairement à ce que maint voyageur a écrit, le Bob116 ne doit pas
il~Rordre, soit celles de contre-sorciers, médecins de sorciers, maîtres-mires, devins, c'est-
être confondu avec le cc sorcier >J '· 11 ·est le représentant, l'interprète sur 1\.tllrc d'agents de bien et de guérisons». -.: On lit, dans le Vocabulaire de M. DELAFOSSE,
iHI mot az.eto, qui signifie magicien noir : « az.èto sorcier, augure, devin : prêtre d'Afa qui
r . Co11tr<1, J. A. SKERTCHLY, op. cit., chap. YI, p. I 2 r : « Tbese doctors [les Boka11ô] must Ollldie l'avenir au moyen de graines d'arachides (azè) ou d'amandes de palme, qu'il jette en
not be confounded with the fetish-people, for the:; solcly attend to the cure of the body, l'11k et gui, en retombant, forment des combinaisons hiératiques ». (Oj>. cit., pp. ;66/2 et
leaving that of the soul to t)le « No »or priests ». Tout.au plus peut·on distinguer les j67 / r). II y a erreur sur la prononciation d'azeto, sur sa dt:finition, sur le mot a::;_è (qui doit
moyens mis en œuvre par chacun. Ôll'C prononcé a::;_i), confusion entre l'arachide et le haricot-pistache azigokiïoi, erreur sùr la
2. Avec une belle inconséquence, S.S. FAnRowécrit: cc the babalawos ... are the highest. 11111nipulation des noix (et non des amandes) de palme. L'information a été mal donnée (et
authorities in Yoruba heatenism. . . the shrewdest and most intellectual of their race, 11011 mal prise), sans doute par un « lettré» ignorant. Cette erreur, reproductions d'erreurs
profound thinkers, and of great subtlety and knowledge. They are preerninently respon- 1111térieures, reprise sans examen par des écrivains subalternes, a égaré le chercheur haïtien
sible for· the cruelties and evil deeds to which reference has already been made >>. (Op. cil., ], C. DoRSAIN\'JL : «Au dire de tous les observateurs, c'est le culte d'Afa qui a introduitla:
chap. xn, p. 148). « ... the murders perpetrated through their means, are nearly ail done mngie dans la religion dahoméenne '" ( Vodou et Né-Prose, op. cil., p. r 70 ).
by the babalawos ... '"(lb., chap. IX, p. 127). I, On remarquera, en lisant la carte de répartition de la sorcellerie en Bas-Nigeria, que
3. A. LE HÉRISSÉ, op. ctl., chap. I, p. 7; chap. vr, p. 194; chap. \', p. 149 : « Les 1~8 territoires où Fu est activement pratiqué sont « modérément » teintés de magie noire.
sorciers qui consultent le Destin, les" Bdko11011 »,y sont très experts» [en amulettes]. lb., cr. P. A. TALBOT, op. ci1.,:1. II, chap. XI, p. 20I.

/uililul d'E/b1wlog1e. - Bernard ~IAt:l'üt: .. IO


148 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LE << BOK'.)NÔ » r49
et leurs comparses les Bokonons : ceux-ci n'ont pas la conscience nette ni 1•lolcrait une loi que Dieu même a imposée, et Dieu lui retirerait la Yie '.
les mains propres. Qu'on frappe là et il y aura un grand pas de fait' ». Cc sont d'autres devins qùi « font les grigris dangereux »,qui sont experts
Le cc bras séculier 1> ·commettrait une lourde faute en s'appesantissant sur 1111 magie noire : "
les Bokanô sans discernement, au lieu de se servir d'eux. Il y aurait beaucoup his vod1ini5 des Vùdli susceptibles de prévoir l'avenir;
à dire sur ce sujet, mais nous empiéterions sur le domaine politique. les uiwêkât:J 0\1. clairvoyants;
Voici une autre image tragique: cc« Les Houéda .. ; ont aussi le culte de les t:Jl~àt:J qui devinent en regardant l'eau d'une jarre;
fétiches extra-nationaux comme ... les esprits révélateurs du destin : « les les agbaz~kàt:J qui devinent d'après les oscillations d'un pendule composé
Kpoli d'Afa »; tous peuvent s'ac.quérir par achat, évidemment pour un ll'unc petite natte rectangulaire (agbaz~);
profit qui, en fair, n'est qu'une exploitation éhontée des faibles par les les bokàt:J, charlatans ~'entriloques, qui parlent le dos tourné au client, et
menaces, les saisies rituelles, les amendes, les séquestrations de personnes, prétendent lui faire entendre la rnix.d'une divinité;
les nombreux empoisonnements qui terrorisent encore actuellement le les kwèhuèkàt:J, qui déforment leur voix en se posant sur la langue 'une
pays' ». Il y a lieu de soulig.ner, au contraire, que les Bobnô n'ont pas lllltite qtlebasse munie d'une membrane.;
recours à ces procédés. D'autre part, la cc séque~~ration de personnes » les ag~kât:J, qui font parler une statu~tte;
n'existe guère au Dahomey. les azekàt:J, qui lisent dans un miroir placé devant les Kènesi. (On sait à quel
Il faut le reconnaître: nombreux sont les jeunes Bobnô qui, par paresse et point la contemplation d'un point lumineux peut inciter à l'hallucination
désir de s'imposer, se laissent entraîner vers la magie noire et se détournent visuelle).
du véritable objet de leur mission. li est des brebis galeuses dans ~ous les On peut à peine nommer oracles ces marchés de consultation.
troupeaux. La magie empiète d'ailleurs sur tous les domaines i, et les.devins, D'autre part il est interdit, sous peine de mort immédiate, de demander à
tout naturellement, s'adjoignent dans l'exercice de leur ministère certaines (]bnadu de faire disparaitre quelqu'un. Il faut violer les interdits de Gbaadu
forces magiques utiles. Mais la clientèle apprécie fort bien ces nuances. 11vnnt d'aller lui présenter des doléances contre quelqu'un, et s'en remettre à
Quant au poison proprement dit : cc les prêtres de Fa sont au courant de ce lui. Il est extrêmement dangereux de se livrer à ces pratiques et ceux qui
qui tue, car les signes de Fa parlent de toute chose, même des poisons ». •i'y 1:isquent sont rares; l.t mort de leurs femmes ou de leurs enfants punit
Mais ils ne doivent ni divulguer ces secrets, ni en faire usage. Si l'un d'eux ~as présom ptueu;-.;.
accomplissait un acte d'empoisonnement à l'occasion de ses fonctions, il Malgré des recherches sérieuses, - et l'on nous confia des seaets plus
urnves, - nous n'a~·ons pu relever un seul cas d'empoisonnement
I. In Echo des Missions Africaines de Lyon, 29c année, no 3, mars I9)0, p. 60. - Cf. aussi
Imputable à un Bobnâ digne de ce nom. Les prêtres indignes sont légion
S. S. FARROW, op. cil,, chap. IX, p. I27: << It may be noted that many babalawos will depuis la conquête et surtout depuis la guerre mondiale d~ r 9 q. Autrefois, à
undertake to kill ennemies for their clients ... Poisoning, by the use of natural poisons, is Abomey, tout devin suspect de se livrer à des pratiques de charlata-
largely practised by the babalawos and others who are terribly expert in this evil art». -
]. JOHNSON, ap. S. S. FARROW op. cil., chap. VIII, p. rno.
nisme était mis en surveillance chez un devin plus important chargé de con-
2. Jacques BERTHO, Missionnaire. Vue tribu africaine. Les Houida. Écho des Missions Afri- 11·<ller ses connaissances et sa façon de consulter•. En· cas de récidive, le
caines de Lyon, janvier I936, p. 14. - L'escroquerie à la « bonne aventure» n'est-elle pas d~linquant était emprisonné chez le Mewu ou l'Ajaxo, d'où l'on sortait
de tous les pays? «Toutes les cupidités avides d'un gain facile se sont jetées sur ce moyen
facile de vivre de la crédulité d'autrui. Il est peu de professions plus parasitées d'incapacités et de 1. R. E. DE)ll\ETT, ùp. cil., ch,1p. xv111, p. 222 : « So long as thesc priests [the Baba-
malhonnêtetés que celle-là. De ce point de vue elle constitue une sorte de fléau social, désa- l.1wos] confine thcmselves to these moral duties for the benefit of their people they may
gtégateur des vies individuelles et quelquefois des familles. " (Dr. Eugène ÜSTY, La 11crhaps be called white magici.rns, but as soon as they forget their pricstly duty and trust to
Co1111aissa11ce rnpra-11on11ale, Etude expérimmtale, 2e éd., Paris, F. Alcan, 1925, p. XVI). lll'lestcr:ift they become black magicians '"
Cela a été écrit à l'usage des Blancs; les choses n'en rnnt pas encore là au Dahomey, tant l. Aujourd'hui encore, l'épithète de Bob110 akpo d'akpa, traîne-besace, est donrn~e aux
s'en faut! ilcvins charlatans, à ceux notamment qui relancent le client à domicile. Les Romains
3· J. SPIETH, Die Religion ... , op. cit., Einleitu11g, m, p. I2 : «Die Zauberei ist eine Ers- r.11llaient de mème les vic.wos haruspices, ceux qni quaestus causa hariolentur, et les désignaient
cheinung im Geisteslebcn der Eweer, die alle Einrichtungen und Vorgiinge beeinflusst ». nous le nom générique d'augures marses.
LA GEOMANCIE A L' ANCIEN!Œ CÔTE DES ESCLA \"ES LE « BOIDNÔ »

rarement sans des appuis sérieux. Ceux qui se livraient à la magie. noire Prenons comme exemple Loso-Msji. Le Bob116 prépare une poudre divi-
étaient remis sur ordre du roi aux dignitaires Tavi, Binaz.à, Migà. Mew11, lllltoire en réunissant des fleurs rouges de kpaklesi (F) ou ologoncwo (Y), des
Aiaxo, Takpa, qui ne se privaient pas de les vendre aux trafiquants d'Ouidah, !leurs rouges de 'âèdèftidè, deux cent un piments rouges, du sang de coq, un
Blancs ou Noirs '. Les délits les plus gra\·es étaient sanctionnés par l'incar- 11cu de ydosti, du sang de chien, de !"alcool. Le tout est moulu et sèche hors
cération au x;jènamànu, avec les malfaiteurs'. Enfin, l'empoisonneur était Je la maison. c
mis publiquement à mort. Le degré du châtiment \·ariait avec la nature de Dehors également sont broyées trois espèces de feuilles, adodô, '.JIEts, xisi-
l'infraction, la personnalité du coupable, la politique du roi. Gczo et surtout 0'(/sr. dans de l'eau de pluie recueillie dans l'anfractuosité d'un arbre (somssI).
Ghl:. ont continùn1ent lutté contre les magiciens noirs. Béhanzin au con· Le canari est déposé à len trée de la maison.
traire, toujours en quête des avantages inférieurs du pouYoir, s'entoura de Lorsque le premier· mélange est bien sec, l'officiant retire tous ses vête-
sor.:iers et d'hommes de main. ments, ses bracelets, ses bagues, ses cordes, sa ceinture, et se met complète-
ment nu. Il ne doit pas avoir eu de relations avec sa femme la nuit précé-
Lorsque le consultant vient demander se.:ours contre quelqu'un au deYin, Jente. Il opère à midi, à minuit ou vers cinq heures du matin, au deuxième
celui-ci peut mettre à sa disposition diverses armes _de qualités inégales : la ~lrnnt du coq. Il devient invisible dès qu'il est nu, et ainsi ses opérations
prière, le sacrifice - vasisa, - la préparation de charmes prote.:teurs - magiques peu \·ent se dérouler même sur un chemin.
Fa/Jo (F), :Jj:Jija ou Fa/a (Y), - et enfin, si le de\·in est peu scrupuleux, l'ir- Le mélange sec est divisé en quatre parties, dont trois sont introduites dans
ritation d'un signe contre l'ennemi dénoncé. La simple prière passe pour Une bouteille déposée au pied du Lzgba du portail. La dernière, répandue
ineffi.:ace ;_Les charmes protecteurs constituent souvent une défense passive 6ur le plateau, sen:ira de poudre divinatoire. Le devin s'assied devant quatre
suffisante contre le danger. Leur efficacité se révèle parfois pat: les mêmes petits us de terre alignés représentant le chemin, sa maison, sa famille, lui-
effets vengeurs que la magie noire, mais le de\·in n'en a pas la prescience, e: même, ou - ce qui est plus probable - les quatre premiers signes majeurs.
l'intention fait défaut. Il ne fait pas le mal: il s'en remet à Fa. Le sacrifice pro· Il trace dans la poudre le signe Loso-M:.ji, et s'écrie: heelu ! Ce que je fais là
pose à la force hostile une victime substituée symboliquement. L'irritation CRt interdit, je le sais. Mais c'est N. qui m'a dit d'agir ainsi, et ensuite K.,
d'un signe, qui entre aussi dans la catégorie des Faf:J, est une mobilisation des Ut ensuite Z .. - Il donne plusieurs noms s'il ne désire pas que la personne
forces magiques susceptible de devenir une« guerre», c'est-à-dire la ruine ou Hpécialement visé.e succombe.
Li mort de \"agresseur. Plus soucieuse de guérison que de principes moraux, Le devin saisit alors sept petits boisseaux faits chacun d'une dizaine de brins
et en général ignorante, la clientèle ne réagit pas. de paille (zmui) de vingt-cinq centimètres environ. Il en allume un, qui
Tout signe peut se laisser irriter contre quelqu'un (/1i Fa do ;ï ni F, 111ac:i enflamme les autres. Les répartissant entre ses deux mains, il en efH.eure les
f:J j1i1i Y), surtout Liz-C; et Cs-Lds, tellement dangereux que des euphé- lJUatre tas de terre situés devant son plateau, en faisant une nom·elle prière
mismes seuls - eux-mèmes désobligeants! - les doi\·ent désigner : Gadegl ido; dcstin.:·e à transférer sur son ennemi 'ta punition du sacrilège qu'il commet.
]agahe(11 ou ]aglahe/11, Bolmzv 111a jra ni ce o. Lorsq·ue la flamme gagne ses doigts, il l'éteint en soufflant la fumée sur les
quatre tas de terre et répète : heel11 !
1. Les Rok~11ô, jouissant de pri\'ilèges même dans Li disgdce, n'l~taient ja111ais enfer111t'.s
dans la prison du lvligà.
Laissant sur place les quatre tas de terre, le plateau portant inscrit le signe
2. XE·P-11t1-111ô·11ti (oiseau-seulement-(fut. )-,·oir-chose), seuls les oiseaux \'Crront les pri- /.oso-Msji et les zowi calcinés, il retourne chez lui, prend à l'extérieur du por-
sonniers. Il s'agit d 'trnc des hLit prisons royales d'Abomey, située sur l'emplacement actud dt Lnil le canari contenant le médicament fait de feuilles broyées (wusrasi.), et
la Mission catholique. L\:nceinte extérieure n'était percée ,1ue d'une porte; il en fallait oll\·rir
. neut pour pénétrer dans le quartier des hom111es, quatre pour arri,·er il celui des femmes. Deux
lnve ses mains. Avant de ramasser ses vêtements et de les remettre, il pro-
hauts dignitaires en ét<tient régisseurs : le Bi11<1z6 et le l{pd1. ~ède à une ablution g:_énérale. Il immole un coq à son ügba pour le propi-
). Les prieres sont dites cependant avec une wm·iction profonde : « Je puis certifier >>. Licr, puis rentre chez lui et ne sort plus de toute la journée. Ses armes ont
écrit le Missionnaire F. AuPIAIS, u11 des rares auteurs européens qui. ait compris et ai111é le
6té soigneusement dissimulées, car la colère qu'il a soulevée pourrait les tour-
Dahomey, « qu'on ne \•oit ja111ais un Indigène fair.:: l'une ou l'autre de ces 111ultiples
pril:n:s d"une nunièrc machinale». Il s'agit des pril:res de Fa. (Lrr. cil., p. 55). ner contre lui-rnême, au cas surtout où l'ennemi visé serait de taille à se
défendre.
Ij 2 LA GEOMANCIE A L'A:-;crn:-<:-:E CÔTE DES ESCLAYES LE « BOIDNÔ » 153
L'opération a parfois lieu plusieurs fois de suite, à quelques jours d'inter- ~ftllH tenir compte des «sentiments>>. Car souvent la justice, qu'on le veuille
valle. On peut aussi inscrire le signe dans sa paume gauche, et souffler la OU non, est affaire de sentiments.
poudre dans la direction de la personne visée, dans sa maison, ou sur la trace L11 « méchancete >> de Fa n'est invoquée que pour imposer la notion de
de ses pas 1
• •
li\ force. Mais tous les consultants s'adressent à lui pour améliorer leur vie.
Le sacrilège consiste à utiliser le signe de Fa à contre sens, à employer le Ut son prêtre doi:t être à même, par ses connaissances professionnelles et sa
chiffre sept dont le symbolisme convient aux vod1i et aux amulettes ; à pré- r11ehcrche extérieure aux choses de Fa, de défendre ses clients contre la rnala-
parer, en guise de poudre divinatoire, un mélange où entrent des interdits Jlu, les maléfices, et en général contre toute malchance non voulue par le
de Fa : sang de chien ou de coq, piment; à porter le feu sur les fleurs et ~l'lllld dieu. Dans cette mesure, il pourra manifester une influence positive.
les fruits de kpalûesi et dèdèf1ïdè, dont les feuilles sont consaaées à Loso- Mnis il ne merite à aucun titre les épithètes de sorcier et d'empoisonneur,
}vf:.ji, et sur des .objets d'une couleur qui montre ce signe dans toute sa 1JU0 d'aucuns lui donnent, en faisant l'ensemble des devins complice de la
puissance. 11111lhonnêtetl: de certains'.
Fa interdit le sacrilège et la magie noire, mais encore plus l'action directe.
Les femmes BoKON6.
Préparer la bile de crocodile (lo-viv:.) ou les poils de moustache d'un léopard
(kp'1-tà), extraire le jus d'une herbe ou d'un fruit vénéneux, des racines du Bien que théoriquement réservée aux hommes, la fonction de Bobnô peut
mil (li-d") ou de la plante grimpante as'1bokii, recueilli~ la cadavérine (ch-si) ~Il trouver exercée par une femme dont l'intelligence et le caractère viril's
des corps qui boucanent, et faire consommer le poison à quelqu'un, voilà M'i1ccordent avec l'étude et la pratique de Fa 2. Un devin nago de Porto-Novo
des connaissances spéciales que nul Bobnii n'a le droit de mettre en œuvre. l}ous a cité quelqu~s noms de femmes Bobno résidant en Nigeria, dans la
Aucun de ces produits n'entre dans la composition des Faj'1. province d'A)'"· A Akpo1i, Odn Elzv2 (Odu fait du bien) ; à Ado, Fagoibo
(Pn est comme un Blanc pour moi); à Ab·dmta, Maluf'-, originaire d'Ifè; à
Le détracteurs de Fa trouveront des arguments dans la bouche des Bokanv. f/!11tli1, :Jsàiii T'1ltt (amulette dncace) i. L'informateur a connu ces femmes,
Des devins de valeur nous ont dit : Fa est plus « méchant » que tous les Nllllf Fagoibo. Celle-ci, dit-il, fut invitée une fois par Glde à aller lui
'Uodû réunis 2. Il a tous les moyens de tuer, puisqu'il est l'époux des Na, ou 11 fouiller>> le Fa à Abomey. Le signe qu'elle trouva annonçait que le suc-
Kënesi, et qu'il a sous ses ordres L:.gba . .. Il est comme un couteau tran- ~usseur de Ghh n,e mourrait pas roi, et que le Dahomey serait conquis. Les
chant : tu peux couper ce que tu veux avec lui, mais si tu ne prends pas /Jolwnà de Glsh ~ncore vivants ignorent cette visite, mais la méfiance des
garde; tu peux fort bien te couper toi-même ... Fa est plus fort que tout. rois d' Abomey leur faisait parfois demander secrètement l'avis de devins
Un de ses noms honorifiques est : z.ï glè glè z.ï lm Ille, plus malin que tous dtrnngers au palais.
les hommes. Car Fa est votre ami, et pourtant il vous fera du mal. Du Au Dahomey, on ne connaît de façon certaine que deux femmes qui exer-
moins, il peut le faire. « Fa, dit un informateur, est commé vos avocats; il ccrent les fonctions de prêtresses de Fa : Nabokp:.si, fille du roi Kpëgla et
plaide avec la même éloquence pour l'une ou l'autre partie, pourvu qu'on
1, Contrairement à l'information reçue par M. DELA FOSSE, nul prl:tre de Fa ne se lil're en
le paie. Encore un avocat ne peut-il occuper, dans une même instance, que ~uttc qualité « ù des pratiques rappelant absolument les suggestions hypnotiques '" (Op. cil.,
pour un client, celui qui a versé le premier. Tandis que rien n'empêche Fa ~hnp. XIII, p. 182). - Il n'examine pas non plus le vol des oiseaux. (Contra, F. W. Burr-
de cons.eiller les deux, en prenant leur bel argent ». 'l'llOMPsox, op. cil., chap. m, p. 51).
l. Rapprocher, en d'autres lieux, le cas de 1Jombreuses lemmes aspirant à la chel'aleric :
Ce que d'autres nommeraient impartialité paraît au Dahoméen une noire Clorinde, la belle adversaire de Tancrède, Anne de Bretagne, qui créa les Chevalières de la
duplicité. Et son indignation se soulagea en des mythes concernant l'assassi- eol'delièrè, Élizabeth d'Angleterre, armée le jour de son avènement, etc ..
nat de Fa par une population forieuse de lui voir dire la \'erité à tout venant, 3. D'Jslifiil'.1/a, on raconte l'anecdote suivante. Il y avait à lbadti une femme stérile. Pen-
il1111t vingt ans, elle avait essaye en vain tous les charmes les plus efficaces. Finalement son
1. Uri talisman d'allure analogue passe pour attirer les abeilles sur l'ennemi. n111ri, sérieusement inquiet, se mit en quête d'une nouvelle médecine, maigre sa femme qui
2. E iililrî lm, il est« méchant », signifie en réalité : il est impartL1l, il frappe également ~onsidérait cette démarche comme bien inutile. 11 'se procura une drogue, la lui fit avaler de
tous les coupables, inconnus, amis, parents. i'ori:e, et la nuit mème, eut des relations avec elle, malg.re ses protestations. Elle devint
lmceinte, et mit au monde une fille qui fut nommee :Jsà1iit~la.
)

LA GEO~!ANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LE << BOK'.:>NÔ » r55


d'une femme de Kàna, robuste gaillarde qui travailla à Abomey, et Ajanu.ga, ~l!ltc prérogati\'e avec le rot et le grand prêtre du Léopard royal, l'Aga-
fille de Zo111ah1î, roi de Dassa au temps de Glels, et veu\·e de Béhanzin, qui 111110.
reçut du Fa de G;.d~gbe. Elle venait fréquemment à Abomey, y passait Les devins du p~lais portaient en général un grand pagne blanc, ou un
quelques jours et retournait à Dassa-Zoumè. Elle mourut en novembre 1940. p11Mlle offert par le roi ~t dont la couleur variait selon son bon plaisir. Il les
Elle reçut de nombreuses visites et jouissait d'une réputation étendue et justifiée. fülsnit faire s~r place ou les importait d'Europe. Ce n'est pas un souvenir
En r 9 35, restée riche-n}algré la crise éconorniqu,e, elle n'avait rien perdu de tl'lfè.
sa grande taille et de sa force. Les robes que Gzdsgbe a bien voulu nous montrer sont des houppelandes
Nous n'avons pas recueilli <le renseignements concernant le Togo, mais uuropéennes en laine, à parements rouges, ou des sortes de gandouras; ces
Spieth donne, dans son lntrod11ction aux Eiùe-Stiim111e, la photographie d'une tll!rnières se nomment klibibi et sont rayées blanc et noir. Seuls peuvent en
fe111111e en train de consulter le destin avec un rtf'tl111;,,a
" 0
'. porter le roi, le grand devin du roi, le Mïgà, le Mewu, l'Ajaho et l'Ahanôvi,
frèl'è aîne du roi. Le tisserand qui prépare les klibibi ne doit pas consommer
Les BoKoN6 du roi d'Abo111n·. tl 1huile, ni avoir de rapports avec sa femme, ni user d'un cure-dents, ni par-
"
ler, ni saluer qui que ce soit pendant toute la durée du tissage 1 • L'une des
Il est impossible de faire état des traditions et contradictions relatiYes à robes de chambre de Gsdzgbe portait, devant et derrière, brodé sur le haut
Porto-Novo L'organisation du royaume de Porto-Novo était de beaucou1>,
2

ile l'omoplate gauche et sur le haut du sein droit, le motif circulaire reproduit
et :1 tous égards, inférieure ù celle d'Abomey. li:l ~. (Fig. 5, A).
Le roi offrait au Bobnô dont il tenait son Fa de la forêt une paire de san-
Lorsque le roi d'Abomey désignait un devin pour le ser\'ir au palais, il lui
offrait un grand pagne blanc, une robe noire à parements rouges nommée
tlnlcs semblables aux siennes, mais sans perles. Ses autres devins allaient nu-
lllc<ls. De semblables sandales doivent accompagner dans la tombe le dona-
zou, des bonnets blancs, une robe biuarrée
••
de dianitaire
t'>
où le rouo·e
b
domi-
111lre, qui, de son vivant, n'était tenu de se déchausser que devant le roi et
nait;, r.ommée 111àw11, un boubou blanc, des perles et des bracelets de fa
(Faj~), et des perles coùteuses. Il pouvait de plus lui donner un che\·al, du
lus dieux.
-IZ. En guise de bijoux, le de\"Ïn du roi porte des colliers ou des bracelets de
bétail et des sen·iteurs.
11urles, ou les deu1 ensemble. Ces perles viennent en général de pays incon-
Les Bob11à du roi étaient dt:s personnages importants, reconnaissables
nus des D.1homeens; telles sont t11.t1tal.'pà, az.t11i, al111ta, 11t111t1, ketu et lefe ;
comme tous les !!rands à leur cortèue. Leur chef l'un des 1Jlus hauts diani-
~Cls deux dernières sont d'irnire. Colliers et b~acelets pourront être faits de
L, O..' ) L'I

taires du palais, arri\'ait parfois i1 balancer l'autorité du Migiï lui-même.


~l'llines de lepese (lepese-kwi). Ces divers bijoux ne semblent pas a\'oir d'autre
Tous les devins du roi portaient le bonnet tronconique en coton blanc ~-
valeur que leur rareté et leur prix. Des _contrefaçons européennes se venderit
(bom), dérivé de ce que nous nommions bonnet de nuit et dont la pointe,
8111' tous les marchés.
munie d'un petit pompon de même couleur, retombe sur \'oreille. Les ioodtî 11t" . )
Enfin, le chef des prêtres de Fa portait avec lui son asè, comme la plu-
a ,·aient aussi cette coiffure.
L: chef des Boka11à du palais a\·ait droit en outre au bonnet de toile blanc,
p.ll't de ses collègues de la \'Ïlle. Il avait des tamtams semblables à ceux des
cylindrique, comparable par ses dimensions aux. flancs d'un haut-de-forme à
plus grands chefs: sa/J1î, tambour qui l'accornpa~nait dans ses sorties à che-
bords rectilignes, dont le fond atteindrait la moitié de la hauteur. Cette coif-
fure se nomme Alada-b01u., bonnet d'Allada. Le chef des deYins partageait 1. A Abornev, ce sont les hommes qui tissent.
2. Ces disqu~s, brodés de di1·erses couleurs, étaieut portés par de nombreux dignitain::s.
I. P. ï8 : « Eine Frau bei Ausübung ,der \Vahrsagerei ». cri description de l'habit de cour des Gbonougan J'Abomey p;lr J. A. SKERTCHLY, op. cil.,
sujet de la mort du roi Dz M,•si et des consultations de Fa gui l'annoncèrent, cf.
'.!. A.Li dh11p. xu, p. 289 : « Ali the c•1boceers appeared to be dressing themseh·es in long robes ol
]. PoIRIER, Missionnaire. Annales de la Propagation de la Foi. L~·on, t. rn, 1876, p. 61. 1l,1miag colours, h;wing a patch on the l.::ft breast, connected by a scroll, with a similar one
3· Cf.]. A. SKERTCHLY, Of'. cit., chap. x1, p. 248, hors-textes en couleurs, "Procession 011 the right shoulder. This \\"as .::xplained to me to l'e the cmblem of the wearer's co11s-
ofMinisters >>, second, troisième et neU\·ième personnages. (/mce 1»
LE « BOK::>NÔ » 157
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES

val, hügâ, tambour des grandes cérémonies et des réceptions , hàye, tamtam
chanté avec accompagnement de hâye-go agités par les femmes , kpete, flûte il
trois ou quatre trous.

Protocole) Préséances

A Abomey, les rois recevaient leur Fa de zii-m-e, du bois sacré, avant de


monter sur le trône Une fois intronisés, il leo r devenait impo\<>tble de revoit•
en public le devin qui les avait initiés à leur destin Le roi est en effet salué
par tout le monde, et ne salue lui-même que dans des cas exceptionnels.
Toute rencontre avec son Bokanii du Fazii l'eût obligé à saluer celui-ci publi-
quement, ce qui eût bouleversé le protocole , , . et entraîné la mort du
devin, cause d'un pareil scandale Le pays se trouvant entre les mains du
roi et de son premier Bobnô, ils ne doivent pas se voir, se trouver réunis en
pi;tblic Par respect pour le principe de l'unité de commandement, il fut
donc entendu que le Bobnli du Faz1i du roi n'aurait pas publiquement accès
;tupres de celui-ci ' D'aucuns prétendent qu'au pays d' Aya il y eut des Baba-
lrnUù exécutés pour n'avoir pas respecté ce principe, reconnu aussi néces-
S<Üre que chez les Fon 2
Le prêtre de Fa n'assistait pas aux grandes Coutumes, pour la même raison, A
mais surtout parce qu'il ne doit jamais assister au triomphe de la mort : Fa
le lui interdit Il contribuait, dans une certaine mesure et peut-être irrégu-
lièrement, à fixer la d:ne des immolations, à en établir le programme, et
prescrivait, - toujours au moyen des consultations, -- les sacrifices néces-
s;1ires, à l'exception des sacrifices humains qui relevaient du Migf1 et du
J.frmt '• car la tàche du devin est de sauver les gens et la ville, non de tuer,
cle \"Oir tuer ou de faire tuer 4 , lorsqu'un Bokanà important passait à proxi-
mité d'un homme enchaîné, il le libérait aussitôt
On remarque donc la situation privilé~iée du -devin qui conduisit le prince
roy•tl au Faz.1ï devenu Boka11ô du roi, il se trouvait par là mème Bokanà du
pays tout entier Mais, isolé jusqu'i1 un certain point de la cour par une

1 , Sdon une information différente, le devin du palais paraissait aux fêtes officielles, mais
à grande distance du roi .
2 , Le roi de\·ait également le salut à l' Ag11su11ô, grand prètre d' Agasu, le Léopard, et se
B c
gardait de se rendre chez lui. Son « pr.::stige »et son orgueil lui interdisaient de se prosterner. FIG. 5 - Insignes de dignitaires du roi (Abomey).
Le salut du roi. dans ces deux cas, était celui-là même que ses dignitaires lui devaient.
A. Insigne du grand devin du palais (réduction de moitié). Au centre, dans un Fat< à bords
) , Chawn de <.':es deux ministres avait une façon spéciale de tuer : le .Wigii tranchait avec
muges inscrit dans un Fat< rond de même, les quatre points cardinaux, en blanc, et le kpJli ;
le fer, le 1'\1m•11 assommait a\·ec un b.'tton
-t Fa n'était pas consulté sur le nombre de victimes humaines à sacrifier au moment des 1l"ns les quatre divisions du pourtour, 1 z points dorés · I, z, 3 · bolu ; 3, z, I · bny<.
Coutumes d'Abomey (Co11tra, A LE HÉRISSÉ, op. cil. , chap . '"p. 140) B et C. Insignes du Migâ et du Mewu (réduits du quart).
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES . LE « BOK'.)NÔ » I) 9

habile étiquette, il redevenait vulnérable aux intrigues. A la différence des l/lllÔ, le grand prêtre du Léopard royal, dont le temple se trouve à Hwawe
a~tres Bok:mà, qui jouissaient d'avantages,moindres et rivalisaient pour obte· Ubenu. On ne m'avait pas prescrit de revêtir un costume spécial. J'entrai,
mr une parcelle de la con}iance du roi, le chef des· devins de la cour semble Hllluai et m'agenouillai. Les grands dignitaires gui m'accompagnaient, le Tavi,
avoir incarné sous Gl~h, ·concurremment avec le roi, le Mîgâ et le grand prêtre Io Tavisa (Kpa/(pa), le Hënugliet <le grands vodii116 s'agenouillèrent aussi. Car
du Léop~rd, u~, ~es quatre éléments fondamentaux du pouvo~r politique et ; llCl'Sonne ne se <tient debout devant Agam, même le roi. Il n'y eut pas de
du controle religieux. Le grand (Jedegbe avait le pas sur tous les prêtres des rituel spécial. Les dignitaires assistaient, en qualité <le témoins, à une céré-
vod~],; lorsque l'on jugeait un prêtre coµpable, il assistait aux débats que diri· monie qu'ils connaissaient déjà, car elle rappelait celle <le leur propre intro-
gea1ent les vodunà supérieurs. Puis il rendait compte au roi, q_ui tranchait nisation.
en dernier ressort._Beaù frère de Ghh, ce haut ~ignitaire .devait sa situation à L'Agasnnô me transmit ses ordres: consulter Fa avec soin, ne jamais me
son ascen<lapt personnel et àun remarquable sens politique. . llvrer au charlatanisme, ne jamais trahir le roi. Puis il m'exposa tout ce qu'il
füllait éviter <le faire, pour ne pas nuire au roi. Il me donna à boire de l'eau
_Voici les renseignements qu'a bien voulu nous communiquer Gedegbe au J ll'Atasu: en cas de violation de mon serment, A~asu me tuerait.
sui et de sa vie et de ses fonctions à la cour d' Abomey•. Pas plus qu'à ses grands dignitaires, le roi ne me donnait <le traitement
<(Je naquis sous le règne d'Adàzâ; Àdâzà, et Gez.a n'étaient pas encore fixe. Mais il m'offrait des esclaves qui faisaient tout pour moi, qui tra\'aillaient
ensemble au palais. · 1IUX champs, et me procuraient ainsi des revenus. Il y avait encore bien
C'est à Ghh que··j_e dois le nom <le G,/dÈgbe, qui est celui d'un de ses l1'11utres cadeaux.
t~lis.ma?s • ~'est parce qu~ ce talisman « ~st sur ma_ tête>> que je me nomme Le roi avait divers moyens de surveiller ses Bok:mo, en ville et au palais.
2

a1t1s1. Ce talisman du palais, ce bo de hô-m:, 1 que Je roi me donna à boire Quant aux devins étra11gL'.rs, surtout les yorouba, <lès que le service des ren-
avait un double but: affermir la confiance du roi en moi, et me faire vivr; 81.lignements signalait l'arri,·ée <le l'un deux, il convoquait au palais le nou-
longtemps. Personne d'autre que moi ne porte ce nom au Dà-home même veau venu. Si celui-ci se prétendait instruit dans la science <le Fa ou du
dans la famille royale. ' Rnble, (arabe J·
1
rmel, prononcé ram11li,) le roi ordonnait au chef <le ses
Le nom que je portais autrefois est Tinôbu, un nom nago; on le donne /JobniJ ou <le ses_, Mah - de\'ins musulmans - de lui faire subir un exa-
à tous les enfants qui se: présentent à la naissance coiffés de plumes rouges men qui contrôl~t cette affirmation. Si 1'étranger avait <lit vrai, et s'il était
de perroquet. cnptif, le roi le libérait.
Mop ~,nvestitur~ se dér~ul_a de la façon suivante ·a. Je merendis chez !'Aga- .Je fus le chef <les BobnJ d'dgo-li-Agbo, dernier roi d'Abomey ', nommé
pnr les Blancs le jour où mourut mon fils aîné Suloli, ;Igé <le soixante ans
.. I · Il s.emble que les-'géomant~ aient joué également un r?)e à l:i cou~ de .Tananariv~ : " La
ienle Rapavalon~fre a une.Jouzaine de mpisikidy attachés ù sa personne, qu'elle.consulte
pour la _plus petite bagatelle »._(Ida PFEIFFER, cil, in Histoire Physique,., ètc,, (lp. cil., t. III, l'.·lg11s1111à, cf. J. A. \)l\EllTCHLY, •'/'·cil., chap. VII. p. 150: « ... the priest of Agas:rn. who
P: ~96, ~i. Ia): - On a lu plus haut que Gedegbe est né sous• le'règne d'Agôglo. La contra- ls the palladium of Dahomey, and one of the most powerful of the gods in the natil·e pan-
d1ct1on.n _ •est qu'apparente·
. . . .. · Agàolo · ~ ge,
·' , t res · f ut assiste
· · pen dant _se~ dermeres
" années. par son 1hco11. This prie~t is the head of ail th<: metropolitan clergv, and the ..\gasunno are the car-
fils ~daz.a, dont seul Gedef!IWa gardé la mémoire. De même,.l'erifant di~a.qu'il est né sous ilhrnls of the Dahonw1 religion. The chief pdest does 110/ ~ank next to the king, as Burton
c:~ui ,'les chefs ~e famille qui lui rappellent ses plus anciens sou.venirs, ~1ên.1e si celui-ci 111ys, for he forgot that His ~lajesty of Dahomey is as for above !iis subj~cts as Buddah is
n eta1t pas encore chef de la famille à l'époque de sa naissance. 11l1ove his Jevotees; ·besides which, church and state ha1·e not the slightest conm:ction <lS.
· ~ede.i:-lie de ma jo de do; ayi tua jo hwe do: hwe ma jo ayi do.; a fù a 111ô mi : ua jo Dtixo1m r11gards precedence l),
2

''. a. 1 el est ~e nom du talisman Dcixome : les feuilles gedegbe ne se détachent pas l'une de 1. Proclamé roi par le Gén<:rnl de brigade Dodds, repré~entant le Gouvt.:rnement t'rnnçais,
0

1 autre lorsqu elles sont entrées en contact; la terre ne se détache pas du soleil ; le soleil ne Io 15 janvier 1894, il l'âge Je trente-huit ans en\'iron selon A. L. d'AtBÉCA (op. çit.,
se_ ~étac~1e pas de la terre; tu te réveilles et tu me vcis [moi, Dahomey]: je me détache- ~hnp. XI, p. 201), révoqué et exilé au Gabon en avril 1900, il n:vint au Dahomey en juin
rai 1ama1s du Ùahomey. . · 1910. (Cf. Le Rdour d'Ago-li-Ar;bo .iu Daho111ey. L'Afrique française. Paris, 20• ann., n° II,
3· J. ]oHNSON: op. cit., _chap. VI, p. 4e : <<He is always specially in a formai manner 1\0\', I9IO, p. 345 1 et /2). Totalement écant: du pou1·oir par l'administration lrançaise, il
consecrated to h1s office when he is to serve a King as his Consulting Priest», - Pour jouit encore d'une réelle <lUtorité tt sait recevoir a1·ec grandeu.r.
160 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LE cc BOK:JNÔ » 161

environ '. Il naquit le jour où j'accompagnai pour la première fois Gez.o en lion que la titulaire d'une. charge à la cour s'occupât d'autre chose, notam-
campagne 2, et je lui donnai son lipali. Ago-li-Agbo, destitué par les Blancs, ment de Fa. S1 même, avant d'obtenir cette charge, elle avait son hp:Jli, elle
partit pour un exil que j'avais prédit. A son retour, il évita toujours de me duvnlt le laisser "chez son père ou chez son Bobno : sous aucuq prétexte,
parler de son kpali; il semblait me signifier ainsi qu'il me reniait et que le Fa li ne devait pénétrer au palais. Car il n'y a pas de place, dans tout le palais
que je lui avais remis ne lui était plus rien. Cependant, il m'emoie de temps J11 roi, pour uncautre Fa que pour celui du roi. Le hôm:.-Fa devenait auto-
-~
en temps des gens à lui, pour me faire part d'un décès dans sa famille, ou lllntiquement, dès leur entrée au palais, le Fa de toutes fenmies titul:<tires de
pour me porter un cadeau quelconque. Mais il ne fait cela qu'en souvenir ohnrges.
d'un ancien Bo!.•:Jllà, son conseiller> et non à cause de son Fa, dont il ne parle S'll s'agissait d'une affaire particulièrement grave, j'opérais seul et gardais
plus. l\ll roi un secret absolu. Parfois, je consultais dans ma propre chambre. Pour
l1m consultations de moindre importance, une fois le signe trouv~, j'invitais
Mon rôle de Bob/là du roi consistait à consulter Fa régulièrement tous los autres devins du palais à en donner leur interprétation,.sans dire de quoi
les mois et, lorsque j'en recevais l'ordre, à prescrire des médicaments, des Il s'agissait; cela me permit parfois -qui peut se flatter de tout savoir?;- d' ac-
Fafa et des sacrifices. Si la question que l'on me posait concernait le palais quél'ir de nouvelles connaissances! J'envoyais mes assistants, lorsqu'il était
en gériéral, je consultais le Fa ordinaire, chez. moi. Je rendais compte ensuite. besoin, chercher des feuilles de Fa. Mais c'est moi qui devais trouver le signe;
Si la question concernait la vie privée du roi, ou l'opportunité d'une guerre, l~·s autres n'étaient que mes aides».
ou une fête projetée par le roi, ou un mauvais rêve fait par lui, je consul-
tais le Fa du palais, le: hômz-Fa. La journée d'ttn BoK::>N6 du roi.
J'interrogeais surtout le Fa amasinu du roi >, pour ne pas trop déranger
son kpali. Car tout groupe de noix de Fa répond et obéit comme un porte- ... cc Je me réveillais au point du jour. Et vers sept heures et demie ou
plume. huit heures, je me rendais au palais à cheval, sous un parasol, avec une
Le Fa du roi était confié à !'uni.: de ses femmes, à la favorite. Comment le 1rncorte. Au moment de me prendre comme grand Bobnà, le roi m'avait donné
roi au1·ait-il pu s'occuper de tout? On la nommait Fa-si (épouse du Fa), ou quatre-vingts captifs de l'expédition d'lgba (au cours de laquelle je fus blessé
Nàeji1xo (mère du séjour du Fa). Lorsqu'il s'agissait de consulter le Fa du ~ la cuisse). Mon escorte se composait de vingt à cinquante personnes. Des
roi, elle me l'apportait au Fagbasa. Elle entendait toutes les réponses, et les ncrviteurs portaient mon sac de devin. Sur mon passage, tous les sujets du
rapportait au roi. Mais, si le roi en a\'ait le loisir, il venait lui-même. Seule, roi se prosternaient, et les ministres me serraient la main'. Personne du
la Fasi pouvait toucher le Fa du roi en exercice. Celle de Gh/z se nommait palais ne venait chez moi me chercher.
D.1gbrtf<. Les autres femmes avaient leurs fonctions, et il ne fut jamais ques- J'entrais au palais par la porte Sigboji, qui avait un autre aspect qu'au-
jourd'hui! Au portail, je descendais .de cheval, et roulais mon pagne à la
I. Si'.loli .'v.fo1ia.n, fils ain<: de Guhr;be et Bokanii di: valeur, fut envoyé par Béhamin :1 ceinture. Je quittais là mon escorte pour entrer dans le Honuwasa, le petit
M'.M'11-.\.:1111t, pr\:s d.: ]a/11111.1, pour en rapporter les symboles d'un Maiuu. qui avait prédit au
édifice que l'on traverse avant de pénétrer dans la cour du palais. Les mes-
rot la. destruction. de son pays. << La guerre des Blancs » commençait Jéjà. Sidoli rapporta
les ob)ets. Il dev;ut devenll' Mamr-nô au cas ou les Bl:mcs seraient repoussés. Béhanzin lui Hagè'res, les Agaligà; et la sentinelle, J.a Cadanù, se prosternaient devant moi.
demanda quelles instructions il <1\'<1it reçues à lvfawu-Xanu : certaines étaient strictement Au Honuwasa, je revêtais ma robe de Bobnà; Gleh m'en donna beaucoup, -
religieuses et secrètes, mais S<doli fut contraint de tout dire. Abomey fut <1 ca'Ssée » par les
Blancs, le templl! du nouvtau JJ,1w11 ne fut pas édifié, l!t Suloli mourut. Le fils ainé de Giel<~'/>" 1. Le serrement ,de main, dans la mesure ou il est réciproque et dispense des prosterna-
devint Nugbo·l<mià, figé d'une quarantaine d'années ; il <mlit partii:ipé à une délégation en\'O;.,::~ tions, implique l'égalité de ceux qui l'échangent. Cf. J, DE RIOLS (La guerre au Dahomey.
à Paris par Béhanzin, en vue d'obtenir du Gouvernement de la République le retrait, du Descf'ij>tio11 du D.rho1wy. Son /Jistoire, ses habitanls, traites avec les Rois du Dahomey, a/laques de
corps expéditionnaire. Les journaux parisiens ont relaté les péripéties de ce \'Orage, denwun: tlit•erses ba1tdes, attaque co11tre Porto-Noua. Paris, Le Bailly, 1863, p. 24) : « Quan.d deux
s:ms résultat. - hommes d'egale condition se rencontrent, ils se saluent en se donnant mutuellement la main
2. Campagne de D,rsa/agcl ; la \•ille existe encore, en pays Maxi. limite ». Pourquoi l'auteur ajoute-t-il qu'il y a là" une perception confuse des signes maçon-
3. I1tfn1, chap. V!I, II, pp. 272-276. niqu·es » ?
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LE « BOK::JNÜ »

blanches, noires, bigarrées, d'étoffes ordinaires ou précieuses. Je me ren- VC!nu. Car le roi n'est pas le s, d'un prêtre de Fa. Le chef des devins est
dais alors au Fagbasa du palais, et prenais une collation avec les Bobnô sous une sorte de roi, lui aussi : n'entend-li pas tous les secrets du royaume?
mes ordres; il y avai.r un local pour moi et un pour eux. Lorsque la messagère venait me parler au Fagbasa, je- donnais ma répor1se,
Le roi recevait à l'Ajaralasa, entouré de quelques-unes de ses femmes. 11n'clle transmettait. Parfois, le roi voulait me voir hors de sa chambre. La
Lorsqu'il s'agissait d'une affaire importante, il les faisait sortir. A portée de messagère s'agenouillait pour 111e dire tout bas l'endroit ou Da voulait me
voix se tenaiènt quelques messagères, prêtes à aller chercher le ministre voir, et il m'y rejoignait. Lorsque le roi avait besoin d'autres devins, il me
.dont le roi avait besoin. Les ministres.se trouvai.ent à l'Akabasa, e.n un lieu dlHait : tes hommes sont-ils là? - Je répondais oui. ~ Qu'on les appelle! -
réservé hors du palais. Si le roi avait besoin de moi, il m'envoyait une fit la Daklo de courir ... Le roi vous demande!
femme, la Daldo, messagère principale', et je me rendais auprès d~ lui. Pc~sonne au Palais, en dehors du roi, ne pouvait m'appeler.
Laissant derrière moi le portail, je pénétrais dans la grande cour déserte de Lorsqu'il convoquait des chefs, ceux-ci restaient en deçà du seuil. Ils se
Logodome, au bout de laquelle la porte Logodohi5ji ouvrait sur une autre cour; Jll'Osternaient et jetaient de la terre sur leur front jusqu'à ce que le roi leur
là s'élevait l'Ajarala, où le roi appelait ceux qui avaient audience, notam- fil signe de se relever; jusqu'à ce signe, ils restaient étendus dans la cour,
ment les ministres et les chefs. J'étais une des très rares personnes qui lll\ peu en avant du seuil. Le roi leur parlait, puis les çongédiait en leur
pussent faire le tour derrière l' Ajara/a, et pénétrer dans l' Adaxo 2 , la chambre 11181\nt de revenir le lendemain. Alors j'e m'entretenais avec Da, car je pou-
même du roi. Personne n'y entrait, sinon le grand Bobnô, le chef des kpa- --~'
Vnls m'approcher de lui.
~

1w:.gii, et certaines femmes. Je me prosternais devant lui comme tous ses sujets. Je ne· devais pas le
Au temps de Ghh, mon beau-frère, je m'y rendais bien soùvent le matin. tnluer d'un nom particulier. Je le nommais, comme les autres, Da, Dada '.
J'y avais toujou;·s accès lorsque le roi était malade ou pour une affaire Lorsqu'il s'adressait à moi, je répondais : enace ! qu'il en soit ainsi ' ! Je
secrète. Le Migii et les autres chefs restaient dans l'Ajarala. pouvais aller jusque devant lui, et c'est là que je le saluais. Parfois, il se
Lorsque le roi rnulait dire quelque chose d'important à l'un des chefs lllCttait à parler de l'entretien de la ville ou de telle autre question. Et il
qui faisaient antichambre, il donnait ordre aux femmes récadères d'aller nrl'ivait qu'au milieu de la conversation il .s'endormît. Alors j'attendais que
l'appeler. Ce qu'elles faisaient en criant son nom suivi des mots : Se nô yr~ "Oil, somme fût fini, car je ne devais pas le quitter avant son réveil. Lorsqu'il
wel .. Se no yra we ! .. s~ t'appelle! .. Il fallait voir les messagères, et ceux rouvrait les yeuxi il me disait : G-:.degbe ... Tu es toujours là? Je me suis
qu'elles appelaient, courir ! Toutes criaient encore un nom dans la cour, e11dormi ... - Et je répondais : c'est bien ! Tu es fatigué. Tu es surchargé
quand celui qu'on cherchait était déjà prosterné devant le roi. do trnvail. Il faut te reposer.
Cette formule était la rnê:11e pour .tôut le monde, sauf pour le grand Si aucune affaire importante ne réclamait une longue présence auprès de
Bobnà. Le roi donnait l'ordre a voix basse à la messagère. Jamais on oe 1111, je rentrais chez moi sous escorte, ou retournais au lieu du palais qui
m'adressait la formule : Se no yra we. On me disait : yra wa, l'appel est lll'était affecté, au Fagbasa, où je passais la journée en compagnie de mes
,-g î
'~ •~ulstants. Chacun y avait une place a·ssignée, mais nul ne pouvait se servir

1 . Les rois d' Abomey avaient Je plus grand soin de leur sécurité. Nul m.embre d: leur j 1l1un tabouret; seul, dans tout le palais, le roi y avait droit. Nous étions
famille ne résidait au palais, même leurs fils nouveau-nés. La Dalilo était une simple nuls sur des nattes. Lorsqu'il y avait à faire, je restais au palais jusqu'au
sujette, une a11ilt~. Nul homme ne vivait au palais, hormis le roi ~t ses eun~ques (ti!i'.).
0

~ ùOllcher du soleil: On qi'apportait à déjeuner les reliefs du roi, qu'il


Ceux-ci travaillaient aux gros ouvrages et portaient le hamac du ~01. Ils sen·a1e~t auf~s1.à -· ~- - ·_: _-.
lui administrer certains charmes, dont l'efficacité eùt été compro1111se par des mams enll• ~
1, Cc mot, que l'on traduit par père, est employé dans toute conversation par l'interlo-
nines, présu.rnées impures. Recrutés parmi les esclaves, aucun sujet du roi ne deva'.t les ~ol~· ~
Cllluur plus jeune. Cet usage souffre de _plus en plus d'exceptions, mais il est encore de règle
cher. Ils étaient assimilés jusqu'à un certain point au:\ l.p~si, aux femmes du rn1. Ma'.s 11 -~
n'y a rien là qui tende à l'homosexualité. Celle-ci semble ne s'être développée, localisée
di 110111mer da les vieillards, et même un « évolôé » se garderait en certains cas de faillir à
(tllO clémentaire politesse.
dans les centres européanises, qu'après la guerre monùialede 1914. (Co11tra, M. J. et F. S,
a, lJtiace, plus poli que la formule de politesse complète e na ce 1111 we, selon ton gré,
HERSKôVITS, A11 011t/i11e . . , art. cit., p. 36). Aucune .étude su da question.
~Ul~NOnt ,tes paroles s'accomplir 1 qui comporte le tutoîment (we). Tutoyer le roi .valait la
2. Abréviation pour Adoxoxo, chambre où couchait le roi.
pel110 de mort, sauf aux bouffons du palais, manahè et 111exoblota.
/111/1/111 d'EthnolOgie. - Bernard MAUPOIL. II
r6~ LA GliOMANClE A L' AJ;'1C!ENNE CÔTE DES ESCLA \'ES LE « BOIDNO JJ

envoyait toujours à ses devins. Il eùt été bien en peine de manger les qua .. l'~lL'IHlue d'un villagè, ses terres étaient unmenses et innombrables ses
rante et un plats qui lui étaient présentés! IHllimts. Il n'avait nul besoin des cadeaux d'un Blanc !
. è
Ses Bvh'Jnà l'accompagnaient en guerre. Lorsqu'il projetait une expédition, li se départit lentement de sa réserve, et chaque nou\·el entretien éclairait,
GUz me demandait de consulter Fa. Si le projet était approuvé, un sacri• pm11· ainsi dire malgré lui, la sensibilité de son intelligence. Ses paroles
fice avait lieu, et l'on partait. Mais les devins du roi ne combatt<tient pas. llH l'~\'claicnt tanrôt un sens ~politique durement meurtri par la décadence
accompagnaient le roi, non comme officiers, mais comme Bok'Jnô cl1argl·ij 11'1111 peuple devenu sien, tantôt la sérénité de sa \1hilosophie, tantôt ses
de lui donner les directives de Fa. Ils ?ervaient également de médecins pOUI' J lli'l>ocrnpations familiales.
les soldats blessés, car le devin est le médecin de Dieu. Parfois de vieux dignitaires, ruin.és par la conquête, venaient près de lui
~-:t

Ces temps sont révolus. Depuis longtemps déjà, je ne danse plus, mênHl J nkhauffer leur sang aux souvenirs du passé. Alors surgissait devant nous
lorsque je fais une cérémonie de Fa. Béhanzin, que Gld~ me confia lorsqu'il j une époque d'a\·entures et de splendeurs, dont quarante-cinq annl'.·es de
avait l'âge de raison, refusa d'écouter mes conseils'. Aujourd'hui le Dâxo1111 ·~ llcuif effaçaient les pires souillures.
est conquis et son organisation tradition nell~ détruite ... >> Mais G;.dôgbe différait.de ses vi~iteurs, sow.:ieux de se retrou\·er eux-mêmes
_6
1l1111s un passé qu'ils savaient aboli et satisfaits de ces vains rappels : s'ins-
Titulus tu11tuli. pirant de l'œuvre des anciens et jugeant avec pt'.·nétration le p.rcsent· imposé
jll\1' la conquête, il construisait le futur.
Nous ne saurions terminer ce chapitre san~ évoquer plus intimement . . j
Doué au plus haut dcgre du sens de la mesure, s'interdisant tout mouve-
le souvenir de notre ami Gzde,gbe, ancien Bobnô de la cour d'Abomey, "'
llWll t indiscret du cœ u r ou de la pas~ion, i 1 sut nous corn 111 un iq uer, à nous
beau-frère de GUz, père spirituel d'Ago-li-Agbo, éducateur de Béhanzin 1, ;~
llll'il appelait affectueusement son fils., la calme foi qu'il avait en l'avenir de
Nous entrâmes chez lui maladroitement, sur une douteuse recomman .. ;;
'~f;.-
Hl\ race.
dation, ignorant tout de son passé. Des portes. Une cour. Sa 111aison. Uno .~
véranda aux solives basses, obligeant petits et grands à courber la tête, r
abritait des corps respectueusement allongés. Un seuil. Il reposait seul dans
une pénombre, entièrement vêtu de blanc, et la pièce où il nous fit asseoi1 1

près de lui avait l'appan;nce d'un sanctuaire. Des hirondelles avaient fait
leur nid au plafond, où s'entrelaçaient des lames de bambou, et leur vol agi•
tait l'air au-dessus-de nos têtes. Il sut, avec un laconisme affable, sacrifier~
ce qu'il pouvait prendre pour une fantaisie de Blanc. Ses disciples, scff
enfants, étendus dehors, rampaient parfois vers lui en silence, n'osant pas
regarder celui qu'ils nommaient« l'être lui-même >i, me desu, << !'Être >i.
Nous revînmes le voir. Il parla plus librement. Sa famille occupait

r. G<d€gbe déclara à Béhanzin, à la suite d'une consultatien sur l'issue de la guerre :wce
les Hlancs : Awada-kp€kp€ e :z;Eli~u€ si d~-tc> nt€, e sà nà bi y< nt€ cobo nà lm a, le papilloll
Aw.ula-l.'f'€kf'<, une fois sorti du cocon, n'y retourne plus a va nt sa mort. Cette deviSQ
annonçait la défaite de Béhanzin et sa mort en exil.
2. GEdsgbe décéda le 7 mars 1936, à Abomey, d'une longue maladie de cœur, pent-êtrc 1
mais au jour et à l'heure qu'il s'était fixés; malgré nos efforts, nous ne pûmes décider aucull
médecin européen à le soigner. Depuis la conquête, il n'était sorti de chez lui que dans del
circonstances tout à fait exceptionnelles. Les signes Aklti-Turukpè et C€-Abla nous avaient
annoncé che7. lui, disait-il, alors que nous ne connaissions pas encore son nom ; le premier
précisa la date de notre rencontre, le second la nature de nos relations.
LES INSTRUMENTS ET LES ACCESSOIRES DE LA DIVINATION 167

La nàefaxo (F), ou 'alëp:.to.bi, ou yawoicq (Y), ic femme préférée» du devin,


OHl chargée de la garde et de l'entretien de cette pièce et des objets qui s'y
0

CHAPITRE V ll'Ollvent 1 • Elle couche dans l;i deuxième pièce, et, pendant la durée de ses
J'6Kles, est remplacée par une des co-épouses.
LE FAGBASA. Les Bobnà ©'rdinaires gasdent leur fa dans leur chambre coucher, où a
LES INSTRUMENTS ET LES ACCESSOIRES lln le dissimulept derrière un petit paravent de dezàwo: de la sorte, Fa est con-
uldéré comme faisant chambre à part, et la venue de femmes ayant leurs
DE LA DIVINATION.
l'~Hlcs ne le souillera pas.
Tout prêtre de Fa, à moins d'être très pauvre, possède un Fagbasa. Il
I. Le Fagbasa : Duwo, asè acrelele, Lsglm agbii1111kwiJ. - Il. Le materiel: noix de Fa et coupes pourrait aussi bien consulter dans sa chambre, mais il est recommandé
à noix, F.1.i:bti, Fats, p, làjli!, llfùmaga, al1po, abila et vade; blij>o; Gubam et G11daglo ; eau
d'user de cette pièce spéciale, afin de donner aux opérations qui s'y doivent
lustrale; calendriers.
dérouler un caractère pl~s solennel. Son Fa et son /{pali restent en revanche
1 ou près de lui, _dans sa chambre ou dans ceile de son << épouse préférée», et
FAGBASA, FAGBA]I, FAXO, FAKPE]l. 11011 au Fagbasa, qui ne ferme pas, et ou l'on pourrait profaner ces objets
HllCl'éS 2.
On nomme Fagbasa la chambre réservée, chez le Bolëanà, aux consultations Lors d'une consultation, le Bob11ô se déplacera avec son Fa. C'est au
et aux cérémonies de Fa. Elle est caractérisée par la présence d'objets con- füg/!asa que seront nourris son Fa et son /{f)ali, en même temps que les divers
sacrés qui seront étudiés plus loin. Fagbaji désigne le lieu où l'on fait attendre objets qui s'y tr<?uvent. Rien n'empêche le devin de nourrir son Fa dans sa
le consultant, en général une véranda : nous dirions l'antichambre. Dans i:hambre, pourvu qu'il distribue le reste des aliments aux objets inamovibles
l'usage courant, on emploie ces deux mots l'un pour l'autre. du Fagbasa, qui tous ont une valeur religieuse. Mais l'usage veut que les
La chambre de Fa, F a-xo ', est divisée en deux. Dans l'un des comparti- Hncrifices ét les cônsnltations aient lieu au même endroit. C'est doi1c au
ments s'élève un autel, kpe. Le Fa du devin et tous les objets du culte sont N1gbasa que sont immolées les victimes, dont les trophées, - crânes de
disposés sur cet autel, kpe-ji 2 • Au-dessus de la porte de communication sont cnbris, - s'align~t1t au haut du mur. C'est enfin au Fagbasa que sera lavé
suspendus, après les sacrifices, les crânes des cabris immolés. A chacun corres- Ill Fa du Bobniï, car des invités peuvent s'y tenir à l'aise, y chanter, y danser
pond une enfilée de deux cents cauris, et le tout est surmonté d'une guirlande et célébrer avec lui l~s diverses solennités de Fa.
de fibres de palme, dezilwo i. Il n'y a pas d'interdiction spéciale d'entrer dans le Faibasa, qui n'est pas
muni de portes.
1. Ou Fa-·xa. En nago": yala-Ifa. Comp. NINA RODRIGUES, op. cil., chap. II, p. 65: « o
santuario, o Peji, o }ard-Orisa, "a igreja propriamente <lita '" »
2. On peut désigner sous cc nom les autds de divers vodü, notamment ceux de Sakpata.
1. J. JOHNSON, op.cil., chap. IV, 1899, p. 49 : cc An Ap~t~bi or Esü or Ayaw/J is a woman
De 11:1êrne au Bresil, NINA RoDRIGUES, op. cil., chap. 1, p. 51. ·- A. RAMOS cite le même
who is regarded as the wifo of C{runmila himself, and ,;,ho may in reality be cither a
mot, et un composé régulier, «j>egi-gan (o dono ou senhor do altar) ».(Op. cil., chap. l,
ll11balawo's wife or th~ wife of any one for whom a sacrïfice is to be offcred and who is
p. 43; ib., p. 52). Le terme kpeji-gii, chef de l'autel, s'il était usité au Dahomey, ne pour-
11lways expectet! to give assistance at it n. -- S.S .. FAH 1ww, op. cil., 1926, chap. VIII, p. 103 :
rait désigner que la divinité qui s'y trouve représentée. - Cf. aussi R. MENDONÇA, op. cit.,
11 An apetebi, or Esu, or Awayo >>,(sic) cc is a woman, who is rcgardcd as the wife of Orumuila
Vocabulario, p. 2 34.
hlmself, and who may be in reality cither a Babalawo's wifc, or the wife of anyone for whom
3. De-zti-wo, pour de-aziï-wewe, palmier-milieu-blanc. Le deztiwo joue en de multiples
n sacrifice is to be offered and who is always expected to give assistance at it >>. - Contrai-
circonstances le rôle d'isol;mt magique contre l'impureté des femmes et contré les amulettes.
l'~mcnt à ce que l'on pourrait croire, cette mission est en général confiée à la femme la plus
Il se compose d'une jeune feuille issue du bourgeon terminal du palmier à huile, - bourgeon
!'~doutée du devin : Fa saura, pense-t-on, la punir au premier fléchissement. Aussi voit-on
formé de tissus foliaires fendres et blancs fournissant le chou palmiste, - dont la nervure
blc1l des femmes décliner l'honneur 1
des folioles est retirée. -Le mot est attesté en Guyane holl. : «azaug, a « spiritual barrier »
~. Si le Fa du devin est détenu par son épouse préférée, il faut le transporter· au Fagbasa,
of palm fronds erectcd across a path in order to brush away evil that might be seeking to
~111· une consultation ne saurait avoir lieu dans la chambre d'une femme.
enter the village n. (M. J. et F. S. HERSKOVITS, op. cit., Gloss., p. 347). •
168 LA GEOMANCIE A. L' ANClENNE CÔTE DES ESCLAVES LES INfrRUMENTS ET LES ACCESSOIRES DE LA DIVINATION

Le Fagbasa n'est pa~ orienté, en général. Pourtant, lorsque GEdEgbe se (illH aux deYins pour sa\'oir ù quoi s'en tenir sur leur importance es-tu
trouvait devant les symboles de son sanctuaire, il faisait face à l'est (fig. 6). 1111 /Joka11i5 à Dm110 -'?
Les renseignèments sur k D11wo doivent, en principe, être exdmiYement
Duwo. 1ll7lllllndé-s aux grandsBvb11àqui en possèdent un. Aucunde\'in sérieux n'en
f~l'l1 lera le secret à son enfant, Ù moins d'a\'Oir Ja certitude de sa lllOrt pro-
On trouve obligatoirement, dans tous les Fagbasa, les objets symboliques HhllillC. Car, pom qu'un D11wo soit complet, il faut y intégrer le fa du F11-:;__1i
suivants : Duwo, asê acrelele. et Lsgba agbànuJ~we. On y
installe de plus le 1111 ~lcvi11 possesseur. En dé,·oihnt ce secrer, on s'expose ~1 ce qu'une per-
symbole des divinités dont Fa a désiré la présence. l01111e mal.intentionnée offre ù ce rl11 les aliments qui constituent ses i11ter-
1ll1ti, risqu~rn t ainsi de provoquer la lllOrt du prètre.
Pour préparer le Dll'wo, il faut creuser un trou au pied du mur du }Î.1gbasa
VI y i11troduire les divers objets sui,·ants :
t11wi~b (aovi de terre) : préparé avec de Li terre de barre pétrie d'une
~ennine façon, et formant un petit cube;
11/!i-b (abi L{e terre) : préparé-de mème façon ;
Ill/go : calebasse grosse comme les deux mains, et ronde ;
quarante petits aovib ;
Q
.,,,; ftlovi : terre de barre pétrie en forme de tête (ta) humaine;
0
z c"' /oovi, gbeovi, noviovi : figurines semblables à l'11ovib.
Il est possible que chacun de tes objets ait affecté autrefois une forme
ip1kiale, mais on a aujourd'hui tendance à modeler, sous ces no'ms différents,
111111 figurines à peu près semblables.
011 les saupoudre de _la terre du dn trou\'é dans le bois sacré par le pro-
l'l'lôtaire du Duwo, et qui constitue une marque de propriété. Puis on ajoute
OUEST J11~ feuilles :Jdàdà, :Jf;_/;_, akislÎ, weele, weajl', wealûlw, gbogho1ii'e. Le 110111bre de
t'i!N fouilles est tantôt de sept, chiffre des vod1/, tantôt de seize, chiffre de
FIG. 6. - Le .ft\f!basa de G"!Egbe.
lln,
1. LEdo. - 2. Dml'O. - 3. Boka11àlàtàlesi!.. - 4. Lgba atb,i1111kwè, dans une jarre à cou· Les feuilles sont introduites les premières dans le. trou: le reste du sacri-
verde. - 5. Boka11ôlàtàh-LEgba. - 6. Xakpa-Lisa, Lisa de la demeure de Fa (ré~ervé aux lldo vient ensuité. Le devin prend une gmnde jarre - wnhgbii-daho -- qu'il
plus grands devins); le symbole du i-od1i repose sur un socle cubique en terre de barre
passée à la chaux. - 7. -Na, représentées par une calebasse remplie de feuilles et recouverte fllllvut;se sur le tout ; le diamètre de l'orifiœ et le volume de la jarre sont
de terre de barre; piqué sur le tout, un petit asi!.. - 8. Plat de Fa et son couvercle. - 9. lll'Oportionnés. Il fait -- au couteau par exemple - un petit trou au rni-
Feuilles,_ dans un pot d'argile. -·IO. Bordure du Lsdo, en terre de barre.
lhm du fond de la jarre, et introduit 'dans cet orifice une baguette de bois
l1!~llligne qui touchera le sacrifice à sa partie inférieure et restera verticale.
Lorsqu'un devin ordinaire veut se constituer un Fagbasa, il peut se bor- Il pétrit dè la terre de barre autour des flancs de la jarre, à une hauteur de
ner à creuser, à petite distance d'un d.es quatre murs, un trou qui porte le qolx11nte centimètres environ, et la recouvre entièrement. Une poterie plus
nom de hdo. Il y plante un asê acrelele, à la mémoire des anciens Bobnà llêlltc, en forme de calotte de sphère, est renversée à l'endroit oü le bt1ton
défunts. Il place à proximité un Lsgba agbàmtkwê et peut s'en tenir là.
Tout devin de quelque importance possède de• plus un Dawa, ou L11wo,
(, Du : signe de Fa, awo : prêtre de Fa. Mot nago ·signifiant : signes du Bob11à (?). Les
qui accu pe !'intervalle entre le hdo et le mur. De là cette question, posée par· llou disent: GM11~.
170 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES INSTRUMENTS ET LES ACCESSOIRES DE LA, DI\"INATION r7r
émerge, et son fond est percé dans les mêmes conditions. Lorsque la terre do 11111' exemple à des animaux sauvages; le noviovi, le malheur dû au frère
barre a pris, on retire le bâton et l'on verse, par l'orifice ainsi dégagé, do (11ovi ou nàvi : fils0 de lrna] mère), c'est-à-dire à la famille.
l'huile, de l'eau et de l'alcool, qui parviennent directement sur le sacrifice En fait, l'utilité du Duwo se traduira, pour le devin, par une économie sen-
invisible (fig. 7 ). tlblc. Les clients nécessiteux bénéficieront d'une économie parallèle; ils n'ont
Autour de la partie supérieure du cylindre, le devin dispose une feuille de p11s droit à un D11wo personnel, mais le devin les autorisera à user du sien
palmier dont les folioles, dépouillées en sa présence.
de leurs nervures, retombent verticale• Le propriétaire une fois mort, un autre devin viendra casser le Dmuo,
ment, cachant presque complètemenl tljll'ès lui avoir offert en sacrifice du piment, du sel, un coq, de l'huile chauf-
le corps du Duwo 1
• fdc, et toutes les choses interdites par le Fa du propriétaire, qui sont égale-
Le cylindre est coiffé d'une poterig 1l1crnt les interdits du D11wo. Les Duwo des grands Bokanô ne sont pas
en calotte de sphère, percée d'un ddrruits.
nombre indifférent de trous.
Le mur contre lequel s'appuie Io Tout cela peut être considéré comme exact. Voici pourtant deux autres
Duwo est souvent percé à sa base modes de préparation du Duwo, le premier décrit par un informateur de la
d'une petite ouverture en plein cintre, h11111ieue de Porto-Novo, le second par un Yorouba.
d'une cinquantaine de centimètres do « Duwo est un des noms. de XeviosoDuwo est donc un vod,-t. Sa présence
1

haut, destinée à Lsgba «qui n'entl'O eho~ quelqu'un permet d'é'viterla mauvaise influence des Kè11esi et sa prépara-
pas par les portes des hommes». rlon est secrète.
Cette cérémonie ne comporte pas do Pour en installer un chez lui, le devin creuse un trou, sans nom spécial,
f1G. 7. - Coupe verticale d'un Duwo. liturgie particulière au Dahomey. Lo oit il dispose les objets suivants: de l'écorce de roko, tombée d'elle-même et
devin pourrait même y procéder seul, 11011 arrachée au tronc ou à une branche ; une défense de rhinocéros ; le nid
Il s'entourera cependant, pour plus de solennité, de quelques collègues. S'il d'un petit oiseau nommé du. Cet oiseau fait son nid avec de la terre qu'il
agissait seul, en effet, comment saurait-on qu'il possède un Dttwo? p6trit, et le casse l~rsqu'il a élevé sa couvée ; ce sont ces débris qui servent
nh1 préparation du Duwo. Si l'on met la main dans un nid de du occupé,
Voici la valeur symbolique de ce petit édifice. Si le devin n'a pas les elle ne tarde pas ;\ se couvrir de boutons qui ne guérissent pas ; c'est pour-
moyens d'offrir le sacrifice exigé p<lr le signe qu'il a trouvé, (pour repousse!' 11uui les Fon d'Aborney nomment l'oiseau du : azà-xz (maladie-oiseau :
un malheur imminent, par exemple,) il jette un peu du ye de son Fa dans Mhirondelle»). H faut ajouter : du sable pris au bord de la mer ; de la craie
de l'eau, et verse le tout dans l'orifice de son Dnwo. Le sacrifice réclamé pal' hl11nche; des cauris; de la terre prélevee dans un champ, sur un .monticule
Fa est alors considéré comme réellement effecmé, ca'r les symboles dont Io qui n'est ni une termitière, ni une fourmilière, et que l'on nomme agbodi ;
Dnwo e.st plein totalisent les destinations de tous les sacrifices possibles. d1rn feuilles de Fa (Fama) en grand nombre. Une fois ces objets mis dans le
C'est ainsi que l'aovib symbolise le malheur en général, les maladies, ln ll'OU, il faut placer en triangle sur le tout trois morceaux de· termitière
mon ; !'abib, la colcre, les passions; le nago, la sorcellerie; le taovi, l'influence, ko/Jwaz.ê, en forme de champignon 2. On pétrit un monticule avec de la
Io
.
llll'l'C prélevée, au moins en partie, sur l'agbodi. On plante des coquilles
sur le cerveau dn consultant, d'un accident personnel annoncé par le Fa;
toovi, les répercussions sur le consultant d'un accident dû aux gens, au pays d'escargots .
tout autour de lui, en laissant émerger la partie pointue. Certains
(ta), guerre, calamité sociale, etc.; le gbeovi, l'accident en brousse (gbe), dô lntcrc.alent des cauris entre les coquilles, pour enjoliver leur Dttwo. Le

1. Cette disposition ac~roit le mystère et s'applique courâm1üent, d:Uis la vie dahoméenne, 1. Indiscutablement taux.
aux choses sacrées, aux plantes - aux arbres surtout - et aux êtres. a, ...
Ko-hwe-aza : terre-coiffer-chapeau, devenant kohwaz.e, ou mieux : kolm·aza.
(

172 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES INSTRUMENTS ET LES ACCESSOIRES DE LA DIVl:-IATION 173
sommet du montirnle est coiff~ d'une assiette en terre(k1gb1i) rouge. Parfois, Le devin prend alors Li ne assiette de terre eu ite q u ïl perce en son centre
on ajoute dans le trou une « main >> ou deux de noix de Fa, et le )'<: où et pose sur l'ouverture du canari, en guise de couvercle. Il faut que les bords
fut tracé le signe du possesseur dq D11wo. Ce )'ô est répandu dans k trou, de l'assiette arrivent en contact avec les bords du moule de terre ; de la
dans les poteries ou !'?llr le monticule. On demande ensuite à Fa quel sa..::ri- sorte, le visiteur non initié ne verra qu'une maçonnerie cylindrique dont
fi..::e il désire, poule ou chèvre. Le sang de l'animal immolé est versé dans le sommet; convexe, est percé d'un orifice de la grosseur du doigt.
l'assiette en terre; puis une seconde assiette est renversée sur la première en Le Bob11ii verse de l'eau dans cette assiette jusqu'au moment où, le canari
guise de cou,·erclc. Le D11wo est édifié. Désormais, on priera devant lui étant plein, elle s'emplit aussi. La deuxième assiette, posée à l'envers sur la
avant toutes les cérémonie; en l'honneur de Fa, dont il préservera l'initié. première et débordant légèrement sur ell_e, sert de couvercle. Le non-initié,
Le même D11wo peut se transmettre. Le fils du Bok:mà défunt cherchera devant ce monticule de terre coiffé d'une assiette renversée, éprou\'era un
de nouvelles feuilles de Fa et les broiera dans une eau dont il lavera le D11wo. sentiment de mystère.
Puis il répandra sur le monticule le ys de son si"gne et fera, si Fa le demande, Le diamètre et la hauteur du Dmuo sont proportionnés à l'ambition du
un sacrifice>>. p. devin. Celui-ci agira d'ailleurs prndemment en ne prornquant pas l'humeur

satirique de ses collègues ou de ses clients.


Voici la troisième recette.
Pour consacrer définitivement le Duwo, on immole une poule ou deux.
·«Pour avoir un Dllwo complet, on réunit de nombreux objets, mais tout Les paroles prononcées à propos de l'édification du D11wo sont : a-li-D11wo
d'abord un canari et deux assiettes en terre de barre cuite. Puis on donne à (tu-construire-Dmuo ).
ce canari unei valeur religieuse, gdce au choix des objets suivants qu'on y Au haut du mur du Faghasa, au-dessus du Dmuo, le devin suspendra les
verse :
crânes des animaux égorgés. Chez un grand Bob11ô, on. ne voit que des
dix-huit noix de Fa: « une main de Fa>> ; crtmes de cabri.
un échantillon de chaque variété de feuilles de Fa, et elles sont innom- Chacun des objets enfermés dans le canari a une signification et une
brables! Impossible d'en donner un chiffre approximatif; valeur analogiques. Les différentes terres représentent les innombrables
un peu de sabre ou de terre ramassé au bord de l'eau douce, au bord de la lieux d'où viennent les maladies. Le devin à Dmuo aura désormais une
mer, au haut de la montagne, à la partie supérieure des termitieres en action sur ceux-ci, et les atteindra en priant devant leurs symboles centrali-
forme de champignon ; sés dans le canari.
un ahwàneb ', sorte de conglomérat trouvé dans le sol et qu'un choc La grande termitière en forme de champignon est assez rare, Elle est
réduit en poussière ; honorée chez les Mina qui lui font des sacrifices et l'assimilent souvent au
une pierre dorée; brillante. e.t friable nommée ayiniïlnî 2, ù laquelle on vodli Ag~. On ne lui rend pas de culte à Abomey; on peut en acheter des
ajoute un peu de sa propre poussière. morceaux au marché pou'r faire des cfrémonies aux vod1i., pour préparer des
Les feuilles de Fa sont versées en dernier lieu d<:tns le canari. onmlettes pour les Kênesi, mais jamais pour Fa.
Le lôdo (l'informateur ignorait Je mot) est creusé à un écart du mm calculé L'ahwr711ek~, qui se réduit facilen1ent en poussière, donne aux consultants
d'après la grosseur du Dmuo. On édifie, dans cet intervalle disponible et par une chance d'avoi.r u,ne nombreuse progéniture, comme les pigeons (ahwà11e ).
pétrissage, une sorte de récipient en terre de barre où l'on dépose le canari. La pierre a.yini'tlui 'donne la faculté d'être brillant dans ce monde.
La terre qui sert ù cet usage est prélevée sur un vieux mur : on est sîu Tous ces objets reposent dans une eau consacrée dont le Bobnô se servira
qu'elle a déjà «fait ses preuves n. Le Duwo est introduit dans cet étui res- nu cours de. ses consultations>>.
serré autour de ses flancs et laissant libre l'orifice seul. L'inf~nnitteur a soin de faire remarquer que le D11wo n'est dissimulé sous
un monticule de terre que pour faire plus d'effet : on ne croit pas en un
1

r . Ahwiine-ka : pigeon-terre. vodti visible; le vod1î vit dans l'invisible.


2. Ay i-ttükli : terre-œil. Gypse.
1. Sans nom particulier.
LES INSTRUMENTS ET LES ACCESSOIRES DE LA DIV_JNATION 1 75
174 LA GÉOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES

Il reste encore une formalité à accoti1plir. Le Ba!.':J11à prend son Fatz et sur son tronc ', quatre p<1r quatre, espacés de un à deux mètres. Ce serait en
d~sine sur leys le signe de son Fa, qui agit symboliquement comme une Houvenir de ce palmier que l'on fit le premier asè acrelele (fig. 8).
marque de propriété. Il répartit ensuite ce ys entre quatre coquilles pointues Cet asè se compose d'une tige de fer cylindrique, rectiligne, terminée eri
d'escargots qu'il enterre aux quatre coins du Duwo, en ayant soin de laisser
d ( ... .. r.. . ...... -""""'
...
c-
.-._- ......

apparaître deux centimètres de pointe. Cette dernière formalité est un hom-


mage aux vod1i des quatre coins de l'espace. Après la mort du Bob11à qui a all3le ......... ..
édifié et signé ce Duwo, son fils, s'il lui succède, déterre les quatre coquilles
de son père, les vide et y verse le ys de son propre Fa : sa signature, en
quelque sorte. Après quoi, il immole une poule. ko(graine).. ..... '
Le Dnwo étant considéré comme une divinité, des sacrifices lui sont
offerts. Le devin consulte à l'avance pour savoir ce que demande le D11wo:
cabri, poulet, etc .. Une cérémonie au moins par an doit avoir lieu en son
av!) nu ........... J
han neur.

Nous n'avons pas cru nécessaire de recueillir d'autres témoignages. B


En résumé, le D11wa est une manifestation du culte rendu aux membres
défunts de la grande famille des Bob11J. Divinité tutélaire de son possesseur,
il sym balise la totalité des signes de la divination, de tous les esprits supérieurs
bénéficiaires des sacrifices prescrits par Fa. Cette concentration permet donc
au devin et à la clientèle de réaliser une sérieuse économie de frais et d'ef-
forts. c
AsË ACRELELE.

Devant le Duwo et dans le hdo se dressent les asè acrtlele. Ils sont géné-
ralement nombreux, car plusieurs d11 en réclament l'érection. Chez quelques
vieux devins, le hdo est hérissé de petits ou de grands asè '.
Le mot acrelele évoque le bruit que font les clochettes en fer lorsqu'on
A
agite l'asê. Mais son véritable 110111 est celile (Y), bienfaiteur. Comme les
FIG. 8. -- Ase c~ aligle.
clochettes dont sa tige est pour ainsi dire revêtue le rendent sonore, certains A. Asè acrelele ; les aligle sont implantés par 3 ou par 4.
ont pris son nom, déformé, pour une onornafopée destinée à rappeler le B. Asè godokpo11à ou zlis<'. c. Petit z1isi', demeurant au foyer.
bruit qu'il fait lorsqu'on le plante dans le sol : crelele !
pointe pour pouvoir être fichée dans le sol. Le long de cette tige, quatre
On le nomme encore asè alïgle, car aligle signifie sonnette, - ou alïgletô,
wnes d'implantation régulièrement espacées groupent chacune quatre clo-
c'est-à-dire : qui a des alïgle (autour de sa tige pointue).
chettes à battant intérieur, retombant verticalement. Au niveau du sol se
La légende fait allusion à un palmier qui aurait eu seize petits implantés
trouve une cloche. A la partie sup~rieure de la tige, un clou en fer travaillé
r. A sè : tu adores, c'est-à-dire : ce que nous adorons, ou : ce grface à quoi nous ado- (le plus souvent t'arré) se détache à angle droit, puis se recourbe vers le
rons. Autre étymologie : mi-sè, viens adorer. Si! signifie vénérer, sisè désigne l'action de
haut, perm..:ttant de saisir l'asè lorsqu'il sert de canne, et d'y appuyer le poi-
vénérer. L'informateur ajoute que l'on n'adore pas l'asè, mais ce qu'il symbolise. L'a.<ë est
bien une« assiette>>, comme l'<i dit A. LE HÉRISSÉ, op. cil., Appemlicf., IV, p. 363. On défi-
1. Gedegbe ignorait_ cette tradition.
nit l'asè : si-nu-ka, calebasse polir boire de l'eau ; c'est la calebasse des ·voi/ii et des mort5,
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES INSTRUMENTS ET LES ACCESSOJRES DE LA DIVINATION 177
gnet ou l'avant-bras pour se re11oser d'une marche. Lorsque cet asè se trouve C'est un objet tronconique en rorme de cloche, renfermant un battant.
parmi les di\·e1·s objets du Fagl>irn1 où il est honoré, on st1spend en général Il tiCrt uniquement, comme son nom l'indique, dans la forêt sacrée, où le
au clou une petite calebasse en for111e de courge, où se trouvent divers /i(1vi le porte, Il symbolise alors la recherche des feuilles médicinales, qui
re111èclcs en poudre. . cnt une des attributions de Fa et de ses prêtres. L'objet est ensuite piqué en
L'11sè 11ac/ele est le b:îtun de Fa. Il précède les cortèges qui se rendent au liH'l'C dans le l'i.do du devin ou auprès de Fa.
bois sacré, et représente la canne de marche de tous les grands prêtres de Lorsque le Fa-i·i ou le devin donnent à manger à leur Fa, ils installent le
Fa dt'funts, les Bok;;11tilôtô, unis dans la solidarité du cülte dt' Fa. Il per111et ~ns~ comme une sorte de témoin derrière celui-ci.
de donner:\ boire symboliqucmrnt aux devins morts. Le prêtre verse sur le
ch:qwau de l'asè le liquide offert, gui coule jusqu'an sol. On remarque parfois, plantée dans le Fagbasa de certains devins, une
Une légende du signe Guda-Môji' évoque les rapports qui unirent à lige de bois en forme de grosse canne, dont la partie supérieure est fourchue.
l'origine Fa et l'asè acre/de : Ll~S devins âgés s'en servent pour marcher; lorsqu'ils sont fatigués, ils s'ar-
J"- J'Ôlcnt et reposent leur avant-bras dans la fourche. Les vod1î11à possèdent un
Quand Fa apparut pour la prerni0re fois sur terre, il demanda qu'oll lui trouv:ît un
objet analogue, dont se perd l'usage.
esda'.'e pour Libourer son dwrnp et versa une certaine so1111l1e ;1 cet effet. Ü!l lui adieu au
marche un escla"e nommé As1'-ilffi•le/e, et on le lui arnena. Fa l'ellvoy:1 :1ussitôt dans son On en use comme d'une canne ou comme d'un bâton de sacrifice; on
charnp pour couper de l'herbe . .Âs1', :1ll mome!lt de commencer son tr:11·ail, s'aperçut qu'il l'(!mporte pour faire des talismans, donner des recettes. Pour le rendre
allait couper l'herbe qui guérit Li fiè1•re. Il s'écria : • impos>ible de couper celle-ci! Elle est ln!luent, il faut lui immoler des coqs ou des poules; il est alors consacré au
trop utile». La sec011Je herbe qu'il a1·isa guérissait les maus de tête. Il se rei'usa aussi il la
détruire. La 1roisième supprimait les coliques ... « En vérité, dit -il, ji: ne puis arr:tchi:r des
rilHvice de celui qui a fait le sacrifice et qui s'en sert. On l'orne d'une petite
herbes si nécessaires ». rnbe blanche, qui le couvre en son milieu comme 'un cache-sexe. Sous la
Aussitot on alla rapporter :1 Fa que son esclave se rdusait il couper des herbes qui a1·aient robe se trouvent des feuilles de Fa. L'informateur explique : comme ce
toutes une grande valeur et contribuaient il tenir le .corps en bonne santé. Fa appela Asi'-
hhon représente le devin, on ne peut le laisser aller tout nu. De plus, des
11crel1•/e et le pria de lui montrer ces pl:mtcs précieuses. Et quand il eut tout entendu, il
décidr qu'As,• n'irait plus tra\·ailler au champ, mais demeurerait auprès de lui pour continuer feuilles et divers objets se dissimulent aisément sous ce vêtement. Ce bâton
à lui expliquer les ''ertus des plantes, de' feuilles et des herbes. lhurchu est nommé avla-!1po (fourche-bâton) Il est censé protéger son pos-
1

Depuis :e temps, Fa et AsJ sont inséparables. Si Fa quitte le F11_r:/!,)s<1 1 il est toujours accom-
u1.:sseur.
pagné par Asc. Et lorsque l'on consulte Fa, AsJ-acreltle est toujours planté en terre au lieu
de la consultation '· Beaucoup plus fréquent est l'adra-de-l(po, le bâton qui enlève le malheur,
dont l'_installation au Fagbasa est prescrite à la suite d'une consultation ou
Si le devin se rend en un lieu où se présente une situation délicate, il pnr le Fa du Fazü. Le prêtre s'en sert comme d'une canne au cours de ses
peut enlever du Fagbaji l'asë-acrclele. S'en saisir en cette circonstance équi- déplacements, pour éloigner le malheur de sa route. La partie centrale est en
vaut ù inviter tous les plus anciens prêtres de Fa défunts ~i accompagner leur ~énéral ornée d'un petit morceau d'étoffe recouvrant des feuilles liturgiques.
collègue vivant, et à l'aider à r~u3sir. l)cs sacrifices lui sont offerts. On sculptait autrefois des adra-de-kpo à seize
A la mort du Bobnà, on tue des coqs pour honorer cet objet, on lui offre ~rochets retombant en bois, à chacun desquels pendait un fragment de
des piments et tous ses interdits. Une fois désacralisé, il est jeté ou détruit. ~11lebasse portant inscrit un des seize signes principaux.
Un autre asè, très simplement exécu.té, l'asè r;odohpo11à ou zii-sè, voisine
2
avec le premier. L:GllA AGBÀNUKWË •

1. 111/1-.1, deuxième partie, chap. II, neuvième signe, p. 499. Le symbole de Lëgba se trouve, chez les Nago, auprès du Fa, dans la
2. As« se dit en nago n1ï11l, nom qui désigne le « dieu de la médecine·». (A. 13. ELLIS,
1, Av/a : en réalité avnla. On dit aussi kpo-a·ula-toliiN (b<îton-fourche-double), l.'f!o-avfo-nô
op. cil., chap. u, p. 79. - S. S. FARRow, op. cit., chap. vm, p. 103. - D. ÜNADELE EPEGA,
op. cil.,chap. xv1, p. 35,etc .. ) Le mot a franchi l'Atlantique et se retrouve à Cuba:« Osaïn, (li1\lon-fourche-appart.) et 11vla-k/>o-g'. Certains prononcent abla-kpo.
le Saillt des Herbes, le Saint qui sait tout» (L. CABRELlA, o/>. cil., p. 218), et au Brésil: 2, Encore nommé. aglni-11ukà (bagage-devant Fa), ou Fa-LEgba, LEgba de Fa. J. SPIETH,
« Agé-clmluga, Ajd e Ocha11bi11, deuses de medicina »(A. RAMos, np. cil., chap. 1, p. 39). orthographie (( legb.i-agba--ngge )), (Die Religio11 . . , op. cil., chap. III, p. 199).
1
LA GEmIANCJE A L' ,\::\CIE>:>:E coTE DES EsCLA VES LES INSTRUMENTS ET LES ACCESSOIRES DE LA DIVINATION 179
chambre du Favi, et, s'il s'agit d'un BobmJ, au Fnghasa ou sur le Fal~piï'l. Jillcs participent au mystère de la divination et reçoivent parfois le nom
Chez les Fon d'Abomey, il est installé. soit dans la chambre du }à;:i, auprès Ù;ll\C 'de-kï (sorcier palmier-grains), graines sorcières, graines des sorciers, car
du Fa, soit au Fag/!asa. soit à l'extérieur, près du portail tllus sont censées tout voir, comme les magiciens noirs. On les nomme le
de la case ou du compound. Il semble qu':1 Abomey on 11lus souvent de-lei ou de-küii 1 •
ait cherché à étendre Je périmètre qu'il surveille : au lieu (,o palmier de Fa (Fa-de) est d'une espèce spéciale 2
• Le nombre de ses
de garder seulement le Fa, il protège la maisonnée entièn! .~
et chasse les maladies. Mais il est essentiellement le gardien
du Fa du Favi, et le renseigne sur les volontés de Maw//,
C'est un défenseur, un gardien et un agent de liaison. Lo
Fa du Favi et le Lgba agbànukwè sont dans un rappol'l
étroit de dépendance.
Matériellement, !"effigie se compose d'une petite statuette
à forme humaine en argile pétrie (ka). Elle porte sur la tête
des plumes, une aiguille, un petit asè gvdol~/>0110, un couteatl
làsaxlih:. et un là/17 ' (fig. 9 ). Au cou est fixé un collier de
seize ou quarante et un cauris. La statuette se trouve dans
une jarre (asihwèhgbii), et l'ensemble est recouvert par une
jarre pl us grande (wuhgbà), percée sur la même horizontale
___ a
de deux trous écartés de cinq à six centimètres, que l'on
nomme les yeux (nu/ni) (fig. ro ). ,
FIG. IO. - LËglm agbtînukwi!.
Il 11, jarre wulegbtî. -- b, jarre asihwélegbti. - c, effigie de Legba en terre. - d, plumes. -
LE MATÉRIEL DU BOK:JNÔ.
v1 11s1l godokponà. - [, l1ilü. - g, aiguille. - h, couteau hisaxliks.
1

1. J. SPIETH, .Die Religion .. , op. cil., chap. m, p. 191, emploie le mot « Afaku » ; on
L'ei1sernble des objets cons;~crés à Fa, placés soit au Ftt·
prononce, selon les régions, kii.J!, lû et kit (graine, fruit).
gbasa, soit ailleurs, porte le nom de Fa-na, choses de Fa. A 2, Fa-de est le palmier de Fa, (Elaeis guiueensis, var. idolatrica plutôt que spectabilis,) lt
la surface de certains d'entre eux, l'huile de palme, l'alcool, folioles soudées, dont on ne tire pas d'huile. On le nomme encore hù-de (F), palmier du
les petites plumes, le duvet et le sang des volailles sacri· 11odf1 1 et 9/lpeife (Y); cf. J. SPIETH, Die Religion .. , oj1. cit., chap. m, p. 193: "in Dahome
hllllc, in Yoruba aber kpëfe '" - li est décrit par Auguste CHEVALIER. Documents sur le Pal-
fiées, une poudre blanche (/nue) et diverses « nourritures>> 111/or d Huile. Paris, A. Challamel, 19 IO, ch ap. v, pp. 57-5 8 ( V,rr idolatrirn, A. Chev.) et
forment un enduit qui est loin d'être considéré comme une jli\I' Paul HUBERT. Le Palmier 'à Huile. Paris, 1-1. Dunodet et E. Pinat, 1911, chap. 1, p. I 5, et
FIG. 9· - T<ilti.
Le modèle était souillure, et porte le nom de cskps. ~hnp. 11, p. 39. - La pulpe de ses fruits est entier~rnent rouge.
en argent et appar- I.e Ss-de (Elaeis guiueensis virescens) constitue une variété dont on tire d·~ l'huile. Son fruit,
tenait à une jeune Le.i 11oix de Fa. lu"qu'à maturation complète, se distingue de celui des autres par la couleur verte de sa
fille. L'anneau est pnnie supérieure, et par sa noix qui n'a que trois pores. Certains devins paresseux se con-
facultatif. (Musù Tout devin possède une réserve de noix de palme spé-
de l'Ho111111e, Paris). IVnlcnt des noix du Se-de, plus con1111un que le Fa-de. A. CHEVALIER le décrit (op. cit.,
Grand. nat.. ciales, prêtes à être remises aux Favi dans la forêt de Fa. oh11p. V, PP· 60-65), mais emploie il tort le terme (( Sidé=Kissédé >>. On dit kzH-de, palmier
du perroquet /me.; celui-ci se nourrit volontiers des fruits du régime, dont sa queue rouge
1. Selon la légende, k tàlü a été fabriqué en fer après que tous les autres objets en fer rnppclle la couleur rouge orangé ou rouge vermillon des cerises, et le vert de ses plumes se
eurent été inventés; sa forme le rend inutilisable, « pour faire comprendrè que l'on ne pou· confond avec celui des feuilles du Se-de. Les variétés S€de Fade, S€de voci, signalées par le
vait plus rien fabriquer de nouveau avec ce métal '" Le ti1lü relève de Légba, comme tout ce mOme auteur (p. 65); semblent n'exister ni dans le vocabulaire, ni dans la nature : on dit de-
qui ne sert à rien. ttoci, de-dugbakü. Les fruits de ces palmiers sont caractérisés par un endocarpe subchamu très
mince. (Du-gba-kù : manger-écraser-graine, la dent écrase [le fruit sucré] jusqu'à la graine).
\
180 LA GEOMANCIE A L' ANC!Et\N E CÔTE DES ES CL A\'ES LES INSTRUMENTS ET LES ACCESSOIRES DE LA DIVINATION r8r

branches est indifférent. Son fruit n'offre pas de caractère particulier; la La question des noix à plm de trois pores divise les Bobnà du Bas-Daho-
noix dépulpée présente deux à six pores, que l'on nomme n11k17, yeux. Les mey. Nul n'a jamais donné une explication définitive de cette anomalie. Un
devins recueillent toutes les noix du Fade. Bien que le nombre quatre soit devin de Tori (banlieue de Porto-Novo), que nous avions prié de nous pro-
agréable à Fa, ils donnent des noix à· trois pores aux aspirants Favi, à cause cmer des noix à six pores, nous fit le récit suivant : «je suis allé voir un
du rythme ternaire : b;i/11, bJy, b;ic-. '. Certains affirment que les Fa compo- nmi Babalawo à Pobé (Kp;ibe), nommé Ojo, car je le savais capable de m'en
sés de noix à quatre pores sont extrêmement exigeants et réclament de remettre, mais il ne m'a pas dit où il les prenait. Je lui apportai deux
nombreux sacrifices sanglants, à défaut desquels ils s'en prennent au sang poules, deux litres de sodabi (alcool de distillation clandestine du vin de
du Favi, qui est perpétuellement malade. pnlme), quatre colas, du poivre atakiï et douze francs cinquante. Je passai
Les noix à six yeux sont une surprise du la\·age. Certains les mettent de rrois jours à Pobé, puis je dis à Ojo: je retourne dans mon village. Quand
côté pour les donner ;\ un Favi particulièrement riche, à un chef. puis-je venir prendre les noix? - Il faut, me répondit-il, que je me rende
Comment a lieu la préparation des noix de Fa? l\llprès du palmier et que je discute avec le Babalawo du lieu. Je ferai un
>
N'importe qui, même une femme, pè>ut cueillir le régime d'un Fade. Lors- 81\crifice avec ce que tu as apporté. Ensuite, je grimperai à l'arbre. Après la
qu'il est tout entier desséché, on détache les noix, dont le gros de la pulpe cueillette, je chercherai seize feuilles de Fa ...
est retiré au couteau. Après les aYoir laissé séjourner dans une assiette pleine Une jarre spéciale est apportée dans la maison du devin de l'arbre. Il faut
d'eau, le devin les frotte entre ses paumes pour ôter ce qui reste de pulpe, y déposer huit feuilles et verser sur elles les noix cueillies. Le devin couvre
pùis sur une meule ou contre un fragment de jarre cassée pour extraire les le tout avec huit autres feuilles appropriées. Il prend alors son Fats, étend la
fibres, (Fa-da, cheveux Je Fa,) et leur donner une apparence noire et poudre ys, y inscrit les seize signes capitaux de Fa. Ramassant cette poudre,
lisse. li la verse dans une jarre remplie d'eau.
Quelques devins croient bon d'offrir aux noix ainsi préparées des feuilles Si le visiteur est pressé, les noix sont extraites de la jarre le huitième jour.
liturgiques l:i11uii, de l'huile de palme, du poisson fumé, de la chair fumée Sinon, elles restent dans l'eau jusqu'au seiiième. On compte alors celles que
des rongeurs glèti et gbeja. Cette préparation, à leur avis, permet au Fa de l'on désire emporter. Tenant chaque noix contre le gras du pouce, le Baba
dire toujours la vérité. Le glèz..i Yit dans soa trou, sort le soir et vole. /tlwo la rabote sur le sol, afin de la dépouiller <le son enveloppe fibreuse.
Il est censé donner la puissance à Fa, et si un serpent le mord, c'est Puis il la rince à .l'eau. Cette eau est jetée en un endroit où l'on ne fera
le reptile qui crèvera. Il passe pour manger Je tout, même de l'éléphant. lnmais de feu, sinon l'influence de Fa serait consumée, et celui qui gar-
Quant au gb1·ja, il sert ,\ préparer des médicaments pour la fécondité des 1lcmit les noix n'aurait en réalité que des objets sans valeur : car Fa abhorre
femmes. le feu. C'est pourquoi, après la cueillette, on ne jette pas les noix dans de
Ces préparatifs peuvent durer deux ou trois jours, bien qu'ils ne donnent l'eau bouillante pour les dépulper : on les fait macérer dans de l'eau froide,
pas lieu à des cérémonies particulières. Mais la plupart des devins se bornent nvec des herbes qui accélèrent la décortication. Par ailleurs, lorsqu'on con-
à lisser les noix et à les installer aussitôt dans une jarre, où ils les con- HUltc Fa, c'est qu'un malheur menace ou est arrivé : ce malheur est comme
servent sur un lit de feuilles de Fa. Un feu qui consume, et Fa nous donne la paix intérieure, nous cc rafraîchit ».
Lorsqu'un aspirant Favi se présente pour aller au bois sacré, le devin De la poudre ou les seize signes furent inscrits est répandue sur les noix:
compte deux fois dix-huit ndix, c'est-à-dire deux mains de Fa, Fa-ala we, et ollcs sont consacrées >>.
lui en fait remise. Les devins versés dans la magie donnent, au sujet des noix à plus de trois
youx, les renseignements les plus contradictoires. Ils les assimilent à des
1. lnfra, pp. 183, 286. Le sens de ces mots nago serait: j'ai accompli le sacrifice: ala ba lu,
rois, à des rois vindicatifs et exigeants. Ils ont besoin d'esclaves, affirment-
le sacrifice m'a réussi : ala ha vs, k sacrifice me donnera de l'acs : ala ba ci-c<. Et le prêtre
répond au sacrifiant : agbo, tu. vivras longtemps; ata, tes désirs seront r~:.ilisés ; arnle Woli- lln, - c'est-à-dire de noix ordinaires, - ·en vertu <lu principe de hiérar-
Ofù ~mi aye E io si 1ia, le signe Woli-Fu a dit que ta Yic sera bonne. chie. Ces esclaves «gardent la maison des noix-rois, :orsque celles-ci sont
nbscntes lors d'une consultation >>.
182 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE COTE DES ESCLAVES LES I~STRUMENTS ET LES ACCESSOIRES DE LA DIVINATION

En fait, les noix à six yeux - ou même à quatre - remises au Favi On recrouve ce dernier nom dans la formule suivante, par laquelle on
dans le bois sacré, serviront plus tard, lors des sacrifices. Avant d'immoler pt:!ut remplacer, ayec plus de pompe, la numération par b:il11, foys (ou by),
un cabri en l'honneur de Fa, le devin approchera ces noix, << qui demandent /1,1n (ou bxir:.) lors des consultations et des sacrifices
du sang))' de la tête de l'animal .
Il semble, en définitive, que la question n'ait pas une importance consi- a lti 2 ci
e 'il'a 2 la
dérable: ce n'est pas la qualité de la noix, ni même la noix tout court, qui
constitue l'élément capital d'une consultation, mais uniquement le fait que l' fil J g1id11
le jeu de noix divinatoires a été consacré dans la forêt de Fa. cc Ces noix, e. ji U:.
disait à Abomey G:.d~gbë, sont entre mes mains comme le stylo dans les e ko l.·â :ifi dà
tiennes : j'en puis changer et arriverai quand même à mes fins, pourvu adele icd11 ljà (Y).
que toutes soient consacrées )) .
En prononçant le premier \·ers, le J3ob11ô compte et met;\ part cinq noix;
De même, la plupart des objets de Fa (Fanii) n'empruntent leur carac-
ttllr chacun des Yers sui.Yants, il dénombre cinq, trois, trois et deux noix.
tère sacré qu'à l'opération finale qu'ils perJ}1ettent de réaliser. Deux seule-
Ces deux dernières sont les (lde!Njà.
ment sont consacrés, et considerés comme des vodà : les noix du Faz_ù et
De même que la formule !JJ/11, /!Jy:., foc:., celle-ci permet à la fois de
l'ag1i11wga.
~ompter les noix et de saluer le Fa : on le fait en six cc paroles J> au lieu de
Coupes à noix de Fa. l l'Ois.
Il existe au Musée historique d'Abomey un objet composé d'un pied
Les noix de Fa reposent dans des coupes monoxyles ù pied sculpté, dont ~ylindrique en bois, de cent quarante-huit centimètres de hauteur, soutenant
certaines sont d'une technique admirable. Les originaux deviennent de plus llll fléau horizontal fait d'une planche étroite, de quarante-deux centimètres
en plus rares 1 • Elles vont par paires sexuées et contiennent chacune seize huit, dont chaque extrémité porte un récipient hémisphérique en fer,
fllll"
noix : hmà, h111âsa. On ajoute deux noix de plus par coupe, pour repré- en forme de calebasse, de quinze centimètres de diamètre et de sept centi-
senter le Fa de l'enfance, Fa-kiùi-we 2 ; on les nomme alnuii ou Fahwti (F) et mètres de hauteur. Le bord de la planchette est orné Je pendentifs en forme
adele (Y) i.
de fusils. Cet objet, imitant sans doute un Uw du Fagbasa royal, s.emble
destiné avant tout ;\installer les noix en un abri élevé, pour bien marquer
1. M. J. et F. S. HERSKovrrs n',ont cité que trois des objets nécessaires à la consultation,
ceux qui ont un intérêt artistique : « One of these abjects [necessary for divination] is a leur importance 1 •
cup for the palm-kernels uscd for divining, always fine\y carved if the mcans of the consul- Ces divers récipients portent le nom de Ha ou hh (F) et d'igbafa (Y).
tant or his persona! artistic gifts permit such a possession. Another is a carved stick, eight or
Les plus petits sont contenus dans la calebasse où le devin a installé son
ten inches long, with which to call Fate, and this is supplemented by a second stick, also
carved, ending in a wooden bell, which has similar use. Finally, there is a board on which Jin. Les grands /sis sculptés se rangent à proximité, dans un coffre ou il
the di viner makes his lines as he throws his kernels. This is edged with a carved border figur- découvert.
ing the symbols of the cuit, and is always worked with consumate artistry ».(The American
Magazine of Arts. Washington, vol. XXVII, n° 3, March 1934, p. 126/1 et /2, et phot.
FAGBÀ, récep!ac/e de Fa.
pp. 124-126). - Cf. aussi L. FROll'ENIUS, qui a longuement décrit ces objets sous le nom
nago d' « Adjelle-Ifa, abgekürtzt Adjele-fa ». (Op. cil., Bd. I, chap. xm, p. 274, et fig. L'usage du coffre nago à quatre compartiments, destiné à contenir le Fa,
pp. 259, 261 et 265. Id., Kulturgeschichle .. , op. cil., 'J.àf 88, r 13, 128). -Ed. FoA, of>. cil., est peu répandu au Dahomey. Il existe une sorte de grand plat, nommé
pp. 228-229, pl. v, fig. 3. - A. L. d'ALBÙCA, op. cil., chap. rx, p. r 39. - E. MrnwART, op.
cil., couverture illustrée. - C. KJERSMEIER, op. cil., vol. II, p. 20, pl. 21-23.
llllmber of Ikins in his bag or from the face of his consulting bowl for consultation and
2. lufrn, chap. VII, p. 272.
lllvination. This one, left behind, does the dqty of a kecper of the housc for bath himself
3. Adeleifa ou adele icëlu !fit. J. Jom;sox, op. cil., chap. m, p. 21 : «An .ft..delé, or a
1111il his comrades till thev should be returncd to their places again >J.
1. Il est regre:table l]L~'un catalogue méthodique des objets contenus en ce Musée n'ait
« Watch Akin », is that which happens not to be taken up with the rest by a consulting
priest, when he takes with one grasp of the palm of his right band 16 and r Odn~ from the
pns encore été dressé, Il est de notoriété publique que des pil:ces intéressantes ont disparu.
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES INSTRU~IENTS ET LES ACCESSOIRES DE LA DIVINATION

Fagbà, plat ou assiette de Fa (ou Fakpakpo, ou au·ofa) (fig. 1 r ), divisé en cinq Jont les bords, presque toujours sculptes, sont légèrement plus épais à la face
alvéoles contenant le Fa mâle, le Fa femelle, le kpali, le Fa amasïnu de ln lllpérieure, afin de retenir la poŒdre yc: qui est versée et étalée en son centre
femme du Favi, <les étoffes, des làflè. L'alvéole central est réservé au kpali, llYilllt toute consultation '· Au milieu d'un des grands bords, si le FatE est
les quatre autres semblent correspondre aux quatre points cardinaux. L'exté· roctnnaulaire,
0
et
C'
en un lieu quelconque du bord, s'il est rond, se trouve
rieur est peint en blanc et le tout est recouvert.
1
,
R611éralement sculptée une tète humaine stylisée, qui déborde du cadre
ll!lllpté vers l'intérieur, ou dont le menton est tangent à la partie interne de
FAn:, plateau divinatoire. GU cndre.
~% La forme ronde est d'origine nago. La forme rectangulaire curviligne con-
Contrairement à l'opinion et à la traduction communes, Frit,_ ne signifia
Gi\VC est employée de façon générale; elle reproduit sans doute un motif
pas : plateau de Fa, Fa-ats. At'- avec un c: long, d'un ton pl us élevl: (cuku, J4i.:oratif classique des pays musulmans ', reconnaissable dans la forme
Y), désigne le plateau tressé où les femmeA . donnée aux planchettes des enfants dans les écoles coraniques '· Quoi qu'il
étalent pour les chalands ce qu'elles apportent Oil soit, elle l:voque Jes quatre points cardinaux, comme la forme quadrnn-
au marché. Le mot tê (Y) de Fa-ts évoqua Rlllnire des maisons.
l'idée de presser du doigt, ou des doigts. Ln . Il n'est pas toujours nécessaire de « fouiller Fa» sur un Falê sculpté.
pression exercée par la main entière ou ln Certains inscrivent leurs signes sur un fond de bidon d'essence, qu'ils
paume se traduit par zï sur le plan vertical, découpent pour lui donner une forme circulaire, sur une assiette, sur n'im-
t1/. sur le plan horizontal. Le devin qui, avant porte quel support où ils étalent le ys ~. Le signe Gbc-Sa défend même à ceux
de con su !ter, prépare en les étalant sur le
sol les objets divinatoires, accomplit l'action 1. Camp. les planchettes de Madagascar : " ils squillent sur vne ph1nchctte couucrtc de
de Fatit:. (avec le premier ë ), et ce Ile <le dut il& inblc, sur laquelle ils forment leurs figures avec le doigt, en observant le iour, l'heure, le
FIG. 1I. - Fag1Nî.
mois, la Planette, & signe qlli domine sur l'heure en laquelle ils squillent, en quoy ils sont
(ayec le second) lorsqu'il inscrit les indices Ires-bien versez '" (Le Sieur de FLACOURT. Hist.iire d1• la Grande lslf. Madag-aJcar. Paris,
divinatoires en imprimant la pulpe du médius dans le Jê 2 • Le mot Fats jORn Henault, 1658, chap. XLII, Des 0111/>iasses m gmeral fi quelque cbou de lrurs r111111iere de
désigne donc littéralement un objet consacré à Fa et destiné à recevoir la Sq1dle, et astrologie iudiciaire, p, 17 2, et Ct>l/{ction des Om•rages A 11ciem co11cerna11I M,1da,l!as-
rtll', publiés sous la dfrution de. MM. Alfred Grandidier, Charles Roux, Henri Froidevaux et
pression du doigt.
G. Grandidier. Paris, Union Coloniale, 1913, t. VIII, p. 245).
Le Fatz, - en yorouba at:.-lfa ou allpô-lfa i, - est un plateau de bois 2, Elle pourrait s'inspirer, nous dit-on une fois, de la forme prise par une peau d':1nimal
circulaire (tE·godo) ou en forme de rectangle curviligne concave (lz-z_wwenô) 4, dth-ce aux quatre coins par des chevilles Oll un c:1dre en bois, pour le séchage.
3. A. B. ELLIS, op. rit., chap. II, p. 59: «For the consultation of Ifa a whitened board
1. E. MmtwART, op. cil., p: 17, en signale un à deux compartiments, et noir: «Poterie 18 cmployed, exactly similar to those used by children in Moslcm schools in lieu of slatcs,
nnÏl'e. - Parmi ces vases, de fabrication plus spécialement yorouba, se distingue une sorte de About two feet long and eight or ninc inches broad n (soit 60 X 20 cm. environ). Cité sans
soupière il couvercle; l'int6rieur est divis~ en deux compartiments ; c'est le fagfo11, qui sert commentaire par R. E. DENNET'J', op. cit., chap. xv, p. 148. - S. S. FARROW, np. cil., chap. 1v,
aux rites du Fâ ». - Il semble que G. GoRER ait voulu décrire un de ces objets en notant: p. 38 : «A divining bowl, i. e. an engraved circular board, or a rectangul<lr one, with a
•a hox containrng Fa's wife - which looked like four half cocoanuts in earth - »(op. cil., hnndle, siniilar to a Mohammedan writing tablet •.. n (suit llnc figure).[/>., chap. v11, p. 88.
liv. III, p. 204). - Cette phrase rappelle R. F. BURTON, ap. cil., chap. x11, p. 332 ; et J. A. SKER'l'CHLY, op.
2. Cette distinction nous apparut en faisant remplir des fiches dactyloscopiques. Ceux cil., chap. xxv1, p. 474 : «The book of fate is a board about two feet long and six inches
dont on demandait les empreintes s'entendaient dire: t'alovi t11E (tE alovi 111E), appuie ton bl'Oad, with a handle atone end. One side of this con tains sixteen series of marks called the
doigt dedans. Signalons d'autres IE signifiant : antilope, quel, enflure, abcès, bosse, et ldE, « mothers »,and the other, a similar number of« children », formed by the combination of
coller. the mother's marks ». L'auteur a-t-il pris un calendrier ou même un lol1po pour un Fatz? -
3. S. S. FARI\OW, op. cil., chap. 1v, p. 38: Opo11-Ifa. ]. TEILHARD DE CHARDIN, à qui l'on aurait su gré de traduire effectivement SKERTCHLY,
4. Les Fa/E en forme de demi-lune (ië-sü) sont rares an Dahomey (L. Fl\OBENIUs, op. cil., rcproduitcette description. (Op. cit., chap. vu, p. 155). -J. BERTHO, art. cit., parle éga-
lement d'un cc manche sculpté» ; nous n'en avons jamais Vll chez les prêtres de Fa.
Bd. I, chap. ;<111, fig. 2, p. 275). - E. MERWART parle Je Fats ovales (op. cit., p. 9). -
TE-,{(odo, plateau rond «comme le soleil » ; ls-\_o-ene-110, plateau des quatre points cardinaux 4. J. SPIETH, Die Rel(i;io11 . ., op. cit., chap. m, p. 200: « In nellerer Zeit werden wohl
( w•kE-zwenmô). · auch Schiefertafeln benüzt '" - BEAUGEXDRE, Missionn;iire, décrit à Lagos une consultation
'
)
H 1

186 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES l~STRŒIE'.\TS ET LES ACCESSOIRES DE L~ DIVINATION

qui l'ont trouvé dans le bois sacré de consulter sur un plateau en bois, car il (111 n une épouse, qui a nom Aje "Celle-ci, en !'absçnce de son mari, remarque le matin,
Qll KOrtant dans sa cour, le Lgb.t qui y est installé et 111,1nifeste un durable priapisme. Cn
a horrèur du bois, et une de ses légendes fait allusion à un certain bélier
l1P1lll jour, étonnee de cette performance, elle ne peut s'empêcher de s'écrier : tiens, Legba,
gui enferma son ami Oci dans une caisse. oncorc ?- Lgba ne se trouble pas pour si peu et riposte : qu'as-tu ù me regarder toujours
l1l lllcntule? Veux-1!'.ù coïter avec moi? - Et aussitôt la femme de trousser son pagne ù la
~elmure et de sè baisser. Lgba lui baille ce qu'il a promis, mais, sur ces entrefaites, Fa
Cette quasi-indifférence vis-à-vis de la forme, de la qualité ou de la rul'lcnt au logis, et surprend le couple.
matière du Fats terni à faire croire qu'il n'est usité gue comme un instru- Puisant contre n.1auvaise fortune bon cœur, le mari se décide ù ne pas chasser Lgb.1; c;ir
ment. Cependant, pour de nombreux devins, il possède une personnalité, ~elni·d est le récadère de Mawu, et Fa a besoin de lui. Plutôt que de ne plus dire la vérité;\ ceux

gu'il doit au caractère sacré de sa destination. Certains voient ~n lui un vodli


qui venaient le consulter, Fa préfère garder Li;ba près de lui et l'autorise ù rester c1 sur sa
l'~llllllC >>.Or, aje ou Fa-si-aje, est le nom du gros coquillage que l'on place auprès du F,1/ë.
et lui attribuent une influence propre. On dit, par exemple, gue si sa face 'l'~llc serait l'explication de la figure sculpt'éc de Leg/>11 sur les Fat•, selon Gb~-Lêt• du 1i1oins.
supérieure, celle ou le ys est étendu et le ou les visages humains gravés, Mnls on sait que les signes racontent bien des histoires!
était effieurée par les rayons du soleil, elle perdrait peu à peu son efficacité,
son caractère mystérieux de perméabilité à l'inscription correcte des signes, Quant au symbole du feu couronnailt ces têtes de Lsgba, il ne serait pas
C'est pourquoi, chez presque tous les devins, le plateau au repos est toujours Impossible qu'il fût d'origine chrétienne:« il ne figure sur les Fals, affirment
retourné, recouvert ou enveloppé, avant d'être déposé sur la calebasse du Fa quelques informateurs, et non des moindres, que depuis que les Blancs ont
ou son propriétaire le range d'ordinaire. ltlllt parlé de leur Diable, qui vit dans le feu ' >>.
Lorsqu'une tête est sculptée sur le Fatë, il est possible de parler d'un
endroit et d'un envers de la tablette, puisque la tête doit faire face au prêtre,
Il existe au Dahomey des Fats à quatre têtes sculptées opposées. Ces quatre
sur le grand bord le plus éloigné de ce dernier. C'est souvent près d'elle que
1Ncs correspondent aux quatre points cardinaux et représentent les quatre
sera posée la graine ajikiüî. premiers du: Gbe-Msji (est), Y<.lw-Msji (ouest), Woli-Msji (sud), et Di-
Selon la grande majorité des informateurs, la tête sculptée est celle de M1Ji (nord). Les Nago font à ce sujet des déclarations semblables à celles des
Lsgba '. Fa et Lëgba sont·, on l'a vu, étroitement solidaires: bons compa-
1:011.
gnons, ou maître et serviteur, en tout cas inséparables. Pourtant, des devins
Les plus vieux Bok':miJ du Dahomey dessinent à ce sujet la figure ci-après,
avertis nous ont affirmé qu'il s'agissait, non de la tête de Lsgba, mais de celle
dont ils ne parlent pas spontanément (fig. r 2 ).
d' Araba qui, le premier, cc fouilla>> Fa à Ifè. Les quatre points cardinaux y figurent dans leurs rapports avec les quatre
Une légende improbable vient à l'appui de la première explication. premiers signes de Fa. Mawuji désigne l'est, Li.raji l'ouest, vovolivwe ou
wolivwe (lieu ou le regard se perd) le nord, et Xuji le sud. L'horizoqtale
des plus .fantaisistes : cc L'aspect du temple était propre à inspirer un certain effroi. Une llNL-ouest. reçoit le nom de gbs-li-gbo ·(vie-chemin(crase pour ali)-graqd),
demi-obscurité ne laissait voir que les yeux de Eoumilaiye et des deux suppôts de Satan et,
çù et là, du sang répandu. Le féticheur avait dans ses mains une douzaine de noix de palme,
qu'il tournait et retournait, les roulant tanlôt une à une, tantôt toutes ensemble dans une 1• Coquille d'ovule, mollusque gastéropode .. Elle atteint une dizaine de centimètres. Les
poudre jaune étendue devant lui sur une peau de bouc >l, etc .. (Lettre du IO nov. 1872, in 1l~1•ins s'en servent pour faire des F.i.fo; elle passe pour être cc le rois des cauris».
Annales de la Propavtion de la Foi. Lyon, t. XL V, ann. 1873, n° 266, pp. 142-143). 2, D'autres, dont l'avis n'est pas non plus négligeable, pensent que ce ~ymbolisme est anté-
r. L. FRomrnrns, op.cil., Bd. 1, clrnp. xm,p. 276. ·-J. SPIETH, DieRl'iigion .. , ''/'·cil., rlc'm ù la prédication chrétienne, - qui remonterait, dans le Bas-Dahomey, à 1644 (H. LABOU-
chap. III, p. 200, y voit une tête de mort. - A. L. d' ALBÉCA croit reconnaître cette tête de 111!'1' et P. RIVET, op. cil., p. 17, d'après P. Rocco DA CESINALE. Storia delle Missio1111i dei
"diable » à proximité d'un symbole de Fa, sur les bas-reliefs des palais d' Abomey ; mais ni (,'11/1/mccini. Roma, 1873), -et qu'il évoquait peut-être la richesse et les vodù. -Cf. L. FRo-
Fa ni ügba n'y sont représentés. (Op. tif., chap. IX, p. 138). -·-Il est inexact de dire que llllNlUs, op. cil., Bd. I, chap. XIII, p, 262 : cc Sein eigenstes Element ist das Feuer, die
<C cette figure doit toujours être tournée du côté oppo~é àu consultant, car il est doué du 1ll11mme ... Seine eigentliche Wohnstitte ist bei einem unterirdischen Ina (d. h. Feuer). Man
man vais œil et il ne peut être considéré de face pendant 1:1 ~url:e de la consultation)), (Sou- lllfllC mir sogar, er wohne in Bergen, die inwendig eine lhu (d. h. eine Hohle) ha ben, die
CHON, Administrateur. Croya11ces et S11puslitio11s d.111s le B11s-Daho111ey. Bulletin du Cornit~ mil Feuer geCüllt sei. Von Z.:it zu Zeit breche ein Berg auf, und Edschu, der alte Mann -
d'Etudes Historiques et Scientifiques de l' A. 0. F .. Paris, 11° 4, oct.-d éc. J 92 r, p. 668). 111• gilt immer ais ein alter Mann - komme in der Flamme herai.is ".
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r88 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES INSTRUMENTS ET LES ACCESSOIRES DE LA DIVINATION

grand'route de la vie. Gbdigbo représente tout ce qui vit et tombe sous les Ot tout ce qui est sensible pendant la nuit 1 • Gbe représente la vie, Yeku la
sens. 11\0rt 2. Gbe est blanc, Yeku est noir.
La perpendiculaire sud-nord représente tout ce dont l'homme n'a que La ligne du monde invisible comprend de même le couple Woli-M~ji, Di-
M&ji, sur lesqurJs les renseignements sont fort contradictoires, puisqu'il
n111git d'un domaine où l'on n'accède que par l'intuition. On affirme néan-
4 Vovolivo moins qu'ils sont les frères cadets des premiers, et que M.awn leur a confié
11 Io soin d't:ntraîner les hommes fautifs dans l'au-delà. Ils sont réputés pour
lu~tr méchanceté, et le mystère où ils vivent accroît encore la crainte qu'ils
l 111 l11spirent 3. Wvli est bleu, Di est rouge.
Cette figure, connue des Babalawo yorouba 4, est assez mal comprise des
Il 11 1lcvins de Porto-Novo >, où il devient de plus en plus difficile de se procurer
110vieux1'àte à deux et quatre têtes sculptées. Quelques BabniJsavent qu'elles
i:orrespondent aux quatre points cardinaux : «c'est, disent-ils, parce que Fa
ç1mtrôle, commande, « fouille» les quatre coins du monde; rien, en ce

1. Quant à ces deux attributions, cf. iuj"ra, legen<le <le Fu-Meji, deuxième partie, chap. 11,
GbE - li. - 9bo ~uliième signe, p. 560-562. On retrou\'<.:rn Gbe-Msji et Yeku-Meji à la tête de l'univers
uunsible. Cf. l:galen1ent L. FRODENI us, op. cil., Bd. I, chap. xm, p. 282.
2. Comp. Robert HERTZ. Mdla11gcs de Sodologie Rei(!{iC11se et Follilorr, PrJe'minence de la 111ai11
1/1•oile. Paris, Félix Alc:.in, 1928, p. 109: «la cérémonie de/ira ... se renrnntre très fréquem-

~1
10
...J
111c11t dans le rituel <les Maoris ... Le prêtre forme sur un terrain sacre dèux petits monticules
dolll l'un, le m(tle, est dédié au Ciel, et l'autre, le fe111dlc, à la Terre; sur chacun d'eux il
\\rlge une baguette; la pn.:111il:re, qui porte le 110111 <le cc baguette <le la vie» et qui se trouve
,\ l'est, est l'emblème et le foyer de la santé, de la force et <le la vie; Ill seconde, la <c baguette
J~ la mort», située ~1 l'oucst, est l'e111blème et le foyer de tous les maux».
1111 3. Comp. Madagascar, A. et G. G1t.-\NDIDIER, op. cil., vol. IV, t. III, p. 4 50, n. 2 : « Les
points cardinaux ont chacun, dans l'esprit des Malgaches, des propriétés particulières, les
1 1 unes fastes comme le Nord et l'Est, les autres néfastes comme l'Ouest et surtout le Sud.
Dans l'Inde, le Nord-Est, qlii est le point oü se li:vc le soleil au solstice d'eté, est considéré
comme la "porte <lu Cid», tandis que le Sud et surtout le Sud-Ouest oü, s'i.'.!teignant de
1 1 1ilus t::n plus, il meurt au solstice <l'hiver, sont la cc région des méchants Démons et des
B~prits infrrnaux »; il en est <le même ù Madag,1scar oü les immigrants sémites (venus de

1111 l'Inde) ont apport~ ces croyances : on s'y tourne toujours vers le Nord ou vers l'Est pour
3 Xuji prier ... C'est au contraire dans le Sud et dans l'Ouèst, c< d'où vient tout le mal», que se
fout les alafaditnl ou cxorôsmes ».
FIG. 12. - WekEzo-we-le, les 4 points cardinaux. 4. L. FROBENIUS, oj>. cil., Bd. I, chap. xm, pp. 281 et 291.
5. Le Zû11ô ne voyait rien <l'anormal dans la quadruple figuration <le certains Fate : « ce
AOllt <les motifs destinés il embellir les planchettes, sans plus. Il y a évidemment des signes
l'intuition, le mo11de du mystère ou les sens n'accèdent pas. Elle porte le qui parlent toujours <les quatre points car<liuaux, mais leurs propos ne peu veut me revenir
que lors d'une consultation». Ce genre de réponse, dont nous ne contestons pas la sincé-
nom de là-ta-me (inconnu lointain-pays-dans), lieu du lointain inconnu ou
rité, nous a été fait plusieurs fois. Le devin n'est en pleine possession de ses moyens
de lo-dà (inconnu lointain-là-bas). Il s'agit du domaine de l'inconnaiss;ble. qu~ <laus l'acte di\•inatoire. Cela rnnli.rm.:: ce qui a été dit <lu côte surtout pratique de l'édu-
. La ligne du monde sensible est divisée en deux : Gbe-Meji représente le cation des futurs Bob110, et laisse deviner la part d'improvisation que comportent certaines
~onsultatious, lorsque, m0me dans l'action, la memoire fait défaut.
)Our et tout ce qui est sensible pendant le jour, Yeku-Meji représente la nuit
)

LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES INSTRUMENTS ET LES ACCESSOIRES DE LA DIVINATION

monde, n'échappe à la connaissance de Fa, qui parle de tout et de tous». sion passionnée s'en suit, qui dégénère en bagarre. Accusateurs et défenseurs de Legba échan-

L'un d'entre eux croit que Gbe-Woli correspond au sud. ent des horions. c . . . · · .
g , · b · · 1 · L- b 1 d'un coup de canne occit le pnncipal 1111111stre de
Une légende significative de Di-Guda est liée à cette quadruple représenta~ Comme l action atta1t son p ern, . .eg '' •, - . .. ' . nt vu orter le cou·p,
MEl?fôfl. Et aussitôt il tourne sa coi!lure sur sa te.te. Ce1t,11ns, qu.1 o p • 1
tion de Lsgba sur certains FatE.. '.I · l ' t p·is vu h s'ene sous le me me ang e,
Jointent le doigt vers Ls•>ba. Mais, es autres n ayan ' , , , 1 b Il
I b d b Et de bondir au combat de pus e e, et
la discussion reprend sur la couleur u onnet. . . ,
MEfJ/Jfi, le roi du pays d'lfé, avait un bouc (gbagba). d'oublier la femme et le principal chef du roi, qm ont eté tues· · · d .
L'animal possédait quatre yeux : deux devant, comme tous les animaux, et deux derrière, LEgba s'en va a 1ors trouver. 1e· rot· et lui dit ·· convoque tout ton monde pour emam
Les deux premiers se nommaient ac?le (garde la maison), les deux autres ac?de (garde
l'extérieur). Et ce bouc n'était autre que le soleil, qui gardait le monde pour ,'vht?làfi. Il se 111~~1~~ roi col.lvoque tout son monde. à l'heure dite. Et le len~emain, ~evfanl
t fies fd);?s.an~
nommait Gbagba Nul1ùsî '. · 1 · l'autre 1· our ie me suis a t ort agir a
11ssemblés LE"lm prend la paro e en ces termes : ' .' b . f· . ·l
Un jour, MEt?làfi convoque tous ses paysans et leur dit : vous voyez ce bouc? Il esl à moi. ' " d 'ï "ssc dire· c'est Le" a qui a ,ut cc a.
l'insu du bouc à deux paires d'yeux, e sorte qu 1 ne ~ui. . . · . _> . .
C'est lui qui vous commande. Vous ne pouvez rien coutre lui. Quoi que vous fassiez, mon Or 1"'ai tllé ta première femme, M•t?làfî, et ton principal m1mstre. V 0_1c1 _le chape,1 u quel 1e
bouc me le dira, car il a deux yeux derriàe la tête, ce qui lui permet de voir de tous les ' • . d'- ·d sur sa couleur. Amsi tu ne peux pus
portais hier et personne n a pu se mettre accoi d
côtés à la fois. dire que tu 'es seul à tout connaître dans le p;tys. Tes paysa'.15 peuvent assurément te onner
Lsg·ba, entendant ces paroles, s'écrie qu'il saura bien agir sans que le bouc le sache. Il des renseignements ou des conseils excellents, mais n'oublie pas. cette. aventure. I • l . 1
s'en suit aussitôt une vive discussion entre MEl?lôfî et l'interrupteur, chacun soutenant qu'il · l"t ·\ L-"ba · tu as dit vrai, et tu as e ( roit te
Le roi nrenant la leçon en bon ne pait, l l ' ·~ · . .
a raison. Enfin LEgbti, avant de partir, prononce ces paroles : moi, je suis LEgba, et s'il me ' r · · -, (c'est à dire d'obscurcir 1e so 1e1 1 en
l< manger le bouc.» qui a quatre yeux et qui ne voit rien -, -
plaît de faire quelque chose devant ou derrière ton bouc sans qu'il le sache, il ne le saura Interposant des nuages entre lui et nous). . b __ u
pas, bien qu'il possède deux paires d'yeux et que toi, ME!?làfl, tu prétendes qu'il peut tout is ce 1· our lorsque l'on fait un sacrifice important ù Leglm, on lui offre un ou<.. .o
Depu ' · · · L l ut remporter sa v1c-
voir. un animal mâle. Et c'est grâce aux quatre pomts cardrnaux que Eg hi P
Et LEgba rentre chez lui. Il est bien embarrassé : comment tenir parole? Il va consulter ~re. . •
Fa, qui répond par le signe Di-Gud,1 en donnant les conseils suivants : LEgba doit se procurer Cela montre, entre bien d'autres choses, que chaque race a son optique.
quatre étoffes de couleurs diffrrentes, faire un chapeau avec chacune d'elles et en coiffer
quatre petites têtes en terre (vok?). Ensuite il doit prendre quatre morceaux d'étoffe, un Cette ll:aende confirme l'ex.istt:nce d'un apport étranger de connaissances
blanc, un noir, un bleu et un rouge ; quatre poules, quatre cabris et une somme de cinq
b po·111 ts de l'espace. Étranbaer, car non. con_fo. ndu avec
francs soixante-cinq. Les animaux seront sacrifiés et, des quairc morœaux d"étoffe, ügba se relatives aux quatre
confectionnera un bonnet écartelé de quatre couleurs. l'expérience locale à ce sujet, mal assimilé, et en voie de d1spant1on même
Il se conforme à ces prescriptions, coiffe le bonnet après y avoir incorporé une amulette · · 1 tre têtes sculptées des
dans sa manifestation purement artistique : es qua . , .
de Fa, faite de feuilles liturgiques, prend les quatre vol.'? et les place avec les pièces d'étoffe,
Fafa. Le sens donné à ces sculptures est devenu strictement votif, et matena-
l'un coiffé de blanc à l'est, le suivant coiffé de noir à l'ouest, le troisième coiffé de bleu au
sud, le dernier coiffé de rouge au nord. lise le désir de voir le bonheur affluer des quatre orie~ts '· .
Puis il revient dire à Fa qu'il a obéi : que veux-tu faire que MEl1ltlji n'apprenne pas? Lorsque le Fats ne comp.orte qu'une seule figurat10n de Lsgb~, cel~e-c1
demande Fa. - Je veux' tuer la première femme de Mz11lôfi. - Mets ton chapeau et ya,
représente dit-on les trois autres. Mais aucun Bokanà ne fera allust~n d em-
ordonne Fa.
' ' . . b r quatre pomts car-
LEg-ba se met en route. li rencontre sur son chemin le bouc, qui voit devant lui un bon- blée, dans une réponse concernant ce sym o isme, aux
net blanc, en passant derrière, un noir, puis à gauche un rouge, ù droite un bleu, et demeure
dinaux. c · (P N )
convaincu que tout cela fait quatre personnes. Certains Fat~ portent deux têtes sculptées. On dit panois orto- ovo
Legba découvre hi femme préférée de Me/Jlàfi dans la forêt, où elle cueillait des feuilles
pour envelopper l'akassa. Il lui coupe la tête. Le bouc voit le cri111e se consommer et court
qu'il s'agit d'une représentation des Jumeaux : «car les Jumeaux fur~nt les
. t de tous les autres vodu et ne
aviser le roi qu'un homme au teint rouge, porteur d'un chapeau blanc, Yient de tuer sa pre- premiers vodit de ce mon d e; 11s sont en avan , d
miére femme. MEl?làjl confie les recherches à ses paysans, et le bouc les accompagne. lin a
doivent obéissance aucun>>. Le fait que chacune des deux tetes correspon
des paysans, apercevant LEgb;i devant lui, s'écrie : voici l'assassin ! .. - LEgba proteste, et
les paysans qui se trouvent à ses côtés et derrière lui, voyant au bonnet d'autres couleurs que
, p ï Bd l chap xm PP· 284 sqg. · -
celle annoncée, insistent pour qu'on libère LEgba. Le bouc lui-même reconnaît son erreur. Mais
ceux qui voient le blanc du bonnet màintiennent avec force leurs accusations; une discus-
N.
1. Au sujet de ~e,tte légend~ c~
BAUDI::.l, op. cit., P· 50. -
i:· fRo~:l~~e~sp:~king
· · LLIS. E
Peoples of.the Slave Coast of West
L don Chapman and Hall,
11/rica, their Religion, Ma1mers, Customs, Laws, Language'. te.. on ' 162 et 169. - Cf.
I . Les bceufs, moutons, porcs, etc., étaient autrefois attachés lors des semailles de g chap. m p. 5. - J. TEILHARD DE CHARDIN, op. cit., chap. v1, PP·
1 90 4
céréales (ttukù). i11Fa'. de\ixièm'e partie, chap. III, légende de Sa-Di, P· 650-651 ·
)

LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES INSTIWMENTS ET LES ACCESSOIRES DE LA DIVINATIO~

toujours à chacune des extrémités de J:axe horizontal de la vie et de la mort QI 1\ gauche de ces « flam1'nes )), un trait perpendiculaire sépare le thème du
retire toute valeur à ces propos. fou. du suiYan{: celui des charmes de Fa, stylisé en une croix de saint
Nous n'avons vu qu'un seul plateau à seize têtes : celui de GEdsgbc. Il André. Les charmes de Fa procurent la richesse : d'oli les points en relief le
avait une grande valeur religieuse (pl. VIII, B). long des deux axes de la croix. Nouvelle séparation, puis thème de la voie
llo Fa, qui orne les quatre coins du plateau. Après une nouvelle séparation,
De bons informateurs nient que les sculptures marginales des Fate aient motif de la chaine (w:Jl:J-gzds), symbole de Dà Ayidohwzdo: les du ne lais-
~Ul'Ont pas mourir celui qui suit Fa, ils le retiendront dans les chaînes
m11giques. La stylisation de la chaine s'accompagne, comme sur la croix, du
Nymbole de l'abondance. S~paration. Thème de la route, au coin inférieur
drnit. Thème de la richesse, perpendiculairement au bord, exposé seul.
Purpendiculaire également, un serpent arc-en-ciel stylisé (Dà Ayidohwzdo ),
dont la présence entraîne un voisinage d'abondance. A gauche du serpent,
1lcux cavités triangulaires: lorsque l'on est cc tombé dans un trou ))'c'est-;\-
dli·e atteint par l'infortune, le malheur, un accident, il ne faut pas oublier
Fn, mais se rappeler activement qu'il existe. Le motif suivant représente
deux montagnes, séparées par le thème de la richesse. Qu'il soit au sommet
du la montagne ou au fond du malheur, (var. : qu'il soit menacé par l'eau
Oll par le feu,) celui qui croit en Fa doit lui déd_ier sa pensée.

La pv11dre ve.

cc Yz est le papier sur lequel s'écrit et se lit Fa».


Précisons d'ab9rd, avec Gëth![be, que le mot yz, au sens de poudre divina-
toire, n'a rien de commun avec le même mot signifiant âme '. Il désigne
FIG. 13. - Décorntion d'un FatF.. Id la poudre vl:gétale, jaune orangé ou safran, provenant de l'affouillement
de cirons (atid111idu) dans le bois desséché de l'arbre olosfr 2, igiosu (Y) ou
un symbolisme quelconque, et accusent de charlatanisme ceux qui disent le
sal~p-z-ti (F) 3, et que l'on étend sur les Fais pour y tracer du bout de deux
contraire. Il semble pourtant impossible, en cette matière surtout, que des doigts les signes de Fa. Li encore, on ·voit un mystère de Maw11 : de nom-
ornements n'aient pas une valeur cachée 1 •
breux devins pensent que Fa lui-même apporta le ye aux plus anciens Baba-
Prenons un Fatz à décoration très simple, dont la figure ci-dessus ne pré· /11wo, car le yelosti a grandi à l'endroit où Fa vint en ce monde.
sente qu'une moitié, l'autre étant symétrique (fig. r 3).
La face sculptée débordant vers le centre du Fats est donnée comme celle I. Un lettré c.l'Ouidah nous atlirma au contrait'e qu'il y a parallélisme entre le travail de
de Lsgba. Gravés au-dessus de son visage, des traits horizontaux et verticaux l'insecte du bois, la séparation de la poudre 1·1 qu'il accomplit, et le détachement de l'âme
se coupent, symbolisant le feu. Il y a là, dit-on, un avertissement à ceux l'I de l'homme, détachement qui prodL1it la mort.
2. Ydosit dé,igne en nago la polie.Ire (l!J t!'olosti. Cf. S. S. fARIWW, op. cil._, chap. JV,
qui ne suivraient pas fa voie de Fa, et la menace d'un châtiment. A droite p. 38. - Le mot Sli signifie rouge· On le retrouve dans le mot lrosli-Mëji, alias Loso-MEji,
nlf!nc dont dépend cette couleur.
I. Ces sculptures sont.décrites avec admiration par L. FROBENIUS:« Diese Bretter sind
l- Les Fon disent aussi soli. So désigne ce qui est rouge. Le bois, l'écorce et la racine
von ganz ausserordcntlichcr orna men taler Schiinheit ... Es muss cin tiefcr Sinn in diesen Din- lie cet euphorbe il latex, pilés ensemble, forment un corps rougeâtre dont la similitude de
gcn licgen ... Es sind cbcn die schiinsten Produktc wcstafrilrnnischen altcn Kunstgewerbes ». ~ouleur a\·ec le sang a répandu l'emploi dans le culte des ~·odti, des Ki'uesi et de L<gba.
(lb., p. 276, fig. pp. 275, 281, 320, 376). Mais il ne s't:xplique pas sur leur signification.
1 94 L.\ GEO.\lANCIE .\ L' A:\CIE!-::\E CÔTE DES ESCLAVES LES J!-:STRC~IENTS ET LES ACCESSOfRES DE LA Dl\"l!-:ATION

L'arbre vlus1/ se trouve dans la forêt. On le coupe lors de la nouvelle lune. tous ne font pas usage. Il se compose de l'extrémité supérieure d'une
Il est passé au feu de façon que seule l'écorce soit calcinée', puis déposé au déiense d'iyoire, bu d'une baguette su b-cylind rique en bois de roko, d'astisù•1\
sec et à l'abri des voleurs. de h, d'agbtï... , légèrement incurvée et taillée en pointe à une extrémité,
Au bout de deux ù quatre mois, on k soulève à une extr~·mité et l'on ~..:ulptée à l'autre qui est tenue par la main du i1rêtre. Ces S(ulptures sont
frappe l'extrémité opposée contre le sol. Il tombe une poussière due au tra- ~ymboliques et évoquent les différents n1d1/ '(pl. YI, A).
vail des parasites du bois. C'est elle qt1e les de\'ins recueillent et conserwnt Les l~/11; se font presque toujours par paires sexuées,' comme les Us. ta
dans un sachet, sans autre préparation. pilrtie srnlptée de l'un est alors en bois plein (li~ftè femelle): l'autre, creusée
Ceux qui ont la paresse de s'en procurer se contentent d'une poussière ~Il forme de cloche (aliglc), cotHlent un battant (/iljlim;île). Ce dernid (ds,
blanche provenant du calcaire hwc,-que l'on \'end au marché. lt111gue) résonne dans la paume du de\·in lorsqu'il frappe le Falc_ de LI pointe
Autrefois, disent certains Yieillards, on essaya de tracer les signes de Fa du hyl1', pour S(ander prières et chants '.
dans de la suie, aâ '. Ce procédé ne fut pas efficace. Le charbon réduit en D'après des devins qui ne l'erni1loient pas, le /,yfè ne sen·irait qu';\ éwn-
poussière ne donna pas de meilleurs résultats, ni la farine de maïs (agbadekù- ner le public et ne serait d'aucune utilité.
/1ji) ou de manioc (jëll1ï;-p), ni des produits divers, dont on prépare encore Pour la plupart, au contraire, il est <c une cl10se ave( quoi il ne faut pas
des charmes de Fa (ràfJ). Mais on découvrit le p.lostl, qui iut efficace. :::\ul ~'ilmuser », et son origine mystérieuse en garantit \'efficacité. On en frai1i1e
ne pouvant expliquer comment on en vint à k préférer, on pense que Fa le œntre des Fate pour rendre grùces au fa, après une consultation heureu-
dut en révéler et en imposer lui-même l'usa<>e. t>
~i::ment conclue .. Lors de la (érémonie annuelle célébrée par le F1n•i, et quand
La poudre où le signe de la consultation a été inscrit est répandue par le sacrifiœ est prêt, le Bobnô frappe de même son 1'i1t~ et fait résonner le
pincées sur le sacrifice otfrn par le consultant. Elle constitue une sorte de battant de bois en disant les mots : l.·c Ern gba (Y)! Lgba, Yiens prendre!
signature du sacrifiant. Le prêtre, s'il le désire, peut en offrir un peu ù son par lesquels il invite tous les vod1/ à se réunir pour recevoir de L~gba les
client, qui l'applique sur son front, ses lènes et son cœur. Il peut aussi en offrandes qui leur sont présentées.
jeter une pincée dans de l'eau avant de faire une ablution. Ces derniers D'autres voient dans le h~/lè une arme: <t Il est comme le fusil de Fa, F11-ll!,
gestes sont facultatifs, et l'on y sent une influence musulmane. ot sert à le défendre >1. A Abomey, quelques devins en frappent le (r:'rnc des
Ceux qui mangent un peu du_\'; où leur signe a été inscrit pensent« man- poule ts destinés aL\, sa(rifiœ. L'animal laisse tomber la tête, le devin écarte
1

ger Fa », ('est-à-dire un peu de sa <<force», de son intluenœ heureuse, las deux mandibules, et verse le sang qui dégoutte dans l'huile destint:e aux
q{l'i!s. s'approprient et qui demeurera en eux. noix de Fa. Un peu de cette nourriture alimente aussi le D11wo, l'asi', l'ag1/-
11111ga, le Faf$ > et les liylè. S'il s'agit d'un canard, que l'on emploie ou non
LôFLÊ, b11g11c/11'S de Fa. le lôfl2, il faut tenir l'animal d'une certaine manière, lui attacher des feuilles
Le l~fiè, son nom l'indique, bat le rappel des bénéil..:iaires é\·entuels de 1, E. :VlERWART, op. cil., p. 9: "··· des ll'll/li11 ou clochettes de l·li, cn bois de rocw,
ornces de figurines nues)), Cf. phot. ap. M. J. HERSl\OVI'l'S, in The Arn. ;\.[ag. of ..\rts. 1//1/11.
sac ri fi ces dispersés dans le monde 2 •
dl., p. 12~. - A. L. d'..\.LBÉCA, op. cil., d1ap. 1x, i!g. p. 139. - L. FROBENIUS,•'/'· cil., Bd. l,
Les Nago disent agele-Ua 3, i/:i-Ifa ou il:iofr. ~lll\p. xm, p. 277, texte \'is-ù-l'is, pp. 276 et 278. ld., [(11//111gesc/JidJfr .. , of>. cil., lig : r)
C'est un objet que presque tous les prêtres de fa wnn.1issent, mais dont 1\ 123, Ta(. 123. 11 u. b. - C. KJERS:-IErER, op . .-if., vol. li, p. 20: « b,îtons sonores it forme
1lll ligures humaines,;. - (Rappelons que le lituus, bùton augur:1l des Romains, l:galement
1: On s'en sert encore pour tracer, lors des sacritices, les signes Lk11-.1hji, Lk11-T11/a, l•1i:nrvé, ressemblait it un instrument de musique, la trompe qui appd;IÎt le peuple :1ux
}'e/m-Di, Eku-Guda. ·- (:omices).
2. ]. BERTHO, art. cil., p. 369, écrit" 13/i "· - On reconnaît d<ms J,1 premiere sylbbe le l L. FROBENIUS, ibid., p. 278 : « :\[it diesem lroke klopft der B;1b,i\a\\·o jeden :-Olorgen
mot là, inconnu lointain. La seconde.pourrait ~tre une contraction de Lrnckn mot fi:ue, 11n1 die Zeit, wenn die Sonne aufgeht, gcgen das lfabrett, und bcgrüsst damit die über dem
prononcé aujourd'lrni .fini' et signitiant ici. Le lô(/11 <?St censé supprimer Li distance entre. l'in- lfn tbonende Gottheit Edschu ». - G<dzgbe, pas plus snos doute que les <1lltres de,·ins dal10-
connaissable et l'homme. lll~~ns, ne frappait chaque jour son Fats. Il ne le faisait qu'après une constdt;ltion heureuse.
3. Le mot est attesté par de nombreux auteurs. j. Il existe des F11/s destinés spécialement aux offrandes de sang.
[11.<tit11/ 11" Eib110/ogir. - Bernard ~!.' cro1;. 'l
LA GEOMANCIE A L' A:\CIENNE CÔTE DES ESCLAVES
LES J'.'<STRU.\IE~TS ET LES ACCESSOIRES DE LA DI\'Il\.-\TION

sur les yeux pour qu'il ne reconnaisse pas le sacrificateur, et, de toute façon, Si le Fa est consen·é dans une \'alise ou dans une calebasse, on range les
lui trancher la tête. S'il contim1e à battre des ailes, on le retient jusqu'à l'im- ltiflè à côté dec lui, ou dans la calebasse, non enveloppés. Seuls les lcyie
mobilité, sous peine de malheur.
d'ivoire sont entourés d'étoffes 1 (pl. VII, A).
Lorsqu'il s'agit d'un cabri, le de·;in se borne à effleurer de sa baguette les
narines de l'animal, pour lui faire entendre qu'il n'a rien fait de mal, mais
qu'il va simplement être sacrifié it Fa. A Abomey, on ne tue jamais de cabris L' AGfülAGA, chapelet divinatoire.
en leur introduisant un làflè dans le cerveau par les narines; cette coutume
Les Fon disent ag1imaga ou gumagâ. Les Nago disent hpsls ou Jkp<-h
serait encore pratiquée; parmi les Fon, à Tè1'i à Zado à SZ.wc à WJaab/oaif ~
' ' ' b ("> 'il L'usage de cet objet n'est pas inconnu outre-Atlantique i.
Za. G;.d~gbe est catégorique: le lôfië ne doit jamais servir à tuer un animal,
cc
quel qu'il soit; sa seule utilité est de battre la mesure. Lorsqu'on chante les
1. Stephen CHAt.:YET (.'vfosique N.lgre. Paris, Société d'Éditions Geographiques, ?llari-
chants de Fa, il est frappé contre le Fah >>. L'opinion contraire est assez 1lmcs et Coloniales, 1929, p. 207, fig. 56 et Tal>/,., p. 240) reproduit et décrit une cc Três
répandue. Certains devins, tout en reconnaissant qu'il est rare d'user de cet 1\lldenne sonne\te dç Hénin, X\'lle siècle; en ivoire; munie intérieurement d'une petite

instrument pour tuer des cabris, affirment néanmoins.que l'on peut les imrno· lige d'ivoire mobile; CC splendide exemplaire est adorné d'une S\atuette de femme. traitée
lie façon ressemblante (sans aucune des deforn1ations ou stylisations habituelles); un oiseau,
Ier en leur enfonçant simultanément un /~/lt~ dans chaque narine. Le cabri le bec en 1'<1ir, surplombe cette statuette ; sctilpture de qualité remarquable ; patine natu·
doit ètre préalablement bt1illonné. Le mode normal consiste ~1 couper la gorge relie ... Musée du Trocadero ». Cette sonnette yorouba n'est autre qu'un lè/li:. - C.f.
de l'animal au couteau. L i\\1Ssi Adolphe BASLER. L'Art d1ez les Pt•uples Pri111itifs. Paris, Librairie dè France, 1929,
pl. 11, a : cc Sorinette en dent d'el~phant ».
Beaucoup de de\·ins attachent une importance excessi\·e à l'emploi du
2. i\. B. ELLIS, T/Je Yontba .. , op. cil., chap. 11, p. 57 : c< lfa has ... a messenger called
lôfiè:' .cc il faut, dit un informateur de Porto-Novo, ne s'en serdr que dans Opelell, - R. E. DE:->:-<ETT, \'igeria11 Sludies, op <'if., chap. IX, p. 96, n. 3: cc Opele is
des cas sérieux, car les anciens ne s'en servaient jamais en d'autres circons- ~poken of as Ifa's messenger and offspring». Id., At lbe Back . ., of'· cil., chap. xx11,
p. 233 : cc But Ifa is al\\'<lJS attended by his offspring 0j>< 1le, the other great orncubr God of
tances. Il serait téméraire, celui qui, sans être un grand devin, sans connaître
the Yoruba whom the di\'iners consult e\'ery day. Now the literai translation of the \\'Ord
suffisamment son Fa, s'aviserait de manier le lô/iè. Il est wai qu'aujourd'hui l)pi!lèis the one who endures and replenishes ». - S. S. FARilOW sembk confondre <<the
c'est tout juste si l'on ne s'en amuse pas». Opelifa " avec les seize noix divinatoires ou avec le palmier de Fa. (Op. cil., chap. l\",.
Le l~f/è passe pour avoir une origine miraculeuse. Selon une tradition, il p, 38). Il écrit cependant plus, loin : "Opelè is the name of a lesser oracle, \Yho is regarded
11s a messenger oflfa)>. (lb., p. 42). - J. JoH:o>sox, of'· cil., clrnp. m, p. 23: « Opèle, or
fut remis par une antilope (atbtilï), transformée en homme pour la circons· Opépéré, is an Oracle of inferior rnnk to ]fa and who is regardcd as his constant atten~ant and
tance, à un chasseur d' Abomey 1 • ls commonly spoken of as bis sh\\'e '>. - P. A. TALBOT, oj>, cit., vol. II, chap. x, p. r 86 :
11 an inferior oracle, called Awpele, or .-\wpepere, who is regarded as his attendant. .. "
C'est en pleine forêt que la remise eut lieu. Car Fa est un rnd1l de la forêt, et non de I:i ·- F. W. BuTT-THoMPSON, op. cil., chap. 111, p. 54: cc Aja uses 11 string of eight pieces
maison. A.i:l>cilï dit au chasseur : lorsque tu ,·oudras sacritier un animal chez toi, plonge-lui oi' bark, known as ekpéllè, fastened in t\\'o groups ».
ce bùton dans les narines, car ce geste aura une énorme: influence. Ainsi tu éviteras la venue 3. Sous le nom e'pagnol .et portugais de Collar de lfa, 1'.1gti111aga se retrouve ù Cuba :
des !011~si chez toi, Tu pourras tuer n'importe quel 'rnimal ; si tu sais te servir de ton Io/li, 11 En Bahia se utiliza una especie de collar para deducir los augurios ; asimismo en Cuba,
auc.un mal ne t'arrivera. Tu peux cependant continuer :1 tuer comme tu l'as fait jusqu'alors. 1\onde se llama <I mi juicio err6neamente, por alguuos lfri de Orn11da ». (F. ÜRTJZ, of>. cil.,
Mais lorsque tu imrnoieras <i Fa, tue avec le lôfi,•. diap. II, p. 59). cc ... una especie de .:ollar de cu<Hro hilos, hecho de canutos de bambù ama-
Le chasseur g<1rda le don de l'<mtilope, un /;if!,• de bois. et s'en sculpta un autre d'ivoire, car rillos y venies alternativamentc, y wn semillas de mango secas y partidas por la mitad entre
il clussait I\:léphant. Puis, il cessa de se rendre il la chasse. los canutos •. (lb., chap. m, p. 177). Le mème auteur signale un autre modèle de chapelet
L\1ntilope ne devint pas l'interdit de ce chasseur, ni des. chasseurs en général, ni du reste « en el cual no se observan los canutos de bambù, sustituidos por una cadenita de cabre ».
des hommes. Car un seul agb<ili s'était métamorphosé. Par ailleurs, les autres chasseurs (lb., p. 178. Cf. aussi pp. 179, 194; chap. rv, p. 214; chap. vr, p. 363.)- c< ... el
n·a,·Jient aucune raison de respecter les antilopes. qui n'étaient pour eux· qu'un gibier. Collar de lfü, compuesto par dieciséls medias se millas de mango, ensanadas en une cadeua
,le cobre "·(A. CARPENTIER, op. cil., 19, p. 90). c< Por tres veces cl brujo arrojo al aire el
Cailar de Ifa, estudiando la posici6n en que c<iian sus dieciséis medias se millas de manga ".
J. L'antilope aghûlï passe pour se méumorphoser facilement. Chacun peut citer des (lb., 24, p. 1 r t.) - De même au Bresil : cc Cet instrument se compose d'une chaîne
exemples récents, notamment celui d'une autilope abattue par un chasseur et dont le cadavre Jlletallique, où l'on intercale de distance en distance la moitié d'une noix de mangue'" (NINA
.était .:.:lui d'un homme du village \'Oisin. ·
l~ODRlGUES, op. ,·it.; chap. 1, p. 55). - " ... utiliza-se o adivinhador de um cadeia de metal
198 LA GEOMANCIE A L'ANCIE>INE CÔTE DES ESCLAVES LES INSTRUMENTS ET LES ACCESSOIRES DE LA Dl\'IKATIOK 199
L'ag1îmaga est le serviteur de Fa et fut inventé, croit-on, par le premier tête du crocodile, fragments d'écailles de crocodile, de tortue de mer (xu-111~­
Boka11ô. C'est essentiellement un chapelet, d'un mètre au moins de longueur, /ogozo ou se) oJ de terre (logozo-Bobnv ou driidrà). Les animaux qui Yinnt
composé de huit éléments groupés en deux branches de quatre et reliés par dans l'eau passent pour connaître la yérité, ou ~tre bons conducteurs de la
une chaînette ou des enfilées de perles, ou simplement fixés sur une corde- v0rité. Les chapelets les plus rares sont ceux que l'on faisait :lvec des dents
lette. Les apprentis devins s'exercent avec des chapelets de noyaux d'asr:1kfri 1
d'éléphant ( aji11alm-d11) '.
non consacrés. Le plus souvent, on enfile des demi-noyaux d'a·vini (ou Le Musée de l'Homme possède un ag,-1111aga de cuine. Sur une chaîne
avavlni) importés du pays nago et achetés au marché 2 • sont attachés des lingots traYaillés en forme de demi-noyaux d'a·ê'i11i, mais
Parfois, les chasseurs d'éléphants decouvrent des graines non assimilées dont la partie convexe représente une tC·te humaine stylisée. Un forgeron de
d'a·ulni dans le crottin ou dans le ventre des pachydermes. Ils s'empressent Porto-Novo le fondit à l'époque de la conquête du Dahomey par les Fran-
de les recueillir et de les vendre. Un chapelet de Fa constitué avec de tels çais, .en utilisant des étuis de cartouches. Le \·ieux de\·in yorouba qui nous
fruits est censé être un don de Mawu. L'éléphant étant un symbole de puis- le \·endit fit une excellente affaire, nous dit-il, car «un ag1/111aga de cuin-e,
sance auquel Fa ne dédaigne pas de se comparer, le devin propriétaire d'un si joli soit-il, ne saurait dire la vérité : il vient du feu>>.
tel objet répétera que son chapelet« a passe la nuit. dans un ventre d'élé- Enfin, un informateur nous a dit ù Porto-Nom que l'on recueillait, pour
phant i>. en faire des chapelets divinatoires, les noix de Fa que les chasseurs trom·ent
Les agiimaga les plus prisés sont ceux qui pr<?viennent de la dépouille dt~ dans le gésier des aklasu abattus. On prétend que ces oiseaux de proie
T:1x:1su, vod1î des eaux ' : os de la tête du poisson as:1l~pè (F, aboli Y), os de la pement en ingurgiter jusqu'ù trente-deux. Mais il ne faut pas pousser trop
loin la superstition du chiffre seize! Par ailleurs, il y a confusion dans l'esprit
onde ha, de espaça a espaça, a metade de uùia noz de manga, é o rosnrio ou collnr de lfâ
(npé!J-ijii). 0 feiticeiro atira o rosa rio' c do modo por que ficam dispos tas as uozes, Jeduz de l'informateur. trop imbu de magie. Les « charognards n rnangen t des noix
os se us \'aticinios ». (A. RAM OS, op. cil., chap. 1, p. 38). - E. CA!tN Emo, op. cil., p. 7 3. - qui ne sont pas forcément des noix de Fa, et que l'on nomme s11-delû ou
R. ME:\DONÇ.\, op. cil., Vocal>., p. 23r. -·Cf. Aussi C. K. MEE!\, étudiant la magie chez su-dekü•i, noix de palme de l'aldarn. On fait a\"ec ces noix des talismans et
ks Yukun Ju Nigeria oriental : «This system of divining is apparently the same as that
practis~d by the Yoruba every day : not the elabonrte ljii of the Yoruba, but the subsidiary
non des chapelets, surtout pour faciliter le trarnil des parturientes.
system lrnown as Optle, the apparatus for which consists of eight Aat pieœs of \\'ood or Le mèrne informateur nous a avoué, sous le sceau du secret, qu'il avait
cdabash, strung together in t11·0 rows of four on each side. As among the Yoruba, so ouvert le ventre :d'un chien pour y enfouir son ag1î111aga fait ayec des demi-
am.ong tbe Jukut1, the pieces of calabash may be replaced by pieces of metal, and the
noyaux d' asr:J. Il arni t en terré le cadavre pendant quelques jours, puis exhumé
string by an iron chain. Nuts found in the faeces of an elephant are commonly used in
lieu of tbe pieces of calabash. et hvé son chapelet. Il y a la un simple procédé magique : le chien ne
It is noteworthy that the number sixteen is prominent both in the Julrnn and the s'égare jamais, il revient toujours à son maître; de plus, il reconnaît son che-
Yorüba systems. Among the Jukun the pieces of calabash are connected by sixteen pieces min le jour comme l:i nuit. L'ag1i111r1ga ainsi préparé doit acquérir les qua-
of tlsh-bone, and among tbe Yoruba the !fa apparatus consists of sixteen palm-nuts "· .-/
S11da11ese .. , "P· cil., chap. VII, p. 327. lités de l'animal.
1. ln·i11gia barleri ou Ma11gi(era ga/>n11eusis. Le fruit est une drupe à albumen comestible,
nommée l'Ulgairement mangue de singe. - On reconnaît un agù111agn de cette sorte dans un L'ag1/11wga est consideré comme un objet magico-sacré, et presque comme
ensemble de cc Bijoux des indigènes» illustrant l'ouvrage cité d'A. L. d'ALllÉC.~, chap. x,
p. 159.
un Vùdil. Quelques informateurs affirment qu'il peut se transformer la nuit
2. J. BERTHO, art. cil., p. 370 : « L'ngumaga est constitué par un manche sculpté et orné, en être humain, et quitter la maison de son propriétaire.
portant :1 son extrémité deux cordes longues de trente centimètres environ, sur chacunt Sa préparation comporte un certain fonnalisrne, car elle a pour but de le
desquelles sont enfilées quatre valves concal'es-convexes d'un fruit appelé a-vini ; entre rendre bon conducteur de vérité ; Fa Yiendra plus volontiers en un objet où
ces valves sont souvent intercalées des perles de differentes couleurs qui ont fait comparer
1'agumaga à un chapelet». - Le,cc manche» de l'tigli111aga est une petite baguette de bois il reconnaîtra sa marque.
fixée parfois au milieu de la corde, pour distinguer les chapelets lorsqu'on en conserve plu-
sieurs ensemble.
I. L. fl\OilE:\IL'S p:irle d'ag1i111.ig.1 préparés :1\'e.: des demi-noix de palme. (Op. rit., Bd. I,
3. Fa entretient les meilleurs rapports avec les T:Jx:Jrn, car l'eau est un principe de 1·ie, et
chap. xi\r, pp. 278 et 279, fig. f,)· 273).
·Fa aime et perpétue la Yie.
200 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES rnSTRUMENTS ET LES ACCESSOIRES DE LA DIVINATION 201

Le deYin se procure les fruits nécessaires, et les depouille de leur pulpe --~ N61111moins, ses deux branches sont sexuées : la masculine - vohukà ' -
après les avoir exposés au soleil. Il polit les noyaux, les partage en deux 1101'lc :\son e~~~·emité un ca~ri, ~n aligle, une perle en. iv~ire de dent d'é'.é~
dans leur longueur et en extirpe l'amande. Il enfile les demi-noyaux et les 11lrn11t, une p1ece de monnaie; 1autre une perle, parfo~s ne1~. ~n sa qu.alite
laisse macérer dans un canari plein d'eau et de feuilles de Fa. Il les en extrait li!! 1•od1i, il reçoit les mêmes nourritures que celles destinées a Fa, et apres ce
pour leur offrir en sacrifi.:e une poule, de l'akassa, de la pàte de maïs, des 1
1c1•nier. Les Fon et les Yorouba le lancent de façon que la branche masculine
haricots cuits, de l'huile de palme, du poivre, du sel, de l'akool, des colas. ~'ôrnle
à leur droite.
-:±:-
Ces nourritures sont posées sur le chapelet, qui repose lui-mème sur un Le maniement de 1'agli111aga est le suivant. Le devin élève son chapelet
lit de feuilles desresigs. Un enfant vient ensuite manger le sacrifice offert.
(Une personne adulte ne pourrait remplir cet office, car elle ne serait plus consultant
consultant
vespectée : on dirait qu'elle s'est'·comportée comme un mendiant). Le sacri-
fice a lieu devant l'as~ acrelele et des prières l'accompagnent.
On recueille chez les fon les recettes les plus variées permettant de pré-
l 1 1111
parer un ({gtilll({ga (do agti./llaga va) qui «dira la vérité ii. Voici le mode de
consécration le plus usité parmi les Nago d' Abomey. 1 11 1 1
Le de\'in se rend auprès de son Fa et lui immole deux poules, en lui pré- 1 1 1 1 1

sentant son nouveau chapelet. Il le présente ensuite ù son Lgba ~t lui 1 111 1

1
immole un coq, tn le priant de conférer :\ l'objet son ai-s, son influence
magique. Il creuse devant le Lsgba un trou où il jette des ieuilles de.1n·sigs,
sur lesquelles il étend l'agtim({ga et verse successivement de l'huile de palme,
une sorte de résine en poudre (loko-cs) et le ys où les seize principaux signes Babalawo: CE- Guda Sok.Jno Fu- Sa
ont été tracés. Le trou est comblé. L'enfouissement de ce ys utilisé est exct·p- FIG. 14. - Jet de l'ag1/11111g11.
tionnel. Le quatrième jour, le de\·in déterre son chapelet, le place sur les
mêmes feuilles hors du trou, lui immole une poule et rentre chc;'. lui. Il ~e (l\rne main, en.le tenant'par le milieu; l'autre main assure le parallélisme et
rend ensuite sur le chemin du marché, ci-euse un trou oü il jette des feuilles ln séparation des deux branches auxquelles le baL111cement tend à donner
desresigz, pose sur elles le chapelet, et immole une poule sur le tout. Il une torsion. Les devins yorouba jettent l'objet devant eux de façon que ses
comble le trou, jette des colas sur le chemin, et adresse :1 celui-ci une pri(:re, deux extrémités soient dirigées vers eux. Les Fon agissent à l'inverse. Dans
car il voit tout et entend tout. Il exhume l'objet le quatrième jour, et l'enfouit l!Crtains cas, ù Ifè, le chapelet serait jeté au loin pour éviter toute possibilité
à nouveau au milieu du marché dans les mêmes conditions. Le quatrième de fraude. Le volmkiï doit tomber à "la droite du devin. La lecture du signe
jour, il vient le reprendre pour l'enterrer devant un Ayi:;à, puis au pied d'un présenté par le chapelet se fait en tenant compte des deux règles suivantes :
Loko. Ramenant enfin l'objet chez lui, il emplit une calebasse ou une jarre 1\ la convexité de chaque demi-noyau correspond un indice double, à chaque
de feuilles adô.dô, afi.l?., xisi.tisi, weaje, /Jiidnlipo, iuale, agate, de colas rouges concavité un indice unique ; on lit le signe de l'indice le plus éloigné au
et blanches, de poine atakii, d'un morceau de dsgbo-rs (rnuffle d'hippo- plus proche, et en commençant par le vo!ml~à, c'est-à-dire de droite à gauche.
potame). Il écrase le tout, ajoute le sang d'une poule et un peu de savon Vu la différence des positions par rapport au signe à lire, le même jet de
noir (adi-wi), dispose son agiilllaga dans le récipient et l'y laisse trois jours. J agümaga sera lu: Fu-Sa par un Bobnà, Ci:.-Gnda par un Babalawo (fig. 14).
1

Le quatrième jour, il lui offre des colas, et lui tue un poulet qu'il prépare Les signes trouvés ne sont jamais transcrits sur le Fatz. La position de
et consomme. Enfin, il demande à fa si tout s'est bien passé.
r. Vo-lm-kci (objets du vode-tuer-ëorJe), c'est-à-dire la branche qui« tue n le i•o, qui fait
L'agii111aga est considéré comme masculin, car il est le messager de fa. cdipser tel vo par tel autre.
202 LA GEOMANCIE A L'ANCil:Nl\E CÔTE DES ESCLAVE~ LES INSTRUMENTS ET LES ACCESSOIRES DE LA• Dff!NATION 203

l'a>:timaga jeté sur le sol est simplement rectifiée et ses branches, écartées Fa, en ce cas, ne construit pas de.phrases, et ne répond que par oui ou
l'une de l'autre mais parallèles, sont d'une lecture facile. p111· non. Mais l~s objets du vade permettent, une fois le signe de la consul-
Les ag1l11taga des vieux Bo!t:J110 sont recouverts d'une épaisse couche dec~!tp:., l11tion inscrit, des réponses par élimination à son sujet.
d'où l'expression rzl<p:., nà do wè nu ku, qui signifie : rzkp:., messager de la Ainsi dans l'exemple ci-dessous, le signe de la consultation, Cz-Ydw, a
mort, et désigne le chapelet 1
Celui-ci «dit)), en effet, si les consultants

doivent ou non mourir; plus il est vieux et com·en de rd•pz, plus ses messages Cauri
sont Jignes de créance.
Le chapelet di\·inatoire repose en général dans un sac, aup~ès du Fa du
devin.

AKPO, sac d11 BoKoN6, el \'ODE, S()// ro11te1111.

IIf' I1I
Tout prêtre de Fa se rendant en consultation à domicile preifr{ a\·ec lui
( 11
son sac, qu'il confie en général à un enfant ou un jeune disciple. Cet objet
reçoit le nom commun à tous les sacs, akpo, et le de\·in le place chez lui où
il veut. Il ne présente aucune particularité. On le nomme parfois fàkpo,
' ,' rIII f , '
f II 1II l I
sac de Fa; ou ag1illlagakpo ( = ag1i111aga-ad:J!rpo), pour le distinguer des
autres 2. f I t r tif/ f JI
Il n'en est pas de même de 1'abila, poche rectangulaire en toile entourée de ..
cauris enfilés, sur laquelle les grands Bobnâ jetaient 1'ag1illlaga. (Pl. VI, B.)
L'a/Ji/a contient un chapelet, ou reste vide. On le replie sur lui-même ~l\'ant a
de le ranger. Des sacrifices •
sanulants,
t""
destinés ù 1)ropitier
t
l'aaù111a"a
b ,...., '
le
rendent noir et gluant, et rigide comme du cuir'·
Fic. 15. - Consultation par k Fatz.
Le vvde - on dit parfois vodi ~ - est le contenu de l'akpo. Ce mot n'est
guère emplové J
que dans le lanoaue
b u de Fa ; . été inscrit au centre du Fatz. Le devin place une graine ajikwi' et un cauri
Le prêtre collectionne, pour en emplîr son sac, de nombreux objets, le plus 1n1x coins supérieurs droit et gauche du Fatz, et consulte successivement
som·e11t sans Yaleur marchande, dont chacun est affecté d'une certaine pour la graine et pour le coquillage.
signification, soit une fois pour toutes, selon une analogie, soit au moment ' S'il trouve, par exemple, Tula-Woli «sur l'ajiktù7 l> et Ka-Turulepè «sur le
de la consultation, selon une convention dont le de\·in ne donne générale- cauri))' il inscrit ces signes à droite et à gauche de Cz-Yeleu (fig. 15).
ment pas la clef au consultant. C'est ainsi que le cauri, ancienne unité de La lecture ne tient compte que des dèmi-sigues de droite, Tula et Ka. Ce
monnaie, syn~bolise la richesse. Mais le devin peut soumettre à Fa laques- dernier étant postérieur dans l'ordre des signes 2, Tula triomphe : Fa
tion suivante: si ce que je dis est vrai, le signe que je mis trouver choisira (( accepte ».
tel objet, sinon il choisira le cauri. Le cauri signifie alors : non. Fa yi vo l:J, mi na 1110 ajikwi;
.e wè [ou gbzl vo l:J, mi na mô akw:..
r. Litt. : cûj>z-(habit. )-dire-message-ù-mon. Le mot c;l.j'' est de1·enu s1·11011\'me d'1w1i-
tlli1.f11.
- . , Si Fa accepte, nous trouverons l'ajikwi;
2. Al1j>o est un terme très général, qui désigne même la poche des vêtements. s'il refuse, nous trouverons le cauri.
3· L.FROBENIUS, op. cil., Bd. I, chap. xm, p. 273, fig" r : "die Tasche, in wekher die
Würfelsclmüre aufbewabn werden n. - Infra, chap. n, P• 23-1-, Il. 2. 1. Graine de Caesalpi11ia rrisl.r (L.), (Bouduc., ou Nicker nut, Molucca bean), arbuste dont
4. J. SPrnrn, DieRâigivn . . , op cit., chap. m, p. 221, u. 1. hi gousse épineuse contient une il quatre graines. L'aji-kiüi sert de bille dans le jeu des godets
5. On dit des singes qui sautent cte branche en br<HKhe : _w cli vo. (11ji (F) ou ayo (Y), au Soudan et en foula : wori, en soussou: g/>,ri, au Sénégal: w11ri.)
2. Infra, deuxième partie, chap. 1, p. 414.
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES ll\STRUMEl\TS ET LES ACCESSOIRES DE LA Dl\'JNATJOl\ 205

Au lieu de disposer l'ajikiüi et le cauri près du Fat;., le devin les donne S'il s'agit de la désignation d'un sacrifice, une corne de bélier ou de cabri
parfois à un élève ou à un enfant, - le voblat-;, - qui· en met un dans symbolise chacucn de ces animaux. Un fragment d'une grosse arête de poisson
chaque main. Si le demi-signe droit le plus fort est inscrit sur la partie symbolise un sacrifice, ou, selon d'autres, le mariage, les femmes, parce que
droite du plateau, l'enfant ouvre la main droite, et la gauche s'il est inscrit ce sont les femmes qui accommodent le poisson. Des têtes de poissons, des
dans la partie gauche. coquillages, un morceau de craie blanche, un crâne de petit oiseau: sacrifice
Cette recherche a pour but de confirmer le premier signe et de détermi- à faire. Un fragment d'os désiirnc la mort. Cn fraf!rnent de cr:Înt': un sacr i-
.... t.I (..'

ner si le consultant obtiendra ou non satisfaction. Si Fa «accepte )) pour une lice.


affaire de peu d'importance, le devin indique les recettes et sacrifices prescrits Un cauri : la femme, la richesse.
par le signe central, et on en reste là Dans le cas contraire, il demande à
1

La graine ronde et grise d'aji (rJjihùi): l'homme.
Fa des précisions et pose à cet effet, deux par deux, unt" série de questions Une coquille d'ornle (aje) : l'argent.
éliminatoires, selon le symbolisme des divers objets du vode disposé·s à droite Un débris de calebasse : pauvreté (hè), perte d'argent, accident, danger
j .

et à gauche du plateau. apporté par Lsgba. Un débris d'assiette, de pipe en terre, ou un bracelet cassé
Le devin dispose, à l'extrémité supérieure gauche du Fats, un objet du vade, peuvent scn·ir au même usage.
et à l'autre un cauri (dontlesens est: non), ou un objet du vode, ou plusieurs Un petit os de la tête du cabri, ci ou gbC1-ci: les amulettes.
objets, cinq ou sept, parfois seize. Dans ce dernier cas, les éliminations vont Un rachis de maïs (agbadegotl) taillé: alimentation, violation d'un inter-
bien plus rapidement, mais l'usage veut gue l'on n'utilise d'abord qu'un dit.
objet de part et ·d'autre. Les devins disent qu'il faut avoir de nombreux La graine d'alniktl.(aktïkôhiii): tout \'a bien, il faut rester calme. Elle peut
objets dans son sac, car <<chaque objet doit parler à son tour)). encore signifier une naissance proche, car c'est sur des feuilles.ak1ikàl/là que l'on
Proposer à Fa des éliminations à l'aide des objets du sac se dit vvdide. On dépose les nou\'eau-nés.
nomme voblabla l'action d'attacher(b/a) les objets du vode (vo) 2, c'est-à dire En ce qui concerne les vod1i, la graine de lnllàl<à (hi1làkàkiùi à A borne y,
de les tenir fermement en mains i. Le terme voblabia, ou blavo, se traduit en lni.s:ik1i il Porte-Novo): é\·énement dù à un vod1i. Un os: é\'énement en rela-
yorouba par odibo. Celui qui accomplit l'action se nomme voblat-; (F) ou tion avec les Kuvil'J. Une graine quelconque: ies Jumeaux, qui se nourrissent,
adibo (Y). .:omme les singe,s, des fruits de la forêt; néanmoins, la graine d'une légu-
Voici une liste d'objets composant un ·z:ode, avec leur signification 4, niineuse, Vi: ou ·i·~.rnkplègèdc', est plus spécialement désignée pour les repré-
senter. T-;-kpc; (eau-pierre), pierre polie, arrondie, trouvée au bord de l'eau:
Lsgba ou la Tête. La graine al~pak1i : Lêgba. Un débris de jarre: les Kèuesi.
1 . Il est même des cas où l'on consulte uniquement sur le cauri et l'ajikiloi, pour savoir
si, oui ou non, tel événement se produira. Un morceau de bois, plus ou moins sculpté: un -uad1i de la forêt, tel Lr1ko.
2. Vo désigne chacun des objets du sac, considéré isolément. (Co111p. : voi·o, séparé- n~hùl, le fruit oblong du raphia: lvfaiv~1. Un petit morceau de plomb:Lisa.
ment)'. L:~ petite graine ayowoloi indique si l'on est protégé contre les amutcttes, ·
3 .. J. SPIETH; Die Religion . ., op. ci?., chap. m, p. 196: « Diesen Vorgang nenni man
voblabla (Beutel binden ?) ". La traduction n'est pas complète: il s'agit, non du sac, mais de
si l'on se tirera d'une éprèuve, d'un accident. Un objet en fer: le vodti Gu.
son contenu. En dehors t!e ces di,·erses représentations, chaque ·ï;odti peut être sym bo-
4. J. SPIETH, ib., p. 200 : « einen Sack, der die heterogensten Gegenstiinde enthiilt: lisé par une petite enfilée de ses perles particulières.
Vogelki:ipfe, Knochen verschiedener Tiere, BaumsameÎ1, Kaurimuscheln, Perlen etc .. » -
Comp. L. FROBENIUS, Ku.Zturgeschichte .. , op. cil., II. Teil, p. 168: «lm Jahre 1905 führten La graine a~ovavwe, ou azôvovokiüi ' : maladie (azô).
uns am oberen Kassai ... die« Weisen »der Kioque ... eine Wahrsagc-Operation vor. Divers objets d'importation européenne, morceaux de ,·erre, bouchons de
Der Offiziant brachte eine Korbschale herbei, in der allerhand Kram lag, wieKlallen, Ziihne, .carafe, etc. : les Blancs.
Phalangen, Früchte, geschnitzte Figürchen, Schlangenwirbel, Strohgebinde. Der « Fe_ti-
cheiro » ... schüttelte die Korbschale, stiess sie auf den Baden und betrachtete ... die Lage lisier! waren, nfcht aber mchr, in wclcheti. Das Wichtigste \\·ar mir, dass dit Schale in der
der einzelnen Gegenstiinde .. ·. die Leu te wussten nur ganz allgemein, dass Sonne, Mond, illnenscite « nach d<!n l'ier Himmelsrichtungen n geteil~e :vlu;lér auf\\'ie~ n.
bestimmte Sterne, Meuschen, Tiere, Himmelsrichtungen in den' einzelnen Stücken symbo- 1. Sapotillier, Chrysoj>hy1/11111 afrfra1111111.
206 LA GEO:VIA:-.ICIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES I:\STRU.\lE~TS ET LES ACCESSOIRES DE L:\ Dl\'l~ATIO:\ 20ï

Le fruit noir de l'arbre lepakpatï (kpakpakiëJi): Fa 1


• 1111, On rnit ainsi que son vod1i est Gn. G11da-,Vfzji n'est pas le seul signe
Le contenu du sac peut être honoré, car il joue un rôle dans une opéra- 1llll parle <le Gt~: tous les signes en G11da y renvoient.
tion mystérieuse et divine.; certains prêtres de Fa, croyant atteindre Fa au Le couteau de G11 photographié ici est celui de Gzdzgl•c' (pl. VII, B).
delà du vade, lui offrent des boissons et des aliments. Au moment des Fanu- 1;1t1e en avait un semblable, a\·ec lequel il fut enterré; les deux objets
wiwa, ils l'étalent devant leur Fa; à la fin des cérémonies, ils lui donnent de 1\;çnrent les mêmes sacrihces 2. Sa forme évoque celle que l'on donnait, en
l'eau, de l'alcool, des colas. Mais le culte du vade reste facultatif. ,,\frique équatoriale,.;\ certaines monnaies de fer. Des couteaux semblables
Le nombre des objets contenus dans le sac est illimité. Chaque devin les 1c trouvent dans le sud du Togo, du Gold-Coast èt de la Cote ll'Irnire.
choisit comme il lui plaît. On dit parfois qu'il en faut au minimum seize, l/idzgbe considérait l'origine de cet objet comme très ancienne, et connue à
ou quarante et un, mais ces chiffres n'ont rien d'impératif. Allada avant la dispersion des .Aja. Aujourd'hui encore, il n'est pas spécial
,\\\x Bobnô: les rnd1i11à, mème 1'.Agarn11à, prêtre du Léopard royal, pement
L'.)KPO, tableau des seize DU. l'll détenir.
G11 est censé travailler pour Fa, d'où les orifices percés le long de la lame.
On nomme canne de /J, /;i-kpo, une planche en bois, - de vingt centi- lln partant de la g<trde, le premier trou représente le soleil : pour que toute
mètres sur cent cinquante par exemple, - préparée par les de\'ins pour être l!hose soit ensoleillée, pour que la terre reçoive la lumière du ciel, il faut
emmenée dans la forêt sacrée, et où sont gravés les seize signes majeurs de prendre la houe et la hache - objets consacrés ù G11 - pour debrousser,
Fa. On lui donne, parfois, le nom de canne de Gbaadu, Odn-lepa. Le Favi 11battre les arbres, dessoucher. Les quatre points cardinaux, ,\!law11ji, Lisaji,
lui-même l'enterre après la cérémonie 2 ; il est expressément interdit de :•ouolivwe et Xuji, entourent le losange, car on se sert de G11 en tout lieu.
montrer le /;ikpa à tout autre qu'à lui et aux officiants. Les deux triangles affrontant leurs sommets e!1 forme de sablier évoquent
Les devins yorouba le connaissent sous le nom de l>palaaba. Il symbolise le tambour d'aisselle gàgàwl, qui accompagne les processions du vodti G11. Ce
l'impureté des signes c~ et Fn. tambour, introduit par les Nago, est recherché par le signe ,..Jbla-L.ls, qui
u parle i> souvent de Gu. Ensuite \'ient le trou circulaire de G11, commun à
GUB:\SA, couteau de Gu. tous les Gubasa et où l'on se gardera de mettre le doigt, som peine d'0tre
blessé par arme 1 tranchante ou détonante; cette prescription rappelle uti-
Basa, désigne ce qui est tranchant. Fusiller, égorger, poignarderl raser, lement qu'il ne faut pas jouer avec les armes.
couper, tailler, forger, etc., tout cela constitue Gn, vodù des forgerons, des Sur le pourtour supérieur de la lame,<< les sept enfants de Gu», dont on
guerriers, etc .. ignore les noms, mais qui évoquent la rapidité de Gu dans l'exécution, con-
Le G11basa, ou couteau de Gtt, est l'emblème de toutes ces actions. Il n'est trnirement aux autres vadit qui demandent en général des délais de quarante
pas tranchant, mais on le nomme parfois père des couteaux. Fa, dit-on, par et un jours. Certains disent, sans bien comprendre, qu'il y ah\ un symbolisme
l'intermédiaire du signe G11da-M<-ji, ordonna à G11 d'avoir un G11basa pour des jours de la semaine; car tous les jours on fait appel à G11 en employant dts
arme ou pour symbole; depuis lors, ceux qui ont trouvé ce signe dans la outils métalliques. Selon une troisième version, ils représentent, de gauche ;\
forêt de Fa possèdent un Gnbasa, afin de propitier la divinité du fer dont droite : aliiïàku, la mort (lm) par arme de Gtt, z.olw, la mort par le feu, /;i/w, la mort
ils doivent se défier. En revenant de la forêt, le Favi accomplit tous les par l'eau, agôku, la mort naturelle, dako, l'accident mortel, 111zn1t, les menaces
sacrifices exigés par le signe et, une fois toutes ses obligations remplies,
s'achète au marché un petit Gubasa, qu'il portera sur lui au cours de ses 1. Le mème objet est reproduit ap. Paul HAZOUMÉ. Le P11cte d~ Sa11g 1lll D.1/Jomey. P,1ris,
déplacements, ou un plus grand qU'il rangera auprès des symboles de son !nstirnt d'Ethnologie, 1937, pl. 7, 1. - Cf. également A.L. d'ALllÉCA, op. cit., chap. 11.
p. 27, fig. intitulée "Instruments du bourreau».
1. Fève d'Afzeli,1 ajrica1111, dont le fruit est une gousse épaisse et ligneuse, à graine noire 2. C'est le Fa de Ghh, Abln.-ül~, qui exigea qu'il eùt un g11b11s11. l'ne de ses devises dit
et ;1rille rouge. en .effet: Basa gl:i ji Gu hlà ma. dô: les Gu ( = les armes), enfants du puissant Basa C= de
2. J. SPIETH, Die Religiou. ·.> op. cit., .chap. m, p. I9ï : « fügnïb11is 1frs U11/Jeils '" (711 lui-même), ne manquent jamais leur vengeance.
208 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES INSTRUMENTS ET LES ACCESSOIRES DE LA DIVINATION 209

suivies de mort ou coïncidant avec elle, et le grand trou évoque G11 dida, la p1•ôtre de Fa purifie ses mains et parfois son visage. Le liquide est jeté le
pire mort que peut causer Gu.. Tels seraient les noms des enfants de Gu. La lour même, le~{feuilles étant fort communes'.
courbe gravée à proximité du manche de bois repr:ésente un agiï111aga. Une eau purificatrice de composition semblable existe chez les vodünà.

GUDAGLO (Y). Les calendriers du BOK'.)NÔ.

