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01 Somm 6/06/07 14:35 Page 1

forêt
entreprise

N° 175
sommaire
Institut pour
le développement forestier
Service d’utilité forestière
du Centre national professionnel
de la propriété forestière
23, av. Bosquet, 75007 Paris
Tél. 01 40 62 22 80
idf@cnppf.fr
2 51 61
Directeur de la publication
Roland Martin
Directeur de la rédaction agenda matériel matériel végétal
Thomas Formery
Bialtis, une nouvelle Ameline, Gardeline, et
Rédacteur
Samuel Six protection individuelle Monteil : trois nouveaux
Conception graphique contre les dégâts de lapin merisiers très performants
Jean-Éric Ridonat (High’com)
Ph. Van Lerberghe C. Soltysiak, F. Santi, J. Dufour
Maquettiste
Sophie Saint-Jore 3
Responsable Édition-Diffusion
Pascale Maurin éditorial
Diffusion - abonnements
François Kuczynski
Publicité
9
Helium Régie

dossier
22, rue Drouot - 75009 Paris
Tél. 01 48 01 86 86
Fax 01 48 01 86 82
Impression 4
Centre Impression
BP 218 - 87220 Feytiat
actualité
Tél. 05 55 71 39 29
Numéro d’imprimeur 00094 L’orme :
Tous droits de reproduction ou
de traduction réservés pour tous
pays, sauf autorisation de
nouveaux espoirs ?
l'éditeur.
Périodicité : 6 numéros par an
Abonnement 2007
France : 46 € étranger : 60 € 5
édité par le CNPPF
Commission paritair e des
publications et agences de
parution Photo de couverture :
presse : n° 0412 B 08072 Un orme lisse adulte
ISSN : 0752-5974 accompagne une jeune
Siret : 180 092 355 00015
56 plantation de cultivars
Les études présentées dans Forêt-
entreprise ne donnent que des indi-
d’ormes résistants à la
cations générales. Nous attirons arbre hors forêt graphiose.
l'attention du lecteur sur la nécessi-
6 S. Girard, IDF
té d'un avis ou d'une étude éma- Innover en associant arbres
nant d'une personne ou d'un orga-
et cultures : les atouts de
nisme compétent avant toute appli-
cation à son cas particulier. En
cetef l’agroforesterie moderne
aucun cas l'IDF ne pourrait être tenu
Les journées nationales
responsable des conséquences - Ch. Dupraz, F. Liagre
quelles qu'elles soient - résultant de Intercetef : rencontres et
l'utilisation des méthodes ou maté-
riels préconisés.
échanges
Cette publication peut être utilisée dans A. Colinot
le cadre de la formation permanente.

Dépôt légal :Juillet 2007

‘Une forêt privée gérée et préservée


par un réseau d’hommes compétents
au service des générations futures’
Forêt-entreprise n°175-Juillet 2007
P. 02 Agenda 1/06/07 13:57 Page 2

agenda
Festival des forêts Ma maison naturellement !
Jusqu’au 21 juillet 2007, les forêts de Le Salon "Ma maison, naturellement !" se déroulera
Laigue et de Compiègne proposent des dans le cadre de la Foire internationale de Cler-
concerts-randonnées. La promenade est mont-Ferrand au parc technologique La Pardieu, du
commentée et donne aux randonneurs 8 au 17 septembre 2007, et s’articulera autour de
des notions de botanique, de sylviculture deux pôles : le Salon de la Forêt et du Bois, qui est
et quelques références historiques sur organisé depuis 200 4 en collab oration avec
les lieux parcourus. Les musiciens atten- Auvergne Promobois (interprofession de la filière
dent les randonneurs en forêt, « la bois) et accueille sur près de 1 200 m2 des repré-
musique jaillit, se mélange aux cimes sentants de la forêt privée, de la forêt publique, des
des arbres, pour un spectacle constructeurs, des fabricants de chalets, parquets,
grandiose ». La journée se termine par et meubles, des organismes de formation… ; et le
un concert d’exception dans une église. Salon de l’Eco Construction, qui va être développé
Renseignements et réservations sur 1 000 m2.
au bureau du Festival des Forêts, Renseignements au 04 73 69 36 00 ou par courriel : foire-clermont-cournon@wana-
6 promenade Saint Pierre des Minimes, doo.fr, site : www.foire-de-clermont.com
60200 Compiègne de 9h00 à 19h00,
tél. : 03 44 40 28 99, fax : 03 44 40 28 99, ■■■
courriel : festivaldesforets@wanadoo.fr,
site internet : www.festivaldesforets.com
Salon Habitat et Bois
À l'occasion de sa 26e édition, le salon habitat et bois d’Épinal se déroulera du 20 au
24 septembre 2007, au cœur des Vosges où l’usage du bois est de plus en plus
répandu. Prés de 400 exposants se tiendront la disposition des visiteurs pour leur
expliquer comment construire, rénover, réaménager, modifier le décor de leur habitat
à l’aide du bois, mais aussi pour conseiller sur les solutions existantes de chauffage
au bois. Preuve de l’engouement pour le bois dans l’habitat, ce sont plus de 40 000
visiteurs motivés qui l'an passé ont profité de ce carrefour d'échanges unique entre
particuliers et professionnels.
Renseignement auprès de Promotex, BP 30002, 57600 Forbach, tél. : 03 87 88 68 45,
fax : 03 87 88 59 02, courriel : info@salon-habitat-bois.com
site : www.salon-habitat-bois.com

Formations IDF
Désignation des stages Animateur Lieu Date

Le châtaignier, un feuillu très précieux J. Lemaire Bretagne 18-20 sept. 2007 (3 jours)

Le traitement irrégulier des résineux J. Becquey Auvergne 18-21 sept. (3,5 jrs)
Sylviculture des résineux : les diversifier pour
P. Riou-Nivert Orléans (45) 26-27 sept. (2 jrs)
mieux s'adapter à un avenir incertain

Forêt et qualité de l'eau F. Charnet Saint Léger des Prés (35) 02-04 oct. (3 jrs)

Comprendre
E. Lacombe, ONF Velaine en Haye (54) 09-12 oct. (3 jrs)
et appliquer le mode de traitement irrégulier
La cartographie appliquée à la forêt M. Chartier Orléans (45) 16-17 oct. (2 jrs)
Aspects fiscaux et juridiques liés à la gestion
O. Picard Paris 23-24 oct. (2 jrs)
économique des forêts

Renseignements et inscriptions : Danielle Gaudin : 02 99 65 39 65 – Florent Gallois : 02 38 71 95 52, courriel : idf-formation@cnppf.fr,


site : www.foretpriveefrancaise.com, rubrique « Services et Formation » (pour les fiches descriptives des stages ainsi que le bulletin d’ins-
cription). Catalogue 2007 disponible sur demande.

2 Forêt-entreprise n°175-Juillet 2007


P. 03 Edito 175 1/06/07 13:59 Page 3

éditorial
Depuis 2002, l’IDF a repris De leurs travaux sont nées de
l’habitude, abandonnée dans nombreuses techniques
les années 70, de réunir réguliè- forestières, adaptées aux
rement les groupements de conditions économiques du
développement et Cetef à l’occa- moment, des vocations de
sion de “journées nationales du sylviculteurs et finalement, un
développement”. Alain grand élan d’extension
Colinot, en charge de cette ques- qualitative et quantitative de la
tion au CNPPF, en retrace dans forêt privée française au cours
le présent numéro les dernières des 40 dernières années.
propositions et conclusions, Avec des hauts et des bas, sous
avant les prochaines journées des formes diverses et
des 4 et 5 octobre prochains, changeantes, la plupart ont
dans la région du Mans. maintenu leur activité avec,
généralement, l’appui de CRPF
ou de Chambres d’Agriculture
Développement forestier qui mettent à leur disposition du
temps de personnel technique
et transfert des connaissances salarié ; l’ensemble constitue
l’actuel réseau du
développement forestier, actif,
Que signifie, au fait, cette original, indépendant. Plus de
appellation de “développement”, 5 000 personnes aujourd’hui !
trop souvent utilisée en agri-
culture et, par contagion, en Nous souhaitons maintenant aller
forêt privée ? Le dictionnaire plus loin et c’était l’objet de la
nous rappelle qu’il s’agit tout “journée nationale du transfert”,
simplement du progrès en organisée le 22 mai dernier.
quantité et en qualité d’une Mettre scientifiques et
personne ou d’un objet. Tel est chercheurs d’un côté,
bien le cas pour la forêt privée ; sylviculteurs et gestionnaires de
dans l’élan de l’après-guerre, l’autre, face à face, pour
après la période de améliorer et développer les
reconstruction, des groupes de méthodes du transfert des
propriétaires forestiers, appelés connaissances, telle était notre
d’ailleurs souvent “groupes de ambition. Transformer la
progrès”, se réunissent passerelle du transfert en un
spontanément, avec ou sans large pont ! Les scientifiques,
l’appui d’opérateurs extérieurs. désireux de justifier la finalité et
Se constituent ainsi, sur le l’opérationnalité de leurs travaux,
modèle agricole, des centres les gestionnaires, soucieux de
d’études techniques, des faire connaître leurs observations,
groupements de productivité, de conclusions et préoccupations de
vulgarisation, de dévelop- terrain, se rencontrent et mettent
pement… Ces groupes, selon au point de nouvelles méthodes
leur spécificité, leur composition, d’échanges de la forêt vers le
leur champ d’activités, vont labo et vice versa ; pour le bien
mettre en place des outils divers de la forêt française, publique et
et de nombreuses privée.
expérimentations pour concourir
au développement de la forêt Vous trouverez les conclusions
privée : vulgarisation des de cette journée dans le prochain
techniques, information générale, numéro de Forêt-entreprise.
formation des membres des
groupes… Thomas Formery

Forêt-entreprise n°175-Juillet 2007 3


P. 04 Actus 1/06/07 14:00 Page 4

actualité

Les granulés de bois plaisent aux


On peut maintenant prédire
maisons individuelles
l’évolution des champs et
des forêts Les statistiques de l'industrie suédoise de gra-

