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Antériorité de Marc

hypothèse selon laquelle l'évangile selon


Marc serait le premier évangile
synoptique rédigé

L’antériorité de Marc, ou priorité de Marc,


est la thèse selon laquelle l’Évangile
selon Marc est le plus ancien des trois
synoptiques. L’exégèse biblique
traditionnelle a longtemps attribué cette
antériorité à l’Évangile selon Matthieu, en
accord à la fois avec l’ordre canonique et
avec les explications d’Augustin
d’Hippone dans son De consensu
evangelistarum.

L'Évangile selon Marc,


rédigé le premier, aurait
servi de source à
Matthieu et à Luc.

La thèse de l’antériorité de Marc,


désormais admise par la communauté
des spécialistes, constitue la base de la
théorie des deux sources. Elle se situe au
centre du problème synoptique.

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Histoire : la question de
l'antériorité

Les deux sources de Matthieu et de Luc :


l'Évangile selon Marc et la Source Q, auxquels
s'ajoutent leurs contenus spécifiques (Sondergut).

L'ordre des quatre Évangiles canoniques


est le suivant : Matthieu-Marc-Luc-Jean.
Cette tradition ecclésiastique, qui date du
e
siècle, est systématisée par Augustin
d'Hippone vers l'année 400 dans son
ouvrage De consensu evangelistarum, où
il estime que cette séquence reflète
l'ordre chronologique dans lequel les
textes ont été écrits : Matthieu est le
premier des quatre évangiles, thèse
restée indiscutée pendant des siècles.
Son argumentation, qui répond à un
dessein apologétique, est mise à mal dès
que l'exégèse biblique s'affranchit de la
version officielle en la passant au crible
de la lecture historico-critique, autrement
dit à partir de la fin du e
siècle[1].
Cette tradition ecclésiastique est
initialement remise en cause par des
théologiens protestants[2] : d'abord par
Gottlob Christian Storr (en) en 1786[3] puis
par Johann Gottfried Herder en 1820[4].
La publication en 1835 de La Vie de
Jésus (Das Leben Jesu) de David Strauss
qui remet en cause l'historicité des
évangiles, rend la critique du problème
synoptique encore plus vive chez les
exégètes.

C'est à la lumière de la philologie que ce


schéma théorique est contesté en 1835
par Karl Lachmann, dont l'analyse tend à
prouver que, à l'inverse du modèle
augustinien, Marc n'est pas le
« résumeur » de Matthieu : au contraire,
son évangile a probablement été utilisé
par Matthieu ainsi que par Luc[1]. Deux
autres théologiens allemands, Christian
Gottlob Wilke [5]
(en) et Christian Hermann
Weisse[6], reprennent l'hypothèse de la
priorité marcienne en 1838 pour
combattre la thèse mythiste de
Strauss[7]. Dans la seconde partie du
e
siècle, des théologiens comme
Heinrich Julius Holtzmann (Die
synoptischen Evangelien, 1863) et
Bernhard Weiss (Lehrbuch der Einleitung
in das Neue Testament, 1886) tentent de
démontrer cette hypothèse afin de
prouver la crédibilité des Évangiles
comme témoins de l'activité de Jésus[8].
Leur théorie attire l'attention des
exégètes britanniques et américains au
début du e
siècle[9] et devient
populaire[10] grâce aux travaux critiques
d'E. J. Rawlinson[11] et d'Étienne
Trocmé[12].

Les cinq critères


La démonstration se fonde sur cinq
critères : la structure, la succession des
péricopes, le contenu, le style et enfin le
commentaire[13].
L’analyse de la structure révèle que
Matthieu et Luc reprennent la narration
de Marc tout en l’adaptant ; dès qu’ils
s’en éloignent, ils s’écartent l’un de
l’autre, par exemple lorsqu’ils abordent
les Évangiles de l'enfance[13]. La
succession des péricopes fait apparaître
que Matthieu et Luc se détachent
volontiers de l’ordre adopté par Marc,
mais sans respecter un enchaînement
commun indépendant de lui ; en d’autres
termes, Marc leur sert de fil conducteur.

L’étude du contenu, quant à elle, permet


d’appréhender la part déterminante du
matériau marcien chez Matthieu et
Luc[13]. Selon les chiffres indiqués par
Daniel Marguerat, Matthieu (texte de
1 068 versets) utilise 523 versets de
Marc sur 661 ; et Luc (texte de 1 149
versets), environ 364 sur 661. Seuls 26
versets restent propres à Marc. Au total,
le texte marcien se retrouve presque
intégralement dans les deux autres
synoptiques, soit 635 versets sur 661[14].
Les 523 versets de Marc repris par
Matthieu correspondent à près de 50 %
du texte matthéen[15], et les 364 versets
de Marc utilisés par Luc représentent
35 % du texte lucanien[16].
Le style de Marc se caractérise par sa
simplicité : il procède par juxtapositions
(la parataxe), s’exprime au présent de
narration, accumule les tournures
sémitiques. À l’inverse, Matthieu emploie
l’aoriste, Luc recourt à une syntaxe
élaborée et le vocabulaire de ces deux
auteurs est plus recherché, d’où il ressort
qu’ils ont amélioré le niveau
linguistique[13]. Enfin, le récit de Marc est
développé par les deux autres
évangélistes sous la forme de
commentaires intégrés à leur texte : ils
expliquent, ils explicitent, ils rectifient,
tant sur le plan événementiel que dans
une intention théologique[13].