G1tdaglo est le second de Gu.basa. Comme celui-ci, il se compose d'une lame La possession d'un calendrier, jusqu'à une époque récente, était le privi-
non tranchante, recourbée et élargie à son extrémité. Mais elle n'est percée l6ge des prêtres de Fa 2 • C'est encore le. cas dans les campagnes, et dans les
d'aucun trou et son manche est en fer, évidé en forme d'entonnoir pour f11milles où se maintient ie respect des coutumes.
conteniru n battant: c'est un couteau-cloche. On le nomme parfois: alig!e-hwi,
clochette-couteau. Il sert à scander les chants de Fa, et les Bo~t:mà l'emmè-
nent à cet effet dans le bois sacré. r. Le·süZÀ '·
Les Nago le nomment encore ada, adaira ' Les Fon disent Fa-hwiso ou
aja. Sii:zâ signifie jours (zà) de la lune (s1î), en langue fon. L'objet se trouve
i:hez des devins ou .des vieillards, le plus souvent suspendu au mur par une
Tous ceux qui ont reçu leur Fa, accompli les sacrifices prescrits et immolé
extrémité. li se compose d'une bande d'étoffe, en général blanche, de cin-
(( le premier .cabri» en l'honneur de leur kp~!i 2, sont tenus de posséder un
quante à soixante centimètres snr deux à quatre environ, sur une face de
Gudaglo.
l11quelle sont cousus et alignés trente symboles comprenant trois séries sem-
G11basa et Gudag!o, symboles de Gu mis par ce vodù à la disposition de Fa,
blables de neuf objets, et les trois premiers symboles d'une quatrième série,
semblent témoigner d'une époque plus ou moins lointaine où Gu. remplaçait
Slll' quoi se termine la partie inférieure. Chacun correspond à un jour de la
Lgba auprès de Fa. On dit qu'originairement le vodti du fer portait le sac
lune. Une épingle ou un repère quelconque, fixé dans l'étoffe et déplacé
( Gu-da-g!o) de Fa. On dit encore de nos jours : Fa, bon en lui-même,
chaque matin, ind.ique la journée en cours.
possède comme les rois une « armée» qui peut être méchante. Elle se com-
pose de Gu et de L~gba. Celui-ci tend des pièges aux hommes en leur don- hnvc d'escargots. - Cf. aussi S. S. f AR\lOW, op. cil., chap. 1x, p. 127. - Cette préparntion
nant de mauvais conseils; Gu fournit ensùite les moyens matériels d'exé- n'est usitée au Dahomey, semble-t-il, que dans les cultes de Gbaadu, Lisa, et des divinités
cution. du panthéon de Lisa.
1. Contrairement à l'information reçue par G. GoHER, il ne s'agit pas de (<water which has
Eau 11..strale. bccn blessed and kept in a fetishist cotwent for eight days '" (Op. cil., liv. III, p. 205). Le
~ulte de Fa est indépendant de celui des vodli. L'eau lustrale des vodli comprend le wusrasi,

L'eau lustrale de Fa, Fa wusraina-sf., est faite de feui11esxisixisi et desresigs préparé immédiatement ava'.lt une cérémonie déterminée, et le dExos'l ou i•odüsl, pou'r
lequel une préparation de trois jours, et non de huit, est exigée; les délais de sept et
broyées dans une eau où elles macèrent ensuite '. Avant toute consultation, le
de seize jours, impliquant une période de chasteté de même lougueur, tombent en désuétude.
2. De même à Madagascar : « Les ombiasd ou devins ont fabriqué ·des caiendriers sur
r. Ad,1, chez les Fou, désigne une faux dont.le fer est dans le prolongement de la hampe. bois qui leur servent constamment». (Rev. Tou, in Bulletin des Missions Luthériennes
G. GoRER fait allusion ci.(< two magic iron bells (tcheraga) » placées del'ant le FatE. (Oj>. cil., de Madagascar, fh. 1900, p. 14).
liv. III, p. 204). Le mot cadagâ, ou cad111111gà, désign!'! la cloche agitée devant les vodtl royaux 3. Une description de ce calendrier a été donnée par l'instituteur Paul HAZOUMÈ,
lors des cérémonies, devant le cortège revenant de puiserl'eau du roi, devant les femmes du de Porto-Novo. (Le Calendrier Daho111éen, La Reconnaissance Africaine, tev. cil.,
roi circulant dans la ville, afin que tous.s'écartent sur le passage. Elle ne joue aucun rôle le ann., n° 43, 1er oct. 1927, pp. 2-3, et no 44, 1er nov. 1927, pp. 3-5). - Cf. égale-
dans le culte de Fa. ment M,, QuirnuM, art. cit., pp. 165-166. - Cov1 MENSAN. Le culte des fëtiches dans la
2. ltifra, chap. VIII, pp. 344-348. 1'1(~io11 d~ Zagnanado. L'Educatiou Africaine, Bulletin de !'Enseignement de l'A. 0. F ..
3. La feuille xisixisi, ecrasée dans de l'eau, soulage ies maux de tète dus au soleil. A. B. Gorée, 23c atin., n°. 85, janv,-mars 1934, p. 16. - ANONYME. Notes sut le fëtichisme
ELLIS (op. cil., ch:ip. IX, p. 15 5) et P. BAUDIN (op. cit., p. 98) décrivent dans des ter- /),1homée11, ib., 26c ann., n° 96, janv.-juin 1937 (art. rédigé en 1934), pp. ·37-38.
mes semblables un rite mortuaire avec aspersion d'une eau lustrale préparée avec de la M. MAuss. L'Année Sociologique. Paris, t. XI, p. 141.
210 LA GEO.VIANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES INSTRmŒNTS ET LES ACCESSOIRES DE LA DIVINATION 21 I

Très probablement d'origine nago, le süz.â passe pour avoir été importé midi, la pauvreté ~ommente et croit. De midi à quatorze heures, lorsque le
d'ffè. Les Bobnà d'un certain mérite, les rois, les principaux chefs y ont soleil «se penche», la pauneté triomphe. De quatorze il seize heures, l'in-
droit, ainsi que les vieux chefs de famille, a qui l'on demande la date qu'il lluence de la pauvreté décroît. Après seize heures et jusqu'au coucher du
co11\'ient d'assigner aux cérémonies. Le seul contrôle exercé sur sa détention soleil, la richesse réapparaît.
est celui de l'opinion publique, très disposée à chansonner la présomption La nuit il n-e se passe rien : tout dort.
des jeunes gens. Ceux qui possèdent un si"izà l'emportent toujours en voyage. Cette divison des jours en trois périodes se j,ustif1e, d'après le Z1i11q,
On le consultait autrefois au cours des expéditions de guerre. par cette observation comrnune que le soleil se lève doucement, puis
On se plaint aujourd'hui de voir cet objet entre les mains des voleurs, et ~hauffe de plus en plus fort, et finit comme il a commencé, dans les
même des magiciens noirs, gui connaissent ainsi quel jour sera favorable à ténèbres et la fraicheur. Et d'ajouter : « la richesse veut se rendre en un
leurs exploits. Cet abus, qui se 1nanifestait déja sous les rois d'Abomey, certain endroit. Elle se lève pleine de force. A midi, elle sera fatiguée. Si
détermina ceux-ci à en interdire formellement l'usage. elle sent beaucoup de fatigue, ce qui n'est que trop normal, elle devra
Le s17:Jï. est préparé en général par un prêtre de Fa ou par un homme d'âge. lnème s'arrêter, se reposer. Or, Dieu n'a pas fait les jours pour que nous
Il n'y a pas <i ce propos de consécration ni de sacrifice. Il n'y a pas non plus, les passions dans l'oisiveté. Lorsque l'un se repose, l'autre entre en activité.
au préal;1ble, consultation de Fa. En principe, l'objet est demandé par des L'autre, c'est la pauvreté ».
personnes âgées; les jeunes redoutent d'être rendus responsables d'une erreur Cette explication a étl' comb<ütue par de nombreux informateurs, qui
d'interprétation dans le choix des jours fastes ou néfastes. estiment que chaque symbole du calendrier vaut pour la journée entière,
Il sert à fixer les dates des diverses cérémonies : fêtes et processions des et avec une intensité égale.
rndti, mariages, alimentation des K11vit:J, funérailles, départ pour la forêt de G;.dsgbe considerait qu'il n'est pas d'heur ou de malheur gui puisse carac-
fa, jour de préparation des amulettes, de visite au médecin, du départ des tériser uniformément chaque jour et chaque mo!'nent du jour. Le Dahoméen
voyageurs, jour favorable à la culture; bref, ce calendrier est consulté av.rnt ne se sent pas à ce point prédéterminL'. Comment peut-on dire qu'un enfant
toute démarche importante, lorsqu'il importe d'avoir à ses côtés la chance. vivra:, du seu-1 fait qu'il naquit un jour de 111sj:J? Il faut établir une résultante
On remarquera, par ailleurs, à quel jour du calendrier correspondent les des multiples inA.uences qui s'exercent sur lui. Mais les possibilités de
principaux événements de la vie. bonne on de male chance varient chaque jour, et au cours d'une même
Selon le Zti11à, «Roi de la Nuit>> à Porto-Novo, qui est démenti par de journée, sans que nous puissions, à coup sûr, prévoir leur succession, ni
très nombreux collègues, on peut décomposer chaque journée en moments spéculer sur leur fréquence ou leur intensité. D'ailleurs, le bonheur de
fastes et néfastes : l'un n'est-il pas bien souvent le malheur de l'autre?
«Chaque jour, affirme-t-il, comporte plusieurs phases, variant selon l'in- Chaque symbole varie.dans sa signification selon les jours de la semaine
A.uence lunaire. Supposons qu'un enfant naisse aujourd'hui. Si nous sommes mu'sulmane, les jours de marché à quoi il correspond, et les connaissances
au jour de 111.<-lm (être humain-mort), il faudra faire un sacrifice pour racheter spéciales que peut avoir le possesseur du s1izâ. C'est ainsi, par exemple, que
sa vie. Mais il se peut que le matin du jour de la naissance corresponde à le jour de mùlxi, qui coi1Vient aux grandes fêtes de Hoho, est contre-indiqué
tn~k11, le midi à 111'--):J (être humain-né), le soir a llt'--gà (être humain- pour celles de Sakpata et de Xevioso.
sauvé). Si l'enfant naît à midi, il ser;t hors de tndm, hors du danger mortel.
Autre exemple : on peut tomber le matin sur. akw;., la richesse, ù midi Les neuf objets cousus et alignés sur le stizâ symbolisent, en partant du
sur la pauneté, hë, et le soir il nouveau sur la richesse. haur(fig 16):
Prenons comme exemple la journée repri.'.·sentée sur le calendrier par un 1. Më.-j:J: l'homme naît. La naissance est symbolisée par la graine ajikwi,
cauri, symbole de )a riches~e. Toute la matinée, jusque vers dix heures sorte de fève gris vert, lisse et brillante. Aux jours de msj:J, on peut entre-
environ, règne le signe de la richesse. Après dix heures, c'est-à-dire au prendre tout ce que l'on veut. Mais si l'on est en guerre, on respectera une
moment ou le soleil se prépare;\ frapper verticalement (:Jrtigà Y), et jusqu'à trêve.
f luslitul d'Etbuologie. - .BernarJ ~!AU POIL,
212 LA GÉO~IAKCIE A L'AXCIE'.:\'.:\E CÔTE DES ESCL.\YES LES l:'.:\STRV~!ENTS ET LES ACCESSOIRES DE LA Dl\'INATION 213

II. Mz-lw : l'homme meurt. La mort est représu1téc par Le jour de lllE-~ua-bo est celui que l'on choisissa·it à Abomey, dit-on, pour
nn petit os (!m)brisé. Aux jours de ndw, il faut renoncer à '' ~nsser n un pays ennemJ.
toute entreprise dont on souhaite la rL·ussite. VIII. JJ~-:;_1!-hi~: l'homme devient pauvre. Symbole : un fragment d'ob-
III. Ms-z1i-vod1ï : l'homme Je1·ient (se change en) wd1i
(sous-entendu : après sa mort). Symbole : le fruit htls-:i!.·fri
ou ln7/t!kàkid '. On choisit ce jour pour se marier. •
IV. M'"-js-azâ : l'ho111111e tombe malade, contracte une
maladie. La maladie (azà) e~t symbolisée par la graine
azàvm."Wrkû:i, - certains disent aztîgogtee OU (l,~tibof>.z('C, OU
azôlcï'i i .
1 ...•
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( -.

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V. MHa-i·-:i : l'homme fait un sacrifice. Symbole :
selon quelques in formateurs; nn débris de calebasse (!w-x~cz ) ..




û'.


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puisque les sacrifices sont présentés le plus som·ent dans • 't:) • )

,6)
des call'basses ou des débris de calebasses. Mais on con- trente jours ..
• • )> - ____ douze lunes
sidère en général qu'un objet bon marché et bri~é ne de la lune- - - - -
0 • )>

...


: • l>
peut symboliser qne hè, la misère, et l'on représente VJ
• )
par un coquillage marin, x11h, qui rappelle la phrase :
.• ~ • )

D v-:i-xn-sa-.\ïHZô-do ( sacrifice-mer-faire-mer-(ha bit. )-trou), la


...
.
. • ):>
'
'
mer a fait un sacrifice et reste dans son trou 2 •
VI. Ms-d:J-hwz : l'homme parle devant le tribunal, • 0 •® . -
___ vodü - ~

este en justice. Symbole : un cauri (akwzu•o). Quelle que .•• •@ - ___ tf:ni

soit l'issue du proct:s, il faut payer, avant, pendant et .• &


·8 - taata
après.
VII. Mz-wa-bo : l'homme fait le talisman. Celui-ci est
symbolisé par la graine rouge du fruit akpakiüi on Lg-

$•
O•
0 •• --- azasa
>----

.0 ·- __ ,.....,la mi si
bal~palol, sorte de haricot dont se fait mainte amulette. A
Jours de
marché --- -- - @· (Q> .e - ----sibi
- - -· axosu

défaut, on emploie une graine noire, lisdnïii, ou le petit 0· .e -


FJG. 16,
Calendrier sli~17.
(M11sle de l'Homme,
Paris.) Longueur
os ri, provenant d'un crâne de cabri.

1. H1ï-lûk<i-lifrl : vodù-liîkli-graim:. L.ïl1ii tst généralement traduit


6 3 cent., largeur 3 par corail. On en fait des colliers fort coùteux, et ks perles de lâkü :':G. !j. -
2
Calendrier (44 X 15,5 cm.).
cent .. plaisent au Fa et aux votlù. Selon un ,·ieux Yorouba d'Abomey, ces
perles rouges seraient le résultat d'une longue macération de l'i\'Oire jet local sans \'aleur, le plus ~ou vent un débris <le pipe en terre (az_:Jkwswèkpo)
dans de l'urine.
mi de .:alebasse (kaxïL"~), un éclat de poterie (zèxw'-)·
2. Le développement d'un signe de Fa prescrivit ù la mer et aux ri\'Ïères de faire un sacri-
fice. Les rivières n'ob~ireot pas : aussi sont·elles périodiquement à sec. La mer, au con- IX. ,'vfs-k<7-Fa: l'homme consulte Fa. On dit aussi mz-111à-Fa, l'homme
traire, «reste dans son trou >>.Cf. cit. de PHILLIP ap. R. E. DENIŒTT, .\'~i;eriau Studfrs, '/OÎt, trouve Fa. Le symbole de ce neuYième jour est tout naturellement
op. cit., chap. x1, pp. 1i0-111. - Il s'agit d'un coquillage de mollusque fossile, le /wt1111- une noix <lu palmier de : dchi/i. Fa vient en dernier lieu, parce qu'il est sus-
rnl11s.
~cptible de parler des huit abstractions symbolisées avant lui.
LA GE0~1ANCIE A L' Al\CIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES INSTRL'ME:O.:TS ET LES ACCESSOIRES DE LA Dl\'JNATIO!\ 2l 5
Il faut voir, dans la succession de ces neuf jours, une sorte de roman 1 • c
Les trois premiers expriment l'idée que l'homme naît, que la mort l'emporte,
et qu'il passe alors dans le domaine de l'inconnaissable. Ces trois premiers ~.
jours reviennent quatre fois dans une lune. Ensuite nous sont indiquées les
principales incommodités de la vie : maladies, sacrifices, effet des charmes,
- dont les frais conduisent ù la ruine. En dernier lieu vient Fa, le consola-
teur, le guide. Les six derniers jours re\·iennent trc;iis fois au cours de la
même lune.
Une autre interprétation, qui paraît meilleure, est la suiYante. Les sym-
boles I, III, V, VII, IX sont de bon augure; naître, entrer dans le royaume ®

@ 0 ®CD ® CD .® .o
e • • • e •
des esprits, accomplir son devoir envers les divinités, préparer des amulettes
ou des médicaments,_ consulter Fa, rien de plus normal pour un être humain.
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Les symboles pairs évoquent au contraire tout ce gui est un obstacle à la
vie : mort, maladie, procès, misère.
0 0 © 0 0 0 0 .0 .o
0 0 0 0 0 0 0
La bande d'étofl:~ est parfois fixée à une planchette (fig. l/). 0 0 ® @ 0 0 0 .o ·®
E> 0 ,0 0 e 0 0
Calendrier 11111rnl111a11 d'Abo111ey (SuZÀ).
•••••• ca •• Tf • •• • •••i•~•• • • f••{;:
2.

Ce calendrier se compose d'une planchette en bois pyrogravé, percée d'un


certain nombre de trous où peut s'introduire un lacet de cuir servant de .... ·f .. f+.......... +•••••• i #f , l
repère. A la partie supérieure, le manche est orné d'un dessin pyrogravé
évoquant un agfr111aga (fig.· 18).
• • • •. f.. +t•••.'. . +. f. ~ ( !·....
···~········'i······· •.• . • 1
Les figures de la planchette comprennent:
' 1· •. (•••••
~
A) en haut et horizontalement, sept cercles symbolisant les jours de la
«semaine musulmane n, soit, de gauche à droite: vodt!-gbe, twi, taata, a:Ji,ga, ·····. ~· .. t+•.•. ·!·· ··f··I··. (ol)
lamisi, ax:irn--::.â, sibi. Le cercle de vod1itbe (dimanche) enclôt souvent huit
4ti · · · · ·$ ···.··f· f•(oo
0

•••.•...•..•• ·+ ...... ·t·· ·~.· t.


• • • • • • • •
points pyrogravés représentant les six jours de la semaine et les deux
dimanches qui les encadrent;
B) sous chacun de ces symboles, sept rangées verticales parallèles de six petits
cercles, alignés selon la longueur de la planchette, indiquent la qualité de~
· · · ···Ht···~······i·· ·i·~+·· (
principaux moments de la journée, du matin (cercle superieur) jusqu'au · · · · · · · ·, · ··· H····~ t.... H·i· (~
······
soir (cercle inferieur). Les moments heureux sont marqués d'un cercle ••.• ~ t .••..••. ··~ ...•.. •·• . \tt· .

simple, les autres d'un ·cercle où s'inscrit un point pyrograYé. On peut con-
sidérer que le cercle supérieur représente la deuxième moitié de la nuit et· t~·~·~··\t······tt·········~~ ......
le début de la matinée jusque vers six heures. Viennent ensuite des inter- ·········~····++··· ········~i·
1. Elle est parfois énoncée sous la forme: 111' j1, b:J lm, b1 ~1î vod1i, etc., par adjonction
du copulatif bà (et). Fic. 18. - Calendrier musulman de G'd2gbe. (Rcduction des 2f3.)
216 LA GÉO.\fANCIE A r,' ANC!E~NE COTE DES ESCLAVES LES JNSTRU~!E!\TS ET LES ACCESSO!RES DE LA Dl\ï!\ATION

valles de temps de trois heures environ : 6, 9, r2, r 5, r8 heures, le dernier •(·~lw et de récQltes. A l\~xtrérnité de la neuvième ligne, <<l'année est reYe-
symbole correspondant à la première moitié de la nuit ; Ulll) Lloit labourc"r et semer le maïs une seconde fois. Ce deuxième
1> : 011
C) parallèlement à ces signes, ~t à leur droite, deux rangs verticaux de \lll~C111encernent de maïs se nomme :;:o. Aux deux lignes sui\·antes, le motif
quatre cercles moins petits symbolisent les jours de marché d'.\homey. En. 1lu mil annonce qu'il faut ensemencer :1 nouveau '.
commençant par la rangée supérieure, et de droite à gauche, on trouve: aja.\'/ ,.\11 bas du tableau, le repère de mir
(une croix), et hùjro ou mùJxi (un cercle); verticalement, et alignés sur h1ijro: O\I d'étoffe rappelle au propriétaire de la
adokiül (un point dans un cercle), gbsdagba (un cercle), ajaxi; à gauche de 11h111chette qu'il doit faire une cert1i11e
l'ajaxiïnférieur revient hlijro, au-dessus duquel s'échelonnent_ adol.'Ü•I, ghs• ~ho~e au jour 1~1arqué. G - - --
-- - .
:::- .: :
dagba, et, de nouveau, ajaxi. Les quatre jours de marché sont représentéff - --- ~ -:.-
·<ii> = -- -
deux fois, dans une alternance facile à remarquer 1 •
'
) . Calendrier d11 rvi d i/11 pc11plc :
·© = :
:: :
Les symboles des jours de la semaine nrnsuln1ane et des jours de marchd H\\'EZA.
- -
sont accompagnés d'un trou servant à introduire un repère;
En usage ~1
Abornèy, cha le Bvb11à
·•
D) toute la partie inférieure du tableau est consacrée aux jours de l'annéc 1 ·e ---- ::..:.-::
représentés par doL1ze alignements horizontaux parallèles de trente petits trous 1 Gc 1/Eghr, ce calendrier se compose d'une . . -==
·® --==
correspondant aux lunes. Certains d'entre eux sont bouchés. Un repère de cui1• lnngue planche rectangulaire en bois,
ou d'étoffe peut se placer dans les autres. La ligne supérieure correspond à la llont une dt's extréùlités se termine p;:rr ·e -- -
----
première et à la treizième lunes; chaque ligne se lit de droite à gauche. Les llllt.! poignée su btriângulai re plate '. Py- ®
----
rogra\·é sur ses deux faces, il permet de
---
traits pyrogra\·és coupant les trous et dirigés dans l'axe de la planchettO ::
p1·~·dire au verso l'avenir Liu pays, au
·@ =
sig11alent les jours de pluie. Ceux de ces traits dont les extt'érnités barrées
forment une croix indiquent les jours de tornades accompagnt'.·es d'éclairs, 0(1
des accidents peuvent avoir lieu. Le motif pyrogravé dressé à droite sur lu
dixième trou de la première ligne, symbolise la fête de la Tnbaslû 2 , à laquelle
1'11i:10 celui du roi. Sur les deux faces
~ont gravés les seize du càpitaux, mais la
f111:c consacrée au roi et aux affaires
..
·~ ===~