© Jérémy Paulus, IDF


nulés (« pellets ») indiquent que les ventes de
C’est du moins l’espoir nourri par une granulés ont atteint des niveaux records en 2006.
équipe franco-québécoise sur la base La consommation de granulés pour le chauffage
des avancées du professeur Bill Shi- des maisons individuelles a augmenté de
pley. Face au problème de la recherche 50 %. Malgré la douceur de l’automne et de l’hi-
d’une aiguille dans une botte de foin, il ver, la consommation de granulés par les propriétaires de maisons individuelles est
est possible d’examiner méthodique- maintenant supérieure à celle des industries. Ce qui signifie clairement que la majorité
ment chaque brindille… ou de chercher des utilisateurs suédois se servent principalement de granulés comme combustible.
l’aiguille au milieu des cendres, après (Source : Nordicforestry).
avoir brulé la motte. C’est, par analogie,
la deuxième option qu’a retenue l’équi-
pe de Bill Shipley pour prédire l’évolu-
que l’Afrique et l’Amérique latine sont
tion de communautés végétales… avec ■■■ des régions où la déforestation continue
succès. « Jusqu’à présent, la plupart
des écologistes ont tenté de décrire les Création de l’IFRAI à un rythme "très préoccupant"
(Source : FAO).
communautés végétales en décorti- (Cirad-Inra)
quant chacune des interactions pos-
Le Centre de coopération internationale
sibles des plantes entre elles »,
en recherche agronomique pour le déve- ■■■
explique le chercheur québécois. Bien
loppement (CIRAD) et l’Institut national
que cette approche donne de bons Les Français et le bois
de la recherche agronomique (INRA) ont
résultats avec de petites communautés
mis en œuvre l’Initiative française pour
dans l’habitat
d’organismes simples comme des bac-
la recherche agronomique internationale Selon une étude Sofres d’avril, 83 % des
téries, elle devient inadéquate avec des
(IFRAI). Cette démarche de rapproche- Français se disent inquiets lorsqu’ils
écosystèmes complexes, qui engen-
ment des deux organismes scientifiques pensent à l’avenir de la planète. Ils sou-
drent des interactions multiples. Or,
français vise à promouvoir, à l’internatio- haitent des constructions durables et
seul un petit nombre de caractéris-
nal, la visibilité de la recherche agrono- esthétiques, alliant environnement, inno-
tiques moyennes d'une communauté
mique française, afin de répondre aux vation et santé. 78 % d’entre eux sont
végétale et leurs règles d'assemblage
appels d’offres internationaux. prêt à payer plus cher une construction
suffiraient à définir cette communauté,
respectant les principes du développent
quelles que soient les espèces pré-
durable (Cabinet Caron, octobre 2006).
sentes. ■■■
Le chercheur a mis à l’épreuve son
modèle sur douze vignobles suivis par La déforestation ralentit ■■■
le Centre d'écologie fonctionnelle et dans le monde
évolutive du CN R S de Montpellier L’IDF obtient
Selon le rapport Biennal « La situation
depuis 40 ans. Le taux de prédiction a
des forets » publié en mars par la FAO,
sa qualification en tant qu’
atteint 94 % en utilisant seulement huit
13 millions d’hectares de forêt conti- « Institut technique agricole »
traits caractéristiques des plantes du
nuent de disparaître chaque année mais L’appellation « Institut technique » est
milieu (dont la surface des feuilles, le
la tendance à la déforestation s’inverse maintenant protégée par les disposi-
nombre de graines, leur grosseur et la
grâce aux campagnes de reboisement tions de l’article 91 de la loi du 05 jan-
hauteur des plants). Reste maintenant à
menées par plus de cent pays. Les vier 2006 et de son décret d’application
vérifier si le modèle peut décrire
forêts st ables ou en expansion se en date du 5 février 2006. À l’issue d’une
d’autres types de communautés végé-
situent en Amérique du Nord, en Europe, procédure de reconnaissance, l’IDF, en
tales… L’outil de prédiction permettrait
et, pour la première fois depuis plu- tant que Service d’utilité forestière du
alors de vérifier si une espèce risque de
sieurs décennies : en Asie. La politique CNPPF, vient d’être qualifié par l’arrêté
devenir invasive dans un environne-
de reb oisement à but commercial du 7 mai 2007 du ministre de l’Agricultu-
ment donné, ou de prédire quels
menée en Chine (et dans une moindre re et de la Pêche.
seraient les impacts d’un changement
mesure en Inde) compense les taux de Cette qualification est essentielle pour
environnement al sur les arbres
déforest ation élevés d'autres pays l’I DF. Elle permettra une meilleure
(Source : “From Plant Traits to Plant
(Indonésie, Papouasie-Nouvelle-Gui- reconnaissance et un accès plus facile
Communities : A statistical mechanistic
née). En effet, l’Asie du Sud-Est, ainsi aux financements publics.
approach to biodiversity.” Science
n°314, 3 novembre 2006).

4 Forêt-entreprise n°175-Juillet 2007


P. 05 Parutions 1/06/07 14:03 Page 5

parutions
Fiches Informations- des différents aspects de la Claire Bigeault, 34 rue Princi-
biodiversité forestière auprès pale, 3 118 0 Saint Geniès,
Forêt de l’AFOCEL
des sylviculteurs et leur appor- courriel : claire.bigeault@free.fr
Dans la série 2/2007 : ter des connaissances néces-
– Eucalyptus : 35 ans d'expéri- saires pour favoriser des pra- ■■■
mentation dans le sud de la tiques sylvicoles de gestion
France (fiche 747). durable. Les saveurs des arbres
– Diversifier la production de C R PF Nord-Pas-de-Calais- Jean-Luc Ansel, auteur des
pin maritime dans les Landes Picardie, 96 rue Jean Moulin, « Arbres guérisseurs », « Arbres
de Gascogne (fiche 748). 80000 Amiens, tél. : 03 22 33 parfumeurs » et « Arbres bâtis-
– Bioénergies : des actions de 52 00, fax : 03 22 95 01 36, seurs » aurait pu titrer son nou-
recherche pour donner sa juste courriel : nordpicardie@crpf.fr vel ouvrage « Arbres nourri-
place au bois (fiche 749). ciers » mais a préféré un titre
– Traçabilité et échanges élec- ■■■ plus suggestif : « Les saveurs
troniques pour la filière forêt- des arbres » dans lequel il
bois-papier (fiche 750). Aigoual, la forêt renoue le « lien oublié entre
– L'industrie du sciage de pin retrouvée l’Homme et l’arbre » et invite
ce critère simple mais efficace
maritime d'Aquitaine, à l'épreu- qui est choisi dans ce guide
les lecteurs à découvrir mille et
ve du modèle allemand (fiche pour facilement déterminer,
une manière de se nourrir
751). sans connaissances b ot a-
grâce aux arbres dont on
L’ab onnement annuel, soit niques préalables, 1 150 espè-
mange les graines, les racines,
20 fiches (4 séries de 5) est au ces de fleurs, graminées,
les feuilles, les fleurs et même
prix de 44 € TTC + frais d’em- arbres et arbustes. Par son
le tronc… L’auteur présente
ballage et de port (8 € TTC texte et ses illustrations de
plus de quarante essences de
pour la France et les pays de la grande qualité, ce guide est le
tous les continents et raconte
Communauté européenne ; compagnon indispensable
les pratiques culinaires inso-
12 € TTC pour les autres). pour qui veut identifier les
lites sublimées par les « notes
Service publications de l’AFO- plantes.
gourmandes » du chef Jacques
CE L, Domaine de l’Étançon, Format 12,5 x 19,5, 496 p., en
Le Divellec. Editions Eyrolles.
77370 Nangis, tél. : 01 60 67 00 vente à IDF Diffusion, 23 ave-
Format 22,5 x 31,5 cm, 152
38, courriel : publi@afocel.fr, nue Bosquet, 75007 Paris au
pages, 32,90 € + 5 € de frais
site : www.afocel.fr prix de 29 € + 7 € de frais d’ex-
de port, disponible auprès de
pédition, tél. : 01 40 62 22 81,
Au milieu du XIX e siècle, la DLivres, 61 boulevard Saint-
■■■ forêt de l’Aigoual dans les Germain, 75240 Paris Cedex
fax : 01 40 62 22 87 ou sur
www.foretpriveefrancaise.com
05, tél. : 0 8 2 0 3 6 3 6 3 6,
La biodiversité Cévennes se réduit comme
peau de chagrin et de graves fax : 01 44 41 41 87. ■■■
forestière
inondations se multiplient dans
Le CRPF Nord-Pas-de-Calais- les vallées. Grâce à un engage-
Actes du congrès euro-
Picardie vient d’éditer une bro- ment exceptionnel, le forestier
péen d’arboriculture
chure sur la connaissance et la Georges Fabre et le botaniste Les actes du congrès européen
gestion de la biodiversité Charles Flahaut ont réussi à d’arboriculture ornementale de
forestière. Le but de cette bro- faire repousser 68 millions Nantes 2006 sont disponibles
chure de 24 pages est de d’arbres. Marc Khanne, avec en CD-Rom. Le support resti-
mieux faire prendre conscience l’aide des habit ants des tue de manière conviviale l’in-
Cévennes et des collectivités tégralité des interventions et
territoriales, a tourné un film des diaporamas. Le congrès a
sur le sujet et a réussi à retra- tourné autour de deux axes : la
cer les étapes du reboisement reconnaissance des arbres
du massif de l’Aigoual entre comme indispensables à la
1860 et 1914 : les causes du ville du futur et les démarches
déboisement, les oppositions ■■■ pratiques.
entre agriculteurs et forestiers, CD-Rom, 25 € (ou 20 € pour
Guide Delachaux des
les lois, les rachats de terrain, les adhérents SFA). Renseigne-
l’exode rural, jusqu’à la recons-
plantes par la couleur ments auprès de la SFA, Che-
titution d’un chantier de reboi- Les fleurs nous interpellent min du Mas, 26780 Château-
sement… d’abord par leur couleur. Elles neuf-du-Rhône, tél. : 04 75 90
Pour commander le DVD (20 € sont blanches, jaunes, rouges, 81 49, courriel : arbre@wana-
+ 3 € de frais de port) : Artis, roses, bleues ou vertes. C’est doo.fr, site : www.sfa-asso.fr

Forêt-entreprise n°175-Juillet 2007 5


P. 06-08 Cetef 1/06/07 14:04 Page 6

cetef

Les journées nationales InterCetef :


rencontres et échanges
efr Alain Colinot, animateur du réseau national du développement (1)
ive a
nc
retpr

À lire
Les Cetef et GDF (2) sont des acteurs majeurs du réseau national du dévelop-
aise.c

sur
le web
.fo

om
www pement de la Forêt privée française. Depuis quatre ans, ils ont recommencé à se
réunir régulièrement (3) à l’occasion des journées nationales du développement.
Cet article présente une première synthèse des discussions, qui traduisent la volonté des
Cetef d’adapter leurs pratiques et méthodes aux nouveaux besoins du développement.

E n 2001-2002, l’IDF (4),


désireux de renforcer sa
collaboration avec les
organismes de dévelop-
sur le territoir e national de se
retrouver régulièrement et d’échan-
ger sur des thématiques et des pro-
blématiques communes.
re plus décontractée.

Bilan et enseignement des


quatre premières éditions
pement for estier, a réalisé une
enquête approfondie auprès des Une organisation bien huilée Un tiers des organismes
quelque 65 Cetef, GDF, GVF, régulièrement présents
Gedef… recensés en France. Les Les journées nationales du déve- 70 % des Cetef et groupements de
résultats ont mis en évidence la loppement sont ouvertes prioritai- développement ont participé, au
richesse et la diversité des actions, rement aux Présidents et anima- moins une fois, à l’une des éditions
des savoir-faire, et des connais- teurs des groupements de dévelop- des jour nées nationales (voir
sances générées par ces orga- pement, ainsi qu’aux représentants tableau page 7).
nismes. Les Présidents et anima- de leurs organismes d’animation :
teurs consultés ont souhaité que ce CRPF, Chambres d’Agriculture, etc. Des questions de fond sur le
potentiel, jusque là peu connu et Elles sont programmées tous les développement forestier
sous-utilisé, puisse profiter à l’en- ans à la même époque, fin sep- Les discussions et échanges de ces
semble des Cetef. C’est pourquoi, tembr e-début octobr e. Elles se premières rencontres soulèvent un
en mai 2002, ils ont décidé la créa- déroulent généralement sur deux ensemble d’interrogations et de pré-
tion du réseau national du dévelop- jours consécutifs : une première occupations, qui ne pourront trouver
pement forestier, en lui assignant journée sur le terrain, axée sur une réponse que dans une réflexion col-
trois missions principales : problématique technique particuliè- lective plus approfondie, entre orga-
– développer les actions concertées re ; une seconde journée en salle, nismes. Par exemple :
entre Cetef d’une part, et entre plus spécialement consacrée aux – Quelle est la finalité du dévelop-
Cetef et IDF d’autre part ; aspects méthodologiques du déve- pement forestier pratiqué par les
– améliorer la circulation de l’infor- loppement forestier. Le principe de Cetef et GDF ? Une première for-
mation entre les organismes ; base veut qu’à chaque édition, un mulation (journées de Châteauroux,
– valoriser les travaux et les résul- Cetef volontaire différent, accueille 2003) ouvre la voie : « Rendre le
tats à l’extérieur du réseau. le groupe dans sa région et le pilote propriétaire forestier autonome et
C’est dans ce cadre que l’IDF, por- sur le terrain. r esponsable dans sa qualité de
teur et animateur du réseau, a pris Une partie à vocation plus touris- maître d’ouvrage », autrement dit,
l’engagement d’organiser annuelle- tique, la première journée, en soi- faire en sorte qu’il devienne un
ment les journées nationales du rée, per met aux participants de interlocuteur crédible vis-à-vis des
développement forestier, pour per- faire plus ample connaissance, et de spécialistes. Mais ce n’est pas suffi-
mettre aux différents Cetef répartis prolonger les discussions de maniè- sant, face aux incertitudes actuelles