Ces cinq séries d’observations plaident


en faveur de l’antériorité de Marc. Elles
se voient complétées par le fait que
Matthieu et Luc présentent 235 versets
communs qui ne se retrouvent pas chez
Marc. Selon la théorie des deux sources,
ce corpus de 235 versets, principalement
constitué de paroles de Jésus (les logia),
provient d'un second texte de référence :
la Source Q[13].

Notes et références
1. « Sur les traces de la Source des
paroles de Jésus (Document Q) : Une
entrée dans le judéo-christianisme
des trois premiers siècles » (https://
www.evangile-et-liberte.net/element
s/horserie/001.html) [archive] par
Frédéric Amsler sur le site d'Évangile
et Liberté, 2004.
2. (en) Hajo Uden Meyboom, A History
and Critique of the Origin of the
Marcan Hypothesis, 1835-1866,
Mercer University Press, 1993, p. 16.
3. (de) Gottlob Christian Storr, Über den
Zweck der evangelischen Geschichte
und der Briefe Johannis, Tübingen,
1786 (lire en ligne (https://books.goo
gle.com/books?id=O4dAAAAAcAA
J) [archive]), p. 274.
4. (de) Johann Gottfried Herder,
Samtliche Werke zur Religion und
Theologie, Büreau der deutschen
Classiker, 1820 (lire en ligne (https://
books.google.com/books?id=mks4A
QAAIAAJ) [archive]), p. 19.
5. (de) Christian Gottlob Wilke, Der
Urevangelist oder exegetisch
kritische Untersuchung über das
Verwandtschaftsverhältniss der drei
ersten Evangelien, Gerhard Fleischer,
1838 (lire en ligne (https://books.goo
gle.com/books?id=NVssAAAAYAA
J) [archive]).
6. (de) Christian Hermann Weisse, Die
evangelische Geschichte kritisch und
philosophisch bearbeitet, Breitkopf u.
Härtel, 1838 (lire en ligne (https://bo
oks.google.com/books?id=e8hPAAA
AcAAJ) [archive]).
7. Louis Perriraz, Histoire de la
théologie protestante au XIXe siècle,
H. Messeiller, 1949, p. 169.
8. (en) Vincent Taylor, Gospel According
to St. Mark : An Introduction and
Commentary, MacMillan, 1953, p. 10.
9. (en) Vincent Taylor, Gospel According
to St. Mark : An Introduction and
Commentary, MacMillan, 1953, p. 10-
12.
10. (en) Sang-Il Lee, Jesus and Gospel
Traditions in Bilingual Context : A
Study in the Interdirectionality of
Language, Walter de Gruyter, 2012,
p. 25.
11. (en) E. J. Rawlinson, St. Mark, Methuen,
1925, p. 31.
12. (en) Étienne Trocmé, The formation of
the Gospel according to Mark,
S.P.C.K., 1975, p. 69.
13. Daniel Marguerat, Introduction au
Nouveau Testament : Son histoire,
son écriture, sa théologie, Labor et
Fides, 2008
(ISBN 978-2-8309-1289-0), chapitre
2, « Le problème synoptique », p. 39-
41.
14. Daniel Marguerat, Introduction au
Nouveau Testament : Son histoire,
son écriture, sa théologie, Labor et
Fides, 2008, chapitre 2, « Le
problème synoptique », p. 32.
15. Élian Cuvillier, « L'Évangile selon
Matthieu », in Daniel Marguerat (dir.),
Introduction au Nouveau Testament :
Son histoire, son écriture, sa
théologie, Labor et Fides, 2008, p.
92.
16. Daniel Marguerat, « L'Évangile selon
Luc », in Introduction au Nouveau
Testament : Son histoire, son
écriture, sa théologie, Labor et Fides,
2008 (ISBN 978-2-8309-1289-0), p.
111.

Bibliographie
Raymond E. Brown, Que sait-on du
Nouveau Testament ?, Bayard, 2011
(ISBN 978-2-227-48252-4)
Bart D. Ehrman, Jésus avant les
Évangiles : Comment les premiers
chrétiens se sont rappelé, ont
transformé et inventé leurs histoires du
Sauveur, Bayard, 2017
(ISBN 978-2-227-48913-4), en
particulier le chapitre 6 : « Mémoire
collective : Marc, notre plus ancien
évangile »
Camille Focant, L'Évangile selon Marc
(Commentaire biblique : Nouveau
Testament, 2), Paris, éditions du Cerf ,
2004
Daniel Marguerat (dir.), Introduction au
Nouveau Testament : Son histoire, son
écriture, sa théologie, Labor et Fides,
2008 (ISBN 978-2-8309-1289-0)
Benoît Standaert, osb, L'Évangile selon
Marc, Cerf, 1997
Étienne Trocmé, L'Évangile selon saint
Marc, Labor et Fides, Genève, 2000
(ISBN 2-8309-0972-0)
(en) Hajo Uden Meyboom, A History and
Critique of the Origin of the Marcan
Hypothesis, 1835-1866, Mercer
University Press, 1993, 234 p. (lire en
ligne (https://books.google.com/book
s?id=UXcrmgIKMA4C) [archive])

Liens externes
« Sur les traces de la Source des
paroles de Jésus (Document Q) : Une
entrée dans le judéo-christianisme des
trois premiers siècles » (https://www.e
vangile-et-liberte.net/elements/horseri
e/001.html) [archive] par Frédéric
Amsler sur le site d'Évangile et Liberté,
2004
« The Current State of the Synoptic
Problem » (https://www.webcitation.or
g/5YBgZFADe) [archive] par
Christopher Tuckett, colloque d'Oxford,
2008

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