·e
: :::
~~~~
--:.:

d'~·tat comprend, outre cet alig.nement,


s'intéresse vivement la population no11 islamisée, et qu'elle nomme hwe-l?pil;:p1•, ·s=:~:
llll motif circulaire situé dans une des ::
Les croissants lunaires pyrogravés, à l'extrémité droite des lignes de trous 1
s'accompagnent de motifs qui constituent un calendrier agricole. Les six 11111rges, vis- à-vis de chaque d11. Ces ·8 -=--
traits de la première ligne signifient que l'année est terminée. :\ "1 quatrième motifs sont au nombre de sept, et se pré- .0 ~=~=
~cntent dans l'ordre de la fig. 19.
ligne, des graines et une houe indiquent qu'il est temps de labourer 1:1 • <Q) ==~::
terre et de semer le mil. Les cinquième et sixième lignes r;1ppellent que lt1
Dé gauche à droite se trouvent ainsi
~\'Ill balisés les jours de marché ajaxi,
moment est \'enu ·de semer le maïs. Viennent ensuite deux lunes de saison
l;tljn1, :;:obodo ou gbulagba et adok-ü•/. >. F1G. 19. - CalenJrier royal d<:
r. Cès noms sont donnés par R. F.. BURTON (op. i"it., ck1p. :rn, p. ) ) 5,· n. 1) et p<lr d~~ Go.hg/Je. (Long. 125 l'.nL). (Copie au
auteurs postérieurs. M11sù de l'Ho111111t).
ou de fête, excepté leur Pàque ou Bairarn, qu'ils
o'
2. Il s'agit de l':\ïd el ](ebir. Le mot T11baski semble prO\·enir de l'arabe ,...;:;..,;. f,1/>.-hir, 11ppcllent Tabesq11er, qui suit une espèce de jeùne .
..,, ... . ,\leur mode». (Abbe DEMANET. :Vou1•e/le Histoire de l'Afi·iqueFra11çoise,mrichie, etc .. Paris,
bonne nom·elle annoncée à quelqu'un, ou mieux : action d'annoncer um' bonne nom·ellc 1\
l'llèl. la veuve Duchesne, 1767, t. l, 1'.hap. 1, p. 10).
quelqu'un. ,.~~; a
..,, " /'.
pris le sens de : commencement [d'une chose], et son pluriel
. ,,.:..t:,;
..,, .. / '
r, \V. Bo~MAN, Voyqge de G11i11ie, op. cit., p. 165 : «ils supputent le temps par lunes, et
tabâchîr est très employé actuellement dans le sens de : signes annonciateurs (ex, i 11wnt à cela quand il faut semer leurs grains ». .
l, Celui que nous avons remis au ;\Iusée de l'Homme mesure r 2 5 X 20. Gede_<•be, qm
l. ' . tabddn'r es-s.1bdh, signes avant-coureur~; dè l'aube). Le mot est usité depuis
. ,_ l...,dl ~,.....;;..1_:; llOllS l'offrit, le fit exc!cuter à l'imitation du sien. .
longtemps parmi les Musulmans de l'Afrique noire: «Ils n'ont ni ~losqn<·e, ni jom de rep11H j. La forme circulaire du princ_ipal marché d' Abomey peut ~tre à l'origine de cette hgu-
l
LES !NSTRU~ENTS ET LES ACCESSOIRES DE LA· DIVINATION 219
.218 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES

Ce calendrier permet aux grands Bobnô de faire les prévisions pour l'année Fon. c Yorouba.
commencée. On ne le trouve que chez les devins très vieux et très réputés, Fabo, Fafa afa
Il fut introduit à Abomey sous le règne d'Agaja et son pays d'origine serait,_ Fade akpAfa
Ifè. Jisa, ajoute-t-on, n'est pour rien dans cet apport, qui eût lieu postérieu· Fa111i 111.:â-ljii
rement à son installation au Dahomey. Agaja envoyait fréquemment des Fa1111wiwa, lmgfo1111fa kpanad11 (premier cabri)
gens à Ifè, et encourageait les nouveautés et les échanges. Faf;:p(}- akpo-Jfa, akpo~l>psh
Cet objet a perdu beaucoup de ~on prestige depuis la chute de la monar· Fasë ou z1i-si' asti-ljà
chie. Il est encore profonde.ment respecté dans la famille du dernier grand Fats a1s-lfa, al.·pô- 1fa
Bobnà de la cour, Gedêgbe. Favi a111ô-Ijà
Un autre informateur possède un calendrier analogue, mais beaucoup plus 1'àkid iki
petit, gravé d'un seul côté et ne comprenant que la représentation des du, Faz1i igbo-ljà, igbo-Od11
Un calendrier d'étoffe y est fixé. l1à Fa da-ljiT ou d1jà
lwd ia kpalmda, 1iclw!.·pada
Ter111inologie. Lsgba ag/Jâ11ukcc,' Oruakwi
Lsgba do b, Xô11ukii·••od1i, 1iagishgb11ade
On trouvera ci-dessous un certain nombre de mots du vocabulaire de Fa, ou Agbv1rnx:>sù
en langues fan et yorouba : igba-ljir
fska
lôflè i la1fa, age le, i/atJke
Fon. Yorouba. lakpo. kpa!aaba
lakpo
adra €fo Nawo ou 1.-i!i okili
agü111aga akpd?..ijd kpali ikpali
asê asâF1i soli ou sokpd1psti igiosti, p.lvs1i
as ra akpà tàlii tâlti
Gbaadu Gbaadu voblata adibo
blavo odibo vade ibo
Bdkanà Baba!awo
du vikàdo amàlodu
Duwo ou gbàna Luwv
Fa Ifa
Fa a/a dokpo Jfa awa M
Fdgbaji ad;h.-lfa
Fagbà awofa

ration. - R.F. BURTON, op. cil., chap. xII, pp~ 333-334, decrit les figures gravées sur ce
qu'ii nomme ~n· Fat2 : cc Each was in an oblong of eut and blackened lines, whilst at the
top werç arbitrary marks - circles, squares, and others, to conc·ect the sign with the day. It
beg<lll with the Bwe-Megi, the figure assigned to Vodunbe, fetish day or Sunday, whose
mnemonic symbol was six dots in a circle; whilst Monda y, had a sphere within a ,sphere. It
w.1s a fl'llpable derivation from the geomancy of the Greeks, much cultivated by the Arabs
under the name of El Rami>>.
L.-\ COXSULTATIOX 221

~onsulte pour obtenir l'interprétation du pri'.·sent et du passé', et pour con-


c
llllilre l'a\·enir '.
De nombreux consultants viennent \'oir le prêtre, non pour consulter
F11 1 mais pour demander un a\·is. L'expérience des hommes dans l'adversité
1'11 souvent re.ndu de bon conseil. De plus, il est toujours quelque peu
CHAPITRE VI.
lll~decin, ou plutôt pharmacien : outre des consultations et des a\·is, on

LA CONSULTATION. \'lent chez lui solliciter une drogue. Il donne le conseil demandé, la recette
q11i guérit ou soulage. Mais sïl a besoin d'argent, il assurera à son client
11u'unc consultation préalable semble indiquée, annt de prendre une déci-
hion ou de faire un choix. Et il pourra même utiliser sa connaissance des
~·ires pour creer l'inquiétude, état mental particulièrement monnayable.
Ses causes : d.anger, m<dheur, impureté, premières règles, grossesse, enfantement, Fa-
,1{/J,'.sa, mahid1e, mort, ...vdù, rève. -Jour et heure. - Ag1illlag.1, Fagbo, g1•de. - Consul- Ceux qui n'ont pas de fa personnel consultent le Fa commun à tous
LHIOn de L<g/111. - Le jet des colas. - Noms dérivant d'une consultation de Fa. ~~·ux qui n'ont pas été dans la forêt sacrée, c'est-à-dire le Fa d'un de,· in.
Ci!llx qui ont leur Fa consultent eu:-;-mèrnes, s'ils le peuvent; sinon ils
Le mot divination s'exprime en fo-gbe par l'expression Fa-kl-kâ, qui portent chez le Bob11ô le fragment de calebasse où leur signe fut écrit au
désigne la manipulation des noix consacrées Consulter se dit kà-Fa. Le
1
• /•i1z.1i, dans le bois sacré. Le devin déchiffrera, sans autre formalité, la
verbe llà signifie littéralement écarter; il évoque le geste de la volaille qui nlponse :i la question posée. Le Favi qui consulte son propre Fa demande
t'.·cme, disperse la poussière pour découvrir quelque aliment 2 • Les inter- l'll quelque sorte ;\ son destin, à son dieu individuel, à son âme extérieure,
prètes usent de mots im p1'.opres en traduisant par « fouiller >J, « chercher le ~~· qui doit lui aniver en telle circonstance. Son destin, qu'il nomme s~, k
fond >J : la recherche a lieu, non en profondeur, mais en plan. Le c~nsul­ hllit partout, et constitue une parcelle du grand S:., S:.gbo111<.do ',gui est k
Wlt reçoit le nom de mz e wa nu M gbe et parfois de n11lfà-ta. 110111 de Mawn pour les initiés ;\ Fa.
~elui qui refuse de recourir à Fa reçoit le nom de Fagb~-la, celui qui Le consultant est nommé : 111~-e.-ia-Fa-kà-gbe (F) (personne-qui-venir-Fa-
rduse (gb~) fa. C'est le nom donné aux Missionnaires, qui engagent les t1 l'ouiller >J -aujourd'hui) ou : wi li 111baa di !fa {Y).
néo-convertis à détruire leurs symboles de Fa i. Pour faire veni/ chez soi un devin ordinaire, on se borne ù lui envoyer
1111 messager, sans autre formalité. S'il s'agit d'un grand Bokancl, le messager
oll're des colas, du poivre alakti, de l'alcool, un pagne blanc, de l'argent 1 •
Causes de la conS111taticm.
Une fois la consultat.ion finie, tout deYin, grand ou petit, reçoit un préS'ent.
La consultation a lieu chaque fois que l'on se sent embarrassé devant Le plus souvent, on consulte lorsqu'un malheur est arrivé ou menact.
l'inconnaissable ; elle se motive par le besoin de << comprendre quelque Dans ce dernier cas, on demande conseil au devin pour détourner le mal-
chose >J et d'acquérir un moyen ou un principe d'action. Le devin est un heur. Et le devin prescrit un sacrifice, recommande un talisman. Quelle sorte
peu «comme un dictionnaire ii : il renseigne, il explique. On va le trouver
à propos de tout, et même si l'on désire faire disparaître quelqu'un 4, On 1. L. u"·1-B1nJllt., Le S11rnat11rel . ., "/'· cil., clrnp. 1·1, p. I6ï.
2. L. Li"'Y-B1tu111., c>j1. cil., chap. 1, p. 13. - La question post'.·e au devin il ce propos est
1. ]. SPJETH trnduit \\'ahrsagerei par A/i1kaka (Die Rdigi1>11 . ., <'P· t"lr., chap. Ill, 111 ~uil·ante: du h il'' ua. h 11u eb 1111 mi? guel est le du qui mc dir;\ ccla? ou : d11 I< ji
·1c2 na

p. 189). 111! bo do blu 1111 elo? sur quel du serni-je pour faire cette chose? ou : du le ji 11'1111 11<l bo 11<1 do
2. A. LE HERISSÉ, op. cil., drnp. \',p. q4. /1fo ? Même sens.
3. Des représailles sont <i craindre en pareil cas. J. S<-gbo-111s-dv: 52-grand-~tre-crécr.
. 4. Dans ce cas on demande, par ex~mple, quelles conséquences engendrerait ]a suppres- 1J. Les grands Bokollll ne se dérangent qu'à certaines occasions. Il existe une pré1·ention
:010.1 de la personne gênante. Li question est posée non au devin, m;1is à l'aiiklùi. contre les de1·ins gui se rendent ù domicile. (S111>m, chap. li', p. 149, n. 2).
222 LA GEO!>.!ANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LA CONSULTATION 223

de malheur conduit le client chez le devin? Voici un spécimen de classifica• 111lrc ' ; pratiquer da magie noire, être atteint de la lèpre, ou d'une maladie
tion donné par un vieux Bok:miJ : v611érienne; être ,en état de chômage; se mettre nu devant sa femme, ou
r. simples maladies, à ci uses. naturelles, du consultant ou d'un membru dovant sa belle-famille, et danser en cet état 2 ; perdre de l'argent sans être
de sa famille; volé, phénomène attesté dans tout le Bas-Dahomey; dire des obscénités
2. aze : sorcellerie, manœuvres d'un magicien noir. Il existe des Bob111! tlcvant une personne notable ou simplement plus figée J; voler (même des
particulièrement qualifiés en cette matière; ln~onnus); être victime d'un adultère; calomuier; coïter avec une fem111e
3. troubles causés par les vodti; 'Il règles; violer un interdit; mourir en couches ... Mais si l'acte générateur
4. impatience des célibataires q u_i veu !en t prendre femme ; d'impureté paraît avoir une cause insolite, extrapersonnelle, il faut consul-
5. inquiétude des mans qm veulent des enfants et dont les femmes IUl' pour apprendre la cause de l'impulsion à laquelle on a dl1 céder. Fa
sem bien ç stériles ; rdpondra, selon les cas, que la faute en revient à Lr;,gba, à un vod1i, à un
6. inquiétude des maris dont la première femme est morte, ce qui doit /(11/11/J ou aux Az.e!J; ou encore qu'il n'y a pas de cause extranaturelle, que
n principe entraîner la mort de la deuxième et de la troisième épouse, Cl Io sujet était .donc conscient et responsable de son acte, etc ..
risque fort de les laisser seuls sans femmes nouvelles ; La femme mariée crée un danger plus ou moins grave pour l 'i'une du
7. inquiétude des pères dont les enfants meurent en bas-âge; ninri en menant une vie déréglée, en essayant de faire des amulettes contre
8. inquiétude de ceux dont le bétail meurt de façon anormale ; lul, de tuer par des moyens divers celle de ses co-épouses dont elle est
9. angoisse de ceux qm se sentent toujoùrs enï:ravés et contrecarrés :Hl lnlouse, ou les enfants de celle-ci, en entrant dans la chambre de son mari
cours de leur vie; IOl'squ'elle a ses règles, etc .. 1
ro. humiliation de ceux qui souffrent de l'indifférence d'autrui, et dont
les paroles ne sont jamais prises en considération; La
maladie est une des meilleures pourvoyeuses des devins. Nous emprun-
r r. déconvenue des fiancés ou maris abandonnés par leurs fiancées ou IOlls à un abbé Dahoméen la description suivante :
leurs femmes ; l\possou vient ù tomber gral'ement malade; sa famille va tout d'abord consulter le Fa
r 2. insuccès dans les entreprises 1
• (hllid1e <lu sort). Par l'intermédiaire de cette divinité, un autre esprit oa le Se (l'esprit tuté-
A côté des malheurs, fa désigne par élimin.ttion les impuretés qui néces• l11h•e) du malade, ou un défunt réincarné en lui, déclare aux consultants qu'il est l'auteur
1lu la maladie de Kpo~sou. Alors, le Hôkonon (le devin interprëtant les réponses de Fa)
sitent une cérémonie de purification, et dont voici une liste : frapper ou
;\loute : " Le fétiche gui fait souffrir Kpossou demeure à tel endroit. Alle% à lui. » La
tuer son frère, son père, sa mère; insulter son père ou sa mère; commettre f1\lllille ach.:te du tafia et des noix de kolas et se dirige chez le fétiche. Le Vodoun.-non
i.111 inceste 2 ; coïter avec sa belle-mère; commettre un homicide volon .. (~h~f féticheur) les introduit dans la case de la divinité. To~s s'agenouillent devant l'idole
,1voc toutes les démonstrations extérieures de crainte, d'humilit•~ et de respect. Le féticheur
l. Cession de droits immobiliers. Les rois d' Abomey jouissaient d'un droit éminent sUI' llil'c la voix au milieu du silence général : cc Fétiçhe, dit-il, d'un ton supp)iant, les personnes
tout le territoire coù1posant le royaume, mais ne l'exerçaie1Ù que sur les terrains environnant
leùrs palais. Partout ailleurs, sous réserve d'une éviction que le roi se réservait de. prononcer,
1. E-·mi-hi'-1111 (il-faire-impure-chose), il est en ctat d'impurete. On dit que l'homicide
les descendants des anciens maitres du sol (ayi-11à) usaient de la terre, récoltaient les fruits
Involontaire n'est pas /J,; (impureté), mais ao'/;i (accident).
(dont une fraction proportionnée à leur richesse était portée au roi ù titre d'impôt, lmzu), e\
l, Certaines préparations magiques passent pour provoquer ce délire.
gardaient même le titre de maîtres du sol. lis pouvaie~t aliéner le terrain ancestral, à con·
dition que la cession eùt lieu ,i titre gratuit, et que le donataire reçût de Fa une reponsc
J, L'auteur de cette grave incongruité reçoit les épithètes d'aja do de do bü, ioi g/>lrgble,
favorable.
11/ /111 i·i, lil1pa-11à, qui éYOquent l'idée de pourriture.
·1 · Il est encore as~e% difficile de distinguer avec précisio'n aovi et hè : ils sont solidaires.
2. L'inceste de la sœur et du i'rl:re consanguins était pratiqué dans la famille royale d' Abo·
mey. Infra, deuxième partie, chap. 1, p. 417, n. 5; le fait est officiellement connu de nos
cr. H. HGBERT et M. MAGSS, op. cil., p. 74:" Remarquons un fait important: maladie, mort
~I pcché, s~nt, au point de \'UC religieux, identiques; la plupart des fautes rituelles sont sanc-
jours : cf. dossier cc Coutumier>>, in Arch. du Gouvernement du ·Dahomey, et Coutu111ier d11
llounées par le malheur ou le mal physique ... Aussi pouvons-nous traiter à la fois des sacri-
D.1ho1J1ey. Porto-Novo, Impr. du Gouv., 193), p. 41, art. 88, Ç d. -Administrateur Fer·
1\~~s curatifs ~t des sacrifices purement expiatoires. Les uns et les autres ont pour objet de
nand AuoR1c. Co11tu1J1es Aïz.o, Fou, ,Vago. Paris, Larose, 1939, p. 161. - Medeciu·
Commandant RENAUD et Médecin-auxili::iire Principal A1mmÉLÉ. La Collectivité chez. les
f11h:u passer, gdce à la continuité sacrificielle, sur la victime l'impurete religieuse du sacrifiàot
Gouu de l'Ancim Royct111ue de Porto-Novo. Paris, Larose, 1939,'p. 551, n. r. vt de l'éliminer avec elle».
)

L\ (;f~O\L\t\C!E .\ L' A:\ClE:\~E CÔTE DES ESCLAVES LA CONSULTATION 225

prnstcrnl:es ici dc,·am toi, ,.il'lllll'11t dans l',1dvl'rsit0, implorer ta piti0 ! » -- « !\ous sonm1~s lliftrtcnt de nou\'eau,cet autant que possible, dans le temple ou d<ms la case: du Fétiche pour
d.111s une profonde atHiction, ;1joutent les suppliauts. Fétiche, c'est toi, nous a déclaré le Fa, ~Oll~lllter le Fa (le Sort), ahn de connaitre par s;t bouche cdui qui, selon la rnlonté des
1
qui a c:nvoyé il Epossou le mal qui le fait souffrir. Depuis qu'il en <St attei11t, il nous est \ 111louns,doit recueillir la succession. Tollle l'assemblée est !à, très attentive, assise ou pros-

impossible de dormir la nuit. ü Vôdoun (fétiche), j;ile (de gdce, pardon), aie pitié de nous 1 · l@l'llcc, mais toujours dans une attitude très respectueuse, plongée dans un rc:ligieux silence.
Sau\'e-nous ! Exauœ-no;1s ! Que ce mal le quitte ! S'il guérit, nous te donnerons un cabri ! Ou n·entend rien. sauf la voix expressive et solennelle du Bokonon (!<: devin), questionnant
etc . .. 1 'ùll F<t, disant ;t répétant a\'ec un accent d'une gravité impressionnante et qui inspire de b
i!Otllhmce et de la fern:ur it sou auditoire, une longue li'tanie ùe louanges et d'h:1m1011ieuses
fornrnks à l'adresse du Fa. Si le mort a laissé plusieurs iils, leurs noms sont proposl:s suc-
Si le malade est condamné, le Bo!.·J111Ï doit ie dire, car Fa dit la ,·érité ct
~V~~il·i::meot au Fa par le devin.
ne s'efforce pas de plaire vainement. Certains vieillards très au courant de8 ll111in, le Fa rl:pond à trois reprises : " Oui, c'est un tel qui doit succéder! »Alors l'élu
choses cachées arrivent, par ce procédé ou autrement, à situer très précisé· a~I ngrél: par l'assemblée et, s'il est absent, la réponse du F:t est portée i1 sa connaissance. Si
I~ d0funt n'a laisse qu'un fils unique, œlui-ci est tout désigné pour lui succéder. M;1is s'il
1nent la date de leur mort. Ils en connaissent les signes précurseurs. Gs·
VMI irrespectueux, indiscret, insolent ou a d·autres défauts serieuse111«:11t inquiétants, ou s'il
dsgbc annonça l'heure de la sienne :1 son fils préféré Fad~11ngbo '. V~I 111c1l vu dans la famille, le Fa trOU\'e bien le moyen de l'écarter c.:11 dl:sig11;111t un m1tre
On ne consulte pas à propos d'une inhumation ', mais on peut deman- ~'"":c:!sseur '.

der, après l'enterrement, si la mort fut ou non naturelle. De même, aprè~


Cette coutume est en vigueur dans tout le R1s-Dahorne:-·, lor~ du re111-
les funérailles, on peut faire déterminer la date de la seconde cérémonie,.ct 1
pl11œment des chefs religieux. La consultation n'a souYent lieu que ponr
- dans les localités où la coutume le prévoit, - si le moment est venu
hUlcnniser le choix et asseoir l autorit~ de l'élu. Il en était dé même ù Abo-
d'exhumer le cr:îue. On considère :1 Porto-Novo que le cadanc d\111 homme
mey, sernble-t-il, lors de la désignation d'un prince de la couronne (vi-
doit d'abord séjourner sept mois clans le sol, celui d'une femme neuf mois.
da l.io) '.
S'il s'agit d'un très ,·ieil homme, dont le corps desséché est moins putres·
cible, on pourra laisser le cadavre jusqu'i1 dix ou douze mois ense,·eli. Si,
au moment de l'inhumation, un animal - ,·olaille, lézard, etc. - tombe Si un vod1i <<tracasse» un adepte de Fa, le de\'in donne tous conseils utiles
dans la fosse, on interroge Fa snr k danger présenté par ce phénomèn~· pour faire cessei" l'incommodité constatée, en recherchant par élimination
i \lSO li te. quel est le vod1i en cause. Et nul vod1i ne peut résister à Fa, qui le dénonce:
Dans certains cas, Fa est consulté pour désigner le successeur d'un prêtt\' u Fa passe pour le maître de tous les vod1i, ou tout au moins leur supérieur
défunt. Ainsi, à Abomey-Calavi, lors de l'inYestiture d'un nouveau J)~11(i, Cl leur aîné. n
prètre de Ji.w Lorsque des jeunes gens consacrés il un vadti sont sur le point de rejoindre
leur séminaire, leurs pères demandent ;\ Fa s'ils sortiront bien portants et
.\u jour lixl: pour le choix du Di//(>//, tous ks mc·mbres ·,k la famille du Pr0tre défunt,
tous ks habiunts de son qu;trtier et tous ses Vodunsis, .1cccn1rus de toutc.:s pans, se n:u.

I . •-\uteur anonyme, mais dahoméen. Li Heconnaissanëe Africaine, rf<'. cil., -2e ann.,
l. G. Krrr. Rites f1111émires 11.\/lÙ die~ les •./l/11da111>11s et ,lh·cu,•s tri/111.< de rai:e "Go1111., 011
«Ai\"» habit1111t la 1•1111lime d,• Porlo-Xon>, in L1 Rec. :\fric., re«'. cil., 3111c ann, li" 4j, 11'1 27, 15 oct. 1926, p. 6.
l . .-\. LE Him1ssf:, op. cil., clrnp. 1, p. 7: << Entin la \'Oix du Destin, du F:i, habilement
1er dec. 1927, p. 2. - Id., in Echo des Miss. Afric. de Lyon, 3lmc ann., no 3, mars 1932,
~onsulté par le sorcier (Bokonon) du palais, inten·enait pour pi::rmettre au souYerain régnant
p. 65. - Le mot jail', forn1ule d'excuse courante des Gli1111, eqlli\'aut au k1'kl1' des Fon.
2. Il né présentait allcun indice de mon prochaine et \·enait au contraire de se remettre
11\lcarter celui de ses fils qui par droit de naissance aurait pu devenir roi, mais qu'il jugeait
d'une pleurésie au cours de laquelle nous pt\mes :1dmirer sa résistance et son courage. 1111111quer de caractère ou des qualités requises pour gouverner ». Béhanzin régna cependant,
3. Co11tra, E11quéte sur la Codificalio11 des Co11t11111cs : :qir0s le décés, "p;tr le trudiement un dépit de la raison d'État et d'une consultation contraire des grands Bvk~Jllô. -- Fa n'est
du .fétiche cc Fa >>, le fl:tiche de la collecti,·ité fait connaitre ses exigences et indique le~ ~onsultè sur le remplaçant d'un chef de famille que si cc dernier n'a pas d0signé de succes-
~m1r de son vivant. C011tr.1, rép. à une Circ. locale de 1932 relati,·e au Coutumier du Daho-
s~cnfices. gui <~oivent lui ètre faits». (Coutumes Ouatchi, S:1houè et Fon : Grand-Popo,
1\IU)' : •< Le chef de famille est désigné par les principaux membres de la îamil!e et ce choir
reponse a la Circ. loc. 272 A. P. du l 1.x. 19)2, Ardi. de la Subdivision). li est déconseilll:
de consulter Fa dans la maison mortuaire tant que les dôkp' (fosso,·eurs) et le Hok:J111i n'ont doit être approu\'é par le fétiche Fâ. » (Coutume fon, Arch. du Cercle du Holli·l\étou.) Le
pas accompli ks purifications nécessaires : -<t·11sra 1111 lm·,• et da-si jii 1111 Fi1. Fa n est pas non chef de famille est toujours le plus ancien nüle \'ivant; s'il est infirme, il s'adjoindra lui-
lll~llle un membre quelconque de la famille, à sa discrétion. Fa n'a pas ù inter\'enir en cette
0

plus qualifié pour<< fixer le délai de liL1uidation des successions"· (Rép. il rn0111e Circ.,
Arch. du Cercle du Holli-Ketou). matière. Co11trc1, C:>11t11111ier du Dahomey, e>f'. cil .• p. 9, art. ). :; 2.
)

.2.26 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LA CO:\St;LTA TIOX

satisfaits du htikpamE. Si Fa répond par la négative, il est sursis au départ, lturs intentions.
Plusieurs informateurs affirmènt, non sans réticences, que
Mais Fa ne fixe pas les sommes à verser éventuellement au vod1i11ô. ~fH Européèns en commandèrent secrètement.
Lü somnambule, mû par Ayido/Jw:.do, passe pour avoir de la chance.
Les rèves sont souvent prémonitoires. On les considère comme donnés A côté de ces causes fortuites, les consultations en ont de constantes: de la
par M.awu et transmis par le Lêgba individuel. Ils participent de ia mort llRIMance à la n;ort, chaque être est sous.le contrôle de Fa, et les wnsulta-
(lw), comme Ièur nom l'indique : lm-dra. Les Bobnô reçoivent fréquemment tlons ~\son sujet commencent dès les fiançailles de ses parents, pour se pro-
des consultants qui eurent la visite d'un 'l.'01f1i ou d'un K11vita pendant leur longer bien au delà de sa mort.
sommeil. Ils expliquent le sens de tels songes par l'intermédiaire de Fa. Lorsqu'une fille a pour la première fois ses règles, toute l'immunisation
L'enfant qui a fait un cauchemar doit, selon certai1is, se lever de bonne rtllgieuse ou magique qu'elle avait pu acquérir est abolie. Fa est donc consulté
heure, se rendre devant son Lsgba et to~t lui dire. Il lui demande d'emmener illl' les moyens d'y suppléer'. L'événement est-il bien naturel? N'est-il pas
avec lui le mauvais rêve, de l'en débarrasser. Nul ne doit être avisé avant IR 1:onséquence d'une intervention malL·fique? Si la réponse est rassurante,
Lsgba. Dans les mêmes conditions, l'adulte, celui qui a une femme, consulM Oil en profite pour demander à Fa si la jeune fille connaitra la chance au
tera Fa.
~ours de son futur mariage, si elle aura des enfants. La réponse est-elle mau-
Les rêves ont leur siège dans notre tête, comme notre pensée. On dit \'RIRe? Le devin demande s'il s'agit d'un simple malaise, - que certains
pourtant au Dahomey que l'on pense avec son rein : « mais vous, Blancs, mddicaments ou sacrifices supprimeront, - ou d'une influence dangereuse
ne dites-vous pas que vous pensez ayec votre cœur? Et pourtant, Tous ne Ql dnrable, que seul un sacrifice plus important peut combattre.
croyez pas plus que vous pensez avec votre cœur que nous avec notre rein, Les fiançailles font également l'objet d'une consultation 2 • Les parents de
On dit c:omme cela ».
hl fille demandée diront ou feront dire au prétendant qu'il consulte Fa, et
Tout rêve a sa raison d'être : il y a en lui quelque chose que Maw11 œut ~n11sulteront de leur côté. Si la réponse est favorable, chaque groupe de
montrer. Il n'existe pas, semhle-t-i), d'interprètes de· rêves spécialisés, mais 11111·cnts enverra à l'autre une calebasse contenant le signe trouvé par lui, ins-
de nombreuses interprétations ont cours et se transmettent. Certains parlent · 1
ùl'lt sur un débris de calebasse (ka-x1l'z, calebasse~morceau). Si la réponse
d'une « clef des songes»; mais peut-être se sont-ils fait donner connaissance 1m nettement défavorable, le mariage n)aura pas lieu 3.
d'ouvrages subalternes importés d'Europe. Le grand nombre semble croire
1, Les premières règles portent le nom de s;-la, règles dus;, Elles entr;linent pour la jeune
qu'il n'existe que des cas d'espèce et qu'.il est bon, si l'on a l'habitude de
~Hu une moindre résistance d'un an environ.
rêver, d'étudier son J·êve, d'observer dans quelle mesure il est prémonitoire, ~. R. E. DENNETT, Nigerùw Sludies, op. cil., d1,1p. XVI, p. I65 : « .-\boy or a man took
ou, en généra], révéi"ateur 1•
;I fnncy to a child and asked the parents through his parents for their child in marriage. Thè
Certaines drogues sont considérées comme susceptibles de révéler, dans le J\rut thing the father of the girl did was to consult Ii"a. » - A. B. ELLIS, op. cil., chap. I~,
l'I'• 153-154. -- M. J. et F~ S. HERSKovrrs, An Outline . ., art. cil., p. 32_: cc If a ~1an 1s
sommeil, ce que l'on désire connaître, notamment le nom des ennemis et All'cl'Cd a woman in marriage, Destiny is consulted c1s to what the fate holds 111 store tor the
IWo, nnd if the ancestors oppose the union, Fate must again be consulted, if the suitor is
rmlstent, to indicate the way in which to propitiate the ancestors to gain their assent. ".-
r. Voici une anecdote à ce sujet. Le Bokanà Y. voit en rêve un de ses parents mort depuis
,, !.'usage veut que le jeune homme ne soit guèrè marié avant vingt ans. Son chef de famille
une dizaine d'années, qui lui dit : cc vois comment se co111porte mon fils. Tr~uves-tu cela
v11 pl'ier le chef de famille de la fille de consulter le Bokonon (féticheur), pour voir si les
bien? Conseille-le"· Sur ces mots, il tire un coup de fusil, et Y. se réveille. Dès l'aube, Y.
IGllllCS gens pourront s'accorder ... Si la réponse de « Fa » (le destin) consulté t~'est pas
c~nvoque I.e fils de .son parent, un certain Ahwüsu, et lui demande ce qu'il y a entre son
r,1vornble, le projet est abandonné et le chef de famille du futur mari doit chercher dans une
pere et lui. Le fils répond que son père est trop exigeant : « la dernière fois, il nous a
111111·0 Camille. » (Réponse à une Circ. !oc. relati\"e au Coutumier du Dahomey, I93), Arch.
demandé en sacrifice, à nous ses sept enfants : un cochon, un cabri, et une pintade.Nous ne les
11~ ln Résidence de Porto-Novo). - Ce sont les auspices nuptiaux, auspices 1111pliim1111 des
lui avons pas encore offerts ». De plus, le garçon laissait à l'abandon une palmeraie que son
1\llClcns Romains.
père s'était donné grand mal à acquérir et à faire fructifier. Le père attendit encore d.eux
) . P. A. TALBOT, op. cil., t. III, chap. xx, p. ·B 3 : cc When the Ifa priest says tbat
ans. Et, comme cette tlouble négligence se perpétuait, Alnutisu mourut. . . ,, N'importe
ltlll1C accident or misfortune will happen on marriage, the full rites are often not celebra-
quel Dahoméen Irouvera cette· histoire banale, et dira que de tels événements sont fré-
quents. 1111.)) -J. A. SKERTCHLY, op. cil., chap. XXVI, p. 474. - ]. TEILHARD DE CHARDIN,
11p, dt., chap" vn, p. 165.
0
lustilul d Etb110/ogir. - Bernard MAL"PO!l., 15
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LA COl\SULTATION 229

Fa peut être consulté sur l'opportunité du mariage, mais non sur la dat1L; Indique le sacrifict;:-à faire à cette occasion, soit à lui-même, soit à tel vod1ï,
de la « cérémonie» '. !Olt 1\ Legba. Il annonce si cette femme concevra encore, ou si un malheur
Si la jeune épouse n'a pas d'enfants, son mari consulte pour connaître Io~'-•~ l11mcnd.
causes et les remèdes de cette stérilité. Le devin, après a\'oir obtenu l'assu• Les femmes mariées font consulter par leurs maris, et ne vont pas elles-
rance que la femme est vraiment stérile, recherche la cause de ce phénomènv 1 ·~ 1116mes chez les devins. En effet, la franchise de Fa est extrême : s'il se trou-
obtient de Fa la révélation de l'obstacle mystique. Si la cause est due à Ull ; V1\lt amené à prescrire à la femme de quitter son foyer, le devin n'aurait-il
vodli, il faut lui offrir quelques sacrifices pour l'apaiser. Le deYin dernand11 11118 maille à partir avec le mari abandonné? Par ailleurs, qui doit lt:
encore si la grossesse de la femme est un événement souhaitable, si elle no 11h1H souvent supporter les frais de la consultation? Le mari. Mieux \'aut
doit point mourir en couches. S'il s'agit d'un manque de soin de la part do llOllC avoir directement affaire à lui, pour être sùrement payé. Enfin, les
la femme, il prescrit des médicaments, des tisanes et tout remède de natUl'll l\immes créent la discorlle là oli elles se trouvent, et il est a\·isé de se passer
à la soulager d'une maladie qu'il s'efforce de découvrir; il demandera à COI J'ulles.
effet un peu d'argent, et remettra un médicament ,\ la femme. L11 jeune fille fait consulter par son père ou par son futur mari, parfois par
Lorsqu'une femme est enceinte 2, Fa prédit, eq général au cinq uièma -llll amant.
mois de la grossesse à Abomey, au septième mois chez les Mahi i, dan~ Quant à l'enfant, ses parents prendront ses intérêts; Fa leur dira s'il y a
quelles conditions les couches auront lieu et l'incidence de. cet éYéne• llim de faire une cérémonie spé.:iale, tel sacrifice, de le consacrer à tel rodi1.
ment sur la vie familiale. Il dit aussi les précautions ou les médicaments Il M11is il faudra connaitre le signe révélateur de son jat~ (agbasa-Fa ou Fagbasa),
prendre, les interdits à respecter. Cette consultation se nomme ad~go-Fa, lu llll son esprit protecteur, avant de consulter pour lui. La première chose
Fa des en trailles. que réclame le Bobnà à celui qui represente l'enfant est l'agbasa-Fa, le Fa du
Si l'accouchement est laborieux, on peut demander ;\ Fa la cause de ln /olr.> de son jeune client. S'il ne l'a pas encore; il importe de le lui trouver. Si
difficulté rencontrée 4 : la femme subit-elle une punition? Un médicament, Io 1:ns est urgent, la consultation a lieu quand même, de façon expéditive.
une recette la soulageront-ils ; ? En effet, la mort en couches est considéré<! Il est d'ailleurs· fort rare qu'un enfant ne reçoive pas son 1'àgbasa dans les
comme une expiation. 1l6lais normaux, c'est-;\-dire de trois mois à cinq ans après la naissance,
Il arrive qu'à l'époque du sevrage, deux ou trois ans après la naissance du ~olon les localités . Cette consuk1tion a pour effet de déterminer le nomeau
petit enfant, - <lu vi-y;.y;., - la mère se croie obligée de consulter Fa avant vunu dans le plari familial et dans le plan divin, de révéler ses liens a\·ec le
de reprendre avec son mari des relations sexuelles 6 ,. Fa donne son avis cl p11ssé. En effet, les ancêtres et les divinités étendent leur sollicitude sur les
\'lvnnts, les protègent Ci~) 1 • Ces morts peuvent aussi bien être des parents
1. E. CHAUDOIN, op.cit.,p. 337. -Co11tra, A. J3. ELus,op.cit., chap. 1x, p. 153 ..... vloignés que des proches. Encore faut-il 'que chacun sache quel est son pro-
A. LE HERISSE, op. cil., chap. v, p. 140. - P. A. TALBOT, op. cil., t. III, chap. Xl\1 l~ctcur, dont il a l'esprit (s!) et les interdits 2, afin de lui rendre un culte.
p. 432: « the date [of the wedding] is fixed after consultation of the !fa oracle. »
2. :\. LE HÉRISSÉ, op. cil., chap. IX, p. 229 : « Fa, » le Destin, est ensuite cousult~
sur le sort de la grossesse; il indique les précautions ù prendre, les actes et les alimrnts ~ 1 ••\. LE Him1ssi;, vp. <"il., ch;1p. \·11, p. 198: «Grand prêtre en quelque sorte de
éviter. » 111 fomillc, le I-l0nnou-daho préside les â:rêmonies en mémoire des ancêtres. Il en fixe la
3. On ne consulte pas pendant lès mois pairs de la grossesse. 1hllc aprês consultation du Destin et recueille les cotisations que chacun de ses parents est
4. Le Bob11à pous;e parfois la sollidtude jusqu'à aider i1 l'accouchement. C'est ainsi qu~ obligé de donner en cette occasion. "
G;d;gbe aida à la naissance d'Agl>idi11ukzi, qui devint chef de canton après la conquête et servit l, Do-sz-ce-111e Io , 11 1110 s11 c 111a 1111 d11 11 le, dans mon s; se trouœnt mes interdit~. Un pri-
d'informateur à A. LE HÉRISSE. ~onnier de guerre nrnhi, sur le point ti't!tre immolé pendant les Coutumes du roi Aga;n, et se
5, P. A. TALBOT, op. cit., t. II, chap. X\'lll,p. 3;7. \'Oynnt, selon l'usage, offrir de l'igname grillée, refusa le plat: 1ia h·we k11; bagaja (= bo Agaja)
6. A .. LE HÉRISSÉ, op. cil., chap. IX, p. 2 30 : cc Elle s'abstient de tout rapport sexuul 11111 le 11i, z,, h ( =l>o e d'.l): rn e 1ii ss hl l'e tô le, iue ku tlil d11 cobo yi 1116 ss-kpoli Io wo: ·une per-
pendant qu'elle allaite, c'est-à-dire deux ans, trois ans parfois, et,· ayant de partager la couchu »OllllC allait ~ la mort; et Aga;a lui donna de l'igname grillée; et [la \'Ïctime] dit : l'interdit
de son époux, elle offre aux vôdoun les sacrifices que le Dieu du. Destin (Fa) lui désigne, 11 1lu mon s;, je ne le mangerni pas ;l\'ant d',1ller voir. mon s;-kp~li [avant de momir]. -.4gaja,
Ce cas est extrêmeme111 rare. · u·ouvant cette parole courageuse, graci::t le condamné.
230 LA GÉO:'>!A!\CIE A L' :\!\CIEXXE CÔTE DES ESC LA \'ES LA COXSULTATION 23r
De plus, Fa ne manque pas de consacrer l'enfant à une certaine divinité. Il l\llll'ts; le vendredi (ax:Jsu;;.â), parce que l'on ne doit pas exécuter de sacri-
peut demander à ce propos que l'enfant soit porté tous les cinq jours deYant fices; le samedi (sibi), jour du feu et de l'incendie.
l'autel de ce vod1i. L'enfant ou ses répondants offrent à la divinité ce que Fn De même, on consulte aux jours des marchés gb:dagba et ajaxi. Certains
prescrit : dons de toute sorte, victimes, tamtam, etc .. A'nhstienne1Hde consulter un jour d'adokù î, néfaste aux malades. Le jour du
1

Lorsque des jumeaux sont nés, dit le Zii11ô, et dès qu'ils tiennent sur leur~ llll\rché htîjro est contraire aux consultants, car ils devraient exécuter leur
jambes, la mère les conduit aYec un asè, des poteries spéciales, des fruits, 11\Cl'ificc le jour même.
vers la forêt indiquée par Fa, où un sacrifice aura lieu. Le père les accom• On choisit le plus sou\"Cnt la tombée de la nuit, mome1H où les tra\·aux
pagne avec la famille et les amis, mais il n'a pas le droit d'aller dans la forêt, ~l!S d1amps laissent du loisir aux consultants et ou ils savent trouver le devin
ni au marché où la mere fait des cadeaux aux gens et reçoit les félicitations ~hcx lui. Par ailleurs, certaines confidences, certaines angoissses, se confient
de tous. Le cortège prend ensuite le chemin du retour, et s'arrête en route. plus rnlontiers aux heures obscures.
Des prières sont dites, et un repas en commun est consommé, auquel le Mais un grand Bobnà est toujours it la disposition de ses clients, même aux
père prend part. Chacun rentre alors chez soi. Quelques devins prétendent hvu1·es chaudes de la journée. A l'heure des repas, il enverra des aliments aux
pouvoir préciser de quelle brousse ou de quelle fo_rêr, c'est-à-dire de quel ~onsultants, qui attendent parfois jusqu'à trois ou quatre jours.
point cardinal, viennent les jumeaux. La durée des consultations est en moyenne d'un quart d'heure: Elle varie
Fa peut demander que l'enfant change de nom. De même, la consultation llll quelques minutes à une heure ou plus'. Certains prêtres de Fa reçoi\·ent
pour la femme enceinte peut prornquer, par reconnaissance, la dation dll jlllls de cinquante \·isites par jour. Ils n'ont pas de jour de repos.
certains noms de fa après l'accouchement '.
Mais ce sont les vodti qui ordonnent les tatouages, et non Fa. On peut Cu11ditions de la ro11rn ltatio11.
consulter trois jours arnnt la circoncision (adagbugbo), pour s'asssurer qu'il
n'y aura pas d'hémorragie, et surtout après, pour connaître les sacrifices de Le consultant se rend chez le devin avec un peu de monnaie, -.- dix,
nature à éviter les accidents possibles 2 • quinze, cinquante centimes, dix ou quarante cauris, - et dit : je Yeux
Le Ztinà prétendait que chaque crùne humain porte des signes qui sont (1 dc\'iner voir »quelque chose, 11 jro na kti nu-de k/1ô • S'il est riche, il fera
2

ceux de Fa, quelle que soit la race de l'enfant; c'est pourquoi, dès la nais· \'l.'nir le prêtre chez lui.
sance, le devin peut dire si le nom·eau-né sera heureux ou non, s'il vivra J\ Abomey, le roi consultant donnait quatre-vingts cauris>. Le caractère
longtemps, s'il aura une \·ieilksse tranquille. _{. minime de ces sommes montre que leur versement constitue un rite d'en-
'.J
-~
(l'uc et non un paiement; cc il faut donner un peu pour aider ù parler, »
1111-on ~.
jour et ih·urc de la ronsultatio11.
J, J. SPIETfl, Die lfrli,i[iOll . . , ch~ip. Ill, p. 20! : (( Oft dauert l:> stundenlang, laein.:n

A· Abomey, les jours propices aux consultations coïncident aYec certains


Nill\~1:11 Tag, bis die gewünschtc Antwort eri'olgt. ,, - G. GoRER, of>. cil., li'"
Ill, p. 206 :
t• i\ full consultation may take as long as three hours. n
marchés et certains jours de la semaine musulmane. 2. :'11.-:i-m. : je-demander-(fut.)-fouiller-une-chose-voir. Les consultants apportaient autre-
On consultera volontiers les dimanche ( vod1igbe ), lundi (t:.ni), mercredi fOIH dix, quarante ou cinquante cauris au Bokanci : ~ sa akw2-·wo luide ya ta, yi Bob-lme, bo 1'1
i/11 /1 da /ni <' 111i kà 11.- e ji, il pr.:nd quarante e<\uris, en effleure son front, va chez le Bo/1a11à,
(az.àga), jeudi (lamisi). Sont contre-indiqués : le mardi (taata), jour des ~l demande quel est "on signe du moment. - Nombreux sont ceux qui portent aussi ù leur
~11/lll' i'offrande au devin : « le consultant, expliquait le Zûnà, prend son cerveau et son cœur
1. R. E. DENl\ETT, op. rit., chap. X\'I, p. 176 : « On the third· day after the child is born 11 lémoin de la pur.:té de ses intentions. "Le gc.ste, malgré les dénégations de quelques infor-
the !fa priest is called in to gi,·e the child it' « Orisha and its awaws. » llllllcurs, est d'origine musulmane.
2. A. B. ELLIS, op. cil., chap. 11, p. 67: « Except among the Mohammedans there is no l • C'.:st-à-dire deux enfilées de quarante cauris sur un tlezcîwo desséché provenant d'un
special time for performing the rite of circu111cision, it being fixed for cach individual by !fa, IHhll'geon terminal de palmier a huile.
after consultation. ,, 11· « De méme, chez les Foulbe Diéri, le dev:n (timowo) reçoit un menu cad.eau, le
dl/•/111.li, 11 pour s'asseoir >>. (Renseignement reçu du regretté Gouverneur Henri Gaden).
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES
LA CONSULTATION
Le grand GE.dsgbe, dont la qualité d'ancien devin des rois faisait une sorte
S'il s'assied surcune natte où il depose en général des pagnes, c'est sur
~e ~ère du p:uple dahoméen, consultait et sacrifiait pour toute personne
stncere, munie ou non d'argent, ce qui l'entraînait parfois à de lourdes
lesprescriptions du signe Gbe-Fu.
dépenses.
Le devin demande si le consultant préfère que la consultation ait lieu avec Pa lui-même, raconte ce signe, possède des noix de palme, et dit l'absolue Yérité. Sa
promière femme se nomme ÀJùWO (Y, femme du Bok911à), la seconde ..Jgbcili (antilope). Il
l'agt:m~ga ou avec le F~gbo, avec le chapelet ou avec le Fatz '. La réponse 1111\fùre Ayawo. Un jour, Agb1ili va trouver le roi Metolàfi, et lui révèle que Fa, avant de
de 1agumaga est plus vite exprimée. donner ses réponses aux consultants, s'isole pour manipuler des noix de palme, - ce gue
M1tolofi ne soupçonnait pas. Elle ajoute, par pure jalousie, que si le roi invitait Fa pour une
~onsultation chez lui, il ferait bien de l'exposer au soleil de sa cour, - on sait que Fa
n1Rlme pas la chaleur, - et de l'asseoir dans un cercle tracé sur le sol pour qu'il ne puisse
Conmltation par le chapelet divinatoire. 11l1oler et trouver ses réponses .
. Le roi suit le conseil.
Supposons que le consultant choisisse !' agümaga, procédé le plus cou· 1111 arrive, et le programme tracé par la femme jalouse est ext'.:cuté. Fa, interrogé,
rant 2 • 1lu111aode a rentrer chez. lui pour se recueillir d'abord, mais reçoit l'ordre de répondre aus-
nlt<'>t. Il reste sur place. Le soleil le faisait cruellement souffrir, et Agbtili elle-même, prc-
Le Bok:mô est assis dans son Fagbasa, dans sa chambre, dans sa cour, ou IUlltc, s'attristait de ce spectacle. Fa a une idée : il demande ù boire. Le roi M<t?làji
dehors .: n'importe où, sans souci d'orientation l, Il est assis sur quelque onvoie Ayawo chercher une calebasse d'eau. Vite, Fa y dépose ses noix. Et dans l'eau, se
chose, - natte, pagne, siège, - et non directement sur le sol. Il ne revêt ffroupaot d'elles-mêmes, elles forment le signe Gb~-Fu. Alors Fa déclare gu'il ne v\!Ut plus
tlolre, et rend la calebasse vide. Il annonce gue bientôt soufflera un grand vent, et gue tous
aucun vêtement ou ornement spécial.
IU mettront à tousser et à être malades.
Il est le plus souvent installé sur une natte, assis, accroupi ou jambes A peine un guart d'heure s't:st-il éwulé qu'une forte bourrasque s'l:lève, qui arrache tout
allo.ngées. et écar~ées, devant les objets cons;1crés à Fa. Il est très rare que les rnr son passage. Et partout on entend les gens, le roi tout le premier, toussant d cter-
mmnt à qui mieux mieux : Gbe-Fu I Gbe-Fu ! ..
devms s01ent assis sur un siège, car Fa seul est roi, et nul ne s'a.;;sied sur un
Le roi entre daos l'agonie. Et tous ses kpameg1i s'escriment en vain pour lui sauver fa vie.
siège en présence de son roi 4. Cependant une vieille femme observe que Fa, resté dehors, a b.ien annoncé ce vent, et qu'il
Le __Bobno installé devant son Fa pour consulter est dit FajZr;à; il est ci sur y 11 intérêt à le consulter a nouveau. Ce qui est fait. Fa déclare gu'il faut avant tout se pro-
son Fa > ». · ~urcr le cœur d' Aglnili pour gue le roi puisse guérir. Le Mlg1i du roi objecte qu'Agbcîli e~t
111 femme de Fa, que d'ailleurs, la nuit l:tant tombée, on ne pourra plus la trouver. Fa s'étonne:
ju ne puis tout de même pas te répéter, Mlgli, moi qui suis le mari, d'aller arrêter ma femme !
I .. Fagbo : k o
0 rand F·,
"' ,S1'gnalons
' , c·o mrne spec1111en
· · d e d escnpt10n
· · ·
mexacte en cette Mnis je ne puis noo plus la refuser, puisqu'il s'agit de sauver la vie du roi. Fais comme il te
matière, un texte d'A. L. d'ALBEcA (op. cil., chap. 1x, pp. 138-139). Cet auteur officiel n'en pluira et prends tes responsabilités. -·Et Migà d'applaudir a ces paroles, et d'aller chercher
est pas à une erreur près. tlgbtili. Croyant qt1'on l'appelle à propos de la consultation de son mari, elle s'écrie: 11i 11111
' F. Ü~T~z passe ~apidement sur la consultation par l'agùmaga, qui n'a pas eté etudiée non 1/0 11? Ne voL1s l'avais-je pas dit? (C'est-à-dire : que Fa ne saurait rien dire.) Elle vient sans
plus au Br<!s1l. (Op.cil., chap. m, p. 179-181.) mêfiance, et elle est tuée sur-le-champ. Son cœur est prèlevé, et des feuilles 1di'idtl sont
. 3 · Il en sernit de même chez les Mandingues et chez !-es Peuls. (H. LABOURET et M. TRA· posées sur lui. Le tout, pilé, est pressé dans la bouche du roi. Le roi crache alors le sang qui
VELÉ, tir,'. cil., p. 487.) tlt1combrait sa gorge, et revient à la vie. Le reste du cœur, avec de l'akassa, de î'huile, de la
4· Le mot roi est une traduction admise, bien gu'impropre, d'axosu (Abomey et Sal'alou) chnir de cabri et des poulets, est disposé dans une calebasse, et offert en sacrifice à ügba.
ou axo/u (Porto-Novo) . A'-ns1t
..J est ':1us s1,
-· par
· eup h em1sme,
· · un d es noms de Sakpata
- : ax1m-si Aujourd'hui encore, une replique de ce sacrifice est exigée des consultants qui ont obtenu
femme du. roi , désigne
.. gtiel ' ' · J · l
qu un gui a ou qui a eu a vano e. Quant au terme « prince · n,' en réponse le signe Gbe-Fu, et ils sacrifient un cœur d'antilope agbtili, avec des feuilles gdàdo,
dont :e~tains Europeens semblent rechercher l'emploi, c'est proprement un non-sens et des ~outre la toux.

plus n,di~t~l:s. A.~1-vi si_gnifie fils de roi, ce qui n'impliquait aucune dignité particuliè~e, sauf Une fois le médicament pris, le roi annonce que la première décision à prendre est de
pou~.~ hent1er pre_somp11f, que l'on nommait vi-dabo, graud fils. (A. DALZEL, op. Cit., Jntrod., lnisser désormais le Bok911ô s'asseoir ù l'ombre, de lui offrir une natte et de lui porter de
P· v111 : « T.h~ Kmg's. sons, not excepting the heir apparent, have no rank; being obiiged to l'eau et d~ l'alcool.
salute the mrn1sters wuh clapping of bands, in a kneeliog attitude. ,, ) Le mot ax1-su est corn· C'est depuis cette aventure que lès prêtres de Fa s'asseoient sur des nattes, souvent cou-
~~sé du suffixe de masculinité et de ax1, dérivé de xzt-X9-1/IÎ-tg, œluî gui nous a rachetés; vertes de pagnes '.
1vers chants royaux attestent cette étymologie.
5· Fa-ji-gti : Fa-sur-chef, le chef qui est sur le Fa.
I. Les premiers Bob1ul, dit-011, s'assey~ient comme ils voulaient.
234 LA GEO~!ANCIE A L'ANCIE!OŒ CÔTE DES ESCLA\"ES LA CONSULTATION 235
Le schéma suivant montre la position du de\·in du roi par rapport aus l'objet de sa visite"'. Puis il les repose à terre, ou le devin les ramasse, -
objets qu'il manipule (fig. 20). AIll\ droite en général, pour les mettre en contact avec les huit demi-
A côté de lui se tient un assistant : un enfant, un sen·iteur, un élèvl.' 1 Ml'l\tnes (ou seulement les deux premières) du chapelet, et avec l'abila s'il
une femme du devin, un collègue, ou même une personne qui ne connai~ fil possède un.
rien de Fa. Cette présence est facultative. Le rôle du Bobnô commence alors. Il soulève son chapelet en le saisis-
nnnt par le miljeu à pleine main. La corde est tenue de la main droite (al-:i
consultant 11/sl), la gauche étant impure. Il élève l'instrument, touche de ses extrémi-
1ds les deux objets et, s'il entend le nago, dit .la prière suivante :
lba Lmuo, Iba baba,
iba jugbâna, iba yeye,
iba Abda, iba yeyc baba,
__ _____ _
......
iba Aczda, a aj11 gba wilû'i bde wi l~à lm (Y) 2 !
abila déployé
iba Alaba timbdode lfz !

:()--- C'est-à-dire :
Inspire-moi, mon devin du Fa~tl,
inspire-moi, mon jttgbàna,
et toi qui battis l' aligle,
voblat-o et toi qui dis la vérité,
et toi, Alaba, qui résides au mystérieux Ifè !
Inspire-moi, mon père,
FIG. 20. - Dispositif d'une consultation par 1'11gli1J1aga. inspire-moi, ma mère,
inspirez-moi, mes ancêtres,
L'assistant (voblata) s'assied en général à gauche du devin; mais pas et rnus tous que je n'ai pas nommés, je \'OUS invoque aussi et ne vous
devant, ni derrière, ni de façon à projeter son ombre sur l'abila. Nulle Ot1blie point !
ombre (yë) ne doit tomber sur l'abila en cours de consultation, et celle du Variante :
Bobnô même est indésirable. II est mauvais de jetet l'agümaga sur le i·~ de lba Lmuo, atz 11i hh gbwa ajaka ok<>,
quelqu'un '. -
iba jugbâ11a, awo tintii awo ore,
Le devin demande son agùmagadakpo ( agiimaga-adakpo ), sac contenant le ab n' !fa, aj11gba gbog!nJ !
chapelet 2, et son vodi (ou vade). Il prend un ajil?i'iii. dans le vodi, et le donne
au consultant.
1. Pas plus que lors des consultations par l'11g1i11111g11, le cousu la nt n'humecte l'objet de
Le consultant pose sa monnaie sur l' ajil<ü1i., approche ces deux objets de M11llvc. Il n'en est pas de même en Afrique du Nord (E. DocTTÉ, ''i'· cil., clrnp. YII, p. 37::l).
ses Ievres, après s'en être, parfois, effleuré le front, et leur confie in petto 111 parmi les Peuls, les Toucouleurs et les Mandingues (Gouverneur Henri GADEN. Pro1·erbes
~/ Maximes Peuls et To11co11leurs, traduits, expli.111és et 111111otés. Paris,_ Inst. d'Ethnologie.
193 1, chap. x, p. 2 56 ; H. LABOURET et M. TRA YÉLÉ, art. cil., I, p. 487). - Il est impossible
I. Des personnes mal intentionnées, èt même des Bob11ô, tracent dans l'ombr~ "isible l)llC le devin entende les paroles murmurées à l'objet si le consultant désire l'éviter : co11trn,
d"une pt.:rsonne des signes dangereux qui affecteront son ydnvisible, (J: GoRER, op. cil, liv. III, p. 206: « it seems to me moi·e probable that they haYe a hyper-
2. L'abil.i n'est usité que par les Bo!.·~111à du roi. Les de\'ins ordinaires jettent l'aglimaga ll'Ophied sense of hearing •.. ,, Cette faculté, il elle seule, serait d'ailleurs de peu de secours.
sur une natte ou par terre. 2. Co111p. D. ÜNADELE EPEGA, <'/'.cil., chap. !\",pp. 16-Iï-
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LA CONSULTATION 237
Alaba timbdodc Jj;, awo fo kü, awo kJ sa, c vous tous, assistez-moi !'
awo lato, awo lasi, ajugba gbogbo (Y)! Vodû des terres, vodû des· eaux,
vous tous, assiste?.-moi !
C'est-à-dire :
Inspire-moi, Luwo, Le devin balance son chapelet d'avant en arrière, et en égalise les branches
inspire-moi, mon assistant, nvac la main gauche. La branche mâle - volmleëi - I est à sa droite.
et toi qui m'.as appris Fa, L'ngfi.niaga projeté par les Yorouba-Nago présente au devin l'ouverture de ses
toi qui fais les Fafa, les lzka, les chapelets, brnnches. Les Dahoméerts le lancent à l'inverse.
vous qui êtes plus savants que moi, l,t: côté mâle, reconnaissable à son pendentif spécial, tombe à droite du
venez-tous à mon aide ! 1lovin dans les deux cas. Le signe se lit de gauche à droite : à chaque face
Alaba, qui résides au mysterieux Itè, Jorsille des demi-noyaux correspondent deux traits, à chaque face ventrale
devins qui êtes à droite, devins qui êtes à gauche, llll seul 2 •
devins qui êtes au sud, devins qui êtes au nord, (< Le signe-réponse est comme la page d'un livre: il annonce tout ». Sup-

venez-tous à 111011 aide ! ll08ons qu'il s'agisse de Gbe-Msji, Le devin le nomme à haute voix, puis place
êlll' l'abila, à gauche de la partie supérieure de la branche gauche, un cauri,
Si le devin est d' Abomey, il dira : ut symétriquement, à droite, un ajikwL Avant de poser celui-ci, il en touche
N'jyava ltt Mawu ! N'jyava lu Roho! ~l111cun des demi-noyaux de l'agümaga, de droite it gauche, du plus éloi-
N'jyava lu Bobnà ce! N'jyava ln Lisa! ~tlé au plus proche. Il agit de même avec le cauri.
N'J)1ava lu jogbàna ce! N'jyava lu Maw11 (F) / Alors il lance son agûmaga à nouveau, entre ces deux objets. La
N'jyava ltt Bob L$gba ! lll\Hnière fois, il s'agissait de « trouver le signe de ce que le consultant
1l11111andait ». Maintenant il s'agit de préciser le contenu de la première
C'est-à-dire: rdponse.
Puisse-je parler, grâce à Mawn ! Le deuxième jet de l'agümaga concerne 1' ajikiüi : la demande du consul-
Puissé-je parler, grâce à mon maitre Bokanô ! tnnt est-elle favorablement accueillie?
Puissé-je parler, grâce à mon jogbàna ! Pour que Pa «accepte» (Fa yi vo), il faut que la branche de droite de
Puissé-je parler, grâce au Bob L$gba ! l111g1imaga, lors de ce deuxième jet, indique un signe cc plus fort» que celle
Puissé-je parler, grâce aux Jumeaux 1 do gauche. On considère qu'un signe est plus fort qu~un autre lorsqu'il lui
Puissé-je parler, grâce à Lisa ! l!Rl antérieur dans l'ordre conventionnel de l'énumération des signes.
Puissé-je parler, grâce à Mawtt 1 D;1ns le cas contraire, Fa cc refuse>> (Fa wè vo).
Variante : Supposons que le deuxième signe obtenu soit Abia-Sa :

]isa, Gogô, AtJ, Abikobi, mi ji a'm/11 ye bi / 1 1 1


Hlàhlà-bdo, Agbo, Agbo-yiz.à, Agô-vodii, IJ-vod 1î, 1 1 1
Gede, Nakiz.$, awo-kàku-lû'igbs-le, mi ji a'valu ye bi (F) /. 1 1 1
1 1 1
C'est-à-dire :
]isa, Gôgà, Ata, Abikobi, r. Supra, chap. \",p. 202, n. 1.

Hlàhlà-l~Jdo, (nom d'un vodü), Dâxonn, Ayiz.à du Dàxomz, ~. Un lapsus calami sans doute a fait noter le contraire a J. BERTHO, art. cil., p. 370. -
cr. lllle bonne dc;~ription11p. Jean TRl:HANT, Missionnaire, dans une trop brève étude, A/an,
Gede, Nakizz, et vous, devins de la mort et de la vie, /f Sort. Co111111e11t 011 le co11s11/1e, in Echo des Miss. Afric. de Lyon, mai 1930, no 5, p. 101.
LA GEO~I ANCIE A L' AXCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LA CONSULTATION 239
Le signe de droite est plus fort que celui de gauche. Fa accepte. Il faut Si le devin acprès de lui un aide, celui-ci prend l'ajila'i•î dans une main
néanmoins jeter l' agiimagà une troisième fois, cc pour le cauri>>. Supposons Ill le cauri dans l'autre, sans que son maître sache dans quelle main se trouve
que le troisième signe soit Loso-Aklà ~hacun de ces objets '. Le Bok:J11ô fait ouvrir la main droite si la branche
drnite, au deuxième jet de l'agtimaga, indique un signe supérieur à celui de
1 1 1 111 branche de droite au troisième jet ; et vice-versa.
1 1 1 Si Fa« refuse», le devin, procédant par élimination, demande quels sont
1 1 1 1 les inconvénients ou les dangers annoncés par le premier signe.
1 1 1 Si Fa« accepte »,la première réponse est confirmée: le premier signe peut
u parler», répondre. Cette réponse concerne, soit la question chuchotée par
La branche du î!Ohnkâ est plus forte que .:elle de gauche : Fa refuse. le consultant ii l'ajikû;i et qui est l'objet de sa visite, soit telle autre affaire
Le devin compare les deux derniers jets : Loso (cinquième signe), étant relative au consultant ; en ce dernier cas, tout se passe comme si Fa. négli-
plus fort qu'Abla (septième), la résultante ·des deux derniers jets est geant provisoirement la question posée, signalait un événement dont l'impor-
négative. tl\nœ, l'imminence ou l'actualité est plus grande. C'est ainsi qu'un mari qui
Autre exemple. Deuxième signe : vVoli-Loso, troisième : Di-Sa vient consulter Fa à propos de la stérilité de sa femme peut s'entendre dire
qu'il tombera bientôt malade. Si l'inquiétude apportée par cette menace
1 1 1 1 1 n'occupe pas tout le champ de sa conscience, il reviendra plus tard chez le
1 1 1 1 Bvkanà lui parler de l'objet de sa pœmière visite. Il pourra même, s'il y a
1 1 1 1 1 1 urgence, demander aussitôt au devin d'approfondir le sens du signe trouvé :
1 1 1 1 1 cnr cc chaque signe parle de toute chose >>.Mais ii' se rappellera que la première
réponse de fa était la plus importante.
Lorsque le devin répond au client qu'une maladie le guette, celui-ci
vVoli étant l'aîné de Di, Fa devrait accepter. Mais les devins considèrent le demande par quels moyens il échappera à cette disgrâce. Alors entrent en
jet comme nul, car Di et Woli, parmi les quatre premiers signes, sont de jçu les objets du vodi. Le devin lance son agùmCJga successivement pour
force égale. Il en est de mème de Cz et de Fu, de Gbe et de Yëku, de Gbe et s;woir si la maladie est provoquée, par exemple, par les Kututo (esprits des
de Fu; mais Gbe, premier signe, étant le roi, certains Bobnô lui marquent morts) ; la réponse est positive si la branche la plus forte est celle du vohu-
leur respect en tenant le jet pour valable. M. De quel kututo s'agit-il? Du jota du consultant ? d'un parent ? duquel?
On voit ici la prééminence accordée aux quatre premiers signes, qui sont du père, de la mère .. ? Que demande-t-il ? etc ..
les c< racines de la vie et du monde», et les traces d'un ésotérisme que l'on Par un vodri : quel vod1i' ? Pourquoi, que demande-t-il ? etc ..
s'efforcera d'analyser. Par un gbsto, un être humain : cet être est-il bien vivant, ou est-il déjà
Autre exemple. Deuxième signe : Gbe-Cz, troisième : Gbe-Ka : mon ? Est· il de la famille du père, ou de la mère? Est-ce le père de la 111ère,
caun ou mi autre parent maternel ? Y a-t-il des amulettes, des prières, des médi-
1 1 1 ajikwî
caments susceptibles de prévenir ou de guérir cette maladie ? De quelle
1 1 1 1

1 1 1 1 !
1. Comme des dés, ils sont agités dans le cornet formé par les paumes de l'assistant, avant
1 1 1 1 1 1
de prendre place dans chacune de ses mains closes. Nous avons vu des assistants très jeunes
disposer d'abord chaque obje~ dans une main, et faire tourner ensuite leurs mains fermées
l'une autour de l'autre, en· toute bonne foi sai1s doute.
Les deux branches de droite sont à égalité, mais le fait que Ghe s'est 2. Qu'il s'agisse d'un membre de la famille ou d'un vodü, il n'est jamais question des
présenté au premier jet sur 1'.ajikiüi, suffit à indiquer que Fa accepte. Abiku.
LA CONSULTATION
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES

amulette, de quelle prière, de quel médicament s'agit-il ? Es.t-ce un médi· /lai&, - autrement dit, s'il choisit le Fagbo, le grand Fa, - le prêtre s'instal-
111'1\ dans sa chambre ou au Fagbasa, Assis sur une natte rectangulaire recou-
cament pour se laver, pour boire, pour manger, pour poser sur la peau
VOl'te d'un pagne, il s'accroupit d'aplomb devant son ràte, ou écarte les
incisée ? S'agit-il d'une poudre ? Le consultant sait-il déjà laquelle, ou le
devin doit-il la lui indiquer ? etc ..
Par un bo, une amulette : s'agit-il d'un gb~t;y-bo, abi vodü-bo? d'une amu·
lette faite par l'homme, ou par un vodû? S'il s'agit d'un ·gbet;y-bo, le consul·
tant a-t-il le bo, ou est-ce un autre qui le détient ? Quel est le bo en
5
0

0
2
0
8 4
0-; ·-3

question ? S'il s'agit d'un vod1i-bo, de quel vodli s'agit-il ? de celui de la


famille ? Que devra-t-on demander au vodünà ? une préparation à base ~e Q
1
0 0· ?
1
feuilles, une tisane, un bain, des prières? etc .. 3 3
Par la tête du consultant. Car la tête (ta) est un V<>diï: chaque individu
consultant
fait à la sienne un sacrifice annuel, indépendamment des sacrifices de cir~
Fagbasa
constance. Que demande la tête ? Demande-t-elle à <( manger» ? un cabri,
des poissons, des pigeons, des colas .. ?

Une fois la consultation terminée, le consultant remet un cadeau à son


devin : cinquante centimes, deux francs cinquante, ce qu'il peut. Car le nai
Bok;ynà ne demande pas d'honoraires, sauf s'il prend sur lui de faire venir ou
de chercher des feuilles spéciales (Fama), ou de préparer un Faf;y (amulette
de Fa) pour son client.
Si le consultant trouve la réponse par trop défavorable, il peut demander
au devin de renvoyer le signe, iïi due wa e. Il se procure une boule d'akassa,
© 0
~15
un pigeon ou un poulet, de !"huile de palme et une somme de quinze centim~s
environ. Il dépouille la boule des feuilles qui l'entourent, inscrit sur la poudre
yz le signe qui a annoncé la maladie, prend une pincée de ce y; qu'il° écrase 10 Q11
I'
sur l'akassa, verse i.rn peu d'huile de palme rouge sur le tout, y pique
quelques plumes de pigeon ou de poulet, et le porte à Lôgba, le messager.
Alors le consultant pose à nouveau s.1 question. Si la réponse est encore
pj ~
1()

défav_orable, il n'insiste pas et exécute les sacrifices prescrits.


17
A la fin de la journée, le Bobnô, resté seul, accomplit un rite de sortie
Bok.:rnô
destiné à <!renvoyer» tous les signes qu'il a «appelés ». Il prend une boule
d'akassa, appelle Gbe·Meji, Woli-Mzji, Di-Mzji et Cs-Tula sur son Fat~, verse
le yz sur l'akassa, pique des plumes de poulet et dt: pigeon dans la pâte, et
porte le tout devant son hàllukà-Lzgba.
FIG, 21. - Dispositif d'une consultation par le Fagbo.

Consu./tatio11 par les noix el le plateau : 1, Fat<._ 2, !Edo. - 3, 3, 3, 11s1<. - 4, Duwo. - 5, symbol_c-autel de Lisa. - 6, symbole-
FAGBO. 11utel des Na. - 7, Legba agb(foukwe. - 8, natte. - 9, letuasa (g) et lemà (d?. - 10, l:JJ~·
_ n, yt6·o. - 12, 12, assiettes. - 13, pagnes de vale.ur; - 14, 14, 14, IOJle. ~-15, agu-
Si. au lieu de l'ag1imaga, le consultant demande au deYin de se sen·ir du m•1ga. - 16, macération de feuilles xisixisi. - 17, vodt.
0

LA GEOMANCIE A L ANCIENNE CÔ'FE DES ESCLAVES LA Cü1'SU LTAT!ON

jambes de chaque côté de celui-ci '.Ses noix de fa reposent en deux calebasses couvercle dans la éalebasse contenant les noix de Fa,« qui vont regarder ce
(Fa-ka), ou en deux coupes en bois sculpté (frh); chaque récipient contient qui se cache au cèeur de la graine», c'est-à-dire le secret qui lui fut confié.
trois fois six noix, et ces dix-huit noix font une main (Fa ala dolepo). Il pos· Ln même graine est ensuite déposée sur la tête seul ptée du Fats '.
sède en tout trente-six noix, deux mains. Chaque main se compose de trois. Avant toute. manipulation, le devin lave ses mains dans l'eau w11srasï ;
entités, représentées chacune par six noix, et que l'on nomme b:Jlu, b:>ye, bxe. 11l11s étaient peut-être souillées par le contact d'un interdit de Fa, piment,
La main masculine (lrnui) se trouve dans son récipient, à la droite du prêtre. moutarde, etc .. Il va maintenant répondre à la quesfion du consultant.
Elle est seule manipulée. La main féminine (lwuisa), qui contient les noix Jlronant le récipient qui contient son hnuI, - la main masculine de son Fa
les plus petites, reste à sa gauche. Un peu plus loin, devant lui, sont dispo- do ln forêt, - il le pose sur le Falé, et l'élève trois fois entre ses mains dont
sées de jolies étoffes (Falov:>) reposant sur deux assiettes (fàgba) qui les los paumes se font face, en disant à chaque geste : Awo bole ! devins, voyez
mettent en valeur. Sur ces pagnes sont disposés les làflë et des colliers de Fa Votre amulette !
(Faje). Tels sont les ornements de Fa, - Fate.nu ou Fatitwu. Il empoigne le bnà, frotte l'une contre l'autre ses deux mains, pointes des
Le consultant s'installe devant le prêtre de façon à ne pas porter ombre doigts levées, et prononce l'invocation Jba Luwo, déjà notée. Il manipule
sur le Fah. Sur le ciment - ou la terre - du Fagbasa, à droite du prêtre IJUntorze ou seize noix, et même dix-huit, si sa main les peut contenir,
et à portée de main, se trouvent l'agümaga, un récipient contenant de l'eau mnis jamais un nombre impair.
où ont macéré des feuilles xisixîsi ( wusrasl, wusalasi ou wusalanuïsi), et les La prière une fois dite, le devin remet les noix dans leur récipient, les
objets épars du vodi dans le couvercle du grand récipient (Fago) qui conte· reprend entre ses deux mains jointes, les frotte ensemble en répétant la
nait la petite calebasse (Faka) où se trouve le fa du devin• (fig. 21). môme prière, les repose, et recommence une troisième lois les même~
Avant de consulter Fa, le devin retire ses bagues et ses bracelets 3, et fait HClltes en répétant les mêmes paroles.
un geste en direction des «quatre vents », par lequel il invite tous les vodi'i, Enfin, il reprend les noix du hmti de la main droite, les verse dans sa
toutes les forces de bon augure qui s'y peuvent trouver. Fa, qu'il va consul- mnin gauche étendue paume en l'air, laisse sa main droite sur elles, paume
ter, est comme le vent (l'air) que Dieu crée ; tout ce que le devin dit lui est 1!11 bas. li pose le bout du troisième doigt de la main droite sur le Fatf., la
inspiré, et toutes ses paroles sont transportées à Dieu, sans qu'il sache nrnin gauche accompagnant le geste. Il referme la main droite sur le conte-
comment. nu dec la gauche, et répète une fois le même geste du majeur droit dans la
Le consultant confie à l'ajikwi et à la pièce de monnaie l'objet de sa poudre du Fafa!'. Ce geste s'adresse aux Bobnàlôià, aux anciens Bobncï qui
,·isite, que le devin doit ignorer. En effet, c'est à Fa qu'il s'adresse : à quoi
bon interroger un homme 4? L'ajikwï ·seul est introduit et enfermé sous
lu même manière, faisant sortir à volonté bon ou mauvais jeu, selon qu'il le juge expédient
polll' mieux exploiter le sot qui est venu le consulter. Quand il a trouvé la figure désirée, il
I. fo/i·,1, deuxième partie, chap. m, p. 602, n. 1. liommence à expliquer si l'entreprise en question réussira ou non, les sacrifices à foire, les
2. Lorsque sont achevés tous ks préparatifs d'une consultation, on dit : e lé Fa, il étale ehoses à é,·iter. Il va sans dire que plus on paie, plus le féticheur est inspiré: car il y a le
ra. On dit ensuite: e do Fakû 'll'<, il consulte Fa, ou e kt/. Fa, ou e 1.-o lui Fa, il a consulté Fa. w1111d et le petit jeu. ,, Cc qui n'empêche pas le même ecclésiastique d'ajouter: «De tous les
3. li est considéré comme malséant de mettre en contact avec les noix consacrées des objets illcux Ha est le plus vénéré, son oracle est le plus consulté et ses prC:tres nombreux forment
attestant la force des amulettes. Les devins les moins éduqués négligent d'observer cette la premier ordre sacerdotal >>. (Op. cil., p. 35). - La divinité décrite comme si grossière
nuance de respect ; le jet de l'aglima.va ne les y oblige d'ailleurs pas. (Cf. G. Go RER, 11111cne pourtant chez tds grands devins des consultant:; europeens qui n'hésitent pas à se
op. cil., liv. III, p. 205 : « When the consultation commences the bokonon takes offhis metal d<:placcr, de fort loin parfois, dans ce but, et font acccmplir ensuite kssacrifices prescrits!
ornaments and amulets »). Quelques devins, roulant leur pagne à la ceinture, opèrent torse 1. G. GoRER, op. cil., liv. Ill, p. 205 : « the consulter ... whispers as qui<.:tly as he can his
nu. rcquest to the nut which is then for a moment mixed with the ft1 nuts, so that it can com-
4. La description malveillante de N. BAUDIN est donc loin de rendre compte des faits. Elle nrnnicate the message; it is then removcd and put on one of the eyes of the face carved on
n'est malheureusement pas la seule: «Puis il fit un sacrifice à lfa, dont les noix sont le the tray ... » - De même à Madagascar, où le rôle de la salive est plus grand: A. DANDOUAU .•
symbole. Enfin, il place devant lui une planchette, sur laquelle sont marquées seize figures Hcv. Ethnogr. et des Trad. Popul., no 21, 1er trim. 1926, p. 24, in Jiue: «Quelques mpisiki-
ayant chacune un certain nombre de points. Ces figures sont assez semblables aux cartes à 111, avant de consulter le sikidy, prennent les graines dont ils se servent poignl-e par poignée
jouer, dont se servent le5 diseuses de bonne aventure. Le .féticheur les emploie à peu près de et crachottent dessus, croyant leur insufficr une partie de la puissance qui est en eux'"
Initilul d' Ethnologie. - Bernard MAtrP011.. 16
LA GEoMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LA CONSUL i'A T!ON 24 5
résident à là, - dans l'au-delà, -et sont même censés tracer les deux traits, n11l 1. Lorsqu'une cnoix, échappant à la main du devin en cours de consulta-
Puis le devin remet les noix à leur place devant lui. &1011, tombe sur la natte ou roule à terre, il la ramasse et dit : ta ce do-gbs., a
Il prend alors un petit objet placé à sa gauche, le l:JJE (Y), fait d1 une extrd• rw du b a, moi vivant (=si ma tête vit), tu ne mangeras pas de terre•.
mité de queue de bœuf, de mouton ou de chèvre •,et pousse l'un vers l'autro (Mnnger de la terre signifie : être réduit à la plus grande misère).
les petits monticules voisins formés par la double pression de son médius Ri i>on fait tomber des noix, même sur la natte, on recommence la mani-
dans le ye. Une fois les d'eux marques confondues, il prend une pincée du y& pulntion pour le même indice, sans effacer le résultat des manipulations
dont elles étaient faites, et la pose à sa droite, par terre. Il verse sur cetto
Intérieures.
poudre un peu d'eau ordinaire et la gâche avec son t-:Jys. Du bout de h\ Le devin inscrit les traits sur son Fat<. avec le médius seul ou avec le
langue, il effieure l'extrémité de cet objet et crache sans bruit, du bout des mddius et le quatrième doigt de la main droite, en poussant le ye devant
lèvres, le peu de yr;, qu'elle y aura pris. Il répète quatre fois ce geste, en lul, Il ne se sert pas, de l'index, doigt que les femmes ont rendu impur. Il
tournant la tête vers le levant (Mawu, Terre), vers le couchant (Lisa, Air), noie 1.es indices de droite à gauche', par étages, en remplissant "d'abord
vers le nord ( vovoliwe, vodü Sakpata, Feu), et. vers le sud (Xuji, vodù Xwioso, l'd111ge le plus éloigné de lui 4
Eau). Ceci pour cc demander la bouche ll, l'inspiration, l'ace des anciens Boko·
2
nô défunts et des vodit résidant aux quatre points cardinaux, pour parler par,
leur bouche 2 • 4 3
6
Dans le même but, le devin tend vers les quatre points de l'espace ses mains
8 7
contenant les noix J.
Après avoir aplani la poudre du Fate, le prêtre de Fa reprend les noix Certains, avant l'inscription du ou des traits sur le Fale, effieurent le sol
masculines, le lw1à, les place dans le creux de sa main gauche,· les saisit, dq leur main droite.
d'un geste brusque· de la main droite, qu'il retourne aussitôt dans la gauche, Une fois le signe inscrit, le devin i·epose les noix dans kur ré.:ipient. Il
Les mouvements sont nets, rapides, et comme rythmés par le claquement nomme le signe, qui répond à la question chuchotée par son cli,nt à
des coques. Selon que la main gauche retient une ou deux noix que la
11111 çomprend par conséquent quatre rangées d'une ou deux graines. Il répète cette même
droite, dans son geste agile, ne put appréhender, le devin marque sur le 011ùr11tion trois fois, et obtient ainsi trois autres colonnes ou ligures ... >>
plateau deux traits ou un seul 4, Si elle en retient trois ou plus, le coup est 1, Ces manipulations ont été décrites par·maint voyageur. J. BERTHO ne semble pas ks
nvolr comprises : «S'il trom·e une seule amande, il trace avec le doigt sur la mên:c ligne
1. Le mot IO-Jë indique que l'objet est consacré aux morts. La queue de bc;cuf est l'attribut qu1111·c traits verticaux juxtaposés deux à <kùx, en con1mençant par la droite. S'il trom·e deux
des initiés au culte de Fa. Elle est portée par le F,n·i au retour du bois sacré. Ici le toyE sym· nn11111des il trace deux traits verticaux légèrement écartés l'un de l'autre'" Le même Mission-
bolise les devins décédés. Cet objet, comparable à un court pinceau, sert également ù effacer 1111lrc décrit comme une consultation une remise de kfoli. (La scimce du Desti11 . ., art. cil.,
les signes qu'il ne faut pas nommer. Il est signalé par le Missionnaire MÉNAGER, ap. Comman· p. 367.)- Cf. une description fantaisiste ap, Maurice JoUANNIN. Le Fétichisme, in Rcns. Col.
dant GRANDIN. A l'assaut du pays des Noirs. Paris, René Haton, 1895, p. 172 : «une courte el Documents pub!. par le Corn. de l'Afr. Franç. et le Com. du Maroc, n° 9, Suppl. ù L'A fr.
baguette à poignee sculptée dont une extrémité se terminait par.une queue de yache. ,, ll1•1111ç. de sept. 1930, p. 544. - Co111p. A. RAMOS, op. cil., chap. 1, p. 38 : « Outro processo
2. C'est parcequ'ils\1git d'évoquer des morts qu'un peu du)'• qu'ils ont symboliquement ço11siste em encher as màos èom os frutos de dendè, sacudi-los, misturà-los bcrn e dcpois
effleuré sur le plateau divinatoire est ensuite dispose sur le sol. lnff1l·los na mesa ou no solo, aos poucos, tirando oa divin ho as suas conclusàes ».
3. La forme carrée de presque ttJutes les maisons du Bas-Dahomey répondrait à ce-désir ~. M.-à-m. : tête-mienne-vivre-tu-(fut.)-manger-terre-(négat.). En nago : 11111 Je li soge.
de propitier les quatre grands i•odiï résidant aux points cardinaux. 3, A. B. ELLIS, The Yvmba .. , op. cil., chap. 11, p. 62 : «As the figures are read fr.,m right
4. Comp. Madagascar, descriptiond'A. et G. GRANDIDIER, op. dt., vol. IV, t. III, pp. • IO lcft, the system is probably derived from the Mohammedans ». A quoi l'auteur eût-il
499

1
500: « Pour le silddy voa11-jarntra (avec des graines), dans le petit sac où il tient enfern1ées gonclu, si la 1.ecture se fût faite en sens inverse ?
les graines 111asi11a, consacrées, il en prend de \ii main gauche une poignée dont il fait quatre , _ 1J, La noution proposée ap. J. SPIETH est erronée (Die Relig·io11 .. , oj>. cil .. chap. Ill,

petits tas qu'il dépose sur la natte du Sud au Nord, puis il enlève deux- pa.r deux les graines }~il p. 201) :
4
do <h""" d" "" on i,;,,.,, ""'''""°' ""' "" don• '"'""' <'" ''"' "°'"b" füi< P''' ""
impair ; il met, au fur et à mesure, ces restes les uns au-dessous des autres, formant ainsi
une premi~re colonne verticale ou figure qu'il met à droite, au Sud, figure n.ommée Talé ~o 1 1 i. .
:t~·
2
12 11
8
7 6 9
IO
3

5
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LA CONSULTATION
c
l'ajikwi '. Il place un cauri à gauche du Fatz, et l'ajikwi ·- qui était dans i donne l'interprétation du premier signe trouvé. Si Fa annonce son accepta-
le sac parmi les autres objets composant le vade - à droite. S'il a un assis-
tant, (sa femme peut l'aider si elle n'a pas ses règles,) celui-ci prend un de
tJ tion par un signe dangereux, le prêtre conseille à son client de «le ren-
voyer » pour en chercher un autre.
ces objets dans chaque main.
Un second, puis un troisième signes sont cherchés, et inscrits l'un à
1 Si Fa « refuse », il dit au consultant que Fa a repoussé sa demande, a
répondu non à sa question. En ce cas, il convient d'approfondir les causes
droite, l'autre à gauche du premier.

cauri
0 0
ajikwT l
l
du refus : s'agit-il de la mort de quelqu'un? d'une maladie? est-ce un vodîi
qui s'oppose au désir du consultant, ou un bo, ou sa tête même .. ? Fa répond
1\ ces questions, et un sacrifice est adressé à ügba, ou abandonné dans une
forêt, à un carrefour (ali-klà-atô), dans une rivière, au marché, au pied d'un

1 Loko,. d'un palmier à huile ou d'un arbuste nommé gàhoti, au lieu où sont

. ' .' '' ..' ''


brùlés les effets personnels des morts (ci:i-do-zo-nu-tè). Les grands devins
délèguent un de leurs disciples pour accomplir avec le client les sacrifices

• f ' '
" f' 11 pre_scri ts.
De nombreux Bobno, en fin de consultation, tracent avec le médius droit
f t f
''' ' '' ''' un premier trait dans le ys du Fat$, selon la flèche de la figure 2 3, puis un

' ' tt " ''4


f
1
-J-
second, transversal. Ils posent ensuite les noix au
centre du platGaU. Mais l'effacement des signes ne
·donne lieu à aucun rite spécial. Le devin lave ses
FIG. 22. ·- Inscription des signes sur le F,1/e.

Sur le plateau ci-dessus (fig. 22), on lit au centre Ydm-M€ji, à droite Cbe-
mains dans l'eau où ont macéré les feuilles, ou les
fait laver par sa femme, si elle n'a pas ses règles.
En fin Je journét\ il renvoie les signes comme il
1
Guda (que les Nago nomnient Gbe-Ef{1ï., Che-Dahomey 2 ) , à gauche C.-Abla. 11 été dit plus haut.
fIG; 23.
Cbe est plus « âge » que Cz : Fa indique l'ajikwi, et confirme ainsi ce qu'a Inscription des signes daos
deviné>> le premier signe. Si Che était à la place de C:, il y aurait cc refus», Le prêtre ignore la confidence faite à l'ajikwi, et Je ye du Fati.
le demi-signe droit le plus important tombant sur le cauri. certains consultants posent des questions scabreuses.
Si l'ajikwi et le cauri sont entre les mains d'un assistant, le devin fait Il borne son rôle à transmettre " une enveloppe fermée»; il est souvent,
ouvrir la droite si le demi-signe droit le plus fort se trouve inscrit à droite, plutôt qu'un interprète, le conducteur de la parole de Maw11. Il est com-
la gauche dans le cas contraire. parable, selon Gu/;g/Je, au commutateur, entre le générateur de lumière --
Si les demi-signes de droite sont semblables, on recommence tout, sauf Mawu -- et le consultant - ampoule à éclairer : son rôle est intermittent,
s'il s'agit de Gbe. Dans ce cas, la réponse est considérée comme positive. tandis que celui de Mav.Jn est éternel 1

Si Fa « accepte» et si la réponse est de bon augure, le Bok:mà frappe, Un ancêtre dl:funt se manifeste parfois au cours d'une consultation, et
pour rendre gnkes, le bord antérieur ou le milieu du plateau avec un des uxprime une volonté; car Fa révèle tout, « parle de tout>>. Mais cette rela-
lôfiè, en disant ala b:J!u, ala b:Jys, ala b:Jc€ ! ou même sans rien dire. Puis il tion n'est pas systématiquement provoquee par les devins, et les morts ont
d'autres moyens de renouer avec les vivants.
1. C'est sans doute à ce signe qu'A. B. ELUS veut faire allusion lorsqu'il écrit (The Yoruba .. , Un exemple. Un consultant vient: je suis malade. Je n'ai pas dormi de
op. cil., chap. 11, p. 60): <<. •• the sixtecn cc n10thers », one of which is declared bv the ba-
balawo to represcnt the inquirer ». ,
2. Les Yorouba désignaient les Fon sous le nom d'Egti. Ils disaient : Egü, 1mô 1îeni, Egü, 1. Gëdeg/>e est mort sans connaître l'dectricité, qui n'existe pas à Abomey où il résida

fils lk la femme. Le mot 1ià1111, femme, se dit encore iimi parmi les Gii et les Maxi (Mahi). to,ujours depuis b conquête.
LA GEOMANCtE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LA CONSULTA T!ON 249
c
la nuit. D'ou vient cette maladie? 0'.où, cette insomnie ? - Le devin, si de ses développements. D'autre part, s'adressant plus directement au consul-
ces accidents n'ont pas une cause normale, procède par élimination. Il lllnt, il lui expose une règle de conduite qui constitue l'application à son cas
demande : cette maladie, faut-il en « chercher le fond » ? - Si Fa répond de certains développements du signe considéré.
par l'affirmative, le devin pose les questions suivantes, jusqu'à ce que la De nombreux devins se dispensent de formuler un développement auquel
cause soit nettement établie : Io client attach~rait trop ou trop peu de prix, ce qui leur permet de garder
La maladie provient-elle de quelqu'un qui est mort ? (Os.) pour eux leurs connaissances et de gagner du temps'.
Provient-elle d'un vodü? (Hüliikiikwi.) Enfin, en l'absence d'un collège hiérarchisé d'interprètes ou de commen-
D'un charme? (Gbxi, akpakü.) tAteurs, chacun en est réduit à traduire selorr la capacité de sa mémoire; et
De la tête? (Caillou.) nulle mémoire humaine n'est assez vaste pour contenir toutes les connais-.
De Fa? (Noix de Fade.) unces de Fa.
D'un sacrifice? (Cauri.)
Du reste? (Akpakit, ajikwi, noix de Fa : un objet noir de préférence, Variantes.
puisqu'il s'agit d'une cause qui reste obscure 1 . )
Le devin élimine encore : est-ce la faute de la femme du consultant, de Lès devins qui veulent consulter Fa le transportent de leur chambre. ou
dll Faxa, où il séjourne habituellement, au Fagbasa. Ce déménagement,
sa mère, d'une personne étrangère) de Mawu .. ?
Il demande ensuite quel remède il faut appliquer, en se servant du cauri pour temporaire qu'il soit, ne và pas sans quelque cérémonial. Tenant la
et de l'afikwi, sauf dans les cas classiques où tel objet implique une certaine c11lebasse ou le plat où reposent Fa et kpali, ils se dirigent vers le Fagbasa
réponse. Faut-il faire un sacrifice à Fa, à Lsgba, aux Na, à la tête, aux at, chaque fois' qu'ils franchissent un seuil, s'arrêtent, posent douœment
morts, à Lisa, à Oduwa, à :Jcô, à Gtt, à Sakpata, à Ags ? etc .. Seize questions leur fardeau à terre, le relèvent, et poursuivent leur chemin 2. Car si les
sont posées de la sorte, et, si aucune réponse positive n'intervient, une , noix de Fa sont vulgaires quant à leur espèce, elles n'en symbolisent pas
dix-septième question demande s'il s'agit d'une autre divinité, qui n'a · moins, après consécration, une divinité. D'où les deux propositions souvent
pas été nommée. Si la réponse affirmative tombe sur Gtt, par exemple, le entendues, et dont la contradiction n'est qu'apparente : Fa, c·e sont des noix
devin trouve par élimination si cette divinité veut de l'huile, un cabri, des onlinaires, toutes les noix de Fa parlent de même façon, - et celle-ci :
colas, de l'ea.u ordinaire, autre chose encore. Si la cause de la maladie est !111, ce ne sont pas de simples noix.
imputable à la tête, il demande s'il s'agit de la· tête du consultant, ou de Au Fagbasa, le propriétaire du kpali, assis, pr~nd de l'eau où ont macéré
quelqu'un des siens, vivant ou mort. S'il s'agit d'une personne défunte, il des feuilles xisixisi, y trempe ses doigts, et touche de leur extrémité mouillée
demande son identité. Et ainsi de suite. les noix dans leur coupe. Prenant ensuite une gorgée de cette eau, il la
pulvérise en souffiant sur les noix. ·Il coupe des colas en petits morceaux
nvec son ongle, les distribue aux assistants et en mâche lui-même quelques-
Développemcllt des signes. uns. Puis il les crache du bout des lèvres sur les noix de Fa, qu'il extrait de
leur récipient pour les frotter les unes contre les autres entre ses ma·ins.
Une fois la réponse de Fa inscrite sur le Fa!F.. ou présentée par l'agümaga,
le devin doit en donner la traduction à son client. Cette réponse est à double Alors la consultation peut commencer.
Si le propriétaire du kpali n'a pas le temps ou la possibilité d'accomplir lui-
effet, ou, si l'on préfère, se fait en deux temps.
même ces rites, il en confie l'exécution à une personne de confiance.
D'une part le prêtre, se souvenant de ses longues études, interprète la
valeur du signe en elle-même, en évoquant certaines de ses devises, certains
1 , Des devises pt de leurs développements nous traiterons dans la deuxièm~ partie.
I. Eso kutasi? Eso vodûsi? Eso gbetasi? Esà bost? Eso tasl ? Eso F,1.1i - ou Fa Aydeuii/isi? :i.. Camp. rite vaudouesque dans les Indes occidentales : la personne qui à un iiodü -"sur
Eso v:Jsi? Ekakpo? (F)- l(aba egli? Kaba ica? Ifoba oli (tête)? K;iba AgbOmilegùl Kafo 111 t~tc », qui est possédée, fait une volte en franchissant chaque seuil, montrant ainsi que les
ou•o lufo (sacrifice) ? Ok11? (Y). 1J01ltl n'agissent pas comme les hommes.
1
LA CONSULTATION
LA GEO\IANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLA \'ES (.

Le signe Di-Msji, quatrième signe-mère, propose un même équilibre


entre les forces masculine et féminine. .
GEDE. Astrologie.
Yelm-,'\1;ji, second signe-mere, parait au premier regard singulier. En le
Le procédé gede (Y) permet aux prêtres de Fa, en utilisant les affinités( décomposant comrùe il a été fait ci-dessus, on le recompose, pu~~ment et
en général secrètes, des signes, de donner le maximum de précision et simplement. Nous avions précédemment, par l'analyse de Wolt-Ms71, obtenu
d'effet aux sacrifices et aux Fafa prescrits, et même à l'interprétation pro• un Gbe et un Gbe-M;ji :
prement dite. Il n'a jamais lieu dans le bois sacré. 1 1
Gedëgbe est le dernier devin du Dahomey qui l'employa, et nous n'avons 1 1
pas e.u le loisir de le questionner longuement à ce sujet 1 • Il a·ppartient aux 1 1
ethnographes nigériens de poursuivre cette étude sur le plan astrologiq·ue. 1 1
Pour comprendre le gede, il faut tenir compte du fait que chaque signe
est composé de deux grau pes d'indices superposés : les indices supérieurs mais le siane de gauche est équivoque, et peut passer pour un Ysku. Si l'on
inscrivait Gbe-Meji, non pas à gauche comme ci-dessus, mais à ~raite ~e
0
sont masculins, les autres féminins 2 •
Or, dans Woli-Msji, par exemple, troisième «signe-mère 11, se trouve Gbe, une personne non avertie lirait Ydm-~be, et .le princ'.pe, de. ~1érarch1e
inclus Gbe-M~Ji, le premier des signes. Si l'on superpose les quatre indices serait violé, selon lequel Gbe, signe le plus tort, d01t se temr a d101te.
doubles de TVoli-Maji: L'observateur a remarq~é, d'autre part, que Yeku-M~ji n'est autre que Gbe.'.
qu'il manifeste quatre fois. Il en a conclu .tout naturel ~ement q~e Yek11-MeJt
1 1 1 1
1 1
1
cc commandait l> oriainairement tous les signes, et qu il fut destitué au profit
de Gbe-Msji, pour des raisons que des légendes s'efforcent d'expliq~~r • ,
1
1 1
1 1 1 1 Pour marquer cette déchéance, legede exige qu'à toute recomposltlO~ d un
On obtient Gbe-M<ji J : siane dissocié vienne s'adjoindre, à droite, un des quatre éléments Gbe mclus
d:ns Yeku-Msji. Ce démembrement évitera l'erreur signalée plus haut, en
affirmant la suprématie de Gbt. ..
D'autres signes permettent également de déduire un Gbe-MeJt et. un. Gbe
5imple. Woli-Msji, Di-Mr;.ji, Loso-Meji, Wèls-Msji, signes de do~ze 1~d1ces,
le permettent d'emblée. Il n'en est pas de même poui: le~ huit suiva~t~.'
De même, en superposant ies quatre indices simples, on obtient un Gbe: d'Abla-Meji à LdE-Meji~ signes de dix ou de quatorze md1ces. Abla-MF.Jt,
par exemple, donne un excédent de deux indices :

1 1 1 1
1 1 1 1 _1_1_(+ 1 1)
1 1 1 1 1 1
1. De Porto-Novo, nous Yînmes une douzaine de fois passer une après-midi chez lui;
1 1 1 1 1 1
une convalescence providentielle nous permit de séjourner près de lui pendant les deux
derniers mois de notre séjour, et de lui soumettre l'ensemble de notre MS.
2. D. ÜNADELE EPEGA, op. cit .. chap. m, p. ro: "Eaçh Odu is male-fenrnle, creator, pro-
De même Aklà~M•ji, Ka-Mr;.ji, Turukpë.-Meji.
ducer, procreator "· lb., chap. 1v, p. 14 : "Each üdu is Male-Female, the male on the
right hand and the female on the left "·
3 .· Les indices imprimés en gras sont destinés~ faciliter la lecture. 1. Infra, deuxième partie, chap. u, PP· 445 sqq ..
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES • LA CONSULTATION 253
Par contre, Guda-Meji présente une différence en moins qui rétablit l'équi- porte le nom d'a.za, travail, effort, c'est-à-dire: condition humaine. Elle semble
libre : Correspondre, en astronomie, aux Pléiades, et exprime le concept Gbe.
1 1
11
(-1 1)
* +
** +
1 1 1 1
1 1 1 1 1 1

De même Sa-Mëji, Tula-M:.ji, Lete-Meji.


b a +
Gbe-M:.ji et Gbe se déduisent à nouveau. des deux derniers signes : Ce-
. Me;ï et Fu-Meji, composés chacun de douze indices. Or, Fu-Meji est pré-
* t
cisément la mère de tous les signes. Mais.on se garde d'extraire trois Gbe de
Ce-Meji pour « faire parler Gbe et Ce ensemble» artifièiellement. Cë.-Meji, * ,f ~ ~ "' "*
*' ,fi! *
en effet, signe mâle, vient aussitôt avant sa mère, Fu-Meji, dans l'ordre des -;f-;f~ f
( + 1)
signes. Et il représente l'inceste dans la famille des du. Il a acco;npli un Io
(e xo la) avec sa mère, et celle-ci porte le nom de Lagbo-Meji. C'est pour- d
~ c
quoi les devins ne nomment jama!s Ce et Fu de suite; presque tous, dans
---i~

*
l'énumération des seize du, déplacent Ce. Ce, souillé par son crime, et Fu
restent néanmoins accolés dans l'ordre réel des signes, perpétuant un souve-
nir impur.
* FIG. 24. - Tableau de gedt.
*
Par ailleurs, on remarquera l'équilibre numérique des éléments mâles et Le tableau suivant montre les constellations obtenues par la fusion de Gbe-
femelles dans les quatre premiers signes et dans les deux derniers. La symé- Msji avec chacun des quinze signes, de Yeku-Meji à Fu-MEji inclusivement.
trie est double : horizontale et verticale. Ln dernière est faite de l'ensemble Gbe-Mr:..ji et Ce-Tula : ce dernier signe,
La transcription des signes décomposés et l'addition de leurs indices toujours nommé après les seize jumeaux, clôt leur énumération. (Fig. 25 .)
donne lieu, dans le gede, à la création de figures nouvelles. Le devin, en Chaque gede porte un nom. Ceux où Gbe-Mr:..ji ou Yeku-Meji figurent
recomposant les du, dispose les indices en faisceaux de trois, de façon que en tête se nomment respectivement Sr:..rilèi (Suki, titre du roi. des Haoussa)
chaque groupe constitue une étoile à six branches. Il fait apparaître ainsi sur et Hayiana (?) '.
le sol des séries de constellations où il isole finalement, s'il s'agit de lui- Le premier gede donne un excédent d'un indice. Le sixième (Abla-MEji)
même, son étoile personnelle, à laquelle il s'adresse alors directement. et le septième (Akla-M~ji) donnent un excédent du double, balancé par une
S'il s'agit de transcrire Gbe-MEji et Yr:..ku-Meji selon ce procédé, on trace différence en moins des deux gede suivants. Les quatre ensembles suivants
d'abord un Gbe vertical. Les indices du second Gbe s'inscrivent en croix sur ne completent de même façon. Quant à l'indice en excédent constaté dans le
ceux du premier(fig. 24, a). Les indices de la première colonne Gbe, comprise
dans Yeku-Mr:..ji, figurent en diagonale sur le dessin précédent (b ). Les trois 1. Ce gtde est-il apparenté aux l?iyiini ( ~~) positif et négatif, figures clefs du gz.iin
autres éléments Gbe de Yr:..ku-M<.ji sont notés de même façon au-dessus du trait
séparant les indices mâles et femelles ( c). Après addition de l'élément Gbe sup- .(001) mauritanien ? Cf. Lieutenant André TRANCART. Sur un procédé de divination de
/'Adra1· maurita11ie11 : le f{Ziin. Bull. du Comité d'Études Historiques et Scientifiques de
plémentaire, etnprunté à Yë.ku pour attester la supériorité de Gbe, on obtient
I' A, 0. F .. Paris, t. XXI, no 4, oct.-déc. 19 38, p. 494 : « /Jiyiini : personnage savant ou imc
neuf étoiles, et il reste un indice inemployé ( d), dont il sera reparlé plus tard. ponant >>, et pass .. Gë1lerbe seul nous cita le mot Ha.yia11a, connu de très rares initiés, peut-
La constellation de sept étoiles groupées figurant au-dessus de l'horizontale 611·e mt!me oublié dans le Bas-Dahomey
LA GEO~IANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LA CONSULTATION 255
premier gede, il se reporte sur la dernière figure, où le signe Ce-Tula intel'• lumière, il est maitre de la lune par opposition à la nuit. L'ordre donné à la
vient à cet effet. lune est censé émaner de «l'étoile W:J ou da», dont la phrase ci-dessus est
Si, dans la même figure, on veut insister sur le concept }'~k 11 , on dit, nu \Ill des noms, et .qui n'est autre que Vénus, planète comparable à la terre.
Wo, assimilé à Ysku (représentant la terre), cherche à supplanter la lune,
* :f-;f "*~*'- *+~ -f ,r +- toprésentant Gbe en tant que lumière '.

**""*
+
+ (+ 1)
;ff-~
,;: *"*"*"
;ff--t
L'espace quadrangulaire laissé en blanc dans chaque gede est nommé
htlJ(sisa, « maison faite», maison cam~e. Il est sous la garde de Gbe-Mëji,
qui lui sert de « mur » à gauche, et dans la partie inférieure, donc féminine,
?/'-
-Jt.
if ;f-;f
~
*" *
~
~.chaque figure. te Car, .Jans le lit .conjug.nl~ J'bomme -5'érend du côté exté-
rieur, afin de protéger éventuellement sa femme; celle-ci, étant du côté du
-f-f-f .,f .,f-f ~~+ mur, commande par là même la chambre entière, et la maison. »
*+* ?ft.f ( +i )
?fCt:~
(+ ,J)
?f;ft .On peut faire des gede à propos de tous les signes, principaux ou secon-
~ ~
7f
*.,r.+~ *
~
~
.,jt
dnircs. Exemple: Aklà-Abla et Sa-Guda, qui donnent, après adjonction d'un
Jas quatre Gbe de Ydw-Mc;ji, la figure suivante, dont le résidu est I :

~~+
if~+ -tt~
-;f t'
-.f-t'~
,r
*"*+
if f +
1 f 1
, * ;fL,f'
#
,f(
C-Il)
~
( +! )

-t
·C+ 11)
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t-
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1
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I +
J
1 1
1 1 I
I - * ~ ""'"*
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(+ 1)

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-,f
~ f ,/'- ~,f ~
I 1 t I ' ~
* ,f'+ C-11)
+;Y;f
~
*',je ;f -;f t-+ ( - 1)
• •
FIG. 26. - Gede de Sa-Guda et Aklâ-Ab/a.

~
*
~ ~ ~
~-
~
Le gede donne au devin des indications précieuses. Un exemple. Décom-
posons le signe Loso-Wèle :
FIG. 25.
Gl Figure~ résultant de l'~~dition: Gbe-M<ji +chacun des quinze signl's jume~nix +
constante
1. M. QuÉNUM, art. cit., p. 164: «Les Pléiades (Azo); Vénrts (Wo). - Les Pléiades dont
Je extr~lt: de Yeku-'.'v!'J'- D~ ha~.t en _bas ~t de gauche à droite, Gbc-Meji est allié successi·
vement 01 • Yeku-Me;1, lf/olt-Me;1, D1-Me;1, Loso-M<JÏ Wds-M·;·; 4/1/·i-M';· 1• Al.·/· M .. la uom signifie travail sont les signes a\'ant-coureurs des pluies. Dès leur apparition, les cul-
G d M .. s M .. } ' < , , ' • • ' li-
C uTa- e;i, a- e;i, 1n-Mëji, T11rul.f'1'-Meji, T11ln-MëjÏ, Leh-Meji, Ce-Mzji, Fu-Ùeji, et enfü;
EJI
1lv11teurs ~on11m:11cent le défrichement de leurs terres.
1
e- u a, messager de tous les signes. L'apparition simultanée de Vénus avec celle des pléiades augure une saison de pluies
"bondantes et une moisson d'or. >> La première remarque est exacte; la seconde reproduit
une croyance populaire que les faits dém~ntent souvent. lb. : «Jupiter. - Jupiter s'appelle:
lieu d' az::i : SIÎ lm, ma nà sü do Ille : lune, meurs, que je prenne ta place! Cette u Soun kou ma non soun dô mê,, (L'étoile qui remplace la lune). Lorsque Jupiter se montre
phrase trahit une fois de plus la dualité Gbe et Y<ktt : Gbe commande à la IQUI, il indique d'un<; manière certaine le dernier quartier de la lune et sert d'avertissement
nuit de disparaître, car il est le jour; mais Ysku est maître de la mort! YEku à ceux qui attendent la nouvelle lune pour une entreprise quelconque. A partir de ce
moment, ceux-ci deviennent plus vigilants et scrutent attentivement le ciel dès le coucher'"~
est la lune, par opposition au soleil; mais, dans la mesure où Gbe régit la Notre informateur est formel : w:J et sù ku ma no sü do me désignent la même planète.
LA GEoMANCIE A L' ÀNCIENNE CÔTE DES ESCLAVES ,LA CONSULTATION .257
1 1 1 1 Woli, Ktt-ya Ktt-ya, Woli, la mort approche, la
1 1 1 1 mort approche,
ma fo si br:. I (F) n'y va pas 1
1 1 1 1
1 1 1 1 1< Il y a dans la mer, disait ce signe, un animal fabuleux nommé Nu-Bli-
gcde, et il a donné la richesse à l'homme. Et l'homme lui a tourné le dos.
Si l'on adjoignait à la résultante un des éléments Gbe de Yëku-MEji, on llt la mort vient ... Le cantm qui a parlé au bord de la mer, si le roi M:.folàji
obtiendrait ce dernier signe tout entier, c'est-à-dire la mort. Celui qui trouve snit s'y prendre, ce sera sa richesse. Sinon, ce sera sa mort » 1 •
Loso-Wèle dans le bois sacré est condamné. Le Bobnô en est convaincu : il Cette alternative apparaît si nous décomposons Woli-Tula en lui adjoi-
cache la vérité à son Favi, mais la lui laisse deviner par le chant suivant : gnant un Gbe de Ysku-Mr:.ji :

nà kpô do! Aja-xasu Kpol?po, 1 1 1 1 1


1 1 1 1 1
Loso-Wëh., nà kpà do I
Nô kpô do f
nô kpà do I
Woli-Wêlë, nô l{pô do f l
-+-
11
c+ 1 1)

Nô kpô do I Nô kpô do! 1 1 1 1


Me Kpa-vi na wa j:. le, No kpô do!
nô kpô do! Më Kpa-vi .. . etc .. Les deux indices en excédent symbolisent la vie et la mort, en l'occurence
Regarde le trou ! [la mort] l'alliance ou la guerre, la prospérité ou les ruine~.
Losa· Wèlë, regarde le trou ! On objectera que le signe Guda-Sa eût donné le même excédent. Mais
Toi, fils du Léopard, pl'écisément Guda-Sa déclare : « Le roi Metalàfi a interdit l'accès d'un cer-
regarde le trou ! tnin chemin; et Gu. (vodit de la guerre) y a passé. Et les paysans de crier :
Toi, Kpokpo, roi des Aja, G11 a violé ta loi! - Metalofi répondit : laissez-le faire; s'il veut quitter le
regarde le trou ! sentier de la vie, qu'il aille donc dans celui de la mort. Gu dasa (pour do
Woli-Wèh, regarde le trou!.. nsa): Gu a traversé ».
Woli-Wëh est~omparable à Loso-Wèh et accentue la gravité de l'augure: Au début de la guerre du Dahomey, et avant la campagne de l'Ouémè,
Woli coupe et tranche, Wèlë est la maladie qui s'acharne, Los(l creuse la Gcdegbe, après avoir en vain agi de toute son influence. pour détourner
fosse. Béhanzin de cette entreprise, consulta Fa à nouveau et découvrit Wèle-'lJJ~
Voici un autre exemple, historique. Lorsqu'à la fin du siècle dernier, la Yeku, qui donne le gede suivant : .
guerre était sur le point d'éclater entre les Français et les Dahoméens,
Gedegbe consulta Fa et découvrit Woli-Tula (Woli-Kuya), dont une devise
expose : glëz.i e kpà nududu vivi, bo do ve nu agba-vi-kpe-l:i, e na yi ku-ciJcia di,
si le rongeur glëz.i trouve une nourriture à son goût et entre sous le piège
1

1 'I
1 1
1
* **
- * *~ (+ 11)
[qui la garde], il mourra sur-le-champ. Un chant approprié conclut : 1 1
ma /J si bE (Y) I
du /J da : (F)
n'y vas pas !
ce 4u a dit :
1 1 I *~

ma /J si h ! n'y vas pas 1 FIG. 27. - Gede de Wèle-Yeku.
okete, (Y) glèz.ï, 1, Sur le roi Mitolàjl, cf. illfra, cleuxième partie, chap. 1, pp. 422-42 3.
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE COTE DES ESCLAVES (.
LA CONSULTATION 259
Cet excédent de deux indices révèle <le nouveau un conflit entre m•y avec un violent désir de se venger. Il obtint audience du roi, et lui
la mort. Leur forme en croix ori~nte la pensée \'ers les quatre élémenlK, ill'Osa qu'un certain village, situé à proximit~ <le l'Ouémè, hors <lu péri-
Duquel s'agit-il? fnfoc interdit, serait de bonne prise. Béhanzin envoya ses agents de rensei-
Une des légendes <le Wèh-Yeku répond à la question. lfnomcnts ( agbaji·gbet:J) lever l'itinéraire, prendre des· repères, et tracer un
Si le vem sou!Re, il fait danser les feuilles des b<lllaniers. Si le ,·ent souffie, il bousculo.
plnn des défenses <lu village, comme il est de coutume a\·ant une attaque'·
les plus grandes rivières et leur fait même remonter leur cours. Si le \'<.:nt souffle, il cou~hG; liuln il appela Gsdsgbe, et lui exposa l'affaire. Gôdsgbe cônjura le roi <le res-
les herbes à droite et il gauche. T,els sont ks noms que prirent les trois Bolw11à qui consul•. 111' Cil' paix, et Béhanzin lui ordonna de wnsulter. La réponse de Fa fut
ti:rent Fa pour le roi Mû1là/i. Cdui-ci avait tout en suffisance; il pouvait tous les jOUl'f
1111\\1\':tise : Sa-Woli, dont voici le gede :
tremper dans la ~auce à la fois dL' la pàte et de la \'iande; et il se sentait riche comme !Ill
paysan au milieu de son champ. Et ils lui dirent : la mort te 11oursuit et t'attt:indra au deJi,,:''L
d'une grande étendue d'eau. ci.

r I ''1 ~ .f. 7f'-


La croix <lu gede parle donc d'Eau et <l'Air.
Cstigti, Yoyoxoms, Nimaw et les grands ministres critiquèrent les conclu•
sions <lu devin. Yoyoxo111:. alla trouver le roi et lui <lit: cc si l'on offre au roi ' '
1 1 - *- ""' + (-1)

un oiseau nüle (xe-su) et un oiseau femelle (x<.-si), le roi refusera l'oiseau


femelle. ' GU, -a fait toutes les cé~émonies pour le roi Gezo, et mainrenam
GUs n'est plus: il est parti pour K11to11u. (le pays <le la mort) voici cinquante•
I I 1
FIG. 28. -
*
~
Gede de Sa-Woli.
huit jours. Et les Français sont ve.nus. Giel" doit se rendre (comme tous
les morts) vers la mer, et les Français lui barreraient le chemin? Celui qui 11
pris sa place ne doit pas s'abstenir. Le Fa de Guh.gbe n'entend pas le bndl On en connait les caractéristiques .. L'une des devises du signé est la sui-
<le la mer! Il n'en faut pas tenir compte ». VRntc : « lorsqu'approche la mort <lu grand animal <le la brousse, il se
Ainsi fut décidée la. guerre. Jldgc vers un chasseur, et le touche de la tête. Et le chasseur tire sur lui, le
IUU, le découpe et le mange ». Le sens est clair : tu iras toi-même au devant
Lors <les premières défaites, Gsdsgbe fut prié <le consulter encore. Il con• Jo tn mort. Elle 1ie te poursuit pas.
seilla à Béhanzin d'écrire aux Français en leur proposant une allianc€, en les Béhanzin passa outre et se mit en route vers l'Ouémè. Au cours de la
invitant à venir assister aux Grandes Coutumes. cc Ensuite ils hisseraient lll'Cmière nuit de marche (ahwà-z.à-zâ), un taureau sauvage avE1îi, bondissant
pacifiquement leurs couleurs sur Abomey, et les troupes d'Abomey seraient ilo ln brousse à gauche du convoi, se fraya un chemin à travers l'escorte,
les troupes <les Blancs ». Béhanzin fit rédiger un message par un lettré fonça sur le hamac du roi et fut tué à la gauche de celui-ci. Béhanzin recon-
d'Ouidah. Les Français acceptèrent les propositions faites, en interdisant llllL que son devin avait dit vrai et voulut rentrer. Mais Yoyoxome insista si
toutefois au roi <le se rendre dans la région <le l'Ouémè, territoire dépendant Allrnitement que la colonne repartit.
du chef <le Porto-Novo. La guerre s'interrom~it. Le chef de Porto-NoYo se plaignit aux Français et la guerre reprit.
Sur ces entrefaites, un certain Yesalavi, de Sexw€, se rendit vers l'Ouémè
avec sa femme. Les gens du pays lui prirent sa femme, et il revint à Abo·' 1, Ces espions jouissaient d'une réputation méritée dans tous les pays voisins d' Abomey.
(Cl'. P, HAZOUMÉ, op. cil., chap. m). Le roi. les utilisait encore après la victoire, au cours
d'une ccrémonie publique où il procla111ait leurs noms et leur remettait quarante cauris, prix
. I. Jeu de mots sur .nsi, signifiant il la fois l'oiseau femelle et la peur. - Wc'h-vo-Yel.-u da luur trah!son (xelusak}'ë). Un roi ne doit pas, en effet, attaquer un autre roi; la responsa-
était le /.'j11li du Gau (chef suprême de l'armée) Kpodekpo. Béhanzin trouva cette coïncidenc~ bllho est transférée.sur un agresseur fictif, dénoncé publiquement aux puissances \'engeresses.
de bon augure. G"lzgbe eut beaucoup de peine il lui faire comprenctre que l'apparition de co ~Le respect et la cr;iinte des rois c!:trnngers étaient si grands que la tête des rois capturés,
signe â propos d'une remise de Fa ou il propos d'1rne expédition guerrière d0•1,:i;"Jt des résul. plll8 décapités à Abomey, était emportée se.crètement et enterrée dans le pavs \'aÏncu,
tats absolument différents.
GlllOlll'CC d'or et d'étoffes précieuses.
foslitul d'Ellmologie. - Bernard MAUPO!L.
l
260 LA GEPMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES (,
LA CONSULTATION 261
A Allada, le roi, ne recevant aucune nouvelle des opérations qui se dérou- quoique nago lui~même, lui donna ordre de s'exprimer en fon, afin que
laient à Aglazüms, (que les Blancs devaient nommer Cotonou), demanda au tous les assistants comprissent. Puis il critiqua l'interprétation d'A/el~pa :
chef de ses devins musulmans, Ahkpa, de consulter le sable (taci). AlEkpa Ill Bayada, loin d'être pour le roi un signe de blancheur, de chance, était un
trouva le signe Al Bayada, correspondant à Tnrukpè 1 • signe des Blancs.· Devant la portée du contre-sens, Gedegbe, s'enflammant à
En bon courtisan, il l'interpréta selon le vœu du roi, à qui il annonça la son tour, déclara à Béhanzin qu'on le trompait en poussânt le pays vers la
chance, donc une victoire prochaine. Ni111av:> suggéra que Ged2gbe fût éga· rnine: « Alekpa n'a-t-il pas été fait prisonnier lors du sac de Ketu par ton
ement consulté. Le devin commença par refuser, puis se. soumit et trouva père? Il cherche maintenant sa revanche. Et c'est moi qui ai consulté pour
CE·Abla avec un agü111aga : Ghldors de cette campagne, et j'ai trouvé Loso-Wêh, (ng. 30) et j'ai dit au

, t
1 I'
1 I 1 1
(+ 1) I I I
I I I
f , , 1

,
~ f l
I I
=


FIG. 29. - Gede de Ce-Abia. FIG. 30. - Gede de Loso-vVi•h.
L'équation ne laisse aucun indice en excédent : le con~ultant
n'est personuellcmcnt menacé de rien.
Une des devises de ce signe.est la suivante : « si l'on apporte le bonheur
(s:> dagbe) au roi du pays où tous les hommes sont chaussés (af:>!~pa to-me
x:>su), il marchera dolicement et te fera du bien. Si tu lui fois grise mine, rni : le Bok:>ncl Nuv:>xlsle (dont-la-bouche-est-rouge) a déclaré la guerre au roi
il accélérera son pas [et ses sandales feront] : cwbla, cwbla, CEabla /Et il du trou (do-m;.-x:>S11), et Fa Ayde1:iüi lui di.t: ceux qui se trouveL1t dans le trou
marchera vers toi et ta vie sera perdue ''. Autres devises : « le minuscule sont beaucoup plus nombreux que ceux qui se trouvent au dehors. - Si
oiseau ti (ou titigoti) a commandé de la viande. Et on lui apporta un elé- tu te rends à la 1guerre, tu remporteras une victoire, mais tu perdras tous
phant. Et il se mit à crier : ,tè tià, tè tià, tè tiâ ! Il n'y a pas de place ! .. tes soldats. Et ton père a gagné unè coûteuse victoire, et il a ramené
Et il se sauva, car cette viande était tellement plus grande que lui ». - «Tu Ahkpa qui devint son serviteur. Et tu ne voulais pas croire non plus à cette
as pris un sabre, et moi j'ai pris un sabre, et nous allons nous battre. Celui prédiction, et ton père te maudit au cours de la campagne .. , l>.
qui aura la force et te frappera le premier en te coupant _la tête, il détruira Il reprit : « te rappelles-tu les paroles de ton père GleiE, lorsqu'il était
à tout jamais ta vie l>. - « Là où 1e pose mon pied vient toujours l'ara- si malade à Alaxe et que je te soignais en même temps à Abomey? Je suis
chide », 2 c'est-à-dire: où que tu sois, le malheur te poursuivra. resté trois mois à son chevet pour le guérir, et lorsque vous fûtes tous deux
Nimav:> transmit le mess,1ge au roi, qui entta dans une violente colère et remis, en grand public, lors de la célébration des Coutumes, du haut de
confronta GEdzgbe et Ahkpa. l'at:>, il appela sur llloi l'attention de la foule et dit : mi kpo na ne_. Nude
Alekpa, parlant en nago, répéta que son signe était de bon augure. Gsdegbe, Dàxome-tô ws. Mi yi Aja-!:>, mi na 111ô nude aja-tà; mi yi Ay:>-fo, mi na mô nude
. ay:>-tà; 111i yi Ke :>, dvlepo fo; 111i yi Hii. !:>, dokpo /:>, Hü-x:>su we ka ji. Dàxome
1. Al Bayada correspond en géàmancie enropéenne à A/bus ; les deux mots ont le même Io nude-tô ne. Toce fo vi w;, e nô na DàxomE. Ma fii mô a l:>, Gsdegbe WE n' na
sens, en arabe - JaÇJ 1
al-bayadu, (la blanchenr) - et en latin. na DâxomE. N'lea na vi, bo d:> Ged:gbe s:> ayi e do xo-tô me le, bo s:> x:> nû vi-ce
2. Les graines d'arachides sont jeto;!es dans les trous creusés par les talons du semeur, au Gb:hàzï bo ni do hê Dtixo11te. Mi ma se a fza? Regardez tous cet homme. Il
fur et à mesure de ~a marche. est quelque chosè [d'essentiel] au Dahomey. Allez en pays Aja, vous trou
LA GEo~!ANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LA CONSULTÀTION

verez une chose [essentielle] pour 4ja. Allez en pays Ap, vous trouverell llnns sa cour par une nuit de pleine !un~ (gbe egbe sil kpeka z_â hwete) pour Y
1
une chose [essentielle] pour Aya. Allez en Ke, allez en pays Hii, il en sera 1rncer la figure suivante :

. ·-------- .--------·
de même. Et il est fils du roi de Hti. C'est lui qui est la chose [essentielle] Est
du Dahomey. Dans mon pays, on transmet le [trône du] Dahomey à son/
fils. S'il n'en était pas ainsi., c'est à Gzd"gbe que je donnerais le Dahomey,

Je l'ai donné à mon fils, et j'ai dit à Gzdegbe de pl'endre son propre cœut'
pour le confier à mon fils Béhanzin pour qu'il maintienne le Dahomey,

Avez-vous entendu, VOLIS tous? - Et tous répondirent : 111i se, nous avons
,entendu J Et _c',e.sr _d.e ie jom -qu.e j.e r.e.çllSJ.e JJDm _de N11Jtg}J:i.Jô }vlol.Jii1liull;p11-
dexwe, la chose essentielle de la vie ne fait nulle part défaut.
~i
__ '.;::

• •
1
En vérité, ce n'est pas d'aujourd'hui que je suis devin, et je ne dois rien
-:::;

"~1

à Ahkpa ». ~~
-'s-
:_'.i

A ce moment, un messager llrriva de Cotonou,. porteur des plus lllllU·
vaises nouvelles : les Blancs ont tiré le canon, Yovo-ls dl' agba ! ...
-:g_,

1
• __,_,___________ . t
• • •
Les observations faites parmi les Fon <l' Abomey révèlent, à défaut d'un r!G. 3!. - Figure magique.
système astrologique commun, les traces de connaissances spéciales réservées
à une élite de Bobnô,.et dont le détail doit être cherch(' dans l'Est, cht:z les « Assis face à l'Est (;:,~fà) et entièrement nu, ses premières paroles étaient
Yorouba et les Haoussa notamment. une invocation et un appel à son f1me (ss) 2
: Ss-tà ... ja!. · ja!. ·Jal.·
Ce n'est pas par hasard que Gôdôgbe comparait certains ho111111es au bœuf, rcpétée trois fois de suite. Après une prière à ~'Oric1:.t, 0~1 l'~n r:c~nnaissait
ou au bélier. De Béhanzin il disait : Ki11i11i11i ja 111li, le Lion l'a engendré. - le nom du prophète Zolokeji, et du gede Hayiana <lep cité, d faisait face en
Il ne peut s'agir que du signe du Zodiaque; rappelons que Ghh, seul parmi silence au Nord, puis se tournait vers le Sud, lui adressait une prière cont~­
les rois, portait le titre de lion 1 • nant ]es noms <l'es Anabi Ali, Da'/l(la, Yu.mftt et Uln. Parlant au Nord, '.l
Que voulait signifier Gzd~gbe lorsqu'il demandait, il y a une quinzaine l'invoquait en prononçant le' nom des Anabi Ali, Id:i:n., Jibril, Sufeymant.
d'années, à un Babalawo venu du Yorouba pour le défier: Fs-gbr wcwi• ha, A ce moment un brouillard s'élevait à l'Est, se d1t1geant vers l epchan·
a se bi a? Les douze paroles de Fè, les connais-tu? Fc.-ghe wi~ ejs 1111kli, rt se tcur. Et du Su(l~Ouest, ou parfois du Nord-Ouest, - en ce cas elle était
bi a? Les quatre paroles de Fè, qui viennent. les premières, les connais-tu? d'influence dangereuse, - une étoile devenait souda.in plus lumineuse, et pro-
A 1ïô me afatà 1mkii dohpo e do Fs h e, a 1ïà Tii w Io a? Les seize personnes jetait u,n mince et étincelant rayon d'argent jusqu'aux lignes tracées sur la.
qui sont à Fè, connais-tu leurs noms? - GEdsgbe est mort sans avoir expli- terre. Il l'invoquait en nommant, si elle se levait au Sud-Ouest, le.s .Anabi
qué ces trois questions, mais le devin Yorouba qui se les entendit poser Ali, Haruna, Yaknba, Musa, Umaru Olulu., ,Jtnvaib11, et le gede Smkt.
s'aplatit sur le sol en demandant pardon; un cabri fut immolé sur-le-champ
et tous les assistants prirent un peu de son sang pour éviter la mort. Comp. fia. données par les Missionnaires SouRY-LAVERGNE et de la DEviizE. Destituh. et
1
Enfin, dans quelle intention Gsd:.gbe, quatre fois(?) par an, se rendait-il 1sli:oln<mes ei/"' Imérina (Mad11gasc11r).. Anthropos. ·wien, t. XII-XIII, fasç. 5-6, sept.-dec.
' b 8 8 et par Ch Mo:<:TEIL art cil p. r 04, à propos de Madagascar; par
1917, 191 ' p. 40 ' ' , • ' ' . ., . . ' 1 . -b
1. Rus1LLON voit en ce signe, que les Musulmans du Dahomey nomment Nasara Hariji . E. Dot.:TTI'>, oj>. cil., cliap. \'Ill, p. 391 (ex L.liFEBURE. Le 1u1rntr d encre dans a magie aia e.
, 1 ~ l\ , 0 "J ' Hev. Afric., 1905, p. 209), pour l'Afrique du Nord. , ..
( t_) 1.± y--a~ 1 a11-11a!r,. 1-lfolnj", la victoire sortante), k « Destin de l'orgueil et de la ? fofrn chap. 1x. _ Ce rite de nudite doit-il s'expliquer par le danger qu eussent pre-
- · des
sent0 - ,·ètements
' · · pour a1m1
impregnes. · · d'ire, d' acs au
· co urs de la ccrémonie?· On est tenté
domlnation"; au Darfour, il garantit cc succès et n:ussite, excepté dans la guerre». (CL A. et
G. GRANDIDIElt, op. cil., vol. IV, t. III, p. 501). de le croire.
(,
LA GÉOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES ' LA CONSULTATION

Alors le devin congédiait son unique assistant et restait seul avec son l'Ôponse est en partie négative, car un et trois sont impairs et déplaisent à
âme».
[la. Néanmoins, elle peut s'exprimer p;1r les ~ots : ta e wa e w:. nJ du, ce que
Rien de plus n'a pu être recueilli à ce sujet. La présence de mots haoussa hl tête a fait, elle en accepte les conséquences. Ces paroles sont à double
et arabes dans l'ésotérisme de Fa mérite une analyse qui ne peut être pous- entente.
sée plus avant au Dahomey, semble-t-il. On remarque par ailleurs, à ce Les fragments sont à nouveau jetés, p::iur denunder confirmation. Le
degré de connaissance, l'absence de toute allusion aux cultes des vodtî. Les Bv!?ano trouve Aldâ., et dit : ala dolepo no hè vi a,. une seule main ne soulève
plus grands Bokanô, mis en confiance, n'hésitent pas à déclarer que les vod1i pas un petit enfant. Fa n'a pas cùcore accepté : les chiffres sont encore
ne sont qu'une création de l'homme. impairs.
Au tmisième jet, Y~k11, comme Gbe, signifie la mor.t. Les mêmes, _au ,pr,e-
Ceux qui possèdent les seize Gbaadu sont seuls autorisés, nous dit GEdEgbe, mier jet, seraient dè bon augure.
à pratiquer le gede. Au jet suivant, le devin demande si Fa à quelque chose à dire au Favi.
La réponse est affirmative si deux fragments sont ouverts et deux fermés.
Consultation par les J:olas : VI-KÎKÀ. · Le Favi est-il menacé de mort ? Ghe, YP_ku r.épon.dent 1)ui, les .autres
disent non.
Les colas du Daho:ney sont le plus souvent qivisibles en quatre lobes
Si la réponse est affirmative, une série de nouveaux jets préciseront s'il
cotylédonaires ', que l'on jette sur le sol comme les quatre osselets des
s'agit du Favi ou de quelqu'un des siens.
«sortes» romains, et qui, après .ablation de l'embryon, «répondent» grosso
·modo de la façon suivante : ·. A qui faut-il s'en remettre pour éviter cette 111ort? A Fa ou à tel vodli?
S'il s'agit de Fa, le Favi pourra se rendre au bois sacré.
un cotylédon sur une face externe, trois sur une face interne : ta e wa (ta
tête en est l'auteur), non ; Le jet des colas suppose., on le devine, une certaine pratique. L'inter-
prétation n'a rien d'absolu, et se co:nplique du fait qu'Aklà correspond au
deux cotylédons sur une face· interne, deux sur une face externe : ala
dokpo (une main), oui; vodü Hoho, les -1 utneaux, ta e·wa au vodîi Ta, la Tête '.
trois cotylédons sur une face externe, un sur une face interne: Aldà (nom
d \m signe), non; Consultation de LsGBA : LEGBA-I<iKÀ ..

quatre cotylédons sur face externe : alafya, le bonhçur ·vient,_ o<J ali hli., La consultation de Lsgba est également d'origine nago 2
• Le devin porte
le chemin est ouvert. On dit aussi Gbe;
quatre cotylédons- sur face interne : Ydw e cùî ala-ji, Ydm a fermé sa 1. D. ÜNADELE EPEGA, op. cit., chap. vm, pp. 22-24. - G. Krr1. Rites funira.ire.s . . ,
main sur [le malheur]. art. cit., Rev. des Miss. Cath., no 3w4,. 16 fév. 1930, p. 94; Rites f1111éraires chez les
Alladanow au D11ho111ey. Echo !1es Miss. Afric. de Lyon, 31c atm., nos 7-8, août-sept. 1932,
Un exemple : p. 163/2 : « Si deux tombent sur' la partie concave et deux sur la partie convexe ... : les
Fa « dérange » le Favi et celui-ci a apporté tour ce qu'il doit à son devin, morts déclarent qu'ils mangeront avec plaisir ... Les quatre lobes sont-ils tombés sur la par-
tie concave, les morts ont tourné contre terre la face des enneri1is de la famille ... Les
en vue de se rendre au bois sacré. Le Bokanà, avant de procéder à la consul-
quatre lobes sont-ils tombés sur la partie convexe appliquce contre terre, le pays est ouvert â
tation dite lwlo 2, jette une noix de cola ouverte sur le sol en demandant si la prospérité par les fétiches et les morts ... Trois lobes tombés sur la partie concave et un
le jeune hoM1111e trouvera la paix après avoir obtenu son Fa. Si un cotylé- seulement sur la partie convexe, Al1e111ran : il' y a quelque chose qui ne va pas 1 Les morts
don repose sur une face externe et trois sur une face interne, ta e wa : la sont en train de délibérer "· - Id., Rites f1111éraires chez les Goun (D.1ho111ey), in Anthropos,
t. XXXII, mai-aoùt 1937, p. 431. -~ Covi MENSAN, art. cil., p. IO.,
2. On dit qu'elle prit naissance derrière jeca, en pays d'Aya. -- Sur la consultation par
1. Ils se divisent eux-mêmes en deux mâles : ab meji (Y) ou asu ii·e (F), et en deux les cauris-en pays mandé, cf. Charles MON.TEIL, dans un très intérl.!ssant article: La Divina-
femelles: ayii 1mji ou asi we. Les colas à quatre cotylédo~1s reçoi\'cnt le 110111 d'mt•e 111ffi ou tio11 chez les Noirs de l'Afrique occidentale française, in Bull. du Com. d'Ét. Hist. et Scient. de
d'okpa mEri (Y) tt de vi -11111.-ie-rne (F). l'A. 0. F., t. XIV, nos 1-2, janv.-juin, 193 r, pp. 27-29. - Du même auteur, cf. Les Bamba-
2. Infra, chap. vu, pp. 279-284:_ ras du Stgott et du Kaarta (Étude historique, ethnographique et littéraire d'une peuplade du Sou-
--~

(,
266 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES
LA CONSULTATION

les noms de Lsgbakât:J, celui qui « fouille» Lgba, de L.gba Bobnà (F), Nombre Nom du signe Relation Relation
Bok:m<i de Lëgba, ou de Baba·Ehgba (Y, même sens). \,_
1lu cauris ouverts représenté avec les vodù avec les éléments
Il tient ses pouvoirs d'une puissance invisible, Lsgba Ma~uutô, L:.gba de dnq Cs Ywtaja Air, Eau
Mawu. Les gens simples pensent que cette divinité possède une cornu MIX Abia Yalode, femme de Air, Eau
pleine de poudre dont elle tire sa puissance mystérieuse. Le Lsgbal.17/;y est .Xr:.vioso
reconnaissable à la touffe de cheveux qu'il laisse pousser derrière sa tête, Di Signe préféré de
81.!pt
comme tous les L:.gbasi, <<épouses »de L::.gba. Lorsqu'il se rend à une consul~ Lsgba et du devin
tation, il porte, accrochée à l'épaule, une statuette anthropomorphe en bois huit fyogbe Olee et d'autres
sculpté représentant LEgba; à qui il offre un _peu du san~ de toutes les vic- -ll~é Sa .Aj11gmltl
times qu'il immole. Cette statuette, habillée d'une longue robe en perles de -;~

dix Fu Jba Egbo (Lisa)


couleur, est posée à terre au moment de la consultation, auprès du devin. -~

-~~ onze Wèfr Sakpata Terre


1
Celui-ci étale les seize cauris, dont la position traduira les réponses de Ls- Jouze Jila-Ceb:Jla ' Càgo Eau, Air
gba ' sur un plateau (ats) en vannerie. ~reize Loso-Lolo Sakpa1a Terre
Avant de commencer son travail, le devin mange de l' nez et des colas. quatorze :)sanlu-Ogbenjo 2
Jcumare Eau
L'assistance mange également des cç:ilas, ainsi que le consultant. Ce dernier :Jfo-aba Egbo 1 .)batala (Lis~)
11uinze
donne un franc, deux francs cinquante, ce qu'il peut, «pour que l'on puisse
commencer ». Il pose son argent sur les seize cauris et ramasse le tour On ne « consulte » jamais seize cauris disposés de même, ouverts ou
dans ses paumes, qu'il porte à sa bouche en chuchotant l'objet de sa venue formés; si le cas survenait, il est recommandé de se taire, car on est menacé
de façon que le devin n'entende pas. Puis il approche ses mains jointes, par les sorciers. Il faut abandonner la consultation, et s'enfuir après avoir
pointes en avant, du plateau ou du sol, et laisse échapper leur contenu qui j!Jté tous les cauris dam l'eau. Seize cauris ouverts représentent le signe C<.-
s'étale d'une cert<i,ine façon. Il obtient ainsi lui-même la réponse à sa ques- Woli, seize cauris fermés le signe Lû;-Ce, nommé par eu'phémisme Gade-
tion, donnée par la position des cauris qu'il ne doit projeter qu'une fois. La .~/ido. Tous <leu~ relèvent directement de la magie noire.
manipulation est souvent faite par le devin. Le signe est déterminé par le Le L$gbakàt:J po's!iède comme le prêtre de Fa un nombreux vode, pour
nombre de cauris qui se présentent ouverts. Le devin sait discerner les rela- l'épandre aux questions éliminatoires. S'il possède les cauris d'un devin de
tions entre celui-ci et les signes. Il connaît. parfois les correspondances, les f,tgba décédé; il peut les étaler à même le sol ; dans ce cas, le mort ne man-
« conjunctiones naturae », qui un.issent ces signes avec les vod1i et les qL1era pas d'assister le \·ivant. ·
éléments; en voici quelques-unes :
Les consultations de Lsgba ne comportent ni chants ni danses. Une fois un
Nombre Nom du signe Relation Relation
signe trouvé, le devin l'e~pliqne au con~ultant, à qui il prescrit un sacrifice.
de cauris ouverts représenté avec les n>dli a\•cc les éléments Les consultations éliminatoires ne présentent aucun caractère particulier. Si,
deux fonlw par exemple, le premier jet donne Di (sept cauris ouverts), le second Jyo1:be
O;r;u
trois Guda (huit) sur l'ajikwi, et le troisième Cs (cinq) sur le cauri, Jyogbe l'emportera:
Ogu
quatre Losa parce qu'il évoque un nombre de cam-is ouverts plus grand, plus «fort ».
Càgo (Xevioso) Feu, Air, Eau

dau fran(ais). Paris, Larose, 1924, p. I 36 (seule cit. de cet ouvr.). -- En pays Agni, cf. 1. Ce signe est tellement redouté qu'il faut lui immoler un bélier s'il s.ort pem~ant une
L. 'fAUXIEll. Études So11d1111<tises. Religio11, Mœurs et Cn11/11111<'s de.\' Atui dl' la Celte d' froire (fu- ~onsultatioi:i. Son 110111 signifie : :Jce b1 :J/; /;1/a (Y); Ce a touché Ls/s. Le nom du signe Cs-
déuié d Sanwi) .Paris, Geuthner, 1932, livre 1, chap. vr, p. 74. /,i/1 ne doit pas être prononcé.
I. ]. ]oHNSON, op. ci.., cbap. 1v, p. )2 : « There are ~uch divinitics as Ü$llll, Yemaja, 2. Sa-Gbe : les Fon disent Sa-Ogbe.
àsosi and Elçgba~a, &c., which are often consulted, mostly by _women, using 16 c;1uris l'or 3 . Iba Eg/10, « roi d'Eg/!o '" désigne Fu comme ci-dessus. L'ensemble correspo'nd à Cs ..
their consulting signs '" Pu, signe it ne pas nommer.
(,

Li\ CO'\SULTATION
268 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES

Viennent ensuite Jes noms secondaires, dont l'imposition est facultative


En pays nago, ajoute l'informateur, il est des femmes qui questionnent de.
même: Lr;.gba. A Abomey \·écut une femme nago nommée Ya Kpeh (ya· et le nombre diffüilement limitable. Nous croyons cependant la li~te sui-
vante à peu près complète.
signifie mère), « sœur » (en réalité nièce) de Gêd,.ghe, qui pratiqua cette
Voici des 'noms de garçons : ·
forme de divination. Elle mourut très âgée, et presque paralysée, vers r926,
Une sœur de Gdeèe, Alaye (connue sous le nom de Ta-ni-lepevi, notre Fadanugho (F Fa-d~-ntt-gbo, Fa-dire-chose-vraie), Fa a dit vrai, sous-en-
petite tante), exerça le même métier et ne survécut que de quelques tendù1: en ann._onçant cette naissance;
semaines à son frère. Facawo (Y Fa-ce-awo), Fa dit la vérité;
On dit des devins de Lêgba : e tft L ..gba, il sait, il a appris Lsgba '. Bob (F), simple analogie avec le mot Bob11à, ou abréviation : celui qui
connaît Fa. On emploie souvent le diminutif J3nliavi;
Duwubo (F}, lè du (de Fa) est plus fort que les charmes;
. Noms dérivant d'une consultation de Fa. Dumahti (F), le du ne perd pas s~ puissance;
Fagbami (Y), Fa m'a sauvé, grâces soient rendues à Fa. A noter que Fa
Les noms de Fa, - Ea-vi-iiib, noms des enfants de Fa, - sont destinés
annonce. mais n'exauce pas; les consultants se persuadent néanmojns que
à rendre grâces, à perpétuer le souvenir d'une consultatio"n heureuse qui
Fa a eu ~itié d'eux, et éternisent par ces noms Pépoque de leur vie où leur
précéda l'entrée d'un être dans la vie •. Ils sont donnés, le plus souvent, pal'
foi a été récompensée ;
les pères qui ont reçu leur \a de la forêt, aux enfants nés postérieurement
Fagbelià (F Fa-gbe-Jià, Fa-parole-bonne), la parole de Fa est bonne;
à cette cérémonie, et attestent le rôle attribué à Fa dans la naissance d'une
Fagboü (F), Fa a accepté ;
progéniture désin~e, ou du moins dans son exacte prédiction. En ce cas, les
Fagla (F), et Afâgla (Gè), Fa est puissant;
noms de Fa sont obligatoirement donnés. D'autres noms attestent simple·
Faninu (F), Fa est quelque chose fde gr.md];
ment un sentiment général de respect et. de soumission 3 •
Fadayi (F Fa-do-ayi), Fa est sur la terre ;
Le premier garçon qui naît au Favi après la c~rémonie dans la forêt se
Fadogh (F), Fa est maître du monde, de la vie;
nomme Amusu, nom qui signifierait rosée de Fa; le second Kakpo, ou Al~·
Falaye (Y Fa-ni-aye), Fa est maître du monde, de la vie; ou: Fa est Lt vie.
posu; le troisième M:Jca. Bien qu'il ne soit pas prévu de noms obTigat~ires.
Fatitbi (Y), Fa a donné un autre enfant;
après la troisièm~ naissance, certains· appellent de préference le quatnemc
Fafümila111à (Y), Fa m'a donné un enfant;
garçon Dàwè, et le cinquième Fasinu. ,
Falade (Y), Fa, notre roi, a mis au monde ;
Dans les mêmes circonstances, la première fille se nommera Alugba, on·
Famàji (F), sur le chemin de Fa;
ginairement Alugbaja, c'est-à-dire Alu-igba (Y), celle qui porte sur la tête
Fanalàwa (F), Fa n'acceptera pas [tel malheur menaçant] ;
la calebasse de Fa, ou, selon une autre prononciation, Aluba. La seconde
Faiiibode (F), Fa m'est un charme puissant;
fille se nommera Alugbahwe; cadette d'Al11gba; la troisième Kidà. On donne
Faiiihü (F), Fa est un vodù. (Remarquer le mot ht'i au sens de vod1i);
parfois à fa quatrième fille· le nom de Fa-lw-nn, dans (ms) la calebasse de
falià (F), Fa est bon, ou même : Fa est meilleur. On donne le plus sou-
Fa 1.
vent ce nom après un recours inefficace à une divinité. Si la femme stérile
Ces noms sont réservés aux enfants des Favi.
obtient un enfant après une consultation de Fa, elle en conclura que Fa est
r. Ce mode divinatoire est-il pr_atiqué dans les Indes occidentales? << La forma de .pronos· meilleur;
ticaci6n por rnedio de los c.1racoles, como llaman vulgarrnentc en Cuba ;\ los cauris, es 111 Fanu (F), chose de Fa ;
mas extendida entre los brujo; afro-cubanos J>. (F.' ÜRTIZ, op. cit., ch;1p. III, p. 180.)
Fasinu (F), chose reçue de Fa;
2. A. LE HÉ1tISsÉ, op. cit., éhap. 1x, p. 2 39·
3. J. BERTHO, art. cit., p. 369. . . Fatûc~ (F), Fa a donné de la <<force», de !'ac~;
4. M.-M. PRÉVAUDEAU, mal informée sur l'introduction de F.1 au Dahon~ey. attribue CO Fawubo (F), Fa est plus fort que les charmes;
nom à l'épouse Iégçnd.\Îr~ du Léopard ropl ; ses info~ùute_urs scrnbknt lui avoir donné, Faükpèz.à (F), Fa est mon soutien;
sur cet épisode, des renseignements fantaisistes. (Op. c1t., p. 37).
LA GEOMANCIE A L' ÂNCIENNE CÔTE DES ESCLAVES

Fatàji (F), je suis les préceptes de Fa ;


Fabo (F), charme de Fa.
Presg ue tous ces noms sont imposés après la réaiisation d'une ·prédiction
heureuse. Par exemple, un père de famille tombe malade : les divinités sont
consultées, et leurs prescriptions suivies ne donnent aucun résultat.. Fa, inter-
rogé, annonce et favorise la guérison, gui se produit. Li;: premier enfant qui CHAPITRE VII.
naîtra de cet homme portera l'un de ces noms.
En ce qui concerne les filles, le choix est moindre. Nous citero.ns : LES STADES
Faxbe111i (Y), Fa me tient; DE L'INITIATION DU LAIQUE A FA
Fakqz (Y), Fa m'a honoré(c); LE FA DE LA FORÊT SACRÉE.
J.iinahè (F), rà me soutiendra ;
Fa(1u1h (Y), Fa m'a donné une jolie lfillej;
Faùkpc ou Fa11kp1· (F), j'ai rencontré Fa 1à mon entrée dans œ monde, et les trois stades de l'initiation. - I. L'enfance : Fa-k1.üi-m•. - II. L'adoles.:cnce : 1-11-si-s.J.
cette rencontre est de bon auaure] · - III. L'âge mûr : F1t-ti-lë ,. Le bois sacré. - Formalités antérieures au départ pour la
h '
Fi1y~111i (Y), Fa me plait, j'aime ra; forêt : a) remise des noix. b) k;1lo et dénombrement des s;tcrifices à offrir. c) fixation de
Falwi~ ou F11siw2de (F), lL111s la main de Fa ; ._._.1·
la date. -=-Dans la forèt ·: anagofa, f of<1. Le Lat ha agbo1111x:Jsu. Les trois sacrifices des
-- Nago. Orientation. Rites d'entrée et de sortie. Le kj>:Jli. - Effets de la remise du Fa. -
Fasi (F), épouse de Fa: celle qui appartient, gui est vouét~ au Er; Perte ou destruction du Fa ou du kj>:Jli. - Mort du rèivi. -- Le Fa des femmes.
Faighe (F), Fa a accepté;
FajJ (F), Fa m'a mis(e) au monde (nom mixte);
Fasim~ (F), dans la maison de Fa.
Les trvis stades de l'initiation : l'enfa 11ce, l' adoiescmce, l'âge mûr.

Trois circonstances, dans hi vie de ch:1que homme, ouvrent la possibilité


d'acquérir et d'approfondir la connaissance et le respect de Fa·. Des deux
premières, qui prennent date en son enrance, il gardera l'habitude de la
dévotion et le se11s de certains gestes. La troisième doit ètre pour lui une
sorte d'illumination, une révélation de sa destinée.
Ces trois' stades d'initiation
. donnent lieu à trois cérémonies. L'enfant
reçoit deux noix de F<1 ; ]'adolescent reçoit une ou deux « mains »; l'homme
mùr reçoit le secret et la plénitude ù"e sa personnalité. Alors, il peut vieillir
tranquille, en suivant les voies lie tà. Il jouit du repos, et s'épanouit. Pour
ceux qui aiment vraiment Fa, 'le meilleur moment de l'existence est la
vieilksse; on apprend à ses enfants ce qu'est la vie, et l'on transmet aux
plus dignes ses connaissances avant de mourir. C'est pour cela qu'il faut
avoir des enfants, qu'il faut beaucoup travailler, beaucoup aider les autres
pendant sa .jeunesse, aider encore les jeunes lorsque l'on vieillit; ensuite,
on vous regrette ... Le vieillard est comme un grand arbre, dont l'ombre
protège et attire bien des ètres : quand cette ombre n'est plus, tous ceux
qu'elle abritait souffrent de la chaleur. Ainsi souhaite-t-on s'éterniser au cœur
des gens connus et inconnus.
LES STAOES DE L'l:\ITIATIO:\ 273
272 LA GÉOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES
lil lutte pour la \'ie, lorsque k~ échecs le rC"butent, - pauneté, manque de
WlKne-pain, maladies fréquentes, humiliations, célibat prolongé, etc., - une
I
visite au de\·in s'impose. Celle-ci annonce que le moment est \'enu de rece-
L'enfance : les FA-K\vi-wE '. \'Olr le Fasisè, )~jigbe, ou Fa a111asin11 '. Il énumère en même temps tous les
objets uécessaires à l'accomplissement de la cérémonie : deux poules, un
Dès que l'enfant s'essaie à marcher, parfois plus tard, vers quatre à ~oq, deux potiles qui n'ont pas encore pondu, quatre petites poules qui n'oi:t
sept ans, son père ou sa mere le conduisent chez le prêtre de Fa, et pi1s encore pondu, de l'huile de palme, du poivre (/èlèh!Î), du sel, des lian-
demandent les ràkwiwe. Le Bok:mà prépare deux noix de palme, qu'il perce l!OLS crus, des fagots de bois, du gibier fumé, un «mulot >l (glè':;J) et un
au milieu de leur largeur, ou qu'il fait percer au fer rouge par un forgeron. (f campagnol J> (gbeja) fumés, du poisson fuml'.· recourbé. Le Fm•i
2
se procu-re
Il prie ensuite pDm _qne J'~nianJ: ..ait lille longue vie, exempte <l'acd<lent~, î~·s objets nécessaires et ies apporte aYec deux petites calebasses (idw) ù
et remet aux parents les noix enfilées. ~ouvercle. Il faut \·erscr, «pour pom·oir commencer», un peu de monnaie :
De retour chez eux, les parents retirent la corde et laissent les deux noix cinq, dix, quinze, soixante-quinze centiil;es. Ensuite viennent les dépenses
dans l'huile pendant quelques heures. Puis on les enfile à nouveau,, en les véritables. L'ensemble peut s'éleœr de trente :\ cinquante francs, mais ce
encadrant, - pour les caler, sembJe-t-iJ, - Je deux perles azàü, 'làkâ -OU n'est là qu'un prix approximatif. Il est tenu compte des moyens du client,
lègb:mukù. de la réputation du Bvb11ô, de leurs relations antérieures. Il arri\'e, lorsque
L'enfant est ainsi, de façon visible, connu de Fa. Mais cela ne comporte. le client est par trop pauvre, que le de\·in lui prête de l'argent, ou des \'Ïc-
aucune autre formalité. Ce Fa n'a d'ailleurs pas d'interdits : il pourrait Limes. Car le Ft1i·i est comme l'enfant du deYin, qui se doit de l'aid.er,
« manger » le piment ataki. L'enfan.t porte son collier un certain temps. même matériellement.
Plus tard, lorsqu'il -aura reçu son Fasisè, ïl y ajoutera ces deux noix; sinon, Le Fa t111iasi1111, intermédiaire nécessaire entre les noix de l'enfance et le
il les déposera sur le Fa de son père ou de sa mère. Elles ne servent plus à grand Fa, tire de ce dernier ses principales caractéristiques. Tous deux ont
rien : elles sont de simples témoins·. li.!s mêmes interdits (rn) et refusent le piment. Les garçons qui le demandent
Il est obligatoire de posséder ce Fa avant d'obtenir le Fasisè. Si par hasard recoivent en uénéral du Bvbnô deux « mains » de Fa, et les filles uue seule
un adulte ne l'avait pas au moment de se rendre dans le bois sacré de Fa, (d,ix-lrnit noi:). Les devins soucieux de respecter .les usages ne dounent ù
on le lui donnerait la veille de la cérémonie. l'adolesce1it qu\111e main de Fa, une demi-personnalité, s'il n'est pas encore
marié. Celui qui conférera plus tard le Fa de la forêt pourra laisser au F11ri
II ses noix a11111si1111 ou lui en donner d'autres, ou l.!ncore en remplacer quatre
et lui laisser le reste.
L'adolescence : le FA-sr-sÈ Si le fian~é a déjà son Fa du bois sacré, il compare son signe ù celui du
2

Fa ~ 11 ias71111 dè la jeune fille. Si celui-ci est« plus fort n que le sien, il renonœ
Lorsque Fa commence à « déranger >l l'adolescent, à l'âge ou s'ébauche au mariage, sauf s'il a déjà immolé un cabri à son signe : car les Fa qui ont
<< mangé >l un cabri sont plus forts que tous les amasînu.
1. Fa-graine-deux. On dit : e si Fa kwî we do ko ni (il-attacher-Fa-graine-deux-autour-
On reçoit le Fa a111asî1111 à partir de dix ans, mais plus fréquemment vers
cou-sien), il s'attache au cou deux noix de Fa.
2. Fa-si-sè (Fa-(réduplic. de sè)-adorer), l'adoration du Fa. E xwe Fa sè gbe egbe, il va double, par ;\dorer et couper, est donnée par J. JouLORD (op. cil., Voc., p. 213 I~.--: Aj;1-
aujourd'hui chercher son Fasisè. - Autre étym. : Fa qui cc sépare» le Fa du Fazit, qui est à iel:J a été proposé par un Dahoméen christianisé il i\1. Dm.AFOSSE, au sens péjoratif de :
mi-chemin du Fa du Fazti. En ce sens, les Fa kii.Jl-we sont aussi un Fa-si-s~, car ils cc séparent» cc superstitieux (111.-ii-m. qui 1•éuère Afa).» (Op. c.it., Vi 1c., p. 3-t8 t .) ,
le Fa-amasînu. Mais le Fasisè des femmes ne « sépare » rien, puisque la plupart ne reçoivent 1 . Du-C<'·t1/l/t1sï1111 : signe-mon-amt1si1111 . . ./111.i-sï-1111 (feuille-eau-chose), o:hosc pour prepa-
pas l'initiation finale. La première explication semble doue préférable. - Fn-sè-/o est le rcr les (( medil:aments )) (11111asï)'
nom donné au jeune homme qui sollicite son Fa-amasinu, qui désire « couper son Fa, sa 2 • f:i-i•i: enfanl, fils de Fa. Vi pourrait 0tre considéré comme un suffixe d'origine. Ex. :
vie ». Il y a, en réalité, un jeu de prononciation sur sè (ton grave), signifiant adorer, et siJ al:J, main; ah:M·i, doigt.
(ton aigu); signifiant couper,. plus facilement. prononçable que le premier. La traduction
LA GEO~!ANCIE A L'ANCil:.N~E CÔTE DES ESCLAVES LES STADES DE L'INITIATION 275

vingt ou vingt-deux ans. Sa remise, pas plus que celle des Fa-kû:i œe, Les noix sont au nombre de trente-six. Il les séf)are en deux parties, et
n'inflige les risques d'une période de moindre résistance. \'erse les dix-huit plus grosses dans une assiette : c'est le lw1à, les noix
mâles. Les autres constituent le lunàsa, qui est femelle '.
Voici une autre yersion de la mèrne cérémonie. Il faut maintenant nourrir ces noix. On leur offre les mets suiyants : un
L'enfant a grandi. \'ers la \"ingtièrne année, il va lui-même chez un devin poisson dalelnw, Li chair du rongeur nocturne glèzi, qui vit sous terre,
et lui expose le but de sa visite, qui est d"abandonner le Fa de l'enfance et ·die d'un <>be;'a de la viande fumée; du poivre, du' sel, de l'huile de
~ ~ '
d'en obtenir un conforme à son ;ige '. Pour cela, il demande ;\ quel Bt•k:Jntl palme, de l'akassa.
il dena s'adresser. Pendant deux jours, les trente-six noix resteront dans leurs assiettes,
Le prêtre ainsi prévenu interroge fa, qui désigiie un de ses confrères ou sous les couvercles. {"e troisième jour, le devin les retire : elles sont désor-
lui-même par ia méthode de i'ajikfri. Puis ii énumère au visiteur tout ce mais consacrées, 'e do 7.'ll.
dont il dena se munir a\·a1lt de se rendre chez le Bob11ô indiqué : dix pou- Le même jour, il en fait la remise au jeune homme. Jusqu'à la nuit,
lets (au 111.1ximum) qui seront répartis comme suit : trois pour les trois ~elui-ci s'abstiendra de toute ablution, de tout rapport sexuel. Il Yiendra
~acrif·:ts des Nago. ·.• ur Lg/.a, un pour les Bokwâ défunts, deux pour k dans la matinée chez le devin pour assister au transport des noix de l'a-va
aotweau Fa àn jeune homme, et trois pour le devin qui lui remettra ce dans les deux calebasses. ;\va nt de procéder à cette opération, le prêtre lui
nou\·eau Fa; des haricots, des ignames, de l'abssa, du sel, de l'huile dans. demande une petite somme d'argent, représentant le prix des feuilles de Fa
un petit canari, des colas, du poivre lè/Jk1i et atalni, deux petites calebasses _ Famiî - qu'il doit faire chercher pour laver les noix; cette somme est
destinées ;\ contenir le notl\"eau fa et deux cou\·ercles pour ces calebasses, de quatre-vingt-quatre centimes.
une calebas$e de moyenne grandeur, un S<lC pour mettre les noix (asôlè), un Le jeune homme rentrt' chez lui, et revient le soir même. Le devin a eu
autre sac plus long (a1i:J), de petits foulards, de l'eau dans des jarres et du le temps de préparer dans un canari la macération de Fa111ii propre à laver
bois de chauffage. Il se gardera d'apporter du bois <'.·pineux, ..:ar b pro\·ient les noix.
lui-même d'un cc arbre à épines 2 ll, Sitôt ~on client de retour, le prètre procède aux trois sacrifices des Nago •
2

Le jeune homme se rend le soir même chex le prêtre désigné,;\ la tombée Il pose ensuite son Fat:. sur le col du canàri plein· d'eau et de Fa111à. Il
de la nuit, vers dix-huit heures. Il apporte les objets énumérés plus haut. s'agit en effet de 1savoir sous quel signe le jeune homme se présente, a\·ant
Avant son arrivée, le deYin, si ce n'est fait d'avance, cc coupe ks cheYeux » de laver les noix. Le devin prend ses propres noix, les manie, et trace au fur
aux noix qu'il se prépare :1 remettre au \'isiteur, c'est-à-dire dépouille chaque et à mesure les indices sur le 1·~ de la tablette. Le premier du qui se présente
noix de son etweloppe fibreuse'· Pour cela il les prend une ;\ une, et les est celui de la cérémonie, l~· du de l'adolescence. Le Bobncï le nomme,
frotte contre une pierre pour les rendre bien lisses (didi). Puis il les dépose, indique les sacrifices adra nécessaires i, énumère les interdits du signe. Ce
polies, dans l'ava 1. Il a devant lui un récipient clos, deux petites assiettes n'est qu'après qu'il précipite les noix dans l'eau du canari. Le consultant
en terre et deux corn·ercles. distribue des foulards, de l'argent, de menus cadeaux ;\ son devin et à ceux
qui viennent généralement assister à la cérémonie 4 • Ces cadeaux une fois
1. D<tns des circonstances exceptionnelles, not<tlllllJent si l'enfant est d1é·1ii' ou !ll<ti por-
tant, cette cérémonie peut devancer L1dokscence. On suppose alors que k fait de consi-
reçus, on se met à chanter. L'un commence, les autres reprennent en chœur.
dérer l'enfant comme un homme lui donnera, par analogie, les forces et les dispositions qui Ces chants comprennent ceux du signe inscrit dans le yz.
lui manquent, et lui fera rattraper son retard. Le Bok:Jnô prépare deux solutions : l'une à base de potasse (akti1111i),
2. Il s'agit des epines bracté.1lcs : « Les régimes sont hérissés de pointes épineuses résul-
tant des extrémités des rameaux et des bractées de l'inflorescence rntre lesquelles sont niches
ks fruits". (Jean ADA~I. Lt's P/1111/es ol<'if;·-r<'s de l'A(riq11<' occidmt.1/e jiw1ç11ise, li. L,. Pr1!111ier
1• On dit p;Jrfois que cette sépar,nion des noix a do<: né son nom à la cérémonie entiére.
ri huile. Habitat. Varù 1/es .• , etc., P,iris, Aug. Challamel, 1910, chap. 11, p. 26.)
2. Infra, chap. vm, pp. 3 14-3 16.
3. Da-.'('it·!E-111t-f;1 : cheveux-couper-it-E1.
3. Infra, chap. vm, pp. 360-363.
4. Le mot. .mi implique l'idée de lieu où l'on enl'ern1e, où l'on consen·e (parfois pour
4. Cette présence est facultative.
faire mûrir).
Institut d'F.//mologie. - Bcrnud MAUl'Oll..
c
LA GEOMA!\CIE A L' ANCIE:\l\E CÔTE DES ESC LA \'ES LES STADES DE L'INITIATION 277
nommée alo , l'autre à base de farine de maïs, 'li. Il plonge la main dans
1
Celui pour qui s'est déjà déroulé le Fasisè et que Fa cc dérange» soumet
le canari, en extrait les noix sur lesquelles il commence par verser l'nlo 1:11 Hon inquiétude au devin. Si E1 lui révèle que le moment est venu, il retourne
chantant. Le rythme et les paroles de son chant indiquent à quel moment i:hcz le prètre avec de l'alcool, des colas, de l'argent, deux poules, un coq,
il convient de verser la deuxième solution. Le liquide en excédent stra do l'huile de palme, et, autour du cou, une jeune palme en guise de collier
recueilli dans une calebasse et jeté dans la rue, sous des ordures. Le deYin (azàwo ou de:;/t.wo) ';die ornera plus tard le Duwo du devin, ou, si celui-ci
réunit les noix dans un petit foulard où elles sont savonnées et frottées. 11'a pas de Dmuo, son Bob11ôlôtol~sè (asè des Bob11à défunts). Le postulant
Puis il les remet dans le canari, tout en continuant ~i les malaxer et ;\ chan- ~onfie son tourment au prètre, et .::elui-ci énumère tout ce qu'il lui faudra
ter. Les assistants dansent alors, discrètement. 11i:quérir pour obtenir son Fa de la forêt. La hàte n'est pas de mise en une
Une fois les noix suffisamment lavées et rincées, elles ~ont déposées dans drconstance aussi gra:ve, et un long temps s'écoule souvent entre la consul-
deux petites calebasses. Une prière commune est dite. Deux poulets sont hltion et la remise du Fa, soit que le F'a:vi ne puisse réunir les sommes
immolés et leur sang, mélange à de l'huile de palme, est répandu sur les noix néi:essaires 2, soit qu'il paraisse encore trop jeune; les devins attendent en
qui s'en rassasieront jusqu'au lenden1ain matin. A \'ec des haricots et la chair tout cas que le Fai•i ait atteint l'àge de. la puberté, à Abomey notamment,
des poulets, les femmes préparent un plat (c~ ou ne:.) d'où émane le pouvoir l)Ü la précocité sexuelle est loin d'être encouragée p:ir les éd QC1teurs sérieux.
magico-sacré particulier à Fa. Les sianes trouvés au cours d'une consultation et où se manifeste Gbaatlu,
b
Le lendemain matin, tous les assistants de la veille se rt:!trom·ent. lb ordonnent au consultant de se rendre Jans le bois sacré de Fa. Tels sont :
mangent ensemble le ce préparé par les femmes et, si un visiteur se présente, L:.t:.-C:., C:.-L:.fa >~ Fu-Y:.kn, F1t-MEJÏ, Sa-Di, L.fa-M:.ji, Guda-Maji, Guda-
il participe au repas. Ce repas en commun se nômme czkagbigba 2 • Ydm, Woli-M:.ji, Wèh-M:.ji, Di-Abia, C-Wvli, Cz-Fu. ...
Le consultant retourne chez lui. Il n'emporte pas encore ses noix. Il st: Il arrive que le Fa amasl1u1 avait déjà prévu l'époque à laquelle le Fav
procure d'abord tout ce qui est nécessaire pour son mira. Une fois les objets doit se rendre dans la forêt sacrée.
réunis, il revient chez son devin pour faire l'adrn de son signe, tel qu'il
lui a été expliqué.
/,,: bois sacre!.
Le Bobm> demande à Fa le bien qui adviendra au jeune homme, main-
tenant que toutes les cérémonies ont sui\·i leur cours. Selon la réponse, il La remise solennelle du Fa de l';\ge mùr a lieu dans une forêt spéciale,
donne à son client ses dernières recommandations. 1 lite Fa-zti, forèt Lle Fa 1, où tous les ètres, même les plus vils, ont accès ;,
Enfin, il lui remet les noix. Zti est la grande forêt où s'enchevêtrent les lianes. La culture du palrnier
1\ huile, préconisée et imposée p<lr les rois d'Abomey, a provoqué un intense
III déboisement. La campagne du Bas-Dahomey, vue en avion, dresse de loin
en loin des bouquets isolés de grands· arbres, taches sombres representant
L'âge 111ûr : F.-\-TIH ;,
les derniers vesti11es de la cc svh·e >i, que leur caractère sacré a heureusement
b ,

Le Fa Je l'âge mûr est le Ea suprême, celui qui est conféré dans le bois
1. S11pr.r, clrnp. v, p. 166, n. 3.
sacré. Il n'est remis aux ad<Jlescents que dans des cas très rares, et si Fa 2. J. JoHNSON, op. i:it., d1ap. I\', p. )2: cc The cost of supplying !fa to a candidate ,·aric·s
l'exige expressément. from î 5 ta î 15ù, ;111d more, according to the circumstances ».
3. Ces deux signes ne doivent pas .:ire nommes.
4. En yorouba ighodn. A. B. ELLIS, vp. cil., chap. v, p. 98: <«I gro,·e sacred to !fa a11d
1. Ne pas confondre avec ,i/o, petite baguette tn bob dont on se frotte longuement le>
his .:ornpanion Odu is ... c.illed ;111 lgboJu. » - J. JoH:->SON, of>. cil., chap. 111, p. 27. --
dents dès le n.!Yeil. P ..-\. TALBOT,--o/>. cil., vol. Il, chap. X, p. 185, etc ...
2. Ce-/111 gbig/111 (a-calebasse-action de casser), casser la calebasse du ci, consommer int&-
5. 011 dte à Abomey k '''s d'un magicien noir reputé qui n'eut rien de plus presse, une
gralement k: n. fois son signe découvert dans le bois sacrl!, que d'improviser une chanson où il demandait
3. Action d'étaler le F.1, s'il lui serait possible de tuer son Bol<anà, ainsi que les enfants et l'assistant de celui-ci.
(,

LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES STADES DE L'INITIATION 279


préservés de la hache. C'est dans ce qui reste des forêts d'autrefois que se \Ill canari, prenJ du gibier fumé (/iix11x11), du poivre lè/1;k1i, du sel. de l'huik
rendent processionnellement les cortèges nocturnes. \ de palme, et les offre aux noix. Il retire ces di\·ers aliments qu'il consomme
Si le bois sacré est par trop éloigné de l'habitation du devin initiateur, il 11\'ec le Favi. Il .offre ensuite aux noix du poisson fumé, et le retire pour la
est loisible d'édifier un Faz.ii à domicile; le devin dispose des rameaux de même raison, puis, successivement, du gbeja et du glè:;J fumés, des colas,
palmier en forme d'abri cubique, à proximité de sa chambre et de son Fag- qu'il partage encore :l\·ec le Fa·vi.
basa, en un lieu qui sera désormais interdit ù ,ses femmes et à ses enfants. Aœc ces inêmes noix, le devin consulte Fa, et trou\·e le signe llu Fasis?,
Il en était ainsi chez G:.d:.gbe, qui, depuis la conquête coloniale, ne quittait Hi ce n'était déjù fait. Il verse les noix dans leur canari, et tue des poulets,
plus sa résidence. L'édification d'un Faz.1i artificiel est néanmoins l'exception, qu'il consommera préparés le lendemain matin, a\·ec son Fm•i. Il consulte
sauf dans la Yil le d' Abomey où il en existerait une centaine environ. A Cota· 1\ nouveau, demande• à Fa s'il <<accepte», s'il est satisfait.
non, où rien non plus ne subsiste de la forêt d'antan, les cérémonies ont Il peut alors remettre ses noix au ciient qui les porte chez lui, où il a soin
lieu parfois dans les bois de filaos situés à l'ouest de la ville, à quelque dis- de faire en leur honneur un petit sacrifice.
tance de la route d'A.bomey-Calavi, et assez souvent à Awàrnri Ag:., à quatre Ce n'est qu'après cette cén'.·monie que le cortège peut se rendre solennel-
kilomètres de la ville. lement au Fa~1i, lorsque sera fixée une date.
L'action d'aller dans la forêt se traduit par les mots··: Fa z1i-11t:. yiyi. Cer·
tains devins expliquent cette nécessité de se rendre au Fazti.pour faire la b) KALo, dé11omb1eme11 t des apports di1 F.\ \ï.
remise d'un Fa, par l'origine de Fa lui-même, qui est un vod1ï de la forêt,
où Dieu, lorsqu'il l'envoya sur terre, lui assigna sa demeure. Peut-être Kalo est le nom donné au dC·nombreme11t, fait par le devin :1 son Fa·l'i, de
s'agit-il d'insister sur le fait que Fa est antérieur aux hommes. D'autres tout ce que ce dernier doit réunir a\<lllt de recevoir son Fa dans la forêt'·
disent: à l'intérieur de la forêt, Fa est à l'abri des feux de brousse; son asile Chaque de\·in fournissant une nomenclature différente, nous donnerons
n'est pas destructible, ainsi ne redoute-t-il pas qu'on lui fasse honte. quelques-unes des listes proposées.
Fa, dit un vieillard, demeure toujours dans la grande forêt. Il s'y trou-
Yait originairement dans une maison en pierre. Il a été créé par Dieu en I. Douze poules, quatre coqs;
deux cabris;
même temp:.; que la vie. Se trouvant à Ifè, il voulut partir pour Sav;, et deux chè\"ri.:s :
s'arrêta en. cours de route à Dassa, tout près du lieu où se trouva un instant huit ou seize escargots (pour Gb11,1d11) ;
Jvlaw11. Tous deux laissèrent des signes inscrits dans la pierre et un palmier deux moutons;
deux bcliers :
à huile dans la forêt. On tira de celui-ci des noix, dont Fa se se1Tait lui- deux brebb ;
même. C'est ainsi que l'on apprit que Fa wnait de la forêt; il était comme deux boucs;
un être humain, et Lzgba faisait ses commissions. A Ifè, on trouve encore des haricots;
de l'igname;
des pierres de Fa. un estagnon d'huile de palme;
Un prêtre de Lisa, à Abomey, ne comprend pas pou1-.1uoi la remise du Fa un gros pagne noir pour le chef 1Job11v, et un autre pour son a~sistant:
doit avoir lieu dans une for~t. Il se borne ù citer des noms honorifique:. de un gros pagne plié, qui servira au retour.
Fa: Ay-iüzsado (ayi-'i.u;-sa-do), il rampe par terrt. on le trace sur le sol. ..
L'informateur ajoute qu'il faut emmener également quatre pigeons, deux,
trois ou quatre canards et un gros porc, ce qui est démenti par d'autres
Formalités antérieures au départ pour la jim 1t : a) remise des noix.
devins.
Quand celui qui doit recevoir son Fa arrin~ chez le devin, celui-ci prend
1. Ka-Io signifie en yorouba: compter-combien (s.-e.: de choses sont nécessaires J'Our aller
deux fois dix-huit noix de Fa, - deux cc mains», - se rend dans son dans la forêt de Fa). Les Fon disent .rn-Fa-1111 : compter-Fa-chose; d~nombrement se dit
Faibasa, et les lwe avec le Favi en chantant. Ensuite, il les dépose dans F111111xix11.
280 !.ES STADES DE L'INITIATION 281
LA GÉOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCL.\\'ES

II. D'après un vieillard, originaire d' Abomey, et Yoyageant encore un canari plein d'huile,
un panier de colas;
beaucoup : une somme de trente et un fr.mes cinquante, ,1ue 1;1 rnpa-::ité de certains devins soumet ;i
une grande calebasse ronde - kago - <\\'ec son couvercle ; des dépassements·imprévus ;
u11c "main» de Fa, composée de seize noix. prépar.:es d'avance pc1r le pr~tre, auxquelles
trois petites calebasses rondes - kavi - a\·e-:: leurs couvercles·
on ajoutt: un, d\!ux ou trois grains de rechange, en cas dt: perte ;
seize poules et coq.s, de n'importe quelle couleur; '
de l'alcool : douze bou:c::illes ,Je gin, ou, si l'on peut, une dame-je;111ne.
deux grands sacs en raphia - ad'.>kpo. L'un doit contenir tout ce .que le Fada pu rèunir
comme argent; la somme peut atteindre 'cent cinquante ou deux cents fr;rncs si le Fai1i
c:st aisé, sans pouvoir descendre, s'il est pauHe, au dessous de sept fraii.:s cinquante; IV. Un LisanJ d'Abomey demande à ses Fm·i
une pièce de tissu, destinée au de\'Ïn;
une pièce de tissu, destinée au jo,![Mlla (aide du devin);
des haricots crus, ayikti, dans un panier;
une charge de tête d'ignames crus;
1 sept c1iguilles;
'
!iept tcilti, faits d'un 1n~t;.tl l.1u.:lLonqt1e :
sept !.·m~à, plumes de b queue de km ;
sept plumes de hlEb'.l;
un panier d'az.igoh'i•i, haricots-pistaches;
une calebasse pleine de poivre ,,1,1k1i ;
deux zügk1, chèvres sauvages, une pour le devin, une pour Gba,rdu; 1 des perles 111111,kpii, ke/11, wfli.r •• 1;aù, ltil.·û;
de nombreux fagots de bois sec ;
un estagnon d'lnt11e de palme;
1 nn fer de boue ordinaire, ali;
Lill ~IÎSi ;
de la farine de maïs, li/i;
'un cabri blanc ;
du sel,jE, et du poivre lt'lëkli;
seize pou les ;
une caisse de gin;
seize nattes kplakp/,1 :
un petit panier de colas;
une grande c;ilebasse a\'e<: son w11\'er-::le;
une houe, ali;
trois petites calebasses hk11 :
un ztisè;
un pagne blanc t1iù ;
deux cents cauris;
un sac en niphia, ahkpo, wntenant sept francs cinquante ;
des perles /.'e/11, az1i1i, 11ana;
deux sacs ahkpo aux coutures btérnles défaites, mais cousus bout ù bout, de façon à pou-
des plumes rouges de kmztl et bigarrées de !.·t!ld11, de,\'<', d'agbiz.ù 11,;;
voir former un vêtement:
un paquet d'aiguilles, 1iwi;
deux wuhgM, l'un contenant ,k l'e.1u ordinaire, l'autre des feuilles de Fa;
du fil blanc et noir ;
des haricots, ayikù;
un objet de fer ou d'argent, oü seront ;1tt,1chées les plumes de p~rroquet. Cet objet se
des ignames, h•vi;
nomme llÎlli (F) ou 1" (Y).
de !"huile de palme, ,r 11ti ;
de l'alcool, ahà;
III. Selon un devin de Porto-Novo, les offrandes préparees pour l'obten· du poivre lèlèkù ;
tion du Fa de la brousse comprennent : du sel, jz;
de l'akassa ;
huit coqs et huit poules, ensemble dans un panier ù volaille, 1rja; ,Jes fagots de bois sec en c1bondanœ·;
un canari et des feuilles de Fa ; un r:isoir, xa;
trois pagnes; du savon et une éponge en libres "égl:tales, faits d,111s le pays;
une plume de perroquet /ûse, une de l.-Ehb1, une d'agbe; lors du Fali!E, le F'avi apporte deux bonnets blancs, l\m pour son nrnltre, l'autr~ pour lui.
un sachet en toile ;
un rat palmiste fumé; V. Voici enfin la liste que nous a donnee G;.dsgbe
un rat des champs tacheté fumé;
de nombreux. petits poissons weli fumés; ·z•1, des colas';
un pangolin, bweki! (F) ou akika (Y), fumé r; ata, du poivre de Guinée;
une calebasse avec son couvercle.
Le tout, sauf la volaille, est contenu dans une grande calebasse, disposée die-même dans
1ïibu-si~ une queue de bœuf;
un sac fabriqué avec ce qui reste des branches de bambou aprcs préli!vement du raphia; bh, des aiguilles, au nombre de trois au moins, dont une pour le Lsgba,
1
l'autre pour la queue de bœuf ;
r. Urom.wis lvu,![icaudata Briss .. (Cf. D. R. RoSE\'EAR. The Auteaters ol Ni"eria. The
Nigerian Field. London, Witherby, vol. VI, no r, janv, 1937, pp. 12-13, pi1ot . . ) 1. .\iguille se dit encore .w1111<gbô111t ou 111i.111111.
l
1
LA GÉOMANCIE A L ANCIE!\NE CÔTE DES ESCLA\'ES LES STADES DE L'INITIAT!01'

ali, un fer de houe; dans l' ad'Jllpo, cinq francs cinquante;


hH;;_tî, des plumes rouges de kzs~; av;ikà wiwi, du fil de coton noir, destiné à fixer les plumes;
hhfof1t, des plumes de hhfo; mnkâ wewe, du fil de coton blanc, servant au tnêrne usage;
de la viande fumée (/iixuxu), notamment celle des rongeurs gl?~ï et gbeja, un rasoir;
qui sera offerte à LEgba; une grande calebasse pour mettre les noix de palme;
des poissons -lnuevi - fumés, non recourbés; agbo, un béli~r, destiné à être immolé au d11 de la forêt;
wuhg/iàwe, deux jarres; du poivre lèlèlui ;
deux ldm, pour contenir les noix ; jô, du sel ;
quinze nattes kplalpla, et une natte k11xisi; (ôte, de l'igname,du Dàxo111ô;
bwiso, un couteau, neuf; anagote, de l'igname du pays nago;
deliâ, des tourteaux d'huile de palme 1 ; az)gokü1i, des haricots-pistaches;
huit l.:ohue al:Jgli, petites bananes ; /Jwe., de la craie blanche ;
seize poules ; /.'o, de l'argile pour modeler le Lgba agbà1111kic?;
seize escargotsgbï, dont un servira à préparer un médicament, s1 le ~Ym­ un bonnet blanc;
bole de Gbaadn est transporté au Faz1i ; deux asvlè, sacs d'étoffe destinés il contenir des noix;
une petite jarre nommée asihwèhgbii; aifJ, longue pièce d'étoffe blanche que le Favi portera en guise de ceinture
un couteau làsaxh/.>;., destiné à couper la Yiande. Il sera fiché dans la téte et l>Ù il pou rra, au cours de ses voyages, serrer son fa et son hp;ili ;
du Lgba agbd1wkwè du Faui; (fvalwïi wcwe, un grand pagne blanc que le Favi passera sur l'épaule pour
un asè godokponJ, qui sera piqué dans la tête du même; l'l!Venir de la forêt;
une perle de pierre nommée akuta; un escargot, destiné à préparer un médicament pour les·yeux, au cas où
des perles nana, a~àii, làkèi, t11t11:Jlepil, !.'e/11 ; un symbole de Gbaad11 serait présent dans la forêt;
quarante et un cauris; /ogo:;y, une tprtue de terre, qui n'a pas de rôle particulier. Sa longéYité la
coco, de l'huile noire d'amandes de palme; fait considérer co111111e une sorte de Bob11i5 ';
une bouteille au moins d'alcool; .rnl.'pskp:., écorce pilée de l'arbre soli;
de l'alcool de rnaïs, lihèi; un h/1·po, où les seize signes sont inscrits;
de l'eau ordinaire'; seize feuilles liturgiques de Fa;
de l'huile de palme destinée au Lgba et ù la préparation des mets; un tâl1i, sorte de couteau métallique, destiné à être planté dans la tête
un zùsè; du L:.gba agbii1mkwè. Les Yorouba le nomment simplement ab:. ou b:.. qui
un grand pagne blanc tissé dans le pays; signifie COL! te au j
seize colliers de deux cents cauris chacun; ayik1i, des haricots ;
un poussin 2
; de l'akassa, desti110 au hhpo;
un bouc; du s;:,von de préparation locale';
une chèvre; un te!.:a (F) ou luild (Y), éponge de prépararioa locale, en fibres Yégétales;
une petite chèvre;
1 • De ml:me,, t:n Chine, les tortues des devins, participant à la lon~évité de l'univers, sont
un pagne en raphia ad:Jkpo, de couleur naturelle ;
~on sidérées comme une image de ce dernier. (Cf. Marcel GRAKET. La Pe11sée Chinoise. Paris,

1. Résidu seç après extraction de l'huile de palme, et comprenant les pulpes déshuilt!es.
La Renaissanct: du Li\Te, 1934, li\'. Il, p. 176.) - ln/i·a, chap. VIll, n. 9·
2. Depuis longtemps usité, Cl. A. DALZEL, op. rit., folrod., p. 7, n. 2: «A \·ery gooci
Ce combustible est utilisé couramment pour l'usage domestique.
Sllolp is manui'actured in the country, ofpalrn-oil and pot-ash ».
2. Poussin se dit ko!.'iol'i, koklolœilœi, koklohwiyèh·wiy?, kolda111aJ/ô/a111a1i611û;e (F).
LA Gf:m1A::-::c1E A L'ANCIENNE coTE DES EscL.wEs LES ST.-\DES DE L'INITIATIO:\

iWJkpo, un grand pagne; œla revient au procédé qu'emploient des personnes désireuses de ne pas
1n•i, du noir de fumée. s'attendre à un rendez-vous, et qui mettent toutes les montres à la même
Le Fa;_,; doit acheter les objets prescrits : xJ 1'"""'i1 1111. Il lui faut un long heure.
temt1s pour les réunir tous, et il s'endettera pa:·fois po~1r des années 1 • Fa Ce point de vue est très contestable, et ne semble pas même marquer
doit lui indiquer les moyens ~1 employer pour se procurer de !'argent, - une évolution: D'une façon générale, il importe de choisir un jour propice,
commerce, culture, portage, vente d'eau, de bois, de charbon ou qe gibier, ~t la chance nc:t_ Yient pas à jour fixe! Il y a pourtant des jours favorables
emprunt. .. aux cérémonies des divers vod1i, mais ils varient de famille à famille, -
Une fois le dénombrement fait, le devin immole deux poulets et accom- à !"exception, semble~t-il, des jours consacrés ù Fa, ù Gbaadu et ù L;.gba, ù
plit un dn111~ ' pour le Fa 11nzasi1w Ju Pmi. le lenJemain, une consulta- Abomey du moins. Le tableau suivant a été noté dans la famille de Gëd2.i:bc :
tion permet de savoir« sur quel Fa la cérémonie aura lieu», si tout se 1. marché d'A.dokü 1i : Gbaad11, Fa, /)à. Ce jour semble correspondre au
passera bien ou si quelque oubli a été commis. Si tout va bien, le Favi se <c jour du secret » des Nago (ojo awo);
procure les objets et les animaux demandés, et, avant de les apporter chez 2. marché de Gb;.dagba (ou Zogbodo) : Sakpata, Maw11, Dà, Kè11csi;
son devin, il fait un Fadzxoxo 3. 3. marché d'Ajaxi : Od11wa, Xwioso, rà, L:.gba (tous les jours), Gu;
Le du de folo est temporaire : son action s'étend du moment de son 4. marché de H1ïjro (ou Myôxi): Lisa, Hv/Jo.·
émergence à celui de la découverte du Fa dans la forêt. Mais les petites brin-. G:.d:.gbe choisissait de préférence, pour emmener ses Fa-i•i dans la forêt
dilles coupées dans une nervure desséchée de foliole de palme, et dont le ~onsacrée, les trois premiers jours. Le jour de H1ijro est évité, car il exigL·
nombre correspond ~1 celui des objets demandés ù l'initié, seront conser- l'exécution de tous les sacritices avant la fermeture du grand marché.
vées par celui-ci. Il les. dénosera
t'
sur son Fa en un 111enu fa"ot ti
orné de perles• On choisit, pour se rendre au Fa-zti, la tombée de la nuit '. Est-ce pour
t11./11JÀ'f!à, de plumes de hhhJ et de l<zs:.::._â. Un fil noir et un til blanc retiennent éviter la chaleur du soleil, pour n'être pas dérangé, pour impressionner le
l'ensemble, qui porte le nom de kalo et recevrr, une part des sacril1ces adres- fl1vi, pour trom·er une atmosphere de recueillement, ou pour se confor-
sés :i Fa. mer à un usage ancien dont le but a été oublié? cc Nous faisons comme 011
faisait au pays de Fè », disent les Bob11à.
c) Fixation de la date.
0

Quelques devins de Porto-Novà, désireux peut-ê~re d'adopter vis-a-vis Voici con11ne nt un ,·ieux devin <l'Aborney conçoit les formalités précé-
du temps une attitude de Blancs, déclarent qu'il existe un jour spécial pour dant le départ pour le bois sacré.
aller au Fa-zti, celui du marché d' Ajara gui <1 lieu «tous les cinquièmes Lorsqu"un adulte souffre d'une maladie dont il ignore: la cause, il enrnie
jours>>. fis ajoutent que de nombreux marchL·s du Bas-Dahomey et du Bas- un parent consulter Fa et demander des explications; si son état le perti1et,
Nigeria ont lieu synchroniquement, a\:ec la rnème périodicité, et que de il va lui-même trouver le devin. F;t répond s'il a infligé cette maladie au
cette façon, partout où Fa est en honneur, les gl'ns savent quel jour il con- consultant à titre de punition, si c'est lui qui le cc dérange'». Dans ce cas,
vient d'aller au bois sacré. L'un des prêtres qui 110us tenait ces propos pré- la réponse contient un avertissement : le moment est venu pour le consul-
cisa : tirer parti, à propos de Fa, de la simultanéité de certains marchés, tant d'avoir un Fa à lui.
Le devin demande encore : quel est celui qui lui donnera son Fa? -
I. La mise en gage personnelle, moyen de aédit cour,unrnent employé ou pn:conisé Une élimination au moyen de l' ajikiüî isolera l'un des noms proposés, qüi
Jans le Bas-D,1ho111ey, mèù1e par des notables ou des êhds, et presque toujours impuni, ren- peut n'être pas celui de l'interrogateur.
~ra la dette encore plus lourde en certains cas. (Cf. J. JoH:\SO:\, "P· cil., cl1;1p. 1v, p. 32.)
Lette pratique barbar<! était interdite par les rois d':\b.Jme,·, et "le nom qui l~ dèsigne est
déplaisant» (s:1 do gba il//). · 1. Cependant, les Ai;z::i se rendent dans la forêt au cours de la journée, nous dit-on.
2. lujiï1, chap. \'III, pp. 347-348. 2. Fa do ln lwda do 1111 111i (G1i); Fa do i•a do 1111 mi ic·i (F); !fi1 11j< 111i 11ia ou Jj;1 11/0 mi
3. Juji·.i, dwp. VIII, pp. ).13-344. (-Y).
286 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES STADES DE L'INITIATION

Le malade s'adresse au prêtre désigné. Il se lève de bon matin, cueillt: lendemain sous forme de Fars. Fa est consulté sur le jour favorable pour
une jeune palme qu'il se passe au cou en guise Je collier, se munit de cin· se rendre dans la forêt. Si le Favi manque d'argent, Fa lui indique par quel
quante centimes, de poivre atakii, de colas, d'alcool. Il se rend chez le devin moyen, par quel travail il devra s'en procurer. On se quitte. Le devin
indiqué par Fa, frappe à sa porte pour le réveiller. Le Bokanà vient lui attache le collier de feuillage au-dessus de l'autel de Fa.
ouvrir et lui demande : a11i ka 1ia we, ha it .wa fi 1 ? Par quoi es-tu pour· Cette cérémünie, que l'on fait pour quelqu'un gui n'a pas son Fa, se
chassé pour venir ici ? nomme Fa ds nukà-IQ c'est en effet la première prière avant l'épisode du
1
;

Le visiteur répond : Fa e do 1îùia mi ws, c'est Fa qui me pourchasse. bois sacré. Si le visiteu,r se trouve mieux apres cette intervention, la preuve
Le devin fait alors entrer celui qui cherche refuge chez lui. Il prend la est faite : son trouble venait bien de Fa.
jeune palme au cou du visiteur matinal et l'accroche à l'un de ses asê acrelele.
Puis il demande : qu'as-tu apporté ? - Le consultant montre les divers Dans le FAZÜ.
objets qu'il tient. Le devin débouche le flacon d'alcool, prend une partie des·
E xwe Fa LE egbe, ou c ja Fa tE egbe, il va étaler son Fa aujourd'hui, c'est-
aliments. Il mange et boit avec le visiteur. S'il a des camarades autour de
lt·dire : il va chercher son Fa de la forêt, il va zùllâ m<. C'est ce que l'on
lui, il partage avec eux. Prenant un récipient, il y verse de l'eau bien
dit du Favi qui accompHt la-première plrase de la cfrémoni~ du Fa-::._·r.
fraîche, et, devant les asè acre/ele, improvise une courte prière en faveur du
Le Fa-vi est arrivé chez son maître dans la matinée du jour fixé, appor-
visiteur :
tant tout ce qui était prescrit. Des prières ont lieu jusqu'à la tombée du
e na 1ïi bain.
jour. Le cortège se forme alors pour se rendre dans la forêt.·
Fa mi ni balu,
Chaque devin semble tenir à honneur de ne pas faire comme ses collègues,
boô, bacs 2 !
Îi et nous avons recueilli plusieurs versions du déroulement de cette céré-
li
Il ajoute : voici un homme que tu pourchasses. Il vient vers toi. Sauve- monie.
le du mauvais chemin où il est engagé. Protège-le l Que sa femme se porte l
bien, et aussi ses enfants. Qu'il ait du succès dans ses entreprises, afin qu'il il I. - no1~:n:o Y. (fàrl i1111111 de magie). Ton, prés de Porto-Novo.
revienne te voir!.. · '
Le devin prend une cola, la diYise en quatre lobes qu'il lance à terre pour Le Fa-::._ii, ou forêt de Fa, est une forêt, ou un lieu boisé dans la brousse,
voir si sa prière a été acceptée. Si la réponse est négative, il pose des ques- affecté spécialement aux remises de Fa. Chaque prêtre de Fa a son Fazù.
tions à ses colas, et apprend la raison du refus par éliminations successives. Aller dans la forêt s'exprime par les mots : mi na )'i Fa -::._it-me 2 : nous
Si la prière est agréée, les colas qui restent sont partagées entre le Bobnà, irons dans la forêt de ra.
le client, et les assistants s'il y en a. La bouteille d'alcool est bue. Les quatre La ,-eille de la cérémonie, vers dix-sept heures, le futur initié apporte à
morceaux de cola sont distribués et mangés. son maître tout ce qui' lui fut demar:dé lors de la consultation qui détermina
Le devin énumère au Fa-vi tout ce qu'il doit apporter au Fazil. Puis il le l'expédition: poules, alcool, argent, etc .. Il passe la nuit chez le devin, qui
déshabille, prend une gorgée d'eau fraîche, et la pulvérise, la « crachotte en prie pour lui au cours des heures sombres.
pluie» par trois fois en souffiant sur la tête de son client. Celui-ci passe ses Le lendemain matin, le prêtre prend une bouteille d'alcool et des colas,
mains sur sa tête, puis sur sa figure, ses épaules et son ventre. Le Bobnô lui et va prier devant l'asè acrelele. Aussitôt après, il fait raser la tête de son

donne à boire le reste de i'eau. Un sacrifice a lieu, qui sera consommé le client. Celui-ci doit se toucher, a\'ec un morceau de craie blanche (hwe), le
pli des coudes et le pli des jarrets, le front, le sommet de la tête et l'occiput,
I. Var. : a11i lm do iiiiia we we (F)? etc .. - Ka est explétif; il se place entre le pronom la nuque, le dos et la region du sternum. Ces attouchements ont pour effet
personnel sujet et le verbe (J. JovLORD, op. cit., p. 204).
2. La plupart des devins réservent ces mots pour la fin de tous les sacrifices. Infra,
1. h1-prit':re-premi0re-(génitif).
chap. vm, p. 350. 2. :-.;ous- (fut.)-allcr-Fa-forêt-dans.
c

288 LA GÉO:-.!ANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES STADES DE L'n:l'flAT!ON

de le laver de ses malheurs antérieurs; nous Yerrons plus tard cc qu'il ( 111nilles de l'officiant et du Favi; l'un d'eux porte le vêtement que revêtira

advient des traces blanches laissées par la craie. Le devin prend une plan•, l'lnitié en quittant la forêt. Ceux qui suivent l'asè et le Favi ne connaissent
chette ' et trace ù la craie les seize signes capitaux de Fa. Puis il don nt.: p11s de protocole èt marchent comme il leur plaît; convives du futur repas
une natte à son Faui, qui se tient debout près d'elle. L'aide du devin saisit Oil commun, ils se garderont bien de partir avant la fin de la cérémonie.
la cheville gauche du Favi, et lui fait poser neuf fois la plante de son pied Lorsque le de\'in ne porte pas l'asè, il rattrape le cortège en cours de
nu sur le bord de la natte, - sept fois s'il s'agit q'une femme; chaque route, ou même au Fazü, et ne l'accompagne pas.
mou\·ement en avant est naturellement suivi d'un mouvement inverse. Le Nul ne doit croiser lé cortège. A cet effet, le porteur de l'asë, qui ouvre
pied gaucl1e est celui du vodrl Gu, à qui plait le côté gauche du corps la marche, répète autant de fois qu'il faut : agvoo I attention ! place !
humain : c'est du bras gauche que l'on pare Jes _coups. Les _passants, aY.ertis, changeront de chemin. Car le non-initié qui croise
Le client s';1ssied sur la natte. Le devin s'installe en face de lui et place Un Favi se rendant au bois sacré attire sur lui le mécontentement de Fa.
entre eux, sur la natte et tournée vers l'initié, la planchette où sont ins- Le cortège parvient ainsi au Faz.û.
crits les du. Il remet à l'initié une baguette spéciale, it l'extrémité Je Le prêtre, s'il ne tient pas l'asè, y· arrive les mains libres. Un de ses ser-
laquelle sont attachées les plumes des divers oiseaux : k:.1=.b:J, kù;., _a,J0 J,,•{,, Yheurs porte le vade, le contenu multiple de son sac, avec lequel il propose-
agbe, et deux aigtiilles.. Le devin prend lui-même une baguette analôgue, et fll des élimin'ations de Fa. Il laisse chez lui son Fa, son Fate, son ag1î111aga.
indique successivement à l'initié les seize du, dans leur ordre normal, de un , S'il possède un Gbaadu, il ne l'apporte pas non plus ; mais, avant de quitter
à seize. L'initié répète les noms au fur et à mesure, et, s'il les connait 111 maison, il lui adresse une prière, et lui demande d'éloigner de lui la mal-
déjà, ne le laisse pas voir. Cette formalité a lieu trois fois de suite, mais it' chance, au cas où le signe du Favi se trouverait être le même que le sien,
Fa-vi n'a pas à répéter les noms de mémoire : il ne passe pas un examen. ou hostile à lui-même : dans les deux cas, le devin risque la mort.
Le maitre et l'initié se lèvent. Pour quitter la natte et rerenir sur le sol, Une fois sur le terrain, prêtre et initié s'asseoient face à face. L'asê est planté
le Favi fait en arrière un saut à pieds joints.· derrière le Favi. Avant de s'asseoir, le Bok:mà pose sous son séant des feuilles
Le prêtre prend un poisson fumé droit, afin de ménager la susceptibilit~ quelconques. L'initié s'assied directement sur le sol, face au levant, point
<les signes en Ka qui rejettent les objets recourbés. Ce poisson fait partit' Cl\rdinal consacré à Mawuet nommé souvent Mawu-z1i, forêt de Mawu. Les
des apports du client et des victuailles qu'il a apportées chez son maîtrt'. spectateurs resten1t debout.
Ce dernier prend également du poivre lëlëk1i, qui dans les cérémonies de Fa Le prêtre saisit la« main» de graines qu'a apportée le Favi, et, la tenant
remplace le piment, et de'!' akassa. Il moud le poi He, découpe le poisson t't ontre ses paumes jointes, élève trois fois. la pointe de ses doigts, en impro-
divise l'akassa, méiaùge le tour, et en jette une partie à terre, aupres de la visant une prière à Mawu. Il prie le créateur de toute chose d'envoyer au Favi
natte. l'nnge (angdi) qui a pétri la terre dont il fut fabriqué, et non un autre ange.
Alors seulement le cortege peut s'ébranler et se rendre au l:àz.1î. Les La prière terminée, les assistants peuvent s'asseoir. Le devin élève à nou-
parents du devin et ,de son client, gui ont assisté à ce gui ,·ient d'ètrt' veau, trois fois de suite, ses mains contenant les seize grains devant le Favi.
décrit sans y prendre pan, seront également témoins dans la forèt. Puis il les manipule et en extrait un du. Si l'initié sait manipuler les noix,
En tête vient l'asè acrelele du prêtre, remis parfois à une personne dt: Il accomplit lui-même les gestes ; sinon, le devin lui demande une somme
confiance. Derrière l'asè s'avance le }avi. Vêtu d'un pagne en raphia, il d'argent (deux francs ou deux francs cinquante) pour le suppléer. Il inscrit
porte sur la tête ses noix de Fa dans une calebasse, et, dans le cou\'erck les indices à même le sol, à mesure qu'il les trouve.
retourné de celle-ci, ses cheveux rasés et l'éponge spéciale dont il se net- Le signe total ne doit pas être nommé par le prêtre, mais par son aide, le
toiera plus tard. Il a soin de n'emporter dans la forêt qu'une «main» de Fa, /ogbàna. Celui-ci ramasse ensuite la terre où le signe a été inscrit et l'enferme
c'est-à-dire dix-huit grains. Ensuite viennent les spectateurs, membres des llans un sachet d'étoffe qui constituera le kp:ili '.

1. Et non un F.1/z. r. Le kp~li est étudié plus loin, pp. 319-321.


c
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES STADES DE L'INITIATION

Le signe uni.! fois .:onnu, il faut s'assurer "s'il est sorti pour le bien ou maux apportés par l'initié sont égorgés; on lt·s fait cuire. On couche jusqu'au
le 111al du Favi >l. Ce dernier prend dans une main l'ajikiùî et dans l'autre le \ lendemain matin le r.1 dans le sang et l'huile, d'ou on le retire Je bonne
cauri. Une nouvelle manipulation a lieu. Si Fa désigne le cauri, la chance du heure. On lui offr~ alors du maïs et des grains de poivre lëlèk1i. Puis on invite
Favi est actuellement, mauvaise. On demande aussitôt, par autant. de consul· des gens, on accommode différents plats, on tue un cabri ou de la volaille,
- ~
rations qu'il est nécessaire, la cause de cette mauvaise fortune : s'agit-il de ~clon les moyens du Favi ; chacun mange et boit son saoûl.
la mort de quelqu'un? Un vvdii << dérange >l-t-il le Favi? Lequel? etc .. Le troisième jour au matin a lieu une nouvelle consultation, sur un Fats
Quand on sait quel malheur le signe annonce, on fait un sacrifice adra pou1· l'e..:ouvert, cette fois, dé farine de maïs. C'est la première fois, en effet, que
écarter la mauvaise influence ou en atténuer les risques, pour que ku, ou l'on use du Fats au cours de ces cérémonies : le du de la forêt a été inscrit
a{à, ou /Jw;., ou /Jè, wa :1 na js !?è, pour que cette mort gui vient, ou cette mala· s.ur la terre. Entre la terre et le)'z, la farine de maïs constitue une sorte de
die, ou ces tribulations en justice, ou c..:tte misère « tombent de côté l>. transition ; cela se nomme dy:J-)'E, changer le )'E •
. Pour plus de sécurité, on fait le sacrifice sur-le-champ, et même il arrive· On demande au Fa : es-tu venu pour le bien du Fa·vi? de sa femme, de
souvent que l'on en fasse deux. On envoie quelqu'un chez le devin chercher ses enfants. de sa fortune? Sa maisonnée sera-t-elle prospère ? Chacun y vivra-
les objets nécessaires, que le Favi a dû apporter en nombre suffisant en pré- t·il en bonne santé ? Chacun y sera-t-il à l'aise? Et moi, devin du Favi,
vision de cette éventualité. vivrai-je bien aussi ?
Une fois toutes les consultations terminées, l'initié se lave avec une éponge Si Fa répond par la négative, on recommence le cycle des questions éli-
speciale, faite de fibres de palmier desséchées. Il se déshabille complètement. min<lto ires.
Les femmes s'éloignent pendant cette opératic;m. Il se nettoie à grande eau, Après cette dernière consultation, le maître, avant de libérer son client,
si l'eau est en abondance ; sinon il passe l'éponge sur les points blancs le délie de l'interdit sexuel qui pesait sur lui depuis le début des cérémonies. Il
laissés par la craie depuis son départ de la maison du devin, et les efface. fait venir une fille quelconque et l'installe sur une natte à côté de l'initié. Le
En même temps que l'eau de cette ablution et l'éponge de fibres, les couple doit se prendre par le çou, et le devin dit au 1'àvi : tu peux main-
cheveux du Favi, ses onglés, un morceau de son pagne, doivent être enterrés tenant coïter. - Il ajoute des prescriptions relatives à la déférence que son
dans la brousse avant le départ. A cet effet, le de\·in dit à l'initié de se retour· client devra lui manifester désormais: tu dois me respecter, me saluer lorsque
ner, creuse un trou dans le sol, à l'aide d'un g11daglo ou daica (ada-ica Y, tu me rencontreq1s, ne jamais me tromper, ni me voler, ni comploter
couteau à cloche du vvd1i), et y enfouit la terre où ont été inscrits les signes contre moi ... Je suis maintenant ton père ...
tracés après le dtt de la forêt, les feuilles sur lesqueiles lui-même était assis et L'initié est alors admis à se draper dans un pagne blanc neuf, et à retour-
les objets qui symbolisent l'impureté du J~àvi. ner chez lui en emportant soi~ Fa et son kp:ili, les noix consacrées et le
Avant de regagner la maison du devin, une explication sommaire des sachet.
qualités du signe tramé dans la forêt est donnée à l'initié. On lui révèle Certains Fa ne sont pas installés dans une calebasse : ce sont les signt:s en
notamment quelques-uns de ses interdits, deux ou trois. Le reste sera fait chez [(a (ka= calebasse); dans la forêt, Fa dira s'il préfère l:ne cuvette en émail,
le devin, ou tous vont maintenant se rendre au sortir de la forêt. un lsh, une assiette, etc. '.
Dans la m<tison du devin ont lieu l'étude, parfois détaillée, et l'interpréta- Le sachet contenant les noix doit être cousu en son milieu, de façon à
tion du signe. Les collègues de l'initiateur, qui ont assisté à ce qui précède, présenter deux cavités. On introduira dans chacune dix-huit noi.<: de palme,
donnent leur avis et parlent les premiers. En général, ils résument briève- celles qui ont servi dans le bois sacré. Il est d'usage d'en mettre deux de
ment les légendes se réiérant au du découvert, en donnent des extraits carac- plus, « qui se perdent dans le sachet n. On feint de croire que ces graines
téristiques, susceptibles de s'appliquer au cas présent, et réYèleut au fàvi les ont faim, et que, pour ce motif, elles s'en vont n'importe ou.
derniers interdits de son signe. Une fois leurs vues exposées, le principal
devin peut parler. 1. Cet usage n'a pas cours chez les Nago, et beaucoup de Fon n'en tiennent pas cornptC'.
Le Fa est ensuite étendu sur les f~i111â, sur les feuilles liturgiques. Les ani-
Institut d'Et/mologie. - Bernard MAu •O•L.
19
-------~-1

LA GÉOMANCIE A L'ANClENNE CÔTE DES ESCLAVES LES STAbES DE L'INlTIATION 293


Camarades et parents, à l'exception des femmes, peuvent assister à cette
Il. - Bo10Nà D .. Porto-Novo. opération.
Après quoi, chacun rentre dormir. Le devin reste chez l'initié.
L'informateur, après avoir annoncé qu'il n'agissait pas comme ses collègues, Le lendemain, le Favi donne à manger à tous ceux qu'il a les moyens de
expose de la façon suivante sa manière de procéder. nourrir. Il tue un porc, des cabris s'il le peut. Du matin au soir, il offre à
Il se rend, pour commencer les cérémonies de la remise de Fa, chez l'initié 1 manger et mange av;ec les autres.
un soir, avec son aide, l'ojugbâna ', et l'asè acrelele. Ils s'arrêtent devant ln Le soir, un peu avant la tombée du jour, \·ers dix-huit heures., a lieu le
porte de l'initié qui, averti de leur arrivée, sort avec des colas, de l'alcool départ pour le bois sacré. L'asë acrelele est en tête, tenu par le serviteur du
et de l'eau: Tous trois s'agenouillent devant le portail, et rendent hornm~e . -.devin. Ensuite'vjen.r l'initié, vêtu _c.k bh1H:, ponant sur la tête la cage des
à Fa, puis à Lgba, à Odu et à l'asë acrelele, selon la formule habituelle: b:Jlu / poules et des coqs, ou la calebasse contenant les autres offrandes. I_l est suivi
b:J)' ! b:Jc:. ! Après chaque invocation, le devin execute trois fois un double du devin qui tient un gudaglo et, sous une étoffe, son Gbaadtt. Les autres
battement de paumes. suivent pêle-mêle; s'il y a des femmes parmi ces curieux, elles s'arrêtent à
Les colas sont mises en petits morceaux et lancées à terre devant le seuil; l'entrée <lu bois <le _F_a et rentrent chez elles. Aucune cérémonie n'a lieu en
l'eau et l'alcool sont versés à côté. cours de route.
Alors, ils entrent dans la maison de l'initié. Le devin demande où sont La procession se dirige vers un Fa-zi"t commun à tous les devins de Porto-
les divers objets qu'il a dû préparer pour la cérémonie. Dès qu'il les a vus, Novo. En temps ordinaire, tout le monde peut traverser ce terrain; si une
il immole un coq à Lsgba (à n'importe quel Lôgba) et un coq au carrefour 2. cérémonie y a lieu, on fait un détour.
Il prend les feuilles de Fa et les introduit dans un canari vide. Des hari- Plusieurs devins peuvent s'y rencontrer le même soir. En ce cas, le plus
cots sont distribués aux gens du quartier de l'initié. influent préside d'office. Il groupe autour de lui les gens à initier et leurs
Le maître, son aide et l'initié peuvent alors se rendre au bord de la lagune. devins, et c'est à lui qu'ils s'en remettent pour trancher tout conflit d'inter:-·
Une ablution éloigne du Favi, en même temps que les souillures de son prétation. ·
corps, les misères et la malchance qui ont pu déjà le marquer. L'initié porte
le canari contenant les feuilles de Fa et deux pagnes de couleur indifférente.
.
U ne fois sur le terrain , le devin lave les noix de l'initié, fait une prière à
l'asè de la forêt (z.1ïsè ou Fasë), une à Gbaadu, une à Fa. A la suite de chaque
A11 bord de l'eau, le devin le décharge de son fardeau, qui est posé à terre. prière a lieu un sacrifice: une poule :1 l'asè, une seule poule à Gfiaadtt, deux
Le canari est rempli. L'initié se lave la tête avec l'eau qui a passé sur les au Fa, c'est-à-dire aux symboles des trois destinataires.
feuilles de Fa. Après cette toilette, une poule est immolée et un peu de sang Le ser\'iteur du devin va chercher du sable de l:t lagune, préparé d'avance
versé sur la tête de l'initié. Le courant emporte au loin ce qui doit être chez l'initié. Répandu à terre, il servira de y~.
effacé. L'initie se met à genoux par terre ..Le Bokanà prend les noix et les lui tend:
Le retour a lieu chez le Favi, qui donne au devin le pagne qu'il portait et il les reçoit dans ses paumes ouvertes aux annulaires joints, et les rend au
revêt un pagne blanc tissé dans le nord. devin. Ce geste se répète sept fois; à la septième, il garde les noix dans ses
Le maître prépare la coiffure de l'initié. Avec deux fils, l'un blanc, l'autre mains. Le maître dit une prière pour le bénir, puis l'invite à manipuler les
noir, tordus ensemble, il noue les tuyaux de quatre plumes des oiseaux kis<., noix, et lui apprend à le faire, si besoin est. Il lui fait tracer dans le ye, au
k:.hba, aloko, agbe, et les fixe aux cheveux de son client, barbes verticales, au fur et à mesure, chacun des indices constituant le signe.
milieu du front. Le nom du signe total est prononcé par le devin. L'initié ne doit pas,
1. On dit à Abomey j11gbà11a et jogM11a ; le mot nago est ·ojugbàna.
même s'il le reconnaît, le nommer.
2. L'informateur emploie le mot akiti, qui ne désigne pas, dit-il, un lieu spécial et con- Alors commence l'interprétation du signe découvert. Celui qui préside la
sacré. (Infra, chap. vm, p. 3 58.) Effectivement, il n'y a pas, à Porto-Novo, d'akiti réservés cérémonie demande à ses collègues leur avis. Le devin le moins expérimenté
à un seul devin. On abandonne le sacrifice au premier carrefour auprès de la maison.
prend la parole le premier, l'initiateur donne son opinion à la fin ; chacun
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294 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES STADES DE L'INITIATION 295
énumère tous les développements qu'il connaît, et les sacrifices concernant une natte déroulée, il étale une étoffe blanche et y dépose le Fa. Bob11i5
chaque légende du signe. et Fa.vi s'asseoient sans aucun formalisme sur la natte. Nulle ori':":ntation n'est
Une légende considéree comme adéquate est choisie, et le devin demande prescrite. Les femmes peuvent assister à cette partie de la cérémonie.
à Fa si le cas du nouvel initié s'adapte bien au développement que A ou B Le Favi apporte au maître des colas, de l'alcool et de l'eau. Les colas,
a donné. Fa répond oui ou non. Si celui qui est ainsi désigné a conté réduites en petits morceaux, sont jetées devant le Fa et offertes aux nssis-
deux, trois, quatre légendes, Fa choisit celle qu'il préfère, et le sacrifice est tants. Le devin prend' dans sa bouche un peu d'eau d'abord, puis de l'alcool,
indiqué du mêîne coup : il ne reste plus qu'à l'exécuter sur place. C'est qu'il pulvérise sur le Fn. Il verse de l'alcool à tous les assistants.
pour ce motif que des objets si divers sont apportés par le Favi dans la Le prêtre passe la nuit chez le Favi, avec son serviteur. Ils se couchent,
forêt. Malgré œtre v_ariété, jJ _est rnre -qn'ils .coïncident exactement a.vec ce a_près avoir man'gé et bu ; les autres rentrent chez eux.
que demande une certaine légende; l'initié enverra alors l'un des siens se Si l'initié voulait apprendre le Fa pour devenir lui-même deYin, il pourrait
procurer ce qui manque. Le sacrifice est réparti entre un Lagba quelconque, retenir quelque temps son devin chez lui. Dans la plupart des cas, l'apprenti
un carrefour (akiti), un roko consacré (au pied de l'arbre), le plus large Bobnii se rend chez le maître pouraccomplir son étude.
chemin passant à proximité (car les vodü passent partout), le bord <le l'eau,
en l'honn...:ur des T:Jx:J.rn, 1·od1i de l'eau. De nombreux signes demandent Le kp:Jli est préparé après le retour de la brousse . Il. est mâle ou femelle,
que le sacrifice soit enterré (!m-dy:J): tels sont Woli, Jioghe et le.s signes de comme le signe du Fazt/.. Le signe sous lequel on naquit (j:i-nn=naître-per-
leurs séries. Dans ce cas, on enterre le tout, sinon le Fa.viserait menacé de sonne) est le premier des signes trouvés dans la forêt, et la terre. ou il fut
mort. Le sang du sacrifice tombe n'importe où. inscrit est ramassée dans un morceau d'étoffe. Si l'initié désire placer son
Parfois, on enterre un animal vivant, dans le cas, par exemple, ou la mala- lip:Jli sur son Fa, le devin lui fait acheter deux perles si (bleu foncé), un
die déterminait la consultation initiale. Jamais la victime n'est consumée par cabri, deux poules et un sachet en toile. On ne met dans celui-ci que la
le feu; cela se faisait autrefois, dit-on. Enfin, au lieu d'un abandon au terre recueillie ; les perles sont cousues extérieurement. Avec de la craie
bord de l'eau, 0:1 peut, en certains cas, déposer l'offrande sur une planche et délayée dans de l'eau, on badigeonne l'étoffe. Le cabri et les poules sont
la laisser voguer au gré du courant. immolés en l'honneur du kji:J!i.
Le s:1crifice accompli, on retourne chez l'initié; le devin marche en tête, L'initié, qui a ,désormais son Fa et son kp:ili, n'oubliera pas que le plus
tenant son gudaglo et suivi par l'initié tenant son l'a. Le reste des offrandes important des de~x est le Fa : car c'est lui qui a fait apparaître le kp:Jli '.
app0rtées est la propriété du pr~tre, qui les fait déposer chez lui. L'initié Lorsqu'il partira en voyage, le Favi emportera son Fa, mais laissera son
est vêtu d'un pagne ordinaire, que tenait ;\ l'aller un de ses proches ; le l1p:Jli. C'est au Fa que s'adresseront les ranuwiwa •; on donnera au kp:J!i
Bobità lui a pris son pagne blanc après l'apparition du signe dans le bois de des colas, parfois un peu d'alcool, tandis que les noix « mangeront dans leur
Fa. Le serviteur du devin est le troisième du cortège et porte l'a.rè. Les nssiette ii.
autres suivent. Lor;qu'il y a plusieurs devins, ce qui est le cas le plus géné- Autre différence : si le lep:Jli disparaît, pour une c:iuse ou pour une autre,
ra~,. ils partent souvent les premiers et \'Ont attendre chez l'initi,1teur, qui les cette perte est définitive. Au contraire, s'il s'agit du Fa, le Favi se rendra
reiomdra plus tard pour le partage des bénél1ces. nuprès de son maître qui lui donnera un autre jeu de noix. Mais, en vertu
Le cortège arrive devant la porte de l'initié. Le maître s'arcboute, les deux du principe que nul ne va deux fois dans la forêt sacrée, on res:e lié toute
bras levés, aux montants de la porte, et refuse d'entrer. L'initié insiste. Après sa vie au signe qui y fut découvert.
quelques minutes de feinte discussion, il offre au devin une certaine somme Une fois terminée la cérémonie de la remise du Fa, l'interdit sexuel qui
et tous pénètrent dans la maison. Le Fa.vi cc est déjà l'esclave du B,11.·:inci >i et pesait sur le Favi d.<:;pu is trois jams prend fin.
doit cc acheter l'entrée» de celui-ci. Le prix est d'ailleurs minime: un franc
ou cinquante centimes. 1. L'informateur affirme que Gl•aa./11, et non kpoli, est la «femme» de Fa.
L'.! devin aide l'initié ù poser à tem: son F.1, qu'il portait sur la tête. Sur 2. lnfm, chap. \"!Tl, pp. \)8 sqq ..
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LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES STADES IJE L'INITIATION 2 97

noms des seize principaux du ; il indique ceux-ci un à un avec la baguette


III. - BoK'.)NÔ ZôNô. Porto-Novo. et les nomme au ,fur et à mesure. S'il n'y peut arriver, le devin lui enseigne
leurs noms.
Ceux qui demandent leur kpJli le font pour savoir sous quel signe ils sont Après avoir montré au postulant la planchette, et avant de partir pour
nés. La vie de chacun dépend de son kpJli: ce mot évoque la notion d'âme, ln forêt, le devin lui remet trente-six noix et seize différentes feuilles ou
d'esprit de la personne. Si quelqu'un, immobilisé au loin, s'inquiète de son herbes. Il broie les feuilles dans de l'eau, puis frotte les noix entre ses mains
sort, il peut écrire pour demander assistance ; mais, le plus souvent, il se jusqu'à cè qu'elles soient lisses, en appelant la bienveillance de Fa par des
rend chez un prêtre de Fa. formules variées: porte le bien à cet homme ... Ne le fais pas souffrir .. , etc ..
On reçoit le kp:ili à l'âge viril, vers vingt-cinq ou trente ans. On peut Avec l'eau dês feuilles, le postulant asperge les assistants et sa famille, puis
l'obtenir lorsqu'on est encore « un petit J>, pourvu que l'on ait des parents se lave tout le corps.
aisés, car la cérémonie coûte fort cher. Certains ne vont au Faz.ü que très Les trente-six noix sont versées dans un sac. Autrefois, on les déposait
vieux; telle ma sœur, par exemple, qui obtint son kp:ili à plus de cent ans. dans une calebasse. Lorsque leur possesseur partira pour un voyage ou une
Mais il est rare que l'on aille au Faz.ü lorsqu'on a passé l'âge mûr : à quoi guerre, il les gardera sur' lui, dans leur sachet.
bon, lorsqu'on a épuisé le meilleur de sa vie, en aller chercher la révélation? Le postulant a apporté des poulets, des pigeons, des rats des champs, de
Certaines femmes peuvent, comme les hommes, recevoir leur lep:ili. l'igname, etc .. Le devin prend quelques-unes de ces offrandes pour faire les
La remise du kpJli est considérée comme une fête, au cours de laquelle opérations sui vantes : un sacri hce dans la rue, de deux poulets en général ;
on fait boire et manger tous les assistants. Une partie du repas est offerte au une prière dans la rue; un sacrifice au carrefour proche de la maison ; un
Bob-LEgba. sacrifice de deux poulets en général et une prière au to-L:.gba; un sacrifice
aux Jumeaux, dont on demande aussi le concours.
Le client commence par exposer sa peine au devin et apprend que la fin Désormais, le devin peut conduire l'initié dans la forêt de Fa, Fa-z._ft-me..
de ses maux depend de l'obtention du Fa et du kpJli. Un rendez-vous est Plusieurs consultants peuvent s'y rendre ensemble; les membres des familles
pris. accompagnent. L'initié quitte la maison du devi n en emportant son Fa,
1

Au jour fixé, le consultant se rend chez le devin. Devant l'entrée, il pro- trente-six noix dans un sachet de satin blanc contenu dans une petite cale-
nonce trois fois la formule suivante : agoo di Fa /nue! je demande droit basse spéciale.
d'entrée dans la maison de Fa. - Le devin répond de l'intérieur : de quoi Sur le chemin du bois sacré, il faut faire certains sacrifices propitiatoires :
as-tu besoin ? - Le visiteur : je n'ai pas de chance dans la vie ... je n'ai pas devant le L.gba du Bobnii, devant le to-Lôgba, ou par terre au carrefour. Ils
de femmes ... je n'ai pas d'argent ... je n'ai p:is d'entants ... etc .. - Le sont proportionnés à la fortune du postulant.
de,·in : qu'apportes-tu, pour obtenir tout ce que. tu n'as pas? - Le visiteur: Au Fazù, le devin trace la réponse· de l'oracle, non plus sur le Fate, mais
j'apporte des cabris, des poulets, des pigeons, des poissons, des haricots, de 11 même le sol. Une fois le signe obtenu, il expose au client tous les pré-
l'igname, etc .. J'apporte tout ce dont Fa mange ... ceptes, tous les interdits de son signe, et prescrit certains sacrifices. Le con-
Le prêtre appelle quelqu'un et fait entrer le visiteur dans la pièce ou il sultant achète ce qu'il faut, et sa famille l'aide dans ces dépenses. Fa indique
se trouve. En général, un serviteur prend le client p:ir la main et l'intro- comment il siéra de répartir les sacrifices : il peut, par exemple, demander
duit. LeBob11iJ le conduit devant une planchette en roko accrochée au mur, de la volaille, et même un cabri, qu'il ordonne d'immoler, ou d'exposer vif
lekp1z!aaba, ou se trouvent tracés les seize signes capitaux de Fa. Il remet an devant tel vodü, tel L~gba, à tel carrefour; ou encore d'abandonner un pagne,
client une petite baguette ornée, à l'une de ses extrémités, d'une plume ou une somme d'argent, aux mêmes endroits ...
rouge de queue de perroquet, d'une plume de kdd1:i, d' alolw et d'agbe, nouées ):..e Favi est définitivement maître de son Fa, représenté par les grains spé-
ensemble par leurs tuyaux. ciaux de la calebasse, et de son kp:ili. Le tout est désormais consacré, et le
Le Favi revêt alors un pagne en raphia. Avant de venir, il a appris les devin compte un « fils » de plus.
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LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES STADES DE L'INITIATION 299


Dans la suite, lorsqu'il voudra entreprendre quelque chose ou obtenir une Le ziïsè (asè de la forêt) est pris des mains du Favi par le devin, et étendu
réponse à une question qui le trouble, le Favi consultera ou fera consulter à terre tant que le signe n'est pas trouvé. Il est ensuite rendu au Favi, qui le
ce Fa, et se conformera à ses ordres. garde à la main ét ne doit plus désormais le coucher sur le sol, mais le plan-
ter debout: car on ne voit couchés que les as~ des morts.
IV. - BoK'.JNÜ A.. Abomey. Les devins chantent, l'initié chante avec eux, et les chants continuent
jusqu'à la maisQn du principal devin, où a lieu un repas en commun. Le Favi
... Quand le Favi est arrivé au Fazii, il est complètement déshabillé et passe trois mois chez son devin à partir de ce jour, et reste à sa disposition.
un pagne blanc lui ~st fixé aux reins. Dans un coin de son pag_ne, tenu il la Les trois mois écoulés, le maître lui remet son Fa, son kp;>/i, et le congédie.
main gauche, est nouée une des deux séries de dix-huit noix ; il prend de L'initié retour'nera dans la suite confier ses soucis à son devin comme à un