6 Forêt-entreprise n°175-Juillet 2007


P. 06-08 Cetef 1/06/07 14:05 Page 7

cetef
Répartition des participations par types d’organismes groupes « Formation-Action » du
Participation des organismes du réseau Cetef du Berry (journées de Châ-
Cetef Nombre teauroux, 2003), où les sessions
Année Région Thème Nombre
d’accueil Nombre CRPF,
Cetef
GDF, GVF,
Fogefor,
Total d’apprentissages « Éclaircies de
etc.
etc. taillis », ont permis de valoriser
2003 Centre
Cetef de Formation-
19 10 10 39
80 ha de peuplements, avec un
l’Indre Action
débouché commercial en bois de
Reconstitu-
2004 Limousin
Cetef
tion après 10 7 4 21
feu,
limousin
tempête – la mutualisation des moyens,
2005 Midi-Pyrénées
Cetef Expérimen-
12 3 11 26
avec un regroupement des orga-
garonnais tation
nismes plus ou moins poussé à
Change-
2006 Picardie
Cetef de
ment 12 10 9 31
l’échelle régionale. Cette option
l’Oise
global est en cours en région Centre où
Un noyau dur d’une dizaine de Cetef et GDF a assisté à toutes les éditions. On remarque un Fogefor régional, regroupant
que l’expérimentation, activité traditionnelle des Cetef, a peu mobilisé les GDF. les anciens Fogefor départemen-
taux, fonctionne depuis peu. Il
(changement climatique, mondiali- breux cycles associés ? La multipli- reste à en tirer les enseigne-
sation, montée en puissance du cité et la similitude des offres d’in- ments et voir dans quelle mesure
bois-énergie, coût de la main- formation et de formation propo- elle peut s’appliquer aux Cetef et
d’œuvre, etc.), les organismes doi- sées par les organismes, déroutent GDF, sans compromettre leur
vent faire l’effort de clarifier et har- le sylviculteur non initié, tout en enracinement et leur proximité
moniser leur discours technique diluant les financements dispo- aux adhérents.
aux sylviculteurs : quels types de nibles. Il est souhaitable de (re)clari-
productions, dans quels endroits, fier et re(positionner) les missions Expérimentation : devoir de
avec quelles sylvicultures, quelles et attributions des uns et des concertation, exigence de qualité
essences, quels itinéraires tech- autres, en recherchant toutes les Les jour nées de Montauban, en
niques... ? synergies possibles. 2005, consacrées au thème de l’ex-
– Comment amener les « jeunes – Comment faire face à la réduction périmentation, ont dégagé un cer-
propriétaires » à s’intéresser à la des moyens, c’est-à-dire à la baisse tain nombre d’orientations, visant à
forêt et à rejoindre les structures de des aides financières traditionnelles améliorer l’harmonisation et la qua-
développement ? L’enjeu est de et à la diminution des temps de lité des dispositifs.
capter un public pressé, peu dispo- mise à disposition des animateurs ? Concernant l’harmonisation
nible, exigeant, soucieux d’assimi- Plusieurs stratégies sont évoquées – stockage des informations expéri-
ler rapidement l’essentiel de la syl- dans les différents témoignages : mentales dans Ilex, la base de don-
vicultur e. Cela passe par la – la prise en charge des activités nées expérimentation de la Forêt
recherche d’adaptation et d’innova- par les adhérents eux-mêmes. privée française, gérée par l’anten-
tion. Certains organismes s’y Une réflexion préalable s’avère ne IDF de Bordeaux. L’objectif est,
emploient (témoignages des jour- nécessaire pour recentrer les qu’à terme, chaque organisme du
nées de Senlis, 2006) : organisa- pr ogrammes sur quelques réseau puisse accéder directement,
tion de séminaires d’été (trois à actions jugées prioritaires. C’est en ligne, à l’ensemble des disposi-
quatre jours de formation intensive, l’exemple du Cetef garonnais tifs des autres organismes ;
en regroupement sur un même (journées de Montauban, 2005), – concertation régionale, voir e
site) ; offre de formation continue où un petit groupe de volon- nationale, avant toute nouvelle
en « cours du soir » ; recours à la taires, assume seul la totalité de mise en place, de manière à har-
« e-formation » (formation à distan- l’activité expérimentale, depuis moniser les protocoles d’installa-
ce, assistée par ordinateur) ; mes- le départ de l’animateur, tion et de suivi, et faciliter ensuite
sages moins techniques, moins – l’assurance d’une valorisation la comparaison des résultats. Ne
orientés « sylviculture »... économique, contribuant à l’auto- pas hésiter à contacter le Service
– Quelle articulation entre Cetef, financement du projet de déve- expérimentation de la Forêt privée
GDF, CRPF, Fogefor et leurs nom- loppement. C’est l’exemple des (antenne IDF de Bordeaux) qui peut

Forêt-entreprise n°175-Juillet 2007 7


P. 06-08 Cetef 1/06/07 14:05 Page 8

cetef
aider à conduire cette réflexion
préalable.
Concernant la qualité
– conventionnement clair avec le
propriétaire (rôles et obligations
des parties, modalités techniques et
financières d’implantation et de
suivi, durée de vie de l’essai…) ;
– protocoles d’installation et de
suivi bien déterminés ;
– site facilement accessible, notam-
ment en vue des réunions de
groupes ;
– station homogène et bien définie ;
– chiffrage économique obligatoire,
régulièrement mis à jour, pour tout

© S. Six
essai.

Conclusion Un groupe du réseau de développement lors des journées InterCetef à Montauban en 2005.

Les journées nationales « InterCetef » ditionnels de subsistance des orga- ment climatique ouvre un nouveau
réunissent régulièrement une trentai- nismes. Certains Cetef cherchent à chantier considérable, où les Cetef
ne d’organismes en les invitant à s’adapter en se réorganisant et en et GDF ont un rôle prépondérant à
réfléchir ensemble aux aspects tech- modifiant leurs pratiques habituelles ; jouer. Leur connaissance du terrain,
niques et méthodologiques qui les tous éprouvent des difficultés à cap- des sylviculteurs, constituent de
préoccupent. Les discussions des ter de nouveaux adhérents. Les ren- précieux atouts pour aider à obser-
premières rencontres confirment la contres à venir, vont permettre d’ap- ver, comprendre, expliquer, le phé-
tendance à la baisse des moyens tra- profondir les réflexions et de voir si nomène et ses impacts sur la forêt.
des solutions communes peuvent Le réseau du développement parti-
Edition 2007 des journées Intercetef : être proposées. cipera à la mobilisation des éner-
« Valoriser et commercialiser Au plan plus technique, le change- gies dans ce sens. ■
ses produits forestiers »
Les jour nées InterCetef 2007 se
dérouleront les 4 et 5 octobre, sur le
Présidents et animateurs des organismes du réseau de développement de la
thème de la commercialisation des
forêt privée retrouveront dans l’Espace Cetef en ligne sur le site Intranet de Forêt
produits forestiers, sous la conduite
Privée Française une présentation et l’annuaire du réseau, des actualités, etc.
du Cetef de la Sarthe.
www.foret-privee.net/cetef
L’objectif est de responsabiliser le syl-
viculteur dans son rôle de producteur
forestier, capable de maîtriser la mise
en vente de ses produits, en déga-
(1) Alain Colinot, CNPPF bureau d’Orléans. Tél. : 02 38 71 90 62 / Courriel :
geant, autant que possible, des
alain.colinot@cnppf.fr
marges bénéficiaires satisfaisantes. (2) Cetef et GDF : Centre d’études techniques et économiques forestier et Groupement de dévelop-
Au programme : pement forestier. Dans la suite du texte, le terme générique « Cetef » désigne toutes les structures
– Visites de chantiers : bois vendus associatives de développement.
abattus bord de route, production de (3) Des réunions analogues se sont déroulées régulièrement pendant une dizaine d’années après la
plaquettes, de bois bûche, de piquets, création de l’ATVF/IDF et jusqu’au début des années 1970. Elles bénéficiaient des apports de per-
atelier de sciage mobile, etc. sonnalités diverses extérieures au milieu forestier ; elles permettaient de bien connaître les pro-
– Exposés et débats : perspectives du blèmes et besoins ressentis par les gestionnaires de forêts. L’ ATVF/IDF s’en inspirait pour adapter
marché des bois, dans le contexte de son programme. Elles ont cessé vers 1970 et leur reprise est une excellente chose pour les forestiers de
la mondialisation et des nouvelles terrain.
(4) IDF : Institut pour le développement forestier, devenu depuis janvier 2006, le Service
donnes bois-énergie, biocarburants,
recherche et développement du Centre national professionnel de la propriété forestière.
chimie verte, etc.
(5) Lire le Forêt-entreprise n°173, page 64 pour plus de détails sur le contrat d’objectifs.

8 Forêt-entreprise n°175-Juillet 2007


P. 09 Dossier SOMM 1/06/07 14:07 Page 9

dossier

dossier
sommaire
Dossier coordonné

L’orme : nouveaux par


Sabine Girard

espoirs ?

10 29 La conservation des res-


Orme : retour sur une dispa-
rition annoncée (S. Girard) sources génétiques des ormes
(E. Collin)

11 Les ormes européens, des


33 La conservation dynamique
espèces mal connues
(E. Collin)
de l’orme en Midi-Pyrénées :
bilan de dix ans d’expérience
(F. Coulon)
15 L’orme, un malade chronique
(J. Pinon)
37 Les ormes résistants à la
graphiose (J. Pinon, A. Cadic)
17 La graphiose : une histoire
ancienne toujours d’actualité 42 Comportement de
(J. Pinon, D. Piou)
différents ormes en haies
bocagères et en forêt (S. Girard)
22 La transmission de la gra-
phiose de l’orme par les scolytes 47 Des professionnels impli-
(D. Piou) qués dans la sauvegarde de
l’orme (S. Girard)
26 La graphiose en Basse-
Normandie depuis 20 ans 49 L’orme à travers l’histoire
(J. Rousseau, C. Joly) (S. Six)

Forêt-entreprise n°175-Juillet 2007 9


P. 10 dossier Intro 1/06/07 14:08 Page 10

dossier L’orme : nouveaux espoirs ?

Orme : retour sur une disparition


annoncée Sabine Girard, IDF Lyon

L’ or me occupait une
place particulière parmi
les espèces indigènes
françaises. Arbre des
la graphiose et aux ormes sont plus
éparses et il nous semblait judi-
cieux, au moment où de nouvelles
variétés résistantes arrivent sur le
Jean Pinon et Alain Cadic (INRA)
retraceront les principales étapes
des programmes d’amélioration
menés à l’étranger et, à partir des
champs, des villes et des bois, sa marché, de faire un point sur la tests réalisés en France, préciseront
complicité avec l’homme s’est bru- situation et dif fuser les der niers quels sont les cultivars résistants les
talement interr ompue dans les résultats scientifiques. mieux adaptés à nos conditions cli-
années 70 lorsque la deuxième épi- Dans un premier article, Eric Collin matiques. Ces cultivars, ainsi que
démie de graphiose a décimé la (Cemagr ef) présentera les tr ois d’autres hybrides non encore com-
quasi-totalité de la ressource fran- espèces d’ormes que l’on peut ren- mercialisés sont en cours d’évalua-
çaise. Plus de trente ans après cet contrer en France. Jean Pinon et tion en haies bocagères et en forêt.
épisode, où en est-on ? Dominique Piou de l’INRA feront Sabine Girard (IDF) présentera les
C’est en 1971 que la deuxième épi- ensuite le point sur les connais- premiers résultats issus de ces dis-
démie de graphiose a débuté en sances relatives au champignon positifs dans lesquels sont égale-
France. Particulièrement meurtrière, r esponsable de la graphiose : ment évalués des clones issus de la
elle a profondément modifié le pay- Ophiostoma novo-ulmi (6) et aux Collection nationale. Nous donne-
sage rural, en particulier dans les scolytes qui le disséminent. Nous rons la parole à Michel Lemonnier,
régions bocagères. Ainsi, le Calva- suivrons également l’évolution de un pépiniériste normand associé
dos, dont la ressource était quasi la situation en Basse-Normandie depuis très longtemps à la sauve-
exclusivement localisée dans les ces vingt dernières années. garde des ormes et seul pépiniériste
haies, a perdu 99 % du volume sur Depuis 1986, le Cemagref coordon- forestier ayant la licence de distribu-
pied en une douzaine d’années (1). ne le réseau national de conserva- tion des deux nouveaux cultivars.
Même si la progression de l’épidé- tion des ressources génétiques de Enfin, pour mieux comprendre l’at-
mie a été particulièrement rapide l’orme. Eric Collin nous le présente- tachement que nous portons à ces
dans les alignements (2), les dépar- ra et reviendra sur les méthodes de espèces, Samuel Six (IDF) reviendra
tements plus forestiers n’ont pas conservations et sur les possibles sur quelques anecdotes historiques.
été épargnés. En Haute-Saône, par valorisations de la Collection natio- En complément de ce dossier, des
exemple, 40 % du volume sur pied nale. Nous verrons comment l’asso- liens internet sur le sujet sont dispo-
aurait disparu en 10 ans ; il est ciation Solagro en Midi-Pyrénées nible sur www.foretprivee.com/
aujourd’hui estimé à 2,3 millions conserve les ressources régionales foret-entreprise/ ■
de m3 (1). en organisant notamment la récolte
Au début des années 90, à la suite de graines et des campagnes de
(1) Sources : www.ifn.fr et Pinon, 1993.
de « la plus grande catastrophe plantation.
(2) La contamination se fait dans ce cas à la
écologique subie par un arbr e Pour pr oduire du bois d’œuvre fois par les scolytes mais aussi par les greffes
depuis des siècles en France et en d’orme, il est nécessaire de dispo- racinaires.
Europe » (3), des synthèses ainsi ser de variétés ou cultivars résistant (3) Jean Pinon, 1994.
que des travaux de recherche ont à la maladie. Or, en France, l’orme (4) Service de la recherche, des études et du
été entrepris sous l’égide du minis- n’a pu bénéficier d’un programme traitement de l’information sur l’environne-
ment (SRETIE).
tère de l’Environnement (4). Les d’amélioration génétique. Pour
(5) Pinon J. (Ed.) 1993 - La graphiose de
résultats ont été publiés dans un cette raison, les chercheurs français l’orme, Doss. Env. INRA n°7, 60 p.
ouvrage aujourd’hui épuisé (5). se sont intéressés aux travaux de (6) Champignon nommé auparavant : Cera-
Depuis, les publications relatives à sélection conduits aux Pays-Bas. tocystis ulmi.

10 Forêt-entreprise n°175-Juillet 2007


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dossier

Les ormes européens, des espèces mal


connues Eric Collin, Cemagref Nogent-sur-Vernisson (1)

Forestiers et botanistes éprouvent souvent un sentiment d’embarras face à un orme euro-


péen dont il s’agit de déterminer l’espèce. Le présent article devrait permettre de distinguer
les ormes entre eux avec plus de sérénité.

D e nombr euses raisons


expliquent les erreurs ou
hésitations des forestiers
quand il s’agit d’attribuer
ne de la graphiose mais seulement
du relatif dédain que les insectes
vecteurs de la maladie éprouvent
généralement (mais pas toujours,
culé européen, il suffit d’observer
au printemps ses fleurs et ses
bouquets de samares longuement
pédicellés pour déterminer l’espè-
un nom latin à un or me. Tout hélas...) à l’égard de cette espèce. ce sans aucun risque d’erreur. En
d’abord, l’orme lisse est trop sou- La confusion entre orme lisse et hiver, la forme et la couleur de ses
vent confondu avec un orme d’une orme champêtre est si fréquente bourgeons, pointus et orangés,
autre espèce. Ensuite, les hybrides qu’elle peut même parfois se glis- offrent également des critères de
brouillent les cartes en estompant ser dans un jardin botanique ou un détermination très commodes et
les différences entre orme cham- ouvrage consacré aux arbres patri- fiables. En revanche, l’observation
pêtre et orme de montagne. Enfin, moniaux d’une région française… des feuilles, dont la taille et la
la profusion des noms latins attri- De telles confusions auraient proba- forme peuvent prêter à confusion
bués aux ormes champêtres rend la blement pu être évitées si les règles avec celles d’un orme de montagne
taxonomie de ce groupe particuliè- de la nomenclatur e botanique mâtiné d’orme champêtre, nécessi-
rement confuse. Les précisions et avaient permis de conserver l’usage te plus de vigilance ; on observera
démentis apportés ci-dessous n’ont du binôme Ulmus pedunculata particulièr ement l’absence de
pas pour objectif d’amener le lec- Foug., beaucoup plus parlant que ramification des nervures secon-
teur à déterminer des variétés avec son nom actuel U. laevis Pall. ou daires (sauf à la base du limbe) et
un luxe de détails mais seulement que son synonyme U. effusa Willd. l’aspect particulier des dents
de fixer les grands repères qui aide- En effet, si l’on se rappelle que l’or- (recourbées en crochet).
ront à ne plus « perdre son latin » me lisse est le seul orme pédon- Si l’orme lisse est aussi souvent
face à un orme mal connu.

■ 1 cm

L’orme lisse,
le mal nommé
Lorsqu’un informateur plein d’en-
thousiasme déclare avoir découvert
un vieil « orme champêtre résistant
à la graphiose », il est prudent de
lui demander d’envoyer un rameau
ou une photo numérique d’un
rameau de cet arbre. Très souvent,
il s’agit d’un orme lisse (ou orme
diffus) et la survie de cet arbre ne Les dessins sont tirés de la Flore forestière française, tome 2 « montagnes », disponible à
résulte probablement pas d’une la librairie de l’IDF, 23 avenue Bosquet, 75007 Paris, tél. : 01 40 62 22 80,
réelle résistance à l’agent pathogè- fax : 01 40 62 22 87, courriel : idf-librairie@cnppf.fr

Forêt-entreprise n°175-Juillet 2007 11


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dossier L’orme : nouveaux espoirs ?

confondu avec l’orme champêtre, et se recroisent entre elles partout définitivement Ulmus nitens , U.
c’est en partie parce qu’il se trouve où elles cohabitent, à tel point qu’il suberosa et plusieurs dizaines
parfois là où on ne l’attend pas. M. devient très difficile, voire illusoire, d’autr es vieux noms latins qui
Bournérias et M. Jacamon notaient d’attribuer un nom d’espèce à cer- apportent plus de confusion que de
déjà, dans la préface de la Flore tains ormes associant des carac- clarté à chaque fois qu’ils refont
for estièr e française (2), que la tères issus de chacune des espèces surface, exhumés de telle ou telle
répartition précise de l’orme lisse parentes. Flore régionale ancienne.
était encore largement ignorée. Sa Dans le cas d’un hybride de pre- U. campestris – attribué par Linné et
réputation d’espèce rare, inféodée mièr e génération entr e deux encore très utilisé en France de nos
aux forêts alluviales du quart Nord- espèces pures, l’af faire est fort jours – aurait dû s’imposer définiti-
Est de la France n’incite pas à le simple et le binôme Ulmus x hol- vement. Malheureusement, depuis
rechercher ni à le reconnaître dans landica Mill. peut être employé près de 75 ans, il a perdu sa légiti-
d’autr es régions ou d’autr es commodément. En revanche, la mité aux yeux de nombreux bota-
milieux. On le rencontre pourtant situation échappe à toute tentative nistes (Melville, 1938) puisque le
assez fréquemment dans l’Ouest et « d’étiquetage » dès lors que le grand Linné lui-même a malencon-
le Sud-Ouest de notre pays, en par- sujet présente très majoritairement treusement réuni sous cette appel-
ticulier dans les vallées de la Loire, les caractères d’une espèce parente lation unique des échantillons d’or-
de la Garonne, et de leurs affluents et seulement quelques indices d’un me champêtre et d’orme de mon-
majeurs (Timbal et Collin, 1999). De apparentement avec l’autre espèce. tagne !
nombreux arbres vénérables subsis- Pour les généticiens, qui considèrent Deux solutions ont dès lors été uti-
tent également au long des routes qu’ormes champêtres et ormes de lisées pour nommer l’orme cham-
(Midi-Pyrénées, Picardie...) et dans montagne forment un « complexe pêtre en latin botanique de bon
les parcs urbains où il a naguère été d’espèces » au sein duquel les aloi. La première, celle de la Flore
abondamment planté. échanges de gènes se produisent forestière française (Rameau et al.,
en permanence, ces questions de 1989), consiste à regrouper l’en-
■ détermination et de pureté spéci- semble des formes (variétés géo-
fiques sont un faux problème. Pour graphiques) de l’orme champêtre,
L’orme champêtre le gestionnaire de ressources géné- y compris l’orme anglais, en une
et l’orme de montagne : tiques, il n’est cependant pas indif- vaste espèce unique sous l’appella-
un complexe d’espèces férent de présenter tel ou tel clone tion d’ U. minor Mill. au sens le
comme hybride plutôt que comme plus large. La seconde, préconisée
Tout ou presque oppose l’orme de champêtre ; dans la pratique, il est par Hans Heybr oek, part des
montagne et l’orme champêtre. Le préférable de parler d’orme cham- mêmes prémices mais propose de
premier, avec ses grandes feuilles pêtre ou assimilé (3). reconnaître deux espèces : d’une
se ter minant par une ou tr ois part, le vaste groupe des ormes
longues dents, est manifestement ■ champêtres autochtones en Europe
adapté aux climats froids et plu- ( U. carpinifolia Gled.) et d’autre
vieux et aux forêts de montagne où Pour en finir part l’or me anglais ( U. procera
il forme de petites populations se avec quelques vieux noms Salisb.), qui serait une variété intro-
régénérant exclusivement par latins de l’orme
voie sexuée. Le second, avec ses
champêtre
petites feuilles coriaces, est plus à
l’aise dans les plaines du sud de Bien que l’orme champêtre, avec
© S. Gaudin, CRPF

l’Europe où il colonise très dynami- ses petites feuilles et ses rameaux


quement les bords des cours d’eau ornés de crêtes liégeuses, paraisse
en combinant une bonne capacité a priori une espèce facile à recon-
de reproduction par graines et une naître et à nommer, les botanistes
remarquable aptitude au drageon- n’ont jamais cessé de se quereller Les crêtes liégeuses qui se développent sur
nage. Pourtant, ces deux espèces et d’inventer de nouveaux noms de jeunes rameaux sont caractéristiques des
sont intimement liées, se croisent latins pour le désigner. Oublions ormes champêtres.