la droite un z1îsê fourni par lui-même. Le cortège se forme, composé seu!e- père; celui-ci, de son côté, doit traiter et nourrir son Fœvi comme un fils. Le
ment de ceux de la famille du ravi qui ont déjà reçu leur Fa. En tête marche Favi l'invitera aux cérémonies de son Fa ; si le prêtre est indisponible, il
le principal devin, tenant son asè acrelele; il arrive avant le cortège porteur déléguera son aide de la forêt pour laver le Fa du Fmii.
des offrandes au lieu de la cérémonie, où il fait les préparatifs nécessaires. Après avoir obtenu son Fa, l'initié doit sacrifier quatre poulets : un à
Son sac est tenu par un collègue ou un aide (iogbâ11a). Legba, un à son hp:Jli, deux ù son Fa. D'après le système préconisé à Abo-
Un des aides appelle le Favi hors du cortège, et lui noue un mouchoir mey par ]isa, il s'agit de tuer quatre poulets, quand on veut. D'après celui
blanc au tour de la tête et sur les yeux. Alors l'initiateur, éloigné de quelques de Gàgà, qui était un Nago, il faut tuer un cabri trois ans plus tard, en
pas, demande au Favi : sais-tu où tu vas ?- Oui, répond le Favi, je vais l'honneur de Ghaadu. En réalité on en tue deux : un pour Fa, un pour
dans la forêt pour voir mon Së. - Quand tu auras vu ton se, que feras·tu? - Gbaadu.
Je vivrai longtemps, j'aurai des femmes et des enfants, des pagnes, de l'ar- C'est alors que peuvent avoir lieu les Fa1111wiwa, cérémonies qui con-
gent, tout ce que je désire ... sistent à nourrir le Fa. Elles ont lieu lorsque l'on veut, mais presque toujours
Le Favi reçoit une bouteille de gin, et un autre mouchoir blanc qu'il une fois l'an.
remet à son maître. Il fournit trois mouchoirs blancs, quinze francs, trois
bouteilles de gin. Le devin qui est derrière lui le prend sous les bras et le
soulève sept fois, en comptant à voix haute: à la septième, le Favi s'assied On pourrait grossir ces informations en interrogeant d'autres prêtres :
devant son Bobnô. elles resteront contradictoires et comporteront, selon la formation, l'origi-
Les noix de Fa, nouées dans un coin du pagne blanc, sont libéré('S et nalité et le golit pour la magie de chaque devin, des variantes contre les-
posées par l'initiateur dans la concavité d'un fer de houe. Le Favi ouvre ses quelles ses collègues élèveront de violentes objections. Dans ce5 conditions,
mains jointes par les annulaires, paumes en l'air, et le devin verse les noix il nous a paru souhaitable de recourir à des informateurs que leur grand
dans ces mains tendues. Il répète trois fois cette opération, après quoi le âge et l'éminence de leur situation sociale mettent à l'abri des caprices d'une
Favi prie, en frottant ses paumes l'une contre l'autre, pour la prospérité du certaine magie ou de la mode.
devin et de sa famille. Il importe avant tout de distinguer, comme on fait à Abomey, la manière
Le ravi manipule les noix lui-même, et trouve successivement les huit fon et la manière nago de comprendre la cérémonie de la forêt '. On
indices d'un signe; l'aide, assis à côté de lui, dirige ses doigts généralement décrira successivement les deux méthodes, telles que les exposèrent pour
inexperts, et lui fait inscrire correctement chaque indice sur la terre. Il pro- nous, en janvier 1936, l'un en présence de l'autre, deux devins que l'on
nonce le nom du du trouvé et donne les explications utiles au Favi ; il lui peut considérer comme particulièrement dignes de foi : Gzd-;gbe pour le rite
décrit son avenir, lui énumère ses interdits. Il lui doit une entière franchise, nago, et un Lisanà d'Abomey pour le rite fon.
et annonce aussi bien les événements heureux quê les autres, fût-ce une mort
prochaine. 1. J. SPIETH, Die Religion . ., op. cil., char. rn, p. 191 ·
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300 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES STADES DE L'INITIATION 301

lieu. Dans l'ad:Jkpo se trouve nouée une somme de cinq francs cinquante,
V. - GEDEGBE: ANAGO-FA. Abomey. censée représemer toute la fortune du Favi et qui insiste sur sa pauvreté au
moment où il n'est pas encore éclairé par Fa.
Il faut, pour se rendre dans la forêt sacrée, n'être ni trop jeune ni trop Le Favi approche de la forêt. Un devin, debout près d'une effigie de Lsgba,
vièux. A quoi bon aller au Fazû se faire révéler le secret de sa vie, si l'on l'arrête et l'interpelle : où vas-tu? - Je vais connaître ma vie, je veux voir
est déjà près de la mort ' ? Ceux qui y vont sont les hemmes jeunes, à mon kp:;li, mon se. -:--- On n'entre pas ainsi dans la forêt de Fa. Donne de
l'aube de leur vie, ceux qui ont atteint ou dépassé la puberté, et peuvent l'argent avant d'entrer.
tenir dans leur main les dix-huit noix de Fa sans les laisser échapper. Le Favi donne en général un sou, et poursuit son chemin. 11 est arrêté
Lorsaue le Favi a réuni les obiers orescrits oar le kalo. il se rend chez le
.l I J. .L ~
_<la.us lesmêm~s _conditions par un autre devin. auprès <l'une effigie des Na.
devin désigné par Fa, où il les dépose ; d'autres objets l'attendent chez le Enfin, un troisième devin, debout près d'une effigie de Lisa, l'arrête : as-
Babalawo, notamment le hkpo, préparé par le devin le jour de l'entrée dans tu fait tout ce que tu devais faire avant de venir ici? As-tu été au marché,
la forêt. Le devin a eu soin d'aider la mémoire de son disciple en lui remettant, pour offrir de bonnes choses à ton Babalawo? As-tu labouré son champ? As-
lors du kalo, un nombre de brindilles correspondant aux objets à acquérir. tu fabriqué ou porté son hamac ? Lui as-tu donné un mouton à cornes ? Lui
Tous les apports sont déposés au Fagbasa, auprès du D11wo. Des prières as-tu offert une mouche à cornes? Lui as-tu donné un cheval à cornes? etc ..
sont dites pour le ravi, qui reçoit de l'eau à boire. Seize cauris lui sont Le Favi doit répondre oui à chacune de ces questions, dont les dernières
remis pour qu'il s'exerce à cc fouiller » le Fa. évoquent l'effort surnaturel qu'il doit accomplir pour transformer sa vie.
Le soir même, on se rend, avec le fokpo où sont inscrits les seize signes, C'est après ces diverses formalités qu'il est admis à approcher <le l'entrée.
dans le bois sacré; celui-ci a été aménagé, les palmes flétries ont été rempla- Ces trois interpellations sur le chemin <lu bois sacré portent le nom de
cées, deux poulets ont été immolés en son honneur par le devin, en l'ab- dentt. Elles symbolisent les difficultés de l'existence et la nécessité d'acquérir
sence du Favi. et Je dépenser des richesses avant de s'élever socialement. On entend dire
Au Dahomey, le départ a lieu à la tombée de la nuit, vers dix-huit heures, parfois que le Fazû est divisé en trois compartiments : il s'agit peut-être
ou, rarement, le matin de bonne heure; à Ifè, on passe la nuit dans la forêt d'un usage du pays nago 1 •
et l'on opère le matin. Le Fazû est aménagé comme une sorte de chambre : les nattes kplakpla
L'accès du bois sacré, vu l'état très avancé de la déforestation, ne présente demandées au consultant sont destinées à l'isoler du reste de la forêt, et
aucune difficulté; néanmoins, le couteau (hwiso) demandé au Favi 2 permet constituent ses murs et son toit. La natte kaxisi forme portière.
de simuler la pénétration dans une forêt dense, où l'on doit se frayer un Tout de suite après l'arrivée du cortège dans la forêt, les petites bananes
chemin au coupe-coupe. prévues par le kalo sont distribuées aux Na, à Da Ayidohwsdo et aux devins
En cours de route, le Favi reçoit d'un assistant du prêtre un certain présents ; en général, ceux-ci ignorent à qui sont destinées ces offrandes.
nombre de bourrades. L'usage de la chicotte ou de tout instrument sem- Ayidohw,do conduit sur cette terre notre ss : il faut se le concilier.
blable est proscrit. Une légende de Woli-L<.t<. donne l'origine mythique de On fait brûler, à proximité du lieu de la cérémonie, du tourteau delid; sa
cette coutume 1. fumée, s'élevant vers le ciel, porte les paroles, les pensées, les vœux <les
L'ad:;kpo dont s'est vêtu le Favi avant d'entrer dans la forêt symbolise sa humains vers le grand dieu, établit une liaison entre les êtres et leur créa-
misère. Fa le dépouillera de cette triste défroque; elle reste en général dans teur. Car fa révélation des choses cachées relève de celui-ci seulement 2 •
la maison du Babalawo par l'entremise de qui l'heureuse métamorphose a eu
1. En effet, J. JOHNSON écrit (op. cit., chap. III, p. 27) : c< The grave always contains
1. C'est ce qu'exprin1e le dicton : e nà kj>o, bo uà yi Fa a, il est vieux, et ne doit plus aller three extemporized partitions built of young palm branches ». .,etc ..
prendre son Fa. 2. Camp. A. BoucHE LECLERCQ; op. cit., t. I, chap. v1, p. 273 : c< La parfaite connaissance
2. S1tj>ra, kalv de GEthg/>e, pp. 281-284. du passé, du présent et de l'avenir appartient nécessairement à l'arbitre suprê1he du monde,
3. lu/ra, deuxième partie, chap. 111, Pl'·. 622-624. et fait partie de sa souveraineté».
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302 LA GE0.\1.\:-<CIE A L'ANCŒNNE CÔTE DES ESCLAVES LES STADES DE L'INITIATION

Le deYin principal est déjà inst:lllé, avec le hkpo et le zftsè. Le Favi entre, L'initié, sur l'invitation du maitre, porte les noix à son front et à son cœur,
tcJlant sur sa tête le panier de volailles apporté de la maison de son maître 1
,
les él~ve \·ers son maitre et vers le~ quatre points cardinaux, en prononçant
Le panier lui est retiré par l'un des devins, et ses yeux sont bandés avec une les paroles suivantes: kp:Jli-ce, S:.-ce, j:. te, fo ad" xo, bo nu ma se, mon kpJli,
étoffe blanche. Il entre dans l'enceinte sacrée et s'approche de son Babalawo. mon s:., descendez [vers, moi] et parlez, et puissé-je vous entendre '! Deux
Il est autorisé à quitter son bandeau et voit alors le hkpo. Les seize colliers fois il repose les noix dans le fer de houe, et deux fois le maître les lui verse
de deux cents cauris (que le Favi avait remis au devin) reposent sur le sol, à nouveau entre les mains L'assistant (jogbàna) se tient à la droite du Favi
2

sous le /Jkpo, porteur et représentant des seize du; car le fokpo, on le croit, et lui explique tout ce qu'il doit faire ou <lire; il porte la lampe à huile qui
apporte la richesse. éclaire- les opérations, et reçoit à cette occasion le nom de t-enôkpôtJ, celui gui
Le devin énumère les signes dans l'ordre où ils se trouvent sur Je hkbo: est debout et r~garde i.
~ ' ,
le Favi les compte et les lit. On leur offre d'abord des colas et de l'eau, en Aussitôt après, le Favi doit c< fouiller » le fa. Il trace à même le sol les
priant. La grande chèvre est ensuite immolée, ainsi qu'un, deux ou quatre indices donnés par la nunipulation des noix, et c"est le jogbdna gui nomme
poulets. Fa ne demande pas la mort de la petite chèvre, gui sera emmenée le signe inscrit.
par le Babalawo. Le jogbàna prépare alors le hp:Jli. Il prend un peu de la terre où le signe a
Voir lakpo, disent les devins, c'est voir Fa en pleine lumière. Nul autre été tracé et l'introduit dans un sachet de toile blanche, ai'"kpo. Il cherche les
que le Favi et ses devins ne peuvent le contempler. Cette planche où se feuilles particulières au signe, les pétrit avec de la craie et les incorpore ù
lisent les signes de Fa, tracés en couleurs (craie blanche, noir de fumée cette terre. Il peut ajouter du sable de la mer, à cause de la puissance et de
rouge de sokp<.kp<., et adu, sorte de boue grisâtre), est le seul objet dont le la fraîcheur de celle-ci, et il introduira dans le sachet, d'une façon généralé,
mystère se dévoile au Favi dans la forêt de Fa. tout ce qu'inspire au devin le désir de donnerde_la force au kpJli, par exemple
Le devin dit au Favi de s'asse'.:lir. L'assistance se compose de Babalawo in- du tlci11ti, de la poudre d'or, des perles. Il le ferme ensuite et coud extérieu-
vités et des membres de la famille du Favi gui ·ont déjà reçu leur kpJli; .ils rement perles et eau ris.
s'asseoient à la ronde. Les non-initiés restent à l'écart. Le Favi élève de ses Les N~tgo matérialisent le kpJ/i comme les Fon, mais lui accordent une
mains un petit monticule de terre sur lequel il s'installe. Le Babalawo lui- moindre importance.
même est assis sur un trépied bas. De nombreux hpJli exigent un sacrifice immédiat (e na sa VJ e hô11H), en
Le ziï.sè est en quelque sorte la canne de Fa. Il doit rester debout devant prévision duquel des victimes diverses ont été apportées; c'est le cas de tous
le Favi dans la forêt, et debout encore dans la maison du Favi, auprès du les dü-m:.ji f. Mais le sang ne doit pas être versé sur le kpJli. La couleur du
symbole de son Fa avec lequel il sera nourri. A sa mort 011 Je couche et sac ne peut être que blanche; elle plaît à Lisa et évoque la blancheur des
' ' cheveux qui caractérise le grand âge.
les prêtres qui sont venus« tuer son Fa)> (hu-Fa) le jettent avec ce dernier.
Le devin dépose dans la concavité du fer de houe les seize noix qu'il a Une fois les sacrifices exécutés, le· devin procède au modelage du L<.gba
apportées, et les verse de là entre les mains du Favi. La houe est l'instru- agbànukwè du Favi >. Le Favi montre à l'effigie l'huile d'amandes coco et
ment dont on creuse les tombes et qui ouvre aux morts le domaine de l'au- l'alcool <le maïs (lihà) qu'il a apportés, mais n'en offre pas. Il signifie par là:
delà; le Babalawo, par son geste, réconcilie le Favi avec la houe, c'est-à-dire
I. J. JùHNSON, Of'. cil., ch a p. III, p. 26 : «May 111y he.id, or //Je divinity of my desli11y, or
avec la mort et l'inconnaissable. Les noix de Fa représentant la vit!, la mort
my Creator, accept it ! My ow11 /Jearl accepts il!»
est censée, par l'intermédiaire du Babalawo et par la grâce de Fa, verser au 2. Sur cette triple dation des noix au Faz•i, cf. J. SrIETH, Die Religion .. , op. cit., chap. !Il,
jeune homme la vie : la mort se transforme en vie. La houe est aussi un p. I96.
3. On dit encore ~ogb1;hi!l'.1, celui qui tient la lampe, et miàkp:Jgbâhêt:J, celui qui tient la
symbole de vie et de richesse, si on la considère comme instrument de
poterie où le feu est allumé.
travail. 4. fofi·a, dèuxiè111e partie, chap. 1 ·et II.
) . Ceruins ne le prépareut que le lendemain matin ; ils retournent il (et effet au Faz.ù
I. Il est pris parfois par le troisième /3obuo, lors Ju troisième de1111. ave~ le,ir assistant et l'initié. Lor;;qu'ils ont fini, ils enterrent le !:Jkf'o.
>

LES STADES DE L'INITIATION


LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES

je sais que le coco et l'alcool sont tes interdits, aussi ne vais-je pas t'en donner. <c tombe», et se vêt d'un pagne blanc neuf (k:Jni). Pour tromper la mort, un
Si, plus tard, tu apprends que quelqu'un t'a offert de tes interdits, sois donc poussin est jeté vivant dans le trou, qui est refermé.
bien assuré que ce ne peut être moi, et épargne-moi ta colère. Fais qu'elle L'initié revient à la maison du Babalawo, où il se passe le haut de la
se retourne contre mes ennemis, et contre tous ceux qui me veulent du mal. tête à la craie blanche. ,Avec du fil blanc et noir, il joint les plumes de ksleb:1
Par ces paroles, il amorce la conclusion avec Lsgba d'un do ut des à mi-mot et de kss~z.à par les tuyaux, ajoute une aiguiÙe, une perle tuluakpà, et fixe
contre ses adversaires. cette parure (ta-ltà, corde de tête) sur son front, barbes hautes, au moyen
Le sacrifice des seize poules a lieu dans la forêt. Si le Favi est riche, une d'un fil noué sur la nuque 1 ; il la gardera jusqu'au lendemain. Il reçoit une
poule est immolée à chaque signe du /:Jkpo, mais, d'une façon générale, on n'en queue de bceuf qu'il tient à la main. li est devenu vodû, et sa femme ne
offre qu'une; quatre volatiles sont tués pour le FL1z..1ï, <rnant la .cér.ém.onie, devra même p~s toucher sa natte.
un pour LEgba, un pour les Na, un pour les Bobnôlôtô; le reste est des- Le lendemain matin a lieu une consultation d'agbasa; il y assiste dans le
tiné aux sacrifices du signe. Un autre informateur estime qu'il est bon même appareil. Sa famille apporte à manger de l'akassa, de la s.auce, de la
d'immoler deux poules à la forêt sacrée, avant de s'y rendre, deux au Lsgba pâte à la farine de maïs, des abla (gâteaux de haricots), etc .. Le ràvi
<c fouille» lui-même Fa - e kâ gbasa- à l'aide du Fats, pour lui, pour ses
agbânuku-ë <lu F4vi et nu maître, trois, ~uatre Oil SL'[ pour les sacrifices du
signe, et de laisser les autres au devin. enfants, ses femmes, son père et sa mère. Le devin et son aide luî expliquent
Une fois la cérémonie terminée, les devins chantent dans b forêt le chant la valeur des signes trouvés. Le Favi se procure trois, sept et seize petits
suivant, sorte de credo adressé à Fa, à Legba, aux Na, aux quinze cents fragments concaves de calebasse. Il prélève un peu de chaque aliment, qu'il
vod1ï.' : dépose dans chaque fragment, en ajoutant trois cauris et de l'huile de palme.
l!aligne ensuite trois tas de terre, où il installe les trois premières écuelles.
Fa mi ni b:Jlu,
Il agit de même pour les sept et seize autres, et donne un peu de cola à
Fa b:Jlu, b:Jys, bxe !
chacune. Puis il. porte le tout dehors, assisté par le joghàna, et dépose les
LEgba 111i ni balu,
calebasses à proximité du portail de son devin. Pendantces dernières opé-
Legba b:Jlu, b-JyL, bacs/
rations, le chant suivant est répété en chceur:
Na mi ni b:Jlu,
Na baltt, baye, bacs! kps lu h ma fo
Vodù afalèwe-kâwe mi ni b:Jlu ! agogo!
Ogi balu, gi baye, gi bacs! kp~ lu le ma fo
agogo! (Y)
Le cortège retourne chez le devin. Le lendemain ont lieu les sacrifices
restants. Nous avons écarté au loin tous les dangers!
Le soir, le Favi a le corps marqué de taches à la craie rouge, blanche Lorsque les trois calebas-;es sont posées, on rentre en chantant :
et noire, et se rend dans la brousse avec son maître, le jogbàna et le lakpo.
Un trou est creusé, symbolisant une tombe; le la!~po y est déposé et l'initié
ako ile de
s'y installe. Le jogbàna lui rase les cheveux, lui coupe les ongles des pieds et ile!
ako ,ile ba
des mains, (ils doivent tomber au fond du trou,) lui lave le corps entier à
l'éponge et au Javon, et lance d.tns le trou un morceau d'étoffe qu'a portée
ile! (Y)
le Favi. Celui-ci abandonne ou jette tous ses vêtements en sortant de la Nous amenons le bonheur dans la maison !

r. Quinze cents se dit aj:itëwe-kàwe-/w; le dernier mot est supprimé dans le chant, pa: •
r. La même parure est portée par les i1od1isi, lors des cérémonies.
une licence courante.
c

306 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES STADES DE L'INITIATIO~

Chacun rentre ensuite dans la .maison du devin pour un repas en commun. Le jour ou l'initié se rend chez le devin pour apprendre son kalo 1 , il
LeBabalawo saisit une poule, sort avec le Favi, creuse un trou auprès de son ~ 11pporte de l'alcool, ·des colas blanches et rouges, de l'eau.
Lgba, dépose des Famà dans une jarre et verse de l'eau sur elles; il fait accrou- Le prêtre fournit le /:J~po, et deux fois dix-huit noix de palme. L'initié
pir l'initié de telle sorte quesa tête surplombe le trou. Il lui retire du front les nchète le reste, et un jour est fixé.
plumes de perroquet, qu'il fixe à la queue de bœuf avec une aiguille; le Chez le devin, une fois tout le monde réuni, on immole quelques poulets,
Favi déposera plus tard le tout sur son Fa. La poule est immolée au-dessus pour les devins morts, pour L:gba, pour lè Duwo.
de la tête de l'initié; celle-ci, arrosée de sang, sera ensuite nettoyée avec Le cortège, composé du de~in, de ses anciens Favi disponibles, de son
une eau ou macérèrent des feuilles de Fa. Cette cérémonie est destinée à nide et de nombseux collègues, se met' en route à la tombée de la nuit. Le
purifier l'initié et à enfermer son impureté dans un trou, autant qu'à trom- principal devin - Bobnô daho - se lève quand tout est prêt~ part en
per la mort. avance, et arriv:e le premier au Faz.ü avec son jogbàna. Il aplanit la terre et
Revenu dans la .maison du devin, le Favi s'assied sur une natte. Une s'assied.
fillette est appelée, qui s'assied à sa gauche. Le jogbàna dispose le bras gauche Lorsqu'il approche ·à son tour du lieu consacré, le Favi est arrêté trois fois
de l'homme autour des épaules de la fille. Le Favi offre de la main droite par le 7ogbâna. Le Bobnô, simulant la surprise, lui demande qui il est et ce
une calebasse pleine d'eau à la fille, qui prend de ses deux mains un peu du qu'il vient fair'e en pareil endroit. Le Favi est vêtu d'un pagne adakpo. Il
liquide. Le jogbàna place la jambe gauche de l'homme sur la jambe droite nvait trois poules à la main, que le jogbàna lui a prises une à une lors de
de la fille, et réciproquement : l'interdit sexuel du Favi est levé. ses arrêts. La pauvreté de son pagne symbolise le dénûment de celui qui
Quelques jours après, il rend visite,à son maître, et lui offre une somme vient chercher le savoir.
modique. Le jogbàna prend l' ase acrelele du devin, et le porte chez le Favi a
Lejogbàna soulève le Favi sept fois 2, puis le fait asseoir terre, face au
pour escorter les noix de Fa; une fois chez lui, l'initié immole un poulet devin. Celui-ci saisit les no,ix de palme de son disciple, les dépose en les
à son Fa. frottant entre ses paumes, l'extré1'nité des doigts se faisant face, et après les
La cérémonie est terminée. avoir tendues de b sorte vers les quatre points cardinaux dans la concavité
du fer de la houe, après avoir fait des prières. Le Favi présente ses mains
ouvertes, reçoit l~s noix qui roulent de leur contenant métallique, prie à son
En résumé, le rôle essentiel du prêtre consiste à tenir la houe et à verser tour sur elles, les élève ved les quatre points cardinaux, et les tient pressées
les noix de palme dans les mains du }àvi: il donne ù celui-ci, une fois le sur son front pendant que le maître lui caresse la tête, de l'occiput vers le
signe trouvé, toutes explications utiles, lui énumère ses interdits, etc .. Le front.
rôle essentiel du jogbàna est de nommer le signe que le Favi a inscrit sur Le symbole qu'évoque la houe est le suivant: houe se dit all; li signifie
le sol aplani et de préparer le kp:ili. Le geste essentiel de l'initié, qui vient tarder, rester longtemps. (Le palmier,' ajoute l'informateur, est la vie, gbe, la
«recevoir la vie», estla découverte de son propre signe, celui sous lequel vie sur cette terre, ici: g~$-de, et de signifie encore palmier). Le Favi restera
Dieu l'envoya sur terre. ·longtemps en cette vie ; du moins, tous l'espèrent.
Le devin prie l'initié de « fouiller » son Fa. Le Favi manipule ses noix
selon les gestes consacrés et inscrit son du à même le sol.
Le jogbiina, et non le devin, lit le signe, car un seul être ne peut procréer
(<

VI. - L1SAN6: rô-FA. Abomey. un enfant : le devin est comme le père du Favi ; ·le jogbàna est comme sa
mère ». Le devin ne donne pas toutes les explications du signe : il choisit
Voici maintenant la description du fà-Fa, du Fa de la forêt tel que le con-
I. Supra, kalo du Lisa11ô d'Abomey, p. 281.
fèrent les 'l}obno fon. Elle nous a été donnée par un Lisanôréputéd'Abomey, 2. Le même rite a lieu dans le culte des vvdii, après la résurrection (hiifujô) de celui que
ami de Gedegbe, qui exerce aussi les fonctions de prêtre de Fa. le dieu a tué (lnicfrl), quand on veut ·l'installer sur une natte.
20
lnslilut d'Ellmologie. - Bernard MAUPOIL.
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES ,LES STADES DE L'INITIATION

quelques Fatîitîi' et indique trois des interdits que commande le signe. Cet de la terre prélevée sur les tefrnitières bxwaz.$ (en forme de champignon)
exposé se nomme hjigbe 2
• et xwàiÛ![E (en forme de cylindre);
Le jogbdna recueille la terre où le signe a été inscrit, et la noue dans un de la terre recueillie auJond de la rivière Agbogbo, qui coule près de Zado,
coin du pagne du Favz. au delà de Kàna ; cette terre se nomme agbogbo-bJ;
A ce moment a lieu la toilette de !~initié. Dans une jarre, on apporte de de la vase de mer durcie, xu-bJ, recueillie sur les ancres des navires (gâ-
l'eau, dans une autre des Fam1î. Des tolas sont jetées sur les feuilles, l'eau tojihtîtJ ), et symbolisant le grand :îge (« la mer ne seche jamais dans son
est versée sur le tout. On prépare avec de l'eau et de la craie pilée un enduit trou >> ), 11 puissance èt la fraîcheur; ·
blanc dont on mouchette tout le corps du Favi; on nomme cela fo, et l'on des pluines de pigeon, de canard, de poulet, de pintade, et des poils de
pense laver de la sorte toutes les impuretés de l'initié, le préserver des mala- cabri.
dies en incubation, « rafraîchir n son corps entier. Les marques blanches Ces divers objets suffisent à représenter un sacrifice varié. On n'immole les
sont ensuite lavées (e na yi la la) avec l'eau de la jarre ou les feuilles limr- animaux que parce que cc l'accident réclame du !>ang )). Le sachet ne contient
giques ont macéré. C'est après cette. ablutimf que le cortège quitte la forêt pas de terre prélevée auprès des vod1i (vod1ï-b ), car ils sont moins forts que
pour aller dormir, à moins que le signe du Faz.û, dans son hjigbe, exige un Fa. Dans le lipJli, k symbole de Fa est, en guelque sorte, primns inter pares.
sacrifice immédiat; des victimes ont été amenées à cet effet. Le sac t:St cousu 1
, puis orné de perles et de cauris.
L'initié quitte la forêt sacrée avec son cortège; il est vêtu .d'un pagne
Le sacrifice aux Na - Naxix2 - consiste à immoler une chèvre (gbJ·si) et
quelconque, drapé après son lavage, mais non du pagne blanc qu'il a amené
à recueillir son sang dans une calebasse, ou dans un récipient en bois
chez le devin, et qu'il ne drapera sur lui qu'en dernier lieu, lorsqu'il aura
nommé akpakpo: la nourriture est préparée pour les Na, et un repas en
accompli tous les sacrifices et satisfait à tous les rites. Il ne porte pas non
plus de plumes sur la tête. ·commun a lieu.
Dans la maison du maître a lieu le lendemain la fin de la cérémonie.
Le devin annonce au fàvi quels sont les sacrifices qu'exige son Fa : ses
Souvent, l'initié qui se procura à grand'peine les objets nécessaires pour aller
adra. Ils sont exécutés. Pour que la cerérnonie du Faz.1ï soit profitable à l'ini-
au Fazü, ne peut acquérir le matériel des sacrifices suivants et demande un
tié,·il faut au moins qu'il connaisse les principaux interdits de son du, qu'il
délai. La fin de ,l'initiation sera différée de quelques mois, d'un an, parfois
en fasse les adra, et qu'il'érige son L$gha.
de plusieurs années. Quelques devins ne revoient plus leur Favi après la
cérémonie de la forêt. Pour laver le Fa, c'est-à-dire l'âme, de l'initié, le devin prend des feuilles
Chez le prêtre a lieu la préparation du l<pJli, le sacrifice aux Na, les sacri- de Fa en aussi grand nombre que possible, les met dans une jarre où il verse
fices adra, le lavage du Fa (Falih), la consultation d'agbasa, la fabrication de l'eau et frotte les noix entre ses paumes; il ch~rnte et tous l'accompagnent.
du LEgba agbonitxJsu; de plus, l'initié entend les développements et les légendes Ce lavage symbolise la purification d~ l'existence du Fnvi, vœu de toute
(Fatiï.t1ï) que comporte son du. l'assistance.
Le lipJ!i est préparé par le jogbana. Il contient : Le Fa une fois"lavé, le Favi peut se draper du pagne blanc qu'il a acheté
un peu de terre ramenée la veille du Faz.û, dans un petit sac en étoffe de pour la cir~onstance. Sa tête est 1;asée, mais on ne lui coupe pas les ongles;
couleur blanche. On choisit parfois la couleur préférée du signe découvert; ses cheveux sont enfouis sous un tas de fumier, sa tête est ceinte d'un lien
des feuilles xisixisi, afarnà, jelelemii, avamà, blocyà, axexe, z.êtiti; maintenant sur le front quelques plumes de perroquet.

1. Iujra, deuxième partie, chap. r, p. 419. 1. A. LE HÉRISSÉ, op. cil., chap. v, p. 141: «Le tout, soigneusement attaché ctvec des
2. L•-ji-g/!e (terre (Y)-sur-parole), ce que le Fa, c'est-à-dire son prêtre, dit à propos de ce cordelettes forme le symbole de" fa"· L'auteur ajoute en note : ."Ces cordelettes portent le
qui a été écrit sur le sol : la parole Je Fa dans la forêt. Le même g/Je signifie jour. LEjigbe nom c.le Kpolilmu, cordes des signes ,, . Le fil (k<i) qui sert à coudre le k/>ali porte :out natu~
évoque, pour le sujet parlant, les préceptes reçus au jour de l'inscription du signe Je la forêt rellement le nom lie kpali-k.t. Il ne s'agit pas de cordelettes. Par ailletH"s, une lois le kpali
clans la terre. - V. supra, Fa 11111asi1111, p. 275. cousu, il n'est plus question de l'ouvrir.
c

LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES STADES DE L'INITIATION 3I I

Le lavage est suivi d'un repas offert aux noix. Le Fa des Fon ne reçoit pas En comparant ces deux procédés de remise du Fa, fà-Fa, et anago-Fa,
de cabri, ni d'ignames en cette circonstance : on lui offre du poulet, du nous remarquons les diff<frences suivantes :
canard, du pigeon, de la viande ou du poisson fumés. Ces nourritures ne les Fon n'emmènent pas de lakpo dans la forêt : le devin garde cet objet
peuvent pas être mélangées ; si l'on donne l'une d'elles au Fa, toutes les chez lùi, le montre à son Fa·vi avant d'aller dans la forêt, mais ne le détruit ni
autres sont exclues. Une fois préparée, elle est offerte au Fa, c'est-à-dire que ne l'enterre;
le sang est versé avec de l'huile sur les noix, et que la viande est déposée les Fon préparent le L2gba agbànukwê chez le prêtre; les Nago ie pétrissent
sur les assiettes du Fa pendant la nuit. Le lendemain, une des femmes de dans la forêt ;
l'initié essuiera les noix avec un linge propre. Le sang et l'huile serviront à les Fo,n ne tuent pas de cabri pour leur Fa, sauf très rares exceptions;
préparer les ignames, de l'akassa, des haricots-pistaches ( azigokwi).. et à les _N'll.gD JJe font pas les cérémonies Naxixs, destinées aux Na, ni les
accommoder les viandes de la veille pour un repas commun. Lr.gba sera servi Falih, lavage du Fa et sacrifices, au retour de la forêt;
le premier. les Nago ne tuent pas trois poules avant de quitter la maison du devin : ils
Le devin fait alors h:Jlu, comme il se doit après un sacrifice. Le cérémonie immolent presque toute la volaille dans la forêt ;
tire à sa fin. les N.ago emportent seize calebasses pleines de nourriture;
On « fouille » un Fa d'agbasa (e kà gbasa ), pour savoir si Fa est satisfait les Nago ne coupent pas les cheveux et les ongles de la même manière que
de l'ensemble des opérations. On exécute, s'il y a lieu, les sacrifices prévus les Fon;
par le signe trouvé. les Nago allument un feu de delià auprès de la forêt; les Fon ne se
La cérémonie est terminée. Le devin remet au consultant un fragment de servent des fagçits fournis par le Favi que chez le devin et ne brlilent pas
calebasse dont la cavité porte gravé son du. C'est cet objet qu'il portera ou de deliâ;
enverra, désormais, chez son Bok:mà pour lui demander conseil; celui-ci les Fon ne donnent en général aucun rôle au symbole de Gbaadu, dont ils
n'aura qu'à l'examiner, sans nouvelle consultation, pour rensdgner le Favi ont une peur intense;
sur ses devoirs. Il est « comme une page où serait inscrite h destinée du les Fon n'accomplissent, dans la forêt, le rite du poussin décrit plus haut,
Favi : il est la tablette de Dieu )J 1 • que si un du spécial !'a exigé;
Le Lsgba agbànukwè est érigé comme chez les Nago, et préparé sensiblement en ce qui conc~rne 'les knagovatà, les différences seront signalées plus loin 1 ;
de la même façon 2 ; le sacrifice comprend Un coq, une poule, trois fois enfin, le rite fan est plus rapide dans la forêt, plus lent dans là maison du
quatre-vingt-sept centimes en cauris, de l'huile, de l'alcool (pour le prêtre), devin.
de l'akassa. La statuette est préparée et consacrée dès que l'initié est en En résumé, - et la participation de Gbaadu mise à part, - le fà-Fa et
mesure de faire les frais de la cérémonie, et n'importe quel jour, sauf celui du l'anago-Fa se conforrn'ent aux mêmes règles fondamentales. Le Favi, le prêtre
marché Adokwi. et le jogbàna y ont les mêmes fonctions; l'essentiel de leur tâche se reconnaît
L'interdit sexuel est levé par les Fon selon les mêmes rites - zrîkplekple i aux mêmes gestes, aux mêmes paroles, et tend au même but.
- que par les Nago, mais ne court que du moment où l'on se rend dans la Le sign~ du Fazû est toujours inscrit à même le sol 2.
forêt jusqn' à la lustration de l'initié.

1. Cet objet n'a, par rapport au signe, que la valeur du papier par rapport aux mots qui
Édification du L:GBA AGBONUX:::>su.

s'y lisent. Néanmoins J. BERTHO croit que« Cet a.du est plus important que les amandes qui
Les Nago attachent assez peu d'importance au Lsr;ba extérieur à leur
ont servi à consulter Afa ... il est plus important que le h.![bt! lui-111ême ... '" La Science . .,
art. cit., p. 362 ; ib., p. 368). - C(. aussi supra, ch a p. 1, p. 27, n. 3. On inscrit de préférence
les bons signes à l'intérieur, les mauvais à l'extérieur. 1. In(ni, pp. 314-317.
2. Le LEg/!a des Fon porte un collier de vingt et un ou quarante et un cauris, contre sept 2. Au début des Euménides, Eschyle fait <lire à la Pythie: cc Ma prière, parmi les dieux,
ou seize en général chez les Nago. fait une place à part en premier lieu à b première prophétesse, à la Terre». (1 et 2.) Trad.
3. E 11ple z<i ui ( euphém.) : il rapproche sa natte de celle [de la femme]. Mazan, Paris, Soc. d'Édit. c< Les Belles-Lettres>>, 192:;, p. 132.
C'

312 LA GEOi\IA NCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES STADES DE L'INITIATION 3I 3
demeure; leur attention est retenue par le Lgba agbà1111kwê, qu'ils nomment Une bande d'étoffe est prélevée dans le pagne blanc apporté pour la
cuakssà. Au contraire, l'érection du L2gba agbonuxasu constitue un des élé- circonstance par lè Favi, - mais qu'il ne revêt pas, - et sert à attacher
ments les plus importants du fa-Fa'. ensemble les deux assiettes. Elles sont posées sur le dos d'un cabri; des
L'initié doit se procurer une nouvelle série d'objets : deux mains, le Favi les empêche de tomber 1 • S'il a des frères ou des
sœurs, il leur demande un coq et une poule, qu'ils tiendront par les pattes
une jarre ronde, zè; et agiteront de haut en bas, comme un éventail, pendant que le cortège
de l'argile telle qu'on en trouve au marché ;
une pièce de tissu blanc; regagne la maison du devin.
une aiguille ; Pourqü'oi la terre du futur LEgba est-elle ainsi disposée ? toute charge se
un tiilü; porte sur la tête : porter à bout de bras ne se fait pas. Mais on ne peut
des plumes de kEIEb:J et de kmzii ;
porter L$gba sur sa tête sans affirmer par là que l'on est LEgbasi, ou possédé
des perles tutuakpà, akuta, ketu, 111ïnà, aziîü;
deux atlakpo, dont l'un contient des cauris, et l'autre le futur vêtement de LEgba, qui se vêt par LEgba, ce qui serait faux, donc irrespectueux. On considère comme plus
de raphia; correct d'agir comme il.a été dit.
deux agbiinum, petites assiettes servant de couvercles à des jarres ; Le devin verse dans la jarre zê tout le contenu des assiettes. Il prend
un fer de houe ;
trois cabris ; l'argile apportée par l'initié et en pétrit, dans le fer de houe, un Legba en
trois poules. tout point semblable, sauf le nom, au LEgba agbànukiue. Il s'efforce d'obtenir
une ressemblance avec un homme assis qu'il munit de deux mentules, l'une
Une consultation détermine le lieu et les conditions d'édification du en bois, l'autre en fer; celle-ci est destinée à suppléer l'insuffisance de la
LEgba 2. Un point cardinal est désigné à l'initié, qui se met en route avec le première, dont la jeunesse, comme celle de l'homme, passera. Le Bokano
jogbâna, des amis qui ont déjà leur LEgba, et parfois le devin. Ils se dirigent, orne !'effigie de plumes, d'aiguilles (considérées comme << un fer particuliè-
munis de colas, vers la forêt ou la brousse que Fa a désignée. rement méchant »), d'un tà!Ft, d'un collier de seize cauris où sont enfilées
Ils s'arrêtent lorsqu'ils aperçoivent une petite termitière de forme assez peu également des perles. Un adakpo est ajusté au cou du Lgba.
courante, nommée L2gba-ka, et ressemblant à un verre cylindrique renversé. Cette effigie d'argile 1 est déposée Jans la jarre zè, avec le contenu des
Il ne faut pas que des herbes l'entourent. assiettes creuses. Un~' poule lui est immolée, dont le sang l'arrose; le prêtre
A l'aide des colas, le jogbàna demande si c'est bien là le lieu adéquat. Si exige, « pour pouvoir tuer cette poule », trente-cinq centimes et deux
LEgba répondait non, on reprendrait les recherches. On casse la termitière : fois quatre-vingts cauris.
si elle est blanche à l'intérieur, tout va bien. Si elle est rouoe on en Avec de la farine de maïs, du l'èlèluZ et du sel, la poule est accommodée
b '
cherche une autre J. et les assistants la consomment en commun.
La bonne termitière reçoit des colas, du poivre de Guinée, de l'huile de Dix-huit noix de palme sont introdùites dans la jarre, << pour que Lëgba,
palme, de la farine de maïs pétrie dans de l'huile, des haricots et du maïs lui aussi, puisse fouiller le Fa i>.
cuits, de l'eau. Un peu de terre mêlée aux sacrifices offerts est versée dans Trois cabris sont amenés, dont celui qui a porté les assiettes creuses
les deux assiettes, qui sont recouvertes .. maintenues sur son dos par le Favi. Le devin prend trois poules pour exé-
cuter les akabato ou a11agov.ato, les crois sacrifices nago. Ils sont exigés lors de
I. Elle n'implique pas constitution de Légba femelle pour les femmes ou les filles du Favi. tout établissement d'un vodtî.
(Contra, J. BERTHO, art. cit., p. 365). Un trou est creusé à l'endroit où doit s'ériger le L~gba du Favi, à l'exté-
2. L'effigie n'est pas obligatoirement installée à droite du portail. Contra, ]. BERTHO, art. rieur de la maison qu'il habite. Tous les objets composant le kpali y sont
cil., p. 366,
3. Les termitières. Légba-k'.J sont consacrées à L•gba si• leur intérieur est blanc : " Le
mystère réside en ceci : le rouge, symbole de colère, est visible extérieurement, et le blanc, J. Les hauts personnages do: la cour qui avaient le'privilege d'une montlir~ étaient main-
la bonté, est dissimulé à l'intérieur, invisible ». tenus <:n selle par deux serl'iteurs.
. 314 LA GÉOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES STADES DE L'INITIATION

enfouis. Le devin exécute les trois sacrifices, et les enfouit dans le trou : devient blanche, prend des morceaux Je natte (fêdakija), un abiwb (ou
aov.i, abi, Na. a/!ik:J), une calebassè sphérique (gogosigwe), un peu de Ss-/(à, corde de Ss,
Il ajoute de la terre, prélevée à l'endroit du sentier ou une femme a ren- destinée à attacher l'abi, un morceau de panier et du coton égrené (avaleâfü).
versé des récipients contenant du sel et de l'huile de palme. L'aja est disposé dans le panier, sur la natte, dans la calebasse. L'aovi est
Enfin, prenant la jarre ou se trouvent le contenu des assiettes et le petit placé dans le panier, devant l'initié assis face au prêtre. L'abi est déposé sur
LEgba, il la dépose également dans le trou, qui est comblé avec de la terre. un petit carréde natte, à droite de l'aovi. A droite de l'abi, le gogosigwe
Tout le contenu du trou représente Lsgba et donne à sa puissance la symbolise les Na. Avec le coton est formé un anneau que le prêtre dispose
liberté de s'exercer, en bien comme en mal 1 • à la boucn~, c'esc-à-dire à l'orifice, de la calebasse. Les Na étant femmes, le
Sur ce Lsgba extérieur est immolé aussitôt un cabri. Accommodé. avec coton est un attribut de leur sexe. L'eau où a été délayée de la farine de
de la farine de maïs et de l'huile, sous forme d'amiwa, tous le mangen~ sur- maïs est versée dans la calebasse.
ie-champ. Le Favi se lève et, du bout du pied, fait tomber l'abi que le prêtre enroule
Des chants, des danses et une distribution de cadeaux divers closent cette dans sa petite natte et attache avec un peu de sdlii. Il emploie le pied
ÎmJlortante solennité. gauche - côté mf1le - s'il est fils unique, aîné ou puîné d'enfants mâles,
Trois jours après, un autre cabri, dont le devin prélèvera une cuisse est le pied droit s'il est puîné d'une sœur, ou aîné ou puîné de sœurs; s'il est
~ '
sacrifié pour une cérémonie de Naxix<-. puîné d'une sœur et aîné d'un frère, il emploie le pied droit 1 •
On consulte Fa pour apprendre si tout s'est bien passé, « si Lsgba est Les poules ne sont pas immolées matériellement 2 : le prêtre se borne à
bien assis >>. leur arracher quelques plumes, - d'abord des rémiges, ensuite un peu de
L'effet de l'érection d'un Lsgba agbonuxasu est considérable dans la vie duvet, - qu'il pique sur l'aovi et l'obi, et jette dans la calebasse. Il mangera
d'un homme. Désormais, le consultant pense réussir dans la vie, avoir beau- P.lus tard les trois. animaux.
coup de richess'e et beaucoup d'enfants; il est un homme. Il peut même, s'il Le sacrifice .a lieu dans la maison du devin, jamais chez le Favi. Les trois
est au courant des rites l)écessaires, ordonner un nouveau Favi; il devra objets seront exposés près de son portail, devant l'effigie de son Lsgba.
cependant, pour que le résultat soit efficace, connaître les interdits et les Si l'initié en a les moyens, les Nago, et plus rarement les Fon, rendent la
sacrifices propres aux signes, et en tout cas se faire accompagner d'un devin. cérémonie plus in~posa~te en adressant le sacrifice aux puissances du mal,
non plus globalement à trois symboles, mais pour ainsi dire individuelle-
ment. Dans ce cas, au lieu de borner l'alignement à trois objets, - aovi,
Les trois sacrifices des Nago: NAGO-V'.)SA-ATô, ANAGOVATÔ ou AKABATêi.
abi, Na, - on ajoute quarante et un aovib de petit format, le dernier étant
Ces trois sacrifices, dont le nom atteste l'origine yorouba, sont simultanés. le plus grand. Selon ce que Fa demande, le Favi fournit un cabri, un bélier,
Ils ont lieu le lendemain matin de la cérémonie du Faz.1i, chez les Nago des poules, de . l'argent, de la farine· de maïs délayée dans de l'eau, un
comme chez les Fon. melange de maïs et de haricots (aja). Les animaux sont tués et leur sang
L'initié achète une calebasse de la contenance d'un bol, munie d'un cou- verse sur les aovi qui symbolisent les morts, les vivants, la route, la forêt,
vercle. Il se rend chez son devin, qui ôte le couvercle, le met à part, et la brousse, la maison, Lêgba, les voyages, les rivières, les Na, les vodû, etc.,
envoie le jeune homme chercher un petit panier de même grandeur que la
calebasse. r. Les chambres de réception des grands donnent en général par deux baies sur une
Trois poules sont réservées pour ce sacrifice. Le devin mélange des hari- véranda. Les hommes entrent par la baie de gauche et restent accroupis ù droite du maître
de maison; les femmes agissent à l'inverse, sauf les épouses du maître, qui entrent par la
cots et du maïs (aja), délaie de la farine dans de l'eau.qui se trouble et U•lie de gauche et se trouvent ainsi à portée de la main droite de leur mari. Cc protocole
lend à disparaître, _sauf chez les prêtres et dans les sanctuaires.
I. J· i3ERTHo, art. cit., p. 364. - En cas de déménagement, le Ftnoi déterre la jarre enfouie- 2. Chez les Fon, et parfois chez les Nago, on tue une des poul.es sur l'aovi, où l'on dépose

au pied du LE![btl. Il laisse l'effigie et emporte la jarre. la tête de l'animal. Les Fon n'immolent. pas de bélier ou de cabri en cette circonstance.
3r6 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES STAD8S DE L'INITIATION

·causes ou lieux de toute espèce de malheur. Les petites figurines, une fois fnlre face à l'un des points ca!'dinaux? La question a été mainte fois posée
leur but rempli, sont abandonnées dans la forêt. et li y fut toujours répondu par la négative.
Ici s'arrête, pour les Fon, le rite des anagovatiJ. Il est commun aux Fon et Lorsque Gêdsgbe donnait une consultation, il faisait toujours face à l'est,
aux Nago, à part une circonstance de lieu : les Fon opèrent au Fazü, les et la disposition de son hdo était telle qu'il faisait encore face à l'orient
Nago à proximité. lorsqu'il priait devant ses asê. Dans sa chambre de réception, il était étendu
Les Nago font suivre cette opération d'une seconde, qui a lieu dans la face au levant '. Mais il n'a jamais prescrit aux devins sous ses ordres une
forêt de Fa. On prend de l'akassa que l'on introduit dans une calebasse, où orientation quelconque, ni en consultation, ni au Fazü. ·
\

l'on verse le sang d'un poulet; la tête de l'animal est posée sur l'akassa. Le
bouc du Fazû estRimmolé, avant ou après le poulet, et sa tête posée de
Rites d'entrée tt de sortie.
même. On verse de l'huile de palme sur l'akassa, et l'on porte le tout à
LEgba. Cela pour calmer sa colère possible. Les rites d'entrée et de sortie, qui gardent toujours un caractère assez
vague, diffèrent selon qu'il s'agit des vodû et des Kututo, ou de Fa.
Abi désigne toutes les causes intérieures de colère. Aovi est le malheur. En .ce .qui .concerne les premiers, la veille de la cérémonie : mi no do nhâ
Pour préparer un abib, un symbole d'abi en terre, on prend un peu de xo (ou mi na so ahà do xnnE ), nous allons mettre de l'alcool dans la chambre
terre de barre mêlée d'eau, dont on pétrit le volume d'une orange; on lui (ou dans la maison) de notre vodû ou de notre Kututo. On cherche de l'al-
donne la forme figurée ci-après, et l'on y imprime, avec le bout du doigt, cool et des feuilles - sept, quarante et une, ou le chiffre préféré de la divi-
les trois empreintes de la face, avec l'ongie, la strie de la partie supérieure, nité. Le soir, on lave les symboles de celle-ci, puis on appelle les « femmes
que l'on nomme bouche. Pour préparer un aovib, même technique, mais du vodü )) qui habitent dans le voisinage, dans le quartier si l'agglomération
la forme est cubique : quatre marques de bouts de doigt en carré sur la en comporte, sinon dans les villages voisins. On fait alors ahâ·do-xo pour
face extérieure, deux sur la face supérieure, encadrées de deux stries. La les K ututo, mi na do lo zà (ou zà-dro-dro) pour les vodû : on veille 2 • On entre
face supérieure est censée représenter un visage, dont la strie inférieure est dans la case avec quelques vodti..ri, «épouses du vodû ».Des prières sont dites,
la bouche. des vœux formulés,, ~'alcool est répandu sur l'effigie du vodü, et trois
gouttes doivent ensuite tomber à terre. On donne à ceux qui sont restés
d.ehors de l'alcool à boire et de quoi manger; puis on frappe le tam-tam
jusqu'à minuit et l'on danse les danses du vodfi.
Le lendemain le sacrifice a lieu, et les vodtî. viennent, sur l'appel qui leur

OO a été fait, danser avec les humain~, c'est-à-dire les posséder.


Une fois le sacrifice et la cérémonie ·proprement dite accomplis, les vodu

OO restent présents. On procède alors à la cérémonie de sortie : egbe mi na do hu


xo, nous allons rentrer le tambour dans sa chambre. On réunit de l'ar-
gent, de la nourriture, de l'alcool, des pagnes. On chante en l'honneur de
FIG. )2. - Aovi/1,J (g) et abikJ (d). tous les vod1i dont celui qui fait la cérémonie a chez lui les symboles; par
exemple Dà, Nernxwe, Sakpata, Xevioso, etc.; pour chaque vodü, il faut con-

1. En ce qui concerne les Yorouba, cf. L. FROBENIUS, op. cit., Bd. I, chap. xm, p. 282:
Orientation. « Der Priester, der das Orakel li est, wendet sich stets mit dem Gesicht nach Osten und legt
das Brett immer in derselben Weise vor .sich auf dem Boden ».
Y a-t-il, au cours de la cérémonie au bois sacré, en un moment quel- 2. Dans mi·ttn-do-lo·zti, zri signifie nuit : nous allons passer Ja veillée dans l'enclos du

conque de son développement, une nécessité, pour l'un des participants, de i•odù.
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES STADES DE L'INITIATION

naître au moins sept chants spéciaux et les chanter. Celui qui fait la cérémo-

l
nie danse, seul, comme une divinité, accompagné par le tambour. Chaque Le KP'JLI.
vodù a un tam-tam spéc;ial. Enfin, on donne l'argent aux tambourinaires, on
leur distribue les pagnes, l'alcool, la nourriture. Et les vodtl qui ont visité la Le mot kpali se compose de deux mots yorouba : akpa oli, « le se qui a créé
maison 's'en retournent. 1 la tête ». Kpali désigne à la fois, de façon abstraite, le signe de la forêt ou
l'âme, et, de façon concrète, le sachet cousu remis au Favi dans la forêt
sacrée.
En ce qui concerne Fa, la veille de la cérémonie: mina do Fazâms, nous On lit chei-~ertains auteurs les mots : opori, ipori, ipin, ipinn '· On entend
allons accomplir la cérémonie du collier pour Fa. La veille au soir, tous les
devins que connaît le Favi sont invités. On leur donne des colas, de 1'a1-
t dire, au Dahomey : ikpali, ou il~pari, mais le mot courant est l~pali, << le se
qui a donné à chacun sa tête». Illpi est aussi un équivalent du se, du k~ii.
cool, de jeunes palmes (az.à ou dezâwo) quel' on prépare en forme de colliers. Aucun de ces mots n'est synonyme de Gbaadn, d'Odn, mais il est possible
Chaque devin met un zâwo autour de son cou, puis le retire et le donne au que, dans certaines prières, le mot l~pali, employé euphémiquement, permette
propriétaire du Fa; les colliers sont finalement placés autour de la jarre con-
tenant le Fa auquel s'adresse la cérémonie. Ces préliminaires ont pour but
1 de tromper l'auditeur et évite la prononciation d'un nom trop dangereux.
L'expression «avoir son kpali » signifie avOir été dans la forêt de Fa. Pour-
d'écarter les mauvaises influences. L'assistance chante en chœur. tant, on l'a vu, la confection du kpali n'est qu'une des conséquences de ce
Le lendemain i11atin, on va chercher des feuilles liturgiques, on les met 1 court voyage, et l'un des deux souvenirs qu'en rapporte l'initié. Mais les
dans une jarre, on lave le Fa, on lui offre un repas, ce qui constitue la céré-
monie proprement dite.
Puis on fait agbasa : mi na !.·à agbàsa (ada !fa la ni Y), ce qui dure trois
'
1 fidèles voient en lui l'essentiel de la cérémonie du Faz.1î, réellement et mys-
tiquement. Il est devenu, tout naturellement, une sorte de divinité.
Kpali, entend-on dire, est la femme de Fa : Fa-si. Mais Fa-si peut signi-
jours chez les Nago. Devant la tête, la queue et le cœur du cabri immolé, fier: appartenance de Fa. Un devin de Porto-Novo précise: hpali est asi-Fa-
en présence des devins, Fa est consulté ; il dit s'il a accepté le sacrifice et 1 tà, l'épouse de Fa. Il semble pourtant que ce réalisme ne convienne pas au
s'il est animé de bonnes intentions envers la maisonnée. De plus, on apporte i
~ sujet. On dit Fa-si c<?rpme on dit vodti-si, et -si a alors le sens de: consacré
trois ignames liées ensemble, comme on fait chaque fois qu'un cabri va être à, comme dans l'expression Fa-si-Ide, le Ids consacré à Fa. L'expression
sacrifié; les tubercules sont pilés, on en préparr; un agu, que les devins et cc épouse de Fa» doit être rapprochée d'autres images : 1'agiï111aga est le
celui qui fait la cérémonie mangent. La queue, le cœur, la tête du cabri sont « récadère de Fa», le Fat;. est le « lit où il s'allonge», le lojle est son
préparés et mangés par les mêmes personnes. Telle est la cérémonie de clô- cc bâton», sa cc canne», le fokpo est la «canne» de Gbaadu . .. Le Favi rap-
ture: elle a lieu dans le Fagbasa du Bokanô. porte deux objets de la forêt : les noix consacrées et le kpé!li. L'objet usuel
est le sac contenant les noix; l'objet secret, cousu, est le kpali. Comment ne
La durée de l'interdit sexuel pour ceux qui vont chercher leur Fa de la pas leur attribuer un sexe? Les noix sont l'élément mâle, le kjdi l'élément
forêt est de trois jours,. à compter de l'entrée du Favi chez le devin. C'est femelle. Il y a là une recherche compréhensible du complet, du normal,
cdle que respecte tout homme qui entreprend un acte de quelque impor- car cc tout ce qui vit a été créé par couple»; Quant au degré de créance
tance. L'acte sexuel est préjudiciable à la chance, à la disposition heureuse de
1 • Th. MouLERO, Étudiant en Théologie. Le catéchisme e;i;plique : Les Anges, in La Rec.
toute chose : quand on a touché une femme, la chance s'en va. (Les femmes
Afric., 1·ev. cil., 1rc ann., no 8, 15 déc. 1925, p. 7 : «Les esprits les plus connus sont les
ont été créées pour faire des enfants, et non pour débaucher les hommes, mauvais, sous les noms de: 10 Anjanu ... 20 lwin ... 30 Oro ... 4° Opori est le génie
nous dit un jour Gedegbe). bon auquel appartient un homme consacré à !fa. 5° Ipori ou Ipin (Ipinn) signifie un bon
L'interdit porte sur le jour de l'entrée chez le devin, sur le jour où l'on génie, un esprit qui a présidé à notre création, à notre naissance et qui nous a faits tels que
nous sommes. Les différences entre ces derniers et le précédent semble venir' de cc que
vâ chercher Fa, et peut être levé le lendemain de la nuit du Faz1î. C'est à l'Opori a un nom précis: (Odu), tandis que les deux mots Ipori et Ipin ne désignent l'esprit
cause de Gbaadu que cette prohibition s'impose, en ce qui concerne Fa. bon que d'une manière tout à fait vague ».
320 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES STADES DE L'INITIATION 321
accor<lé à ce> symboles, les p.1rolt.:s suivantes en Jonneront la mesure : Il est rare de trouver un hp:J!i aussi complet. La terre du signe en cons-
«Je viens te voir. Seuls, nous ne pouvons rien nous dire : \'interprète est \ _l~- titue l'essentiel.
notre femme. De même le kp:Jli renseigne le Fa. C'est le kp:J!i qui se pro- _
mène, qui suit nos femmes hors <le nos maisons pour rapporter au Fa cc Que se passe-t-il si deux personnes d'âges différents trouvent dans la forêt
qu'elles ont été faire. Il <lonne des yeux au Fa de la forêt, et Fa s'adresse le même du? Tous ceux, répond-on, qui trouvent dans la forêt le même
à lui pour obtenir œ qu'il désire. Et le kp:J!i commande, comme font les ~lgne de Fa, fût-ce en des temps différents, « éprouveront dans la vie les
femmes des Blancs! Le Fa de la forêt, livré à lui-même, manque de force j mêmes chçi,~es, et seront comme des frères >>. Cependant, tel signe qui avan-
je crois même qu'il peut se tromper. D'où la présence <lu kp:Jli, qui est infail- tnge un homme de teint noir, peut nuire à un homme de teint rouge: les
lible. K,b:Jli et Fa sont deux alliés inséparables, 4ne rien ne peut _hmuiJJer~ algnes en Ydm_, par exemple_, sont « moins bons pour les rou_ges gue _pour
Jamais, par sorcellerie, on n'empêchera le l{p:J!i de converser avt>c le Fa de la les noirs».
forêt; ils sont indépendants vis-à-vis de tout, sauf d'eux-mêmes ». On peuf Réciproquement, si plusieurs personnes sont nées au même moment,
dire que le kp:Jli est l'âme extérieure et le Fa son messager. n'auront-elles pas le même signe de la forêt? Gsdsgbe répond à cette ques-
Dans la maison du Favi, le 11:p:.ili repose sur le Fa. L'initié qui donne à tion : « les personnes de même sexe ou de sexes différents, nées au même
manger <l son Fa et ·à son kp:J!i peut consommer les nourritures présentées à Instant en des lieux différents, ont - sauf les jumeaux - le même kp:Jli,
son Fa, mais ce qu'il offre au kp:J!i reviendra à sa femme ou, s'il n'est pas parce que Mawu les a créées en même temps; un vrai Bob11ô leur trouvera le
marié, à Legba 1 • même Fa, composé du même nombre d'indices (a!:Jvi, doigt) groupés de la
La composition du kp:Jli varie avec les devins. Selon Gsdegbe, la compo- même façon.». Nous n'avons rien pu recueillir de plus précis quant à ce
sition du sachet doit être la suivante: déterminisme, probablement d'origine astrale.
de la terre où le signe de l'initié a été inscrit. Un peu de cette terre est
éparpillée sur les sacrifices; c'est en elle que réside le symbole du H, comtpe Effets de la remise du Fa.
disent les Fon. Il est des Nago qui en mêlent une pincée à de l'akassa et à
de l'eau, et avalent le tout; Pour tous les initi.~s, la cérémonie du Faziï constitue uùe épreuve, ne
certaines feuilles de Fa, celles du signe trouvé et d'autres : -tevigami et f(\t-ce que par le ?acrifice pécuniaire considérable qu'elle implique. Par ail-
weena; leurs, chacun sait que Fa dit la vérité, qu'il est sage et bon. Dans ces con-
un peu de sable - ou de terre - du fond de l'eau, à cause de sa fraî- ditions, on se perstrnde volontiers que l'épreuve appelle une compensation,
cheur; qu'elle donne des droits. D'où la croyance commune, qu'expriment même
de la craie blanche, pour que la vie de l'initié soit toujours blanche, des devins: grâce au Fa de la forêt, on peut devenir riche, se marier avan-
c'est-à-dire heureuse et pure; tageusement, avoir des enfants, occuper une bonne situation, échapper aux
un peu de Dâmi, excrément du «serpent Arc-en-Ciel l), symbole de pros- maladies, etc .. Cette crédulité religieuse est soigneusement entretenue et
périté; exploitée par les prêtres peu instruits ou peu scrupuleux.
du bois mystérieux de gila ; «Celui qui entre dans la forêt, dit Gedegbe, entend ce que sera sa vie,
à l'extérieur du sachet, on coud de petits cauris et des perles lâkà, nâtiâ, quand elle s'achèvera, les événements qui la marqueront, bons ou mauvais.
az.â1î, ketu, t11tmkpo. Il retiendra certaines recettes, certains sacrifices, s'il en est qui peuvent
détourner le malheur qui le menace. Celui qui revient du Faz.ü est réelle-
ment un homme: il a atteint qne sorte de majorité ». La révélation qu'il a
1. Le domaine des superstitions populaires concernant le rôle domestique du kp1li est
entendue, ajouterons-nous, détermine chez lui, en même temps qu'une
riche et varié. Un exemple : si une femme dont le mari a un kp1li retrousse son pagne pour
satisfaire un besoin naturel, et si quelqu'un aperçoit sa nudité, .elle s'écriera : asu ce Fa Wë prise de conscience de sa personnalité, un jeu complexe d'auto-suggestions
1u1 lm 11•e ! (mari-mien-Fa-lui-(fut.)-tuer-toi) le Fa de 111011 mari te tuera! qui guideront une partie de son existence.
LA GÊOMANC\E A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES Ll~S STADES DE L'INIT!ATlON

Les charlatans professent qu'il est bon de faire le bilence sur les héne- Il est impossible <le substituer un signe-kp:i/i à un autre. Le du découvert
ments malheureux prédits par le signe de la forèt: difficulté à trouver une 1
, dans la forêt sacrée est acquis une fois pour toutes. Il serait aussi \'ain d'en
femme, déboires avec les enfants, menace de procès, existence misérable, vouloir changer que de prétendre réformer entièrl'ment le moi le plus pro-
etc .. La ct'oyance qu'une annonce de mauvais présages est elle-même de fond, dont il exprime les possibilités' et dont il e.'>t la cause et l'émanation.
fâcheux augure, la crainte de perdre quelques clients, et surtout celle de ne Le Favi n'a de recours que s'il s'est trompé sur la qualité de son initia-
pouv..iir monnayer :1 leur gré la satisfaction des Favi, les l'etiennent d'exposer teur. S'ils' aperçoit en cours de cérémonie qu'i 1 a affaire à 'un charlatan, il doit
les prévisions trop fâcheuses. D'autres dosent habilement les prédictions 1 rester imperturbable jusqu'à la fin de la séance. Ensuite, il pourra en appe-
heureuses et une partie des mauvaises; ils terminent leur interprétation par
l'indication -de a.acrifü:es~ fafre pour éviter un ou plusieurs malheurs fowrs,
1 ler à un autre devin.
l'inter:pré.tarion du nremier i uge sera alors l'obi et d'une révision qui n'en
• I U 1 a.

qu'ils évitent de définir. laissera peut-être pas subsister grand'chose. Mais elle portera sur le même
Mais, dit Gid~gbe, cc un vrai devin annonce tout ce qu'il voit, même la signe, car un Fa reçu dans la forêt est inaliénable : cc ce n'est pas le prêtre qui
mort du Favi. Ce dernier doit savoir à quoi s'en tenir ; s'il est un homme, l'a conçu : il ne saurait être tenu pour responsable de son app:irition ». Le
il pourra tout entendre, Il importe ile ne pas faire~ <l'une -Cérémonie _aussi 1
{
·rôle du second devin consistera à donner sa propre interprétation d'un
importante, une parodie. >i r signe trouvé en son absence et, si ce signe est mauvais, à indiquer les sacri-
!
Fa annonce parfois ce que deviendra la maisonnée de quelqu'un après sa i fices capables d'en atténuer les effets.
mort. C'est ainsi que le Bokanô de Ghh lui annonça au Faz.it que son ti Le Favi peut d'aillenrs montrer son signe à toute personne en qui il a con-
roy11.ume prospérerait de son vivant, rnais irait à son déclin une fois le roi fümce, et recevoir d'elle les explications nécessaires. Ainsi s'établit une sorte
décédé : cc la maison ronde, dit-il, n'a pas de dos 1 ». « L'arrière~corps de la de contrôle.
maison», c'est ce qui doit se passer après la mort du maître; la maison de Que les développements dus à l'initié fossent ou non l'objet d'un recours
Gide, ses biens, et jusqu'à ses actesi tout cel?l sera comme annulé par sa ;\un devin mieux informé, il n'en reste pas moins que le signe découvert
mort. La prophétie était exacte. Nombreux sont les Fa qui prédisent ainsi dans la forêt suit le Favi jusqu'à sa mort.
une mort quasi-totale, et qu'un nom s'effacera du monde. ''.r
L'accomplisseii?ent de la cérémonie du Faz1i crée un lien entre maître et
On peut, nous l'avons vu, annuler le signe trouvé au cours d'une con- initié.
sultation et en chercher un second lorsque le premier est par trop mauvais. Le prêtre initiateur est désormais cc comme le père >> de l'initié. Ceux
Mais il n'est pas question de changer le signe relatif à la consultation pour qu'il a conduits dans la forêt de Fa sont, logiquement, comme frères et
l'enfant irz utero (adagoja) i ni le Fagbasa, que l'on considère à l'égal du sœurs, et se doivent il l'occasion assistance. Entre le Bobnô et ses Favi s'éta-
kpali. Les Fa-kwl-we ne sont pas caractérisés par un signe spécial. On peut blissent des rapports de père à enfants: Les Favi iront périodiquement saluer
obtenir le changement du fa amasînu ou Fasisè, mais non des signes de kalo leur dcvi n ( Bobnô-ce, mon Bob nô, Bobnô-111itô, notre BokaniJ) et lui feront
et de Fatite 2 • des cadeaux proportionnés à leurs ressources. Le dicton suivant évoque plai·
samrnent ces rapports : n do Favi' gege a, bo na, 111ô mî e 11a due a, je n'ai pas
I. Amlï-xa-nô-do-gudo-a : rond-maison-(habit.)-avoir-derrièr~-(nég.). X'.l designe içi une
beaucoup de Favi qui m'apportent de quoi manger. C'est là une sentence
maison d'espèce particulière : la dernière demeure. Eu clair : après ta mort, le pays sera
«cassé »,
2. li n'en est pas de même à Madagascar, sernble-t-il. Cf. SouRY·Ll· VERGNE t!t DE LA munissant au préalable d'une certaine assistance surnaturelle, ils d1;:vieo11en.t à ml:me d'~pu­
DEVÈZE, art. cit., pp. 850-851: «, .. en certains cas et avec certains ritt!S.,, ks profession- rer la destinée qui est déjà sur uq enfant, de rendre inoffensive celle qui tombe sur une
nc1s peuvent la modifier [la destinéeJ. Si elle est trop dure et trop violente, il y a des procé- entreprise ... Et ainsi, pourvu que l'on sache faire, la libené humaine prend sn revanclw, et
dés et dés recettes qui parviennent ù la corriger. Les astrologues, sans doute, ne semblent artificiellement, ·en partie reprend ses droits. Lù comme panout; il y a des « accommode-
pas ~voir le pouvoir d'imposer à quelqu'un une destinée à la pla-:e d'une autre, car la desti· ments avec le ciel '" - Chez les ;.,1alg:1ches, comme chez les Fon et les Yorouba, Dieu est
née ne peut venir jamais que du monde supr<1-terrestre et finalement de Dieu, Mais, en.se cc l'auteur premier des destinêes >>. (lb . . )
lllstitul d'Eth11ologie. - Bernard MA11e>o1L, 2I
324 LA GEO.\!ANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES STADES DE i..'INJTIATION

fort courante, mais qu'il serait incorrect de citt.:r à un aîné, car elle revient de rendre un culte s.pécial à son tune extérieure : « tout ce dont mon Fa
à dire : je n'ai pas ta chance ! profite et souffre, j'en profite et j'en souffre moi-même».
Si le Favi se marie, le devin peut lui faire un cadeau, et donner de l'ar-·· Tout être, avant de se rendre dans le bois de Fa, possède en lui un ye,
gent, des volailles, des pagnes à la jeune femme, devenue comme sa bru. une âme invisible ; mais il n'en saisit pas le sens, « il ne le comprend pas
S'il veut divorcer, son devin peut lui prescrire de garder ou de reprendre sn encore, » dit Gsdsgbe avant de citer ce proverbe : mE de na ba gbs do h1ï yi
femme, etc .. Fa gil. Fa ws fti )'<- dol.·pv e silm d:J S s 1111gbo e, quiconque 'cherche le secret de
D'une façon générale, le devin a un droit de critique sur l'existence de ses sa vie, qu'jJ aille à Fa. Il se nomme Fa, le seul principe (ys) qui puisse
Favi. révéler la vérité du [grandi Ss [=de Mawu] '.
Les effets de cette accession à une qualité supérieure d'humanité ne se
Tout Favi possède chez 1ui un ensemble <le symboles dont la présence, et
manifestent que trois ans après l'entrée dans le Faz.ù, lorsque le Favi est
le culte qu'ils exigent, lui rappellent ses devoirs. li ne s'agit pas seulement
admis, selon le rite nago, à tner le premier cabri à son Fa, à posséder un
du Fa individuel et du kp:Jli, symbolisant son âme extérieure, ou du LEgba
asè aci-elele, à édifier un Lsgba do b 2 •
agbànukwè, ramenés du bois sacré.
Trois ans après son initiation, le Favi accomplit une cérémonie en l'hon-
Tous ceux quî vont «voir leur Fa» ùoîvent se procurer un z._1îsf., un asè de
neur de son fa individuel, de son âme extérieure: e lm Fa-gba nulai-tà, il
la forêt. Cet asè spécial est planté dans le bois sacré (z1îm~), puis ramené
tue le premier cabri de Fa ; en yorouba: e kpa na du. Cette festivité porte
chez le nouvel initié et planté dans la chambre où repose son Fa, derrière les
le nom de na-du chez les Nago ou les Fon versés dans la connaissance de
divers objets du Fa, ou encore dans celle ou il lui donne ;\ manger, s'il con-
Fa.
sacre à cet usage un lieu spécial.
Le Favi achète un asè acrelele et le remet a son devin, qui le consacre, le
S'agit-il d'un futur devin? Le .~1îs(; ne se trouve pas au Fagbaji, car le Fa
plante dans la cour du Favi et lui offre un sacrifice. Dans la suite, il pourra
n'y doit pas demeurer. Ce local n'étant pas fermé, il est prudent de ne pas
le déterrer pour le planter dans le hdv du Fa.-vi, ou le laisser à sa place et
risquer un acte malveillant.
lui en faire acheter un pour le lscio. Nul ne doit posséder semblable asè s'il
n'a cc tué son pre,rh,ier cabri )) .
Le fait de l'initiation dans le Fazù ouvre à l'initié, sorte de frère-lai, la
J~1squ'à la cérémonie du Faz.1ï., l'initié ne possédait qu'un petit Lsgha en
possibilité de devenir Bvk:mà lui-même, sans initiation nouvelle, lorsqu'il
terre de barre, couvert d'une jarre retournée. Trois ans après la remise de
aura accompli les études nécessaires. Si cette condition était remplie avant
son Fa, il doit édifier son Lgba individuel. A cet effet, il creuse un trou
la remise du Fa, il sera considéré comme devin aussitôt après la cérémonie.
et y fait entrer cc tout ce qui est Lsgba )) : des cauris, seize noix de Fa, des
Pourtant, il n'est pas encore investi de tous les pouvoirs des prêtres de Fa :
feuilles :Jdàdo, :Jfats, gbogbonce, desresigr;, al{übmii, des cailloux ordinaires, un
il ne pourra cc sacrifier le premier cabri » pour un initié qu'après l'immola-
poisson nommé hwehuhwe, un rongeur glèz.ï, un rongeur gbeja, de la
tion du sien, trois ans après son entrée au rl.1z.1ï.
viande fumée (lâxuxn), de l'huile de palme, un pagne en raphia (a1fokpo),
En effet, la cérémonie du Faz.ü et l'accomplissement des cérémonies con-
des colas blanches ou rouges, de l' ata!Ji, un couteau de Lsgba (Lsgbajivi),
séquentes confèrent à l'individu la plénitude de sa personnalité '. L'homme
que l'on achète au marché, un asè godo/(ponii.
vient au monde avec un destin que le grand Fa lui permet, en le dévoilant,
Après enfouissement de ces divers objets, on édifie sur le tout un Lsgba.
d'améliorer; Fa lui révèle ses interdit~, les aliments qu'il ne doit pas manger,
Un petit apatam, (toit supporté par quatre poteaux,) a l'échelle de la st~­
les boissons qu'il ne doit pas boire, les femmes qu'il ne doit pas fréyuenter,
tuette, la protège contre les intempéries. Il est interdit d'offrir à cette effigie
les objet~ dont il ne doit pas s'entourer, les vêtements et les couleurs qu'il
ne doit pas porter, les actes qu'il ne doit pas commettre ... Fa lui prescrit r. Camp. proverbe malgache : " Ny vintan'ny andro nahatemh,wa dia 110 vintan'ny olona :
La destinée du jour de la naissance, c'est la destinée des gens.» (SOURY-LAVERGNE et DE LA
DEVÈZE, art. cil., p. 818.)
1. A. LE HÉRISSÉ, op._cit., chap. IX, p. 239. 2. L•,r;ha-do-ka (LEr;/111-faire-terre), édifier un rgrnnd] L,g/111 de terre.
LES STADES DE L'INITIATION 327
p-6 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES
reconstitution d\rn kpali, deux cabris, quatre poulets, une pièce de tissu
de l'alcool, de la poudre à fusil, du bois adisl, - dont on prend la cendre
pour prép.uer l'indigo, - du coco ou huile noire de palmistes, du chien.
blanc, du poisson etde la viande fumés, des perles làl?â, nânii, azât7., des
cauris fins, de l'argent, et des spécimens de t~utes les feuilles de Fa.
La cérémonie est la même s'il s'agit d'élever un Lsgba pour une femme 1 Les noix constituant le Fa de quelqu'un ne peuvent s'échanger contre celles
qui a obtenu son lepali. J d'autrui : on ne peut remplacer un Fa que par un groupe de noix qui n'ont
Le Lsgba antérieur cesse alors d'avoir toute importance, et peut être
servi à personne.
détruit, « cassé ».
Il serait, dangereux de ne pas pourvoir sans délai au remplacement de ces
Ce n'est qu'après le sacrifice Ju premier cabri que chaque année, - s'il est
objets.
pauvre, tous les trois ans au moins, - le Favi procédera chez lui aux Famt-
wiwa. 1 Destructio11 àu Fa.
Ce délai d~ trois ans, admettent certains informateu_rs, semble correspondre
à une période de moindre résistance consécutive à la cérémonie du Faz.ii ; La supériorité de Gbaadu sur Fa est encore attestée par l'usage suivant, que
au cours de ce laps <Je temps, ajoutent-ils, Fa pourra « déranger >> considé- nous décrivit G=.d;g/Je à Abomey, et qui tombe en désuétude.
rablement l'initié. Ce n'est qu'à l'expiration <le ce.délai que le Favi peut Lorsqu'un \"Ïsiteur possédant un Fa se présente dans une m.aison où l'on
espérer trouver dans sa vie ce que Fa lui a annoncé. offre un sacrifice en l'honneur d'Ot!n (Gbaadu), il est obligé de partager le
Godigbe va plus loin en affirmant que la mise ù mort du cabri marque repas en commun. Si, au moment de porter un mets;\ sa bouche, il s·'avise
seule la fin des cérémonit's du Paz.li dont elle est le couronnement. Pour- que ce mets constitue un des interdits de son du, il le fait, comme bien on
quoi cette longue attente ? On laisse au Favi le temps de se remettre de pense, remarquer : je ne mange pas de ceci: c'est un interdit de mon Fa. -
son appauvrissement, s'il a fait les frais de tous les sacrifices, ou d'accomplir Mais aussitôt l'ofliciant lui dit : va immédiatement chercher ton Fa et
ceux-ci peu à peu, s'il n'est pas fortuné. On dit volontiers aux gens que s'ils apporte-le ici.
n'attendaient pas trois ans, ils n'auraient pas d'enfants : la réalité est autre. Le visiteur court chez lui, revient avec le Fa demandé. L'officiant le prend,
On ne devient p.1s un (< ancien n en un seul jour; celui mê11v~ qui a les réduit en poussière la partie comestible, la met surie feu dans sa marmite',
moyens de faire aussitôt les frais d'u 11e cérémonie si coùteuse devra subir avec les condimet'lts et la viande, et la tend à son possesseur: tu vas manger
une autre probation : celle du rernps. ceci, dit-il, et rien ne t'arrivera. Odu est plus fort que ton Fa.
Et tous peuvent consommer le Fa ainsi écrasé et cuit. Car les noix ne sont
rien : seul compte l'acz, le ys, qui leur prêta son pouvoir spirituel. Le visi-
Perle' c/11 Fa. 011 d11 KP'.):..!. teur n'aura plus de Fa. Quand il voudra consulter, il lui faudra retourner
chez Gbaadu pour en obtenir un autre. Mais il gardera toujours le même du,
Il est exceptionnel qu'un Fa ou qu'un kpali s.oient dérobés à un ~Favi, qui est inaliénable, et ne retournera pas au Fazrt chercher un deuxit•tne Fa,
mais il peut se faire qu'ils disparaissent, dans un incendie ou pour telle autre car nul ne va deux fois dans le bois sacré.
cause également rare.
Dans ce cas, le Favi met aussitôt son ancien Boka1tci au courant de la perte
qu'il a subie, et celui-ci sollicitera de Gbaadn la permission de rcrnplacer le Mort du FA v1.
Fa et le kpJli '. Encore faut-il que le devin consulté\.~ossède chez lui un
Quelques informateurs portonoviens prétendent que l'on peut enterrer le
Gbaadn; sinon il s'adresse à un collègue qui satisfait àfcette condition 2, ou
Fa d'un initié du vivant de celui-ci. Si un devin s'aperçoit, par exemple,
se contente d'une simple consultation. On demand~) en général, pour la
que le Favi va au-devant d'une maladie mortelle, il peut lui dire : ton Fa
t. Il est admis que Fa n'indique p<1S le 110111 des ''oleurs: il se borne it pre~crirt• les sacri- r. On sait que Fa redoute particulièrement la cuisson et la brùlurc. Par ailleurs, il refuse
fices à faire pour retrouver les objets voles.
le _piment.
2. Supra, chap. Ill, p. 89.
328 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES
LES STADES DE L'INITIATION 329
annonce que bientôt il sera le Fa d'un mort; je vais donc te le remplacer'. Une fois décédée la personne dont le du a donné un enfant, son Fa et son
Cette procédure est sévèrement critiquée par d'autres devins, notamment ( /.•p:ili resteront dans sa famille, et ses héritiers le vénéreront. C'est ainsi que
par Gsd<.gbe. les Fa des rois d' Abomey qui c< eurent des enfants » étaient précieusement
Lorsque meurt un Favi, le chef des fossoyeurs, Jef'clokpsgà, procède à une gardés par Gsdsgbe.
cérémonie de désacralisation dés symboles de son Fa. Il les nourrit de leurs Le Fa individuel peut encore être conservé après la mort du possesseur,
interdits les plus impératifs: le piment (ataki) et le condiment afitl, mon~ si celui-ci a vécu longtemps et laisse des enfants. Tous les Fa de Favi morts
trant ainsi qu'ils ont cessé de remplir leur fonction d'information dans cc jeunes ou. sans postérité sont cc tués » et jetés.
foyer, et qu'ils peuvent suivre leur propriétaire dans l'au-delà. On cc tue le
Fa et le kp"li )). . Le Fa des femmes.
Ces rites s'accompagnent de la destruction des assiettes et du Lsgba du Fa,
Du fait de son impureté et de ses affinités avec la sorcellerie, la femme
et du L.gba du mort. Quelques devins « traîne-besace » se livrent à cetté
participe beaucoup moins que l'homme au culte de Fa. Il ne s'agit pas là, à
opération par esprit <le lucre.
proprement parler, d'une exclusion formelle, - comme c'est le cas pour les
La coutume des familles nago d'Abomey est de disposer le Fa et le kp"li
cultes de Gbaadn, d'Olo et des Kut11t:J, -pm exemple, - mai.s d'un usage,
dans une assiette ou de les attacher à la ceinture du défunt, et de les enfouit
admis d'ailleurs par toutes les femmes : leur place n'est pas dans la société
ensemble, sans autre cérémonie. Les Fon commencent par enterrer le mort.
des Bobnà ni dans l'intimité de Fa 1 •
Un cc lettre » d'Ouid.ah nous a donné les détails suivants : cc avant da pré-
Cependant, certaines femmes participent en quelque mesure aux cerc-
senter ses interdits au Fa du mort, il convient de lui demander, dès le jour
monies de Fa, les unes à titre d'assistantes de leur mari, d'autres en leur
du décès, s'il désire gar.der encore la maison, ou s'il préfère suivre son pro-
nom propre.
priétaire défunt. Selon la réponse, on le laisse intact ou on lui offre les
Telle est l'akpstsbi, ou yawoifa, « l'épouse préférée » d'un de\'Ïn ou d'un
condiments défendus. Le Fa qui resta toute une vie dans la demeure de son
Favi (en réalité la plus redoutée), chargée de, laver le Fa (l'âme) de son
maître est comme une llÏ\Ünité, un :;ouvenir impérissable du mort. Il con-
mari, de tenir la corde du cabri immolé à ce Fa, d'extraire de l'huile et du
stitue un lien permanent entre celui-ci et la famille survivante : l'âme du
sang les noix de" son mari, d'agiter le sang et l'huile pour Fa, etc .. 2.
mort veille sur les vivants. >> Ces propos sont démentis par les devins les
L' akpstsbi.., pourtant, ne suit pas son mari dans le bois sacré; elle reste
plus importants d'Abomey.
à l'écart,. à moins qu'elle n'ait elle-même son kp"li, ce qui serait bien extra-
Le plus souvent, le Fa désacralisé d'un mort est jeté n'importe 011, livré
ordinaire. Si son époux a trouvé dans la forêt sacrée un signe de bon augure,
aux intempéries et aux insectes. Il arrive cependant qu'il soit transmis en
elle accompagnera le cortège sur la voie du retour, en chantant avec lui :
héritage; tel est le cas des Fa «qui ont fait des enfants ' n, c'est-à-dire des
e ni5 ntt we Zoo, a yi z.ü-ms, fo tu ni5 nu we : wa du alepalepe ! E fià nu we loo,
Fa cc qui sont devenus les j"t" » de quelqu'un.
a yi z.1î, fo z.ù iiô 1 • Ce qui signifie : cela t'a réussi, de venir dans la forêt, la
Un exemple : un couple stérile consulte Fa, qui prescrit une cérémonie forêt te fut de bon augure : viens danser la danse akpaleps ! Cela t'a réussi!
à adresser au signe du père, o;i de l'oncle, ou du Bobizcl du consultant. La
Tu es allé dans la forêt, et elle te fut propice 4.
cérémonie une fois faite, et les prières destinées à obtenir une descendance
1. Il est à peine besoin de dire que les femmes enceintes et celles qui ont leurs reglcs ne
prononcées, l'enfant qui naîtra au postulant sera consacré au du qu'il a prié,
doivent pas s'approcher de Fa. Cette interdiction d'approcher émane aussi des vod1i et des
ce qui ne l'empêchera pas d'avoir comme les autres un j"t"-ancêtre, désigné
amulettes.
par une consultation et dont il portera le nom 2 ; Fa a seulement permis au 2. Supra, chap. v, p. 167.
j:it", grâce à la cérémonie, de venir animer cet enfant. 3. Akpal1p€ : pour Fakp€, licence verbale pour raison d'euphonie. (Awadal.pakf>€, -
akpakp• dans les chants, - signifie papillon.) Fakp• dt!signe la danse de Fa scandée par les
.I. Fa-e-jo-vi-e : Fa-il-enfanter-enfant-lui. mains frappant les poitrines. (Supra, chap. 1, p. 28.)
2. Chez les Fon, la recherche des joto se fait en génl!rnl de trois ,\ sept mois après la 4. Litt. : il-bon-pour-toi-beaucoup~tu-aller-forêt-dans, et-forêt-bonne-pour-toi-venir-dan-
naissance. Infra, chap. IX, p. 383 .. ser'-akpakp•. Il-bon-pour-toi-beaucoup-tu-aller-forêt-et-forêt-bonne.
330 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES
LES STADES DE L'INITIATION 33 I
En dehors de ces fonctions subalternes, mais redoutables pour elle, la Les devins d'Abomey en usent autrement. Les femmes connaissent deux:
femme peut, guoique rarement, être le personnage central d'une cérémonie sortes de Fa. Petites filles, elles pem·ent porter les Fa-!nüt ou Fa-kiî, tout
de Fa, recevoir la grande initiation 1•

comme les garçons, afin de s'habituer à honorer plus tard un symbole


Un devin de Tori, - banlieue de Porto-Novo, ~ nous a donné les efficace.
renseignements suivants, dont l'orthodoxie paraît fort contestable à Abomey.
Puis, vers douze ou quinze ans en général, lorsque la fillette a cc vu >> ses
premières règle~, le devin de la famille lui confère, avec son Fasisê, une
Il y a pour les femmes deux espèces de Fa, en dehors de la consultation : le Fa de la
« main de ,Fa ))' Fa-ala-dokpo. C'est le père qui se charge des démarches
brousse, le grand Fa, le Fèi-,i;bo, qu'elles acquièrent dans les mêmes conditions que les
hommes. Et un diminutif de ce grand Fa, que l'on nomme F,1-fo. auprès du d~vin. Celui-ci demande deux poules, un coq, six petites poules,
Sup11osons qu'une femme, se sentant malade, fasse consulter par son mari. Si Fa attribue de l'huile de palme, de l'igname, des haricots, des fagots de bois, du poivre,
nettement la cause de l'incommodité au fait que la postulante n'a pas son Fa-!w, elle doit du sel, une petite calebasse, du poisson et de la viande de gbeja et de glez_i
l'acquérir. Le devin énumère tout ce qu'elle de\'ra se procurer: « drnx poules, une bouteille
de gin, quatre colas, du poivre de Guinée, une bouteille d'huile de palme, deux fois
fumée; une somme de quinze centimes, que l'on désigne sous le nom
cinq francs cinqu:mte. » Sur ces onze francs, le devi1; préle\'e cinquante centimes pour lui,
et quelques sous pour acheter dt: L1bssa. Le reste est réparti entre ceux de ses collègues
qui l'aidL"ront en cette circonstance.
1
1
d'a11uî-do-zè-J;w~ (monnaie pour le médicament que l'on met dans la jarre);
cinq celltimes, cc pour verser les noix dans la jarre et les laver >> ; enfin, si
possible, un cadeau proportionné aux moyens du père.
La cérémonie peut avoir lieu en l'absence de la femme .. Le mari y assiste. L'huile de
palme est versée sur l'as,; acre/,•le du deYin, et sur le Lsgba qui est à son portail. Le devin La jeune fille participe à la cérémonie. Le devin lui met dans les mains
verse quelques gouttes de.gin sur l'11s1\ et jettl' de\'ant lui et de\'ant le Lsgba les colas, cassées les dix-huit noix de palme,- et lui recommande de les tenir contre son ventre.
en morceaux al'ec l'ongle. Enfin, les poules sont immolées et leur sang répandu sur ces deux
Puis il l'interroge : quel effet cela te fait-il? - Elle répond : e fa! C'est
symboles; leur chair est prép;trée san~ piment, assaisonnée au poivre. Cne fois cuite it
point, quelques bouch~es en sont jetées sur l'as,; et sur Je Legba du portail; le devin c·t frais! - C'est ainsi que tu seras toi-même. A mô Fa e hô 111<., gb~ towe na fa,
ses collègues mangent le reste. tu as vu Fa aujourd'hui, et ta Yie sera fraîche (douce).
Cm: fois les cérémonies terminées, le Bob11â se rend chez sa cliente pour lui remettre ses La fille repose les noix dans la calebasse, en comptant balu, bay, bac<./ Le
deux noix. Les tenant dernnt la femme agenouilli'.~, il improvise une formule de souhaits
du genre de celle-ci : Fa-ko ! donne la paix ;\cette femme; qu'elle soit riche, qu'elle ait des
devin les frotte entre ses paumes et les lave ainsi dans l'eau de la jarre. Il les
enfants; donne-lui une longue vie et tout le bonheur souhaitable ! - La frmme enfile les retire de l'eau et pose sur elles une offrande de poissons et de viande fumés,
deux noix et les dispose sur son corps ou sur le Fa de son mari. aussitôt reprise -~~ consommée par les personnes présentes. Il reçoit cinq
Celles qui possèdent ce Fa le portent ù mt'me la peau, sur leur ventre, sur les reins ou au
cou. centimes, tue un poulet, prend cinq autres centimes, ajoute le sang de l'ani-
Il n'est pas besoin, pour obtenir Je Fa-ho, d'aller dans le bois sacré. Mais, en cours de mal à l'huile, et pose le tout sur les noix, avec le nécessaire a~saisonnement
conrnltation, Fa laisse parfois entendre qu'après le Fit-ko, il faudra se préparer à acquérir Je de sel et de poivre. Les noix sont, peu de temps après, nettoyées; huile et
gr:111d Fa, le Fa-gbo. Il y a pourtfüt des femmes qui vont d;ms la forêt de Fa et n'ont .jamais
eu de Fa-ko.
sang servent à préparer une sauce pour les haricots.
Une femme qui possède un Fa complet est « considérée comme un homme >>. En effet, Enfin, Fa est consulté et le devin trouve le signe de la fille. Il prend alors
si Dieu, au moment de l'envoyer sur terre, s'aperçoit que td enfant mâle pomrait devenir, ù les trois petites poules' qui serviront aux sacrifices, - aovi, abi, i\'11, - et
l'âge mùr, un chef trop glorieux dont l'éclat menacerait dangereusement les autres, il le les porte à son L.gba agbonttxastt; le coq est ensuite offert au même L~gba.
transforme, dans sa sagesse, en femme. Il existe ainsi une quantité de femmes par le monde,
qui ont des allures et des qualités que bien des hommes n'ont pas. Ce sont elles, précisé-
Le prêtre garde pour lui une poule.
ment, qui arrivent ù a\·oir leur Fa-g-/.>o, prou\'ant ainsi qu'elles sont en realité des hommes. Après la consultation, un repas en commun a lieu. Le prêtre remet défi-
nitivement les dix-huit noix à la jeune fille, et l'on se quitte.
Cette (( main >> protège désormais sa propriétaire contre les maladies, les
L'informateur a donné une vingtaine de Fa-l:o, dit-il, à des Portono-
v1ennes. accidents; si elle ne la possédait pas, cc Fa la dérangerait )) . Elle fera des
cérémonies pour ses noix, leur donnera à manger au moins une fois par an.
Et elle garde1:a, gravé dans un morceau de calebasse, le du que le devin a
1. On s'0tonne qu'un Missionnaire, J. BERTHo (art. cil., p. 360), püisse ignorer ce point.
trouvé pour elle.
332 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES

Au jour de sa mort, un dokp;gà donnera à ses noix un coq et du piment,


puis les détruira.
Il est des femmes qui reçoivent un kp'Jli, selon les mêmes rites que les
hommes. Elles peuvent alors faire sauter les noix dans leur main, 1nais ne
peuvent donner le Fa à d'autres, sauf chez les Yorouba qui admettent,
CHAPITRE VIII.
paraît-il, que des femmes soient prêtresses de Fa, sous le nom de Nawo, et
chez qui certaines femmes, parvenant à comprendre les secrets de leurs
LES SACRIFICES.
maris Babalawo, les remplacent en leur absence. A Abomey, on ne pourrait
guère citer plus de deux femmes qui gardent chez elles un Fa et le nour-
rissent, mais elles ne peuvent initier personne dans la forêt sacrée, ni même
interpréter valablement un signe pour un consultant. Le sang. - Les nourritures de Fa. - 1. Les Fa1111wiwa : participation de LEgba et des ruons
aux sacrifices : rite de pulvérisation. - La fête de l'igname. - II. Les Vosisa : sacrifices
Tous ceux qui ont occupé.le trône d'Abomey depuis l'introduction de Fa abandonnés, adm, vosa-bocyo. - Nombre des victimes. - Les sacrifices humains. - Frais
tle1i ;acrifiœs. - feuilles liturgiques.
ont été au Fazîi, y compris la reine Xàgbe, qui régna onze ans avant l'acces-
sion de 1ègbesu i, et s'y rendit après son intronisation. Il y a lieu de remar-
quer que Xàgbe, du fait de ses fonctions, était assimilée à un homme; on Le domaine des sacrifices est plutôt celui des signes que celui du vodü Fa.
dit même qu'elle portait des vêtements masculins. Da11s la pratique du moins.
Les femmes des rois d' Abomey ne jouissaient d'aucun privilège en ce qui Le Fa proprement dit ne peut guère émouvoir ses fidèles. Principe de
concerne Fa. Par ailleurs, il était strictement interdit aux initiées de porter vérité, de sagesse, de bonté desintéressée, voire d'amour de l'humanité,
leur Fa au palais, même leur Fa-si-se: << on n'entend parler qu'un seul Fa l'essentiel de son culte demeure tout imprégné de rigide abstraction, trop
dans la maison du roi. » Toute contrevenante eût ·été punie de mort, ams1 serein, trop parfait pour être vraiment proche de chaque être. Les du, au
que son devin peut-être, qui eû't dû la mieux conseiller. contraire, ;déploient largement la gamme tumultueuse des qualités et
1. Chiffre que nous donna l'ex-roi Ag-o-li-Agbo; d'autres informateurs disent vingt et un
des vices 'popu !aires, partagent les jalousies et les émotions de l'homme.
ans. Un très grand désordre règne dans la chronologie officielle d<:!s rois d' Abomey et aucun Par eux s'est réalisée une sorte d'hétérodoxie passionnelle et exubérante,
auteur, aucun fonctionnaire, ne semble curieux de dissiper cette confusion. Pour Tegbesu, bien étrangère au vod1î issu d'un lointain Orient. C'est autour des du
v. s11pra, chap. II, p. 46, n. 3.
que se développent, chez les devins sans scrupules, toutes les formes de
la charlatanerie et du chantage. C'est eux qui firent la fortune de Fa, et le
mirent à la portée de tous en le trahissant.
Les dangers gùe présentait la constitution d'une sorte de p:rntheon auto-
nome n'a pas manqué d'alarmer ceux qui ont quelque souci de l'orthodoxie.
G;dsgbe nous l'a affirmé avec force : tous les sacrifices s'adressent au grand
Fa; et non, comme on le dit, aux signes. Les du ne profitent qu'indirecte-
ment des animaux immolés au Fa; ils sont comme des serviteurs qui mangènt
les reliefs du maître.
Nous envisageons dans ce chapitre, sous le nom de sacrifices, deux opéra-
tions bien distinctes. Le w ou wsisa ( Eb Y) tend à l'expulsion du mal et cons-
titue un rite de renvoi. Le nu-wiwa (action de faire la chose, adü Y) ou dE-
xuxo (litt. : action de rythmer la prière) permet d'établir, par l'intermédiaire
334 GEO~lA:\C!E A L'A~Clrn:\E CÔTE DES ESCLAVES LES SACRIFICES 33 5
de la victime, des relations réciproques entre le sacrifiant et son dieu, et Un Bob11J répond. : Fa demande du sang pour se présen·er lui-mème
c~11stitue un rite d'échange. L'objet de cet échange est la transn)Isswn contre la more - üne comparaison imagée a\·cc la transfusion de sang est
d un pouyoir surnaturel, l'acs 1 , de la victime à Fa et de Fa au sacrifiant. admise d'emblée p;ir l'informateur, qui s'en déclare satisfait et précise: il y a
Les v1sisa s'adressent occasionnellement au d11 découvert en consultation bien transmission, Le s:ing du cabri immolé par ordre de Fa pour recou-
ou au Fa:;Ji. Les Fa-nuwiwa sont célébrés solennellement en l'honneur des vrer la santé est reçu par Fa, sous forme de y;., et comme transfusé au malade
noix consacrées, dans la mesure où elles symbolisent une parcelle de Mawn qui reprend des forces.
et l':îme du sacrifiant.
On l'offre,, dit un autre, pour donner de la force au vod1i, et pour qu'il
utilise cette force à éloigner de nous les choses néfastes. On l'offre pour
Le sang.
demander l'entrée de 1'11c::, de la force du vodti, dans la maisonnée. Nous vou-
Pourquoi Fa et les ·uod1i demandent-ils du sang? Parce que le sang lons « tenir le vod1ï », xè rndû, si' I'o1iii, et nous le 1irions en Ji5ant : xè mi.
possède un)'~ 2, un principe immatériel, une force ma(Tique que l'éoorgemen~ - tiens-moi 1 ! - Quelques Yicti mes possèdent déjà par elles- mèmes des carac-
l"b' b p
tères quasi-magiques : tels le coq rouge de L::gba, le coq noir de X::vioso,
l ere et achemine par des voies mystérieuses jusqu'à eux i, Ys semble être
~insi ~a traduction du nago acz. Ce mot ~ignifie également : ombre, la vobille noire ou rouge des K11/11IJ.
mcroyable, symbole et ;Îme. On admet que LsA'ba effectue le transport pour On retrouve, à propos du sang des sacrHi.ces, k principe de solidarité,
Fa, et quelques informateurs, tout en faisant des réserves, essaient de s'ex- d'alliance, qui unit Fa aux hommes. On peut donc ajouter que si les hommes
pliquer ce goùt du sang par une similarité avec les êtres humains. Mais tous ne s'occupaient plus de fa, il s'étiolerait, et réciproquement 1 • Cette propo-
s'accordent à dire que le sang est ce qui a le plus de« force" dans l'ensemble de sition n'est d'aillems \'alable que si l'on considère les rapports entre l'huma-
la création ~. nité croyant ù Fa et l'objet de ce culte; elle serait faus~e si l'on s'en tenait
Fa aime le sang. C'est un fait s1 é\·ident que toute question ù ce sujet aux rapports de chaque indi\·idu avec Fa. Les devins disent parfois eux-
étonne l'interlocuteur. Il n'a i'ama 1's pe nse' a' se 1a poser : on a touiours
· c ·
1a1t mêmes que tout réside dans la chance individuel le (localisée dans la tt'.•te ), car
comme cela. certains ont beau oublier totalement fa, ils n'en sont pas moins bien portants,
riches et cons~dérés. Mais le Bobno consciencieux et le vrai serviteur de Fa
, I · A:< désigne en nago la force invisible, la force magico-sacr~c de tout1: divinité, de tout
etre an11:1é, de toute chose. Il est le correspondant yorouba de la /Jara/.·, 1 arabe en pa,·s ne se laissent pas décourager par cette constatation, et ajoutent que le rôle de
ma~hrébin, du '.11ri}1a polynésien ,et m,~lanésien, de /'ormda iroquois, du 11 w 111:tou algonqui;1, Fa est de relever t'es hommes qui tombent.
" ~ rice du vodww est le pouvoir qu 1l exerce sur ses i·odti; l'aa de l'azet~ L'St le pouvoir C'est sans doute en vertu de cette capacité attribuée au sang de faire échec
qu il exerce sur l_es personnes non i111munisées contre les anrnlcttcs; l'ac< du JJobu(l s'étend
sur le monde entier. ,, à la mort que quelques devins disent: le sang des êtres vivants, tout comme
2. Cf. locution: .'1 1116 yz do _fi-ce a wz a? Si wz do /i/-,·e 111 , 11 / N'as-tu donc pas i·u mon\'<? la sève des arbres, doit être assimilé il une i\me.
Crois-tu donc que i'ai de l'eau dans les \'eincs? - La consommation du sacrifice en un repas communie! permet un
. 3 · Un proverbe dit : /nl W< th acs 1111 e gfojz fr /li lô : le sang est l 'a«e d<.! tout ce qui res-
curieux rapprochement. Il est écrit dans la Bible : le sang c'est l':îme, tu
P1'.e .. Cf. A· 13 · ELLIS, op. cil., chap. n, p. 68 : « the blood is belic\'cd to conta in the vital
prmc1ple, and therefore to be an offering particularly acceptable to the rrods. » _ De même ne mangeras pas l'tt1ne avec la chair'· Or nous retrouvons ces deux
chezlesNoirsdul3résil·N1i-:\Roo1uGuE·
_ , · ' '" <·I··1 ., c·l iap.
' .s, Or· · I\', p. 144: « Certamcntc
°, os ueuros
. ac r ed 1t am que os fetlc
nao · l1es comam os ali111e11tos
· materiaes, mas que o recebem sob " a
r. ,\,:et st! signifient à la fois tenir fermement et adorer. (Co//f.p. Vocal>. de J. JoULORD,
forma da alma ou fantasma do ;ilirnento '" -- A. RAMos, op. cil., chap. u, p. 45 : « Dizem op. cil .. )
os negros que o espfrito dos alimentas é que é w111ùlo pelas santos 1: o resta poclmi ser 2. NINA RoDRIGUEs, op. cit., chap. I\", pp. 14,2-q3 : « Corno em todos os sJcrilicios, o
aproveitado pelas assistentes dos c1111do111hlés ».JI>., p. 4 7 :«As aguas <las quartinhas sâo cons- sanguc:, na sua qualidade de vehiculo ou ekmento essencial da .vida, tem para os santos
~antemente ~en.ovadas e os alimentas, ou sâo consumidos pelas babalâos ou apodreccm c sâo negros particular estima e preferencia '" - Platon évoquait déjà ce commerce réciproque,
Jogados fora, ]Ulgan.do os negros .que os santos apro\'t:itam delles o rspirito ou o f<m- cette comnrnnaLité, que les sùcrifices et lu divin~nion 6tablisscnt entre les dieux et les hommes.
1'1 w:a ''-. - On relira avec fruit Emile DUIŒHEI~L La P rohi/>ition de l' f11ceste, in L' Année (Banquet, 1 88 c.)
Soc10log1que, 1896-1897, \i, p. 47 sqq .. ). Deut., Xll, 2 3, Le rnot 11ep/!e.1, traduit par àme, \:voque ég,:lernent les iJÇes dt) souflk
-~· Suprn, proverbe, n. 3. et de vie.
. . . -1
LA ·GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SACRIFICES 337
propositions, avec un sens analogue, dans la langue fan, au nombre connaissons pas de ca.s ou une tortue ait été immolée à Fa, bien que cer-
des préceptes concernant les cérémonies de Fa. D'une part : hü-ws-do-mi tains l'affirment. Il est en revanche fréquent qu'un devin emmène une
(sang-lui-faire-nous), le sang nous a créés, nous a animés; et d'autre lortue dans le bois sacré, à titre sim plernen t de témoin. Certains logozo
part : msde-nô-du-hû-kpo-là-kpâ-à (personne-(habit. )-manger-sang-avec-chair- reçoivent le nom de bolcanô; ces animaux, que l'on trouve dans les lagunes,
aussi- (négat.) ', on ne mange pas le sang avec la chair. On fait pourtant ont parfois dans le ventre, dit-on, des noix de Fa. On raconte à leur sujet
une sauce avec le sang provenant du sacrifice; mais la cuisson, en faisant diverses anecdotes en rapport avec Fa, et ils servent de thème à de nombreux
disparaître « ce qui fait le sang rouge», crée un. corps nouveau. De nom- chants, dont,voici l'un des plus connus :
breux informateurs expliquent déjà (ou de nouveau ?) la nécessité de la
Fa bia nde,
cuisson par des besoins d'hygiène.
Fa biJ Logozo.
Logoz..o Gicà ka sa ta do Fa gala,
Les nourritures de Ftt.
bo dJ : xa mi ! ma gà ;
Fa n'est pas omnivore. On peut affirmer qu'en dehors des aliments énu- Fa, xa mi! ma nô gbe !
mérés p1us loin, rien ne lui agrée. Ici encore, divorce entre Fa et les du; Fa Fa demande un s.acrilice,
aime une certaine nourriture, mais tel du, ou tel ensemble de du, la repousse. Fa demande [qu'on tue] Logoz.o.
Voici un choix de nourritures appréciées par la plupart des signes: Logoz..o Gica [ = mangeur d'akassa] glisse sa tête sous le Fa
la poule et le poulet. Fa ne mange de coq que chez les Nago. Le signe et dit : rachète-moi! puissé-je ne pas souffrir;
Abla-Guda « refuse >> la volaille ; Fa rachète-moi ! fais que je vive !
le canard, rdusé par le signe Sa-M:.ji;
la pintade, refusée par Turttllpê-MEJÏ, Cë-M,,ji et tous les signes en Cë ; Fa accepte tous les poissons, notamment les jë., xwa, cfkê, etc., à l'excep-
le pigeon, refusé par Abla-Lëtë; tion de \'aboli, dont la tête contient une hache de Xzvioso. Ils lui sont offerts
le cabri, toujours immolé chez les Nago avec une certaine solennité, frais ou fumés, selon son désir, et le plus souvent fumés. Mais s'il s'agit d'un
refusé par le même signe; du en Ka, on.~s'abstiendra de lui offrir du poisson fumé et courbé (xwehixa)
le porc ; Tula-Mtji et toute la série des Tula ou des signes se référant aux que l'on vend au marché, et qui est au nombre de ses interdits.
Musulmans le repoussent, ainsi que Fu-Mc.ji et tous les signes en Fu; L'escargot (agbi) n'est que rarement servi lors des Fanuwiwa. Il faut qu'une
le << campagnol >> (gbeja F, adï Gü., wtô Y) et le « mulot » à queue blanche consultation l'ait exigé. Les Nago en font une consommation plus grande que
(glêz.iF, kete Y), que l'on trouve tout fumés au marché, sont refusés par Di-Gbe; les Dahoméens, car ils l'associent au culte de Gbaad11 et voient en lui, sym-
la viande fumée telle qu'on la vend au marché. En fait de gibier, Fa accepte boliquement, un réceptacle de sperme. C'est à cc titre que des escargots sont
l'agouti (xa ), refusé par Gbetumi'la; une petite antilope noire que les Fon emmenés parfois d~ns la forêt de Fa~ ·pour accompagner Gbaadu. Il peut être
nomment tskli, refusée par le signe Fu; si l'occasion s'en présente, la chair prescrit à certains consultants d'en manger, pour égarer leurs ennemis; car
de l'éléphant, que refusent Gbe-Msji et tous les signes en Gbe, Yslm-Mc.ji, Di- « l'escargot n'a pas d'os, il est gluant : comment appréhender un animal
MëJÏ, Tula-Mi;.ji, Gbe-Guda, Aklà-Osa, etc.; de nombreux autres animaux visqueux ? » '.
sauvages, car Fa est lui-même issu de la forêt·
'
Quant aux tortues, Fa refuse les plus grosses : se et dràdrà •. Nous ne phantine. Dràdrcî comporte une grande et une µt:tite variété. Logoz.o ou bobnô, à plastron
plat, semble aµµarcnté aux trionyx. Aucune étude d'ensemble de la faune du Dahomey
n'ayant été ébauchée, nous donnons ces rnpprochements sous toutes réserves.
I. Kpodo. • • kpâ signifie avec. Le à final est la négation a, influencée par l'a nasalisé de 1. En matière .de fabrication d'amulettes, l'escargot est parfois symbole de longévité, au
kpâ. même titre qu..: le pigeon. Il :;crt aussi a attirer le mauvais sort sur \es femmes. Le proverbe
2. Lisa, Oduwa, Aj.ii1111c1, vodli nago, en mangent. Xwioso aussi, mais surtout chez les courant·: l'escargot crache sur l'arbre, mais sa b,1vc ne coupe pas l'arbre, - permet, grâce
Nago; certains prétendent qu'il en fait éclore les œufs. Se paraît correspondre à une tortue élé- au jeu dl!s analogi..:s, de fructueuses préparations magiques.
LA GJ';OM.ANCIE A L'ANCIENNE CÔTE bES ESCLAVES ns SACIUF!CES 339
Fa accepte l'igname et les azigokwi (haricots-pistaches). pli jusqu'au bout les ··rites et sacrifices de la forêt sacrée, désirent acquérir
Comme condiments, tous les du acceptent le sel (jz) et le poivre lêlêkü ou pour l'année nouvelle un sang nouveau. Outre le devoir de rendre pério-
sokü (lêlm Gu, yere Y) '. Ce dernier, qui est très fort et pousse dans les terres· diquement un culte d'un certain éclat, on Yoit en eux la Yolonté de con-
humides, remplace le piment; vodünô et faiseurs d'amulettes s'en servent clure avec la divinité un pacte, d'où chacun doit retirer, sur deux plans dis-
aussi. Il ne faut pas confondre le piment - takï ou ataki F, ata Y - avec tincts, un accroissement de force magique ; un repas en commun accentue
l'ataln"i que tels vodünti (Gunô, Xr:.viosonô, sectateurs de Lsgba, des Kututa, de cette notion d'alliance. Enfin, un acte déférent et comn1e propitiatoire, des-
l'Ayiza) et les magiciens noirs mâchent et crachent, et qui n'est jamais craché tiné à apaisel une colère possible, ou déjit en mouvement, et tine action de
pour Fa. Sel et poivre, avant d'être servis au Fa, sont moulus ensemble et grâces, visent à concilier et à séduire.
versés, _;\ l'avance en ~énéral, dans le récipient contenant l'huile où sera Du fait gu'il a une périodicité connue, - annuelle, triennale, - et
recueilli le sang de la victime. implique une certaine publicité, ce « sacrifice» offre par ailleurs un intérêt
Le fruit llpejelekü, dont on fait des médicaments, et la moutarde afifi ne social: il marque une date pour tout un groupe d'êtres unis dans une même
doivent pas toucher les noix de Fa 2 • croyance autour d'un chef commun.
Tous les du acceptent l'huile de palme rouge (ami), et refusent l'huile Celui qui l'accomplit doit s'abstenir de se bwr, de se couper les cheveux,
d'amandes noire (coco) ou blanche (adimi) à cause de Guda-Di. L'huile rouge d'avoir tout commerce sexuel avec sa femme, pendant que son Fa repose
peut être considerée coinme une nourriture essentielle. Un Bolonô dit: lors- dans le sang et dans l'huile. La mort du Favi ou des accidents graves dans
qu'on extrait l'huile des noix, c'est comme si l'on retirait le sang de Fa. sa famille sanctionneraient la transgression de ces interdits, qui ne jouent
· Rares sont les du qui acceptent le beurre de karité (limu ). Celui qui nour- d'ailleurs que pendant le temps assez court oü Fa est dans sa gloire, c'est-à-
rit son Fa s'enduit parfois les mains de ce produit et en frotte les noix. dire dans le sang.
Fa accepte, parmi les liquides, l'eau et l'alcool J; encore Gnda-MEji et les A qui s'adressent les Fannwiwa? Au grand Fa? au du de la forêt? n1 Fa
signes en Guda refusent-ils celui-ci. Le vin de palme, qui est un des inter- et au lèpali de l'initié? Les avis divergent à ce ~ujet, on le comprend sans
dits de Lisa, ne convient pas à tous les signes : Gbe-Msji, Yslw-Msji, Woli- peine. Les F,~vi désirent à la fois apaiser et propitier le grand Fa, et satisfaire
MEJÏ, Di-Mzji, Cs-MEji, Fu-MEji, notamment, le refusent. leur Fa personnel : ils discriminent fort mal entre les deux. Mais les vieux
devins disent qu~ le repas est destiné_ au Fa et au kpali de l'initié, à son tltne
I. -- Les FA-NUWIWA ~.
extérieure; ce 'sont deux hôtes distincts, au cours d'un même banquet.
Chacun aura son.menu, dans une assiette individuelle. Le kj)ali ne reçoit
On nomme rà-nuwiwa toute cérémonie en l'honneur du Fa. On accom- pas de sang, ni d'huile ; il «mange )) de l'igname et des haricots préparés,
plit un Fanuwiwa toutes les fois que l'on fait quelque chose en l'honneur posés sur une feuille qui le recouvre. Pourtant, certains kpali, ceux des
de son Fa; le mot Fanuwiwa désigne le fait de s'occuper de son Fa, c'est-à- plus grands devins, - celui de G<:d<i;,be par exemple, - sont noirs de sang.
dire, en fait, de l'alimenter et de célébrer une cérémonie en son honneur. Voici comment pra:tiquent les Nago d'Abomey, qui donnent le ton en
Lorsque l'on « fait )) quelque chose en l'honneur d'un vodü, on dit de cette matière.
même : vodü-nuwiwa. La cérémonie, le ràmtwiwa, est en génér;il annuelle. Elk a lieu ;\ des
Dans l'ensemble des Fa-nuwiwa, nous ne considérerons ici que les b<>rands époques fort différentes selon les familles, mais de préférence à la saison
nuwiwa, destinés à resserrer solennellement le lien entre les Favi et leur Fa, sèche, lorsque les gens sont plus libres. Les fon la célèbrent au moment
en présence des prêtres-devins. Ils sont célébrés par ceux qui, ayant accom-. de la récolte de l'igname, en août; G:.dsgbe choisissait le mornen t de la
Tabaski (Aïd el Kebir).
I.ùlëkü: poivre indigène ; Afra111omu11 sp ..
On prendra pour exemple le sacrifice d'un cabri. La cérémonie doit se
2.Supra, chap. m, p. 9 5, n. 2.
3. On peut donner de la limonade, du vin, de la bière, de la bière de mil (libà). développer sans interruption.
4. Fa-chose-(préfixe d':i.ction)-faire. L'animal est choisi, le plus sou1·cnt acheté, un ou trois mois avant la
I11s/i/11/ d' /<.ï/mobgit-. - BernarJ MAU' 011..
340 LA GEO~ANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES S.\CRIFICES

ceremonie, soigné et engraissé : e na do gb-J te nu Fa, on réserve un cabri et de l'a 1cool : ils viennent réveiller Fa. Ensuite, ils vont chercher des feuilles
à Fa'· Désormais, il est voué au sacrifice. S'il se sauve, on en immolera \ de Fa, en aussi grande variété que possible et par catégories. Ils les déposent
un autre; mais dès qu'il sera retrouvé, tous ceux qui assistaient à la première our une natte chez le Favi, selon ces catégories, et crachent sur elles de
cérémonie viendront assister à sa mise à mort, sauf consultation contraire. petits fragments de colas. La femme « préférée >> du Favi, celle qui
Vers r 9 3 2, un cabri consacré ayant disparu de chez G;,dsgbe, on lui l'a accompagné à l'entrée du Fazit (s'il est célibataire ou s'il se méfie des
1

trouva un remplaçant. Mais, au dernier jour du nuwiwa, comme les devins femmes, il opérera lui~même), s'assied vis-à-vis du ûevin ; entre eux se
conviés venaient de prendre congé, le cabri égaré, courant et bêlant, fit son trouve une jarre vide. Le prêtre prend une feuille, la tend à la femme qui
entrée dans la cour et ne s'arrêta que devant le Fa du maître. Voyant le on arrache la moitié et la jette dans la jarre, puis il déchire lui-même, de
trouble de ses assistants, Gsdegbe dut l'immoler lui-même, et toute la céré" la moitié gu'il garde, un petit fragment gu'il introduit dans une calebasse
monie fut reprise, à l'exception du Falifr.. placée près de lui; il pose le reste de la feuille sur le sol. L'opération se
Si un cabri ainsi réservé pour les nuwiwa d'un Favi venait à être immole - poursuit pour toutes les feuilles, sur lesquelles on verse de l'eau. Le prêtre
pour un autre, son acs profiterait néanmoins· à celui qui se priva pour l'offrir met de la farine de maïs dans une cakbasse qu'il remplit d'eau. Il prend de
en sacrifice. la potasse (akàmu) et opère de même, dans une calebasse différente. Ses col-
Tout cabri offert en paiement ou en cadeau à un devin peut être immolé lègues retournent chez eux, mangent, et, ver~ seize heures, reviennent chez
par et pour ce dernier. Mais si l'un de ses initiés lui dit: «voici le cabri le Favi qui leur apporte son Fa.
que je t'apporte. Immole-le pour moi à ton Fa, et dis des prières pour moi>>, Le devin du Favi s'assied, prend les noix entre ses mains. Sa femme
le devin est lié par la formule; tout I' acs du sacrifice profitera au donateur 2 • « préfér~e », l'a/(petebi, est assise comme le matin. Lorsque le prêtre com-
mence à frotter les noix entre ses paumes, elle prend le couvercle de la
Premier jour. petite calebasse, le trempe dans l'eau de la jarre et verse le liquide où ont
macéré les feuilles de Fa sur les mains du devin. Des chants sont repris en
Le matin du premier jour, le Favi offre un coq et de l'huile à son Lsgba,
i.:hœur. Celui~ci est fort connu :
en lui adressant une prière propitiatoire (mi na xo d<. nu Lsgba).
Ensuite a lieu une seconde cérémonie préliminaire nommée Fadaz.àme Ku gbs, ba azà gbs,
(Fa-do-azà-ms, on entoure Fa de de;;__à). Dans la µièce ou se trouvent ses ba e xwe ama-me I
symboles Je Fa, le Favi entoure son cou des folioles d'une jeune palme E hàme ama-ms !
dépouillées Je leurs nervures (dez.àwv) et pose sur sa tête trois ignames liées Yeke xwe ama-me fo e,
ensemble. Il s'approche ainsi de son Fa, entouré des devins qui doivent aiua-me !
assister à la cérémonie. Ceux-ci se mettent à chante.r; le collier et les ignames
La 'înort me harcèle, et ia maladie me harcèle,
sont d~posés autour du Fagbâ et devant lui. Chacun mange des colas.
et il va parmi les feuilles!
Au.:une consultation ne peut plus avbir lieu, même avec l'agümaga, avant
Aujourd'hui, parmi les feuilles!
la fin de la cérémonie.
Yelœ [=Fa] va parmi ces feuilles,
parmi les feuilles !
Second jour.
En voici un autre, moins répandu :
Le lendemain matin, les devins reviennent, prient et chantent hors de '
la maison de l'initié, reçoivent des colas qu'ils divisent et mangent dehors, Ye do mô nu-gbo .. .

t. De même pour les vodü et les Kututg. To-ms-nu gbôla-!2 da mô n11-gho,


2. De même pour les vodù et les Kututa. ba da :
3 j2 LA GEmlANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SACIUFICES 343
ayi-sà-111à, 1111-gbo-111i le, Ces paroles peuvent être chantées ou prononcées, à un moment quel-
kpJli-ce ma nà te kpà mi a /J, conque des Fanuwiwa, et non à propos du lavage des noix seulement.
Ye na dJ 1ïi tE. L'initié apporte des foulards pour son BokJnà et sa femme, pour les autres
A gala do mà nu mi Bobnô qui frappent en cadence le_ur Gudaglo en chantant; il apporte de l'ar·
n1/. gb<./J nà hë vodii bà de gent, des pagnes, tout fe qu'il a pu acheter pour cette occasion.
we anaiïü•e Fa e /J a gala tala/a. A trois reprises, la ''femme verse sur les mains du devin de l'eau de
On dit en vérité, .. potasse. Pùis elle va jeter cette eau, chargée de l'impureté des noix, au tas
Les gens de ce pays disent, en vérité, d'ordures le plus proche'.
et Üs disent : Elle agit de même avec l'eau de la farine de maïs, qu'elle jette, après trois
l'autre jour, quand m'arriva ce malheur, ablutions, sur la route, pour que la fortune entre dans la maison de son
si je n'avais pas eu mon kpJli pour me secourir ... mari.
Les gens me considéraient déjà comme perdu. C'est alors que les noix sont versées dans la jarre, et considérées comme
Si toi, Puissant, 1u te tiens derrière moi [prêt i me secourir], perdues. Après un simulacre de recherche, on les retrouve 2 : elles sont reti-
b reconnaissance que l'homme manifeste au vodît, rées de l'eau, partagées en ltmà et bnàsa, versées dans leurs deux calebasses,
tu la recevras de moi, Fa, portée au plus haut point. rapportées dans la chambre du Favi, et installées dans le plateau spécial
Fagbà, divisé en quatre compartiments.
Voici deux prières entendues également lors des Fa1111wiwa : Cette cérémonie se nomme Falih, lavage du Fa.

:Jlàmila I e ni ti ma n'sJ tootJ, Le soir même, le devin prend des colas, fait des prières à Fa, ouvre les
e ni ti nia n' SJ lele laye, colas et les interroge. C'est ce que l'on nomme Fadsxoxo ou encore : xods-
laye, nufa coba (ou cobo) lm nu, faire la prière a,·ant de tuer i. Le dsxoxo a lieu
WJ ni mô jn ba (Y)'. avant tout sacrifice à Fa. Le devin adresse une prière au Fa de l'initié, com-
posée de vœux eh faveur de celui-ci. Puis il prend une cola, de n'importe
:Jlàmila ! Toi qui dis le vrai,
quelle espèce, et la partage en quatre. S'il a des colas blanches (axowe), il
toi. qui prédis les bonnes choses dans la vie
dans la vie, ' les divise au couteau. Les quatre morceaux sont jetés comme des dés devant
le Fa. On n'emploie pas les cauris, qui sont du domaine de Lsgba ..
c'est à toi que j'er: appelle!
Si deux fragments tombent sur la face interne et deux sur la face externe,
!fa :Jlàmila ! la prière est acceptéè; de même, en géi1ér:il, si tous sont ouverts (Gbe-Msji),
e j<- !ri ne<. git ata /
l!wbi, alôbi, ofo-obi, ibilwbi r, Il est honorable d'ayoir :\ proximitc de son habitation un tas d'ordures in1posant : e 11à
111à zu-ka do I rc;-110- hà-11111.·à <1
: 111,1 (pour lllô a) diüe, on ne trouve pas de tas d'ordures devant
Cztgudu lw ci ina ire (Y). la maison d'un célibataire : il n'a pas de bouches a nourrir.
2. Des devins consciencieux affirment que cette perte simulee n'est qu'une « grimace
0 Fa :Jlàmila ! sauve-moi des sortilèges de mes ennemis ! Fais que je ne pour aYoir Je l'argent». Le même geste est encore, pour les uns, un rite qui s'accomplit, et
~neu~e :a~, q~e je ne sois pas malade, que je ne perde pas mes gains, que pour d'autres, déjà, une superstition qui s'exploite. ·
Je sors a 1abn du mal, que Lgba (Cugudu) m'ouvre le bon chemin! ) . Il ne faut pas confondre Fadaxoxo avec dëX011ufa. Cette dernière démarche consiste a se
rendre chez le devin a\·ec des folioles de jeune palme sans nervures autour du cou, de l'al-
cool, sept francs cinquante, quinze centimes et dix centimes, lorsque Fa« dérange». Le
, I. Camp. "ADESOLA »,in Nigerian Chro11icle, cit. 11p, A. B. ELLIS, Nigeriau Studies, op-, devin retire k rnllier et l'offre ù so11 Dua·o. Ainsi se trouve ouverte la voie du FaziL Supra,
C/t., chap. vm, p. 87.
clrnp. n1, pp. 286, 287,
LES SACRIFICES 345
344 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES

ou tous fermés (cc Fa a fermé toutes les mauvaises choses»). Les autres combi- der à Fa, par de fastidieuses éliminations, la cause du refus, ou introduire de
naisons valent refus, et, dans ce cas, il importe d'en préciser la cause par éli- force la feuille entre les dents du cabri. S'il accepte, l'assistance chante : elà
mination. S'agit-il d'un bonheur? D'un malheur? D'un malheur ordinaire? gbe ewe (Y), le cabri a pris la feuille. On lui lie la bouche avec une corde ',
D'une mort? Mort de l'initié? Mort de sa femme? De ses enfants? D'un et sa tête est tranchée.
parent? La menace est-elle dirigée contre une personne de sexe masculin ou L'immolation
.
d'un cabri
1
constitue une sorte de sacrilèae
b
et fait courir un
féminin? Et d'énumérer les noms des hommes et des femmes de la famille, danger sérieux au sacrifi~ateur. Celui-ci offre d'abord de l'huile de palme à
jusqu'à ce que soit découverte la personne menacée. Il s'agit alors de la pré- tous les assistants et prononce la prière suivante, qui le décharge de sa respon-
venir, afin qu'elle puisse faire un sacrifice et tromper la mort. sabilité :
Le dexoxo est destiné à faire connaître d'avance si le sacrifice aura l'agré- Jja Jnî.111ila !
ment de Fa. Ate-gbini-mo-se !
A fo kpo e ni,
Le même jour, après les prières de Fa, a lieu l'immolation de la victime: e mi Io de wa yi ;
mi na hu nu, nous allons tuer la chose. elà ti aka kpws efr1 we naani.
L'initié, portant sur sa tête les trois ignames liées ensemble depuis le pre~ Ma je kolm, ma je blo (Y)/
mier jour, et conduisant à la main un cabri, se rend devant son Fa. L'al~ps­ Xe e no gbà zà111e
tebi peut se charger de ce transport. Le cabri porte un collier de deux cent bo nô do gbsta gbe
un cauris. Les devins sont installés autour du Fa. Ils demandent au Favi, ou 111 i ya lws !

à sa femme, pourquoi ils viennent en cet appareil. Le Favi répond qu'il est Là e no gbà zàme.,
malheureux, qu'il n'a pas d'enfants, etc., qu'il vient chercher un secours bo nô do gb<ta gbe
auprès de Fa. mi ya lwe !
Le Bobnô principal, qui fait office de sacrificateur, reçoit les ignames et Là e nô fà z.àme,
les dépose à terre après des prières et des chants. Pour assurer le lien entre bo nô yi kè me e na lw. età h e,
le profane et le sacré, entre l'homme et l'inconnaissable, la tête du cabri et mi ya lwe !
celle de l'initié sont rapprochées et mises en contact. L'initié murmure: Se- Xe. e nif gbô z.àme
kpJli, voici le cabri que tu vas prendre. En échange, je te demande ... - suit bo nii do gbeta gbe
une énumération de désirs. La co11111rnnication est établie avec le monde bo nô na ke me e naja etô le
divin: les forces magico-religieuses peuvent se transmettre L'animal a pris
1

rni ya lwe !
connaissance de la détresse du sacrifiant et en rendra compte dans l'au-delà.
fi.ce est destiné à un vodû. - Covi MENSAN écrit, dans un intéressant article (cil. rnpra,
Le prêtre saisit le cabri, dont le cou est orné d'un collier de deux cent qua- p. 10) : « On amène une chèvre devant les fet1illes d'akikon (prunier mombain) (les chèvres
rante (ldyiz.è, crase pour kà-ayiz.ê) cauris, pose une feuille aktîb1nri sur les noix en sont très friandes) posées à côté de l'idole. Dès qu'elle y touche, le sacrificateur, déjà armé
du Favi, et l'offre à l'auimal 2 • Si celui-ci refuse la feuille, il faut deman- de son grand couteau, se jette sur elle et l'égorge. Le sang est répandu à même le fétiche au
milieu des acclamations et des chants » .. - Le Pharmacien Lieutenant-Colonel LAFFITTE
r. Lorsqu'il s'agit d'un sacrifice de renvoi, d'un va, le sacrifiant crache dans la bouche de range l'akiikà au nombre des Anacardiacées et en donne cette description : « Spo11dias Mom-
l'animal, cabri ou poulet. hin, L., vern. : Akikon, Akokon (Fon, Dahomey). A comparer au Logoure des Soussous
2. Henri HUBERT et Marcel MAUSS. Mt!la11ges d'Hisloires des Rdigio11s, Essai sur la Nature ri de Guinée. Feuilles à saveur extrêmement acide dont la décoction est utilisée au Dahomey
la Fonction du Sacrifice. Paris, Félix Alcan, 1929, p. 42: «Il s'agit de l'induire [la victime] contre la fièvre, à l'intérieur en boisson. Fruits jaunes ovoïdes taille d'une prune, très gros
à se laisser sacrifier paisiblement pour le bien des hommes, à ne pas se venger une fois noyau. Pulpe consommée ».(MS cil .. ) En foula : tyah.
morte ... Il y a dans la victime un esprit que le sacrifice a précisément pour objet de libérer. r. Le message est enfermé dans le corps de l'animal. Par ailleurs ce sacrifice, destiné avant
Il faut donc se concilier cet esprit qui, autrement, P()'Irrnit, une fois libre, devenir dange- tout à tromper la mort, doit protéger aussi k Favi contre les paroles dangereuses de ses
reux; de là, ces flatteries et ces exct1ses préalables». Le même rite a lieu lorsque le sacri- 1
ennemis, dont est liée symboliquement la bouche.
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLA \'ES LES SACRIFICES 347
Ye Wê no na n11dudu Fa. de la première eflffsion du sang de la victime possède une force de réalisa-
Ye wa yi nu Fa tion optima '.
n do acë. a (F). Le Favi fait rapidement suivre ce souhait de ceux qu'il formule pour lui
et.sa famille. Vu l'efficacité de la prière et des vœux prononcés par le sacri-
dont voici la traduction
fiant, on comprend que:-les devins tiennent secret le sens de ces rites, taris-
!fa :Jrümila I sant ainsi une spurce da~gereuse de souhaits desordonnés ou criminels.
Ate-gbini-mô-ss I (nom honorifique de Fa) La tête est: tranchée par le prêtre.
Me voici, moi, ton enfant, Le sang de la victime est recueilli sur les noix, et tombe dans le Fagbà
je suis venu maintenant; préalablement empli de sel, de poivre et d'huile de palme'.
vo1c1 ie quadrupède (cabri] que je t'ai donné. L'informateur ajoute : dès qu'un peu de sang est tombé, des anges (les
Ne me laisse pas mourir, ne me laisse pas tomber malade' Yorouba disent 111aleelm) s'emparent aussitôt de son y~, de sa force spiri-
Oiseau qui passes dans la nuit tuelle, et l'amènent au grand Fa, dont ils sont les récadères.
et parles la langue des hommes, Le corps du cabri est emmené à quelque distance, puis ramené auprès du
nous t'invoquons 1 Fa, trois fois de suite. L'initié simule quelque effort en ramenant le cadavre,
Animaux sauvages qui passez dans la nuit, comme si une bête imposante venait d'être immolée.
et parlez la langue des hommes, La tête du cabri est cc vendue à Fa ».
nous vous invoquons!
Animaux sauvages gui criez dans la nuit, Une information différente fut recueillie à Abomey. Pendant que Legba,
et prenez le nombre de ceux qui vont mourir, au nom de Fa, vient prendre cc l'ombre» du cabri tué, les assistants qui ont
nous vous invoquons! déjà accompli pour eux-mêmes cette cérémonie appréhendent, tour ù tour,
Oiseau qui passes dans la nuit, la tête de l'animal qu'ils tiennent su,r leurs mains étendues. Ils chantent en
et parles la langue des hoi11mes, lui donnant des claques et en lui tirant les oreilles. Cet usage s'expliquerait
et donnes le nombre. de ceux qui vont naître, par une analogie : on emploie, vis-à-vis de la tête tranchée, les procedés que
1
nous t'invoquons ! l'on désirerait voir'ernployer par Fa vis-ù-vis du gifleur. Les devins, l'initié,
C'est vous qui offrez ce repas à Fa. ses enfants, son akpûebi peuvent accomplir ces gestes, auxquels on donne
Venez prendre ceci pour Fa : le nom de sa gba-ta xa Fa, vendre la tête du cabri à Fa. Il ne semble pas
moi, je n'ai pas d'acs[pourtuer la victime]. qu'il y ait là un rite de congédiement.
Les poils du cabri sont brûlés, sa chai-r lavée avec soin. Les membres sont
Le sacrifice a lieu sur ces dernières paroles. Le moment où le couteau découpés, la poitrine est mise à part. Les divers morceaux sont présentés à Fa
tranche l'exi~tence de la victime est le moment suprême du sacrifice. dans le Fagbii. Chacun consomme une petite bouchée de chair crue (bata).
La prière a 'été murmurée dans un grand sile1:ce. Le sacrificateur passe le Le foie et la vésicule biliaire sont cuits et assaisonnés (lolo); Fa en reçoit
couteau au ràvi, qui porte le premier coup en disant: ëlâ ni Fa gba e 111à
1. Tout sacrifice en faveur du Favi, accompli sans son assentiment et son concours,
gbe li mi (Y), là we: ria mi wa yi nu Fa, mi ma sa gb:ta ta wo (F), nous
serait de nul effet.
vous avons dit de venir prendre l'animal pour Fa, ne prenez pas la tête de Bvka11à et Fiwi se puriilent aprês œttl.! sorte de crime. Le prêtre le fait sans délai, usant
quelqu'un [d'entre nous]! - Les animaux et les oiseaux cc appelés» par b du « rnédirnrnent » dont on lave le Fa. L'initié se lave lorsque son Fa est sorti du sang. Il
prière sont en effet très dangereux. Ils obéiront, car tout vœu prononcé lors peut alors se raser la tête et le fait obligatoirement aprês le sacrifice de son premier cabri; il
rentre ainsi dans le profane, enrichi d'une parcelle d'acE divin.
2. Co11/rtt, ]. BllRTHO, art cil., p. 369 : « C'est à l'asè que seront offertes les offrandes

1. La seconde partie de la prii:re est la traduction en fondu texte nago, réputé dangereux. destinées aux amandes de l'Afa, C<lr on ne doit pas découvrir cdles-ci >>.
LA GEOMANCIE A t' ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SACRIFICES 349
une parcelle, et le reste est distribué aux assistants, gui font la grimace 1 fragments de feuilles de Fa réunis le premier jour dans une petite calebasse:
Membres et viscères sont répartis de la même façon (asà). Tout ce gui reste Les demi-feuilles posées sur le sol servent de lit au Fagbà.
est rapidement accommodé et assaisonné ; une fois refroidi, on le dépose sur · La poitrine du cabri ainsi préparée est consommée exclusivement par ceux
le Fa, et le Fagbà est recouvert. Il reste clos jusqu'au lendemain matin. gui ont leur Fa de z1î111~ (g1î111i. Y). Le Bokanô du Favi reçoit de plus un
C'est ce que l'on nomme dwwis ou dnms : coucher-dans. gigot. \'
Un vieux devin de Porto-Novo signale un rite particulier : quand un L'allpûsbi reçgit les reins de l'animal. Le jugbà11a et les assistants qui ont
cabri a été immolé_ à Fa, le sacrificateur prend entre ses dents la tête coupée, été au ràzii recevront les pattes de devant, que tous pourront consomri1er.
danse seul avec elle, puis la jette en arrière. Quelqu'un la ramasse et conti- Le reste est accommodé avec une sauce abondante, nommée bolo, préparée
nue, séul. Et ainsi de suite. Car Fa désire que chacun chante, danse et se avec le sang contenu dans la calebasse, et consommé sur place.
réjouisse pendant qu'il mange. Ensuite, les assistants consomment la nourri- La consommation du Fa-es, le lendemain ·du sacrifice, se nomme cskagbi-
ture qui a été offerte à Fa. Ancun recoupement ne vint confirmer ce récit. gba. Elle constitue la deuxième partie de l'échange, but du sacrifice ; elle
imprègne d'ace tous ceux qui participent à la communion. Lorsque tout le
sacrifice a été consommé, l'assistance se met à genoux et dit la prière b:Jlu,
Troistëme jour.
pour remercier Fa et les autres divinités propitiées : Na, Gu, Ali, Ags, Asè,
Le matin suivant, les prêtres viennent; l'akpstsbi découvre le Fagbà et dont elle a partagé les nourritures et obtenu l'acë.
procède au nettoyage des noix de Fa. Si le Fa n'a trempé que dans l'huile, Lgba reçoit des os de !'-animal immolé, étendus sur de-l'akassa et imbi-
la femme préféree suce en général les noix une à une. Ce rite est à la fois bés' d'eau et d'huile. Le Favi a droit à un gigot, et ouvre une cola pour son
fan et yorouba. S'il y a du sang sur les noix, leur propriétaire ou sa femme Fa ..
les essuie dans un chiffon blanc, qui est ensuite lavé au savon et à l'eau. Le
Quatrù!me jour.
sang de certains animaux passe en effet pour dangereux ; celui du canard ou
du pigeon, par exemple, passe pour être empoiso11né, et l'effet ne se ferait Le lendemain, la tête, la queue et le cœur du cabri sont accommodés, et
pas attendre : a na wè vs, tu auras la gorge desséchée, tu mourras. Par ail- les trois ignames pilées sous forme d'ag-n. Les épluchures des tubercules sont
leurs, les aliments qui ont souillé le Fa, donc l'âme, de quelqu'un ne doivent recueillies dans uùe calebasse, avec le lien gui les unissait et un peu d'ag1t.
pas rester exposés sur uti linge. Les apophyses styloïdes, gb:i-ci, liées ensemble, rejoindront dans le sac
Selon quelques informateurs dignes de foi, les hommes nettoient habituel- (akpo) du prêtre les divers objets du vode.
lement les noix en les frottant entre leurs mains, les femmes en les frottant Le même jour, il est procédé à un Fakikà : Fa fait connaître à l'assista~1Ce
contre leur ventre ; ce dernier geste exprime qu'elles demandent des enfants s'il a apprécié !'.ensemble de la cérémonie. S'il «refuse »,on continue à l'in-
à Se. terroger pour êoirnaître la cause du refus. S'il '< accepte », la cérémonie est
Très judicieusement, les maris ont répandu le bruit que si leurs femmes terminée selon le vœu de chacun. Le cœur, la queue, la langue et tout ce
les trompaient, Fa les puni rJit sévèrement. En donnant leur Fa à laver à qui est comestible dans la tête du cabri est consommé par les assistants. La
leurs femmes, ils manifestent à celles-ci une redoutable confiance; certaines calebasse pleine d'épluchures, auxquelles sont joints quelques os de la tête et
ont trahi leur infidélité en refusant d'accomplir le rite. C'est une des raisons de la queue du cabri est apportée à Lëgba et le Fa remis en place. La
pour lesquelles l'akpetsbi est souvent la femme la moins sùre du Favi. mâchoire inférieure du cabri va ornerle Fagbaji ou le Faxo du prêtre.
Après le lavage des noix, Li femme extrait le contenu du Fagbà, auquel
s'est transmise, par le contact des noix consJcrées, l'influence salutaire du :j.

* ..
Fa propitié, et le fait cuire sans piments, avec des haricots, du sel et du
poivre. Le Bokanà principal prend la poitrine du cabri, que personne n'a En résumé, on peut distinguer dans les J.ànuwiwa les phases suivantes :
touchée la veille, et la coupe en morceaux ; l'akpûsbi les fait cuire avec les L!gbadôxuxo, prière ào Legba ;
>·· .
T····.·y/.
l
350 LA GEmfANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES ~

LES SACRlr!CES 3sr


Fadazâm:., déposer les jeunes folioles de palme sur le Fa;
Famàdida, recherche des feuilles de Fa.; c'est-à-dire
arnâtilE, poser les feuilles une à une ; E11lè\·e [etj donne, enlèYe let] donne,
arnrîki/(t, déchirer les feuilles ; enlève les mauvaises choses,
Falile, laver (le.) le Fa; \' retire-les de mon cou !
FadExuxo, prière antérieure au sacrifice 1
;
Brrbalawo, enlève les mauvaises choses! ..
nuhuhu, immolation de la victime ; 0 vous '1'J"l"ands Bob11J, enlevez les mauvaises choses,
gbatasisaxaFa, vente de la tête du cabri à Fa ; retirez-les de mon cou !
lèixixls, présentation de la chair; Babalawv, enlève les mauvaises choses!
diiJwie, ou duda (coucher-dans, ou manger-coucher), action de laisser le Fa Il immole la poule, mêle soo sang à l'huile de palme, ajoute du sel et du
couché dans l'huile et le sang jusqu'au lendemain;.
poine, verse quelques gouttes de ce sang sur les noix, qui reçoivent ensuite
Fadide, retirer la nourriture déposée sur le Fa, nettover les noix et les de l'huile, et devant le kpali. La poule est mise à cuire dans.J'huile, avec un
remettre en place;
peu d'igname frite et d'akassa. Quand le mets est refroidi, le Fa reçoit les
CE-dudu, consommation du ce ;
abatis, cuisses, pattes, ailes, cou et tête. Le croupion ne doit pas lui être
baluiihîi, dire la prière balu;
présenté'. On divise les noix en bnà et htnàsa avant de les nourrir; une
gbatagbigba, consommation de la tête;
cloison élevée avec de l'akassa sépare ces deux groupes sexués, lorsque le
Faklkà, consultation de clôture ;
Fagbà ne comporte pas de séparation toute faite.
baluniiii, prières de grâces.
On laisse Fa « manger '' de cinq minutes à une demi-heure et, le même
Seuls, les Favi fortunés peuvent accomplir le diiJw1z. Les moins riches jour, un repas en commun réunit l'initié, son devin et les assistants autour
font le gla. Les plus pauvres se contentent du da111i111e. des reliefs de Fa.
Les no-ix sucées reçoivent des colas et sont remises en place, ainsi que le
a. GLA.
kp:Jli, dans la chambre du 1'àvi. La fourchette de la volaille immolée, posée
Le mot gla signifie force. La cérémonie du glana Fa implique la volonté sur un peu d'akassfl, est offerte à Legba.
de fortifier le Fa en le nourrissant et en l'adorant. Il n'y a pas lieu, cette Le gla comporte aussi une offrande d'alcool, dans la plupart des cas, et
fois, de le laver. On lui offre d'abord un peu de cola, puis on verse de parfois une offrande de viande ou de poisson fumés.
l'huile dans une assiette. Le devin doit immoler une poule. Pour assurer la
transmission de !'ace, il fait tourner trois fois l'oiseau autour de la tête de
b. DAMIMz ..
l'initié, puis le pose à terre, en chantant:

De jo, de jo, Le dami1ne (abréviation Je do.ami-ms, mettre dans l'huile) réalise


de gbalaja, une économie sur le gla : il ne comporte aucune victime et le Fa ne reçoit
si Ica nu 111i ! pas de sang. Le Eavi se borne à faire cuire des haricots et de l'igname, à ache-
Awo, de gbalaia ! ter de l'akassa, du poivre, du sel, de l'huile de palme. Le devin prend un
Bobnô daho-h, de gbalaja, récipient et le divise en deux avec l'akassa et les haricots, s'il n'a un Fagbâ
si b nu mi ! spécial; il installe les noix mâles à sa droite, les femelles à sa gauche, verse
Awo, de gbalaja ! .. l'huile de palme sur chaque compartiment et y dépose des haricots et de
l'igname cuite, du poivre, du sel et de l'akassa. Le couvercle est posé
1. Xod2, prier ; dexuxo, action de prier ; de, prière. Dexo ne se dit pas seul ; contra,
M.-M. PRÉV1\UDEAli, op. cit., p. 4: « Prier, c'est s'entretenir avec les morts. Les deux actes se
r. La partie inférieure du corps -ali- est mise à part et donnée aux femn1es pour favoriser
confondent et s'expriment par lè même mot '" Xvc/2 signifie exclusivement prier.
leurs grossesses.• Les reins sont donnes au Fa.
~/.

LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES


LES sACRll'ICES 3s3
352

l
sur le récipient et y reste de cinq minutes à une demi-heure; il est ensuite transférés à cette occasion en un lieu spécial nommé asè-x:i-sa, case des asè. On
enlevé. t~ur donne de l'eau et de petits fragments de colas; des sacrifices ont lieu en
Si le Favi a une femme, elle lèche les noix; sinon, et à défaut d'un servi- leur honneur (volaille, cabris, sdon la fortune de l'orant), de l'alcool est
teur de voué, il fera lui-même le geste. Il remet les noix dans leur calebasse.
l versé sur leur chapeau ~ond (gba ), et de nombreuses prières sont dites. Au
Tous mangent en commun les mets donnés à Fa et sur quoi s'étendit son bout de trois jours, on les réintègre dans la pièce qui leur est réservée, dans
ac;. Des colas sont distribuées, et même des colas blanches, qui coûtent l'asècfaxo, lieu. ou dorment les ase.
moins cher.
Rite de pulvérisation.
Rôle de L~GBA dans les sacrifices a Fa. 1
Le fait de pulvériser, sur des objets destinés à Fa, le liquide dont on a
Lors de tous les sacrifices à Fa, le premier servi est Legba. C'est ce qu'ex- pris une gorgée dans les deux joues, passe pour un moyen d'inviter Fa à rendre
prime le dicton : Lsgba roe na du nu, cob:J Fa na du, L<.gba doit manger avant heureux l'officiant et l'initié, à faire que tout leur soit «frais», propice. Cette
Fa•.
La légende explique qu'autrefois, quand Fa et Lëgba étaient des hommes, il y a bien, bien
1 ~outume est fort répandue dans le Bas-Dahomey, le Bas-Togo' et le Bas-

l
Nigeria, parmi Bobnô et Babalawo.
longtemps, ils faisaient un couple d'amis inséparables. Legba venait toujours chez Fa, et Fa
lui donnait toujours ses restes.
Le but de cette pulvérisation est peut-être négatif. En effet, celui qui
Or, aujourd'hui, Legba «dérange ,, tout le monde. Il est le grand serviteur de tous les pulvéris~' de l'eau prononce le mot liss (Y) ou amusu (F), qui signifie
vodù, mais quand ceux-ci vtuleut l'envoyer quelque part, il répond : j'ai faim, je n'irai nulle brouillard. S'il s'agit d'alcool, on emploie les mêmes termes, ou l'expression :
part 1 - On se le concilie en l'alimentant, on le rémunère d'avance.
Fa aiine beaucoup Lëgba, qui est à la fois son .'viïgà et son récadère, et lui procure parfois
:Jti-ni (Y, alcool-être), c'est de l'alcool. Le mot brouillard évoque une idée
les moyens de vivre. En effet, lorsque Fa s'appauvrit, Legba aussitôt lance des épidémies par de fraîcheur, donc de bien-être ; mais le brouillard est surtout considéré
le .monde et cause de grands dégâts. Et aussitôt les gens recourent à Fa. ügba fait ainsi figure comme un sùr refuge, ou la maladie, le malheur et la mort chercheront en
de parasite et de rabatteur. Mais ce n'est là qu'une légende.
vain leur victime.
La conviction unanime est que Lgba est le messager de Fa ; il établit la Pulvériser de la salive sur une personne ou un objet constitue, dans le
liaison entre Fa et les principaux rois du monde, fait toutes les commissions. Bas-Dahomey, l'a~compagnernent d'un souhait. C'est ainsi qu'un père, dési-
Fa se le concilie en le nourrissant le premier, afin qu'il puisse partir dans la reux que les vœux qu'il vient de faire pour son fils se réalisent, pulvérise un
direction voulue et remplir son office sans invoquer de mauvaises excuses. peu de salive sur la tête ou dans la main de celui-ci : da-tô do acE nu ji-lô,
Au début de toute cérémonie de Fa revêtant quelque importance, il importe son père a mis son acs sur lui, - ce qui peut signifier aussi : le vœu du père
d'immoler un coq, un poulet, ou même un cabri à Lzgba. On fait quelques se réalisera en. sa progéniture.
prières devant son effigie, puis on rentre dans la maison pour dire les Entre les mêmes personnes, mais accompli aYCC de l'eau sur les asê fami-
prières de Fa.
but it also figures in the cuits of the goJs, of di,·ination, and of magic, for when offerings are
givcn to the gods, or to th<.! group of spirits which do th~ biddiug of Destiny, or to the spi-
Participation des morts.. rits who control good and bad magic, food is also placed on the iron s,taodards which cons-
titute the altars for the souls of the important dead priest5 or the importttnt dead dh·ioers,
Lors des Fanuwiwa, des offrandes sont faites, chez l'initié aux symboles the important dead makers of channs, or the important dead sorcercrs >>.(Mais il ne semble
des ancêtres, chez le devin à l' asè des Bok:Jnô défunts, aux asê familiaux, au pas qu'il existe d'asè. polir les sorcier> (azct1) Jéfunts).
1. J. SPIETH, Die Ei've-Stii1111m, <'P· cil., chap. 111, 5 : Drr Z,1u/Jerdvhl<>r, p. 25 3 : " NachJem
Duwo, à Ali, à Gu, aux Na, aux vodù installés dans la maison•. Les asèsont
er noch einnlal eine Flasche Hranntwein erh<ilten, 7.ieht er seine Zaubcrgeg·:nstiindc aus dem
grauen Sack ]leraus. knict vor ihnen niedcr, bespritzt sie mit Brann<\\'ein, den er im !11unde
1. M.-à-m. : Lëgba-c'est-(fut.)-maoger-chose-avant-Fa-(fut.)-manger. - Supra, chap. m,
batte, und bctct >>. li>., p. 199, 11. I : «Von dem 131iinerabsud nimmt sie [Jie Hebamme]
p. 77, n. 2.
etwas in den Mund uud spritit ihn so über Jas oeugeborene, dass er wie ein feiuer Staubrc-
2. M. ] •. et F. S. HERSKOVITS, An Outline . ., art. cit., p. 33 : « Not only does the cuit
of the anccstors enter into the life of the individual as an iodividual, and into family worship, gen auf es fallt ». Et pass ..
l

354
1
LA GEmL-1.NClE A L t\NC!ENNE COTE DES ESêLAVES
LES SAC!Ul'ICES 355
que vous m'offriez de ce r.1goùt ;t\';lllt q11c• quiconqut· en pn:!pare pour soi : je tuerai ceux qui
liaux, ce rite est cünsidéré, en certains cas, comme un rite d<! pardon (e wa me désobéiront et en niangeront avant moi.
tit si nn -vi-lô, il cr.tc:be de l\~au sur son fils). Celui qui l'accomplit prie les '" Et cc furent les enfants du frère de cette femme, ceux qui ne voulaient pas obéir, qui durent
Ji,·inités domestiques de prendre à nouveau sous le{ir garde l'enfant par-. chaque année nourrir le nouveau i•v:lli. Ce vvdli ~tait Div, que l'on entendait alors pour la pre-
mière fois. Et jamais une féJ11me n\ise s'aventurer dans la brousse d'Olo.
donné.
Telle est la légende de Gl;etumi/a au sujet de la f~te de l'igname •.

Fa et la jc'te d1• /' ig11a111e : TEDUDU '.


Cette fête annuelle, qui a lieu pendant la saison rèche, en juillet ou au
La légènde de Fa veut que cette fête nago des prémices ait été instituée début d'août, selon les pluies, quand les tubercules sont à peine gros comme
par le du Gbelul!li la , . un doigt, est destinée à un puissant vodii nago, que l'on nomme Caoko,
lraoko ou Jrica Oko, en nago, et Alàtâ Lolm en jii-gbe '. Cette divinité des
Une ïemme riche a,·ait perdu tous ses enfants. Elle ,·ivait dans la ml:me maison que son
travaux agricoles et de la fertilité aurait déclaré, au moment de la récolte,
frère, qui a\·ait des enfants viv,mts. Mais, lorsqu'elle donnait un ordre il œs enfants, il arri-
vait qu ïls obéissent, et .il arrivait qu ïls n'obéissent point. qu'elle entendait manger l'igname la première et qu'elle punirait de mort ou
Cette femme vendait au m<tr.:hé. Et die emportait chaque fois un lourd chargement de d'a.:cidcnt tout contrevenant à cet ordre. Ce vodü, adopté dans le Bas-Daho-
choses i1 vendre:. Ne trouvant personne qui lui ùonnàt un coup ùe m,lÎn pour porter sa c1iarge mey, a son siège à 1'êji où il est adoré sous la forme d'un arbre roko (Alatü-
jusqu'au marché, et mé.:ontcnte des enfants de son frère, elle acheta un jour un escbvc. Lors
du mJrd1é suivant, elle r.1sscmbla toutes ses marchandises. L'esclave lui dit d'alourJir encore Loko), et son séminaire est très réputé. On lui donne les prémices pour ne
le fardeau qu'il devait porter. Quand tout fut prèt, elle chcrch,i quelqu'un pour installer la pas le cdÙtrarier, car les premiers fruits qu'il a fait pousser lui reviennent <le
chnrge sur la tête de son esclave. Lorsque œ fut fait, l'esclave prit gaillardement le départ, et droit. Par ailleurs, cette festivité marque la date la plus importante de l'an·
nrnrcha d'un pas fier devant la femme.
Une fois qu'ils furent à 111i-che111in, l'esclave déchargea seul son forJeau, et entra dans la
née. Son prêtre préside les cérémonies au nom du pays entier, à l'instar <l'un
brousse, laissant toute la marchandise au milieu du chemin. Et, de la brousse, il ch•lllta : culte royal. Le possesseur d'une effigie d' Icaolm doit servir ce vodù le premier,
Gb,• "1111i la111i /11mi /tlmi /11111i .. ! avant son Fa, et même avant Gbaadtt.
Gbe la111i l11111i /a111i latni /,1111i ! etc .. i Tous les vvd1i,11à célèbrent individuellement cette fête en offrant de l'igname
Lorsque la fem111c entenJit ce bruit, elle s'effraya, crut reconnaitre la voix de son père 111ort, et un sacrifice à l'effigie de leur 'uodli. De même les Bokano et les F avi vis-à-
et dit : 111on père, que veux-tu?- L'esclave répondit: guette sur le chemin, si tu ne vois vis du fa. En gén~ral, les devins réunissent leurs Favi chez eux. Mais ils ne
pas un passant qui aille vers la ville:. Dis-lui d' Jller chez toi, et de donner ordre à tes gens de
le feront qu'en aoùt, lorsque le prêtre d' Icaoko de la région aura accompli
préparer sur-k-champ un repas. Qu'ils tuent une poule et un cabri, qu'ils se procurent des
ignames, fassent du tout un ragoùt, et me l'apportent sans tarder ici même. Sinon je te tue ... le rite annuel.
C'est une femme qui 111'a fait souffrir. Je ne peux plus supporter les femmes. Selon l'importance du devin, la fête a plus ou moins d'ampleur. S'il pos-
Vite, on lui apporta ce c1u'il demandait. Il nungea, et dit : j.; reste ici. Chaque année, lors
de la ré.:olte des ignames, 1·ous m'apporterez la mèllle chose au lllêm~ endroit. Et il faudra
1. Le narrateur, un portonovien, a peut-l:tre confonJu deux vi>dù : Olv et Caoko. Ce der-
nier" commande" les rccoltes. - Co111p. Il. E. ÜENNET'I', N~i;eri,111 Stwlil's, op. cil., chJp. 111,
1. Manger l'igname. On dit encore : le-d11-lnue1111, le temps de manger l'igname, et
asci si-siï, couper les prémices. On entend dire, chez les fon surtout : 111i na sel te sci, 111i p. 37·
2. Cv111p. S. S. FARl!OW, of>. cil., ch ap. rv, pp. 5 3 et 5; : cc Orislui Oko, contracted to Ori.rhako,
ua sci li sci, nous allons couper l'igname, nous allons couper le mil (li). Les Nago disent
is cc god of th~ farm >>, i.e. of agriculture. A temple ù~dicated to him is to be founù in
adù-ic11, fète de l'igname, ou aaj<'cu, manger l'igname. Ignam~ se dit it.l'i (F) et irn (Y).
alrnost evcry town, or viJlage. He is particularly worshipped by womcn and has a numbcr of
La fète de l'ignam~. le « manger-ignames '"s'est maintenue parmi les Afro-Allléricains.
priestesses. These really form a secret society ... The office is heredit<try in the family, but
(E. AUBIN, op. cil., p. 52. - H. ÜP-HEY, op. rit., p. 276 : cc Hij offert aan de voorva-
not necessariiy in the direct line. When a vacancy occurs Irais consulted and determiues who
deren en de huisgoden de eerstelingen van de vruchtcn der aarde, op een in een kamer der
of the family is to becomc priestess ... The first and d1kf signihcance of Orishako is fcrtility
woning opgericht altaar. Daarna houdt men een « 111a11ger-igm1111es » of festmaall ». --
of the earth. ~ . His annual cc harvest festival » is at the season when the new yams are ripe"·
M. J. HERSKovrrs, Life . ., op. cil., chap. 1v, pp. 80-81, etc .. ).
- :\. B. ELLIS, op. rit., chap. 111, p. 78. -- R. E. DENNETT, N(i;ericw Studies, op. cil., cita p. x,
2. Historiquement, elle est attestée par \Villcm BosMAl\, qui visita en 1704 «les royaumes
p. 101, chap. X\'I, pp. 159 et 164, etc .. - Au Dahomey, Sakpat.i reprcsente la terre et
judaïqw:s '"(Op. cil., Xe lettre, p. 163).
Icaoko la fertilité de b tan:. -· Pour cc qui concerne les Afro-Américains, cf. F. ÜRTIZ, op.
3. S.1r une sorte de g,unme chromatique descendante, tèndant il imiter le bruit produit
cil., chap. 11, pp. 6~ ·6j.
par le vodù du bull-roarer, Olo.
l11slilllt d'Hlh11olo.<ie. - Bernard !\!Ac oOlL
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES !.ES SACIOFICES 357
sède un Gbaadu, la cérémonie a lieu dans la chambre de ce dernier. DeuK de tout acte 1m:gique est renforcée en ce jour, où l'on s'empresse habituelle-
ignames crues - jamais une seule - sont présentées devant les calo· ment de préparer les talismans d'importance 1 •
basses de la divinité. Les deux extrémités de l'une d'eiles sont tranchées, Cl•, \ Une fête analogue a lieu chez les Fon :1 la saison du mil : Fa goûte un peu
chacune coupée en quatre, comme on fait des colas, mais au couteau. Les de mil, avant que son:, prêtre ait le droit d'en manger. La fête la plus im-
huit fragments, sur lesquels un peu d'huile de palme est versé, sont jetés portante aux yeux des Fon est celle du mil, celle de l'igname aux yeux des
devant Gbaadu, à qui l'on demande s'il accepte volontiers les prémices de la Yorouba, qui l'introduisirent au Dahomey.
récolte. Une réponse négative est considérée comme l'annonce d'un malheur
et il importe de s'ebquérir cles motifs du refus. Si Gbaadu «accepte», le devin
grignote un peu des huit morceaux, et donne le reste aux assistants. Les deux II. -- Les V'.)SJSA.

ignames sont a1ors prèparèes et consommées cuites.


Chez tel grand Bobno qui possède un Gbaadu, on va jusqu'·à tuer vingt Lorsqu'un Bobuà, traduisant la volonté de Fa, prescrit au consultant un
cabris et de très nombreux poulets, canards ou pigeons. Les sacrifices sont sacrifice, il précise si Fa réclame un repas communie!, l'érection d'une sta-
suivis d'un repas communie!. La viande et les ignames pilées sont préparées tuette, l'enfouissement d'un objet ou l'abandon des objets ou des animaux.
séparément. Rien dans un sacrifice n'est laissé au hasard, et il serait téméraire de trans-
Cette fête débute toujours par un jeûne rituel. Dès la veille au soir, ceux gresser l'ordre reçu. On doit savoir de façon certaine, et en consultant
qui y participent, prêtre et Fœui, s'abstiennent d'aliments et de relations exprès s'.il le faut, en quoi le sacrifice consistera au juste, où il aura lieu, où
sexuelles avec leurs femmes. Le matin de la cérémonie, ils ne se frottent pas il sera exposé.
les dents.
a) Les sacrifices ab1111don11t's : V'.) DU- DO 2

La fête de l'igname s'accompagne du renouvellement des trois appuis du Ot'.1 ;1bandonne-t-on le plus som·ent les sacrifices?
foyer, qui sont cassés, ou jetés dans la brousse, ou simplement repeints en Dans la mer ou sur une plage, au bord d'une rivière, dans une rivière.
noir; les cendres sont dispersées. Les murs des maisons sont rebadigeonnés; Dans ce dernier cas, on pose l'oblation sur un débris de pirogue qui part :1 la
tous les logements et toutes les cours balayés avec soin. Les habitants du dérive; on ne s'en occupe plus. Celui qui se rend au bord de l'eau dans ce
« compound >l drapent sur eux des pagnes neufs. but ne doit saluer plrsonnc sur son chemin, ni dire un mot, ni revenir sur
Poteries et calebasses jusqu'alors en usage sont dissimulées jusqu'à la fin ses pas. S'il doit absolument parler à quelqu'un, il pose d'abord son fardeau :
de b cérémonie. Les artisans nago dissimulent de même toutleur travail ina- celui qui porte une« chose de malheur ii ne parle pas à autrui.
chev\: : poterie, tissage, teinture, travail de filet, menuiserie, sculptures sur Fa peut eücore demander que le sacrifice soit abandonné devant le to-
bois '· Les marchandes nago liquident leur stock de nourriture préparée: L:.gba, protecteur du village; ou ailleurs, à l'entrée de la localité; en un lieu
akassa, pâte, riz, beignets, sauces diverses, etc .. de la brousse; sous un roko consacré; en un carrefour, où souvent passent
Les effets de la cérémonie se feront sentir jusqu'à la célébration suivante. des divinités; derrière le village ou sur le chemin d'accès; sur un tas d'or-
Le jour du te-dudu constitue.une fête de l'an neuf, comme il ressort des vœux dures (zaxag!a, zubgla); sur une éminence (sa).
que l'on échange: xwe na iî:ï, xwedagbe! l'année soit bonne, bonne année! .. Dans certains cas, le sacrifice est enterré, soit dans la brousse, soit dans un
D'autres souhaits visent la disparition des ennemis : kèta na ku ! ou : m; e li trou creusé exprès, soit dans la chambre du consultant, sous sa couche; mais
fia!J dJ t.nve le e afa bi do du te /que tes ennemis meurent 1 ou: ceux qui te on n'enfouit pas le ye : on rebouche le trou et l'on jette le ye à la surface.
veulent du mal, puisses-tu les. manger tous avec cette igname! L'efficacité
I·. Comp. description de la fête d'Ennaïr ap. E. DouTTÉ, op. cil., chap. xu, pp. 545-
1. Les décorateurs de calebasses et les artisans du cuivre sont des Fon, et n'observent pas 547.
ce rite. 2. So vo yi do: prendre [le] sacrifice fet] aller [le] déraser [quelque part).
?

LA GEOMANCIE A t' ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SACRIFICES 359


Le y: n'entre pas d:111s la terre; il symbolise le Favi à la <lem.inde de qui le sang sur la pierre, on fait cuire la viande que les deux Bobnà mangent
signe s'est montré et qu'on ne peut enterrer vif. ensemble.
La précision du lieu et le caractère impératif de la consultation constituent L'invité fait alors l\ne prière sans forme fixe et dont rnici la substance :
parfois une gêne pour le consultant, s'il est obligé, par exemple, de faire un Kiti, te rnici placé aujourd'hui en ce lieu. Celui qui t'a installé désire que tu
long parcours pour trouver une montagne ou la mer. Cette incommodité lui fasses toùjours du bien. Éloigne de sa maison la mort, la maladie, le
échappa d'autant moins aux devins qu'ils en étaient les premières victimes. malheur; et il \'iendra toujours t'offrir ici des sacrifices. -Il prend une noix
Ainsi se prit peu à peu l'habitude de substituer l'esprit ù la forme, et de cen- de cola, la diYise avec l'ongle en quatre parties qu'il jette à terre pour
traliser tant de lieux épars en un lieu idéal qui les représentât tous. C'est cc apprendre, d'après leur position de chute, si sa prière est acceptée; une
lieu que l'on nomme Kiti (Y) ou Nawo (F). .répo11se né.gatiYe entraînerait une série de questions éliminatoires_,
On est tenté de croire que cette commodité donnée aux adeptes de fa n'est jusqu'à ce que se trouve isolée la cause du refus. Il faut remarquer
pas très orthodoxe; en ces matières, on est souvent embarrassé lorsqu'il s'agit· que la prière s'adresse à tous les endroits, - c'est-à-dire. à tous les
de stricte observance. Mais ces rites peuvent tendre à la conquête des régions vodtï - représentés par du sable et de la terre dans le Kiti : c'est en effet sur
du monde; en effet, les grands et vieux devins seuls se permettaient cette lui (Kiti-ji) qu'ils viendront désormais chercher leur bien.
licence, après la cérémonie suivante. La consécration d'un Kiti ne profite en principe qu'à un seul deYin et à
Une fois le lieu choisi, à proximité de sa case, le devin fait chercher du ceux des consultants de celui-ci qui y déposeront leurs offrandes. Les autres
sable ou de la terre au bord de l'eau, dans la brousse, dans la mer ou sur une Bobnà et leur clientèle se rendront aux: endroits prescrits par. les du; mais
place, dans la rue, dans la cour des<< maisons » de Lolw, de Da, de Sakpattt, un devin sans Kiti pourra déposer ses sacrifict:>s sur celui d'un collègue, après
d'Ag;, de tous les vodii honorés dans le pays, au sommet d'une montagne, entente avec ce dernier et à condition de ne pas abuser de l'autorisation.
en un carrefour, et ·toutes les espèces de feuilles de Fa. Il jette le tout sur Le Kiti, participant à la divinité de Fa, est exclusivement du domaine de
l'emplacement du Kiti projeté, puis invite un collègue sur les lieux, et s'y ce dernier. Les vodn ne dematident pas, en général, l'abandon des choses
présente lui-même avec quatre poules et un cabri. Un trou est creusé. Les sacrifiées; pourtant, quelques Bob11à affirment qu'il y a des sacrifices 11a,
quatre poules et le cabri sont tués. Leurs corps sont jetés dans le trou et un destinés aux vodti, et des sacrifices agbà1ïitïi, destinés à Sakpata ou aux Na des
pen de toutes les terres est jeté sur eux, ainsi que de l'argent et du dàwi magiciens noirs,; que l'on « abandonne ». Le Kiti de Sakpata se nomme
(excrément de Dà). encore y:.z.1î '.
Le prêtre qui a pris l'initiative de la cérémonie bouche le trou, plante sur Le Kiti et le Duwo répondent à une même inspiration. Le Dmuo réalise
le monticule une branche de desreslg;-tt et dépose au pied de la branche une une économi.e d'argent : le prêtre dans le besoin introduit dans l'orifice décrit
pierre gidigbaja '. Un peu de poudre yz, OLI ont été inscrits les seize signes, plus haut la poudre de craie où il inscrit son signe et qu'il délaie dans de l'eau.
est jetée au pied de l'arbre et sur la pierre. Le Kiti, en effet, servi ra à de Le Kiti réalise une économie de tem.ps. Par ailleurs, on ne peut laisser des
nombreuses personnes, et celui qui l'établit ne doit pas se borner à le signer animaux immolés se décomposer au Fagbaji. D11wo et Kiti sont considérés
ùe son du personnel. comme des divinités : ils symbolisent les Bok:màdéfunts, respectivement dans
Celui qui consacre un Kiti égorge ensuite une poule. Des pagnes blancs, leur fonction de devins et.dans celle de sacrificateurs. Les symboles se com-
noirs et rouges sont attachés au bois de desresigë. Après avoir versé le plètent, et l'on n'imagine pas un Bokanà possédant l'un sans l'autre. La phrase
usuelle l'atteste : mà ni Luwo, 1110 ni Kiti, ki Io tà k11 (Y)? j'ai un Duwo, j'ai
I. Awiyà gidighaja, la pierre gidigbaja, est née en pays aja, dans la grande forêt. Xgvioso alla un Kiti, que puis-je avoir de plus? 2
l'enlever et l,\ donna à Sakpat.1, qui l'entraîna hors de la forêt. Si bkn que les gens dirent :
awiy.i-g-id(i:idi-e-gbs-Aj1r-nu-I; (pie rre-gidigidi-el le-re fuser-Aja-gens-(plur. ), la pierre ,i;id;'g/>ajll 1. YE-z1i: ces deux mots, différents de _l'E: âme, et de z1i : forêt, signifient respccti,·cment:
ne veut plus des Aj1r. On re~her~he encore cette pierre pour diverses prcparations magiques. ce qui est dangereux et : motte de terre. ,
Étant ta~hetée, elle sert .\ préparer les amulettes d~ S'.1kpata. On la nomme encore awiya 2. En fà-ghe: 11' J.;oli GM11n, 11' kr!i N1nuo, j'ai installe un /Jml'o, j'ai installé un Kiti; 11' de
:dixit. sJ kpo 1111111/ a, je n'ai rien dv plus ù foin:.
---------------~~-~~~

LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SACRIFICES

L'usage du Kiti se retrouve aux Indes occidentales'. peut interpréter un nombre incalculable (degba livi) de causes, et soi:
expérience est innombrable. Si la science du devin est adéqmte, elle 1U1
b) Sacrifices ADRA. permettra, etant don1,1é le signe, de choisir le sacrifice capabl~ d'atténue.r ~e
mal, et de déterminer à quel moment de son existence le Favi en est arnve ·
Adra est le nom spécial que portent les sacrifices prescrits à ceux qui ont
La nature'du sacrifice est dictée par le développement du signe trouvé dans
reçu leur Fa dans la forêt. Ceux que prescrivent les consultations des non-
le bois sacré. Les légendes que ce développement comporte indiquent à qui le
initiés reçoivent le nom général de i•a ou Wjisà •. Le même sacrifice peut donc
sacrifice sera dédié et le lieu où il devra s'accomplir ou être abandonné· S'il
se nommer, selon que l'on est Favi ou simple consultant, adra ou va.
est dédié à Fa, on en recouvre les noix consacrées; on peut aussi l'exposer
Le mot adra signifie ce qui est mauvais, malheur ( <ba Y). On dira : de adra,
en un carrefour, devant le Lgba indh·iduel du Favi ou devant le to-L.:.gba,
t:nfever i'adra ;, Le sacrifice aura pour but de supprimer l'adra. On dit : mi
en un marché, au flanc d'une éminence, au bord de la mer, dans une rivière,
na de adra do Fa Wtt (nous-(fut.)-enlever-aàra-hors de-Fa-corps), ou encore:
sous un grand arbre, etc .. S'il doit être offert à un vodti, le Favi installe
n na de adra dokpo do Fa trrU.Jè um nu we (je-( fut. )-enlever-adra-un-hors de-
le vodû dans sa maison, où il sera désormais honoré au même titre et aussi
Fa-tien-corps-pour-toi), je vais enlever le malheur qui est sur ton Fa. La
souvent que les divinités familiales. L'adra consiste en ce cas à l'installer en
1:érémonie au cours de laquelle on « en1ève » le malheur se tJ~ mme adra dide;
qualité de vodù domestique. Mais s'il faisait déjà partie des divinités repré-
le sacrifice accompli au cours de cette cérémonie se nomme adra.
sentées dans cette maison ? On demande conseil à Fa et, s'il l'exige, on l'ins-
Il est des adra p~rticuliers à chaque trouble de l'existence. Révélés à l'ini-
talle quand même. Mais on se rappellera que le second est issu d'un sacri-
tié selon son du de la forêt, ils sont destinés à éviter le malheur, à déjouer,
fice d'adra, et, 'partant, différent de l'autre. Extérieurement, le culte sera
selon certains, les intentions de la malchance symbolisée par LEgba. D'où
ensuite le même, mais le vvdü que l'on doit à 1'adra aura une mission spé-
l'excla111ation courante : L€gba ts ka dye? ou L;gba fa dye? ou aovi te ka dye?
ciale de protection, et ne fera pas double emploi avec l'autre. L'étranger n'y
c'est-à-dire : quel L<.gba, quel malheur est-ce là! - Ceux qui sont versés
comprendra rien, et se demandera pourquoi le chef de la maisonnée fait
dans la connaissance de Fa diront : adra ts ka dye? au mieux : adra ma de
deux sacrifices semblables sur deux symboles identiques de la même divinité.
wo.? où le mot adra évoque l'idée de malheur, d'accident, presque au même
titre que L<.gba dans les phrases précedentes. Lsgba regit l'adra.
Le Favi peut; venir chez le devin se plaindre de sa misère, de la médio-
C<:lui gui a été dans la forêt de Fa est-il atteint par le même malheur? Il
crité de sa vie, de l'impossibilité de trouver une femme à épouser, du manque
va chez son devin chercher un secours. Le signe qu'il a obtenu dans la forêt
de. travail, bref, d'un bien qui lui fait défaut et dont l'absence le fait souffrir.
a dû ressentir lès mêmes maux que lui au cours de ses multiples expé-
Ces malheqrs sont dus à une cause, mais ne donnent pas nécessairement lieu
riences, notamment au pays d'Ifè. Chaque dtt parle de toute chose; il
à une consultation spéciale.
1. Pour l~ Brésil, notamment-, d. N1NA Hoo1uGUES, op. cil., chap. 1v, p. 147: « Nào faz Si au lieu d'un manque à gagner," en quelque sorte, l'initié se plaint d'un
parte do sacrificio, coma alias muita gente snppàe entre nos, a pratica de feitiçaria que con-
malheur survenu, - maladie grave, deuil, mort imminente, - il possédait
siste cm soltar ou abandonar certos animaes e cuja significaçiio é a seguinte : par meio de
pr,icessos magicos, o feiticeiro fixa a molestia ou as infelicidades do seu cliente em certo e bien. quelque chose : santé, vie, espoir, mais c'est précisén:ent contre ce. ~u'il
determinado animal, cabra, carneiro, gallinha ou pombo; em seguida abandona o animal a que le malheur s'acharne. Et souvent la faute en revient aux n'.ag1c1ens
expiatorio, para gue alguem delle se apodcre e attraia sobre si os males de gue elle é porta- noirs. Le devin interroge alors le Fa de son visiteur : ses malheurs v1ennent-
dor. E'uma prntica de feitiçaria muito seguida na Africa occidental, onde o objecta em que se
fixa ;\ molcstia toma o nome de Keti n, ils de son propre Fa? Ou d'autre part ? Si oui, un interdit a-t-il été violé ?
2. VJsis.r est le terme générique désignant l'action de sacrifier à Fa et aux iiodit; adra Que faire pour racheter la faveur de Fa, quel sacrifice? Et il prescrit un
appartient ex.:lusivement au vocabulaire de Fa. sacrifice, ou des ablutions, ou un adra : ton malheur est dû à telle cause,
3. Un des moJèles de sabres de guerre usités à Abomey portait le nom d'adra dèkpwe :
conclut-il alors. Nous allons faire un sacrifice spécial.
destiné à faire le mal. Il en existe deux exemplaires de cérl!monie au Musée d' Abomey.
L'usage de cette :ll"me :\ douhle tranchant fut répandu par Gezo et distinguait les soldats de la Innombrables sont les adra, pour chacun des signes.
Compagnie Adta. Gbe-Me;ï demande deux pigeons, du savon noir de préparation locale
?

LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLA \'ES LES SACRIFICES

(adi-wi F, Jc;.-d11d11 Y), un gbeja fumé, la feuille dagbemd (F) ou wel'/e (Y), lement demandé lorsqu'un bonheur vous échoit. Il sert à écarter le coeffi-
feuille de tous les Fa, la feuille akwwià (F) ou weaja (Y), dé l'alcool, des \, cient de malheur que la chance attire toujours derrière elle, et permettra
colas, un morceau d'étoffe, quarante et un cauris. Le devin moud les feuille~, ' d'obtenir le maximum tJ.~, chance pure. Ce sacrifice porte aussi le nom d'adra
les saupoudre d'un yalost1 où il a inscrit trois fois le signe et ajoute le savon pour l'initié. Le non-initié dirait : vo-glo (sacrifice-protéger) au lieu d'adra
au tout, qu'il pétrit et dispose dans une caleb:isse. Il offre Jes colas au savon, ou adra-glo, il.Îais, pour l'un comme pour l'autre, la composition du sacrifice
qui acquiert ainsi la propriété de << laver » celui pour qui l'opération a lieu. est la même.
Les deux pigeons sont tués et la masse est repétrie avec leur sang, dont Enfin, il existe des adra destinés, non seulement à apaiser le malheur,
quelques gouttes tombent sur le couvercle du Fagbâ. Le Favi se lavera désor- mais à obtenir des satisfactions positives : ce sont les adra-yro. La parenté
mais le matin avec ce 5avnn, et le 13ob11à emporte le pagne dans lequel il A est étroite entre les adra et les priricipales espèces de talismans usités par les
fait la préparation. Au cas où aucune amélioration ne se produirait, on prépare mJgiciens blancs. Les qualificatifs de glo (ou ![Olo) et de yro leur sont com-
un autre savon, après consultation. muns. Ce qui distingue l'amulette de l'adra, c'est la présence d'un ys person-
Le signe Aklà-Mr;ji dem:mde un gbrja et quarante et un cauris; il faut nel dans ce dernier : chacun a ses adra, tandis que l'amulette est à qui l'achète.
ensuite « appeler le signe » sur ces objets, et les porter aussitôt à Li;gba. Dans Le Fafo, ou amulette de Fa, comporte bien un peu de yr;, mais on y inscrit
certains adra (kudyo), il faut encore les ongles des pieds et des mains du 1 un signe choisi en vertu de ses qualités magiques, et l'achète qui veut, même
Favi et un peu de ses cheveux. sans consultation préalable.
L'efficacité des sacrifices faits à Fa pour éviter un malheur dure un temps
variable : l'immunisation varie de quelques semaines à plusieurs années. Il
c) FA, le v:>sA-BOCIJ et le V:>K::>.
existe des adra continus, exigeant l'absorption quotidienne d'une poudre spé-
ciale. Uù devin cite avec assurance le chiffre de quarante années. Il ajoute On nomme vosa-bocio (ou bocfr) toute statuette en bois destinée à repous-
que l'on peut supprimer l'intégralité du malheur redouté, mais, en ce cas, il ser ou à frustrer la mort en lui proposant une effigie de la personne à prott':-
s'agit d'un transfert; le malheur sera égal, mais son incidence se déplacera, ger, après une consultation, la découverte de l'agbasafa, du Fasisè, ou celle
soit qu'il laisse sa victime bénéficier d'un sursis, soit qu'il atteigne une du fa du Faz.ü, dans la mesure oü la réponse de Fa est annonciatrice de
victime moins défendue. mort 1 • En fait,, le bocio entre dans la catégorie des adra, mais l'emploi du
Tous les malheurs n'ont pas la même source. Certai!1s viennent de Maw11 mot n'est pas réservé aux Favi. On l'appelle aussi atïmzso ou atïgbzto, c'est-
lui-même : la condamnation est alors sans appel. Cependant, à force de à-dire: morceau de bois (ati) à l'image d'un être humain, ou : être humain
prières et de démarches, on parvient à en diminuer l'étendue ou le danger. (gbdo) en bois.
Si le malheur vient des hommes, ou des vodtî, on peut le transférer. Le La statuette représente symbo"liqu.ement celui qu'il s'agit d'arracher à la
principe est que le malheur ne s'annule pas : tout ce que l'homme privilégié mort annoncée par F.i. On la vêt d'un morceau de· pagne porté par l'être
qu'est le Favi peut faire, c'est éviter la surprise d\m malheur imminent, ou menacé, - généralemen,t un malade, -- et on la dresse devant le portail de
atténuer la gravité de ses conséquences. sa maison, sur un sentier, en un carrefour, devant le to-L€gha,au bord d'une
riv.ière, dans la brousse, sur une place publique, etc., selon ce qui est pres-
Le bonheur et le malheur portent en eux-mêmes chacun leur contraire. crit. Elle y reste jusqu'à ce que les intempéries ou les animaux l'aient
« Chaque bonheur est un malheur, chaque malheur est un bonheur ;chacun détruite. Parfois, avant de la placer, on creuse un trou ou l'on enterre une
appelle son contraire 1 >>.Il est donc logique qu'un sacrifice d'adra soit éga-

r. Ce qui peut s'énoncer égalt.!ment sous la forme suivante : fie 1111 dagbe de, 1111 1iràtirii r. BociD est le terme générique désignant toute statuette en bois, que s~ destination soit
de; asu dokpo, 11si dokpo WE, là où est le bonheur, le mlllheur n'y 111anque pas; l'un est
11111 116
ou non magique. (Etym.: bo-cia, talisman-cadavre.) - Comp. A. B. ELLIS, The Eiue . ., op. cit.,
l'époux, l'autre l'épouse. En nago : ati bl11k11, ali ire, 1mjeji ni fa ri, et le malheur, et le chap. rv, p. 68, n. 1 : « The Bo-sio, small ch1y i:11;1ges representing the human figure,
bonhl.!ur, tous deux marchent ensemble, male or fl.!male '" - A. L. o'ALRÉCA, op. rit., chap. 1x, p, 140, etc ..
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SACRIFICES

tête de cabri, une tête de poule et des feuilles de Fa. Contrairement à ce quo llll' au Dahomey. Le fonctionnaire chargé de cette mission était l'Atiyiku
disent certains devins, on n'enterre jamais de pigeons. On installe le boclo \. (puisse la mort prendre le bois pom un être humain) ou Atihuhu (bois
sur le trou rebouché, et cette précaution constitue une garantie de plus. Uno ,, ~ 111ort). ·r
fois le sacrifice fait et le bocia mis en place, on ne s'occupe plus, de rien. Il Depuis la conquête coloniale, nous a dit à Abomey le grand dignitaire
est pour ainsi dire certain que la mort, distraite, se laissera piper, et accep• /{pakpa, - mÔrt le 6 juin 1937, - certains de ces excommuniés sont revenus
tera l'échange, que l'on exprime par les mots ku dya dya (mort-échanger, Rll Dahomey. On a remarqué que leurs enfants étaient, d'une façon ou
ou -déplacer). d'une autre, anormaux.
Une fois le bocia installé, celui qu'il représente ne doit pas se croire 1\
l'abri de toutes les morts : il évitera seulement de mourir avant le moment
fixé. Seule, la mort prématurée, - comme nous disons nous-mêmes, - se Nombre des victimes.
laissera tromper par le bocia.
Fa manifeste sa préférence pour certains nombres à _propos des sacrifices.
S'il s'agit de satisfaire un dtt qui réclame du sang humain, ce qui est inter•
Combien d'unités du même objet ou de la même espèce animale doit-on lui
dit par Fa, on offre alors une statuette en terre de barre, - 'l'ab ou vak~­
gbeta, - à laquelle on s;1crifie un animal avant de l'installer hors 9e la mai· offrir ?
Les nombres préférés de Fa semblent être en relation de divisibilité avec le
son. On ménage de la sorte toutes les susceptibilités'.
chiffre 2 56 : ce sont ses diviseurs 2, 4, 8, r 6, p, 64, r 28. Les anciens devins,
Lorsque le Fa royal demandait unboda, un esclave étranger était amenéau roi
par un dignitaire, le Bi11azJi. Recourait-on à un sacrifi~e réel ? Nul ne peut
nous a dit G<.d<.gbe, ont observé àce sujet que 2 X 128, 4X 64, 8 X 32, 16
X 16, 32 X 8, 64X4, 128 X 2, font 256. Les devins d'aujourd'hui n'ont
l'affirmer et il est douteux qlle ce procédc ait été mis en œuvre. La dctirne,
plus le sens de ces harmonies arithmétiques. D'ou peut-être les contradic-
- homme ou femme, selon la prescription de Fa, - était placée devant le
tions, lorsque se pose la question: quels sont les nombres préférés de Fa?
portail du roi. Le devin lui versait sur la tête de l'eau où étaient délayés
Voici quelques spécimens de réponse :
de la farine de maïs et le ys du signe, et lui donnait un peu de ce yi:: à man·
ger. Il lui mettait au cou un collier de trois ou sept cauris, et l'installait 2, 4, 8, 16, 200 l;
r, 2, 3, 4, 5, 6, 8, 12, r6, 20, 21, 32, 42. Le Fa qui réclame jusqu'à 42
auprès d'un V'Jb ou d'un boci'J. La victime restait vivante, mais son statut
unités est un Falroyal. Jamais il n'en demande tant à un simple sujet (Zti110,
subissait une transformation remarquable. A\•ant le sacrifice, elle était chose
du roi, et à ce titre correspondait une certaine dignité. Le « sacrifice »con- Pono-Novo);
2, 4, 6, 8, r 2, 16, 32, ..p, 64 (mais on donnera 65 ou 66), 80 ; 200
sistait en un geste du roi : il touchait son ex-sujet du doigt, et le repoussait
(pour le Fa àu roi ou dans des cas très graves ; on donne toujours une ou
(kpikpe). Désormais, il n'était plus au roi. Il était donc à Legba, comme tout
plusieurs unités en plu·s) ; 240 (on donne 241); 480 (réservé au roi). On
ce qui n'est réclamé par personne. Or cc qui a été et n'est plus cc chose du
ne peut donner 3, 5, 7, 9 : l'unité et l'impair déplaisent à Fa. De même,
Dahomey » est anormal. On ne peut préciser ce que devenait religieusement
on ne donne jamais l'unité à un chef ni à un notable, mais au moins une
l'esclave, mais il fallait éviter une personne ainsi retranchée de la commu-
paire. Si le sacrifice demandé consiste en un cabri, il faut immoler de plus,
nauté, donnée à Lsgb.i au nom d'un d1t. Dès que le roi l'avait« repoussé»,
immédiatement après, un poulet. En ce qui concerne la monnaie, ou la
le Bobnà l'emmenait chez lui, ou le vendait aux négriers en gardant le prix
menue volaille, on ne donne jamais l'unité ;
de la vente. Le roi le faisait parfois emmener par un de ses serviteurs dans
2, 4, 8, 16, 32, 4r, 2io, 480 (chiffre préféré du signe Sa-Wèle). fa,
une brousse ou dans une localité étrangère désignée par Fa, où il était libre
ajoute l'informateur, n'~time que les chitfres pairs, qui per,nettent une répar-
de se recréer un statut; il lui était alors interdit sous peine de mort de reve-
tition égale entre lëm:i et lemàsa. Le chiffre +1 se lit ktide n11kü dol~po ou

1. Si Fa ne demande ·qu'une tête, le modelage se compose d'une petite tête en terre de


barre (t''.J b-111•-ta). 1. lnji·a, L€t•-::>sa, deuxième partie, chap. m, p. 668.
?
,_(

LA GEOMA:-;CJE A L'ANC!E'.'iNE COTE DES ESCLAVES Uls SACRIFICES

kàde Lisa ' « le vodfi Lisa commande l'unité en plus du chiffre rond »; i triangle et ne peuvent former qu'un triangle (la ligne droite n"est p.is une
3, 4, 6, 8, 12, 200. Mauvais chiffres: 7, 9, rr, 13, 14, 15. Jamais on ne, figure)». Il répliqua: ce chiffre, ainsi expliqué, n'existe même pas. L'équi-
doit. donner 7 unités de quoi que ce soit à Fa ; s'il arrivait même que Fn libre·réalisé par les trois pierres du foyer, disposées en triangle, ne l'est vrai-
réclamât ce chiffre, on ne lui donnerait que 6. ment que si un quatrième corps vient leur donner une utilité et un sens.
Le chiffre 7 (tè-we) est mauvais pour le prêtre de Fa; jamais celui-ci n'ac· S'il n'y a pa;· un canari sur les trois pierres du foyer, il n'y a pas de:: foyer :
ceptcrait ou ne prendrait un rendez-vous pour un septième jour, qui est il y a trois pierres inemployées. Et lorsqu'il y a un foyer complet, le chiffre
a:;_à Bobnô ma do, le jour où le devin ne prend pas de rendez-vous. Cet usage, trois n'est plus. Il ne se réalise q'ue dans le quaternaire, chez les Fon
dit-on, vient d'lfè. On pense que ce qui est entrepris le septième jour est comme chez les Nago '.
vè.mé à l'échec, car Fa aime les chiffres pairs: Fa est complet. D'autre part1 L'adjonction d'une unité au chiffre rond (40 ou 200) évoque la conti-
7 est le chiffre fav·ori des amulettes et des fabricants d'amulettes. Un devin nuation, la continuité de l'amitié et de. l'amour. Le chiffre rond, au con-
ajoute : 7 doit être considéré comme 6 +
I. Il est mauvais pour Fa, qui aime traire, par sa perfection, ne semble pas susceptible d'être dépassé: il marque
ce qui va par deux; les rapports intimes entre Fa et Mawu, qui a créé toute un arrêt dans la numération, donc, par analogie, un arrêt dans les rapports
chose par couple (gbE ntt bi web:i web:i ), et qui est lui- même homme et femme, sociaux des parties, une limite assignée à h foi 2 • Par la grâce de Lisa, on
expliquent cette particularité. Fa ne connaît-i\ pas la paire lw1à-lw1âsa?' repart sur frais nouveaux.
Le chiffre r8 est donné comme bon. Il est pair, et représente trois fois le On ne met pas un Lisa sur un petit chiffre. Lisa, est trop important; il est
chiffre 6, de même que 6 représente trois fois le chiffre 2. le roi de tous les objets, il est lui-même, à certains égards, le premier.
Le chiffre 3 (aû\) est mauvais, parce qu'impair et boiteux. explique Des informateurs plus prosaïques affirment qu'un Lisa est réclari.lé par cer
GEdEgbe, à qui nous lûmes les phrases suivantes, extraites d'un ouvrage sur t<Üns du, pour écarter les accidents ou les maléfices, et qu'il est destiné à
le symbolisme des nombres: (< Il faut au moins trois p,iints d'appui pou1· L~gba. La rép.1rtition des autres unités se fait da·ns l'inconnaissable.
assurer un équilibre stable >Jet : «On dit que trois est un nombre trianguM Six se dit en fô-gbe : ayizè, en gü-gbe : ci-dokpo. Il est considéré comme par-
!aire, parce que trois points disposés au hasard forment naturellement un fait.
Le nombre sept ne semble pas avoir de ré<tlité par lui seul. Il se nomme
I. Kàde est une crase pour kà-do!.'j>o (corde-une), une cor,le. Les cauris étaient enfilés sui'
têwr, c'est-à-clin; ail) we, trois fois deux, <( et il re~te un en plus, qui ne parle
une foliole. desséchée de palme, et chaque foliole n:ccvait quarante cauris. 80 se dit kci-wd
(corde-deux) ; 120, kilià, pour kcî-alà (corde-trois); 160, kii-we (corde-quatre). On passe
pas avec les autres » : sept n'est que le binôme : 6 3
1 • +
ensuite ù la numération au delà de 200 (afa-de), et l'on a 240 : afade-1.·cide ; 280 : <1fa;fr- Ayiz.è, selon une étymologie ingénieuse, signifierait : a-yi-zè, tu-vas-égal,
k.iwe ; 320 : afade-l;cïtô : 360 : ajade-k,Ute. Et ainsi de suite, au delù de ~oo !11/a-w<'), ,140: « tu vas ensemble>>, tu vas par p:iires (à partir de deux). Dans le nombre six,
ajawe-kàdc<, etc., Les Fon, on l'admet généralement, ne connaissent que la _numération
quinaire; ils comptent ensuite par 5 jusqu'ù 40, par 40 jusqu'ù 200, par 200 jusqu'à 4.000.
on retrouve deux fois le nombre t~~is, qui est élémentaire ; six est (( plus
(J'. JouLOIUJ, op. cil., pp. 40-47. - M. DELAFOSSE; op. cit., chap. 1v, pp. 74-79. - solide », donne un équilibre meilleur. Le nombr,~ neuf, en revanche, est un
P. ~OUCHE, oj>. cit~, chap. III, p. 199 ). On pourrait, pour rendre compte de la similitude
1. Le symbole des trois pierres du foyer est connu au Dahomey. Un as~ de for du Musée
d'atà, trois, et d'ato, cinq, et de l'étymologie d'ayi.;:1', six (égaux au départ), qui se dit aussi
ci-dokpo, .admettre que les numérations quinaire et ternaire s1;; sont superposées; les traces Historiqut: d'Abomey, érigé. à la mèmoirc dt! Ghh, l'atteste. Sur une tige cylindri-~ue reposent
de cette dernière sont encore perceptibles dans les vieux villages fon. ·deux disques plats de bois blanc, au lieu de l'habituelle boule. noire. L'ombdlt: (go) est à dix
2. De nombreux habitants d'Abomey ont tendance à nonm\er Lisa (ou aic11) tous lt:svodù tubulur.:s. Sur le ~hapcau ronJ, plat, au pourtour orné de pendentifs (composés de clo-
venus du pays nago. chettes sans battant et de récades du lion), six volutes en, œrcle. Giel~ a dit : ce que l'on cale
3. L'adjectif: pair doit être précisé par un substantif: 11zri ·œeba weba, 11z1î Z<'Z<'. signifient sur les six (cieux fois trois) appuis du fourneau, ne tombe pas : 11do yi-alà 11à Jli nu li. (Yi-a/à
jour pair, azti dokponàde signifie jour impair. Eu et: gui concerne les chiffres impairs, nous désigne les deux paires, de trois appuis chacune, oü peuvent reposer trois canaris).
2. Les GJ du Togo en usent différemment : donner une unité en plus du chiffre rond ou
avons eu la surprise de remarquer que G«!Eg/>e connaissait cc vieux principe : le carré de tout
nombre est donné par l'addition d'une série continue d'autant de nombres impairs, à partir pair i;:st considéré entre eux comme injurieux. On dit : wo 11111 1i1 a111e agbe o, tu-(neg.)-être·
de l'unité inclusivement, qu'il y a d'unités dans k nombre à élever au carré. Les devins pcrsonne-complet:(nég.), tu n'es pas un être complet.
savent à peu près tous qu'il existe 256 du, mais ignorent, ù l'ex~eption de Galegbe, que 16• = 3. Et non c116 w~ : cinq plus deux, comme on dit couramment. Nous ne prétendons pas
1 + 3 + 5 + 7 + 9 + 11 + 13 + 15 + 17 + 19 + 21 + 2 3 + 2 5 + 27 + 29 + 3I. rcsoudre le problème 1
368 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SACRIFICES

carré par trop divisible. Par ailleurs, le nombre six permet, à qui l'analyst1, Béhanzin aurait dû commencer par le chiffre 2, qui est « confonne au vœu
des dispositions telles que : trois rangs de deux, deux rangs de trois, (c'est• ~ Je la vie >>;il arrivait ainsi, par trois fois deux, à six, qui est parfait. Mais il
à-dire trois ou deux paires,) et une file indienne, toutes représentations,, 1\ commencé, -'-comme le chant du roi, - par cinq, ce qui a tout brouillé
qui semblent satisfaire l'esprit de l'informateur. on le menant à un chiffre impair. Lorsqu'il sentit son erreur, et son échec
Six évoque l'idée d'équilibre, de parallélisme, d'apparîment, qu'exprime le + +
(S 5 5 = I 5, et non 6), il se lança sans réflexion sur les trois, qui l'en-
mot zêzê : en équilibre, égal. On retrouve souvent cette conception de six tl'n1nèrent au chiffre impair neuf, c'est-à~dire à un gaspillage d'efforts, - et de
comme chiffre parfait. Nous nous bornerons à citer ce poème chanté de snng, - à la perte de son équilibre, aux excès de toute sorte. Quinze et neuf
Gh.h, dont nous regrettons de ne pouvoir noter ici la subtile musique : 1 font ving't-quatre : il faut encèJrc six unités pour arriver au chiffre rond trente.
Pourquoi, au troisième vers, le mot akwe, qui signifie monnaie, ou unité
1. A atb, [a ]tJ, at3,
Je monnaie? Le mot nombre n'existe pas en fo-gbe. On dit : tantde jours, tant
2. atb, at3, do-at3,
d'argent, etc .. Akwz permet en outre de renforcer le caractère ambigu du chant.
3. akw<. n<.-h af:Jtô w<.-e-1ïi?
Le troisième vers ne rappelle que le premier. Le chiffre <.JUÎnze se réfère
4. De-s:J-jE-ji fo-gbà jè na-iii?
aux enfants de Glsfr., contre qui s'exerçait la rancune de Béhanzin, le chiffre
5. Gh-ve nu-m<.de,
neuf aux efforts du futur roi, pour prendre la place de son père. Seules, les
6. htî e-ba-wëlè, bo-gosï mi-n1E.
premières de ces démarches avaient réussi à l'époque· du chant: il n'est donc
7. Me na-16 h? Naxo 1iaxo !
tenu _compte que du chiffre quinze.
Ce qui signifie Par ailleurs l'interrogation, dans les chants d' Abomey., constitue une sorte
de défi à l'interlocuteur.
r. Trois fois cinq 2
,
+ Quel c!Jiffre. faut-il ajonter pour tomber sur trente? Glele insiste sur l'émi-
2. trois fois trois ;
nence du chiffre six. En effet, (3 X 3) + (5 X 3) font 2,j. : il faut ajouter
3. cela fait-il quinze unités de monnaie ? six pour tomber sur trente, qui est un chiffre rond. Au lieu, partant de
Analysons ces trois premiers vers. deux, de s'arrêter à six, nous voici déjà entraînés jusqu'à trente!
Le chant est plein <le sous-entendus. JI a été composé par Giel<. lors de la 5. Celui dont ,la vie est cruelle,
mort d: son fils préféré Ahàz.o, homme fort remarquable, que son frère 6. qu'il fasse effort et se retire.
cadet, Nakaja, plus tard Béhanzin, supprima, ainsi que d'autres, pour accé- 7. Qui donc férmerait les ycnx en pareilles circonstances ? Hélas! Hélas!
der au trône. Ghh, très profondément affecté par ce deuil, sentit que le Ce qui revient à dire, en langage clair : laisse de côté le mal et le désé-
Dahomey, entre les mains d'un despote tel que Nal(aja, irait vers sa ruine. quilibre, retourne dans la bonne voie, reviens au chiffre simple et parfait :
N'osant pas prendre de sanctions contre son fils, il composa ce chant dont le six. Sinon, nul ne pourra t'absoudre '.
côté mystérieux lui permettait d'exprimer sa douleur sans être compris des Ainsi s'exprimait la douleur de Ghh, attestant l'ex-cellence du chiffre 6 •;
profanes.
Les sacrifices humains.
I. Les chants royaux d'Abomey,.notamment leschœurs, atteignent souvent il une densité
et à une grandeur qui inspirent le respect. Le chant cité a «vingt-six paroles», 1111 kikE kwalo, Le problème de la participatio11 de Fa aux sacrifices humains se présente
dont chacune comporte plusieurs mots, réunis ici p:1r des traits d'uuion. Ou cite des chants ·sous deux aspects : sacrifie-t-on ou a-t-on sacrifié des victimes humaines à
de mille dellx cents paroles; lors des concollrs de chants, le jury ne mauque pas de les
contrôler au fur et à mesurt'. Fa ? Consultait-on Fa lors des immolations aux vodü royaux?
2. Le ton musical sur 1'6 ùe alb signifiant trois est bas; il est haut sur celui de alti siaui- 1. GIEÎE dit un jour publiquement â son fils, dans une intention analogue : « tes mains
fiant cinq. La differenœ est très rapid~ment perceptible. (Co11tra, M. DELAFOSSE, op. ~it., tiendront de la farine et tu ne mangeras pas la pâte. »
chap. IV, p. 7 5). Dans le premier vers, pour l'euphonie, on a passé do. 2. Béhanzin, remarquable compositeur, répondit quelques jours plus tard il ·sou père.
l

370 LA G~OMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE 'DES ESCLAVES LES SACRll'ICES 371


Depuis qu'il connaît Fa, Gzdzgbe n'a jamais entendu parler d'un seul sacri- Contrairement à ce que lon peut lire parfois ', les prêtres de Fan 'avaient
fice humain à cette divinité, Et ses collègues le suivent sur ce point. Les d11, pas à se prononcer sur le sort des victimes humaines lors des coutumes
disent-ils en général, peuvent tuer, si on leur offre leurs interdits en ajou"' annuelles (Xwetanit) des rois; ils se bornaient à demander à Fa d'en fixer
tant certaines recommandations magiques. U y a, par ailleurs, des signes qui la date. Parfois, en cours de cérémonie, ils étaient appelé~ à consulter sur
sauvent. Mais fa lui-même ne tue jamais. Certains semblent pourtant faire un événement suspect 2 • Les devins du roi n'assistaient pas aux exécutions i.
des réserves, et se demandent si de tels sacrifices n'eurent pas lieu autrefois. On pourrait croire que le grand Bolm10 du palais d'Abomey assistait avec
Ils emploient comme argument la légende d'un dtt : Lûz passe pour avoir la Migâmi (cc mère du Migà), et en présence du roi, à la cérémonie de la
institué les sacrifices humains et en avoir ordonné la suppression'. Quoi préparation du sabre, lors de l'intronisation d'un nouveau MigtT 4, Dc\·ant
qu'il en soit, nul ne peut aflirmer, au Dahomey, que l'on ait im1ùolé à Fa
1. ~oucHo~, 11r/. cil., pp. 667-668 : «Béhanzin, de sanglante mémoire, ne li\'rait jamais
d'autres victimes que des animaux. ses victimes aux bourreaux sans consulter Fa et la réponse de l'oracle décidait de \a vie ou de
Quant aux immolations aux divinités, il est très improbable que le couple la mort des malheureux nago (autochtones de la Nigéria du Sud), qu'il capturait au cours de
Mawu-Lisa ait jamais reçu de victimes humaines 2 • D'après les informateurs ses incursions». Plus loin, p. 669 : « ayant l'occupation française, des femmes, des enfants
et des vieillards étaient immolés [à Fa] aux lieu et place des animaux ». - Les Mission-
les plus âgés l't les plus compétents, les étrangers qui constituèrent le royaume nain:s st1rtout semb\'ent acharnés <:ontre Fa; cf. E. DEsmBES, op. cil., p. 364 : « elle Da vic-
d' Abomey n'immolèrent de victimes humaines qu'à la mél110ire de leurs rois time humainè J est assommée avec le bâton du fétiche, ou elle est laissée vivante, suivant cc·
défunts, et non au totem(?) royal, au taxwiya Agasn. Ces boucheries solen .. que !fa le conmrnnde ». - N. BAUDIN, op. cil., pp. 36 et 95. - A. B. EL us, op. cil., chap.
v, p. !05 : (( !1'1 times of great urgency human sacrifices are olfered to some of the gods, for
ne lies ont préoccupé les voyageurs des sièdes derniers, au point de les détour-
example, to Shango, Ifa, Elegba, Ogun, Olokun, and Olosa ». - Les inutiles calomnies
ner de considératio11s moins sensaüonnelles sur leur origine i, Les sacri- rèp<1ndues contre des hounbonon d'Haïti et l'exagération de certains reportages « sènsa-
fices humains, - qui coùtèrent infiniment moins que la traite par les tionnels » doivent nous rendre circonspects en cette matière. L'Evêque yorouba J. JOHNSON
négriers européens, -eurent peut-être, entre autres buts, celui d'inspirer par la mentionne, sans insister, les sacrifices humains faits en l'honneur de. Fa. (Op. cil., chap. v1,
p. 48). On est surpris d'entendre des hommes que le caractère de leur mission devrait rendre
terreur le respect absolu du roi et une forme de discipline moins rehîchée. circonspects, sinon indulgents, porter légèrement des accusations aussi graves et fournir de tels
Gezv et Ghlz y étaient hostiles. Le même procédé, appliqué au nom des argùments a la « négrophobie ». Certains ont été jusqu'à parler de cannibalisme sans avoir
vodü, eùt menacé les cultes royaux, et entraîné le peuple affolé à l'exode rien recueilli des traditions les plus anciennes f!t sans s'être renseignés sur la corporation des
m;-du-t~ (personne-manger-celui qui) d' Abomey. - Pour notre part, en recherchant la trace
ou à la révolte.
des 1'11angeurs d'homines, nous eùmes l'occasion de rencontrer aParahoué, en pays aja, un vieil-
fard souriant nommé Adrian da Costa, qui fot engagé· au Dahomey en 1896 par un aventu-
I. lit/ra, deuxii:me partie, chap. 11, quatorzième signe, pp. 550-5 p ; chap. HI, légende de rier français di:J'nt le nom de guerre était Captain Penn. Emmené à Marseille, ·puis à Bor-
G/Je-LEtE, pp. 596~599. deaux, on l'embarqua pour la Nouvelle-Orléans, dans une troupe de quarante et une per-
2. Co11tra, M. J.,HERSKovrrs, Some Aspects .. , Mt. cil., p. 272;A11011tlill~ .. , art. cit., p. 16: sonnes, recrutée au Togo, en Nigeria et dans le Bas-Dahom€y, qui fut exhibée en di;erses
« Jn the days of the kings, this was the only cuit whkh haJ a right, officially recogniied by villes des États-U,nis sous le titre publicitaire de Cannibales Dahoinéens ... Adrian da Costa,
the king, to lrnman sacrifice >>. Cette phr;ise parut blasphématoire à d'excellents informa- surnommé depuis Chicago, revint en France e~ 1898, aprés cette tournée où son rôle était de
teurs. Il y a là peut-être une erreur d'interprétation : vodli lm asi, le ·vvdti tue son êppuse, manger de la viande crue en poussant des grognements. Sur le chemin du retour, la maî-
désigne la cérémonie au cours de laq uellt:; les personnes a initier dans un séminaire sont tresse du Captain Penn, une certaine Louisa, eut soin de le débarrasser dè ses économies.
tuées symboliquement par le vodti, qui ressuscite (/11l fnfà). ensuite ses victimes. 2. Pendant toute la durée des Coutumes, la population d' Abomey se sentait dans une période
3. En ce sens, F. AcPIAlS, lac. cil., pp. 45-47. - M.-M. PREVAUDEAU tient à voir en elles dangereuse. Les Xwetaim réveillaient notamment les liô1111 zli adii zo-li ye lm, « les femmes
«la grande fête sexuelle» ! (Op. cit., p. 65.) - L'opinion du public moyen au sujet du [des rois] qui se dirigent irritées (d'êtres veuves] vers la mort>>, et qui avaient été, lors des
Dahomey en général se trouve assez bien exprimée dans les lignes suivàntes: « Le Pape me funérailles de leur mari, empoisonnées par un alcool spécial contenant de la poudre d'or et
dit : « Oh ! le Dahomey, je le connais. Quand j'étais jeune, j'aimais beaucoup la géographie préparé par un dignitaire, le Kpakpa.
et je lisais le Tour du Mo111fo. Je me souviens d'y avoir lu. la description des sacrifices 3. Le roi, en qualité de père de tous s,es sujets ne prononçait _pas de condamnations à
humains alors très en honneur dans ce pays. J'ai encore devant les yeux une gravure repré- mort : un père ne tue pas ses enfants. Lorsqu'il jugeait une affaire, il maniait des cauris. Des
sentant un esclave ligoté et jeté ù la foule du haut d'un·. balcon .•. » Ces scénes se renouve- que l'un d'eux tombait, le Migti savait ce qu'il avait à faire.
laient chaque an11éc. Elles atteignirent leur maximum d'horreur sous le règne de Glé-lé, père 4. Mï-g1i-11à : simple nom honorifique ; le mot mère (nà) àppelle le respect. Exécutrice du
de Béhanzin, qui régna de 1858 il 1889. »(La Rec. Afric., rev. cit., 2•ann.,no 15, 15 avr. palais, el.le tranchait la tête des femmes du roi coupables. Ces exécutions avaient lieu dans
1926, p. 2, art. de F. STE1NMETZ, Vic. Apost. du Dahomey). unc cour du l'abis.d'Abo111c1· nommée AyidolnvEdo. Supra, chap. 111, p. 75, n. 1.
Institut d'Etbnologie. - Bernàrd M>.Ul'OlL, 24
l
"LA GEOMANCIE ·A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SACRIFICES 373
ces trois personnages, le Mîgâ offrait les mains à un traiten)ent magique qui un gbeja fumé ..... ~. ,...... .
0 f. I 5
devait assurer son bras au moment du sacrifice et le mettre à l'abri des divers \ quarante qmris ........... . of. 20 prix du marché (r936)
dangers qu'appelle la mise à mort d'autrui '. C'est ainsi que Gedsgbe assi.sta ·, un gâteau ata . ........... . 0 f. 05
à la préparation du sabre de feu Atîdebaku; mais il le fit à titre de conseiller honoraires du Bokono . ..... . 0 f. 10
personnel et de confident du roi, non à titre de Bokanà. 0 f. 50
Des documents nigériens sur cette question seraient les bienvenus. 2. Pour Turukpê-Woli «parlant de la stérilité». Légende de la femme de
Xwioso. Sacrifice à faire pour débarrasser la femme de la cause intérieure de
Frais des sacrifices. sa stérilité :
uri cabri ................ . 35<180 {. \
Les frais sont couv_erts par le ~consultant ou le Favi. Une partie du sacri-
un canard •.............. 15 fà 25 f._ (prix du marché (1936)
fice est réservée au devin sacrificateur, et constitue souvent le plus clair de
une poule .•.............
ses revenus. 4 .. 50 '
poudre sokpskps .......... . of. 15 ,
La nature du sacrifice étant, selon tous les Bok~mo sérieux, déterminée de
un-e plant~ parasit~ ( xàsirnh). of. rn
façon immuable, il n'est pas question d'interpréter à cet égard la volonté de
honoraires du Bokono.. ... . of. 50·
Fa. Le devin est lié à tout un système, et peut difficilement ·s'en affranchir
55f. 25 au minimum.
sans commettre une faute lourde. Si tel signe réclame tel sacrifice, il faut le
dire au client, quelles que soieJ1t les facultés de paiement de celui-ci. 3. Pour Lts-Tula << répondant à celui qui va partir comme tiraitleur
Fa, néanmoins, ne veut pas la ruine de ses adeptes: si un client ne peut pour le sèrvice militaire)). Devise : la beauté ne danse pas la ·danse de la ri1ort.
faire les frais d'un cabri, il en donne les raisons aµ devin, qui peut lui con- - Le signe parle d'un piroguier qui conduisait des jeunes gens. A mi-che-
sentir certains avantages, par exemple l'autoriser à n'offrir, au lieu d'un min, ceux-ci dansaient pour montrer la beauté de leurs corps : mais ils ne
cabri, qu'un os de cabri acheté au marché. Mais on ne doit pas aller contre devaient pas toucher la rive opposée. - Sacrifice destiné à tromper la mort :
la volonté nettement exprimée d'un signe : s'il demande du sang, il faut une.petite pirogue (réduction)..... . . . . . . (sans valeur)
une pièce d'étoffe rouge. . . . . . . . . . . . . . . . 1 5 f. -
immoler Fanim:il coîite que coûte.
Bien mieux, le devin consciencieux ne pouvant renvoyer les clients pauvres « « . cc blanche. . . . . . . . . . . . . . . 20 f. -

sans leur avoir donné satisfaction, est parfois contraint, pour ne pas irriter F<1., « « cc noire.................. 17 f. 50
d'exécuter à ses frais les sacrifices exigés. Il y a là un sentiment de solidarité un cabri............................. 35f.-
entre le prêtre et les adeptes de Fa, une sorte de responsabilité collective, deux poulets.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 f. -
qui rappellent les institutions familiales et méritent d'être soulignées 2 • deux asè de Dà ..........•.. .-. . . . . . • • • • If. -
deux jarres de Dà. . ............... : .. 1 f. 50

Le coût des sacrifices de Fa est très variable selon les du. Voici quelques· patates (dokwi) . ...................... . 0 f. 50

exemples. une canne en plomb (fielega-kpo) ..... .... . 1 f.-

r. Pour Gbe-Meji « parlant de la bonne chance ». Devise : la voie est pièces d'argent démonétisées ............ . 2f.-
ouverte au chien. Sa·crifice à faire dans la case de LEgba : une perche de piroguier (dullpo) . ......... . 1 f. -
un chien ............................ . 2of.-
I. « Tuer une personne, disent certains infonilateurs, cela n'est rie1~ du tout». Ils oublient travail du devin, rechernhe de feuilles, etc .. 5of.-
d'ajouter (pour eux cela va de soi) : « du moment que les précautions sont prises ». En 173f.50'
effet, l'acte de tuer est dangereux ; il importe de détourner la vengeance de la victime. Il est des sacrifices encore plus coûteux.
2. Beaucoup de devins, cependant, tende1it à taxer le client d'aprt:·s sa richesse présumée
ou connue. 1. Le salaire moyen journalier d'un manœuvre était à Abomey de 5 à 6 francs environ en
374 LA GlmMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLA YES LES SACRll'ICES

fl"l'tl llllÎ \' ewr zla ou ob!ikiti


Feuilles lit11rgiq11es (FAMA). t1z•akdf1i1111i (f. du cotonnier) ' wr ew11 ou ow11
Fa, comme les voiili, « parle >> volontiers de certaines feuilles « qui lui akwwui c1ue aje 2
donnent sa force », et dont la valeur curative ou symbolique détermine 11w11 fr l.pellpc111iï ou wnle kpekpr ou ï''Zl't~ au•11 le l?pekpe
l'emploi en pharmacopée ou dans la préparation d'amulettes. Les grands /Jwe!ckpekpe
Bob11ii ont auprès d'eux un ou plusil'mo kpamogâ qui se chargent de les axiiwixâwi (F), liipà lop1• ( Gft) afzle
recueillir et d'.~n étudier les propriétés. Bien que le nombre de œs feuilles axexe (mâle de ::;/titi) lag/Jo lagbo ou dMw da11a