12 Forêt-entreprise n°175-Juillet 2007


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dossier
duite et cultivée depuis l’antiquité terranéen par les Grecs puis propa- moléculaires n’auront pas clarifié la
gréco-romaine (Heybroek, 2000). gée par les Romains (qui utilisaient nature réelle de ce qu’elles recou-
l’orme comme tuteur vivant pour la vrent, considérer avec méfiance les
■ vigne, voir article page 49) et in sous-espèces et variétés décrites
fine par les Anglais jusqu’en Amé- par les auteurs anciens. ■
L’orme anglais : rique et dans l’hémisphère sud
espèce ou variété ? (Heybroek, 2000). En raison de ses
particularités morphologiques et Remerciements
Le cas d’U. procera Salisb. évoqué biologiques qui le distinguent des Valery Malécot (Institut national d’Hor-
ci-dessus nous conduit à poser la autr es or mes champêtr es, et à ticulture, Angers) pour ses remarques
pertinentes sur le manuscrit.
question du rang taxonomique que cause de la singularité de son des-
l’on doit accor der aux for mes tin agronomique, l’orme anglais
locales particulières que l’on peut mérite, selon Heybr oek, d’êtr e Les noms latins des ormes :
distinguer au sein d’une espèce. Sur reconnu comme une espèce à part orme de montagne =
ce cas précis comme sur ceux de entière. En tous cas, la présence Ulmus glabra Huds.
l’or me de Cor nouailles et d’une actuelle sur le sol français de sujets orme lisse =
autre forme locale d’orme cham- adultes de cette espèce – par Ulmus laevis Pall.
pêtre anglais, l’orme de Plot, deux ailleurs fort sensible à la graphiose – orme champêtre =
botanistes britanniques spécialistes semble hautement improbable. Ulmus minor Mill.
de l’orme se sont vigoureusement
affrontés vers le milieu du siècle ■
dernier. L’un (R. Melvile) attribuait à Bibliographie
chacune le rang d’espèce à part Les recommandations
entière, l’autre (R. Richens) ne leur ■ Coleman (M.), Hollingsworth
(M.L.), Hollingsworth (P.M.) 2000.
reconnaissait qu’un statut de variété Au terme de cette courte présenta-
Application of RAPDs to the critical
au sein de la grande espèce tion de la diversité taxonomique taxonomy of the English endemic
U. minor Mill. Ces querelles pour- des ormes de France telle qu’elle elm Ulmus plotii Druce . Botanical
raient paraître byzantines si elles nous apparaît aujourd’hui, voici Journal of the Linnean Society, 133:
n’avaient de conséquences sur la quelques r ecommandations en 241-262.
représentation symbolique de leur guise de conclusion. ■ Gil (L.), Fuentes-Utrilla (P.), Soto
(A.), Cervera (M.T.), Collada (C.),
valeur patrimoniale. Ainsi, du fait Tout d’abord, veiller à n’exclure
2004. English elm is a 2,000-year-
de sa rareté et de sa qualité d’espè- aucune hypothèse a priori, même si old Roman clone . Natur e(431) :
ce endémique, on a accordé à l’or- celle-ci semble en contradiction 1053.
me de Plot un statut de protection avec ce que l’on suppose de la ■ Heybroek (H.M.), 2000. Ulmus
élevé, du moins jusqu’à ce que des répartition des espèces. Certaines procera. In Forestry Compendium.
études génétiques montrent que ce rencontres sont pour le moins sur- CAB International.
■ Melville (R.), 1938. Is Ulmus cam-
taxon n’était pas une véritable prenantes, tel cet orme lisse décou-
pestris L. a nomen ambiguum ? J.
espèce mais plus vraisemblable- vert dans les Landes, près du cours Bot. (76) : 261-265.
ment un clone anciennement pro- d’eau de Mimizan... ■ Rameau (J.C.), Mansion (D.),
pagé par les habitants des Midlands Ensuite, ne pas céder à la tentation Dumé (G.), 1989. Flore forestière
(Coleman et al., 2000). de vouloir à tout prix « classer » française: guide écologique illustré.
Selon les conclusions de nos col- chaque orme dans une espèce bien IDF, Paris.
■ Richens (R.H.), 1983. Elm. Cam-
lègues espagnols (Gil et al., 2004), précise. Il arrive que la nature résis-
bridge University Press, Cambridge,
l’orme anglais serait une variété te à un tel enfermement, comme 347 p.
clonale d’U. minor transportée par on peut le constater au sein du ■ Timbal (J.), Collin (E.), 1999. L’or-
mer d’Italie en Espagne au début complexe d’espèces réunissant les me lisse (Ulmus laevis Pallas) dans le
du premier siècle de notre ère. Ces ormes champêtres et les ormes de sud de la France : répartition et stra-
travaux confortent l’hypothèse montagne. tégie de conservation des ressources
génétiques. Revue forestière françai-
selon laquelle U. procera a été Enfin, tant que des études associant
se, 51(5) : 593-604.
importée de l’est du Bassin médi- biométrie foliair e et marqueurs

Forêt-entreprise n°175-Juillet 2007 13


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dossier L’orme : nouveaux espoirs ?


Tableau : Caractères permettant de distinguer les 3 espèces d’ormes (Auteur : S. Girard)
Ulmus minor* Ulmus glabra* Ulmus laevis
Caractères distinctifs
Orme champêtre Orme de montagne Orme lisse
Sensibilité au champignon
++ +++ ++
Caractéristiques liées O. novo-ulmi (1)
à la sensibilité Attractivité pour le scolyte (2) +++ ++ ++
de l’espèce
Capacité à rejeter de souche ++ + +
à la graphiose
Capacité à drageonner +++ _ ?

Assez commun dans les Quart Nord-Est, le


Pyrénées, le Massif Centre, également en
Répartition Partout en France Normandie, Val de Loire,
central, les Alpes et le nord du Massif central,
quart Nord-Est vallée de la Garonne
Altitude Jusqu’à 1300 m De 100 à 1300 m Jusqu’à 400 m
Étage de végétation Collinéen et montagnard Forêt alluviale

Caractéristiques Espèce héliophile Espèces de demi-ombre


autécologiques (3)
Sur des sols bien drainés Sur des sols bien drainés
à moyennement (ex. : pentes) Sur des sols humides
drainés, voire à moyennement drainés. en permanence, voire
légèrement humides. Se retrouve sur des sols parfois dans des zones
Sols Peut se trouver en assez humides, mouillées
pionnier sur des milieux voire humides en permanence
secs, notamment l’été en permanence
Sur des sols faiblement acides (pH = 5,5) à des sols calcaires (pH = 8)
Brun-rouge avec des
Bourgeons Bruns, écartés du rameau poils plus ou moins Brun-orange
rouges
Souvent trois grandes
Nervures parallèles
Nervures ramifiées « dents » au sommet (1 à
Caractéristiques Feuilles non ramifiées
la pointe et 2 latérales)
morphologiques (3)
Rudes au toucher Veloutées au toucher
Position centrale Graine centrale,
Position subsommitale
Graines = samares de la graine ailes ciliées
Court pédicelle Long pédicelle

* Hybridation possible et très courante entre U. glabra et U. minor donnant des individus aux caractères intermédiaires.
(1) Sensibilité évaluée après inoculation directe du champignon Ophiostoma novo-ulmi sur des plants d’au moins 2 m (Pinon et coll.,
2005).
(2) Attractivité évaluée à partir de comptage de morsures de scolytes. Une fois l’arbre atteint, il ne semble pas y avoir de différence entre espèces
dans la réussite de nidification sous l’écorce (Piou, 2007, dans ce dossier, page 22).
(3) D’après la « Flore forestière française » tome 1.

(1) Cemagref, UR ‘Écosystèmes Forestiers’, Domaine des Barres, 45290 Nogent-sur-Vernisson, Résumé
Tél. : 02 38 95 09 68, fax : 02 38 95 03 46, courriel : eric.collin@cemagref.fr La reconnaissance des espèces euro-
(2) Flore forestière française, tome 1 « Plaines et Collines ». péennes d’orme est délicate car l’or-
(3) Le binôme Ulmus x hollandica Mill. est principalement utilisé pour désigner les hybrides me champêtre et l’orme de mon-
naturels propagés et cultivés autrefois aux Pays-Bas, en Belgique, en Angleterre et dans le nord de la tagne s’hybrident naturellement. De
France. Parmi ces cultivars, ‘Hollandica’ est un hybride morphologiquement proche de l’orme plus, la diversité des noms latins
champêtre et des Ypréaux de Picardie. En revanche, les feuilles de ‘Belgica’ et de ‘Vegeta’ rappellent donnés à l’orme champêtre et à ses
davantage celles de l’orme de montagne, mais avec une seule pointe et un pétiole plus long. Les variétés apporte souvent plus de
ormes présumés hybrides que l’on rencontre à l’état spontané dans de nombreuses régions de France, confusion que de clarté. L’orme lisse,
en Basse-Normandie par exemple, sont très polymorphes, souvent morphologiquement proches de moins rare qu’on ne le pense, est en
l’orme champêtre. On peut les ranger sous l’appellation Ulmus x hollandica mais en se gardant de revanche facile à identifier grâce à
porter à confusion avec les vieux cultivars précédemment cités ou avec les hybrides récemment obte- ses fruits longuement pédonculés et
nus en Hollande. ses bourgeons caractéristiques.
Mots-clés : ormes, taxonomie.

14 Forêt-entreprise n°175-Juillet 2007


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dossier

L’orme, un malade chronique


Jean Pinon, INRA

Comme tous les êtres vivants, l’orme a de tout temps souffert de problèmes sanitaires. Selon
toute vraisemblance, la graphiose n’affecte l’orme en Europe que depuis la première guerre
mondiale. Toutefois, et sans prétendre à l’exhaustivité, nous présentons ici des extraits de
quelques textes anciens relatant des problèmes sanitaires. Le but initial de cette recherche
était de vérifier que dans ces textes, aucune description de symptôme n’évoquait la graphio-
se. Effectivement, nous n’avons pas trouvé de mention des caractéristiques « houlettes de
berger » ni des brunissements des derniers cernes de l’aubier.

L a lecture intégrale de ces


textes anciens est très
enrichissante. Dépourvus
de moyens moder nes
insecte coléoptère est la première
cause de tous ces ravages. Cet
insecte est connu des Auteurs, ainsi
que le mal qu’il fait quelquefois aux
d’investigation, ces auteurs doués ormes. Il vit assez constamment sur
des sens de l’observation et de la cet arbre ; il s’accommode aussi au
déduction, ont avancé des concepts besoin, des feuilles du saule, de
encor e acceptés de nos jours l’aulne et du peuplier, qu’il maltrai-
comme les dépérissements provo- te aussi par temps. C’est la galé-
qués par la sécheresse et aggravés ruque à bandes, de l’orme. »
par les pullulations des scolytes. P.-I. de la Peirouse, Mémoire sur la
mortalité des ormes dans les envi-
■ rons de Toulouse, 1787.

La sécheresse et ■
la galéruque
Apoplexie séveuse
© DR

« Parmi les causes auxquelles on a


cru pouvoir rapporter la mort des « En cherchant la cause de cet acci-
ormes, on n’a point oublié cette dent, je m’aperçus que l’écorce
sécheresse, qui dure depuis plus de s’était détachée du bois... et que
trois ans. Je suis très convaincu dans ceux qui étaient récemment
qu’elle a puissamment augmenté morts, on trouvait une eau rousse
l’intensité du mal, ainsi que la pro- assez abondante entre le bois et
pagation ; mais elle ne l’a point l’écorce. J’attribue la perte de ces
causé ; elle seule n’aurait pu donner arbres à la sève, laquelle s’étant
naissance aux ravages qui nous portée en trop grande abondance
affligent, et qui malheureusement entre le bois et l’écorce, à l’endroit
sont parvenus à un bien haut pério- où se doivent former les couches
de. La vraie cause de la maladie de corticales et les couches ligneuses,
nos ormes n’est pas difficile à saisir, cette abondance de sève avait
lorsqu’on l’examine de près, et rompu le tissu cellulaire, et s’était
© DR

avec quelque suite : un très-petit extravasée entre le bois et l’écorce,

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dossier L’orme : nouveaux espoirs ?

où, par un trop long séjour, elle degré de la maladie. Nous leur don- Les Annales politiques et littéraires,
s’était corrompue, et avait fait périr nâmes 5 à 6 centimètres de largeur 1902.
les arbres. » en ayant soin de tailler en biseau les
H.-L. Duhamel de Monceau, Phy- lèvres des plaies, afin, d’une part, de ■
sique des arbres (voir couverture faciliter la formation de bourrelets, et
page précédente), 1758. d’une autre part, d’empêcher les Le trésor des templiers ?
individus malintentionnés et les
■ ruminants de pouvoir saisir l’écorce « Un chercheur français, Laurent
béante pour l’arracher. » Daillef a découvert dans de vieilles
Des savants qui ne E. Robert, vers 1860. archives sur les Templiers conser-
reculent devant rien pour vées dans une église à Trujillo, en
connaître l’ennemi contre ■ Espagne, une « recette » d’engrais
que les Templiers utilisaient et qui a
lequel ils vont lutter...
Des méthodes préventives la vertu de sauver les or mes
« Nous résolûmes donc, malgré les malades. À la différence des com-
« Nous avons indiqué, pour mettre
occupations dont nous sommes posts ordinaires, l’engrais des Tem-
les arbres à l’abri des ravages des
chargés pour soutenir nos diverses pliers ne contient que des matières
insectes, un procédé très usité en
publications pur ement scienti- végétales vivantes. Et un essai de
Amérique, mais aussi connu en
fiques, de faire encore le sacrifice cet « engrais » sur un orme planté,
France. Il consiste dans l’applica-
de notre temps dans cette circons- l’an dernier, à Scharbeek, un quar-
tion, à hauteur d’homme, tout
tance. Le 1er août, nous nous ren- tier de Bruxelles, s’est avéré tout à
autour du tronc de l’arbre, d’une
dîmes pour la troisième fois, et de fait concluant. Alors que les ormes
ceinture de ouate de vingt centi-
bonne heure, à Bellevue, en priant sont en voie de disparition aujour-
mètr es envir on de hauteur sur
M. Robert de nous accompagner, d’hui dans toute l’Europe, atteints
quelques centimètres d’épaisseur.
afin de continuer nos recherches de la graphiose, l’orme de Schar-
L’insecte recule devant cette barriè-
sur ces insectes et de tâcher de sur- beek n’en semble nullement affec-
r e. Nous espérions que cette
prendre leur accouplement ; chose té. Enfin un trésor des Templiers
méthode pourrait être employée
que nous avions tentée en vain en découvert... »
avec succès contre l’invasion désas-
montant sur ces arbres à l’aide
treuse de la galéruque de l’orme. »
Sciences et Avenir, mars 1985. ■
d’une bonne échelle, et en restant
longtemps ainsi en observation,
avec une patience digne d’un
meilleur succès. »
Revue zoologique, 1846.


Des solutions chirurgicales
« Lors de la première application de
notr e pr océdé opératoir e, qui
remonte à l’année 1846 pour le trai-
tement des arbres ravagés par les
scolytes, nous nous bornâmes à faire
de larges incisions sur les ormes
attaqués : depuis l’origine des
grosses branches jusqu’au pied de
l’arbre, nous en pratiquâmes deux,
© Jean Pinon

trois, quatre, cinq et six, suivant


d’ailleurs la grosseur du tronc et le Urne en loupe d’orme.

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dossier

La graphiose : une histoire ancienne


toujours d’actualité
Jean Pinon, INRA et Dominique Piou, DSF Bordeaux

La graphiose est aussi appelée « maladie hollandaise de l’orme », ce qui est injuste, les Hol-
landais n’ayant aucune responsabilité dans l’introduction de cette maladie en Europe.
Grâce à des travaux assez remarquables de plusieurs chercheurs, ils ont en revanche été les
premiers à la signaler sur le continent et à mettre en évidence le champignon responsable.

L a graphiose est une mala-


die pr ovoquée par un
champignon micr osco-
pique qui vit dans les
feuilles sèchent, brunissent et
demeur ent attachées jusqu’au
milieu de l’été pour tomber préma-
turément. L’extrémité de la pousse
2

vaisseaux du dernier cerne formé. Il de l’année tend à sécher, noircir et

© J. Pinon
perturbe la circulation de la sève et se recourber pour donner un aspect
émet des toxines. Il en résulte le caractéristique dit en houlette de
flétrissement du feuillage, soit de berger.
Coupe transversale d’un rameau infecté
l’ensemble d’une branche si la La coupe transversale d’un rameau mais encore vivant. Les vaisseaux de
contamination a eu lieu par voie infecté mais encore vivant montre printemps sont bruns car obstrués par de
aérienne, soit de toutes les le plus souvent un brunissement la gomme.
branches si le champignon a péné- net des vaisseaux de printemps du
tré via le système racinaire. Le para- dernier cerne (Photo 2). En écorçant 3
site pr ogresse plus rapidement
dans les vaisseaux vers la cime que
vers le collet. Dès lors, si la conta-
mination aérienne conduit à la mort
du sujet sensible en quelques © J. Pinon
années, la contamination via le col-
let peut conduire à la mort d’un Coupe longitudinale d’un rameau infecté.
arbre adulte l’année même de sa Les stries brunes longitudinales correspon-
contamination. dent aux groupes de vaisseaux obstrués.


ce rameau puis en grattant le cam-
Des symptômes bium, la mise à nu du xylème (bois)
caractéristiques révèle des stries brunes longitudi-
nales en correspondance avec les
Les symptômes de la maladie sont brunissements observés en coupe
© J. Pinon

assez caractéristiques : au prin- transversale (Photo 3). Ces brunis-


temps – généralement début juin – 1 sements corr espondent aux
les feuilles du rameau atteint pren- groupes de vaisseaux obstrués et
Symptômes caractéristiques de la
nent une couleur beige et s’enrou- graphiose : les feuilles du rameau atteint porteurs de gomme. La confusion
lent à partir de l’extrémité et du prennent une couleur beige et s’enroulent avec une autre maladie est rare
bor d du limbe (Photo 1). Les sur elles-mêmes (photo prise en juin). mais en cas de doute, le recours à

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dossier L’orme : nouveaux espoirs ?

l’isolement en laboratoire permet En 1921, il est indiqué un grand ■


un bon diagnostic à condition nombre de dépérissements depuis
d’éviter de le pratiquer sur des la frontière belge jusqu’en Seine-et- L’épidémie dévastatrice
rameaux secs. Oise et Seine-et-Marne et peut être des années 70
Un peuplement sain est d’abord au-delà vers le Sud. Le parallèle
contaminé par voie aérienne : les avec les travaux des chercheurs Au début des années soixante-dix,
morsures infligées par les insectes hollandais est établi. De nouveaux une nouvelle épidémie se dévelop-
vecteurs (scolytes adultes émer- foyers sont signalés au sud de la pa d’abord autour de ports britan-
geant d’arbres malades) permettent Loire en 1922. À partir de 1925, la niques important du bois d’Amé-
l’entrée du champignon. Puis maladie s’étend dans le Sud-Ouest rique du Nord et peu après, des
l’agent pathogène atteint le collet puis dans le Sud-Est à partir de foyers très actifs furent détectés sur
de l’arbre contaminé et gagne, via 1929. En une dizaine d’année, la le continent. Il a été rapidement
les greffes de racines entre ormes graphiose de l’orme a atteint l’en- établi qu’en culture, l’agent respon-
(soudures racinaires, anastomoses), semble du territoir e, semblant sable de cette nouvelle épidémie
le système d’un arbre voisin. Ce cependant plus toucher l’or me était morphologiquement distinct
mode de transmission est presque champêtre que l’or me de mon- d’Ophiostoma ulmi et que ses exi-
toujours fatal. tagne ou l’orme diffus. gences thermiques étaient égale-
À l’inverse, il est apparu rapide- ment différentes. Ce nouvel agent a
■ ment que les espèces d’or mes été baptisé d’un nom d’espèce dif-
d’origine asiatique résistaient bien à férent (O. novo-ulmi) mais son ori-
Première alerte la maladie, ce qui a suggéré une gine reste tout aussi mystérieuse.
dans les années 20 coévolution ancienne entre l’hôte En l’absence de service assurant la
et l’agent pathogène dans cette surveillance sanitaire des arbres
La première épidémie a été obser- partie du monde, considérée urbains et forestiers, nous avons
vée en Europe à la fin de la premiè- comme la zone d’origine de la tenté de suivre l’envahissement de
re guerre mondiale. La consultation maladie. Les prospections réalisées notre territoire. Il semble que deux
des rapports de l’époque (1) per- jusqu’à présent en Asie n’ont toute- foyers principaux aient été à l’origi-
met de se faire une idée assez pré- fois pas permis de confirmer cette ne de cette seconde épidémie :
cise de sa propagation en France. hypothèse. l’un en région parisienne (qui
C’est en 1919 que sont mentionnés L’agent pathogène impliqué dans semble lié aux camions venant de
les premiers cas dans la Marne et cette première épidémie (Ophio- Grande-Bretagne) et un en Alsace
dans la Meuse, essentiellement le stoma ulmi) et l’un de ses scolytes connecté à celui allemand de la
long des r outes. Si les auteurs vecteurs, ont ensuite été introduits Forêt noire. Il se confirma que la
décrivent très précisément les au moins deux fois en Amérique du maladie se propageait rapidement
symptômes, ils en sont réduits à Nord (États-Unis en 1930 et Canada et préférentiellement le long des
des hypothèses sur l’origine de ces en 1945) à l’occasion de transports voies de communications suggé-
dépérissements. Ils rejettent celle inter nationaux de bois d’or me rant la migration rapide des sco-
d’une action dif férée des gaz conduits sans précaution. lytes via les moyens de transport. À
toxiques employés durant les com- À la fin des années soixante, l’épi- l’inverse, la pénétration dans les
bats car certains dépérissements démie semblait arrêtée en France et massifs montagneux fut beaucoup
d’orme sont trop éloignés du front. de nombreux arbres adultes exis- plus lente.
La fatigue des sols par suite de la taient. Souvent ils étaient sains, ou Tout comme la première, cette
sur charge et des tremblements seule une branche présentait des nouvelle épidémie gagna la France
occasionnés par le passage des symptômes récurrents, sans évolu- en une dizaine d’années et parallè-
camions montant vers le front est tion fatale. Cette rémission n’est lement toute l’Europe, y compris
également avancée. En 1920, de pas bien documentée mais certains les zones insulaires, à l’exception
nouveaux cas sont signalés dans chercheurs pensent qu’elle pourrait des zones nordiques. Nous avons
certaines régions du Nor d, en en partie résulter de l’intervention ainsi noté que les or mes cham-
Seine-et-Marne et dans l’Oise tan- de virus antagonistes du champi- pêtres adultes étaient sains à Saint-
dis que ceux de Meuse s’étendent. gnon. Pétersbourg et en Norvège. Il est