de Fa excède quatre cents, selon les devins et leurs l.·pam:.,fà. il est bien difw ayilulsma (F), jivijivi ( Grt) ?
liciie d'obtenir en une fois ]Jlus de vingt 1îoms. Nous donnons fa liste 1>ui- az.âkosa (F), tokposo ( G1i) ok11ala
vante, en langues fon et yorouba: gbagbada ou at17ryë atil~pwëla
ou atil~pôila
gbejamà ou 111lh11a111e wc wui (ou a111ô)
adài:Jfio ?
blocyii (F), glo ( G1i) ?
adiîtii acalwtrt
ci:nnâ f-WC ofw
adaramâ ou dramà cwe alo
gbn/J/n at:.wog/!e irr i
afa111ii ' t'll'C adôdô
dagb1·11ui weele
ahwilJ11î isawcwc
diïv1i nu.111ti fWC eya ·I
awzyi111a (f. du chat) ou azôbiws gbogbo11ce 2
dekikànui · fWe cdwfowa
akicals ou yawèlè 1we akical s
desresig:., alabwz ou kpa li 111ii ç agldz, eweako ou al.-oko 6
aklik:J111à (F), ]agbe (G1i) ewe ahha
dèdèfûd/i. ai1zama
alisa, ko!ojagbe paparo
fèlïïiwui (f. de manioc)
·a fova tûiè ( = alavi-atii) a/11ga11fr on agalt
godob alala-dala
amajè, ou ajasiaj~v:. ?
h1îdtilàlè ewe wota
aftàmà kpc!cogîi
hüsiko1111 ( G1î.) ou 1 !Jtîsi!.~11se 8 ewe awô 9
akpwzà 111.·pz
akpokph ? fabriquent des filets de pêch.e. Liane à l:1tex, genre caoutchouc ... Action violente sm l'in-
asagbok<î ewe agba 1 testin >>. LAFFIT'fF., ib ..
1. « Cocl1/osperm11111 tinctorw11, G. et P. (Cochlospcrnrncl:e). Vern. : Attigni vocanfou
(Fon d'Ahomey). Petit sous-arbrisseau à feuilles à 3-5 lobes. Le fruit non vu co1lticildrait
19.3 5-6, le salaire minimum étant 3 fr. 50. Les maisons de commerce donnaient 7 f. 50 pour
une espèce de bourre. Dans le suc exprimé de 1:1 racine, on écrase un fruit d'attacou et on
neuf à dix heures de travail.
applique le produit sur les abcès». LAFFI'J'TE, ib ..
1. « Ka/.rncbo~ crenata, Haw. (Crassulacée). Vern. : Afama (Fon, Dahomey). Plante
2. Could be ~ither Gloriosa super/là or Âutiaris. In this case probably G/oriosa superba. The
gras.se. La décoction des feuilles est utilisée en lotions externes coutre la fièvre. Elle est
tubcrs are vcry poisonous, but have medicinal prnperties and .:ountain Colchicine.
aussi administrée aux femmes accouchées pour hâter l'expulsion du placenta». L\FFITTR, il> ..
3· Ire signifie bonheur en yorouba ; Ml'e feuille. A111a signifie feuille (F et Gli: en (it' :
2. Uvaria .ifz.elii; the roots are used in the treatment of yellow fever and also gouor-
ama!lpa).
rhaea. - Nous remercions vivement J. D. Kennedy, du service des Eaux et Forêts de
4. Daniellia spp., probably meant for ewe iya.
Nigeria, d'avoir bien voulu nous donner, par l'inter1J1édiaire de la Nigerian Field Society,
5· Kpa, haie, ttti, bois ou arbre. Ainsi désigné parce que cet arbuste sert ;\ édifier les
les précisions que n.ous reproduisons ici telles quelles.
haies.
3. Lecmiiodiscus c11pa11ioides.
6. Nen•bouldia lawis ; a stomachic medicine is prcpared from the bark and the roots are
4. May be one of the numerous ingredients of .1gbo, \~hich is a well known childrcn's
also used as a febrifuge.
medicine iil Lagos. - « 0111pbalogo11111s 11igril<111s, M. E. 87.. (Asclépiadacée). Vern. : Assonbo-
7. Cassava.
kan (Fon, Dahomey). Une des plantes dont l'emploi thérapcutiqu'e par les indigènes a causé
8. « Verno11i11 ciiierea, L. (Composl:es). Vern. : Hounsi coussé (Fon, Dahomey).
le plus d'accidents mortels. La liane entière est utilisée: comme stupéfiant de pêche. Les
Plante herbacée dont la décoction est utilisée contre la fièvre en boisson '" LAFFITTE, ib,.
jeunes lianes fournissent encore aux Dahoméens une fibre intfaess~\nte avec l:i<]uelle ils
Cette plante sert che7. les Gif à faire des préparations pour Fa et des amulettes.
9. One of the numcrous 11 bitter» leaves uscd in medkinc.
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES
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,0 ,". . .

LES SACRIFICES 377

fatw1à, :Jfafa, b:Jyb:Jy \' ewe fats '


kesukesu ou xisixisi efilioco asibata 2
t:Jkago
koldusu d~kpajs ou lwldodèllpajz agogo ig1ï ou agogo og1""t 1
·
agbe :Jbadmî
tol~pode, ou aglas·iùc où dsvilô
kôgoto (F), fd1TgJ10 ( Gti) ? welekpekpe
welel~pekpe
katamlt alugbàna, ewe ilitje ewe tut1t
xadukpo
h e'We ilz ewe afoma
!dm hku xàsinislê
hku h/w. ewe yde
lijî111à (F), oriji ( Grt) xzdulïjï
2
ewe iridi ou elij1 ewe orü
XSX$tnà
lisanit ewe ici ewe eya
111.àdaai:Jvicew> maj:iw:i Jtii.::i1mimi
zamà
zëtiti (femelle d' axcxr) dzwô de.wii
mdwui jakiiià weena
. nôhwalla)'a tale.ta na zomii
z.ub akisa
nônusisi (F), alnu1ïwivi ( G1i) alukpaida 3 :Jwàlti jtijâ
JiônJJSisi 11111m1':J:J alu.kpaid11 kpilipa z.ü.kuz.wi
z.ûnômtÏ cwe egbn
1111kiï.z.awe we :Jmim 4
ajênfole 3
jelelemà ou xzmajzji
.7c;l>aklesi ologonczcz :Jnmn
fàkti
sajumà ou wisa j11 weesa;u welejeje 1.
vzldë 1iziwnà ou vivimii
sesrevikë ou sdevil~i' .6 -;.dôlddnl
. sififa111ii ewe tutu 1 Les contradictions entre les devins rendent malaisé l'établissement d'une
sisrwui ewe aghmiii telle liste; les divers Dahoméens évolués, dont nous avons sollicité le con-
rnn uma ba 8
· joluijz cours, ont rencontré des difficultés encore plus gra,ndes.
ft'll'f;IÏgii teteleg1i 9
tevigmni :Jj:Jo!1pol.'po 1. A11uira11t/m{ viridis, native spinach.
2. This mav be osij>qla, the leaf of the watcrlily, Nympliae11 sp.; the name asibata is giv.en
to the water lettuce, Pistùi straliotrs, which is uscd as an cyc lotion ; this is the sud<l
1. Hâiotropii1111 indlwm; the k:.tves arc used in the prcp;1ration ag/1(1. Also in tre;1tment of plant. . . .
J. Ajefole is the egba na me; the oyo na me is ajelwbale, Croton amalnlis, used m treatmcnt
gonorrboCll "'"d ,;]c;1nsing of 11lccr5. - <cHdJ0Jrn/11°J11JJ. iJJtU~1w1,l, (J3orn.gacé~). Vern. : Coclo

l
sou découadjé (Fon, Dahomey). Le nom signifü: crête de wq, il cause de !.'aspect de l'in- of malaria.
4. Ces trois derniers noms sont ég<ilement donnés par J. JoHNSON, op. ci'.t., chap. m, P•
florescence. La décoction des feuilles provoque la maitrise de soi quand die est absorbée à
28. Les noms scientifiques de ces diverses feuill.es n'ont pu être obtenus des services spécia-
l'intérieur. Pour les femmes enceintes, ou introduit d;ms les yeux le suc des fouilles fraîches,
contre les étourdissements ». LAFFITTE, ib •• lisés de la colonie du Dahomey, et nous n'avons pas constitué d'herbier.
J
2. « Commiphora nfrica11a, Engl. (Burserac~e). Vern. : Lidjié (Fon Dahomey). Macération l
de la feuille it l'intérieur contre la stfrilité de l'homme ». LAFFITTE, il> ..
3. A/11-p,ilda, faire-changer: le sacrifice que tu feras changera le mal en bien. - Urarla
jJfcta; a snake bite antidote is prepared from this plant and the leaves are usetl in child birth.
4. Leaf of the snull banana, not plantain.
5. Erythri11a sc11fgalewis.
6. « P1111l/illùi j>ÏÙ1111/a, L. (Sapindacée). Vern. : Sésséréviké ou ;ltacoma (Fon de Sava-
lou, Dahomey). Plante grimpante. Les feuilles sont utilisées par les indigcnes pour lutter
contre la fatigue et le sommeil». LAFFITTE, ib ..
7. A general tenu for any ne\\·ly flushed leaves.
8. Ces feuilles sont administrées par sept aux femmes stf:riles et aux femmes enceintes
qui perdent du sang.
9. A spiny plant like spinach, but not edible.
379
surtout la plus claire. Le _\'z prend son essor dès que celui qu'il sui\'ait est
mort, et deYient un K11vit:i - on dit K11t11t:i à Abomey; à ce titre, il pourra
redescendre sur terre, entouré de mystère, et s'insinuer partout. Les )'E de
CHAPITRE IX ceux qui n'ont_pas été bons en ce monde hantent le~ cheniins, la nuit. On
dit, quand on en a croisé un : /Ili kpr 1111. (ou mi mô 1111) do yz-si-111e, nous
YE, SE, J:>TO, WÊSAGU, LIDÔ. avons trouvé, rencontré; vu, la chose qui demeure llans l'obscurité 1 • Ces
âmes en peine n'ont pas accès auprès de A1ail'tt, et sont innombrables. Selon
certains, elles peuvent cependant avoir des jala, ce qui est bien inexplicable;
Les Âmes et Ir Destin. -0n ,ajoute J.~tiUeurs ~ue Jes êtres J.ont Je j:J!:J n',a p.is ..1ppmché M11wt1 ..w,ant
de venir sur terre meurent en ei1fance ou devil'tment mam·ais.
Le problème de l'âme ou des âmes mérite une étude spéciale que nous
La divinité Ajagwra (Y) conduit à M11w11. les ombres de ceux qui furent
ne pouvions lui consacrer.
bons. Selon une autre information,T;îme du défunt rend compte de la vie
C'est à Abomey, au cours d'enquêtes sur le l.pali, les sacrifices et l'hypo-
de son hôte il Maw11 dès le décès, puis retourne '-luprès ~du mort jusqu'à
thèse d'une identité entre Fa et Mawu, que nous avons pu, grâce à G,.d:.gbe,
l'ensevelissement. A ce moment, elle se libère définitivement dn corps et
concevoir les rapports entre Fa et cc qu'on est convenu de nommer les
reste auprès de Dieu, en attendant une autre destination.
âmes. Ces rapports n'étaient évoqués, en effet, que de façon Yague et con-
Un informateur précise qu'ii ne s'agit pas en rblité d'ombre ou de
tradictoire par la plupart des inforn1:1teurs. En ce llomaine, plus qu'en tous
pénombre, mais d'un inconnaissable inclus dans l'ombre, que l'on nomme
autres, l'accord est irréalisable.
tantôt ye, tantôt sz.
On trouvera ici quelques-unes des interprétations recueillies, suivies des
propos de Gzd:.gbe qui les rejettent ou les confirment. Nous avons tenu à citer II. fVèsagli, messager, désigne l'ombre la plus proche du cqrps opaque, la
le témoignage du vieux philosophe dahoméen, dont la pensée n'a pas subi, plus sombre, le noyau même de l'ombre.
au contact des Blancs, d'altéra-tion sensible; ce vieillard respectable a \'écu Cette ombre renforcée joue un rôle m:.·s particulier au· momt•nt de la
ignoré de l'administration française, et les Missionnaires qui l'approchèrent mort de l'être ql,l'elle suivait : elle demeure dans la tombe, mais, en même
ne trouvèrent pas prise sur lui. temps, rend con~pte à Maw11 des actions du défunt au temps qu'il était e!l
Les renseignements qui vont suivre sont notés dans l'ordre où ils furent vie. Si ces actions étaient bonnes dans l'ensemble, Mmuu donne aux âmes
recueillis. de ce mort « une bonne place » et s'intéresse à elles; il les renverra sur la
terre, dans leur famille 2 • Si, au contraire, c'est un méchant qui est mort,
Chaque être vivant, chaque animal, chaque plante, chaque chose créée par Mawn peut le condamner au yâv:J, c'est-à-dire au néant>. Toutes les âmes
Mawu possède quatre t1mes: ys, wësagft, lidôetss 1 • Ys est le mot le plus usuel pour du mort seront anéanties du même coup : il n'aura plus de yz, plus de
tlésigner œ t]Ue nous nommons âme; c'est le terme qu'emploient les magiciens.
1. Ys 2 désigne non seulement la poudre divinatoire recouvrant le Fatz, 1 • Ou 11 kpe 1111, ~'ai vu la chose. Le fait de « voir 1.1 chose n s'exprime par les mots 1111

mais l'ombre périphérique, l'ombre la plus éloignée du corps opaque, et kpij>ke. Pour le Togo, cf. J. SPIETH, Die E~loe-Sl1ï111111e, ojJ. cil., chap. Y, p. 565: « 1111•!.'j1<' 1111
" es ist mir etwas begegnet n. Mau bnn dasselbe zwar nicht mit dem leiblichen Auge sehcn,
aber « das Herz sah n die Gefahr und wurde unruhig. Es sah den Geist eines Vcrstorbencn
1. Uu instituteur de Savalou voit dans le Fa individuel une cinquième âme : « tout
Jioli oJer sonst ern:as unsichtbarcs, etwa eiuen « bosen lnl » oder eine « base 1-lexe ».
comme les fu11es, notre Fa est une substance spirituell~, immortelle, unie au corps, qui
- 2 . A.B. ELLIS, op. cil., chap. v11, pp. 128-129 : «The dead often return to earth, and
disparaît de la terre et va vers Mtnl'll lorsque son protégé meurt"· - M. J. HERSKOVITS
arc born again in the families to which they belonged in their former life. In fact, one
(Some aspects .. , art. cil., pp. 282-290) affirme que chaque être humain a trois âmes : le
might say that thcy always return, since e\'ery mother sends for a b11/>1t!11·m1 to tell hcr w~1at
« Si Ms!.·:il!1ib " ou « Dy'll'l •>,le" Sr;. Mr;.dô »et le t< s, Lùl9 "·
ancestral ghost has animated her new-born child, and the />11/m/11·11·0 ;1lwa~·s tells her wluch
2. Le même mot est employé en langue g1'. Cf. D. WESTERMAN?-;, oj>. cil., p. 572 : « ye
it is ».Cf. infra, p. 383, tJ. 1.
(D.) Geist eincs Verstorbcncn. syn. 1)~1/i ». On dit encore, en gt'-g/>1',v1h•tlli,
3. Y;-yi-t•:i: :1me-p:irtir-finir. L';îme s'est abimée.
LA GÉOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES n, Ss, JJT::>, WESAGÛ, LÎDà

wèsagu, plus de lido. Selon certains, ·il gardera sori s~. Visibles ou non, ces avant la mort, dès le début de l'agonie. On ne considère pas que celle-ci soit
âmes, qui auraient dû être protectrices, cesseront d'exister; et la nouvelle la mort, et les préparatifs de la moà ne ·commencent qu'après 1'imn.10bilité
(ivè) en pourra être portée à la famille du défunt," au coms d'une consul- du corps et la vérification de l'arrêt du cœur, du pouls des bras, de celui des
tation de Fa, indirectement. chevilles et du terne des pupilles. Ainsi 1 le lido devance la mort': son départ
Eri effet, lorsqu'un enfant naîtra dans cette famille, on demandera selon est la condition de la mort, et ce départ est voulu par Mawu.
la coutume, - de trois mois jusqu'à trois et parfois six ans après sa nais-
sance, - quel est l'ancêtre dont les âmes vont protéger l'enfant. Et pour IV. Le ss, lui aussi, est invisible 1 • Chacun a un ss, qui est en lui comme
~ela, on consulte Fa. Si Fa répond négativement à la question posée : est-ce les trois autres âmes. Le S<. ne connaît ni la vie, ni la mort : il est immuable,
un tel -qu-i protège -cet enfant? .on n'insiste .pas sur .œ 11om, Dn en propose car il ne si.lit pas la matière dans la tombe. Une fois mort celui qu'il proté-
un autre, jusqu'à ce que l'on ait trouvé celui du jata, du père (ta) créateur, geait, il gardera celui dont le mort deviendra le jata; son activité est éter-
du mort revenu. Si, à propos d'une nouvelle naissance, on remarque un nelle.
second refus de Fa à la proposition du même nom, on n'insiste pas non Le ss constitue le sens moral, la conscience morale de chaque être. Il
plus. Ce n'est <JU'au troisième refus .catégorique? s'il se produit pour un 1 donne au vivant les bons conseils, s'oppose à ce qu'il fasse le mal. Nul mal-
troisième enfant,"que l'on peut demander si l'ancêtre que Fa s'obstine à ne heur n'arrive à l'homme par la faute de son ss. On traduit couramment se
pas désigner n'est pas au ydw. Cette coutume tombe en désuétude. par : esprit tutélaire.
Donc, selon certains, à la mort d'un être, la grande ombre disparaît, la Si l'être que le H dirigeait est anéanti après sa mort dans le ysiva, son si:.
petite ombre reste auprès de lui dans la tombe. ne saurait donc supporter les conséquences d'actes auxquels il n'a pu .que
s'opposer. Il ne sera pas solidaire d·e l'être anéanti. Mawu. lui donnera un
III. Lïdif est un mot qui inclut, d'après quelques devins, l'idée de chose autre être à garder.
invisible, dissimulée par quelque écran (do), et de distant, de lointain (li) : Ces quatre éléments spirituels ne sont pas l'ap:inage de l'humanité. Les
c'est un invisible lointain. Quelles que soient les cérémonies que l'on fasse, animaux et les choses ont aussi leur ys, leur wèsagiï, leur lido et leur ss. La
on ne le matérialise jamais, on ne le rend jamais perceptible 1 • ' différence est purement qualitative : ils sont plus puissants chez l'homme.
Lorsque le Fa est en train de << manger ll, il ne faut pas croire qu'il con- Voici un cas particulier. Une femme enceinte meurt. La règle veut qu'une
somme le sang, l'huile, le sel, les divers aliments dans lesquels on l'installe : tombe ne contien{1e qu'une personne. En conséquence, le chef des fossoyeurs,
il n'en prend que l'ombre, et ceux qui appellent y~ cette ombre se trompent, le dôleps-gJ, qui a seul pouvoir pour ordonner l'inhumation, extrait l'enfant
car le ya est visible pour tous. Or, une fois Fa présumé rassasîé, son cou- du ventre de sa mère, et fait creuser par ses hommes (dokp<.) une -sépultur-e
vercle est retiré et dans l'assiette apparaissent au complet les nourritures séparée pour la mère et pour l'enfant. Cet enfant qui n'a pas été mis· au
offertes, avec leur ombre, leur yz. Ce n'est donc pas cela que Fa prélève. Il monde n'en a pas moins possédé jusqu'à la mort quatre âmes, tout comme
se nourrit du lido, de l'âme invisible de ce qui est offert. s'il était né vivant.
De même, lorsqu'un magicien de magie noîre, voulant faire souffrir
quelqu'un ou le tuer, cherche à s'emparer de son âme et s'en empare effec- Ces premières explications furent recueillies à Porto-Novo. Approuvées
tiYement, ce n'est pas son ombre, son ys, qu'il séquestre, comme chacun dit. par quelques« lettrés», elles furent glosées par maint informateur en pagne.
Celui dont on a volé l'âme continue en effet à promener cette ombre. Le Nous remarquâmes à ce sujet l'aspect artificiel et intéressé des représenta-
sorcier fait bien le simulacre de dérober une ombre, une empreinte de pas tions religieuses chez les Portonoviens. Leurs thèses contradictoires cons-
où l'ombre s'est posée. Mais c'est en réalité le lidif, l'âme invisible, dont il tituent parfois des improvisations.
s'empare~
1. En gè<gbe : e1da. Le mot se retrouve en Guyane holl. (M. J. et F. S. HERSKOVITS,
A la fin de la vie, le lido retourne auprès de Mawu. Il quitte le corps
op. cil., p. 350 : « 'kra, soul. This won! is that of .the Gold Coast, a contraction of akta~
I. M. QuÉNUM, art. cil., pp. 102-104.
Saramacca people also drop the « r " and say ak',1 ». Et pass. ).
LA GEOMA~CIE A L'ANCIENlŒ CÔTE. DES ESCLA\'ES .. h, S::, jJT'.), WËSAGÙ, l.ÎDà

Certains Bobnô voient dans le jal:J une autre forme d\îme, et décrivent Elle est remplacée dans sa propre famille, non dans' une autre '. Si u.n mari
de la façon suivante les âmes dont il vient d'être parlé. et u.ne femme sont de peuples différents, leur jat:J sera identifié par Fa après
lès éliminations habituelfes; l'ajikwi représentera l'homme, le cauri la femme.
Dans l'exemple que nous avons pris, les f1mes du grand·père vt:_illent sur
r. Le ]JT'.).
le petit-fils.
C'est à propos du jJt:J que l'on voit se rejoindre le cttlte de Fa et celui Une- fois le petit-fils mort lui-même, ses funes vont vers Mawn, à
des morts. qui elles demandent de revenir· sur terre, pour veiller une personne de la
Chacun possède un jata, les rois comme les humbles '. Dès qu'un enfant famille à naître. L'organisation de l'au-delà est commode pour les morts : il
est né, il faut demander à fa gui l'a envoyé en ce monde_, à gui il ressemble : y a des villages, des villes, des quartiers, comme sur terre. Les Musulmans
car tout nouveau vivant ressemble à un mort. Quel est ce nouveau venu_? sont séparés des autres;· chaque race, chaque peuple, existe à part. On ne
De quel passé est-il chargé? Son jat:J et son y<- sont déjà vieux en lui•. Qui peut se tromper.
a envoyé cet enfant ? Est.:.ce ou non pour le bien de la famille? Si Fa'répond L'ombre du mort retrouvera l'ombre de sa ou de ses femmes, l'ombre
que c'est tel aïeul qui renaît, ce dernier est le-jat:J de l'enfant; le nom du· 1 de la femme celle du mari. L'ombre Je l'homme retrouvera, selon certains,
l'ombre de toutes les femmes dont il .a eu la drginité •. Dieu a créé le
nouveau-né, donné en conséquence, est celui de l'ancêtre. défunt de qui l'on
reconnaît la réincarnation. Les cérémonies au jata de l'enfant iront à cet même nombre d'hommes et de femmes, mais les hommes meurent en plus
aïeul. grand nombre que les femmes. Beaucoup de veuves sentent fort bien que
Toute personne décédée doit être remplacée sur terre par un nouveau-né, leur mari voudrait les. rappeler à lui.
si elle n'a rien fait de mauvais au cours de son dernier séjour sur terre. Si une famille s'éteint, les àmes de ses morts ne restent pas inoccupées
auprès de Mmu11. D'ailleurs, il n'y a pas de familles éteintes : on a toujours
1. Les noms des rois d' Abomey ne sout pas secrets, quoi qu'on en dise. Ceux de leurs
des parents ignorés. Des consultations de Fa ont permis de déceler ces paren
]ato sont moins connus. Voici une foumération recoupée quatre fois, la dernière avec l'ex·
roi Ago-li-Ag/io : tés, et d'assurer parfois la continuité des familles.
I. G1iiïixm1, qui eut toujours ce nom, avait pour joto Madokù; Voici comment on découvre le jat:J d'un nouveau-né.
2. Da/10 Huimkükti; Trois mois, au moins après la naissance de l'enfant, -- trois ans chez les
3. Hwegbaja, d'abord nommé Geli Dogbagli G1'111t;
.+. .11.-aba Nas111111 MatikpcJ ; Nago, -- le père ou la mère procède à une consultation très importante,
5. Agiija Dom G<iiiixem ;
6. Tegôem ]egü· L<lde; 1. Un proverb..: dit: .-fj,1 (111(11/0 uasifm 1·i Avo1111 .rn·e a :,1m leme, 111E leme H'! li, i'Aja. mort

7; Kpègla Naswm Akaba; ne peut revenir dans la maison d\111 Nago (s.-e. : s'ils ne sont parents ou alliés): que
8. Sèdozâ-Agoglo Agvglo Agaj11; chaŒn reste chez soi. - Co11tra, G. KITTI, Rites f1111érair~s .. , in Echo des Miss. Afrk. de
9. Ge._z.o Zekete Hwegbaj11-A111udoxl; Lyou, art. cil., juin-juil. 1932, p. qo/1 :· « Td dHunt peut se réincarner dans un nouvcau·
10. Glûe, qui se nomma d'abord B11<luz.ebo, et surtout Z11majegbèyi, avait pour jol9 né dc sa famille ou d'une autre. Il cst alors appelé k ]oit> de l'enfant. Le joto est le défunt ou
Agbi!lilir;cë-Bofodaho. Gbëli.iz.i, ·qlli se nommnit Nakaja et-reçllt de Glû<., dans son adolescence, le fétiche réincarné ~tans une personne. Le fait <le tette réincarnation, le nom <lu -déf\rnt ou
le nom magique de Kondo, avait pour joto' Agàglo, et Agpliagbo, â qui Gez.o donna le nom de du ft'.:tiche rt'.:iucarnés sont declarés par le E1 (fétiche du sort)».
]<vivi, avait pour joto Hwegbelo-Kp1'gl11. Ad<ilni.to, dont parlent les voyageurs anciens, fils de 2. C'est ce que m:rnifcste la coutume suivante : une femme mariée à un homme, mais
Tegbesu, mourut en bas âge et ne régna pas; c'est un Toxos11 (génie des eaux), et son joto déllorée prl!alablemcnt par un autre, ne vêtira les pagn:cs ù fond noir qu'au décès de son
est Akaba. premier amant et non i1 celui de son mari. Si la femme meurt la premil!re, l'amant s'abstien-
Adâzii, qui se nommait lild• et A-i•lig11eto, -·- ~c dernier nom lui fut donné par son père, dra ~ouvcnt de toutc relation sexuelle jusqu'ù l'enterrement, c'est-a-dire jusqu'au moment·
- eut pour joto T~i:besu. où le ys de sa virgo disrupta est retourné dans l'au-dclù. La femml:! est la H-si, - l'épouse de
Xrlgbc, qui dut son passage sur le trône au fait qu'elle était sœur jumelle d'Aliaba, fils ainé Lime, du sa, - de qui l'a déflorée. On admet que si la virginité a été cr.!éc par Dieu pour
de Xwegbaja, avait Ziliwe comme nom de « jumelle »; on la nommait aussi Adorn, nom de un seul homme, la défloration doit établir un lien entre le couple. - L'homme veuf passe
son joto. 1a première nuit de son n~uvage avec une femme ou une fille quelconque, qu'il ne touchera
2. D'cnfants qui viennent au monde avec un~ peau très· plissée, ou dit : cet enfant est très pas. L'csprit de la morte, qui rôde d(ms la maison, « n'osera pas troubler le veuf s'il le voit
vieux, - marquant aimi que son j:;I:; doit "être ,trés ancien. étendu auprès d'une autre frmme ».
l
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES ys, se, pT~, WÈSA.GÛ, LlDÔ

que l'on ·nomme Agbasa Fa ou Fagbasa, et qui permet de connaître le /:>t:> Fa donna des satisfactions plus gr.andes. Il y a lieu de penser, et quelques
de l'enfant '. Dans la famille ci-devant royale d' Abomey, la recherche avait deYins le reconnaissent sans fausse honte, que la famille, représentée par ses
lieu au Fagbasa du palais, ou même dans celui du Bokanii, à l'aide du Fagbo vieillards, "Souille au Fa sa réponse. La famille leur semble, en effet, beaucoup
et non de l' ag1îmaga. plus à- même qu'eux de discerner de qui un enfant sera « le portrait iJ 1

Le j:>ta porte encore le nom de se mekakitt:> 2 , et !'on en tend demander Après la découverte du jala de l'enfant, et le même jour, a lieu une céré-
narfois _: me ka kà b tif? (qui-(prétérit, pour ko)-fouiller-terre-sa) qui a monie connue sous le nom de mi-11a-lepe-jo11ô : nous allons rencontrer le
cherché la terre dont on a fait son corps? qui est son j:>t:>? - On ne pose visiteur. On se procure poùr'cela du dekwe, poils cotonneux situés à la base
cette question qu'après la consultation d'agbasa, sous peine de nuire à l'enfant. du pétiole des feuilles du palmier à huile et utilisés en guise d'amadou, du
La recherche du jaf'J semble avoir donné lieu, de_puis fort lonztemps, à des tabac (a-'.\a), de la farine de mil (li/.>i"ûifï), pétrie dans de l'eau et divisée en
coutumes précises, que la connaissance de Bo, - oracle de l'âme des trois boulettes, des haricots et du maïs que l'on fait griller avec des amandes
ancêtres, - puis de Fa, abolit. Autrefois, à Abomey, lorsqu'une personne (wu11e) de noix de palme non parvenues à maturité.
mourait, la famille élevait au lieu de l'ensevelissement une case en minia- Les personnes présentes sont les vieux et les vi(;!i!les de la famille, et le
ture, où elle disposait une petite jarre /Jb:J-:;,.è, symbolisant le parent défunt, Bobno qui a nommé le j:>t:> de l'enfant; il est là en simple spectateur.
et des sacrifices. Chaque famille possédait une chapelle semblable, nommée Trois petits tas de terre battue sont érigés et alignés, et sur chacun d'eux
y:>x:>fle, située dans une partie de la forêt réservée. Le nouveau-né était intro- on dépose : un peu de taba.c, une des boulettes; un peu de dekwe, de hari-
duit par le père et la famille dans cette case. En présence de toute la famille cots, de maïs et d'amandes. Un peu de farine de niaïs mêlée ;\ <le l'eau est
vivante, et des jarres symbolisant les morts, une prière adressée à ceux-ci les versée sur chacun des trois tas. Les enfants viennent alors prendre de quoi
suppliait de protéger le nouveau venu. La tête de l'enfant était mise en manger, les vieux et les vieitles se ser_vent de tabac et de del<we.
contact avec le mur de la case. Le père choisissait le jal:>, auquel toute la Cette cérémonie précise que celui qui vient d'arriver au monde est en
famille souhaitait une« bonne arrivée»: 5€ dooo ... se dooo uuwe ... Tous réalité un vieux. Il convient de faire en son honneur le sacrifice que l'on
se rendaient chez le père de l'enfant ou ils mangeaient ensemble des hari- fait pour les vieillards.
cots grillés, des amandes de palme, recevaient du tabac en feuilles, de l'ama- Le rapport entre le j:>ta et les :îmes est malaisé. à faire définir: Il est visible
dou, et se dispersaient. Les Aja semblent avoir adopté au début cette cou- que ce genre de, réflexion ne cmrnaît plus le· succès d'autrefois; une sorte de
tume des Gedevi. découragement/ ou de fatigue semble· alourdir la pensée de ceux qui vivent
Bo fut consulté dans la suite, et c'est préciséinent parce que· ses réponses encore dans les anciennes traditions. Citons pourtant l'adage suivant, qui
en cette matière contrariaient les vieillards que son culte tomba dans le atteste un lien avec le ss ~ ala do ta nn mi ta s:.-ce jai'J, la main fau fignré :
discrédit i. l'esprit] qui s'est pbsée sur ma tête est mon j:>ta [père créateur] invisible 2 •
En effet, on donne parfois le nom de se à ce qui est incompréhensible en
r. Supra, chap. vr, p. 229. nous. Le mot est fort vague,· et la phrase signifie : lors de ma naissance, mon
~- J. SP!ETH, ~hez les Ev~ : (< Der Leib <les Menschen ist von Er<le und wird wieder r.~ f'f'J me frôle, me détermine et passe; sa marque et sa demeure sqnt éga-
Erde. Wenn man einige Jahre nach der.Beerdigung eines Menschen sein Grab offnet, so ist
nichts mehr von ihm vorhanden als die Knochen ». (Die Ev;e-Stü111111l, op. cit., chap. v,
lement inconnues J.
p.,558.) «Man sagt, Gott nehme Erde und bilde Menschen daraus." (lb., p. 840.) «Man
I. Les grands Bnk'.lnà n'agissent pas de la sorte. Il.s- recherchent consciencieusen1ent, par
sagt, Gott bilde den Menschen ails Ton ». (lb., p. 828). - M.]. et F. S. HERSKOV!Ts,
voie d'élimination, si le j'.J~Q appartient à la ligne paternelle ou maternelle, et le !10111 de
An Outline .. , art. cit., p. 50 : « The first [soul]. is the ·s.;-Mebkanto, the soul of an
l'an<>être pt demandé ensuite en présence. des yieillards de la ligne intéressée.
ancestor who, wishing his name· to be perpetuaded, goes out .to find the clay from which
2. M.-à-111. : main-poser-tête-à-moi-celui qui-sHnon-jQ/Q. On dit parfois 11/E-X'.J:lo, celui
to mould a new body. . . The Se-MGbkanto becomes the child's DjJt), its spirit-
qni r.1chète, au lieu de jota, mais cette expression dcsignait surtout h~ roi d' Abomey.
father >>.
3. Quelques vieillards nous ont laissé eu tendre ·que les âmes d'un mort, au lieu de se
3· Les membres de l'ex-famille royale d'.Abomey ne consultaient jamais Bo à propos des
réincarner en un petit enfant, venaiem simplement toucher, effleurer le corps du nouveau
nouveau-nés. Ils se reunissaient chez l'Agasu110, à Hu:ahwe Gbë1111, où ils délibéraient. Plus
vivant. D'après des devins bien informes, « celui qni dit qne les âmes des morts viennent
tard, ils consultèrent Fa.
-
T
..

1
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LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES YE, Ss,. j'.)T::>, WÊSAGÛ, LÎDÔ

G<.degbe pense que les hommes, dans leurs efforts vers la matérialisation nuit noire. On doit dire : le y<: de mon père est étendu auprès de lui, mais :
de leur JE, de leur âme invisible, ont trouvé le jata et le Fa de la forêt. Il le lidô de mon père, auqnel je vais offrir cette année son troisième banquet.
voit dans ces deux abstractions l'aboutissement d'un infatigable travail men- Le mot lido serait une corruption de làdà, signifiant là-bas, au-delà.
tal, d'un effort tendu vers une· compréhension, vers une révélation précise Un vieux devin d' Abomey don rie les détails suivants :
de ces principes mystérieux qui sont en nous, et dont on voit bien dès le Le lidà surveille le sommeil de l'homme. Installé à- son chevet, il ne dort
plus jeune âge qu'ils nous déterminent. jamais. Lorsque l'homme est éveillé, il réside invisiblé en lui et l'accom-
Kpali et jata sont à cet égard deux entités· parentes, dans la mesure ou pagne; il l'encourage au travail, lui permet de respirer. Il est en quelque
elles marquent deux étapes de la pensée religieuse s'efforçant vers une source. sorte l'esprit de la vie en chaque homme. Après la mort, il retourne auprès
Mais sur cette voie gue si laborieusement les hommes se frayèrent vers le de Mawu, comme le y2 immortel '.
mystère de leur âme et l'origine de leur déterminisme, j:Jfa est un repère, Un autre informateur emploie l'image suivante : « le lîdô est sur ~es yeux
kp:Jli est le dernier refuge. Au delà de kp:Jli s'étend un domaine que nul n'a de l'homme »,donnant à penser qu'il attribue la priorité à la vue sur tous
su explorer. Le premier Fa consulté pour l'être par\fenu à la vie découvre ·Je 1 les organes annonciateurs de danger.
nom du j:Jt:J, révèle un premier déterminisme. KP:Jli es1 l'extrême connais- 1 Enfin G<:dzgbe.
sance que l'homme ·sera autorisé à acquérir de lui-même et de sa destinée. Le lido, c'est la tête entière, considérée sous son aspect inconnu, mysté-
C'est ce que le vieux devin exprimait en ajoutant : kpali est plus fort que rieux. Quand on fait un sacrifice pour la tête, c'est au lido qu'il est destiné,
i:Jfa, quoique postérieur en date-. à l'intelligenèe individuelle, à ce qui nous fait parler, agir, à ce qui nous
pousse en avant. Li signifie penser, dô signifie loin; nous ignorons l'origine
2. Le WÈSAGU. de notre pensée, nous disons qu'elle vient de là-bas, du lointain, de l'au-
delà. Le lïdà est .ce qui veille toujours en nous, nous éveillant pour un bruit,
Il est encore possible de recueillir des renseignements sérieux sur le i:Jta, un contact, un danger. Il est en nous l'instinct de conservation, l'esprit de
mais la fabulation domine lorsqu'il s'agit des deux éléments spirituels wêsagû
la vie (s<: gbe-mE-fi-tà). Lorsqu'il retourne à Mawu., nous mourons : il ne
et lidô.
rest_e plus que des corps, de la terre.
Wësagïi signifie, on l'a vu, messager. D'après GEdegbe et les meilleurs Mawu., dit-on, renvoie sur terre le ys des morts, mais non le lido, car, ce
inform~teurs, il n'y a pas lieu d'épiloguer sur ses attributioJ:.ls : il est celui
faisant, il recréerait identiquement la même personne 2 •
qui annonce à Dieu la mort, dès qu'elle est survenue, ou, plus exactement,
:! est 1e nom <tue œç-0it 1e yo. au m.oment où 1~ remplit <:ette fonction. 4. Le SE.'

Les Bobnô sérieux, interrogés séparément sur les caractères ·du se, font des
3. Le LÏDÔ.
1. C. MENSAN, art. cil., p. 20, oppose le SE au lido : « Le « Sê » n'est autre chose qu'une
Un « lettré », interrogé d'abord, nous a fait cette déclaration, que nous sorte <l'étincelle, de forme 11umaine, 1iétachée de Mahou et préposée à la garde dt: chaque
reproduisons bien qu'inexacte. être 'vivant. Il e'st bien différent de l'ange gardien des Chrétiens, car il est YUlt~érable et
YE et lîdà désignent deux moments différents de l'activité de l'âme. Lido, mortel, naît et meurt avec l'être. (On dit bien : Sé ton kou .do linê an =son Sê ne devait
pas motirir là). Il est également différent de " Lindon » (!'Ame) qui, lui, est immortel et
ou alidà, est I.e nom que l'on donne au JE au momeHt où il est invisible. peut devenir fétiche· après la mort de l'être ». L'auteur semble confondre le SE et le ye, tous
Réciproquement, le ye sera le lido rendu invisible, par la vie et la lumière deux innnortcls, d'ailleurs.
notamment. Le lidà est l'ombre abstraite : l'ombre d'un mort, l'ombre de la 2. Dans la case de circoncision (ada-xo), l'opérateur (ada-gbo-1111-me-lo) touche le pr.épuce,
puis le nombril du patient avec un fétu de paille sur lequel il a craché, et qu'il dtsse ensuite
habiter de nouveau le corps d'un petit enfant et celui qui dit qu'elles viennent toucher seu- en deux, simulant un pari avec le se et le lido de l'enfant. Il n'exprime pas ce pari, qu'il
lem'eut le corps de cet enfant disent la vérité : car. ces paroles se disent c11ez nous. Le nombre pense à peu près sous la forme suivante : n gbo tbe 1111 sz lowe, n gbo gbe nu lido towe, je casse
des âmes ne correspond pas à celui des personnes en vie : l'âme d'un mort peut toucher le fétu pour ton sz l!t ton lido, ou : n gbo.rn xa sz towe, n gbosu xa lido lowt, je parie avec ton SE
plusieurs petits enfants ». et ton lltlo (s.-e. : que tu mourras). Ce pari stimule le s• et le lido, qui régissent le corps.
Jnslilul d'Etlmologi~. - Bernard MAUPOIL. 25
LA GEOMANCIE A L'ANCIEN NE CÔTE DES ESCLAVES Ys, S<, ]JT::>, WÈSAGÙ, LÎDÜ

déclarations à peu près concordantes. Le SE est ce qui suit l'homme pour le G~d2gbe trouva ces propos admissibles, et admira simplement qu'un de
garder, pour le protéger. SE est notre second, awe-ta-mi-to (deuxième-nous- ses collègues pût at-firmer, avec un tel sentiment d "évidence, que le s2 se
suff. d'appart.), notre gardien, que le grand dieu nous donna. C'est lui qui
nous évite de tomber dans le malheur, lui· qui détourne la mort. Tant que
1 localise dans la tête. On dit cela, ajouta-t-il, mais nul d'entre nous ne peut
se vanter de l'avoir vu !
le jour de notre mort ne s'est pas levé, notre ss nous protège, invisible. -1 Voici ce qu'il nous révéla de sà propre pensée:
Toutes les créatures ont un SE immortel, tout ce qui vit et respire, et a du f
cc Le s:. survit à l'homme, et se retrouve sur terre après la mort ... En
sang, et même les ins.ectes comme la fourmi, qui n'ont pas de sang. Tout ce réalité, nous n'en savons rien. Tout ce que nous connaissons à cet égard,
qui marche sur des pattes, tout ce qui a des ailes pour voler, des anneaux c'est le jala: bien qu'invisible, le jata nous inspire confianèe. On a peine à
pour ramper, des nageoires pour se mouvoir dans l'eau, possède un ss. .mlmeur.e, .en .élf.et, .qn.e »le .sperme seul, .que!< .de l'eau 'suffise .à former la
Il existe un grand SE, qui est MawiJ. Le SE individuel n'est qu'une infime complexe personnalité d'un être. Sous le nom et avec les qualités du j:it:i,
parcelle du grand 5-z, en qui il se résorbe.à la mort; il ne reste plus alors, le s2 devient plus compréhensible.
du corps qu'il a1)i ma, que de la terre (b). Que dire des différences ou des ressemblances qui existent entre ys, s~ et
jal:J? Il y a des malins ou des bavards qui donnent d'habiles explications,
Sur ces termes peut se réali~er un accord_ entre les mei'lleurs devins-; Mais qui ose se flatter d'avoir approché Dieu? Mawtt est'.i! connaissable?
nous en_ avons fait l'expérience. Mais la fantaisie d·es êtres et des li<mx déforme Chacun de nous possède lin )'E et un SE, di tes-vous, qu'il libère à sa mort.
étrangement toute red1erche plus profonde. En voici un simple exemple, Mais savez-vous si le ys et le SE reviennent ensemble chez le même être,
qui ramène directement à Fa. après la mort de l'hôte précédent?
Chaque SE individuel est différent des antres. Les SE habitent l'homme et A mon sens, le SE représente la voix intérieure qui nous donne les sages
sont localisés dans la tête. Lorsqu'on parle de SE à propos de Fa, on entend conseils.Les2 détermine l'individu, et se trouve, invisible, dans le germe. Ce
par ce mot le du sous lequel on est venu au monde, ou le kpali. qui justifierait l'affirmation de certains, que le SE, à la différence du ys, échappe
SE et Mawu sont un seul et même principe On entend parfois dire :
1
• aux sanctions après la mort de l'être. Si le ys du défunt a été condamné au
mon Mawu, au sens de : mon· SE. On entend dire que chacun possède un y,-ziva, au néant, le ss qui vécut en ce même être retourne auprès de Maw11-,
Mawu individuel, qui dérive du grand Mawu, commun à tous les êt;es, à jusqu'au jour où il rejoindra un vivant nouveau. Le ss ind·ividuel ne peut
tous les animaux, à toutes les choses. se tromper: au cas même où il ferait du mal, soyez convaincu que ce mal
On dit enc.ore - au sens de : mon SE - mon kpali. Le grand SE réserve était prévu. Le ss participe du caractère de Dieu, qui est infaillible : les
à chacun de nous une certaine destinée, dont nous obtenons la révélation malheurs qu'il cause viennent à bon escient.
au cours de la cérémonie du Faziï. Le prêtre ne dévoile rien. Il n'a rien à Un adage fan : -Fa e do m2 ls ws 1îi lllE SE 2, signifie : le Fa du Faz.ii est le
dévoiler : il n'est que l'intermédiaire entre le Fa'l!i et le grand SE. Tout ce s~ de chaque être. Le jour où nou~ recevons notre Fa de la forêt, nous
que celui-ci veut communiquer est contenu en Fa; le devin interprète au sommes admis à contempler le plus directement et le plus entièrement ce
Favi le message personnel que Mawu a enclos dans son SE en le renvo;;ant que sera notre destin individ_uel.
sur terre. Toute notre vie est préfigurée dans la volonté de Mawtt. On dit même
que Mawu donne à l'enfant que porte la mère des instructions sur sa vie
!. Il semble que J. 'SPIETH ait e'ntrevu cette relation entre la divination par Fa et le s<,
post-foetale. Ce sont là des mots : le lien entre l'être à venir et la divinité
lorsqu'il définit èe dernier: « J)er Gott der Wahrsager. »(Dit Relig/011, ., op. cit., ludPx, est du domaine de l'inconnaissable».
p. 313.) lb., Iutrod., p. 6 : cc Eine nicht weniger lehrreiche Erscheinulig liisst sich bei den
Wahrsagern an der Küste becibachten. Sie verehren Gott unter dem Namen Se. » - Les
informateurs togolais devaient, eux aussi, préciser assez mal ces notions, car nous lisons : 1. Sumicsi, eau de l'homme (vulg. cip-1rn-sï), « commandée » par le i1od1i, Dà. G.degbe
« Kpoli ist gleichbedeutend mit Se, dem Gott der den Menschen macht und in die Welt dit simplement : de l'eaù, par un euphémisme courant chez les vieillards.
sendet. »(lb., chap·. m, p. 190-, n ..1.) 2. Fa-il-faire-être-(plur.)-c'est-nommer-être-se. En gü-gbe: Ofa dee da me o, e we ni se là.
--------1
390 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES
YE, SE, j'.)T::>, WÈSAGÜ, LÎDÔ 391 !
père de franchir la mer : << Dada GU<. w~ hwe xu f•tbe, ~a ahwà yi tiüê do kn
5. Le Yë. Io 11u. Me e do zîkpo-to ji le, na [[à a, e do du-gba mE la, e ua do sü•e 111E ma
na gw2 ! Le roi GlEh rejoint sa demeure, la mer, et une armée est arrivée
Le mot Je est celui que les Dahoméens emploientJe plus couramment par surprise dans les eaux de la mon (Kutanu = Cotonou). Celui qui
pour désigner l'âme. Il importe donc de se méfier tout particulièrement des occupe le trône ne manquera pas, si cette armée apporte des caisses de
interprétations hâtives, d'autant plus qu.e le Jë est vulnérable à la magie poudre, de faire tirer ses fusils dedans! » 1
noire.
Un devin de Porto-Novo nous dit : On nomme abiku les enfants mort-nés ou les enfants vivants qui les
Le Jë est l'ombre la plus longue, la plus lointaine, produite par un corps réincarnent. Le fait que certains enfants puissent venir au monde sans vie
éclairé. Tant que l'on vit, 1e JE vous suît ; si i'on se couche, il reste visible. constitue un mystère et donne lieu à quantité de croyances et àe compor-
Lorsqu'il n'y a plus de lumière, le Jë reste auprès de vous. C'est l'opscurité tements dans le détail desquels nous n'avons pas à entrer. Quant au y"E de
seule qui le rend invisible : il n'y a qu'à craquer une allumette pour le rendre semblables créatures, il est admis par le grand nombre, sem ble-t-il, qu'il
à nouveau apparent. retourne en Mawu. Mais on entend dire également qu'il demeure auprès de
Le J<: accompagne le mort dans la tomb~, avec' l'ombre la plus noire, la mère. Aucune de ces explications n'infirme la croyance selon laquelle m1e
nommée se. Une fois le corps étendu sous terre, lorsque l'on est sur le point même mère peut accoucher plusieurs fois du même abiku. La langue yorouba,
de clore avec un canari renversé l'orifice du cylindre vertical conduisant a à laquelle les abiku doivent leur vocabulaire, connaît le mot kasab, désignant
la tombe proprement dite, qui est horizontale, le dàkpz·[[à, chef des fossoyeurs, l'abiku à la troisième renaissrnce 2 • On fait aux enfants mort-nés des
recommande à tous de s'écarter : c'est au-moment où l' 011 pose le canari marques qui permettent précisément de . ks reconnaître s'ils reviennent J.
que le y<: s'élè\1 e vers Mawn 1 , gardant les apparen.:es de l'homm.e, avec Si le corps du défunt n'a pas droit à l'inhumation selon les formes rituelles,
l'immortalité en plus. Il pourra manger et boire des aliments immatériels, - c'est le cas pour les lépreux, varioleux, foudroyés, jiji, calcinés, noyés, -
les Jz d'aliments terrestrès qui lui sont offerts. Si celui qu'il accompagnait ce n'est que de nombreux i11ois après un epfouissement du cadavre nu que
sur terre avait des enfants, s'il était ma·rié, son JE retrouvera les JE de cette la fa.mille peut célébrer son deuil, lorsque le JE est considéré comme purifié
famille au fur et à mesure des décès. Et s'il se remet à vivre avec le JE de et digne à nouveau de rejoindre son créateur. Fa est consulté sur l'oppor-
sa femme terrestre, certains pensent qu'il en pourra avoir des enfants: mais tunité du mom~n.t. Quand il s'agit d'un disparu à la guerre, il y a lieu de
ceux-ci ne descendront pas sur terre. distinguer.: si la mort encourue était de tout temps voulue par Mawu, l'âme
A quel-moment -au just-e ie ys abandonne-t-i! Je cadavre? Lorsque u "'1.er- Tetou-rne i lvfawu; si -eHe -était imprn;ée c-amme châtiment, J'.âme seste.sru
nier a disparu aux yeux des vivants. Le plus souvent, c'est l'ensevelissement terre, gémit et fait du mal 4.
qui libère le JE· Ces y~ en p.:ine, !!rrant parmi les humains comme s'ils ne pouvaient entiè-
Les JE libérés se rendent en un monde inconnu, et les meilleurs d'entre rement se désincarner, portent le nom imprécis de nu badabada, choses mys-
-eux 1-ési.üeront à If-è. On pense que pour regagner leur point .de .dé{Urt, 1 téri-eus-es. Il-est possible, -dans certains ~as, Je les libérer, en.accomplissant
ils doivent traverser la mer; c'est la raison pour laquelle les morts, couchés un simulacre de funérailles où le corps est représenté par un morceau· de
sur le côté baauche ' - « ils sont baauchers, » - ont la tête orientée vers le
Supra, chap. vr, p .. 258.
sud. 2 Cinquante-huit jours après la mort de Gide, Yoyü;exome dit à Béhan- 1 1.
2. K1-si-oko : il n'y a plus de houe [pour l'ensevelir]. Cf., au sujet des abiku, Th. Mou-
zm que les Blancs, èn occupant les eaux dahoméennes, empêchaient son LÉRO, in La Rec. Afric., rev. cit., 2• ann., n° 12, 1er mars 1926, pp. 3-5. .
3. Le Missionnaire N. BAUDIN appuie cette théorie de l'imprégnation: <c Ce qui accrédite
1 encore cette erreur, c'est qu'il arrive quelquefois qu'un autre enfant en naissant porte les
1. Cette information nous a été confirmée par un dàkpë d' Abpmey.
marques des blessures faites au cadavre de son aîné, et cela parce que l'image de l'enfant
2. Harry DUNCAN. Tnwels ÙI Western Afrirn, in 1845 and r846, ëomprising a journey from
mutilé est restée gravée dans la mémoire de la mère ». (Art. cil., p .. 58.)
Whydab througb th~ Ki11gdorn of Dahomey Io Adofoofta, in the interior. Chap. IX, p. 193. -
4. Mourir à la guerre est considéré comme dégradant.
Dr.GAILLARD, art. cil., p. 117. 1
J_
392 LA GEOMANCIE A L' A1-!CIENNE CÔTE .DES ESCLAVES Yë, Sz, pT:), WESAGU, LÎDÔ 393
l
bois. Sous la monarchie d' Abomey, ce simulacre avait lieu deux fois pour Le d9kpsgi1 immole sur la tombe un co~ ou une poule, selon le sexe de la
les soldats tués à la guerre : une première fois dans la forêt, officiellement, p.::rsonne décédée, et fait sortir tous les assistants, à l'exception de ses aides.
avant le retour des troupes (ahwàz.êli), une seconde au sein de la tamille. Il installe alors sur la tombe le labazê contenant l'âme du mort, et, avec le
La cérémonie suivante permet de s'assurer que l'âme trouvera le chemin manche de la houe qui creusa la fosse, brise la petite jarre. Il recommande
Je l'au-delà et ne restera pas errante parmi les vivants. Destinée d'abord aux à l'à me de partir vers la demeure des ancêtres et de laisser la terre aux vivants.
morts de mor't anormale, - foudroyés, varioleux, noyés, guerriers tués, dis- Les fragments de la jarre sont t;:nterrés à la partie supérieure de la tom be ;
parus, - elle se généralisa, peut-être pour satisfaire l'appétit des fossoyeurs. un coq ou une poule lem est immolé. La cérémonie est terminée: l't1111e
Au jour fixé par Fa, trois mois à trois ans après le décès, vers dix-huit heures, s'~st éloignée du domaine de la vie.
le dàkp<.-gâ (chef des fossoyeurs) prend une petite jarre lab:Jze, un poussin, Parfois, la nuit, on entend crier les ys des mauvais hommes, des magiciens
dix centimes, des haricots cuits, un yard d'étoffe blanche, de la farine de noirs, des criminels. Car ils n'osent pas retourner vers Mawu: ils se t.raînent
mais rougie par l'huile de palme (anzija), une ou deux c;olas, du p'oivre au niveau du sol en gémissant. Si l'on croise leur route, de nuit ou de
atakü et trois cauris. Dans la nuit, il se rend avec ces objets sur une route, jour, on ne peut les voir, mais on éprouve sur-le-champ une douleur, ou
accomplit une cérémonie spé~iale et un sacrifice pour le défunt. Il siffle pour tout au moins des malaises : vertige, lourdeuf· de tête, picotements, qui
appeler l'âme de ce dernier, -qui répond et se présente. Le dô/çpëgà s'en saisit, vont jusq~'à la stupeur paralysante ou à une chute subite, et décèlent leur
l'introduit dans le labaz.è et va s'installer devant la porte de la maison du mort. triste présence. Jamais ces ys ne s'élèveront jusqu'à Mawu; ils doivent
Sans pénétrer dans la maison, il appelle les parents en deuil, par trois fois, éternellement souffrir auprès des humains. Et ces réprouvés sont légion.
à un quart d'heure ou une demi-heure d'intervalle; au troisième appel, tous Quant aux ys des victimes immolées, ils sont emportés par le destinataire
doivent être assis auprès du dô/çpëgà, et personne ne bouge jusqu'au lenJe- du sacrifice, vodù ou Fa, et détruits. Lorsqu'il s'agit d'une victime humaine
rnain matin. tuée par le Migt7, son )'ô va vers Maw1t; les victimes offertes à Abomey aux
Les dôkpë (fossoyeurs) déroulent et exposent les étoffes offertes à l'occasion rois défunts doivent servir ceux-ci dans l'au-delà. Mais leurs ys ne sont pas
des funérailles, en commençant par celles du roi, dadava. L'assistance prie anéantis, et pourront a voir comme les autres des jata sur cette terre. Il semble
pour le roi. Ensuite viennent les porteurs d'étoffes .à motifs rapportés, dont qu'une tradition antérieure ait admis que les victimes humaines ne partici-
l'u~age se vulgarise de plus en plus. Chacun est accompagné d'amis qui paient plus à la vie terrestre. Le fait que des étrangers surtout étaient exécutés
chantent un d1ant préparé pour la circonstance. Les membres de la famille au moment des Coutumes est peut-être à l'origine de cette croyance: leurs yo:
ne chantent pas ; s'il se trouve parmi eux un compositeur de talen~, il prie se réincarnaient en d'autres pays.
un de ses amis de le représenter. Le y:: ne redescend jamais visible sur terre. On ne matérialise que les âmes
Les étoffes sont à nouveau roulées, puis un dôkpE spécial, l'asukagà, proclame des morts récents.
leur nombre. Après le chant -et le rite hôtoxahènu (au portail de l'ami), tous
franchissent le seuil, avant l'aurore. Le dàkp<.gà prend un morceau de bois de Parmi les nombreux sens du mot y::, nous .avons pu isoler celui-ci, en
kpati(çpo ', une natte kplakpla, un pagne avagâ, de petites jarres gbagwe et écoutant une conversation entre deux kpamsgà de Gsdsgbe, au cours de
labaz.è, du savon, une éponge, une pipe, une tabatière (z.akpala), ·un petit laquelle fut prononcée la ph rase sui vante: gbo wzi nii wa ea. ama e ni )'E ba mi
panier tressé (ahâlâ), une corde en raphia (bkàlikil), une culotte (coleoto), nô do, gbo la ms lela, ene iîi z.odi ne. Zodi
ni myà )'E la, dans nos, charmes,
W<-
un boubou (kami;za) et un bJ110et blanc (bons), - ces deux derniers étant nous employons en qualité de )'Ela feuille z.odi. Zodi est le ys du feu '.
remplacés, si la cérémonie concerne une femme, par un pagne court ajoko et Ys signifie donc symbole. Et comme nous expliquions cette traduction à
une cemture d'étoffe (ada). Tous ces objets entrent dans la fosse, qui est
comblée.
1. M.-à-m. : talisman-nous-(habit.)-faire-lui, feuille-qui-nommer-yz-et-nous- (habit.)-
mettre, et-lùi-dans-elle, elle-nommer·z·•di-elle. Zodi-c'est-nommer-feu--ye-lui. - Autre défi-
1. Le kpatlkpo n't!st demandé que lorsqu'il s'agit de morts anormaux. nition : ye est la force de F.1, c'est comme la racine d'une plante.
394 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES Ys, se, }'.:>T:J, WÈSAGÜ, LÏDÔ 395
Gsd2gbe, .il répondit : évidemment! Et notre ys, c'est le symbole de Maw11 masqué par une recrudescence d'ambitions malsaines, par la volonté de s'en-
que nous portons en nous. - On a vu que le même mot, traduisant le nago , richir vite au détriment d'autrui, par l'accession'de gens indignes à de hautes
acs, désigne le mana. fo'nctions : c'est ce qui empêche aujourd'hui les gens de vivre. vieux.
Quand l'homme est mort, son âme revient sur la térre, au même endroit.
Voici, sous réserve_s, une version donnée par un vieux lleYin d'Abomey, Elle est étroitement attachée à la race et au sexe: l'âme d'un Noir ne pourra
Il y a deux ys. Le ys tout noir, l'ombre, meurt et descend dans la tombe revenir dans un Blanc, celk d'une femme en un homme.
avec le cadavre. Le ys plus clair, - ou llp:ili, - est immortel. Il repose sur Le Y'- des objets, selon de bons informateurs, est différent de celui des êtres
le ys noir et il arrive parfois, la nuit, que l'on puisse les distinguer l'un de animés. Il est une « simple ombre». De même qu'un fils est censé n'avoir
l'autre. Aussitôt après la mort, c'est-ù-dire après le dernier soupir,_ le ya rien en propre du_ vivant de son père, mais dira, -_parlant de son argent, de
immortel quitte le corps et retourne auprès de Mawu. Le )'E visible est enterré sa maison, de ses femmes : l'argent de mon père, la maison de mon père,
et se décompose avec le cadavre ; il deviendra, comme celui-ci, poussière, les femmes de mon père, ou encore : l'argent, la maison, les femmes que
terre, - car, si l'on ouvre une tombe ancienne, on ne trouve que de la mon père m'a donnés,, - de même chaque objet porte la marque visible
terre: il n'y a plus ni corps, ni ys. Ce qui permet de dire gue la terre, ce sont de sa création divine et de sa dependance envers son créateur. Cette signature
nos ancêtres mêmes. de Mawu, de l'architecte, du donateur, c'c-st l'ombre.
Si l'on désire faire une cérernonie en l'honneur d'un père ou d'une mère
défunt, par exemple, on tue un animal dont on accommode la chair. Puis,
1
Le n des femmes. Lavage de l'âme du mari.
après s'être approvisionné en alcool, on invite toutes ks personnes que l'on
a les moyens de traiter et l'on festoie. Le ys de la personne que l'on veut Les rapports entre le Fa d'un homme et son âri1e, le fait. que les épouses
honorer est censé prendre part à ce festin sur terre et participer, invisible, participent dans une certaine mesure au cul te du Fa de leur mari, attirent
à ces agapes. Deux informateurs ont précisé: le plat, posé plein sur la nappè, l'attention sur l'existence de l'âme féminine.
porte une ombre. Une fois le plat terminé, on l'enlève; c'est à ce moment Les femmes ont autant d'âmes, et de même qualité, que les hommes.
que s'élève le )'E, vers le y~ du défunt. - Mais cette explication est niée comme Mais la' valeur qui leur est attribuée est différente. L'âme des jeunes filles est
fantaisiste,' et surtout comme grossière, par Gsdsgbe '. de moindre importance, et comme en sommeil : elle n'a pas encore trouvé
Il est nécessaire, pour assurer la continuité des retours du ys sur la terre, son soutien : a j:i wa gbs, bo 111a ko yi arn-hwe; a!:J st towe ko di lidett a ', tu
de -faire du bien dans la vie; alors Maw11 laissera le vs revenir dans le mini- es venue en cette vie, et tu n'es pas entrée dans la demeure d'un époux;
mum de temps, c'est-à-dire cent soixante jours (kène atiJ) après la mort et les ton s;_ ne possède pas encore de soutien.
funérailles. Dans le cas contraire, Mawu garde pr\!s de lui le )'s,. ne le L'âme de la femme mariée a trouvé ce soutien et présente un commence-
renvoie que plus tard; la punition sera de rester auprès de Mawu, car on le ment de réalité. Elle s'éveille, « car son âme est faite de celle du mari », ou
dit capable de punir durement. d'une partie de celle-ci. Le Fa, le ys de son mari, lui confère l'exisrence, tout
Il n'est pas··impossib!e que certaines âmes soient condamnées au néant. En c=n lui imposant une vassalité. « Tout .ce qui arrive à Thomme d'ans la vie
tout cas, les âmes des grands gredins ne reviennent plus sur terre. Il est est le fait de son ss : si j'épouse une femme, mon ss sera responsable du
2
difficile d'affirmer si l'humanité tend ou non vers une amélioration. Elle mariage, et cette femme sera dans la main de mon s;. : nànu e l:J ss-ce-l:J-ms >>.
s'est enrichie en connaissances, mais le progrès, s'il existe, est actuellement On pourrait dire, - certains le font,,- que ce partage de l'âme de l'époux
justifie la présence de deux lôflè autour du Fa!E.
r. Beaucoup d'hommes âgés considèrent comme bien peu de chose les sorties des Kutut9 Le rôle de la femme auprès de l'âme de son mari apparaît clairement au
(esprits des mores) masqués et Jansants. Elles sont aujourd'hui très suivies par les jeunes;
lettrés ou non, - ainsi que celles des Zàgbelo, chasseurs de la nuit. Nous étions affilié à une
de ces dernières sociétés quinze jours apr\:s notre arrivée a'u Dahomey; les « Zangbéto >> ne r. Ko . .. a, pas encore.
sont donc à aucun titre les" grands fétiches» signalés par M.-M. PRÉVAUDEAU, op. cil., p. 102. 2. Le mari donne parfois à sa femme les noms de Seceto, Senami, S<iosi, Swwe.
LA GEOMANCIE A L' ANCIENN I' CÔTE DES ESCLAVES YE, SE, J:::lT'.), WÈSAGÙ, LlDÔ 397
cours des Fanuwiwa, lors du rite de Falilz '·L'épouse retire de l'huile et du dépose celle-ci près du portail, devant :;on L~gba, et la femme viendra se
sang les noix du mari, et les lave. Lorsque, le sacri6ce n'étant pas sanM \ purifier dans la nuit.
glant, elle est admise à les essuyer de sa langue, elle s'assimÜe un peu de "' Enfin une dernière eau lustrale, préparée aveç guarre feuilles seulement, et
l'âme du mari 2 • Une sorte de pacte résulte de cette communion et l'obliga- contenue dans une petite jarre asihwâlsgbâ, sert à des.aspersions dans toutes
tion pour la femme de rester fidèle, de ne troubler en aucune sorte l'âme les cases, chambres ou cours du Favi '.
du mari, dont une parcel-l.e l'habite et pourrait la punir. L'eau gui reste après chacune de ces purifications est jetée au fur ét à
En dehors même des Fanuwiwa, lorsque le Favi offre des colas à son 'mesure sous le dépôt d'ordures familial 2.
kp:ili, il les dépose eri autant de fragments qu'il possède de femmes, et cha-
.cune viendr~1 +irendre sa part sur le hp:ili. La femme coupable dénoncera Captures d' dmes .
d'elle-même sa faute en refusant le partage. Les colas sont parfois remplacées Les magiciens de magie noire sont impuissants à séquestrer le lïdô d'une
par de l'eau. Selon qu'il s'agit de colas ou d'eau, on dira : lepali ji vi, ou personne vivante, et même son y~.
kp:ili ji sï. En accompagnement de ce rite, on répète un chant connu : S'ils veulent faire du mal à quelqu'un, ils « appellent » son y:: après avoir
Viens, mets ceci dans ta bouche, puis va cracher, ramassé un peu de sable ou de terre à l'endroit où la personne visée ~- posé
la fille du roi ne boit pas l'eau posée sur le kp:ili ! l'ombre de son pied. Avant de recueillir cette terre, ils la saupoudrent de sel
Viens, mets ceci dans ta bouche, et va-t-en, (surtout s'il s'agit d'hommes), ou de sokpd1pe (surtout s'il s'agit de femmes).
la femme adultère ne mange pas la cola posée sur le llp:ili ! On peut encore faire souffrir le yz grf1ce à des cheveux, des rognures d'ongles,
des bouts de vêtements de son hôte transitoire. Les prières nécessaires ont
Wa yi do nû m; b'ayi tü,
lieù devant l' Ayiz.â.
ax:ivi nô nü kp:ili ji si a ! Pour flppele1· le yi:: et le faire apparaître, on se rend au lieu choisi, - che-
Wayi do nü 111E b'ayi, min, Ayiz.â, - avec des colas nudida, du noir de fumee, des haricots sur
agaht:i nô du lejJ:i!i ji vi a J 7 lesquels une poudre est versée, de la farine, de l'huile rouge. On baigne ses
yeux avec de l'eau ou certaines feuilles ont macéré, de façon à voir le ye
La femme qui a commis ·.et avoué une faute à l'égard de son mari, rend
gui se matérialise /sous la forme d'un être doué de parole, semblable à la
nécessaire une série de trois purifications (wusra). Le i11ari doit lui-même
personne visée. Le ys apparu,'on.lui offre des haricots pour se le concilier.
laver son âme. Il baigne ses noix dans un amâsinu composé d'une eau ou ont
S'il refuse, il ne faut pas insister, ma.is le laisser partir, de peur de dange-
macéré seîze. feuiiies 1iturgigùes différentes, ieur offre àeux poulets, accomplit
reuses réactions. S'il accepte, les amulettes dest1nées à1 frapper son hôte
un d:izme 4 et les nettoie. La femme fait une ablution avec l'eau de l'amasinu.
atteindront leur but.
Le soir, le mari prépare un nouveau <c médicament », composé .d'une
Certains y:: montrent leur reflet datis des assiettes, où ils restent visibles
macération de sept feuilles liturgiques de Fa, daris une jarre wuhgbii. Il
sous la forme et dans les vêt(!ments de celui qu'ils représentent. On peut les
I. Supra, chap. vm, pp. 341-34 3. Le terme lavage d'âme s'exprime en Fon pa,r se-lile (jamais interroger, et des enfants même en ont vu. Celui dont le yz est évmrué-pat
ys-lile). On dit indifféremment, lors du lavage des noix: ss-ce 1111 amasi-ms ehàms, ou : kp~li-ce un magicien l'ignore.
na yi la ehàms, ou : Fn-ce ua yi nmasi-me ehàmë : mon SE ira <jans l'eau lustrale aujourd'hui ;
mon kpali ira dans la rivière (même sens) aujourd'hui'; je vais laver mon Fa aujourd'hui; mon
Le y:: d'un mort n'est préhensible qu'aussitôt après le décès, avant le
Fa ira dans l'eau lustrale aujourd'hui. retour auprès de Mawu, avant l'enfouissement du cadavre. L'opération est
2. E yi asn 16 do xo-11i; : elle-prendre-mari-sien-dans-ventre-dans.
3. Certaines filles des familles ex-ro.yalt's perpétuent, par une vie dévergondée, l'adultère r. Le symbolisme des nombres indique l'objet de la purification : seize, Fa; sept, la
qui c,lonna naissance au « clan » du Léopard. Elles font de fort mauvaises épouses et beau- femme ; quatre, la maison.
2. J. BERTHO, art. cil., p. 378: « Le lav.ige des amandes dans le cas de la culpabilité d'une
coup d'entre elles né peuvent se marier. Les maris nt' leur demandent même pas de procéder
au SE-lile. épouse. On dit de la femme adultère qu'elle a mis le pied dehors. La femme adultere ne peut
4. Supra, chap. VIll, pp. 347-348. plus habiter la case de son mari, ni lui préparer son repas tant que les amandes de celui-ci
n'ont pas été lavées ... >>
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES Yë, sa, pTj, WESAGU, LÎDÔ 399

fort délicate et risquée. Quelques magiciens arrivent à séquestrer un ou plu· Il existe un y; des noix et un )'<:,du Fa. Ce dernier est l'esprit, le «mana »
sieurs y; de personnes qu'ils ont « tuées » ; ils les portent soit sur eux-même8 , du Fa; il fait la navette entre Ma wu et les différents objets de la consulta-
dans une bague, ou, s'ils se sentent trop faibles, les fichent avec un cloü tion : ag17.ma;;a, etc., autant de fois qu'il est fait appel à lui pour une consul-
dans un arbre. Avant de s'en rendre complètement maître, il faut leur offrir tation. La consultation finie, il n'y a plus que des graines : le ye du Fa est
une poudre spéciale pendant plusieurs mois. Ces ya deviennent les exécuteùrs reparti, le courant est interrompu.
des hautes œuvres de leur possesseur. Trois jours avant la mort du magi· Ce ye de Fa, -:- Gbaad1t, que Lisa accompagne, - ne descend pas sur le
cien, ils prennent leur essor et se perdent en Mawu. Tout cela repose sur-la• prêtre, mais sur les objets q.u'il manipule, et qui lui donnent les éléments
croyance· que le lidô seul est entièrement immatériel et permet les réincar- d'une réponse à_ la question posée par le consultant. Le prêtre est l'intermé-
nations. « Chaque plante, » dit un informateur> « chaque objet, a ~on lido~. diaire du ys de Fa.
sans lequel il ne serait pas ce qu'Ü est. Le lidô de cette noix de cola, c'est son L'informateur ajoute : notre interprète est comme le Bobnô. Toi et moi
germe, sa puissance germinative ; le lido de votre fume-cigarette, c'est le trou sommes comparables, selon le sens dans lequel sont échangées et traduites
qui le traverse dans sa longueur. Une cola sans germe est morte; votre fume· nos !?aroles, tantôt au consultant, tantôt à Fa. Et le message que transmet Fa
cigarette, s'il est bouché, n'est plus rien. Le lidô de la fumée que vous souf- à son interprète, c'est-à-dire au Bok:mo, est comme le ye. qui émane de Fa,
flez réside dans le feu qui brûle l'extrémité de votre cigarette. On pourrait dire ou de Mawu-Lisa.
que le frère du lidàc'est la vic,'donc Mawu, et queceluidu ya est le corps». L'opinion de Gw~GBE.
Les démarches en vue de capturer' une âme sont précédées d'une consultation
Donnons d~ nouveau !a parole à G:.d;gbe, dont nous avons enregistré les
de Fa, qui annonce la réussite ou l'échec de l'entreprise et les risques à courir.
réponses avec toute la fidélité possible.
« Mawu a créé chaque chose, et, en même temps, lui a donné une âme,
Les. symboles matériels de l'âme et la mort du FAvr. un y<:, _c'est-à-dire une ombre. Mais ce mot ombre ne doit pas être pris à la
lettre. Derrière l'ombre visible de chaque objet, au delà d'elle, se trouve un
Voici une information portonovienne relative au sort du Fa individuel,
. principe' invisible, sans quoi choses et êtres, non seulement seraient autres,
matérialisé sous forme de noix de palme.
mais ne seraient plus.
Lorsqu'un Favi est mort, ses descendants interrogent son Fa, et lui
Et c'est peut-être pour mettre en évidence le caractère secondaire de l'ombre
demandent ce qu'il souhaite devenir. On procédera. par élimination, et l'on
perceptible que l'on désigne Mawu sous l'épithète de Yd1we, composé des
apprendra si le Fa veut suivre son propriétaire dms la .tombe, - il sera
mots y;., <tu s-ens <l'omhr-e, -et hwe, comparntif <l'infériorité. Dn Jit : Je y.s
alors enterré auprès du mort, - ou s'il veut demeurer .chez un parent,
individuel fait tout. C'est faux : contemplez Mawu lui-même, car, il est
être jeté à l'eau, ou être abandonné dans la brousse. Dans ce dernier cas il
' plus « grand » que le ye. Il est l'âme du monde : Mawu kJ Gba-ye W<: '.
faudra poser quelques questions supplémentaires : désire-t-il être enfoui
dans le sol, laissé sur le sentier, ou jeté n'importe-où? 1. Comp. cet extrait d'un chant composé par Gedegbe au début de la guerre de conquête:
0
Gbe-me e mi Jo de le
Le y;. des noix s'adapte à ces différentes circo nstances. Si elles sont enter-
11u budowe.
rées, il s'élève aussitôt près de Mawu. Si elles sont laissées dehors, exposées Gbeto do se, là do se, xe do se, aa do se,
au soleil -et aux intempéries, le y; se résigne et reste auprès d'elles; lors- Se me ene le 16 Io, me ka 1iwè?
qu'elles sont détruites par le q.~mps ou mangées par les animaux, leur y; les Mawu-Gb<. we 1ii Se yetà.
Bokonà Gedegbe tii we tii se 1111 Dllxo111e,
quitte et rejoint Mawu.
Cette vie où nous nous somme.s éveillés
L'informateur compare les noix à notre stylo, et le y~ à notre volonté qui est une chose de mystère.
le dirige : si ta volonté s'interrompt, le stylo n'est plus rien. Ce ne sont pas L'homme a un se, l'animal sauvage a un se, l'oiseau a un se, l'arbre a un se.
les grains qui parlent, comme je le dis parfois; je peux changer de graines Tous ces se, qui les connaît ? ·
C'est Muwu-Gbe qui est. leur Se.
aussi bien que tu changes de stylo.
Le devin Gedegbe est le Se du Dahomey.
400 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES Ys, s:;:, pn, WÈSAGU, LlDÔ 401

Le ys invisible est comme un lien my.stique qui nous attuche à Mawu, des qualités supeneures à la somt1).e des parcelles gui la constituent?
C'est en s'efforçant patiemment d'en acquérir la connaissance qne l'homme - Le s:;: de chacun est impuissant en lui. Notre créateur, nous ne pou-
découvre successivement les diverses étapes de Fa jusqu~au kp-:J!i, qqi lui donnè vons l'analyser : nul d'entre nous ne le connaît. Nous sommes dans un
sur lui-même la suprême lumière. mystère. Nous disons que l'électricité, c'est l'esprit de vodiï. inconnus, non
Nos parents, lorsqu'ils consultèrent dans la forêt de Fa, ont eu la révéla- dénommés, gui trnvaillent auprès de Dieu. Si la variole vient, nous disons:
tion de notre avenir, et c'est ce jour qu'apparut notre ys. Il évolue dans la voici, l'esprit de la terre, qui réside près de Dieu, nous a donné cette mala-
suite, se fortifie, se perfectionne. Tout ce q~i est humain part du kp-:Jli .et die. ·Si un fort vent s'élève, qui abat un grand arbre, nous disons : parmi
aboutit au lep:)li. Les étapes se nomment adagofa pendant la grossesse de la les esprits qui résident auprès de Mawu, en voici un parmi les plus mauvais,
mère, Fagbasa pour le j-:Jto du, bébé, Fakiüiwe pour l'enfant 1rnp jeune pour gui a passé _près de nous ... Mais gui a créé tout celaJ gui a voulu cela?
comprendre Fa, an~aslntt p.our l'adolescent, kalo pour ceux qui approchent Malgré toutes nos recherches pour comprendre le fond des choses, nous
de la révélation de leur se, et enfin fatifa. Ces étapes sont entrecoupées de n'avons pu trouver. Et personne n'y est parvenu. Si nous connaissions le
sacrifices destinés à écarter le danger. Le stade ultime de la connaissance de fond des choses, nous serions maîtres de notre propre vie.
notre tune est au delà de la vie-' en Mawu. C'est pour expliquer les mouvements des forces naturelles, que l'on
- Existe"t-il une différence foncière entre ss et ye ? vénère des vodü tels que Sal~paia, Xwioso, Ag<., Gu ... Aucun chef d'État ne
- Le ys invisible et l'être humain sont des créations de Dieu, et l'on peut.accumuler dans sa tête toutes les affaires concernant son empire. Il a.
nomme Se l'entité qui a créé le ys et l'être. Mawu et Se ne font qu'un. Les des commis, qui détiennent et exécutent chacun une parcelle de sa pensée.
animaux terrestres et les oiseaux ont uns~, ainsi que les végétaux et les miné- De mêine, les vodû sont comme les commis, les subalternes de Mawu, et
raux. Car tout est création de Dieu et porte sa marque. êe que nous nom- leur totalité vient se fondre en lui, constituant sa volonté et sa pensée.
mons Dieu, c'est l'ensemble de tous ces se et rien d'autre. - Mais si ce morcellement se trouve dans le Ss suprême, se retrouve-
- Doit-on dire que tout être, toute chose, a quatre· âmes, ou qu'il a une r-il dans les ss individuels? Et comment?
âme quadruple? , - Dieu a tout créé, mais c'est le jour de cette cré~tion qu'il a réparti ou
- Il existe une âme quadru pie, si l'on s'en tient à g uatre fonctions de éparpillé un peu de sa pensée sur chaque être, chaque animal, chaque chose
l'âme; on en peut imaginer d'autres. Ces quatre âmes n'en font qu'une, en ce monde. Ensuite, les premiers couples de chaque race ont reçu de lui
tout en étant quatre. leurs interdits et leurs nourritures, leur divinité, leurs talismans et la magie.
- Mais y a-t-il une volonté commune à toutes ces parcelles de Mawtt une Tout cela est inclus dans la pensée de Mawu; chacun, en recevant une par-
force gai unit? ' ce11e du grand Ss-, reçoit une parcelle de la grande pensée.
--'- On pourrai_t'dire qu'il y a Mawtt et Li.ra. Mais œ n'est pas une expli- - Comment se fait-il, le créateur étant le même pour tous, que nous
cation. Si l'on cherche à approfondir, on observe que ce principe spirituel soyons tous différents?
que nous nommons notre se, ignore de quoi il émane : la totalité des se. - Mawu seul est le maître de toutes les intelligences de l'univers. Mais
invisibles a-t~elle formé Dieu? Nous ne le savons pas. Tout s'arrête à cette l'intelligence de Mawu n'est pas éga1ement répartîe; î1 ne pouvait donner
limite de notre pensée. une intelligence égale à tous. Il faut une spécialisation, une diversité : nous
- Mais le soleil et la lune, la nuit et le jour, la crue des fleuves et les ne pouvons tous nous livrer au même métier, à la même occupation ..
mouvements des marées, mais l'orage, la pluie, la grêle, le tonnerre; mais Il est peu probable que l'on élucide un jour ces questions. Fa lui-même,
la v.tpem, l'électricité et tous ces phénomènes étranges, provoqués ou sur qui ,nous avions fondé tant d'espoirs, ne nous renseigne exactement sur
reproduits par l'homme, qui les détermine ? nous que jusqu'au -kp-:Jli. Mais là s'arrêtent ses révélations, et, jusqu'à notre
- On dit que c'est Dieu, - Mawu et Lisa, - qui ont tout créé. mmt, nous ne sabrons plus rien.
- Comment, chaque ss étant pratiquement impuissant, ou incon- - Fa possède-t-il une âme ?
scient, ou inapte en tel ou tel domaine, la totalité des ss peut-elle offrir - Certains disent que Fa a deux âmes, Gbaadu et S<.gbolisa, dont il tire
402 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES Yê,. S$, PT:J, WESAGU, LÎDÔ

sa force. Personne, en ce pays, ne connaît la relation exacte entre Fa et homme bon. Ceux qui sont bons reviendront toujours; car il importe de
Gbaadu; on dit simplemtnt que Gbaadu est plus fort que Fa. Les du ne perpétuer leur nom. Gbi;-mi; Io su wi;, e a de mi; e jè a na bi;, il en est de
possèdent pas d'âme ; ils sont eux-mêmes,. pour nous, des âmes, ainsi que cette vie comme des sociétés su: on n'y gagne que ce que l'on y met. >> 1 ·
les vodü. Ce qui est important, pour le détenteur d'un Fa, ce n'est pas, lorsqu'il
tire ses noix de leur coin, qu'elles viennent accompagnées d'une ombre visible; L'ensemble de ces sanctions amène à se demander si les incarnations suc-
c'est la certitude que leur symbolisme aboutit précisément à son yi;. cessives des âmes profitent à celles-ci, ou du moins à léurs hôtes passagers,
-Quels sont les chitimentsq ue Mawu peut infliger aux âmes des coupables? .à l'ensemble des êtres ? La question prend les informateurs au dépourvu :
-Sa première ressource est de retarder leur retour sur terre. Il peut encore il semble qu'ils ne se la posent pas. La langue fon, cependant, permet de
leur interdire de le rejoindre, et elles resteront â gémir ici-bas, formant tout l'énoncer clairement : mi;-ku-bo-de désigne celui qùi est mort et est rev~nu.
ce que nous nommons, sans comprendre, ntt badabada, choses mystérieuses. Et le mystère de la réincarnation s'exprime par les mots : 111E-di-de,' signi-
Il peut les châtier plus durement, en les envoyant à abadahwe, la maison fiant le retour des êtres, et dont le sens est exclusivement en rapport avec
du mystère, ainsi nommée parce que nous ne la pouvons décrire. Ce serait la réincarnation. Les Nago disent de même jil:-itôji, qu :-itôji 2 •
une sorte de prison des morts, d'où l'on ne s'échappe pas. De telles morts L'âme, entre deux retours sur terre, séjourne auprès de la divinité. Elle
ne donnent pas de joto. participe à ce moment, dans une mesure déterminée jusqu'à un certain
fi;su est le nom d'une aÙtre prison, encore plus stricte. point, semble-t-il, par l'attitude terrestre de son dernier habitat, de l'omni-
Enfin, le châtiment suprême est le ydvo, le néant. Un arbre abattu porte science du créateur. Mais celui-ci ne révèle -pas à une âme ce qu'il adviendra
une ombre; s'il brûle, de la cendre remplace l'ombre. De même au ydvo : d'une autre, ou des autres. Chaque âme reçoit de Dieu un message exclu-
l'âme est comme consumée. sif, individûel : elle connaît son prochain avenir terrestre, et s'en tient là.
C'est à cause de ces âmes en peine ou de ces âmes perdues que l'on fait Et c'est cette imprégnation d'une parcelle isolée de la connaissance divine
toujours, lors des cérémonies pour les Kututo, un sacrifice supplémentaire>>.
Les Fon, comrrie les Yorouba, accordent la préférence à la vie terrestre '. 1. Su, ou• so, couramment traduit, à tort, par tontine, désigne ces très nombreuses socié-
« La vie terrestre, poursuit Gi;di;gbe, est préférable à la vie dans l'au-delà. tés d'amis ou d'amies, où chaque adhérent verse une cotisation dont la périodicité est
variable (mensuelle, suivant les jours de marché, etc.). Les mises, égales pour tous en
Pourtant, lorsque l'on meurt, rien ne vous dérange plus, ni questions de
général, ne sont pas productrices d'intérêt. Lors de chaque versement, le total des sommes
famille, ni questions d'argent, ni affaires de femmes. Mais c'est précisément reçues est attribué, suivant un roulement, à l'un des sociétaires, ce qui lui permet de faire
parce que ces soucis n'affectent plus les défunts que «leur nom n'est pas face à une.dépense importante (cérémonie religieuse, mariage, construction, achat de terrain,
-bon» et qu'ils appartiennent à l.a mort. Et puis, nous parlons souvent de voyage, dépôt i fa GaiSSi! d'Epargne, i!tc.) i!t d'éviter ies vréts ilSuraires. Un ~u-gà (chef de
su) assure le versement des cotisations, la répartition des sommes et la correction de la
l'au-delà, mais savons-nous comment cet au-ddà se présente à nos morts ? société. Président et trésorier, il. régie les conflits entre sociétaires. Il est parfois rétribué.
Pourtant il y a un au-delà. On dit même que ceux qui ont vécu le plus Su se dit esu en nago ordinaire, ida-owoj9 eil. nago de Save, aj9-nu en gunu, s9 à Ouidah.
longtemps sur cette terre y ont une place privilégiée; un père qui y fut En foula : kafu ; en soussou : suswi; en bambara et en malinké : sarladà. Cette intéres-
sante collectivisation de l'épargne n'a pas .attiré 1'.attentiqn nes Européens.
-précédé -par -ses femmes ~t -ses m-fants -y -sera -hi.en accueilli it -son anivée. Il
2. J. JOHNSON, chap. VI, p. 53 : « This transmigration is spoken of as « Yiyà » or the
y a des récompenses pour ceux dont. la vie fut sage. Mais tout ce que Mawu shooting forth of a branch ''· - N. BAUDIN, op. cit., p'. 6: «... âmes humaines appelées emi. »
peut faire de mieux pour eux est de renvoyer leur âme dans le corps d'un Nous nous sommes vainement efforcé, parmi les vieilles familles nago d'Abomey, de
retrouver les significations données par P. A. TALBOT aux mots ci, 9kà, emi, wi. On nous a
1. P. A. TALBOT, op. cil., t. II, ch a p. x1v, p. 268: « Life in « heaven » cannot be plea- objecté qu'9/ui signifie cœur, que respirer se dit simi, qu'iwi traduit vodù ainsi que de nom-
sant, otherwise people would not come back so quickly - sometimes the next year - breux noms l'attestent : Wilaye, Le111àwi, etc .. On a ajouté enfin que le seul mot cor-
while man y liw to such a great age on earth ... Bad people are punished by being kept long respondant à ye en langue nago est ojijï, qui désigne un prin~ipe immortel, alors que
in " heaven >> and are detained there till they « learn sense ». Good and w1se people are TALBOT affirme le contraire. (Op. cil., vol. II, pp. 259 sqq., et Table, n° 10, p. 277.) - Cf.,
reincarnated very quickly >>. lb., p. 25 1. - N. BAUDIN, art. cil., p. 98 : « Les Noirs croient A. B. ELLIS, op. cil., chap. vu, p. I 27 : « J'he ghost man, or soul, the 'vehicle of indivi-
que la terre des morts est assez semblable à celle où nous vivons, mais beaucoup plus dual persona! existence', is called iwi11, or okan, but the latter also means « heart >>. Another
triste, » etc .. Croyance universelle! word is ojiji or oji, which has the meanings of ghost, shade, or shadow >>.
fostitut d'Et/mologie. - Bern~rd MAUPOIL.
LA GEOMANCIE. A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES YE, ss, PT=>, WÊSAGU, LlDÔ

que l'individu cherche à s'entendre révéler dans la forêt de Fa où ·il reçoit - A des souvenirs qui nous sont chers >>.
son kp:Jli. La réponse ne pouvait qu'être telle, attendu les propos sur l'âme précé-
Le fait que Dieu ne laisse connaitre à chaque âme que ce qui la concerne demment notés '. Puisse cet exemple faire saisir au lecteur que la tragédie
implique la négation d~ perfectionnement par la réincarnation. Un homme d'une pensée religieuse qui se penche a vide ment, et vainement, sur sa
bon dans une vie, mauvais dans la suivante et bon dans une troisième : source, n'est pas une donnée de l'Occident seul. Puisse-t-il saisir aussi
voilà qui ne choque guère. Certains estiment pourtant que les âmes sont l'absence totale de dogmatisme de cette pensée africaine, manifestée par ses
vouées au bien, ou au mal, ou à la médiocrité, et que toutes leurs réincar· contrad·ictions mêmes, et par l'aveu de son insuffisance.
nations ne pourront les changer. Il serait vain de presenter une solution figée à ces problèmes subtils; cette
Cette nouvelle preuve de la suprématie de Mawn s'exprime d'ailleurs du économie de la pensée serait-elle condensée en des m.annels, .qne même
fait même de l'existence de Fa. Mawu est le maître absolu de nos destinées. l'hypocrisie, les préjugés de race ou la paresse n'en sauraient faire qu'une
L'âme, toutefois, est conçue comme.douée de mémoire; il y a une cor- décevante leçon. Nous admirons les auteurs qui réussirent à faire, de« l'âme>>
respondance mystérieuse entre les états -d'âme, le comportement en général d'autrui, l'objet de tableaux. numérotés récapitulatifs, et munis d'accolades 2 •
d'un être donné, et la dominante de sa vie antérieui:e.
Mais l'âme ne possède pas de volonté : elle est le véhicule de la Yolonté r. On explique parfois au commun des mortels qu'il est; en dehors de l'âme réincarnée,
une âme céleste à qui vont les sacrifices.
de Mawu. Le seul fait pour elle d'aspirer à la volonté constituerait une
2. Nous pensons particulièrement à P.- A. TALBOT, op. cil., t. II, Table n° 10, p. 277,
révolte. ;\'ames fort/Je Souls, etc ..
Comment se fait-il, demandera-t-on, puisque la vie humaine est déter-
minée par Dieu, que ce dernier prononce des punitions contre les âmes
coupables? Et qu'est-ce qu'une âme coupaole, puisqu'elle n'est essentielle-
ment qu'obéissance au créateur?
« Le y<:, nous a répondu G<:degbe, n'est pas doué de volonte : mais il
n'ignore pas l'entraînement, soit par répétition, soit par continuité. Mawu
t'ordonna de commettre telle mauvaise action : cette faute te sera pardon-
née, puisqu'elle fut voulue par lui. On ne peut dire que ce soit une faute,
puisque tu obéissais à un ordre. Mais si la première action te donne l'idée
de récidiver, ou si tu dépasses dans l'exécution le degré de nuisance pres-
crit, alors tu es punissable. Car tu ne pouvais am plifier de la sorte la volonté
de Dieu qu'en faisant appel aux vodü et aux talismans, ses serviteurs, donc
en montant un complot contre lui.
Et pour bien te situer 1a toute-puissance de Dîeu, sache que cette répét1-
tion ou cet excès ne te seront pas davantage pardonnés s'ils s'exercent dans
le domaine de ce que nous nommons le bien. » '
- A quoi bon offrir des cérémonies aux morts anciens? Leurs corps ne
sont que terre, et leurs âmes sont sans doute réincarnées déjà. A qui adres-
sez-vous donc vos prières, vos chants ?

r. J. SPIETH, Die EÙJe-Stiimme, op. cil., ·chap. v, p. 828 : « Von G_ott kommt <las Gute
und das Bose ».
DEUXIÈME PARTIE.
CHAPITRE I.

LES SIGNES, - NOTIONS GÉNÉRALES.

Les signes-mères et les s·ignes-enfants. - Les signes innommables. - Caractéristiques et


correspondances. - Ordre des signes-mère;. - Le développement d'un signe : devises,
légendes (le roi MEl9làfi), chants, interdits, sacrifices.

La première partie de cet ouvrage a été consacrée essentiellement au fonc-


tionnement de Fa, si l'on peut dire, à son mécanisme, aux agents du culte
privé de la divination et au rituel de Fa.
On-a suivi l'adepte de Fa dans son rôle de consultant, puis d'initié, et le
Bokano dans sa double fonction de devin-guérisseur et de prêtre. On a vu
successivement par quels procédés le devii1 transmet les réponses de l'oracle
au simple client; -puis comment, sur la volonté de l'oracle, le clien.t est
introduit au culte de Fa, devient un Favi, sorte de frère-lai dont le prêtre
traduit le destin dans le bois sacré, à qui sur.tout le prêtre révèle ses talis-
mans et le siège ,de son âme e-xtérieure.
Après avoir étudié les moyens de décovvrir et de révérer les signes 1 voyons
maintenant, dans cette seconde partie, les signes eux-mêmes : d'abord les
cc signes-mères»,_ puis les «signes-enfants», qui dérivent de l'analyse des
premiers et de la forme de leurs recompositions.

Les signes-mères et les signes-mfants.

On nomme signe de Fa, Fa-du, l'ensemble constitué par deux colonnes


ver.ticales et parallèles de quatre indices chacune. Chaque indice (afo vi) se
compose. d'un trait vertical, ou de deux traits verticaux parallèles, que trace
le Bo ka no dans la pondre du FatF. ·
Lorsqu'un jeune homme, commence l'étude de Fa chez un devin, on lui
enseigne d'abord, nous l'avons vu, les noms des seize signes capi_taux, ou
signes-mères.
On nomme signe-mère (du-no), signe·tête (du-ta), Fa-double (Fa-Meji),
LES SIGNES. ---:- NOTIONS GENERALES 41 l
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES

tout signe dont les deux .groupes d'indices sont semblablement composés, Guda pour Tuld-Guda, D:kpc.-Kutô pour LEtë-Guda, Tete-gba-Loso (F) ou
Chaque signe ayant quatre étages d'indices, le nombre de combinaisons Ate-Ayisû (Y) pour Le!ê-Loso, Jaglahefu (euphémique) pour Lete-Ce, C<.-
pouvant donner des signes-mères s'arrête à seize. Fih pour C.e-Lete,· etc. 1 •
Les seize premiers signes sont« mères», non parce qu'-ils sont tous fémi- L'ensemble des signes de Fa est donc de deux cent cinquante-six•.
nins, mais à cause de la propriété qu'ils ont d'engendrer deux cent quarante
combinaisons, qui portent le nom de du-vi (signes-enfants), ou de du-vi-kà-do, Les signes innommables.
(signe-enfant-enlever-poser), c'est-à-dire signes-enfants formés par juxtàpo-
sition de deux de'mi-dunô différents. Le mot mère n'implique pas ici l'idée Il est des signes tellement dangereux que le fait de les nommer ou de les
de féminité du signe gestateur. inscrire, - de les <<appeler» (yra ), dit-on, - est à soi seul une cause de
Chacune des deux colonnes verticales composant un signe-mère peut former danger, sinon de malheur. Certains vont jusqu'à prétendre que le fa'.t de
en effet un signe nouveau, en se séparant de sa jumelle pour s'adjoindre prononcer leur nom sans s'être « excusé» d'abord par une petite cérémonie,
une des quinze autres colonnes isolées. Le nombre des signesrmères étant de l. Ces altérations ont tromp~ quelques auteurs, leur faisant croire à l'existence de signes
seize, les signes-enfants seront au nombre de seize fois quinze, soit deux supplémentaires. Cf RE. DE!llNETT, Nigerian Studies, op. cit., chap. xv, p. 150 : « Ellis
cent quarante. mentions also the following Akala, Abila, Orun, Ode, Buru ».(The Yoruba .. , op. cit., chap. n,
pp. 60-62.) « Bishop Phillips, in addition to the above, gives - Ate, Tutu, Oka, Adoka,
Egutan Oriko, Eku, Sete, Dawo, Osutele, and Itegu », où l'on croit reconnaître Lete,
Exemples :
Turukpè (ou peut-être Gbe-Meji, dont une des feuilles liturgiques porte le nom de tutll),
1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 Ka·(?),_ Ka, Guda-o/i-ko (Y), Guda défend [de couper] la tête, probablement Guda-Lele,
Yeku (?), Ce-Ale ou Ce-Lele, Gnda-Woli (da-wo signifie consulter-regarder), Loso-Lete, Lete-
1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1
Guda - Cf. au contraire les notations de J. SPIETH, Die Religion .. , op. cit., chap. m, p. 215.
1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 2. Contra, L. FROBENIUS, op. cil., Bd. I, cJ;iap. xm, p. 274: ·«Die einfache Grundlage der
1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 Weisheitssprüche soli allein nicht weniger ais 1680 Weisheiten für jeden der 4096 verschie-
denen Odus betragen ». - D. ONADELE EPEGA, op. cil., chap. rv, p. 12 : "They number
Signes-mères. Signes-enfants. with their branches 256 (16 X 16). The ways of expression belonging to each Odu are
1680 ». - A. LE HÉRISSE, op. cit., chap. v, p. 144: «Réunies deux par deux elles [ces
Woli-M<ji Yeku-Woli Woli-Yûm
figures] donnent 136 combinaisons». - M. QufarnM', art. cit., p. 84: «les seize « Dou-ta »
fusionnent entre eux et donnent naissance ·à neuf cent soixante-neuf (Afênê-.kenné-ten-nê)
" Dau». - Une enquête rapide a fait croire. à d'autres que le nombre des signes était infini:
Les noms des seize signes majeurs sont composés du mot yorouba dési-
A. B. ELLIS,{}p. ci/.,'chap. m, p.n2. -R.EJ3DJlTDN, op. cit., chap. xu, p. 334. - G. GoRER,
gnant l'une des deux colonnes verticales du signe, suffixé par le mot yorouba op. cit., liv. III, p. 207 : «Fa has as many entities as he has worshippers, each with a
-Meji, signifiant double et évoquant la symétrie des deux colonnes paral- distinguishing name "· - Certains croient que l'on peut, au delà des 240 signes-enfants,
lèles. trouver des combinaisons nouvelles : J. SPIETH, Die Religion .. , op. cit., chap. m, p. 2 I 5. -
F. W. BuTTTHoMPSON, aprés description de l'ai;ùmaga, admire: «An ingenious persan has
Les noms des deux cent .quarante signes secondaires sont composés de la computed the possible combinations of the eight pieces at two hundred and forty six ». (Op.
juxtaposition des noms des deux groupes qui les constituent, lus de droite à cil., cbap. m, p. 54.)- J. JoHNSON, op. cit., chap. m, p. 19: « ... This makes the number
gauche, comme il a déjà été dit. Ils sont fréquemment altérés pour l'eu- of Odùs altogether 256. Besicles these, there .are 16 other· Odùs cùnnected with each of the
256, and this makes the whole number of Odùs 4096. Sorne increase this large number still
phonie, ou par une certaine coquetterie verbale s'exprimant parfois ~n jeux by an addition of 16 more to each of the last nutnber of OJùs, but the 16 principal ones are
de mots. On dira, par exemple, Gbe-Wâli au lieu de Gbe-Wêle, Yelcu-lo- those more frequently in requisition ». - Ch. 'M:oNTEIL, art. cil., p. 84 : «Le nombre des
Gbe pour Ysku-Gbe, Yëku-1•i-Sa pour Yelcu-Sa, Woli-bo-Gbe pour Woli-Gbe, meji est égal, comme on le comprend, au nombre des combinaisons que l'on peut former avec
les 16 odu fondamentaux pris deux à deux de toutes les manières possibles : ce qui donne
Di-bli-Ydm pour Di-Yel~u, Di-iii-Sa pour Di-Sa, Loso-Natê pour Loso-üte,
évidemment un nombre bien supérieur à celui de 4.096 calculé par le bishop J. JOHNSON .. »,
Wèfa-kpa-Fu pour Weh-Ftt, Abla-mà-Di pour Abia-Di, Kân-de-Bala pour etc .. - Pour les Malinké, cf. Fily Dabo SrssoKo. La Géomancie, in Bull. des Recherches
Aklà-Abla, Aklà-kpa-Fu pour Aklâ-Fu, Gudà-foli-Ogbe pour Guda-Gbe, Soudanaises. Koulouba, Imp. du Gouv., nos 5-6, nov.-déc. 1936, p. 255 : «Le nombre
Turukpê-Sülaii pour Turukpê-Tula, Tula-cola-Di pour Tula-Di, Tula-kpa- des thèmes possibles est évalué à 256 qui se ramènent à 64 concluantes ».
412 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SIGNES. - NOTIONS GENERALES

un petit sacrifice, peut condamner l'imprudent à la variole noire, à une Les rapports avec les quatre éléments, effieurés plus haut, ne présentent
maladie de cœur, ou à un gonflement du ventre. pas une netteté plus grande. A vrai dire, la précision manque, non pas dans
i
Tels sont LEië-C::. et son inve1'se Ce-Lete. La politesse veut qu'on évite de 1 la « çognatio naturalis >l entre signes et vodü ou éléments, mais dans la prise
mentionner ces signes; si!' on ne peut faire autrement, il sera avisé d'employer
une circonlocution ou un euphémisme, et de faire les frais- d'un minime
l
. i;
en considération des vodü ét des éléments eux-mêmes. On verra, à propos de
chaque signe, à quel point la confusion des relations avec les vodü, les
sacrifice avant d'engager la conversation dans une atmosphère détendue. éléments, les CQuleurs, etc., révèle Ùne décadence ou une impuissance de la
Lorsqu'un Bokanà trouve l'un de ces si 0anes au cours d'une consultation pensée religieuse. Les Bobnà ne peuvent plus a,ujourd'hui gu'énoncer le
c '
il doit l'effacer q.ussitôt, avant d'exposer guai que ce soit à son sujet. Sinon, principe: tout ce gui a un nom dans la nature, Fa en parle dans ses signes,
le malheur fondrait sur la tête du consultant ou sur sa famille. et chaque signe parle de toute sorte de chose et de toute circonstance '.
Au -cas où ces signes seraient découverts au Faz_ü, tous les Bokono, pris de
panique, se sauveraient chez.un devin supérieur, qui accomplirait les forma-· Ordre des signes majeurs.
lités nécessaires pour éloigner « l'accidént », voire la mort'.
Il est en général admis que Gbe-MEjÏ est le père, Ftt-Môji la mère, des
quatoTZe. autres dunô, sans doute -parce que Gbe-MEji èst le premi-er -et
Carac'féristiques et correspondances.
Fu-MEji le dernier, 'et parce que les signes sont énumérés par paires
On peut, parmi les seize signes principaux, et indépendamment de la signi- sexuées, ce qui rend masculin le premier et féminin le dernier. On suppose
fication de chacun, établir des distinctions. que le père et la mère encadrent leurs enfants.
Selon le sexe, on a la série des huit signes mâles : Gbe-Msjl', Wolt'-Afrji, Certains Bob no ont remarqués;iu'en expliquant les choses de la sorte; -on affir-
Loso-Meji, Abla-Msji, Guda-Meji, Ka-Msji; Tula-Meji, Ce-Me.fi; et les mait l'existence de sept garçons et de sept filles. Or, le chiffre sept est étranger
huit signes femelles : Yelm-Meji, Di-Meji, Wè/e-Mr;ji, Akla-Meji, SacMr;ji, et désagréable à Fa. Ils expriment donc le rapport de parenté gui existe entr~
Turukpê-Meji, Lste-M~ji, Fu-Meji. Les signes sont en effet groupés deux les dunà, - il en faut bien un, - en disant qu'ils sont tous les seize frères
par deux à partir du premier, gui est mâle. Chacun de ces couples consti- et sœurs, par moitié, Gbe-Mzji étant le frère aîné, Ftt-MEJÏ la sœur aînee.
tue un ménage, dont le premier du est le mâle. Cette discussion al~ mérite d'attester qu~l Gbe-Mr;fi est le premier des dunà,
Selon fa correspondance avec le monde de la sorcellerie, on a les signes et Fu-.MEji le d~rnier. Mais comment énumérer les quatorze autres?
des Klnesi : Di~Mzji, Loso-Meji, Wèle-Mr;;ï, Guda-Msji, Sa-Miji, Turullpê- Les Informateurs ignorent l'origine du classement .des duno : Dieu l'a
M.eji, Lde-M<-ji, Ct-M€ji, Fu-M-r:.ji. ...appr.is..comme ..cela _au .pr..emier ..devin •• ~ On m'.a _appris .cela.,,. On ne con~
Les rapports entre les signes de Fa et les vodû sont certains, mais, con- naîtra jamais, nous dit un vieux devin d'Athiémé, le fond de cette histoire :
trairement à l'avis parfois exprimé 2, il est bien difficile d'établir des corres- c'est comme celle de !'Immaculée Concepti.on ...
pondances stables, à plus forte raison des identités i. De nombreux Bok:mô ont été invités à énumérer les seize dunô dans leur
on.ire. les diver.gences .sont nombreuses, mais il est remarquable que presque
r. Un œnain nombre de dé.:ès prématurés parmi· des Bok;nà, des Favï, des jogbâna qui
tous donnent un ordre identique pour les dix premiers signes; c'est ensuite
trouvèrent ces signes au Fazù, décès où l'esprit occidental ne voit que des coïncidences,
sont présents.à la mémoire de tous ceux qui étudient Fa. que viennent les interversions•. Pourtant, Tula-Meji est pres-que tau-
2. M ..J. et F. S. HERSKOVITs, An Outline,., art. cit., p. 52.
1. De même, en Chine, les huit Trigram1~es «fournissent une représentation concentrée
3· Cf. R. E. DENNETT, Nigerian Studies, op. cit., Expl. Chap., p. 4: «the meaning of the
Odus in the order given are connected with the Categories of Thought ''· Cette intéressante de l'univers», et ré~ument les soixante-quatre Hexagrammes qui «passent pour représenter
certitude n'a éveillé aùct.m écho dans le Bas-Dahomey. Elle se retrouve sous la plume de l'ensemble des réalités ». Marcel GRAN'ET, La Peusü Chinoise, op. cit., liv. II, chap. m,
Maurice DELAFOSSE, à propos des Gourmantché, in Haut-Sénégal Niger (Soudan Français), p. 185.
2. Cf. cependant GRANDIN, op .. cit., p. 174 : cc Avri-Meji » passe avant cc Adi-Meji »; - on
t. III, Les Cîvilisations. Paris, E. Larose, 1912, chap. vn, p. 18+, n. r.: « ... seize figures dif-
férentes dont chacune porte un nom spéc1àl et représente une catégorie d'êtres ou d'idées ne peut prendre cette information au sérieux. Par ailleurs, un jeune c< lettré » a également
(êtres humains, animaux, v.ie, mort 1 etc.) .•>. proposé l'ordre: Woli-MEji Di-MEji; mais les renseignements de cette source .doivent être
contrôlés de près. Ce sont les deux seules eitceptions relevées.
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SIGNES. - NOTIONS GENERALES

jours ina1novible au treizième rang, sauf dans Ellis qui le nomme avant On remarque le groupement des seize du par paires sexuées, et le rapport
Lslë-Msji 1
• de symétrje entre le groupement des indices de chaque paire. A partir du.
Après des recherches assez laborieuses e.t trente interrogatoires, nous avons
dressé le tableau ci-dessous, qui est celui des meilleurs informateurs, notam .. Via Populus Cauda Draconis Caput Draconis
ment des devins nago 2 :
f; 0 0 0 0 0
0
li 0 0 0 0 0
1. Gbe-MEji 2. YElm-MEji 3. Woli-MEji Di-MEji
4.
1 0
0
0
0
0
0 0
0
0
0
0
IQ
1 i 1 i 1 i 1 1 1i 1 1 .. I 2 9
1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 i .• .•
;

1 1 1 1. 1 1 1 1 1 1 1 1
Pué lia Carcer Conjunctio

f
Puer
1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1

(mâle) (femelle) (mâle) (femelle) 0 0 0 0 0

0 0 0 0 0 0

0 0 0 0 0 0
5. Loso-MEji 6. WèlE-MEji 7. Abla-MEji 8. Aklà-Meji
0 0 0 0 0

14 13 4 3
1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1
1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1
Fonuna minor Fortuna major Rubeus Albus
1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1
J 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1
0 0 0 0 0 0 0
(mâle) (femelle) (mâle) (femelle) 0 0 0
0 0 0
0 0 0 0 0 0

0 0 0 0 0
9· Guda-MEji IO. Sa-MEji l 1. Ka-MEji I 2, ï'urukpi!-MEji 0 0
6 Il 12
5
!

J ! ) ) J 1 ) ) ! ! J ! ) !
Tristitia Laetitia Amissio Acquisitio
1 1 1 1 1 1 1 1 1 1
! 1
1
1 1 1
1
j
1
1 1
1 1
1 1
1 1
1 1
1
1 1
1
1 1 1 0 0 0 0 0 0

0 0 0 0 0 0 0
(mâle) (femelle) (mâle) (femelle) 1 {} {}
0 D D D 0

I 3• Tula-MEji I 4. LEtE-M Eji 15. CE-M<ji 16. Fu-Meji 1 0

8
0

7
0 0

I 5
0 0

16

1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1. Tlie Yoruba .. , op. cit., chap. II, p. 6 L


1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 2. Le tableau des dunà a été publié dan·s cet ordre par plusieurs auteurs : J. SPIE'fH, Die
1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 RC!ir;io11:., op. cit .. chap. ·m, pp. 201-202. - R. E. DENNETT, Nigeriatt Studies, op. cit.,
chap. xv, pp. 149- 152 et chap. XVIII, p. 227. - L. FROllENIUS, op cil., Bd. 1, chap. XIII,
0

1 1 1 1 1 l 1 1 1 1 0

p. 281. - D. ÜNADELE,EPEGA, op.· cit., chap. !1', pp. 12-14. - ANONYME, in Bull .. de
(mâle) (femelle) (n.âle) (femelle) !'Ens. de l'A. O. F., Mt. cit., p. 35. - Les points placés au bas de chaque du indiquèbt le
1 sens selon lequel l'ensemble des indices doit être lu pour former le signe.
Cf. notes I et 2, p 415
_L1
LES SIGNES. - NOTIONS GENERALES
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAV1S

cinquième signe, il semble .que les du femelles soient l'ombre, le reflet, des nous a donné Sa avant G11da, comme notent Skertchly ', Ellis 2 , Burton J
.du mâles. et Johnson 4, Les contradictions portent, en définitive, sur les signes : Ka,
Pour permettre des comparaisons, on a présenté, en regard, le tableau des _Turuhpè, Lsts. Est-ce parc~ que certains d'entre eux sont particulièrement
figures selon les données traditionnelles de la géoman{:ie européenne ', dont dangereux que l'on estime prudent d'intervertir leur ordre, d'autànt plus
l'origine est la même. Sous chaque figure, la numération correspondante des qu'ils suivent et précèdent Sa
et Cô, qui, eux aussi, sont redoutables?
dunô. La cause de ces ruptures de symétrie semble provenir d'incompatibilités
affectives. Certains devins ne supportent pas <l'entendre nommer de suite
On termine presque toujours l'énumération des dunô par le signe Ct.-: des signes aussi dangereux que les six derniers : de ce.tte juxtaposition, en
Tula, messager de tous les autres signes de Fa 2 : effet, dépend l'exaltation de leur puissance. Il irn porte donc de les séparer.
1 1 Ainsi s'explique le divorce entre Lt.1~ et Ce, qui ne doivent jamais être nom-
1l 1 1 més ensemble : Bobnà ma d:> o, le Bobnà ne doit pflS dire. - D'où substi-
1 1 tution fréquente de Ka à Lsfa ou à Cs, par euphémisme.
1 1 1 On notera, en examinant le tableau des dunà proposé plus haut, que
le total des éléments rnnsti tu tifs de chaque demi-signe est un no1.n bre pair
Quelques devins utilisent parfois une graphie d'origine arabe pour les six premiers, impait_pour les huit suivants;- pair à nouveau pour les
pour deux derniers. « Cela montre bien que les deux derniers du, Ce-M"<-JÏ et Fu-
1 1 Msji, ont été isolés du premier groupe auquel ils appartinrent. En punition
1 1 de leur incestes, ils sont bannis de la société des signes>> 6 •
1 1

pour 1
1. Op. cil., chap. xxvI, p. 475. Un lapsus a fait écrire Ba au lieu de Sa.
1
2. Op. cit. 1 ahap. JI, p. 6 r.
1 1 1 1 3. Op. cit., chap. xu, p. 333.
1 -1 1 1 4. Op. cit., chap. m, p. 20.
1 1 1 1 5. Supra, chap. vl,/p. 252. A Abomey, e>t réputé inceste le coït du père ou grand-père·
et de la fille ou petite-fille, de la mère ou gra'nd'mère et du fils ou petit-fils, .de l'oncle et de
la nièce, du neveu et de la tante_, du frère et de la sœur utérins et jusqu'à un certain point
et ainsi de suite 1. 1
des consanguins .. La sau-i-Hur-e, résultat -in1tI-iédiat -de 1'-inc-este, n -entac-he -que 1e-s hon1mes.
Les contradictions entre informateurs se manifestent à .propos des signes Les femmes bénéficient de l'excuse du sexe et ne sont même pas.réputées complices. (La
finaux. coutume d'Abomey considère parfois la responsabilité du complice comme plus grande que
Sur trente observations, vingt-huit sont conformes au tableau ci-dessus en celle de l'auteur, car le complice aurait dû a:~surer l'échec de l'intention coupable, en la
dénonçant, par exemple). L'inceste, ceint de dezà et couvert de cendres à l'exception du visage,
ce qui concerne les dix premiers signes, et vingt-neuf en ce qui concerne -dev.ait faire trois fois Je tour du marché, puis s'arrêter devant l'Ayizii de celui-ci, où était
les deux derniers 4; encore les divergences Gnt-elles ~té enregistrées à Coto- proclam~ le crime La décapitation o.u hî vente aux Européens débarrassait ensuite le pays

nou, ce qui les rend contestables. Elles résultent des interversions : Di-Woli, d'une présence néfaste. La femme n'était 'pas condamnée à mort. L'exposition au marché
.s'appliquait encore à Abomey il y a une douzaine d'années, à l'insu de i'administration et
au. lieu de Woli-Di, Wèh-Loso au lieu de Loso-Wèh, et, pour la dernière la nuit. L'inceste des oncles, des neveux et des frères avec leurs nièces, tantes et sœurs, n'est
paire, de l'interversion Ka-Fu, au lieu de Cs-Fu. Aucun informateur ne pas rare dans la famille ci-devant royale d' Abomey, où la conquête a émancipé singulière-
ment les soi-disant princes. - Cf. chap. VI, p. 222, n. 2.
I. Selon l'excellent précis du Colonel c.~SLANT, op. cil., chap. li. 6. Cette notion d'inceste, remarquée plus haut dans l'étude du gede, semble être un apport
2. D. ÜNADELE EPEGA, op. cil., chap. rv, p. 14. des Noirs. On ne la signale pas à Madagascar : «Les huit premiers symboles, qui contiennent
3· Comp. Fily Dabo S1ss0Ko, chef de canton, La Géomancie, art. cit., pp. 248-268. un nombre de graines pair, sont appelés Ny Andrian'uy sikidy (les Nobles de sikidj) et les
huit derniers, qui contiennent ui1 nombre de graines impair, Ny Andevon'ny sikidy (les
4. J. JOHNSON situe la paire Abla-Aklà avant la paire Loso-Wèle. (Op. cit., chap. m,
p. 20.) Esclaves du sikùly) ... » (Histoire Physique .. , op. cit., vol: IV, t. III, p. 503.) (Su ile p. suiv .. )
l
_L
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES
--r LES SIGNES. - ,NOTIONS GENERALES

D'une façon générale, les Bokanà n'aiment pas nommer les seize du de top-and-lower-two- singles. In the case of Ika and Qturapon, thè same
suite. Ils essaient de frauder le danger d'une semblable énumération par rule holds good : upper-middle-sini?;le stroke precedes lower-middle-
une sorte de 'restriction mentale du genre suivant : je n'ai pas énuméré les single »·.
seize du de suite, puisque je n'ai pas suivi l'ordre. - Cette explication est Nous n'avons pu obtenir confirmation au Dahomey de ce qui est, pour
rendue v1·aisemblable du fait que l'énumération adoptée ici est celle, recou- J. D. Clarke, plus qu'une ingénieuse hypothèse. Pourtant, les du doivent
pée, d'informateurs âgés, donc moins craintifs, et qui n'bus avaient donné êfre énoncés dans un ordre logique, auquel la psychologie africaine sub-
leur confiance. stitue parfois des combinaisons moins sévères. Nous avons donné la préfé-
rence, après minutieuse enquête, à l'ordre donné par le tableau ci-dessus, et
Que déduire de l'examen <lu ub!ezu .des Àunô? l'examen postérieur du beau Fate à seize figures de Gedcgbe, (pl. VIII; B),
J. D. Clarke, qui poursuivait en même tem_ps que nous des recherches a confirmé notre choix.
sur le Fa dans la province yorouba d'Ilorin et qqi a bien voulu nous com-
muniquer certaines de ses conclusiods, considère,· avec la majorité de ses Le développement d'un signe.
informateurs, l'ordre suivant .comme le meilleur :
a) Devises çt deve1oppements.
Ogbe lwori ]bqra Jrusu Ogîida !rd€ !ka ]es
Une fois .le signe trouvé par le prêtre au cours d'une consultation, il
Or.ku Edi ]kàrâ ]wàrï ]sa Otura :Jturapà Ofîi.
importe d'en donner l'explication au consultant, en d'autres termes, d'in-
terpréter la réponse de Fa. Fa ne répond pas directement à chaque
Il remarque la stabilité des paires r, 3, 4, 5 et' 8, et attribue les variations
question posée, mais chacun de ses signes est affecté d'un nombre théori-
des autres à des « influences côtières perturbatrices )). Il en est de même
quement illimité de légendes', - chacune précédée le plus souvent d'une
dans le Bas-Dahomey, 0{1 les renseignements .ethnographiques recueillis à
devise, - pa1;1ni lesquelles le devin doit choisir celle qui s'adapte au cas
Cotonou ou à Ouidah tendent parfois vers l'erreur ou là fabulation .. De
considéré. C'est ce que l'on nomme la parole de Fa 2.
l'ordre qu'il admet, J. D. Clarke· déduit, toute paire étant symétrique, que
Toute µarole de Fa, en général, se nomme Fa-gbe, Fa-gbe-sî-sa, Fa-r:be-sa
le premier signe énoncé dans chacune sera celui dont l'un des deux indices
(F) ou kifa (Y) i . .!L'ensemble devise-développement se nomme Fa-ti'i-lü
supérieurs est unique. Laissons la parole à notre correspondant : « upper I
strokes take precedence : see .Qbara-Qkanran, top single stroke Qbara pre-
(F), expression qui comporte l'idée de dénouer <
La devise précède le développement, la légende, qu'elle résume .s. Elle
cedes bottom singh: stroke Qkanran ; see O~ç-Ofun, top-s1ng1e-îower-
n'est pas toujours un proverbe. Lorsque le devin l'énonce, il répète ce que
middle-single stroke _ precedes upper-middle-single-bottom-single stroke;
le signe lui-même est censé avoir dit. Sous sa forme concentrée, elle cons-
so also in the case of In;tc;-Otura, upper-two-and-bottom-singles precede
I. Et non trois seulement : « A chaque adu ou formule d'un esprit tutélaire corres-
D'autre part, en additionnant horizontalement et -verticalement les indic~s des Iu duno, pondent trois proverbes ou sentences .dont l'interprétation permettra au bobno. de.résoudre
on obtient le carre suivant : le cas de celui qui est venu consulter Afa ». (J. BERTHO, art. cit., p. 362.)
8 16 12 12 -+ 48 2. J. JOHNSON, op. cit., chap. m, p. 19: « There is .a series of traditional stories, each of
12 12 14 ~4 -+ 52 which is called a road, a pathway, or a cQurse, and is connected with some particular Odù.
IO IO 14 14 -+ 48 Each Odù is supposed to have 1. 680 of these stories connected with it ». - Les informa-·
IO IO 12 12 -+ 44 teurs admettent qu'il existe des légendes sans devise et des devises sans légendes.
t t t t 192 3. La parole d'un vodn est nommée vodù mlà111lci (F). Les expre~sions Fagbesisa et FaliUù
40 48 52 52 -+ 19'2 sont fréquemment employées l'une pour l'autre.
4. Les gens d'Ouida, qui passent; ajoute l'informateur fon d'Abomey, pour ne rien faire
384
comme tou): Je monde, disent: Fa-si-tùtù.
En diagonale, Gbe + Wèk + Ka + Fu donnent 46 indices, comme Di +Abia + Sa+ 5. Un informateur nous dit : la devise est au développement ce que le bouchon est au
Tula. contenu de la bouteille.
Institut d'Bthnologie. - tlernard MA.UPOIL. 27
420 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE C6TE DES ESCLAVES
f, LES SIGNES. - NOTIONS GENERALES 421
f autre cause de trouble mental nuirait à la bonne tenue de la consultation.
titue souvent une formule mnémotechnique par "-·rapport à la légende. Le
consultant l'entendra sans comprendre; elle n'est prononcée que pour Fa Il ~st à re.marquer qu'au Dâhom<., à Abomey notamment, tout personnage
et pour le devin. Pourtant, celui-ci peut. apprendre les devises de son signe notable ne se montre qu'entouré de gens de confiance destinés non seule-
à cetu'i qui reçoit le Fa de la forêt, et il doit les enseigner au futur Bobno 1 ment à lui servir de garde personnelle et à rehausser son « prestige », mais
aussi, - ce qu'il .. ne faut pas dire, - à « se rappeler pour l~i » et même à
qu'il instruit; dans ce dernier cas, il ajoutera les légendes correspondantes.
Devises et légendes sont innombrables, et nu 1 ne se flatte de les connaître
î le conseiller, à· éviter, surtout, qu'il tienne mal son rang en public. Il nous
toutes'. Nous ne citeron's ici "que cent soixante-seize devises et soixante-
î
j est arrivé plusieurs fois, au' cours d'entretiens avec d'ancie1ls digni-
! taires de GlelE, de constater le r6le de ces souffleurs diligents et respec-
seize légendes relatives aux signes principaux, quarante-cinq devises et
soixante-neuf légendes relatives .aux signes secon.d.air~s. PDDr _devenü un vxai I tueux~ que l'on nommerai~ chez nous secrétaires. Accroupis aux pieds du
devin, il faut avoir de nombreux maîtres. maître, ils proposent des réponses chuchotées aux questions du visiteur.
Il est rare qu'un Bok-inii se donne la peine de conter une légende de Fa Le maître choisit et prononce. Il en est de même chez les grands Bobnô,
à un consultant ordinaire. Le prix modique de la consultation, le dé~ir de qui laissent parfois leurs disciples interpréter pour le consultant, se réser-
ne pas vulgariser ses connaissances, la longueur de certains développements
et, parfois, l'ignorance, suffisent à le re,tenir. Il se borne généralement à
1
l
vant d'intervenir dans le développement si des erreurs s'y glissent.
Si, pour une cause déterminée, - consultant de marque, répercussions
nommer le signe découvert, ou le signe de gtde 2 , à citer quelques devises de la réponse, - i.l importe d'analyser de près la « parole » de Fa et de lui
et à chanter un ou deux chants, scandés ou non à l'aide du lôfle. donner une solennité, le devin peut énoncer un: certain nombre de déve-
La légende concerne, en général, une divinité, un animal, un homme ou loppements et les commenter avec ses disciples, chanter de nombreux chants,
une plante qui a consulté Fa dans des circonstances definies e't obtint ce en un mot prolonger la séance. Ces occasions sont rares.
signe. Tous ceux qui, dans l~ suite, viendront consulter dans les• mêmes 1 . En revanche, lorsqu'il s'agit, non plus d'une simple consultation, mais
d'urte remise de Fa dans la forêt sacrée, le devin est tenu de donner au Favi
circonstances, obtiendront de ce signe la même réponse, et profiteront ou
souffriront de l'attitude prise vis-à-vis de Fa (soumission ou désobéissance) le maximum d'explications. sur le signe découvert. Il le fait tl°'autant plus
par le premier consultant. Selon que celui-ci a ou n'a pas fait les sacrifices volontiers que les frais de la .::érémonie sont élevés et que le fàvi ne paiera
prescrits, son sort sera heureux ou malheureux. Ce bonheur ou ce malheur que rarement cor;nptant; il risque aussi que le Favi, connaissant son signe,
suit tous les hommes de l'avenir, solidaires d'un lointain précurseur défunt. le fasse interprét~r par un autre devin, s'il trouve le premier réticent.
Si l'on fait un sacrifice d'adra, on évite cette malédiction, qui s'arrêtera en Le Bobnô de la forêt contera donc au Favi plusieurs légendes, dont il
route, avant d'atteindre celui qu'elle menace. déduira les sacrifices à prescrire; en généra1, e11es se référeront à Tépoque
Le prêtre de Fa opère très rarement seul ; plus il est respecté, plus il a de où Fa était misérable, où il n'avait pas d'enfants, où ses ennemis le tra-
disciples. Ils assistent aux consultations dans le double but de s'instruire et quaient, car le Favi est censé se réfugier en Fa. La fin de !"histoire, qui
de suppléer le devin au cas où la fatigue; la fièvre, l'inquiétude, ou telle narre la victoire de Fa sur les éléments et sur les êtres, rendra confiance à
Tinîtîé. Des c11ants scandés exprîmeront tour à tour 1a reconnaissance et la joie.
r. C'est la raison qui 11ous a fait repousser l'hypothèse d'hiéroglyphes de Fa, déjà exposée
(supra, premièr.e partie, chap. 1, p. 27), et même celle d'une écriture -en devenir. La devise qui précède une légende peut être appropriée par de grands
Contra, Hermann BAUMANN, Richard THURNWALD u. Diedrich WESTERMANN. V6lkerkunde Bobno qui en font leur nom. Si ces devins trouvent l'ex4cte concordance
von Afri/m mit beso11derer Berücksichiirung der koloniale Aufgabe .. Es>ener Verlagsa11stalt, entre tel cas important présenté par un con.sultant et _l'une des devises du
1940, 2< partie, p. 426: « Etwas wie eine Vorst11fe z11 einer Schrift bilden die lediglich a11s
signe-r~ponse, ils peuvent s'attribuer cette devise comme nom honorifique.
geraden Strichen msarnmengesetzten Figuren der Wahrsager des Afa-Dienstes im Küstenge-
biet von Togo, Da home und Nigeria, die je ein Sprichwort oder eine Erzahlung liedeuten, in Ils agiront de même pour perpétuer le souvenir d'une consultation fameuse.
die der Sinn des Orakelspruches eingehüllt ist. Sie werden nicht in der Regel, wohl aber En dehors même des prêtres de Fa, certains hauts personnages se donnent
gelegentlich, auf Holztafeln geschrieben, auch zu .Mitteilungen an Mitglieder. der Wahr-
pour nom honorifique ·une des devises de leur du. de la forêt. C'est ainsi
sagergilde benutzt "·
2 .• Première p;i.rtie, chap. v1, pp. 250 sqq ..
qu'un des noms les plus connus du grand roi Gide. se trouve être : Basa gla
LA GÉOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SIGNES. - NOTIONS GÉNERALES
422

ji Gu hôlô ma dô, Gubasa le fort a enfanté Gu : si tu ;is offensé Gubasa, consultation, où tel ordre a ét6 donné, etc ... MetJ/àjï est celui qui a expli-
son enfant Gu ne manquera pas de le venger. Ce nom est une des ~eyises qué le Fa .aux premiers hon~mes. Après quoi il est retourné dans le ciel. Il
du du de Glde ' ; mais, le signe du roi ne devant à aucun prix être était envoyé par Gbaadu, qui est lui-même comme Dieu ...
divulgué, Glsh portait, en outre,. des noms empruntés à plusieurs autres « Me!alô/1, dit un deyin, est invisible comme Mawu. Son nom a été donné
signes 2

à titre honorifique aux rois d'Abomey, parce qu'ils avaient sur leurs sujets
un droit absolu. Cependant, Metalôfi est différent de Mawu. Il est comme
Le roi Mer:::>L6Fî. son subordonné, mais vient avant les vodu, à qui il donne des ordres et dont
Le roi ME!alôfï est un personnage classique des contes de Fa. Il représente il « commande » les effigies terrestres. C'est lui qui préconise la prépara-
-dallS les 1.ég.en.d.es le principe .d'_autorit.é, principe plus ou mojns .spüfo1el tion, l'enterrement, l'édification, etc., de ces effigies, et qui demande· l'exé-
d'une autorité que n'épargnent guère les nasardes l. cution des sacrifices. De plus, il commande à tous les Fa. Pourtant, sous
L'étymologie suivante a été propo~ée· : me= être humain (ou mi les espèces de Fa, c'est un message de Mawu,-un Mawu-wèsagù ', - que
=notre), ta= père, lô =là-bas, fi= à côté de, notre père qui nous com- l'on voit, et non un message de MEtalôfi. Fa est le langage de Mawu ... »·
mande. Le mot .semble à la fois fon : me-t:J, le père·des humains, et nago : « Tout ce que l'on dit au sujet de Metalôfi, il est impossible d'en obtenir
confirmation, et personne n'en peut aŒrmer la vérité. Malgré toutes 1es
lôfï, contraction d'alaafi ou alaafî, roi. Me-ta-alaafi signifierait: roi, père
légendes où il est question de lui, malgré l'affirmation qu'il serait « quelque
des humains.
chose comme Fa », puisque, dit-on, ils se donnent réciproquement des
Les renseignements relatifs à Metalôfï sont des plus ~ontradictoires. Voici
consultations, personne ne sait au juste ce qu'est Yhtalôfi, ni quelles sont
quelques échantillons :
ses occupations. Tai posé la question à maint Bobnô de la ville (Porto-
Metalôfi est un des noms du grand dieu, de Mawu. Fa est une religion
Novo) ; ils n'en sa vent pas plus que moi, qui suis devin du roi ... » Etc ..
dont Metalôfi serait le Jésus ... Metalàfi est le mot employé par ceux qui
connaissent Fa pour dés~gner ce que tous nomment Mawu. Fa serait son
Il est inutile de multiplier les témoignages. Une seule chose est certaine:
on nomme les rois Melalàfi, et ils viennent immédiatement après Dieu,
petit-fils. . . Metalàfï est le roi de tous les Fa : c'est un personnage
mythique ... Il est le père de Duduwa . .. C'est le Bokanô du ciel. On con- avant toutes les divinités.
A Abomey, à, Allada, on invoque encore sous ce nom les rois défunts.
sulte Fa, au ciel, à propos de la naissance de chaque être humain. C'est
On dit : Lôfi Gez.a, Lôji Gleh . .. Ce Làfi signifie, daris l'esprit de l'orant,
Metalôfi gui détermine, pour chacun de nous, sous quel signe nous vien-
drons sur cette terre, et c'est pour obtenir le nom de ce signe céleste que que le roi est comme la divinité suprême 2 •
On peut admettre que les rois d'Abomey, dans leur volonté de s'affirmer
les hommes adultes vont dans le bois sacré de Fa.... En langue d'lfè, Alaajî
supérieurs au monde des vodù, mais n'osant s'égaler à Dieu même, créèrent
signifie roi. Metalôfî est synonyme de créateur ... Lorsqu'il est question de
ou adoptèrent le mot MEtalôfi; synonyme de Mawu, et, grâce à cet artifice
Metalàfi dans les légendes de Fa, il s'agit du roi de la ville où a lieu telle
verbal, purent s'identifier à lui en évitant le blasphème. Le vocabulaire de
I. Gubasa-fort-enfatlt-èt'-Git-vengeance-( négat. )-échouer.- Ùne statuette <le cui\•re martelé Fa, perpétuellement enrichi. de êeTIDes honorifiques nouveaux, a<lopta alors
(coll. Ch. Ratton) symbolise ces paroles. Ramenée par le corps expéditionnaire après la con-
quête d' Abomey, elle est connue s9tis le nom inexact de «Statue de Béhanzin», et signifie :
celui-ci; Metalôfï serait, en quelque sorte, une incarnation de Mawu.
do su miJ maj••to, le trou empêche l'e1111emi de passer. Elle se trouvait à DosumwèO'bonu
. h b '
quartier A waga d'Abomey. C. KJERSMEIER la reproduit sous le nom de «Dieu de la
Guerre ». (Op. cit., pp. 3 5 et 42, pl. 54.)
b) Chants.
2. Le signe de Gld• est Abia-Let<. On nolls excusera de ne pas donner les noms des
Chaque signe comporte un nombre indéterminable de chants, Fa-xà. On
signes des autres rois'd' Abomey. Le lecteur «européen» en tirerait peu de profit, et nous avons
été invité à la discrétion par notre informateur.
3. Le mot se retrouve à Cllba: « Olufina: Dieu. Le. Père de tous les saints, le plus vieux, r. Wësagü signifie à la fois messager et message. Cf. supra, première partie, chap. rx.
c:lui qui les gouverne (selon les Luc1m7is) ». (L. CABRERA, op. cit., p. 23 7, n. r.) Les Nago 2. Un jeune prêtre de Fa, avec qui nous jouions aux échecs, nommait plaisamment .le roi :
disent :Jlufinla, ou lcalufinla, pour désigner Lisa. l Metolôfl.
1
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LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SIGNES. - NOTIONS GENERALES

les chante, le plus souvent, après avoir énoncé une devise ou une légende,
après l'accomplissement d'un sacrifice; mais le"s Fatittiï n'en compo;-tent pas . c) Interdits.
tous. Il arrive d'ailleurs que le consultant iinprovise, dans sa joie d'avoir ét.é Chacun des seize signes-mères possède des ·interdits (Fa-su) que le con-
assisté par Fa. sultant doit respecter, et qui s'imposent définitivement au Favi. Les interdits
Tous ces chants ·semblent anciens, et fixés par la tradition. Il existe des signes mixtes sont faits, le plus souvent, de la somrrie des interdits des
néanmoins des variantes, d'un pays à l'autre. D'ailleurs; lorsque la memoire
deux composants 1

du devin fléchit, ce que l'absence de contrôle et d'émulation rend aujour-
d'hui fréquent, il improvise ou confond les chants.
En yorouba comme en fan, chaque chant se compose d'un nombre défini d) Sac ri.fius.
de paroles indéfiniment répétées. Il importe' donc de marquer nettement le
Tout signe prescrit des sacrifices dont le Bobnà trouve la composition
moment où. l'on veut en interrompre un pour en attaquer un autre. Celui
dans la légende qui s'applique au cas considéré ou dans la légende princi-
qui dirige le chant prononce à cet effet l'interjection : gbo.gli ! qui est,
pale du signe trouvé 2 •
paraît-il, une expression ancienne de pur fo-gbe signifiant : arrêtez et restez
Pour tous les sacrifices des àu, - va ou adra, -i.l faut nommer un~ un les
immobiles J On l'entend employer aussi entre les chansons adressées aux
seize Fa-MEji, en déchirant des feuilles akiiknnâ o'u desresigs. On insiste
vodù. Les Gunu de Porto-Novo emploient l'exclamation : danido ! Les
sur Tttrukpê, comparé à la terre pour sa fixité, et dont l'aci:: est particuliè-
Yorouba disent eliwoya '!Chanteurs et danseurs répondent: egbo dokè ta ta
rement nécessaire à la réussite durable de la cérémonie.
(F) ou aya gbo aya ta (Y).
A chaq~e sigt1e correspond une courte invocation :
En dehors des chants spécifiques de chaque signe, il en est de communs
à tous les Fa. On peut les chanter dans la forêt, lorsqu'on la-ve le Fa, dans
la maison lorsque l'on consulte, ou lors des Fanuwiwa. En vo1c1 un : Mi kâ Jiogbe,
ku li ma hû nit mi o !
0 Fa na lô ba awo11à ma lm o ! (bis)
Nous avons « consulté» Jiogbe,
Bo-ta de ku we bo tà nô yi dohù xa. puiss~ le chemin de la mort ne_pas s>ouvrir pour nous!
Kpali a ma iïi ta ku nu vi sa de gE.
Bobnô ma ku do xizi-xizi ms. Mi kâ Yr:.ku-Msji,
Fa n'accepte pas que ~e Bak:mà meure! (bis) 11ta feu z.à do 'titi o I
Quand meurt un possesseur d'amulettes, on jette toutes ses amulettes Nous avons consulté YEku-Meji,
[sur le chemin qui sépare les champs 2 • puisse la nuit ne ·pas tomber sur nous!
Kpali n'est pas une chose que l'enfant, à la mort de son père, peut prendre.
Le Ba-k'.mo ne meurt pas, même lorsque tous succombent à un fléau. r. Les mterdits signalés par J. A ..SKERTCHLY, et reproduits fidèlement ·par J. TmtHARD de
CHARDI.N (op. cil., chap. vu, p. 165), semblent fantaisistes: « Amoosu cou1d not eat chop
·En effet, il faut « tuer le Fa >>, après la mort de son propriétaire, alors with bis back to the moon. Egblie-egbah could not lh~ht a fire, and one of the porters was
que l'amulette meurt en même temps que son détenteur. not allowed to drink rum witbout offering the cup to another persan beforehand ». (Op. cit.,
chap. xxvr, p. 476.) - On trouve la même information erronée ap. GRANDIN (op. cit.,
r. Ces expressions ne doivent pas être confondues awc l'impératif: taisez-vous 1 qui se p. r 7)). Cet officier va jusqu'à écrire : « Beaucoup de ceux qui consultent Ifà ne prennent
traduit : en fà-gbe, par nabw' (surtout à Ouida), crase pour nà-abwE, soi5 tranquille, et par pas de nourriture avant de l'avoir consulté; ils lui demandent même s'ils peuvent manger
nii-do-to (vous-avoir-oreille), prêtez l'oreille ; en gë-ghe, par 111idooto; dans la région d' Athiémé, à telle heure et ce qu'ils peuvent manger ii.
par dab9; chez les Maxi, par 11ab1. 2. Les sacrifices prescrits au voyageur G. GoREil par un charlatan d'Abomey, dans des
2. Les jeter dans le champ même laisserait croire à une mauvaise intention à l'égard des conditions qui faisaieri,t de l'expérience une duperie, sont pnrement fantaisistes. (Op. cit.,
récoltes. liv. III, pp. 207-208.)
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SIGNES. - NOTIONS GENERALES

Mi kâ Woli-Meji, Nous avons consulté Guda-MEJÏ,


z.û gâ xa do ta nu mi o ! ne nous montre pas ta force !
Nous avons consulté Woli-MEJÏ, Mi kà Sa-MEJÏ,
puisses-tu ne pas faire, au milieu de notre toit, le trou XE sa awà vodû XE ami do afa e kû nà sa o !
[par où entrent les accidents !
Nous avons consulté Sa-MEji,
tous les oiseaux se prennent à la glu, mais non l'oiseau des sorciers dont
Mi kâ Di-MEEji,
[les pattes sont huilées!
rna hwe kpako do mi o !
Nous avons consulté Di-Mëji, Mi kà Ka-Mêji,
puisses-tu ne pas nous enfermer et nous écraser! etili do gâ ta ; hû kii-nà do gà ta ;
bo nô SE wo.
Mi kii Loso-MEji, Nous avons çonsulté Ka-MEji,
ma do nukû-mia ni e o ! j'ai mouillé l'ancre dans la rivière ; la pirogue a mouillé l'ancre dans la rivière;
Nous avons consulté Loso-MEJÏ, elle ne peut plus bouger.
puisses-tu ne pas faire rougir nos yeux [nous attirer Mi kà Turukpê,
J
d'accidents ! Turukpe-Ldo ! Kà-gbEto nogbE ka a!
ou Emi kû na jE gala hà kpo cà o I
Mi kà Wêh-Msji,
Nous avons consulté Turukpt,
ta-yima fa vi do akij ye o I
Turitkpê-Lelo I Celui qui tresse le fil ne tresse pas le sable !
Nous avons consulté Wêle-MEJÏ, ou : puissé-je ne pas souffrir de la maladie qui suinte '.
puisse l'accident ne pas nous surprendre, nous faire fuir
[et prendre nos enfants !
Mi kà Tula-MEJÏ,
nû ce [ou toweJ ma do aza lie o I
Mi ka Abla-MEji, Nous àvons consulté Tula-Meji,
afafa we 1-ià /W tiJ-hwà ! puisse ma [ou sa] bouche [=mes paroles] ne pas me créer d'ennuis!
Nous avons consulté Abla-i\tlëji, Mi ka LE!E-MEji,
c.'est l'éventail qui fait fuir la sueur! emi ku na ku ku vaü o !
Nous avons consulté LEtE-MEji,
Mi kii Aklii-MEJÏ, puissé-îe ne pas mourir subitement 1
emi site si, hàtà fia/à do mi;,
ba jijô dagbe fE mE ! Mi kà Ce-M€ji,
ku kplakpla, az.ô kplakpla, emi gbs bi I
Nous avons consulté Aklà-MEJÏ,
je me suis levé là ou l'on dit du mal de l'ami, Nous avons consulté Cs-MEJÏ,
et suis allé m'asseoir en un endroit meilleur ! puissent la mort subite, la maladie subite m~épargner !

1. Il s'agit des maladies vénériennes, que l'on nomme aussi avo-golo-z.à, la maladie qui
Mi ka Guda-MEjt'., est sous le pagne. Tim1kpè porte encore le nom de Otulu<Jkpà. (Y), évoquant la douleur
ma sa glagla xa ie o I localisée dans les organes génit:iux.
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SIGNES. - NOTIONS GENERALES

Mi ka Fu-Mëfi, nu aga nô wa S<- do 111ô a.


Xekpa ! E se we do fi-de, hii yi fi la.
Ku kpodo ku vi h kpâ,
gbe kpodo gbë vi ls kpo, Adra, nous te remercions,
az.ô kpodo azô vi h 1~pa, adra, maîcre de la mort !
Guda-Fligbe, wa yi sa nrt mi! Nous te remercions, Ecu!
K /a-Sa, ma gba hwe do ta nu mi o ! L'oiseau qui vole ne peut toucher sa queue de la tête;
Di-Fu, ku hü ku lèô, le danger n'approche pas celui qu'a faitle ss.
ar_ô hü azo kô, Si l'on te dit d'aller quelque part, il y faut aller.
Ct.-Tula da [pour az_a],
Cette dernière phrase s'adresse au sacrifice.
h da,
Le Bobno indique au Favi le lieu où sera déposé le sacrifice. Au moment
h gbogbo da,
kpali agbâ-nô js. agba-tô gudo bo js agbâ-tô nukô !
où le Favi se met en route, le prêtre lui dit : a kpe Bob-vi Bob-si bil a zt. ;
mô m<. ma do ta-xwi'J ale hit, mslè. Si tu rencontres en route le fils d'un
duno dui1ô emi yra h le a, e mi hwele si ye !
Bokanô, ou la femme d'un Boka11ô, évite-les; si tu vois quelqu'un qlli n'a
pas de taxwia (i. e. : qui n'a pas encore été au Faz.ù et ignore l'ancêtre
Nous avons consulté Fu-Me7Ï,
mythique de sa famille 1 ) , suis-le.
Xekpa ! ..
Mort et enfants de la mort, r. Il semble imprudent de traduire toxwio par totem. Les clans (?) des quatre orients
vie et erifants de la vie, avaient pour toxwio le vodü Xeuioso, sous le nom d'Ala (ou Alltt) ~loji: le roi de /(efu
maladie et enfants de la maladie, porte encore le titre d'Ala-Ke, où se trouve le nom de son tox-wio ; le roi de S1wE, celui
Guda-Fligbe ! venez tous donner votre ac<. à mon sacrifice ! d'Alti-CabE ou d'~ba-Okoso (SavE porte encore le nom d'Okosq; « c'est là que le feu descen-
dit du ciel») ; le roi des Aja, celui de So-vi, fils du Tonnerre; le roi d'Ayo celui d' Ala-Yo.
Klà-Sa, ne brise pas la maison sur ma tête ! L'Ala-ba serait-il le père (ha) des quatre A/a, ou le père de Xwioso (A la ~ba Y) lui-même?
Di-Fu, si la mort me guette, chasse-la! De toute façon, le léopard, foxwio bien postérieur d'un groupe dissident d' Aja, est le roi
si la maladie me guette, chasse-là! mystique des animaux, vassal des rois des lluatre orients. - Cf. chap. m, p. 65, n. 2.

Cs-Tula, tout ceci est pour toi,


c'esç aussî pou_r h, ia terre,
pour n'importe quel endroit sur la terre!
Signe qui possèdes ce bagage [=sacrifice], puisses-tu demeurer et
derrière et devant ce bagage [ = accepter le sacrifice] !
Dunô, dunô que j'ai invoqués, je vous fais une offrande d'eau ...

Et, te disant, le prêtre verse du wa-si (farine de maïs délayée dans de


l'eau) sur le sacrifice. Une dernière prière est dite pour que le va ou
l'adra soit accepté :
Adra, 1J1i do kpë,
adra we ni lm-nô!
Cu mi do kpe !
Xe zuz.ô niJ kpâ nuleiJ va a ;
LES SEIZE GRANDS SIGNES ET LEUR MESSAGE 431
On donne encore à ce signe les noms nago suivants : Ogbe-Oji (deux
paroles, c'ést-à-dire la vie et la mort), Oji-nimà-Gbe (j'ai reçu deux choses),
Oji (les deux), A/ajiti(bonheur ), :Jbafa (père dé Fa), Awtflela (accomplis ton
sac ri fi ce et tu seras exauce), Aluku-Gbayi 1 •
Sexe : masculin. Tous les Bobnà sont d'accord à ce sujet.
CHAPITRE II.
Figurations : par les traits indiciels
LES SEIZE GRANDS SIGNES
ET LEUR MESSAGE.

Ce chapitre est consacré aux seize premiers signes, (du-110,.du-ta, da-MEji,) ésotérique : cf. fig. 33 a 2 •
étudiés dans leur ordre exact et suivis du signe-messager C:.-Tula '. Les représentations ésotériques des seize dunà, actuellement ignorées de
On donnera pour chacun d'eux les explications rehnives aux noms sous la plupart des Bokanà, sont considérées comme des secrets permettant d'ac~
lesquels ils sont connus, leur sexe, leurs figurations indicielle et ésotérique, céder à la compréhension profonde des signes. Le cercle qui symbolise Gbe-
leurs caractéristiques et leurs corre~pondances, leurs devises, leurs légendes, Msji a nom Gbe-ine: l'univers connu et inconnu. L'intérieur du cercle est
parfois des sacrifices, des chants ou des prières, et leurs interdits. blanc, car Gbe-Meji représente aye (Y) ou lœz.e (F), c'est-à-dire le jour, la
On se rappelle qu'il existe des devises sans légendes et des légendes sans journée.
devises. Quant au mot sacrifice, employé couramment par nos informateurs
et nos interprètes, il doit être pris le plus souvent au sens de dedicatio. Caractéristiques.

Gbe-MEJÏ est considéré comme l'aîné et le père des dunô. Il est donc leùr
PREMIER SIGNE : GBE-MeJr. chef. Comme tous les dunà, il est censé tenir de Dieu une part dans la
direction du monde.
Noms: Gbe-M~ji, c'est-à-dire Gbe (F) deux fois; Ejiogbe (Y), prononcé Il est l'orient. Sa principale fonction est d'entretenir la vie, de comman-
souvent Jiogbe par les Fon; Gbe-jùm, par renversement des sy1iabes du mot -d-er à la t-er-r-e, d'assur-er le~ -réc-o1t-es ; -n1aître -du jour et -de ce -qui se passe
nago M;;.ji, pour l'euphonie des chants de ce signe. Le nom de fiole ou sur terre pendant le jour, il régit aussi la voûte céleste aux heures de clarté i ;
Jionih est employé par les Nago qui consultent LEgba 2 ; il semble être une maître de la respiration, il a sous ses .ordres la colonne vertébrale et le ster-
contraction des mots oji la 11ih, signifiant: qui possède la terre, le monde. num, « qui en sont les soutiens ». De lui dépendent encore les rivières, la
pluie, la mer, les vaisseaux sanguins (à l'exclusion du sang, qui est du res.:
r. Le Médecin-Colonel René TRAUTMANN publia en I939 un important travail sur Fa, sort de Sa-Meji), la tête humaine et celle des animaux, l'oiseau l;keleke, con-
(rédigé au Dahomey de 1920 à 1924,-) dont il eut l'extrême courtoisie de nous prêter le MS,
la même année. (La confrontation <le nos textes n'entraîna pas de correction.) Chargé, au
sacré à Lisa, l'éléphant, l'aklasu, le chien, le roko, les montagnes, la terre,
début de la seconde guerre mondiale, d'assurer à l'Institut Français d'Afrique Noire'l'intérim
de notre ami Théodore Mo11od, mobilisé avant nous, nous eûmes le plaisir de faire hâter la 1. Alnku Gbayi : celui qui ne meurt pas et se lève sur le monde. Il s'agit sans doute du

publication de cet ouvrage, que sa date <le parution ne nous permet pas de citer comme nous soleil.
l'aurions aimé. Signalons au lecteur le chapitre VI du Dr. TRAUTMANN, Les Doubles Dieux, 2. Les seize figures d.es dunà out été dessinées pour nous par GEdEgbe lui-même. Aucun

dont l'objet est celui que nous nous proposons ici. (La Divination à la Cote des Esclaves et à autre devin n'a pu représenter un signe autrement que par les traits indiciels.
Madai[ascar. Mémoires de l'Institut Français d'Afrique Noire, no r. Paris, Larose, I939, 3. LeZùno dit: Gbe-MEji est le signe sous lequel apparurent le Ciel et. la Terre, et sou
pp. 39-84.) nom nago le confirme : oji, signifiant : deux, désigne le Ciel et la Terre. Le premier signe
2. Supra, chap. VI, pp. 265-268. créé fut YEku, qui perdit son rang.
432 I,A GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES
1~.

la mer, qui ont tous ce signe en commun. De lui enfin dépendent les
Blancs'.
Un lien l'unit aux grand's vodu Mawu, Lisa, Gbaadu, Xwioso, Sakpata,
Gu, Dii . ..
Ses feuilies liturgiques préférées sont : atets, fenie (manioc), btanuï, zünô,
et surtout adàdiJ (Y) ou afamà (F).
To.us les,autres signes ont une ou plusieurs couleurs préférées, mais Ghe-
M$JÏ, tout en préférant le blanc, «possède >> toutes les autres. En sa qualité
de père des duno, il fait siennes les couleurs de ses enfa\1tS.
Les rapports entre Jioghe, Fu-Meji et Y<.ku-Msji seront exposés à propos
de ces deux derniers signes. Les devins disent volontiers : Ydo ! du ma fii i
Ghe-Meji. Nul signe ne peut effacer Gbe-Meji, sauf Yeku; nul ne peut
faire échec à la vie, sinon la mort.

Devises.

r. 0 Fa Jioghe ! Ali nô su do aglavu wesi do Feliho a; ali nà su do aklasu-


2
.()
':. . ', ~.
.

DD
ganga do Feliho a. 0 Fa Jioghe ! Jamais la route de Fè [=de la mort] n'est .. '

c~
fermée au chien. Jamais la route de Fè n'est fermée à l'aklastt dans les airs.
0 Fa Jioghe ! (Allusion au flair du chien devant la mort.)
2. Do hü nu; do mi5 nô hu nu, ho no gb. Le trou ouvre sa bouche; le trou
n'ouvre pas sa bouche sans rien prendre.
3. Alilasu-ganga we je ntï. kuku ji, ho da: emi je fiogbe cya ! L' aklasu fond sur
un corps sans vie, et dit: je suis tombé, grâce à Jiogbe 1 sur un cadavre !
Le signe Jioghe a décidé que l'aklasu doit manger des charognes. Lorsque
ce rapace en trouve un~, il rend grâce à Jiogbe.
Ces trois devises s'appliquent au consultant malade, et sont de mauvais
augure.
4. Loko kuja, ava lmja. L'arbre loko a vieilli, le parasite grimpant ava a
vleilli.1ls se sont rencontrés et ils ont vieilli ensemble.
Ceci s'applique à celui qui consulte à propos d'u.ne action à entreprendre,
ou au Favi dans le bois sacré, et ·annonce une réussite.

r. A ·Madagascar, le même signe que Gbe (Taraiky chez les Antonasy, les Sa~alava et les
Merina) évoque le « Destin de la solitude, de la mort ». Le même signe que YEku (Asam_
bola chez les d.:ux premiers peuples, Jama chez le troisième) est le « Destin de !'Abon-
dance». (Histoire Pbysiqztt ... etc., op. cil., t. III, p. 501.)
2. Ag-la-avù, le chien Agla, nom couramment donné aux chiens; on dit Adm si l'animal
est méchant. Wtwe-si: queue blanche. FIG. 33. - Figuration ésotérique des 16 du11ù.
.
-

);'{

LES SEIZE GRANDS SIGNES ET LEUR MESSAGE 433


5. La pierr:e gidigbaja ne tombe plus, une fois adossée à la montagne.
Même remarque que précédemment.
6. L'œuf ne peut déclarer la guerre à la pierre gidigbaja sans être aussit6t
cassé.
Les· ennemis ne feront aucun mal au Favi.
7. Naki-b gbâ nô da awiyà gbà ii. Trente fagots de bois n'arriveront jamais
à cuire trente pierres.
Même sens•.
8. 0 Fa ]i'ogbe ! So mô nô j$ agidigbàft do so nu m$. 0 Fa ]iogbe ! Jamais la
foudre n'atteint le rongeur agidigbàii (animal ressemblant au cochon d'Inde)
au cœur. de la montagne.
Même sens.
9. J~ weweliwe nô gbz asu-tô Lisa a. La petite perle blanche [des fidèles de
Lisa, - on la nomme C<e!-afü] ne peut nier que Lisa soit son époux.
La femme du consultant doit rester sérieuse, sous peine d'être punie. ·
10. La queue du poisson ne peut le quitter.
Ir. C'est la colère du fleuve qui provoque ses sinuosités. C'est par colère
que les routes font des méandres. C'est de colère que la corde se tord.
12. L'éléphant naît mou, mais un COUf}de vent suffit à lui donner sa force.
Il ne faut qu'un délai au Favi pour que son désir se réalise.
r 3. Une petite nappe d'eau deviendra la mer.
Même sens.
14. Le Bo/l:inô qui tue les enfants ou les grandes personnes, ou même les
insectes et l~s oiseaux inoffensifs, se mettra un jour à pleurer, et ses larmes
seront comme un feu qui lui jaillira des yeux. Ma bloo ! Ma cee I Ne le fais pas!
jiogbe recommande à ses Favi de ne faire -de mal à -aucun être vivant.
15. Fe tnô nô hu ga du do fa, mi na to ho na de. Le gombo ne doit pas
s'élever plus haut que celui qui Fa planté; s'il devenait ainsi, nous le cour-
berions et l'arracherions'.

Légendes.

I. Devise de cette légende : On ne dit jamais : mes yeux sont bons. On


dit : ma tête est bonne.

I. J. BERTHo a recueilli en gë-gbe une devise comparable, qui semble inexacte à Abomey.
(Art. cil., p. 373). Il signale, comme première devise de Jiogbe: " le pétiole bien droit de la
feuille de palmier raphia est appelé verge; la terre présentant des creux est appelée vagin.».
(lb . . ) Nous ign:Jrons ou ce Missionnaire a recueilli ces paroles, mais jiogbe i·;1terJit des
propos de cette nature - Gombo: Hibiscus esculentus.
foslitul d'Etb110/ogie. - Bernard MAUPOIL. 28
400 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES Ys, S<:, J'.:>T'.), WÈSAGÛ, Lino

Le ys invisible est comme un lien my.stique qui nous attache à Mawu. des qualités supeneures à la soml1!e des parcelles qui la constituent?
C'est en s'efforçant patiemment d'en acquérir la connaissance qne l'homme - Le sz de chacun est impuissant en lui. Notre créateur, nous ne pou-
découvre successivement les diverses étapes de Fa jusqu~au kpJ!i, qu.i lui donne vons l'analyser : nul d'entre nous ne le connaît. Nous sommes dans un
sur lui-même la suprême lumière. mystère. Nous disons que l'électricité, c'est l'esprit de vodü inconnus, non
Nos parents, lorsqu'ils consultèrent dans la forêt de Fa, ont eu la révéla- dénommés, qui travaillent auprès de Dieu. Si la variole vient, nous disons:
tion de notre avenir, et c'est ce jour qu'apparut notre ys. Il évolue dans la voici, l'esprit de la terre, qui réside près de Dieu, nous a donné cette mala-
suite,. se fortifi~, se perfectionne. Tout ce qui est humain part du kpJ!i et die. ·Si un fort vent s'élève, qui abat un grand arbre, nous disons : parmi
aboutit au kp:Jli. Les étapes se nomment ad'Jgofa pendant la grossesse de la h:s esprits qui résident auprès de Mawu, en voici un parmi les plus mauvais,
mère, Fagbasa pour le jJta du- bébé, Faki'i.Jîwe pour l'enfant trop jeune pour qui a passé près de nous ... Mais qui a créé tout cela, qui a voulu cela?
comprendre Fa, an!aslnn p.our l'adolescent, kalo pour ceux qui approchent Malgré toutes nos recherches pour comprendre le fond des choses, nous
de l'.t révéhtion de leur ss, et enfin fatifa. Ces étapes sont entrecoupées de n'avons pu trouver. Et personne n'y est parvenu. Si nous connaissions le
sacrifices destinés à écarter le danger. Le stade ultime de la connaissance de fond des choses, nous serions maîtres de notre propre vie.
notre âme est au delà de la vie1 en Mawu. C'est pour expliquer les mouvements des forces naturelles, que l'on
- Existe"t-il une différence foncière entre ss et ys? vénère des vodü tels que Sdpata, Xwioso, Age, Gu ... Aucun chef d'État ne
- Le ys invisible et l'être humain sont des créations de Dieu, et l'on peut.accumuler dans sa tête toutes les affaires concernant son empire. Il a.
no.mme Ss l'entité qui a créé le ys et l'être. Mawu et Sê ne font qu'un. Les des commis, qui détiennent et exécutent chacun une parcelle de sa pensée.
animaux terrestres et les oiseaux ont un st, ainsi que les végétaux et les miné- De mêp'le, les vodû sont comme les commis, les subalternes de Mawu, et
raux. Car tout est création de Dieu et porte sa marque. Ce que nous nom- leur totalité vient se fondre en lui, constituant sa volonté et sa pensée.
mons Dieu, c'est l'ensemble de tous ces ss et rien d'autre. - Mais si ce morcellement se trouve dans le Ss suprême, se retrouve-
- Doit-on dire que tout être, toute chose, a quatre frmes, ou qu'il a une r-il dans les ss individuels? Et comment?
âme quadruple? , ~ - Dieu a tout créé, mais c'est le jour de cette cré~tion qu'il a réparti ou
- Il existe une àme quadruple, si l'on s'en tient à qüatre fonctions de éparpillé un peu de sa pensée sur chaque être, chaque animal, chaque chose
l'âme; on en peut imaginer d'autres. Ces quatre âmes n'en font qu'une en ce monde. Ensuite, les premie's couples de chaque race ont reçu de lui
'
tout en etant quatre. ' leurs interdits et leurs nourritures, leur divinité, leurs talismans et la magie.
- Mais y a-t-il une volonté commune à toutes ces parcelles de Mawu une Tout cela est inclus dans la pensée de Mawu; chacun, en recevant une par-
force q!.'li unit? ' celle du grand Ss, reçoit une parcelle de la grande pensée.
~On_ p~urrai_t·dire qu'il y a Mawn et Lisa. Mais œ n'est pas une expli- - Comment se fait-il, le créateur étant le même pour tous, que nous
cat10n. S1 1 011 .:herche à approfondir, on observe que ce principe spirituel soyons tous différents?
que nous nommons notre ss, ignore de quoi il émane : la totalité des se - Mawu seul est le maître de toutes les intelligences de l'univers. Mais
invisibles a-t-elle formé Dieu? Nous ne le savons pas. Tout s'arrête à cette l'intelligence de Mawu n'est pas également répartie; il ne pouvait donner
limite de notre pensée. une intelligence égale à tous. Il faut une spécialisation, une diversité : nous
- Mais le soleil et la lune, la nuit et le jour, la crue des fleuves et les ne pouvons tous nous livrer au même métier, à la même occupation.
mouvements des marées, nuis l'orage, la pluie, la grêle, le tonnerre; mais Il est peu probable que l'on élucide un jour c.es questions. Fa lui-même,
la v.lpeur, l'électricité et tous ces phénomènes étranges, provoqués ou suy qui.nous avions fondé tant d'espoirs, ne nous renseigne exactement sur
reproduits par l'homme, qui les détermine ? nous que jusqu'au -kp'Jli. Mais là s'arrêtent ses révélations, et, jusqu'à notre
- On dit que c'est Dieu, - Mawu et Lisa, - qui ont tout créé. mmt, nous ne sauro'ns plus rien .
.- Comment, chaque ss étant pratiquement impuissant, ou incon- - Fa possède-t-il une âme?
scient, ou inapte en tel ou tel domaine, la totalité des ss peut-elle offrir - Certains disent que Fa a deux âmes, Gbaadu et Se.gbolisa, dont il tire
402 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES YE, · S~, JJT::>, WESAGÛ, LÎDÔ

sa force. Personne, en ce pays, ne connaît la relation exacte entre Fa et homme bon. Ceux qui sont bons reviendront toujours; car il importe de
Gbaadu; on dit simplemtnt que Gbaadu est plus fort que Fa. Les du ne perpétuer leur nom. GbE-mE la su WE, e a de tnE ·e jè a na bE, il en est de
possèdent pas d'âme ; ils sont eux-mêmes,. pour nous, des âmes, ainsi que cette vie comme des sociétés su: on n'y gagne que ce que l'on y met. » '·
les vodù. Ce qui est important, pour le détenteur d'un Fa, ce n'est pas, lorsqu'il
tire ses noix de leur coin, qu'elles viennent accompagnées d'une ombre visible; L'ensemble de ces sanctions amène à se demander si les incarnations suc-
c'est la certitude que leur symbolisme aboutit précisément à son )'E. cessives des âmes profitent à celles-ci, ou du moins à léurs hôtes passagers,
-Quels sont les châtiments que Mawu peut infliger aux âmes des coupables? à !'ensemble des êtres ? La question prend les informateurs au dépoùrvu :
-Sa première ressource est de retarder leur retour sur terre. Il peut encore il semble qu'ils ne se la posent pas. Là tangue fon, cependant, permet de
leur interdire de le rejoindre, et elles resteront à gémir ici-bas, formant tout l'énoncer clairement : tnE-ku-bo-de désigne celui qÙi est mort et est rev~nu.
ce que nous nommons, sans comprendre, nu badabada, choses mystérieuses. Et le mystère de la réincarnation s'exprime par les mots : tnE-di-de; signi-
Il peut les châtier plus durement, en les envoyant à abadahwe, la maison fiant le retour des êtres, et dont le sens est exclusivement en rapport avec
du mystère, ainsi nommée parce que nous ne la p6uvons décrire. Ce serait la .réincarnation. Les Nago disent de même jilatôji, qu atoji 2 •
une sorte de prison des morts, d'où l'on ne s'échappe pas. De telles morts L'âme, entre deux retours sur terre, séjourne auprès de la divinité. Elle
ne donnent pas de jata. participe à ce moment, dans une mesure déterminée jusqu'à un certain
]Esu est le nom d'une autre prison, encore plus stricte. point, semble-t-il, par l'attitude terrestre de son dernier habitat, de l'omni-
Enfin, le châtiment suprême est le yêiva, le néant. Un arbre abattu porte science du créateur. Mais celui-ci ne révèle -pas à une âme ce qu'il adviendra
une ombre; s'il brûle, de la cendre remplace l'ombre. De même au )'Eiva : d'une autre, ou des autres. Chaque âme reçoit de Dieu un message exclu-
l'âme est comme consumée. sif, individuel : elle connaît son prochain avenir terrestre, et s'en tient là.
C'est à cause de ces âmes en peine ou de ces âmes perdues que l'on fait Et c'est cette imprégnation d'une parcelle isolée de la connaissance divine
toujours, lors des cérémonies pour les Kututa, un sacrifice supplémentaire».
Les Fon, comrrie les Yorouba, accordent la préférence à la vie terrestre '. 1. Su, ou s9, couramment traduit, à ton, par to1itine, dêsigne ces très nombreuses socié-

« La vie terrestre, poursuit GEdEgbt, est préférable à la vie dans l'au-delà. tés d'amis ou d'amies, où chaque adhérent verse une cotisation dont la périodicité est
vari:ible (mensuelle, suivant les jours de marché, etc.). Les mises, égales pour tous en
Pourtant, lorsque l'on meurt, rien ne vous dérange plus, ni questions de
général, ne sont pas productrices d'intérêt. Lors de chaque versement, le total des sommes
famille, ni questions d'argent, ni affaires de femmes. Mais c'est précisément reçues est attribué, suivant un roulement, à l'un des sdciétaires, ce qui lui permet de faire
parce que ces soucis n'affectent plus les défunts que «leur nom n'est pas face à une dépense importante (cérémonie religieuse, mariage, construction, achat de terrain,
voyage, dépôt à la Caisse d'Epargne, etc.) et d'éviter les prêts usuraires. Un !u-gà (chef de
bon» et qu'ils appartiennent à la mort. Et puis, nous parlons souvent de
rn) assure le versement des cotisations, la répartition des sommes et la correction de la
l'au-delà, mais savons-nous comment cet au-delà se présente à nos morts? société. Président et trésorier, il règle les .conflits entre sociétaires. Il est parfois rétribué.
Pourtant il y a un au-delà. On dit même que ceux qui ont vécu le plus Su se dit esu en nago ordinaire, ida-owoj9 en nago de' Sav•, aj9-nu en gunu, so à Ouidah.
longtemps sur cette terre y ont une place privilégiée; un père qui y fut En foula : kafu ; en soussou : suswi ; en bambara et en malinké : sarladà. Cette iritéres-
sànte collectivisation de l'épargne n'a pas attiré l'attention des Européens.
précédé par ses femmes et ses enfants y sera bien accueilli à son arrivée. Il 2. J. JOHNSON, chap. VI, p. 53 : « This transmigration is spoken of as « Yiyà » or the
y a des récompenses pour ceux dont.la vie fut sage. Mais tout ce que Mawu shooting forth of a branch "· - N. BAUDIN, op. cit., p·. 6: cc. .• âmes humaines appelées emi. »
peut faire de mieux pour eux est de renvoyer leur âme dans le corps d'un Nous nous sommes vainement efforcé, parmi les vieilles familles nago d' Abomey, de
retrouver les significations données par P. A. TALBOT aux mots ci, okà, erni, wi. On nous a
I. P. A. TALBOT, op. cil., t. II, chap. x1v, p. 268: « Life in << heaven n cannot be plea- objecté qu'9/uî signifie cœur, que respirer se dit sirni, qu'iwî traduit vodû ainsi que de nom-
sant, otherwise people would not come back so quickly - sometimes the next year - breux noms l'attestent : Wilaye, Lemàwi, etc .. On a ajouté enfin que le seul mot cor-
while man y live to such a great age on earth ... Bad people are punished by being kept long res'pondant à y• en langue n;go est ojijî, qui désigne un prin.::ipe immortel, alors que
in " heaven » and are detained there till they "learn sense n. Good and w1se people are TALBOT affirme le contraire. (Op. cit., vol. II, pp. 259 sqq., et Table, no 10, p. 277.) - Cf.,
reincarnated very quickly n. lb., p. 2 51. - N. BAUDIN, art. cit., p. 98 : « Les Noirs croient A. B. ELLIS, op. cit., chap. vu, p. 127 : « J11e ghost man, or soul, the 'vehicle of indivi-
que la terre des morts est assez semblable à celle où nous vivons, mais beaucoup plus dual persona] existence', is called iwin, or okan, but the latter also means « heart ». Another
triste, » etc .. Croyance universelle! word is ojiji or oji, which has the meanings of ghost, shade, or shadow n.
Imtitut d' Etbnologie. - Bernard MAUPOIL.
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES Yë, S;, ]'.)T:::>, WÈSAGU, LÎDÔ

que l'individu cherche à s'entendre révéler dans la forêt de Fa ou il reçoit - A des souvenirs qui nous sont chers ».
son kp~li. La réponse ne pouvait qu'être telle, attendu les propos sur l'âme precé-
Le fait que Dieu ne laisse connaitre à chaque âme que ce gui la concerne demment notés '. Puisse cet exemple faire saisir au lecteur que la tragédie
implique la négation du perfectionnement par la réincarnation. Un homme d'une pensée religieuse qui ~e penche avidement, et vainement, sur sa
bon dans une vie, mauvais dans la suivante et bon dans une troisième : source, n'est pas une donnée de l'Occident seul. Puisse-t-il saisir aussi
voilà qui ne choque guère. Certains estiment pourtant que les âmes sont l'absence totale de dogmatisme de cette pensée africaine, manifestée par ses
vouées au bien, ou au mal, ou à la médiocrité, et que toutes leurs réincar- contrad·ictions mêmes, et par l'aveu de son insuffisance.
nations ne pourront les changer. Il serait vain de presenter une solution figée à ces problèmes subtils; cette
Cette nouvelle preuve de la suprématie de Mawu s'exprime d'ailleurs du économie de la pensée serait-elle condensée en des manuels, que même
fait même de l'existence de Fa. Mawu est le maître absolu de nos destinées. l'hypocrisie, les préjugés de race ou la paresse n'en sauraient faire qu'une
L'âme, toutefois, est conçue comme.douée de mémoire; il y a une cor- décevante leçon. Nous adrn.irons les auteurs gui reussirent à faire, de cc l'âme»
respondance mystérieuse entre les états d'âme, le comportement en général d'autrui, l'objet de tableaux. numérotés récapitulatifs, et munis d'accolades 2 •
d'un être donné, et la dominante de sa vie antérieu~e.
Mais l'âme ne possède pas de volonté : elle est le véhicule de la Yolonté 1. On explique parfois au commun des mortels qu'il est, en dehors de l'âme réincarnée,

de Mawu. Le seul fait pour elle d'aspirer à la volonté consti.tuerait une une âme céleste à qui vont les sacrifices.
2. Nous pensons particulièrement à P. A. TALBOT, op. cit., t. II, Table n° 10, p. 277,
révolte. ,\'a mes for the Souls, etc ..
Comment se fait-il, demandera-t-on, puisque la vie humaine est déter-
minée par Dieu, que ce dernier prononce des punitions contre les ùmes
coupables? Et qu'est-ce qu'une âme coupable, puisqu'elle n'est essentielle-
ment qu'obéissance au créateur?
« Le JE, nous a répondu GEdEgbe, n'est pas doué de volonte : mais il
n'ignore pas l'entraînement, soit par répétition, soit par continuité. Mawu
t'ordonna de commettre telle mauvaise action : cette faute te sera pardon-
née, puisqu'elle fut voulue par lui. On ne peut dire que ce soit une faute,
puisque tu obéissais à un ordre. Mais si la première action te donne l'idée
de récidiver, ou si tu dépasses dans l'exécution le degré de nuisance pres-
crit, alors tu es punissable. Car tu ne pouvais amplifier de la sorte la volonté
de Dieu qu'en faisant appel aux vodü et aux talismans, ses serviteurs, donc
en montant un complot contre lui.
Et pour bien te situer la toute-puissance de Dieu, sache que cette répéti-
tion ou cet excès- ne te seront pas davantage pardonnés s'ils s'exercent dans
le domaine de ce que nous nommons le bien. >> '
- A quoi bon offrir des cérémonies aux morts anciens? Leurs corps ne
sont que terre, et leurs âmes sont sans doute réincarnées déjà. A gui adres-
sez-vous donc vos prières, vos chants ?

r. J. SPIETH, Die Eive-Stiimme, op. cit., ·chap. v, p. 828 : cc Von Gott kommt <las Gute
und das Bose '"
...

4r2 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SIGNES. - NOTIONS GENERALES 413
un petit sacrifice, peut condamner l'imprudent à la variole noire, à une Les rapports avec les quatre éléments, effieurés plus haut, ne présentent
maladie de cœur, ou à un gonflement du ventre. pas une netteté plus grande. A vrai dire, la précision manque, non pas dans
Tels sont Léie-Ce et son inve1'se Cs-LetE. La politesse veut qu'on évite de la cc cognatio naturalis )) entre signes et vodü ou éléments, mais dans la prise
menti~nner ces s~gnes; si!' on ne peut faire autrement, il sera avisé d'employer en considération des vodù et des éléments eux-mêmes. On verra, à propos de
une circonlocut10n ou un euphémisme, et de faire les frais d'un minime chaque signe, à quel point la confusion des relations avec les vodu, les
sacrifice avant d'engager la conversation dans une atmosphère détendue. éléments, les CQuleurs, etc., révèle une décadence ou une impuissance de la
Lorsqu'un Bok:mo trouve l'un de ces signes au cours d'une consultation pensée religieuse. Les Bobnà ne peuvent plus a,ujourd'hui qu'énoncer le
il doit l'effacer aussitôt, avant d'exposer quoi que ce soit à son sujet. Sinon' principe: tout ce qui a un nom dans la nature, Fa en parle dans ses signes,
le malheur fondrait sur la tête du consultant ou sur sa famille. ' et chaque signe parle de toute sorte de chose et de toute circonstance '.
~u -cas où ces signes seraient découverts a.u Faz.ü, tous les Bvk:mô, pris de
pamque, se sauveraient chez.un devin supérieur, qui accomplirait les forma-· Ordre des sitnes majeurs.
li tés nécessaires pour éloigner « [' accidént », voire la mort r.
Il est en général admis que Gbe-Meji est le père, Fu-Msji la mère, des
quatorze. autres dunô, sans doute parce que Gbe-MEji est le premier et
Carac'téristiques et correspondances.
Fu-MEji le dernier, 'et parce que les signes sont énumérés par paires
~n peut, parmi les seize signes principaux, et indépendamment de la signi- sexuées, ce qui rend masculin le premier et féminin le dernier. On suppose
ficat10n de chacun, établir des distinctions. que le père et la mère encadrent leurs enfants.
Selon le sexe, on a la série des huit signes mâles : Gbe-Msjî, Woli-M9i, Certains Bob no ont remarqué_Q.u'en expliquant les choses de la sorte; -0n affir-
Lo~o-~eji, Abla-Msji, Guda-MEji, Ka-Msji; Tula-Msji, CE-MEJÏ; et les mait l'existence de sept garçons et de sept filles. Or, le chiffre sept est étranger
butt signes femelles : YEku-MëJÏ, Di-Meji, Wèh-Meji, Aklà-Me;ï, Sa-Meji, et désagréable à Fa. Ils expriment donc le rapport de parenté qui existe entre
Turukpê-MEJÏ, Letë-Msji, Fu-Meji. Les signes sont en effet groupés deux les duno, - il en faut bien un, - en disant qu'ils sont tous les seize frères
par deux à partir du premier, qui est mâle. Chacun de ces couples consti- et sœurs, par moitié, Gbe-Msji étant le frère aîné, Fu-MEji la sœur aînée.
tue un ménage, dont le premier du est le mâle. Cette discussion al:! mérite d'attester que Gbe-Msji est le premier des dunô,
Selon la correspondance avec le monde Je la sorcellerie, on a les signes et Fu-J.1Eji le dernier. Mais comment énumérer les quatorze autres?
des.~ënesi: D~~Msji, Loso-Msji, Wële-Msji, Guda-Msji, Sa-Mi.ji, Turukpè- Les informateurs ignorent l'origine du classement des dmzô : Dieù l'a
Ms;i, LEIE-Me;i, Cs-MEji, Fu-MEji. appris comme cela au premier devin ... On m'a appris cela ... On ne con:..
Les rapports entre les signes de Fa et les voda sont certains mais con- naîtra jamais, nous dit un vieux devin d' Athiémé, le fond de cette histoire :
. ' ' '
tra1rement à l'avis parfois exprimé 2, il est bien difficile d'établir des corres- c'est comme celle de !'Immaculée Concepti.on ...
pondances stables, à plus forte raison des identités i. De nombreux Bobnô ont été invités à énumérer les seize dunà dans leur
ordre. Les divergences sont nombr.euses, mais il est remarquable que presque
l · ?n certain .nombre de décès prématurés parmi des .Bokmà, des Favï, des jogbiina qui
trouver~nt ces. s1gn~s a~ Faz.ù, décès où l'esprit occidental ne voit que des coïncidences,
tous donnent un ordre identique pour les dix premiers signes; c'est ensuite
sont presents.a la memoire de tous ceux qui étudient Fa. que viennent les interversions 2 • Pourtant, Tula-Msji est pres-que tou-
2. M ..J. et F. S. HERSKOVITs, An 01ttline .. , art. cil., p. 52.
). ~f. R. E. DEN~ETT, Nigerian Studies, op. cit., Expl. Chap., p. 4: «the meaning of the l. De même, en Chine, les huit Trigrammes «fournissent une représentation concentrée

Odus m the order given are connected with the Categories of Thouoht ». Cette intéressante de l'univers>>, et résument les soixante-quatre Hexagrammes qui «passent pour représenter
certit~de n'a éveillé aucun écho dans le Bas-Dahomey. Elle se ret;ouve sous ]a plume de l'ensemble des réalités ». Marcel GRANET, La Pensée Chiuoise, op. cit., liv. II, chap. m,
Maunce DELAFOSsE, à propos des Gourmantché, in Haut-Sénr!,,al Nio-er (Soudan Français) p. 185.
;· III, Lu Civilisations. Paris, E. Larose, 19. l 2, ch a p. vrr, p. 1 3 4~ 11 • l. ~ " ... seize figures dif~ 2. Cf. cependant GRANDIN, op .. cit., p. 174: « Avri-Meji » passe avant« Adi-Meji»; - on
érentes dont chacune porte un nom spécial et représente une catégorie d'êtres ou d'idées ne peut prendre cette information au sérieux. Par ailleurs, un jeune «lettré» a également
(êtres humains, animaux, v.ie, mort 1 etc.)"" proposé l'ordre: Woli-M<ji Di-lvf<ji; mais les renseignements de cette source .doivent être
contrôlés de près. Ce sont les deux seules exceptions relevées,
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES
LES SIGNES, - NOTIONS GENÉRALES 415
jol!rs inamovible au treizième rang, sauf dans Ellis qui le nomme avant
On remarque le groupement des seize du par paires sexuées, et le rapport
LslE-Msji 1

de symétrje entre le groupement des indices de chaque paire. A partir du.
Après des recherches assez laborieuses ~t trente interrogatoires, nous avons
dressé le tableau ci-dessous, qui est celui des meilleurs informateurs, notam-
Via Populus Cauda Draconis Caput Draconis
ment des devins nago 2 :

0 0 0 0 0 0
I. Gbe-Meji 2. Yelw-Meji 3. Woli-Meji 4. Di-Meji
0 0 0 0 0
0 0 0 0 0
0 0 0 0 0 0
1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 2 9 IO
1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1
1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1
1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 Puer Puella Carcer Conjunctio

(mâle) (femelle) (mâle) (femelle)


0 0 0 0 0
0 0 0 0 0 0
5. Loso-Meji 6. WèlE-Meji 7. Abla-Meji 8. Aklà-Meji 0 0 0 0 0 0
0 0 0 0 0

14 13 4 3
1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1
1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1
1 1 1 1 1 1 1 1 1 Fonuna minor Fortuna major Rubeus Al bus
1 1 1 1 1
1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1

(mâle) (femelle) (mâle) (femelle) 0 0 0 0 0 0 0


0 0 0 0 0 0
0 0 0 0 0 0
9. Guda-Meji IO. Sa-Meji li. Ka-Meji 12. ï'urukpè-Meji 0 0 0 0 0 0 0

- 5 6 11 12
1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1
1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 Tristitia Laetitia Amissio Acquisitio
1 1 1 ! 1 1 1 1 1 1
1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1
0 0 0 0 0 0
(mâle) (femelle) (mâle) (femelle) 0 0 0 0 0 0 0
0 0 0 0 0 0 0
0 0 0 0 0 0
13. Tula-Meji 14. Lete-Meji l 5. Ce-M,ji 16. Fu-Meji
8 7 1 5 16
1

1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 r. The Yoruba .. , op. cit., chap. II, p. 6L


1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 2. Le tableau des dunà a été publié dan·s cet ordre par plusieurs auteurs : J. SPIE'fH, Die
1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 Ret1{;io11 .. , op. cit., chap. ·m, pp. 201-202. - R. E. DEl'NETT, Nigerian Studies, op. cit.,
1 1 1 1 1 ! 1 1 1 1 chap. XV, pp. 149-'152 et chap. XVIII, p. 227. - L. FROBENIUS, op cit., Bd. 1, chap. XIII,
0

(mâle) (femelle) p. 281. - D. ÜNADELE,EPEGA, op. cit., chap. 11', pp. 12-14. - ANONYME, in Bull.. de
(n âle) (femelle)
l'Ens. de !'A. O. F., ,irt. cit., p. 35. - Les points placés au bas de chaque du indiquent le
sens sdon lequel l'ensemble des indices doit être lu pour former le signe.
Cf. notes J: et 2, p 415
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLA Vl:S LES SIGNES. - NOTIONS GENERALES

cinquième signe, il semble .que les du femelles soient l'ombre, le reflet, des nous a donné Sa avant G11da, comme notent Skertchly 1
, Ellis 2, Burton l
.du mâles. et Johnson 4. Les contradictions portent, en définitive, sur les signes: Ka,
Pour permettre des comparaisons, on a présenté, en regard, le tableau des Tnrukpê, Lsts. Est-ce parc~ que certains d'entre euK sont particulièrement
figures selon les données traditionnelles de la géomancie européenne 1, dont dangereux que l'on estime prudent d'intervertir leur ordre, d'autànt plus
l'origine est la même. Sous chaque figure, Ja numération correspondante des qu'ils suivent et précèdent Sa et C:, qui, eux aussi, sont redoutables?
dunô. La cause de ces ruptures de symétrie semble provenir d'incompatibilités
affectives. Certains devins ne supportent pas d'entendre nommer de suite
On termine presque toujours ]'énumération des dunô par le signe CE-: des signes aussi dangereux que les six derniers : de cette juxtaposition, en
Tula, messager de tous les autres signes de Fa 2 :
effet, dép,end l' ex:1l ration de leur puissance. Il importe donc de les séparer.
1 1 Ainsi s'explique le divorce entre LEI~ et CE, qui ne doivent jamais être nom-
1 j 1 1 més ensemble : Bobno ma dao, le Bobnô ne doit pas dire. - D'où substi-
1 1 tution fréquente de Ka à Lsfa ou à Cs, par euphémisme.
1 1 1 On notera, en examinant le tableau des dunô proposé plus haut, que
le total des éléments c0nstitutifs de chaque demi-signe est un nombre pair
Quelques devins utilisent parfois une graphie d'origine arabe pour les six premiers, impair pour les huit suivants; pair à nouveau pour les
pour 1 deux derniers. « Cela montre bien que les deux derniers du, Cê.-Msji et Fu-
Msji, ont été isolés du premier groupe auquel ils appartinrent. En punition
1
de leur inceste 5, ils sont bannis de la société des signes>> 6 •
1

pour 1 1 r. Op. cit., chap. xxvI, p. 475. Un lapsus a fait écrire Ba au lieu de Sa.
1
2. Op. cit.i ahap. II, p. 61.
1 1 1
3. Op. cit., chap. xn, p. 333.
1 1 1 1 4. Op. cit., chap. m, p. 20.
r 1 1 1 5. Supra, chap. vr, p. 252. A Abomey, est réputé inceste le coït du père ou grand-père·
et de la fille ou petite-fille, de la mère ou gra'nd'mère et du fils ou petit-fils, de l'oncle et de
et ainsi de suite i. la nièce, du neveu et de la tante_, du frère et de la sœur utérins et jusqu'à un certain point
Les contradictions entre informateu1·s se man1"'estent des consanguins. La souillure, résultat immédiat de l'inceste, n'entache que les hommes.
11 a' propos d es signes
·
Les femmes bénéficient de l'excuse du sexe et ne sont même pas réputées complices. (La
finaux.
coutume d'Abomey considère p:trfois la responsabilité du complice comme plus grande que
Sur trente observations, vingt-huit sont conformes au tableau ci-dessus en celle de l'auteur, car le complice aurait dù assurer l'échec de l'intention coupable, en la
ce qui concerne les dix premiers signes, et vingt-neuf en ce qui concerne dénonçant, par exemple). L'inceste, ceint de dezà et couvert de cendres à l'exception du visage,
d'evait faire trois fois le tour du marché, pu_is s'arrêter devant l'Ayiz<i de celui-ci, où était
les deux derniers 4
; ~té enregistrées à Coto-
encore les divergences ont-elles proclam~ Je crime La décapita:ion o.u la· vente aux Européens débarrassait ensuite le pays
nou, ce qui les rend contestables. Elles résultent des interversions : Di-Woli d'une présence néfaste. L1 femme n'était pas condamnée à mort. L'exposition au marché
au. lieu de Woli-Di, Wêh-Loso au lieu de Loso-Wêh, et, pour la dernièr~ s'appliquait encore à Abomey il y a une douzaine d'années, à l'insn de l'administration et
la nuit. L'inceste des oncles, des neveux et des frères avec leurs nièces, tantes et sœurs, n'est
paire, de l'interversion Ka-Fu, au lieu de Cs-Fu. Aucun informateur ne
pas rare dans la famille ci-devant royalè d' Abomey, où la conquête a émancipé singulière-
ment les soi-disant princes. - Cf. chap. VI, p. 222, n. 2.
I. Selon l'excellent précis du Colonel C.~SLANT, op. cit., chap. II. 6. Cette notion d'inceste, remarquée plus haut dans l'étude du gede, semble être un apport
2. D. ÛNADELE EPEGA, op. cit., chap. IV, p. I4. des Noirs. On ne la signale pas à Madagascar : cc Les huit premiers symboles, qui contiennent
3· Camp. Fily Da.bo SrssoK~, chef de ;canton, La Géomancie, art. cit., pp. 248-268. un nombre de graines p:iir, sont appelés Ny A11drian'11y sikidy (les Nobles de sikidy) et les
4· ]). JOHNSON situe la paire Ablii-Aklà avant la paire Loso-Wèk (Op. cit., chap. m, huit derniers, qui contiennent ui1 nombre de graines impair, Ny Andwon'ny sikidy (les
p. 20.
Esclaves du sikiay) ... »(Histoire Physique . ., op. cit., vol: IV, t. III, p. 503.) (Suite p. rniv .. )
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SIGNES. - NOTIONS GENERALES

D'une façon générale, les Bok:mô n'aiment pas nommer les seize du de rop-and-!ower-two- singles. In the case of Ika and Qturapon, thè same
suite. Ils essaient de frauder le danger d'une semblable énumération par rule holds good : upper-middle-single stroke prece<les lower-middle-
une sorte de restriction mentale du genre suivant : je n'ai pas énuméré les single J>-.
seize du de suite, puisque je n'ai pas suivi l'ordre. - Cette explication est Nous n'avons pu obtenir confirmation au Dahomey de ce qui est, pour
rendue vtaisemblable du fait que l'énumération adoptée ici est celle, recou- J. D. Clarke, plus qu'une ingénieuse hypothèse. Pourtant, Ies du doivent
pée, d'informateurs âgés, donc moins craintifs, et qui nous avaient donné êfre énoncés dans un ordre logique, auquel la psychologie africaine sub-
leur confiance. stitue parfois des combinaisons moins sévères. Nous avons donné la préfé-
rence, après minutieuse enquête, à l'ordre donné par le tableau ci-dessus, et
Que déduire de l'examen du tableau des dunô? l'examen postérieur du beau FatE à seize figures de Gad<.gbe, (pl. VIII; B),
J.D. Clarke, qui poursuivait en même teill)JS que nous des recherches a confirmé notre choix.
sur le Fa dans la province yorouba d'Itorin et qqi a bien voulu nous com-
muniquer certaines de ses conclusiorts, considère, -avec la majorité de ses Le développement d'un signt.
informateurs, l'ordre suivant comme le meilleur :
a) Devises çt développtments.
lwori :Jbq,ra lrusû Ogûda !rd<. !ka :JcE
Edi :Jkàrâ :Jwôri :Jsa Une fois .le signe trouvé par le prêtre au cours d'une consultation, il
Otura :Jturapô Ofü.
importe d'en donner l'explication au consultant, en d'autres termes, d'in-
terpréter la réponse de Fa. Fa ne répond pas directement à chaque
Il remarque la stabilité des paires 1, 3, 4, 5 et 8, et attribue les variations
des autres à des « influences côtières perturbatrices ii. Il en est de même question posée, mais chacun de ses signes est affecté d'un nombre théori-
quement illimité de légendes 1 , - chacune précédée le plus souvent d'une
dans le Bas-Dahomey, oi'.i les renseignements .ethnographiques recueillis à
Cotonou ou à Ouidah tendent parfois vers l'erreur ou là fabulation. _De devise, - parmi lesquelles le devin doit choisir celle qui s'adapte au cas
considéré. C'est ce que l'on nomme la parole de Fa 2 •
l'ordre qu'il admet, J. D. Clarke déduit, toute paire étant symétrique, que
Toute parole de Fa, en général, se nomme Fa-gbe, Fa-gbe-si-sa, Fa-r:be-sa
le premier signe énoncé dans chacune sera celui dont l'un des deux indices
supérieurs est unique. Laissons la parole à notre correspondant : << upper I (F) ou kifa (Y) i. L'ensemble devise-développement se nomme Fa-tû-tü
strokes take precedence : see .Qbara-Qkanran, top single stroke Qbara pre- (F), expression qui comporte l'idée de dénouer <
La devise précède le développement, la légende, qu'elle résume ·5 • Elle
cedes bottom singl-e stroke Qkanran ; see O~~-Ofun, top-single-lower-
middle-single stroke. precedes upper-middle-single-bottom-single stroke; n'est pas toujours un proverbe. Lorsque le devin l'énonce, il répète ce que
le signe lui-même est censé avoir dit. Sous sa forme concentrée, elle cons-
so also in the case of Ir~t~-Otura, upper-two-and-bottom-singles precede
r. Et non trois seulement : « A chaque adu ou formule d'un esprit tutélaire corres-
D'autre part, en additionnant horizontalement et verticalement les indices des 16 dunà, pondent trois proverbes ou sentences dont l'interprétation permettra au bok:Jno. de_resondre
on obtient le carre suivant :
le cas de celui qui est venu consulter Afa ii. CJ. BERTHO, art. cit., p. 362.)
8 16 12 12 -+ 48 2. J. JOHNSON, op. cit., chap. m, p. 19: « There is a series of traditional staries, each of
12 12 14 q -+ 52 which is called a road, a pathway, or~ cQurse, and is connected with some particular Odù.
IO IO 14 14 -+ 48 Each Odù is supposed to have 1. 680 of these staries connected with it >i. - Les informa-·
IO IO 12 12 -+ 44 teurs admettent qu'il existe des légendes sans devise et des devises sans légendes.
t t t t 192 3. La parole d'un vodti. est nommée vodü mlàmlà (F). Les expre~sions Fagbesisa et FatiUü
40 48 52 52 -+ !2.:_ sont frequemment employées l'une pour l'autre.
384 4. Les gens d'Ouida, qui passent, ajoute l'informateur fon d' Abomey, pour ne rien faire
coinme tout le monde, disent: Fa-si-tütü.
En diagonale, Gbe + Wèh + Ka + Fu donnent 46 indices, comme Di +Abia + Sa + 5. Un i~formateur nous dit : la devise est au développement ce que le bouchon est au
Tula.
contenu de la bouteille.
Inrtilul d'Elhnologie. - l:!ernard MAUPOIL. 27
420 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SIGNES. - NOTIONS GENf:RALES 421

titue souvent une formule mnémotechnique par rapport à la légende. Le autre cause de trouble mental nuirait à la bonne tenue de la consultation.
consultant l'entendra sans comprendre ; elle n'est prononcée que pour Fa Il ~st à remarquer gu'au Dâhon;$, à Abomey notamment, tout personnage
et pour le devin. Pourtant, celui-ci peut. apprendre les devises de son signe notable ne se montre qu'entouré de gens de confiance destinés non seule-
à cetu"i qui reçoit le Fa de la forêt, et il doit les enseigner au futur Bok:mo ment à lui servir de garde personnelle et à rehausser son « pi;:estige )), mais
qu'il instruit; dans ce dernier cas, il ajoutera les légendes correspondantes. aussi, - ce qu'il .. nc faut pas dire, - à «se rappeler pour lui >> et même à
Devises et légendes sont innombrables, et nu 1 ne se flatte de les connaître le conseiller, à· éviter, surtout, qu'il tienne mal son rang en public. Il nous
toutes 1 • Nous ne citeron·s ici "que cent soixante-seize devises et soixante- est arrivé plusieurs fois, au' cours d'entretiens avec d'ancie1is digni-
seize légendes relatives aux signes principaux, quarante-cinq devises et taires de Ghh, de constater le rôle de ces souffleurs diligents et respec-
soixante-neuf légendes relatives aux signes secondair~s. Pour devenir un vrai tueux, que l'on nommerait chez nous secrétaires. Accroupis aux pieds du
devin, il faut avoir de nombreux maîtres. maître, ils proposent des réponses chuchotées aux questions du visiteur.
Il est rare qu'un Bobnô se donne la peine de conter une légende de Fa Le maître choisit et prononce. Il en est de même chez les grands Bol1:mà,
à un consultant ordinaire. Le prix modique de la consultation, le c\é~ir de qui laissent parfois leurs disciples interpréter pour le consultant, se réser-
ne pas vulgariser ses connaissances, la longueur de c.enains développements vant d'intervenir dans le développement si des erreurs s'y glissent.
et, parfois, l'ignorance, suffisent à le re.tenir. Il se borne généralement à Si, pour une cause déterminée, - consultant de marque, répercussions
nommer le signe découvert, ou le signe de g!de 2 , à citer quelques devises de la réponse, - il importe d'analyser de près la (( parole » de Fa et de lui
et à chanter un ou deux chants, scandés ou non à l'aide du lôflè. donner une solennité, le devin peut énoncer un certain nombre de déve-
La légende concerne, en général, une divinité, un animal, un homme ou loppements et les commenter avec ses disciples, chanter de nombreux chants,
une plante qui 3 consulté Fa dans des circonstances definies e't obtint ce en un mot prolonger la séance. Ces occasions sont rares.
signe. Tous ceux qui, dans l~ stiite, viendront consulter dans les mêmes . En revanche, lorsqu'il s'agit, non plus d'une simple consultation, mais
circonstances, obtiendront de ce signe la même réponse, et profiteront ou d'une remise de Fa dans la forêt sacrée, le devin est tenu de donner au Favi
souffriront de l'attitude prise vis-à-vis de Fa (soumission ou désobéissance) le maximum d'explications. sur le signe découvert. Il le fait d"autant plus
par le premier consultant. Selon que celui-ci a ou n'a pas fait les sacrifices volontiers que les frais de la :érémonie sont élevés et que le Favi ne paiera
prescrits, son sort sera heureux ou malheureux. Ce bonheur ou ce malheur que rarement comptant; il risque aussi que le Favi, connaissant son signe,
suit tous les hommes de l'avenir, solidaires d'un lointain précurseur défunt. le fasse interpréter par un autre devin, s'il trouve le premier réticent.
Si l'on fait un sacrifice d'adra, on évite cette malédiction, qui s'arrêtera en Le Bok:mà de la forêt contera donc au Favi plusieurs légendes, dont il
route, avant d'atteindre celui qu'elle menace. déduira les sacrifices à prescrire; en général, elles se référeront à l'époque
Le prêtre de Fa opère très rarement seul ; plus il est respecté, plus il a de où Fa était misérable, où il n'avait pas d'enfants, où ses ennemis le tra-
disciples. Ils assistent aux consultations dans le double but de s'instruire et quaient, car le Favi est censé se réfugier en Fa. La fin de l'histoire, qui
de suppléer le devin au cas où la fatigue; la fièvre, l'inquiétude, ou telle narre la victoire de Fa sur les éléments et sur les êtres, rendra confiance à
l'initié. Des chants scandés exprimeront tour à tour la reconnaissance et la joie.
1. C'est la raison qui nous a fait repousser l'hypothèse d'hiéroglyphes de Fa, déjà exposée
(supra, première partie, chap. r, p. 27), et même celle d'une écriture -en devenir. La devise qui précède une légende peut être appropriée par de grands
Contra, Hermann BAUMANN, Richard THURNWALD u. Diedrich WEsTERMANN. Vdlkerkunde Bokano qui en font leur nom. Si ces devins trouvent l'exa,cte concordance
von Afrika mit besonderer BerücksichÎif!ung der lwloniale Aufr:abe .. Essener Verlagsanstalt,
entre tel cas important présenté par un consultant et _l'une des devises du
1940, 2e partie, p. 426: cc Etwas wie eine Vorstufe zu einer Schrift bilden die lediglich aus
geraden Strichen zusammengesetzren Figuren der Wahrsager des Afa-Dienstes im Küstenge- signe-rèponse, ils peuvent s'attribuer cette devise comme nom honorifique.
biet von Togo, Dahome und Nigeria, die je ein Sprichwort oder eine Erzahlung bedeuten, in Ils agiront de même pour perpétuer le souvenir d'une consultation fameuse.
die der Sinn des Orakelspruches eingehüllt ist. Sie werden nicht in der Regel, wohl aber En dehors même des prêtres de Fa, certains hauts personnages se donnent
gelegentlich, auf Holztafeln geschrieben, auch zu _Mitteilungen an Mitglieder. der Wahr-
sagergilde benutzt ». pour nom honorifique ·une des devises de leur du. de la forêt. C'est ainsi
2. Première partie, chap. vr, pp. 250 sqq .. qu'un des noms les plus connus du grand roi GlEh se trouve être : Basa gla
T
1

422 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SIGNES. - NOTIONS GENERALES

ji Gu hôlô ma dô, Gubasa le fort a enfanté Gu : si tu as offensé Gubasa consultation, où tel ordre a ét~ donné, etc ... Mdalàfi est celui qui a expli-
son enfant Gu ne manquera pas de le venger. Ce nom ~st une des de'{ise~ qué le Fa aux premiers hommes. Après quoi il est retourné dans le ciel. Il
du du de Gfrfr ' ; mais, le signe du roi ne devant à aucun prix être était envoyé par Gbaadu, qui est lui-même comme Dieu ...
divulgué, Glr:.ls portait, en outre, des noms empruntés à plusieurs autres cc ME!alôfi, dit un devin, est invisible comme Mawu. Son nom a été donné
signes 2
• à titre honorifique aux rois d' Abomey, parce qu'ils avaient sur leurs sujets
un droit absolu. Cependant, Mdalôfî est différent de Mawu. Il est comme
Le roi Ma::>L6Fi.
son subordonné, mais vient avant les vodù, à qui il donne des ordres et dont
Le roi Mstalôfï est un personnage classique des contes de Fa. Il représente il « commande >> les effigies terrestres. C'est lui qui préconise la prépara-
dans les légendes le principe d'autorité, principe plus ou moins spirituel tion, l'enterrement, l'édification, etc., de ces effigies, et qui demande· l'exé-
d'une autorité que n'épargnent guère les nasardes i. cution des sacrifices. De plus, il commande à tous les Fa. Pourtant, sous
L'étymologie suivante a été propo~ée : ms= être humain (ou mi les espèces de Fa, c'est un message de Mawu, - un Mawu-wêsagù 1 , - que
=notre), ta= père, lô =là-bas, fi= à côté de, notre père qui nous com- l'on voit, et non un message de MEtalàfi. Fa est le langage de Mawu ... >>·
mande. Le mot semble à la fois fon : mE-t'J, le père·des humains, et nago : cc Tout ce que l'on dit au sujet de MEialàfï, il est impossible d'en obtenir

lôfi, contraction d'alaafï ou alnfî, roi. ME-f'J-alaafî signifierait : roi, père confirmation, et personne n'en peut affirmer la vérité. Malgré toutes les
des humains. légendes où il est question de lui, malgré l'affirmation qu'il serait cc quelque
Les renseignements relatifs à Mstalàfi sont des plus contradictoires. Voici chose comme Fa », puisque, dit-on, ils se donnent réciproquement des
quelques échantillons : consultations, personne ne sait au juste ce qu'est .'vhtalôfi, ni quelles sont
Mdalôfî est un des noms du grand dieu, de Mawu. Fa est une religion ses occupations. J'ai posé la question à maint Bobnô de la ville (Porto-
dont Mstalàfî serait le Jésus ... Mûalàfi est le mot employé par ceux qui Novo); ils n'en savent pas plus que moi, qui suis devin du roi ... >> Etc ..
connaissent Fa pour désigner ce que tous nomment Mawu. Fa serait son Il est inutile de multiplier les témoignages. Une seule chose est certaine :
petit-fils. . . Mdalàfï est le roi de tous les Fa : c'est un personnage on nomme les rois Mstalôfi, et ils viennent immédiatement après Dieu,
mythique ... Il est le père de Duduwa . .. C'est le Bokanô du ciel. On con- avant toutes les divinités.
sulte Fa, au ciel, à propos de la naissance de chaque être humain. C'est A Abomey, à Allada, on invoque encore sous ce 110111 les rois défunts.
MEtalôfi qui détermine, pour chacun de nous, sous quel signe nous vien- On dit: Làfi Gezo, Lôjï Glds ... Ce Lôfi signifie, daris l'esprit de l'orant,
drons sur cette terre, et c'est pour obtenir le nom de ce signe céleste que que le roi est comme la divinité suprême 2 •
les hommes adultes vont dans le bois sacré de Fa.... En langue d'ltè, Alaaji On peut admettre que les rois d'Abomey, dans leur volonté de s'affirmer
signifie roi. Mdalôfi est synonyme de créateur ... Lorsqu'il est question de supérieurs au monde des vodil, mais n'osant s'égaler à Dieu même, créèrent
MEtalôfi dans les légendes de Fa, il s'agit du roi de la ville où a lieu telle ou adoptèrent le mot Mdalôfï, synonyme de Mawu, et, grâce à cet artifice
verbal, purent s'identifier à lui en évitant le blasphème. Le vocabulaire de
I. Gubasa-fort-enfanter-Gu-vengeance-(négat.)-échouer. - Ùne statuette de cuivre martelé
Fa, perpétuellement enrichi de termes honorifiques nouveaux, adopta alors
(coll. Ch. Ratton) symbolise ces paroles. Ramenée par le corps expéditionnaire après la con-
quête d' Abomey, elle est connue sous le nom inexact de « Statue de Béhanzin >>, et signifie : celui-ci. MEtalôfi serait, en quelque sorte, une incarnation de Mawu.
do su mà maje<lo, le trou empêche l'enriemi de passer. Elle se trouvait à Dosumwègbonu,
quartier Ahwaga d' Abomey. C. KJERSMEIER la reproduit sous le nom de « Dieu de la
Guerre». (Op. cit., pp. 35 et 42, pl. 54.) b) Chants.
2. Le signe de Glelë est Abla-Lat<. On nous excusera de ne pas donner les noms des
signes des·autres rois·d' Abomey. Le lecteur «européen» en tirerait peu de profit, et nous avons Chaque signe comporte un nombre indéterminable 'de chants, Fa-xà. On
été invité à la discrétion par notre informateur.
3. Le mot se retrouve à Cuba: « Olufina : Dieu. Le Père de tous les saints, le plus vieux, r. Wesagü signifie à la fois messager et message. Cf. supra, première partie, chap. rx.
c~lui qui les gouverne (selon les Lucufffis) ». (L. CABRERA, op. cit., p. 237, n. r.) Les N;igo 2. Un jeune prêtre de Fa, avec qui nous jouions aux échecs, nommait plaisamment .le roi :
disent ::Jlufinla, ou lcalufinla, pour désigner Lisa: MEtQ/àft.
,.
1

LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SIGNES. - NOTIONS GENERALES

les chante, le plus souvent, après avoir énoncé une devise ou une légende,
après l'accomplissement d'un sacrifice; mais le"s Fatiïtiï n'en comportent pas c) Interdits.
tous. Il arrive d'ailleurs que le consultant iinprovise, dans sa joie d'avoir ét_é Chacun des seize signes-mères possède des -interdits (Fa-su) que le con-
assisté par Fa. sultant doit respecter, et qui s'imposent définitivement au Favi. Les interdits
Tous ces chants ·semblent anciens, et fixés par la tradition. Il existe des signes mixtes sont faits, le plus souvent, de la somme des interdits des
néanmoins des variantes, d'un pays à l'autre. D'ailleurs; lorsque la mémoire
deux composants r.
du devin fléchit, ce que l'absence de contrôle et d'émulation rend aujour-
d'hui fréquent, il improvise ou confond les chants.
En yorouba comme en fon, chaque chant se compose d'un nombre défini d) Sacrifices.
de paroles indéfiniment répétées. Il importe donc de marquer nettement le
Tout signe prescrit des sacrifices dont le Bobnà trouve la composition
moment où l'on veut en interrotn pre un pour en attaquer un autre. Celui
dans la légende qui s'applique au cas considéré ou dans la légende princi-
qui dirige le chant prononce à cet effet l'interjection : gbo gli ! qui est,
pale du signe trouvé 2 •
paraît-il, une expression ancienne de pur fo-gbe signifiant : arrêtez et restez
Pour tous les sacrifices des du, - V'J ou adra, - il faut nommer un à un les
immobiles J On l'entend employer aussi entre les chansons adressées aux
seize Fa-MEJÏ, en déchirant des feuilles akübmâ ou desresigE. On insiste
vodù. Les Gunu de Porto-Novo emploient l'exclamation : danido ! Les
sur Turukpë, comparé à la terre pour sa fixité, et dont l'ace est particuliè-
Yorouba disent eliwoya 1 ! Chanteurs et danseurs répondent: egbo do l<ê /'J ta
rement nécessaire à la réussite durable de la cérémonie.
(F) ou aya gbo aya l'J (Y).
A chaque signe correspond une courte invocation :
En dehors des chants spécifiques de chaque signe, il en est de communs
à tous le·s Fa. On peut les chanter dans la forêt, lorsqu'on la'Ve le Fa, dans
la maison lorsque l'on consul te, ou lors des Fanuwiwa. En vo1c1 un :
Mi kâ ]iogbe,
ku li ma hû nu mi o !
0 Fa na lô b'J awo11à ma lm o ! (bis)
Nous avons <( consulté » Jiogbe,
Bo-t:> de ku we bo tà nà yi dohù xo.
puisse le chemin de la mort ne_pas s>ouvrir pour nous !
Kp:J!i 'J ma 1ïi t:i ku nu vi S'J de gE.
Bok'Jnà ma ku do xizi-xizi 11lE. Mi kâ Yo.ku-Ms.ji,
Fa n'accepte pas que le Bobnà meure! (bis) ma ku zâ do mi 0 !
Quand meurt un possesseur d'amulettes, on jette toutes ses amulettes Nous avons consulté YEku-Meji,
[sur le chemin qui sépare les champs 2 • puisse la nuit ne pas tomber sur nous!
Kp:Jli n'est pas une chose que l'enfant, à la mort de son père, peut prendre.
Le Bobnà ne meurt pas, même lorsque tous succombent à un fléau.
r. Les mterdits signalés par J. A . .SKERTCHLY, et reproduits fidèlement ·par J. TEILHARD de
CHARDIN (op. cit., chap. vu, p. 165), semblent fantaisistes: " Amoosu could not eat chop
·En effet, il faut « tuer le Fa ii, après la mort de son propriétaire, alors with bis back to the moon. Egblie-egbah cou Id not li~ht a fire, and one of the porters was
que l'amulette meurt en même temps que son détenteur. not allowed to drink rum without offering the cup to another persan beforehand "· (Op. cit.,
chap. xxvr, p. 476.) - On trouve la même information erronée ap. GRANDIN (op. cit.,
r. Ces expressions ne doivent pas être confondues awc l'impératif: taisez-vous! qui se p. r 75). Cet officier va jusqu'à écrire : « Beaucoup de ceux qui consultent Ifà ne prennent
traduit : en fà-gbe, par nabwE (surtout à Ouida), crase pour nà-abwE, sois tranquille, et par pas de nourriture avant de l'avoir consulté ; ils lui demandent même s'ils peuvent manger
111i-do-to (vous-avoir-oreille), prêtez l'oreille; en gè-gbe, par midooto; dans la région d' Athiémé, à telle heure et ce qu'ils peuvent manger >i.
par dabo; chez les Maxi, par 11ab1. 2. Les sacrifices prescrits au voyageur G. GoRER par un charlatan d'Abomey, dans des

2. Les jeter dans le champ même laisserait croire à une mauvaise intention à l'égard des conditions qui faisaient de l'expérience une duperie, sont purement fantaisistes. (Op. cit.,
récoltes. liv. III, pp. 207-208.)
T 1
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SIGNES. - NOTIONS GENERALES

Mi kà Woli-Ms;ï, Nous avons consulté Guda-Msji,


zû gà xa do ta nu mi o ! ne nous montre pas ta force !
Nous avons consulté Woli-M2;ï, Mi kà Sa-Mëji,
puisses-tu ne pas faire, au milieu de notre toit, le trou XE sa awô vodû XE ami do afa e kû nô sa o ! ·
[par où entrent les accidents !
Nous avons consulté Sa-Msji,
tous les oiseaux se prennent à la glu, mais non l'oiseau des sorciers dont
Mi kà Di-Msji,
(les pattes sont huilées!
rna hwe kpako do mi o !
Nous avons consulté Di-Msji, Mi kà Ka-Ms;ï,
puisses-tu ne pas nous enfermer et nous écraser! âni do gà ta; hû kii-nô do gà ta;
ho nô ss wo.
Mi kà Loso-MEji, Nous avons çonsulté Ka-M2ji,
ma do nukû-mia ni e o ! j'ai mouillé l'ancre dans la rivière; la pirogue a mouillé l'ancre dans la rivière;
Nous avons consulté Loso-Msji, elle ne peut plus bouger.
puisses-tu ne pas faire rougir nos yeux [nous attirer Mi kà Turukpë,
J
d'accidents ! 1 Turukpê-Ldo ! Kà-ghê.to noghs ka a!
ou Erni kü na js gala hà kpo cô o !
Mi kà Weh-Msji,
Nous avons consulté Turukp't,
ta-yi ma fa vi do akô yt o !
Turitkpë-Li:.lo ! Celui qui tresse le fil ne tresse pas le sable !
Nous avons consulté Wële-Mi:.ji, ou : puissé-je ne pas souffrir de la maladie qui suinte 1

puisse l'accident ne pas nous surprertdre, nous faire fuir


[et prendre nos enfants !
Mi kà Tula-MEji,
nû a [ou towtJ ma do az.a ti t o !
Mi kâ Ahla-Msji, Nous àvons consulté Tula-Mc.fi,
afafa ws nô ka dè-hwà ! puisse ma [ou sa] bouche [=mes parolesJ ne pas me créer d'ennuis!

Nous avons consulté Ahla-MEji, Mi kâ Li:.ts-Msji,


c'est l'éventail qui fait fuir la sueur ! tmi ku na ku ku vaù o !
Nous avons consulté Lëtë-M2ji,
Mi kà Aklà-Mi:.ji, puissé-je ne pas mourir subitement !
emi site si, hàtô nâlà do ms,
ha jijô daghe ti:. mi:. ! Mi kà Ci:.-Msji,
ku kplakpla, azô kplakpla, emi gh hi!
Nous avons consulté Aklà-Mii.ji,
je me suis levé là ou t'on dit du mal de l'ami, Nous avons consulté Cs-MEji,
et suis allé m'asseoir en un endroit meilleur! puissent la mort subite, la maladie subite m'épargner!

r. Il s'agit des maladies vénériennes, que l'on nomme aussi aw-golo-zà, la maladie qui
Mi kâ Guda-M2ji, est sous le pagne. Turukpè porte encore le nom de Otulu-okpà. (Y), évoquant la douleur
ma sa glagla xa it o ! localisée dans les organes génitaux.
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SIGNES. - NOTIONS GENERALES

Mi kà Fu-MEji, nu aga nà wa sr:. do 111ô a.


Xekpa ! E ss we do fi-de, hii yi fi la.
Ku kpodo ku vi lé kpà,
gbE kpodo gbs vi h kpo, Adra, nous te remercions,
az_à kpodo az.ô vi h kpâ, adra, rnaîcre de la mort !
Guda-Fligbe, wa yi sa nu mi! Nous te remercions, Ew !
Klà-Sa, ma gba hwe do ta nu mi o ! L'oiseau qui vole ne peut toucher sa queue de la tête;
Di-Fu, ku hu ku kà, le danger n'approche pas celui qu'a fait le ss.
azô hu azo kà, Si l'on te dit d'aller quelque part, il y faut aller.
CE-Tula da [pour ap],
Cette dernière phrase s'adresse au sacrifice.
h da,
Le Bobnà indique au Favi le lieu où sera déposé le sacrifice. Au moment
h gbogbo da,
où le Favi se met en route, le prêtre lui dit: a kpe Bob-vi Bob-si lJli zr:.; a
kpali agba-nà fr:. agbâ-tô gudo bo j:. agbâ-tà nukô !
mô mE ma do ta-xwia ale hri, mslê. Si tu rencontres en route le fils d'un
duniJ du11à emi yra h le a, e mi hwele si ye !
Bobnô, ou la femme d'un Bob11ô, évite-les; si tu vois quelqu'un qui n'a
pas de taxwia (i. e. : qui n'a pas encore été au Fa-;:,ù et ignore l'ancêtre
Nous avons consulté Fu-MEJÏ,
mythique de sa famille 1 ) , suis-le.
Xekpa ! ..
Mort et enfants de la mort,
I . Il semble imprudent de traduire t1xwi1 par totem. Les clans (?) des quatre orients
vie et enfants de la vie, avaient pour fQxwi1 le vodü Xwioso, sous le nom d'Ala (ou Alla) :Jb}i: le roi de Ketu
maladie et enfants de la maladie, porte encore le titre d'Ala-Ke, où se trouve k nom de son t1.nui1; le roi de Sav€, celui
Guda-Fligbe ! venez tous donner votre acE à mon sacrifice ! d'Ala-Cab€ ou d':Jba-Okoso (Sav€ porte encore le nom d'Okosq; cc c'est là que le feu descen-
dit du ciel»); le roi des Aja, celui de So-vi, fils du Tonnerre; le roi d'Ay1 celui d'Ala-Yo.
Klà-Sa, ne brise pas la maison sur ma tête ! L'Ala-ba serait-il le père (ba) des quatre Ala, ou le père de Xwioso (A la :Jba Y) lui-même?
Di-Fu, si la mort me guette, chasse-la! De toute façon, le léopard, tnwi1 bien postérieur d'un groupe dissident d' Aja, est le roi
si la maladie me guette, chasse-là! mystique des animaux, vassal des rois des quatre orients. -- Cf. chap. m, p. 65, n. 2.

CE-Tula, tout ceci est pour toi,


c'esç aussi pour ls, la terre,
pour n'importe quel endroit sur la terre!
Signe qm possèdes ce bagage [=sacrifice], puisses-tu demeurer et
derrière et devant ce bagage [ = accepter le sacrificeJ !
Dunà, duniJ que j'ai invoqués, je vous fais une offrande d'eau ...

Et, ce disant, le prêtre verse du wa-si (farine de maïs délayée dans de


l'eau) sur le sacrifice. Une dernière prière est dite pour que le ·va ou
1'adra soit accepté :
Adra, 1)1i do kp:.,
adra WE ni fm-niJ f
Cu mi do kpE !
Xs zuzo no kpâ nuko va a ;
+
;

LES SEIZE GRANDS SIGNES ET LEUR MESSAGE 431


On donne encore à ce signe les noms nago suivants: Ogbe-Oji (deux
paroles, c'est-à-dire la vie et la mort), Oji-nimà-Gbe (j'ai reçu deux choses),
Oji (les deux), Alafià (bonheur), Jbafa (père dé Fa), Awztlela (accomplis ton
sacrifice et tu seras exaucé), Aluku-Gbayi '.
Sexe: masculin. Tous les Bokanô sont d'accord à ce sujet.
CHAPITRE II.
Figurations : par les traits indiciels
LES SEIZE GRANDS SIGNES
ET LEUR MESSAGE.

Ce chapitre est consacré aux seize premiers signes, (du-nô, du-ta, dit-MEji,) ésotérique : cf. fig. 3 3 a 2 •
étudiés dans leur ordre e-xact et suivis du signe-messager Cr;-Tula 1
• Les re-présentations ésotériques des seize dunà, actuellement ignorées de
On donnera pour chacun d'eux les explications relatives aux noms sous la plupart des Bobnô, sont considérées comme des secrets permettant d'ac-
lesquels ils sont connus, leur sexe, leurs figurations indicielle et ésotérique, céder à la compréhension profonde des signes. Le cercle qui syrn bolise Gbe-
leurs caractéristiques et leurs correi;pondances, leurs devises, leurs légendes, Msji a nom Gb~-ms : l'uniYers connu et inconnu. L'intérieur du cercle est
parfois des sacrifices, des chants ou des prières, et leurs interdits. blanc, car Gbe-Ms;ï représente aye (Y) ou !œze (F), c'est-à-dire le jour, la
On se rappelle qu'il existe des devises sans légendes et des légendes sans journée.
devises. Quant au mot sacrifice, employé couramment par nos informateurs
et nos interprètes, il doit être pris le plus souvent au sens de dedicatio. Caractéristiques.

Gbe-MEji est considéré comme l'aîné et le père des dunô. Il est donc leur
PREMIER SIGNE : GBE-MEJI. chef. Comme tous les dunà, il est censé tenir de Dieu une part dans la
direction du monde.
Noms: Gbe-M,.ji, c'est-à-dire Gbe (F) deux fois; Ejiogbe (Y), prononcé Il est l'orient. Sa principale fonction est d'entretenir la vie, de comman-
souvent Jiogbe par les Fon; Gbe-}ims, par renversement des syllabes du mot der à la terre, d'assurer le~ récoltes; maître du jour et de ce qui se passe
nago Mzji, pour l'euphonie des chants de ce signe. Le nom de ]iàh ou sur terre pendant le jour, il régit aussi la voûte céleste aux heures de clarté i;
Jionifr est employé par les Nago qui consultent LEgba 2 ; il semble être une maître de la respiration, il a sous ses ordres la colonne vertébrale et le ster-