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dossier
probable que, sous ces latitudes, les fragmentaires et se rapportent pour rence. Il convient d’être prudent sur
scolytes ne puissent voler qu’un la plupart à des arbres de haies. La cette ultime tendance qui peut pro-
nombre restreint de jours. graphiose est suspectée dans 185 venir des méthodes employées.
Cette seconde épidémie fut dévas- fiches (2) parmi lesquelles seules Elle méritera d’être confir mée à
tatrice. Ainsi, des 30 000 ormes de 10 % se rapportent à l’orme lisse ou l’occasion des nouvelles méthodes
Paris (dont la moitié au Bois de Vin- l’orme de montagne. Cela pourrait d’inventaires mise en place par
cennes) il ne subsiste guère qu’un signifier une plus faible sensibilité l’IFN. Il n’empêche qu’entre deux
millier en alignement dans des de ces deux essences, ce qui serait inventaires successifs, le volume
zones mieux surveillées et sou- cohér ent avec les observations d’ormes vivants a progressé dans
mises à abattage précoce des faites lors de la première épidémie plusieurs départements (plus de
arbres malades. Le bocage nor- et celles réalisées en Angleterre au 150 000 m 3 en Seine-et-Mar ne,
mand a perdu plus de 99 % de ses début de la seconde épidémie. plus de 60 000 m3 en Côte-d’Or par
ormes. Très peu d’arbres adultes En forêt, les données disponibles de exemple). Une étude plus poussée
subsistent, le plus souvent isolés l’Inventaire forestier national (IFN) de ces premiers résultats s’avère
des foyers de scolytes. Ceux tués montrent une chute spectaculaire nécessaire.
par la graphiose donnent naissance des volumes d’orme vivant (arbre Par ailleurs et en dépit de dégâts
à des rejets ou à des drageons, qui de plus de 7,5 cm de diamètre) majeurs, il ne semble pas que les
constituent des clones des arbres entre les années de référence 1985 ormes aient subi de lourdes pertes
tués. Ils sont donc tout aussi sen- et 1995 (Figure ci-dessous). En en matière de ressources géné-
sibles et après quelques années de 1990, on observe le maximum de tiques. Même si la graphiose a éli-
croissance sans symptôme, ils sont volume « annuel » d’arbres morts. miné les grands ormes, beaucoup
à leur tour atteints par la maladie. Ce volume a, depuis, largement se sont maintenus dans les haies
En pratique, la maladie a réduit régressé et il semble se stabiliser grâce aux rejets ou drageons, ce
l’orme à l’état d’arbuste, l’empê- actuellement autour de 200 000 m3. qui n’a pas totalement réduit leur
chant de devenir adulte. On peut estimer que cette mortalité capacité à fructifier car les fruits
est essentiellement le fait de la gra- apparaissent dès les pr emièr es
■ phiose. Cette régression du volume années sur de jeunes tiges.
de mortalité ne semble pas due à
Aujourd’hui : une diminution du volume de bois ■
une situation stable ? vivant qui, à partir de l’année de
référence 1995, reste stable autour Des méthodes de lutte
Les données acquises par le Dépar- de 2 millions de m3 (principalement limitées
tement de la santé des forêts dans les haies) et a même tendance
depuis 1990 sur cette maladie sont à croître la dernière année de réfé- Pour contrer cette maladie, il faut
intervenir sur au moins l’un des
Évolution du volume d’orme en France par année de référence* trois protagonistes : le champi-
gnon, la vection (scolytes et greffes
de racines) et l’hôte.

Contre le champignon, un fon-


gicide à usage restreint
La seule méthode de lutte directe
qui ait progressé depuis le début
de la seconde épidémie concerne
le traitement fongicide. Un produit
est autorisé en France pour cet
usage (actuellement l’Arbotect
20 S, matière active : le thiabenda-
* les volumes correspondent à la somme des volumes départementaux au dernier cycle d’in- zole) (3). Du fait de la localisation
ventaire, antérieur ou égal à l’année de référence. vasculaire du parasite et du volume

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dossier L’orme : nouveaux espoirs ?

de végétal à traiter, l’application du des injecteurs à la bonne profon- insecticide à la fois efficace et res-
produit exige son injection dans le deur. L’injection doit avoir lieu mi- pectueux des autres insectes. Seul
tr onc ou à l’empattement des mai en région parisienne et la durée l’abattage précoce des arbres
racines avec pour objectif d’imbiber de l’injection est très variable selon malades, avant qu’ils ne devien-
de fongicide le dernier cerne formé. l’arbre, l’heure et les conditions nent le siège de la multiplication
Les essais conduits en collaboration météorologiques. Si le traitement de ces insectes peut être envisa-
avec les villes de Paris et de Mala- est bien conduit, la protection est gé pour éviter cette multipli-
koff, le Service de la protection des réelle mais les concentrations de cation. Cette méthode ne vaut que
végétaux et des firmes de produits matière active détectées dans les si elle est pratiquée avec une gran-
phytosanitaires dans les années arbres suggèrent une action fongi- de rigueur sur une surface assez
soixante-dix et la mise au point de statique (4) et non fongicide (une vaste. Un exemple intéressant est
méthodes biologiques pour tracer autre raison pour ne conduire que celui de l’île de Guernesey, qui mit
le fongicide dans les troncs et les des traitements préventifs) et le à profit trois paramètres favorables :
rameaux des arbres infectés, nous traitement doit être renouvelé au insularité, climat frais et venté (sou-
ont permis de cerner les limites de moins tous les deux ans, le fongici- vent contraire aux vols de scolytes)
ces traitements. Tout d’abord, ils ne de migrant tout au plus vers le et plan de prophylaxie très rigou-
concernent que des arbres sains ou cerne formé l’année suivant le trai- reux. Dans les premières années, la
très peu malades afin que le fongi- tement. Ce traitement, compte tenu lutte fut assez efficace dans cette île
cide puisse circuler dans des vais- des limites de son champ d’applica- dont 80 % des arbres étaient des
seaux non bouchés (moins de 10 % tion, des contraintes et des coûts ormes. Pourtant un début d’épidé-
de feuillage symptomatique, envi- n’est envisageable que pour des mie se fit jour et les moyens maté-
ron) et non adjacents d’arbres déjà arbres (de préférence isolés) ayant riels et financiers devant être mis en
bien atteints, l’injection ne semblant une grande valeur patrimoniale. De œuvre devinrent hors de portée. La
pas protéger des contaminations ce fait, il est pratiqué par peu de lutte fut abandonnée et les ormes
par voie racinaire. Le traitement communes. disparurent. Le basculement ainsi
requiert un équipement difficile à observé dans cette île présente une
trouver dans le commerce actuelle- Contre les scolytes, aucun similitude avec notre suivi de deux
ment (photo 4). L’application est insecticide enclos expérimentaux d’ormes du
délicate, car l’irrégularité de l’écor- Envers les scolytes vecteurs de bois de Vincennes et suggère que
ce rend difficile le positionnement l’agent pathogène, il n’existe aucun le moteur de l’épidémie a été la
transmission racinaire. Pour empê-
cher la transmission racinaire, il
faut creuser des tranchées qui
cassent ces liaisons entre arbres.
Une pelleteuse dédiée à la pose de
câbles convient.

La troisième voie : des arbres


tolérants
Il ne reste donc que la valorisation
de la résistance de l’arbre à la mala-
die. Nous avons conduit en collabo-
ration avec le Cemagref (Pinon et
© Jean Pinon

coll., 2005) une étude relative au


4 comportement des or mes indi-
gènes (r eprésentants des tr ois
Le traitement fongicide peut être réalisé assez facilement moyennant des tuyaux souples
et des raccords plastique en T ou en Y pour constituer une ceinture d’injecteurs autour espèces européennes et de leurs
de l’arbre. Cette ceinture est reliée par une extrémité au pulvérisateur dans lequel le fon- hybrides) inoculés par l’agent
gicide est mis sous faible pression et à l’autre à un purgeur. pathogène en comparaison avec

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dossier
des cultivars hollandais et de paren- dont la résistance à la graphiose a
Résumé
té asiatique réputés résistants. Bien été démontrée sous nos conditions
La graphiose est le champignon res-
qu’une variabilité entre espèces, et écologiques peuvent être plantés ponsable du dépérissement des
surtout entre individus, ait été mise en vue de constituer des peuple- or mes. À l’heure actuelle, aucun
en évidence, aucun orme n’a résisté ments capables de devenir adultes fongicide à la fois efficace, sélectif et
correctement (mortalité partielle ou en restant sains (lire l’article page peu toxique n’est disponible pour
totale du houppier) ce qui nous 37). ■ lutter à grande échelle contre ce
fléau. De même, il n’existe pas d’in-
conduit à déconseiller la culture des
secticide efficace contre le scolyte,
individus jugés les moins sensibles. insecte vecteur de la graphiose.
De plus, contrairement aux condi- Mots-clés : graphiose, scolyte,
Remerciements
tions naturelles, la récupération a eu Les auteurs tiennent à remercier l’IFN orme.
lieu une année sans contamination. pour la mise à disposition des don-
Il en résulte que seuls des cultivars nées. Bibliographie
■ Pinon (J), 1993. Graphiose de l’Or-
me. Dossier de l’Environnement de
(1) Notamment les Annales du Service des Epiphyties. l’INRA n°7, ISSN 1244-7986, 60 p.
(2) NDLR : il s’agit des fiches d’observation remplies par les correspondants observateurs. ■ Pinon (J), Husson (C), Collin (E.),
(3) La législation relative à l’usage des produits phytosanitaires évoluant régulièrement, il est néces- 2005. Susceptibility of native French
saire avant d’envisager la lutte chimique, de vérifier usages et produits autorisés sur le site http://e- clones to Ophiostoma novo-ulmi.
phy.agriculture.gouv.fr/ An. For. Sci. 62, 689-696.
(4) qui empêche le développement du champignon mais ne le tue pas.

© H. de Grandmaison

Orme champêtre ayant résisté à la graphiose à Saint-Crépin-aux-Bois.

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dossier L’orme : nouveaux espoirs ?

La transmission de la graphiose de
l’orme par les scolytes Dominique Piou, DSF Bordeaux

Si en Europe de l’Ouest, moins d’une dizaine d’espèces de scolytes est susceptible de conta-
miner les ormes par voie aérienne, seules quatre ou cinq espèces sont bien représentées en
France. Contre toute attente, il reste encore beaucoup à découvrir sur ces vecteurs de la
maladie. Dominique Piou apporte ici quelques pistes intéressantes.