contraction des mots oji lo 11ih, signifiant: qui possède la terre, le monde. num, « qui en sont les soutiens». De lui dépendent encore les rivières, la
pluie, la mer, les vaisseaux sanguins (à l'exclusion du sang, qui est du res~
r. Le Médecin-Colonel René TRAUTMANN publia en I939 un important travail sur Fa, sort de Sa-Msji), la tête humaine et celle des animaux, l'oiseau l~keleke, con-
(rédigé au Dahomey de I920 à I924,) dont il eut l'extrême courtoisie de nous prêter le MS,
la même année. (La confrontation de nos textes n'entraîna pas de correction.) Chargé, au sacré à Lisa, l'éléphant, l'aklasu, le chien, le roko, les montagnes, la terre,
début de la seconde guerre mondiale, d'assurer à l'Institut Français d'Afrique Noire·l'intérim
de notre ami Théodore Monod, mobilisé avant nous, nous eûmes le plaisir de faire hâter la I. Aluku Gbayi : celui qui ne meurt pas et se lève sur le monde. Il s'agit sans doute du

publication de cet ouvrage, gue sa date de parution ne nous permet pas de citer comme nous soleil.
l'aurions aimé. Signalons au lecteur le chapitre VI dÙ Dr. TRAUTMANN, Les Doubles Dieux, 2. Les seize figùres d.es dunà ont été dessinées pour nous par Godegbe lui-même. Aucun

dont l'objet est celui que nous nous proposons ici. (La Diviuation à la Càte des Esclaves et à autre devin n'a pu représenter un signe autrement que par les traits indiciels.
Mada,i;ascar. Mémoires de l'Institut Français d'Afrique Noire, n° r. Paris, Larose, I939, 3. LeZùnà dit: Gbe-M<ji est le signe sous lequel apparurent le Ciel et la Terre, et son
PP· 39-84.) nom nago le confirme : oji, signifiant: deux, désigne le Ciel et la Terre. Le premier signe
2. Supra,chap. VI, pp. 265-268. créé fut Y<ku, qui perdit son rang.
.,
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES
432
la mer, qui ont tous ce signe en commun. De lui enfin dépendent les
Blancs 1 •
Un lien l'unit aux grands vodû Mawu, Lisa, Gbaadu, Xwioso, Sakpata,
Gu, Dii . ..
Ses feuilies liturgiques préférées so.nt: Jtds, fenie (manioc), btamâ, z.ûnô,
et surtout Jdàdà (Y) ou afamâ (F).
Tous les autres signes ont une ou plusieurs couleurs préférées, mais Gbe-
Msji, tout en préférant le blanc, <c possède il toutes les autres. En sa qualité
de père des dunà, il fait siennes les couleurs de ses enfants.
Les rapports entre Jiogbe, Fu-Msji et Ysku-Msji seront exposés à propos
de ces deux derniers signes. Les devins disent volontiers : Ydo ! du ma fli
Gbe-M;.ji. Nul signe ne peut effacer Gbe-Ms;ï, sauf Yeku ; nul ne peut

DD
faire échec à la vie, sinon la mort.

{[).
.:. . ',
Devises.
'.. :·
r. 0 Fa ]iogbe ! Ali nô su do aglavû wesi 2
do Fsliho a; ali nà su do aklasu- .
ganga do Fdiho a. 0 Fa]iogbe ! Jamais la route de Fè [=de la mort] n'est . .
fermée au chien. Jamais la route de Fè n'est fermée à !' aklasu dans les airs. . 1 J
0 Fa Jiogbe ! (Allusion au flair du chien devant la mort.)
2. Do hü nu; do mô nà hu nu, bo no gba. Le trou ouvre sa bouche; le trou
n'ouvre pas sa bouche sans rien prendre.
3. Aklasu-ganga ws js nù kuku ji, bo dJ: erni js Jiogbe cp ! L'aklasu fond sur
un corps sans vie, et dit: je suis tombé, grâce à Jiogbe, sur un cadavre !
Le signe Jiogbe a décidé que l'aklam doit manger des charognes. Lorsque
ce rapace en trouve une, il rend grâce à Jiogbe.
Ces trois devises s'appliquent au consultant malade, et sont de mauvais
augure.
4. Lolw kujJ, ava lwjJ. L'arbre loko a vieilli, le parasite grimpant ava a
vieilli. Ils se sont rencontrés et ils ont vieilli ensemble.
Ceci s'applique à celui qui consulte à propos d'une action à entreprendre,
ou au Favi dans le bois sacré, et ·annonce une réussite.

r. A 'M;i.dagascar, le même signe que Gbe (Taraiky chez les Antonasy, les Sa~alava et les
Merina) évoque le c< Destin de la solitude, de la mort ». Le même signe que YEku (Asom.
bola chez les deux premiers peuples, Jama chez le troisième) est le <c Destin de !'Abon-
dance ». (Histoire Physiqu~ ... etc., op. cil., t. III, p. 5or.)
2. Atla-avù, le chien Agla, nom couramment donné aux chiens; on dit Adi-a si l'animal
est méchant. Wewe-si: queue blanche. FIG. 3 3. - Figuration ésotérique des 16 du116.
LES SEIZE GRANDS SIGNES ET LEUR MESSAGE
433
5. La pierre gidigbaja ne tombe plus, une fois adossée à la montagne.
Même remarque que précédemment.
6. L'œuf ne peut déclarer la guerre à la pierre gidigbaja sans être aussitôt
cassé.
Les ennemis ne feront aucun mal au Favi.
7. Naki-k:J gbà no da awiyà gbâ ii. Trente fagots de bois n'arriveront jamais
à cuire trente pierres.
Même sens•.
8. 0 Fa ]ingbe ! So mô nô js agid(E;bàft do sa nu ms. 0 Fa ]iogbe ! Jamais la
foudre n'atteint le rongeur agidigbâü (animal ressemblant au cochon d'Inde)
au cœur. de la montagne.
Même sens.
9. ]; weweliwe nô gbz asu-tô Lisa a. La petite perle blanche [des fidèles de
Lisa, - on la nomme czct-:i}iî] ne peut nier que Lisa soit son époux.
La femme du consultant doit rester sérieuse, sous peine d'être punie.
IO. La queue du poisson ne peut le quitter. .
r r. C'est la colère du fleuve qui provoque ses sinuosités. C'est par colère
que les routes font des méandres. C'est de colère que la corde se tord.
r 2. L'éléphant naît mou, mais un cou1} de vent suffit à lui donner sa force.
Il ne faut qu'un délai au Favi pour que son désir se réalise.
13. Une petite nappe d'eau deviendra la mer.
Même sens.
14. Le Bobnô qui tue les enfants ou les grandes personnes, ou même les
insectes et les oiseaux inoffensifs, se mettra un jour à pleurer, et ses larmes
seront comme un feu qui lui jaillira des yeux. Ma bloo ! Ma cee ! Ne le fais pas!
]iogbe recommande à ses Favi de ne faire de mal à aucun être vivant.
r 5. Fe mô no hu ga du do t:i, mi na t:i bo na de. Le p;ombo ne doit pas
s'élever plus haut que celui qui l'a planté; s'il devenait ainsi, nous le cour-
berions et l'arracherions 1 •

Légendes.

I. Devise de cette légende : On ne dit jamais : mes yeux sont bons. On


dit : ma tête est bonne.

r. J. BllRTHO a recueilli en ge-gbe une devise comparable, qui semble inexacte à Abomey.
(Art. cil., p. 373). Il signale, comme première devise defiogbe: "le pétiole bien droit de la
feuille de palmier raphia est appelé verge; la terre présentant des creux est appelée vagin».
(lb . . ) Nous ign:irons où ce Missionnaire a recueilli ces paroles, mais Jiogbe i.nterdit des
propos de cette nature - Gombo: Hibiscus esculentus.
Imtitul d'Eth11ologie. - Bernard MAUPOIL. 28
434 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE LES ESCLAVES LES SEIZE GRANDS SIGNES ET LEUR MESSAGE
435
Légende. Lorsque Yeux et Tête vinrent au monde, Yeux était l'aîné et Je n'ai qu'une seule tête qui pense,
Tête la cadette. Un jour leur père, Ss, le créateur de' toute chose, remplit et il est venu dix têtes de plus'.
une calebasse de viande de mouton et de pâte rouge à l'huile de palme. Il Ma tête est grosse et pesante, (ter)
l'emballa dans une belle étoffe de soie. Dans une deuxième calebassè, il mit oh! tête ... Je n'ai qu'une seule tête,
de l'or et de l'argent, et des perles précieuses. Puis il l'enveloppa dans des mais elle est grosse et pesante ! (ter)
chiffons sales. Alors il invita ses deux enfants à ve11ir choisir chacun une
calebasse à leur gré. Le consultant désireux d'améliorer son sort doit faire un sacrifice en l'hon-
Yeux choisit la calebasse entourée de belle étoffe de soie. Tête préféra neur <le sa tête.
l'autre. Le tissu de soie une fois ôté, Yeux, ouvrant la calebasse, trouva de
la viande et de la pâte. Et d'inviter ses camarades, et de se mettre à manger 2. Devise. Gbet:J we wc_ wtlë we gii: deux personnes ont pris sa défense.
ensemble ... Tête, de son côté, déballa sa calebasse, et, après l'avoir ouverte, Légende. Jiogbe avait épousé une femme qui lui donna deux jumeaux à sa
y trouva une couche de sable. « Comment ? papa a mis du sable dans cette première maternité.
calebasse ! Il n'a mis aucun aliment que je puisse manger, comme fait mon Deux mô!S après cette ·naissance, la mère eut des relations avec un homme
frère? Soit; puisque c'est mon père qui me l'a donnée, je vais la conserver du dehors qui voulait à tout prix l'enlever au mari. La femme ne deman-
quand même ». Et de l'emporter avec soin à la maison. Une fois à la m,1ison, dait qu'à suivre cet homme, mais comment y parvenir?
Tête, intrigué, se demanda si la calebasse contenait toujours du sable, l'ou- Elle finit par conseiller à son séducteur de lui remettre un poison qui pût
vrit à nouveau, et trouva sous le sable de l'arge-Ht ; puis de l'or sous l'ar- supprimer le mari. Et il lui remit une poudre noire.
gent ; et sous l'or des perles précieuses. cc Ma calebasse vaut infiniment plus Le lendemain, elle prépara un calalou (nü.sùnû). Au moment où elle en
que celle de mon frère! J> Et Tête devint riche. accommodait la sauce, son mari !ni annonça qu'il allait au champ.
A quelque temps de là, Ss appela ses enfants pour leur demander: eh bien! Elle fit de la sauce deux portions, qu'elle versa dans deux récipients diffé-
Qu'avez-vous trouvé dans vos calebasses? rents. Le premier, saupoudré de poison, était destiné au mari. Se réservant
Yeux répondit : moi, l'aîné, je n'y ai trouvé que de la viande de mouton le deuxième, elle le rangea en un autre endroit, pour ne point se tromper.
et de la pâte. Le mari revint. Elle lui demanda la permission d'aller chercher de l'eau à
Tête répondit : dans ma calebasse, il y a tout ce qui représente la richesse. la source, !i!t, comme il voulait manger, lui indiqua l'endroit où se trouvait
Alors leur père dit: Yeux, tu es trop avide. La vue de la soie t'a frappé, le récipient contenant la sauce empoisonnée, à côté de l'akassa.
et tu as voulu l'avoir. Tête, qui réfléchit, a su prendre la calebasse entou- Or, au moment où la femme empoisonnait la sauce, Zïsu, l'aîné des
rée de chiffons, mais dont l'intérieur cachait une richesse. C'est désormais jumeaux, avait remarqué son manège.
Tête qui sera l'aîné, et toi, tu seras son cadet. On avait l'habitude de te nom- La femme partit vers la source. Le mari alla pour prendre le récipient.
mer en premier lieu ; désormais c'est Tête qu'on nommera d'abord. Zîsu alors se leva, et dit : la sauce qui t'est destinée a été empoisonnée par
Depuis lors, quand on a de la chance, on dit: ma tête est bonne. Et non ma mère. - Il ajouta qu'il se sentait obligé de dénoncer le fait, pour que
plus : mes yeux sont bons. !'on ne dît pas dans le pays que sa naissance et celle de son frère étaient une
malchance pour la famille. Il indiqua ensuite à son père la sauce comestible.
Chant du consultant:
Celui-ci en mangea, et intervertit les deux récipients.
Ta-a dokpo ws nô wa nu, Et, au moment où le père changeait de place les deux récipients, le
bJ ta yi vo. deuxième enfant, nommé· Sagbo, remarqua son manège.
Oli gbo gr;;, gbo gr;;, gbo gE !
Oli ee ! ... Oli ta dokpo,
r. Celui qui est riche trouve de nombreuses têtes autour de lui, des femmes, des enfants,
o gbo g~, gbo gE, gbo gE ! des serviteurs.
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SEIZE GRANDS SIGNES ET LEUR MESSAGE 437
Sur ces entrefaites, la mère revint de la source, et alla pour manger. ainsi que la famille de Fa échappa au carnage commandé par Lisa. Il est
Sagbo, le deuxième jumeau, se leva et lui raconta ce qui s'était passé. Et la assez normal que le premier signe, par reconnaissance, recherche la couleur
femme d'ameuter le quartier: hé quoi! Mon mari veut m'empoisonner! noire, gui le sauva.
etc .. - Les voisins s'attroupèrent et la femme parla longtemps ...
L'affaire fut portée devant le roi Mstalôji. Le mari fut convoqué. Ques- 4. Devise. Nü masa atë na do ya nu mz: une toute petite chose peut trou-
tionné par le roi sur les dires de sa femme, il demanda que ses enfants, bien bler beaucoup.
qu'âgés de deux mois, comparussent aussi devant le tribunal. MEtalàfiordonna ' Légende. Titigoti, le tout petit oiseau bavard aux plumes grises, déclara un
aux marmots de se lever tout comme des hommes, et de répondre aux ques- jour à l'éléphant Ajinaku qu'il le vaincrait en combat singulier.
tions qui leur seraient posées. Ajinaku de s'étonner: quoi? petit comme tu es ? tu ne peux rien me
Alors Zisu, interrogé le premier, dit qu'il ignorait où sa mère s'étaitpro- faire!
curé le poison qu'elle avait mis dans la sauce destinée à son père. Mais il Si, dit Titigotî, je peux très bien te battre. - Et l'éléphant répond : bon,
craignait que l'on considérât sa naissance et· celle de son frère comme un essaie un peu.
malheur-dans la maison, si leur père venait à mourir lorsqu'ils avaient à Alors Titigot1 recommanda à l'éléphant de rentrer tout d'abord chez lui et
peine deux mois. C'est, dit-il, la raison qui m'a déterminé à tout raconter à de manger copieusement, pour ne pas raconter ensuite qu'il avait été battu
mon père. parce qu'il était à jeun. Mais Ajinaku se mit à rire, et refusa de rentrer chez
Le deuxième enfant déclara que sa mère avait bien empoisonné la sauce lui. Titigoti alla chercher quelques pierres rouges nommées zè, les moulut
destinée à son père, et que celui-ci avait été mis en garde par Zisu. Après avec de l'eau et en fit une crème qui ressemblait à du sang. Il versa ce pro-
avoir mangé la sauce comestible, le père, dans l'intention de tuer sa femme, duit dans une petite calebasse en forme de bouteille (atalrügwe). Avec de la
avait changé les deux sauces de place. Si par hasard sa maman en était morte, craie délavée dans de l'eau, il fit une pâte qu'il versa dans une autre petite
on n'aurait pas manqué de dire que leur naissance portait malheur à la mai- bouteille .. Enfin, il malaxa du noir de fumée dans de l'eau, et versa dans une
sonnée. troisième petite bouteille le liquide noir obtenu.
C'est alors que lé roi MEtaÏôji dit au père des jumeaux: tu es défendu Le roi du pays se norpmait alors Dada Sa '.
par deux personnes. Tu t'appelleras désormais de ce nom: Obeji '. Et Dada S$, accompagné de tous les animaux de la forêt, vint voir com-
Si le consultant est victime d'une machination quelconque, il en sera averti ment Titigotî s'y prendrait pour battre Aji11aku.
en temps utile. Et le tout petit oiseau gris interpella Ajinal.u et dit : je suis prêt. Allons-y!
Et Titigoti, ayec ses trois petites bouteilles, monta sur la tête Je l'éléphant,
3. Autrefois, Fa était un personnage de couleur rougeâtre. qui se mit àrire et lança sa trompe (da) vers lui pour l'attraper. Mais Titi-
Or Së-Lisa, un beau jour, ordonna à la Mort de lui apporter les têtes de gotî faisait de brusques écarts et le da ne pouvait le trouver; et Titigoti se
toutes les personnes dont la peau était rouge. Alors Fa, pour éviter ce mal- cachait dans l'oreille d'Ajinaku, que cela chatouiLlait et gui lançait son da de
heur à son peuple entier et à toute sa famille, fit une consultation. Il trouva plus belle, en riant. Mais déjà l'oiseau était posé sur ses yeux ...
Jiogbe, qui lui recommanda de faire un sacrifice composé de racines de l'ar- Alors Ajinaku devint nerveux. Ses coups de trompe lui martelèrent la tête.
brisseau dèigblà, broyées dans de l'eau, de deux cabris, de deux poules, de Et l'oiselet u'était jamais atteint.
deux pigeons, de deux pagnes. Et toute la famille de Fa se lava avec l'eau de Quand Titigoli le sentit à point, vite, à la dérobée, il lui versa le contenu
dàgblà 2

de la calebasse rouge sur le sommet du crâne. Et il vola vers Dada Sa, et
Le lendemain, la Mort se présenta chez eux. Ils étaient tous noirs. C'est lui demanda d'envoyer un médecin examiner Ajinaku qui avait déjà, dit-il,
1. lbeji ouobeji signifie jumeaux en nago.
une blessure sanglante à la tête.
2. Sa propriété de ronger l'épiderme la fait employer par les Nago de Porto-Novo et
.d'Abomey. Elle laisse des marques indélébiles, de couleurnoire, sans incision préalable. r. Mawu.
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SEIZE GRANDS SIGNES ET LEUK MESSAGE 439

Ajinaku se mit à rire. Dada Ss lui demanda d'approcher, et vit du sang: Chant: Titigott ma sa atè bo hn Ajinaku:
c'est honti;ux ! Comment t'es-tu laissé mettre dans un état pareil par un si n hn agbangba ! ..
petit oiseau? - Ajinaku se récria, car il ne sentait aucune douleur : c'est Agete, agete, du da agete !
faux! Il ment ! - Et il toucha son crâne avec son da, qu'il ramena tout N hu agbangba !
rouge. Agete !
Alors la colère prit Ajinaku. Il décida en lui-même de tuer Titigoti. Celui-
Titigoti le tout petit a tué Ajinaku :
ci voltigeait sur la tête de l'éléphant, qui le poursuiv:iit de sa trompe levée.
j'ai tué quelque chose de grand comme la terre !
Mais pas moyen de l'atteindre! Dada Sr;. regardait la scène, répétant: quelle
Joie, joie, le signe a di.t [que j'aurais de la] joie!
honte! - et tous les animaux d'opiner.
J'ai tué quelque chose de grand comme la terre !
Titigotî s'écria soudain: Ajinaku, si tu ne fais pas bien attention, main-
Joie!
tenant, je vais casser ton crâne, et ta cervelle sortira. - Jamais! fit Ajinaku,
la trompe en l'air. Et le combat de redoubler. Au bout de quelques instants, Sacrifice. Le Favi prend trois petites calebasses en forme de bout~illes,
Titigoti versa sur le crâne d' Ajinaku la calebasse d'eau calcaire, et, allant comme fit Titigoti ; trois poules, une blanche, une noire et une rouge ;
trouver Dada Sr;. : regarde, Ajinaku a voulu continuer le combat, malgré trois cabris, un blanc, un noir et un rouge. Il attache les trois boufeilles
tout ce que je lu.i ai prédit. Envoie quelqu'un voir son crâne. Déjà la cer- ensemble avec un fil. Puis Jiogbe est appelé par le prêtre dans le yslosil, èt
velle sort ... un peu de ce y<: est versé dans les trois bouteilles. La poule blanche est immolée
Et Dada Ss appela Ajinaku. On vit la pâte blanche sur son crâne, et pour la pâte blanche,' et son sang est versé dans la bouteille. Et ainsi de suite,
Ajinaku lui-même, passant son da sur sa tête, le ramena badigeonné de jusqu'à la dernière. Les trois bouteilles sont portées à Lsgba, afin que les
blanc. Et d'entrer en fureur, de protester avec rage que si son crâne était petits dérangements qùi menacent le Favi ne prennent pas de proportions
cassé, il l'aurait sûrement senti, qu'il n'éprouvait aucune douleur, etc., etc .. insolites, et le laissent en paix. Quant aux cabris, le devin les garde.
Dans son excitation, il refusa de laisser Titigotî rentrer chez lui, jura de le
tuer sur l'heure. Titigotï répliqua : comme tu voudras, mais gare à toi. Je 5. Il y a, sur la lagune, une petite plante flottante que!' on nomme Afutu '.
te l'ai déjà dit: tu n'es qu'un petit, tu n'es p:ts bon à grand' chose! Or Afutu n'avait jamais d'enfants. Il restait seul à la surface de l'eau. Lors-
Ajinalm reprit le combat, sans pouvoir mieux atteindre !'oiselet rapide qu'il ventait, il était toujours renversé. A bout de souffrance, il alla trouver
évoluant entre sa tête et sa queue, de toute sa vitesse ... Après un moment, le Bokanà Alujï pour consulter le sort et obtenir la fin de ses ma'ux. On lui
Titigotî se décida à verser le noir de fumée sur le front de l'éléphant. Puis énuméra les éléments du sacrifice ci-dessus. Afutu se soumit. Après le sacri-
il alla trouver Dada SE, et lui dit : vois: son compte est bon. Il n'en peut fice, il se mit à avoir des enfants. Dès qu'il en eut un, il prit du fil et se
plus. Déjà son sang, et tout ce qui sort de son crâne, tout cela est devenu l'attacha au corps, et ainsi fit-il pour les suivants. C'est pourquoi, lorsqu'on
noir. Il est fini. Je ne me bats pas avec un moribond. tire de !'eau un afutu, il vient un long fil.
Et chacun vit un liquide noir et pâteux tomber du front d' Ajinak1t. Et
personne ne soupçonna la supercherie. Ajinaku lui-même souffla: oui ... Il Chant d' Afutu :
Mon sacrifice a bien réussi !
faut maintenant que je meure ... C'est trop honteux ...
Si le vent veut me renverser,
Et de se marteler la tête contre les arbres, et de se démener jusqu'à en mes enfants me tirent et me soutiennent.
mourir.
Voilà pourquoi l'on dit que les petites causes peuvent devenir grandes, Si une femme stérile vient consulter et trouve Jiogbe, le devin lui dit
et troubler plus que celles que l'on sait d'ayance être grandes. d'acheter deux poules qui ont déjà eu des poussins, deux pigeons femelles

1. Pistia stratiotes.
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SEIZE GRANDS SIGNES ET LEUR MESSAGE 441

qui ont déjà eu des petits, deux foulards de tête, du fil de coton blanc et dont la traduction suivante nous. aété donnée: «on offre au roi l'arachide entou-
noir, une craie blanche (hwe F, efû Y), une racine de l'arbre sokp~ti prépa- rée de sa coque, on offre au roi le fio ' avec son enveloppe, on offre au roi les
rée en tranches rouges, et une petite calebasse. oiseaux vivants. Chacun m'<lnge avec sa bouche (à chacun selon son rang).
Les fils de coton, une poule et un pigeon sont mis dans la calebasse, qui On offre au roi de;; animaux non décapités, dans son palais, et non de main
est abandonnée à la surface de l'eau· d'une rivière ou d'une lagune. à main.
Si tu suis ce protocole, le roi te donnera quelque chose de bon. »
Le sacrifice se compose d'ajikwi, d'un vate, sacoche dans le genre de l'a-
Sacrifices et chants.
0
bila, mais en étoffe, d'un sosfovi jità, pierre de Tonnerre tombée du ciel, d'un
Voici deux exemples pratiques de consuhation, donnés à Port6-Novo. sosi:JVi ayità, pierre de Tonnerre fabriquée par les forgerons, de deux cawolo,
Un malade consulte Fa et- obtient Jiogbe. Le Bok.mà dit : le trou est ouvert anneaux de cheville semblables à ceux des abiktt, d'un bélier, d'un cabri, d'un
pour toi (trou = tom be). Fais un sacrifice à Fa, et dépose-le dans un trou coq, de sept francs cinquante. Les animaux sont immolés. et le consultant
creusé dans le sol en un endroit spécial de t1 maison, sous le foyer. Le sacri- conserve le sac contenant les objets; il l'orne extérieurement de plumes:
fice se compose d'un cabri, de scories de forge (awolvmi), et de deux cent
une feuilles d' akpada '. Pose les feuilles dans un petit panier, et les scories Celui que la fortune .a favorisé, - et c'est une chance que de trouver
sur les feuilles. La tête du cabri sera mise trois fois en contact avec la Jiogbe, - ~oit sacrifier en l'honneur de sa tête considérée comme demeure
tienne, qu'elle remplace vis-à-vis de la mort. d'un principe divin.
Le devin égorge le cabri, et verse son sang sur les scories et sur les feuilles. Le sacrifiant opère le soir, assis sur une natte, chez lui. Il place à sa droite
Il met de l'huile surie panier, et couvre le tout d'un fragment de jarre cassée. des feuilles d'akikà et de dtsresigs, - à sa gauche s'il est gaucher. Trois fois de
Comme il est interdit d'enterrer même une pincée de ye, le devin se con- suite, le devin ou un parent présente à. sa tête une calebasse d'eau fraîche,
2
tente de jeter du sable sur le couvercle. en disant: Nùjwume si towe dye, voici pour toi l'eau de Nujwume • Il agit
Puis il enfouit le tout entre les trois pierres du foyer. Le feu est allumé de même avec de l'alcool, et, chaque fois, vide la calebasse dans un autre
chaque jour comme d'ordinaire, et le mélange, à force d'être cuit et recuit, récipient que quelqu'un jette sous le tas d'ordures familial. Le devin prend,
devient un bloc consistant et reste sous le foyer. avec le troisième doigt de la main droite en général, un peu d'eau fraîche et
De même, la tête du malade se trouvera cuite et recuite, et durcie de en effleure le milieu du front du Favi, le sommet de sa tête, sa nuque, son
façon analogue . sternum, le bas de ses reins, ses genoux, ses clavicules, le pli de ses coudes,
l'articulation de son jarret, les articulations de ses pouces (représentant 1es
Parmi les nombreux sacrifices prescrits par Gbe-Meji, il en est un destiné autres doigts), ses gros orteils, ses chevilles, toutes ses jointures ... Le devin
à rendre chef son auteur 2 • Il doit être précédé d'un chant classique yorouba: agit ùe même avec de l'alcool. Certains mélangent l'eau à l'alcool pour gagner
aba ata ta ta, du temps.
aba alo fo fo, L'officiant, prêtre de Fa ou parent, divise et jette une noix de cola 3 • Il. en
ata ta la je kpa, mange si la tête « accepte», et en dépose un infime morceau sur chacun des
ata ta la je màmà, endroits précédemment touchés.
ata ta la gbe lu e eu h nu, S'il y a une victime à offrir, l'officiant la tue et, du médius droit mouillé
ntoli ntoli la a/a ba ma kï, de sang, touche les mêmes endroits. Le sacrifiant reçoit un peu du foie, du
nie elàje, cou, du cœur, de la poitrine, des reins et, s'il y a lieu, des oreilles et de la
bba wa fu nlo nlele,
r. Probablement Cyperns esculentus L..
r. Alu kpaida (Y), la feuille qui déplace le malheur. (Nànusisi F.) 2. Nujw11me: événement inattendu et contrariant, contre-temps.
2. On sait à quels incroyables marchandages donnent lieu les nominations de chefs. 3. Supra, chap. vr, pp. 264-265.
l
1

44 2 LA GÊOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SEIZE GRANDS SIGNES ET LEUR Ml!SSAGE 443
langue de la victime, qu'il fait accommoder sans piment pour lui seul. Sept Je suis venu, je suis venu, moi,
morceaux du reste de la victime sont coupés et déposés sur les feuilles litur- ganga!
giques avec la pâte amiwa, puis couverts. Quelques minutes après, on les . C'est moi qui mange les cadavres,
consorn me. Le sacrifiant ne doit plus quitter sa natte. Quelques-unes de ses ganga!
femmes viendront se coucher près de lui, mais non sur sa natte. Le matin,
vers l'aurore, sa femme préférée, avant le réveil du mari, enlève les feuilles 3.. Kasi n' ka, amôwa !
et les reliefs du repas, et les glisse sous les ordures du ménage, afin que Aluku Gbayi.
nul n'en soit incommodé. Odi Gbayi Aluku (Y).
Sens général :
Il n'est rien d'autre que lui, fils du secret!
Chants.
Tu ne mourras pas, Jiagbe s'est ou vert.
r. Chant de l'éléphant :
Toute crainte s'efface, Jiagbe est apparu.
Ajinaku mô nô yikps nu là de,
kpdw ! 4. 0 yigi yigi, ata ami,
Du fo da, 0 yigi yigi, awa ata,
kpdw! Ewa a yigi yigi, awo ku mô,
Jamais l'éléphant (Gbt-Msji) n'obéit à un autre animal, à yigi yigi, awa ata la mi,
tout beau! awadi a yigi yigi, ata ami (Y)! 1

Le signe l'a dit, Sens général : ]iagbe nous mettra à l'abri de la mort.
tout beau !

Prière.
2. Chant de l'aklasu:
Aklasu nô du Zà Ci-nô,
WE La prière suivante, prononcée après b détermination du signe, a été
ganga! recueillie à Abo1ney, de la bouche de Gsdsgbe. Nous n'avons pu en obtenir
N'de, n'wa e, la _traduction à Abomey; il semble que ce texte soit ancien.
ganga!
Alla ü lskü, ami ni kîi, atata bi a kü,
Nude nô wa mi ha,
eni ace kpada kü, aka adya (ou aya) tala,
ganga!
agba ala lacu, amà ba kü,
N'wa, n'de,
amô bidz, a111ô Eni citi bel~
ganga!
ka fi ihh si t'a111ô la rniii (ou damirii):
Ni WE na du mE ci-nô
a difa fü DuE kpikpa ake Akpa
ganga!
ti aba htà ti adi dudu lâiii-làiii
Moi, Aklasu, je mange la viande des cadavres, ti amô kpaufr là jE, a di cinima cinima,
ganga! iku icu nibu cekpa cinima cinima,
Je suis venu, je suis venu, moi, alo icu nibu cekpa cinima cinima,
ganga! fa ici nibu cekpa cinima cinima (Y).
Rien ne peut me faire peur,
ganga! 1. Cf. J. JoHNSON, op. cit., chap. 1v, p. 29.
444 LA GÊOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SEIZE GRANDS SIGNES ET LEUR MESSAGE 445
Notre correspondant J. D. Clarke a bien voulu étudier à Ilorin{Nigeria) plus, elle est de mauvais augure, et peut, en frappant son tamtam, annopcer
ce texte archaïque et quelques-uns des suivants. Nous le remercions de la mort. Les signes Tumkpe-Cogbe et Abla-Y:.ku content des légendes de
soil extrême obligeance .et transcrivons sans la retoucher la traduction qu'il l'araignée assez peu connues au Dahomey. Cette explication repos.e sur le
nous a adressée sous toute réserve : hasard qui a donné un sens en fà-gbe à un mot étranger.
Alla ù hl~u? water remains, the important birth (heir ?) may die, Le sens, en nago, peut être le suivant : tout s'est retourné, est mort. Le
He. who does not die may become the husband of a wife to-morrow, jour, par exemple, en se retournant, est devenu nuit.
Crowd white cloth in the month, if the child dies, On cite comme noms honorifiques : Alagba baba Egü et Alagba baba mali-
The child is like copper (i.e. valu able), nobody's child should be left on wo (Y), titres qui désignent le chef vivant des Kututa; par analogie; on a
the ground, donné ces noms à Yêku-Mëji, qui en est le chef spirituel; Yeku-111a-Yëh
. (Wh ile) we pu~ beads on the child of someone else : (Y), nous sommes composés de chair et de mort; Zii-ku, le jour est mort,
We cast Ha for Red DECE of Akpa Hill expression par laquelle des hérauts - ago-z.àku-h - annonçaient à Abomey
Who made a treaty with the black soil and became completely (làni- la mort des rois; Jiay~ ou EjiayE. (Y), deux y::, évoquant, comme Ogbe-Oji
làiïi ?) black pour Gbe-MEJÏ, la dualité Ciel et Terre.
Of (or from) the respectful child we ate, he became cinima (?) Sexe : femelle. Les devins sont en désaccord à ce sujet. Le Zünà pense
(trois dernières lignes non comprises). que ce signe est màle. Quelques-uns voient en Gbe et YE.ku le père et la
mère de tous les autres signes, qui sont enumérés 'dans l'ordre de leur nais-
Interdits. sance. La plupart croient que YEku fut le premier des du et céda la place à
Gbe.
Celui qui a trouvé Jiogbe au Faz.ü s'abstient de boire du vin de palme (atà)
Figurations : indicielle
et de manger de l'akassa enveloppé dans la feuille zamà; de manger la chàir
1 1 1 1
du léopard, du chien, de l'éléphant, du titigoti, du petit rongeur agidigbâü,
1 1 1 1
d'agidigbaha ou dsgbo, l'hippopotame, des rapaces hôsuhàsu et aklasu. Le coq
1 1 1 1
est un interdit commun à tous les signes. 1 1 1 1
L'initié ne doit pas non plus tuer les mêmes animaux, ni les serpi:nts hô
et amanônu '. La peau du xla sert à certains sacrifices de Jiogbe. Il adorera ésotérique : cf. fig. 34. Ce disque noir représente le contraire
Lisa, Xwioso, Ayidohwe.do, les Tax~su . .. du symbole de Gbe. Y::ku est l'envers du jour, l'envers de la vie.

SECOND SIGNE : YëKU-MëJI. Caractéristiques.

Noms : YëkucMEji chez les Fon, qui suppriment le préfixe du -mot Y!ku-M~ji est essentiellement le contraire de Gbe-Mzji ou, si l'on préfère,
emprunté : Jy:.ku-M:.ji. L'étymologie est douteuse, et les devins avouent son co111plément. [[ représente Lt'saji, l'occident, z.ii., la nuit, kit, la mort.
ne la point connaître. Certains, pourtant, s'efforcent d'en inventer une : Lorsque Gbe vint sur terre,. la mort n'existait pas; Y::ku l'introduisit, et de
le Zünà pensait à un rapport avec l'araignée, qui se dit JE (ou yeglete) en fà- lui dépendent le rappel des âmes après la mort et leurs réincarnations. Il s' oc-
gbe; ku signifie mon. L'araignée est un animal laid, malin et méchant; de cupe des cultes funèbres, et un peu de la guerre. Il cc commande » la voûte
céleste au cours de la nuit et du crépuscule. Yzku aurait un rapport avec
r. Ama-nô-uu (feuille-(habit.)-trou), la feuille qui demeure dans le trou; car ce serpent a ragriculture, et ceux qui naissent sous ce signe feraient, dit-on, de bons
la couleur des feuilles sèches. (Le mot ama désigne à la fois la feuille des arbres et l'écaille
des serpents). Autre sens du mot : la chose de l'expert en feuilles. (Si l'ôn est mordu, il faut paysans; on lui reconnaît un pouvoir sur la terre, et les meilleurs infor-
vite aller chez un guérisseur). mateurs affirment que Gbe cc commande » le Ciel, Yzku la Terre; Laso-Sa
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SEIZE GRANDS SIGNES ET LEUR MESSAGE 447
comman,de toutes les céréales, et Guda les instruments agricoles métal- b:.di a consulté pour A hcwa, roi de Sakété, et [lui aJ dit : la vie [contenue]
liques. dans la viande de porc [est J bonne; si tu ne sais pas la manger [ = si tu en
Y;.ku apprit aux hommes à manger du poisson. Peu de temps après son manges trop], elle tombera sur toi [ = elle te fera du mal].
arrivée sur terre, il se mit à pleuvoir. Il tomba même du ciel, au cours de Le signe est très bon, m_ais il ne faut pas s'en amuser.
cette averse, des poissons que les cours d'eau dirigèrent vers la lagune. Les 5. GbE mô nô gblt nu Ssgbo-Lisa mô nô av::i dokpo ;m. La Vie (Mawu) aura
hommes étaient bien surpris de ce spectacle. YEku leur dit : il n'y a là beau s'altérer, Ssgbo-Lisa (symbolisé par le caméléon) ne se vêtira jamais d'un
rien de mystérieux; ces animaux sont comestibles, et c'est le ciel qui vous les seul pagne '.
envoie. Vous pouvez les manger sans crainte. Tel est riche aujourd'hui gui demain mendiera, et vice-versa.
Sous ce signe vinrent au monde, non seulement les poissons, mais la peau 6. Lo hw~-gbà-nô mô nô ho de-hwi akpa kaja bo nô mi. Un crocodile,
du crocodile, le groin de l'hippopotame, la corne du rhinocéros, et tous les [même] énorme, ne peut prendre le régime épineux du palmier à huile et
animaux de poil ou de plume qui vivent dans la nuit, ztîlà et zâxë.. On cite l'avaler.
encore les nodosités des arbres, les nœuds de cordes ... Le Favi tiendra ses ennemis en respect.
Un lie~ unit Lku a certains vodü, tels que Gbaadu, les Kutut::i, les TJx::isu,, 7. Bob dt iïi : mi-va-sâhii-sâhâ-bo-yi, bo va-sàiiâ-sâ1îà-bo-wa-ba-wa-mà· mi;
Dâ, Sakpata, Xwioso. w::i/:J kp::ili ho nu dàkprnu gb<. wa yi t::i we dt; bo d::i y wa sa v::i. Ye gbs, bo d::i emi
Ses feuilles liturgiques préférées sont : ::itsfa (Y), b:Jyb:Jy, sisrrnzâ, zünomâ, ku na sa v:J wo. Du e kà nu nu t::i-yi-zë kpo sî kpà tnë. Un Bobnà se nomme :
gbagbada, ahwimâ, yastakiiii ou yaseakü (F). 0

[jarre] jolie qui se rend lau puits], et Lun autre se nomme: jarre}jolie, à
La couleur de Y<.ku est le noir. ton retour tu me trouveras : ils ont consulté pour deux jeunes hommes gui
venaient dans la vie; et ils leur ont dit de venir faire un sacrifice. Ils refu-
Devises. sèrent, et dirent qu'ils ne feraient pas de sacrifice. Le du trouvé pour l'en-
semble-des-1arres (nom du premier jeune homme) et pour l'eau (nom du
1. Go do ati wu ma hu atï. Co do kâ wu ma hu kà. A kpa kaca 111a hu t::i lo '. second) fut Ydcu·Meji.
La nodosité de l'arbre ne tue pas l'arbre. Le nœud de la corde ne tue pas la
corde. Les aspérités de la peau du crocodile ne tuent pas le crocodile.
Le consultant échappera à la maladie, aux accidents, à ses ennemis. Légendes 2

2. Hwe Wë ja _yi do Alagba. Alagba-x::im vilE yt nô d::i : Oku WE ! - Fa


Aydegüii d::i : mi s::i hwe bo yi da; ku dtdt Ill€ a. Un poisson est tombé [du ciell r. Autrefois, les hommes n'avaient aucun récipient ou recueillir l'eau. Ils
au pays d'Alagba. Les enfants du roi d'Alaiba se sont écriés: c'est la Mort! s'en étonnèrent : notre main ne suffit pas. Comment faire? - Ils cherchèrent
- Fa Ayidegü î [leurJ dit : prenez ce poisson et allez le faire cuire ; la mort
1 un bois creux, mais cela n'alla guère. Et l'usage des feuilles était également
n'a rien à voir là-dedans 2 • incommode ...
Contrairement à la croyance commune, le Favi guérira. D~couragés, ils consultèrent Fa. Et Fa leur dit de faire un sacrifice : quel

3. Zà nô lm nu niikü nô mô nü jz av::i wi m;. a. L'œil ne peut voir à travers sa,rifice ? - demandèrent-ils. Une houe, un poulet, un pigeon, un cabri.
un pagn-e noir, dans la nuit noire. Ils allèrent chercher tout cela. Fa leur fit un sacrifice, et leur dit : vous allez
La mort, les accidents, les ennemis ne trouveront pas le consultant. prendre ce sacrifice et l'exposa au bord de la rivière, à trois fois vingt-cinq
4· Bob de ni BEdib<.di Bob, w::ifo kp::ili XO nu Saketom;. X:JSU Alscwa, bo d::i : pas du bord de l'eau. Là, vous creuserez un trou. Que le trou soit propor-
hwesa gbs ho; e ma ka 1îà du a la, e na j:. nn ji. Un devin nommé Bob Esdi- tionné à votre taille ...

!. J. BERTHO, a1·t. cit., p. 373· 1. Comp. J. BERTHO, art. cit., p. 374.


2. Jeu de mots sur hwe, qui signifie soleil. Hwe-vi, fils du soleil, désigne les poissons. 2. Cf. légende de ce signe, assez mal comprise, ap. G. BEAUCLAill, op. cit., pp. 145-146.
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SEIZE GRANDS SIGNES ET LEUR MESSAGE
449
Et ils commencèrent a mesurer la distance et à creuser un trou. Et ils chan- Chacun reprit son bien.Et chacun était content.L'eau restait dans les jarres.
tèrent, en affirmant leur surprise : Legha demanda alors si les jarres et l'eau avaient fait ou non le sacrifice.
Fa ws z.ô mi C'est ainsi gue l'eau et la jarre furent punies de ·n'avoir pas accompli leur
ogbr:. z.a ! sacrifice ~ Ifè: leur travail s'accomplit dans le feu. L'eau, aussitôt prise, est
Du ma h kpali Wë. z.ô 111i cuite. Si elle n'est p~s cuite, on la boit, la mettant ainsi en contact avec une
ogbr:. p ! autre source de chaleur.
Ysku ws z.ô mi Et nous, les hommes, nous chantons :
ogb~ z.a ! Ta fo br iia fogbô o?
C'est Fa qui m'a donné cet ordre, a yd
c'est le travail de la vie! :Jye la b a wa gbô?
C'est un kpali qui m'.a donné cet 9rdre, a JE f
c'est le travail de la vie! Ta la b e nia /Jgbô o?
C'est YEku qui m'a donné cet ordre, ayd
c'est le travail de la vie! Qui a rendu les hommes ingénieux?
Ils creusèrent le trou, et lorsque sa profondeur put contenir un homme,
Yë.ku !
ils trouvèrent une autre terre, qui collait à la houe. C'est ain5i que Yë.ktt per- 2. Jiogbe est l'aîné des quinze du, qui ont tous le même père. Mais il n'en
mit la découverte de l'argile. fut pas toujours ainsi.
Quelle est donc cette terre ? - se demandèrent les hommes. Ils en pré- En ce temps-là, une inondation annuelle chassait les hommes de chez
levèrent un peu, et l'un dit : hm! mettons un peu d'eau dessus, pour voir. eµx, et Mawu chargea Yr:.ku d'aller enquêter sur place. Yr:.ku trouva sur un
- Et ils mirent de l'eau et pétrirent dans l'eau. Et ils virent que l'eau ne chemin du maïs déjà mûr. Les épis d'alors étaient nus. Et voici qu'il toucha
traversait pas cette terre. Et ils pensèrent que Fa les avait bien dirigés. Ils l'un des épis. Le propriétaire du champ, qui était assez loin, se mit à crier
prirent beaucoup de cette terre, et revinrent chez eux. Quelques-uns en au voleur et accourut à toutes jambes. Reconnaissant Yë.lm, il se prosterna
pétrirent les murs de leurs cases, qui devinrent brillants et lisses. Ils prépa- en s'excusant : pardonne-moi, je ne savais pas que_c'erait toi ! - Yelw, pre-
rèrent des cuvettes, des bols, et cela valait mieux que chercher l'eau dans ses nant ce paysan en pitié, décida, pour protéger le maïs contre le contact des
mams. hommes et des oiseaux, que ses épis seraient désormais entourés d'un spathe,
Ils allèrent rendre compte à Fa. Ils lui expliquèrent ce qu'ils avaient trouvé et ajouta que le paysan ne deviendrait jamais pauvre. En outre, il s'attribua,
dans le trou : mais, ajoutèrent-Us, ce n'est pas très solide. - Fa leur· dit : en souvenir de cet épisode, le nom suivant: abobo n'jole (Y), c'est en enten-
que chacun de vous apporte deux gerbes de paille. Chacun me fera de plus dant des cris que le voleur se sauve. Et tous doivent chanter :
un pot bien creux et me l'apportera avec deux cauris.
Abobo n'jolr;
Et ce fut à celui qui ferait la jarre la plus grande. Fa désigna une place à
abobo kpakpada n'jol~;
chacun : que chacun de vous prenne sa cuvette et que l'on fasse un tas
ca wolo bobo n'jole;
de l'ensemble. - Chacun avait marqué son bien. Fa dit de rompre ies liens
q,bobo ah kotâ n'jole;
des gerbes, puis de disposer la paille tout autour des jarres. Et Fa alluma la
ca wolo (Y)!
paille. Et le feu prit, et le feu dura, et Fa renvoya tout le monde en disant:
revenez dans trois jours, - ce qu'ils firent. Le feu était é.teint et toutes les Les cris font fuir le voleur;
poteries refroidies. Et tout était bien cuit, et, lorsqu'on les heurtait, elles ren- les cris ne font pas fuir la terre (c'est-à-dire YEku) '.
daient un bon son. r. Comji. J. BERTHO, art. cit., p. 373, in fine.
Ins/itul d'Ethnologie. - Bernard MAUPOIL.
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SEIZE GRANDS SIGNES ET LEUR MESSAGE 451
3. Gbe-MEji et YEku-Mo.ji ont le même père: Mawu. Celui-ci envoya Légende. C'est cette devise que prit pour nom le prêtre qui interpréta Fa
YEku-Meji sur terre, pàur assurer la surveillance des hommes, tandis que à un certain Ceiwamô '.
]iogbe recevait la garde de Lô. Un jour, cet homme décida de célébrer l'anniversaire de la mort de son
Une fois installé sur terre, Yf.ku-Msji usurpa tous les noms - toutes les père. Voulant faire cette cérémonie, il demanda conseil à Fa, qui lui dit :
devises - que son frère aîné possède ;\ Ifè. Notamment ceux-ci : a:(i du ta alors, tu tiens à célébrer l'anniversaire de la mort de ton pÙe? Bon. Mais
nô du b11ttbtt, fio du ta 11ô du butebu; nü ta do ka nu w:. no na xasu; nù na xasu si tu veux en célébrer encore un après celui-là, i1 va falloir sacrifier seize
ta nô na dokpo a. Celui qui mange l'arachide et sa coque, celui qui mange le béliers. - On était à seize jours de l'anniversaire, et les béliers devaient être
fio et sa coque; on n'offre pas au roi des animaux décapités; on ne doit pas rués à raison d'un par jour. L'homme refusa de faire le sacrifice.
donner au roi une unité seulement de chaque chose. Le jour vint. La cérémonie commença av.ant la sortie des Kuvita. Lorsque
Et YEktt-MEji accapara tous les noms de Jiogbe. ceux-ci se montrèrent, le père de Ctiw~mô sortit parmi eux. On battait le
Alors les hommes commencèrent à s'alarmer, car ils savaient bien que leur tamtam. Le père voulut se lever pour danser. L'apatam sous lequel on célé-
roi était ]iogbe; et pourtant son frère Ydm; une fois installé sur la terre, brait la cérémonie était soutenu par des poteaux. Et auprès d'un des poteaux,
av.iit pris tous ses noms. Ils prévinrent ]iogbe. Celui-ci appela alors Xwioso, là précisément ou le père était assis, pendait une branche d'arbre. En se levant,
pour l'amener sur terre. Ce qui fut fait. Je père accrocha à cette branche le pagne dont il avait couvert sa tête. Mal':..
Or, le tamtam que l'on frappe pour ]iogbe à Ifè, Ysku possédait le même gré ses efforts, pas moyen de se dégager ! Au contraire, en se débattant, il
sur la terre. Et ce tamtam dit : faisait tomber toute sorte de saletés sur lui, et notamment des toiles d'arai-
gnée.
:Jba ata tata!
Le fils, à cet vue, alla chercher un coupe-coupe; il trancha la branc9e et
:Jba ah fafa l
enleva les toiles d'araignée qui tombaient sur le visage de son père.
:Jni ba n te lisa layo,
Comme il allait s'en retourner à sa place, son père le saisit par le bras :
e ]iogbt ! ·
allons ! dit-il.
Woni aba wa,
C'est ainsi qu'il alla vers la mort.
e Jiogbe !
La branche n'était autre que Lêgba, métamorphosé pour venger Fa.
Wani oba wa (Y)!
Cette légende a un chant : Ctiwomô I 0 cey cey I (répété), tu ne corn prends
Et ce sont ces paroles du tambotlr de ]iogbe que le tonnerre répète aujour- pas que si tu me touches, je vais t'emmener là d'où je viens?____: Car si l'on
d'hui, et que nous pouvons confusément reconnaître sur terre. touche un Kuvito de la sorte, on part avec lui. Ce chant est bien connu des
]iogbe furieux ordonna à Xwioso·de tuer tout ce qui vivait sur la terre, et Kuvito.
c'est ainsi que la mort fut créée par la faute de Yeku. Celui-ci, expulsé par
Sacrifices.
]iogbe, « commanda » désormais les morts, et ]iogbe prit la direction des
vivants'. Swvi. Le consultant ou l'initié se procure un voko pétri avec du noi~ de
fumée, une étoffe blanche et une noire, une petite jarre peinte en noir
4. Devise : nue mo'dcJ fi e bi fi tô, tout ce que l'homme doit faire, qu'il le (hbe), un petit panier ahlà (ou SEhlà), un voko en argile, une poule noire et
fasse en ce monde. (Par exemple : vous êtes venu en ce monde; vous achetez une blanch€, une plume rouge du perroquet hsa.
une chose. A votre mort, vous ne pourrez l'emporter. Peut-être l'aurez-vous Le devin introduit dans le hh le voko en terre de barre pétrie avec du
détruite. Vous l'avez eue en ce monde, vous la laisserez en ce monde). noir <le fumée, et le recouvre d'étoffe noire. Il introduit dans le sr;hlâ de
couleur claire le voko d'argile presque blanche, et l'entoure d'étoffe blanche;
r. Cette légende comporte de nombreuses variantes, et certains la citent à tort au nombre
de celles de Jiogbe. 1. Ceiw'111à (Y) : as-tu bien compris ?
il
452 LA GEO.\fANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SEIZE GRANDS SIGNES ET LEUR MESSAGE 453
cet ensemble porte. le nom de swvi,_ et la plume rouge le surmonte. La poule
noire est immolée sur sa couleur.
TROISIÈME SIGNE Wou-MsJI.
Le prêtre creuse un trou sur un sentier, y enterre le symbole noir, et un
peu de farine de maïs ( w:isi), et dépose sur l'orifice rebouché le symbole
Noms : Woli-Msji chez les Fon, qui ont amputé le mot yorouba Iwoli
blanc.
(ou Iwori) de son préfixe. Selon une étymologie yorouba proposée à Abomey,
Les signes Gbe-Ms;ï et Ysku-Msji sont «appelés))' c'est-à-dire inscrits sur
wo-li exprimerait l'idée de regarder ou de couper ( wo) la tête (li). Woli-
le Fats dans la farine w:isi. La poudre où est inscrit Gbe est versée sur le
Msji est considéré comme remplissant les fonctions de coupeur de têtes, dans
s:.ovi la première, puis vient YElm, signe de la consultation. Si l'intéressé avait
un monde inconnu de nous: c'est a lui, dit-on, que Mawu a confié le
trouvé Gbe-M<.ji, le même sacrifice aurait eu lieu, mais YEku aurait été veïSé
sabre du bourreau.
d'abord,
L'opération vise à renvoyer YEku à Lô, dans l'au-delà, et à lui substituer Sexe : masculin. Un informateur de Porto-Novo pense à tort qu'il est
Gbe-Meji, qui prend sa place sur terre. hermaphrodite. Il ne l'est pas plus que les autres signes doubles.
Grâce à tous ces rituels, le Favi échappera à la mort. Ce sacrifice entre Figurations : indicielle
dans la catégorie des kudy:i, qui cc changent la mort» 1 • 1 1 1 1
L'informateur voit en cette formule de sacrifice la preuve de la quasi- 1 1
1 1
identité existant entre Gbe et Ydm.
1 1 1 1

Prière. ésotérique: cf. fig. 35, où la silhouette représente un animal


de la forêt, probablement le xla 1 •
Ali lmtà adagba ojonuku diwàlà diwâlà. Ojo teloko mü h ni ô kpej:i ni ô
kpayaoku ni ajaogbo 111<.kü. Iku gbon'h iku kpahsE kelekele :ija rnô se. Dâyî dàyi
Caractéristiques.
ikuyE ikuy2. nilü mô adiyë n'dà (Y). L'informateur ignore le sens de ce texte,
Jont J. D. Clarke n'a pu obtenir la traduction à Ilorin. Woli-Meji représente Xuji, le sud, et l~àli, les animaux méchants. Il serait,
son rang après Yôku l'indique, le second enfant de Gbe et de Fu. Mais per-
Interdits. sonne ne sait si Gbe est le fils ou le mari de Fu. Sous ce signe sont venus au
monde les animaux qui se repaissent la nuit dans la forêt, les bêtes féroces
Nu kuku, toute chose morte; les.rapaces hôsu-hàsu et aklasu, le chat awi, de la brousse et de la forêt, notamment le xla et le lion (kinikini). C'est
le chien avü, l'hippopotame aklaku dsgbo, les serpents arnanônu et hà, l'anti- encore Woli qui apporta sur cette terre la décapitation, et l'adoption d'un
lope afyiiku, le léopard kp:i, le coq, le bœuf, le crocodile, l'éléphant, le xla l régime alimentaire carné 2 •
le fruit de l'arbre fô. Boire du vin de palme; porter des pagnes rouges; Un lien unit ce signe aux vodü Gu, Age (en nago :Jc:i-:Jsi), Lisa, T:ix:Jsu,
enfumer ou brûler des fourmis noires zâhwâ utiliser pour les sacrifices
2
;
Loko.
des épines ou du bois d'un arbre épineux. Ses fouilles préférée's sont welekpekpe et agbàgijà (Y).
Sa coule~r est d'un marron tirant sur le rouge.
r. Comp. J. SPIETH, Die Religion .. , op. cit., chap. m, p. 203.
2. Zà-hwà, guerre ou troupe de la nuit. Ces insectes opèrent dans l'obscurité. Particuliè-
ment acharnés, leurs mandibules ne lâchent jamais prise. Grands pilleurs de poulaillers, ils r. En Mauritanie, le signe correspondant, zamer (/l.f. ),
est défi.ni : « chameau, qua-
mangent les cadavres et attaquent les hommes et les animaux. Ils .dévorent sans vergogne le drupède "· A. TRANCART, art. cil., p. 494.
serpent d'Ouidah, - quelque peu confondu avec celui de la Bible, - le python vodù qui 2. Contrairement à ce qu'on ~crit souvent, l'anthropophagie ne doit être recherchée, au
«ouvrit les yeux de l'homme>>, de l'homme blanc. Dahomey, ni dans les cérémonies royales, ni dans celles des vodù.
454 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SEIZE GRANDS SIGNES ET LEUR MESSAGE 455
Woli-Msji, et lui dit de se procurer des griffes en fer, deux poulets, un
Devises. cabri, dix cauris, et qu'il ferait un sacrifice. Xla refusa : comment ? je n'ai
rien à manger, et tu me demandes quelque chose? Si j'avais un cabri, je ne
r. Akwo. de lllf!., dagbe de 111;, afa nô yi Gbodotomr;. a : la 11a wili we. Il y a
serais pas venu te voir !
des richesses, il y a de bonnes choses, mais nul ne peut marcher jusqu'au
Xla poursuivit sa route, trouva les feuilles et les réunit.
pays de Gbodo : les bêtes féroces te mangeraient 1 !
A son retour, passant près d un champ où paissaient des cabris, il s'avisa
Le consultant sera comblé par la chance, mais se comportera mal avec
que le propriétaire était absent. Xia aperçut un cabri à s~ co~vena~ce:
ceux qu'il fréquente.
regarda à droite, à gauche, et en prit deux: Et de chanter : 1e men vais a
2. Ajanu-xla e da y11y11 ! e 11a du nu. Si le xla aja crie yuyu ! c'est qu'il
Gbodo, (bis) moi Ajanu Xia ... Je m'en vais à Gbodo ... Il y a tant d'animaux,
va manger 2 •
à Gbodo !.. Moi, Xla, je m'en vais à Gbodo ... Il y a des cabris à Gbodo ... Je
Le Favi ne se trouvera pas dans le besoin.
m'en vais à Gbodo .. , etc ..
3. Gbo de do, .i::bo de. w~ no klà. Une·orange dit de planter, une autre
Et il ramena les deux cabris. Et il se rendit chez Fa avec l'un des cabris,
orange dit d'arracher.
deux poulets, dix cauris, et des griffes de fer. Et Fa prit son offrande, et fit
Un iour, Fa annonce que la maladie est grave; le lendemain, il dit qu'elle
le sacrifice, et lui re11dit les griffes.
est bénigne.
Xia revint chez lui avec ses griffes. Fa lui avait dit de ne pas les poser à
Le Favi, presque mort aujourd'hui, sera demain sur pieds.
terre en se couchant, mais de se les mettre aux doigts. Xla obéit le soir
4. Gbodotomo. 1ià h ~la na du Je nu; e nâlâ la xla na du ff!. ntt; 11lf!. e 5$ nà
même en allant dormir. Le lendemain, il se réveilla: chaque griffe était fixée
nu-de le no ba l~po a. Si le pays de Gbodo est bon, le xla trouvera de quoi
à la peau.
manger; s'il est mauvais, le xla y trouvera aussi de quoi manger. Celui à qui
Et Xla se rendit vire dans la forêt. Il trouva Agbàli, l'antilope, son cama-
Dieu a donné quelque chose trouvera cette chose à coup sûr.
rade de jeu, qui ignorait l'histoire des griffes. Il appela Agbàli, et en cours de
Le Favi ne manquera de rien.
jeu, lui plongea ses griffes dans la gorge. Agbi'ilî se débattit et cria : ceeva ! ..
5. Quand la haie d'un vodü est arrachée, le prêtre ne doit pas se moquer
c'en est fait de moi!.. Et Xia d'aboyer : n'kà Wooo-M~ji ! j'ai consulté Woli-
de lui.
Mf!.ji / Agbàli chevrotait : ceeeva ! cee~va ! .. - et Xia de hurler: n'kà Wooo-
Le devin ne'doit pas se moquer du Favi qui vient le trouver, dénué de
Ms.ji !
tout.
C'est sous ce signe que Xla commence à manger. Et c'est de ce jour
6. Certains devins disent: le xla ne peut se trou ver là où vivent des dàgbe
qu' Agbàli répète dans la forêt : ceee-va ! ceee-va ! ..
(pythons royaux) et mourir de faim. - Mais Fa ne se moque jamais d'une
divinité : il est malséant de dire que le xla dévore le python sacré !
2. Woli-MEji est le signe sous lequeJ Xla est venu au monde.
A peine né, il eut faim ...
Ugmdes. Il alla voir Fa lui-même, pour le consulter. Il tomba sur ce signe. Fa pres-
crivit un sacrifice. Xia demanda : quel sacrifice? - Fa lui dit d'acheter trois
1. Dès sa naissance, Xla souffrit de la faim. Et il n'avait pas de griffes
coqs et trois calebasses. En cela consisterait le sacrifice. Xia se procura ce
pour attraper les animaux. Un jour, il contempla sa vie et dit : les autres
qu'on lui dem:mdait, dont il fallait faire trois offrandes distinctes.
ont tout ce qu'il faut, et moi je n'ai rien ... ·qu'ai-je donc fait à Mawu ?.. -
Il devait d'abord en apporter une le matin, et aller la déposer dans la
Prenant dix cauris, il alla trouver Fa: depuis ma naissance, je n'ai rien mangé.
brousse. S'il trouvait quelque gibier sur son chemin, il n'y devait pas
Ne peux-tu faire quelque chose pour moi ? - Fa prit son kpali, trol!va
toucher.
Arrivé dans· la. brousse, Xia aperçut un éléphant mort. Il dit : comment?
I. Gbo-do-to-më est le pays du xla. (Gbo-dp, pour g:be-do : grande brousse).
. 2. Il existe un ab (clan?) de l'hyène chez les Aja. On m'a dit de ne toucher à rien sur ma route. Mais voici que j'ai faim •
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SEIZE GRANDS SIGNES ET LEUR MESSAGE 457
Puis-je laisser cet éléphant sans y toucher?- Or Lêgba, qui se trouvait juste- les moutons des autres. Les paysans se réunirent au complet et tinrent un
ment dans les parages, lui dit de n'y pas toucher, et d'obéir aux ordres de beau jour conseil : comment nous débarrasser de Xia ? Ils décidèrent son
Fa. Xla laissa l'éléphant et rentra. expulsion de la ville.
A midi, il porta le second sacrifice dans la brousse. Il rencontra un bélier Xia, une fois expulsé, alla trouver un BobniJ nommé Alitom~ Bob 1 pour
sauvage, mort aussi. Il aurait bien voulu y toucher, mais Legba lui dit de c,rnsulter Fa, et apprei1dre comment il pourrait réintégrer la ~il le qui l'avait
laisser cela. Il rentra chez lui. banni.
Le soir, il apporta le troisième sacrifice, et trouva une antilope morte. Il tomba sur Woli-M•ji. Le devin lui demanda en sacrifice un canari
LEgba lui dit : assieds-toi et mange à ton aise. - .Il s'assit et mangea. LEgba d'huile de palme et un plateau de tête en bois 2 • Il fallait placer le canari sur
lui dit alors : désormais, jamais plus tu n'auras faim. le plateau et aller déposer le tout sur la place publique d' Agbodo, là où tous
Et, depuis ce temps, Xla ne souffre plus de la faim. se réunissaient pour se divertir et consommer ensemble le vin de palme. Fa
ajouta : après avoir déposé ton huile, va te cacher dans un buisson, et
3. Devise : Woli~M.ji ! Dagbe ma iiii wa nu gbst:i. Woli-Meji ! Il n'est pas observe ce qui se passera.
bon de rendre service aux gens. L'huile une fois en bonne place, Xla se dissimula dans un bois voisin. Un
Légende. C'est ce signe que trouvèrent le xla et l'homme. Le xla le trouva moment après, un vendeur de vin de palme vint à passer, en chantant:
dans la forêt, et sou devin lui dit de prendre des griffes en fer pour offrir en k11uu1m-wi i !
sacrifice. Il refusa. Le devin chercha tout ce qu'il fallait pour le sacrifice, et Peu après les gens affiuaient. Et l'on se mit à acheter et à boire du vin de
le fit à ses propres frais. palme, et les langues allaient leur train. Soudain, l'un des paysans aperçut le
Un jour le xla avait une faim terrible, et nul animal ne passait. Il rencon- canari et s'ecria : tiens! qu'y a-t-il de bon dans ce canari? Et d'y aller voir.
tra un devin dans la forêt, accompagné d'un enfant. Et il dit : c'est toi mon Il aperçut l'huile de palme, et dit : quel est donc le fou qui a eu l'idée de
Bok:inà. Donne-moi quelque chose à manger. Je n'ai rien dans le ventre! déposer ici son huile de palme sans la donner à garder à personne? Je
- Comment, s'exclama le devin, o_u vais-je trouver de la viande ici? Je ne vais sur-le-champ en prélever un peu. - Un second paysan vint voir et dit:
suis pas chez moi. Et, même chez moi ... Toi, tu es un chasseur; mü'i je n'ai moi aussi, je profite de l'occasion! - Et un troisième, et d'autres, vinrent ...
rien. - Le xla dit : j'ai trouvé un gibier derrière toi, c'est pour cela que je Et le dernier venu emporta le canari vide.
parle ainsi. J'ai rencontré pas mal de personnes à qui je n'ai rien dit. Mais Xia ne bronchait pas. .
comme- tu es mon devin, je t'ai arrêté et te parle. - Le devin demanda : Sept jours après, Xia alla porter plainte devant le chef de la ville contre
tu sais que les BobniJ sont pour sauver les gens et non pour les laisser mou- ceux qui l'avaient volé. Le chef fit comparaître les inculpés et demanda à
-rir. Si j'ai quelque chose qui puisse te plaire et te sauver, prends-le ! - Et Xia : que s'est-il passé ?
le xla de sauter sur l'enfant. Et leBok:iniJ de crier: xla a mangé l'enfant! - Xia répondit : voici. J'avais acheté un canari d'huile de palme. J'allais
Et depuis, l'appel du xla est devenu : traverser votre village pour me rendre en un autre quand je me sentis fatigué.
n' du bu lu de ! Et comme, par ailleurs, un besoin pressant m'incitait à entrer dan5 le bois,
n'du buuulude ! je déposai mon canari sur la place publique. A mon retour, je n'ai rien
retrouvé ... Après quelques jours d'enquête, je dus reconnaître que ces gens
J'ai mangé ce que nul ne doit manger !
m'ont volé toute mon huile, et qu'ils ont, de plüs, emporté mon canari.
Celui qui a trouvé ce signe doit se méfier, car Je mal lui sera rendu pour - Cela est-il vrai? demanda le chèf aux accusés.
le bien.
r. Alitonu : habitant près du chemin.
4. Devise. Le vol chassa Xla de la ville Agbodo, et le vol l'y ramena. 2. Afoko ou cokpo.
Légende. Xia vivait à Agbodo. C'était un .grand voleur. Toujours, il volait 3. Cri pour· appder les clients.
LA GEOMANCIE A. L'ANCIENNE CÔTE DES ESCL~ VES LES SEIZE GRANDS SIGNES ET LEUR MESSAGE 459
Les accusés répondirent : il y a sept jours, nous étions sur la place Elles expriment un souhait: si yous avez des amulettes, des drogues, des
publique. Nous y avons trouvé un canari plein d'huile, que nous croyions armes magiques, n'importe quoi qui puisse agir sur votre ennemi, puisse le
bien n'appartenir à personne. L'un de nous alla y voir, et, comme le canari bien que vous en attendez s'accomplir. Autrement dit: vous êtes en danger,
n'avait pas de propriétaire apparent, nous en avons tous profité... . défendez-vous par tous les moyens.
- Comment qualifiez-vous votre acte? demanda le chef.
3. Vofci un autre chant classique, mais qui appartient surtout au réper-
Les accusés répondirent : c'est comme un vol.
Alors Xla se mit à rire et dit : vous voyez bien que je ne suis pas le seul toire de Woli-Wèh :
Nô kpô do!
voleur de la ville ! Vous êtes aussi voleurs que.- moi. Pourquoi donc me
A;axarn, nô kpô do!
laisser exilé ?
Woli-Wèh, 110 kpô do!
Le chef conclut: il a bien parlé. Comment? vous avez expulsé Xia de la
hwi ve. nô kpà do !
ville pour vol, et vous trouvez moyen de lui voler son huile! Vous êtes donc
nô kpô do!
des voleurs, vous aussi. Pour contenter Xia, à mon avis, il n'y a qu'à l'ad-
nô kpô do!
mettre à nouveau dans la yille.
Da-vi-h j~ e.
Et Xia rentra dans la ville, et Xia marchait en tête comme un. chef. Et tous
chantaient derrière lui, comme ils avaient chanté le jour qu'ils l'expulsèrent. Regarde dans le trou,
regarde dans le trou [ou est tombé] le roi des Aja !
Chants. Woli-Wële, regarde dans le trou,
toi-même, regarde dans le trou !
Ku na do gli
Je. trou ou sont tombés les enfants du roi.
ho azô na do gli,
he na do gli, Ce chant s'adresse au consultant, comparé au xla. On lui recommande de
b:i ya na do gli. ne pas tomber dans le trou, sinon on se moquera de lui.
E da ago !
laye laye! Interdits.
Ghodo-gli ho do gli do
Tout animal trouvé mort, ou tué par décapitation, le chien, l'agbâli, l'oi-
e da ago !
seau nocturne kololwe, le xla, le coq, le chat, le chien ; l'ajagbe, pâte faite
La mort s'ar"rêtera à l'entrée [de Ghodo],
avec des feuilles de haricots et de la farine de maïs. Boire du vin de palme.
et .la maladie s'arrêtera à l'entrée [de Gbodo],
Enfin, l'éléphant, interdit commun à tous les signes majeurs. Celui qui
le malheur s'arrêtera à l'entrée [de Ghodo],
est né sous Woli-Meji peut manger la chair du léopard.
et la pauvreté s'arrêtera à l'entrée [de Ghodoj.
L'entrée [de la 'ville leur J dit : arrière !
rien à fàire ! rien à faire ! QUATRIÈME SIGNE : Dr-Me:Jr.
J
La-peur-de-Ghodo [=le xla est devenu un grand dans le pays.
L'entrée [de la ville leurJ dit : arrière ! Noms: Di- ou Odi-Msji, dans le Bas-Dahomey. Le mot yorouba est Edi-
.ou Idi-Me:ji. Edi (Y) signifie : fesse. Di-Msji signifie donc: les deux fesses.
2. Les paroles suivantes, longuement répétées sur des airs différents, nous Sexe : féminin. Tous les Bobnô sont d'accord sur ce point '.
ont été données par un vieux devin de Porto-Novo. Elles semblent incon-
nues à Abomey : I. En Mauritanie, le signe correspondant, b~dna (~, ..\..; ), est défini : « tessoufra ou sac
~ maa jE oo.-;. Gbogboh, gbogholë. ! (Y) plein, chamelle ou femme pleines, prospérité». A. TRANCART, ai·t. cit., p. 495·
LES SEIZE GRANDS SIGNES ET LEUR MESSAGE
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES
s'accroupir. C'est pourquoi l'on dit qu'il préside aux naissances gémellaires.
Figurations : par les traits indiciels
Di-Me.ji s'occupe, mais moins qu'Aklà-Me.ji, des Jumeaux et de tous les
1 1
singes : z.îwo (gris fer), klà (jaune).', oxa (cynocéphale), z.iblawaws (noir,
1 1 1 1
avec un col blanc), taklà (noir avec un ventre blanc et une longue queue),
1 1 1 1
1 1 etc., qui sont considérés comme des Jumeaux.
Di-Mzji est lié non seulement aux Na ou Kë11esi, et aux Jumeaux, mais
ésotérique: cf. fig. 36 er surtout 37, représentant schémati- à Gbaadu et aux Taxasu.
quement les deux fesses (considérées comme féminines). Ses principales feuilles liturgiques sont : akoko (Y),. desresig<. ou desremà
On croit souvent qu'il faut y e-0mprendre les organes génitaux de- la (F); atïkpoila (Y), atàcye (F).
femme, qui relèvent de Sa-M<.ji. Di-Meji « parle » en effet des femmes en Di-MEJÏ aiine le noir et les bigarrures. Le jaune et le rouge interviennent
général. dans certains sacrifices pour les fe1mhes.
Le mot fesses est ici un euphémisme, et désigne les laideurs et les impuré-
tés du sexe féminin. Mais il est malséant de préciser ces points lorsqu'il est
question d'un vodü tel que. Fa, ou lorsque l'on parle à une personne âgée ou Dwisrs.
de haut rang '.
1. Ku na fo kpako, az.ô na ba kpako, hwE na ha kpako, hè na ba kpako; ava
Caractéristiques. dèdè ma yi vsû mE. La mort ne peut t'atteindre, la maladie ne peut t'atteindre,
le procès ne peut t'atteindre; on n'entre pas dans un buisson d'épines vêtu
Di-Meji représente la femme, iionu 2, ajnsi que Sa, Turukpë, Ce, Fu. C'est
ce signe, dit-on, qui apprit aux êtres humains à copuler. Pour ces deux rai- d'un grand pagne.
sons, il faut s'attendre à trouver une étroite correspondance entre Di et les Le Favi est à l'abri de tout accident.
Kènesi; l'impureté des femmes les incline tout naturellement vers la sorcel- 2. Kpa mô no wili avû do gàja m~. Le léopard n'attrape pas le chien
lerie. · [enfermé] dans une cage en fer.
Di correspond à vovolivwe, le nord. Même sens.
2
3. Là-kloklo de.bu hû, e yi ba do gbaû; ajota no fi ku yi se. do a • Si une-
Sous ce signe s'introduisirent sur cette terre : les femmes; toutes les rives
grosse-viande est perdue, allez la chercher sur la cla-ie [où on la fait cuire];
des eaux, qui sont censées s'être un jour écartées comme des lèvres; les
fesses et l'usage de s'asseoir sur elles, que ce signe révéla aux hommes; un voleur ne peut voler un mort et le dissimuler 3••
Celui ·qui trouve ce signe est un malin bien renseigné, dont il faut prendre
l'usage de se coucher indifféremment sur les deux côtés.
Di-Meji s'occupe des accouchements, car la parturiente doit toujours garde, mais que l'on peut utiliser.
4. Ta kpo de no do ahwà do yi gba de a toa. Une rive ne:: peut quitter sa place
I. Il n'est pas inutile de souligner ici que les collections de cuivres obscènes fabriqués à pour aller faire la guerre à l'autre rive.
Abomey pour des Européens, depuis quelques années, auraient valu la décapitation à leurs Le consultant possède des ennerl)is dans sa propre maison, mais ils ne
aute~rs'. du temps des •.rois. Les objets de cuivre étaient réservés à ces derniers, à qui l'on ne
devait rien présenter d mco11venant, sous peine de mort. L'industrie locale des cuivres d' Abo-
pourront rien lui faire.
mey est tombée, par suite de commandes européennes insensées, dans un tel discrédit, que 5. Ayi e do agadano xo tnE le suxtt xo sukpa agada ms a. Le rein, dans le
des auteurs étrangers se refusent à y voir une forme artistique susceptible d'être prise en
considé~ation par.d'autres que par des exportateurs. (Cf. C. KJERSMEUlR,.op. cit., P' 38, n. 46.)
1. D. WEsTERMANN, Worterbuch . ., op. cit., p. 259/2 : « klà ein Affe, Colobu~ bicolor,
2.· L'etymolog1e de ce mot est expliquée généralement par la traduction littérale , iià-mi,
schwarz, Gesicht, Beine, Schwanz weiss: »lb., p. 595/1 : c<kltï, atakpa Colobus vellerosus,
~~nne-ch?se. L_a ~emme, une bonne chose ? La vérité semble être tout autre, et le disyllabe
nom1 est l abrév1at1on de la sentence : fzO-nu, bo nu kpo nu mE de, sache boire (exactement : Seidenaffe ».
2. Variantes pour le dernier m_embre de phrase : ku yi do a, ku yi so hwe a, ku sf:J a.
nw_è) de façon ~u'il en reste pour autrui. En effet, l'homme ne peut prétendre occuper une 3. Comp. ces trois premières devises avec J. BER THO, art. cit., p. 374. Cbàü est ici pour agba.
meme femme 1usqu'à la mort de celle-ci. ·
LA GÉOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SEIZE GRANDS SIGNES ET LEUR MESSAGE

ventre de celui qui a une plaie, ne peut frapper la mouche qui est dans la dit : a1frès l'assaut, en passant près d'une maison, j'ai entendu un enfant
plaie. La pensée du blessé voudrait frapper la mouche posée dans sa plaie, m'interpeller, et me demander de le prendre. Je l'ai pris dans ma demeure,
mais la crainte de la douleur le retient. et me sui:>·~aperçu qu'il était très miraculeux. Chaque fois qu'un mal:tde
Le Favi pense à s'enrichir, à être heureux, mais il attendra longtemps vient me voir, il donne des recettes pour le guérir, et toujours il réussit.
avant d'être comblé. Alors le roi demanda : est-ce que cela est bien vrai ?. - Et, lorsque
6. Mo jë huz.uhuz.u nô do agô ji co gbe sà nà u do agasa. Si fort que parle le l'homme le lui eut affirmé; il ajouta : donc, garde-le bien. Et s'il est vrai-
vent dans les feuÙ!es du rônier, l'herbe n'en pousse pas moins à son pied. ment si miraculeux, il s'occupera de la ville avec moi.
Dès que le roi avait des malades daris sa famille, il s'adressait à l'enfant.
Légendes. Et il ne manquait pas de consulter l'enfant, avant de se lancer dans une
entreprise quelconque. Et il suivait tous ses conseils.
r. Di-Më.fi a dit : l'enfant encore au ventre parle à sa mère. L'enfant grandissait. Lorsqu'il atteignit l'âge de l'adolescence, Lofi lui
Fa était encore dans le vestre de sa mère. CeÜe-ci allait chercher du bois assigna une ville, et il en devint rôi. Ses miracles se multiplièrent. To~s
dans la forêt, pour faire du feu, lorsqu'elle entendit une voix : mère ! Je ceux qui souffraient venaient le trouver. Sa fortune s'accrut : il eut des
veux te dire un mot. Mais c'est un secret : il ne faudra pas le répéter. femmes, des serviteurs, et tout ce qu'il faut à un homme. Il voulut aussi
Alors la mère se retourna et chercha derrière elle qui avait bien pu lui avoir des esclaves, et envoya pour cela des gens à lui sur tous les marchés,
parler. Mais elle ne vit personne. Alors la voix : pourquoi regarder tout pour lui en acheter. Car c'était le moment de célébrer chez lui les Fanuwiwa.
autour de toi? C'est moi, ton enfant, qui te parle. Je te préviens qu'au Et, parmi les esclaves qu'on lui amena, se trouvait, sans qu'il le sût, sa mère.
seizième jour tu me mettras au monde. Or, ce jour-là, il y aura une guerre Les femmes de Fa la chargèrent de moudre le maïs. Et la mère de Fa savait
dans notre ville, et mon père sera tué à l'ennemi ... Toi, ma mère, tu seras bien chez qui elle était. Elle'se mit à chanter, en pilant son maïs, une triste
prise comme captive, et l'on nous séparera ... chanson. ou revenaient ces mots : Fa, Di-M<.ji, tu ne fne reconnais plus?
Le lendemain matin, au point du jour, l'enfant réveilla sa mère et lui dit: Or Fa lui-même entendit cette chanson, et fit appeler la chanteuse: tu me
as-tu bien coinpris ce que je ~'ai dit hier ? Il reste maintenant quinze connais donc? demanda-t-il. Et sa mère répondit: mais n'est-ce pas toi qui m'as
Jours. prédit ta naissance ? Tu m'as dit qu'au seizième jour tu serais mis au monde,
Et il réveilla ainsi sa mère tous les matins, jusqu'au jour qu'il avait dit et que ta mère, le jour où tu naîtrais, serait emmenée captive. - C'est
tout d"'abord bien toi, dit Fa, et il ordonna qu'on l'emmenât, et qu'on la lavât." Il lui
Mais au seizième jour, il dit à sa mêre : voici, le jdur est venu. offrit un siège (akpalcpo), des pagnes, une étoffe blanche pour couvrir sa
Au même moment, une attaque eut lieu contre le village. Presque aus- tête. Puis il prit une chèvre, pour qu'on l'immolât à la place de sa mère. Et
sitôt son père fut tué. La mère mit alors l'enfant, au monde. Puis les enne- la femme vécut heureuse auprès de son fils.
mis firent irruptit:m dans le village, et emmenèrent la femme en captivité. Depuis lors, quand on veut offrir un sacrifice. à ce signe, il faut se sou-
Un homme passait -près du lieu ou Fa se trouvait couché. Fa l'inter- venir de cette histoire : on prend un akpalcpo, qui sert de siège aux Na, un
pella: je suis seul. .. Ma mère est captive ... Prends-moi, tu ne t'en repen- pagne kpokü abuta, un cabri, de la pâte de farine de maïs mélangée à de
tiras pas. l'huile de palme (amiw;i). Et l'on dit çiue l'on donne cela aux Na (xs Na,
L'homme prit le nouveau-né,.!' emmena dans sa demeure. Et Fa se mit offrir aux Na; naxixe, offrande aux Na).
à faire des guérisons miraculeuses. Lorsque quelqu'un tombait malade, l'en-
fant, après avoir dèmandé le nom de la maladie, indiquait les feuilles qu'il 2: Devise. Mû;ilàfi Vg iiibn ala kpa, bJ lm wa hwi. Md;ilàjï, avare, n'a pas
fallait chercher et qui assureraient la guérison. Et tous guérissaient. Comme voulu donner un bœuf tacheté de blanc, et la mort est venue le prendre.
les malades payaient, l'homme qui avait recueilll Fa gagna de l'argent. Légende. Quand Fa était dans le ventre de sa mère, il pria celle-ci de 4ire
Quelque temps après la guerre, cet homme alla trouyer le roi Làji, et lui à son père M~t;ilàfi de prendre un bœuf taché de blanc et de le sacrifier;
LA GÉOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SEIZE GRANDS SIGNES ET. LEUR MESSAGE

sinon la guerre viendrait cc casser » le pays dans la troisième année. Et il d'une étoffe blanche et l'installa sur l' akpakpo. Puis il demanda un bœuf et
naîtrait le jour de la mort de sl:'ln père. Alors il ne manquerait pas de vendre un cabri, et les fit immoler. La farine moulue par sa mère servit à préparer
sa mère, et de la racheter trois ::ms plus tard. Mais .la mère, très surprise, un amiwa pour elle, mais elle n'en devait pas manger avant lui. Ainsi assise
n'osa rien dire au père. sur l'akpakpo, elle devint une- Na, mère de roi. Et il donna, aux enfants qui
Le jour où la femme accoucha, Fa s'écria que l'on prît aussitôt sa mère avaient préparé la viande du bœuf et du cabri et l' amiwa, un îJeu de ces
pour la vendre. Ce que l'on fit. Puis la guerre -vint casser le pays de son mets '. Puis il mangea à son tour.
père Mstalojt. Fa dit à l' ajina.ta (la sage-femme) de le mettre dans une cale- La mère de Fa fit dire à son fils qu'elle avait honte, que l'on faisait trop de
basse et de l'enfermer ainsi dans sa chambre. Et dès que quelqu'un passait cas d'elle : aujourd'hui, dit-elle, j'irai voit ton père à Là. Dans la suite,
au-dehors, Fâ disait à l'ajinata de l'appeler; et il révélait au passant la source quand vous ferez une cérémonie pour moi, dites : Na k.fagba I Na, sois la
de ses tourments, lui prescrivant des médicaments et des sacrifices qui fai- bienvenue ! et je viendrai prendre vos offrandes.
saient toujours bon effet, La femme dit à tous de tourner le dos. Elle frappa le sol, et le sol s1ou-
Et Fà, dans sa calebasse, disait toujours le vrai, au grand émerveillement vrit, et elle demanda à partir avec son a!~pakpo. De là, aujourd'hui, le rite
de la foule. Un jour, il demanda qu'on allât lui acheter sa mère au marché, de x~ Na, donner à manger à Na, quand les Fanuwiwa sont finis.
pour quarante et un· cauris : la première femme qu'on vous présentera sera
ma mère. - A cette époque, Fa, lors des Fanuwiwa, ne craignait pas de 3. Devise. La mouche s'intéresse à tous les cadavres (on ne peut dissi-
« manger » des êtres humains. Fa fit donner du maïs à sa mère pour qu'elle muler aucun cadavre à une mouche).
l'écrasât sur de grandes pierres, et en préparât la pâte amiwa. En moulant Légende. Le roi M~talàfi est l'ennemi de Mouche. Car Mouche découvre
le maïs, la mère entendit les consultants invoquer Fa : :Jlomila ! Akifaye ! toujours tout. Pour elle, rien de caché. Il dit un jour : je vais la mettre à
Agbo wi dudu bu do F<. ta! Et la mère reconnut son enfant mystérieux. Elle l'épreuve. Si elle échoue, elle sera tuée.
se mit à chanter : Or Mouche eut un songe vers cette époque, qui l'avertit de se tenir sur
Si tu te nommais Fa, tu ne m'oublierais jamais,_ :Jlômila ! ses gardes : on allait bientôt lui apportèr quelque chose qu'elle devrait iden-
Si tu te nommais Fa, tu ne m'ol.lblierais pas, Agbo wi dudu, etc .. tifier. La moindre distraction lui coûterait la vie.
Les consultants racontèrent cela à Fa, qui répondit : laissez cette affaire.__. Dès le lendemain matin, Mouche alla consulter Fa. Fa lui dit de faire un
Il ajouta : demain matin, appelez-moi tous mes consultants, et ils· verront sacrifice : quatre poules, quatre pigeons, et du maïs. Mais elle donnera le
comment je mange. Et il fit sortir son akpakpo, et deux pagnes kpokû abuta, maïs à sa mère, pour qu'il soit cuit et vendu par celle-ci. Ce qui fut fait.
blancs. Quand ce fut fait, il interdit à tous de regarder ces objets, mais leur Cépendant, le roi Môialofi se fit apporter deux nattes. Dans l'une, enduite
ordonna de tourner le dos. Personne n'avait jamais vu Fa, qui restait tou- de suie, il enveloppa un xla. Dans l'autre, mouchetée au préalable de rouge
jours enfermé dans sa calebasse. Quand tous se furent détournés, Fa sortit de et de blanc, il enveloppa un léopard. Les deux animaux étaient vivants,
la calebasse avec un chapeau, des sandales et un éventail en perles, et s'as- afin de mieux surprendre Mouche. Puis le Roi désigna deux porteurs, leur
sit sur un trépied (zîkpo ). Puis il dit à tous de le regarder : c'est moi, Fa, ordonna d'amener les deux nattes chez Mouche, et de lui en fain:. deviner
regardez-moi. Moi, Fa, que personne n'a jamais vu ... La femme. que j'ai le contenu. Si elle échouait, la sanction serait sa mort.
faitacheter, amenez-la ici. - Et la femme fut amenée. Il la montra à tous: Arrivés dans le village, les porteurs trouvèrent une femme qui vendait du
regardez bien ! Voici ma mère. Je lui ai dit quand j'étais encore dans son maïs cuit. C'était la mère de Mouche, mais ils ne le savaient pas. Vite, ils
ventre, de faire sacrifier par mon père un bœuf taché Je blanc, sous peine déposèrent leur charge, achetèrent du maïs, et se mirent à manger. Le pre-
de maint malheur que je lui annonçai. Mais elle ne fit rien de ce que je lui
1. Lors des cérémonies en l'honneur des Nn., celui qui a préparé tous les aliments reçoit
avais prescrit. Et voilà trois ans de cela ... Je l'ai rachetée pour mon sacri-
une petite partie du sacrifice nommée kle ou keJe. Il ne peut la consommer que lorsque le vodü
fice. Màis je ne la tuerai pas, car je ne veux pas trahir ma mère comme elle est servi. Ce rite accompagne les cérémonies aux divinités nago (sous Je nom d'at9wo) et fon
m'a trahi; - Il fit raser les longs cheveux de sa mère, lui couvrit la tète (sous celui de uudide).
Instil1tl d'Elhno/ngie. - Bernard MAUPOIL.

LA GÉOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES. ESCLAVES LES SEIZE GRANDS SIGNES E't LEUR MESSAGE

mier porteur, la bouche pleine, se dirigea vers son bagage et appela : Xia ! Il dit a.ux femmes d'apporter des poulets, deux gros morceaux de pâte; en
Xia ! Veux-tu manger du maïs cuit ? le xla répondit: je veux bien. - Le guise de sacrifice. Et les femmes apportèrent le nécessaire, et il fit le sacri-
porteur ·acheta d'autre maïs et le donna au xla qui le prit et le mangea. fice. fagba reçut le sacrifice, et dit: qui donc a fait ce sacrifice ? - Et Azwi
Le deuxième porteur, après avoir mangé,,interpella le Léopard : Léopard ! répondit : ce sont les femmes qui ont consulté pour être pourvues de fesses.
Léopard ! Veux-tu manger du maïs ? - Le léopard répondit : volontiers. - Legba s'écria: Agbo q,Ja kii me ji fa ka si ? e sî do Azwiji 1 Qui a consulté
La mère, sachant tout ce qu'il fallait savoir, chercha le moyen de faire et n'a pas fait son sacrifiçe? C'est le lièvre! Comment,.Azwi ? tu n'as pas
part de ces renseignements à sa fille. fait ton propre sacrifice, et tu te permets de prescrire quelque chose à autrui !
Et voici que les porteurs demandèrent à boire. Elle leur dit: veillez un peu Cela ne se passera pas ainsi !
sur mes affaires, tandis .que je vais vous cher.cher de l'eau à la maison. - A la Et LEgba demanda que r'on fît venir les jeunes chasseurs du pays, et il les
maison, vite, elle raconta tout à Mouche : voici, la natte tachetée de noir fit entrer dans le champ de pois d' Angole d' Az.wi : entrez donc par là, leur
contient un xla. La natte tachetée de rouge et de blanc contient un léopard. dit-il; les pois que vous aimez manger, urt animal les garde ici pour lui. --,
Elle revint vers les porteurs, avec l'eau. Les porteurs, après avoir bu, Et les jeunes gens entrèrent avecleurs armes de chasse. Ils trouvèrent le lièvre
demandèrent qu'on leur indiquât Ia maison de Mouche : femme, ou donc et le chassèrent à toutes jambes : tuez-le ! tuez-le!
habite Mouche, dans ce village ? - Voyez-vous cette maison là-Gas? C'est Et ils tuèrent Azwi. Puis ils le mangèrent, et tout le monde sut q•.ie la
de là que je la vois toujours sortir. Allez-y et demandez-la. chair du lièvre est delectable.
Ils se remirent en route, et, comme par hasard, trouvèrent Mouche chez L;,gba dit à cette époque: celui qui veut offrir un siège à autrui, il faut
elle. Ils .lui dirent : c'est le roi qui nous envoie vers toi. - Vers moi ? qu'il en possède d'abord un lui-même. Le lièvre n'avait rien, et voulut
s'écria Mouche. Avec cés animaux féroces sur la tête ? Voyons ... toi, tu donner quelque chose à autrui; il en est mort.
portes un xla; que dis-je! un xla- vi\'ant ! Garde-toi hien de déposer cela Celui qui a trouvé ce srgne offrira en sacrifice deux bfrtons de chasse (gà-
chez moi. Et toi ... tu portes un léopard vivant ! N'allez surtout pas laisser kpo), un fosil (en réduction), des sosiJvi, afin de ne pas subir le sort du
vos.nattes ici-! Remportez-moi tout cela d'ou vous venez! lièvre.
Alors les deux porteurs, sans même avoir posé leurs fardeaux, s'en retour-
nèrent auprès du roi et lui dirent: cette Mouche est terrible! Nous n'avions Prière (inconnue à Ilorin, non traduite à Abomey).
pas encore posé les nattes à terre qu'elleen avait déjà reconnu le contenu. -
Kpati kpiilikpà
Hé ! dit le roi, die est en effet terrible ! - Il ne put donc pas la tuer cette
o ioko bili kale
fois; Et elle vit encore. Et elle continue à tout découvrir. baba cubu (ou iku) yEg~
Jfi_n' lô gbà di nô
4. Devise. Di-Meji I Yonu we ni z.îkpo nugbûJ : la fesse est le siège de
Jde keeku,
l'homme. _le Egbe ni adfl
Légende. Di-MEji est le signe que trouvèrent les femmes de la ville, au ki a to gbJ oku
temps où elles n'avaient pas de fesses pour s'asseoir, et en désiraient avoir. .Qlodumale
Elles consultèrent le lièvre Azwi qui opérait parmi des feuilles de kweleku '. JtaonigbJ ku mi (Y).
Az.wi lui-même, lorsqù'il était sur le point de ve11ir sur cette terre, avait
consulté, et Fa lui avait demandé en sacrifice un poulet, un sosiavi (pierre D'après J. D. Clarke :
de tonnerre), une canne de chasse et UQ fusil, pour le guérir de sa peur. Et. (premier vers inintelligible)
il négligea de l'exécuter, et se mit à consulter sur les feuilles, comme si He sat down spreading himself comfortably.
de rien n'était. Death is both father and mother.
A trench (or ditch) makes a wall unnecessary.
I. Cajanus indicus, pois d'2\ngole, Angola pea.
u[ GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLA YES LES SEIZE GRANDS SIGNES ET LEUR MESSAGE

Hunters do nàt die, the young men are in the age grade ( war corn pany or
secret society). Carartéristiques.
Before we hear of the death of Olodumare, I shall be dead. Ce signe est très fort et très redouté. Il inclut l'idée de malheur, de
misère, de sang. Il aurait même donné aux rois de cette térre le sabre de
Interdits. Guda, pour qu'ils fassent couler le sang. C'est lui qui créa les fosses mor-
tuaires. Lorsqu'il apparaît en cours de consultation, il est bon de prendre
Tout ce que l'on offre aux Na et à Dli, et que l'on nomme Na-nu, Dà- vite de la craie _et de s'en toucha par trois fois les paupières. Car ce signe
nu, choses des Na, de Da ; azwi, le lièvre ; les singes ziwo, klà, xa, et, est dangereux et peut faire cruellement souffrir; or, lorsqu'on souffre, l'œil
d'une façon générale, tous les Jumeaux (Roho); kp~, le léopard; xla; alibi; rougit : nukù mia. Il est do~c recommandé, tant au devin qu'au consultant
sorte de genette ; kinikini, le lion; ajinaku, l'éléphant ; iîihu, le bœuf; l'arbre et aux assistants, de prévenir cette rougeur par un contact avec la craie
za; la feuille az.wix~; kwelekû, le pois d' Angole 1 , sont l~s interdits principaux blanche.
du quatrième signe de Fa.
Loso-MF.ji commande tous les trous de la terre: c'est là sa plus importante
attribution. Il a créé le singe klà ; la plante sokpF.kp._ (dont la couleur évoque
CINQUIÈME SIGNE : Loso-MEJI. la notion de sang en général) ; les règles des femmes; l'oiseau akpa ; le-
petit oiseau drêgbagwe, qui inventa, dit-on, les jeux de hasard, joua contre
Noms : Loso-MEji; selon la prononciation fon du mot yorouba Irosû. la mort, et resta vivant; l'oiseau ge, au plumage rouge. Le meusonge dépend
Certains prononcent Losù ou Olosù. Les Nago le nomment encore Oji-Olo- de YEku (mensonge en vue de prendre la vie), de Losa (il prétend cc com-
sù. lrosû désigne une teinture végétale couleur de sang, que les Fon nomment mander » le sang, et pourtant n'a pas de couteau), de Guda (mensonge des
sokpekpr;; et emploient au cours de certains rites, ou comme cicatrisant. Loso- chasseurs) et de Tula (mère du mensonge, adïgbà-nô, dont le p_ère est le vol).
Mzji est nommé parfois Akpà, du nom d'un petit oiseau noir très redouté Loso-Meji est un signe de Feu. Il commande tous les métaux rouges: or,
des autres oiseaux, sur la tête desquels il passe pour déféquer'-· cuivre, bronze d'aluminium, etc ..
Sexe : masculin. Selon tous les informateurs. Il y a correspondance entre ce signe et les vodâ Na, Gu, Lisa, Xwioso, Da,
Figurations : par les traits indiciels Yalode et Tavodù.
1 1 Ses principales feuilles sont : ologoncëC<. (Y), kpaklesi (F) ; xr;;xwiâ; dèdè-
1 1 füdë ; flmajè.
1 1 1 1 Sa couleur favorite est le rouge, qui symbolise le sang, la maladie, -l'acci-
1 1 1 1 dent, la colère, le feu, la foudre, le danger sous toutes ses formes.

Devises.
ésotérique: (fig. 38) c'est-a-dire un trou (do), symbole des r. x._ de na xo alaxasa-vi hù etû gà do bF.. Si un oiseau veut frapper le ver
accidents, dù malheur. Le point central représente le fond du trou, l'inter- alaxasa (qui est gros com_me le doigt et armé de poils urticants),. qu'il
valle compris entre les deux cercles concentriques, le remblai. s'adapte au bec une pince en fer.
Si quelqu'un veut du mal au Favi, il aura du riial à réussir.
I. Selon MILLÈT-HoRSIN, art. ci~., p. 65, akpà appartiendrait à l'ordre des Picariés, 2. Oloso-JimE ! XE bi do av~ .xa e, b ge se mà, bo yi xa sr;;da hù-ka, fo zü-llà-
famille des Capitonidés : cc-Pagonorrhynchus bidentatus, Shaw. ~ Le barbien unibec, l'oisea'U
më do na. Tous les oiseaux achètent âes pagnes, et g.e l'a appris, et il est
cochon. Rare au delà de la lagune seulement. Frugivore, se garde admirab!ément en volière.
Nom popo:-akpan ». allé acheter de la soie (port. : seda) rouge comme la terre (litt. : sang
c_omme la terre), et dans la grande forêt il étincelle. Sous-ent. : et li!s chas-
seurs, le voyant de loin, ont beau jeu de l'abattre.
LA GÉOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SEIZE GRANDS SIGNES ET LEUR MESSAGE 471
47°
Le Favi doit rester modeste, ne pas-se faire' remarquer. ment. Alors le roi ME!alôfi, qui voulait la paix dans son royaume, les convo-
3. Nukû e do V<.-nu ataki, e na nà xwi .akpa-mo. a. Les yeux qui disent qua pour faire cessede scandale. La femrpe aussi fut convoquée.
qu' ataki n'est rien ne restent pas_ tranquilles dans leur logis. Chacun exposa au roi ses raisons et le roi leur dit : cessez de vous dispu-
Des accidents menacent le Favi; il ne doit pas les sous-estimer. ter pendant neuf jours. Je saurai bien vous calmer tous trois, les préten-
4. Dagbe s<. wa, SE wa Iwo. iiànu nô do vû wa do asa. mo.. Nâlâ do so.i, sei I w~ dants et la femme, le neuvjèt'ne jour. Car c'estle neuvième jour_ que l'on sau-,
iiànu nà do vû wa do gudo. Egbà debu /'J e na wa kpo, vice, asuce, kpo ni desu la ra à qui elle appartient réellement.
kpâ kEds ;.,~'lfl"' nànK nô dô leâ W'J do ka fflê. Bonheur, approchç, approche! La <Zhacun rentra chez soi. Feu fit venir son devin, lna Kpikpa (Y, feu rouge).
femme- [agite' son pilon dans la pâte] en l'amenant vers elle. Malheur,. La consultation fit paraître Loso-MEji. Le Bokanà dit à feu qu'il fallait .faire
éloigne-toi, éloigne-toi l La femme agire (son pilon dans la pâte] d'avan~ un sacrifice pour réussir en cette affaire. A cet effet, il devait se procurer
en arrière. Quoi qu'il advienne, nous resterons vivants, mon mari, mon en- deux chèvres, deux pagne§ noirs, deux pagnes blancs, vingt francs· mqins
fant et moi ; c'est ainsi que la femme recueille la pâte et la _met dans neuf francs.
la calebasse. Or Feu trs>uva ces prescriptions puériles, et n'en tint aucun conwte.
Fa annonce - à la fois du malheur et du bonheur. Si les sacrifices sont bien De son côté, P.luie fit venir son devin, Ojo dudu Ni11lijt (Y, c'est moi ·qui
faits, le Fq,vi ne perdra ni sà femme ni ses enfants. suis la Pluie noire). La com.ultation fit encore paraître Loso-MEji. Le Bokanô
5. Akpà miaû, ba XE si; gbsta mi mô axa.ja'hù, mi nàhà. Quand Akpà est demanda à Pluie le même sacrifice. Pluie s'exécuta.
en colère, tous les oiseaux se sauvent; lorsque les hommes voie'nt le_ roi, Or, la demeure de Feu était distante du palais du roi à peu près comme
ils se sauvent. Porto-Novo l'est de Sakété (38 km.). La demeure de Pluie en était distante
LeFavi doitfaire des sacrifices pour échapper au malheur. à peu près comme Po'rto-Novo l'est de Cotonou (32 km.).
6. ·Hà do gbe, gev<. na iiiaxasu a. Tant que hô (l'aigle ?) est en vie, l'oiseau Le neuvi~me jour arrive.
rouge ge ne peut prendre le nom de roi. Metalàfi a convoqué la femme au palais.
S'il fait les sacrifices prescrits~ le Favi commandera un jour dan~ la maison Feu se rue à la convocation du roi. Il commencé par tout brûler sur son.
de son père. passage, progresse à_ grand fracas, avec tout Féclat dont il est capable.
7. Nukù mia nô tà nukû a. Qui dit œil rouge ne dit pas œil crevé. Il s'agit Ley Nuage s'avance de son côté·. En effet, depuis sa consultation, Pluie
de la souffrance que procurent les épreuves de la vie : on n'en meurt pas. s'était parée d'une étoffe noire, obscurcissant amsi la nature. Chacun
Le consultant connaîtra la douleur, mais n'en mourra pas. Il f~ra les avançait de son côté. Mais-Pluie devança Feu!- qui avait plus de é:hemin à
sacrifices appropriés. parcourir, et se trouva bon premier au palais. Quelques moments :rprès, le
8. Zo ci, h.se zomà nàci. Le feu s'éteint,[mais] le feu [allumé à la queue] fracas de Feu se fit entendre. Alors Pluie redoubla d'efforts, et atteignit
de l'oiseau h.se ne s;éteint jamais. (Devise de Wèh-MEji, citée parfois à Feu avant même qu'il fût arrivé .chez le roi.
propos de ~om.) C'est ainsi que Pluie prit femme. Et, depuis lors, Pluie a plus de force que
Le Favi recevra la récompense de ses efforts. Feu, et l'éteint.
zi
9. Zù gla nô wà do do. Le marteau robuste enfonce l'enclume dans le sôl. Chant de la fille désirée par Feu et Pluie (texte dônné en dialecte porto-
Si le Favi exécute les sacrifices nécessaires, il terrassera tous ses ennemis. novien par un devin sans grande· autorité : on n'en donne que là tra-
duction) :
Légendes.
Feu rouge est déchaîné de fureur.
r. Feu et Pluie se disputaient une femme. Les efforts de l'un et de l'autre Pluie partage la même colère.
restaient vains. La discorde régnait malgré tout entre eux, chacun assurant Grande est ma gloire ! Môn cœur a préféré Pluie !.
qu'il triç_mphetait_de l'autre et que la fem,me l~i appartiendrait. Cette querelle
prit dê telles proportions qu'elle devint publique; ils se disputaient ouverte- 2. Le grand dieu révéla Fa dans le pays d'Ap. Il choisit Un singe nommé
472 LA GÉOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SEIZE GRANDS SIGNES ET LEUR MESSAGE 473
Ajasilwe ' qui ressemble à l'homme ; il marche sur les membres postérieurs, demanda à l'insecte : as-tu de la lumière ? - Et Zofi:iiieiie dit oui. ügba
et sa peau est comme celle d'un porc, avec des poils dispersés. Il est muni ajouta : prête-moi ta lumière pour chercher de l'eau et je te trouverai ton
d'une toute petite queue, et ses mains ne possèdent que quatre doigts, ce qui sacrifice. - Zofl:iiieiït eut vite fait d'obéir ! LEgba puisa de l'eau, et Zofl:iiieiie
semble être la raison pour laquelle Mawu l'a choisi. Quand il bat des mains l'accompagna avec sa lumière jusqu'à sa maison, et coucha dans la mais.on
sur le chemin de's guerriers, ceux-ci prennent anssitôt peur. de LEgba.
Ajasilwe, créé comme les autres animaux avant l'homme, était un chasseur Le lendemain matin, LEgba lui donna un cabri et un mouton pour faire
de la forêt. Une fois, au cours d'une chasse, ~l rencontra Mawu, qui lui son sacrifice. Et personne n'en sut rien ...
expliqua Fa. Fa se procura les dix-sept insectes réclamés par son signe, au nombre des-
L'animal, à son tour, transmit sa connaissance à un homme, et cet quels se trouvait Zofl:iiieiie qui avait dejà fait son sacrifice. Et Fa alla cher-
homme se nomma Bobnô AwE, qui fut le premier Bobnô. Dès le début, les cher un mouton et un cabri, et accomplit son sacrifice. Il prit alors Zofl:iiiene
consultations eurent lieu avec des noix de palme. Les autres instruments et lui dit : va aussitôt à Fè, car tu as une lumièr.e, et, la première feuille que
divinatoires : agûmaga, FatE,. lôflè, furent inventés ensuite par l'homme, tu trouveras, ne la prends pas. La seconde non plus, ni la troisième ... Mais
mais non révéles. tu prendras la cinquième et me la ramèneras. - C'était la feuille kpaklesi
(ologoncEce. ), et il la ramena à Fa. Sur le chemin, la pluie tomba, m:iis ne put
3. Loso-M<.ji, Loso-JimE ! C'est le signe que trouva Fa, lorsqu'il fut arrivé éteindre son feu. Et Fa se rejouit, et chercha à récompenser l'insecte.
en cette vie. Fa av.ait oublié son pagne à Fè, et ne pouvait plus y revenir, Or, le roi M"El:J!ôfi, qui avait une fille très jolie, cherchait à qui il la pour-
car il n'avait pas de lumière. Se sentant déjà fiévreux, il prit son kp:ili et rait donner en mariage. Elle refusait tous les prétendants. Zofl:ineiie se leva
trouva Loso-Meji. un beau jour, se rendit avec Fa auprès de MEt:Jlàfî .
. Feu trouva le même signe lorsque, désireux de venir en cette vie, Pluie Feu, qui desirait aussi épouser la fille, les accompagna, et les deux pré-
le tourmentait. tendants dirent au roi : nous somme:; venus pour que ta fille choisisse parmi
Le Bobnà qui consulta pour Feu se nommait G<.gEzo (le grand Feu). nous. - Et comme Feu brûlait et brillait, la fille dit qu'elle l'épouserait et
Le signe trouvé par Fa demandait dix-sept insectes divers, un cabri ét un refusa l'insecte. Le roi accepta et congédia les deux prétendants : dans neuf
mouton . Fa accepta. jours, dit ..il, revenez. - Ils rentrèrent chez eux. MEt:ilOji appela tout son
Le même signe demanda à Feu un mouton et un cabri. Feu refusa: un monde le neuvième jour, pour présenter le fiancé de sa fille.
simple pagne, dit-il, me protégera mieux de Pluie qu'un cabri ou qu'un LEgba s'écria alors : Agbo afa kà me. ji tE ka sî ? Qui des deux a consulté
mouton. sans faire son sacrifice?.:__ On lui répondit: c'est le grand Feu ! -LEgba: et
Zofl:iiieiie (la luciole) 2 trouva le même signe en consultant à propos de il veut épouser la fille de MEt:ilàfï ? Jamais ! - Il envoya un message· au
Pluie qui éteignait son feu. Et quand Pluie éteignait son feu, Zofl:iiieiie ne ciel : la femme que Xwioso voulait avoir sur la terre, voici que le grand
trouvait plus rien à manger, car c'est avec ce feu qu'il éclairait sa chasse. Le Feu cherche à la lui prendre. - Xwioso entra aussitôt en fureur, coupa le
devin lui demanda le même sacrifice : un mouton et un cabri. Comme il ciel en croix avec ses éclairs... Quel est ce Feu ! C'est depuis lors que les
n'avait pas les moyens de faire ce sacrifice, il supplia Fa : je n'ai rien, je ne éclai,rs sont visibles.
sais même pas où aller pour trouver cela ... Xwioso se prépara aussitôt à descendre sur terre. Tout le ciel devint noir.
Zofl:iiieiie se trouvait la nuit au bord d'une rivière, quand il vit ·paraître Feu prit peur; comment aller prendre ma femme, si la pluie· se met à tom-
LEgba qui cherchait de l'eau. Et il n'y avait aucune lumière, et L€,gba s'écria: ber ? - Il courut vite chez son Bobnô demander pourquoi le ciel était si
ou donc vais-je trouver une lumière pour ·mettre ma cruche à. l'eau ? - Et gonflé de pluie, le jour même ou il voulait aller chercher sa femme. Fa dit:
et le sacrifice que je t'avais prescrit ? - Si c'est comme cela, dit Feu, je vais
:r.Prononcé parfois ajasilo (sorte de chimpanzé).
. 2. M.-]. et F. -S. HERSKOVITS ont retrouvé ce mot en Guyane holl., sous la forme.« azokt le faire tout de suite. - Pas du tout ! riposta Fa. Il faut d'abord que tu
nyenye, firefly; the Dahomean word is azofle nyenye "· (Op. cit.,. Glossary, p. 347 .) prennes ta femme; tu feras ensuite ton sacrifice.
474 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SEIZE GRANDS SIGNES ET LÉUR MESSAGE
475
Fa partit le premier, et alla s'asseoir sur le seuil du portail du roi. Xwio'So rouge. Les singes klà et ajasilwe, les oiseaux drëgbagwe, akpâ, ge, aklasu, utu-
était invité par Le.gba. Feu prit à son tour le départ et frappa son tamtam : tu, l'antilope agbàli ; les fruits rouges gâxotî et cilivovo.
ajuba g~ge.z.o / .. - Et tout brûlait sur son passage, et les feuilles les plus
petites accompagnaient son tamtam. SIXIÈME SIGNE : WËu-Mq1.
XwitJso se mit alors de la partie : buuuuuuu ! et la pluie tomba .si fort, si
brutalement, que .Feus' é"teigni t. Noms : Wêl:.- ou Wêlê-Msji, prononciation fon du mot yorouba :Jwôli ou
Et Xwioso arriva devant le palais .du roi, et se plaigi1it d'avoir trouvé Feu lwôli, dont l'i final est souvent nasalisé, et la dernière consonne prononcée
comme rival. tantôt l, tantôt r. Les Nago disent encore Oji-Wèh; certains Fon prononcent
Zoffoneiie apparut sur ces entrefaites, et son feu éclairait toujours. Il chanta : Wâli. Deux étymologies ont été proposées : wô-li (Y), signifiant tourner la
tête, c'est-à-dire mourir ; et wàla-wàlii (F), évoquant l'idée de bigarré. Enfin,.
afete îiaû ! un vieux devin commente ainsi le nom de ce signe : la vie, la mort : voici
abfr iiaîi ! . les deux choses; car, pour «tourner la tête », il faut d'abord être vivant.
afete iiaû .' Sexe: féminin.
able iiaû ! .. Figuration : indicielle
Mon feu est blanc, 1 1 1 1
puis soudain devient rouge. 1 1 1 1
1 1
Me.t1lôji se défendit: c'est ma fille qui a voulu épouse\- Feu. Pour éviter
1 1
toute querelle. ici, je décide qu'aucun de vous ne l'aura pour femme. Et si,
désormais, le jour o\l quelqu'un veut s'établir et amener une jeune fille
dans sa maison, la pluie se met à tomber, il devra·renoncer à' ce mariage. ésotérique: (fig. 39) deux triangles avec triai1gles inscrits. Au
Xwioso déclara: c'est.à cause de Feu que j'ai failli perdre cette femme .. centre de chaque triangle sont disposés trois points, également en triangle;
Désormais je l'éteindrai partout et serai son chef. --. Et il en est ainsi jus- ces .six points sont censés être de six couleurs différentes, pour évoquer l'idée
qu'à nos jours S'il pleut le jour où le mari doit emmener sa fotncée chez de bigarrure. Le chiffre six, on l'a vu, 1 est parfait. Lorsque l'on compte les
lui, il faut remettre la cérémonie à une autre date. noix en disant : balu, bay, bacs, on les compte six par six; d'où les six
MEialôji donna un nom à Zoflaîieîie : z.o ci, iia iie z.o mô nô ci, Lo'So finie. I points. Chacun des trois points de chaque triangle est censé représenter
Tout feu s'éteint, mais celui de Zofiaîiene ne s'éteint jamais, Loso Jinn ! 1 six noix, et dix-huit noix de Fa forment une cc main », cc de sorte que
l'on peut coinpter balu, bay, bacs une fois dans chaque triangle, et une ·fois
Interdits. sur les trois côtes de chacun ».

Tout ce qui est rouge, vêtements, meubles~ bijoux, plumes de la queue du


Caractéristiques. 2

k:.s!, la teinture sokp~kpt, etc. ; éviter même d'épouser une fille au teint
rouge. Celui qui est né sous ce signe ne pourra jamais devenir « femme" de Wêh-M:.ji est un Fa puissant, qui donne de nombreuses maladies localisées
Xe.vioso (ni de Sakpata chez les Fon), car ces vodû recherchent ce qui est dans l'abdomen, où elles sont particulièrement redoutées. Il passe pour être

1.. En fait, celui qui vient .consultt:r à. propos d'une femme qu'il désire doit être mis en 1. Première partie, chap. vm, pp. 367-369.
garde : s'il est « petit » parce que Zo.flonènè n'a pu avoir la fille de Motolàfi, s'il est noir En géomancie européenne, il correspond à Fortuna Major,· qui est un signe de Terre. Ne
2 .•

Nrce que Fa1lui aussi a échoué, s'il est rouge; parce que Xsvios<1et le Feu se sont querellés. pouvant.nous livrer ici à des études de geomancie comparée, nous nous bornons à donner les
De toute façon, le consultant sera prié de faire un sacrifice destiné à « éviter que ses cnances noms des signt:s dont certaines attribution? importantt:s sont communes pour un même
s'éteignent». groupt:ment d'indices.
T 1

LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SEIZE GRANDS SIGNES ET LEUR MESSAGE 477
le sous-chef de YEku, la tllort, pendant la nuit, et celui de Gbe, la vie, pen- Le consultant recevra ce qu'il attend, mais s'il ne prend pas garde, il y
dant le jour. laissera la vie.
Créateur des couleurs, il évoque une idée de bigarrure. Il introduisit en 7. Do gbidi, b:J li gbidi. L'arbuste do (qui tue le mil) est anéanti, et le mil
ce monde les rochers et les montagnes; les mains et les pieds des êtres est anéanti.
humains; les coliques des femmes. Ceux qui viennent au monde sous ce Le Favi et ses proches sont menacés de mort.
signe seront riches dans leur jeunesse; car Wêh leur donnera femmes, 8. Gb:? hô so, ma hà gà so. Le cabri qui peut arracher un piquet [en bois]
enfants, argent, et toutes les bonnes choses de la vie'. Mais il apporte aussi n'arrachera pas un piquet en fer.
l'accident, et l'on ne jouit pas longtemps de ses bienfaits. Contraire du précédent. Si le sacrifice est fait, le Favi ne mourra pas.
La parenté qui l'unit à 5akpata, aux Kênesi, aux Taxasu, à Gu, aux Hoho,
lui donne un pouvoir maléfique considérable. Il est uni également à Dà et à Légendes.
Lisa. C'est un des dunà les plus dangereux.
Sa principale feuille liturgique est ataladala (Y), godob (F). Citons encore r. Wèh-Msji a été métamorphosé en 5alcpata.
iiesih; 111adafoviawo (F), 111afawaki'imàmi (Y). Wëh-Msji faisait partie des enfants de Duduwa qui demeuraient auprès de
Wèh n'a pas de couleur préférée : il aime ce qui est wàlà-wü.li'i, c'est-à- leur père, là-haut (aga). Il était fort violent, tuait les hommes, les oiseaux,
dire moucheté, bigarré. et s'attaquait méchamment ~1 tout ce qui vit. Méwntent de lui, Duduwa le
chassa, et Wèls-Msji descendit demeurer sur terre. C'est sur la terre qu'il
fut métamorphosé en 5akpata, par ordre de Duduwa sans doute. Il devint lui-
Devises.
même la terre sur laquelle nous vivons. C'est pourquoi, lorsque quelqu'un
I. 5~-Lisa 1/la de gbedo to de a ahwà no gba a. Si 5s-Lisa n'en a pas donné veut prêter serment sur 5ahpata, il prend une pincée de terre et l'avale '.
l'ordre, la guerre ne «cassera» pas un pays. Wèls-Msji, arrivant du ciel atterrit à Dasa. en pays mahi; c'est pourquoi
Le fàvi doit faire un sacrifice à 5sgbo-Lisa pour être à l'abri du danger. ses initiés se nomment 5allpata Dasanu.
2. Nü na ms ta m:. 11à mli do mE de 1110 no mli do gweno. C'est auprès de
2. Wels-Msji ! Pintade (5onu) et Léopard (Kpa) sont deux amis.
ceux qui donnent généreusement que les gens se rendent, et non auprès des Un jour Kpa dit à 5onu : je voudrais connaître ta demeure. - Sonu répond :
avares. rien n'est plus facile.
Que le consultant ne soit pas avare. Quelque temps après, 501111 et Kpa se rencontrent au cours d'une prome-
3. Zà mà nô nô aga nu fê-da. La natte ordinaire zà lcplakpla ne se pose nade que chacun faisait <le son côté. Kp'J dit à 50111t: ami 5011u, je veux pro-
jamais sur la natte en jonc (car celle-ci est la plus jolie des deux). fiter de cette occasion pour t'accompagner chez toi et connaître en ce jour ta
Si le consultant entreprend quelque chose avec quelqu'un, c'est lui qui demeure. - Et tous deux prennent alors la direction de la demeure <le 5onu.
profitera du bien comme du mal. Lorsqu'il l'a visitée, Kpa retourne seul chez lui. 5cnu se met à penser : Kpa
4. Agaga ( r) no dà nü do ji a. Avec un crochet de bois on tire les objets est venu vo.ir ma demeure. Je n'ai p::is confiance en lui. Il ne cherche que le
vers soi : on ne les repousse pas. malheur de son pro<.:hain. Donc, je ·vais consulter Fa, pour savoir s'il est ou
Le Favi recevra la récompense de ses efforts. non venu ici avec une bonne intention. - Et 5011u consulte Fa.
5. Ahwà mo no gba kuta. La guerre ne peut «casser» les rochers. Wèls-Msji se présente, et dit: il faut que tu envoies chez moi un regime
Les ennemis ne peuvent rien contre le consultant.
de palmier encore vert, et le pagne bigarré que tu portes en ce moment. J'en
6. Nukü 111à-z.o-nu1 ma du de. Les yeux voient ce, que le feu a cuit, et
ferai un sacrifice pour toi. De plu.>, tu changeras <le demeure. - Et, lorsque
n'ont pas de quoi le manger.
1. Comp. rituel du serment par Xwioso : on leve la main ou l'index droit, et on l'abaisse
vers la terre à la fin de l'invocation suivante : So de atii do/.po /nie J• mi! si Xwioso crache
1. {)u avfu'E,
une [seule] goutte [de pluie], que je sois foudroyé!
LA .GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SEIZE GRANDS SIGNES ET LEUR MESSAGE 479
le régime est cueilli, Wëh-Mi::ji ajoute : maintenant, tu vas envelopper de Atatï a écrasé le mil dans la guerre d'aujourd'hui.
ton pagne ce régime encore vert, et tu l'étend.ras chez toi, là où tu çouchais 0- Wèh-M<.ji ! ta guerre sera toujours victorieuse!
d'habitude. Mais tu t'en iras coucher ailleurs.
Cette nuit-là, Sonu va se coucher sur le toit d'une maison en face la sienne, Le consultant triomphera de ses ennemis en faisant les sacrifices néces-
pour ne rien perdre de ce qui se passera chez lui. saires.
Au cours <le la nuit, Kpa arrive. Il se met en embuscade devant la cha,mbre 4. Il existe deux espèces de Sakpata : Sakpata sauvage, que l'on nomme
à coucher de Sontt, comptant bien le trouver endormi. Il bondit d'un ~eul Ziixalu, roi de la forêt ; et Sakpata domestique, nommé J:.-xalu, roi des
coup sur le pagne, croyant qu'il recouvrait Sonu. Mais les piquants du régime perles.
traversent ses pattes et sa poitrine. Il arrache les épines restées dans sa chair, Ji::-xalu possédait deux cents chevaux, deux cents bœufs, deux cents pin-
et son sang commence à couler. Il lèche avec force ses blessures et son sang. tades, deux cents pigeons, deux cents coqs et'poules, deux cents cabris, deux
Il lèche sa poitrine .. , tant et si bien que ses plaies s'élargissent. Il se lèche si cents chiens, deux cents chats, deux cents cochons. Il était, en ce temps-lài
fort qu'il met son cceur à nu. A ce moment, il tombe à terre et meurt. célibataire. Tou's ces animaux qui lui appartenaient commençaient à se repro-
Du haut de son toit, Sonu, qui l'a échappé belle, s'écrie: e j< ù cananana- duire. Mais iVëh-M~ji, - signe sous lequel il vint sur terre, - lui interdit,
nanana ! Kpa est tombé sur les piquants, et les piquants Font meurtri! par l'intermédiaire d'un Bobnà qu'il consultait, de tuer un seul d'entre eux.
Ainsi, grâce au secours de Fa, Sonu se vit débarrassé de son ennemi. Quelques jours apt'ès cette consultation, un inconnu vint chez lui au cours
de la nuit. Ne sachant comment le restaurer, il fut bien obligé de prendre
3. Devise. Ta-(a)li /{po Li kpâ WE si ahwâdâ, Ta-(a)fi !Jwà na lm Li lnUà '.
une de ses bêtes. Et il tua un poulet.
L'arbre Ta et le Mil (Li) se sont déclaré la guerre. Les gens de l'arbre Ta
Puis ce fut un autre inconnu qui se présenta, et il tua un .€abri. Puis un
seront plus forts que ceux du mil. (Ta signifie tête, et la tête mange le mil).
troisième, et il tua un cochon. Au quatrième visiteur, ce fut un bœuf; puis
Légende. Li promettait toujours de partir en guerre contre Ta. Ta finit
un cheval. Et ainsi disp:irut un animal de chaque espèce, jusqu'à la pintade.
par avoir peur, et alla consulter Fa : voici, Mil me promet la guerre. Mais
Au moment où il voulait attraper cette dernière pour un sixième visiteur, elle
Mil est très nombreux, et moi je suis seul! Comment échapper à cette guerre?
se mit à crier : tu veux me tuer! tu veux me tuer! - Et tous les autres
Wèh-M<.ji se présenta, et recommanda à Ta de faire le sacrifice suivant : animaux s'éveillèrent. ..
prendre quelques-uns de ses propres enfants, - c'est-à dire de ses branches, -
Le lendemain, les animaux allèrent tenir conseil en un lieu écarté, où
et en faire des mortiers et des pilor,s qui soient prêts avant le septième jour;
ils se comptèrent. Et chaque espèce constata qu'il lui manquait une unité:
puis, le septième jour, les placer dans la maison de son père.
ha 1 c'est donc cela que notre propriétaire veut faire de nous : nous tuer
Et voici que, le septième j_our, les légions de Mil se déchaînèrent ... Elles
tous! ..
vinrent tout d'abord dans la maison du père <lt: '{a, pensant y trouver peut-
Or, en ce temps, Ziixalzt n'ayant rien en propre, ne manquait jamais de
être leur ennemi. Or, les auges attendaient les foules de Mil, et celles-ci,
faire des prières à Duduwa, pour lui demander des biens dont iJ pût disposer.
dès leur arrivée, s'y précipitèrent. .. Ta et ses enfants n'enrent plus qu'à les
_Et précisément, ce jour-J:i, il traça un sentier qui menait au lieu où les ani-
piler. Et ceux qui n'avaient pu trouver place dans les auges s'enfuirent au
maux tenaient conseil. Et, par tout lé chemin, it jeta des herbes, du son, du
plus vite.
maïs.
C'est ainsi que l'arbre Ta triompha de son ennemi. Il s'en réjouit, et
Les animaux, voyant cela, commencèrent à manger ce qu'il leur av-ait
improvisa aussitôt la chanson suivante :
ainsi jeté, et, peu à peu, arrivèrent jusque devant le portail de Züxalu.
Ta-tî hwâ e wu li hwà to egbe. Or Zùxaln avait chez lui uue pintade vivante. Une seule pintade. Elle
0 Wèh-M<.jil ahwà towe ja wi:: na' wu nn tô! était destinée à un sa-:rifi.:e. Pour qu'elle ne se confondît pas avec les nou-
velles venues, qui étaient blanches aussi, il prit du savon noir et de la suie
1. Va~. : Ta-(a) Il hwà kü ua lm Li bwü. qu'il mélangea ensemble, et tacheta cette pintade de noir.
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SEIZE GRANDS SIGNES ET LEUR MESSAGE

Cependant, les animaux entrèrent dans la maison de Z1ixafu, voyant que \oici le chant que Fa adressa à ce sujet au roi d'Ifè
l'herbe et les graines en venaient. Une fois qu'ils furent tous entrés, Z1ixa/u
0 lu isbs !obi i11a,
les fit passer derrière sa chambre, dont il ferma la porte. Puis il prit un balai,
o lu ùbs !obi alü,
et balaya soigneusement le chemin des animaux, afin que nul ne sût qu'ils
o ln isbz lobi eko;
étaient venus chez lui.
ojo kiila b hpa ina eko (Y).
Or, le soir de ce jour, Jsxafu, ne voyant pas revenir ses bêtes, se mit à crier:
où sont donc passées toutes mes bêtes? - Et le lendemain, il chercha. par- Le grand roi a fait le Feu,
tout leur piste, et alla trouver Z1ixalt1. Il le salua, et dit : depuis hier, tous le grand roi a fait le Soleil,
mes animaux ont disparu : ne les aurais-tu pas rencontrés quelque part? le grand roi a fait Ksss
- Non, répondit l'autre. Je n'ai ici qu'une seule pintade et la voici. la Pluie qui tombe ne peut éteindre le feu qui brille à la queue de Ksss.
Or tous les animaux, derrière la porte, entendirent ces paroles, et recon-
nurent la voix de leur maitre. Mais ils n'osèrent pas souiller mot, de peur Interdits.
d'être obligés de retourner chez lui, c'est-à-dire d'être tués pour rassasier des
hôtes de passage. Weh-Msji prescrit à son Favi d'éviter la pintade (sonu) et, d'une façon
C'est ainsi que Zilx:>ln posséda tout, et Jsxalu rien. générale, toutes les nourritures du vodii Sakpata, notamment les nu mims,
C'est pourquoi, lorsque la variole entre dans une maison, il faut bien se mets grillés; le vin de palme, à cause de Lisa; le mil, le sorgo (hkswakzi);
garder d'immoler des animaux et de laisser couler leur sang à terre. Si !"on l'éléphant, le cheval, à cause de Lisa; le léopard, le xla, I'agbâli, le cog. Il
agissait ainsi, la fureur de la maladie ne manquerait pas de s'accroître, et de nterdit encore d'épouser une<< femme>> de Sakpata (Sakpata-si), de se laver.
se· répandre dans le pays. Il ne faut pas violer l'interdit de Sakpata 1 • dans la mer, de porter des pagnes klekü, gui sont bigarrés, de s'entourer
d'objets de plus de deux couleurs.
5. Devise. Zo ci, hss z.o mô nà ci. Le feu s'éteint, mais le feu [allumé à
la queue J du perroquet h.ss ne s'éteint pas. Prière.
Celui qui est né sous ce signe a, de toute évidence, des influences natu-
relles pour repousser ses ennemis. Il évitera la pauvreté et la misère, à con- Avant de prononcer cette prière, qui est la plus importante de Wèh, il
dition de faire les sacrifices nécessaires. faut tremper un quart de cola dans de l'huile de palme et le manger; puis
Légende. Feu avait une querelle avec Pluie. Soleil aussi avait une querelle jeter à terre de l'eau, de l'huile, des fragme11ts de colas et de l'argent, dans
avec Pluie. De même que Perroquet. l'ordre ci-dessus. Car, dans les signes en ~Vèh, Fu et Sa, les entreprises de la
Ils fixèrent tous trois un jour pour vider cette querelle par un pugilat. Le sorcellerie sont particulièrement dangereuses.
jour arrivé, la bataille commença, à trois contre un. Et voici qu'il se mit à pleu-
Egü owunô egû go ka ettgudu
voir. Soleil ne pouvait plus luire ... Et Feu s'éteignit. .. Seul Perroquet ne fut
en rien affecté, et ses plumes rouges gardèrent leur éclat. Et il resta Yainqueur.
yinlô kpada alatasi a111ô swi
:Jc:J :Jfawa ni c::imô yamz
C'est depuis lors que l'on emploie ses plumes rouges comme symbole de
victoire. aj<. ani kpami agü lw11i kpami
iku ko si (Y).
I. On ne dit pas : avoir la variole. On dit : së vodü, sè axosu, ou sè Mê, adorer le vodü, le
roi, l'être par excellence, mais on ne nomme pas Sakpata, nom du vodù. Les maisons ou vil- D'après J. D. Clarke:
lages attaqués par la variole sont signalés par une étoffe rouge au bout d'un mât de bois. Les Egii (a masquerader representing someone who has died) does not refuse
chemins d'accès du village sont coupés, et diverses mesures de sécurité prises, dont l'usage
se perd et que nul médecin européen n'a songé à noter. Les Sdl1pata11à, kpamegtî, amasibloto
cugndu (a c!ay representation of some persan) in the morning.
et Bokonà o;ganisent la lutte contre le fléau. This (or he) is going back, the son of Ewi has (?)
Inrtitut d'Ethnologi~. - Bernard MAUPOIL.
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SEIZE GRANDS SIGNES ET LEUR MESSAGE

The finery of a rich· man is the son of my mother (1 am a fine fellow ?)


Witch cannot kill me, war cannot kill me, Devises.
Tl1ere is no death.
I. Afa/a ws nô kô dè hwcî. C'est l'éventail qui enlève la sueur (litt. la
guerre de la sueur).
SEPTIÈME SIGNE : ABLA-MEJI. "Le Favi sera défendu contre ses ennemis.
2. Abla-]i111s ! Ajija nô ba lcpa-si bo nô glo. Le porc-ep1c a courtisé la
Noms: Abla-MEji chez les Fon. Les Yorouba disent :Jbara ou :Jbala-MEJÏ.
femme du léopard, et le léopard !l'a rien pu- lui faire.
Deux étymologies ont été proposées : bara (Y) désigne les graines d'une
Si le consultant redoute quelque chose d'un plus grand que lui, qu'il s'en
espèce de cucurbitacée (gusi F et Gè) dont les fruits sont de la grosseur
aille rassuré.
d'un pamplemousse. Il ne faut pas couper ces fruits au couteau, à cause de
3. Suulu ni ja ba HaltSa (Y). L'homme patient devient roi des Haoussa.
cette homophonie avec le septième signe : on les écrase pour prélever les
La patience profitera au consultant 1 •
graines comestibles. Par ailleurs, aba-mEJÏ peut signifier en yorouba : deux
4. Dagbt e do la-si e, xwa ws 11ôbs lcô)'i age. Le bonheur que possède l'eau
rois. Le septième signe était originairement le roi dl.l vent, dont il parle fré-
douce, c'est le poisson xwa qui le jette hors de l'eau. (Le xwa vient souvent
quemment ', et le Créateur lui donna par la suite des commandements de
respirer en surface).
plus en plus nombreux : il est donc plusieurs rois à la fois. De plus, il fait
La maison du Favi est pauvre, mais il deviendr:i riche lui-même. S'il est
parfois allusion au roi des Haoussa (Zongo-xasu).
riche et s'il ne fait pas de sacrifices, sa richesse le quittera.
Sexe : masculin.
Variante : dagbe e do xu-si e, xwa ws niJ xwa kôyi age. Le bonheur qui se
Figurations : indicielle
trouve dans la mer, le poisson xwa le prend et le jette en surface.
1 1 5. Ta nabo blu la, zokë na 111ô nu js ta gla. Si boueuse que soit la rivière, le
1 1 1 1 zolcê (dont les yeux sont perçants) en trouvera le fond.
1 1 1 1 Rien de ce qui se passe dans la maison du Favi ne lui demeurera inconnu.
1 1 1 1 6: Nànu-hwà de dn bala la, aja-tô 11a su. La femme q uj mange des deux
.~1ains, son travail s'arrête [elle meurt]. E dit ala we, e dit bla : elle mange des
ésotérique: (cf. fig. 40) c'est-à-dire une corde (kà). Abla-MEJÏ deux mains (se dit de la femme adultère). Le mot bala ou bla a été choisi
représente la corde, dit-on : il a la force de tout attacher. Ce symbolisme dans cette devise par homophonie avec Ab/a-M~ji ; il signifie aussi
exprime la force, c'est-à-dire la durée, de tout ce que l'homme accomplit. De avidement.
plus, il y a homophonie entre le nom du signe et le mot fon bla, attacher. Si la femme du Favi veut le tromper, elle mourra.

Caractéristiques. Lége11des.

Abla-MEji a créé I'Air. De·lui dépendent les fourches et les bois fourchus. Cette première légende rappelle le conte classique des Mille et Une Nuits.
Uni au vodû Dâ, dispensateur des biens de ce monde, il est censé apporter 1. Devise. Mi ma deji do itônu w11 gbede o. Ne faites jamais confiance aux

la richesse à ses Favi. Uni avec Usa, Hoho, Tavodû, il recommande à celui femmes.
qui l'a découvert au Faz.û de célébrer avec diligence le culte de son taxwiya. Légende. Fa et le Mals (Musulman) sont amis.
Sa principale feuille liturgique est weeya (Y), davonumâ (F). Le Mals dit un jour à Fa : moi, je vais faire une chose. Je vais me pro-
Sa couleur préférée est le bleu dair.
1. Comp. F. AuPIAIS, !oc. cil., p. 54 : «Tous les biens viendront ~e Dieu à celui qui fait
r. Abla-MEji .correspond en géomancie européenne a Lœtitia, qui est un signe d'Air. preuve de patience ».
I'
1

LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SEIZE GRANDS SIGNES ET LEUR MESSAGE

curer une femme enceinte. Je l'installerai dans ma maison. Et elle n'aura Le Mah appelle sa femme préférée pour prendre la caisse, mais elle pèse
plus aucun contact avec les hommes avant d'accoucher. Et puis, si son enfant si lourd qu'il doit l'aider; ensemble, ils la portent dans la chambre ou se
est une fille, j'en serai bien content, et me la réserverai dans toute son inno- trouve la fille. Alors le Mah voit la fille pour la première fois, et se met
cence. Car je suis jaloux. à réfléchir. Puis il sort. Et toutes les portes sont refermées.
Et il va acheter une femme enceinte au marché. Il l'amène chez lui, et Une fois seul, Fa ouvre la caisse, et sort, et voit la fille. Il la salue et elle
elle accouche d'une fille. Il èst très content, mais il pense déjà : mainte- le salue. Il dit : toi qui es ici, me connais-tu? - La fille répond ·non. Fa
nant comment faire pour que les yeux des hommes, même des plus malins, s'installe, et commence à s'amuser avec la fille jusqu'au soir. Finalement, il
ne voient pas cette fille avant qu'elle soit grande et que je l'épouse? couche avec elle et la déflore. Et il dit à la fille de demander de l'eau chaud(;!,
Il décide d'édifier une maison à l'intérieur de sa maison, et y installe la ce qu'elle fait. La femme du Mah lui en apporte, et, en écoutant les conseils
mère et la fille. Et nul homme n'accède, pas même lui, à la maison des deux de. Fa, elle se lave.
femmes, ou elles sont bien soignées par son épouse préférée. La fillette Or Fa ne mange que des colas. Au moment des repas, la fille remarque
commence à marcher, à grandir. .. Quand elle a près de dix ans, sa mère qu'il ne mange pas comme elle, et lui demande pourquoi il ne mange pas,
quitte la maison, et elle reste seule. On lui donne tout ce qu'elle veut. et quelles sont les choses qu'il mange. Fa répond : je mange des haricots,
Cependant, Fa compte les années de l'enfant. mais pas de piment. De la viande fumée, du poisson fumé, des azigokwi ...
Un jour, sachant qu'elle doit être grande, il va chez son ami le Mah, le - La fille, qui a retenu ces paroles, demande, le troisième jour, qu'on ne
salue, et entre. Il se disait : comment? Le Musulman a acheté une femme mette pas de piment dans ses mets. Alors Fa recomme.pce à coucher avec
enceinte. Elle a accouché d'une fille. Celle-ci a grandi. Et jamais elle n'a pu elle. Les aliments sont préparés désormais avec du poivre lelèkù. Fa dit encore
voir ce que !'on appelle un homme! Et même le roi de notre pays, M ;.talàfi, à la fille qu'il ne mange pas de cabri à la façon simple de tout le monde,
ne l'a pu voir. Moi, il faut que j'essaie ... Et il rentre chez lui, après sa visite. et qu'il ne se lave pas simplement comme les autres non plus.
Une fois chez lui, il prend ses noix, consulte, et trouve Abla-M~ji. Et Fa Et finalement la fille est enceinte.
lui dit de se procurer une caisse, de l'akassa, un coq, de l'huile de palme et de Et le MalE ne se doute de rien.
donner le tout à L~gba. Ensuite, il n'aura qu'à entrer dans la caisse, prendre Comme le troisième mois est sur le point de finir, Fa dit à la fille : si le
la clef, et fermer. Fa prépare le tout selon la consultation reçue, et va chez Mah te parle de cette grossesse, surtout ne prononce jamais mon nom.
le Mah : Sala111aUm ! dit Fa; et le Afoh dit: Aldmmasala ! - Fa dit encore: Et, à la fin du troisième mois, Fa entre dans sa caisse où il s'enferme, et
Kalaji ! - Et le Mah répond : Laajia ! - Et Fa entre dans la chambre du la fille l'enveloppe dans les jolis pagnes, comme à son arrivée.
Mah et dit : maintenant, je vais partir pour un voyage. Je t'enverrai, par De nouveau, Lê.gba prend l'apparence dl'! la femme préférée de Fa, et va
ma femme préférée, une caisse. Mais il y a dedans quelque chose que les chez le Male : mon mari vient de rentrer de son voyage. Il te prie de lui
yeux des hommes ne doivent jamais voir. Ma femme te le portera, et il faudra envoyer sa caisse. Il viendra te voir dès qu'il sera un peu reposé. - Puis il
que tu mettes la caisse en un lieu où nul regard d'homme ne pénétrera. transporte la caisse chez Fa.
- Comment donc! dit le marabout, ne sommes-nous pas amis? Quand Six mois après, le Musulman décide d'aller coucher avec la fille. Il se lave
comptes-tu partir ? soigneusement, revêt le grand et beau boubou que Fa lui a donné en souve-
- Dans trois jours. Et je serai de retour dans trois mois. nir de son voyage, en ajoutant que le pays où il avait été n'était pas bon,
-- Très bien. - et trouve la fille avec un ventre énorme ... Il reste suffoqué, et demande
Le troisi~me jour au matin, de bonne heure, Fa entre Jans la éaissse et des explications à la fille. Elle répond qu'elle est aussi surprise que lui : je
s'y enferme. Alors L~gba, prenant l'apparence de la femme préférée ~e Fa, pensais que tous les ventres doivent devenir comme le mien. Je ne sais pas
va porter la caisse chez le Mah, en disant : 111011 mari m'a pri~e de vous du tout ce que j'ai là-dedans.
porter cette caisse, entourée de ces jolis pagnes. Il la reprendra à son Le Mafr court raconter toute son histoire à MEtalàji, qui est bien surpris,
retour. et lui recommande d'attendre l'accouchement, si grossesse il y a.
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SEIZE GRANDS SIGNES ET LEUR MESSAGE

Le jour de l'accouchement arrive ; et la fille de souffrir ... L'enfant, 'avant Sacrifice. Le Favi fait un vab en terre de barre ou en argile, à l'image de
de sortir, demande le nom de son père, comme font les enfants au ventre , . l'homme, le met dans une petite caisse avec des cheveux et des rognures
Le Mals cherche à comprendre, et ne çomprend toujours rien : ,la fille -se d'ongles, entoure la caissette d'une étoffe et empdrte le tout au temple de Loko
tait et·gémit. Alors il appelle Fa pour lui demander conseil. pour éviter dans l'avenir les mille désagréments que lui réservent les femmes.
Fa consulte, et trouve Abla-Mêji. Il demande qu'on apporte aussitôt un 2. Devise. Hwelexa nô z.ô kih yi zu a ; ku dô b:J, az.ô dô ba ! Le parasol ne
gigot d'antilope, afin d'en faire un sacrifice. Le gigot une fois apporté, il le pe~t rester ouvert pour entr~r dans la brousse ·; que la mort se replie [de
prend, le coupe en sept, puis il fait cuire les fnorceaux. Et il ordonne qu'on même j, que la maladie se replie !
aille porter un 111orceau à Mawu, un à Mr;talôfï, un à Miga, - en leur Légende. Au moment où le parasol et la bannière (asia) furent sur le
0

disant bien que c'est Fa qui leur envoie cela, et qu'il leur faut faire saala, point de descendre sur terre, ils allèrent trouver Fa pour lui demander s'ils
- un à la femme préférée du Mals, et un à la femme préférée de Fa, un seraient heureux dans la vie. Abla-Mi:.ji sortit, et Fa demanda un sacrifice
au Bokanô lui-même, c'est-à-dire à Fa, et le dernier à la parturiente, en lui au parasol, qui refusa de s'exéc-uter. Il fit de même avec la bannière, qui
disar.t que c'est Fa qui lui envoie cette nourriture. La femme reçoit la fournit.le sacrifice demandé. Cependant, le parasol, en refusant, avait dit:
viande, et le nom de Fa est prononcé près d'elle. Elle le fait répéter: qui moi, je sais déjà qu'une fois au monde, ma place sera· toujours au-dessus de
dites-vous ? Fa ? Est-ce bien cela ? Fa ? Fa ? - Et on lui répond : oui, la tête des che!S et des rois. - A quoj Fa répondit : pourtant, je crois que
Fa, c'est cela même, Fa: c'est Fa qui t'envoie cela. - Ah, c'est Fa ... - Et, ki. bannière aura une place encore plus haute, car elle a accepté de faire son
comme elle prononce le nom de Fa, père de l'enfant, celui-ci sort tout seul. sacrifice.
Et cet enfant est le portrait de son père. Ils vinrent tous deux au· monde. Et ils arrivèrent au début de la guerre.
Le marabout lui-même est surpris des circonstances de cette naissance. Au moment de partir en campagne, le roi du pays fit ouvrir sur sa tête le
L'enfant qui naît lorsque l'on prononce le nom de Fa ... 2 Cette ressem- parasol, et la bannière prit les devants. La guerre réussit mal au. roi, qui dut
blance ... s'enfuir à travers la forêt. A l'entrée de cette forêt, on inclina la bannière, qui
Il va porter à nouveau son affairé devant le roi M:.t:Jlôf"i. Celui-ci trouve passa sans encombre. Mais on n'en pouvait faire autant avec le parasol, qui
tout bien naturel, et gronde le Musulman, qui s'obstine à vouloir accuser s'en tira en fort piteux état. De l'autre côté de la forêt, la bannière apparut
Fa, son ami. nette comme au départ ; mais le parasol était tout déchiré.
Et voici qu'un beau jour, Fa convoque tout le pays, et le Musulman. Et Depuis lors, le parasol ne joue qu'un rôle épisodique lors des sorties des
il dit à tout le monde : maintenant, je vous ai appelé pour vous dire ceci. rois et des chefs, tandis que la bannière joue son rôle en. permanence ; on la
La femme du Musulman qui a mis récemment un enfant au monde, je vou- place au milieu de la cour, ou même sur les cases des vodu, et, lorsque le roi
drais qu'on l'envoie chercher. - Et la femme vient. Fa raconte alors tout part pour une guerre, elle marche en tête. Toutes les nations l'ont adoptée.
son secret, et explique qu'il n'appartient pas à un simple sujet de garder Mais, si le parasol joue un rôle effacé, c'est bien de sa faute !
chez lui une fille dans ces conditions ; .c'est là le. fait d'un roi seul. Et la Le Favi ne doit pas trop s'en croire, ni surtout proclamer sa supériorité.
fille a été engrossée malgré tout. Toute femme, conclut-il, même si vous
l'enfermez dans quarante cases et dans quarante boîtes, trouve tôt ou tard 3. Devise. L'eau d'un puits étroit, tu ne la prendras pas avec un grand
un homme. C'est un être en qui il ne faut jamais ayoir confiance, à qui canari. (Si l'orifice est trop étroit pour le volume du canari, on prend l'eâu
jamais il ne faut livrer un secret. Car les femmes ne font ,que des bêtises. dans une calebasse que l'on déverse dans le canari).
Cette devise représente le nom du Bokanô qui interpréta le Fa pour l 'oi-
1. Si l'accouchement est laborieux, la parturiente doit nommer à haute voix le père de seau Agbogbo.
l'enfant, p.our que ce dernier consente à venir au monde. Cet oisea:u était très méchant. Il portait sur la tête un petit cercueil (son
2:'- Croyance très répandue. De mêine en « Coutume Agni-Achanti » : « Lors des accou-
cimier). La maison où il entrait, _s'il y déposait ce cercueil, était assurée de
chements diIBtiÏes, la femme doit avouer si elle a eu des amants, cet aveu devant sauver s:i
vie et celle de l'enfant >>. (Archives du Bureau Politique, Côte d'Ivoire.) perdre sous peu l'un de ses habitants.
,..
1

LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SEIZE GRANDS SIGNES ET LEUR MESSAGE

Un joùr, Agbogbo se rendit chez Fa, et Fa lui dit : je te reconnais l Que nombre, et n'en laissèrent que treize en vie. Ce sont ces treize hommes qui
ton cercueil te reste collé à la,tête ! propagèrent la religion musulmane. Dans leur émotion, ils avaient crié :
C'est pourquoi, jusqu'à n©s jours, le cercueil est resté collé sur la t~te Salama ke kû ! 1 gui, dans leur esprit, signifiait : Fa a coupé la corde ! De
d'Agbogbo. là le Salam des Musulmans d'aujourd'hui.
Chant d' Agbogbo :
5. Tous les signes qui sont au monde, 5<.gbo-Lisa les a appelés auprès de lui.
Oli kolo mô de, Agbogbo !' Abla consulta Fa, qui lui dit de ne pas partir, mais de faire une cérémo-
A wa na? nie pour les Kutut~. Il resta et prépara, selon-les ordres de Fa, de quoi man-
N'wa e, ger pour les seizes du. Et les quinze autres du se rendirent à l'invitation de
N'wa, Agbogbo ! leur créateur.
A wa e a ? Ssgbo-Lisa s'étonna de ne pas voir Abia, et les autres signes expliquèrent
N'wa, Agbogbo ! la cause de son absence. S<.gbo-Lisa dit alors : c'est bon. Vous êtes tous
Olo kolo mà de, Agbogbo (YF) ! etc .. venus, mais je n'ai rien d'autre à vous donner qu'une igname à chacun.
C'est moi, cimier en tête, Agbogbo ! Coupez chacun la, vôtre quand vous serez rentrés chez vous, et préparez-la.
- Vraiment, tu es venu ? - Or, dans chaque igname, Ssgbo-Lisa avait introduit la vie, tout ce qu'il
- Oui, moi, Agbogbo, me voici faut pour bien vivre, pêle-mêle : bœufs, cases, femmes, enfants, parures,
- Vraiment, tu es venu ? chevaux, maisons, or, argent, terres ... Mais aucun des du ne le savait.
- Oui, moi, Agbogbo 1 me voici Avant de rentrer chez eux, ils passèrent chez Abia, qui leur souhaita une
bonne arrivée 2, et les invita à manger chez lui. Ils acceptèrent et, mépri-
On n'ose pas se moquer ouvertement de lui, parce qu'il est un chef sant le cadeau reçu, ils donnèrent leurs ignames à Abia. Puis ils rentrèrent
parmi les oiseaux : on se borne à reprendre ses paroles pompeuses. chez eux.
Le lendemain, Abla fit couper, pour la préparer, une igname par sa femme.
4. C'est pour aller voler dans le champ de Fa que les Musulmans sont
A peine le couteau fut-il -entré dans le tubercule, voici qu'un bruit étrange
descendus sur terre. Et voici comment.
en sortit, et toutes les richesses de Ségbo-Lisa. Et Abia fit ouvrir la seconde
Fa avait beaucoup de champs, et ses ré~oltes étaient abondantes. Comme
igname, et jusqu'à la quinzième ...
il faisait surveiller son bien, on lui rapporta un jour que des voleurs opé-
Or s~tbo-Lisa avait demandé aux du de re\'enir le voir après trois jours.
raient sur ses terres. Il constata lui-même qu'un vol avait eu lieu, et informa
Abia était devenu comme un roi. Quand il fut prêt à sortir pour se rendre
aussitôt Lëgba, à qui il demanda conseil pour arrêter les voleurs. Lëgba
à la convocation, on lui apporta de· nombreux chevaux, et un tamtam lui
réclama un cabri et trois morceaux de bois ayant déjà servi à allumer du feu.
rappelait sans fin qu'il n'avait qu'à choisir parmi tant de richesses. Abia se
Une fois muni de ces objets, Lêgba ordonna à Fa de se lever et de le suivre
mit en selle, et se rendit chez Segbo-Lisa. Et les autres allaient à pied ...
dans son champ. Ils allèrent ensemble, et chacun se mit à l!affût. Fa aperçut
Segbo-Lisa s'étonna : ah ça, n'avez-vous donc pas ouvert mes ignames ?
bientôt une sorte Je longue corde qui pendait du ciel vers la terre,
- Non, dirent les quinze du, nous ne mangeons pas d'igname. - Igno-
ve-rs sa propre terre. Des êtres faits comme des hommes descendaient le long
rants ! Abla était déjà roi, et vous -avez augmenté encore son pouvoir :
de la corde, et fussent sans doute repartis de même sans l'intervention de
~ba-di-msji (Y) : il est deux fois roi. Son royaume a doublé 1
L<.gba. En effet, lorsque toutes les créatures venues du ciel furent descen-
dues dans le champ, Lsgba, avec les trois morceaux de bois, fi't un feu sous
l'extrémité de la corde ; celle-ci prit feu aussitôt, et, le feu se propageant, r. Ke-'kii (Y), couper corde. (Jeu de mots.)
2. Do nu we ! a wa dagbe ar? Bonne arrivée! es-tu bien arrivé?
toute la corde y passa ... Personne ne put remonter, et l'affolement était 3· L'informateur ajoute qu'il doit s'agir des royaumes du jour et de la nuit, à qui !'Air est
grand parmi les voleurs. Les esclaves de Fa en assommèrent le plus grand également indispensable.
490 LA GEOMANCIE A L'.ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SEIZE GRANDS SIGNES ET LEUR MESSAGE 491
Chant et tamtam d'Abla : Les Kènesi lui dirent : tu vas porter la caleb.asse ou nou~ mettons tout
notre matériel à dépecer les humains. - Agbogbo répondit: d'accord!
:Jbala, gba i dudu I
Le soleil levant lui dit : tu vas tous les jours sonner ma trompette. -
Gûû .. !
D'accord ! répondit Agbogbo.
:Jbala,_gba i Jüfü I
Ogu lui dit: tu vas activer mon souffiet de forgeron. - Et Agbogbo répon-
Guu . . !
dit : d'accord !
:Jbala, prend~ ce qui est noir ! [la nuit] Le travail commença. Agbogbo portait la calebasse des Kènesi snr sa tête,
Guu. . ! sonnait la trompette avec son bec, actionnait le souffiet sous son aile ...
:Jbala, prends ce qui est blanc ! [le jour] A la longue, il sentit la fatigue l'envahir ... Il alla trouver Fa Aydagû pour
Guu . . ! lui demander conseil. Le signe A bla-MEji se présenta. Le sacrifice exigé se
comp.osait de trois plateaux de tête, trois chèvres, trois francs, trois fois
6. Devise. Abla-MEji ! Afafa yi ji ma no ha jahô kpo. L'éventail qu'on a deux cents cauris, -lesquels représentaient le montant de sa dette. Il refusa
élevé ne descend jamais sans rencontrer de l'air. de s'exécuter. Et c'est pourquoi, jusqu'à nos jours, il reste dans la servitude.
Akpalûtnduo, tel était.le nom d'un chef guerrier. Il partit se battre contre C'est pourquoi nous lui voyons un cimier sur la tête, en souvenir de la
Akpagftmba. Avant le combat, il alla consulter Fa, qui lui répondit par Abla- calebasse des Kenesi; c'est pourquoi, lorsqu'il vole, il fait: xâââ ... xàââ .. !
MEji. Le Bobnô lui demanda, en guise de sacrifice, les boubous rayés de ce qui évoque le son de la trompe ; c'est pourquoi le bruit de ses ailes :
rouge qu'il portait sur lui. Mais il refusa. Alors Abla-MEji lui dit : je suis vwaaa . .. vwaaa ! rappelle le bruit du souffiet 1 •
seul capable d'arrêter la guerre qui vient. Puisque tu ne veux pas m'obéir,
tant pis. Va, mais tu seras tué. 8. Abla-]im; ! Le palmier raphia Dz a trouvé ce signe en s'installant dans
Akpaleûnduo partit. La guerre lui réussit mal. Tous ses soldats furent la vie. Le vent lui causait beaucoup de tracas, et les hommes prenaient ses
tués. Il resta seul avec son chien. Craignant d'être tué, il se cacha sous un feuilles pour se vêtir. Et il n'avait pas d'enfants. Il alla donc trouver Fa:
tas de branches de palmier. Cependant son chien, ne pouvant l'abandonner, comment faire, demanda-t-il, pour devenir quelque chose dans la vie et trou-
montait la garde autour de lui. Ce qui ne manqua pas d'attirer l'attention ver un protecteur puissant ?
de l'ennemi. Un guerrier du parti adverse s'approcha, tua le chien, se mit à Et Fa lui dit de prendre une calebasse, deux colas, un pigeon, du savon,
fourrager dans les branches de palmier, et découvrit Akpaltiinduo. Il appela pour lui laver la tête, car «sa tête n'était pas bonne >>.Et Ds donna tout à.
aussitôt ses camarades : il est ici! Venez tous! - Et ils accoururent ... Fa, qui lui prépara un médicament et lui lava la tête.
On coupa la tête à Alepakiinduo, et chacun cria : akpa agha I Mô kps (Y) ! Autrefois, ceux qui prenaient des feuilles pour se vêtir les enfilaient à une
extrémité et s'en ceignaient.
J'ai tué !
Depuis ce temps, celui qui triomphe d'un ennemi et lui coupe le cou doit Cependant la mousse du savon, restée sur la tête de DE, adhérait à chaque
pousser le même cri. On faisait ainsi à Port.o~Novo 1 • feuille. Quand les hommes revinrent pour se tailler un vêtement, ils furent
bien surpris 1 Inspirés par LEgba, ils coupèrent les feuilles et découvrirent
7. Devise. Abla-MEji ! Agbogbo jE tà ljE (Y). Agbogbo était débiteur à ainsi le raphia. Ils décidèrent de porter du raphia au lieu des feuilles brutes.
Ifè. Et ils furent enchantés, et commencèrent à tresser et tisser le raphia. De la
Légende. Agbogbo, lorsqu'il vint au monde, souffrait perpétuellement. Il sorte, le raphia acquit une grande réputation, et de lui dépendent désor-
alla, dans sa misère, emprunter deux cents cauris au soleil levant, deux cents mais tous ceux qui s'en vêtent.
au Kenesi (mauvais génies), et deux cents à Ogu. Il était entendu que jus- De même, le Favi dont Abia est le signe améliorera son sort, s'il accom-
qu'au remboursement de sa dette, il se mettrait en gage chez ses créanciers. plit les sacrifices prescrits.

I. Légende douteuse, recueillie à Porto-Novo, inconnue ailleurs. 1. Même remarque que pour la légende précédente.
49 2 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE C6TE DES. ESCLAVES
LES SEIZE GRANDS SIGNES ET LEUR MESSAGE 493
Priere: Sexe : masculin. Aklà-MEji passe pour être un chasseur.
Figurations : indicielle
Cette prière en langue yorouba est la plus importante de ce signe :
1 1 1 1
Aka (ou ab) emô a l'awa dudu gh t'alw 1 1 1 1
bali cia-cia bataka ha bi ka li 1 1 1 1
îikà je n'wèaba je: 1 1
a difa fîi Uakpa mu ti a la aka
aja l'a de,
ésotérique (cf. fig. 41) c'est-à-dire deux profils semblables
aja mô (ou ma) de tâ, alaû wô kpa Liokpa mû je.
encadrés, en relation avec le culte des Jumeaux.

D'après J. D. Clarke :
Caracter istiquu.
A big male rat with black feet brings (something) from farm.
If he sees nothing to eat, he will be unhappy.
Aklà-Meji est le chef dt:s Jurpeaux; on peut même dire qu?il symbolise
We cast Ifa for Liakpa who yvent to farm.
les Jumeaux, c'est-à-dire un des mystères de la vie. Tous les Jumeaux qui
The dog can huntwell, he hunted man y things which Liakpacaught and ate.
sont auprès de Mawu dépendent de ce signe. C'est lui qui les conduit sur
terre. On signale à ce propôs une homophonie entre le nom du huitième
Interdits. signe et le verbe fan klii, signifiant séparer; le proverbe suivant, concernant
les Jumeaux, la met en valeur : e nô ja haha caba sô nô klà, la conception fait
Le Favi qui a trouvé ce signe dans la forêt ne doit manger ni poisson xwa,
les Jumeaux, et pourtant ils se séparent [pour naître] '.
ni fruitgusi-bala, ni boulés d'akassa enveloppées d'une certaine façon (afovi-
La parole .humaine fut amenée sur terre par Aklà, ainsi que toutes les
daguda ). Il doit éviterles_oiseaux wëlesuva (gendarme), agbagba, gàgà; aklasu;
langues du monde. Il est responsable aussi des excès de la parole.
les singesziwa et klâ; le rongeur glèzï; toutes les tortues, afin d'éviter le mal
Il a décidé que nul ne pourrait lier l'eau avec une corde.
de poitrine ; dà, tous les serpents; la, le crocodile, et tous les autres Taxasu;
Le bien que feront aux hommes les Favi nés sous ce signe ne leur vaudra
toutes les nourritures de Dà; le xla, l'éléphant, le léopard, l'antilope tE, le
aucune reconnaissance 2 •
coq, le serpent amanônu, le vêtement en raphia dwa 1 •
Aklâ est apparenté aux vodû Hahavi, Legba, Dâ, Sakpata, Xeviüso, Taxasu.
Ses principales feuilles liturgiques sont agaga-agû (Y) ou koklodêkpaje (F);
HUlTIÊME SIGNE : AKù-MEJI. kôlàma (F); weagba (Y) ou asabakâ (F).
Ses couleurs sont fe rouge, le noir, le blanc et le bleu. Il aime aussi ce
Noms : Aklâ-Meji, et parfois :Jkàlà-MEji, chez les Fon. Les Yorouba qui est tacheté.
disent :Jkàrà- ou :Jkàlâ-MEji, et parfois :Jtûwa, tu es revenu. :Jkàlà serait
une crase pour akâ-alà (Y), une seule parole, au sens de : la première parole 1. Jumeaux: ogbeji (Y), ohofo ou ahoho (Gü), boho ou hobovi (F), venavi (Gê).
est la bonne. 2. Ce signe s'est manifesté, par ailleurs, au debut de la guerre de 1914. C'est loi que trou-
va en consultation le << Roi de la Nuit » de Porto-Novo, le Zünà, qui raconte l'histoire :
j'allai aussitôt trouver le Gouverneur pour foi bien affirmer que les Français ne seraient pas
1. Dwo avec und rétroflexe. Dwo avec un d normal désigne le vêtement de raphia où
battus, et le rassurer. Ce jour-là, deux bœufs furent sacrifiés en l'honneur de cet heureux
le vodü " tue son épouse ,, et la « ressuscite ». Raphia, pronpncé dE, avec un d rètrofleir.e, signe. Un agent recenseur assistait à la cèrémonie, et· représentait le Gouverneur. -A Abo-
est l'homophone de de, signifiant : langue. La voyelle de dE, prière, est d'un ton légèrement mey, à la même époque, des bœufs et des cabris furent offerts dans les mêmes conditions aux
inCérieur.; celle de dE, père, est moins ouverte. divinités locales.
494 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE. CÔTE DES ESCLâVES LES SEIZE GRANDS SIGNES ET LEUR MESSAGE 495
Certains disent que le Bobnô prend alors son FafE, étale le ye et-inscrit le
Devists.
signe Aklâ-Meji. Si le sacrifice a été abondant, il l'inscrit trois fois, sinon une
r. Gà kpâ ntt mô nô nô klô. Si l'on soude deux morceaux de fer, on ne fois seulement. Il prend un peu de yE, les seize graines de VE et quelques
peut plus les séparer. plumes d'une volaille du sacrifice, et met le tout dans le sac akpo, dont il
Les ennemis ne pourront rien contre le Favi. ligature l'orifice. Puis il fixe un nouveau lien à la base du sac, par lequel le
2. Akla ca ! Aklâ co / consultant devra le suspendre dans la chambre de sa femme, l'ouverture
A difa fu ab a yi gba ku ab. ligaturée restant tournee vers le bas, et illustrant en permanence la devise dl.1
Aklâ ca ! Aklâ co (Y)/ signe.
Il a consulté pour la houe (ab), et personne n'entend dire que la houe Le Bobnô agit de même avec le second sac: il introduit un peu de poudre,
est morte. les seize graines d'aiiküii et quelques plumes dans le SEge, qu'il remet au
Ca I Co I. évoque le bruit de la. houè s'enfonçant dans le sol. Si fort que mari. Si la femme a été au Fazû, elle dépose le sege sur son Fa; sinon, il
l'on frappe, la houe ne se casse. pas. Aklâ passe pour avoir institué le rite de restera placé sur le Fa du mari. Si le mari et la femme ont leur Fa, le sege
la houe au Fa-zû. demeurè sur le Fa du mari.
3. Asi wël<. si mô nô je ala kpakpa home bo nô ci : bi ayi. L'eau dont on se Une fois cette cérémonie achevée, la femme n'avortera pas, et son
lave les mains, une fois tombée dans la paume, n'y reste pas : tout se accouchement sera normal. De plus, il est probable qu'elle aura des jumeaux;
répand à terre. même si elle n'en a pas, elle nommera l'enfant unique Agastt, nom réservé
Si le Favi apprend que quelqu'un veut nuire, - par magie, par procès aux enfants nés les pieds les premiers. Si les deux pieds se présentent
ou par tout autre moyen, - soit à lui, soit à ses enfants, soit à ses parents, ensemble, c'est un peu comme une naissance gémellaire.
il va voir un Bobnô et lui demande une recette qui confère l'invulnérabilité. 5. Un arbre abattu laisse deboùt une partie de son tronc.
Aklâ-lvlEji se présente-t-il? Le client peut être sûr, quoi qu'entreprennent Il reste toujours une trace de l'abatage tl'un arbre~ la base de son tronc
ses ennemis, qu'ils ne pourront jamais rien contre lui. Tout ce qu'ils feront et ses racines. Aklet.-MEji est un signe des Jumeaux, qui sont des vodû. Si
sera comparable au résultat obtenu en plongeant la main dans l'eau : l'eau l'un des Jumeaux meurt, la mère porte sur elle un objet de bois taillé à
glisse sur la paume ou s'évapore. De même, çe que feront les ennemis l'image d'un corps humain, et cette statuette reçoit le nom du mort. La
s'évanouira. statuette, comme le tronc et les racines de l'arbre abattu, sont des témoins.
4· Adakpo sakotwe ma nô si b do, bo nu vitô xo tô me tô nô jayi (pour je 6. Da mô nô hu aklaktt. Le filet de pêche ne prend pas l'hippopotame.
ayi). Le sac fermant à coulisse, s'il est retourné, son enfant [=son contenu J Le Favi échappera aux accidents de l'existence.
ne tombera pas sur le sol. 7. Le chasseur furieux a laissé son filet dans la brousse, et il est rentré
Ces paroles, que l'on dit souvent aux femmes enceintes pour les rassurer chez lui : que pourront faire, seuls, ses engins?
en cette période de moindre résistance, signifient : le sac une fois fermé, on Si le Favi a commis une faute et désire échapper au châtiment, il agira
aura beau le retourner, il ne se videra pas pour autant. L'analogie avec la par tous les moyens pour changer l'opinion de son juge. S'il exécute bien
femme enceinte est claire. le sacrifice prescrit par le Bobnô, Leg1Ja, satisfait, ira aussitôt enlever au juge
Si le mari d'une femme enceinte de plus de trois mois, consultant Fa au son intention de punir, et celui-ci ne pourra plus rien contre le coupable.
sujet de pertes de sang dont elle souffre, trouve ce signe, le devin lui dira de De même le chasseur, animé des pires intentions vis-à-vis du gibier : s'il
préparer deux sacs sakotwe (en ancien fon : iiôgwîï), dont un sera plus petit ne voit rien passer, force lui est de rentrer bredouille à la tombée de la nuit,
que l'autre, et qui pourront contenir : le plus petit seize graines d'ajikwi, le avec tous ses engins. La nuit n'est autre que L<.gba qui a désarmé sa colère'.
plus grand seize graines de VE. Le premier se nommera sege, le second akpo 1 •
r. Deux autres devises ont été données supra, chap. 1v, p. 125.
r · L'informateur montre un segs attaché à sa ceinture magique, parmi d'autres talismans.
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SEIZE GRANDS SIGNES ET LEUR MESSAGE 497
Restaient douze calebasses. Une d'elles devait rester entre Mawu-ji et Lisa-
Légendes. ji, une entre Lisa-ji et Vovolivwe, une entre Vovolivwe et Xu-ji et une entre
Xu-.ji et Lisa-ji.
r. Gbeta nu kù do klà à. Là nukiï. ka do klà à. Ma lô nu nu vivi nu we nu Restaient huit calebasses : il fallait les disposer symétriquement au milieu
asa Së-gbe naiii (pour iii ayi) o. L'œil du chasseur se fixe sur les animaux de toutes les autres.
sauvages. L'œil des animaux sauvages se fixe sur le chasseur. Il ne faut pas Et un homme devait se cacher près de chaque calebasse, sans bouger.
se réjouir et laisser tom ber à terre la parole de SE ( Mawu). Or la réponse de Fa aux singes leur avait fait défense de jamais souffler
Ces trois Bokanà - b'Jlu, b'JyE, b'JcE - consultèrent pour tous les singes mot de leur affaire aux hommes, et de jamais se lever devant ceux-ci avant
venus dans la vie. Leurs jambes ne leur permettaient pas, alors, de se mou- le seizième jour, sous peine d'échec.
voir. Ils se traînaient par terre et ne pouvaient monter aux arbres. Ils se Dans leur joie de pouvoir se lever, les singes se mirent à marcher. Et ils
réunirent au complet, constatèrent que leur vie était mauvaise : il faut, se répandirent dans la forêt en marchant. Et quand ils rencontraient des
dirent-ils, que nous allions consulter afin d'améliorer notre sort. gens, ils se remettaient aussitôt à ramper. Et ils se taisaient.
Et ils allèrent dans la maison des trois prêtres : nous n'avons rien à man- Bientôt il ne resta plus qu'un seul jour avant l'ablution finale. Et, le sei-
ger ... Nous n'avons même pas de fesses pour nous asseoir ... Nous restons zième jour, les singes entrèrent tous ensemble dans la forêt, et ils trouvèrent
couchés sur le côté .. : les calebasses des hommes, contenant des fruits. Et les hommes étaient
Les prêtres prirent leur Fa et dirent : nous allons voir. - Et ils consul- invisibles derrière les arbres, près des calebasses.
tèrent, et trouvèrent Aklâ-MEJÏ, et leur dirent de se procurer tous les fruits A ce moment le singe Lwe appela le singe Xa : dis donc, Xa, regarde !
qu'ils trouveraient, deux poulets, deux calebasses, deux petites jarres hohoz} Vois ce que nos Bokanà ont fait pour nous! Tout va bien. Maintenant il y a
(agasu et agasa ), deux asê hohosè (ou dosuse); ils feraient alors pour eux un de quoi manger, dans notre forêt. - Et Xa d'accourir, de se réjouir, et
sacrifice qui les rendrait ensuite semblables aux hommes. Les singes se d'appeler Klà, qui appela Takld, qui appela Zïwo, qui appela tous les autres
réjouirent et chacun se mit en quête des fruits demandés. Quand la cueillette singes : il ne reste plus qu'un jour d'attente, avant que nous puissions nous
fut terminée, ils en apportèrent le produit aux trois devins. Et ceux-ci en lever tout à fait, et devant tout le mon'de 1 - Et Xa se leva. Comme Lwe
firent pour les singes un sacrifice, puis ils dirent : «maintenant, le sacrifice lui en faisait reproche, Xa dit: mais non, c'est fini, nous pouvons faire ce
est fait. Prenez ce médicament, et servez-vous de lui pour vos ablutions que nous voulons l - Et de marcher de plus belle ... Et tous les singes
pendant quinze jours de suite. Le seizième, vous trouverez tout ce qui l'imitèrent, marchant et chantant :
vous manque, et vous serez en tout comme les hommes, et tous vos muscles Mon SE a dit que je me lèverai demain,
s'exerceront normalement )).
je me lèverai demain,
Les singes, tout heureux, emportèrent le médicament chez -eux. Ils étaient oui, je me lèverai ...
très nombreux, et se ruèrent tous ensemble sur les fruits de la forêt, si bien
qu'il ne resta plus rien pour les hommes. Ceux-ci, inquiets de l'attitude Et les hommes regardaient tout cela. Et soudain, tous les hommes se
nouvel1e des singes, allèrent consulter les trois devins. Et ils trouvèrent le levèrent : c'est comme ça que vous faites! Vous êtes velus, vous n'êtes pas
même signe que les singes. Fa leur dit : prenez deux poulets, deux cale- comme nous. Si vous deviez devenir nos pareils, nous aimerions mieux
basses, et tous les fruits que vous trouverez. Je vous préparerai un sacrifice. retourner auprès de Mawu ! etc ..
Et ce sacrifice, deux personnes le porteront. - Les deux calebasses furent Et les singes restèrent à moitié hommes, avec des fesses à peine ébau-
cassées en seize fragments où !'on installa les fruits les plus appétissants. chées, une figure à moitié rasée, des membres à peine faits à l'image des
L'un des hommes devait poser un des fragments à Mawu-ji (ouest) et se hommes ...
cacher à proximité. Un autre devait en porter un à Lisa-ji (est) et se cacher Et tous se mirent à crier : Klà WE ! Klà Wë /.c'est Klà [le fautif] ! Et Kfà
tout près. Un troisième et un quatrième à Vovolivwe et à Xu-ji (nord et sud). riposta : Aklà WE ! c'est Aklà [MEji] !
Institut d' Ethnologie. - Bernard MAUPOIL. ll
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SEIZE GRANDS SIGNES ET LEUR MESSAGE
499
2. En ce temps-là, le Ciel (oke Y) était très proche de la Terre (ilë Y), 3. Xwioso est venu au monde sous ce signe.
comme le peuvent être plafond et plancher. A ce moment, il n'existait pas, Au moment où il vint au monde, il n'était qu'un petit poltron. Il avait
comme aujourd'hui, de grands hommes ' sur terre. Tous les êtres humains peur d'un coq qui chante, d'un cabri qui bêle. Il tremblait pour un rien.
étaient des nains ( wo). Terre et Ciel étaient amis. Ils allaient à la chasse Il comprit de lui-même qu'on ne pouvait vivre dans des transes pareilles
ensemble. Et toujours ils prenaient du gibier, qu'ils se partageaient ensuite. et alla consulter Fa. Son Bobno se nommait Afeke. Il découvrit en fouillant
Lorsque Terre avait tué du gibier, elle en donnait une part à Ciel, et Fa le signe Aklii-M<.JÏ et prescrivit à Xwioso de faire un sacrifice : deux
réciproquement. cent une pierres du Tonnerre (so-l(pê), une sacoche, deux chèvres, trente
Un beau jour, en cours de chasse, Terre tua un rongeur gbeja (<.mô Y). fois cinquante centimes et trois fois cinquante centimes (seize francs cin-
Le moment du partage arrivé, ils firent du corps deux parts. Restait la tête. quante).
Terre dit : c'est moi l'aînée, je prends toute la tête. - Ciel dit : t)l oublies Les pierres furent mises dans la sacoche que le prêtre donna à Xevioso
que je suis plus grand que toi. Donne-moi cette tête et n'en parlons plus. apres le sacrifice. C'est elle qui devait constituer sa puissance.
Dispute. Ciel se mit en colère. Il s'éloigna de Terre. C'est pourquoi, En effet, dès que Xwioso eut ces objets en sa possession, ses yeux chan-
depuis lors et jusqu'à maintenant, il demeure si loin de Terre. gèrent de couleur, le courage lui vint, les gens s'enfuirent même à son
Quand Ciel se fut retiré, Terre devint aride par manque de pluie. approche.
Quand Terre fut aride, le maïs cessa de germer, les femmes enceintes ne Depuis, lorsqu'il se met en colère, et su!'tout si on le provoque, il plonge
purent plus mettre au monde leur progéniture. Les hommes allèrent trouver les mains dans la sacoche et lance ses pierres.
Terre et lui dirent : pour apaiser ton ami, va donc tuer un autre gbeja, C'est ainsi qu'il devint un personnage courageux et redouté de tous.
et envoie-le tout entier à Ciel.
Et Terre tua un autre gbeja, et invita tous les oiseaux à le· transporter
Interdits.
jusqu'à Ciel. Seul, l'aklasu put effectuer ce transport. Avant de le laisser
partir, on lui fit une promesse : à son retour, on lui bâtirait une maison sur Ceux des Jumeaux : manger de la viande de singe, car le singe person-
la Terre. nifie les Jumeaux dans la forêt; le chien; nakiblabla, attacher les fagots de
L'aklasu transporta le gbeja jusqu'à Ciel. Avant même qu'il fût de retour~ bois, car on dit d'un jumeau mort : e hwe nalû ba gbe, il est parti chercher
la pluie tomba. Il pleuvait lorsqu'il se posa à terre. Personne n'eut le temps des fagots là-bas.
de s'occuper de lui. Et tant que dura cette pluie, tous ceux chez qui il Ceux d'Aklà : l'akassa enveloppé dans des feuilles pliées d'une certaine
chercha à s'abriter le mire11t à la porte. façon (alavi-do<gttdo); toucher la liane agbii-kà; le chien, le coq, le léopard,
Il dit alors : vous n'êtçs pas fidèles à votre promesse. Mais mes deux ailes l' aklasu, le buffle; les haricots akpakt7, du moins chez les Fon; couper du
me suffisent pour me protéger de la pluie. - C'est pourquoi, jusqu'à nos bois de roko et le faire brûler.
jours, on ne voit jamais l'aklasu se cacher quand il pleut. Il monte· sur des
bûchettes qu'il entasse lui-même, et, les ailes entr'ouvertes, reste jusqu'au
NEUVIÈME SIGNE GuDA-M<-J!.
bout sous l'averse. Et il pense : lorsque la pluie cessera, j'édifierai une mai-
son pour mon 5<.. - Et, lorsque la pluie cesse, il dit : à quoi bon faire une Noms : Guda-ME.ji chez les Fon, en yorouba Ogüda-M<.ji. Les Fon
maison ? N'y a-t-il pas des maisons pour moi dans tous les arbr.es ? Mon- nomment encore ce signe : Gu&1ji (cf. deuxième devise). Il représente le
trm1s plutôt nos ailes au soleil. - Et il ouvre grandes ses ailes, pour les vodû Gu.
sécher 2 • L'étymologie suivante a été proposée : Gu, vodil du fer, et par dérivation
r. M.-à-m. : d'hommes longs. de la guerre, et da, partager, trancher, diviser. Guda-M<.JÏ signil1erait donc:
2. Comp._P. BoucHE, op. cit., chàp. xu, pp. 222 : «Le Cid et la Terre en discussion pour Gu a partagé en deux. Autre étymologie : Ogu da <.ja 1nzji (Y), Gu a par-
un èmo ». (conte nago). tagé le poisson en deux; ceci fait allusion à une légende de Guda.
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SEIZE GRANDS SIGNES ET LEUR MESSAGE 501
500

Par ailleurs, gii évoque en yorouba l'idée d'érection. Agit-do est employé liss, le chien, le coq, l'usage de piler l'igname, l'alcool, le chien sauvage
dans le Bas-Dahomey au sens de : membre viril. (ziïvzî), l'oiseau agbogbo.
Sexe : masculin. Ses feuilles préférées sont diji (Y) ou liji (F) ; l~peleogil (Y) ou aiiâmèi
Figurations : indicielle (F) ; ayikiïszw1 (F).
1 Ses couleurs sont le noir, le rouge, le blanc.
1 1

1 1

1 1
Devises.
1 1 1 1
r. Ati kpe gu ma j;i lo. L'arbre qui a rencontré le fer n'a pas eu une bonne
naissance.
érntérique (cf. fig. 42) c'est-à-dire un poignard. Le Favi doit tromper par un sacrifice la mort qui le menace.
2. Gu e d;iji le ws no du ab;i ci-no. Le couteau qui atteint la vieillesse

Caractéristiques. mange le cadavre d'afo(l'épi de sorgo).


Si le Favi triomphe de la mort, il vaincra ses ennemis.
Guda-Msji régit, comme Gu, tous les métaux noirs, tout ce qui est en Sacrifice : couper les épis de sorgo au couteau, et les ramener chez soi
fer 1 les travaux de forge. Il a la nature du Feu. Il s'occupe aussi de l'arc dans un panier; ajouter un spécimen de tous les fruits que le couteau peut
et de la flèche. Considéré comme un signe dangereux, il « commande » le couper : orange, patate, igname ... Le devin tue un cabri, pile quelques
membre viril, les testicules, l'érection, le sperme (tesre-si) et détermine jus- graines de sorgo dont il mélange la farine à quelques pincées deys, déchire
qu'à un certain point les mœurs relâchées et les maladies vénériennes 2. un morceau d'étoffe blanche, en enveloppe le manche du couteau et le remet
C'est sous ce signe que Xœioso descendit sur terre i, Gu et Xwioso, disent au Favi, qui pourra l'orner de perles et le déposera sur son Fa. Tant que
certains BokJ11à, sont d'ailleurs non seulement comparables, mais presque cet objet restera en place, son possesseur triomphera de ses ennemis.
identiques, sauf en ce qui concerne la manifestation de leur colère. C'est 3. Gbet;i si mo no ke-ake ·w; ga do là wu. La femme du chasseur ne crie
pour cela que tout ce que l'on fait, soit sur terre, soit sur mer, Xwioso pas sans raison; la flèche [de son mari] a pénétré le corps d'un animal. (Le
le voit. Il peut, ou que soit le coupable, l'atteindre et le châtier. La foudre cri du chasseur qui a atteint le gibier est : ]aloooo ... xayo !)
de Xsoioso ne manque jamais son but. Le désir du consultant sera réalisé.
L'humanité doit à Guda la notion de partage, de découpage. A ce point Rythme de « tamtam » :
de vue, on dit souvent qu'il préside aux accouchements, et d'aucuns affirment Guda gbàiï
qu'il fait venir tous les enfants au monde. Mais il serait faux de dire que la giï !
décapitation est du domaine de ce signe : il n'en est que l'instrument. Guda gbàzt !
fraternise avec LEgba, les vodii Lisa (dont la couleur est blanche), Ags (qui Guda gbàii
est un chasseur), Dà, Gu, Kc, T;ix;isu, Hoho, Xsvioso. te !
Guda a introduit sur terre la tortue logoz.o, les serpents, le fruit de l'arbre gbâzî !
Tete!
r. On voit, sur les représentations en terre du vodii Gu, des asë de fer, des Gubasa, des cou- Tete gbâii
teaux, des lames de rasoir, et nous avons remarqué une fois les restes d'un vieux pistolet. te !
2. Gw/a-1vfrji correspond en géomancie européenne à Cauda Draconis.
3. Nombreux sont les signes qui revendiquent l'honneur d'avoir présidé à la naissance d'un gbâzî (Y)!
vodii. li n'y a pas là contradiction : le panthéon de Xwioso est multiple, comme il a été dit
(supm, chap. rn, p. 73). Par ailleurs, Xwioso est un symbole de force. Gbàü, giï et te évoquent l'idée d'érection. Le Favi doit offrir en sacrifice
502 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SEIZE GRANDS SIGNES ET LEUR MESSAGE

un objet phaliique en fer, dont il ornera son LEg_ba ou qu'il portera sur les Ba e nê. Bo sa xa tii, yi wa ni gbe to, bo fa adogànu hkpstE fa hwe kàyi xa
reins. fou.
4. Atî do tata no sa ali vo a. Le bois recourbé ne craint plus rien du J
[L'antifope Agbâli jette son cri à Ifè, et les gens meurent. [Le « hibou l> J
rein. Le Favi, n'ayant plus d'érections, ne risque pas de se fatiguer les reins Agbigbi jette son cri en cette vie, et les gens meurent. Ce [signe J a consulté
[par le coït]. pour[le vodüJ Ags, et lui a dit de venir faire un sacrifice, sans quoi il ferait
Sacrifice prescrit. Le Favi donne un petit arc de fer (gâ-da) à son devin du bien [à autrui] sans l en tirer de quoi] manger : des jarres cassées, des
qui immole sur l'objet un bouc, ou, si le consultant est pauvre, un coq. flèches, des volailles, un cabri. Et il refusa [de faire son sacrifice].
5. Gu e gla e WE nà go, gb'J hü nà tô. Le couteau tranchant coupe, et le [Cette antilope J A,gbâlï jette son cri it Ifè, et les gens meurent. [Le roi]
sang sort. M stalôfi ne sait comment faire pour la chasser [du pays J.
Le Favi sera très puissant et réussira dans la vie. Ags [lui] a dit : qu'on me fasse une maison ronde, et qu'on m'y enferme,
6. Hwiso e yi gleta, bo xo zu la, e na wa hwe; e sa nà ma xo la, e na wa et qu'on me donne une fl~che, et qu'on rassemble tout le pays.
hu·e. Si la machete est allée aux champs, et a coupé les herbes, elle reviendra Et [Ags] lance la flèche et dit [aux gens] d'aller regarder, que la marque
à la maison; si elle n'a rien coupé, elle reviendra [aussi] à la maison. [blanche du pelage J située près du cœur [ d' Agbiili], c'est là qu ïl a lancé sa
Gu a de la chance. Le Favi aussi. flèche. «Je l'ai tuée! »
7. Guda gâà : LEgba Adigbâ ne sisi mo nà hwedo to yo mE ! Guda entre en On alla voir, et c'était vrai.
érection : si la verge de LEgba Adîgbà entre en érection, tous les vagins du «[Le hibou]Agbi,![bi qui jette son cri, dit[encore Age], c'est à la gorge que
pays en seront pénétrés ! je lui ai lancé ma flèche. » On alla regarder, et l'on regarda, et c'était vrai.
Le Favi, dont les fonctions sexuelles sont actuellement normales, est Le pays vint tout entier et dit: << celui qu'on enferme dans une maison,
menacé d'une prochaine déchéance. (Même sacrifice qu'en 4.) et dans une case où n'existe pas de porte, et qui tue la chose [qui est] au
8. Ati gbo tue nô vh da do (ou da do e novh). L'arbre coup..é et trans- dehors, si on ne le chasse du pays, il tuera [mêmeJ le roi. »
planté ressemble à sa racine initiale. Et on le chassa. Et [il] fit sa propre maison, alla la faire en lisière de la forêt,
et prit les jarres cassées, [les] prit [et les] enfonça dans les [murs de sa
Légendes'. maison.
Ag:. a refùsé de faire son sacrifice. Tout le bien qu'il a fait aux hommes
1. Agbàli WE nà fà do FE, b'J mr; no ku. Agbigbi WE no fà do gbe, ba mE nà
ne lui a été d'aucun profit. Au contc1ire, L:.gba le fit chasser du pays. C'est
ku. E kà nu Agr;, bo da e wa sa va, e ta wa dagbe ba gba dudu : adogànu h-
depuis lors que les murs de ses temples sont incrustés de jarres cassées.
kpE!E, ga, koklo, gba. Ba e gk Le Favi fera du bien à ceux qui l'entourent, mais n'en tirera aucun profit
Agbàli e no fa do FE, b'J rnr; no ku e a. MEtalàfi e tu. u le na wa gbê bo ne le a.
s'il n'accomplit p~is le sacrifice nécessaire : des débris de Jarres, un coq, un
Ags ka da : e blo amlî-xa dokpo nye bo sa emi de mE, b'J na ga dokpo ani, bo
cabri, sei·ze tl2:-:h2s, rn1 petit arc, un carquois (g:;) 1 •
nu e do to gbe sa.
Ba e ss ga, bo da e yi kpà agbali a, hwE e do hü-tà wule (ou we ), ws emi ss 2. Devise. Kpiiti ! ms ji eka sï ? Esï do Guda kpo Msji kpà ji (YF).

ga do. « E mi ko hwi ! » Kpiiti ! qui cherche le combat? C'est au tour de Gu de lutter contre MEJÏ.
E yi kpo, b'J e iii nu-gbo. Mstalôfî a une fille, Mcji. Si on lui propose un mari, elle demande à
« Agbigbi e no fâ le a, e da aca ji ws e mi SE ga do ni.» E yi kpà, ha e yi lutter contre lui. Le premier qui arrivera e.n luttant à la faire tomber, elle
kpô ba e ni nu-gbo . l'épousera.
To hi wa kpûe, ho da ji « me e nà sa do xams, b ali ma do xa la u a le, b'J Et chaque fois elle fait tomber son prétendant. Son père s'étonne : corn-
e nà hu nu do wexo e, e ma nè si to mr; ala, e na wa hu axasu. »
r. L'usage de. l'arc, tombé en désuétude à Abomey, est encore fréquent dans la région
r. Cf. autrelégende de ce signe, supra, première partie, chap. v, p. 176.
d' Allada. Un concours de ce tir serait une réjouissance populaire très appréciée.
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLA YES LES SEIZE GRANDS SIGNES ET LEUR MESSAGE

ment? ma fille va rester ainsi sans mari ! Appelez-moi tous les gens d'Aja, Fa répondit : attends un peu; quand ce trou sera à sec, nous partagerons:
de Ke, de Htl, d'Ap '. Il est très poissonneux.
Et les quatre rois, Aja-x:Jrn, Ke-."osu, Hit-x:Jsu, Ap-x:Jrn, vinrent avec Mais ils ne trouvèrent qu'un seul poisson.
leurs paysans. Aja-x:Jsi-1 commença la lutte, et tomba; puis elle fit tomber Et Na de protester : il est à moi, car le trou à poissons m'appartient. ·-
tous ses paysans. Et Ke-x:Jsu, Htt-X:JS/l et Ap-X:JS/I durent subir le même Il est à moi, répliqua Fa, car, sans ma calebasse, tu ne l'aurais même pas
sort. vu.
Gu apprit la chose, et demanda à Fa Ayideg1i : sur quel du (du h ji) me Discussion. Chacun s'empare d'un bout du poisson et tire ...
trouverai-je pour faire tomber cette femme et l'épouser? - Fa lui dit : Or en ce temps, le vodü Gu avait déjà consulté Fa, et fait son sacrifice, et
apporte un coq, de l'akassa, de l'huile, une calebasse, un pigeon, une corde reçu de Fa un gubasa qu'il ne quittait plus. Et Gu, le chasseur, vint à passer
ajrakà, des pièces de tissu. - Gu alla tout chercher. Sur la corde, Fa enfila à portée de voix de la querelle, et entendit Na et Fa.
des perles, des morceaux de pagne, des plumes de pigeons. Et il accomplit Et Gu régla la dispute en disant : Na, tiens bien le poisson par la queue;
le sacrifice, prit le coq, et mit des feuilles sous ses ailes. Il rendit la corde à Fa serre-le à la tête, et fermez tous les deux vos yeux. Je vais vous mettre
Gu, qui s'en ceignit : si tu veux partir, Gu, laisse le coq à la maison et d'accord. - Et Gu, avec son gubasa, trancha le poisson en deux. Puis il
garde la corde autour de tes reins. dit à Na : prends la queue pour faire le sacrifice qui te procurera des
Gu partit et défia la jeune fille M<.ji. Et MEji et G11 entrèrent en lutte. fesses. - Et il dit à Fa : prends le reste pour faire le sacrifice en l'honneur
Mais la corde de Gu se rompit et glissa jusqu'à terre, et MEJÏ s'y prit le de ta tête. - Ce qui fut fait. Et aussitôt, la queue du poisson vint se
pied et tomba. Alors le coq se mit à battre des ailes et à répéter : Gbo gbo plaquer au bas des reins de Na, qui fut ainsi pourvue de fesses, ce qui lui
gbo 'gbo, Guda m9ïiiii ! permit de s'accroupir pour accoucher. Et la tête du poisson fut sacrifiée à la
Gu da MEJÏ : Gu a épousé MEJÏ ... tête de Fa qui désormais put voir partout.
Et, depuis lors, les coqs chantent cet événement. C'est depuis ce temps que l'on dit : Gu da aja-MEji, Gu a partagé en
deux le poisson.
3. Guda-1'v1Eji fut trouvé par Na, vodîi, mère de Fa, qui n'avait pas de
fesses, et que nul ne voulait épouser parce qu'elle ne pouvait pas accoucher. 4. Devise. 0 gbs no gble nü ad:Jwe nà do az.i wiwi (F). La vie ne sera
En ce temps, Fa ne voyait pas au loin. Il ne connaissait que l'immédiat mauvaise pour le Favi que si l' ad:Jwe (le pique-bœufs) pond des œufs
et ce qui se passait là ou il se trouvait. Il consulta Fa de son côté, afin noirs 1

d'avoir un don de prédiction plus étendu, et trouva Guda-Msji qui lui Agbogbo nia fo !aga jigi ls gà (Y). Quand vole Agbogbo, on entend le bruit
demanda un poisson en sacrifice. de ses ailes.
Fa dit aussi à Na de prendre un poisson pour l'offrir en sacrifice. Les deux Bobnà qui fouillèrent Fa pour TEla, fils du roi, se donnèrent
Or Na possédait un trou à poissons (t:Jgodo) près de sa case. Et Fa pos- pour l'occasion ces deux noms.
sédait une calebasse. Fa prit sa calebasse, chercha du poisson partout, et ne Autre devise de la même légende :
trouva rien. Il remarqua, auprès de la demeure de Na, un trou plein de E)'s nia fo gbayi,
poissons, s'y jeta, et se mit à écoper l'eau avec sa calebasse pour mettre EJs nia ba gbayi,
les poissons à sec. Na, qui n'avait pas de calebasse, protesta. Il répli- agbogbo ni wàlâ,
qua : le Bolè:JniJ que j'ai consulté m'a demandé un poisson en sacrifice.
jo laga ;ïii, !aga jigi lsgà;
Il faut me laisser tranquille. - Na s'écria : moi aussi, mon devin m'a a difa fü Tolo, ti n'cawo nie igbo Wele.
demandé un poisson, et je n'ai rien pu trouver, car je n'ai pas de cale- Otolo jE, otolo mif, otolo fizss hsE;
basse.
1. Les plumes du pique-bœufs (leke-lelle Y) servent lors des cérémonies de Lim, dont la
couleur favorite est le blanc. L'œuf de cet oiseau est, comme lui-même, tout blanc.
r. Supra, première partie, chap. m, p. 65, n. 2.
l
506 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SEIZE GRANDS SIGNES ET LEUR MESSAGE
1

moco gû JdiJ 1
de mettre la ville à sac, et de ramener le butin à Duduwa. Or, le jour où
woli mi emike Jkpa ada (Y). Ogu Badagli entra dans la ville, il aperçut une femme qui était très belle.
Le grand oiseau [agbogbo] vole avec force, avec d'amples gestes, Comme elle venait juste d'avoir ses règles, le chef d'armée la posséda. C'était
le grand oiseau passe, avec d'amples gestes, la fille du roi d'Igbo, et elle était au nombre des captives.
agbogbo est embarrassé par sa taille, Or tout le butin devait être ramené à Duduwa. Mais Ogu Badagli se
il vole lourdement. réserva cette femme. Des rapporteurs allèrent trouver Duduwa, qui ordonna
[Ces quatre devins) ont consulté Fa pour 1àlo, devin de la forêt de au chef de lui amener la captive. Et Duduwa, lui aussi, la trouva très belle;
il coucha avec elle, et elle resta chez lui. Et voici qu'au moment de ses
Wele.
r~gles, aucun sang ne vint, mais à la dixième lune elle accoucha d'un garçon-.
Et Tolo a mangé, Tolo a"bu, il a marché en levant deux pieds à la fois;
il est resté vingt ans Cet enfant était bicolore, car le chef de guerre avait la peau noire, et Duduwa
avant de revenir dans sa forêt. avait la peau rouge. Aussi l'enfant eut-il la partie droite du corps noire, et
la gauche rouge.
Légende. Un fils du roi d'Aya, nommé Trda, avait été mis en gage. Et l'on nomma l'enfant Jlaynà.
Voulant se marier, il avait emprunté l'argent de la dot, et s'était mis en Prière (inintelligible à Ilorin, non traduite à Abomey).
gage chez son créancier, jusqu'à remboursement de son dû par son travail La prière suivante est considérée comme fondamentale
aux champs. Son créancier le faisait beaucoup souffrir. Voyant qu'il n'arrivait
pas à s'acquitter rapidement de sa dette, Tda invita les oiseaux Lelœ-Leke et Alagba sa o awo aju ati itakü kpaJra
Agbogbo, qui étaient Babalawo avant d'ètre oiseaux : comment faire, leur E wo Efô diJ a di fa f ü iciâ.

demanda-t-il, pour payer ma dette et redevenir libre ? - Les Oiseaux Da le we icia ninka nikà mi ttkû
répondirent : il faut faire des sacrifices. - Les sacrifices furent faits. Alors ta/J aJWJ da fû eci (Y).
les Oiseaux ajoutèrent : nous avons vraiment constaté qu'on te fait trop Interdits.
souffrir. C'est tout jus te si l'on t'offre à manger ! Pour que la chance et la
richesse que nous allons te donner te soient définitive1nent acquises, pour Logozo, le chien sauYage, l'antilope agbâlî, le crocodile, les serpents, le
que tu ne dévoiles leur secret à personne, il faut que tu achètes encore fruit de l'arbre liss, les oiseaux ago.-xs, leke-leke; agbogbc, le coq, le chien;
deux cabris pour les sacrifier à Fa. l'igname pilée (agu), l'alcool, le manioc (agbalaguda Y).
Mais le fils du roi n'acheta pas les deux cabris. Il retourna aux champs Les poulets offerts à Guda doivent être décapités, à cause de l'idée de
de son maître, travailla la terre, et découvrit un trou qui contenait de l'ar~ division incluse dans le nom mème du signe. Guda défend de plus à. ses
gent. Il prit celui-ci. Vite, il se prépara un bon repas, acheta de l'alcool, Favi de danser hors de la maison, de porter le vêtement goda (sorte de
invita ses amis, et se mit à parler de ses mésaventures; tant et si bien qu'il cache-sexe qui passe pour provoquer la colère); certains s'abstiennent même,
dévoila le secret de ses relations avec les Oiseaux. Et ses amis troublèrent sa à Abomey, de porter certaines culottes (cokoto caka). Guda interdit de creuser
p.1ix en l'entraînant à des dépenses ruineuses. un trou ou une fosse, de laisser un objet de Gu (fusil, couteau) auprès du
S'il avait offert les deux cabris demandés, ce deuxième sacrifice l'aurait lit.du Favi, de porter un couteau ou un poignard.
empèché de dévoiler le secret à ses amis.
Et Agbogbo dit à Ela : voilà, ce qui t'est arrivé, tout le monde l'a su, de
DIXIÈME SIGNE : SA-Mo.Jr.
même que tout le monde sait quand je voie. Mais ta malchance vient de ton
indiscrétion, et non de nous. Noms : Sa-Msji chez les Fon. Les Yorouba disent :Jsa-ME/i, et parfois
5. Ogu Badagli était le chef de l'armée de Duduwa. Avec son armée, il Oji-:Jsa. Trois étymologies sont proposées : sa (Y), la fuite, au sens de :
partit contre la ville d'Igbo (actuel Nigeria). Cette expédition avait pour but course vers la fuite. Sa (Y) signifie aussi aérer, a11 sens de : vanner; car,
508 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SEIZE GRANDS SIGNES ET LEUR .\IESSAGE

autrefois, les signes de Fa ne connaissaient pas l'air de la vie. C'est ce dunô Sa commande le sang, l'ouverture des yeux, les intestins. Cette dernière
qui les « appela )) tous, qui les inscrivit, les mettant ainsi en contact avec attribution aussi le rend redoutable.
l'air. Enfin et surtout, les mots asa-meji (Y), signifiant deux cmsses, Sa fait couler le sang. Tous les Kèwsi se répandirent sur la terre grâce à
évoquent les organes feminins, que Sa-Meji « commande )) 1 lui. Il commande to~s les organes internes du corps, notamment le cœur, et
Sexe : féminin, selon tous les informateurs. par suite la circulation du sang. Sa aime le sang; il ne connaît ni riches ni
Représentations : indicielle pauvres, ni rois, ni chefs, ni fils dè rois. Tous les hommes sont sa proie, et
les Bob110 le redoutent.
1 1 1 1
Sa régit les deux oreilles, les deux narines, les deux yeux, les deux lèvres,
1 1
les deux cuisses, les deux jambes et les deux pieds. Il commande les organes
1 1
génitaux féminins.
1 1
Sa « parle )) des paralytiques et des estropiés, ainsi qu'il sera vu plus
loin.
ésotérique (cf. fig. 43 ). Cette tête sym balise les Kênesi, On trouve Sa dans le flux des femmes en règles, dans leur Yentrc, d'où
démons femelles, contenues dans une calebasse en forme de croissant lunaire; l'extrême nocivité de ce signe. Lorsqu'une femme enceinte obtient Sa-M<.ji
les points représentent toutes leurs correspondances, notamment le feu et au cours d'une consultation, elle doit faire des sacrifices, sous peine de
les étoiles de la nuit. cc revoir ses règles i>, c"est-à-dire d'avorter. Son mari donnera un grand
cabri aux Kènesi pour les apaiser. Selon une autre interprétation de ce signe
Caractéristiq 11es. dans les mêmes circonstances, la femme n'avortera pas, mais « on trouvera
du sang sur l'enfant)>. c'est-à-dire qu'elle aura une hémorragie.
Sa-MEji représente les Kènesi, les puissances de la magie noire, donc la Précisons, en ce qui concerne le flux menstruel, que lorsqu'il quitte le
nuit et le Feu. La magie noire la plus efficace a lieu la nuit; l'élément Feu corps de la femme, il est sous le signe Loso-1vLji, et, lorsqu'il touche le sol,
est souvent représenté par le sexe féminin. Un informateur parlant français sous Fu-Msji.
définit les Kënesi : «les grigris mrnvais, qui viennent, hiérarchiquement, Sa régit les salutations réciproques, sous les ordres de Gbe et de Ydm qui
après les vodü )). Az.e, ajoute+il, (c'est-à-dire les Kêtzesi), c'est zo, le Feu. - s'o.:cupent respectivement des formules du matin et du soir.
Sa-MEji se trouve être ainsi l'un des signes les plus dangereux. Il a créé Quelques devins, s'appuyant sans doute sur une analogie verbale, disent
tous les animaux sorciers, notamment les chats, les antilopes afyàlm et f<.VE que Sa-M:.ji préside à l'appel des signes, c'est-à-dire à leur inscription sur le
au pelage roux, dont les légendes parlent souvent et qui sont redoutées des Fats, et que Ka-M:.ji préside à leur retour au ciel, à leur effacement. Sa (Y)
chasseurs. Il a créé tous les oiseaux sorciers, dont voici quelques espèces : évoquerait l'idée de : faire sortir (au jour, au soleil), et Ka (Y) celle de
agbigbi (sorte d' effraie), az.àx; (hirondelle), klohüe (sorte de chevêchette ), plier, de ramasser. On croit pouvoir préciser que L:.lf.. régit l'inscription
zuwumi (sorte de scops), s:Jwayi, amifii (sorte de loriot), agsx<., gè (sorte de proprement dite.
crécerelle), gàgti, aklasu, af17sakowo, ututrt, drègbagwe (sorte de linotte), Comme on le voit, Sa-M:ji a des pouvoirs (!limités. <c Il peut tout faire,
awajixE (bergeronnette), besawe (engoulevent), xwele, gbeji-xs, hwèhsuv:J et fait effectivement tout. J>
(gendarme), av:JleàftI xoditi ou k,ikwedrtxs ( Cynnyris vmustus Cuv. ), hH. Un rapport étroit l'unit avec les vodii, Gbaadu, Na, Az.e (Kenesi), Naawo,
( Psittacus rubrovarius Roch br.). Lisa, Loko, Yalode, T:Jx:Jsu.
Les rapports existant entre la terre et la lune font de Sa un signe de Ses feuilles préférées sont : ewu (Y) ou av:Jkâf1llna (F); alukpaida (Y) ou
Terre.
nànusisi (F); zomà (F), différente de la feuille zomà correspondant au nago
weena; x:.xwtà (F); ajasiaj:Jvs (F).
r. Ce signe correspond en géomancie européenne à Cap11t Dr,1co11is. Sa couleur principale est le rouge. Il apprécie également le blanc et le bleu.
510 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCL.~ VES LES SEIZE GRANDS SIGNES ET LEUR MESSAGE 5I I
2. S:>-wli-t:> ma no zo ab:> gba. Celui qui veut attraper un cheval ne se
Devius. met pas en route sans sorgo.
Celui qui veut trouver un certain bien dans la vie doit en posséder déjà
r. Aw:> kplegede ni bo ju digi, quelques élements : sans argent, il ne trouvera pas d'argent.
Aw:> gbhi~ds ni bo ju awo fiji, 3. Awiytl gidigbaja m6 no do z_â nu j:> no mla. Le vent ne peut soulever
Ipke n kpeju ajinaku koce egbe cire fu-:>mà eke, comme une natte la pierre gidigbaja.
a di fa fit cyëh ku cè ti n' laye akpesï (Y). ( Gsd~gbe) Si le Favi commet une faute, il pourra se racheter et ne sera pas aussitôt
puni, comme le serait un autre à sa place.
[Dieu] prend une petite peau pour couvrir le visage du miroir,
4. Yawli (pour yawo wli) ! yawli XE-ce nv mi! - XE na bo-yi to debu mE,
[Dieu] prend le grand vent (jijï) pour couvrir le revers du miroir,
n'11a wli nu we. Vite, attrape! vite, attrape mon oiseau! - En quelque pays
Les paupières de l'éléphant ne sont pas un jouet pour enfants.
qu'il soit, j'attraperai ton oiseau.
[Ces trois devins] ont consulté fa pour le soleil (cyèh kucê), l'Incompa-
Le Favi, qui a tout perdu, supplie: rattrapez-moi mon argent! Et, où
rable (akpesî), désireux d'acheter (la) la vie (aye).
qul: soit son bien, Sa-MEji le lui retrouvera.
C'est-à-dire : Dieu a assombri le visage du monde; la lumière existait 5. Ahwàne fosu na kpla y:> yi do xu-to-nu b;i na wa yi hwe agba. Le
déjà, mais non le soleil; et la vie était encore inconnue, d'où l'image du pigeon, fils unique, rapprochera la terre de la mer et reviendra seul à la
miroir. Et Dieu, après avoir aii:si créé- la nuit, entoura le monde d'air, afin maison.
que les êtres animés pussent y être introduits. Et il créa les animaux (repré- Le pigeon né seul (alors que les pigeons pondent deux œufs d'ordinaire) a
sentés poétiquement par le plus fort d'entre eux), donc les hommes. cherché son frère tout le long de la terre. Et il atteignir la mer sans rien
Chacun des trois premiers cc vers ii de la devise est le nom d'un des trois trouver. Le Favi restera ou deviendra fils unique s'il n'accomplit pas les
Babalawo qui consultèrent Fa pour l'incomparable, qui put venir alors sacrifices prescrits '.
éclairer la création. 6. Adâ na gbo nànu av;i VE no de do ali-gbo ga xo : a mas:> hü ce nu mi ah,
Le Favi deviendra un personnage connu; mais, s'il ne fait pas de sacrifices, a kâ na s:> là ce nu mi. - Fa Aydegwi ka d:> : av:> VE l:J e jè, n'na do glo ktt h nu
il mourra. Il doit se procurer un grand cabri, une calebasse, de l'huile de we, b:J na do yi hû towe kpo là towe lepâ nu we. L'accident ira à la rencontre
palme, trois colas rouges, un yard d'étoffe bleue, laver la calebasse une fois d'une femme vêtue d'un pagne rouge sur le grand chemin long : si tu ne
par jour, pendant trois jours, et, après chaque lavage, l'envelopper d'étoffe me donnes pas ton sang, tu me donneras ta chair! Fa Aydegwï dit falors) :
bleue afin que les mouches ne l'effleurent pas. Le devin tue le cabri, met ses ce pagne rou~e, je vais le prendre pour te sauver de cette mort, et [ = au
entrailles, ses viscères et sa graisse, soigneusement passés à l'eau fraîche, lieu de] prendre ton sang et ta chair.
dans la calebasse où il verse l'huile et jette les trois colas entières. Il ajoute Le Favi perdra une femme à teint rouge ou qui porte habituellement des
tout le )'E où il a inscrit le signe Sa-MEJÏ. Dans la nuit, le Favi creuse un pagnes rouges. Il interdira à ses femmes de porter des vêtements de cette
trou dans un chemin, puis, tenant la calebasse· des deux mains, en fait trois couleur, et fera exécuter un sacrifice pour détourner la mort : le devin
fois le tour, en demandant à cc son i> Mawu, ~ son âme, d'exaucer les vœux tuera une poule rousse au-dessus d'une calebasse contenant de l'huile de
qu'il formule. Après le troisième tour, il renverse tout le contenu de la palme, inscrira le signe Sa sur le ys qu'il jettera dans le récipient avec le
calebasse dans le trou, s'accroupit, et siffle (kwi-kwï) dans le trou en pensant pagne. Le tout sera abandonné sur un chemin.
à ses vœux. Il enterre son sacrifice et revient le lendemain. Si le trou est
ouvert, l'offrande est refusée par les Kènesi, puissances de la magie noire. Si
r. Les devises 2-5 nous ont été données par le Bolionô Stig·â, aîné des fils survivants de
le trou est resté fermé, les vœux du Favi seront exaucés. Béhanzin et chef de cette famille selon la coutume, disciple de Gedegbe. Nous remercions ce
Ce sacrifice est très dangereux. Il est tout à fait exceptionnel d'enterrer vieillarc.l infiniment courtois et modeste de la trop brève collaboration qu'il voulut bien nous
ainsi un du. donner.
512 LA GEO:\fANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLA \'ES LES SEIZE GRANDS SIGNES ET LEUR MESSAGE

7 Orn 11/s? Si quelqu'un veut faire du mal au Favi, le souhait se retournera contre
0 ji11h? lui.
1\1J hi J, Variantes : a) TufE tufs e dJ, bo do awô le !J, dokpo e je e dJ, bo klô. Il dit :
adifa fil Eji-:Jsa (Y). tujE-tufE [=il crache] et prépare la glu, il fait la même chose et la retire.
Ali 1110 11à wa dahv azag1ï ! b) TufE emi dJ, bo do awô; e je mi na dJ, bo na klô. Vous dites tufE, et pré-
Nàn11 mô no wa dahv Kè11esi (F) ! parez la glu; vous Je répétez, et la retirez.
As-tu bien dormi sur la terre ? Sacrifice à faire : disposer un peu de coton à l'une des extrémités de qua-
T'es-tu bien réveillé sur la terre? rante et un xa (nervure desséchée de foliole d'un palmier à huile, dont on
Je te salue! fait les chasse-mouches), et tremper ce coton dans la glu. Jeter du )'E où fut
Ces trois devins ont consulté Fa pour Sa. inscrit Sa dans la glu. Retirer les brindilles et les disposer sur le toit de la
Il n'est pas d'arbre plus grand que Rvko ! maison. Les accidents se laisseront prendre au piège.
Il n'est pas de femme plus grande que Kènesi! 14. Lsg<.ds-do-tJ rno nà kpo sa ci. Le fauteur de discorde [=le traître J est
toujours le bienvenu
Le Favi n'a pas à craindre que ses rivaux triomphent de lui.
On écoute toujours un délateur. Le Favi séduira ses interlocuteurs et sl':ra
8. Nu 1îônu awà-do-xë h<. (pour bJ e) wà xwe-tô aMma-nn tà. L'oiseau qui toujours bien renseigné.
vient s'engluer [=l'oiseau stupideJ a trouvé la fortune et i] oublie son alfâllla
[=la maison des mauvais jours]. Légmdes
Les imbéciles parvenus oublient l'endroit où ils ont été pauvres. Le Favi
s'enrichira, mais oubliera les épreuves de la pauvreté. 1. Devise. Sa-M Eji I Bese kpo agbç kpà WE dô nu; bese tà e wu gà agbo tô. La
9. Ana ba te kpo gbo m<.JÏ do asa me.. La vulve, ne trouvant place nulle part, grenouille a fait un pari avec le buffie. La grenouille est plus forte que le
s'est installée entre les cuisses, en deux parties. buffie.
10. Sa-M<.;ï! Jsà kàgo, Jsi kàgo : :Jba laku (Y) I Le jour est venu, la nuit Légende. La fille de MEtJlôfi, roi d'Ifè, se nommait Hwedeu '· Bese et Agbo
est venue : le Roi [Dieu J est grand! voulaient l'avoir pour femme. Mais le roi leur dit : je donnerai ma fille au
II. Sa-Jinn ! Adu-nu-xà-hè do Tà là ma nu sï. Si Ayidohwëdo-le-terrible premier qui m'apportera de la paille pour couvrir la petite case qui est dans
s'installe au bord de la rivière Tà, nul animal ne vient plus s'y désaltérer 1 • ma cour. Il faut que ce travail soit fait le troisième jour.
Le Favi doit prendre garde: si son signe est bon, il ne doit pas le craindre Agbo de s'écrier : très bien! C'est vraiment trop facile! Comme Bese est
pour autant.. Ayidohw<.do et Sa sont également redoutab_les. trop petit pour porter toute cette charge, je suis sûr d'arriver bon premier. -
I2. Sa Jime.! Bobnô jà ji WE n' de. Je suis assis sur la chaise-en-bambou du Bese se récria : tu n'y arriveras pas t C'est moi qui serai le premier.
devin. Bese alla trouver Fa et lui demanda: voici ce qui m'arrivê. Le roi MEtJlôji
Le Favi a des dispositions pour devenir prêtre de Fa. va donner sa fille au premier qui lui apportera assez de paille pour recouvrir
I 3. Sa-]irn<.I Tuf<. tuf<. WE do awà; tufE-tuf<. WE na klà. La pulvérisation de la petite case qui est dans sa cour. Mais Agbo est mon concurrent. Comment
salive prépare la glu; la pulvérisation de salive détache la glu 2 • triompher de lui? - Fa découvrit Sa-Msji et recommanda à Bese, en guise
Il faut cracher dans ses mains avant d'étaler la glu sur le piège à oiseaux; de sacrifice, d'apporter trois francs.· Bese s'exécuta. Fa préleva un franc cin-
il faut faire de même avant de détacher les oiseaux capturés. Sinon la main quante, et rendit au consultant le reste : Bese devait, avec cette somme, 'pré-
elle-même adhérera au piège. parer un repas et inviter ses frères à manger avec lui. Car ses frères devaient
!'aider en cette affaire.
I. Tti : nom générique des petits cours d'eau. - Ayidohw•do, cf. mpra, première partie,
chap. m, PP· 73-75.
2. Comp. ]. SPIETH, Die Relig-ion .. , op. cit., chap. III, pp. 209-2!0. r. Tu ne peux rien snr elle.
Institut d'Eth11ologie. - Bernard MAUPOIL.
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SEIZE GRANDS SIGNES ET LEUR MESSAGE

Bese obéit à Fa. Au cours du festin, il expos;i. à ses frères le but de cette Or le cultivateur était jaloux de cette renommée du Bobnô dans la ville et
réunion. Ses frères lui répondirent : n'aie pas peur! Nous te donnerons un parmi les enfants, et il résolut de le tuer.
coup de main. Ne pouvant le tuer sans une certaine mise en scène, il lui promit un
Au jour fixé, Agbo alla chez Bese et dit : y es-tu? Moi, j'ai oublié quelque repas. A cet effet, il se :nit à cuire des haricots, chercha quelques feuilles de
chose à la maison; je vais aller l'y chercher. Dépêche-toi, sinon je gagnerai. bananier, alla attraper une « vipère ' '' vivante, et enferma dans les feuilles
Et une grenouille lui répondit : entendu'! du bananier les haricots cuits et le reptile. Puis il remit le tout au Bobnô.
Agbo, tout prêt pour le départ, repassa devant la porte de Bese en criant: y Et celui-ci mit le paquet dans son sac
es-tu? me voici en route! - Une voix répondit : va, je te suis. Or, ce jour-là, le cultivateur, s~ femme et ses enfants allèrent aux champs.
Et Agbo poursuivit sa route, avec sa paille sur la tête. Au bout de quelques Les enfants, comme d'habitude, quittèrent vite leurs parents pour retourner
minutes de marche, il s'écria: Bese ! - Et l'un des frères de Bese, qui se trou- au village, et guetter le passage du devin. Lorsqu'ils le virent paraître, ils
vait au bord du chemin, répondit : kpàiïiià ! l'appelèrent et lui demandèrent : qu'est-ce que tu as de bon pour nous,
Agbo, très surpris et se croyant déj:'i rattrapé par son concurrent, redoubla aujourd'hui? - Le plus grand plongea sa main dans le sac, et en tira le gros
d'efforts. Un peu plus loin, il appela à nouveau : Bese !. - Et un autre /{ptîààâ ! paquet que son père avait donné au Bokanô. Et ce fut à qui déroulerait les
lui répondit. Inquiet, il précipita sa course. Mais un peu plus tard, comme feuilles pour en manger le contenu. Soudain la bête sauta à la figure de l'en-
il hélait encore Bese, le même kpâààà ! se fit entendre. Il se remit à courir fant et le mordit. Il l'empoigna et la lança devant lui : elle tomba sur le
de plus belle. Tout essoufflé, il appela encore : Bm ! - Kpàààà ! .. visage du deuxième frère, qui, sans le vouloir et pour s'en débarrasser, la jeta
Et encore une fois, aux portes de la ville, son appel fut accueilli par le à la tête du troisième. Et enfants de hurler! Ceux de leur famille qui
même : kpàààâ ! n'avaient pas quitté leur maison en sortirent. Mais, malgré leurs efforts, les
Il entra dans la ville, pénétra dans la cour du roi ... et y trouva les tas de trois enfants moururent.
chaume que les frères de son rival av:iient déjà déposés avant son départ! A leur retour, le père et la mère entendirent, dès l'entrée de la ville, des
De dépit, Agbo donna de la tête par terre, et tomba mort. cris et des gémissements. Ils ignoraient que leurs enfants fussent morts, et
C'est alors que les gens dirent : ce n'est qu'en rentrant chez eux qu'on leur dit que le devin les avai~ tués ...
La grenouille se mesure avec le buffle. A toutes jambes, le paysan alla se plaindre au roi. Làfi envoya chercher
La grenouille est plus forte que le buffle. le Bobnô, qui fut enchaîné, bien que Bokanà du roi, et apparut sous bonne
Ceux qui sont nés sous Sa-MEji (on dit en fon : sur Sa-MEji) vaincront escorte. Lôfï lui demanda : est-il vrai que tu as tué les trois enfants de ce
leurs concurrents s'ils se soumettent à Fa et s'ils sont généreux. paysan? - Le Bobnà répondit : est-ce pour me poser cette question que tu
On termine l'histoire en disant : Sa-l'vf.4ï ! Bese hu sa ma 111ô hwi do ja. m'as fait attacher? Délie-moi d'abord ... Depuis que je suis établi en cette
La grenouille a tué le buffle et n'a pas trouvé de couteau pour le dépecer. ville, as-tu jamais appris que j'aie tué quelqu'un? Fais donc d'abord parler
2. Il y avait dans le temps, à Ifè, deux bommes. L'un, Awa-dagbe awanu le plaignant. Demande-lui ce qu'il m'a donné hier, enveloppé dans des
hwide, (ce que tu fais de bien, tu en auras le fruit,) était Bok:mô : l'autre, feuilles de bananier.
Awa-iiaiirà awan11 hwide, (ce que tu fais de mal, tu en auras le fruit,) était Le paysan resta bouche bée, sans pouvoir répondre. Le roi lui dit : eh
cultivateur. bien! parle donc! - et il lui fit donner qudques coups pour lui délier la
Le Bokmô habitait au bout de la ville, et chaque jour allait jusqu'à la langue. Alors le Bokanô dit : moi, je m'appelle Awadagbe-awanu-hwide. Et
maison du roi Lôji pour lui interpréter Fa. Lorsqu'il traversait la ville, les lui, je le nomme Awaiianrâ-awanu-hwide. Il m'a voulu du màl, et c'est à lui-
enfants couraient après lui, l'appelant par son nom. Il portait toujours un rnême qu'il en fit. C'est à moi qu'il a donné le paquet, et ce sont ses enfants
sac, qui contenait de quoi m<.tnger, ou des colas, ou de l'argent. Lorsque les gui sont venus le prendre.
enfants l'appelaient, il était content, et leur disait de puiser quelque chose 1. Ama11à1111 ou jakpata (F), oka (Y). On traduit à tort en français par vipère. Supra,

,dans le sac. Et tous les jours la même scène se répétait. P. 444, n. 1.


1
LA GEOMANCIE A L ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SEIZE GRANDS SIGNES ET LEUR MESSAGE

Alors Mû:Jlàfi : puisque tu as tué tes propres enfants, tu seras immolé à je parle sérieusement, ne plaisante pas. Qu'est-ce que cette histoire de bâtons
mon Lo.gba. Et qu'on libère le Bobno. fourdrns? -- Fa répondit : fais ce que j'ai dit.
Variantes. Sa-Mc7Ï ! Nû a wa dagbe, a wa na de we; nü a wa iiaiia, a wa Le vodîi apporta les deux bâtons fourchus. Fa ajouta : iI faut aussi me don-
na de we ( Gû). Si tu fais le bien, c'est à toi que tu le fais; si tu fais le mal, ner une chèvre, une poule, un pigeon, une pintade et cinq francs.
c'est à toi que tu le fais. Ce qui fut fait. Fa inscrivit trois fois le signe Sa-MeJÏ sur son Fats. Une
Le Favi ne doit souhaiter le mal de personne. fois le sacrifice accompli, il rendit les deux bâtons fourchus au vodu, pour
3. Sa-Mc;ï ! Vodü-si hü-jc.-nuko, ho ko wa sa-to. Vodüsi hujwuko, le tam- qu'il les remît à sa femme c:n lui recommandant de les agiter d'une façon
bour est déjà dans la cour du vodit 1

particulière au-dessus de sa tête, lorsqu'elle sortirait du séminaire, et qu'elle
Vodü-si hîi-jo.-nulco fut la femme de l' « aigle ». Et elle lui fut arrachée par danserait dehors.
le vodit une première fois. L'aigle fit une enquête pour savoir où le vodiï Le vodù sortit de chez Fa avec ses bâtons fourchus. Il retourna auprès de
devait faire danser ses vodûsi à la sortie du séminaire (hit-hwe, hii-kpam2) pour ses amis, avec lesquels il organisa un nouveau rapt de la femme de l'aigle.
les cérémonies habituelles. Une fois qu'il eut obtenu des renseignements Et il réussit encore. La femme fut ramenée :rn séminaire.
précis, il vint se percher sur un arbre situé devant la maison du vodù, guet- Et l'aigle vola aux renseignements, et apprit quel jour aurait lieu la céré-
tant sa femme. monie du vodîi. Au jour fixé, il était à s_on poste, sur le même arbre, devant
Les vodûsi sortirent du couvent pour aller au bord de la rivière chercher l'eau la maison du vodîi.
de la purification. Et la femme de l'aigle venait en tête. Au retour, les femmes Et toutes les vodîisî sortirent. La femme si disputée sortit aussi, avec ses
marchaient et dansaient en cadence. L'aigle fondit de sa branche et enleva deux bâtons en mains. Et, au lieu de danser comme ses compagnes, elle
sa fernme. Et toutes les autres votlüsi se sauvèrent, courant vers leur maison. dansa de la façon que Fa avait apprise au vodu.
Et le vodû, ce jour-là, eut grand' honte ... L'aigle fondit sur elle, voulant l'enlever. Mais comme il allait l'atteindre,
Alors le vodû se mit à comploter avec ses amis un deuxième enlèvement sa femme levait un de ses bâtons, qui accrocha l'aigle au col. Elle le fit tom-
de la femme de l'aigle. Et le vodû finit par y réussir. ber à terre, et l'y maintint de l'autre fourche. Et les vodüsi se précipitèrent
L'aigle se renseigna à nouveau pour savoir à quel moment précis devait sur !'aigle à coups de bâtons, et !'assommèrent sur place.
avoir lieu la cérémonie que l'incident provoqué par lui avait ajournée. Au Et Vodüsi hüjenulcô resta pour toujours la femme du vodü.
jour fixé, il se percha de nouveau sur son arbre. Les vodûsi passèrent, se ren- Et depuis ce temps, le nom du tamtam est hû, au lieu de hO (aigle).
dant au bord de l'eau. Et, à leur retour, l'aigle reprit sa femme. 4. Devise. Segbo ba tè nu wutu bi, fo na tô wa jE to. Le grand Sc (Mawù)
La honte s'empara une deuxième fois du vodü, et la cérémonie n'eut pas a trouvé la place de chaque chose du corps, mais celle de na (vagin), il l'a
lieu. Toutes les vodûsi revinrent au séminaire. trouvée en dernier lieu.
Le vodü dit alors: que faire? Tout le monde se moque de moi ... Je vais Légende. Mawu, lorsqu'il eut créé les femmes, se demanda où il place-
consulter Fa. rait les organes de leur sexe, qui se nommaient alors koto '. Et il les installa
Fa dit au vodîi de se procurer deux bâtons fourchus 2 • Le vodû dit à Fa : à la place des oreilles. Mais alors, où mettre les oreilles? Il les transféra à la
place du nez, mais la respiration ne passait plus. Il les logea aux aisselles,
1. Hü-je-nukà, la première d'une « promotion » au séminaire (où ne se trouve qu'une
seule promotion à la fois), est la première (nukà) épouse du vodü (vodü-si) tuée par la divi- et ne fut pas non plus satisfait : quoi? il suffira désormais qu'une femme
nité. Le mot a franchi l'Atlantique : E. AUBIN, op. cit., chap. II, p. 54 : << Le papaloi est lève le bras pour qu'on voie .. ? Impossible ! - Pourtant, il les laissa quel-
assité Je servants - ho1111l;11én1cons - qui d~viendront papaloi à leur tour». - H. ÜP-HEY, que temps au creux de l'aisselle. Mais les femmes ne manquèrent pas de
op. cil., p. 264. « De afgodspriester heeft on der zich een heele hiërarchie van dienaren vol gens
de verschillende graden der inwijding. De onmiddelijke helpers heeten cc houngumicons »;
ze worden op hun beurt afgodspriesters. De andere ingewijden, jongens en meisjes, dra- r. On désigne, aujou~d'hui encore, les organes de la femme sous le nom de ko (le ton de
gen den naam van « hounsis ». la voyelle est un peu plus élevé que dans ko (argile). Un homophone de to (signifiant dernier
2. Ahla-kpo, fourche-bâton. dans ko-to) désigne l'oreille. Au ton inférieur de la voyelle, to signifie pays et mortier.
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SEIZE GRANDS SIGNES ET LEUR MESSAGE 519
lever haut les bras à tout propos, et cette exhibition fut la source d'affreux voici que le chasseur lui-même a des funérailles à célébrer ... II commence a
débordements. fumet son père. Pendant trois lunes moins sept jours. Et toujours pas de
C'est alors que L'"gba, qui n'avait pas non plus de sexe en ce temps, ~'en cauris!
fut trouver Fa et le consulta : Mawu, dit-il, a fait déjà plusieurs tentatives, Ne sachant que faire, il décide de partir à la chasse. Et, sur son chemin, il
sans aucun succès. Maintenant dis-moi : ou vas-tu mettre cette chose? En aperçoit une rivière aux eaux noires. Sur l'autre rive il voit un nombreux
dernier lieu, Mawn l'a disposée sous l'aisselle, et son odeur offusquait le nez, gibier. Comment franchir cette riYière? Il s'assied pour réfléchir sous un
et les femmes se sont mises à lever les bras hors de propos. II faut trouver arbre hpejre. Eitigué, il finit par s'endormir.
mil;}UX. Ce n'est vraiment pas une chose à exposer. Et dans son sommeil il a un songe. Il entend une voix qui lui dit: lève-toi!
Et LEgba trouva Sa-MEji, qui demanda en sacrifice deux bananes et une Va au delà de la rivière. li y a là-bas beaucoup de gibier à tuer. - Et ces mots
petite jarre akoto '. Et le sacri6ce fut offert à Minàna, qui mangea la seconde se répétaient sans cesse. Finalement rl se réveille, et entend eLJcore les mêmes
ban:me : c'est pour cela que la satiété sexuelle vient plus vite aux hommes mots. II regarde au-dessus de sa tête, parrni les branches du kpejreti : rien,
qu'aux femmes. Et Mi11ô11a prononça ces paroles: la solution que vous cher- personne ... Alors l'arbre dit : c'est moi qui viens de te parler. Je t'ai dit de
chez est bien simpk. Si vous m'aviez dit cela plus tôt, il y a longtemps que te lever, de franchir la rivière; tu trouveras sur l'autre ri\·e beaucoup de
je vous aurais tiré d'embarras. C'est entre les jambes qu'il faut loger la chose. gibier. - Comment, s'écrie le chasseur, est-il possible qu'un arbre parle? -
Contrairement à ce que vous avez cru, il y a toute la place nécessaire. Tu entends bien, répond l'arbre. - Mais l'eau de cette rivière est si noire!
Ainsi fut fait. Et Mawtt fut tiré d'embarras. Et chacun trouva la solution Je ne peux me rendre compte de sa profondeur. - Ce n'est pas prolond du
excellente. tout. D'ailleurs, pour t'assurer que je dis vrai, coupe donc une de mes
Et la première banane permit de pourvoir aussi les hommes. branches, et, en la taillant, aie bien soin d'en garder l'extrémité fourchue.
LEgba dit alors : comme c'est moi qui ai fait le sacrifice, sans en souffler Puis, tu avanceras dans Je lit de la rivière. Et avant de poser ton pied, tâte
mot aux hommes qui ne sont pour rien dans tout cela, je laisserai désor- avec le côté fourchu si la terre est loin, ou si tu peux avancer sans crainte.
mais mon organe dehors, afin qu'ils se disent, en le voyant : c'est grâce à Agis-ainsi à cluque pa~, et tu traverseras sans encombre.
LEgba que la chose des femmes a trouvé sa place. Le chasseur suit ces indications, et traverse la rivière.
Na ba tè kpo, boa lllEji asa rm. Na, ne trouvant place nulle part, s'est ins- A son arrivée sur la berge opposée, le soleil est au zénith. C'est l'heure ou
tallée en deux parties entre les cuisses. les animaux viem:ent se désaltérer. Il les voit s'avancer, et se cache sous
5. Devise. L'homme ne peut glisser dans la boue du marécage s'il a en un buisson. De là, il les vise de son arc (da), et chaque flèche (ga) en tue
main une canne (ahlakpo). trois ou quatre. II en tue tellement qu'il ne pe'nse pas pouvoir tout ramener
Le père du chasseur est mort. Le chasseur n'a pas de cauris. Et il ne peut chez lui! II fait ce qu'il peut, prend les bêtes une· à une, et repasse la rivière.
faire les funérailles de son père ... Tous les animaux tués sont déposés sous l'arbre kpejre. Les y laissant, il
Autrefois, on n'enterrait pas les morts, comme on fait maintenant. On les retourne chez lui pour louer des gens qui l'aident à emmener son butin.
Comme il revient avec ceux-ci, l'arbre lui dit: moi, j'aime les entrailles de
posait sur un autel en forme de claie à quatre pieds, puis on faisait un feu
dessous, et on les fumait, afin que leur chair n'entrât pas en décomposi- tous ces animaux. C'est pour cela que je t'ai indiqué le moyen de les tuer.
tion et ne sentît pas mauvais. On les fumait ainsi pendant trois lunes. Pen- Donne-moi les entrailles de tous ces animaux. - Le chasseur ouvre le ventre
dant ce temps, les parents du mort devaient se procurer assez de cauris de toutes ses victimes, prend les entrailles, et les enroule tout autour du
pour célébrer dignement ses funérailles. . tronc de l'arbre. Puis, avec ses gens, il transporte chez lui son butin.
Alors il commence à célébrer les funérailles de so11 père. Et chacun le féli-
Or le chasseur n'a partout que des amis, car, à chaque cérémonie funèbre,
cite de les célébrer si bien.
c'est à lùi que l'on s'adresse pour avoir du gibier à manger. Et maintenant,
Peu de temps après, la mère du bûcheron vient à mourir. Le bûcheron
r. Akoto est l'homophone d'akoto, escargot,. et de leoto (dont l'initiale est tombée). est sans ressources ... Comment faire dignement des funérailles à sa mère?
l\
1 ,
!

520 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SEIZE GRANDS SIGNES ET LEUR MESSAGE 52r
Lui aussi, il commence à faire fumer le corps. Pendant deux lunes et demie. pour donner le coton. Dieu en confia la garde aux oiseaux, mais les oiseaux,
Il ne reste plus que quinze jours ... Le bûcheron affile sa cognée, et entre qui virent là un fruit bon à manger, se mirent à piller l'arbre à qui mieux
dans la brousse à la recherche de bois de chauffage. Il marche, marche, et mieux. Ils se disaient: ces fruits doivent être bons à manger. Or nous avons
arrive au bord de la rivière aux eaux noires. La rivière (personnage mascu- fa:m. Allons-nous rester avec notre faim devant des fruits que nous pou-
lin ici) lui parle: bûcheron! - Il répond : ago!-Tu cherches du bois de vons manger?
chauffage. N'as-tu donc pas remarqué ce gros arbre kpejre? Voilà ce qu'il te Dieu convoqua alors les seize Fa, et leur dit : j'ai confie la garde du coton-
faut! Allons, quelques bons coups de cognée, et tu auras d'excellent bois. nier aux oiseaux, afin qu'ils le protègent. Mais voilà : ils en mangent les
- Mais ma cognée est beaucoup trop petite pour un aussi gros arbre! - fruits à qui mieux mieux. Désormais, c'est vous qui en prendrez soin. Je
Essaie tout de même. vous le con fie.
Il essaie si bien qu'il abat l'arbre. Puis il le réduit en petits morceaux, en Mais les Fa-Meji déclinèrent la proposition.
forme de fagots, les lie ensemble et commence à les transporter chez lui. Et Parmi tous les Fa, Sa-MEJÏ était le dernier né. Quoique le plus petit, il
il vend tout le bois pour mille cinq cents cauris. Enchanté, il sait qu'il va alla devant son père, Dieu, et lui dit: tu es mon père; je suis ton fils. Tout
pouvoir faire de belles funérailles à sa mère. Il invite et réaale tout le monde ce que tu me donnes à faire, je dois l'exécuter.
0 '
et tout le monde est content de lui. Et, tout en rentrant chez lui, Sa-MEJÏ pensa encore; ce qui a paru impos-
Mais pourquoi la rivière agit-elle ainsi à l'égard de l'arbre? Voici. Avant sible à mes aînés, j'ai dit à mon père que je l'accomplirai. Il faut mainte-
l'épisode du chasseur, tous les animaux donnaient annuellement un de leurs nant m'exécuter. - Et il consulta Fa. Fa lui répondit qu'il parviendrait faci-
enfants à la rivière, pour la remercier de ses services. Quand le chasseur eut lement à tenir sa promesse. Il lui fallait pour cela inviter à son secours son
passé par là et fait une telle hécatombe de gibier, les animaux se méfièrent ami OyE, la grosse araignee 1 •
de la rivière. Et quand elle réclama son tribut, ils lui répondirent: pourquoi Sa-MF..ji courut donc chez son ami, et OyE lui dit: n'aie pas peur, je suis
as-tu laissé le chasseur porter dans notre royaume une guerre qui nous a avec toi. De quoi s'agit-il ? - Sa-MEji exposa son affaire : mon père m'a
décimés? Nous ne te donnerons plus rien. - Mais, protesta la rivière, il ne confié la garde du cotonnier. Je ne crois pas que je pourrai le garder comme
faut pas m'en vouloir, car je n'y suis pour rien, et suis encore plus marrie il faut. Comment peux-tu m'aider à le protéger contre les oiseaux?
que vous. Oy<- lui dit : montre-moi d'abord où se trouve ce cotonnier. - Sa-MEji
C'est pourquoi la rivière en voulut au lepejrett. C'est pourquoi elle conseil- l'emmena et lui montra l'arbre. Alors, Oye alla chercher ses camarades. Et
la au bûcheron de l'abattre. ils filèrent tout autour du cotonnier. Le lendemain matin, de bonne heure,
En terminant, on ajoute ces mots : kpejelekù e da : mi na de do-nu t:J. Ta Sa-Msji allant voir l'arbuste, aperçut les oiseaux pris au filet, gui par les
ka d:J : emi de do ni ô, d:J tô na jE we. L'arbre kpejelekû dit : je vais révéler le pattes, qui par le cou ... Il s'empara des oiseaux ainsi capturés, chassa les
secret de la rivière. La rivière dit: si je me mets à révéler ton secret, toutes autres, qui rôdaient dans le voisinage et attendaient pour venir manger, et
tes racines iront à l'air 1 • se rendit chez son père, avec sa prise dans son sac : voici le travail que tu
Que le consultant se tienne sur ses gardes et soit discret. m'as confié. Vois les oiseaux que je t'apporte!
6. Devise. XE wa adà mô nê xo aV:J-kà-f17 2. Un oiseau, si furieux soit il, Et Dieu félicita Sa-MEji et lui dit : dès aujourd'hui, tu prendras le com-
ne se jette jam~1is sur du coton. (Les oiseaux ne se nourrissent pas de coton). mandement de la terre.
Légende. Lorsque JihweyEhwe créa le monde, le premier arbre qu'il planta C'est ainsi que Sa-Me;ï devint maître de la Terre 2 •
fut le cotonnier. Une fois planté, l'arbre donna son fruit, et le fruit s'ouvrit Le Favi réussira dans l'existence. Ses ennemis ne pourront rien contre lui.
7. L'infirme des jambes ne savait pas se servir d'un fusil : c'est son ami
I. Camp. F. AUPIAIS, conf. cit., p. 5 3 : " L'eau de la crue viendra jusqu'à l'arbre de la
rive, mais l'eau se retirera et l'arbre restera "·
1. YEgedede, yEglettte ou y;dode (F).
2. Av~-luî-f1i: pagne-fi.l (ou corde)-fibre (ou poil), c'est-à-dire : fil dont on fait l'étoffe,
2. Au moment où Dieu donna la Terre à Sa-MEji, _le vodù Sakpata n'existait pas encore.
coton. Aw-kii-ftl-ll : cotonnier.
Il est venu au monde sous le signe WëlE-MEji.
522 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SEIZE GRANDS SIGNES ET LEUR MESSAGE 523
l'a,·eugle qui tirait, lorsqu'ils allaient à la chasse. Quand l'infirme Yoyait le
gibier, il disait à l'aveugle ou il fallait tirer. Et quand l'aveugle t.ir.1it, sa balle Chant.
atteignait toujours le but. Alors l'infirme se tortillait pour aller ramasser le
gibier. Luwonô afJ dokpo-110 e !nue yi gbe e,
Un beau jour, l'infirme prit dix cauris, alla voir un Bobnô et lui demanda: 111i )"Jlwe 111a d;i xo ni.
comment faire pour tenir debout? - Le Bokano dit : il faut offrir un sacri- Tâmina,
fice i1 Fa. - Et il demanda au paralytique d'apporter seize chicottes, seize oge !
pigeons et seize fois cinquante centimes. Ce qui fut fait. Tàmina,
Peu de temps après, l'aveugle, de son côté, alla trouver le même Bohmô oku-o .. !
et lui demanda : comment faire pour retrouver la vue? - Le Bokanô dit : il
faut faire un sacrifice à Fa. - Le consultant accepta et le prêtre lui demanda Le devin qui n'a qu'un pied (l'asê) est en marche, appelez-le-moi pour que
seize chicoües, seize pigeons et cinquante centimes seize fois. Et l'aveugle je lui parle.
Tiimina,
les apporta.
in firme !
Une fois le sacrifice accompli, les chicottes furent rendues aux consultants,
Tâmina,
pour leur servir d'oreiller.
je te salue .. ! 1

Ils retournèrent à la chasse. L'infirme, apercevant une antilope, dit à


l'aveugle porteur du fusil : là! Devant nous, une antilope ... comme ceci ...
Tire! - L'antilope tomba. L'infirme, se trémoussant, alla la ramasser. Prière 2

Ils revinrent à la cabane qu'ils av.aient faite dans la brousse et qui leur
Nji ni mô ji, ni mô 111ü günùgü
servait d'abri pendant la durée de leurs chasses. L'antilope une fois ramassée
leli (ou lori) agi/i (ou ogiri) ;ide
et mise en lieu sûr, l'aveugle dit : il y a bien longtemps que je n'ai mangé
nji ni mô ji, ni 111à bo (ou gba)
de viande. Avanr de dépecer l'animal, enlèv(;!-lui donc ses entrailles et me
oica ab;i n'daca liwa-liwa
les grille. Ajoute ~es piments, du ce!, et sers-moi le tout en hors-d'œuvre,
n'wi, iku ti o nia
avant le reste de la chair.
Jl'wo ile awo ko le dele (pour de ile) awo
Or, voici que l'infirme vit sauter tout près de lui un crapaud. Il l'attrapa,
;inzô l'oko dwô l'n si dit 11gb2 l'oko sbza ânfo
le tua, le fit griller, .le pimenta abondamment et le présenta à l'aveugle, au
dü ngbs alà tolo n'wô wa!e awo kole de!e
lieu des entrailles demandées. L'aveugle prit le crapaud de sa main, le porta-
awo dû ngL Alaba dàyî dàyî awo
à sa bouche, et se mit à tirer avec force sur la peau extensible. Et de tirer, et
igba·n·za igba n'la biti yakata
de tirer ... Finalement, il arracha une cuisse. La secousse fut telle que la sauce
tin' cawo 11 'nô akpa okit ole mi oce gaga
au piment et au sel lui jaillit dans les yeux et les lui brûla! Et voilà qu'à force
b111a fajiï n'11ô gba demi oce g:Jga
de les frotter, la brûlure diminua, et, à la fin de la brülure, il retrouva la vue' !
kama fajü rlnô dôta q,gbota ijiasa (Y).
Son premier regard fut pour ce qu'il tenait en main. Et il vit qu'en fait
d'entrailles d'antilope, son camarade lui avait assaisonné un crapaud. Hors
D'après J. D. Clarke :
de lui, il empoigna ses seize chicottes et se mit à rosser l'infirme. Et de frap-
per, et de frapper ... Tant et si bien qu'à force d'être frappé, l'infirme, se Just as I awoke, I caught a vulture on the wall of the hunter's bouse,
levant, détala.
!. Tiimina, oge ! Titmi11a, oku-o .• ! Le rvthme des mots évoque une démarche trébuchante.
T1i111i11,1 signifie à peu prés : clopin-clopant.
r. Cf. LE HÉRISSÉ, op. cit., p. 261. 2. Il importe, avant de la prononcer, de faire une offrande d'huile aux Kë11esi.
··.'"'
'1

524 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SEIZE GRANDS SIGNES ET LEUR MESSAGE

Just as I awoke, I caught a sacred monkey which was doing liwa-liwa(?) forêt, lézards, singes, certains oiseaux : sasagali (sorte de toucan), ahwa
He says, death which was going to the Babalawo's bouse cannot reach it lokotwe (sorte de tourterelle), agàjihwle(pigeon vert); les crapauds et grenouilles,
The son of the farmer dwJ (?) it is, who is also living on dwà's farm ... escargots; tortues, porcs-épics, lihwi (petit pangolin), tous les poissons. Ka
(le reste inintelligible). régit tous les animaux à sang froid, aquatiques et terrestres. D'une façon
générale, il passe pour rechercher la fraîcheur.
Interdits. Ka a créé la piété filiale et l'amour filial. Contrairement à ce que disent
certains devins, il ne s'occupe pas de la fécondation, mais de l'avortement et
L'antilope afyàktt, tous les oiseaux-sorciers, !"éléphant, le chien, le léopard, des fausses couches; Turnkpè lui est d'ailleurs supérieur à cet égard. Ka « com-
le coq, le chat, d'une façon générale tout ce que l'on offre aux Na ( Nanu ). mande » la cage thoracique, - exception faite du sternum et de la colonne
Les pagnes à fond rouge et bleu; tout objet de ces couleurs. vertébrale, - de tous les vertébrés.
Le vin de palme, le sorgo, approcher le coton du feu (awMJ17. do zo), la Les Haoussa lui doivent leur venue sur la terre.
graine kpejelelaî, les feuillt;s de roko et d 'aze-loko f11tuka1fo, le bambou et tout Ka-M<.ji est un signe des plus dangereux, qui dispense peu de joies. Versé
meuble en bambou. dans la sorcellerie, c'est un signe de Feu '. Il passe pour tuer les enfants,
Celui qui a trouvé Sa-M~Ji au Fa:;Ji recevra l'ordre dc ne pas s'occuper de en provoquant avortements et fausses couches, à moins que des sacrifices
sorcellerie, de ne pas se porter garant d'une dette entre deux personnes pour ne lui soient offerts. Celui qui naît sous ce signe pourra devenir un chef,
n'être pas solidaire des désagréments d'autrui; Je Favi doit s'abstenir de mais les nombreux et coûteux sacrifices qu'il devra faire rendront le plus sou-
regarder les organes de sa femme. Les femmes qui ont Sa-M<.JÏ pour Fa vent cette prédiction dérisoire, et il restera manant.
amasïnii éviteront de coïter dans la journée, afin de ne pas montrer leurs Les singes sont venus au monde sous ce signe, qui est le principal dunô
organes à l'homme. des Jumeaux sauvages (zu-Hoho). On en conclut que ceux qui le trouvent en
consultation peuvent avoir des jumeaux.
ONZIÈME SIGNE : KA-MËJr. Ka est lié aux vodù Hohovi, Xwioso, Na, Da, Taxam, Lisa, Ogu, Loko (ou
Roko).
Noms : Ka-MEji chez les Fon, :Jka ou Ilw chez les Yorouba; le mot aka
Sa feuille préférée est selevikë (ou smevil~ë).
désigne le serpent vènimeux amauiilm. Les Yorouba disent encore Faa-M<-;ï:
Ses couleurs sont le noir, le rouge, et le bleu. Il apprécie également ce
partager en deux, ou Jji-:Jka : deux amanànu.
qui est tacheté.
Figurations : indicielle

1 1 1 1 Devises.
1 1
r. Legede-go-vi je ta, ma ci ta. La petite calebasse legede-go-vi (où l'on con-
1 1 1 1
serve les poudres et talismans) tombe à l'eau, mais ne va pas au fond.
1 1 1 1
Si le Favi « tombe» dans un malheur quelconque, il s'en tirera.
2. E mà nà js ta do ka, bo nà ba ka do u na : mo hù gin gble. Celui qui est

ésotérique: (cf. fig. 44) un serpent. tombé dans la rivière [et a de l'eauJ jusqu'au cou ne cherche pas une cale-
basse pour porter l'eau à ses lèvres : [si tu attends la calebasse,] ta vie ne
vaut pas cher.
Caractéristiques.
Le bonheur du Favi porte en lui son contraire.
Ka-M~ji représente dâ, le genre serpent (ojo Y); il régit tous les reptiles de 3. Gii je ta, da hà lo. L'ancre est mouillée, et la pirogue s'arrête.
la brousse et de la forêt, bon nombre d'animaux qui se meuvent dans la 1. En géomancie européenne, il correspond à Rubez1s.
526 LA GEOMH[CIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SEIZE GRANDS SIGNES ET LEUR MESSAGE

Le consultant a été ballotté par la vie comme une pirogue, mais il a trou- plein d'escargots, quatre chèvres, quatre mortiers à piler les graines. Il fallait
vé son havre en Ka-M;ji. Deuxième sens : s'il fait les sacrifices appropriés, apporter tout cela à Duduwa.
sa femme n'avortera pas '. Ajinaku suivit ces prescriptions, et se rendit chez l':irica avec les objets
4. Ka-MEJÏ ! Ka kil vüvü mô nô we do gle-si do-gbo ji; ji eji ko wa hà fo gle- requis. L':irica lui dit de chausser les quatre mortiers, et le couvrit ensuite
si-nà wa miilà s:i yi do do-gbo ta. Les cordes (tiges grimpantes à vrilles) du d'un grand pagne. Puis, pendant huit jours, il pria pour l'éléphant.
calebassier se répandent sur tout le champ du cultiYateur; le jour où la pluie Et, le huitième jour, Ajinaku devint aussi grand et aussi gros que nous le
est tombée, le cultivateur les ramasse toutes et les entasse au bout de son voyons aujourd'hui'.
champ. (C'est lorsque la pluie est tombée que le paysan se met à l'ouvrage). 2. Devise. DE-fi de Ji do gba u bo glo ku. Fa hwi w; mi kpè z.ô ! Hè mi
Le Favi doit faire attention s'il a des enfants, car ils seront menacés de syêsyè ma gàl Le palmier raphia met sa confiance dans le marécage [ou il ".it],
mort aux prochaines pluies. et il échappe ainsi à la mort. Fa, tu es mon soutien! Protège-moi, fais que
5. Ka hwe we: nô gba; ka fo gba WE nô gba. Ka détruit la maison. La cale- je vive!
basse est faite pour se casser. Légende. Le roi des Haoussa (le ssrki) est venu au monde sous le signe
La maisonnée du Favi est menacée. de Ka-Meji. (Il y a, disent quelques informateurs, un lien étroit entre ce
6. Htî gli do Awosâ bo gli do Awiilî : ahwa-iza-ma, aJ!.bade lw vuvo go. Klà signe et le pays des Haoussa).
die do kpè ji do de : nu iz•,i, izà fâ ba. Une pirogue s'arrête à Awosâ (au pays Comme les Haoussa vouiaient se donner un roi, ils allèrent trouver un
des Haoussa) et [une autre J s'a1:rête à Awôli (pays d'.Jy:i) : le netté est à Babnô, et lui posèrent cette question : comment faire pour nous procurer
moitié mûr, le spathe de ]'épis de maïs est tout à fait mûr. Voici le [singe] un bon roi, qui rende la ville bonne et y maintienne la paix? - Ka-Me:ji
klà sur le papayer là-bas : tout cela constitue son inestimable bonheur. se présenta, et le sacrifice suivant fut prescrit : seize cornes de n'importe
Le Favi, comme le singe de la devise, verra la chance se multiplier auprès quel animal porteur de cornes, seize cages à poules remplies, seize brebis,
de lui au même moment, et ne profitera de rien, ne sachant par ou com- seize paniers remplis de pigeons, seize paniers remplis de pintades, seize
mencer. sacs remplis dé cauris.
7. Sika nô hâ do l{pa-nukû ji a. L'or ne manque jamais sur les yeux du léo- Les Haoussa s'exécutèrent. Parmi tous les objets apportés au Bvbnô, celui-
pard. ci leur rendit les seize cornes, pour être remises à leur candidat.
Le Favi sera riche. Les Haoussa appelèrent le prêtre chargé de l'intronisation des rois. Ils lui
8. Ausa (ou Awosà) x:isu ma yi ku da kû ms vo. Le roi des Haoussa ne dirent que Fa avait rendu les seize cornes. Le prêtre prit deux des cornes et
meurt jamais autrement que riche. les posa sur la tête du nom·eau roi. Aussitôt Lë.gba apparut et souilla sur les
Il en sera de même du Favi. deux cornes, qui se fixèrent sur la tête du roi. Et depuis lors on appela ce roi :
9. Ali ku-l:i, mwè ma ku-t:i. Tous les arbres se noient, le balnbou ne se Usa x:ilu lw u z.o ', c'est-à-dire : le roi des Haoussa porte des cornes.
noie pas. Auparavant, personne ne respectait le roi des Haoussa. On allait jusqu'à
Le Favi ne succombera pas à ses ennemis. l'insulter, jusqu'à se battre avec lui; on le traitait d'égal à égal. Ce n'est que
depuis la consultation de Fa que la crainte de ce roi naquit.
Légendes. Enfin, c'est en souvenir de cet événement que le chapeau haoussa porte
une pointe.
r. Ajinaku, l'éléphant, était autrefois un petit animal. II désirait de toutes
3. Lorsque Ka-Meji arriva au monde, il se servait d'eau au moment de la
ses forces· grandir. Il alla trouver un devin qui se nommait Cèkê cêkè la afü
ekuru 2 • Ka-Meji se .présenta, et le sacrifice suivant fut exigé : un panier
1..Cf. LE HÉRISSÉ, op. cit., p. 259, « Création des Animaux».
r. Cf. sacrifice ap. J. SPIETH, Die Rel~![ion .. , op. cit., chap. m, p. 210, xr. 2. Roi des Haoussa se traduit par Suiki Zongo. L'informateur, selon toute vraisemblance,
2. Cèkè-cèkè: bruit que l'on fait en écrasant (/{))les petits haricots ekum (Y). a inventé une histoire reposant sur un jeu de mots.
sz8 LA GEOMA~CIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SEIZE GRANDS SIGNES ET LEUR MESSAGE

prière à son kPJli. Longtemps il n'eut ni femmes, ni enfants, ni argent. Il se


rendit chez son Bok:mô, Balele, pour lui demander conseil. Le BobniJ trouva Priere.
Ka-Msji, et, déclara à son client qu'il n'avait pas observé les interdits de ce
signe : au lieu d'employer de l'huile, lors de sa prière, il employait de leau. La prière suivante, en langue yorouba, passe pour être fondamentale :
recommanda, en conséquence, au consultant d'aller chercher une grande
Jl/u kati, kali, l>a ka 111i;
jarre d'huile, et de la verser par terre. Lorsque ce fut fait, le prêtre réclama
alà kati, lwti, b ka mi;
deux pigeons, deux pintades, de l'huile de palme à nouveau et vingt francs,
afo /;:ati, kali, ka ka mi;
en guise de sacrifice. Ka s'exécuta. Et il commença à avoir femmes, enfants
et argent. Puis il fut très malade, pendant trois ans, et invita Fa-Aydagû à
a/à lwti, lwti, b ka mi;
:Jj:J kali, kati, b !.'a 111i :
lui donner conseil. Le sacrifice d'un hwekê (siluridé dont les otolithes sont
recherchés) fut exigé, auquel il fallait joindre une macération de feuilles de
jan' ka awo yika akaa (Y).
Fa. Ka fit ce sacrifice et guérit. (Légende vraisemblablement incomplète). Traduction, d'après J. D. Clarke :
4. Devise. Laissez-moi de la place pour m'accroupir près de vous.
Death counting continually, counting continually, does not count me;
Légende. Cette devise est le nom que prit le Bobnô qui consulta Fa pour
Fire counting . ., counting .. , does not count me;
trois personnages : Dekpa, dont on assemble la charpente des toits ; Jakü,
Emptiness [misery, vanity J counting . ., counting . ., does not count me;
graine à forme de lentille, avec.laquelle jouent les Mina; ils la font tourner
Wealth counting .. , counting .. , does not cou nt me;
sur son bord, et la lancent à la rencontre d'une autre, tournant également;
Day [figuratively Time ?] counting .. , counting . ., does not count me.
et Azigokid, le haricot pistache ( r:.kpaboro Y).
A leur venue au monde, ces trois personnages se rendirent ensemble con-
The last line was translated to me as : " the spiders web is round the
sulter Fa, pour savoir le sort qui leur serait réservé sur cette terre. Fa leur
cornbin ". On the other band, jankawo is soot, so I would prefer to read it
prescrivit un sacrifice. Mais seuls les deux premiers le firent. Le troisième
as : "there is soot around the cornbin ", that is it had been burnt, and
s'abstint.
indicating that although death and other things had not concerned the
C'est pour n'avoir pas fait le sacrifice prescrit qu' Azigoküiï est maintenant
speaker hitherto, they would, in the end, just as the cornbin is burnt.
mis au feu, cuit et mangé. Les autres plantes ont plus d'importance : elles
permettent d'édifier les cases, de gagner de l'argent. Mais la troisième, on
pourrait s'en passer. En tout cas, on la détruit! Interdits.
5. La patate douce (dokwi) a fait un talisman pour l'igname, au temps ou
l'igname était encore petite. Et l'igname grossit, et devint plus grosse que la L'az"igokwï, le poisson fumé et recourbé (hwehiha), féléphant, les serpents
patate. de toute espèce, le crocodile, le lihwi (pangolin), les escargots, l'oiseau
La patate s'étonna : je t'ai fait un talisman pour grossir et te voici mainte- agbogbo, la patate douce, les singes (xa, kla, zïwo ... ) ; la violat.ion de ce der-
nant plus grosse que moi! Mais rappelle-toi que ce n'est pas là le seul talisman nier interdit est sanctionnée par la mort de l'enfant du coupable. Ka interdit
aussi de consommer du vin de palme et de boire dans une calebasse ka ·
que je détiens. J"ai aussi celui qu'il faut pour que les racines ne meurent pas ' ,
à la saison sèche. Et celui-là, je ne te le donnerai pas! cette homophonie a fait dire à un informateur : Ka réalise les ayortements
Que le Favi se tienne sur ses gardes. Il sera riche, aura des enfants, mais de même que si l'on coupe en deux le fruit du calebassier (ka), ses enfant~
(ses graines) tomberont.
son bonheur risque de lui échapper s'il n'abandonne dans la forêt le sacrifice
suivant : une poule, un coq, des patates et des ignames, vingt cauris. Ceux qui sont nés sous ce signe abandonneront à l'eau ceux de leurs
sacrifices qui dépendent d'une légende ou l'eau joue un rôle. Ils s'abstien-
dront de porter le pagne bigarré abuta, fait à Abomey.
Institut d'Elhnologie. - Bernard MAUPOIL.
1
LA GEOMANCIE A L ANCIENNE GÔTE D.ES .ESCLAVES LES SEIZE GRANDS SIGNES ET' LEUR MESSAGE 53 t
Il aime les couleurs tirant sur le rouge. Il apprécie également le noir, et
DOUZIÈME SIGNE : TURUKPÊ-M€Jl. les objets tachetés.
Noms : Turukpë ou Turukpà-M<.ji chez les Fon, l'r étant fréquemment Devises.
prononcé l.· On le nomme encore, Bokanô Ldo, Awonô Ldo, Ldo ]ime, ou
simplement Lelo '. Les Yorouba disent :Jtulur.t-· I. Turukpê I /;;à-gbe t:J nô gb€ b a; al:J di dè mô nô s:J ·hwe. Celui qui tresse

Sexe : féminin. la corde ne saurait tresser la terre; on ne peut lever la main et saisir le soleil.
Figurations : indicielle Personne ne peut nuire à celui qui a trouvé ce signe et a fait les sacrifices
1 1 11 nécessaires.
1 1 1 1 2. L€ lo mà nô lo do vi kpo. ta. La terre ne s'assied pas sur la tête d'un
1 1 enfant.
1 1 1 1 Cette devise mérite explication. Turulrpè-MEji, douzième signe, est le
dernier d'une série de douze forces mystérieuses ou l'on croit reconnaître
ésotérique : (cf. fig. 33 m) cc un enfant dans le ventre de les signes du zodiaqu;_ Les douze premiers signes sont comme réunis dans
sa mère ». le symbole du dernier. Celui qui découvre Turukpë-Meji est donc censé les
Caractéristiques. y découvrir tous. Le, comme l:J, désigne « ce que l'on ne doit pas faire,
dire, entendre, toucher, voir ii 1 ; dans la devise ci-dessus, il évoque les
Turukpê représente xo, la grossesse, et, d'une façon générale, outre les
douze premiers Fa-lvhji. Le (Y) signifie aussi la Terre, car les signes sym-
formes arrondies, - visages ronds, seins, - toute protubérance plus ou
bolisent la terre entière. Et ils sont assis (lo) en cercle. Le consultant fait
moins anormale: hernie, éléphantiasis, furoncle, tumeur, enflures diverses.
figure d'un enfant (i·i), devant ce dangereux déploiement de forces, que sa
C'est un signe des .Kènesi, et il passe pour avoir créé la diarrhée. Il est
tête (ta) est trop faible pour justifier. Ce le. appelle un sacrifice, car le Favi
redouté des fémmes enceintes, car il provoque les fausses-couches dans les
risque de perdre prochainement sa mère, son père, sa femme préférée, ou
premiers mois de la grossesse, et les avortements.
l'aîrié de ses enfants. On devine que les ~acrifices, destinés à écarter ce fâcheux
Il a créé la terre, nous dit un informateur, sous les ordres du signe Fu,
augure et à tromper la mort seront considérables.
et se trouve lié à l'abondance et à la richesse du fait de cette correspondance.
Le Favi, le jour même de la découverte du signe, cboisit un cabri parmi
Il a créé les montagnes (so ).
les plus beaux et une -calebasse ou il introduit une poule, la chair d'une
Turukpè est un des signes des Jumeaux (vodû Hoho).
courge, de l'akassa, une papaye. Le devin tue le cabri, verse son sang dans
Lorsqu'un devin le trouve au cours d'une consultation, il touche parfois
la aalebasse, prélève les intestins qui sont vidés et lavés avec soin, le cœur,
le sol de la pointe de ses doigts dont il effleure ensuite sa poitrine ; avant
les poumons, les reins, le foie, la graisse. Il tue la poule, ajoute ses viscères
de faire ce geste, il prononce le mot ; ilero I ou ldo (Y)! par lequel il
au contenu de la calebasse, puis le YE où il a inscrit les seize premiers signes,
invoque la Terre '. Le consultant, de même, peut demander- secours à la
compte autant de cauris que la famille du Favi possède de membres et les
Terre, et s'il se trouve dans l'assistance quelqu'un qui comprenne le geste
du Bok:Jno, il l'exécutera pour son compte. Gedevi. Son culte se célèbre encore : il possède des hùkpame où les novices sont initiés, et,
comme tous les vodù, un roko. Mais nul ne doit prononcer le nom de kp:J-vodù, car Agasu
Turukpë est lié aux vodu Sakpata, Dâ Ayidohwedo, Git, Xwioso, Dûduwa, seul peut porter ce titre, On trouvera une naïve description pe la cérémonie Hü-yi-t:J de
Na., Hoho et Kp:J-vodû (le Léopard vodû) 2 • Kp:J-vodii dans G. GoRER, livre III, p. 232. (L'ouvrage de GoRER a fait l'objet d'une critique
Sa feuille liturgique préférée est z.ûnà. pertinente de M. J. HERSKOVITS. African Travelo,r;ue, in The New Republic, Nov. 20, 193 5).
1. Comp. dicton d'Abomey : axnu do nukù a, e 110 mo nii a; e do to a, e no se nii a: e do
I. Ilero (Y) : çrase pour ile-oro, terre-'Solide. awôti a, e no tii ii nu lttwa a; e do nii a, e nà sihu d:J xo a. Le roi n'a pas d'yeux, il ne voit
2. Léopard-vodii, à ne pas confondre avec le Léopard royal d'Abomey. Avant l'arrivée pas; il n'a pas d'oreilles, il n'entend pas; il n'a pas de nez, il ne sent pas les mauvaises
des Aja qui le prirent pour blason, le léopard était considéré cgmme une divinité par les odeurs ; il n'a pas de bouche, il ne parle pas. - Le roi ne doit percevoir que le bien.
l
532 LA GEoMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SEIZE GRANDS SIGNES ET LEUR MESSAGE 533
1

pose un à un dans la calebasse en disant : voici ma mère, elle a payé; voici 1 8. {ni Jbi ni n'nkpô wi; Jtulu-lobi-m<ji; ni nkpô m<-ji; y~ ni n'nkpô Eni : a
mon père, il a payé .. , me voici . ., etc .. Io difa fü Abi-maku. Abi-maku la kpo lœ, :Jturukpô-M$ji ye ê.11i ni bi ni" ni koke.
- Et si, dans cette énumération, il omettait volontairement un membre Olu bJ, o ke alu bJ, a bi Jmô layiku. Oke gMi, ~bàï oke ! :Jturukpà w:i !obi Jmô
de la famille susceptible de « servir de siège à la terre >> ? layiku. Gbàï, gbai ake ! Oke gbiii ! akpa Jta Jka, gbâi olœ ! Oke gbài (Y)! Celle
- Il pourrait disparaître. qui a fait un [enfant1 le porte au dos; Jtulu ( = Turukpô) a fait deux
- Qui se chargera de ce soin ? enfants; [Jtulu] porte les deux; s.1 pensée lui a dit comment une seule per-
- Nous dirons qqe c'est Mawu, ne pouvant nommer nul amre. Mais il sonne peut porter deux enfants ; [ces quatre Babalaiuo] ont. consulté pour
arrivé souvent que le sacrifice même ne dispense pas un parent du Favi de Abi-makn (j'ai-fait-un-enfant-et-cet-enfant-ne-mourra-pas). Abi-maku, tel
mourir. Le d~vin lui prescrira donc un ou plusieurs sacrifices de sécurité. est le nom de la montagne. :Jturuli:pô-M~ji, c'est ta pensée qui a créé la
Celui-ci concerne le Favi et sa mère : le Bok:mô se rend dans uye forêt, avec montagne. [Abi-malw.] a fait un sacrifice, la montagne a fait le sacrifice, et
le Favi, édifie un petit tas de terre bien net, sur lequel il dispose des étoffes elle a engendré un enfant qui ne mourra jamais. Montagne inaltérable,
blanches, puis rouges. Il trace les douze premiers signes, puis, par déférence, inaltérable montagne! :Jturukpô, c'est toi qui as engendré cet enfant, qui
les quatre derniers, et incorpore le JE aux nourritures qu'il offre. La cale- rie mourra jamais. Inaltérable, inaltérable montagne! Montagne inaltérable!
basse les contenant est posée sur les étoffes rouges. Des colas y sont ajou- La haine ne peut rien contre toi, inaltérable montagne! Montagne inal-
tées. Une petite jarre contenant de l'eau est déposée à côté de J.a calebasse. térable!
Bok:mô et Favi mettent le front en terre et retournent chez eux. Ce sacrifice, Celui qui trouve ce signe aura de nombreux enfants mort-nés (abiku).
comme le précédent, s'adresse à tous les dunô. Il doit donc faire un sacrifice pour avoir un rejeton vivant, qui sera gros et
noir, et qui vivra (symbolisme de la montagne); il perdra d'abord deux
3. Az_a-xJ iiô dEkP< dagbe dagbe, bJ yoz.a-tà ka gk La maison plafotmée est
jumeaux, qui reviendront sur terre animer le corps de cet enfant.
très jolie, mais il y fait très chaud.
Par ailleurs, le Favi et la mère des jumeaux, menacés de douleurs dans
La maison bien fermée (plafonnée) désigne le ventre de la femme. Les
la région lombaire, recevront le conseil d'offrir un sacrifice composé de deux
femmes du Favi sont menacées de fausses-couches.
jarres, d'argent et de deux pagnes de couleurs noire, blanche et rouge. Un
4. Xo nô ma kpà ma kpâ, bJ vi tru. La femme est à peine enceinte et l'en- médicament est préparé par le prêtre dans les jarres ; le Favi et sa femme le
fant est déjà par terre, avant terme. garderont chez eux et il le.ur servira à des ablutions quasi-q uotidicnnes '.
Même sens.

5. Aja-xJsu-vi gâwo-mado a mo nô yi zo-tJ, bJ no et ne., bu ye e a yi die /J, Légendes.


a na ci de tnE. Le bracelet de fer, fils du roi des Aja, s'il entre dans le feu,
r. Selon un vieil informateur d' Abomey, Fa serait venu sur terre avant
n'y reste pas; mais le (feu) dans lequel tu es entré maintenant, tu n'en
reviendras pas. ses récadères : fagba, Minàna et Abi, qui sont sous ses ordres, à la diffé-
Le Favi a risqué bien souvent l'accident sans en être atteint : mainte- rence de Gbaadu qui est au-dessus de lui.
nant, il va succomber. Créé par Mawn, Fa tomba· du ciel, et trouva sur la terre tous les arbres,
toutes les plantes, tous les animaux, tous les oiseaux et toutes les pierres.
6. Nu na wa wli Kaja kpo bo kpà gbe dokpo. Le clou [=l'accident] viendra Et il consulta pour eux. Mais il n'y avait pas encore d'hommes. Il n'existait à
prendre Kaja avec ses amulettes, un beau jour. ce moment sur terre qu'une sorte de prototype humain, une créature
Même sens.
unique, toute petite, noire et ressemblant beaucoup à l'homme. On lui
7. Turukpê; waa tJ sisa mô nô hwe do fâ ji. Turukpê; la rivière en crue donnait le nom de Kota 2

s'étale largement sur les herbes.


r. Cette devise nous a été donnée par Gs1hgbe, qui la considérait comme importante.
Le Favi sera comblé par le bien et par le mal. 2. ÛLI pourrait recueillir au Dahomey, semble-t-il, des traditions concernant des pygmée>.
(Snite p. 534).
1
1

534 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES


LES SEIZE GRANDS SIGNES ET LEUR MESSAGE 53S
Fa vint d'Ay::J, et transmit toUs ses secrets à ce personnage étrange. 1 Le sang qui sortait du corps du bouc était du feu. Et le feu se répandit
Ainsi, lorsque Mawu eut créé les êtres que nous ,nommons hommes, partout et recouvrit tout le corps de Le.gba. Lsgba trouva la chose mysté-
Kota leur transmit à son tour cette science reçue de Fa : la connaissance de , rieuse et décida de consulter Fa. T11rukpê apparut encore, et Fa dit à Le.gba
toute chose, et de Fa lui-même. Koto savait parler à toutes les espèces du de prendre vite les intestins du bouc pour faire son sacrifice. Ce qui fut fait.
monde. Il énuméra celles-ci aux hommes dès leur création. Mais il oublia LEgba déposa le sacrifice sur le chemin et rentra.
!'arbre netté 'tue l'on nomma depuis kotobfr (et encore wu go) ; et ce forent Or en ce temps-là, Le.gba n'avait pas encore de tête. Et il prit la tête du
les hommes eux-mêmes qui donnèrent un nom à cet arbre. bouc, et la mit dans une jarre et la fit cuire. Mais elle ne voulait pas cuire!
Il eut beau activer le feu, la tête restait intacte. Il déploya en vain ses
2. Turukpè a consulté pour Fa, au temps où Fa était misérable. Fa prit efforts et consuma du bois pendant ·plusieurs jours. Il décida alors d'emme-
son l<p::Jli et demanda comment il devait s'y prendre pour trouver quelque ner la mère de Fa. Et il décida aussi d'emmener la tête et la viande du
agrément à la vie. Mst::Jlôfi, à cette époque, n'aimait pas Fa. bouc pour essayer de les faire cuire dans le pays d'e Me.talôfi. Et il versa
Et son kp'Jli lui dit de prendre un cabri, une ~alebasse, tous les fruits l'eau qui se trouvait dans la jarre pour cuire la tête, et prépara un coussinet
ronds qu'il pourrait trouver, pour en faire un sacrifice. Une fois le saçrifice i:ond en dezà, pour mettre sur ses épaules. Puis il couvrit la jarre, dont la
prêt, il devait l'apporter à sa mère, en lui disant : vois, ma mère, je n'ai base était toute noircie par le feu. Il mi.t le deza sur le couvercle de la jarre
rien obtenu _de cette vie, aucune joie. Et le roi du pays ne m'aime pas. Fa pour ne pas se salir et porta le i"écipient renversé.
consulté a dit que je te porte ce sacrifice. C'est de toi que dépend mon Et le dezii devint son cou et la jarre sa tête. Lsgba s'aperçut avec surprise
bonheur dans la vie. qu'il avait une tête et qu'~lle tournait fort bien. Vite, il emmena la femme
Mais Fa répondit : c'est mauvais; ma mère n'est pas ici. Il faudrait mar- par des moyens magiques, en chantant :
cher pendant des semaines pour la rejoindre. Comment vais-je faire pour
exécuter le sacrifice? - Lgba iotervint : donne-moi quelque chose et je J'ai mis en œuvre la magie sur la route,
rapprocherai ta mère de toi. - Que veux-tu ? - Dgba demanda un coq et j'ai acquis une tête !
et des gâteaux. Fa donna les deux. Lzgba se leva dans la nuit, alla voir la Je suis parti sans tête pour un voyage,
mère de Fa, et lui dit : ton enfant est mort il y a quinze jours, et voici et je reviens .à la maison pourvu d'une tête.
qu'H n'y a personne poûr célébrer ses funérailles. Vite, va dans le pays de
Mst::Jlôfi pour t'occuper de cette cérémonie. - Et la mère de pleurer : oh, Et il arriva ainsi au près de Fa.
comment faire, je suis vieille, je ne puis marcher ... - Lsgba lui dit : donne- Fa n'avait pas non plus de tête. Sa mère lui raconta ce qu'il était advenu
moi quelque chose et je t'emmènerai. - Que veux-tu? - La mère avait du bouc : comment ? mais je lui avais déjà donné tout ce qu'il fallait pour
un bouc qui avait douze cornes sur la tête. Et Logba regarda le bouc : si le voyage! Tant pis, cela ne fait rien. C'est son ltp::J!i qui lui a dit de faire
tu me le donnais, je t'amènerais tout de suite auprès de ton fils. - Elle cela. Personne ne me regarde, on se moque de moi ... Je vis dans la cuisine,
refusa : le bouc n'est pas à moi : il appartient à la Vic (Mawu). On me l'a et n'ai même pas une tête .. ! - Et il alla faire son sacrifice avec tous les
seulement confié. J'en suis responsable. - Si tu ne veux pas me le donner, fruits ronds, et le donna à sa mère qui emporta tout auprès du roi Mst::Jlàfï.
inutile de me demander du secours. - Alors, prends-le. J'ai déjà tout Elle donna les fruits au roi en lui disant : je suis venue de très loin, car j'~i
perdu ! entendu ton nom. Mais je ne suis pas riche : voici tout ce que je puis
Et Logba prit le bouc et le tua. t'apporter. - Cela ne fait rien, dit le roi, voyons cette calebasse. - Et la
femme découvrit la calebasse, où Mû::Jliifi aperçut des papayes, des oranges
(Lt:s nains se nomment ·wà; ce sont des taxasu). Ort dit qu'autrefois de petits hommes sor-
tirent d'un trou à l'emplacement de l'actuel quartier d'Agb/01m, à Abomey. Le rythme de et maint autre fruit rond. Aussitôt, il prit une papaye, et en fut réjoui. Il prit
l<::ur tamtam (kitîkpo) existe encore, et ils passent pour avoir introduit lei! gombo au le couteau et l'enfonça dans le fruit pour le couper en deux. Les graines
Dahomey. On les nommait me-gli-to-111s-11u, ceux du pays des hommes courts, ou Agblo111e- noires l'étonnèrent et il les approcha de sa figure. Et, au même instant, la
im, ceux d'Agblome.
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SEIZE GRANDS SIGNES ET LEUR MESSAGE 537
papaye se fixa sur ses épaules et c'est ainsi qu'il eut une tête. Il pensa alors Sexe : masculin, selon tous les informateurs.
que la femme était bonne et ordonna qu'on lui offrît des nattes, mais elle Figurations: indicielle
n'osa pas s'asseoir en présence du roi. Il insista, et, finalement, elle s'assit sur 1 1

des étoffes. Et on lui demanda son nom. Elle répondit : Na. - Mstalôfi 1 l 1 1

lui dit : à partir d'aujourd'hui, tu te nommeras Na Taxanumsta, - celle 1 1

qui donne (qui achète) une tête aux gens. Et c'est depuis ce temps que pour 1 1

avoir une tête(= des enfants), il faut toujours s'en remettre à Na(= aux
ésotérique (cf. fig. 33 n) : la figure rèprésente la blouse
femmes).
spéciale nahwâmi, nommée encore lcàsa11. Elle était portée à Abomey par les
C'est sous ce signe que les enfants arrivent au monde la têtl: la pre-
ministres du roi et les soldats seulement. Il ne faut pas la confondre avec
mière.
la djellaba, que l'on nomme waduwu (F) ou agbada (Y), et que portaient le
Fa devint très connu, grâce à sa mère, Na Taxantumta, et à son bouc,
roi, l' Agasuno, le grand Bobno du roi, le Migâ, le Mewu, !' Akplagii.
qui n'était autre que le soleil. C'est dans le feu du bouc mystérieux que vit
depuis lors Lsgba, dont le visage, sur les Fats, est surmonté de flammes. Caractéristiques.
Et c'est parce que Lsgba possède la tête de ce bouc qu'il accomplit tant
d'actes étranges. Tula parle des « races )) humaines. Les « marabouts l> et tous ceux qui
C'est ainsi que Li:.gba eut une tête, grâce à Turukpè, qui régit la grossesse portent de longues blouses sont venus au monde sous ce signe. Il symbolise
et tout ce qui est rond. tout ce qui est mah, musulman; les Blancs sont compris, selon certains,
Celui qui a trouvé ce signe doit faire un sacrifice, sinon il sera malchan- parmi les marabouts. Il évoque, en somme, tous ceux qui portent blouse ou
ceux. Sa mère jouera un rôle éminent dans sa vie : elle se confondra même manteau : la civilisation à manches, par opposition à la civilisation drapée;
avec sa \·ie. par extension, les autres races, c'est-à-dire ceux qui sont profondément
différents. Il régit la parole et «commande la bouche)). Il dit les bonnes et
ln terd i ts. les mauvaises choses, comme L~gba.
La cécité ', la mendicité, la dispute, le gros coquillage aje, ou !'on entend
Le gombo (frvi); la pJpaye (jikpf), à cause de sa forme, et la cucurbi- le bruit de la mer, l'écureuil (do), la tortue de terre (logoz.o ), la plante dê1î,
tacée ayz'/.>pê dont les sorciers font une grande consommation : la diarrhée sont venus au monde sous ce signe.
sanctionne cet interdit; le coq, la pintade; les serpents (da); le léopard Avant de parler de Tula, certains devins disent : atwa, atwa, atwa, a difa
(kpa), !'éléphant, le .Yla ; le sorgo (ab'Jlui) ; le petit oiseau drei;bagwe, tous f1i ntî (Y F), devise citée plus loin.
les oiseaux sorciers; tous les singes; le chien et le chat. Tula est uni aux vodtt L<.gba, Duduwa ou Ajaguna (même divinité que
Lisa), Hohovi, Dâ, Gu, Ayiyà, Taxasu.
Ses feuilles préférées sont.: alafya (Y) ou fifanuî (F) ; dëtimà (F) ·
TREIZIÈME SIGNE : TuLA-Mq1.
Tula adopte toutes les couleurs, mais semble préférer le bleu, le blanc,
Noms : Tula-M:.ji chez les Fon, entendu aussi :Jtula, :Jtura., - et !'or, et ce qui est tacheté.
même :Jt1îwa (Y) qui signifie : tu es revenu. On le nomme souvent Alajya, · Devises.
ou mieux : Kalajya alafya U-./~ âfya, bonne santé). Le mot yorouba cou- 1. Tuwa Tuwa Tuwa !
rant est :Jtura-M'-fi; il érnquera it l'idée de détacher. Un informateur a fait la difa f ûs nu (Y).
observer que le mot a.tutu signifie fièvre en yorouba. Le Z1ïnô, à Porto-Novo, Toua toua toua! (onomatopée évoquant le bruit d'un bavardage). C'est
disait : Tula est le maître de la langue; il désigne celui qui a deux paroles, le signe qui consulta Fa pour la bouche.
qui cherche à tromper. Celui qui tombe sous ce signe parle trop.
r. Mais le signe dont dépendent les sourds est Fu-Let•.
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES
LES SEIZE GRANDS SIGNES ET LEUR MESSAGE
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2. Tula-MëJÏ ! Malrnu de mô nô sè hè nu de a a. Un Mah. ne peut en Par ses bavardages, elle attire les ennemis qui viennent conquérir le .
adorer un autre.
royaume où elle vit.
Tous les Musulmans ont des sandales, de grands boubous et une coiffure.
selon l'optique du Dahoméen, ils sont donc tous égaux, tous cc rois », et iÏ Légendes.
n'y a pas de raisons pour que l'un d'eux reçoive le salut des autres '.
Le Favi n'aura pas à se soucier du rang social de ses interlocuteurs. r. Devise. Celui qu'on appelle père reste toujours père. Celui qui est grand
3. Mi mô Mahnu afade, afakpa yetô kâ iii afawe. Mi mô agbo gbe-tô afawe reste toujours grand. Si l'on n'emploie pas de mots par trop surprenants, le
kàwe, zo yeto iii afwekêne. Dà mô nô yi zû do hw<. do ji. Nous avons vu ·deux Musulman ne s'écrie pas : xabba 1 !
cents Musulmans, et leurs souliers étaient au nombre de quatre cents. Nous Légende. Ces trois sentences représentent les noms des trois Bokanà qui
avons vu quatre cent quatre-vingts buffies, et leurs cornes étaient au nombre ont interprété le treizième signe au Musulman, lorsqu'il descendit du ciel.
de neuf cent soixante. Le serpent ne peut entrer au lieu de la forêt où se Il habitait au ciel avec Mawu, avant de venir sur la terre. Il désira aban-
trouve Dii-AyidohwEdo. donner le ciel où l'on ne trouvait pas d'arge!lt. Chacun ~ait en effet que les
Même sens. marabouts n'aiment que l'argent.
Il alla d'abord consulter ces trois devins. Après avoir trouvé Tula-Mëji, ils
4. Ntî e hwlêsuva do hwe ada na e _a dokpo a WE e no do kija na. Le bec dont
lui recommandèrent de faire un sacrifice, pour éviter l'insuccès dans ses
le mange-mil se servit pour faire son nid, il s'en sert encore pour déménager.
Le Favi améliorera sa vie et la gâchera par ses paroles. affaires. Mais le Musulman ne le fit pas. En revanche, il voulut tout de même
descendre sur la terre. Il acheta dans cette intention trois chevaux à crédit,
5. Gba bo jodo f Hwe mà nà wli sft., bo no do wa nde. Laisse ! le soleil ne
afin de les vendre sur terre et revenir ensuite désintéresser son vendeur.
peut attraper la lu!1e et en faire quelque chose.
Arrivé au poste de douane qui existe entre ciel et terre ', et dont le
L'ennemi ne peut rien faire au consultant: qu'il le laisse en repos.
douanier est Agasu Sava (la mon), il trouve un paralytique qui lui dit : je
_ 6. Adà-mi~1ia-kpe ja ~bë., ha Së bla xa ni, oku e na hu Agwa-xasu e do Agwa- voudrais bien, moi aussi, descendre sur terre. Mais je ne peux pas ... Ne
z.um:. La femlle ada-mi-na-kpe (nous allons rencontrer la colère) vient vers pourrars-tu pas m'aider ? - Le Musulman y consent, et installe le para-
la vie, et Se (Mawu) lui a attaché [au flanc] un couteau (son épine). La lytique sur l'un des chevaux.
mort qui doit tuer le roi d'Agwa se trouve dans la forêt d'Agwa. Or ce paralytique avait sur lui trois flèches. En cours de route, le
Le Favi cherche q.uerell~ aux autres, et la riposte lui viendra de sa propre Musulman s'eloigne un instant pour satisfaire la nature. Le paralytique, pro-
bouche. Ses paroles inconsidérées lentraîneront vers la mort 2 • fitant de ce qu'il était seul sur le chemin avec les chevaux, enfonce une flèche
7. Tula-Meji dit: Allaa ... kubaru 3 ! dans le ventre de l'un d'eux. Le Musulman revient sans rien remarquer, et
Le Favi ne manquera pas de faire de nombreuses aumônes (saala). l'on se remet en route. Quelques minutes après, voici le cheval blessé qui
8. Aho kpo-nu ma nô kpo xle. Si usé que soit l'indigo, il arrive cependant tombe mort.
à tacher l'étoffe. Un peu plus loin, nouvelle colique du Musulman. Nouvelle flèche. Nou-
Le Favi ne connaîtra jamais la "misère complète. veau cheval mort. Enfin une troisième absence détermine une troisième
flèche ... D'où peuvent donc provenir tous ces malheurs? s'écrie le Musulman •
. 9 · Aln-vi (ou A lwe-vi) Gavë. nô hwe nda, no do ahwà do gba to na: La petite
pie Gavs, trop bavarde, attire ainsi la guerre qui << cassera » le pays.
1. Litt.: «c'est la faiblesse des mots qui empêche les Musulmans de crier Xabba ! » -
interjection exprimant la 5urprise.
·r. Cette
1 · devise
. . · doit d'autant moins être prise au pied de la lettre , qu'elle cons t•t
1 ue une
satire 'es c_1v1 11sa~1ons où le principe de hiérarchie ne se manifeste pas. 2. Douane : denu; douanier : demü1, degli. L'organisation douanière de l'ancien royaume

2. Ces six devises nous ont été données par Sàgà, chez G•degbe, en janvier 6. d' Abomey, de longtemps antérieure à la conquête par les Français, est pour nous un sujet
193 d'admiration. La question n'a fait l'objet d'aucune étude, pa·s plus que celle des octrob ou de
3. On reconnaît le tekbir musulman : ,r.s'I illl , Dieu est plus grand. la surveillance aux frontiè"res.
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔT:E DES ESCLAVES LES SEIZE GRANDS SIGNES ET LEUR ~IESSAGE
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Il se souvient alors qu'il a refusé de faire le sacrifice exigé de lui avant son vers Dieu, qui s'exclama : est-ce là de. l'huile pour cinq centimes? -
départ, et se hâte de le faire, en s'excusant. Parfaitement. - Tu sais pourtant que je vois tout. Je t'ai vu mettre deux
Le paralytique, n'ayant plus de monture, reste en chemin, et le Musulman centimes en poche. Puisque tu crois que deux centimes feront ton affaire,
continue seul sa route jusqu'à la terre. garde-les et va-t'en. Mais tu resteras. toujours dans ton grand boubou !
Il y parvient juste au moment où le roi de la terre achevait de mourir. Le blanc se présenta alors. Dieu lui confia la bouteille vide et les cinq
Selon leur coutume, les terriens prirent cet étranger pour roi. Ils le centimes. Le blanc partit, acheta l'huile, dépensa les cinq centimes et revint
désignèrent sous le nom d'Imamu. avec une bouteille pleine. Dieu lui dit alors : très bien ! Va t'en. - Le
C'est de cette époque que date, chez les Musulmans, la dignité d'Imamu blanc s'en alla, mais Dieu le rappela : donne-moi tes mains, je vais te bénir.
(Imam). - Il pulvérisa de la salive dans les paumes tendues: tu es béni parmi tous
tes frères; tu les commanderas.; ils devront se soumettre à toi.
2. Devise. Adâîi- (ou déü-) vs ws ja gbs-ms, fo Segbo-Lisa ka ne hwi, bo bla
C'est pourquoi, jusqu'à nos jours, les marabouts et les noirs sont soumis
ni, bo d1 ni : wa dsde ! a ma wa dsds ! a 11, hwi e na lm we ene; e iîi a wa
aux ordres des blancs 1 •
deds fo, hwi e na ln we ene. L'arbuste adàii aux. feuilles rouges arrivant au
monde, Ssgbo-Lisa lui a donné un couteau (=une épine), et le lui a attaché + Légende. Fourmilière (Awasaset1nu) et Rat-Palmiste (Dejifi) sont deux
[au corps], et lui a dit : fais doucement ! si tu ne fais pas doucement, c'est amis.
lui gui te tuera; si tu vas doucement, c'est lui qui te rachètera. Deux amis alliés par le sang.
Légende. Adâit-vs est une jeune fille. Lorsqu'elle vint au monde, Ssgbo Rat-Palmiste est un voleur. Fourmilière ne se déplace jamais, et a beau-
Lisa lui donna un couteau. Ce couteau représente ses deux seins (anô). coup d'enfants. Rat-Palmiste vient trouver Fourmilière et lui dit: je vou-
Lorsque ses seins sortiront, les jeunes hommes auront plaisir à les toucher. drais habiter près de toi. - Mais sa demande est rejetée. II quitte Four-
Alors, irritée contre certains, elle frappera leur main indiscrète. Mais elle milière, et dix mètres plus loin à peine, se met à creuser un tunnel pour
risque ainsi de tomber sur un mauvais plaisant, gui fera un charme contre passer sous elle.
elle. Ses seins auront été, dans ce cas, la cause de son malheur. Or Fourmilière a toujours sous elle un plateau sur quoi elle s'assied. Ce
Si, de même, la plante épineuse adàù-vs pique celui qui la touche, elle sera plateau est en terre bien lisse, en forme de disque. Rat-Palmiste arrête son
par vengeance coupée. souterrain sous ce plateau. Et, pendant la nuit, il sort pour aller dérober des
noix de palme dans les champs du voisinage. Puis il revient les manger
3· Légende sans devise. Au commencement, Dieu créa l'homme n01r,
sous Fourmilière. Et Rat-Palmiste ne cesse pas de voler ... Toutes les noix
puis le marabout, et enfin l'homme blanc.
qu'il a volées rempliraient une case.
Puis Dieu alla se placer à un carrefour, pour bénir ses enfants. Le noir
Or les noix qu'il vole appartiennent au roi Mst1làfi. Voyant la vitesse à
vint à passer. Dieu l'interpella et lui confia une bouteille vide et cinq
laquelle elles disparaissaient, le roi envoie des récadères à la recherche des
centimes pour aller acheter de l'huile de palme. Le noir partit, garda un
voleurs, et leur donne l'ordre de fouiller les maisons. Les récadères finissent
centime pour lui, et acheta de l'huile pour quatre centimes. Dieu, gui voit
par découvrir, à l'entrée du trou de Rat-Palmiste, les coques de noix qu'il y
tout, vit ce que le noir avait fait. Comme celui-ci revenait avec la bouteille
a accumulées. Ils reconnaissent aussitôt le trou caractéristique de Rat-
d'huile, Dieu lui demanda: est-ce de l'huile pour cinq centimes, cela?-
Palmiste, et vont rendre compte au roi que les noix ont été volées par lui.
Oui. - Tu sais que je vois tout. Je t'ai vu, au moment ou tu empochais un
Mû1lôjï ordonne qu'on le mette à mort.
centime. Si tu penses qu'un centime puisse te suffire, va t'en donc avec celui-là!
Les récadères reviennent avec des outils, et se mettent à creuser. Ils
Le marabout passa. Dieu l'appela et lui remit une bouteille vide et cinq
creusent, ils creusent, et lorsqu'ils arrivent tout près de Fourmilière, celle-ci
centimes, en lui demandant de ramener pour cinq centimes d'huile.
s'en avise et se dit: pourquoi donc creusent-ils de la sorte jusqu'à moi? -
Le marabout partit. Arrivé à l'endroit où l'on vend il retrancha deux
'
centimes à la somme, et acheta pour trois centimes d'huile. Il revint 1. Cette histoire, recueillie a Porto-Novo, est un simple témoignage d'obséquiosité. (L'in-
formateur désirait que nous;fissions les frais de son imnôt dt• ''""itMinn\
542 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SEIZE GRANDS SIGNES ET LEUR MESSAGE 543
Là-dessus, les récadères arrachent un bras à Fourmilière, puis une jambe. 6. Lorsqu'il était encore au ciel, auprès de Mawtt, le coquillage Aje se
Tiens tiens! s'écrie-t-elle, en voilà une histoire ! - Sur ces entrefaites, on nommait Aina, et était femme 1 •
lui casse les reins, puis on disperse ses petits. Fa Aid:Jgu éprouvait alors de grandes difficultés d'argent. Et, comme il
Rat-Palmiste, après avoir chassé fructueusement toute la nuit, dormait était très pauvre, personne ne l'invitait nulle part, dans aucune société.
profondément sous le plateau, ou on le découvre. Lorsqu'Aina vint au monde, comme elle n'avait pas assez bonne apparence
Qui a causé tous Ct'S malheurs à Fourmilière ? Rat-Palmiste. C'est pour- pour être aimée, personne ne voulut la faire loger chez soi. Lorsqu'elle
quoi ceux qui viennent au monde sous ce signe ne doivent jamais garder chez demandait à quelqu'un l'hospitalité, on la renvoyait toujours. Elle fit ainsi,
eux de visiteurs, notamment des gens en fuite, originaires d'un autre pays. vainement, le tour de la ville. Finalement, elle se rendit chez Fa Aid:Jgü,
Sinon le malheur qui doit atteindre les hôtes indésirables rejaillira sur eux. qui était tout seul chez lui, et elle lui demanda l'hospitalité : très volontiers!
Quant à Fourmilière, elle ne prévoyait auc:un malheur de ce genre. C'est - répondit-il. C'est ainsi qu'Aina eut sa chambre dans la demeure de Fa
pourquoi elle n'avait_pas consulté Fa. Aid:Jgu.
Quelque temps après, Aina alla trouver Fa Aid:'>gü, et lui dit ·: je vai5
5. « Une épidémie décime la ville de Fè. Fa et les Vodoun, qui souvent
vomir. - Comment cela, vomir ? - Eh oui. - Alors Fa lui présenta une
vantai'ent leurs forces psychiques, n'arrivent pas à juguler le fléau. Mètolon-
assiette pour qu'elle pût vomir. Elle refusa. Il lui présenta une calebasse.
fin, roi de Fè, courroucé, envoie arrêter les Sapata (génies terriens), les
Elle refusa. Il lui présenta une jarre. Elle refusa c:ncore. Il s'étonna : voyons,
Hèbioço (génies de l'air et du feu), les Tohoçou (génies de l'eau) et un
comment faire ? - Je vais te dire, répondit Aina; là d'où je viens, j'avais
jeune musulman grand et minée nommé Alafia (Toula al Fa). Mètolonfin
l'habitude de vomir toujours dans la chambre. - Fa répondit : c'est bon,
s'écrie: cc vous êtes des amis parjures ! confiants en votre immortalité, vous
vas-y. - Une fois entrée dans la chambre, Aina commença à vomir toute
laissez périr mon peuple. Eh bien, je vous enferme dans cette grotte, et nous
espèce de perles précieuses, bleues, rouges, vertes, etc ..
verrons dans huit jours ... ».
A ce moment, quelqu'un entra dans la maison et s'enquit d' Aina. Alors
Les Vodoun meurent d'inanition après quatre jours; quant à Alafia, il a
Fa Aid:Jgü réponciit : Aina est dans sa chambre, en train de vomir. -'-
dans sa poche des morceaux de kola acuminata, d'ahohé et des grains d'ata-
L'étranger qui venait d'entrer était un marabout. Il alla voir ce qu'Aina
koun, qu'il mâche.
vomissait: ha ha, dit-il, nous ne savions rien d'Aina, jusqu'à ce jour ! -
Vient le huitième jour, on casse la maçonnerie dont la porte de la grotte
Et il la vit, et décida de la servir, et employa le mot Anabi ou Anavi, c'est-
est murée. On entre: des cadavres de Vodoun gisent. Seul, Alafia vivote,
à-dire Aina bi (Y), Aina vomit.
mâchonnant toujours sa bouchée. cc Portez-les devant mon trône, dit Mèto-
Aina donna toutes ses richesses à Fa Aid:Jgii. Et les Musulmans, depuis
lonfin. Et toi, Alafia, puisque tu survis aux Vodoun, ressuscite-les, ou le
lors, ont fait d'Aina une divinité, sous le nom d'Anabi.
bourreau ... >>.
L'heureux Alafia use de charmes, de Fadou, de feuilles, et réalise le miracle 7. Devise. Tu-tà-mbeù, do to-mbe11, do n11 tutuws no do ku do nu do. Tu-to-
à la stupéfaction de la Cour. Les Vodoun ressuscités se prosternent devant mbeii! crie l'écureuil, to-mbe1ï ! L'écureuil même, de sa propre bouche, attire
Mètolonfin. «Je vous maudis, Vodoun, tristes enfants des éléments; vous sa mort (=le coup du chasseur).
avez des sens, mais ils ne vous serviront plus. Alafia est désormais votre roi; Celui qui trouve ce signe doit se méfier des bavardages et des indiscrétions.
il verra, il entendra, parlera, agira pour vous. Il sera devant vous ; vous ne Légende. Lsgba et Écureuil sont deux amis.
pourrez jamais rien sans son intervention. Le Fa est nommé roi ii. Écureuil est un paysan. L~gba, lui, s'associait avec Fa pour aller donner
Depuis ce jour, les Vodoun ont cessé de se manifester aux mortels. Le Fa en ville des consultations, et ramenait des poulets. Voyant le champ d'Écu~
transmet leurs messages aux hommes par cette allégorie que sont les Fadou ii 1 • reuil, il a envie de le lui prendre et demande à Fa : je voudrais bien m'ap-
proprier le champ d'Écureuil. Mais comment faire? - Tula-Meji se présente;
I. Légende recueillie pour nous par l'instituteur Nicolas Afoutou. Il ajoute : « Toula-
médji se nomme communément alafia ou alfa. Il symbolise l'homme grand et mince, plein r. A/na est le nom que l'on donne à la seconde née des jumelles, la première se nom-
de connaissances, le premier des savants, des bokonon ». mant Tao (Y). En fo-gbe, Yayn et Dolu.
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SEIZE GRANDS SIGKES ET. LEUR MESSAGE
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un sacrifice est demandé : un manche de houe cassé, une pierre à écraser les seilla de faire un sacrifice, sous peine de ne jamais découvrir la calebasse de
noix de palme, une outre pleine d'eau. Le sacrifice est fait, et déposé dans vie.
le champ d"Écureuil. Et les poissons vinrent à passer près de Fa, et consultèrent, et Fa leur
Lsgba, voyant que le maïs, et tout ce qui est planté dans le champ d'Écu- conseilla de faire un sacrifice, sous peine de ne jamais découvrir la calebasse
reuil, pousse bien et doit bientôt être récolté, convoque Écureuil chez le roi de vie.
Lôjî. Lsgba dit alors: Écureuil m'a volé mon champ. - Écureuil de se Mais les animaux et les poissons refusèrent d'accomplir le sacrifice.
récrier : le champ est à moi ! Lsgba n'a jamai~ cultivé un champ. Il n'a Tout ce qui se trouve dans la vie alla ainsi consulter Fa successivement.
jamais su faire qu'une chose : aller se promener avec Fa pour ramener des Et à tous Fa donna la même réponse. Et nul ne fit son sacrifice.
volailles. Le champ m'appartient. Je le garde ! Mais l'homme se présenta le dernier, et il exécuta le sacrifice prescrit par
Le roi désigne quelques experts pour aller faire une enquête. Avec Écu- Tula. Après le sacrifice, fa lui donna deux cannes et lui dit: si tu vois des
reuil et L<gba, ils arrivènt à proximité du champ litigieux. Vite, Écureuil poissons, des animaux, des serpents .. , laisse-les se battre et ne les sépare
grimpe sur un arbre, et invite les experts à le suivre. Ceux-ci demandent : pas. Mais si tu trouves deux oiseaux qui se battent, sépare-les.
est-ce donc de là-haut que tu laboures ton champ? - L€gba, qui, avant de Et voici que, successivement, l'être humain aperçut deux buffles, puis deux
cirer en justice Écureuil, a pratiqué à son insu un passage à travers les buis- lions, puis deux serpents, puis deux poissons, qui se battaient. Et, chaque
sons jusqu'au champ, invite les experts à le suivre. Arrivés au champ, les fois, il passa son chemin. Mais il trouva, à l'intérieur de la vie, deux
experts et Lsgba y pénètrent. Lsgba leur montre les objets du sacrifice qu'il oiseaux qui se disputaient une calebasse et avaient déjà entremêlé leurs
avait déposés, et dit: voici la pierre avec laquelle je brisais les noix de palme, pattes.
et le manche de ma houe, qui est cassé. Voici l'outre où j'apporte de l'eau Il prit les deux cannes, et en lança une vers les oiseaux. Et, aussitôt les
pour boire lorsque je viens travailler. Demandez donc à Écureuil de vous oiseaux se séparèrent, et la calebasse tomba.
montrer où sont ses outils ! - Mais on ne trouve rien dans le champ, en Et l'homme emporta chez lui la calebasse de la vie. Il y trouva la force,
fait d'outils appartenant à Écureuil. .. et tout ce qu'il faut pour satisfaire les vodü, pour être plus fort que tout ce
Alors les experts retournent chez le roi, et lui rendent compte de ce qu'ils qui vit, et plus fort même que les vodü, car il apprit le secret de les apaiser,
ont vu. Et le roi déclare Lgba propriétaire du champ. tout ce qui évite les accidents ou l'empoisonnement, etc ..
Écureuil, fâche, dit à Lsg_ba: toi, tu es un voleur. Tu ne vaux rien ! Moi, Et tous les animaux constatèrent à leurs dépens que l'être humain était
ton ami, tu m'as volé ! Tu seras maudit par la vie (Mawu). Je me console leur maître, et qu'il dominait la nature. C'est pour cela qu'il reçut le nom de
en. pensant que je vaux mieux que toi. Tu n'auras que le champ. Moi, j'en gbz-t:J, père de la vie.
aurai un autre ailleurs, et aussi des enfants ; toi tu n'auras rien. Nul ne doit négliger les sacrifices de Fa 1 •
L'Écureuil n'avait qu'à tenir sa langue, au lieu de crier et de monter à
l'arbre. Et surtout, il aurait dû faire un sacrifice, comme L.gba. Mais il n'a Proverbe.
même pas consulté Fa 1 !

8. Tula-Msji a consulté pour tout ce qui se trouve dans la vie. E su va nu hsE, e h ja wuwu gbe 'J V'JV'J jè na wu. On enlève au perroquet
Si quelqu'un trouve ce Fa, dis-lui_: la calebasse de ta vie est perdue. kess les plumes rouges de sa queue, mais les plumes reviendront, et repous-
seront semblables.
Dieu a créé le monde, et a fait les animaux, et a dit que celui qui trou~
Quoi qu'on fasse au Favi, il lui restera assez de biens pour vivre.
verait la calebasse de vie serait le maître de la vie. Dans cette c·alebasse se
trouvaient des pagnes, de l'argent, des enfants, des femmes, tout ce qu'il
1. Légende contée par Sâgâ chez G.degbe, de qui il la tenait.
faut pour l'entretien de soi-même et d'autrui.
Et les animaux passèrent près de Fa, et ils consultèrent, et _Fa leur con-
lnstilul d' Elh>10/ogie. - Bernard MAUPOIL. 35
1. Légende contée par Stlgà cht!z Gidigbe,_ de qui il la tenait.
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SEIZE GRANDS SIGNES ET LEUR MESSAGE 547
encadrer le carré sur lequel se porte l'attention .du lecteur. C'est ce carré qui
Interdits. appartient à Lû:.. Si l'on mettait des couleurs sur cette figure, on colorerait
L'écureuil-(dà), le chièn (ne pas même avoir de chien chez süi), le coq, la le ciel en blanc, couleur de Lisa, ou en bleu, couleur du ciel qui nous
1

tortue de terre, le xla, tous les singes, le maïs grillé, le tabac, - car celui entoure, et la terre en rouge, couleur du vodii Salcpata.
qui rejette la fumée prononce le nom de Tula, - l'agu (igname pilée),
l'oiseau xwltt. Tula recommande de faire de nombreuses aumônes, et d'avoir Caractéristiques.
chez soi un de ces petits autels de sable qui servent aux Musulmans pour
faire leurs prières. Celui qui a trouvé Lû; doit porter quarante cauris, un poulet, une
Tous les signes en Tula ont en commun les interdits suivants : être dis- bouteille d'alcool à Gbaadu. Le poulet est remis en liberte, et on l'enterrera
cret, ne pas manger de chair de porc, ne pas boire <le vin de palme, ne pas dès sa mort. Lfa est un signe de Terre (ile Y, ayikügbà F) et du dom:üne
porter de couteau en poche, ni se vêtir <le la blouse agbada. terrestre; aussi tout ce qui est mort lui appartient-il. Mais la mort elle-même
Ils semblent impliquer une sorte d'adhésion in petto à l'Islam. relève de Ydm.
Ce signe est en rapport avec la longévité et la mutité. II a amené sur
terre l'abcès, le furoncle, la variole, une fièvre éruptive souvent mortelle,
QUATORZIÈME SIGNE : Lae-Mq1.
nutifa, et la lèpre, adû<- (Y, gudu F) '.
Noms: L:.t;-Msji chez les Fon, qui ont supprimé le préfixe du mot yorou- Il ne doit pas être nommé avec le signe Ce-Msii : Bokanô ma d" o, un
ba lr;ts. Parmi les Nago: Oji-L:.fa ou Oli-At:.. Signification : le kp'1li de la devin ne doit pas dire cela. Lst<.-MEJÏ est un signe des Kènesi.
terre, en yorouba : ih ou in !E, la terre a consulté au Fazü '. Il est en rapports étroits avec les vodü Gbaad11, Gu, Na, Sakpata, Da, Xwio-
Sexe : féminin, selon tous les informateurs. so, Lisa et T'1X'1Stt.
Figurations: indicielle Ses feuilles liturgiques préférees sont aca wewe (Y) ou ahwimà (F) ; nesik~ ;
1 1 azàvovwemà; akaya (F), huya (Y).
1 1 Ses couleurs sont : rouge, noir et gris, bleu, blanc.
1 1 1 1
1 1 Devises.

1. B'1ba de no w sa "' ka ka nu hwe atà-ms na su "· nu de na ku, b" e nagb'1-


ésotérictue: v. fig. 47, un carré inscrit dans un cercle. Le cercle, selon un très
ji:. Hwe mô nà wlè ax'1stt xa avivi. Si un Bobnà sait bien faire les sacrifices,
vieil infotmateur d' Abomey, représente le domaine de l'inconnaissable, ou le
d'ici trois ans quelque chose ( = son ennemi) mourra, et il sera à l'aise. Le
ciel. Le carré symbolise le domaine de nos connaissances, la terre (Sakpata).
soleil ne peut rien contre l'ombre qui règne.
Ce que nous ignorons, - le cercle, - se nomme w2h ; wd<ê-nà, maître de
Le Favi gardera tout ce qu'il possède. Ses ennemis ne pourront rien lui
i'inconnaissable, est un des noms honorifiques de Lisa et de Dàbada Hw;do.
arracher.
GbE désigne tout ce qui tom be sous nos sens, la vie telle qu'elle se manifeste
à nous 2 • II n'existe pas d'autre terme pour désigner ces deux entités. ?.. Zü de gla nô zî wà do do. Le marteau courageux enfonce l'enclume en
Mais LE12 n'est pas le monde tout entier, connu et inconnu. Si l'incon- terre.
naissable est visible, dans la figure, sous la forme d'un cercle, c'est pour mieux
1. Les Fon n'appellent presque jamais la lèpre par son nom ; ils disent azà-vo, le mal
1. Comp. baü1bara latunt, au sens de géomancie. Les Jeux mors pourraient n'être qu'une rouge. Cette maladiè passe pour être plutôt héréditaire que contagieuse. Ged<gbe lui assignait
corruption de l'arabe: et tnïb, signifiant la terre. une origine tellurique. Principalt:s contre-indications alimentaires : crevettes, antilope rouge
2. Gbz-ta, père de la «vie », signifie homme, mais l'analyse donne : celui qui commande, t•, volaille, porc, piments, haricots, papaye, alcool, vin et huile de palme. Aucunti étude sur
roi de la création visible, du tangible, du carré, - par opposition aux animaux. la question.
··1
1
LA GÉOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SEIZE GRANDS SIGNES ET LEUR MESSAGE 549
S'il est courageux et s'il accomplit les sacrifices, le consultant éliminera de 8. Fa dit: je suis toujours présent, qu'un malheur vous arrive ou qu'un
même tous ses ennemis. Cette devise est commune à Lsts et a Guda •. malheur vous quitte.
3. Lte-JimE ! Akwz ad,kpo- (ou doko) tà; av' doko-tô, vi doko-tô, asi do.ka- . Allusion au rôle de la terre, qui recueille tous les déchets et tous les cadavres.
iô hh-jE-gh na zù ku 11ô yo-mscobo nô gb;.. L'argent appartient au sac (ou à Le Favi est menacé ; il n'est pas aussi fort que la terre.
l'accident), les étoffes appartiennent à l'accident, les enfants appartiennent à 9. W' to ghEgbê. wa mi (Gû); WJ tonu ghEghEwe nu mi (F). L'arbre gh$ghe.
l'accident, les femmes appartiennent à l'accident [c'est·à-dire à la terre]; est toujours là, au bord du fleuve-Wems.
celle contre qui l'on ne peut rien ( = la terre) peut insulter la mort par Par extension : celui qui explore la terre (la vie, ghs) ira jusqu'à la mer.
les organes de sa mère et rester [pourtant] vivante. LztE-Meji s'étend partout, jusqu'au bord de la mer, et ne meurt pas.
Le Favi est protégé. Le Favi, pour vivre longtemps, accomplira <les sacrifices.
Variante: LEIE-MEji ! 01~/Ej•gb• zù ku-nà yo-mE bo nà ghe. GklejEghë (c'est-à- ro. Af' de do de to mE, devo do ahwa to mz. J'ai un pied da:ns le mortier
dire Lsfa-M<ji, ou la Terre) a insulté la mort par
les organes de sa mère, et plein de noix de palme, l'autre dans le mortier plein de fruits du netté.
pourtant la mort ne peut se venger dt: lui 2. De-to-me. (jeu de mots sur de, palmier, et de, ici) désigne le pays d'ici,
LEtE-MEji-est très têtu et très courageux ; ceux qui naissent sous ce signe cette vie. Le Favi est « ici », mais la mort (ahwa donne une odeur fétide) le
n'ont peur de rien. Il se moque même de la mort: il l'insulte, et elle ne
menace.
peut rien contre lui. Légendes.
4. Niï go si ji mà nà lé ta ayi. Ce qui vient d'en haut doit poser la tête
1. Devise. To mô mi, to 11a gâ; to ma 1116 mi, to na ku. Si la ville me trouve,
sur terre. (La terre cc voit» tout ce qui tombe).
elle sera sauvée ; si la ville ne me trouve pas, elle mourra.
Le Favi saura tout ce qui se passe, en bien comme en mal.
Légende. Le roi d'Ifè, Làfi, avait deux femmes. Ces deux femmes étaient
5. Ed': e!E ayiluïgbii kawa ho mô nà ktt ghede? h;. dJ : n' t•
mi tE ho mEJÏ. Wë. jalouses. Un beau jour, la première se mit à cuire des noix de palme, et la
On demande : qu'a fait la terre pour ne jamais mourir ? et [la terre ].a seconde des fruits d' ahwa. Une fois ce travail fait, elles allèrent trouver le
répondu: j'ai étalé [Fa et trouvé] Lûs-MEJÏ. roi: nous avons déjà cuit nos fruits. Maintenant, tu vas venir les piler. -
Le Favi, comme la terre, n'a rien à craindre actuellement de la mort. Comment ? protesta Làfi, moi, roi de ce pays ? - Il se mit pourtant au
6. E iii ga do Ake-zùm;. b, DE-züms 11à xwiyo-wu. Vi adi ce iii je ji we 1', nu travail, plongea une jambe dans le mortier qui contenait les noix, l'autre
towe nayô (crase pour na iiô). On lance la flèche dans la forêt des cris (ake) dans celui qui contenait les fruits d'ahwa.
et la forêt du père (d;.) se calme [aussitôt]. Mon enfant, [dit LEte-MEJÏ à Or les sujets doivent, tous les matins, venir saluer leur roi. Ils le trou-
D;.-z_li,] s'il est vrai que je t'ai mis au monde, ta vie sera bonne. ~èrent, ce jour-là, en tr~in de piler dans cl.eux auges, et tous en furent
Le Favi sera défendu. surpris et choqués ...
zi
7. Ami cere cere, cobJ wiwi-116116 g/, tà. La surface de l'huile de palme Le travail fini, sans rien dire à ses gens, le roi s'en alla trouver Fa, et
reposée est claire, mais il y a un dépàt très noir à la base. lui dit: j'ai pilé ce matin des noix de palme et des fruits ahwa pour mes
La terre est bien lisse;:, sa surface ne présente rien d'anormal, mais femmes. Mes sujets sont venus comme de coutume me saluer chez moi et
si l'on creuse, on découvre des cadavres, des squelettes, des excréments m'ont vu trimer comme un simple paysan... Comment retrouver mon
enfouis. prestige ? . .
Un danger inattendu menace le Favi. L:.tE·M;.ji apparut, exigeant en sacrifice une partie des noix et des frmts
d'ahwa pilés, un coq, un plateau en bambou tressé. Le roi s'exécuta. Fa lui
1.Cf. Formule de sacrifice ap. J. SPIETH, Die Religill11 . ., op. cit., chap. m, p. 213, xrv. mit entre les mains le plateau, sur lequel il plaça deux boules constituées par
- F. AuP1A1s, loc. cit., p. )4 : cc Le marteau courroucé passe sa colèn: sur le fer».
2. L'insulte par le vagin ou p:1r l'oreille de la 'llère est particulièrement ressentie. L'oreille
les fruits pilés, fit trois fois le signe LûE-M$ji sur son Fate, saupoudr~ le
(to) est évidemment un euphémisme. (~11prn, p. 5 17, n. 1). plateau tressé et son contenu avec la poudre du FalE, et donna au roi le
-,
1
550 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SEIZE GRANDS srmrns ET LEUR MESSAGE 551
cog, pour qu'il allât lui-même, avec son plateau sur la tête, l'égorger devant Un beau jour, Fa Aydagü revint de voyage. Il envoya son serviteur au
le to-Lëgba. marché pour y acheter quelqu'un et l'offrii.- à son kpali. Ce jour-là, au marché,
Arrivé devant le to-Legba, Lôfi agit selon les recommandations de Fa. Aus- le serviteur ne trouva à acheter que la fille d'Osu n' laya. Il l'emmena dans
sitôt, Lsgba vint l'habiller, et posa sur sa tête une couronne. Le roi retourna la maison de son maître, où lui furent confiés de menus travaux.
chez lui avec son .beau costume et sa couronne. Et tout le monde le salu.a Le jour de la cérémonie arriva. On donna du maïs à moudre à la jeune
sur le chemin avec respect. Quelques sujets audacieux lui demandèrent : fille, pour en faire dè la farine (tutu Gû, almtu F). Comprenant ce qui l'at-
n'est-ce pas toi que nous avons vu, il n'y a pas si longtemps, pataugeant tendait, elle pleura en moulant son maïs. Or, ·avant de mourir, sa mère lui
dans les mortiers des femmes ? - Pas du tout, dit le roi. - Ah bon ! avait raconté tout ce qui s'était passé entre elle et Fa. En pieutant, la jeune
répondirent les sujets. - Mais si ! reprit le roi, je me rapp~lle : un malheur fille se lamentait : quel triste sort est le mien ! Oyez mon histoire: ma
était sur le point de fondre sur la ville, et Fa m'a obligé à mettre !es pieds mère à l'âae de trente et un ans, n'avait pas encore d'enfants. Elle alla con-
' 0 -
dans ces mortiers avant d'aller faire un sacrifice au to-Lëgba. Je viens de le sulter un jour un devin, et lui demanda pourquoi elle restait stérile, et ce
faire. Nous aurons désormais la paix sur la v.ille. qu'il fallait faire. En réponse, il lui demanda d'exposer un sacrifice devant
une certaine brousse. En s'y rendant, elle tomba dans un fossé. Et le len-
2. C'est le signe Lsts-Me;ï qui abolit les sacrifices humains accomplis en demain matin, un homme noir vint à son secours, la retira du fossé et
l'honneur de Fa.
coucha avec elle. Ayant couché avec elle, il continua son chemin. C'est ce
Autrefois vivait une fille du roi d'Aya, qui s'appelait Osu n'laya. Une fois contact qui me fit venir au monde. Et, depuis ce temps, jamais je n'eus la
mariée, elle n'eut pas d'enfants. Et, à trente et un ans, elle déclara qu'elle chance de connaître mon père.! ..
allait consulter Fa, sur les raisons de sa stérilité, et pour lui demander un Ceux qui l'entendirent s'e-xprimer ainsi s'approchèrent d'elle et lui deman-
enfant. A la consultation, le devin lui GOnseilla d'offrir en sacrifice deux dèrent si elle connaissait au moins le nom de l'homme noir gui avait eu
cabris, deux poulets, deux pagnes en raphia et onze francs. Elle acheta tout des relations avec sa mère. Elle répondit : ma mère m'a dit que l'homme
ce qu'il fallait. Alors le devin lui dit d'exposer le sacrifice à la tombée de la s'appelait Fa Aydagû.
nuit, devant une certaine brousse qu'il lui indiqua.
Ses paroles furent rapportées à Fa Aydagû. Et celui-ci s'approcha de la
Elle s'y rendait le soir même, lorsqu'elle tomba dans un fossé profond, où jeune fille pour mieux écouter. Alors, il connut qu'il s'agissait bien de sa
elle dut passer la nuit _malgré elle, avec toutes ses offrandes. Le lendemain fille. Il lui était impossible de tuer sa propre fille! En échange, Fa ~ydagît
matin, elle aperçut la tête de Fa Aydagtî., qui passait près du fossé. Elle appela: envoya acheter au marché des cabris, des poulets, des pigeons, des rats des
viens à mon secours ! .. Écoute-moi : on m'a dit de venir exposer mon champs, etc., et il les montra à son kpali en lui disant : voic.i ce que tu
sacrifice devant cette brousse. En m'y rendant, je suis tombée au fond de mangeras désormais. Tu ne recevras plus de chair humaine.
ce trou. - Fa Aydag1t lui dit : lance-moi tes deux pagnes en raphia. - II Ainsi furent supprimés les sacrifices humains au Fa. On ne lui sacrifie,
prit les deux pagnes qu'elle lui jetait, les noua ensemble par leurs bouts, et jusqu'à nos jours, que des bêtes'.
tendit l'une des extrémités à la femme dans le fossé ; elle l'empoigna, et il
la tira dehors. Et Fn Aydagii profita de l'occasion pour·posséder la femme.
Après quoi il continua son chemin. Chant.
Quelque temps après, la femme s'aperçut qu'elle était enceinte. Fa Aydagû
Kama ina gba mo la mà
tardait à revenir. Le moment vint d'accoucher, et elle donna le jour à une
eku ni ke agba
petite fille. La fille du roi et son enfant vivaient ensemble. Et l'enfant gran•
dissait ...
r. Quelques prêtres attribuent cette lêgende à Di-M;.ji à cause des rapports entre Fa et
Survint une guerre. Osu n'laya fut tuée par les guerriers et sa fille fut la femme. Or le point essentiel n'est pas le- moment de -la conception, mais celui ol\ la
emmenée en captivité. fille échappa au fer du sacrificateur, et « Di ne tue pas avec le couteau. »
·1
1
!
552 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SEIZE GRANDS SIGNES ET LEUR MESSAGE
553
bma t11a gba mo fo mà bois de hOsu kokwe; le serpent venimeux amanànu ; le chien ; les Nanu et
sye ni ke -:Jgba les Dànu, c'est-à-dire les objets offerts aux Na et à Dâ ; le fruit blanc de
bma ma gba 1110 la mo l'arbre gbegbs ; le fruit du nette, ahwa ; les singes. Casser les termitières,
adù ni ke -:Jgba considérées comme « têtes de la terre ».
bma ma gba 1110 la 1110
elâ ni ke -:Jgba
bma ma gba 1110 la mô (Y). QUINZIÈME SIGNE : Cs-MeJr.

Autre leçon, donnée par Gedegbe: Noms : Ce-Msji chez les Fon, JCE-Msji chez les Yorouba. On le nomme
parfois, pour l'euphonie, Oji-:Jc::.. Le mot évoque en nago l'idée de briser,
dii ni -:Jgba de casser, de rompre en deux. « Son nom est déplaisant. Il a commis un fo
marna gbe li wi (un inceste) avec sa mère Fu-Msji, et il est resté cassé parmi les autres
elâ ni -:Jgba signes. »
marna gbe li wi Sexe : mascùlin.
kpafo -:Jkpafo bajiwo feli dâ kpala. Figurations : indicielle
Kpal-:J kpah 1 1

1 1 1 1
Ce chant accompagne les sacrifices faits en l'honneur de Lûs. Il signifie à 1 1
peu près ceci: prends des animaux, ne prends plus d'êtres humains; décapite 1 1 1 1
les animaux, épargne les êtres humains.

Prière (inintelligible à Ilorin, non traduite à Abomey). ésotérique,: v. fig. 48, sorte de croissant lunaire, pointes en bas. Il faut
en effet ployer l'objet que l'on désire briser en deux.
La prière suivante est considérée comme la plus importante :

Kpako iii feli gbii na ku je bobo cigi Caracteres.


iii kpaya o kpu lulu !.·pu lulu Ce-Msji commande tout ce qui est cassable, cassé, malodorant, décom-
W'Jltt a difa fit :Jloga dudu mô gbt akpsdu (Y). posé, putréfié. Toutes les articulations et jointures relèvent de lui, et il
représente nombre de maladies (les abcès notamment); il n'est autre que
Interdits. Sakpata, la variole, et dépend des Kèmsi. C'est donc un signe des plus dan-
L' adisî, qui sert à préparer l'indigo ; le mets 1.·ufttwe, ·haricots dépouillés gereux.
de leurs peaux rouges, pilés dans l'eau d'une jarre, et additionnés d'huile de Comme Fu-Ms;ï, il réclame souvent en sacrifice seize unités de l'objet
palme. ou de l'animal à offrir.
La pâte de haricots rouges et de feuilles de haricots (ajagbe) ; la pintade Il apprit aux hommes à griller les mets. Il créa les arbres, les défenses
(sonu) ; la pâte à la farine de maïs (adà) ; la sauce hlohlo à base de maïs; d'éléphants dont on fait les perles làkâ, la pintade (sonu) ... '
l'oiseau awajixe; la banane kokwe alagli: tous interdits de Sakpata. Ce signe de très mauvais augure promet toutefois la richesse et la
Tout animal trouvé mort à terre (làkulm); certaines espèces d'anti- longévité.
lopes: fa, dontle pelage est rouge, agbàli, ziïgb-:J; le coq, le léopard, l' aklasu;
1. Il existe plusieurs espèces de so1111 : sonu-drè, so1m-g<ica, zü-.so11u. On attend toujours
la pâte gbêlê, faite avec du mil 6u du sorgo; la pâte d'igname (agu); le une étude sur la faune du Bas-Dahomey.
554 LA GEOMANCIE A l.' ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES
LES SEIZE GRANDS SIGNES ET LEUR MESSAGE
555
Il ne doit jamais être nommé avec Leta-Mzji, car ils sont aussi funestes extrémité sur le sol et soulevée à l'autre par un petit morceau de bois four-
l'un que l'autre.
chu. Sous cette sorte de piège est disposé un appât. Sur la plate-forme sont
Il est uni aux vod1i Sakpata, Xwioso, Lisa, Gu, Taxasu. disposés des cailloux ou de la terre de barre. L'animal·- « agouti », glèzî,
Ses feuilles préférées sont: we amini (Y) ou nukiiz_awe (F), Xà$ùndè, az.elolw agbe, st - en prenant la nourriture, fait écrouler sur lui la p\ate-forme.
futubda.
Les accidents qui menacent le Favi atteindront les animaux pris au piège.
Ce ne préfère aucune couleur. II en demande trois ensembie, quelles
qu'elles soient. 5. Az.o-gla-tï 1110 nà do te, bo azo nô .xa. Si le-poteau-qui-retient-la-:maladie
[= le médicament] reste debout, la maladie ne sera pas grave.
Devises. Le Fqvi offrira les sacrifices propitiatoires prescrits.

6. Te mà no wê do külrü tè; bo na nwê do ajï me a? L'igname ne se casse


I. Te mime do nt~ biaxa nu mz Ajagbe-to: e na du mi hii, e du mi kpla ; li-
pas quand on la déterre ; se cassera-t-elle sous la cendre [ou on la fait
kpiti na su hà. ' L'igname grillée dit à l'homme, auprès de la rivière
cuire J?
Ajagbe: si tu veux me manger, il faut te dépêcherfsinon] celui qui bouche
Le Favi a survécu aux dangers qui le menaçaient avant la cérémonie du
le trou avec son pied [=la mort] [viendra te] fermer la porte [ = t'empê-
Faz.ù. Son introduction au Fa ne peut le tuer, s'il accomplit les sacrifices
cher de mangerJ
appropriés.
Si le consultant veut réussir, il doit toujours agir vivement, sinon il lais-
sera échapper sa chance. 2 7. Da e do agà-ta e, e ma là bo nu az.à na iii axasu (F). Oda xe to az.àde ta
ma dike nu az.àde ni du axalu gba ( Gû). Ce n'est pas parce que le rônier pos-
2. Me ta huhu do nu hiaxa nu me ta hù mù do nu Ajagbe-to, ho da : de ne
sède beaucoup de feuilles [bruissantesJ qu'il doit se croire roi. (Ce bruisse-
mi xo ha hü ma tà a ne, mi xo di tif fo hù lrà na tà. Un vieux crâne d'homme
ment attire l'attention du bûcheron.)
dit à un jeune crâne d'homme, au bord de la rivière Ajagbe: moi, je suis
Le Favi doit être discret.
déjà sec : si l'on me coupe, aucun sang ne coulera. Mais toi, si l'on te fend,
il coulera du sang. Légende.
Le Favi est menacé par I'acc:ident et doit faire des sacrifices.
Devise. S'asseoir sans s'adosser, c'est comme si l'on restait debout.
3. Ce ! Nu ce wi-wa, hà ce jiji, afa ce dide ma no iià; a mô mi hù mà ku. Légende. Cette devise reproduit le nom du devin qui interpréta Fa au
Ce ! Tout ce que j'accomplis, les chants que je chante, les pas que je fais, poteau central d'une case de palabres, à Jbadà, en pays nago.
J
[rien de tout cela n'est bon ; si tu me vois, tu vois la mort. Le poteau, qui était en cuivre, vint consulter ce prêtre. Le même devin
Le Favi a trouvé le dispensateur du mal et de la mort. Il doit faire sans interpréta Fa aux habitants d'Jhadà. Et c'est lui encore qui interpré.ta Fa aux
retard les adra (sacrifices expiatoires) du signe. habitants d':Jfowu.
Les deux rois d'Ibadà et d':Jlawu étaient sincèrement amis. Le roi d'Jbadiï
4. Azangada no me tevi nu jono, e da ni yawo du ho ka yawo site. Aviti ja !
avait donné Nde, une de ses filles, en mariage au roi d':Jlnvu. Sur ces entre-
Az.angada [= la mort] a grillé de l'igname pour le visiteur et lui a dit de
faites, le roi d':Jlawu partit en guerre contre le roi de Gboho. Un fleuve, qui
manger vite et de vite se lever. Aviti [=la mort] arrive ! J
avait débordé, lui barra le chemin. Il dit au fl.euv'e de tarir, et de lui laisser
Même sens: On donnait de l'igname pilée aux condamnés à mort.
le passage; à son retour, il lui ferait un joli présent', lorsqu'il aurait obtenu
Sacrifice. Le Bokano édifie une petite plate-forme inclinée, reposant par une
la victoire.
A la guerre, le roi fut victorieux. Il ramena des captifs, des ~œufs, to_us
r . Ajag be, rivière legendaire : la mort.
les animaux et toutes les richesses de la ville de Ghoho. Comme il franchis-
2. Cf. sacrifice ap. J. SPIETH, Die Reliffio11 . . , op. cit., chap. m, p. 215, xv.
3. Az.angada, aviti : noms honorifiques de Sakpata exterminateur. Aviti signifie piège.
r. Il lui donnerait nu ditffbe nde (chose-bonne-une).
LA GtOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SEIZE GRANDS SIGNES ET LEUR MESSAGE 557
sait à nouveau le fleuve, il offrit à ce dernier, conformément à sa promesse,
seize moutons, seize cabris, seize béliers, seize bœufs, seize hommes, seize SEIZIÈME SIGNE: Fu-Mqr
femmes, et jeta le tout dans l'eau.
Car, autrefois, on ne tuait pas les victimes du sacrifice: on les dédiait, Noms: Fu-Msji, F1ï-Msji, ou Ofu-M~ji chez les Fon, Ofü-Meji chez les
tout simplement. Nago. Certains devins le nomment encore :Jlàgù-M~ji, pour tromper l'au-
Le lendemain, à l'aube, on s'aperçut que le fleuve avait tout rejeté sur ses ditoire, Làgû-Meji (lagîï signifiant mystère), :Jlagbà (mystérieux et malin,
berges. Car ce n'était pas là ce que le roi avait promis. Il avait promis : nu qui a commis un fo), Oji-Ofû, par euphonie, Xû~pa ou Baba Xehpa, par
dagbe nde. Nde était le nom de sa femme ... euphémisme. Fii (Y) signifie donner, ftifù (Y) signifie blanc, et l'on
Et voici que la terre se dessécha ; il n'y eut plus de pluies, les femmes considère que Fu représente la couleur blanche. Enfin, il y a, dans le mot
enceintes cessèrent d'accoucher. Fu, l'idée d'enlever en soufflant, d'épousseter.
Alors le roi d':Jl:Jwu invita le Bok:mà d'un pays lointain et lui demanda de Sexe : féminin.
rechercher la cause de tous les malheurs qui s'abattaient sur ses états. Après Figurations : indicielle.
la consultation, le prêtre dit : tu n'as pas offert en sacrifice ce que tu avais 1 1 1 1
promis au fleuve. Tu as laisse entendre au fleuve le nom de Nde. Tu ne lui 1 1
as point parlé d'animaux ni de prisonniers de guerre. . . Pour réparer le 1 1 1 1
mal, il faut aller lui offrir ta femme Nde.
1 1
Or Nde. était alors enceinte. Obligé de céder, le roi d':Jfowu jeta Nde au
fleuve ...
ésotérique: v". fig. 49, un œuf où s'inscrivent : verticalement, à droite,
Le lendemain, Nde accouchait dans le fleuve d'un garçon. Alors .le fleuve
douze points par paires superposées ; horizontalement, à gauche, quatre
renvoya le garçon sur la rive, en disant: il ne m'a pas été promis de garçon,
traits superposés. L'œuf représente Fu : les douze points représentent les
mais Nde. seulement.
douze derniers signes ; les traits à gauche représentent Gbe, Yzku, Woli et
Or le roi d'Ibadâ apprit ce qu'il était advenu de sa fille. Il envoya dire au
Di. - la vie et la mort, le connu et l'inconnaissable, les quatre racines du
roi d':J/:Jwu qu'il ne lui avait pas donné sa fille pour qu'elle fût jetée dans
monde. L'œuf lui-même est Fu, qui figure en surnombre parmi les signes
tin fleuve, mais bien pour qu'il en fît sa femme et la gardât comme telle.
comme l'artiste se représente sur sa toile.
D'où une guerre entre les deux rois, qui dura trente et un a~1s, et se ter-
mina p.ar la victoire du roi d'Ibadâ, qui cassa le pays d':Jl:Jwu.
Caracttristiques.

Interdits. Fu est la mère des quatorze dunà dont Gbe serait le père. Selon certains
devins, qui voient même en Fu la mère de Gbe, ce signe serait hermaphro-
Porter sur sa tête des fagots de bois ; toucher du bois en partie consumé, dite. Ils prétendent le prouver en disant : si, une fois les dunà énoncés de
« car la maladie demande du bois pour se chauffer. >> Le maïs grillé (agba- un à seize, on recommence l'énumération, Fu passe avant Gbe, et, de der-
demim<.), à cause du craquement de la grillade, qui attire les maladies ; nier, devient premier : les autres signes sont donc bien tous ses enfants, et
l'igname grillée (temime), pour la même raison; les pagnes à trois couleurs ou Gbe-Mt.ji, étant le fils aîné, en est le roi. Il y a là, ajoutent-ils d'ailleurs,
plus, quelles qu'elles soient (ava wlà wlà) ; sonu, la pintade; les colas, saufla un fo, un mystère. Ce fo est en réalité l'inceste commis par CE avec sa mère
blanche qui ne peut se partager ; z..üsa, la perdrix, dont la parole est CE ce •.. Fu.
Sont également interdits: le coq, interdit commun à tous les signes; le Tous les fo sont régis par Fu, qui passe même pour avoir le don de res-
singe z..iwo, à cause du vodû Baho; tous les interdits de Sakpata, par exemple: susciter les morts.
manger des haricots mélangés à du maïs, et tous les mélanges. Fu représente nô, la mère, le principe maternel. li est la mère des dunô,
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SEIZE GRANDS SIGNES ET LEUR MESSAGE 559
donc de la création entière. Originairement, il ne dominait que l'air, qu'il Tout réussira au consultant. Il restera longtemps en cette vie, mais devra
créa, mais que libéra Jiogbe. Puis il engendra les dunô, et posséda ainsi Je se surveiller de près, car CE a commis un inceste (fo ).
monde, dont chacun d'eux symbolise une partie, et auquel Fu donna ses
2. Fu-MEJÏ ! Nu mà nô s:J fo-vi do fo nukô. Rien ne peut prendre l'enfant
lois. Il régit de la sorte les hommes et les femmes, bien qu'étant de sexe
de fo devant fo (le mystère).
féminin, - tout comme certaines femmes d' Abomey sont nommés respec-
Le consultant ignorera le doko, la mort accidentelle.
tueusement da : père.
Fu est un signe des Kènesi, et les oiseaux sorciers relèvent de lui. On 3. Adi wë. nô iie, bo 110 kê; ta nô kè a. Le savon mousse sur la tête et dispa-
ne peut énumérer ses innombrables attributions, au nombre desquelles figure ,rait ; [mais Jla tête reste.
le commandement de tout ce qui est mobile au monde, et de tout ce qui Le Favi vivra vieux.
est blanc, - notamment les albinos (Lisa), et les cheveux blancs des
vieillards.
+ Kii-go WE nô gba, gà-go no gba a. La calebasse creuse se casse, le réci-
piei: t en fer ne se casse pas.
Les signes en Fu réclament fréquemment en sacrifice sept objets ou sept
Même sens.
animaux, parfois quatre. Fu demande souvent le chiffre seize.
Fu, Sa et Laso commandent les règles des femmes, et les pets. 5. Akws m<.f:J gbe 1m,
Fu est si dangereux que la plu part des devins hésitent à prononcer son aV:J lllsj:J gb~ uu,
nom réel devant un profane. Ils disent Baba Xekpa (Y). Baba signifie père ; gà mEj:J gbe nu.
xekpa est une exclamation exprimant la peur. Lorsqu'un devin trouve ce Av:i kuj:J, me kuj:J.
signe en consultation, il dit : fo, ou :Jfo (Y), mot qui contient à la fois l'idée Gbû:J enia ' nô ba av:J kpo bo no yi Ss-hwe a.
d'interdit, de péché et de mystère. Il souffie ensuite trois fois sur ses paumes
L'argent est une chose du jour de la naissance [= donnée par Dieu au
étendues, comme si elles contenaient une poudre, afin de faire fuir le mal-
jour de la naissance],
heur imminent.
l'étoffe est une chose du jour de la naissance,
Si, au cours <l'une consultation, le devin trouve Fu-M;.ji sur le cauri et
les métaux sont une chose du jour de la naissance,
Cs-M$ji ou tel autre dunà, même Gbe-Mzji, sur l'ajikwl, il donnera le pas à
Les pagnes sont comme les êtrës, les êtres comme les pagnes.
Fu ; bien que ce signe soit théoriquement plus cc faible», il représente la
L'homme a besoin d'un pagne pour aller dans la maison de .Dieu.
mère de tous les d1mô, et possède la priorité.
Même sens 2 •
Fu est lié aux vodü Odu, Lisa, Mawtt, Gu., Na, Dà, Hoho, Sakpata, X=.vioso,
Sacrifice. Envelopper dans un pagne divers objets, notamment une sta-
Xu, Loko, Kp:J-vodû.
tuette représentant le consultant, et les en terrer.
Toutes les feuilles lui sont bonnes, mais ses préférées semblent être tutu
(Y) ou kô![oto (F) ; x;.xwiii ; d;.yilJ ; adiit:Jfio ; sififamà ; gbogboncs (Y) ou 6. Aftsu-glè(i d:J ji : emi nô w:i hwe gbô x:Jm;. x:Jm~ ni'im:. nüm~ ag:Jm:.
ahwimâ (F). avm:. : glesi gba ag:J gbe ka su fo (ou wa su fo) e na waiii llu nyemi. Le ron-
Sa couleur préférée est le blanc, nuis aucune couleur ne lui déplaît. geur glèz.i dit : moi, j'installe mon lôgis dans toutes les cases, dans tous les
trous, dans tous les greniers. Le jour où le cultivateur cassera son grenier,
Dévises. ce sera ma mort.
Le devin du Favi prend un peu de terre sous un grenier (ag:J ), modèle
r. T:J ms, L:J-t:J 11ô m<. a. Les rivières se dessèchent : celles de L:J ne sèchent un v:Jbght:J, petite figurine à forme humaine en barre, immole des poulets
jamais 1 •
1. Enia (Y), être humain, trad. de ghE-to.
1. Lo-to, l'eau de Lo, l'eau mystérieuse, ,la Mer. 2. Lt! fait d'aller nu constitue un Io.
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SEIZE GRANDS SIGNES ET LEUR MESSAGE

et un cabri. Il dispose le sacrifice dans une calebasse et l'enterre sous un Et Y<k11-Msfi, qui avait dejà la garde des créatures, eut de pl'lls celle dela
grenier; sinon le Favi devrait peiner durement pour subvenir à ses besoins, clef du jour.
et, le jour où il serait riche, il mourrait. Il vaquait à ses occupations avec son frère Jiogbe. Un jour, ils parvinrent
en un endroit où l'on avait préparé beaucoup de vin de palme. Yêkt1-MEji
Légmdes. ordonna aux gens présents d'en boire. Et finalement, lui-même commença
à s'y mettre, tant et si bien qu'il s'enivra. Une fois ivre, il installa son bon-
r. Fu-MEJÏ a tué un jour la femme d'un roi d'Ifè. On lui donna un cabri
net sous sa tête en guise d'oreiller, et s'endormit ...
dans une natte. Et la femme se réveilla.
Or Jiogbe assisrnit à la scène. Et son frère resta longt.emps endormi. Nul
Depuis, on n'a plus jamais entendu parler d'un sacrifice humain à Ifè.
parmi les hommes n'osait le réveiller. Il était trop grand et trop lourd pour
2. Devise. La chose est entièrement blanche. que fiogbe pût le charger à lui seul sur ses épaules et le ramener. Et il aurait
Légende. Tel est le nom du devin qui interpréta Fa à deux femmes, eu honte de demander le concours des assistants. Jiogbe se tenait donc
Ajrohü (kapokier) et Uutï.
1
devant son frère, et attendait. Enfin, voyant qu'il ne se réveillait pas, il lui
Ajroh1ï et Uuti sont allées ensemble consulter Fa, se plaignant de n'avoir prit des mains la clef de lumière, et rentra la porter à leur père Fu-MEji ',
pas d'enfants autour d'elles. Fa leur prescrivit un sacrifice pour avoir des en lui disant : en cours de route, mon frère a bu un peu trop. Il s'est enivré.
enfants. Uutî le fit, mais Ajrohü refusa, disant que lorsque le moment serait Puis il s'est endormi. J'ai attendu, et, comme il ne se réveillait pas, je lui ai
venu, Dieu saurait bien lui donner une progéniture. pris la clef pour te la rapporter. - Fu-MEji demanda: et toi ? As-tu bu aussi ?
Or, à un mois de là, Ajrohü était enceinte. Elle dit : voici ! Je vais faire - Non! - Ton frère a-t-il donc bu seul? - Non, il y avait là des gens, et
des enfants, et je les verrai autour de moi - C'était à ses fruits qu'elle pen- il les a fait boire avec lui. - C'est bon : je te confie désormais la clef. Tu
sait. Et ils commencèrent à éclater, et comme ils ne contenaient qu'une remplaceras ton frère.
bourre blanche très légère, tout fut enlevé par le vent. Les uns tombèrent, Fu-M;.fi et Jiogbe étaièrit encore à parler lorsque, vers minuit, apparut
disons à Calavi, d'autres à Cotonou ... Et telle fut la fin de ses enfants ... YEku-Mr;.ji. Fu-Ms;ï lui demanda pourquoi il faisait si piteuse mine : c'est,
Uuiî, qui avait fait le sacrifice, elle aussi fut enceinte. Et tous ses fruits répondit Ysku-Mëji, qu'en revenant vers toi, j'ai perdu la clef que tu m'avais
tombèrent à ses pieds. Et lorsque vinrent les pluies, tous les fruits ger- remise. - Non, elle n'est pas perdue. Ton frère te l'a prise, pendant que
mèrent, et ses enfants grandirent autour d'elle. tu cuvais ton vin. Je vois que tu n'es pas capable de remplir la mission que
je t'avais confiée. Aussi ai-je remis la clef à ton cadet Jiogbe.
3. Fu-Msji, ou Duduwa, ou Mawu est le créateur du monde, et l'auteur
C'est depuis ce temps que Jiogbe est le premier de tous les Fa.
de tous les signes de Fa. Mais, si tout est issu de Fu-Msji, nul ne peut se
Cependant Yt:.ku-M<-ji, destitué par son père, se résigna à suivre son cadet.
vanter de lui connaître un père.
Jiogbe eut pitié de son frère aîné, et dit à son père : YEku-Msfi est mon
Fu-MEji, après avoir créé le monde, commença à avoir des enfants. Beau-
aîné. A cause de la faute qu'il a commise, le voici réduit à me suivre. Ne
coup diront que son premier fils fut Jiogbe : ce n'est pas exact. YEku-MEji
pourrais-tu pas lui donner une occupation ? Car il ne convient pas au fils
naquit en réalité avant Jiogbe. Ce dernier naquit après lui, mais dans la même
cadet de donner des ordres à l'aîné. - Puis il proposa ceci à son père :
journée.
veux-tu, puisque j'ai la garde du jour, lui confier un travail un peu moins
Le monde fut créé par Fu-MEji dans les ténèbres. Le créateur appela
important : la gardê de la nuit ?
Ysku-MEji et lui dit : je vais te donner une clef, et tu iras ouvrir la porte de
C'est depuis lors que YEktt-Msji s'occupe de la nuit. De lui dépendent
lumière. Et lorsque tu l'auras ouverte, il y aura de la lumière pour tous, et
les Kuvita, le sommeil des hommes, tout ce qui peut se passer pendant la
toutes les créatures verront clair par le monde. - Puis il recommanda à
nuit, soit sur terre, soit dans la lagune, soit dans le fleuve ...
YEktt-MEJÏ de ne pas s'enivrer, de ne jamais boire de boissons fermentées.
1. Igi-alaba (Y). 1. Fu-M<ji est un signe femelle ; mais certaines femmes reçoivent le nom de da : père.
lmtilul d'Ethnolaf!it. - Bernard MAUPOIL.
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LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SEIZE GRANDS SIGNES ET LEUR MESSAGE

Quelque temps après, Jiogbe demanda à son père de lui procurer, pour
Chant. (Pas de traduction.)
mieux éclairer le monde, un soleil, une lune, et des étoiles. Fu-M<.ji répon-
dit qu'il allait, dans cette intention, lui confier trois importantes et délicates [ori ocukpa :Jlü
missions. II lui donna comme auxiliaire Lr:.gba. Il s'agissait de faire l'impos- timiilâ lelegü !
sible pour rassembler tous les oiseaux qu'il avait creés, par le monde entier; awôna lod1fa fü igii,
de les attraper; de les tuer; de lui apporter leur sang, dont il ferait quelque ij:J li wà a awo,
chose. De convoquer tous les animaux créés, de les tuer, et d'en apporter le lati K:J!e mt b:Jwa K:Jle aye.
sang, dont quelque chose serait fait. Et enfin de convoquer tous les hommes, :Jra1ii lani f(llïi !
de les tuer, et d'en apporter le sang pour préparer quelque chose. K:J!e :Jdii mwiJwa le 111à
]iogbe fit son possible pour attraper tous les homnl.es, et il tua tous ceux :Jraiîi la1ii Jaiii !
qu'il parvint à grouper. De même pour les animaux. De même pour les T:J ba de le kowi fli _ia emi f1î mi (Y).
oiseaux. Et il recueillit leur sang.
Mais il y eut des hommes, des animaux et des oise~ux qui lui échappèrent. Vautour est le consultant, la Lune le devin. K:J/e-:Jrit est la ville où
C'est pour cette raison que, lorsque le sang des hommes fut enfermé dans un demeurent les Dieux. Kale-aye signifie K:Jle de la \'ie : chaque ville de la
vaste récipient pour y être chauffé et converti en soleil, la transformation terre correspond, selon Fa, à une ville céleste.
attendue ne se produisit pas. -Il y a sûrement des hommes qui manquent, Vautour vit à K:Jle-:Jut. Il y est tres malheureux, et decide de venir habiter
- se dit Jiogbe. Et Legba fut expédié dans les recoins du monde, il ou Kate de la vie. Cette préoccupation le détermine à aller consulter Owkpa-
découvrit d'autres hommes encore, d'autres animaux, d'autres oiseaux. Et al1î, Lune-de-la-saison-sèche 1 • Il lui demande son avis sur le voyage qu'il
il les apporta. voulait entreprendre.
Et l'on recommença à chauffer les grandes jarres, et à souffler sur le Lune trouve Fu-Msji, et recommande à Vautour de faire un sacrifice
feu ... 1
composé de seize cauris et de seize pigeons.
Du sang des hommes provint le soleil. Une fois le sacrifice fait, Vautour obtient une prédiction favorable et se
Du sang des animaux fut formée la lune. met en route.
Du sang des oiseaux naquirent les étoiles. Il se trouvait alors que le roi de Kale de la Terre venait de mourir. Les
Une fois ces transformations accomplies, ]iogbe apporta le produit de la habitants de ce pays avaient coutume de choisir pour roi un étranger.
cuisson à Duduwa, c'est-à-dire à Fu-Msji. Et Dud11wa dit alors : toi, soleil, Vautour arriva à point pour être nommé roi. Et il eut désormais tout le
élève-toi, et va là-haut régner sur le jour ! Lune, élève-toi : tu régneras sur bonhèur qui lui manquait dans la ville céleste, où il refusa de retourner. Et,
les nuits ! Étoiles, montez au ciel : vous régnerez·sur l'aurore 2 ! pour exalter son bonheur, il improvisa le chant ci-dessus.
r. On dit parfois qu'une sorte de criquet, kele, kle ou agbonte, servit à attiser le feu ; et,
à la cadence du soufflet, il chanta : Prière. (Pas de traduction.)
N'kà Fu dagbe.
N. xo zo, bo gà, bo yi hwe !
:Jrumila odoye môndoye adimâlâ mondimâlii bimâla naxade awotanirno awàdadewe
Ne, Kele, n' xo zo, bo gà . ..
Wo~to nu vi Kele, n'xo zo, bo gà, bo yi bwe .. . tsdimàh awo n' lalE awo ti n' fa wa Kiicucu dagba amôcoko alaba ti n' bdode lf<-
N'kà Fu dagbe ••. etc .. awànimô adoyue môndoyeee adimâlà nwndi111àlii :Jlômila oni n' mà ala jagba awa
. J'ai bien fouillé [l'oracle de] Fu. do pitii majElâ bkpawa !fa dopitâ majetâ kakpawa (Y).
J'ai attisé le feu avec un soufflet, je suis sa~f, et revenu chez moi !
Moi, Kele, j'ai attisé le feu, et suis sauf. .. une traduction figure dans A. B. ELLIS (op. cit., chap. u, pp. 58-59). Ces deux auteurs ont
Moi, Kele, fils des riverains de la rivière W{}, j'ai attisé ... etc .• pris pour une version de l'origine de Fa une légende de Fu-Meji.
2. Cf. intéressante légende yorouba recueillie par N. BAUDIN (op. cit., pp. 34-35), et dont r. C'est à la saison sèche que la lune q.tteint son maximum de luminosité.
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LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SEIZE GRAN~S SIGNES ET LEUR MESSAGE

Cette devise se réfère aux fonctions du signe.


Interdits.
2. ·Ce-Tula! Kdr:.ba, s'il prononce la prière de son père, sa bénédiction
Le crocodile, le xla, le léopard, le Dàgbe (python sacré), l'éléphant, le chien,
le porc, le coq. Fu interdit à ses Favi de boire du vin de palme, de vanner le. se réalisera.
Cs-Tula se compare à l'oiseau kdeba, dont les paroles sont : csr:. ... css ...
~a~, d'éteindre les lampes en soufflant la flamme, et même, selon certains,
Les paroles du Favi se réaliseront. Son ars sera grand.
d aviver le feu en soufflant. Sont également interdits les Dànu et Nanu
nourritures des vodû Dà et Na, les singes, les ;Jntilopes twE, agbàli et ajyàku '. 3. Ta-xasu Lade no hnù nü, to 116 gbs gbe ni a; sono hnù nû, ayikiïgbà nô
les étoffes rouges ( ava vava) et tout ce qui est rouge, cette couleur étant cell~ gbs gbe ni a 1 • Lorsque Lade, roi du pays, ouvre la bouche, le pays [ = les
de l'accident; le sorgo rouge (aba agba). paysans] ne peut désobéir ; lorsque le tonnerre dit une chose, la ~erre ne
peut désobéir.
LE MESSAGER : Cz-TuLA. Même sens. Lade est un vieux mot fon employé au sens général de
roi.
CE-Tula (F} ou :Ja-Tula (Y) doit être nommé après les seize premiers
signes. Il est leur récadère, et celui des signes "mineurs. Les Nago le
+ Agbâlt Sêwâlà sada fo, e na sa vi-to de1m. Avi-hà-do-ta z.s-kpa-nô 1110 nô yi
nomment encore [frba-:Jda : qui rend le sacrifice ( Ehba) efficace.
so ji. Nonu vi-no desu ws ka do vi-to na lm ws .. Si Agbàli Sèwàlà [qui se pro-
Figuration indicielle : mène toujours avec son petit] fait un écart, elle découvre son enfant. La
femme aux-grands-pieds ' qui-pleure [son mari] ne peut escalader la mon-
1 1
tagne [tant ses pieds sont grands]. La femme qui-a-un-enfant tuera elle-
1 1 1
même son enfant.
1 1 1
La mère ou la femme du Favi le mettent en danger de mort.
1 1 1
5. E mô nô do gbs-gbà, bo 11ô dida Av1isa toke; agbà ce ws.. On ne peut ras-
Pas de figuration ésotérique. sem):iler Îe bagage de la vie et l'installer sur la tête de la chauve-souris
Aviisa; ce bagage est à moi [ = à Cs-Tula J.
Caracleres.
Ce signe est très fort et nul ne peut se substituer à lui, car « il porte tous
Messager de tous les signes, il accompagne les sacrifices qui leur sont des- les sacrifices de la vie ». Le Favi accomplira pour le propitier les sacrifices
tinés. Comme les autres signes en Tttla, il offre des affinités avec Lr:.gba : prescrits.
« Tula est la bouche qui dit les bonnes et les mauvaises choses, et Tula est
6. Akwsys ds. ds, ava ys ds ds, vi ys ds dc., asi ye ds ds ... To-ms-xasu Lade
Legba. »
no jijo ayi, bo 110 ba 11u e na du e l<po a. Beaucoup d'argent, beaucoup
Il apprécie toutes les couleurs, et ses fonctions le mettent en rapport avec
d'étoffes, beaucoup d'enfants, beaucoup de femmes ... Lade, roi du pays,
tous les grands vodû: Loko, Hoho, Mawu-Lisa, Na, Ji, Xwioso, Sakpata, Gu,
s'assied [sur son trône placé] sur le sol, et tout lui vient à, profusion.
Kpa-vodû, Xu, Dà ...
Le Favi, lui aussi, sera comble.
Il accepte toutes les feuil)es liturgiques, mais préfère zü-kuz.wi, adôdwë, gbo-
gbonce, simidalo (Y). 7. Ssgbo-Lisa no de gbe hwe ni no gin tii,/6 a. Ssgbo-Lisa donne l'ordre au
soleil de se lever, et celui-ci ne peut refuser de s'élever.
Devisel. Le Favi sera obéi et ses paroles se réaliseront.
r. Agbà-nô jz agbà-tô gudo, agba-to nukO. Celui qui a [ = qui transporte] r. Var.: So 111ï kikE 11à hwe do ayi ji 11. Si :üvifüo ouvre la bouche [là-haut, le bruit] ne
les bagages [ = les sacrifices de tous les signes] suit ces bagages et les pré- manqut:ra pas de venir sur la Tt:rre.
cède. 2. On dit que les femmes à grands pieds tuent leur mari.
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LES SEIZE GRANDS SIGNES ET LEUR MESSAGE
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES

Fa consulta ses noix, et révéla la cachette du fô-tï et la complicité de


Légendes. l'araignée. Mais la grande déesse sauva son émissaire. Puis elle dit à Fa :
c'est moi qui t'ai installé en ce inonde, et tu révèles aux hommes ce qui doit
1. Devise. CE-Tula, hwi we na J~ agbà yi:: yi jo. Cs-Tula, c'est toi qui
être tenu secret ! Tu es trop puissant : je confisque seize de tes attributs. -
prendras tous les bagages [= les sacrifices] et ira les répartir. Et c'est avec un seul attribut, CE-Tula, que Fa consulte aujourd'hui pour
Légende. Tel est le nom du devin qui consulta pour Lôfi et lui demanda
tout le monde. (Abomey).
dix-sept nattes, dix-sept pièces d'étoffe noire et autant de blanche, dix-sepr
Le Favi risque la mort.
pièces de soie, dix-sept bœufs, autant de cabris et de poulets et dix-sept
sacs d'argent. Il dit à Lôfi : c'est cela que nous, les signes, devons prendre 3. Même légende, recueillie à Porto-Novo.
pour préparer ton bagage(= ton sacrifice), dont l'efficacité durera toute Autrefois, Fa fut un vodtî, avant de descendre sur terre. Il était même alors
l'année. Sinon, c'est toi-même qui porteras ce bagage. le chef de tous les i•odiï..
Lôfi ne fit pas le sacrifice, et, le dix-septième jour, un récadère vint d'lfè, Une fois sur terre, il devint un insupportable perturbateur. Il nuisait à
disant qu'il cherchâit Lôfi. Et la maladie fondit sur Lôfi, qui donna tout pour tout le monde. Une guerre était-elle sur le point d'éclater? Il la prédisait à
que l'on accomplît son sacrifice. Et le devin appela tous les signes et pré- l'aide de noix de rônier. Il ajoutait de bons conseils sur la façon de se garan-
para des nourritures. Il disposa, sur dix-sept petites nattes, dix-sept espèces tir contre l'ennemi et de le vaincre. Malheureusement, il donnait ces
différentt:s de feuilles de Fa. Chaque petite natte contenait le ys et les feuilles precieux conseils aux deux adversaires... De même, Mort menaçait-elle
d'un dunô, et, sauf la dernière, une petite statuette en bois (bocye). Les nattes quelqu'un? Il le saYait d'avance, et pourtant il laissait Mort venir. Mort le
furent attachées séparément, et la dernière fut clouée au moyen d'un long consultait, accomplissait son sacrifice, et il lui disait : tu peux aller. - Et
objet de fer (gàso) sur la tête du bocys. Le sacrifice fut porté à un L 0gba - celui que Mort menaçait allait aussi consulter Fa, et lui demandait :
d'autrès disent à un Loko. comment combattre Mort, la faire sortir de chez nous? - Alors Fa donnait
Ce sacrifice se fait encore de nos jours. le moyen de lutter contre elle. Mort se regimbait contre lui : si tu m'avais
2. Autrefois Mawu, la grande déesse, envoya Fa, qui n'était alors qu'un
dit plus tôt que je devais échouer, tu m'aurais épargné une course
homme ordinaire, dans la Vie(= sur la terre). Elle lui donna dix-sept inutile !
attributs bénis (ace); chacun de ces attributs en avait lui-même quinze autres. C'est ainsi qu'il se mit toutle monde à dos.
Et Fa régit de la sorte tout ce qui était sur terre, et se mit à consulter les Or descendit sur terre un ange (angdi) de Mawu, un messager ai.lé, qui
noix du Fade (palmier de Fa). fit sur les agissements de Fa une enquête. Et il se rendit compte que Fa
Puis Mawu envoya le Sauveur (nu.-hwèlè-t~, celui qui sauve les êtres) dans était bien un perturbateur. Il raconta à Ma-wu ce qu'il avait appris, et Mawu
la Vie, afin de rappeler ses commandements. Mais on ne voulut pas l'écou-· lui donna ordre de rappeler Fa.
ter, et l'on chercha à le supprimer. Il prit la fuite, et fut pourchassé comme L'angeli revint sur terre, ramassa sur l'ordre de Mawu quinze noix de rônier
une bête. Il trouva sur la route un arbre, un fà-ti, et invoqua le nom de la et n'en laissa qu'une à la disposition de Fa. Alors Fa partagea ce grain
grande déesse : Mawu, hwèlè mi I Mawu, sauve-moi!- Et voici qu'il remar- unique en seize fractions. Ses mains etaient assez vastes pour contenir seize
qua un trou dans le tronc de l'arbre. Il y pénétra, et aussitôt une araignée noix de rônier, mais les Bokanô qui avaient appris chez Fa n'en pouvaient
(ye-gele-tete) tissa une toile à l'orifice du trou, le dissimulant aux hommes. dire autant. Ils laissèrent donc de côté ces noix pour se servir· des noix de
Bien surpris, ceux-ci décidèrent d'aller consulter Fa pour lui demander palme, dont chacune représente à peu près le seizième d'une noix de
son avis. En chemin, ils trouvèrent un margouillat (nôxwe-nàxwe), qui rônier.
parlait alors comme eux. Ils lui demandèrent où l'envoyé de Mawu s'était C'est depuis lors que les Bobnô utilisent dans leurs manipulations les
caché. Le margouillat ouvrit la bouche pour révéler la cachette, mais nulle noix de palme.
p<trole n'en sortit. C'est depuis ce temps qu'il est muet ... Au moment où les Bobnô cherchaient les graines de palmier, Fa lui-même
LA GÉOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES
LES SEIZE GRANDS SIGNES ET LEUR MESSAGE
avait deux yeux devant et deux yeux derrière. C'est pourquoi ils cherchèrent
aussi des graines qui eussent quatre yeux. Alors Duduwa fit pénétrer ses seize créatures une à une dans le ventre du
premier homme (Ada111u), où ils se tran:;formèrent en semence, dont celui-
4. Ce signe répondit à M:.talàfi, qui se plaignait de n'avoir pas d'enfant ' ci féconda son épouse, la première femme (ffa). Et c'est par cette femme que
Et il demanda un beau et gros cabri et une grosse poule. Mëtalàfi les appor;~ les seize créatures de Duduwa descendi(ent sur la terre.
à Fa, qui lui dit alors d'aller chercher sa femme préférée. Ce qu'il fit. Et Mais voici qu'un jour L;g-ba s'avisa de casser, lui aussi, le frêle organe res-
la femme vint. Fa accomplit le sacrifice et ajouta que la femme devrait venir piratoire de l'une de ses créatures. Celle-ci tomba inanimée. Et tous les
le rejoi~dre cette même nuit, après des ablutions avec un médicament spécial. autres Aovi de se ré.jouir, et de battre des mains.
Or la temme du roi ne devait pas sortir de chez elle ...
Quelques jours après, LEgba tua une seconde créature. Et il recommença
Dans la nuit, Fa reçut la visite de la femme.
une troisième fois.
Et, deux ou trois mois après, chacun voyait déjà qu'elle était enceinte. Il ne restait plus que treize créatures. Les trois tué's étaient retournés dès
Mstalàfï dit : Fa cawo ! Fa est un bon Bobnà ! Et Fa se mit à chanter : leur mort auprès de Duduwa, par l'intermédiaire du vent.
Ta e mE 11lEde ma nà yi re, Duduwa se dit : j'ai voulu ordonner le monde, et que tous y vivent en
ii' yi, tenu tenu, Ci-Tula, ii' yi bo sra ni tenu tenu. paix. Et voici que les Aovi troublent mes plans. Il faut que je les rappelle
Ke-/J afo atiüe ma yi re, tous au ciel, avec le premier homme. Ensuite, nous verrons. - Et il les
1î' yi tenu tenu, tenu, WE 1î' yi bo sra. convoqua pour le septième jour. La femme devait rester pour garder la
maison.
Le pays où nul ne doit se rendre '
Le premier homme et sa femme, les deux 5:., mèssagers deDudmua auprès
moi, C!-Tula, je m'y suis vite rendu, et j'en ;uis vite revenu. des hommes, se demandèrent, lorsque leur parvint cette décision, ce qui
2
Le hta qui a cinq doigts ne peut y aller, avait pu se passer. L'homme alla avec sa femme s'asseoir sur une petite émi-
et moi, je m'y suis vite rendu, et j'en suis vite revenu.
nence dans la brousse, et pensa : comment se fait-il gue nous soyons rappe-
Il Y a un enfant adultère dans la famille du Favi, soit lui-même, soit un lés ? Si je dois être rappelé aussi, sera-ce pour mon bien ou pour 'mon
de ses enfants. Il devra surveiller attentivement ses femmes. mal? - Et il jeta son agümagâ, s'en référant à Fa. Le signe Cs-Tula sortit,
et lui recommanda un sacrifice : acheter deux assiettes en terre; dans l'une,
5 · Au moment où Duduwa voulut créer les êtres humains, il commença Yerser une sauce au poisson, daris la seconde, mettre seize boules d'akassa,
par créer, lui-même, les Aovi, c'est-à-dire les vodü dangereux et malfaisants, quarante et un cauris, et encore seize cauris; assaisonner le tout copieuse-
entre autre Gu, Sakpata, Legba, Xwioso, Kèmsi, Ahoho, etc .. Puis il décida sement de piment et de sel, et déposer les deux assiettes au bord de l'eau, le
de mettre au monde seize créatures, hommes et femmes. Ce fut Se, l'ange sixième jour, veille du départ. De la sorte, l'homme devait être bien rnçu,
(an~di), le récadère de Duduwa, qui fut chargé de les créer de sa propre lors de sa comparution devant son père. Ss obéit à Fa.
mam. Alors Dud11wa se demanda s'il allait envoyer ainsi, sous la garde d'un La veille du départ, de leur côté, les Aovi se lancèrent en de grandes
S:. ~ui s~rait le premier homme, ses créatures sur terre. L'idée lui vint qu'il réjouissances, car ils allaient rentrer chez eux. Et de danser, et de battre
valait mieux ne pas leur donner la vie. Et, comme il les avait pourvus de tamtam, et de chanter, et de gambader. Finalement, ils arrivèrent au bord
deux organes 3 respiratoires, situés tous deux à la nuque, il détruisit ces de l'eau, découvrirent les assiettes et leur contenu comestible, et, comme ils
organes, et ainsi tua ses créatures. Lorsque les Aovi virent cela, ils s'en- avaient faim, ils n'en laissèrent pas une miette. Puis, lorsque tout fut bâfré,
fuirent aussitôt du ciel sur la terre.
ils s'endormirent ...
Or ils avaient mangé leurs interdits. Car les interdits de Duduwa sont le
1. Il s'agit de la femme du roi, que nul ne doit courtiser.
2. Kë-to (lis pour Wêh, monde): expression poétique pour gb•-lo. sel et le piment.
3· :Jkâ (Y): cœur. Duduwa, cependant, envoya une pirogue et un piroguier pour ramener ses
enfants. Le piroguier aperçut Ss et sa femmt!, seuls debout. Se voulait entrer
570 LA GEOMANCIÉ A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SEIZE GRANDS SIGNES ET LEUR MESSAGE 571
aussitôt dans la pirogue, mais le piroguier objecta qu'il avait reçu l'ordre d'em- 6. H,-t )'Î, h!I. sra. Gb;.ta-ania ka yi fo e ka 11a ci. Le bateau est allé, le
barquer tout le monde à la foi~. Ss. insista, et offrit en cadeau ce gui .restait Jateau est revenu. Si l'homme part [\'ers la mort], il ne revient plus.
dans l'une des assiettes : les g uarante et un et seize c:mris. Le piroauier Ces deux devins consultèrent pour Lojï. Ils demandèrent une aiguille, du
enchanté, voyant qu'il faudrait attendre longtemps le réveil des Aovi, 1 issa l fil de coton noir et blanc, un coq, un bouc et des colas ; ils devaient en
ceux-ci où ils étaient, et emmena s•.
Puis il fit un seco11d voyage pour faire un sacrifice dans les cinq jours, sans quoi cc la tête de Lôfi serait dans le
aller les prendre. trou >J, il repartirait auprès de son père. Làfi obéit et fit faire le sacrifice. Il
s~ comparut devant Duduwa, qui lui demanda : et toi ? As-tu tué le déposa là ou il donnait à boire à ses ancêtres (si-nu-tè, lieu ou l'on donne
quelqu'un dans le monde ? - Non, répondit Se ; jamais. -Et as-tu essayé ·à boire). Ses parents lui ordonnèrent alors <le rester sur place pour devenirroi.
d~ manger de mes interdits ? - Jamais, protesta Ss. - Alors, dit Duduu:a, C'est ainsi que les animaux du sacrifice se substituèrent à lui pour aller
viens à ma droite, et je t!abriterai sous mon aisselle, dans mon pagne. - Et dans l'au-delà. M~talôfi, qui avait failli partir, est demeuré dans la vie.
Ss obéit à Duduwa. Le ràvi, menacé de mort, doit faire exécuter un sacrifice composé d'un
Sur ces ei1tre_faites, les Aovi, qui venaien.t d'arriver, menèrent un grand bocys et d'un cabri. Le devin décapitera le cabri et enterrera le bocys. et la
tapage :\ ]a porte de Duduwa, et entrèrent bruyamment, en chantant et en tête, en laissant très légèrement dépasser celle-ci. Ces opérations se déroule-
criant. D11d11wa s'écria : silence ! Taisez-vous ! Est~il vrai que vous avez ront près de l'autel des morts.
tué les créatures que j'ai envoyées au monde ?- Ül1i, nous avons fait ce que
tu as fait toi-même un jour devant nous : c'est-à"dire cassé les organes de 7. Agbà/l-se-sauva-guand-elle-vit-la-mort : tel est le nom du Bolmzo qui
la respiration d'une première eréatnre. Et cela nous a énormément amusés. interpréta Fa pour Agbàlî, l'antilope.
Quelques jours après, nous avons recommencé, et cela a réussi encore. Et Agbàli lui demanda un jour comment elle pcurrait, malgré le chasseur,
une troisième fois ... - Est-ce vrai, demanda Dudmua, que vous avez mener une vie paisible, et assurer la sécurité de son enfant. Et le prêtre
mangé de mes interdits ? - Oui. Un jour, nous avions faim, nous avons lui prescrivit deux sacrifices, l'un pour elle-même : une poule, un pigeon et
trouvé quelque chose à m'!nger ;-iu bord de l'eau. ·A défaut d'autre chose, dix centimes, l'autre pour l'enfant : un coq, un pigeon ·et deux centimes.
nous avons mangé cela ... Mais Agbàu se borna à faire le sien.
- Alors, s'écria Mawu, éloignez-vous de moi. - II fit sortir s~ de son Peu de temps après, le chasseur se rendit de son côté chez le même devin
pagne et ajouta : dès aujourd'hui, Ss. est béni par moi. C'est lui qui vous et demanda : comment faire pour être sûr d'attrapper Agbâti et son petit ?
commandera, et vous lui obéirez. Et maintenant, retournez au monde d'où -Le devin lui recommanda de sacrifier une poule, un pigeon, dix cen-
vous venez: times, et d'ajouter, pour le petit, un coq, un pigeon et deux centimes.
C'est pour cela que Ss est plus fort que les Ao-vi. Tant que le Ss de quel- Mais le chasseur ne sacrifia qu'un coq, un pigton et deux centimes. Puis
qu'un n'a pas accepté le mal que veulent faire les Aovi, ce mal ne peut il se rendit à la chasse. Il aperçut Agbàli et son enfant. Guettant Agbàli, il
atteindre son but. marcha à pas de loup pour la tirer de plus près. Agbàli était couchée auprès
Alors les Aovi, de retour au monde, se réunirent et dirent : désormais, de son petit. En marchant, le chasseur posa le pied sur une branche morte
nous nous réunirons pour nos affaires tous les sept jours. qui se cassa avec un bruit sec. Agbàlï s'éveilla : à peine eut-elle le temps
C'est pourquoi, si çes ·vodü ont de mauvaises intentions contre quelqu'un, de .dire au petit de se lever, que le chasseur tirait. Mais Agbàli ne fut pas
c'est le septième jour qu'ils les réalisent. C'est pourquoi Fa décida, au touchée, car le chasseur n'avait fait son sacrifice de bonne chasse que pour le
contraire : puisqu'il en est ainsi, je n'accepterai pas qu'on me fixe le sep- petit.
tième jour 1 • Mécontent, le chasseur retourna chez le devin : tu m'as fait faire un sacri-
fice, et pourtant je n'ai pu tuer que le petit. Pourquoi n'ai-je pas attrapé
r. Cette légende confuse, recueillie à Porto-Novo, semble iuflucncée par la prédication aussi la mère ? - C'est que tu n'as pas fait de sacrifice pour cela. Tu n'as
chrétienne.
fait de sacrifice que pour le petit.
,
1
572 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES

Agbàli, de son côté, courut chez le devin, et s'indigna : comment ? Tu


m'as dit de faire un sacrifice; je l'ai fait, et pourtant le chasseur m'a pris mon
petit ?- C'est vrai. Mais tu n'as fait de sacrifice que pour te protéger toi-
même ; tu n'as rien fait pour ton petit.
Et le Bokmo avait raison devant tous deux.
CHAPITRE III.
C'est depuis ce temps que les Bobnà disent parfois, lorsque ce signe se pré-
sente : Agbàlï a fait un écart et son petit prit sa place, Agbàli sêwâlà s~ ada, LES SIGNES SECONDAIRES VIKÀDO
bo s:i vi-to denu.

Interdits.
On trouvera, dans ce dernier chapitre, un certain nombre d'indications
La chauve-souris (toke), à cause des Kënesi; le léopard, le xla, l'ajinaku: relatives à cinquante-sept vikàdo, et soixante et une légendes Nous n'avons1

les oiseaux gàgà, aklasu, agbogbo; le h!Eb:i, à cause du nom {hb:i du signe; eu ni l'intention, ni le loisir de leur consacrer une étude exhaustive.
la chair d'un animal trouvé mort, à cause de Ce ; tous les singes, à cause Une étude complète eÎlt nécessité deux-cent quarante sous-titres, corres-
des vodü Hoho; le chien, le vin de palme, à cause de Lisa; Nanu, nourritures pondant au total des signes secondaires. Outre l'allongement démesuré que
des Na; Dànu, nourritures de Da; l'antilope agbàli, la pintade, le maïs pareille entreprise eÎlt fait subir à ce volume, il faut bien dire que la plupart
grillé, à cause de Salepata; le coq, interdit général des signes. des devins, priés à brûle-pourpoint de donner les légendes relatives à tel
signe en Turukpè, par ex.emple, restent muets; il leur faut l'excitation men-
tale de la consultation ou certaines qualités d'improvisation pour se tirer
d'affaire.
Nous nous sommes donc borné à envisager, dans l'ordre des signes
majeurs, des séries en Gbe (douze signes secondaires sur quinze), en Y~ku
(sept signes sur quinze), en Woli (sept signes), en Di (sept signes), en
Wêh (un), en Abia (un), en Aklà (deux), en Guda (quatrn), en Sa (cinq),
en Ka (un), en Tula (un), en L<.të (quatre), en Ce (deux) et en Fu (trois).
Nous ne donnons pas ici de légendes appartenant aux signes en Loso, ni en
Turukpè.
SÉRIE GBE.
GBE-YeKU.

1 1
1 1
1 1
1 1

1. Huit légendes de s!gnes secondaires ont été citées dans la premiére partie, ce qui porte
Je total à soixante-neuf. Cf. infra, p. 591, u. 3 (Gbe-Tulci), p. 596, n. 1 (Gbe-Lel•), p. 602,
n. r (Gbe-Fu), p. 629, n. 2 (Di-Guda), p. 638, n. r (Loso-C• et Wèh-Y<k1t), p. 650, n. 1 (Sa
Woli) et p. 67 S, n. r (Fu-Guda).
574 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SIGNES SECONDAIRES s7·5
Les hommes consultèrent Fa : sous quel signe nous trouverons-nous
Légendes pour nous défendre contre les enfants du Soleil? - Ils trouvèrent Gbe; Yëktt,
et Fa leur dit. de pt'endre quatre mille cinq cents pierres blanches badakèwo,
· r. Lorsque Duduwa (Mawu) fut sur le point de descencire sur terre, un quatre sacs et demi pour les porter, une poule blanche et lin coq blanc,
Bok'.)nô lui recommanda de faire un sacrifice : deux chèvres, quatre colas afin de préparer un sacrifice qui serait déposé au bord de la rivière.
dans leur coque, une pièce d'étoffe blanche, quatre pigeons, quatre poules Or, l'apparition des enfants du Soleil contrariait également ceux de la
blanches. Lune, et la. Lune alla aussi consulter Fa. Elle trouva le même signe, et Fa
Mais Duduwa ne flt pas le sacrifice et descendit sur terre, où il fut placé lui demanda quàtre sacs et demi, un~ poule blançhe, un coq, en guise. de
sous la.gouttière de Mstalàfi. Et, quand il pleuvait, l'eau tombait toujours. sacrifice. La Lune s'exéw.ta et apporta tout à Fa, qui appela le signe Gbe-
sur lui. Le soleil le frappait dès l'aurore. Et il ne pouvait apaiser sa faim ... Yëku sur les sacs, et demanda en outre une feuille. bkpàwe, une calebasse,
Du coup, il retourna au ciel pour revoir son devin. Il demanda, un peu de l'akassa. Fa recommanda à la Lune de garder les sacs et de déposer les
tard, l'autorisation de faire.le sacrifice déterminé lors de sa première consul- offrandes au bord de la rivière. Ce qui fut fait. Et, au bord de l'eau, la
tation. Le. devin lui dit : soit, mais maintenant il faut doubler ton sacrifice. Lune trouva les sacs "déposés par les hommes et remplis de pierres badal.-ëwo.
- Duduwa accepta, et le sacrifice fut fait. Logba suivait la Lune. Il lui dit : verse dans tes sacs le contt:nu de ceux-ci,
Après le sacrifice, il retourna sur terre et fut exposé de nouveau sôus l~ et ern porte les sacs pleins la-haut. Alors tu pourras proposer au Soleil;
gouttière de Mstalàfi. Et vers ~e temps la terre fut aride, la pluie cessa de pour terminer ces palabres, de mettre sès enfants en sacs, et d'aHer les jeter
tomber, les f~rnmes enceintes n'accouchèrent plus et aucun fruit des champs à l'eau. Tu lui promettras d'en faire autant de ton côt~, et tu jetteras les
ne vint à maturité. Devant cette série de malheurs, li1st:iliJfi envoya cher- pierres. Comme cela, tu seras débarrassé des enfari.ts du Soleil et tu garderas
cher un devin nommé Ogrtlwü. Celui-ci demanda à Msta!ofi dt: lui remettre les tiens.
son propre kpali pour le consulter. Et le kpali répondit par le signe Ogbe- Et la Lune prit toutes les pierres et retourna au ciel aYec le tout. Puis, elle
Yëku .. appela le Soleil et lui dit : nos enfants ne nous valt:nt que des ennuis.
Après avoir .trouvé ce signe, Og1ïlwa demanda à Mdalôfï : quel est donc Veux-tu que nous nous en débarrassions? Chacun de nous emplira de sa
cet étranger que tu laisses ainsi sous ta gouttière ? Vire, construis-lui une progéniture quelques sacs, et les lancera dans la rivière. Ensuite, le monde
case et installe-le décemment. sera apaisé, et tous se réjouiront.
La case .fut construite pour Duduwa. Après la construction, Og1î1'.nù dit Le Soleil accepta cette proposition. Et la Lune jeta un sac de pierres.
encore à Motalàfi :·il faut maintenant acheter deux vaches, beaucoup de Le Soleil, ayant un doute, dit à la Lune : montre-moi un de tes enfants
pièces d'étoffes blanches, et un panier d'escargots. - Ces objets furent que tu vas jeter à l'eau. - Et la Lune prit un de ses enfants, le montra au
donnés à Duduwa; toute la ville fut assemblée, et on les offrit deYant tous Soleil, et le lança à l'eau pour mettre le Soleil en confiance.
à Duduwa. Alors le Soleil lança un à un tous ses enfants à la rivière. Et la Lune lança
Une fois les objets offorts, il se mit à pleuvoir, les femmes accouchèrent une à une toutes ses pierres.
et les fruits mûrirent. Et la tranquillité et la paix régnèrent sur la ville. Le soir tomba. Tous les enfants de la Lune, sauf un, se levèrent ... Le
C'est à ce propos que Duduwa prit le nom de- la 1110 nô du vi do akpo m•, Soleil, furieux d'avoir été dupé, descendit et voulut repêcher ses enfants. Il
les animaux (i.e. les hommes) ne doivent pas manger les colas dans leur en saisit un. Aussitôt sorti de l'eau, l'enfant étincela, s'agita et mourut. Il
enveloppe. (JI leur est interdit de s'amuser aux depens de Duduwa.) en prit un second : après un COllrt frétillement, il mourut. Le Soleil décida
alors, pour ne pas tuer tous ses enfants, de les laisser où ils étaient. ..
2. Mawtt créa le .Soleil et la Lune. Et tous deux avaient de nombreux Quant au fils de la Lune qui fut jeté, on le voit encore aujourd'hui et
enfants. Et lorsque se levaient les enfants du Soleil, les hommes, les ani- on le nomme Sü-vi, enfant de la I:.une (étoile de mer). Et tous les autres
maux, les plantes se mettaient à mourir. sont nommés Hwe-vi, fils du Soleil (poissons).
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DE,S ESCLAVES LES SIGNES SECONDAIRES

C'est depuis ce temps que le Soleil et la Lune sont fâchés. Le Soleil


poursuit la Lune et arrive périodiquement à l'attraper : hwe wli sû .
Chant.
. Celui qui a trouvé ce signe sera trompé par sa femme. Il abandonnera J/J la kàlà n'kpa: aja Io nibu (Y). Crabe, tu as menti : c'est le poisson
cmq sacs vides au bord de l'eau et ramassera une pierre dont on lui pré- qui « commande » la rivière.
parera un Faf:i '.

Dgende.
GBE-Wou.
C'est sous ce signe que le vodrt Olo (ou Oro) est venu en ce monde.
1 1
Un vodiï, Olufô, veut acheter Olo comme esclave. Avant d'aller l'achéter,
1
il consulte Fa chez un devin nommé Mabinughàntt. Celui--ci lui dit de
1
faire un sacrifice : deux béliers (agbo) et deux fois cinq francs cinquante.
1 1
Mais Olufà s'écrie : vois ce que j'ai d'argent pour acheter mon- esclave. Si
j'en déduis tout ce que tu me dem111des, que va-t-il me rester? - Et il
Devises. refuse de faire le sacrifice. Et il achète Olo.
Ol11fJ a un fils unique, nommé Ajàna~ Quand Olo arrive à la maison de
r. Akôh-hü iut blogodo d:i afi-zii-ji fi jè e mi na 110 bo na hwè : ghe-w<.-ht !
son propriétaire, le fils de celui-ci le fait travailler durement. Chaque matin,
Le grand tamtam aht<. a dit qu'il demeurerait sur le tas de cendres pour
émettre son bruit : gbewôht ! il lui remet un panier et un coupe-coupe, en lui disant d'aller aux champs,
et, avant tout autre travail, de préparer la sauce et de cuire l'igname. Il le
2. Tekà zà hu (ou wu) didi yi /JJ-gudo, b:i dasi z..à nu/ai tà me wa hnne •. tracasse tant et si bien qu'un beau jour LEgba s'en va trouver Olo, qu'il
L'éponge se rend allègrement vers le cabinet de toilette i, et marche l'œil croise sur le chemin : je suis surpris, dit Lgba, que tu te laisses brimer de
plein de larmes pour (re )venir dans la maison. la sorte par ce jeune Ajâna. Il te contrarie beaucoup plus que son père, qui
T~. fais le vaillant, tu te fies à ta force, mais, si tu ne modères pas tes est ton maitre. Ne pourrais-tu pas l'avaler? - O!o répond : c'est entendu,
amb1t10ns, tu seras seul dans ta vieillesse pour essuyer tes larmes. je !;avalerai.
Celui qui trouve ce signe achète un cabri, une calebasse, de l'akassa, une Le lendemain, Ajàna n~met comme de coutume le panier et le coupe-
jarre qui est introduite dans la calebasse. Une étoffo rouge est disposée sur coupe à Olo, et lui donne les mêmes ordres. Or Olo, arrivé aux champs,
l'ensemble, qui reçoit en sacrifice le cabri. Le prêtre introduit l'akassa dans coupe des branches de palmier, les pose par terre et en forme une litière sur
la calebasse, « appelle » le signe et verse le ye sur le tout, qui est exposé laquelle il s'étend.
près de l'agànàtè, le lieu de la maison où l'on procède à l'exposition des Ajàna, arrivé à son tour au champ, appelle Olo qui ne souille mot. Puis,
pagnes, lors des funérailles. le voyant couché, il s'approche et lui demande : où est la sauce? Où est
Le tambour ah.te est réservé aux funérailles; on le nomme également l'igname? Quel travail as-tu fait ce matin au champ? - Olo ne bronche
sat:i i. pas; Ajâ11a lui donne une gifle. Puis une deuxième. Puis une troisième.
A la troisième, Olo dit : ah ça, que me chantes-tu là? - Et il prend Ajtïna
I. Cf. A. LE HÉRrssÊ, op. cit., chap. XI, pp. 257-258, « Lé.,ende 'De l'origine des poissons
et des éclipses'. )) - c. BEAUCLAIR s'est borné a recopie; LE HÉRISSÊ : op. cit. pp. 142 par les pieàs, qu'il enfonce dans sa bouche. Et il se met peu à peu à l'avaler.
et 145. ' Tout à coup, Lgba apparaît, et crie : Olufà ! Olufà ! Viens! Viens vite! Olo
2. Hu didi signifie: le corps lisse, poli, brillant, au sens de: en bonne santé, et surtout:
en bonne forme.
est en train d'avaler ton fils. Il n'en restera bientôt plus ...
3· ,Litt. : derriére (~udo) la maison (hü), où se trouve le petit enclos permettant de se laver Alors Olufô accourt. Il n'y avait déjà plus que la tête de son fils qui
sans etre vu. dépasst1t encore. O!ufà supplie Lf:ba : que faire pour am,1cher mon fils à
4. Cf. une courte description de ce tamtam ap. C. MENSAN, art. cil., pp. 13-r 5. Olo? - Mon ami, dit Lôgha, rien à faire ... Sinon apporter sur l'heure à
Institut d'Eth11ologie. - Bernard MAUPOlL. J7
"i
1

1
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SIGNES SECOKDAIRES 579
Olo ces deux béliers que l'on t'a demandés un jour en sacrifice, et que tu as 1 yita : le soleil brille sur la tête; 1-lwcyibwà, le soleil est au milieu, .en nago
refusé d'offrir. Ainsi que les deux fois cinq frat'lcs cinquante. J/1igà).
Vite, Olufô court chercher les deux béliers et les deux fois cinq francs Dâo-f1e se re.nd chez ce dernier : 1· e viens te demander la main de ta fille.
ô
1
cinquante.- Il lance le premier bélier à O/o; le second bélier suit le premier; · - L'autre lui dit : écoute, c'est une fille qui est née d~ trois hommes
puis cinq francs cinquante, et encore cinq francs cinquante, à la suite des différents. Pour ma part, je consens volontiers, pour quatre dollars de dot, à
béliers. te la céder.
Alors, Olo vomit l'enfant Ajàna, ramasse les deu.x béliers et les deux Dàgbe, qui n'a pas d'argent, va voir Kp:J, le léopard, pour lui emprunter
fois cinq francs cinquante, qu'il avale. la somme. KpJ pose d'abord ses conditions : tu viendras me servir chaque
Et aussitôt il devient un vodit. jour, dès que le soleil sera au zénith. Le jour où tu seras en retard, je te
C'est en souvenir de cette histoire qu'O/o habite depuis lors dans les reprendrai mon argent.
champs. Aj1ï11a (encore nommé Ajàna Kitika) est' au contraire un vodit Dàgbe y consent et obtient ses quatre dollars. Il va aussitôt payer la dot
domestique. Tous deux sont des Kutttl:J. à Soleil-au-zénith. Celui-ci lui dit : t.u es en règle avec moi; mais as-tu
déjà été voir Lever-du-Soleil? - Dàgbe dit : oui. - Eh bien, va voir mainte-
GBE-DI. nant le troisième père, Coucher-du-Soleil (Hweyix:J, le soleil rentre chez
lui).
1 D1ïgbe. se rend chez Coucher-du-Soleil, qui lui dit : en ce qui me con-
1 1 cerne, c'est fort simple. Je t'accorde volontiers cette fille pour quatre dollars.
1 1 Seulement, nous sommes trois pères. Quand tu auras fini avec moi, tu
1 devras te rendre également auprès des deux autres.
Dagbe répond qu'il a déjà vu deux des pères, et, comme il n'a toujours
pas d'argent, il court chez Chasseur (Gbrt:J) pour obtenir les quatre dollars
Légende.
destinés à Coucher-du-Soleil.
Dàgbe, le serpent python, voudrait se marier. Gbt'fJ lui dit : je veux bien te donner les quatre dollars dont tu as besoin,
Il est allé demander en mariage la fille de Lever-du-Soleil (Hwetîtà ou mais à une condition: tu viendras travailler mon champ tous les jours à
Hwet1ilô). Celui-ci lui dit : écoute : cette enfant est de trois pères. Pour ma cinq heures du soir. Je te reprendrai mon prêt le jour où tu seras en
part, je consens à te la donner pour femme, mais il te faudra, avant de la retard.
prendre, aller voir ses deux autres pères. Donne-nioi quatre dollars (vingt Ayant dit, il remet les quatre dollars à Dàgbc, qui s'en va payer Coucher-
francs)', et, en ce qui me concerne, tout sera arrangé. du-Soleil.
Dàgbe ne demande pas mieux que de verser quatre dollars, mais il n'a Dà<Tbe dès lors, commence son travail chez ses trois créanciers. Le matin
b '

pas d'argent. Il va voir le serpent A111a1101111 pour lui emprunter cette chez Amanônu, à midi chez Kp:J, à cinq heures chez Chasseur. Et Dàgbe s'y
somme. Le serpent lui dit :. je veux bien te prêter quatre dollars, mais à rend chaque jour ...
une condition: tu viendras chaque matin, avant que le soleil se lève, te Finalement, il est fatigué. Il va trouver un Bolmzô pour se faire tirer de
mettre à mon service. Seulement, le jour où par malheur tu ne seras pas ce mauvais pas. Le devin consulte Fa, trouve Gbe-Di et demande quatre
là à l'heure dite, je reprendrai mon argent. dollars pour le sacrifice. Dàgbe, toujours sans argent, court chez sa belle-
Diigbe consent. Il prend les quatre dollars, et va payer la dot à Lever-du- mère, qui est la Nuit, pour obtenir l'argent. L'autre les lui donne sans
Soleil, qui lui dit : maintenant, il faut aller voir Soleil-au-zénith (Hwe- conditions. li revient chez le Bob11ô, qui lui prescrit d'aller chercher des
morceaux de bois pour faire le feu, et quatre poulets. Au moment du sacri-
I. Prononcé dala, traduit dollar par les interprètes. Il ·s'agit peut-~tre du thaler.
fice, le prêtre lui recommande de se procurer aussi un peu de charbon de
580 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES
1
/ i'
!
LES SIGNES SECONDAIRES

bois, de le réduire en poudre, de le mélanger à de l'huile, et d'oindre son


Devises.
corps avec la pommade ainsi préparée. Cela fait, Dàgbe n'aura pltJ.s qu'à se
coucher près du feu, qu'il alimentera avec les morceaux de bois du sacrifice. r. Zè-daho de do na gba, lo ~ e 11ô gba a. Le grand canùi doit se briser,
Dàgbe exécute cette ordonnance. mais il ne se brise pas '.
Un peu après l'aube, Amanàmt se présente chez lui: comment! s'exclame- 2. Zë-daho mô 110 hwe do do do tè. Le grand canari ne manque jamais d'un
t-il, tu ne sais donc pas que tu as enfreint les ordres que je t'ai donnés le trou [destiné à le faire tenir ,·erticalement]. Autre version : les débris d'un
jour où je t'ai prêté les quatre dollars? Eh bien, puisque tu es en retard grand canari sont forcément grands.
rends-moi mon argent. ' Interprétation : celui qui doit jouer un rc-,le dans la vie se reconnait dès
- Excuse-moi, Amanànu, répond Dàgbe. Je suis malade depuis hier soir la naissance, ou, selon le dicton : le bon soir s.e connaît dès l'aurore.
et dans l'impossibilité de travailler. Je ne puis que garder la chambre .. ~
Pourtant, je vais tenir parole. Attends-moi un instant sous cet arbre Légende (sans rapport avec les précédentes devises).
dehors. Je viendrai te payer tout à l'heure. '
Et Amanànu de s'installer sous l'arbre. Alagberi, roi d' Alagberi, faisait ses prépar:üifs de voyage. A cette époque,
Q11elques temps après, le soleil est au zénith. Kp~ arrive, réclame sa toude monde se déplaçait à pied, et la marche d'Alagberi devait durer dix à
créance. Même scène: va m'attendre sous l'arbre, je viens dan.s un instant quinze jours.
te payer. Il invita un Bok:Jllà et lui demanda : ce voyage me sera-t-il favorable? -
A cinq heures, Chasseur entre chez Dàgbe : comment! Encore couché! .. Ogbe-Bara sortit, un sacrifice fut demandé : deux moutons, deux pagnes,
- Même scène. deux poules, deux pigeons, huit francs. Alagberi s'exécuta. Et, le lendemain,
A peine assis, Chasseur, qui depuis le matin n'a rien tué apercoit le il se mit en route.
léopard à quelques pas de lui. Il tire : le léopard tombe. Chas~eur dtgaine II marcha, il marcha, jusqu'à la tombée de la nuit. La nuit, il vit un
son poignard et va pour l'achever, quand il pose le pied sur la queue sentier à travers la brousse. Et, comme il suivait ce sentier, il rencontra une
d'Amanànu cachêe sous 1es feuilles. Amanàntt le mord. Chasseur se retourne lépreuse. Il la salua et dit : je sl,lis fatigué. Donne-moi une natte pour me
et, du couteau gui devait achever le léopard, lui tranche la tête. Aprè~ reposer. - Il demanda encore une calebasse, pour y délayer de l'akassa. Or,
quoi, Chasseur expire. ce jour-là, la femme en était à la fin de ses règles. Le voyageur lui dit:
Et Dàgbe, délivré de ses tro. is créanciers, i1'a pl us qu '·a ce· léb rer ses maintenant, nous allons coucher ensemble. - Mais elle s'écria : je suis
noces ... ' lépreuse. - Il dit alors : cela ne fait rien.
Ceux qui sont nés sous ce signe ne doivent pas se reposer sous un Après avoir couché avec elle, il lui donna un akassa où il avait mis une
arbre. poudre noire destinée à guérir sa maladie.
GBE-ABLA.
Et le lendemain il panit. Il mit douze iours pour faire son voyage.
(Gbabla). L'akassa une fois mangé, la lépreuse guérit le huitiènie jour. Et le troisième
mois, sa grossesse se dévoila. Un de ses parents la vit en cet état et
1 1 s'exclama: comment? Toi, lépreuse ... Qui donc a osé coucher avec toi ?
1 1 1 Te voici donc enceinte? - Elle dit : il y a un voyageur qui est passé par
I 1 1 ici, et.il se nommait Alagberi. C'est lui qui m'a fait cet enfant. - Finale-
r 1 1 ment, elle mit au monde un garçon.
Alatberi, après avoir longtemps séjourné dans la ville qui était le but de
I. Comp. Paul ANEKWE, catéchiste à Ozubulu, Une fable des Ibos en Nigérill, dont le héros
es~ la tortue. Anthropos. St Gabriel-Môdling, t. XXXI, janv.-avr. r936, Analecta et Addenda I. Texte controversé. Une autre vcr~ion donnerait; en traduction : puisse le grand canari
pp. 24r-242. '
se briser nettement, au lieu 'de perdre son eau par suintement.
,
1
'

LA GE0\1ANCIE A L'ANCIENNE CÔTB DES ESCLAVES LES SIG'.ŒS SECONDAIRES

son voyage, reprit au retour le même èhemin. Il retrou\·a 1a fe1~1111e qu'il derrière, et de se couvrir de la piè~e d'étoffe blanche. Ainsi, en peu de temps,
avait guérie, ayec son garçon. Et ce garçon fut nommé roi de la ville il acquerrait une grande taille.
d'Alagheri. L'éléphant sortit de chez Oghc ldiï 1.-lii pour rentrer chez son maîcre, ~t,
chemin faisant, rencontra L.gba. L;.gba lui demanda . ou donc Yas .. tu avec'
GBE-AKLÀ. un tel fardeau? - L'éléphant lui raconta tout. Alors L:.gba lui dit : ne
(Gba-Klà). serais-tu pas fou, par h~sard? Ne voulais-tu pas, toi aussi, aYoir une grande
taille? N'est-ce pas toi qui as fait le premier sacrifice ? Tu vas faire sur~le­
1 champ ce qu'on t'a dit de répéter au cabri sauyage.
1 Or, à cette époque, l'éléphant n'était pas plus gros qu'un rat palmiste.
1 1 Il obéit à Lsgba, et commença à grandir, .à grandir ... Et il finit par avoir
1 la taille que vous lui connaissez.
Il marcha ensuite lourdement vers la maison du cabri sauvage, qui, tout
surpris de le voir ainsi transformé, bredouilla : depuis quand es-tu devenu
Légende.
si grand ? -- et se sauva.
Le cabri sauvage (:Jt/;b") appela Ogbe klâ ldii pour lui interprét.cr Fa. La: Voilà pourquoi ceux qui vieirnent au monde sous ce signe ne doivent
quc<>tion qu'il posa était la suivante : comment faire pour a\·oir une haute jamais envoyer des émissaires traiter pour eux une affaire sérieuse.
taille ?
Ogbe khi klri répondit : il faut offrir en sacrifice quatre mortiers à piler le GBE-GUDA.
maïs, cent \·ingt et un maillons d'une chaîne à attacl1cr les pirogues aux (Gbe-Egü, Gbe-Og1î. ou Gbe-Hwida).
piquets, une pièce d'étoffe blanche et cinq francs cinquante.
Le cabri sauvage commanda ces divers objets. 1 1 1
Or, en cc temps-Ll, l't'léphant se trouvait en gage chez le cabri sauvage, 1 1 1

son déancier. 1 1 1
L'éléphant, lui aussi, invita Oghc klà ldà à lui interpréter Fa : comment 1 1 1
rcdcYrnir libre? - Il faut faire u11 sacrifice: offrir huit pigeons, huit poules
et quatre francs. - L'éléphant accqiu de faire le sacrifice, alla trouver le Légmde.r.
cabri satff;1gc, et lui demanda à nouveau un prêt d'argent. Le cabri sauvage r. Ogbe-Guda, ayant de quitter Ifè pour venir au ,pays des G1i, invita
y consentit. Une fois l'argent obtenu, l'éléphant acheta les différents ani- quatre Boh;>nà à consulter Fa pour lui. Les quatre devins lui dirent : il faut
maux prL·scrits et fit son sacrifice. Le troisième jour après le sacrifice de l'élé- faire un sacrifice : deux truies, deux danies-jeannes d'alcool, deux paniers
phant, la commande du cabri sam·age arriva. Il appela l'éléphant et lui-dit : pleins de petites bananes (lwkwe afogli) et huit francs. _..'.!.._ Le sacrifice fut
tu Yas prelllfrc tout cela et tu iras, de ma part, faire le sacrifice que m'a fait. Et Ogbe-Guda quitta le pays d'Ifè.
demandé Ogbe !.·là klâ. Il arriva au pays d'Ap. Apprenant que le roi d'Ay" aimait la lutte, il lui
L'éléphant se mit en route. Arrivé chez Ogbe ldâ klii, il lui donna tout. lança un défi et se vanta de pouvoir le mettre à terre. Le roi imprudent
Ogbc klà ldâ, après avoir fait ses cérémonies, lui rendit les quatre mortiers, accepta son défi, et se fit culbuter.
les cent vingt et un maillons et la pièce d'étoffe blanche, pour qu'il les rap- Ogbe-Guda poursuivit sa route, et arriva au pays de Bini (Bénin). Aussi-
port:1t au cabri sauv;1ge, et lui Jit de placer deux mortiers devant lui et deux tôt, il lança un défi au roi, qu'il terrassa.
derrière, d'entourer les quatre mortiers avec la chaîne, puis de poser les Il continua son voyage et arriva à Ajacs (Porto-Novo). A son arrivée, on
deux mains dans les deux mortiers de devant, les deux pieds dans ceux de lui présenta de l'eau à boire, selon la coutume. Mais il refusa, et demanda
LES SIGNES SECONDAIRES
LA GEmfANCIE A L' ANCIE!-INE CÔTE DES ESCLAVES

bananes laissées à terre p<H les sujets du roi, et, au premier effort, tomba.
simplement à voir le roi, qu'il tenait à culbuter. Ce qu'il fit, d'ailleurs, dès
Cruellement blessé dans son amour-propre, il se releva, et tout honteux,
que le roi se montra.
courut se cacher dans la chambre du roi, accompagné par les quolibets de
Après Ajacs, il atteignit lbad~ On lui présenta de l'eau, de quoi man-.
la f,;ule.
ger, e.tc. . Il refusa tout, et annonça que la seule chose qu'il désirait
Ce signe a parlé de la ville de Porto-Novo. C'est pourquoi l'esprit de
réelle~1ent, c'était que le rni sortît. Le roi accepta; Ogbe-Guda le renversa,
rivalité et de discorde s'y perpétue.
puis il quitta la ville.
Il arriva au pays d'lgba, où il fit la même chose, puis a Awôli (Lagos), 2. DeYise. Awakahlicî, Awaleleiâ. c'est S1111r11 (patience) qui deYint roi.
où il insista pour que le roi parût. Légende. Aje était un beau serpent, qui faisait toute sorte de mirades.
Décidément, Ogbe-G11da ne pensait su' à mettre à mal les rois! Et, remar- Il se changea en femme, et épousa le vodtï Awûakaici. Ce vodi'i s'absenta un
quez-le bien, tous les rois qu'il avait mis à terre en moururent. .. jour, en lui recommandant de préparer une sauce. Restée seule, elle s'em-
Ogbe-Guda. n'avait pas encore quitté Lagos que déjà Alada-xalu' apprit para des récades et de la coiffure du vodti, afin de faire le feu pour cuire la
ses exploits . .JI se dit que cet homme allait sûrement venir aussi chez lui, sauce. Et, au retour du ~od1i, elle le servit.
et il appela Cd1p;.ts./i, son Bobnô, pour lui demander conseil. Le devin dit Le lendem;tin. comme le ·vodli voulait sortir, il réclama sa coiffure à sa
au roi : offrt? en sacrifice deux truies, deux dames-jeannes d'akool et deux femme. Celle-ci riposta : ôte-toi de devant moi! Et quand tu m'as ordonné
grands paniers tout pleins de bananes. - Le sacrifice eut lieu. On égorgea de préparer la sauce, hier, m'as-tu donné des sous pour acheter du bois? -
une truie. Puis le Bokanô fit sur son Fatë le signe Ogbe-G11da, ramassa le Et le vodti chercha en Yain sa coiffure et ses bâtons ... Ne les trouYant pas,
ys, en saupoudra les bananes dans leur panier, et distribua dans sa cour les il se décida ;\ répudier sa femme.
bananes aux habitants de la ville. Il leur recommanda à tous de les mauger Elle partit. Sur son chemin, elle rencontra Xwioso Awaldeici, à qui elle
aussitôt. Puis on commença à faire rôtir la truie. dit : tiens! Xeuioso, je t'aurai pour mari! - Et c'est ainsi qu'elle épousa
Au moment où la viande rôtissait, Ogbe-Guda fit son entrée dans la Xsvioso: Un jour, Xa1ioso lui dit de préparer à manger, puis il sortit. La
cour du roi. Et sans perdre une minute, il cria au roi de sortir, afin qu'ils femme prépara tout, Xs·uioso mangea bien. Or, elle avait encore fait le feu
pussent se mesurer l'un contre l'autre. Le roi répondit: il est chez nous avec les récades de son mari! Xa•ioso s'en aperçut, et, comme il lui faisait
un usage sacré. Lorsqu'arrive un étranger, il nous faut d'abord lui donner des reproches : ôte-toi, s'écria-t-elle, de devant moi ! Tu ne m'as pas donné
à boire. Ensuite seulement on parle affaires. Je sais parfaitement, crois-le d'argent: comment veux-tu que je fasse. du feu? Xwioso la mit à la porte.
bien, que tu vas me mettre par terre, comme les autres; mais il faut
Elle sortit
d'abord t'asseoir et boire un peu d'eau. Ensuite, je sortirai comme tu l'as Fa Ay&1gü était alors sur le point de faire sa cérémonie annuelle. Pour
.demandé. cela, il fallait d'abord consulter. Lsgba était son devin. Le signe Gbe-Guda
Ogbe-Guda s'assit. On lui offrit de l'alcool. Il but copieusement. On lui se présenta, et L~gba annonça : cette année sera bonne pour toi, tu t.e
apporta à manger. Il mangea solidement. Ensuite on loi redonna de l'alcool.
marieras. Mais, avant d'être sûr de conserver toujours t:i femme avec toi,
Tout était très bon, et bien présenté.
il te faudra beaucoup de patience.
Après l'avoir vu boire de la sorte pour la seconde fois, le roi dit : ma·in~
Quelque temps après, trente-deux jours avant la cérémonie annuelle,
tenant, te sens-tu d'aplomb pour me mettre par terre? - Oui, je suis prêt, comme Fa se trouvait chez lui, voici qu'une joiie femme entra, coquette et
répondit l'autre.
mianonne. Elle le salua. Fa lui donna une natte pour s'asseoir; il lui offrit
Le roi sortit, et la lutte commença. Ogbe-Guda, qui se croyait plus fort que
desb colas, de l'alcool. Il lui demanda : quel bon vent t'amène aujourd'hui
tout le monde, posa malencontreusement ses pieds sur des épluchures de
près de moi? - Je viens, répondit la visiteuse, pour ètre ta femme. C'est
tout. - Et Fa la trouva si belle qu'il voulut l'épouser. Il se rappela ce que
1. Il s'agit, prccise le narrateur, du roi de Porto-Novo. Les trois rois d'Allada, d'Abo-·
Lgba lui avait dit en consultation. Il accepta la femme.
mey et de Porto-Novo ont droit au titre d'Alada-xasu, roi d'Allada.
"f!
i

LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SIGNES SECONDAIRES

Or, à cette époque, Fa n'était pas marié, Aje fut ainsi la première mise à la porte ! Toi, je t'ai brûlé tout ton matériel; j'ai tué tes animaux ...
femme de Fa. Et elle vécut avec lui. Et tu n'as rien dit. Je t'ai même demandé d'aller déféquer sur la tombe
Un jour, Fa lui dit de préparer à manger, puis il sortit. Elle prit le Fafa de ton père, et tu m'as conduite; sur la tombé de ta mère, et tu n'as pas
d: son mari, le· mit en morceaux et en fit du feu. Quand Fa revint, il ne. dit non ... · Pour te récompenser, je vais te donner des enfants. J'en ai
dit rien. Alors, profitant d'une autre absence de Fa, elle s'empara de tout beaucoup dans le ventre. Mais il faut d'abord que tu ailtes voir sur la
son matériel et le brûli. Puis elle se mit à massacrer les animaux de son tombe de ton père èt de ta mère si· mes excréments 1 y sont toujours. -
mari. Fa ne disait toujours rien. Elle s'en étonna auprès de lui. Or Fa apprit Et Fa se leva, et se rendit sur la tombe de son père ; et il ne put. entrer dans
que cette femme était extrêmement riche, et possédait de nombreux biens. la case ou se trouvait la tombe de son père, tant il y avait d'or. Il alla vers la
A quinze jours de la cérémonie, la femme avait massacré toute la basse-cour. tombe de sa mère: elle était pleine d'argent et de. pierres précieuses. Alors
Et elle dit à son mari : tous les animaux sont morts. Comment vas-tu faire? il se réjouit, quoique J1e sachant pas encore à qui tous ces trésors étaient
- Fa, sachant de quoi les animaux étaient morts, en acheta d'autres, qu'il destinés.
cacha chez un ami en ville. Et la femme de s'étonner que son mari ne se Puis il revint se coucher auprès de sa femme, et elle conçut. Et elle lui
préoccupât point davantage de sa cérémonie. Mais Fa lui dit : ne t'inquiète donna Amusu, Akakpo, Alugbahwe, Faka ... 2
pas! Tout se fera à temps. Sa femme lui dit alors que tout l'or, que tout l'argent, que toutes les
Or elle n'avait pas fait, à ses deux premiers maris, le quart du mal qu'elle pierres précieuses qui étaient sur les tombes lui appartenaient.
venait de faire à Fa. Et ses premiers maris l'avaient pourtant chassée. Et la renommée de Fa, jusqu'à nos jours, vient en partie de cette iinmense
La veille de la cérémonie, Fa fit entrer tous les animaux qu'il avait richesse que lui apporta sa première femme, Aje.
cachés 'hors de chez lui. La femme se dit : voici. J'ai fait du mal à cet
GBE-SA.
homme, et lui m'a fait du bien.
La nuit, comme ils étaient couchés, elle dit à Fa: je vais aller déféquer'. 1 1
- Et Fa lui dit : va. - Elle ajouta : oui, mais c'est sur la tombe de ton 1
père que je veux aller: - Fa lui indiqua la chambre où elle trouverait la 1
tombe de son père. La femme se mit alors à déféquer de l'or, et remplit la 1

case du père. Jamais elle n'avait déféqué chez ses autres maris. Elle ne dit
rien :i Fa, lorsqu'elle revint dans son lit. Légendes.
Huit jours après, elle dit encore à son mari, pendant la nuit : je vais aller
r. Ce signe a consulté pour les deux amis Ayiz1î et Agbo (1~ bélier), e.t il
déféquer. - Et Fa lui dit : va. Ne connais-tu pas le chemin ? - Elle
leur dit de faire un sacrifice, s'ils voûlaient rester longtemps dans la vie :
repligua : si, mais, cette fois, c'est sur la tombe de ta mère que je veux
dix cauris, une jarre, deux cornes, une poule, un cabri, trente-cinq centimes.
me soulager. - C'est la moindre des choses, répondit Fa. Et il la con-
Or Agbo ne fit pas le sacrifice.
duisit. Elle déféqua alors de l'argent et des perles précieuses. C'est pour
En ce temps, Agbo n'avait pas de co~nes, et Ayi\,li, lui, n'avait pas de
cela: que, parfoi'S, Fa demande à ses adeptes des perles précieuses: azâû, sî,
tête. Et Ayizà fit son sacrifice et le donna à L;gba. Celui-ci prit la jarre et
atii-efa, ketu, nana, làl~à, almta, tutu-akpô . .. La femme revint près de son
en fit la tête d'Ayizà. Et Ayiz.a dit à Agbo : ami, fais donc ton sacrifice.
mari, et ne lui dit rien.
Voici que j'ai déjà une tête; toi, tu auras des cornes. - Agbo répondit :
Une nuit, comme Fa et Aje étaient au lit, Aje appela Fa : je·veux te par-
soit, mais ta tête n'est pas si dure que la mienne. Tout cela n'est que déri-
ler ... Comme tu es patient! Ce que je t'ai fait endurer, je n'en avais pas
sion : on s'est payé ta belle tête neuve, et il ne me faudrait qu'un peu d'élan
encore fait le millième aux vodû mes premiers maris, qu'ils m'a-yaient déjà
I. En termes choisis : derrière la chose, 1111-gudo, (en gè: kpa-godo, derrière la barrière,)

I. En termes choisis: je vais aller po>er les pieds par terre, n'na yi do afo ayi. ou: la nourriture d'hier, so nu da.
2. Cf. supra, p. 268, noms dèrivant d'une consultation.
'1l
588 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTf DES ESCLAVES
LES SIGNES SECO:-.:DAIRES
pour la casser. - Ayiz.â répliqu<t : au temps que je n'avais pas de tête, tout
Cependant, Oci se disait, au fond de sa caisse : comment? En voilà une
le monde se moquait de moi. Aujourd'hui, je suis considéré. D'ailleurs,
affaire ! Que va-t-il faire de moi? Il doit avoir une idée. Vais-je mourir ?
nul n'a besoin de savoir si cette tête neuve est dure ou pas. - Mais Agbo
- Au bout d'un certain temps, Oci se demanda encore : que faire ? - èt
s'entêta, et se moqua d'Ayiz.à, et, du plus loin qu'il le voyait, lui criait :
finit par penser ù ses autres amis. Il leur adressa alors une prière : Xsvioso !
Ta-z.èèë . . ! tête de jarre ! au lieu J'Ayiz.à.
Vois à quoi je suis réduit; je ne sais quel so:t sera le mien, si je serai tué
LEgba reçut alors la visite d'Ayizà qui voulait savoir comment éviter les
ou non. Viens à mon secours!.. Souche! Vois ce que. notre ami a fait de
moqueries d'Agbo. LE.gba demanda si Agbo avait fait son sacrifice : non,
moi. Où va-t-il? Que vais-je devenir? Viens à mon secours!.. Plante-
répondit le plaignant. - Bon, fit Lgba, désormais, on prendra toujours un
Grimpante ! Regarde ce que notre ami a fait. Quel malheur Ya m'arriver?
Agbo comme victime, lors des cérémonies en ton honneur.
Viens à mon secours !
Et cet usage est encore en vigueur.
Aussitôt la prière dite, X:.vioso envoya la pluie, l'orage, la rafale, et le
Le Favi doit se méfier de ses amis.
chemin s'obscurcit. Les plantes grimpantes qui poussent au bord des sen-
2. Il était cinq amis : le singe Oci ', Plante-Grimpante, Souche, Agbo le tiers commencèrent à agripper la caisse; quelques-unes de leurs extrémités
bélier et le vodit Xsvioso. Le pays où ils habitaient ne connaissait pas la paix .. s'introduisirent entre le com·ercle et le fond, sans q uc Bélier s'en aperçut.
Le roi, inquiet, consulta Fa. Gbe-Sa se présenta, et recommanda de recher- La caisse s'ounit alors; Oci en sortit et disparut, aidé par les lianes .. Au
cher Oci, de le tuer et de l'enterrer; alors la paix reviend'rait s'installer même moment, Agbo buta sur une souche; il eut juste le temps, pour éviter
dans le pays et sur la ville. la chute, de se cramponner à un arbre proche. Oci était déjà loin ...
Toute la population proclama Oci trop avisé pour se laisser prendre. Le Agbo poursuiYit sa route. Un peu plus loin, il agita la caisse pour ~'assu­
roi dit alors: si un roi comme moi n'est pas capable de retrouver un simple rer qu'Oci y était bien: Il entendit le bruit des bracelets, crut que c'était
Oci, à quoi donc est-il bon? Je promets à celui qui me l'apportera deux Oci et continua fièrement son chemin. Il se dépêchait d'arriver chez le roi,
cent mille cauris, et deux cent mille unités d~ toutes les choses qu'il pour toucher sa prime.
voudra. Dans la cour du roi, Agbo trouva tous les paysans de la région au com-
Agbo, l'un des cinq amis, apprenant cette promesse du roi, décida de plet. On l'attendait. Il dit avec emphase-: maintenant, la paix sera sur la
tromper Oci pour toucher la prime. li fit faire une caisse, puis demanda au ville. Je vous apporte Oci. Son sacrifice va tout remettre en ordre ...
roi de lui prêter ses bracelets et de lui donner des colas, afin de pouvoir On l'aida à poser la caisse à terre, à l'ouvrir ... mais on n'y trouva que les
prendre Oci. Le roi lui remit ce qu'il demandait, et voici Àf!bo en route, bracelets du roi _et quelques colas. Le roi dit : tu m'as trompé. Je t'ai
avec la caisse contenant bracelets et colas. attendu pour accomplir la cérémonie. Il faut que je fasse un sacrifice aujour-
Il alla se poster devant le portail d~Oci, laissa la caisse ouverte devant le d'hui. Oci n'est pas ià; tu n'as pas été capable de le prendre. C'est toi qm
portail, et appela son ami. Oci sortit de chez lui, aperçut les colas, et dit à vas être tué, à sa place. Après cela, nous aurons la paix dans la ville.
Agbo : comment, mon ami ? tu deviens donc méchant? Tu possèdes tout Et c'est ainsi que Bélier fut tué, à la place d'Oci.
ceci et tu ne m'offres rien ? ~ Agbo répond : ce qui est à moi est à toi. Oci, cependant, apprit tout ce qui s'était passé chez le roi. Il se réjouit
Prends ce 4ue tu voudras. qd Agbo fût mort à sa place. Alor!i, il donna à manger à son fa, et il y
A cause de la profondeur de la caisse, Oci fut obligé de monter sur le bord eut une grande réjouissance chez lui, ce jour-là. On chanta
pour saisir les colas. Et de se pencher·. . . Aussitôt, Agbo le fit basculer,
Cebele Imre ! Agbo ku cebele !
ferma vivement la caisse, la chargea sur sa tête, et se dirigea Yers la maison
M~ de lë 1m. lm cebûe !
du roi.
Kuee cebele, kuee, Aibo ku crbelé !
t. Oci Y, democi F, asi-dmln (nuin-lécher, G1i). Variété de petits singes qui se lèche11t Agbo ws lë Ci ku . ..
const:tmnumt les mains. Cebele, lmee ! Agbo ku cebele !
Hôtô sa-ta lë mô e ku ( Gü).
'f1
590 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES
LES SIGNES SECONDAIRES
59 1
Joie, il est mort ! Bélier est mort, joie ! Xwioso, le premier, se jeta dans le vide avec un très grand nombre d'en-
Lui qui cherchait la mort d'autrui, joie! fants. Pour tomber sans se tuer dans un trou pareil, il fallait être vod1i ! Les
Il est mort, joie! il est mort, Bélier est mort, joie! enfants moururent.
Bélier voulait la mort de Ci . .. . Sakf>ata vint ensuite, et tomba dans le trou avec quantité d'autres enfants.
Joie, il est mort! Bélier est mort, joie! Même résultat. Et tous les vodù essayèrent en vain.
L-ui qui souhaitait vendre son ami, il est mort lui-même ... Fa-Ayd:Jg1ï alla trou\•er Maw11 et lui dit : moi, je t'aiderai à descendre
Variante fon : tous les enfants sur terre. - Et il fixa un délai de cinq jours à J\tlawu.
K11 ce ne Agbo l.·u ne Maw11 lui dit : comment, toi qui es si faible, si mou, sans os, tu me pro-
cebele ! poses cela? - Mais Fa insista. Puis il alla chez un Bobnà consulter son
Agbo lm e lcp:J!i. Le signe Ghe-T11rukpà se présenta, et un sacrifice fut exigé : deux
cebele J chèvres, deux poules, deux pigeons, deux pagnes de femme, deux bandes de
De 1116 ci k11 w;: agbo ku fil et raphia (a1fokè) '. Le sacrifice fot fait. Le Bobnà prit un pagne, une
cebele ! bande et les rendit au consultant.
Agha ku e Le cinquième jour arriva. Fa alla trouver Maw11, et lui dit : me voici!
rebele ! Je suis prêt. - Mawu répondit : comment, te voilà encore ? Je croyais que
Hotô sa-t:J lm ne aE;bo lm ne tu avais parlé pour rire. Tu sais pourtant que les plus forts des vodù ont
ce!Je!e ! échoué. - Fa insista tant et si bien que Mawu lui montra les enfants. Fa
en prit un qu'il fixa sur son dos, et un deuxième qu'il fixa sur sa poi-
ÜGBE-TURUKPÊ. trine. Il alla au bord du trou, prit son élan et sauta sur l'autre bord. Il y
( Ogbe-TômiJlcpà) '. déposa les enfants, d'un bond resauta au ciel, et, deux par deux, finit par
transporter tous les enfants du ciel.
1 1
Après cet exploit, Mawu dit à Fa : sois félicité. ·Maintenant, je Yais te
i 1
donner mon ac". Tends-moi tes deux paumes : je te donne tous les droits
1
sur ce monde. Tout vodü qui aura besoin de quelque chose viendra d'abord
1 1
te demander la permission, et tous les i·odü dépendront de toi. - Il cracha
Légende. un peu de salive dans les paumes tendues et ajouta : nue n' da le, 111ô jê na
r. Place ton e1ifant sur ton dos et installe-le bien. ci, ce que je -viens de dite se réalisera.
2. Mets l'enfant sur ton dos et attends un instant.
GBE-TULA.
3. Quand un enfant pleure, il faut toujours le donner à sa mère. ( Ogbe-Tumila) 2

Tels sont les noms des trois devins qui interprétèrent Fa pour tous les
·uod17 du ciel. 1

Afown avait dit aux vodiï : voici, j'ai beaucoup d'enfants au ciel. Com- 1 1
ment faire pour les envoyer sur la terre ? - Chaque· vodü promit à Mawu: 1
moi, je saurai bien les faire descendre tous! 1

Mais il y avait un trou profond entre le ciel et la terre.


Dont les femmes nago se servent pour mieux fixer les enfants sur leur dos, lorsqu'ils
1. Tu ,,,,à
maintiennent.
,kpô Y, assujettir l'enfant au dos de la mère, en resserrant les étoffes qui le
1.
sont dej~
maintenus par des pagnes. En nago : gele ou gja.
2. Sous Gbe-Tula est venu au monde le crocrôdile. - Une autre légt:nde de ce sigae a
été donnee supr.1, première partie, chap. vm, pp. 3 54-3) 5.
·~.·
1
1

592 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SIGNES SECO:\'DAIIŒS 593
Alors le roi d'Alara consulta son BokwJ. Ogbe-T11111i!a se présenta. Le
Légendes. devin recommanda au roi d'aller jusque chez Fa AydJgii, et ajouta: en par-
tant, aie bien soin d'emporter avec toi deux cents cabris, deux cents pagnes,
r. Il faut donner avant de recevoir. deux cents pigeons, deux cents poules et cinq fois deux cents francs. C'est
Tel est le nom que prit le devin qui interpréta Fa pour Fa AydJgiï, au avec cela que tu iras trouver Fa AydJgù.
moment où il descendit du ciel sur la terre. Le roi fit comme il avait été dit, et apporta tous ces objets. Et toute la
Quand Fa AydJg1î voulut descendre sur terre, il demanda à ce Bobnà si maison de Fa AydJgù en fut emplie. Alors Fa AydJgit, ayant reçu ces
le voyage lui réussirait. Le prêtre lui dit de faire un sacrifice : deux brebis, dons, se rendit au pay~ d'Alara, et remit tout en ordre.
onze francs et le pagne qu'il portait sur lui. JI ajouta : sois patient; il faut Lo.gba prit une autre baguette et la lança vers le pays d'Jhajeltt, en pays
donner, avant dè recevoir. - Le sacrifice fut fait, et le consultant descendit d'AyJ, car des hommes de ce pays n'avaient pas sacrifié après leur consul-
sur terre. tation. Et tout ce qui était arrivé à la ville d'Alara arriva à Ihajeltî. Le roi
Mais, une fois sur terre, il s'aperçut que tous ceux qui venaient le con- <lu pays consulta Fa et trouva Ogbe-Tumila. Il fit le même sacrifice que le
sulter négligeaient de faire les sacrifices prescrits. roi d'Alara. Et les fléaux disparurent du pays.
Vint un jour d'Alara, ville du pays d'AyJ, un homme qui consulta, lui L;.gba prit la dernière baguette et la jeta sur le pays d':Jlëigtîilela. Et le roi
aussi, sans faire de sacrifice. du pays dut faire comme les deux autres.·
Puis ce fut Lsgba, qui amena son enfant :Jfola, et demanda une consulta- C'est ainsi que Fa AydJgit devint opulent. Et toute cette richesse lui per-
tion. Fa dit à L'-gba: après la consultation, il te faudra offrir un sacrifice. mit d'aller rembourser le roi de la ville oü son fils était en gage.
Pourras-tu le faire ? - LEgba répondit : comment veux-tu que je fasse? Tu Il comprit alors les paroles de son devin : il faut donner avant de rece-
sais bien que je n'ai pas le sou! voir. Et, comme L~gba l'avait tiré du malheur, il en fit son Migii. Et Fa
Or Fa AydJgiï avait un fils unique, qui se nommait .dmusu. Et, comme dit à LEgba : désormais, toutes les fois que je mangerai, le plat te sera pré-
tous ceux qui venaient à lui pour consulter refusaient de faire les sacrifices senté d'abord.
indiqués, la faim menaça Fa AydJgü. Et il dut mettre son fils unique en
gage chez le roi de la ville. 2. Gbe-T11111ila a dit: si quelqu'un vous demande une allumette, il faut,

Avec l'argent qu'il emprunta au roi, il fit le sacrifice prescrit pour l'en- avant de la donner, lui demander du tabac ou une pipe. Sinon, il s'en ira
fant de Lsgba. Car son propre devin lui avait dit : il faut donner, avant de aYec votre allumette, et vous n'aurez pas de compensation.
recevoir. - Ainsi fit-il jusqu'au bout toutes les consultations et toutes les Vodti Lolw a un fils nommé H1îs11. Fa a un fils nommé Am11stt.
.cérémonies pour l'enfant de Lzgba. Si bien que Lëgba pensa en soi-même : Fa et Vod17 Loko ont acheté tous deux un terrain. Sur ce terrain, situé
Voilà tout ce que Fa AydJgû vient de faire pour mon fils. Et mot, que derril:re la ville, deux sols se trom·ent juxtaposés: l'un fait de sable, l'autre
vais-je faire pour le remercier? de terre rouge.
L.gba s'en fut acheter un canari et trois baguettes. Puis il coupa des Fa n'a pas d'argent. Lol<o en a beaucoup. Lolw dit à son fils H1isu qu'il
herbes qu.'il mit dans le canari. Il versa de l'eau sur le tout et y plongea les ne souffrira jamais dans la \·ie. Puis il dit à Fa qu'il veut faire édifier une
trois baguettes. case pour son fils, sur le terrain qu'il a acquis. Fa répond : moi aussi, je
Trois jours après, Lsr;ba prit une des trois baguettes et la lança dans la ferai de même. - Et Lolm de fixer un délai pour la construction : au bout
direction d'Alara. Car un homme était v~nu d'Alara pour consulter Fa, et de dix-sept jours, j'entends que la demeure de mon fils soit prête! - Et
avait omis de faire les sacrifices. La baguette tomba sur A/ara, et le pays Fa de s'écrier : il faut aussi que mon fils se mette au travail.
devint aride, la pluie cessa de tomber, les femmes enceintes n'accouchèrent Fa prend son ag1!111aga, consulte et demande : je suis pauvre, je n'ai r_ien
pins, les hommes n'eurent plus de semence, et la famine régna sur le en proprt:, Loko est riche. Si mon fils se rend sur son terrain, trouvera-t-il
pays. des gens pour l'ailier à construire ? Vivra-t-il en paix ? Aura-t-il de quoi
lnrli/u/ d'Et/1110/ogie. - Bernard MAUPOIL.
594 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SIGNES SECONDAIRES 595
manger ? - Le signe Gbe-T1t111ila lui répond oui et demande en sacrifice A11111stt est très opulent ; il a defi serviteurs qui travaillent pour lui. Il a de
trois agidi (Y) 1 • nombreux animaux. Il a de l'argent.
Les trois agidi sont achetés. Apres la consultation, Fa fait avaler à son H1îs11 vit dans la pauvreté.
fils l~ )'$ du signe trouvé. Puis il le fait boire. Et enfin il le met en route, Un an après, Fa et 1•01fri Loko se proposent de rendl'e visite à leurs fils. Les
en lui donnant les trois agidi. enfants sont avertis. Au jour fixé pour la venue des pères, A11111stt envo_ie des
De son côté, Lol.:o, - qui n"a pas consulté Fa, - met son fils en route et chevaux à la rencontre de Fa. H1ïrn n'envoie rien: Une fois Loko et Fa arrivés
lui donne trois ignames. Dans la première igname, il a creusé un trou, où sur le ~errain, Fa se réjouit de voir son enfant dans la prospérité. f7od1i Loko
il a mis des gens qui <levaient travailler pour son fils; et il a refermé le est très mécontent du sien : qu'as-tu donc fait des trois ignames que je t'avais
trou. Dans la deuxième igname, il a introduit de l'argent, puis il l'a refer- remises avant ton depart ? - Hé, que penses-tu que j'en pouvais faire ? Des
mée. Dans la troisième, il a enfermé des besti;mx et <les animaux domes- ignames crues! Jeles ai échangées contre les agidi d' ÂlllllStt, qu'au moins on peut
tiques. manger tout de suite, lorsqu'on a faim. J'ai donné tes ignames pour apaiser
Amustt part. H1is1t aussi. Ils se rencontrent. Quand ils ont fait la moitié ma faim. Tu m'as rendu malheureux, et tu viens maintenant me narguer?
du chemin, Hüsu se plaint d'avoir faiJn. Son père ne lui a donné que trois - Mais, s'écria son père, il 11è fallait pas les donner ! Tu as perdu tes
ignames : comment va-t-il faire ? Am11stt lui dit: moi, avant de partir, j'ai hommes, tes animaux, tous tes biens ...
bien mangé et bien bu. Et j'irai jusq~1à notre terrain avant de recommencer. C'est pourquoi Gbe-T11mila a dit : avant de donner l'allumette que l'on te
Hûsu, dont la faim est loin de s'apaiser, finit par demander une boule demande, demande donc toi-même du tabac ou une pipe.
d'agidi à Amusu qui répond : non. Si tu veux un de mes agidi, donne-moi
toi-même une de tes ignames. - H1ïsn répond : I'agidi, on le mange tout Chant.
de suite, tel quel. L'igname, il faut faire du feu, cuire ... Que ferai-je de mes
ignames ici ? Échangeons. Mô-mu-la 1110 fi ja !
Et Hrirn reçoit un agidi, et donne une igname. Ka mit la ni al.:palo ndà.
Un peu plus tard, Hftsu, qui n'est pas rassasié, redetnand·e un· agidi, et Mà-11m-la 11uî fi jz (Y).
l'obtient contre une seconde igname. A la fin, il abandonne la dernière
pour le dernier agidi. Amusu se trouve détenir les trois ignames. Mais, ni lui, J'ai pris, j'ai mangé !
ni Hüsu ne savent qu'elles contiennent des animaux, des hommes, et de Si la perd-rix est rassasiée, c'est ainsi qu'elle chante.
l'argent pol,lr payer le travail des hommes. J'ai pris, j'ai mangé !
Une fois arrivés sur le terrain, chacun prend sa place. Trois jours plus
tard, Arnustt se dit : il faut tout de même les m:rnger, ces ignames. - Et La perdrix a fait ce que lui défendait le paysan : elle a nivelé son sillon et
il en coupe une en deux. Surprise ! il en sort des hommes : nous sommes à manaé
b
ses boraines. Le cri de la IJerdrix est : amula ! Et elle s'est installée sur
ton service ... vite, où est le travail ? - Je voudrais faire une maison ici, un sillon en chantant : màm11la ! 111ô11wla ! Je l'ai fait
dit Amusu. - Alors, ne perdons pas de temps, au travail, tout de suite ! Les prètres de Fa preparent de nombreuses poudres magiques avec des
Amum-ouvre une deuxième igname. De l'argent s'en échappe ! Et de la têtes, des cœurs, des pattes de perdrix. Celui qui les absorbe acquiert le pou-
troisième sortent des chevaux, des bœufs, des moutons, des cochons, de la voir de triompher de ses ennemis comme la perdrix triomphe du cultivateur
volaille ... qui ne peut l'attrapper '.
La maison d'Amusu est rapidement terminée. Cependant, Hiïsu n'a édifié
qu'un petit apatam recouvert de branches, où il se cache ... r. Les petites perdrix capturèes au sortir de l'œuf servent de matière pn:mière aux amu-
lettes des voleurs.
r. Akassa, appelé encore li<J.
LES SIGNES SECONDAIRES
596 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES 597
reconnaissante ! Veu·x-tu venir chez mon père, pour te désalterer ?
GBE-LëTE '.
Jiogbe, sans hésiter, accepta, entra chez le père de LEt~. L;fa elle-même lui
(Gbe-eli-Afa ou Gbe-Wats). donna quelque chose à boire, puis insista pour qu'il restât un peu avec elle.
.1 Ils se mirent à plaisanter, tant et si bien que jiogbe finit par déflorer LE!;. Et,
1
dès ce premier contact, L.ts conçut.
1 1
Lorsqu'il devint apparent que Lëfa était enceinte, son père et ceux de sa
1
maisonnée lui demandèrent : de qui es-tu enceinte ? - Mais elle ne répon-
dit rien.
Et, le temps venu, elle mit au monde un garçon. A peine né, il com-
Légendes.
mença à grandir à vue d' œil. Lorsque sa mère se rendit à nouveau au marché,
1. Autrefois, une fois l'an et à date fixe, au moment oü l'on mangeait elle le prit sur son dos. Une fois au marché, l'enfant circula parmi les mar-
l'igname, Duduwa convoqmit toute la population de la ville, et aussi tous les chandises étalées, et en profita pour casser tout ce qu'il pouvait et faire du
Fa, pour connaître le signe sous lequel la nouvelle année apparaissait : était- scandale. Lste était fort mecontente. Aussi, la fois suivante, elle emporta au
il ou non favorable ? marché une longue bande d'étoffe, dont elle attacha un bout aux pieds de
En ce temps-là, après la consultation, on immolait des êtres humains, et l'enfant, et l'autre au pied de son tabouret; De la sorte, son fils resta tran-
non des animaux comme aujourd'hui. quille.
Jiogbe, fils aîné et préfere de Duduwa, était à ce titre chargé de commis- Lorsqu'il eut un an, l'enfant semblait en avoir trois.
sions par son père qui l'envoyait partout. Au moment des cérémonies, Un jour, Duduwa e~voya chercher Jiogbe : je vais célébrer une fête. Il faut
c'était lui encore qui allait acheter les gens que l'on devait tuer. que tous y assistent. - Et il remit six shillings à Jiogbe ', pour qu'il se pro-
En ce tempscla, on ne connaissait pas les relations sexuelles avant le curât ce qu'il fallait pour le sacrifice.
mariage. Jiogbe arriva au marché, et ne trouva personne à acheter. En revanche, il
Un jour Jiog-be, sortant de chez lui pour une affaire personnelle, rencontra découvrit l'enfant attaché au tabouret de sa mère. Il demanda à la mère :
sur son chemin un ruisseau sur lequel était jeté une sorte de petit pont. est-il à vendre, cet enfant ? - Or, si ]iogbe n'avait pas reconnu L<.të., L.ts,
Jiogbe traversa le ruisseau sur le petit pont. Puis il poursuivit son elle, l'avait aussitôt reconnu. Elle répondit : oui, achète. - Or elle avait
chemin. donné son nom à l'enfant, qui se nommait Lcfa. Comme Jiogbe demandait
Au retour, Jiogbe aperçut une jeune fille nommée L<.t~, qui n'osait pas le nom de l'enfant, elle répondit : Lus. - Il dit encore : pour combien le
traverser le petit pont. Assise au pied d'un arbre, auprès d'une lourde charge vends-tu ?- Pour sept francs cinquante.
de maïs, elle se demandait comment elle pourrait traverser avec son fardeau. Alors Jiogbe prit peur. Car personne ne savait combien il avait en poche,
Dès qu'elle aperçut Jiogbe, elle le pria de l'aider à franchir le ruisseau. et cette coïncidence était étrange. Il demanda un rabais. La femme refusa.
Jiogbe répondit: impossible ! je tiens de ht main droite un asê acrelele, de la Finalement, il donna les sept francs cinquante, et reçut l'enfant. Au moment
gauche une queue de bœuf blanc 2 • Avec quoi veux-tu que je porte ton où la mère détachait le petit, elle lui dit à voix basse: celui à qui je te vends
fardeau ? - Mais finalemrnt il céda : je vais t'aider, dit-il. Et il chargea
le fardeau sur son épaule, et traversa de son mieux le ruisseau sur le petit 1. Six shillings : sept francs cinqnante, on nn sac et demi de canris. (Ne correspond plus
pont. à aucun ch;inge européen actuel). - Dans une lettre no 61, datée à Porto-Novo du
20 décembre 1887, Victor BAL-LOT signalait que la livre sterling était la «seule monnaie
Le ruisseau franchi, Jiogbe dit : jeune fille, viens prendre ton fardeau. -
ayant conrs dans nos établissements de la Côte d'Afriqne. » (Archives dn Gouvernement
Elle traversa, puis s'exclama : tu es comme un père pour moi, et je te suis si général de l'A. O. F., Dakar, 8 G-7.) Des envois de livres britanniques étaient faits par le
Trésorier Payeur français du Sénégal, résident à Saint-Lonis, au délégué du Trésor à Porto-
J. Une antre legl!nde de Gbc-Lelo a été donnée supra, chap. v, p. 187-.
Novo. De tels paradoxes foisonnent dans toute l'économie coloniale.
2. En nago : 111kZ..
LA GEO:\fANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SIGNES SECONDAIRES 599
est ton père. En route, il faudra que tu chantes pour re faire- reconnaître de Et c'est depuis ce temps que l'on n'immole plus d'êtres humains au Fa.
lui. - Jiogbe et l'enfant s'éloignèrent. On immole des animaux.
Lû~ arrangea en ht1te ses affaires, les confia à d'autres marchandes pour
qu'elles fussent ramenéès chez elle, et se mit à suivre ]iogbe et son fils, sans 2. Devise. Ogidi alla chez le roi innocent, mais resta toujours

se faire voir d'eux. enchaîné '.


L'enfant ma reluit devant fiogbe. Il se mit ;\ chanter : Légende. Le singe Ogidi et Agluza, le cochon, sont grands amis. C'e~t
ensemble qu'ils vont toujours ramasser de quoi 1.i1anger au marché.
E hu mi kpô, e 111a 1ïà ! Un jour, Ogidi va trouver Fa Ay1bgii avec dix cauris, et lui demande :
E s~ sa .mi kpà, e ma iià ! comment faire pour ramasser sur le marché p.lus de nourriture que Cochon?
Fa Jiogbe WE ii LIE ... - Ogbe-At. se présente. Fa Aydag1t dit ;\ Ogidi d'offrir en sacrifice une
chaîne. Mais ce sacrifice n'est pas fait.
Si l'on me tue, ce n'est pas bien ! Cochon, de son côté, va trom·er Fa Aydag1i a\'ec dix cauris et demande :
Si !'on me vend, ce n'est pas bien r cC>mment faire pour ramasser sur le marché plus de nourriture qu'Ogidi ?
C'est l:à Jiogbe qui m'a mis au monde, moi LEfa ... - Le même signe se présente, et le sacrifice sui\·ant est prescrit : quatre
pigeons, quatre poules et quatre fois deux francs. M~1is Cochon n'offre pas
L'enfant reprit sa complainte jusqu'au moment ou il pénétra dans la non plus le sacrifice.
maison de Dud11wa. Toute la population et tous les Fa l'entendirent. Et D11- Au prochain marché, Ogidi et Cochon se retrouvent ensemble. Ogidi
duwa s'étonna : l'enfant dit qu'il est de toi ? Cq111ment cela se fait-il? - aperçoit quelque chose. Cochon veut s'en emparer. Ils se disputent, et un
Jiofbe restait silencieux. L'enfant continuait à chanter. Les autres Fa aussi pugilat commence. Sur ce, le roi M2tolùfî les fait arrêter tous deux.
demandèrent : pourquoi, ne trouvant rien à acheter, n'es-tu pas revenu les Puis le roi les interroge. Il s'adresse d'abord ;\Cochon. Cochon entame une
mains vides, a:u lieu d'acheter ton propre enfant? Tu ne penses pas tuer ton longue harangue. Il parle, parle ... Tais-toi ! dit le roi. Puis il interroge
fils ? - Comme ils venaient d'achever leur question, la mère du petit fit Ogidi, qui se met à parler jusqu'à la tombée de la nuit ...
son entrée chez Duduwa. Duduwa s'écria : que viens-tu faire ici ? - (Car - C'est bon, dit le roi, puisqu'on ne peut rien tirer de précis de ce que
elle n'étair pas de la ville de Duduwa, et n'avait pas été invitée). Elle répon- vous racontez, qu'on apporte une chaîne et qu'on attache Ogidi. Et que l'on
dit : j'ai suivi mon petit, qu'on vient d'acheter. Il y a quelque temps, j'avais prépare pour Cochon un bon parc.
acheté du maïs, et, au retour, je me trouvai devant un ruisseau. Il y avait, Or ce cochon était une truie! Et même, c'était une truie pleine. Avant le
pour le franchir, un petit pont. .. Et elle raconta comment elle avait fait con- jour, elle met bas ses petits. Le lendemain, le roi envoie chercher Cochon
naissance de Fa Jiogbe, et comment il la déflora, et comment l'enfant naquit, et Ogidi. On amène Ogidi. Mais, comme on allait prendre l'autre, on
oublié de son père, et comment celui-ci viirt, sans la reconnaître, acheter aperçoit les petits et l'on rapporte le fait au roi, qui dit : laissez-lui le
son propre fils au marché : j'ai suivi le petit pour venir confirmer devant temps d'élever ses petits. Quand ils seront grands, on jugera l'affaire ..
vous tous que ce qu'il chantait est bien la vérité. Comme les petits commençaient à devenir grands, le roi reçoit la visite
Duduwa dit alors : nous n'avons trouvé comme victime que l'enfant de d'un étranger. Mais il n'a rien à lui offrir. LEgba lui conseille de prendre un
Jiogbe. Mais nous ne pouvons pas le sacrifier. Consultons Fa. Peut-être nous des petits cochons, de le tuer, de le rôtir, etde l'offrir à l'étranger. Aussitôt
dira-t-il ce que nous pourrions faire. dit, aussitôt fait. M~tolàfi trouve la chair du petit cochon succulente : il
Et Fa répondit qu'il accepterait volontiers des cabris, des coqs, des poulets, faut donc garder la truie, dit-il. Je veux qu'elle reste toujours à. '1S mon
des pigeons, des canards, des escargots ... Alors Duduwa dit : que l'on aille parc. Je veux qu'elle soit bien installée et q u' Ogidi reste toujours à la chaîne.
derrière la maison, que l'on fasse venir des cabris, des volailles, et tout ce
qu'il faut. I. Xa F, a/o Y, fidi ou ogidi (Gù) : cynocéphale.
600 LA GÉOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES
LES SIGNES SECONDAIRES 601

Et Ogidi répète depuis ce temps : on va chez le roi innocent, et l'on couvrirent avec étonnement un certain nombre de changements, - l'odeur
reste pourtant enchainé ! de l'homme, l'empreinte de ses pieds et un grand désordre parmi les objets
de leur trou : comment ? un homme serait donc venu ici en notre absence?
GBE-Co:.
Quel est l'homme assez audacieux pour pénétrer dans notre demeure ?
1 Etc., etc ..
1 1 Un jour, en l'absence du chasseur, sa femme s'empara de sa gibecière, y
1 versa de la cendre, et perça en bas un petit trou. Le mari, ignorant que sa
1 1 gibecière contînt de la cendre et qu'un tron fût percé à sa base, partit pour
la chasse comme d'habitude. Sa femme le suivait à son insu, grâce à la
cendre. Arrivé à son arbre, le chasseur grimpa. Et J.a femme se cacha derrière
Légmde.
des buissons.
Deux Bobnô ont interprété Fa pour le chasseur sans argent qui n'avait pas Un moment après, les antilopes, qui étaient dans leur trou, parlèrent au
même de quoi manger. Gbe-C~ parut, et un sacrifice fut exigé : deux chèvres, sol qui obéit, et sortirent. Alors, le chasseur descendit de l'arbre et parla au
deux poules, dix francs. Ce sacrifice fut fait. sol, qui s'ouvrit. Il entra dans le trou, ramassa de nouvelles balles d'étoffes,
Le chasseur retourna à la chasse, et aperçut du haut d'un arbre un grand des sacs remplis d'argent et de pierres précieuses. Puis il sortit et s'en
rassemblement d'afycilm '. Leurs cornes avaient cinq, dix, quinze, seize alla.
spires ... Ils se trouvaient tous au fond d'un grand trou dans la terre. lis invo- Alors la femme s'approcha et parla au sol, qui lui obéit. Elle aussi entra,
quèrent le sol en prononçant des mots magiques, et le sol s'ouvrit Après et ramassa des objets comme son mari.
leur sortie, le sol se referma. Mais à peine avait-elle fini, voici que les afyàlm revinrent et la sur-
Quand ils revinrent, ils parlèrent de nouveau au sol, qm s'ouvrit prirent. Ils se demandèrent : qu'allons-nous faire de cette femme ? - Elles
encore. la ligotèrent avec des cordes et l'attachèrent à un arbre à l'extérieur du
Or le chasseur était toujours en embuscade sur son arbre. Au moment trou.
où il allait tirer ~ur les antilopes, Lsgba le lui défendit, et chuchota : tu as Le mari, ne trom·ant pas sa femme chez lui, se demanda : ou a-t-elle
remarqué que les antilopes, avant d'entrer ou de· sortir du sol, prononçaient encore pu aller ?
une formule magique en s'adressant au sol. Débrouille-toi pour en faire Cependant les afy1ik11 avaient décidé de tuer la femme le cinquième
autant. - Le chasseur descendit de son arbre, et, profitant d'une absence jour. Le mari chercha pendant trois jours pour rien. Irrité, il reprit son
des animaux, alla parler comme eux au sol. Le sol obéit. Le chasseur, une fusil et retourna à la chasse.
fois entré, trouva devant lui des balles de tissus en grand nombre, des sacs Or chaque matin, quand les animaux sortaient du trou, un des leurs, dont
remplis de monnaie et de pierres précieuses. les cornes portaient seize spires, s'éloignait d'une centaine de pas, puis
Cependant Lsgba le pressait de vite ramasser les objets. Ne pouvant tout dansait avec la femme entre ses cornes. Le chasseur aperçut sa femme entre
emporter, il prit ce qu'il put, et rentra chez lui. Arrivé à la maison, il pré- les cornes de l'antilope. Il visa l'animal, l'atteignit, et le tua. Alors il des-
senta comme cadeau à sa femme une balle d'étoffe. Sa femme lui demanda : cendit ramasser sa femme. Et, une fois ramassée, il la rendit à ses beaux-
Ou as-tu trouvé cela ? - Il répondit : pourquoi poser des questions ? parents : je ne veux plus d'elle. Elle est indiscrète et pourrait m'attirer des
- Et la femme insista pendant un bon mois sans qu'il lui répondît. ennms.
Les antilopes, à leur tour, parlèrent au sol, regagnèrent leur trou, et dé- Et le chasseur acquit beaucoup de richesses.

1. Un informateur différent propose, au lieu d'afyiilm, yebwe-:;_o_,;b1foà, lutre variété d'anti-


lope. Gbe-Ce parle des deux.
602 LA GÉOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SJGNES SECONDAIRES 603
dans un tas d'ordures Comme le sonneur creusait un trou sous le tas
ÜGBE-Fu '.
d'ordures, il découvrit la corne volée, qui était précisément enfouie là.
1 1 Au premier chant du coq, le sonneur sonna de nouveau. Et sa trompe
1 disait : Ogbe fu-û-ît-ü-ù .. !
1 1 Et toute la population se réveilla pour aller au champ.
1
Après ce travail, le roi en fixa un secon<l au neuvième jour.
Trois jours avant le neuvième jour, la corne disparut à nouveau. Com-
ment faire ? Le sonneur ri:tourna chez ses devins. Le mt:me signe parut, qui
Légende.
demanda trois ignames, trois poissons fumés recourbés, trois fois cinquante
I. Rends-moi-ce-que-tu-m'as-pris-par-ruse, centimes et trois noules. Le sacrifice fut fait, et les devins lui dirent : va
2. Celui-qui-est-allé-couper-un -bâton -dans-la-forêt, jusqu'au To-L~gba, creuse un trou sous son effigie, et enterre là ton sacri-
3. Celui-qui-l'a-trouvé-, lorsqu'il-fut-perdu, fice.
ont consulté Fa pour un sonneur de corne du roi. En creusant le trou, il découvrit la corne. Et, au premier chant du coq,
Le sonneur du roi (kpèküta) invita ces trois devins et leur posa cette la trompe fit à nouveau : Ogbe fü-11-ii-ii-it .. !
question : comment faire pour pouvoir prendre femme ? - Otbe-Fu se Tous se réveillèrent et allèrent aux cham·ps.
présenta et demanda un sacrifice : deux chèvres et onze francs. Le sacrifice A la fin de la journée de travail, k roi dit: il faut travailler pour moi trois
fut fait. fois. Il vous reste encore une fois.
Quelques iours après, le roi appela son sonneur et lui dit : je suis content Un troisième travail fut de nouveau fixé, au neuvième jour.
de toi. Aussi vais-je te donner une femme. - Et il lui donna sa propre Trois jours avant cette date, la corne disparut encore. Le sonneur courut
fille. chez ses trois Bobnà. Ogbe-Fu demanda trois poules, trois poissons courbés
Or tous les ministres du roi désiraient cette fille. Quelques-uns l'avaient fumés, trois fois cinquante centimes et trois ignames. Le sacrifice fut fait,
même déjà demandée sans succès en mariage. Et tous en voulurent au puis les prêtres dirent : va maintenant au bord de l'eau, creuse un trou et
sonneur ... enfouis là ton sacrifice.
Chaque matin, au chant du coq, le sonneur allait réveiller le roi. Or un Au bord de l'eau, le sonneur d~terra sa corne au premier coup de houe.
beau jour·, le roi invita toute la population à venir travailler un champ. Et il· Alors tous ses adversaires dirent: laissons-lui la paix, et ne le.dérangeons
fixa le jour de ce travail au neuvième jour. plus!
Tout ce que le sonneur avait de rivaux frustrés tint conseil : qu'allons- Et le sonneur vécut tranquille, auprès de sa femme.
nous faire pour nous venger ?.. Si nous lui cachions sa corne ?
Trois jours avant l'exécution du travail au champ, ils arrivèrent à la dé-
SÉRIE YEKU.
rober. Et le lendemain mati11, avant le chant du coq, le sonneur ne
retrouva plus sa corne. Vite, il courut vers ses trois Bokanô. Ogbe-Fu se
YEKU-GBE.
représenta et demanda un sacrifice de trois poissons fumés et recourbés, de
trois ignames, de trois poules et de trois fois cinquante centimes. Ce sacri- ( Yûm-do-Logbe ).
fice fut fait. Les prêtres ordonnèrent au sonneur d'aller enterrer le sacrifice 1 1
1 1
I. Ce signe interdit aux prêtres de Fa de s'asseoir autrement que d'aplomb. L'attitude
donnée à un porteur de FatE sur une photographie de C. BEAUCLAIR est des plus fantaisistes, 1 1
ainsi que le texte voisin (op. cit., pp. 1 34-136). - Autre légende de ce signe, supra, 1 1
chap. v1, p. 23 3.
,
LA GÊOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SIGNES SECONDAIRES 605
dans la journée, où est-il ? Si on l'appelait pour voir ? - Et elle se rendit
Légendes.
dans la maison du bouc, qui était illuminée. Et le bouc ne se privait de
r. Ce signe a consulté pour le bouc (gbagba nukiisi), à l'époque où il rien.
n'avait pas d'enfants, et vivait dans la misère. Mais, s'il sortait dans la journée, Le bouc répondit à sa visiteuse : demandez donc à Lsgba de vous donner
chacun recevait la lumière: il éclairait la vie. Et dans la nuit, s'il sortait, il de la lumièr~. Moi, j'ai fait mon sacrifice, j'ai fait tout ce que je devais, et on
éclairait encore la vie. ne m'a pas donné d'enfants ... - Mais la mère de Md:ilàfï le supplia tant et
Mais il n'avait pas la moindre richesse. Aussi alla-t-il trouver les Bok:mà si bien qu'il se décida à sortir. Et la pluie se mit à tomber. Le bouc se
Jdivo et Ayi-do-ji-fagh (le ciel est loin et la terre est toujours ici). Et Yeku- rendit chez Mst:ilifi, qui fut tout heureux d'apprendre son histoire: si L:.gba
Gbe se présenta. savait cela, il arrangerait tout. Les responsables sont les deux BobniJ ...
Les prêtres lui dirent de se procurer un chapeau de feutre (gbeje ), la Mais maintenant, tu vas te rendre au ciel, où tu trouveras femmes et
feuille ad:ivla, du son de maïs (gifto), et d'offrir le tout en sacrifice. Le bouc enfants.
obéit. La calebasse reçue en sacrifice par Lsgba fit alors son effet.
Mais les deux de\'.ins, Jelivo et Ayi-do-fi-t:.gbs, - qui représentent ici le Le bouc s'éleva vers le ciel, eut mainte femme, maint enfant. Et son œil
Ciel et la Terre_, - avaient déjà trouvé le même signe lorsqu'ils consultèrent gauche fut le soleil, et le droit la lune, et ses enfants furent les étoiles.
pour se rendre maîtres de cette lumière. Et chacun d'eux devait offrir en Et la lumière exista partout.
sacrifice une calebasse pleine d'eau, un poulet et un cabri. La Terre devait c'est alors que fut créé le cabri, qui ressemble, en beaucoup plus petit, au
donner de plus un balai, un cabri, une reine de termitière. bouc de la légende ; il fut installé sur la terre pour remplacer le bouc et« pour
En ce temps, le Ciel et la Terre étaient reliés par un chemin. Et aucun des que le nom de celui-ci ne fût pas perdu n. C'est pourquoi le bouc, lorsqu'il
deux n'y pouvait passer sans lumière. Aucun des deux ne fit son sacrifice, veut saillir sa femelle, frappe du sabot la terre en disant : kpe ayikügbâtà !
mais ils acceptèrent celui du bouc. Et Lsgba apprit tout cela, et -s'écria : grâces soient rendues à la terre! Et il lève la tête en disant : kp~ jinuküsütà!
agbo afalui m:.ji fa sï? Ji ntllût sü ji bo si ayi!àixbâ'JÏ. Qui a consulté sans grâces soient rendues au ciel ! se rappelant les deux Bobnà. Puis il montre
faire son sacrifice? C'est le Ciel et la Terre. Ah! ils n'ont pas fait leur sacri- de la bouche la vulve de la chevre, en prenant les deux prêtres à témoin
fice et ils acceptent celui du bouc; et ils le mangent? Ça ne se passera pas qu'il désire des enfants.
comme cela. - Et il refusa le sacrifice du bouc. Et le bouc n'eut pas
d'enfants, ni d'argent. .. Très mécontent de ce manque de parole dont il 2. Ogbt est le mari d' Ysku.
ignorait la cause, il décida de rester enfermé chez lui, privant le monde entier Un autre voulut la lui prendre. Mais Ogbe dit : impossible de me laisser
de lumière. Et la vie s'arrêta, les hommes ne savaient plus où ils étaient, et prendre ma femme !
pendant seize jours la teAe resta dans la nuit. Son rival se nommait Olokoc$ €ywlûï. Mais il était accompagné d'€.lulu
Le roi M,.t:ilàfi s'alarma. Il consulta Fa : pourquoi tous ces malheu.rs ? Il €ys:isa. Une bataille s'engaga entre Ogbe et les deux hommes. La lutte dura
trouva le même signe, et L•gba lui expliqua que le Ciel et la Terre n'avaient longtemps. A la fin, Ogbe prononça quelques mots magiques sous forme de
pas accompli leur sacrifice. Alors la Terre donna tout ce qu'elle devait, et le malédiction contre ses adversaires : puissiez-vous ne plus être des hommes,
Ciel fit de même. Mais le bouc ne sortit pas ... mais devenir oiseaux !
Or tout le monde savait bien qu'il portait le feu ; mais on ignorait qu'il Et les deux hommes furent transformés en oiseaux jusqu'à nos jours '.
fût cause de l'obscurité et de la lumière. Celui qui s'en prendra à. Ysku sera vaincu par Ogbe.
Au bout de trois mois de ténèbres, on ne pouvait même plus se nourrir.
Les gens motirurent, la terre se refroidit, les accidents et les attentats se mul- 1. OlolrocE et Elulti (Y) : petits oiseaux.
tiplièrent. ..
La mère de .\.1:.t:ilàji lui dit alors : j'ai u.ne idée. Celui qui portait le feu
1
l

606 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SIGNES SECONDAIRES 607

Chant: Et ils furent heureux dans la ville, à laquelle on a donné le nom d'Asê
jusqt.fà nos· jours.
Sa gbeje jo,
b'a do akwE kpo d'ava kpa.
YEku-Ogbe ! YEKU-Loso.
Sa gbeje jo, ( YEku-To·Loso).
b' a mô vi ba mô asi.
1 1 1
Y;/m-Ogbë !
1 1 1
Donne un chapeau de feutfe, 1 1 1 1
et tu auras de l'argent et des pagnes. 1 1 1 1
Ydm-Ogbe !
Donne un chapeau de feutre,
Légendes.
er tu trouveras des enfants et des femmes.
Ydm-Ogbe ! r. Devise.
YEku Io gbo sü (Y). Yëku a frappé Loso.
YEKU-Wou.
YEktt olosü, 1' araignée refuse le sokp:.kp:., c'est-à-dire ; Yêktt n'aime pas la
( YEku-do-Woli). couleur rouge. Autre version : YE aj<. ko Losû, Ye l la nuit] ne laisse pas Loso
1 1 1 1 [le jour] se reposer.
1 1 1 Légende. La noix du palmier s:.de invita ces Bobnô: comment faire pour
1 1 1 échapper sûrement à la mort? - Y:.ku-Loso sortit, et un sacrifice fut exigé :
1 1 1 1 quatre perles rouges nommées anà, quatre pigeons, quatre fois cinquante
centimes. Mais le sacrifice ne fut pas fait.
Lé;;ende. Après la consultation, la noix fit sa toilette, se para des perles anô. LEgba,
Les asè étaient stériles. Désireux d'avoir des enfants, ils envoyèr~nt la voyant, s'écria : tiens, on te dit de faire un sacrifice, tu refuses. Et te
chercher OyE W oli Woli pour interpréter Fa : comment, demandèrent-ils, voici maintenant toute parée ? Nous allons bien voir! __:Et il dit à l'homme :
avoir des enfants en ce monde ? prends ton coupe-coupe et ta cognée, grimpe au palmier sde, et cueille-moi
Yeku-f!'"oli se présenta. Un sacrifice fut exigé : seize lampes à huile en toutes les noix groupées à l'aisselle de cette feuille. - L'homme grimpa au
terre (ami-mià-kpa-gbè), un pagne blanc, un pagne noir, un pagne rouge, une tronc de l'arbre et rapporta le régime.
chèvre blanche, une chèvre noire, une chèvre rouge et seize francs cinquante. C'est pourquoi l'on cueille, jusqu'à maintenant, les noix du sede. Si la noix
Le sacrifice fuL fait. Le prêtre leur dit alors : il vous faudra faire encore un avait fait son sacrifirn, jamais on n'aurait osé toucher à ses régimes.
sacrifice pour que vos enfants ne meurent pas dès la naissance: s.eize pigeons Entre autres interdits, ce signe prêscrit de ne pas boire d'huile de palme
et seize francs cinquante. - Le deuxième sacrifice fut fait aussi. préparée avec les fruits d'un rouge éclatant de l'arbre ssde.
Quelque temps après, les asè se mirent à avoir des enfants, des jumeaux.
2. Mûalôfi trouva ce. signe au moment où il souffrait de n'avoir pas
Et leurs enfants remplirent peu à peu la ville. Alors les asè dirent : ce que
d'enfants. Et YEku-Loso lui demanda un pagne rouge, un poulet, un petit
Fa nous avait prédit s'est-bien réalisé. Par conséquent, nous allons l'honorer
panier (s:.hlà), moyennant quoi il aurait des enfants; mais qu'il ne conserve
en lui donnant à manger. - Et ils lui présentèrent deux cents chèvres,
pas le premier-né auprès de lui, sans quoi la mère de l'enfant mourra.
deux cents poules, deux cents pigeons, deux cents pagnes, deux cents sacs
Or Metalôfi n'avait pas encore de femme. Et il fit le sacrifice, et épousa
remplis de cauris.
608 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SIGNES SECONDAIRES

Huhwe-Huhwe (ou Akàjuwa Y) Elle conçut et mit au monde un garçon,


1

Y<KU-ABLA.
un Nukûkè ', qui tua sa mère et déclara qu'il allait cc s'asseoir sur les genoux
de son père », c'est-à-dire dominer celui-ci, voire le tùer. Et les gens du pays ( Y<ktt- Bara).
protestèrent : on n'agit pas de la sorte avec ses parents! - Mais il répondit :
1 1 1
passez votre chemin! Quand je suis né, mon père lui-même ne me prit-il
1 1 1 1
pas par les bras pour m'asseoir sur ses genoux ? Lorsqu'il a fait cela, il
1 1 1 1
savait bien ce que cela voulait dire!
L 1 1 1
Le Favi perdra sa mère, et son symbole de Fa portera ombrage à celui de
son père.
A Porto-Novo, on considère parfois que ce signe défend aux Favi de
rester éveillés dans les ténèbres. Dans la soirée, ils sortiront avec une lampe;
la nuit, ils laisseront brûler une veilleuse à leur chevet. Yzku-Abla a d'autres
1 1 1 1 interdits: le poisson /Jwa, le gusi, et le bouc sauyage (teg/>J lewe, Gü, etu, Y).
1 1 1 1
1 1 1 YŒU-SA.
1 1 1 ( Y<k11-si-sa ).

1 1 1 1
Légende. 1 1 1
1 1 1
Tel est le signe que trouvèrent tous les mauvais enfants de Sakpata. 1 i 1
Sakpata n'avait pas de domicile. Il invita le devin :Jye.-Wôli-Wolî. Le signe
Ye.ku-Woli se présenta et demanda en sacrifice .deux truies, seize balais, seize
fois cinquante centimes, deux cànaris d'huile de palme et un abb (plateau Légendt'.
de tête). Le sacrifice fut fait. Le Bobno dit à Sakpata d'aller l'exposer à l'en-
trée du village, car il n'y avait pas encore de kiti en ce temps. Il y avait une fille qui refusait tous les hommes désireux de l'épouser, car
Arrivé au lieu indiqué, et sur le point de poser son sacrifice à terre, elle les trouvait tous laids.
Sal~pata aperçut devant lui Le.gba : le sacrifice que tu apportes trouve sa Comme elle était elle-même d'une beauté surnaturelle, elle ne voulait
place sur terre_, et toi, qui l'apportes, tu n'en trouverais pas? Impossible! épouser qu'un homme qui pût l'égaler par la beauté du corps.
Assieds~toi. - A ces mots, Siikpata s'assit. - Voilà, dit Le.gba : tu es bien Et cette fille, qui se nommait Agoi, vendait des beignets de haricots
là. Ne bouge plus. devant la maison de son père.
C'est ainsi que fut institué le premier kiti destiné à apaiser les mauvais Un jour, comme elle préparait des gâteaux, elle vit de loin venir un
enfants de Sakpata (ywu). On le nomme Y<Zîi i. Il est toujours édifié hors homme dont l'allure la séduisit. Et son choix s'envola vers cet inconnu aux
des villes et occupe un volume beaucoup plus considérable que le kiti de Fa. riches vêtements. Troublée, les mains encore pleines de pâte, elle attendait
impatiemment l'arrivée de celui qu'elle voyait au loin.
Dès qu'il fut à quelques pas d'elle, elle put l'examiner en détail et se
1. Celle qui satisfait en tout lieu son indiscrétion.
2. Celui qu.i veut s'approprier tout ce que voit son a:il (nukü). persuada que c'était bien là un de ces réprésentants de la beauté masculine
3. Cf. rnprn, première partie, chap. vm, p. 3 59, n. 1. qu'elle attendait.
Institut d' Ethnologie. - B~rnard MAU PO 11 .• 39
i:
i

610 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE côn: Dl>S ESCLAVES LES SIGNES SECONDAIRES 6 II


Abandonnant son travail, elle courut toute joyeuse vers ses parents, dans Sans mot dire, il détachait de lui-même ce qu'on lui demandait, et ren-
leur maison, leur fit part de la nouvelle et leur décrivit en hâte celui qu'elle dait ce qui lui avait été prêté.
venait de· voir. Puis elle insista pour qu'ils sortissent de chez eux, afin Et voilà que le beau jeune ho1i1111e, celui qu'Agt>Î même avait choisi,
d'observer le jeune homme avant qu'il eût dépassé leur maison. sans tête, sans membres, sans rien pour le couvrir, n'était plus qu'une sorte
Pressés par leur fille, qu'ils sentaient éprise déjà, les parents sortirent de boule, roulant et bondissant sur le sol.
juste au moment où l'inconnu passait devant leur maison, et lui souhai- Agoi fit appel à tout son courage, et décida de se h~îter pour arriver plus
tèrent la bienvenue. Agoi n'hésita pas à se jeter dans ses bras, lui souhaitant vite au terme du voyage.
une « bonne arrivée » dans le pays de ses parents, et lui prodiguant mille Déj:1 le soleil penchait à l'horizon, mais il leur restait encore un long
paroles de joie : « 0 mon époux, mon époux, sois le bienvenu ; il y a si chemin à parcourir. Sur ces entrefaites, ils trayersèrcnt une rivière dont
longtemps que je t'attendais ici! Me voici consolée ... » l'eau coulait tantôt blanche, tantôt noire, tantôt rouge.
Les parents d'Agoi, confondus, observaient le jeune couple et surveillaient Après l'avoir traversée, ils parvinrent dans le lit d'un lac tari, et là, sans
attentivement tous les gestes de leur fille. Enfin, l'étreinte se dénoua, et la l'assistance d'aucune forme humaine, de grandes étoffes soinptueuses de
mère d'Agoi pria l'inconnu d'entrer chez son mari. toutes couleurs s'étendirent une à une sur la terre couleur de boue.
Dès que l'étranger fut entré, Agoi se hâta de préparer toutes ses affaires. La belle épouse Agoi, à bout de 1riutisme, s'exclama devant ce spectacle :
Puis elle fit une longue toilette et se para de ses plus élégaqtes parures. cc Vrai, que de choses étranges! Voici d'abt>rd des vêtements que l'o·n resti-
Une dot lui fut remise, et_, le jour même, l'inconnu l'épousa. tue, puis une tête, puis des bras et des jambes. Ensuite, une rivière dont les
Or, selon la coutume du pays, le jeune homme ne pouvait passer la eaux coulent alternativement blanches, noires, rouges. Et \·oici maintenant
nuit chez ses beaux-parents. Agoi se sépara donc de son père et de sa mère, un lac qui met son linge ù sécher dans son propre lit ... ii
et suivit son époux dans la direction de son pays. L'époux Dobligodv, à ces mots, se mit à chanter:
Après de longues heures de marche, Agoi demanda à son époux : « N'ap-
Agoi, wi dye V'J e, Agoi, voici venir ta tin,
prochons-nous pas de chez vous ? »
Agoi, wi dye V'J e ! Agoi, voici venir ta fin !
- Pas le moins du monde »,répondit-il.
· Agoi, !coi yege ! Agoi, hélas !
Et ils poursuivirent leur chemin.
Agoi, wi dye V'J e ! Agoi, voici venir ta fin !
Un peu plus loin, une voix se fit entendre :
- Dobligodo,_rends-moi mes vêtements ». Hwi Wëmà t'J de sa wewe, Tu as vu la rivière qui roule de l'eau blanche,
Et le mari, sans faire la moindre difficulté, se dévêtit et poursuivit son sa wiwi, noire,
chemin auprès de sa femme Agoi stupéfaite. sa V'JV'J : rouge:
_Il faut ici préciser, pour les Blancs qui ne comprennent pas notre pays, hwi VE ma d'J o. ne le dis jamais ù personne.
que Dob/igodo est le nom d'un personnage fabuleux, tout rond, sans tête, Agoi, koi yege ! Agoi, hélas!
sans bras, sans jambes, et qui, ne pouvant marcher comme nous, roule Agoi, wi dye V'J e I Agoi, voici venir ta fin !
sur la terre vers son but, et parfois s'évapore en un mince brouillard. Il Hwi w~ mô t'J hyia mi 1ïi gbado m~, Tu as yu le lac qui sèche ses vêtements
faut dire encore que le Dobligodo mange les hommes. au soleil,
Donc, le jeune couple poursuivit son chemin. A quelque distance, nou- hwi v~ ma d'J o. ne k dis jamais ù personne.
velle interpellation : Agoi, koi yege ! Agoi, hélas !
- Dobligodo, rends-moi ma tête ». Ago1~ wi dye V'J e ! Agoi, voici venir ta fin.!
Et l'inconnu rendit la tète qu'il portait et passa son chemin avec Agoi:
Plus loin, on lui réclama ses bras. Et voici qu'à la fin du troisième couplet parut un moucheroH, qui portait
Puis cc furent ses jambes. en plein vol une grande jarre. Abasourdie par ce spectacle, Agoi s't:cria :
;,.
ç,
1

612 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE. CÔTE DES ESCLAVES


LES SIGNES SECONDAIRES

«Que de choses fantastiques en ce pays! Un petit moucheron, porter une temps de parcourir un kilomètre que la tortue sonna du cor et que les
pareille jarre ? » Dobligodo la rattrapèrent. Plusieurs fois elle recommença, mais chaque fois
Et Dobligodo chanta de nouveau son chant tout entier, et termina par ce on la ramenait. Enfin, une dernière occasion se présenta; avant de partir,
quatrième couplet : elle bourra le cor de petits morceaux d'igname tout imbibés d'huile de
Hwi WE mô je hili-hili gbè ta : Tu as vu un petit moucheron porter palme .. Puis elle se saU\'a.
sur sa tête une jarre : La tortue, la voyant détaler, saisit son cor et l'emboucha. Mais, en guise
hwi VE ma d'J o. ne le dis jamais à personne. de son, il n'en sortit que des morceaux d'igname, qu'elle mangea tout à son
Agoi, koi yege I Agoi, hélas! aise. Pendant ce temps, Agoi courait; elle arriva très loin, trop loin pour
Agoi, wi dye V'J e I Agoi, voici venir ta fin ! que les Dobligodo pussent la rattraper.
Après un très long voyage, elle rencontra un chasseur (gbe-tJ). Et elle
Comme le crépuscule tombait, le panorama du pays des Dobligodo se conta toute son histoire au chasseur, qui hl ramena jusque dans son village
découvrit à leurs yeux, et Agoi commençait à se consoler, lorsque soudain et la rendit à ses parents, dont la joie ne se peut décrire.
passa devant elle un coq portant culotte et tenant en son bec une pipe Toute la population du pays connut cette aventure, et, depuis ce temps,
dont il tirait sans arrêt de grandes bouffées de fumée. Agoi, ne pouvant aucune fille bien élevée et normale n'ose refuser le mari que ses parents lui
maîtriser ses nerfa, éclata de rire. Puis elle dit : « Ah, quelle vie ! C'est bien donnent.
de ma faute, je supporte maintenant les conséquences de mon acte ... Un Cette légende, dont certains affirment qu'elle n'appartiem pas au cycle de
coq en culotte, fumant la pipe! Comment un coq pourrait-il fumer la pipe? Fa, se trouve résumée dans Ellis 1 • Le thème qui l'a inspirée se retrouve
Jamais je n'ai vu de choses pareilles ! » dans les pays les plus différents; il :t été étudié récemment par un a11teur
Et Dobligodo chanta de nouveau son chant tout entier, et termina par ce haïtien 2 •
cinquième couplet :
YŒU-CE.
Hwi WE 11tà koklo-asu do go, do a::..'J 111t wz : Tu as vu un coq en culotte, ( Y:lm-vi-C ou Y<.ku-si-Co. ).
fumant la pipe :
hwi VE ma d'J o. ne le dis jamais à personne. 1 1 1
Agoi, foi yege I Agoi, hélas ! 1 1 1 1
Agoi, wi dye V'J e ! Agoi, voici venir ta fin ! 1 1 1

1 1 1 1
Et, après ce dernier spectacle, ils n'eurent plus d'autre surprise avant d'arri-
ver chez les Dobligodo. Légendes.
Agoi fut reçue par ses beaux-parents, qui remarquèrent que leur proie
était encore un peu maigre et décidèrent de retarder son destin jusqu'au r. Deux Bobnô interprétèrent Fa pour Olw (dieu de la Mon), lorsqu ïl
septième jour. vivait parmi nous. Oku voulait aller à la chasse dans le pays de MUJ/àfi. II
D'après le mouvement qui se faisait autour d'elle, ·Agoi comprit que sa demanda à Fa : ma chasse sera-t-elle fructueuse? -- Le signe Y~ku-CE se
fin était en effet venue; elle n';1v.1it aurnn moyen d'échapper à une mort présenta, demandant en sacrifice huit pigeons, huit poules et huit fois cin-
tragique. Chaque fois que les Dobligodo s'absentaient, ils la confiaient en 1. The Yoruba .. , op. cit., p. 267.
garde à une tortue munie d'un cor qu'elle devait faire retentir pour avertir 2. Mme Suzanne COMHAIRE-SYLVAIN. Les Contes Haïtien~, Il• Partie, Conjoint Animal
ou Démon Déguisé, Orifine i111111édiate et extension en Amérique, Afrique tt Europe occidentale.
ses maîtres.
Wetten:n, Impr. De Meester, et Port-au-Prince, chez l'auteur, 1937. (Thèse de Doctorat de
Profit:mt d'une absence des monstres, Agoi se sauva. A peine eut-elle le l'Universitt! de Paris).
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SIGNES SECONDAIRES 6r 5

quante centimes. Ce sacrifice fut fait, ·après quoi Oku se rendit au pays de qm a cassé ce « bagage» ? qui a cassé? J'ai entendu une charge tomber à
Mdalôfi. Trois jours après, il partit en chasse, et vit un éléphant. Il tira et le terre et se briser ! ..
tua. Puis il en coupa la queue, qu'il emporta chez lui. Toute la maisonnée de Et ses paroles trouvèrent un- rythme et devinrent chant dans sa bouche,
MEtalôfi sortit alors pour aller dépecer l'éléphant, les uns armés d'un coupe- et il oublia le nom du roi, et ses variations sur ses cinq syllabes.
coupe, d'autres porteurs d'une houe ou de paniers.
Oku conduisit son monde, mais on ne trouva plus trace d'éléphant : il
s'était transformé en montagne ... SÉRIE WOLI.
Oku s'exclama : c'est pourtant bien ici que j'ai tué cet éléphant ! Et voici
même sa queue. - ügba lui dit alors : ne te fais pas de mauvais sang. Wou-GBE.
Rentre chez toi et te repose. - Et aussitôt la pluie cessa de tomber sur la éWoli-bo-Gbe ).
ville, et tout se dessécha; les femmes enceintes cessèrent d'accoucher,
aucune herbe des champs ne poussa plus ... 1 1
Mc.talôfi consulta Fa, qui lui dit : il faut, avant toute chose, rechercher l
cet éléphant qu'Oku a tué. - Mais comment et où le chercher? - Il faut 1

faire un sacrifice : deux cent une poules, deux cent un pigeons, deux cent 1 1
une chèvres, deux cent un pagnes, deu~ cent un sacs remplis de cauris, deux
cent un panier r~mplis de beignets de haricots (ata). - Tous ces objets Légende.
furent remis a Oktt par MEtalôfi lui-même.
Oku prit quatre unités de chaque objet, et invita les gens à le suivre pour Idaba, la tourterelle, et Otegbe, qui allaient se marier, voulurent savoir s'ils
aller à la montagne. Ils firent une prière au pied de la montagne. Et Meta- seraient heureux. Ils invitèrent des Bobnà. pour leur interpréter Fa. Woli-
liifi, depuis ce jour, nomma cette montagne Okuta, tête d'Oku. bo-Gbe se présenta et un sacrifice fut exigé : seize calebasses remplies de diffé-
Après cette prière et ce sacrifice à la montagne, la pluie commença à rents mets, seize pigeons, seize poules et seize fois trente centimes. Le
tomber, les femmes enceintes accouchèrent et la terre retrouva sa fertilité. sacrifice ne fut pas fait. Pourtant ils se marièrent.
En ce temps-là, Otegbe avait de très lourdes dettes, et Idaba était extrême-
2. Ce signe passe pour régir les fous. ment riche. Lorsque les débiteurs se présentèrent, elle les désintéressa tous.
Au pays d'Jf;, le roi se nomme Xwiz.okwîiie '. Et il y avait un fou dans Alors Otegbe eut honte de voir sa femme payer ses dettes. Il prit la fuite, et
.son pays qui s'empara <lu nom dn roi pour le chanter du matin au soir. Et abandonna Idaba. ldaba alla se percher sur la branche d'un arbre, et com-
le roi s'inquiéta de ce sacrilège, et décida de consulter Fa. Il trouva YEku-vi- mença à chanter :
C;, gui lui demanda une calebasse cassée, une jarre cassée, tout ce qu'il
pourrait trouver cassé, un coq, une chèvre et quinze centimes.
Bese Otegbe, mà. ti sà (Y)!
Reviens, Otegbe, j'ai payé tes dettes!..
Le roi fit le sacrifice. Et Fa ordonna que l'on prît ce sacrifice, que l'on
se rendît dans la forêt au lieu où le fou avait coutume de passer en chan-
Elle chante encore ...
tant, et qu'au moment de son passage, 01, laissât tout tomber à terre.
Et un récadère du roi alla se di.ssimuler dans la forêt. Le fou passa, répé-
Interdits.
tant sur tous les tons le nom du roi. Le récadère laissa subitement choir
toute_ sa charge, avec un grand bruit. Le fou sursauta : qui a: cassé cela ? Pétrir de la terre de barre, a cause de Woli; manger de la chair de tourte-
relle (agô); manger les fruits du rônier (agô-tl), se servir de ses feuilles ou
1. Fils d'oiseau (n-vi) à la tête (zo signifie corne) de guingois (kwitiè). de ses fruits;
6r6 LA GÉOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SIGNES SECONDAIRES

jeta sur le poivre et sur les gâteaux; il mit de l'eau dans une calebasse, y jeta
Sacrifice.
une nouvelle pincée de poudre. Puis il dit à Fa d'emmener dans la grand'rue
Celui qui est né sous ce signe doit faire le sacrifice suivant : acheter trois la calebasse pleine d'eau. Alors il apercevra un homme venant de loin. Il
petits asè spéciaux, sur lesquels sont fixées de petites boules de métal; se devra l'attendre.
0

procurer trois sacs de maïs, trois sacs de haricots, trois d'arachides, trois En même temps qu'il lui remettait cette calebasse, le pr être lui donna
d'azigokWi; trois poules, trois pigeons, trois pierres à moudre le maïs, et celle qui contenait les gâteaux et celle qui contenait le poivre.
onze francs. Creuser un trou profond, y planter les trois asè, y déposer un Et, dans la grand'rue, voici que Fa vit venir à lui un homme. Il l'attendit.
petit sac de haricots, puis un de maïs, un d'arachides, un d'azigokwi; y Arrivé auprès de Fa, l'homme lui demanda à boire, et Fa lui donna l'eau de
introduire une des poules blanches et un des pigeons vivants, puis une pierre la calebasse. L'homme dit encore : j'ai faim. Donne-moi quelques gâteaux
à mouler le maïs. Chercher un canari pour recouvrir le tout. Rejeter la de haricots. - Fa demanda : manges-tu de cela? - Oui, .ie peux. - Fa
terre sur le canari. Verser à !'extérieur une pincée de ys ou le signe a été lui remit alors la calebasse contenant les gâteaux. Ensuite l'homme demanda
inscrit. L'argent reste au Bobno. du poivre, et Fa lui donna la calebasse contenant le poivre.
Cette cérémonie se nomme su-do, c'est-à-dire : fermer le trou. Elle se Après avoir bu l'eau, mangé les gheaux et croqué les poivres, l'étranger
fait le jour même où Fa a révélé au consultant qu'il était né sous le signe demanda où était la maison de Fa, et Fa lui montra du doigt sa maison.
Woli-bo-Gbe. Elle a pour but, comme son nom l'indique, de boucher le L'homme dit : allons. - Une fois arrivé dans la maison, l'inconnu vit une
trou, c'est-à-dire de tromp~r la mort qui menace le Favi. poule au corps peu garni de plumes '. A peine eut-il \'U cette poule qu'il la
demanda à Fa. Et Fa la lui donna.
Wou-ABLA. Quelques moments plus tard, une fille du roi M d:ilàfi s'évanouissait (e x~
(Woli-B-:.h Y, Woli, courbe toi, Woli-M'hn Y) nu) chez son père. Le roi envoya un de ses récadères appeler Fa', qui se
rendit chez lui et trouva la jeune fille presque morte. Fa dit : laissez-moi
1 1 1 d'abord appeler un étranger qui est chez moi. - Et ils revinrent ensemble
1 1 1 chez Mst:ilàfi. Alors l'étranger dit au roi : si tu veux que ta fille guérisse,
1 1 1 il faut me la promettre eh mariage. - Et la fille fut remise à l'étranger,
1 1 1 1 qui la remit à Fa. L'étranger dit encore au roi : en même temps que ta
fille, il faut me remettre vingt et un sacs de cauris, vingt et un pagnes,
vingt et une chèvres, vingt et une poules. - Le roi s'exécuta. T_rois jours
Légende.
après, la fille était guérie.
Devise. Woli b bd~ (Y). Woli ne se courbe pas. Alors l'étranger se fit connaître de Fa : je suis Asè. Pour que tes actes
Légen le. Fa, n'ayant point d'argent, cultivait son champ de ses propres soient efficaces, pour que tu guérisses ·les malades, tu dois t'assurer mon
mains, mais son champ ne lui profitait pas, et il n'avait pas même de quoi concours. - Fa répondit : volontiers! - Alors, Asê ajouta :, aujourd'hui,
se vêtir. Pourtant il travaillait sans répit. pose ta houe, ne va pas au champ ; nous allons dès maintenant travailler
Finalement il se dit : que dois-je donc faire pour mener une vie heu- ensemble.
reuse? Et Asê lui énuméra les recettes médicales, et il acquit la connaissance des
Il invita un Bok:Jnà à consulter pour lui, et le signe Woli-Bala se présenta, feuilles qui guérissent. C'est pourquoi il ne suffit pas, pour être Bobnô,
Un sacrifice fut prescrit : deux chèvres, deux poules, deux pigeons, une d'avoir appris Fa : il faut encore connaître les médicaments. Les consultants
calebasse remplie de poivre atakü, une calebasse pleine de gâteaux de préfèrent les devins qui rendent un culte à Asè.
haricots (aj:ibd:i). Le sacrifice fut fait.
Après ce sacrifice, le prêtre prit une pincée de poudre· sur le Fa-tE, et la I. Ajagble, ajagole ou akpikpi.
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SIGNES SECONDAIRES

Asè est un vodit. On le plante devant le Duwo. Il s'occupe de toutes les Qu'aurai-je donc à manger? Pour être sûr <le ne manquer de rien, Je vais
recettes, de tous les médicaments inviter Chèvre, que je pourrai croquer ert chemin.
Et, à mi-route, Xia eut faim.
Wou-SA. Au moment où il allait sauter sur Chèvre, Kinikini, le lion, sortit du
( Woli-Osa. ). bois. Il vit Xla, qui salua. Lion répondit au salut. Xla lui demanda : quel
bon vent t'amène par ici? - Et Kinikini de répondre: j'ai mal au ventre.
1 1 1 1 Dès que Xla entendit ces mots, il demanda à Chèvre : tu as un sac sur
1 1 toi. Pourrait-on pas y trouver quelque chose qui guérisse le mal de ventre
1 1 de Lion? - Chèvre mit la main dans son sac, et en sortit une· boule qu'elle
1 l 1 donna à Xla, pour qu'il la mît dans la bouche de Lion.
Lion, en terminant la boulette, se plaignit encore: tout à l'heure, j'avais
mal du côté droit; voici maintenant que la douleur a passé à gauche.
Légende. Chèvre sortit de son sac une deuxième boulette,. qu'elle remit à Xia, qui
la donna à Kinikini. Dès que celui-ci eut avalé la deuxième boulette, il
Woli b sa hdu-k<.du,
geignit : voici maintenant que le mal se déplace vers mes reins. N'as-tu rien
TVoli b jE awosâ,
de plus fort pour apaiser ce mal ?
a difa fù ewulE (Y).
Chèvre dit : je t'ai donné tout ce que j'ai. Mais, si l'on pouvait trouver
Woli ne peut se sauver, il est trop gros, un peu de chair prélevée sur une jambe de Xla, cela pourrait sans nul doute
Woli ne mange pas le fruit awosà, te soulager grandement.
[ces deux devins] ont consulté Fa pou.r la chèvre. Xia, ayant grand'peur d'être dévoré tout entier, prit vite un couteau, se
coupa un morceau dans la jambe droite, et le remit à Chèvre, pour qu'elle
le prépadt et le remît à Lion, afin de le guérir. Lion, ayant mangé, dit :
Au commencement du monde, chaque espèce d'animaux avait son sei- le mal se dirige à présent vers l'épaule ...
gneur. Mais Chèvre n'avait pas de seigneur. Un jour, Xia l'invita à l'accom- Et Xla de couper un morceau de sa jambe gauche. Chèvre le prépara, et
pagner dans un voyage qu'il entreprenait. Et le départ fut fixé au cin- le donna à Kinikini, qui souffrait toujours: maintenant, c'est à la poitrine ...
quième jour.
- Xia se dit alors : il va me croquer tout entier et tout vif, et il faut
Une fois le rendez-vous pris, Chèvre se mit à penser : cet animal m'invite encore que je le serve! Cela ne peut pas durer. - Et, vite, il prit la foite
à faire un voyage avec lui... Mais en reviendrai-je ? - Elle alla. consulter avec ce qui lui restait de ses jambes. Et, vite, Lion le poursuivit.
les devins nommés plus haut. Woli-Sa se presenta et le sacrifice suivant Pendant cette poursuite, Chèvre trouva le moyen de s'enfuir de son côté.
fut demandé : seize boules d'acassa, seize calebasses en forme <l'outres, Elle courut vers la ville, où elle se réfugia dans le temple de Duduwa, en
pleines de miel, quarante et une boulettes d'amandes de gu.si, frites dans disant : sauve-moi! - Alors Dud1twa décida de sauver Chèvre : courbe-toi,
leur huile, et seize francs. Le sacrifice fut fait. Un prêtre fit des seize boules ne montre pas ta tête ! - Car Chèvre, en ce temps-là, se tenait debout sur
une pâte, en les mélangeant au miel. Puis il cousit un sac de toile et le ses jambes de derrière. A peine à quatre pntes, elle sentit qu'une queue lui
remplit de boulettes au miel. Et il dit à Chèvre : au moment où tu te met- poussait. Et elle devint telle que nous la voyons aujourd'hui, et resta l'es-
tras en route avec l'hyène, aie ce sac sur toi. clave de Duduwa 1 •
Au jour fixé, Xia alla réveiller Chèvre. Supposons qu'ils aient eu à par-
courir la distance de Porto-Novo à Cotonou (32 km.).
Or Xia s'était dit ceci : en cours de route, sûrement je vais avoir faim. 1. Cf. LE HÉRISSÉ, op. èil ., pp. 265-266, « Fable de la chèvre et du lion "··
,
620 - LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES
LES SIGNES SECONDAIRES 621
Wou-KA 1

Les procès sont sur cet arbre,
( Woli nmà lea (Y) : Woli est con nu partout).
Kolokpa !
1 1 1 1 La malchance est sur cet arbre,
1 1 Kolokpa !
1 1 1
Aussitôt, le bûcheron jeta sa cognée et prit la fuite vers la ville, où il
1 1 1 1
raconta à tous qu'un arbre s'était mis à parler. Le roi, entendant cette his-
toire, convoqua le -bûcheron, et, n'en pouvant croire ses oreilles, envoya des
Légende.
émissaires vérifier le fait. Arrivés dans la forêt, les émissaires dirent au
Devise. Woli ay:J Ka (Y). Woli rit partout.
bûcheron : prends ta cognée, et commence à frapper l'arbre. - Et, dès les
Légende. Akeelu, le bûcheron, était malheureux. Il n'avait jamais d'argent. premiers coups, la tortue se remit à chanter. Et tous de s'enfuir.
Il consulta un Bobnô, et ce signe se présenta. On lui demanda tn sacrifice La nouvelle de cet arbre mélodieux parvint jusqu'aux divinités. Sakpata
trois coqs, trois fois cinquante centimes, et trois sous. Mais il ne fit pas le se rendit sur les lieux, et Xwioso, et tous les autres vod1t, un à un. Et tous
sacrifice. Il se rendit dans la forêt.
s'enfuirent en entendant la chanson de l'arbre.
L<gba alla chercher la tortue de terre 2
: viens creuser un trou sous cet
Le bûcheron consulta encore son devin, et le même signe exigea le
arbre que va abattre le b'ûcheron. - Et il installa la tortue dans le trou double de ce qu'il avait d'abord prescrit. Et le sacrifice fut accompli, et
ainsi fait.
Lsgba envoya Asè dans les parages.
Akeelu donna un coup de sa cognée sur l'arbre sous lequel se trouvait la Asè arriva au pied de l'arbre, appela son propre forgeron et lui dit d'ap-
tortue; la tortue se mit à crier, puis el1e chanta :
porter du charbon de bois et un souffiet. Et Asè dit au forgeron d'allumer
e ma ke igi, un feu avec ce charbon; et lui-même posa son pied unique dans le foyer.
Kolokpa ! Puis il dit à son forgeron de chauffer toujours. Le forgeron chauffa, souffi.a,
Iku m bs lo oriri, tant et si bien que le pied d'Asè devint tout rouge..
Kolokpa ! Alors Asè d:t au bûcheron : reprends ta cognée ; donne un coup à
A lô m bs lo oriri, l'arbre. - Une fois le coup donné, la tortue reprit son chant. Asè s'étonna,
Kolokpa ! puis ,il remarqua le trou au pied de l'arbre : allons voir cela de plus près. -
:Jlà m bs Io oriri, Il tira son pied tout rouge de la braise et le plongea dans le trou. Et il
r
atteignit la tortue, qui se mit à crier de toutes ses 1orccs · 1 c' est
: c' est 11101.
Kolokpa !
Ojo m bs Io tiriri, moi ton esclave qui suis ici! Je t'en supplie, gràce, pardonne-moi! .•
Kolol<pa (Y) ! Asè fit sortir la tortue avec son pied unique, et dit : désormais, je ne
mangerai plus que de la tortue !
Ne coupez pas cet arbre,
Kolokpa [nom de la tortue] !
Wou-TURUKPÊ.
La mort est sur cet arbre,
(Woli t'àmo kpô Y.)
Kolokpa !
La maladie est sur cet arbre, 1 1 1 1
Kolopka ! 1 1 1
I. Cf. supra, chant de Woli-Wèle, chap. YI, p. 256. 1 1
2. Awo (Y), kolokpe (Gû), lofoz.o (F). 1 1 1 1
4
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SIGNES SECONDAIRES

Légende. fice eut lieu. Le prêtre fit alors cette recommandation une fois dans le
Ladikpa, fils du roi d'Aya, souffrait beaucoup : il n'avait pas d'argent. Il monde n'essaie pas d'éviter la souffrance.
invita deux Bob11ô et leur demanda : comment faire pour être heureux en Fa ~ydagû descendit, et arriva précisément dans la maison de Duduwa.
ce monde, pour que tout me soit favorable? - Woli-Turukpè (l'informa- Or Duduwa n'avait qu'un seul fils, qui se nommait Akala. Et Akala tour-
teur prononce -kpr) parut et demanda deux moutons, deux poules, deux mentait Fa Aydagü le plus souvent qu'il pouvait, et not~rn1_nent l~ 1~ui~,
pigeons et cinq francs cinquante. Le sacrifice fut fait. pendant qu'il dormait. Il venait alors le réveiller, le chatomlla1t et lm ta tait
Ladikpa n'habitait pas dans la ville, mais .dans la brousse, car on avait toute's les parties du corps. Et Fa Aydagü n'était pas du tout content de ces
coutume d'exiler de la capitale l'héritier du roi. attouchements. Pourtant, il gardait le silt:nce, car il était un étranger en
Quelque temps après le sacrifice, le roi mourut. Le royaume devait reve- cette maison.
nir à Ladikpa. 011 envoya vers lui, selon la coutume, un premier récadère Au bout de quelque temps, Akala tomba malade.
pour le prier de revenir à la maison paternelle. Il refusa. On envoya un Et, le quinzième jour de sa maladie, il entra da~s l~ ag.011Îe. Duduwa, ne
second messager ; et il refusa encore, donnant la réponse suivante : vous sachant que faire, invita le devin de Fa Aydagû, qm ~a1s~1t. la ~av:t.te entre
m'avez chassé de votre ville, laissez-moi maintenant mourir en paix dans ciel et terre. (Dnduwa ne pouvait en fairt: autant car '.l
etalt defi111t1~e~ent
la brousse. ~A la troisième fois, on lui envoya un cheval et un tamtam. installé sur la rerre ). Le prêtre- consulta et trouva Wolz-L:.të. Avant d exiger
Alors il vint. un sacrifice, il déclara que l'enfant devait recevoir d'urgence son Fa de l.a
Et tout ce que possédait son père lui fut remis, et les femmes de son forêt; et Akala fut ainsi le premier qui alla chercher son Fa dans le b~1s
pèrè, et tous les pagnes et toutes les richesses de son père. Et il fut proclamé sacré. Puis il énuméra les objets du sacrifice : quatre chèvres, un pamer
roi. contenant huit poules et huit coqs, beaucoup de haricots, beaucoup
Wou-LiTE 1

d'ig11ames, beaucoup d'huile de palme, seize sacs de cauri~: deux i~ièces de
(Woli-addE Y,: Woli lépreux; Woli wa h Y : Woli regarde la terre.) tissu, un pagne à raies de couleur, un pagne. uni hlanc (d 1mportat10n), m~
pagne uni blanc d'une autre étoffe (tissé dans le pays). Le tout fut apporte
1 1 1 dans le bois sacré,.z.üms. _
1 1 Puis le prêtre dit à Fa Aydagii de donner son Fa à Akala. Et Fa Aydagu
1
1 1 1 entra dans la brousse et coupa un bfiton. Voici, se dit-il, une belle occa-
1 1 1
sion de me rattraper de tous les tourments que m'a causés Akala ! - Et
de chanter :
Devise.
Akala, wiô Jrica !
Hwe ws no iiô fo Dosu gudunô nô de afa kao kao de tnE. Hwe ma iiôa fo, ajc Akala, fils d'un vodzî !
de ta nô si Jm dafa do f:àfi a. La maison doit être bonne pour que Dosu le La souffrance que-tu m'as donnée hier soir,
lépreux y pose les pieds leaô kaô [=sans crainte]. Si la maison n'est pas
je vais te la rembourser aujourd'hui.
bonne, il aur<J. peur de poser ses pieds [aux orteils rongés].
Akala, fits d'un vodù !
Légende (sans rapport avec la devise qui précède).
Après quoi il lui donna un maître coup de bâton. Il chanta environ cinq
Au moment où Fa Aydagû allait descendre sur terre, il invita un Bobnô à
fois cette chanson, et chaque fois conclut par un grand cou~ sur_ le do~.
lui interpréter Fa, et lui posa cette question : serai-je heureux et riche dans
Puis il accomplit pour lui toutes les cérémonies de Fa, et _lm appnt les
le monde? - Wo!i-Lsiê se présenta, et un sacrifice fut indiqué : deux
recèttes qui guérissent. .
chèvres, deux poules, deux pigeons, huit fois cinquante centimes. Le sacri-
Après la guérison dans la brousse, l'enfant fut renns à son père VOlCl

I. Cf. S11}'r11, dcux devises de Tf'oli-Tula, chap. v1, pp. 256 et 257. ton enfant guéri. Ce n'était rien!
LA GÉOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SIGNES SECONDAIRES

C'est pourquoi l'on frappe encore ceux qui se rendent au Faziï. Et, dès lors, les femmes stériles se mirent à venir chez lui ; et les hommes
Jans la détresse, et celles parmi les femmes enceintes qui n'arrivaient pas à
WoLI-Fu. accoucher, et tous ceux que des maladies affiigeaient, affiuèrent vers lui. Il
( Woli-Ofü). satisfaisait les uns, guérissait les autres, et ainsi ne manqua jamais de ser-
viteurs.
1 1 1 1
1 1
1 1 SÉRIE DI.
1
1 1 1
Dr-GBE.

Légende. 1

1 1
Woli t'Junfiï tnwf1i,
1 1
Wo/i bsfù l€s$ftî,
1
Woli figbogbo alafl ni gëgè ni gègè~
Awà Io difa f1î :Jean la (ou :Jraogbo) (Y).
Légendes.
Wo/i a les mains bigarrées,
Wolz' a les pieds bioarrés 1. Avidohw<.do avait une femme, et Agasa le crabe voulait la lui pre11dre.
b '
Tout son corps bat un rythme, Et Ayidolnuzdo se fàcha : moi, si grand, je serais trompé par un simple
[ces trois devins] ont consulté pour le grand vod1i (D11d11wa) :Jcaogbo. crabe l - Et il prévint son rival qu'il se rendrait prochainement chez lui.
A cette nouvelle, Agasa courut aussitôt chez son Bok'Jnô pour demander
. ~uduwa descendit sur terre en même temps que Fa. Passant le premier, conseil à Fa. Di-Gbe sortit et lui demanda en sacrifice deux poules, deux
il glissa le l~ng d'une .chaî1~e. Et il se demanda : que dois-je faire pour que cabris, dix francs et deux pinces (b,}pa), afin d'éviter la mort. Et le crabe
per.so.nn: n apprenne 1ama1s ma mort? - car un vodit ne doit pas mourir. se hâta de tout apporter à Fa, qui lui mit les deux pinces autour du cou.
~t il mv1t~ les trois Bobno nommés plus haut, pour lui interpréter Fa. Le Et voici que la femme d' AyidohwEdo entra dans la maison du. crabe,
signe Woli-F1i se présenta et le sacrifice suivant fut prescrit : deux boucs vendant de l'akassa. Mais quelqu'un la vit entrer, et vite, rapporta la nou-
deux pièces d'étoffe blanche, deux poules et deux piueons tout blancs deu~ velle à Ayidohw$do, qui enfila prestement sa culotte et bondit dans· la direc-
. deux mille graines de maïs, deux fois cinquante0 centimes. Le sacrifice
Dois '
tion <le la demeure <l' Agasa.
fut accompli. Or, la femme d'Ayidohwsdo était en train de recommander à Agasa de
. Le. sa~rific~ accompli, Duduwa fut tra1:1.quille sur la terre. Et personne tuer son mari, qu'ette trouvait trop fort pour elle, afin qu'ils pussent se
1am~1s .n app~1t sa m~rt. Il pros.péra toujours, et sa prospérité n'avait point maner.
de limites. Comme Il constatait que le monde lui était paisible, et que Quand Ayidohw$do voulut entrer dans la demeure du crabe, celui-ci mit
perso?ne n'avait appris sa mort, il invita à nouveau les trois prêtres, et leur ses pinces dehors et l'attrapa. AyidohwEdo ne pouvait plus ni entrer, ni sortir.
soumit cette question : comment faire pour avoir toujours de nombreux Et, de rage, il mourut. ..
serviteurs? - A nouveau se présenta Woli-Fù, qui réclama deux cent un Cel~i qui trouve ce signe se méfiera de sa femme et sera jaloux au point
escargots, deux cent une ignames, deux cent une poules, et deux cent une d'en mourir.
fois cinquant~ centimes. Le sacrifice fut accompli. Les prêtres apprirent
2. Devise. Di gbe ma bu do A/a, Di gbe 111a bu do A )''J. La voix de Di n·e
alors lenrs--me1lleures recettes à Duduwa.
se perd pas à Aja, la voix de Di ne. se perd pas à Ay'J.
Institut d'Etbnolo.l!ie. - Bernard MAt'POIL.
4

LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SIGNES SECONDAIRES

Légende. Un jour, un crabe avait une forte dette. Il ne, pouvait la payer. Il tels sont les noms de deux prêtres qui interprétt:rcnt fa pour cent soixante
chercha par tous les moyens à se libérer, mais en vain. Alors, il consulta Fa arbres désireux d'obtenir de la considération dans la vie. Le sacrifice exigé par
auprès du Bobna Di. Arri'vé chez Di, il exposa son cas, et demanda comment le signe Di-Y~ku, qu'ils trouvèrent, était le suivant : seize pigeons et seize
il fallait faire pour- que son créancier lui laissât la paix, sans toutefois qu'il fois cinquante centimes. Mais aucun arbre ne fit le sacrifice, à l'exception
payât sa dette. Di-Gbe se présenta, et le sacrifice suivant fut exigé : une paire d'Amàjà '. Pour qu'il pût conserver la considération qu'il s'était de la sorte
de pinces, sept coqs et sept fois treme-sept centimes. Le sacrifice tut fai- acquise, les deux prêtres lui recommandèrent de faire ul'J. sacrifice pour pro-
f\.près le sacrifice, le prêtre rendit.la paire de pinces au crabe. téger son corps contre les sortilèges des jaloux. Et un nouve,m sacrifice. -
Le créancier du crabe était Aga (tourterelle mâle). Aga réclamait en vain seize coqs et seize fois cinquante centimes, - lui fut demandé. Mais il ne
le paiement de sa dette. Il se rendit chez Lëklêsë (serpent venimeux), et le fit pas, arguant qu'il n'était plus besoin de protéger son corps,.du moment
lui promit, s'il pouvait lui faire payer la somme due par le crabe, de la part qu'il avait obtenu la considération.
tager avec lul. Le· serpent approuva cette proposition, et promit à Aga la En quittant Amojo, les deux prêtres allèrent chez M~talàfi, chez qui rien
réussite. Et il lui fixa un délai de sept jours. Le septième jour, Aga se pré- n'allait plus : la terre était desséchée, les enfants mouraient,_ les femmes
sentait chez le serpent. Et tous deux se mirent en route pour aller chez le enceintes cessaient d'accoucher, tout était bouleversé. Mais les arbres, qui
crabe. vivaient reculés dans la brousse, ignoraient tout de cette situation.
Le crabe, qui était devant sa porte, les vit de loin se diriger sur lui. Vite, Les prêtres fouillèrent Fa, trouvèrent JJi-Y;.ku, et recommandèrent à
il se retira dans son trou. Il prit les deux pinces, et, à l'intérieur de son A1Etalàfi de faire un sacrifice à L.gba : deux chèvres, seize coqs, seize
trou, les ouvrit. pigeons et seize fois cinquante centimes. Ensuite, Mst;ilàfi. devait se rendre
Le serpent demanda à Agô si c'était bien là la demeure du crabe. Et Agô chez le vodü Gu, pour lui demander conseil. Ce qui fut fait. Gu répondit
répondit oui. Il entra alors dans le trou. A peine était-il entré, que sa tête que l'affaire était ~impie, et fit appeler Lsgba. Celui-ci conseilla à Gu d'aller
était prise entre les branches des pinces, et le crabe lui coupa la tête. Une voir Amàjo.
fois le serpent mort, le crabe se mit à le dévorer. Gu alla voir Ainàjo. Une fois arrivé chez lui, il se mit à le sculpter, lui
Agô, qui attendait en vain le retour de son camarade, eut peur et s'en- fit des yeux, une bouche, un nez, des oreilles, et, lorsqu'il eut ainsi obtenu
vola. C'est ainsi que son argent ne lui fut pas rendu, et que le serpent plusieurs masques, il revint chez lui, et fixa à M:::talofi un délai de sept
Lêklèsë mourut. jours pour lui donner réponse. Les sept jours révolus, Gu dit à Mstalàfï de
Depuis ce jour, les crabes ont une paire de pinces pour se défendre. faire sortir ses tambours .. Ce qui fut fait. Puis Mstalafï convoqua des
hommes qu'il habilla richement, er qu'il coiffa de masques en bois d'Arn<Jfo.
Une fois habillés, les hommes demandèrent : comment allons-nous danser?
Dr-YEKU.
- Mstalôjï répondit : vous allez danser au rythme du tamtam belemte
( Dt-Cuku ; .Di-bli-Y<.ku : Di a roulé Ydut pàr terre).
belemte belemte 111àtîce Eha idi.y2ku 2 •
Et les hommes masqués dansèrent du matin au soir. Tous étaient radieux;
1 1 f
la foule entière dansait.
1 1 1 1
La nuit vint. LEgba alla voir Gu, et lui dit : comment? Les Bobnô m'ont
1 1 1 1
dit qu'Amàjo n'a pas fait le sacrifice pour son corps? Tant pis pour·Jui !
1 1 1
Maintenant, nous allons ramasser tous ses masques et les attacher dans des
sacs que nous accrocherons aux murs.
Légende.
!di Yeku, idi YEktt, I. Arbre dont on fait les statuettes (boci:J) et les masques.
ldi YEku Y:::ku walu, ?.. Var. donnée par Géd<i{be : idi yekElé, idi cuku.
LES SIGNES SECONDAIRES
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES

Avant qu'un an se soit écoulé, déjà les termites avaient mangé les yeux Ils se rendirent chez le vieillard, l'attrapèrent,. lui mirent une corde au
et le nez d'Amôjo. Ce que voyant, on voulut saisir les masques, mais ils cou et, avec les deux poignards qu'il avait déjà achetés, le tuèrent.
tombèrent en morceaux. Amojo était bien malade ! C'est· depuis cette époque que les Marabouts tuent le bélier (s::-gfo) de la
Pour ne pas le laisser trop souffrir, on sculpta d'autres masques. Comme Tabaski (Aïd el Kébir). Ce bélier est barbu, comme le vieill~rd, et il ne
fait pas la prière. Le bélier imite les Musulmans en portant la barbe, mais
il avait fait le sacrifice« pour l'honneur», on lui renouvela les témoignages
ne fait pas le salam.
d'honneur en continuant à tailler dans son corps des masques respectés.
Mais comme il n'avait pas fait le sacrifice cc pour son corps», ces masques
Chant.
étaient dévorés au fur et à mesure par les termites. Voilà pourquoi, jusqu'à
nos jours, on renouvelle si souvent les masques. Ahwà iiii we 111a du luis hh js,
A la suite de ces événements, le monde retrouva le bonheur, les femmes Di-Loso !
accouchèrent, et la vie reprit partout. Hwe fa ho nu gle fa ma du h.h ksh j<-,
Di-Loso !
D1-Loso. Nu we, L:.gba, ahwà iià we ma du Id-. k:h j;.
(Idi-Kosit Y : Di ne dort P.as). Di-Loso I
Di-Losa w-o mi kâ (bis).
1 1 LEgba w; d~ mii a.
1 1 1
Si la guerre est bonne, jé danserai comme ceux qtJi sont comblés de biens '.
1 1 1 1
Di-Loso !
1 1 1
Si la maisonnée est calme et les récoltes bonnes, je danserai comme ceux qui
[sont comblés de biens,
légende. Di-Loso !
Pour toi, L·.gba, si la guerre est bonne, je danserai comme ceux qui sont
Ce signe apparut au vieillard-barbu-qui-n'a-pas-fait-sa-prière, lorsqu'il
[comblés de biens,
demanda conseil à Fa au sujet d'un mal de ventre. Et Di-Loso demanda en
Di-Losa!
sacrifice : son pagne, deux poignards, deux boucs, deux coqs. Sur ces entre-
Nous avons consulté Di-Loso.
faites, le p:itient se sentit mieux, proclama qu'il était déjà guéri, et refusa
Telles sont les paroles de L;,gba.
de faire le sacrifice demandé.
Or les Marabouts avaient offensé leurs mères, en ne leur donnant pas . à 2
DI-GUD.\ •
manger pendant trente jours. Le prêtre dit au vieillard : tu agis aussi mal
(Signe de L;gba ).
que les Marabouts qui ont laissé à jeun leurs mères pendant tr~nte jours;
toi, tu laisses L:.gba à jeun ... 1 1
Cependant Lsgba dit aux Marabouts: vous avez tort de laisser vos mères 1 1 1
à jeun. A votre tour, vous allez vous mettre à la diète pendant trente jours. 1 11
Ce qui fut fait. 1 1 1
Et les Marabouts dirent au prêtre : nous avons jeûné pendant trente jours.
Que nous faut-il faire pour pouvoir vraiment bien manger ? - Le Bobnô r. Les chefs et les personnages importants affectent une lenteur majestueuse dans le mou-
répondit : pour faire un bon repas, attrapez donc ce vieillard-barbu qui n'a vement de leur danse.
2. Autre légende de ce signe, mpra, chap. v, pp. 190-19r.
p.ts obéi à L;,,{[ha, qui n'a pas jeûné,... et qui n'a pas fait sa prière.
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SIGNES SECONDAIRES

Légende. La statuette gisait toujours à terre ... Alors Y<.ku-M<.ji sorti prudem-
Tous les signes de Fa ont pour m1ss10n de garder Mawu. ]ior;be est le ment de la chambrç: des KuvitJ, et vint trouver ]iogbe, resté devant le por-
chef de cette garde. Mawu ne dort jamais ; il n'est jama.is fatigué. Il a tail. Il lui demanda : d'où viens-tu? - Comment, d'au je viens? mais
décidé que tous les Fa viendraient, chaque soir, garder sa maison. Et, c'est à moi de te le demander! Tu es allé te cacher. Moi, je suis· resté ici.
lorsqu'ils ont ainsi pris leur garde, il leur fait, le lendemain matin, cadeau - Woli-Msji vint aussi, et posa à ]iogbe la même question : d'où je viens ?
de quarante et un objets. mais de nulle part! C'est à toi, qui t'es enfui, qu'il faudrait poser la ques-
Or Lsgba ne prenait pas cette garde avec eux. tion. - Et ainsi tous les Fa, sortant un à un de leur cachette, vi·nrent
Les signes vivaient bien, grâce aux libéralités de Mawu, tandis que L:.gba poser la même question à Jiogbe, qui était resté an portail de la maison de
n~avait rien. Dud11wa, alors que ses frères s'étaient éparpillés.
Un soir, au moment où tous les Fa se réunissaient dans la maison de Le lendemain, Duduwa emoya chercher Lsgba et lui demanda: pourquoi
Maw11, leur père, L:.gba s'en vint leur dire : notre père ne me donne rien, as-tu agi de la sorte, la nuit dernière? - L.gba répo11dit : oui ! j'ai fait
et vous êtes comblés de présents ... Pensez-vous vraiment, si un malheur deux fois allusion, devant mes frères, à un malheur imminent. Ils n'ont pas
devait se produire, que vous seriez capables de vous y oppo.ser ? - Aussi- voulu m'écouter. Et, lorsque ce malheur est arrivé, ils se sont tous enfuis,
tôt tous .les Fa de huer L~gba, de se 1110'J.Uer de lui en criant et en battant com·me je l'avais prédit, et nul n'a su résister à sa peur ... Depuis quelque
des mains. Une deuxième fois, L.gba posa la même question. Mêmes huées. temps, père, tu donnes tout à rries frères, et rien à moi. C'est pour cela que
Alors Lgba s'en fut. Il prit un morceau de bois, dont il tailla une sta- j'ai agi de la sorte. - C'est bien, répondit Duduwa; tu es décidément
tuette. Il vêtit cette statuette d'une étoffe blanche très ample, et attacha capable de tout ! Tu resteras dorénavant devant ma porte, et tu protég(!ras
sous l'étoffe des coquilles d'escargots, des clochettes et toute sorte LJ:objets cette maison contre le malheur.
sonnants. Puis, le soir même, il fit de puissants charmes pour que cette sta- Et Duduwa donna à Lcgba quarante et un objets, et un cabri à manger,
tüette pût danser et voler. Et il prononça devant elle des paroles magiques, et il lui assigna une place ·devant son portail. C'est pourquoi l'on voit encore,
et la statuette prit son vol, et survola la maison de Duduwa (Mawu). de nos jours, un Lsgba installé devant chaque portail.
Dans la_ cour de Dud11wa, il y a un grand arbre, un ajrohilti. Et la sta- Duduwa ajouta : là ou chaque Fa est allé se cacher, cette place lui appàr-
tuette s'éleva jusqu'à sa cime, et -dansa dans l'air. Finalement, elle arriva tiendra à partir de ce jour. - C'est pourquoi désormais chaque signe parle
jusqu'au lieu où se trouvaient réun,is les signes pour leur garde. Alors ce de certaines choses: Y<ktt des KuvitJ, Akla des Jumeaux, etc .. Et si quelqu'un,
fut une grand'peur parmi tous les Fa ... Chacun, dès qu'il se sentait sur- depuis cette époque, naît sous tel signe, il doit agir en tenant compte du
volé, s'affolait et quittait sa place. Enfin, la statuette tomba à terre, dans lieu de retraite de ce signe 1 le jour ou il prit la fuite.
un grand tintamarre de toute sa sonnante parure. Et les Fa se sauvèrent. .. Lsgba accompagne depuis lors Jiogbe. Lorsque le devin trouve en consul-
Jiogbe resta devant le ponail. Yê.lm-,\1:.ji alla se cacher dans la chambre tation Jiogbe, il doit faire un sacrifice à Lsgba en même temps qu'à ce signe.
des Knvi!J, Tf7o/i-,\!Lji an fond d'un trou creusé dans le sol, Di-M:.ji dans Car tous deux sont voisins: LEgba se trouve devant le portail, et ]iogbe resta
un champ de haricots, Loso-i'Vhji dans la chan1bre des Ke11esi et Ak/â-M,ji devant la maison de Duduwa, lors de la panique de ses frères.
dans celle des Jumeaux ... Abla-M:.ji se dissimula dans la maison du Ser-
pent Dâ-Ayidohwsdo et Wël~-Msji dans la chambre de Sakpata . .. Quant à Di-TULA.
Sa-Msji, il chercha refuge dans la chamGre de Duduwa, et disparut même (Idi-Atago: !di a frappé Tula.)
sous son pagne ! Tnrnl<pè-M:.ji, qui n'a pas d'yeux, s'en fut dans la chambre 1 1
des Kènesi, ignorant qu'un de ses frères s'y trouvât déjà. L<ts-Ms;ï alla 1 1 1 1
s'asseoir sur l'enclume d'une forge. Guda-M:.;ï se dissimula sous le pagne 1 1 1
de Gu. Cs-M:.ji se cacha derrière Dudmua, F11-Msji devant Duduwa . .. 1 1
Et D11d11wa, qui avait tout remarqué, ne dit rien.
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SIGNES SECONDAIRES

On <lit que les Blancs vinrent au monde sous ce signe. prendre ces choses, tout à l'heure, je t'ai demandé si tu te sentais capable
de garder le secret. Puisque tu as manqué à ta parole, tu ne seras jamais
Devise.
bon à rien, et ta famille non plus. Tes folioles ser\'iront tout au plus à enfi-
La tête Je la perdrix deviendra tête de bœuf dans ton sac. ler les cauris et à tresser des chapeaux.
Légende. Après la malédiction au dattier, Di-Tula continua son chemin, et se
rendit chez son second enfant, le cocotier. Mais il ne lui dit pas qu'il venait
Di.-Tula est le patron du palmier à huile (de), du cototier (agoh) et du de chez son frère. Chez le cocotier, les mêmes mets et la même boisson
« dat•tier » (seli). Quand Mawu eut créé ces trois arbres, il prit soin de les étaient offerts. Le père posa la <nêrne question. Et le cocotier affirma qu'il
.isoler, par exemple d'installer le dattier à Accra, le cocotier chez les Nago saurait garder le secret. Alors, Di-Tula mangea et but ses interdits. Puis il
d'Ay::1, et le palmier chez les Fon. Il les isola exprès, pour voir comment laissa ses bracelets sur la natte où l'on avait mangé, prit congé, et partit.
chacun suivrait le cours de sa vie. Quand la femme du cocotier vint ramasser les calebasses et rouler la natte,
Le dattier était l'aîné; le cocotier venait après; et ensuite le palmier ·à elle aperçut les bracelets de son beau-père : comment ? - s'étonna-t-elle : et
huile. A chacun de ces trois enfants, Di-Tula donna une femme. Et chacun vite, elle appela son mari : le père, quand il mange du chien et boit du vin
vivait dans son pays, isolé des autres. de palme, oublie ses bracelets ! - Et cocotier de courir, et de rattraper son
Un jour, Di-Tula voulut se rendre compte lui-même si ses enfants gran- père, et de crier : père ! père ! voici que tu as tellement mangé de chien à la
dissaient dans l'expérience de la vie. Il se présenta en premier lieu chez le pâte et bu de vin de palme, que tu en oublies tes bracelets sur la natte! -
dattier. Mais le père lui répondit : pauvre enfant ! Je t'avais pourtant demandé si tu
Or d1acun sait que Di-Tula ne mange pas la viande de chien et ne boit saurais garder ce secret. Puisque tu n'en es pas capable, tu n'auras pas de
pas le vin de palme. Mais, devant ceux qui savent garder un secret, il peut nom e~ cette vie, et tes enfants ne serviront pas à grand'chose.
le faire. Quittant sur ces paroles le cocotier, Di-Tula se rendit chez le palmier à
Di-Tula se rendit donc chez son premier enfant, le dattier, qui se réjouit huile. Il n'avait pas dit au cocotier qu'il était allé chez le dattier. De même,
de voir son père, et lui fit chère lie. Or il se trouvait de la viande de chien il ne dit point au palmier à huile qu'il avait vu ses frères. Or Di-Tula avait
et du vin de palme parmi les mets préparés. Di-Tula demanda à son sous ses vêtements l'influence, le pouvoir (acs), qu'il pouvait donner à
enfant : qu'as-tu préparé pour me recevoir ? - L'enfant donna le menu. chacun de ses enfants, pour qu'ils devinssent quelque chose dans la vie. Cette
Alors Di-Tula : tu sais· bien que je ne mange pas de ces choses ... Te sens- influence était matérialisée en trois calebasses.
tu assez discret pour ne pas répéter que je vais manger du chien et boire du La réception chez le palmier à huile commença, et ce fut une réception
vin de palme? - L'autre <lit oui. solennelle. Le palmier à huile, qui n'avait pas vu son père de longtemps,
Alor;; le père, qui avait plusieurs bracelets de fer, les déposa tous sur la manifesta hautement sa joie et son respect filial, et couvrit d'une étoffe
natte ou il s'installa pour manger. Et le père mangea du chien, dans une blanche la natte où l'on devait manger, ce que n'avaient fait ni le dattier ni
pâte rougie par l'huile de palme, et il but le vin de palme, qui étaient ses le cocotier. Di-Tula lui-même s'étonna de voir le plus jeune de ses enfants
interdits. Puis, au moment de partir, il laissa exprès ses bracelets sur la natte, se mettre plus en frais que les autres. Au moment de manger, le père
et s'éloigna. demanda à son fils ce qu'il avait préparé. Le fils répondit qu'il y avait du
La femme du dattier dit alors à son mari : vois donc! Ton père prétend chien avec une pâte rouge et du vin Je palme. Le père lui demanda encore
qu'îl ne doit pas manger de chien, ni boire de vin de palme. Et maintenant, s'il saurait ne pas répéter le secret de son interdit. Le fils répondit: comment
il a· tant bu et tant mangé qu'il est i ne et oublie ses bracelets. -- Le fils de donc pourrais-je ne pas te garder le secret, mon père, à toi qui m'as donné la
Di-Tula prit les bracelets, courut rattraper son père en criant : ô père ! vie? Ce qui est secret pour toi l'est également pour moi. - Alors Di-Tula
père! à forer de manger du chien et de boire du vin de palme, voici que tu mangea et but ses interdits. Et, en partant, il laissa ses bracelets sur la natte et
as oublié tes bracelets. - Le père, étonné, répliqua : pourtant, avant de s'en alla.
4

LES SIGNES SECONDAIRES


LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES

La femme du palmier à huile, au moment de plier la nappe et de ranger Variante 1


les calebasses, trouva, comme les autres femmes, les bracelets de son beau-
s~gbo-Lisa envoya sur terre le « dattier >> (seli), le palmier à huile et le
père. Elle alla chercher son mari, le conduisit devant les bracelets et lui dit.
rônier (agiHi). Il donna à chacun un cabri, des poulets et de l'argent.
vois, n:on ~n~ri, ce sont là les bracelets de mon beau-père. Il faut les lui rap~ Sur le chemin conduisant à la terre se trouve Fa, qui consulte pour tous
porter 11nmed1atement. Mais souviens-toi qu'il nous a recommandé de garder
les passants qui se rendent vers la vie et leur explique çe que sera leur
le secret de ses interdits. Il ne faut donc rien lui dire. Voici une étofte
sort 2

blanche pour toi : mets dedans les bracelets. Il ne faut pas, lorsque tu verras
Sdi passa le premier: où vas-tu? demanda Fa. - Vers la vie! - Je vais
to~ père, l'interpeller ; dépasse-le, et, devant lui seulement, en silence,
te dire quel sera ton destin. - Soit. - Fa lui dit de donner le cabri les
ouvre à genoux l'étoffe et présente-luises bracelets oubliés. '
poulets et l'argent de s~gbo-Lisa: je te ferai un sacrifice, et ta vie sera bonne.
Et le palmier à huile alla, et suivit les instructions de sa femme.
- Non, ce que j'ai, je le garde. - Alors, va !
Di-Tula,. très heureux, dit au palmier à huile : tout ce qui est de toi, ton
Vint le rônier. Même scène.
corps tout entier, tes racines, tes feuilles, tes fruits, ton cœur, ta sève tout
Enfin le palmier. Fa consulta, le palmier accepta de faire le sacrifice et
deviendra utile aux hommes, et les enrichira. · '
donna tout ce qu'il avait. Et il descendit vers la vie.
Chacune des calebasses de Di-Tula était destinée à ses enfants. Là se
Et chacun édifia sa maison, Seli, AgiJfi et De. Lisa leur fit dire : sur la
trouvaient !'milité universelle, l'intelligence qui permet. de garder les
terre, dans votre cinquante-sixième année, je viendrai vous visiter. - Et,
secrets, et la faculté d'être aimé. Toutes trois furent remises au palmier à
dans la cinquante-sixième année, il vint i.
huile.
Il chercha d'abord Seli. Mais nul ne connaissait ce nom : il doit habiter
. Le Bok:mà qui trouve ce signe dira au consultant : quelles que soient les
par là-bas ... On ne sait pas ... - Enfin il .trouva Seli et lui demanda :
c1r~onstances, le plus grand sacrifice à t'imposer est de garder tout secret
comment ton nom est-il entré dans l'oubli, toi qui est mon aîné? Tu n'as
qui te sera confié. - Le prêtre conseillera en outre à son client de déra-
donc pas fait ton sacrifice ? - Or Seli, pour vivre, faisait un commerce de
cin·er un palmier à huile, de se procurer une poule noire et la vase d'un
viande de chien préparée. Lisa lui fit remarquer qu'il ne mangeait pas de
marigot. Il enterrera la vasè du marigot dans la cour du client ; il plantera
chien. Mais Seli lui en offrit. Lisa protesta. Seli apporta du vin de palme :
dans cette vase le palmier à huile déraciné, après avoir tracé trois fois Di-
je ne bois pas de cela ! s'écria Lisa. Est-ce donc ainsi que tu me reçois ?
T11la dans le YE ; car, lorsqu'on appelle quelqu'un trois fois, on peut être
Après cinquante ans passés, tu as oublié les interdits de ton père ? Je né puis
sùr qu'il vous entend. n jettera le JE à la partie supérieure de la vase. Enfin
~epiquera
refuser ce que tu m'offres, mais n'en dis jamais rien à personne.--.:. Et Lisa,
il le palmier. Alors, le Bobnà recevra sa récompense : la poul;
en quittant son fils, oublia son chapeau de feutre (gbeje) et ~a canne en fer.
noire, dont quelques plumes resteront sur la vase avec le ye. Quand les
Mais il se rappela son oubli en cours de route et revint sur ses pas. Seli, sa
racines du palmier se seront à nouveau fixées dans le sol, les influences
femme et ses enfants s'esclaffèrent : voilà bien les vieux ! quand on leur
fâcheuses qui ont amené le consultant chez le Bobnô s'apaiseront. S'il
prépare comme il faut leurs interdits, ils les mangent. Mais ensuite ... - Lisa,
s'agit de la naissance d'un enfant, tout danger de maladie infantile mor-
irrité par ces paroles, maudit son fils : tes feuilles serviront tout juste à enfi-
telle ~·évanouira ; s'il &agissait de la mort de quelqu'un, il n'y aura pas à
ler les cauris !
redouter, à bref délai, une mort nouvelle dans la même famille. Et ce palmier
La même scène se reproduisit chez Agôti, et Lisa le maudit : tu ne seras
protégera longtemps la maisonnée.
rien en cette vie !
La femme de celui qui a trouvé Di-Tula au Fazü- ne doit pas lui être infi-
dèle, sous peine de mort. r. Version donnée, en présence de GEdEgl1e, par un Lisanà d' Abomey.
2.Il se trouve gbE R'bo(pour a,l{bo)-nu, aux portes de la vie, l{l>s de-nu, à la douane de la
vie.
3. Cinquante-six =40+ 16.
LES SIGNES SECONDAIRES
LA GÉOMANCIE A L' ANCll:NNE CÔTE DES ESCLAVES
Et la Vic du père et celle de Ll mère se trouvent en la marn du dernier
Puis il se rendit chez De, dont tous connaissaient le nom et qui vivait
enfant né.
opulent. De avait consulté Fa sept jours auparavant et Di-Tula lui avait
annoncé la visite prochaine d'un personnage important qu'il fallait recevoir Di est le dernier des quam: premiers signes. Cs est assimilé au dernier
dans une case entièrement blanche. Et De édifia une maison toute blanche, des douze suivants, car Ftt est la mère des duniietson inceste nedoit pas être
la décora d·e nattes et d'étoffes blanches. Et quand arriva Lisa, il lui offrit mentionné. C:. souligne ce fait que les derniers:..nés d'une famille sont, eux
de l'eau dans une calebasse blanche. Puis il immola un cabri blanc, pour aussi, importants: on leur donne souvent le titrede fils aîné, vi-daho, da-daho;
régaler Lisa, et un bouc en l'honneur de Mawtt absente. Et Lisa lui dit: tu ils passent pour être dangereux, pour menacer la vie même de leurs parents.
seras connu du monde entier, et les hommes ne pourront se passer de toi. Je Di-C:. rappelle à l'homme que toute chose, tout problème doivent être exa-
te donne mon aca. minés du commencement à la fin, de la tête aux pieds, du plus grand au plus
petit, et que les extrêmes se touchent.
Di-Ce. Le Favi de Di-C:. ne doit avoir qu'une épouse, ou faire des sacrifices pour
apaiser les trois premiers du. Il abandonnera ;tux quatre points cardinaux
1 1 quatre aovib, le dernier représentant Cs et Di. Le nom du. Favi sera
1 1 1 1 réputé.
1 1 1 Ce signe prescrit de ne tenir compte que du chiffre deux et non de
1 1 1
quatre.

Légende. D1-Fu.
Di-Ce I Gbs nu de mo nô s~ gbe we.
Tel est le nom du Bok~nii qui consulta pour la Terre et le Ciel. Son 1 1 1

nom signifie : les choses de la vie ne doivent pas être au nombre de 1 1 1


quatre. 1 1 1 1
1 1
La Terre et le Ciel vivaient ensemble. Leur père, Mawu, voulant les
envoyer en ce monde, ils allèrent consulter Fa, et trouvèrent Di-CE. Le
devin demanda à chacun, en sacrifice, un œuf, un poulet et un pagne de
plusieurs couleurs. Le Ciel s'exécuta, la Terre refusa. Et ils vinrent sur la Devises.
terre.
1. Yonu nu kike ma nô izô se nu awôti : di-{ftt I La parole de l'anus, le nez
LEgba s'écria alors : agbo afakà, mz ji ts si ? Qui a consulté sans faire de
sacrifice ? - Et le Ciel expliqua qu'il a\·ait fait le sacrifice pour les deux, refuse de l'entendre : pff !
Les paroles du Favi lui feront du tort.
parce que sa sœur n'avait pas les moyens de faire le sien. Legba pardonna à la
Terre, et ajouta : tout le monde entendra la parole du Ciel, et il la fera 2. Di-Fu ! Ku hü, ku ko ! azo hii, azô ka. Di-Fu! Si c'est la mort, qu'elle
entendre souvent. Quant à la Terre, on fera tout sur elle, et elle ne par-
parte! Si c'est la maladie, qu'elle parte !
lera jamais. Voilà ce que je vous donne. Et rappelez-vous que le monde ne
Même sens.
connaît que deux choses: le Ciel et la Terre, Cs et Di. Tels sont les noms
que vous porterez. Mawu a jeté la Vie à Gbe-Meji, et Gbe l'a laissée tomber. 3. Odi fü ! La fesse pue.
Il l'a jetée à Yslm, puis à Woli, qui l'ont laissée tomber. Il l'a lancée ù Di, qui Même sens.
l'a attrapée. Et il l'a lancée à Cs, et Ce a réussi là où les autres échouaient.
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SIGNES SECONDAIRES

·afin que nous puissions fouiller ton si~ge. - Sans mot dire, le roi se leva.
On ouvrit son siège, et, surprise ! on trouva dedans sa femme, qui regardait
S~RIE WÈLc.
par les deux trous faits dans le bois.
1
Aussitôt le vodFi Olo, que l'on avait interrogé auparavant sans succès, se
WËLe-GUDA •
mit à répondre .; et il le fit avec une telle impêtuosité qu'il tua le roi en
( Wèh wli guda : Wêh a attaqué Guda).
même temps que sa femme. Ils furent enterrés dans la forêt même.
1 1 1 Ce M etalàji se nommait Wh .
1 1 1
1 1
SÉRIE ABLA 1

1 1 1
ABLA-GBE.

Légende. (Abla-bo-Gbe : la voix des talismans d'Abla).

Devise. Wèlë est si fort qu'il peut vous écraser sur le ml. 1

Légende. Le roi MetaliJji avait coutume d'assister, en sa qualité d'Olo-gà, 1 1

prêtre du vodû Olo, à toutes les cérémonies en l'honneur de cette divinité, 1 1


à Olo-zù-ms. (brousse d'Olo), dans le pays de Fè. Il avait un grand coffre, 1 1
qui lui servait de siège. Et chaque fois qu'il revenait des cérémonies d' Olo,
sa femme lui demandait la raison de son absence. Mais il ne répondait jamais, Légende.
car les femmes ne doivent pas assister à ces cérémonies, ni voir le tambour
C'est d'Abla-bo-Gbe que dépend le tamtatn de Fa.
d'Olo, ni connaitre le déroulement de ses rites.
Il y avait un homme, un bùcheron : il se nommait Afafa. Il était presque
Or la femme poussa la curiosité jusqu'à percer deux trous dans le coffre, affolé de misère. Un beau jour, le roi mourut. Toute la population consulta
à l'espacement des yeux. Et, un jour que le roi devait retourner à Olo-zrt-mr:.,
Fa sur le choix de son remplaçant, et pour que la ville soit en paix. Le signe
elle se leva de bon matin, entra dans le coffre, et s'y enferma. Et quand les Abla~bo-Gbe se mout ra, et désigna Ajafa ...
serviteurs du roi vinrent, ils emportèrent le coffre à sa place habituelle.
Or Afa/a étajt parti pour couper du bois, et nul ne put le trouver. Fa
Vers huit heures du matin, quand tous les vodii-si étaient déjà assemblés,
annonça alors qu'il faudrait battre trois fois le tamtam avant de ~rouver ~e
le roi vint. Et tous évoquèrent le vodû Olo, qui ne répondit pas ...
nouveau roi. Il dit d'aller préparer une bonne place d:rns la foret, et d-y
Quelqu'un dit: sûrement, il doit y avoir parmi nous un étranger au vodli. transporter les tambours. Ce qui fut f;it. On battit le tamtam, et son rythme
_;Et tous se mirent à fouiller la brousse, à regarder dans les arbres ... Mars disait :
ils ne trouvèrent personne. Ils se mirent à invoquer Olo: pas de réponse. Daginu .. .
- Comment ? Il n'y a pourtant personne dans la brousse, ni dans les DagiSigbo .. .
arbres ...
Dagi . .. Afafa . . .
Un vieux prit la parole et dit : que le roi se lève. Nous allons fouiller son Dagisigbo .. .
siège. - Tous hésitaient. Finalement, l'un des assistants se leva et dit : Dagitiu . . . etc 2 •••
allons prier le roi de se lever. - Quelques-uns des ministres allèrent devant
le roi, se prosternèrent devant lui, et lui dirent : nous te prions de te lever, 1. Cf. supra, devise d'Abla-Lets, pp. 207, n. 2, et 421. . . .
2. Accent marqué sur la première voyelle de chaque mot. Ce ryt~me est celu'. de zdt,
I. Cf. supra, première partie, légendes de Loso-C<, chap, 1, p. 7, et de Wèle-Yeku, chap. vr, grande jarredes Kutut:1, dont on frappe l'orifice avec un afafa (t:venta1l rond en ~~ir). Deux
p. 258. Devise d\! Loso-Wf.h, chap. v1, p. 261. ou trois jarres plus petites, kpez.i, aux orifices munis de peaux, entourent la premiere.
1
LA GEOMANCIE A L ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SIGNES SECONDAIRES

Aussitôtqu'4fafa entendit ce rythme, il jeta la charge qu'il portait sur la du porc, qui a consulté-[ fa ]-sans-accomplir-son-sacrifice, que va la corde
tête, et accourut. Une fois arrivé au lieu où l'on battait le tamtam, on se de grand matin [pour le ligoter].
saisit de lui et il fut intronisé.
4· Azakw<. ko!w ma no ja-yi, bo no da. La pipe en terre nè tombe pas sur le
Et lorsqu'il fut roi, la ville fut bonne et connut la paix.
sol sans cesser d'exister 1 •

Tous les signes en Abia parlent de l'éventail, symbole du tamtam des 5. Agluza vi kpo· no kpo WE du Nagbo-nuh dokwi, ba hà daho la yi ba ye da :
morts, donc de la mort elle-même. vu /J l.·pâ na yi a? Un petit porc et sa mère ont mangé les patates des gens
Di-Guda parle du grand tambour (h1i-gà) des rois. ·Si le Favi de Di-Guda de Nagbo 2 et cette truie s'est sau:vé, et les gens disent: [croit-on donc que]
fait les sacrifices prescrits, il deviendra chef, tt l'on battra le grand tamtam ce porceler se sauvera aussi?
derrière lui.
ÀKLÀ-TULA.
Di-Turukpè parle d'un « tamtam dont les danses sont bonnes n, c'est-à-
dire discrètes dans le mouvement et concentrées dans l'expression.
1 l 1
1 1 1
1 l 1
SÉRIE AKLÀ 1 1
AKLÀ-WÊLe '.
Légende.
1 1 1 1
Devise. Lorsque l'homme est heureux, il invoque son Sê. Est-il mal-
1 1 1 1
heureux? il l'invoque encore. Car le bonheur, comme le malheur, dépendent
1 1 1
du SE.
1 1
Légende. Le bûcheron et le fainéant sont deux amis. La guerre les
chassa un beau jour de leur pays, les obligeant à s'établir dans une ville
étrangère. Et trois femmes de leur pays, il leur insu, en firellt autant. Elles
Devises.
étaient riches, l'une en or, la seconde en pagnes, la troisième Ln argent.
1. Ta-hlihà nà mô ahwà bond da a. L'échassier huppé hlihà voit [venirj Le fainéant, arrivé avec son ami, prit .!'habitude de rester à la maison
la guerre et ne dit rien. pendant que le bûcheron coupait du bois. Un jo_ur, comme il gardait la
Interprétation. Cet oiseau reste impassible devant un spectacle aussi inS'o- maison à son ordinaire, assis devant le seuil, vinrent à passer les trois riches
lite qu'une armée. (On sait qu'armée et guerre se traduisent en fon par le femmes. Voyant le fainéant inoccupe devant sa porte, elles lui demandèrent
même mot). de l'eau à boire. Une fois qu'il les eut servies, elles dirent: ayi jz/à-ta, oku!
Le hlihà, facilement domestiqué, porte sur la tête une touffe grise; son toi qui es assis, salut! Nous ne connaissons personne dans ce pays nouveau,
cri est hihà, et il passe pour crier les heures. nous ne savons pas parler la langue d'ici ... Comment allons-nous faire ? Et

2. Agbade kpaciholo mià hwiso bo e hwete. La machete est venue couper le r. Koko: influence de la langue yoruba, oü œ mot signifie canari, jarre (d'oü koko ta/111:
maïs qui lui avait lancé un défi. vase à tabac, pipe). En fon, terre se dit kJ (apkwz kJbi: pipe en terre cuite ; ati zJkw< : pipe
en bois). - Le verbe 1/J, qui termine la sentence, signifie principalement dormir (et, par
3· Agluz.a M-rna-sa- nô we ka nà je 111à-lô-me, ayite-bànu. C'est à la recherche l!Xtension, « coucher avec >>. Exernpl::s: d.> gbz ! Vœu du soir, signifiant: dors e,t r~veille-toi
vivant! D; fr: litt. : dormir debout; au sens de : passer une nuit blanche. E tw dJ a: litt. : il
ne dormira pas, au sens freguent de: il sera mort. D; itàn11gà: dormir au côté d'une femme).
r. KpJli de Bt!hanzin.
2. Partie du quartier Agbo, d'Abomcy, où vivait Na, fille du roi.
foslitul d'El/1110/ogie. - Bernard MAu~olL •
9

LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SIGNES SECONDAIRES

si nous allons plus avant dans la ville, les gens vont nous faire des misères ... Le bûcheron s'exécuta. Peu de temps après, le bonheur lui vint, et il eut
Il vaut encore mieux que nous restions chez toi, et nous serons tes femmes. une bonne vie. Et il dit: je rends grâce à 5;..
Quand revint le bûcheron, le fainéant lui dit: nous avons de la chance , Chant du bùcheron :
nous voici maintenant pourvus de trois femmes! Et toutes trois sont très
nches : l'une en or, l'autre en pagnes, la troisième en argent. Je t'ai réservé E Tiô 1m we J, a na dJ ss 1111.
.:die qui a de l'or. Et moi, qui suis fainéant, qui n'ai pas un sou pour me h' ùàlâ nn we J, a na dJ sz 1111 •
nourrir, j'ai pris les deux moins riches, qui ont des pagnes et de l'argent. A!dà Tula !
Le bûcheron dit : moi, je n'ai aucun besoin de cette femme. Je n'ai pas Il 'e dJ 1w we ma mi iti Sô..
même assez d'assez d'argent po~ur subvenir à mes besoins. Tu peux les garder
Si tu as de la chance, dis que tu la dois à l ton) H.
toutes les trois !
Si tu as la malchanche, dis que tu la dois à [ton] ss.
Et le bûcheron acheta, avec ses quelques sous, des provisions ; il prépara
Aklà-Tula !
des mets, et donna à manger aux nouveaux époux. Mais il" insista pour ne
garder aucune des trois femmes pour lui.
Il n'y a pas deux principes que l'on appelle sz.
Une fois la guerre finie, les deux amis et les trois femmes rentrèrent chez
eux. Les trois femmes suivirent le fainéant pour être ses femmes dans sa
S(~RlE GUDA.
maison. Et le bûcheron n'avait toujours pas de femme.
Un jour, le bûcheron pensa : quelle vie est la mienne ! Je mange mal, je
fais un dur travail, je n•ai pas de femmes. Il faut que j'aille voir mon sz. - Gun.\-Gtrn.
Et, pendant la nuit il se leva, sortit de chez lui, et s'engagea sur un chemin, ( Gnda-F!igbe, 'Guda-Bede.)
au petit bonheur. Après une longue marche, il arriva en un lieu oü tous
1
les H se trouYaient réunis. Et il vit tous les S$, mais le sien était absent. Les
1
autres S$ lui dirent : attends un peu. Ton sz va revenir tout à !'heurt: . -
1
Cependant, il contemplait tous les s;., qui semblaient si heureux, qui riaient,
1 1
se promenaient en hainac ... Mais le sien n'était pas là ...
Enfin sons;. arriva, avec un fagot de bois sur la tête. Il déchargea son
fagot. Puis il prit de l'igname et du maïs, qu'il posa sur des braises. Et,
pendant que le maïs et l'igname cuisaient, il se mit à décortiquer des noix
de palme, avec une pierre. Son pagne était roulé entre ses jambes et auwur Devise. Nônu lm do asu-tô hwe, bJ yi fo (ou de) do hôtô-tô hwe ! Telle
1.

de ses reins, en guise de caleçon. Après avoir mangé, le S$ vit son homme femme se dit morte dans la maison du mari, qui ressuscite bientôt dans
et s'écria : que •.tiens-tu faire ici ? - Je souffre trop dans le monde. J'en ai celle de son amant' !
assez ! - Ah ! retourne au plus vite chez toi! Ton temps n'est pas encore Légende. G11da-Fligbe est un Fa puissant. Il est le propre fils de 1Jud111.l'll,
venu de demeurer ici. - Et. le ss inLliqua à son homme un petit chemin : et J)uduwa l'estimt: beaucoup.
passe par ce raccourci, et tu arriveras vite chez toi. Mais, une fois rentré, Un homme qui a huit cents femmes les doit juger d"après la conduite
consulte Fa, et tu sauras ce que tu dois faire desormais pour que la vie te soit d'une seule.
bonne. G11da-Fligbè renwntra un ·beau jour une femme mariée. Il noua amitié
Une fois de retour, le bùcheron consulta Fa et trouva le signeA!dà-Tula.
Le sacrifice demandé se composait d'igname, de manioc et de maïs grillés j 1. c'ii111}'. A.L. d'ALBÉCA, La 1-~·mm~ .Voire, 11p. L. HEUDlillllRT, <>p. dt., p.;43: "La
.il fallait mettre le tout dans un panier, et l'exposer au pied d'tm arbreRoko. fc111111c morte dn:z son nia ri rcssusêite dn:~ son a nu nt ».
LA GEOMANCIE A-L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES
LES SIGNES SECONDAIRES
avec elle, et, finalement, il l'épousa. Mais c'était une femme adultère. Elle
fois, et la trouva à la même place. Elle revint le dire à son père. Il alla, vit
lui donna une fiile. L'enfant grandit, et atteignit l'âge où les enfants se
sa femme, la saisit par la main, et demanda : où est la maison du roi?
rendent au marché pour acheter de quoi manger à leurs parents.
Allons trouver le roi dans sa maison. - Et, comme le rival était aussi au
Un jour, la femme de Guda-Fligbe déclara qu'elle était malade. Guda-
marché, ils allèrent tous trois, la femme et ses deux maris, devant le roi.
Fligbe mit en œuvre ses plus infaillibles recettes, mais elle protesta qu'elle
Ils échangèrent avec le roi les compliments d'usage, et chacun à son
allait de mal en pire. Guda-Flù;be alla trouver son père, et lui conta ses
tour commença à parler. La femme parla la première et' dit : voici. Mon
ennuis. Son père lui dit: allons donc! Ta femme sait bien ce qu'elle fait!
premier mari ne s'occupait pas de moi. Lorsque j'étais tilalade, il ne me
Or la femme de Guda-Fligbe a\'ait déjà fixé rendez-vous à un amant, à
soignait même pas. Un jour, je m'évanouis. Au lieu de s'occuper de moi,
midi juste.
de me soigner, il me ficela dans une natte, et, avec des camarades à lui, il
A midi juste, elle ferma les yeux, dit qu'elle se mourait, et suspendit le
m'emmena pour être exposée au pied d'un arbre roko, com1ne on fait pour
mouvement de sa respiration ... Vite, Guda-Fligbe courut chez son père :
les morts ... Ce n'est que par hasard, grâce à cet homme-ci, que-je fus déliée.
ma femme est morte! - Mais non, elle vit encore ... Enfin, puisque tu
Il m'emmena chez lui, où je restai. Quel mal y a-t-il à cela?
es si sùr de sa mort, roule son corps dans une natte, et va, selon la coutume,
Le roi demanda alors au rival : d'où donc t'est venue l'audace d'enlever sa
la déposer sous l'arbre roko. - Guda-Fligbe invita sept ou huit jeunes gens
femme à Guda-Fligbe?
(dôkp$) à l'aider, et, ensemble, ils lièrent le corps dans une natte et prirent
Le rival parla à son tour, et dit : je ne lui ai pas enlevé sa femme. Un
la direction du roko, en criant : agooo ! agooo! sur leur passage, pour que les
jour, je passais dans la brousse. Sur le grand chemin, j'entendis crier :
passants disparussent, comme il se doit. Après quoi, les porteurs retour-
agooo ! agooo ! .. et je vis des gens qui portaient un cadavre. Je me cachai
nèrent chez eux.
pendant que le cortt:ge avançait, comme je devais le faire. Et j'allai i1 mes
Mais l'amant était caché derrière le roko. Une fois les porteurs partis, ·il
affaires. Un peu plus tard, je repassai a proximité du roko, et voici: j'enten-
tira son couteau, coupa la ficelle, déroula la natte, et délivra la femme, qui
dis des gt:missements. Comment? pensai·-jt', un mort qui geint? Je.m'appro-
le suivit jusqu'au pays de son oncle maternel, Zii-xa/11, le roi de la forêt.
chai de la natte. C'était une femme qu'on a\·ait amenée là. Elle vivait encore.
Et elle fut libre alors de devenir sa femme, ce qu'elle fit. Ce fut une bonne
Je pris mon couteau, tranchai ses liens, décousis ·la natte ... Et, comn1c je
femme, qui vendait beaucoup au marché.
n'étais pas marié, je pris cette femme pour épouse. Et elle me suivit chez
Quelque temps après, une grande famine s'abattit sur le pays de Guda-
m01.
Fligbe. Comme il y avait des vivres en abondance dans le pays de Z1t-x:Jl1t,
Le roi posa cette question à G11da-F!igbe: comment se fait-il que tn aies
G1tdtt--Fligbe décida d'y envoyer sa fille pour faire des provisions. La fille partit,
envoyé ta femme sous le roko, dans une natte, alors qu'elle était encore en
arriva au marché, le parcourut, et finit par découvrir sa mère: ah, c'est toi,
vie?
ma mère! - Veux-tu bien te taire! je vends ici des gombos, des crevettes,
Guda-Fligbe dit alors : ne m'en pariez pa~· ! Cette femme est terrible ...
du piment, du sel. .. Il ne faut jamais regarder le visage de la mort. Achète-
C'est une épouse infidèle, qui pratique l'adultère, avec toutes les maunises
moi ce que tu veux et va-t'-1.::n.
habitudes que cela comporte. Au moment où elle déclara qu'elle était
A ces mots, la fille se mit à pleura, et en perdit tout appétit. Elle \'int
malade, j'ai tout fait pour la tirer d'affaire. J'ai mêi11e été. trouver mon père,
raconter son voyage à son père : impossible! s'écria celui-ci. Mais la
qui m'affirma qu'elle n'était pas malade du tout, et qu'elle faisait des
fillette insista tellement qu'il dit : soit! au prochain marché, j'irai avec toi.
manières. Puis un beau jour, elle ferme les yeux, elle cesse de respirer ...
Au prochain marché, la fille et son père partirent ensemble. Le père por-
Comment faire? Je ne potwais tout de même pas conserver chez moi un
tait un asë acrelele et un gudaglv. Ils prirent une pirogue et louèrent des
cadavre, un squelette? .. Je n'ai pas cru mon père ...
piroguiers. Une fois parvenus sur l'autre rive, le père dit à sa fille : va
Et Gudà-Fligbe supplia Zii-xalu de lui faire remettre sa femme, afin qu'il
devant. Si tu ret.rouves ta mère, tu viendras ensuite me conduire à elle. -
pût dire à son père : voici, ce que tu m'avais dit de cette femme était bien
La fille se dirigea vers le lieu où el,lt: avait découvert sa mère la première
vrai!
LA GEOMANCIE A L' AJ'.:CIENNE CÔTE DES l~SCLAVES LES SIGNES SECONDA 1RES

Zii-x:Jlu répondit : soit. Qu'elle te soit remise. Emmène-la dans ton leva son asê. pour le piquer avec force dans le sol, mais en cassa la pointe
pays. contre la pie~re qu'il n'avait pas de.vinée. Et M<f:Jlàfi dit à ]iogbr : va, tu ne
Et il reprit sa femme, et elle monta en pirogue pour retourner au pays de sais rien. En prison !
Guda-Fligbe. Une fois chez son père, Guda-Fligbe dit : voici la femme Et on l'enferma.
qui prétendait ètre morte, et qui est toujours en vie. - Ne t'avais-je pas dit Puis MEt:J!Jfî invita YEkn-M Eji. Même scène. L'asê se rompit sur la pierre.
qu'elle te trompait? - Cette femme disait toujours qu'elle était malade. Y<ku-MEji, disqualifié, fut expédié en prison. Er ainsi dè suite,. jusqu'au
Elle a même dit qu'elle était morte ... Elle m'a trompé. Maintenant, permets- seizième signe majeur.
moi, mon père, de la faire mourir pour de bon. Or G11da-Fligbe, quoique enfant, était fort malin : il était même chef de
Il demanda à son père de faire rassembler, à coups de cloche, la popula- voleurs. Il ne faisait que voyager, sous prétexte d'interpréter le Fa, de pays
tion. Quand les gens furent là, Gnda-Fligbe prit sa femme par les pieds et en pays.
lui frappa la tête contre le sol. Puis il la coucha sur le dos, planta dans son Au moment où ces événements se déroulaient, il était précisément en
cœur un asè acrdele, et lui ouvrir le ventre. Alors il creusa, dans sa chambre, voyage. Et, au cours de ce voyage, il gagna trois coqs, trois boules d'akassa
un trou profond, où il l'enterra debout. et trois sous. Au retour, à environ six kilomètres de la ville, il rencontra
Puis il boucha le trou. Lgha qui lui demanda: tiens, Guda-Fligbe! d'où viens-tu donc? - Je
Et il installa son lit sur le trou pendant seize jours, afin de savoir si oui reviens de chez un client pour qui j'ai interprété Fa. - As-tu gagné quelque
ou non elle reviendrait à la vie une deuxième fois, pour prendre mari chose? - On m'a donné trois coqs, trois boules d'akassa et trois sous. -
ailleurs. L.gba dit : et ma part? -- Guda-Fligbe lui donna un coq, une houle d'akassa
C'est depuis ce temps-là que l'on enterre les morts, qu'autrefois on expo- et un sou. Lëgba le quitta; chacun poursuivit sa route.
sait au pied d'un roko. A quatre kilomètres de la ville, Lzgba déguisé le croisa à nouveau. Mêmes
Et c'est pourquoi Guda-Flighe a dit ': telle femme se dit morte dans la questions, mêmes réponses. Guda-Fligbe abandonna. encore un coq, une
maison du mari, qui ressuscite bientôt dans celle de son amant! boule d'akassa, un sou.
Si le Bolm1à trouve ce signe au cours d'une consultation, il doit dire à Cependant, à deux kilomètres environ de la ville, Lagba se présenta sous
so11 client que sa mort est prochaine, et lui recommander le sacrifice sui- sa première forme à Guda-Fligbe : d'où viens~tu? - De chez un client où
vant : un cabri pour L'-gba, un coq pour Gu. Si par hasard on se trouvait j'interprétais Fa. - Eh bien, MEt:Jlôfi a besoin de .toi et t'a fait plusieurs
dans un pays où Lziba est inconnu, on donnerait le cabri en aumône. fois appeler. Déjà, il a convoqué chez lui de nombreux Bobnii, qu'il a mis
en prison. Mais je vais te dire un secret : il a enterré des pierres partout
dans sa cour. Il n'y a qu'un endroit non pavé : celui où il place son siège.
2. Devise. Gwla glagla 1îo fli novitô ghl' si go nà 1m. Guda le puissant a
Quant à la femme enceinte à propos de laquelle il conrnque les devins,
détaché la corde de Gbe et des autres.
c'est une vulgaire statue de bois recouverte d'un p:1gne sous lequel il a
Légende. M•t:Jlàfi, voulant mettre ù l'épreuve les Bokauii de la ville, fit
dissimulé un pigeon vivant. Lorsque M~t:Jlôfi t'appdlera, apporte ton asè
sculpter une statue de bois à l'effigie d'une femme enceinte, et fit paver de
acrelele, et n'aie pas peur de l'aller planter lé plus près f>OSsible de son
larges pierres toute la surface de sa cour. Il coucha la stanie dans son n·s-
siège, entre ses pieds même. Lorsqu'il sera planté, tu diras à Mat:Jlôfi : tu
tibule, la recouvrit d'un pagne, et introduisit sous ce pagne un pigeon ,·ivant
n'es qu'un perturbateur! m. as fait faire une femme de bois, couverte d'un
dom les mouveinents donnèrent à la statue l'apparence. de la ,·ie. Puis
pagne pour tromper les gens. Si ma famille a mal agi envers toi, mieux
il fit recouvrir de sable les pierres de la cour.
vaudrait le dire carrement, plutôt que d'emprisonner mes parents un à un,
Il invita alors ]iogbe et lui dit: voici, ma femme est enceinte, et va bien-
en usant de telles ruses. Et pourquoi avoir enterré des pierres partout, en
tôt accoucher. Je t'ai appelé pour l~lider dans ses couches. -- Jiogbe répon-
cette cour? Tout cela n'est que pour tromper les gens!
dit : c'est bien, je vais d'abord .:hercher mon asè acrelelr. - Puis il l"l'\'Înt,
Guda-Flir;f>e suivit ;'t la lettre !es. conseils de hgba. Et, lorsqu'il eut répété
...,

LES SIGNES SECONDAIRES


LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES
porte : où est l'objet que tu devais me ramener? - Gu remit l'objet. Fa le
c~s paroles à Mst:J!ofi, celui-ci s'écria : qu'est-ce <]Ue tu me chantes-là ? - Je
remercia et lui dit : maintenant, va-t-en avec cette femme.
dis la vérité, répartit l'autre. - Qui t'a révélé tout cela? - Fa! - Et
C'est ainsi qu'ils se séparèrent, et que Gu et Di partirent ensemble.
p~urquoi donc fa n'en a-t-il pas dit autant aux autres? - Ils avaient peur
de toi, répondit Guda-F!igbe. . C'est à cause de Guda-Di que Fa refuse l'huile blanche de palmistes, adï-
Alors lltlst:J!ofi eut honte. Et il ordonna la libération des captifs.
1111.
C'est ainsi que Guda-Fligbe réussit à libérer tous ses parents.
Voilà pourquoi, jusqu'à nos jours, on le considère comme un du très
GuoA-KA '.
important, qui tire d'embarras çeux qui le troilVent.
1 1 r
GUD,\·Dl. 1 1

1 1 1
1 1 1 1 1 1
1 1 1
1 1 1
Devise.
1 1 1
Koklo 1/(J /,â ~1îb, ho 11iJ k11 a. La poule gratte dans le tas d'ordures et n'en
Légrnde. meurt pas.
Le Frwi a couru un danger, mais ne risque plus rien,
A Cètte époque, F.1 avait pour récadèrcs Gu et L!gba .. Et il ét:iit m:irié à
Di (ou Adi).
Guo A-La~.
Un jour, il envoya Gu et Di chercher quelque chose chez un ami. L"ami
( G11da-gbo-üh).
habitait à quinze jours de marche de chez Fa, dans le pays d'Ay:J. Et ils se
mirent en route.
1 1
La nuit venue, F.1, resté chez lui, prie le, miroir qui lui permettait de
1 1
voir à distance, et observa les deux voyageurs. fi les suivit ainsi toutes les
1 1 1
n~i~~· pe1~dant quinze nuits,et sut qu'ils étaient arrivés à bon port le 1 1 1
se1z1e111e iour. Comme ils prenaient la route du retour, Fa les observa
encore d.ms son miroir. Et, chaque nuit, il voyait son messager et sa
femme couchés, lui d'un côté, elle d'un autre. Devise.
Un soir, - ils n'étaient plus qn'à une journée de marche de la maison
Loko lmj:J, Ava lmj:J. Loko et Ava - plante grimpante atteignent
du maître, - F.1 prit son miroir, et les vit ... couchés ensemble.
ensemble le stade contemplatif de la vieillesse, sans se faire de mal.
Fa souffrit cruellement de cette double infidélité : j'ai envové mon réca-
Le Favi vieillira tranquillement.
d~re de confiance et ma femme faire un voyage de trente jo.urs. Pendant
vmgt-neuf jours, il ne s'est rien passé, et il a fallu qu'au dernier soir ils me
1. Cf. s11pr.1, devise de Gud.1-Sa, chap. \'l, p. 25ï·
trahissent!
Le lendemain, les coupables rentrèrent. Gu salua Fa en entrant : inlu, b:J~,
b:Jc;, ! - Fa répondit : tu as agi en bon mess:1ger à l'aller, mais tu as mal
agi au retour, et, dans les dernières heures, tu m'as offensé ... Mais n'im-
T.A GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES F.SCLAYES LFS SIGNES SECONDAIRES

Bvk'JllÔ Ydwcidi'Jg'-'Jg'- ( Ydw-s'agite-sans-fin-comme-le-ver-du-cadavre) a inter-


SÉRIE SA.
prété Fa aux vers (qui mangent le poisson pourri).
SA-Wou 1
• Les poissons et les vers étaient amis. Un jour, ils allèrent ensemble se
(,dsa-0/i Y, cuisse coupée). promener. Lsgba passait justement dans les mêmes parages, coiffé d'un
bonnet bicolore, mi-blanc, mi-rouge. Comme Lsgba s'approchait, poissons
! 1 1 et vers s'écartèrent pour lui céder le passage. Et Lsgba passa entre eux. Or
1 1 les poissons, qui se trouvaient à gauche, constatèrent que le bonnet de
r 1 Lsgba était blanc. Et les vers, qui se trouvaient à droite, remarquèrent qu'il
1 1 1 était rouge.
Après le passage de Lsgba, les poissons demandèrent aux vers : avez-
Devise. vous hien remarqué quelle jolie coiffure blanche Lsgba portait aujou:·d'hui?
- Et les vers de répondre : vous autres, vous ne savez pas regarder. La
Xa Airn-tô t1ît1i we na de asa Awo. Le couteau d'Awo I= de fVoli] lui-
coiffure était rouge. - Alors commença une dispute ...
même coupera la cuisse d' Awo. (rVoli est assimilé au x!a.) 2
Or ces amis tenaient, en guise de bâtons de promenade, des manches de
Sacrifice correspondant : un couteau, une po"ule, une calebasse sans cou-
houes. Et ils commencèrent à s'en donner sur la tête,
vercle et de l'huile. Avec le couteau, Je devin tranche une patte de là poule
T.sgba, cause de tout ce tumulte, se retourna au bruit, et accourut pour
vivante et l'introduit dans la calebasse. Il y ajoute de l'huile, puis le ye. où
les calmer. Mais les vers 1 qui avaient été bien frappés, assurèrent aux pois-
le signe Sa-TVoli a été inscrit. La calebasse est exposée sur le chemin,, afin
sons que l'on ne s'en tiendrait pas là : vous verrez, ce n'e,st pas fini .. , etc ..
de propitier celui-ci.
Aussi, après cette bagarre, les poissons en appelèrent-ils au de\·in Egtile-
SA-DI. !el.·o : comment faire pour nous sauver de la menace des vers? - Yeku-Di
( Sn-ji). apparut. Un sacrifice fut exigé : seize poules noires et seize fois deux mille
cauris. Le~ poissons ~:~xclamèrent : où trouver ces poules et tous ces cauris?
1 1 Un tel sacrifice est au-dessus de nos forces! - (Entre nous, ils se méfiaient
1 1 du pr~tre, qu'ils soupçonnaient de vouloir tout bâfrer).
1 1 Les vers, Je leur côté, consultèrent Y<.kucidi'Jge.'Jge. : sous quel signe nous
1 trouverons-nous pour prendre notre revanche sur les poissons? - Même
signe. Sacrifice : seize poules noires, seize fois cinquante centimes, seize
Devise (sans relation avec la légende qui suit). boules d'akassa, seize bouteilles d'huile de palme, seize bouteilles d'alcool.
Et le sacrifice fut fait.
Ntî lmku iio 1îi asa-ji. La chose qui est morte f=c-o le cadavre J dresse les
Quelques jours après, une nouvelle querelle éclata entre les poissons et
jambes en l'air.
les \'ers. Les vers, qui n'avaient cessé de s'y préparer depuis la première
Menace de mort pour le Fm•i ou sa famille.
alerte, battirent à plate couture les poissons, et, avec le secours de Le.gba,
Légende. (Porto-Novo.) les oc cirent.
Alors les ve1"'; se mirent à nunger les poissons ...
Le Bokano Eg17leielw (nom d'un rapace) a interprété Fa aux poissons; le

1. Cf. légende de œ signe, rnpm, première partie, ch;q1 rr, p. 39; :iutno. dl'Yisl', chap. YI,
p. 259.
2. Cf. Stlf'l"I/, deuxième· partie, chap. Il,. p ..nt!.
LES SIGNES SECONDAIRES
652 LA GEOMANCIE A r.' ANCIENNE CÔTE DES ESCLA \'FS
derrière lui : blublublu .. f Et il· se dit : qu'est-ce donc qui me suit avec ce
SA-WÈLs. bruit? Est-ce cette petite calebasse qui résonne si fort? - Mais il ne tourna
1 1 1 1 pas la tête, et fit le tour du monde. . ,
Alors seulement, il se retourna: là ou la calebasse avait passe, partout la
1 1 1
terre s'était largement ouverte. Tandis que les autres vod'.î a~aient creusé
1 1
des rivières ordinaires, lui, Dii, avait creusé l'océan, qm fait le tour des
1 1
terres.
Le dix-septième jour, les vodii vinrent rendre co~n~~e. à MaU:u du résul-
Légende'.
tat de leurs efforts : moi, j'ai creusé Kujo ! - Moi, J ;11 creuse .Mônô !
Mawu créa la Terre, et la recouvrit d'eau. Et il dit à tous ses enfants de Moi, j'ai creusé He!.. . .., . ,
faire leur possible pour évacuer cette eau en seize jours. Celui qui réussirait Dii Ayidohw:.do se présenta après tous les autres, et dit: m01, J at creuse
commanderait la Terre. l'océan. .
Et tous les vodû se mirent a creuser des canaux pour faire disparaître Mawu envoya chercher des femmes, de l'argent, des présents, et les dis-
l'eau : l'un creusa Kujo, les autres Lèhwê, Mônô, Làû, Ava, W;J . ., qui tribua aux vodü. Et tous se réjouirent.
sont aujourd'hui des rivières. , E t a· D'a, qm· avait découvert les terres et chassé . l'eau, li1awu donna • une
Da Ayidohw~do, qui était l'ami de Fa, alla trouver celui-ci : Fa, mon femme sale, à cheveux roux, petite, contrefaite, et de peau blanchatre. Et
frère, il y a un travail pénible que Mawu nous a commandé de faire. Moi, tous les vodù se moquèrent de Dii, qui en fut bien marri.
je n'ai ni pieds ni mains : comment ferai-je pour m'acquitter <le ma tâche ? Il ignorait que cette femme fût l'enfant de Mawu.. . .
- Fa prit son kp:Jli, consulta, trouva Sa-Wêle, et dit : procure-toi une Il alla consulter Fa : voici, tu sais tout le mal que 1e me suis donne pour
calebasse ad:Jgo, deux cent cinq de mes feuilles, deux cent cinq colas rouges, exécuter ton sacrifice et tes prescriptions. J'ai desséché les terres et creusé
deux cent cinq colas blanches, deux cent cinq poivres atakù, deux cent cinq l'océan. Et mes frères, qui n'ont creusé que des rivières, ont été comblés par
poulets, deux cent cinq cabris, des pagnes noirs, rouges, blancs, bleus, du notre pere, ' e t moi 1·e n'ai recu , de lui qu'une femme. impossible
, . ... - 1 Fa,
fil noir et blanc. répondit : consultons encore. - Ayidohw:.do ~ép~ndtt : a qu01 bon. ou
Dà se procura tout et revint trouver Fa, qui prit l' ad:Jgo et fit le sacrifice : trouverai· 1e· l' arg. e n t pour le sac 1·1"fice ·~ - Fa ms1sta,, _consulta, et trouva
il prit deux cent cinq poils de cabri, deux cent cinq plumes, deux cent cinq r,ve-1 Et le siane demanda le même sacntice, et de plus un
encore S a-"' s. "'
morceaux de colas, etc., qu'il intrnduisit dans la calebasse, et deux cent .us1· l, d u p1om b, de h, poudre · Dà devait pétrir la poudre avec de la.
!
cinq morceaux d'étoffe déchirée qu'il fixa au col de la calebasse. Et il mêla terre de barre pour préparer un taovi, y ajouter le plomb, m_ettre '.e .fu~1l
ensemble les fils blancs et noirs pour en tresser une corde, qu'il attacha au dans la corbeille du sacrifice, et abandonner le tout sur le chemm. Da repeta
cou d'ad:Jgo. qu'il n'avait pas les moyens de faire cette dépense nouvelle. Fa ,demanda
Puis il dit à Da de passer le. fil auwur de son cou, de façon que la cale- pourquoi· 1·1 n ·ava1't 1pas encore fait entrer la. femme. . .sa maison. Dà
_dans
basse tçimbât derrière le vodù. Et il lui prescrivit de se mettre en route, et '· ·
s ecna : y penses- . tu~ Si tu h vovais tu vomirais! - Fa 111s1sta. Et, sur ces
, J ,

de faire le tour de la terre (Ir:. h do gbe) en laissant la calebasse flotter sur entrefaites, la femive appela son mari. Fa dit à Dà: il faut y ~!1er. C'es~ toi~
l'eau èomme une pirogue, mais sans se retourner dans sa marche, sans jamais père qui te l'a Jonnée, rn ne dois p.ts l'oublier. fv!a~u t'a di~ que celm qui
regarder derrière lui. Il fallait partir dès le second chant du coq et marcher assécherait la terre en deviendrait le maître. Et 11 ta donne cette femme.
jusqu'au soir, et du soir, à nouveau, jusqu'au second chant du coq. (Il n'y ·1 f · Et Da alla demander à sa femme : que me veux-tu ? -
N e a re use pa~. -
avait pas de soleil en ce temps). Il aurait alors fini son tour du monde. Qu'est-ce que le Bvbno qui est là te disait? demanda la femme.
Et Da se mit en route, tirant la calebasse, et entendit un bruit sourd Pourquoi me demandes-tu cela?
1. Donnée par Gedegbe. - Réponds-moi.
LES· SIGNES SECONDAIRES 655
654 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE COTE DES ESCLAVES
Et les chasseurs virent Dà, au milieu des chants et des louanges, dans un
Il m'a demandé deux cent cinq colas rouges, auunr de blanches, ·amant
éblouissement de lumière. Et les chasseurs dirent : ce n'est pas Dii. qui
de poulets, de cabris, de pagnes, que sais-je encore ... Et je n'ai pas les passe, mais le cortège de la Vie même (Maw11). - Et ils n'osèrent pas
moyens d'acheter tout cela.
tirer. Et Dà passa son cherni n.
- Er c'est cela qui te gêne? Il n'y a pas de quoi! Derrière. lui, les 'uodii se pressaient pour voir si leur frère était mort. Et
- Que veux-tu dire? ils marchaien.t à pas de loup, car ils avaient peur. Les chasseurs les virent
- Ce n'est rien. H.etourne·toi un instant. approcher, et crurent que Dà venait, et tirèrent. .. Gbaa I Gbaa ! .. Les
Et Dâ lui tourna le dos.
survivants prntesthem et crièrent: vous n'avez pas reconnu Dâ ! Vous
Et la femme se mit à sitHer, de plus en plus fort: Et un arand vent se
leva vers l'est. Et uil autre grand vent se leva vers l'ouest~ et ces deux
avez laissé passer Dâ !
Et c'est ainsi que Dit eut la vie sauve. Et il s'éleva vers le ciel avec son
grands vents arrivèrent entre Dâ et sa femme. Au même moment, des épouse la Lune. Et tous deux commandèrent la terre, après l'avoir sauvée.
millions· d'êtres vivants apparurent; des êtres humains, des animaux, des
plantes se dressèrent. Et tout.le monde vivant fut créé. Celui qui a trouvé ce signe recevra de son père une femme disgracieuse,
Et la femme de Dà devint soudain d'une éclatante beaut~. qui lui apportera la richesse s'il accomplit les sacrifices voulus. S'il ne les
Et Dà comprit la valeur du présent de son père, et leva son reaard vers le fait pas, il risque d'être tué à cause d'elle.
ciel. t->

Soudain, nul ne put contempler davantage Dâ ni sa femme : tous deux


étaient devenus éblouissants comme l'or illuminé. SA-AKLÀ.
Et Dâ voulut donner sur l'heure un grand nom à s~i femme. Il offrit le
sacrifice 'demande par fa en le doublant, et nomma son épouse Nô Dâmi ou 1 1 1 1
~id~. Dâ~û, qui évoque sa surprise de cette subite accession à la gloi:e. 1

1 1 1

Et lui-meme se donna le grand nom de Hwedohiuâ, Soleil-à-midi (Jrû,~à Y). \ 1 1


. Les autres 11odii furent bien surpris : ou a donné Sù (la Lune), première i 1
hlle de Mawu, à Dà, son premier fils ! ---"' Et ils décidèrent de tuer Dà
pour lui prendre cette femme. Fa avait déjà accompli le second sacrifice.
, Et le_s v~dit all~rent chercher des chasseurs, et les mirent à l'affût près de Devises.
1endroit ou devaient passer Dâ et sa femme. Et ils leur direiir de tuer Dà
r. Sakà, nn ma (pour mi na) di cya. Préparez-\·ous, nous allons en terrer
dès qu'il~. l:ap_ercevraient. Et Dà approcha de l'embuscade. Un grand tam-
tam le precedatt, et une nombreuse escorte chantait les louanges de son épouse: le cadavre.
Signe de très mauvais augure pour le fàvi ou sa famille : il annonce un
Nô Dâmi sui deuil très proche. Le Bobno chante aussitôt une chanson de deuil, fait venir
Nô Dâmi sui la mère du Favi, installe sur son dos un jeune cabri, à l'aide d'un pagne,
Xwedohwâ ! comme il .ferait d'un enfant. Puis il immole l'animal.
Gb'- nu badabada de i;u eaI
2. Sa syè syè, Aklà sye syê; 1/ànu s~ ay~ yi kpe :;_o da IJ1i. Sa est très fort,
Époux de Nô Dàmi !
Aklà est tr~s fort; [ils sont l comme la femme qui [accroupie près du foyer
Xwedohwà !
pour faire la cuisineJ approche sa vuh-e du feu.
Rien au monde n'est plus inconnaissable que toi!
Le sigm: est fort, ie Favi est fort : on verra dans la suite qui des deux
. ... /;J d1i mi
1. N11 · · · v-11-1!/.I,· excrement
. ·· .:ette '-·hosc nie d'ep.1sse. ' de Da,
· se.prononce avec de's l'emportera. Ce défi constitue une dangereuse menace.
1u11s d1ikr..:nts; tl y a puurtant j..:u dt.: rnuts.
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SIGNES SECONDAIRES

je rencontre chaque fois le propri~taire. - Et Klii demanda conseil à Logozo.


SA-TULA.
Logoz.o consulta, trouva le signe Ka-Klâ, et prescrivit. un sacrifice com-
prenant : une pierre de tonnerre (;okpê), du coton (avJ!.ûf1i), une jarre
1 1 1
d'huile de palme, un poulet, un cabri et 5 francs 50. Mais Klà, qui n'était
1 1 1
pas riche, négligea de faire son sacrifice.
1 1
Un peu plus tard, l'enfant de Léopard (KpJ), souffrant de la faim, alla
1 1
~rom.rer Logozo et lui demanda un remède contre son mal. Et Logozo trouva
de nouveau Ka-Klà, et prescrivit comme sacrifice : un Klà, une calebasse
Légende.
et 5 francs 50. Aussitôt, KpJ grimpa sur un arbre, s'empara du malheu-
Lgba voudrait une certaine femme, et Fa lui a défendu de l'épouser. reux Klâ qui s'y trouvait, et le sacrifice fut consommé ! La chair de Klâ fut
L:.gba dit à Fa : pre11cls ton !~pJli et demande sous-quel signe je me trou- donnée comme nourriture à KpJ, qui guérit aussitôt de sa faim.
verai pour épouser cette femme, car je l'aime beaucoup. C'est depuis ce jour que KpJ sait que le sang et la chair des animaux sont
Fa prit son kpJli et fouilla. Il trouva Sa-Tula, qui demanda en sacrifice nourrissants; et voilà comment Logoz..o est devenu le grand devin des ani-
une poule, un cabri, une jarre wèhgba. Mais L~gba ne fit pas le sacrifice. Il maux.
coucha avec la femme et attrap:t une sale maladie. Et voici qu'il circula
dans le pays en montrant sa verge à tout le monde : regardez-moi ça! j'ai
SÉRIE TULA.
attrapé une sale maladie avec la femme que j'aimais, et ma verge est
devenue immense! TuLA-GBE.
C'est pourquoi les effigies de L;gba le montrent dans cette éternelle érec-
tion. C'est pourquoi il régit encore l'organe masculin. Autres noms : Tula-do-Logbe : Tula fait des embarras ; Tula-bo-Gbe
parole des amulettes de Tula; Tula-eli-b (Y) : Tula, la tête refuse.

SÉRIE KA. 1

1 1
KA-KLÀ. 1

1
1 1 1 1
1 1 1 1 Devises.
1 1 1
r.. Tula-do-Logbe ! .. bo h: az.à kpe a::._â do 11u xw; jotzô tJ nii 1îçi lw!do hu do
1 1 1
dakpo uwa az..à kpe. Tula fait des embarras! .. et il dit : celui qui a pris
Légende. rendez-vous avec un visiteur ne se met pas à poursuivre un poulet et à le
tirer à l'arc au jour même [de la rencontre J. On n'attend pas que l'hôte
C'est à cause de Ka-Klà que (la tortue) Logoz.o est considérée comme le soit arrivé pour préparer son repas '.
devin des animaux, et voici pourquoi. Le bien et le mal menacent le Favi. Il fera un sacrifice pour éloigner le
Un jour Logoz.o, portant son sac sur le dos, se promenant à travers champs, mal : un arc, une flèche et un poulet.
rencontra Klâ, le singe à pelage roux. Et Klâ confia ses malheurs à Logozo:
c'est surtout lorsque je veux satisfaire ma faim que la chance m'est con-
1. Cvmp. F. AUPIAIS, lvr. cit., p. 54 : cc Si l'on se rend à nnc invitation un jour convenu,
traire, car, dans tous les champs ou je m'introduis, en quête de nourriture, on ne trouvera pas de la viande crue».
Institut d'Etb11ologie. - Bernar-l MAUPOIL. 42
LA GEOMANCIE :<\ L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SlGN.ES SECONDAIRES

Tula colo De (Y)! M$ e 11a nu gege t1H le J, mà jE e no mo gege, b2 ene.


2. saht que Mort. E't, à partir de ce moment, les gens cessèrent, en passant
Tula-colo-De ! Nu 11a 111~ fJ, jJ, nô su do a. Tula fait du bien à Gbe ! Celui devant la maison de Mort, de saluer le père et ~es trois enfants, Maladie,
qui a beaucoup donné recevra beaucoup. Tula-cola-De! Celui qui donne à Migraine et Fièvre. Au contraire, ils commencèrent à 'saluer Tula. Et ht
_autrui, ce métier ne se cc gâtera» jamais '. réputation de Tula de se répandre par tout le pays. Chacun répétait : il y a
Le Favi doit faire de nombreuses aumônes et se montrer genéreux, afin dans la ville un roi plus puissant que Mort même, et ceux que Mort veut
de s'enrichir. 'tuer pour les manger, Tula, d;rns sa puissance, sait les lui arracher ...
Alors les partisans de Mort allèrent trouver leur maître : comment? voici
3. Zë gba aku mô no dJ tJ hw:.. Tula-co-Logbe ! La jarre cassée sans eau
que dans cette ville existe un chef plus puissant que toi ? Et tu ne· trouves
[ = sans avoir été jusqu'au puits] ne saurait être citée en justice. T11/a-co-
plus rien à manger? - Mort dit : plaît-il? Est-ce donc pour me berner que
Logb, ! Elle n'est pas responsable 2.
cet étranger est venu ici ? Je vais l'expulser sans délai. ·-Et il fit pour cela
Le Favi passera, lui aussi, pour irresponsable.
les préparatifa nécessaires. Mais Tula savait d'avance que Mort ne pouvait
rien contre lui, car il avait tout vu dans sa cqnsultation, avant de venir
Légende.
s'installer au pays de Mort.
Ku (<lieu de la mort) est le messager <le Dieu. Il se montre sous l'appa- Mort envoya chercher .Tula et lui dit : n'est-ce pas toi l'étranger arrivé
rence d'un squelette <l'homme, et ne dort jamais. Il a eu trois enfants : l'autre jour en ma ville, et qui vint alors me saluer? .. C'est donc toi qui
Maladie (Azô). est son fils aîné, Migraine (Tad11) est le second, Fièvre me prives de repos, qui me prends ma nourriture, ainsi que celle de mes
(AvnVJ) le troisième. enfants, Maladio. Migraine et Fièvre? Je ne veux pas te créer d'ennuis. Ni
C'est Fa, par l'intermédiaire du signe Tnla-do-Logbc, qui découvrit le même t'expulser. Le mieux me paraît être de nouer amitié avec toi. - Tula
secret de Mort. Et voici comment. s'exclama : comment, toi ? Un si grand roi, nou~r amitié avec un petit
Tula est fils <le Fa. Et Mort faisait en ce temps de grands ravages. Tula comme moi? Ce n'est pas possible! - Mort riposta : eh bien, pour que tu
dit à son père : qui donç ira faire un tour chez Mort, pour voir ce qui se en sois convaincu, je vais te recevoir tout de suite, au vu de tou;;. Tu vas
passe chez lui? - Or, <levant la maison de Mort, il y a un chemin qui passer la journée avec moi. - Et Mort de faire tuer poulets, cabris, din-
mène au bord de l'eau i. Tous ceux qui passent par ce chemin, en arrivant dons, poissons, etc.. Et de banqueter avec Tula. Et Mort annonça-, au début
devant la maison de Mort, disent avec un grand respect : je te salue, ô du repas : tu ne rentreras pas chez toi. Notre amitié commence. Reste chez
Mort! Je te salue, Maladie! Je te salue Migraine ' Je te salue, Fièvre! - moi cette nuit et dors sous mon toit. - Et, comme Tula acceptait, Mort prit
Fa dit à Tula: n'y va pas. Tu seras inquiété par Mort. Mais T11la répondit: à part ses enfants : voici, j'ai tendu un piège à Tula et il y est tombé.
j'irai quand même. Interprète-moi le Fa et voyons sous quel signe j'entre- Qu'allons-nous lui faire ?
prends ce voyage. L'un dit: il n'y a qu'à le tuer!
Fa consulta pour son fils, et trouva le signe T1ûa-do-Lvgbe. Tula partit, Le second dit : ... l'écraser!
rencontra Mort, salua, et dit : me voici sur ton territoire. J'ai l'intention de Et le troisième : ... le piler! _
m'y installer un moment. - Et Tula s'installa dans le pays. Mais Tula savait bien qu'on ne pouvait rien contre lui.
Or, avant de pàrv:enir chez Mort, Tula était un roi plus puissant que La nuit tomba.
Mort. Il s'installa dam une maison en face celle de Mort. Et le voilà qui Mort se dirigea avec deux dt: ses enfants, - qui lui tenaient les yeux
commença à sauver les gens : quand Mort voulait tuer quelqu'un, Tula ouverts, afin qu'il pût voir, - vers Tula. Fièvre et Migraine soulevaient
lui rendait la vie. Si bien que tous reconnur~nt en Tula un roi plus puis- les cils et les paupières qui tombaient sur ses yeux. Ils portaient des bâtons.
- I.C:Jmf'· F. AuP1Ms, ib., p. 54 : «Celui qui Jonuè beaucoup recevra beaucoup''· Mort demanda â Tula : où vas-tu passer la nuit? - Tula: mais, ici, à-i'en-
2. Camp. F. AuPIAIS, ib., p. 54 .; «C'est le coi' de la jarre qui ca'sse la jarre». droit que tu m'as indiqué. - Mort approuva : très bien !
3. Il' s'agit de la mer, Kutom•, ·pays de Ru. Alors, pendant la nuit, le malin Tula roula ·son pagne à wn in1'age et le
660 LA GF.OMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SIGNES SECONDAIRES 661

coucha sur sa natte. Lui-même grimpa au plafond où il sïnstalla. Au bout Il ne faut plus servir Migraine!
d'un certain temps, Mort entra sans bruit, avec un grand bâton, et se mit Il ne faut plus servir Fièvre 1
à bâtonner le pagne de toutes ses forces, croyant rompre le~ os de Tula. Et Il faut toujours servir Fa 1
Tula le regardait, du haut du plafond.
Au point du jour, Mort roula ensemble natte et pagne, pour aller les Les passants demandèrent : Ttûa, es-tu là ? - Bien sîir ! - répondit
brûler. C'est de ce jour que date l'usage de brûler les nattes et les pagnes de Tula. Et les enfants de Mort, en entendant sa voix, coururent chez leur
ceux qui ·sont morts 1 • père : hélas! notre homme vit encore! - Impossible! je l'ai jeté à l'eau
Le matin, Tula étala son Fa, consulta sur le ràtE. Ceux qui passaient cette nuit. - Mais non, il est bien là. Va voir.
1

devant chez lui demandaient : Tula est-il là? ~ Et lui de répondre : oui. Et Mort s'a pprocha à nouveau de Tula et l'âppela : Tula? - Oui, je
Moi, le Fa Jaxa-Jigi, le fort, je suis ici! - Et les enfants de Mort apprirent suis ici. - Comment ? Mais où donc es-tu allé te coucher cette nuit?
que Fa était encore en vie. Ils accoururent chez leur père : tu sais : ïl vit - J'étais assis sur la meule, et je t'ai vu, de là-haut ramasser les nattes ...
encore ! - Impossible! protest<t Mort. C'est moi-même qui l'ai écrasé, pilé, Un moment après, Tula vint rendre sa visite à Mort, et lui dit : je suis
brûlé avec toutes ses nattes. Ce n'est pas lui qui peut maintenant parler. - très content de toi. Je voudrais passer près <le toi toute ma vie. - Mort
Mais les enfants insistèrent : hé non, tu ne lui as rien fait! Il vit encore! de renchérir : moi aussi, je me réjouis de t'avoir comme ami. - Alors,
- Il faut, dit Mort, que j'y aille voir moi-même. Tula : voici, pour que je puisse vivre vraiment en paix avec toi, il faut que
Mort se rendit chez Tula: Tula es-tu là? - Je suis ici en bonne santé. Et tu me dises tes lois, tes interdits ... - Mort hésita, puis répondit : broyer

toi, t'es-tu bien éveillé? - Comment? Mais où donc étais-:tu, la nuit der- dans de l'eau des feuilles de desresige, xisixisi, b, et asperger la maison
nière? - Hé bien, mais j'étais à te regarder. Je t'ai vu porter de rudes avec cette eau· : voilà une chose que je n'aime pas. Et encore ceci : les
coups de bâton à mon pagne, brûler mes nattes, que sais-je encore ! - jeunes rame:i.ux du Fade. Partout où l'on dispose ces rameaux de l'arbre de
C'est bon, interrompit Mort confus. Allons à table. Tout est déjà prêt. - Fa, je ne puis plus passer. - Tula demanda : est-ce tout? Je garderai ton
Et le défilé des mets recommença, comme la veille. secret.
Et, de nouveau, la nuit tomba. Trois jours après, Tula retourna voir Mort : je ne suis plus bien ici. Je
Mort demanda encore : Tula, où passeras-tu la nuit, cette fois? - Là- vais rentrer chez moi. - Quoi? Retourner chez toi ?.. Trahison!.. 0 m'es
bas, à côté de tes meules de pierre ... - Entendu! enfants 1 tuez-le à coups de bâtons, tout de suite 1..
La nuit tombée, Tula roula encore son pagne à son image, sur la natte, Et, à quatre, ils pourchassèrent Tula avec leurs bâtons.
et fut s'asseoir sur la meule. Quand la ville fut endormie, Mort se leva,' Tula, courant de toute sa vitesse devant eux, arriva au bord d'une
et, sans bruit, se rendit auprès de la meule. Et de rassembler pagne et rivière. Aussitôt, il se changea en trois pierres. Mort et ses enfants s'éton-
natte, de bâtonner énergiquement le tout, et de ricaner : cette fois, je vais nèrent : ou donc est-il passé? Maladie s'écria : si jamais je l'aperçois, je
le jeter à l'eau. - Et d'aller vers la lagune, où il jeta le tout dans l'eau. prends cette pierre que voici, et la lui jette à: la figure. - Migraine dit :
Puis Mort retourna auprès <le ses enfants, et leur dit : cette fois-ci, c'est moi, si je le vois détaler, je prends cette pierré-ci et la lui jette à la nuque.
fait! - C'est depuis cette époque qu'après la mort de quelqu'un, on roule - Fièvre ajouta : s'il se montre à moi, je lui jette cette pierre et lui casse
sa natte et ori la jette. la tête. - Ce <lisant, chacun lança sa pierre de l'autre 'côté de l'eau. Et les
Au lever du soleil, Tula recommença à frapper son Fats, scandant une trois pierres redevinrent Tula, et Tula éleva ses bras en s'écriant : me voici
chanson matinale/: en bonne sant~ ! Je vous avais-bien dit que vous.ne pouviez rien contre moi.
Aussitôt, Mort et ses enfants traversèrent le cours d'eau et. reprirent la
Il ne faut plus servir Mort!
poursuite.
Il ne faut plus servir Maladie 1
Et Tula arriva au bord d'une seconde rivière. Vite, il se changea en trois
r. Mô Sf[J (Gü) : brùkr les effets et le mobilier du défunt. Do cyJ 11u zo (F): même sens. bûches. Mort et ses enfants cherchèrent Tula au bord de l'eau : où donc
662 LA GEOMANCIE J\ L'ANCIENNE CÔTH DES ESCLAVES LES SIGNES SECONDAIRES

est-il encore? Maladie s'écria : le bâton que j'ai en mains est trop petit. Si
je vois Tula, c'est ce gros bâton que voici que je lui jetterai. - Et de jeter Légendes.
_le bâton sur l'autre rive du fleuve. Migraine dit : moi aussi, je lui lancerai
r. Devise. Asu nu kih na di àsi wu;
ce bâton, qui ne manquera pas de l'atteindre. - Et de lancer le deuxième
asi nu kih na di asu wu.
bâton. Fièvre dit : moi, je l'assommerai avec cette bûche, et il tombera
Vodü iia b, ma 1/lE XJ;
mort. - Et les trois bâtons, une fois de l'autre côté de la rivière, redevinrent
asi da Msâ, ma sa, ma sa !
Tula. Et Tula se gaussa de ses poursuivants, et reprit sa course.
Tout courant, Tula arriva chez son père, et lui cria : vite! broie des La parole du mari produit son effet en sa femme;
herbes desresigs, xisixisi, ba ! Vite, asperge la maison avec l'eau de ces herbes. la parole de l'épouse produit son effet en son époux.
Et jette des rameaux de Fa sur le chemin. Vite, je suis poursuivi par Mort Le vod1I f..l pétri la terre d.e barre m~iis la maison n'est pas élen~e ;
et les enfants de Mort. l'épouse a préparé de l'akassa et ne l'a pas vendu !
Chacun se hâta, et Mort, arrivé devant le portail de Fa avec ses enfants,
ne put pénétrer. Alors Mort mit son index entre ses dents : Tula m'a joué
Légende. Vodù Loko avait une femme-au teim rouge, nommée Xôf:i, et qui
un mauv.Us tour. Il m'a .volé mon secret et s'est enfui ...
portait un tatouage pointillé aux épaules, comme toute vüdiisi de Loko. La
C'est pourquoi, lorsque quelqu'un est gravement malad·e, on broie dans
barrière de la case du vodü étant démolie, tous les passants pouvaient Yoir
l'eau des feuilles desresigt., xisixisi, b:i, et on le baigne dans cette eau. Et.!' on
dans sa maison. Loko et sa famme tinrent conseil, et décidèrent d'élever
dispose, sur les chemins d'accès, des rameaux de Fa. Quelquefois même,
une muraille. Ils fixèrent un joui: pour le commencement des travaux. Ce_
on ceint qe ces rameaux la jarre où se trouve l'eau des feuilles broyées.
devait être le septième jour.
Le septième jour arriva. Loko convoqua tous ses amis. Mais il n'appela
pas Xwioso, car Xwioso était un trop grand chef pour qu'il plit l'inviter à
SÉRIE U::TE. pétrir de la terre pour lui.
Et ses amis commencèrent à travailler. Tous les vodü élevèrent une
muraille, par assises successives Tout en travaillant, ils prononçaient des
1

Autres noms : Lsta-Igbe,.pour Lsts-Ogbe-mi: LstE, soutiens..: moi; Letë-bo- paroles choisies, souhaitant que le mur ne tombât jamais.
Gbe : la parole des amulettes de Lsti. ; Ih.-la-yi-Gbe (YF) : le jour ou l'on a Lorsque la muraille atteignit la hauteur de six assises de terre, ils s'arrê-
été sur la tête- de la terre. tèrent pour se reposer, et s'assirent pour manger.
Les amis dirent alors à Loko : comment se fait-il, depuis que nous tra-
1
vaillons ici pour toi, que ta femme n'ait pas une fois songé à venir nous
1
souhaiter courage? 2 Et, depuis le matin, elle ne s'occupe qu'à préparer de
1 1
l'akassa. Or, le travail que nous faisons ici, c'est bien elle qui ·en profitera!
1
Loko, entendant ces paroles, fut très mécontent de sa femme.
Or Loko avait trois chiens, et trois aklasu. Il tua trois poulets, en leur
$oQs Lefa-Gbe sont venus au monde le Loko sacré, les aida.ru et les
fendant le ventre en long, et retira leurs entrailles. Puis il appela ses trois
escargots.

Devise. (Sans rapport a\'ec les légendes qui suivent). 1. La première assise se nomme agli hwe do do: le mur qui part du trou; la seconde, if.o
do'do we (mur-poser-sur-deux); la troisième, do do do alà . .• Assise en général se dit do hwi
Celui qui a préparé de la pâte doit attendre, avant de la manger, qu'elle (mur-ligne).
2.• Kur< Y! kudap F ! bon travail! Salut à ceux qui travaillent. On répond : ooo !
refroidisse.
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES
LES SIGNES SECONDAIRES

aklasu derrière la case, et lem donna à chacun les entrailles d'un des ani- véritable tornade. Et cette pluie démolit la muraille de la maison de
maux tués, en leur disant : je vais vous confier un travail. C'est pour vous Loko ..•
encourager que je vous donne ces entrailles. - Les aklasu mangèrent. Après Vodû Loko se dit : ce doit être un tour de ma femme ! Si- j'avais pu le
avoir tout avalé, ils de1nandèrent : quelle est donc cette tâche que tu veux prévoir, j'aurais été le premier chez X$vioso. - Loko sentit la colère le
nous confier? - Vous, aklasu, vous savez que ma femme est vendeusè gagner. Sa femme, de son côté, ~tait furieuse. Et cette humeur dura trois
d'akassa sur les trois marchés de la ville. Et vous savez aussi quels sont les mois. Le matin, quand Xàf:J allait saluer Loko, celui-ci ne lui répondait même
trois arbres sous lesquels elle dépose toujours chacun de ses trois paniers pas. Mais Xàf~ ne voulait pas abandonner son mari pour autant.
d'akassa. Que chacun de vous ailie se percher sur chacun de ces arbres, Au bout de trois mois, la femme se lassa de cette tension et s'efforça
sous lesquels ma femme vient toujours déposer ses paniers. Et dès qu'elle par tous les moyens d'apaiser la colère de son mari. Finalement, elle appela
sera installée, visez bien, et fientez dans les panie'rs tout ce que vous pourrez. L;.gba : depuis trois mois, mon mari est en fureur contre moi. Il ne veut plus
Mais, aussitôt que vous aurez fini, sauvez-vous, sans quoi on pourrait vous de moi. Moi, je pense que c'est parce que je suis Je·venue trop vieille. Il faut
tuer. que tu trouves à m'acheter une jeune fille, que je donnerai à mon mari.
Les trois chiens de la maison étaient au serviœ de Xôf:J, et portaient ses Comme cela, il sera content de moi. - L$gba demanda· à la femme mille
paniers aü marché. Elle leur donna à manger, et leur confia trois. paniers cinq cents cauris pour aller chercher la femme désirée. Quand il les eut
d'akassa, pour qu'ils les portent aux trois marchés, comme d'habitude. reçus, il dit : n'aie pas peur. Au prochain marché, je t'achèterai la fille.
Cependant les aklasu s'envolèrent, et vinrent prendre place dans les arbres. L;.gba, au lieu d'acheter la fille au marché, s'en fut chercher de l'argile,
La femme, après avoir fait toilette, mit ses jolis pagnes et sortit pour et fabriqua une statue, une très jolie statue, faite comme une jeune fi.lie,
aller aux marchés. Au premier marché, elle regarda son panier. Comme une statue très miraculeuse. Il :·assit sur un tabouret. Puis il envoya dire
d'habitude, elle souleva le couvercle et le posa près d'elle pour y étaler sa à Xiif~ que la fille était achetée : dis à ton mari d'envoyer son LEgba au
marchandise. Aussitôt le panier ouvert, kpaa ! .. L'aklasu, qui avait d'abord marché, pour emmener la fille chez lui.
lissé ses plumes pour mieux s'envoler ensuite, lâcha une cascade dans le Et Loko appela son Lr:.gba, et lui dit : va au marché, et ramène la fille
panier, et fila à tire d'aile ... ciu'on vient de m'acheter. - Le L;.gba se rendit au mlrché, trouva la fille
Aussitôt, la femme furieus:: versa par terre toutes les boules d'akassa, et bie.n parée, assise sur son tabouret, la saisit par la main, la souleva, et dit :
donna le panier vide au chien, pour qu'il le ramenât à la maison. allons à la maison. - Mais voici que la fille tomba par terre ! Elle était pétrie
Au deuxième marché, même histoire ! avec une fine argile et de l'huile, et parée si élégamment, que le Lgba ne
Au troisième marché, même histoire! s'aperçut de rien et la prit pour un être humain. Il revint chez Loko et lui
La femme retourna chez elle. Elle prit deux cent quarante et un cauris dit : la fille que l'on vient d'acheter, je l'ai prise par la main, et elle est
enfilés, un coq blanc, une bouteille d'alcool, des colas, et alla droit à Sok:., tombée par terre; elle ne bouge plus. Elle doit être morte ...
résidence de Xwioso. Elle attendit un moment au portail, puis appela : Alors Loko dit : mauvaise affaire! Mais je ne veux pas y perdre. Que
X<vioso! Asu-ce hotô, n'wa ! J\.mi de mon mari, je viens [à toi]! Je te prie de tous mes amis aillent au marché avec des couteaux. Il prendront de la fille
faire ce que je demande. - Xwioso, ne sachant pas qu'elle était en querelle chacun une portion égale à dix cauris, et ils la mangeront. - Les vodû
avec son mari, réponJit : ah, tu viens à moi ? Je te donnerai satisfaction. allèrent au marché, coupèrent la fille en morceaux. Ils ne s'aperçurent pas
-Ne crains rien. - Voici, XEvioso. Je t'apporte deux cent quarante cauris, un qu'elle était faite d'argile, tant Lgba avait bien travaillé. Au goût, il~ remar-
coq blanc, une bouteille d'alcool, des colas, pour te demander de faire tom- quèrent bien qu'ils ne mâchaient pas de la chair, mais ils n'en dirent rien.
ber tout de suite une grande pluie. Elis que je sois trempée en rentrant Ils édifièrent une claie, y exposèrent les restes de la fille coupée en morceaux,
chez moi. C'est tout ce que j'attends de toi. - Alors Xevioso dit : ce que tu c'e_.;t-à-dire les os, que L:.gba avait mis dans son corps. Et, pendant que les
demandes te sera accordé. amis de Loko prenaient les morceaux de la fille, ils chantaient: wo ••• wo ..•
La femme retourna chez elle. Et une averse tomba, qui devint une wo ! .. dix ... dix ... dix!. .
666 LA GEOMANCIE A 1.' ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SIGNES SECùNDAIRES

C'est depuis lors que les vodiinô poussent ce cri lorsqu'ils sont en colère pu lé ses noix, trou va le signe LEh-Gbe. Il dit à Mer : fais le sacrifice suivant :
contre quelqu'un. Leur colère provoque celle des vodüsi, puis celle du vodû, une pièce de tissu blanc, une pièce de tissu rouge, une pièce de tissu noir,
et leur ennemi est pourchassé et puni. une chèvre qui n'a encore eu que deux petits, et onze francs.
Et l'usage demeura d'étendre les victimes de Xzvioso sur une claie (agba). Mer fit le sacrifice. Fa Ayd:igii le lui fit déposer dans sa ch.1mbre à coucher.
Xàfa, cependant, acheta trois plumes rouges de la queue du perroquet Et tous les jours, Mer fit des prières devant son sacrifice. LEgba, alors, l'aida
kisz, et vint sans peur trouver son mari. Une fois près de lui, elle plaça ces dans ses prières, et, un beau jour, voici que Mer commença à prendre
plumes dans les che\·eux de Loko, une au-dessus du front, chacune des du volume, à occuper une place de plus en plus grande ; et tout le monde
autres au-dessus des oreilles. Et elle dit : je te couronne aujourd'hui. Tu en eut peur. Vite, L~gba courut chez Nôhwe, (la lagune,) pour lui apprendre
es roi. Ne sois plus fâché contre moi. la nouvelle et le prier d'être son messa,ger auprès des autre·s lagunes,
C'est pourquoi les vodüsi portent aujourd'hui des plumes sur la tête pour rivières, marigots, auxquelles il convenait d'apprendre que Mer était devenue
danser. Car, dès que le vodü eut remarqué la beauté de ces plumes, il s'en désormais le~r grand chef, à qui, tous les ans, elles devraient rendre
procura d'autres, qu'il plaça tout autour de sa tête .. visite.
Et voilà pourquoi l'on donne le nom honorifique suivant à Letz-Gbe : C'est pourquoi, jusqu'à nos jours, il est une époque où les fleuves
entrent dans la lagune Nàhwe, qui elle-même se jette dans Mer et repré-
Vod1î. ria b ma nn X:J ; sente to'us les autres cours d'eau. Cela se produit au moment des hautes
asi-to Xôf:i e da kàsà e ma sa. eaux.
Vodü amlimà !. C'est depuis lors que l'on donne à Lzte-Cbe ce nom honorifique:
Vodüsi amlimâ !
Ate Gbe awo Olokù.
Le vod1î a pétri 'la terre de barre et n'a pu édifier sa maison
Jr•imila ! iwa losa olokiï. dajiki (Y).
sa femme Xôf:i a cuit de l'akassa et n'a pu le vendre.
Et les choses en sont là ! LetE Che a consulté Fa pour Mer,
)rü.mila ! c'est toi qui as dit que Mer serait saluée au réveil [par tous les
Ensuite, Loko consulta Fa, qui lui prescrivit de préparer le sacrifice hommes].
suivant : des cauris, quatre poules, trois coqs, dont un tout blanc ; de
jeunes rameaux de palmier à huile (dezà),. pour en entourer son cou, et les ) . Lûa-Igbefut trouvé, au cours d'une consultation, par Fa et par LEgba.
porter ensuite devant un arbre loko consacré ; seize escargots, pour s'en Et le kfJ:Jli dit à Fa et à LEgba de se procurer trois flèches et trois arcs,
frotter le ventre. Le tout devait être déposé sous un lo'ko, sauf le coq blanc ainsi que trois poules, pour faire leur sacrifice. Fa refusa et LEgba obéit.
et les cauris, destinés à XEvioso. Les escargots s'enfuiraient dans toutes les Et Fa, continuant ses consultations pour autrui, consulta pour un homme
directions, comme les misères du vodü lui-même. Il fallait aussi modeler de Cise, et, comme d'habitude envoya Lsgba à Cise pour s'occuper du sacri-
dans l'argile une statuette à l'image d'une jeune fille, tuer sur elle les deux fice prescrit.
coqs restant, et l'abandonner au bord de l'eau ; partager neuf akassa en Puis, mettant à profit l'absence de son ami, il se mit à courtiser la femme
trois parties chacun, planter sur chaque morceau une plume d'aklasu, et les de LE.gba ...
abandonner devant un loko ; immoler deux des poules pour le loko, aban- Or Ls!{ba, après avoir accompli son propre sacrifice, avait reçu de son
donner les deux autres avec les akassa devant le loko, et les offrir ensuite au prêtre, pour les garder, les arcs et les Hèches. Et lorsqu'il revint de Cise, il
Bokanô. trouva sa femme sous son ami Fa ... Il bondit sur l'un des arcs, et cribla
de ses tro~s flèches la tête de Fa. Puis il lui demanda : que fais-tu sur ma
2. Le signe LEtz-Cbe parle de la mer.
femme ? - Fa restait silencieux : si tu ne réponds pas, mes flèches te res-
Mer, personnage masculin, consulta Fa Aydag1î et lui dit : Je sms trop
teront dans la tête.
petit, je suis misérable. Je veux devenir grand.~ Et Fa, après a\·oir mani-
LES SIGNES SECONDAIRES
668 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLJ\ VES
me permettre, au lieu <les deux cents cabris, etc , de faire un sacrifice pro-
rà l'implora : je te dèmande pardon, mais, de grâce, retire tes flèches de
portionné à mes moyens! - Cette réduction sera en général considérable :
ma tête ! Legba prit alors son couteau, et coupa les flèches au ras du crâne le plus souvent, le consultant se contente d'offrir un coq au vodû du ciel.
de Fa.
Voici pourquoi l'on remarque trois points noirs (les pores) sur les noix GADEGLIDO.
de palme. (Lde-C~ et Ce-Lets. signes innommables) 1

Chant.
1 1 1 1
Na we na du gfo, 1 1 1 1 1 1
bo to na fa/ 1 1 1 1 1 1
Lete-Gbe ! 1 1 1 1 1 1
Aywesado / Na ws. na du gbo,
bo to na mià / Devis.:s.
Na mangera un cabri, r. Quand le bien fait un pas, le mal en fait deux cent seizé.
et le pays sera frais ! Celui qui trouve, par exemple, un billet de mille francs, risque d'aller en
Lëts-Gbe ! prison pour vol, d'être condamné comme faux monnayeur si le billet est
Ayiüssado ! Na mangera un cabri, faux 2, d'être assassiné par un voleur.
et le pays sera calme !
2. Me iiaiia mà no iiàlâ hu mi. Si méchant que soit un homme, il ne peut
être plus mauvais qu'un excrément.
C'est-à-dire : lorsque les divinités Na auront été propitiées, la paix viendr
sur le monde. 3. E mà nô ji mi bo nô do we na. Celui qui a déféqué ne prend pas son
excrément comme un poupon pour le faire danser.

4. Kpo ms tà tûtû iii do ji we na le wa tà axà we. La canne que tu as lancée


1 1 en l'air, en retombant s'enfoncera dans ton crâne.
1 5. Si tu veux être mon frère, il faut devenir comme moi ; si tu veux être
1 1 ma mère, deviens comme moi ; si tu veux être mon père, &viens comme
1 moi. Si tu ne veux pas devenir comme moi, reste là où tu es. La mort
vient! Je suis le malheur, et je veux le mal de tous ceux qui m'approchent.
Mort, ouvre la porte ! (Agosu Sava, hû hà !)
Lorsqu'un consultant trouve le signe L~h-Sa, e devin lui prescrit de
.sacrifier à Xwioso deux cents cabris, deux cents poules, deux cents pigeons, 6. Di n' gbà fi, di n' ka le/ Tout à l'heure, j'ai passé par ici, tout à l'heure,
et deux ce.nts unités de chaque chose qu'il plaira à Xevioso de demander. j'ai repassé par ici !
Avant .de prendre congé de son client, le Bobnà lui remet trois balais Letë-Cs vient d'entrer chez le Favi, et s'en retourne aussitôt, emportant
(akiz.a). Rejoignant sa maisonnée, le consultant exposera le résultat de la son cadavre.
consultation, et dira : j'ai trouvé Lûs-Sa. Xwioso me réclame deux cents x. Cf. supra, pp. 411-412.
cabris, etc .. Mais je n'ai pas les moyens de les lui offrir. Ne pouYai1t refu- 2. L'industrie de la fausse monnaie (akwE bloblo), remarquablement organisée dans le
ser, j'ai accepté. Je vais donc me mettre au service de ce vodû. Avec ces Bas-Dahomey, avec les complicités lt!s plus inattendues, mériterait, outre une étude judi-
ciaire, une longue enquête ethnographique.
trois balais, je nettoierai chaql)e jour la cour de sa case. Puisse Lst~-Sa
LES SIG~ES SECONDAIRES
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES

7. Ajinaku Geli mô ss dom; ta, ho kàbi'J ; h'J e da twi. Ntî kâbi'J xo ws nô g:1 corde au cou de Cheval. Ensuite, tu lui donneras ces ftuilles d'arbres à
a. L'éléphant Geli a vu de la paille sur la tête de quelqu'un, e.t il a demandé manger. - Et l'homme obéit.
[ce que c'était]; et on l'a abattu [d'un coup de] fusil (tu). Poser des ques- ügba dit plus tard à l'homme : comment ? Tu as pris Cheval, et
tions ne rassasie pas . voici maintenant que tu le nourris pour rien ? Monte au moins sur son
Celui qui a trouvé ce signe doit s'attendre à tous les malheurs. dos !
Et l'homme monta sur le dos de Cheval. Mais Cheval ne voulut pas
avancer. L;gba Jonna alors à l'homme les trois cbicottes, et Cheval galopa.
Les deux signes de Gadeglido tuent les femmes enceintes, distribuent
Mais Cheval avait beaucoup souffert de toutes ces innovations, et, quelques
toutes les maladies, toutes les causes de mort. Leurs paroles, on l'a vu, sont
jours après, il mourut.
parfois ordurières. Ils énoncent « ce que l'on ne doit pas dire ». Il est
L<.gba remit alors à l'homme le poignard : maintenant, va dépecer
interdit de parler d'eux le matin, même en usant d'euphémismes, - et de
Cheval.
prononcer leurs noms.
Celui qui trouve ce signe doit faire des sacrifices pour avoir des enfants
et pour éviter la mort.
L:n-Fu.
2. Ka ja leli ewe,
(Atë.·Fti). ka sû leli emô,
ka fi a c'J füfù b'Jara (Y) .
1 l 1

1 1 Mange sur des feuilles,


1 1 1 1 dors sur les feuilles du palmier à huile,
1 1 revêts-toi ·d'un pagne blanc :

[ces trois devins] interprétèrent Fa à Fa Ayd'Jgù, au moment où celui-ci se


rendait au pays d'Olueci (Ay'J) Fa Ayd'Jgù demanda: si je vais en ce pays,
Légendes. retournerai-je comblé de biens chez moi ?
Ce signe se présenta. Un sacrifice fut exigé du consultant ; deux chèvres,
r. Devise. T<.ju Teju lo difa fit eci (Y). L'abcès a consulté Fa pou1 le
douze pigeons, dix francs et les deux, pagnes qu'il avait sur lui. Ce sacrifice
cheval.
fut accompli. Alors, Fa Ayd1gû se rendit dans le pays d'Olueci.
Légende. Cheval se disait: comment faire pour avoir beaucoup d'enfants
Trois jours après son arrivée à Olueci, le roi du pays se découvrit une élé-
en ce monde ? Et ponr échapper aux menaces de l'homme ?- Il invita chez
phantiasis du scrotum qui descendait plus bas que ses genoux '. Lr:.gba alla
lui un Bübnà qui se nommait T~Ju-Të.fu; et L~fa-Fu se présenta. Un sacri- trouver le roi et lui recommanda d'inviter l'étranger, Fa Ayd'Jgû, qui ne
fice fut exigé : trois coqs, trois pigeons, trois chicotks taillées dans_ les
manquerait pas de guérir. Fa Ayd'Jgûfut appelé. Avant de se rendre chez le
branches d'un arbre situé dans la cour de la maison de Cheval, et trois
_roi, il consulta son kp'Jli.
poignards.
Une fois devant le roi, il dit: fais avant tout un sacrifice. - Lequel?
Mais Cheval ne fit pas son sacrifice.
demanda le roi. -Deux cents sacs remplis de cauris, deux cents cabris, deux
De son côté, l'homme pria le même Bobno de lui interpréter Fa, car il
cents poules, deux cents p(~eons et deux cents pagnes. - Le roi demanda
n'avait pas d'enfants. Le même signe se présenta. Le sacrifice exigé se com-
encore : si je fais tout ce sacrifice, serai-je vraiment guéri ? - Certes, -
posait de seize pigeons, seize poules et seize francs. L'homme fit son sacri-
répondit Fa Ayd'Jgù. Et le roi s'exécuta.
fice-. Et il commença à avoir des enfants.
Or Lsgba appela l'homme, lui remit une corde et lui dit : passe œtte 1. Ekpa Y, oke F.
LA GÉOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES LES SIGNES SECONDAlltES

Alors Fa Ayd:Jgù sortit de sa poche une petite calebasse, étendit le bras, La femme n'osait plus rentrer chez elle.
toucha la partie malade avec la petite calebasse. Et, séance tenante, le roi Le mari, ayant perdu à la fois sa femme et ses yeux, recourut encore une
guérit. fois à Fa. Le prêtre de Fa lui demanda le même sacrifice qu'à la première
A la même époque, Duduwa fut maudit par toute la population et devint consultation. Mais, cette fois, il obéit.
fou. Lëgba se présenta à Dud11wa et lui dit : invite donc Fa AJdagù, qui Le sacrifice fut déposé sur le kiii, et sur le sacrifice furent placés deux
saura fort bien te guérir de ta folie. - Et Duduwa invita Fa Ayd:Jgù. La œufs. Avant de déposer le sacrifice sur le kiti, Me.talôji devait dire sous
même scène eut lieu, le même sacrifice fut accompli. Puis Fa Aydagù tendit forme de prière: puissé-je retrouver mes yeux !
à nouveau sa main, qui tenait la petite calebasse, et Duduwa fut guéri Péndant qu'il priait de la sorte, Legba alla chercher le gâgâ, qui tenait
Alors Fa Aydagû devint très riche. encore dans ses serres les yeux de Mëtalàjî.
A peine eut-il aperçu les deux œufs, que l'oiseau lâcha sa proie pour les
enlever. Alors. M .. talôfi ramassa ses yeux à tâtons, et les remit en place. Et
SÉRIE CE.
il vit devant lui sa femme, que Legba lui ramenait.

Ce-GBE.
(C<.-wo-Gbe Y: Ce a regardé Gbe.)

1 1
1

1 1
Chant.
Ugende. Gbo nô bli baba,. bo ku a,
Ce-Fu!
Le roi Metalôfi a'vait une femme qui s'appelait Otè. Il lui remettait des
Mi na bli baba, bo ku a,
haricots blancs qu'elle allait vendre au marché, et elle lui rapportait chaque
Ce-Fu!
fois deux cents fois sept cauris.
Na wa hê-nu, bo ku a,
Metalôji alla consulter Fa pour savoir si sa femme lui était fidèle, et si elle
Ce-Fu!
vendait bien tous les haricots pour ce prix. Le Bobnà, Ayi-foju-oloju-fico-wo-
kaje-re (Y), lui demanda en sacrifice seize œufs, seize pigeons et deux mille Le porc se vautre dans la boue, et il n'en meurt pas,
fois seize cauris. Le roi refusa de s'exécuter. Puis il se dit : j'ai un autre Ce-Fu 1
moyen de savoir si ma femme me vole. Nous nous vautrerons [tous deux J dans la boue, et n'en mourrons pas,
Un jour, comme sa femme allait partir pour le marché, Mel:Jlàjî, avant de Ce-Fu !
lui confier les haricots, arracha ses propres yeux et les dissimula parmi les Nous commettrons [tous deux] les actes défendus (fo) et ne mourrons pas.
haricots. Ses yeux verraient ainsi tout ce que ferait Otè. C<.-Fu !
Aussitôt la femme au marché, un client s'approcha. Pendant qu'elle le
Ce chant fait allusion à l'inceste commis par Ce et Fu.
servait, elle découvrit dans le panier les yeux de son mari au milieu des
Ce signe est considéré comme dangereux et impur. Son nom rappelle le
haricots, ce qui la surprit énormément. Pendant qu'elle exprimait son éton-
bruit que font les femmes lorsqu'elles procèdent à leur toilette intime.
nement, un oiseau rapace gàgà, qui passait par là, aperçut les yeux, fondit
sur le panier et les enleva ... I. Ct. rnpra; quatre devises de Co-Abia, chap. v1, p. 260.
/tislilul d'Ethnologie. - Bernard MAt,.POIL. 43
1
LA GÉOMANCIE A L ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES
LES SIGNES SECONDAIRES

SÉRIE FU. Fu-KA'


1 1 1 1
Fu-Wou. 1 1
1 1 1 1
1 1 1 1
1 1 1
1 1
1 1 1 Devise.
1 1 1
. Fu-Ka I jJ zï mà,nà l<pê_gbe: efuda, bJ ye gbJ. L'œuf de la mante reli-
gieuse ne cha~ge pas le brin d'herbe : il est léger, et on le laisse [tranquille].·
Légende. Les ennemis du favî, croyant qu'il n'est, comme l'œuf de l'insecte
d'aucun poids dans la vie, le laisseront en paix ~. '
Devise. Fu iii gâgbo, nôvitô Woli kafii gà. sa.
AxJstt we jr:. hü, bJ si fia ta hâ. Fu-TuROKPË.
Fu est un grand chef, son frère Woli est un petit chef. · (Fu-Lclo).
Si deux rois s'embarquent dans ,une seule pirogue, auclJn des deux ne
1 1 1 1
[voudra écoper.
i 1 1
Légende. Un roi a choisi deux homtnes pom les nommer chefs. Une fois
1 1 1
les cérémonies faites, qu! durèrent environ trois mois, ce fut au tour des
1 1 1
nouveaux chefs de faire visite aux autres chefs et à leurs amis. Ils louèrent
donc une pirogue. Comme il s'agissait de nouveaux chefs, le roi leur donna, Légende.
pour les conduire, un chef piroguier. La pirogue fit eau. L'un des deux
chefs dit à l'autre: écope ! - Non, je suis chef. C'est là un travail de ser- Le Blanc n'entend pas la parole du Musulman. Le Musulman n'entend
viteur. Fais-le toi-même, ·si tu y tiens. -Moi aussi, je suis chef. Je n'éco- pas la parole du Blanc.
perai pas. Tels sont les noms des deux BokJnô qui consultère:lt pour le Blanc et gour
Alors ils se tournèrent vers le piroguier, qui leur répondit: me prenez- le Musulman, lorsque ceux-ci naquirent. Car ils sont nés ensemble, sem-
vous pour un apprenti? Si le roi vous a confiés à moi, ce n'est pas pour que blables en tous points, et vécurent dans le même .pays, parlant la même
langue.
je vous serve d'esclave! Car je suis moi-même un chef.
Pendant ce temps, la pirogue s'emplissait, tant et si bien qu'elle alla par Les Musulmans dirent un jour aux Blancs : maintenant, celui qui nous a
le fond. Et les deux nouveaux chefs moururent noyés. Seul, le chef piroguier envoyés dans ce pays, notre Sr:. qui nous a procuré tout notre bonheur, il
se sauva. On l'amena au r~i, en affirmant qu'il avait tué ·les deux chefs, nous faut le remercier. Mais on ne le voit jamais.. . Les Blancs répon-
Mais le roi mit les choses au point : non, il n'a. tué personne. C'est ma dirent : soit! - Et les Musulmans ajoutèrent: il faut consulter Fa d'abord
faute si les chefs sont morts. J'aurais dû leur donner un serviteur. Alors, et demander comment nous exprimerons au mieux notre reconnaissance~·
ils ne seraient pas morts. Laissez aller en paix le piroguier ... Et ils consultèrent, et trouvèrent Fu-Turukpè. Et Fa leur répondit :
C'est depuis ce temps-là que les rois, lorsqu'ils nomment un chef, lui prenez du papier pour faire votre sacrifice, et des poulets, des ca bris 1 de
donnent aussitôt des s_erviteurs. 1 · Au sujet de Fu-Üt•, cf. p. 537, n. r. Cf. supra, légende de Fit-Guda, première partie,
chap. u, p. 41.
2
· La mante religieuse (jJ) passe pour transmettre certaines maladies aux nouveau-nés.
676 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES

toutes les bêtes que vous mangez. Et faites du tout un grand tas, auquel
vous mettrez le feu. Et la fumée de votre sacrifice s'élèvera en symbole de·
rei:onnais·sance vers votre S<..
Mais les BlaHcs refusèrent d~ faire ce sacrifice, et les Musulmans le firent
seuls. Legba s'écria alors : ,Agbo afakà ms ji lé si ? Quel est celui qui n'a
pas fait son sacrifice ? - Et on lui répondit ; les Blancs -- Comment!
CONCLUSION.
s'écria Lsgba, le sacrifice va être allumé, .:t sa fumée montera vers le grand
S<., et celui-ci répandra sa reconaaissance également sur les Musulmans et
sur les Blancs ? Il faut les séparer et les distinguer nettement.
Le sacrifice une fois prêt, les Blancs protestèrent : all~z-vous consumer
Cette étude de la géomancie à l'ancienne Côte des Esclaves évoque l'apo-
toutes ces bonnes choses pour en faire une vaine fumée ? Qui di:! vous sait
gée d'un effort vers l'assimilation d'une parcelle des antiques civilisations
ou elle parviendra ? Tuons plutôt les victimes, et régalons-nous. Cela
égyptienne, grecque, chaldéenne et indoue, transmise de temple en temple,
vaudra beaucoup mieux. d'âge en âge, de peuple en peuple, jusqu'à ce rivàge africain.
Mais les Musulmans répliquèrent qu'il fallait toujours suivre les prescrip-
Les Noirs du Bas-Dahomey ont été rebutés par l'astrologie, dont ils ne
tions de Fa. Les Blancs se moquèrent d'eux. Tant et si bien que les pro-
pouvaient, en l'absence d'une langue écrite, acquérir ou perfectionner la con-
pos s'envenimèrent. LEgba survint, envoyé par Mawu. Et il transforma les
naissance, et dont ils redoutaient, surtout, le s·ec déterminïsme.
paroles des Blancs et celles des Musulmans, et, comme nul ne comprenait
Dans la géomancie, au contraire, - jeu des noix de Fa, jeu du chapelet,
ce que l'autre disait, ils se séparèrent. - l'homme semble intervenir, et le geste du devin lui rend l'illusion du
hasard. Le géomant déçoit moins que l'astrologue fataliste. Psychologue, il
Fu-Turulepë est le pè.re des langues. Il parle souvent des Blancs et des
tient compte des sentiments de sa clientèle. Croyant, plus que savant, il
Musulmans.
laisse la porte ouverte aux contradictions, et surtout à la magie, « domaine
du désir » (Hubert et Mauss) et de 1' espoir.
Et cela, malgré le déterminisme qui présid_e à la découverte des signes et
l'organisation rigide du destin, dont nUl devin ne conteste le principe ; mal-
gré la majesté du grand Dieu, dont le Bobno est le prêtre.
Mais quel est donc, en cette sévère ordonnance divine, le principe de
fantaisie ou de hasard, l'accident ? C'est Lsgba, sans qui Fa ne serait plus
humain; Lsgba, .en qui les Mi:ssionnaires reconnaissent le Diable.
La rapide poussée Yictorieuse du culte de Fa et son approfondissement
attestent un degré supérieur d'évolution : la mythologie s'est élevée à la
conception d'une dbinité personnelle. Et cette évolution coïncidait avec un
relâchement de la contrainte sociaJe. Aux réactions trop connues des vodü.,
se substituait la réponse d'un oracle qui; tout en maintenant l'homme dans
son déterminisme, lui donnait l'illusion de discuter son destin.

La première partie de cet ouvrage était consacrée, d'une façon générale, à


la divination des choses cachées par l'intermédiaire de Fa, et à certaines
LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES CONCLUSION

croyances relatives à l'âme extérieure et à l'esprit tutélaire. Urie partie his- Son rôle de directeur des consciences est, dans l'ensemble, empreint de
torique a déterminé dans ses grandes lign'=s la provenance du Fa. Une par- modération et de douceur. Un sens délicat de l'humour souligne parfois cette
tie descriptive l'a situé dans ses rapports avec les grands .cultes publics, a absence de dogmatisme.
familiarisé le lecteur avec les buts et les mécanismes du tirage au sort, avec Saper systématiquement l'influence des Bobno, les réduire, à force de les
les agents de son fonctionnement, avec le rituel de Fa, tel qu'il s'impose au ridiculiser, à n'être que des charlatans, .:'est s'attaquer de front à la crainte
profane et à l'initié, au frère lai et au prêtre. qu'inspirent la vérité, l'espoir et la joie; c'est surtout saper une des bases de
On peut admettre qu'au milieu des cultes réguliers des royaumes, Fa joua la conscience collective. Nous avons vu d'ou viennent les critiques : on
le rôle d'un culte spécial en ce qui concerne le Bobno, d'un culte occasionnel n'ose espérer qu'un peu plus de compréhension humaine en atténuera le sec-
en ce qui concerne le cirent. D~ même, la divination antique se développa tarisme.
au milieu des cultes de la cité; jusqu'à un certain point, on pourrait soutenir Comparables aux prêtres des vodit par leur manque. d'adaptation, écartés
que les Bobnô sont aux vodimo, ce que les augures étaient aux pontifes. par le fait colonial du courant de ci vilisàtions parentes, tournés en dérision
Après l'étude des mécanismes, vint celle de l'idéologie : après la des- par les Blancs qui les approchent,les prêtres de Fa végètent, à l'écart de tout
cription d·es manipulations et du rituel, une seconde partie en aborda apport extérieur. Épargnés par le temps qui les isola, conservateurs par
le sens. ignorante et cléricale prudence, ils vivent fragilement en ùne époque indé-
L'ensemble de la divination par le Fa, avant de s'imposer en pays noir, cise. Avec les plus vieux d'entre eux disparaît peu à peu une conception
connut des péripéties gui restent encore ignorées. Mais nous avons la cer- sociale lointaine, dont la nostalgie chez presque tous s'estompe. Quelle
titude qu'il atteignit le golfe de Guinée avec une mythologie complète, et force morale insoupçonnée pourront prendre, dans la vie de la masse, ces
qu'il rencontra, chez les peu pies gui devaient si rapidement l'adopter, une souvenirs confus ?
autre mythologie complète. L'et\semble légendaire des signes de Fa répond J,e rôle pondérateur des prêtres de Fa s'exerce largement sur les fidèles,
à une recherche idéologique et découvre la principale manifestation d'un syn- qui entrevoient à peine la décadence du culte. L'acquiescement quasi-géné-
crétisme. Les deux derniers chapitres ont montré les annexions réciproques ral aux réponses de Fa, la certitude qu'il ne peut faire le mal, le nombre de
que s'imposèrent un système religieux spécial, d'origine étrangère, et un légendes qui célèbrent ses prévisions et ses conseils, entretiennent un res-
autre système que l'on peut considérer comme autochtone. pect que partagen.t même, en s'en défendant, les cc évolués i> convertis au
christianisme. On pourrait soutenir que Fa est une des coutumes religieuses
Sur le plan social actuel, les faits étudiés comportent également une du Bas-Dahomey gµi résisteront le plus longtemps à l'avilissement que le
leçon. temps ou la mode fait subir à toute foi.
Le Bobnô intervient sans cesse dans les arcanes de la vie familiale. H y Consulter Fa avant d'entreprendre quoi que ce soit, cela oblige à soumettre
assure l'homogénéité des comportements devant l'inconnaissable. Par l'usage l'action à la réflexion, à subordonner l'impulsion aux conseils.
avisé des contes et des proverbes, dont il est le gardien et parfois le poète, Par ailleurs, la cérémonie du Faz.û, dans la mesure ou elle initie l'homme
par sa sagesse et 1'nême par sa philosophie, il contribue; à raffermir, dans le à lui-même~ lui donne de l'assurance devant la vie, et constitue un moyen
groupe social qui l'environne et recourt à lui, 1'1ndispensable équilibre que d'acquérir non seulement le sens d'une certaine dignité, du respect de soi-
rompent les vicissitudes de la vie. même, mais celui d'une responsabilité. L'initié prend connaissance du prin-
Partageant le plus souvent avec sa clientèle les nécessités du travail quo- cipe immortel dont relève son âme, et le vénère dans la suite. Mais, au delà
tidien, sachant percer à jour les mensonges des hommes, il dégage parfois de du contenu religieux de son initiation, il puise une sécurité, une force nou-
son rôle de conseiller un sens aigu de la psychologie, et un esprit spéculatif velle, le sentiment de son unité devant la multiplicité mouvahte des cir-
particulièrement accessible aux formes élevées de l'évolution. Il sut créer constances.
en son temps, sans fanatisme et sans éclat, une jurisprudence du bien et du Le culte de Fa, malgré ses contradictions et ses impuretés, peut être con-
mal qui a cours encore. sidéré comme un effort intelligent vers l'émancipation de la pensée. Gëd~gbe
p

680 LA GEOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES

personnifie à nos yeux cette évolution à so~ point le plus élevé, et· nous
déplorons que, dès la conquête, on n'ait pas sollicité ses conseils ni enten-
du sa voix. Les Bobnô ont provoqué un phénomène de concentration dans le
panthéon local, au profit d'un dieu unique qui n'est guère comparable, en
son absence, qu'au plus abstrait des principes: pour les meilleurs d'entre eux,
les vodû ne sont que des créations de l'homme. Nous n'avons jamais remar-
qué qu'ils fissent dévier le culte vers un dualisme ou Fa serait le principe du
bien et Lê.gba celui du mal ; les observations faites chèz les Noirs américains
ont donné un résultat également négatif. Ceux qui soutiennent cette thèse
. mettent une information équivoque au service d'une dialectique des plus ten-
dancieuses. Si nous ne saisissons pas mieux les mobiles qui font agir ou
penser les prétendus primitifs, c'est que nous prenons peu ou mal la peine
de leur demander des explicadons, et qu'eux-mêmes, pour des raisons trop
corn préhensibles, ne prennent pas l'initiative de nous les confier.

Des erreurs ont dû se glisser dans notre documentation, et nous regrettons


que l'on ne puisse, depuis la mort de Gê.dsgbe, trouver dans le Bas-Dahomey
un devin capable d'éclairer consciemment le sujet et de le porter sur le plan
astrologique.
L'ensemble des connaissances de Fa a subi les contractions nécessaires à
son adaptation et à sa durée. En retour, il manifesta sa vjtalité par de mul-
tiples proliférations, et réagit sur l'ensemble des croyances antérieures, sur
le culte des vodii et des morts. Une nouvelle étude, poursuivie en pays
yorouba et haoussa, permettrait peut-être de discerner l'origine et les causes
de tant de formations adventices.
Le fait capital de l'évolution est peut-être le détachement de plus en
plus net, et déjà conscient, de la morale et de la religion, une laïcisation,
ou, si l'on préfère, une humanisation de la morale. Ce phénomène est dû
en premier chef à de nouvelles nécessités économiques, dont les « civilisa-
teurs » blancs sont, malgré eux, les plus apparents vecteurs. Il n'est pas
jusqu'àux religions d?Europe dont la volonté de conversion n'ait importé
parmi les Noirs un ferment de laïcisation, - de rares Missionnaires .s'en
avisent à peine.
Au point de vue historique, on observe avecTegrets qu'après la traite des
esclaves, l'alcool, la guerre, fléaux collectifs, l'incômpréhension individuelle
d'Occide.ntaux qui méconnaissent les valeurs d'un pays noir, peut aussi bien
accélérer la ruine ou la transformation d'idées et d'institutions déjà fort
ébranlées.
- PL l

Cliché Lahitte
A. Danseurs gtltdt à Pobé.
Pl. III .

Cliché Labitt•

A Che7. C1d1gbe les objets Ji\'inatoires.


A gauche, l'nbila .

Cliché Labitte

B. Chez Gidigbe : le signe tra~é dans k yt.


Autoµr du Fair : les lô)lè et l'ag11111ngt1 ,
Pl

Cliché Labitte
A

Cliché Labitte
B
A Cliché Lahitte

B Cliché Lahitte
A r'

A Lôflë de GEdEgbe, bois. (Musée de l'Homme 38 17 2 ) .


Longueur 58cm. 5.
,... ' '
·rr-
Pl. VI

A. Loflè d'ivoire (Musée de l'Homme, 97 4. 1.).


Longueur 45 cm .

B. Gubasa de Gtdtgbe, fer (Musée de l'Homme).


Longueur S 1 cm ., largeur max . 8cm .
Pl. VI

A Sculpture sur bois. (Somalie italienne)


(Musée colonial de Rome)
CONCLUSION 681
La vogue de l'ethnographie, depuis que l'on reconnaît aux Noirs une civi-
.lisation, favorise un comresens nouveau. On. redécouvre l'Afrique; on rend
aux« indigènes», sur le papier, des civilisàtions dévastées par le fer et par le
feu. On voudrait restaurer et conserver; autre moyen d'enrayer l'évolution,
en affectant d'êi:re généreux et compréhensif.
De nombreux Noirs, sur la côte atlantique et déjà vers l'intérieur, cons-
cients de tout cela, redoutent l'humiliation de ces enquêtes. Qu'ils sachent
que notre contribution est due entièrement au besoin de faire avancer la
recherche en Afrique, dans la mesure de nos moyens, et de nous consacrer
à l'étude de civilisations qui sont aussi dignes que n'importe quelles autres
d'être connues.
Saint-Louis, décembre l9J6.

Post-scriptum. Nous ne saurions laisser paraître ce volume sans adresser


à notre Maître, le Professeur Marcel MAuss, l'hommage le plus attentif de
notre déférente et affectueuse reconnaissance. Instigateur de ce travail, il
voulut bien nous diriger de ses conseils et accepter d'être en Sorbonne notre
rapporteur de thèse, projet que des circonstances exceptionnelles contrarièrent.

Paris, décembre 1942.


ERRATUM.

Page 3, sous-titre, Expression de la notion de futur, au lieu de du futur


0

5; no.te r, deux premières lignes, Jl~ fa' /un, ou Jt;


fâ/un, mot
courant en arabe dialectal · sort, et surtout bon ou mauvais
augure. J l;JÏ ~-fi,,; , mujar'ribu l-fâ'li, celui qui consulte le
, /

sort . f~J1y ~ fal-nujarrib l-fa'ta, consultons le sort!


r 6, ligne 4, gréco-latines.
23, note 2, cf. infra, chap v, p. r78 et 197-202.
2 5, note }, troisième signe, p. 4 54 sq q .
28, note 2, chap. v, p . 197-202.
note 5, chap. VIII, p. 340-343
29, note 2, chap. v, p. 208 .
30, note 2, ligne 2, sigâ rnô, au lieu de sigâmo.
32, ligne 4, :Jya, au lieu de aya.
34, ligne 6, personnalité, au lieu de personnabilité
40, note 3, ligne r, et vn passim.
=

50, note r, ligne 9, supprimez le point après incantation.


5o, note 2, ligne 6, -sich bei, en deux mots.
5 r, note r, dernière ligne, premier mot, lassen
56, note 2, ligne 4, F S., au lieu de F J.
59, note 2, p. 265
62, fig · r, en bas, à gauche, Di-Meji. En bas, à droite, Gbe-Meji.
64, ligne 5, après aurore, fermez la )
65, ligne 2, Agasu-nô.
70, ligne 5, Mawu-Lisa.
77, note 2, ligne r : <( •• . avant.
ERRATUM ERR.ATUM

Page 77, note 2, ligne 7 : « w]:ien. Page 416, après d'origine .arabe
98, roo, 102, ro4, 106, ro8, l IO, titre courant : LA GEOMANCIE A pour 1
L' ANCŒNNE CÔTE DES ESCLAVES, au lieu de CHAPITRE III. 1
1
106, ligne 8, afo wewe, au lieu de awa wewe.
1
l ro, ligne ro 0 avant la fin, hwatotive, au lieu de watotwe.
147, lig11e 7, supprimez la virgule entre consultant et menacé. 465, dernière ligne après la note, Ethnologie, au lieu de Ethnolagie.
148, note 3, lre ligne, passez à la ligne après Er-. 466, ligne 2, Le x1a ...
l 53, sous-titre, BOK::mô, au lieu de BOKONÔ. 466, devise de la 4• légende: nu gbEta, au lieu de nugbEta.
154, ligne 3, reçut son Fa, au lieu de reçut du Fa. 468, ligne 8, supprimez le ' après Angole.
l 54, sous-titre, BOK:::mô, au lieu de BOKONô. 468, ligne 3• avant la. fin : (fig. 33 f), au lieu de : (fig. 38).
l 54, note 2, ligne 2 in fine, t. IIL, au lieu de III. 469, ligne 5• avant la fin, ba yî xa, au lieu de bo ...
157, ligne 4, dernier mot bayé, au lieu de boyE. 470, ligne 5e, sEÏ, sei, au lieu de së.i, sei.
158, titre courant, ANCIENNE, au lieu de ANCIRNNE. 473, ligne 1r•, il demanda.
202, sous-titre, BOK:::>Nô, au lieu de BOKONÔ. 474, note 1, ligne 2, Zoflaizene, au lieu de Zoflanênë.
206, premiers mots du sixième paragraphe, Basa désigne, supprimez 475r ligne suivant la représentation du signe Wëh-Mo.ji: (fig. 33 g),
la virgule. au lieu de : (fig. 39).
222, 1•r mot de la douzième ligne, en. 476, ligne 7, supprimez le ' après vie, et le reporter à la 7• ligne
227, après la troisième ligne, intervalle. . avant la fin, après Agaga, au lieu de (1).
237, note l, p. 201, au lieu de 202. 481, ligne 14•, premier mot, interdit.
277, ligne 18, dernier mot, Favi. 482, ligne 16• : cf. fig. 33 h, c'est-à-dire.
28 3, note l, 3e ligne in fine, chap.- VIII, p. 3 36, n. 2. 489, note 2 : a wa dagbe a?
286, prière en italiques au milieu de la page, premier mot du dernier 493, ligne 3•: cf. fig. 33 i, c'est-à-dire.
vers, foE, au lieu de boE. 500, ligne 5• : ésotérique : cf. fig. 3 3 j, c'est-à-dire.
307, l9e ligne in fine, les dépose dans la concavité du fer de houe, 502, ligne 8•, Gue gla e W<. nô gbo, ha. ..
a près avoir fait des prières en les (etc.). 503, ligne 16°, Ag<- au lieu de Age.
308, ligne 21., Souvent l'initié, qui .... au lieu. de, Souvent, l'initié 503, ligne 22•, fermez le crochet après : de sa.
qm ... 505, ligne 12", virgule après Fa.
3 ro, note l, ligne 4, supprimez la parenthèse après p. 308. 508, ligne 7°: (cf. fig. 33 k).
3 r 2, note 3, ligne l, in fine, « le ... au lieu de « Le ... 524,_ ligne 3• avant la fin: cf. fig. 33 1, un serpent.
Jr7, ligne 21, et 3·18, ligne 3, tamtam, au lieu de tam-tarp. 518, ligne 5•, Il recommanda.
3 34, titre courant : LA GEOMANCIE. 546, ligne 18, cf. fig. 330.
360, ligne 19, ou mieux, au lieu de, au mieux. 546, note 2, à la fin de la ir• ligne, le.
372, ligne 5e avant la fin, soulignés. 547, ligne 22, iiô au lieu de iiô.
374, titre: FAMÀ, au lieu de FAMA. 548, ligne 4, to-hk au lieu de tokEk.
375, ligne 9, azàkposa, au lieu de azàkosa. 548, ligne rn, ku nô sans trait d'union.
380, ligne 19, dô au lieu de do .. 548, ligne 14, ma au lieu de mô.
381, titre courant: WÈSAGÙ, au lieu de WESAGÙ. 553, ligne 12, cf. fig. 33 p. au lieu de v. fig. 48.
403, titre courant WÈSAGÙ, au lie.u de WESAGÜ. 557, ligne Il, cf. fig. 33 g au lieu de fig. 49·
POSTFACE

Un séjour de quatre années à l'ancienne Côte des Esclaves, un ouvrage sur


l'anthropologie religieuse locale et l'inclusion dans mes enseignements aux Uni-
versités du Bénin à Cotonou et à Lomé de quelques cours sur la divination,
me valent ce redoutable honneur de témoigner d'une œuvre écrite il y a quarante-
cinq ans, qui a valu à son auteur, disparu dans les camps nazis, le titre pos-
thume de docteur d'Etat. Je ne saurais ni me récuser ni porter seul cette res-
ponsabilité. Aussi, plutôt que de postfacer sur un ton monodique, j'ai sollicité
un concours exprimé sur un mode polyphonique pour rendre compte de
l'homme et surtout de l'œuvre avec ses mérites, ses limites et les perspectives
qu'elle ouvre.
De brillantes études de droit, d'ethnologie et d'administration coloniale, du
service au Dahomey, à Dakar et en Guinée, un engagement dans la Résistance
à Lyon et dans le sud-ouest où il assure le renseignement et dirige des sabota-
ges en 1942 et 1943, une arrestation le 20 août 1943, avec transfert à Fresnes
durant neuf mois, puis à Compiègne et enfin dans le camp de Hersbruck, dépen-
dant de Dachau, où il s'éteint d'épuisement le 15 décembre 1944 à l'âge de
38 ans, tel est le parcours fulgurant de cet administrateur des Colonies, ardent
africaniste, au caractère ferme et à l'intelligence aiguë, que fut Bernard Maupoil.
Robert Cornevin, secrétaire perpétue/ de l'Académie des Sciences d'Outre-
Mer et auteur d'une histoire du Dahomey, se souvient de lui :
« Il était, comme on dit dans notre jargon de /'Ecole, un ancien. D'une dizaine
de promotions avant la mie!}ne (j'étais entré en 1938), il était déjà connu dans
le monde encore peu fréquenté des africanistes. Alors que j'étais en stage à
Dakar en 1941, André Villard, directeur des archives de l'AOF, qui fut, avec
Théodore Monod, le fondateur de /'IFAN, m'en avait parlé avec la plus grande
chaleur comme d'un défenseur inconditionnel des Civilisations africaines ; cher~
cheur d'une intransigeante honnêteté, il s'attaquait aussi bien à Melville Hers-
kovits, l'un des plus grands ethnologues américains, qu'à des intellectuels afri-
cains, accusés lors de représentations théâtrales données par la troupe de /'Ecole
POSTFACE

Un séjour de quatre années à l'ancienne Côte des Esclaves, un ouvrage sur


l'anthropologie religieuse locale et l'inclusion dans mes enseignements aux Uni-
versités du Bénin à Cotonou et à Lomé de quelques cours sur la divination,
me valent ce redoutable honneur de témoigner d'une œuvre écrite il y a quarante-
cinq ans, qui a valu à son auteur, disparu dans les camps nazis, le titre pos-
thume de docteur d'Etat. Je ne saurais ni me récuser ni porter seul cette res-
ponsabilité. Aussi, plutôt que de postfacer sur un ton monodique, j'ai sollicité
un concours exprimé sur un mode polyphonique pour rendre compte de
l'homme et surtout de l'œuvre avec ses mérites, ses limites et les perspectives
qu'elle ouvre.
De brillantes études de droit, d'ethnologie et d'administration coloniale, du
service au Dahomey, à Dakar et en Guinée, un engagement dans la Résistance
à Lyon et dans le sud-ouest où il assure le renseignement et dirige des sabota-
ges en 1942 et 1943, une arrestation le 20 août 1943, avec transfert à Fresnes
durant neuf mois, puis à Compiègne et enfin dans le camp de Hersbruck, dépen-
dant de Dachau, où il s'éteint d'épuisement le 15 décembre 1944 à l'âge de
38 ans, tel est le parcours fulgurant de cet administrateur des Colonies, ardent
africaniste, au caractère ferme et à l'intelligence aiguë, que fut Bernard Maupoil.
Robert Cornevin, secrétaire perpétue/ de l'Académie des Sciences d'Outre-
Mer et auteur d'une histoire du Dahomey, se souvient de lui:
« Il était, comme on dit dans notre jargon de /'Ecole, un ancien. D'une dizaine
de promotions avant la mierme (j'étais entré en 1938), ·il était déjà connu dans
le monde encore peu fréquenté des africanistes. Alors que j'étais en stage à
Dakar en 1941, André Villard, directeur des archives de l'AOF, qui fut, avec
Théodore Monod, le fondateur de I'IFAN, m'en avait parlé avec la plus grande
chaleur comme d'un défenseur inconditionnel des Civilisations africaines ; cher~
cheur d'une intransigeante honnêteté, il s'attaquait aussi bien à Melville Hers-
kovits, l'un des plus grands ethnologues américains, qu'à des intellectuels afri-
cains, accusés lors de représentations théâtrales données par la troupe de /'Ecole
688 LA GÉOMANCIE A L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES POSTFACE 689
William Ponty à Paris durant /'exposition universelle de 1937, d'avoir pris des natoire~ dans les trois aires yoruba, f on, évhé, remplirait quatre ou cinq dizai-
libertés trop grandes avec la vérité historique. » nes de volumes.
Quant à de Surgy, qui réanalyse la démarche de la consultation et souligne
* l'importance significative de Gbaadu, il approfondit la voie tracée par Mau-
* * poil. Présent à tous les moments du culte d'Afa : sacrifice, grande consulta-
tion, rites pré-initiatiques, initiation, consécration finale du géomancien ... , de
L'ouvrage majeur de Maupoil, La Géomancie à l'ancienne Côte des Escla- Surgy nous livre des descriptions remarquablement fines des rituels, ce qui
ves, publié pour la première fois en 1943, Christian Bertaux* le juge inestima- l'autorise à relever quelques lacunes dans une œuvre dont il mesure toute la
ble et irremplaçable. Il en apprécie d'abord la méthode: valeur.
« Les matériaux que rapporte l'auteur sont toujours minutieusement resi- « 1) L'étude des croyances et des pratiques en des lieux divers IJlOntre que
tués dans le contexte discursif de l'enquête avec une probité intellectuelle et le « panthéon » est à la fois moins hiérarchisé que ne le suggère Maupoil et
un soin dans la description critique des informations et des documents, en fonc- structuré différemment. 2) Le défaut d'observation personnelle précise de cer-
tion des conditions de l'observation et des données psychologiques et sociales tains rites ne permet pas d'en expliquer toutes les articulations logiques et toute
de l'informateur qui font de cet ouvrage un modèle du genre ... La précision la symbolique. 3) Le compte rendu de la cérémonie d'initiation à Fa comporte
scientifique dans la relation de l'enquêteur et de /'enquêté et, en conséquence, · des trous d'information et semble tronqué (2 ou 3 jours de cérémonies au lieu
le soin ethnographique dans /'élaboration discursive de la documentation, sont des 17 requis). 4) Le nombre des objets divinatoires a été décrit comme relati-
les qualités fondamentales du travail de Bernard Maupoil. » vement illimité parce que l'auteur ne s'est pas aperçu que beaucoup d'objets
Conformément aux règles d'une saine méthodologie, celui-ci opère avec pers- étaient synonymes : 20 vodzi seulement sont nécessaires et suffisants pour con-
picacité une critique des témoins et des témoignages en procédant par recoupe- sulter Fa. 5) L'interrogatoire du kpoli (premier signe trouvé)par le moyen des
ments, en se défiant et des traditionnistes qui dissimulent par omission ou par vodzi n'a pas été analysé avec suffisamment d'insistance comme phase de la
crainte de livrer un secret, et des lettrés qui fabulent ou persévèrent dans l'erreur consultation aussi importante que l'interp'fétation du conte divinatoire associé
par ignorance ou suffisance. Afin d'obtenir les meilleures informations, il va à ce kpoli. 6) L'issue des deux démarches : interrogation du kpoli et interpré-
droit aux meilleures sources: les vieux devins et les plus reconnus d'entre eux tation du conte divinatoire, semble à Maupoi/ être le sacrifice, mais il faudrait
pour leur savoir et leur compétence technique, dont le remarquable Gedegbe distinguer : a) les sacrifices proprement dits qui résultent de l'interrogatoire
proche de l'ancien trône royal. du kpoli, celui-ci fournissant alors des indications sur les dispositions des agents
Honnêtement, il reconnaît d'éventuelles erreurs aussi bien de notation que spirituels disséminés entre le monde de l'origine et le monde des phénomènes
d'interprétation et se refuse prudemment à opérer une synthèse philosophique sensibles; b) les vosa qui résultent de l'interprétation du conte divinatoire, c'est-
de ses données ethnographiques. Quant à l'ordonnance qu'il établit des don- à-dire d'indications portant seitlement sur les dispositions de la nature à l'égard
nées recueillies, elle suppose bien une synthèse certes, mais fondée sur la cohé- du sujet relativement au problème considéré. Il s'agit de conduites symboli-
rence organique des informations plus que sur leur cohérence logique. Ainsi ques purificatrices ou simplement rassurantes, matérialisant par de pseudo-
se différencie-t-il de Griaule qui souligne l'aspect de système de la pensée mytho- offrandes une réactualisation de comportements que la mémoire collective a
poétique des Dogon et qui, face au corpus de Maupoil aurait peut-être pro- retenus comme ayant été efficaces « au pays mythique des origines. »
cédé à une interprétation plus précise du contenu des légendes de Fa pour déga-
ger quelques traits fondamentaux de la pensée f on lisibles à travers des symboles. *
Dans le prolongement de la recherche de Maupoi/, on peut citer les travaux * *
d'Albert de Surgy sur /'Afa dans l'aire évhé et de William Bascon sur !fa dans
l'aire yoruba. Ainsi Bascom consacre-t-il des milliers de pages aux messages Lorsque Maupoil publie sa Géomancie, il se situe dans un courant de recher-
des signes primaires et secondaires qui constituent la seconde partie du présent ches déjà affirmé, aussi bien en ce qui concerne la divination en Afrique Noire,
ouvrage : devises, légendes, chants, interdits, sacrifices... , aux différences sen- puisque des articles de revues signés Henri Labouret en 1922, Marcel Griaule
sibles dans les culturesfon et yoruba. Un répertoire complet des contes divina- en 1927, Charles Monteil en 1931, Denise Pau/me en 1937... , abordent le sujet
sous tel-ou tel angle, qu'en ce qui concerne la géomancie par Fa, puisque sa
*Maître de conférences à l'Université de Paris VII, auteur d'une thèse d'Etat intitulée Science, bibliographie ne contient pas moins de 135 titres, dont beaucoup il est vrai ne
divination, corps. présentent que des allusions brèves à ce type de divination.
690 LA GÉOMANCIE À L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES POSTFACE 691
Mais de même que les recherches d'Evans-Pritchard sur les oracles Azandé oracle, décodée selon une procédure intellectuelle (divination inductive à base
(1937) ont influencé, en milieu anglophone notamment en raison des cloison- de savoir) ou selon sa propre inspiration s'il se présente comme médium et mes-
nements linguistiques, les travaux effectués par L. S. Tucker en 1940 (le panier sager d'une puissance invisible (divination intuitive à base de mysticisme);
divinatoire des Ovimbundu), D. Tait en 1952 (le rouleau du devin dans la société 2) son degré de technicité dans l'interprétation des messages : compétence et
Kokomba), G. Park en 1963 (les contextes sociaux de la divination), V. Tur- notoriété s'acquièrent au fil du temps par des initiations, des mémorisations,
ner en 1968 (divination Ndembu) et W. Bascom en 1969 (divination yoruba des rites, des expériences multiples de rapport avec les clients qui jugent les
par !fa), l'ouvrage de Maupoilfocalise l'attention des africanistes francopho- réussites et les échecs ; 3) le statut social attribué au détenteur de la fonction :
nes d'une part sur la géomancie elle-même que M. Cartry analysera en milieu même si la conjuration du mal, l'éloignement d'éventuel/es menaces et l'apport
gourmantché (1963), A. Adler et A. Zempléni en milieu moundang (1972), A. de certitudes paisibles sont essentielles au groupe, la situation sociale réservée
de Surgy chez les Evhé (1980) et les Mwaba (1983), et dont J.C. Hébert pro- au devin peut demeurer modeste chez les Moundang, tandis que le devin f on
cède à une analyse forme/le en 1966, d'autre part sur la divination en général ou yoruba jouit d'un prestige à la mesure même de sa clientèle habituelle (devin
que L. V. Thomas par exemple étudie chez les Dio/a (1958), G. Dieter/en chez de village, de région, de chef, de roi).
les Dogon (1966), J.F. Vincent chez les Saba (1966) et les Mofu (1971), A. Retel- - L'interprétation mantique articulée au signifiant culturel procède des
Laurentin chez les Nzakara (1969), C. Bertaux chez les Bambara (1978) pour mythes fondamentaux d'une culture. Comme le chacal*, dont les traces sur
ne citer que quelques exemples... D'autres comme Marc Augé dont le Dieu- le sable sont interprétées, a une signification mythique dans l'apparition du
objet (1988) touche au panthéon dahoméen rendent éloquemment à Maupoil désordre chez les Dogon, de même le Fa, messager du Dieu vrai et hypostase
le tribut qu'ils lui doivent. des lois du destin, est la garantie de sens, de structure et de validité des opéra-
Au fur et à mesure que ces recherches se développent, s'enrichissent simul- tions géomantiques chez les Fon.
tanément /a description et la typologie des techniques divinatoires, s'élaborent - La géomancie fan donne signification à la durée en ce qu'elle suppose
des classifications de devins selon divers critères, se construit une sémiologie à la fois le caractère pré-déterminé de la personne et son aspect inachevé. Le
des relations entre espaces gestuels et représentations idéologiques impliquées Fon ne pense pouvoir réaliser son être futur que s'il connaît son programme
par la divination, s'affine une interprétation du rôle de la mantique dans le de vie inscrit dans son kpoli, sorte de double qui exprimerait les lignes-forces
diagnostic et le traitement des maux individuels et sociaux, s'étayent les spécu- de la destinée pour avoir vécu la vie antérieure du consultant.
lations sur les logiques divinatoires, sur les états socio-culturels qui favorisent - La divination sert à réduire les zones d'incertitude concernant le futur
sa pratique et sur les principes philosophiques qui la sustentent. individuel ou un projet collectif, ainsi qu'à appréhender les possibles pour opérer
Dans /es sillons ouverts par Maupoil, d'autres ont jeté des graines qui ont un choix judicieux dans les moments difficiles (mort, maladie, sorcellerie, infor-
germé et grandi. Dans cette efflorescence, nous sélectionnerons quelques idées tune, rite de passage), mais elle peut aussi dévoiler ce qui s'est produit ou est
maîtresses. en train de se produire de manière à ajuster la conduite en fonction de contex-
- Toute divination suppose un cosmos codé, chargé de signifiants à décryp- tes favorables ou défavorables au consultant. Même si l'ordonnance des évé-
ter, soit en lecture directe dans les rêves, les présages, la robe des bovidés... , nements individuels paraît aléatoire, la mantique les classe selon des catégories
soit en lecture provoquée par l'interrogation du cadavre, l'ordalie, l'oracle, la en nombre limité (256 kpoli chez les Fon).
transe ou /'interprétation savante de signes divers : cartes, lignes de la main, - Le géomancien n,est pas seulement chargé la plupart du temps de la détec-
astres, comptage de graines, etc. tion des éléments constituant l'univers socio-cosmique dans lequel le consul-
- Plusieurs procédés inégalement complexes coexistent généralement dans 1 tant est intégré, mais il doit faire suivre un diagnostic clinique de la formula-
un même groupe social, qui font appel à des devins différents et qui se relient tion d'un pronostic d'ensemble, puis d'une prescription indiquant les modali-
étroitement aux conditions d'existence collective. Ainsi dans les civilisations
d'agriculteurs, il est plus fréquent de voir utilisées des graines, des noix, de
f
1
tés de mise en route d'une procédure thérapeutique à caractère souvent rituel.
- A résonance plus cognitive qu 'émotionnelle, les symboles divinatoires ser-
voir interprétées les convulsions d'un poulet qui meurt, tandis que l'interpré- vant à distinguer des événements confus et obscurs ont des sens multiples dont
tation des traces d'animaux sauvages ou du vol des oiseaux domine dans une un seul est pertinent dans une configuration de symboles donnés, à la diffé-
culture de chasseurs et l'examen des entrailles d'animaux dans les cultures de rence des symboles rituels qui synthétisent, eux, des pluralités de sens en f ai-
pasteurs. sant fusionner des événements apparemment disparates. Mais l'aspect ana/y-
- La place du devin dans la société dépend de plusieurs variables : 1) sa
spécialisation technique, c'est-à-dire sa fonction d'interprète savant d'un *Identifié depuis comme un renard (Vulpes pallida).
692 LA GÉOMANCIE À L'ANCIENNE CÔTE DES ESCLAVES BIBLIOGRAPHIE 693

tique des symboles divinatoires se fonde sur des règles de mutations langagiè-
res de divers référentiels posturaux, sociaux et mentaux. Donc pour être devin,
il faut non seulement connaître intellectuellement les codes du langage divina-
toire, mais encore maîtriser la psychologie d'un groupe social, ses techniques
du corps, ses modes sociaux de communication, ses croyances religieuses ...
- C'est dire que, pourtant spéculative en un sens, la géomancie glisse au
dramatique en ce qu'elle procède de la supplique et de l'imploration. Le con-
sultant, face à un choix, cherche à légitimer des actions quifont problème pour
lui. Il ne le peut qu'en étudiant les rapports de forces entre les dieux, le cosmos BIBLIOGRAPHIE de la Postface
et son propre entourage, ce qui met en jeu à la fois un système de valeurs et
un jeu de tensions sociales, au point que plus le champ social est perturbé par ADLER Alfred et Andras ZEMPLENI, Le bâton de l'aveugle. Divination, mala-
des catastrophes naturelles, mutations sociales, maladies, haines cachées, accu- die et pouvoir chez les Moundang du Tchad, Paris, Hermann, 1972.
sations de sorcellerie... , plus s'observe une recrudescence des actes divinatoi- AUGÉ Marc, Le Dieu-objet, Paris, Flammarion, 1988.
res. Sous cet angle, la géomanciefon pourrait être saisie comme un instrument
d'analyse sociale. BASCOM William, Ifa divination : communication between gods and man in
West Afric, Bloomington, Indiana Univ. Press, 1969,., t. 1 ; t. 2, 1983 .
* BERTAUX Christian, Science, divination, corps, Topologie langagière des espa-
* * ces anthropologiques et sociaux, Thèse d'Etat sur travaux, Paris VII, 1988.
CARTRY Michel, Notes sur les signes graphiques du géomancien gourmantché,
Ces développements récents sur le thème de la divination font apparaître Mau- Journal de la Société des Africanistes, XXXIII, 1963, 2, 275-306.
poil comme un véritable pionnier. Curieusement, c'est un libre penseur qui éla-
CoRNEVIN Robert, Histoire du Dahomey, Paris, Berger-Levrault, 1962.
bore les premiers éléments d'une anthropologie religieuse du Dahomey et qui
ouvre les champs d'analyse du système vaudou. Avec la rigueur, la précision EVANS-PRITCHARD Edward Evan, Sorcellerie, oracles et magie chez les Azandé,
et la probité dont témoignent ses recherches, Maupoil parvient à vaincre les Paris, Gallimard, 1972 (1' 0 éd. '1937).
préjugés sur l'ésotérisme au point de découvrir la logique elle-même de la GRIAULE Marcel, Note sur la divination par le chacal, Bulletin du Comité d'étu-
géomancie. des historiques et scientifiques de l'AOF, 1927, 20, 1-2, 113-141.
De la réédition de ce classique de l'ethnologie, nous ne saurions que nous GRIAULE Marcel et Germaine DIETERLEN, Le renard pâle, Paris, Institut d'eth-
réjouir. Elle nous permet de mieux admirer cette magnifique œuvre d'intercul-
nologie, 1966.
turalité qui restitue si bien la vérité sémantique et formelle de la pensée de l'autre,
tout en exprimant sa différence. HEBERT Jean-Claude, Analyse structurale des géomancies comoriennes, mal-
gaches et africaines, Journal de la Société des Africanistes, XXXI, 1961, 2,
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Fig. 1. La Vie, Gbz. . . . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . . . . . . . . 62
TURNER Victor W., Les tambours d'affliction. Analyse des rituels chez les " ~· Bas-reÎief d'Abomey .......................... : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63
Ndembu de Zambie, Paris, Gallimard, 1972 (!'•éd. 1968). " 3. Ke, Hù, Aja, Ay9.................................................. 65
VERGER Pierre, Notes sur le culte des Orisha et des Vodun, Dakar, IFAN, 1957. » 4. Cakpa de Ged•gbe. . . . . . • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 145
VINCENT Jeanne-Françoise, Techniques divinatoires des Saba, Journal de la » 5. Insignes de dignitaire~ du roi (Abomey).. . . . .. . . . . . • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 155
» 6. Le Fagbàs.a de Gedegbe. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 168
Société des Africanistes, XXXVI, 1966, 1, 45-64.
» 7. Coupe verticale d'un Duwo............................. ... • . . . . . . . . • . 170
- Divination et possession chez les Mofu montagnards du Nord-Cameroun, » 8. Asè et alïgle....................................................... 175
Journal .de la Société des Africanistes, XLI, 1971, 1, 113 sq. » 9. Tàlù.................................................. •.. . . . . . . . . . 178
» IO. LEgba agbànukwè ... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . . . . . . . . . . 179
» 11. Fagbà .•....... , ... ...........•......•.......... .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . ·184
» 12. Wekezo-rne-le. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • • . . . . • . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . . 188
» 13. Décoration d'un Fat• . .....•............ , ............... ·. . . . . . . . . . . . 192
» 14: Jet de l'agùmaga.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 201
» 15. Consultation par le Fat•, . •..............•........ : . . . . . . . . . . . . . . . . . 203
» 16. Calendrier sùzà (Musée de l'Homme) .... ................. ·... . . . . . . • . . . 21 I
» 17. Calendrier ....................•..•.......................... ,..... 213
» 18. Calendrier musulman de Ged•gbe..................................... 215
» 19. Calendrier royaLde Gedegbe (Copie au Musée de l'Homme) ...... ·.......... 217
» 20. Dispositif d'une consultation par l'agûmaga .......... .•.............• , . . 234
" 21. Dispositif d'une consultation par le Fagbo.............................. 241
" 22. Inscription des signes· sur' le Fat•.. . . . . • . . . . . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . . . . . . . . 246
» 23. Inscription des signes dans le y• du Fat• ............•.. '............... 247
11 24. Tableau de gede. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 53
» 25. Gede de Gbe-M•ji et des 15 Juno...................................... 254
» 26. Gede de Sa-Guda et Aklà-guda . ............................ , ... : . . . . . . 2 5 5
» 27. Gedede Wèle-Y•ku ................................................. 257
» 28. Gede de Sa-Woli........................................ .. . . . . . . . . . 259
» 29. Gede de èe-Abla •................................. ,................ 260
» 30. Gede de Loso-Wële.... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 261
» 31. Figure magique. . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 263
» · 32. Aovik9 et Abik9.. . • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . . . . . . . . . 3i'6
» 33. Figuration ésotérique des 16 dunà.................................... 432
TABLE DES MATIÈRES.

TABLE DES PLANCHES.


PREMIÈRE PARTIE.
Pages
INTRODUCTION ......... , , .............. , .. , , , , , , , . , .... , .... , . . . . . . . . . . . VII-X Y

Pl. I. GEd<gbe •. BIBLIOGRAPHIE.. . . . . . . . .. , ................... ; . , , ..•.......... , . . . . XVII-XXVII


» II. A. Danseurs gElEdE à Pobé.
CHAPITRE 1. - Définiti-Ons. Fa.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3-31
B. .Jeune garçon consacré à Mawu (Ouidah).
C. Statue de Mawu au Musée historique d'Abomey. Expression de la notion de futur. - Le mot Fa. - Définition et caracté-
» III. A. Chez GEdEgbe : les objets divinatoires. A gauche, l'abila. ristiques : Fa et les vodù. Associations d'idées. Attributions. - Iconographie
B. Chez GEdEgbe: le signe tracé dans le yE. Autour du FatE : h:s loflè et l'aglimagR. de Fa. Sa filiation. - Particularités : noms honorifiques, langue secrète, Fa
» IV. A et B. Le fils aîné de GEdEgbe consultanP. palladium urbis, tamtam et danses de Fa . ...,... Proverbes et dictons.
li V. A et B. Marché aux ast à Abomey.
li VI. A. Làflè de GEdEgbe, bois (Musie de l'Homme). CHAP. Il. - Origine légendaire et Origine historique...................... 32-51
B. L'abila de GEdEgbe et son contenu. 1. Légende : le pays d'Ifé, l'Araha.
li VII. A. Làjlè d'ivoire (Musée de l'Homme) 1. II. Histoire : divination avant et après Fa. - Aire de dispersion, ana-
B. Gubasa de GEdEgbe, fer (Musée de l'Homme). logies. - Conclusion.
» VIII. A. Sculpture sur bais (Somalie italienne) tMusée Colonial de Rome).
B. FatE de GEdogbe. (Musée de l'Homme). CHAP. III. - Le Panthéon de la 11 Côte des Esclaves »................... 52-111
1. Les vodti. Généralités. Nombre et classification. Caractères. Conception
r. Photo prise à la fin de I 9 35.
de l'univers. Le Clergé et la Monarchie. Extension et décadence des cultes.
2. Photo prise en plein air, dans une cour, pour les nécessités de l'éclairage, et ne don-
U. Mawu-Lisa. - Xwioso. Sakpata. -· Dà.
nant pas l'image d'une consultation réelle. Le devin, notamment, devrait être tête nue, le
pagne roulé à la ceinture. III. LEgbà: Caractères, origine et culte.
3. Rapporté par Je Général Dodds. IV. Gbaadu. Appellations. Origine. Caractères. Culte. Préparation et instal-
lation. Interrogatoire d'initiation. Offrandes et prières.

CHAP. IV. - Le BOKJNÔ............................................ 112-16)


Sous quels noms on désigne Je Bok!m6. - Les fonctions, le caractère. -
Comment on devient Bok!mà. - Hiérarchie, - Le Bok,nà, la médecine, la
sorcellerie et l'empoisonnement. - Les femmes Bok,116. - Les Bok!mà du roi
d' Abomey. Titulus tumuli.

CHAP. V. - Le FAGBASA. Les Instrumenta et les Accessoires de la Divi-


nation .•.•............•.........•........•. _...•... ,.......... 166-219
I. Le Fagbasa: D11wo, asè acrelele, ügba agbànukwë.
II. Le matériel : noix de Fa et coupes à noix, Fagbà, FatE, JE, loflè, agümaga,
akpo, abila et vode; lakpo; Gubasa et Gudaglo; eau lustrale ; calendriers.

CHAP. VI. - La Consult.at.ion . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . . . . . 220-270


'
TABLE DES MATIERES

Ses causes: danger, malheur, impureté, premières règles, grossesse, en(an-


te11;1ent, Fagbasa, maladie, mort, vodii, rêve. - Jour et heure. - Agùmaga,
Fatbo, gede. Consultation de Legba. - Le jet des colas. - Noms dérivant
d'une consultation de Fa.

CHAP. VII. - Les Stades de l'initiation du laïque à Fa. Le Fa de la Forêt


Sacrée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27I-332
Les trois stades de !'initiation.
I. L'enfance : .Fa-kiûî-we.
II. L'adolescence : Fa-si-sè.
III. L'âge mûr : Fa-ti-k Le bois sacré. - Formalités antérieures au
départ pour la forêt : a) remise des noix. b) falo et dénombrement des sacri-
fices à offrir. c) fixation de la date. - Dans la forêt: auagofa, fàfa. Le Lëgba
agbonux9su. Les trois sacrifices des Nago. Orientation. Rites d'entrée et de
sortie·. Le kpDli.
Effets de la remise du Fa. Perte ou destruction du Fa ou du kpDli. - Mort
du Faui. - Le Fa des femmes.

CHAP. VIII. - Les Sacrifices ..................... , . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33 3-3 77 Achevé d'imprimer


Le sang. - Les nourritures de fa. le 4° trimestre 1988
I. Les Fanuwiva : participation de L<gba et des morts aux sacrifices ; rite sur les presses de l'imprimerie Copédith
de pulvérisation. - La fête de l'igname, 7, rue des Ardennes
Il. Les wsisa : sacrifices abandonnés, adra, VDsa-bocyD. 75019 Paris
Nombre des victimes. - Les sacrifices humains. - Frais des sacrifices.
- Feuilles liturgiques.

CHAP. IX. - YE, S8, }JT:J, WËSAGÙ, LÎDÔ. Les Ames et le Destin... 378-.i.05

DEUXIÈME PARTIE

CHAP. I. - Les Signes. - Notions générales.......................... 409-429


Les signes-mères et les signes-enfants. - Les signes innommables.
Caractéristiques et correspondances. - Ordre des signes-mères. - Le déve-
loppement d'un signe : devises, légendes (le roi M<tDlàfî), chants, interdits,
sacrifices.

CHAP.

CHAP.
II. - Les seize grands Signes et leur Message ................. .

III. - Les Signes secondaires : VIKÀDO ...... , ............... .

CONCLUSION •••..•.••.••.•••..••...•.•..•...•..•..••..•••.•••..•...•••.

ERRATUM ••••.•••••.••.•••....••••.•.•.••...••.•.•...•••....••.••..•.•
430-572

573-676

677-68I

683-686
,
1

TABLE D.ES' FIGURES ••••••• -••...•..••••.•••••.•.•..•..••.•.••..••..••.• 687

TABLE DES PLANCHES .••.•..•......•.......••..•.••••...•.•..•••.•.••.. 688


Dépôt légal n° 2571

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