L e grand scolyte (Scolytus


scolytus) et le petit scolyte
( S. multistriatus ) sont les
espèces les plus fré-
ce, Hylurgopinus rufipes , égale-
ment très étudiée mais absente en
Europe.
vent de 5 km/h environ, le grand
scolyte serait capable de couvrir
10 km. Il est cependant vraisem-
blable que la grande majorité des
quentes en France. Le premier, qui ■ adultes ne couvre que quelques
mesur e 6 mm à l’état adulte centaines de mètres. À l’occasion
(photo 1), colonise les écor ces Un cycle de développe- de ce vol, les adultes consomment
épaisses du tronc et des grosses ment assez semblable fréquemment un peu d’écorce à
branches, tout comme S. laevis et entre scolytes l’aisselle de jeunes rameaux d’orme
S. sulcifrons. Le second (3 mm de sain et même au niveau des
long) préfère les écorces d’épais- Tous les Scolytus ont un cycle de pétioles. Le petit scolyte a tendance
seur moyenne du tr onc et de développement assez semblable. à s’enfoncer verticalement dans les
branches inférieures à 5 cm de dia- Après une phase aérienne qui cor- tissus corticaux (photo 2) tandis
mètre. D’autres espèces comme S. respond à la dispersion de l’insecte que le grand scolyte décape les
kirschii ou S. pygmaeus (dont dans l’écosystème, les adultes rameaux en réalisant des petites
l’adulte ne dépasse pas 3 mm) ne s’agrègent en masse sur un arbre galeries superficielles. Longtemps
s’attaquent qu’aux branches fines. af faibli pour y pondre : c’est la qualifiées de « repas de maturation
Toutes ces espèces n’ont pas fait phase d’agrégation. Le développe- sexuelle », ces morsures sont main-
l’objet du même ef fort de ment larvaire s’ef fectue entière- tenant considérées comme des
recherche. Le grand et le petit sco- ment sous l’écorce, il correspond à « repas de complément » destinés
lyte sont les plus étudiés au niveau la phase sous-corticale. à la r estauration des réserves
international en particulier parce (sucres et/ou eau) durant le vol.
qu’ils sont très impliqués dans la La phase aérienne dite de S’insérant plus ou moins profondé-
transmission de la graphiose et que dispersion ment dans l’écorce, il n’est pas
le second a été introduit en Amé- Les scolytes de l’orme hivernent exclu que ces morsures offrent un
rique du Nord, au Chili, en Australie sous l’écorce à l’état larvaire ou abri protecteur dans l’attente de
et en Nouvelle-Zélande. Il existe en nymphal. Les pr emiers adultes
2
Amérique du Nord une autre espè- émergent en mai-juin et prennent
leur envol lorsque la température
1
dépasse 20 °C pour le grand scoly-
te et 23 °C pour le petit scolyte.
La longueur du vol de dispersion
est très variable et dépend des
© D. Piou

conditions externes (vent, humidi-


© D. Adam

té). Généralement les adultes volent


dans la direction du vent s’il n’est Repas de complément d’un petit scolyte à
Adulte du grand scolyte de l’orme. pas trop fort. En théorie, avec un l’aisselle d’un rameau d’orme.
22 Forêt-entreprise n°175-Juillet 2007
P. 22-25 dossier 3 1/06/07 14:29 Page 23

dossier
3 Sa détection pourrait être le simple En France, grand et petit scolyte
fait du hasard. Le scolyte se pose- produisent sans problème au moins
rait puis le « goûterait » et/ou le deux générations dans l’année et
« sentirait » pour tester son appar- l’on a coutume de distinguer la
tenance à la bonne espèce et son génération de printemps qui vole
état physiologique. Une autr e fin mai-début juin et celle d’été.
hypothèse est qu’il serait capable Des auteurs allemands ont calculé
de détecter à plusieurs mètres les qu’un orme adulte pouvait «libérer»
composés volatils émis par un plus de 400 000 adultes au prin-
orme affaibli. temps.

La phase d’agrégation ■
Dès l’arrivée du « pionnier » et le
© L.-M. Nageleisen, DSF

début de sa pénétration sous l’écor- L’apparition de la


ce, l’arbre devient attractif pour les graphiose : une profonde
mâles et les femelles de la même perturbation dans
espèce, qui s’orientent alors en
la dynamique des
réponse à un mélange de phéro-
mones émises par le pionnier et les
populations de scolytes
Détail d’un système de galerie maternelle
(centrale) et de galeries lavaires (en péri- suivants, et de composés volatils Avant l’apparition de la graphiose,
phérie) du grand scolyte de l’orme. émis par l’arbre de plus en plus les scolytes n’étaient pas impliqués
blessé et affaibli. À leur arrivée sur dans les variations du nombr e
4
le tronc, voire lorsque les femelles d’or mes dépérissants ou mori-
ont commencé à pénétr er sous bonds. Ce nombre variait pour des
l’écorce, les scolytes s’accouplent. raisons diverses (vieillissement,
sécheresse, arbres dominés...). On
La phase sous-corticale pouvait alors observer des fluctua-
© D. Adam

Seules les femelles des espèces tions plus ou moins importantes


européennes pénètrent sous l’écor- des populations de scolyte du fait
ce. Elles creusent pendant deux à de la compétition entre adultes
Agrégations de systèmes de galeries.
trois semaines un tunnel parallèle pour la colonisation des troncs.
conditions climatiques plus favo- aux fibr es du bois et déposent Avec l’apparition de la graphiose,
rables. À l’occasion de ce « repas », régulièrement leurs œufs de part et les scolytes sont devenus à même
mâle et femelle peuvent s’accou- d’autre de cette galerie (1). de véhiculer un agent de mortalité
pler en cas de rencontre fortuite. Les œufs (2) éclosent immédiate- et de le transmettre aux or mes
Cela semble assez fréquent chez le ment après la ponte et les larves se sains (3). Cette aptitude, acquise
petit scolyte. développent aux dépens du phloè- fortuitement, a pr ofondément
À la fin du vol de dispersion, les me (tissu conducteur de la sève éla- modifié la dynamique de leurs
réserves glucidiques diminuant, les borée) en creusant des galeries per- populations. Ils en sont devenus
adultes se voient dans l’obligation pendiculaires aux galeries mater- « acteurs » en induisant directement
de trouver un site favorable pour nelles. Ces deux types de galeries de fortes mortalités, synonyme de
nidifier, c’est-à-dire un arbre affaibli marquent plus ou moins profondé- conditions favorables aux généra-
ou moribond. Leur absence, asso- ment les couches externes du bois tions suivantes.
ciée à un épuisement des réserves aboutissant à des réseaux caracté- La capacité de vol des insectes,
(fatigue) r end cette phase très ristiques visibles une fois l’écorce associée à la dispersion passive à
périlleuse pour les scolytes. En tombée (photos 3 et 4). longue distance lors des transports
© D. Piou

conditions habituelles, il est pro- Après une trentaine de jours, les de grumes contaminées, expliquent
bable que la grande majorité des larves creusent une chambre nym- en grande partie la rapidité de pro-
adultes meurent à la fin du vol, phale à l’extrémité de leur galerie pagation d’O. ulmi puis d’O. novo-
faute d’avoir trouvé l’arbre adéquat. d’où émergera un jeune adulte. ulmi en Europe. Par la suite, faute

Forêt-entreprise n°175-Juillet 2007 23


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dossier L’orme : nouveaux espoirs ?

d’arbres dépérissants, les popula- asexuées dans un premiers temps, d’observations et d’expérimenta-
tions de scolytes ont fortement puis sexuées, apparaissent dans les tions montrent que les scolytes ont
diminué. Aujourd’hui, les vieux différentes galeries de scolytes, et nettement plus de chance d’atterrir
ormes, à écorce épaisse, ont quasi- en abondance dans les chambres et de s’alimenter sur certains types
ment tous disparu à la différence nymphales des scolytes (4). Juste d’ormes.
des rejets de souche, à écorce fine. avant l’émergence, le jeune adulte, Les ormes adultes à la silhouette
Le grand scolyte est devenu moins à l’occasion de ses mouvements, se massive constituent un signal visuel
fréquent que les espèces nidifiant charge de spor es par simple fort qui attire probablement les sco-
dans les écorces fines et il n’est pas contact. Les scolytes sont les lytes durant leur vol. Dans des
exclu qu’il soit rare dans certaines seuls vecteurs du champignon car enceintes fermées où les insectes
régions. ses spores apparaissent dans des n’ont le choix qu’entre des plants
gouttelettes de mucilage collant et de moins de 2,5 m, on observe une
■ non soluble dans l’eau. bonne corrélation entre la hauteur
En fonction des conditions environ- des arbres et le taux de morsures.
La transmission de la nementales, de la position de la Ce comportement explique en par-
graphiose : une succession chambre nymphale dans l’écorce, tie le fait que certains jeunes ormes
complexe d’étapes et de la rapidité du développement isolés ne présentent pas de symp-
post nymphal, la quantité d’inocu- tômes de graphiose avant plusieurs
lum accumulée par les adultes peut années. En fait, ils ne sont suscep-
La contamination des scolytes varier énormément ; certains ne tibles d’être contaminés par les sco-
L’apparition des symptômes de la portent aucune spore, d’autres peu- lytes qu’après avoir dépassé une
graphiose dans le houppier d’un vent en transporter plus de certaine hauteur. Cette particularité
orme correspond au développe- 300 000. Pour le grand scolyte, les est utilisée dans les conservatoires
ment généralisé du champignon deux tiers des insectes peuvent être in situ, comme celui du Cemagref à
dans les vaisseaux conducteurs. Ce potentiellement vecteurs au Nogent-sur-Vernisson, où les ormes
n’est qu’après cette phase que le moment de l’émergence. sont régulièrement rabattus à 1 m,
champignon colonise l’écorce. Ce Les spores n’étant pas protégées au début du printemps, pour
passage dans les tissus les plus dans des organes spécialisés, elles échapper à la « dent des scolytes ».
externes coïncide à peu près au sont sujettes durant le vol à la des- Lors de leur repas de complément,
moment où l’arbre devient sensible siccation et à l’action des ultravio- petit et grand scolytes montrent de
à la nidification des scolytes. lets. nettes préférences lorsqu’ils ont le
Quelques jours après la pénétration choix entr e plusieurs espèces
de la femelle, on voit apparaître des L’inoculation par les scolytes d’ormes. En enceintes fermées, ils
lésions brunâtres le long de la gale- Compte tenu des différents facteurs consomment préférentiellement
rie maternelle. Le phloème meurt évoqués ci-dessus, le taux d’insectes des rameaux d’ormes champêtres
progressivement en trois à quatre réellement vecteurs au moment du ou d’hydrides naturels et délaissent
semaines. Pour le champignon, « repas de complément » est très ceux d’ormes de montagne ou lisse
cette période correspond à une variable. Ce repas représente le (Piou, 2002 ; Webber, 2004). Ceci
transition entre la phase pathogène moment clé où les scolytes inocu- pourrait être lié à la composition
et la phase saprophyte au cours de lent le champignon. Cependant, chimique de leur écorce. Toujours
laquelle il envahit tout le phloème. seules les morsures de printemps en enceintes fermées et s’ils n’ont
Durant cette phase, les souches les sont synonymes d’inoculations le choix que d’une seule espèce, on
plus invasives s’étendent aux réussie. Elles coïncident en effet au observe 6 à 10 fois moins de mor-
dépens des moins invasives. C’est maximum de sensibilité des ormes, sures sur les ormes lisses ou de
ce qui explique que le champignon laquelle diminue très rapidement au montagne, en comparaison d’or-
Ophiostoma ulmi détecté au début cours de l’année au point que les mes champêtres (Piou, 2002). Dès
du XXe siècle ait été supplanté par morsures d’été sont sans effet. lors, il est logique de penser que la
O. novo-ulmi plus puissant coloni- Même si leur arrivée sur un orme plus faible mortalité des ormes de
sateur des tissus corticaux. Dans les sain est un évènement largement montagne et lisse, observée en
mois qui suivent, des fructifications lié au hasard, un certain nombre nature par de nombreux auteurs,

24 Forêt-entreprise n°175-Juillet 2007


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dossier
provienne en grande partie de leur qu’il soit aisé de le relier à un seul
faible appétence lors du vol des facteur (comme la sécheresse par
Bibliographie
scolytes. Ceci est d’autant plus exemple). Ces variations, associées à ■ Piou (D.), 2002 - Attractive-
plausible que ces deux essences des différences interannuelles de sen- ness for Scolytus. Final report
apparaissent tout aussi sensibles sibilité de l’hôte, permettent de com- Project RESGEN CT96-78: 15-16
sinon plus sensibles que l’or me prendre pourquoi certains printemps ■ Pinon (J.), Husson (C.), Collin
champêtre aux inoculations artifi- sont plus spectaculaires que d’autres (E.), 2005 - Susceptibility of
natve French elm clones to
cielles d’O. novo-ulmi (Solla et al., en symptômes de graphiose.
Ophiostoma novo-ulmi. Annals
2005 ; Pinon et al., 2005). Il n’est Des recherches sur des clones d’or- of Forest Science 62 (7) : 689-
pas exclu que d’autres facteurs, me champêtre «résistant» au repas 696.
comme la rugosité de l’écor ce, de complément des scolytes sont ■ Solla (A.), Bohnens (J.), Collin
puissent également jouer un rôle. en cours. Associées à celles sur la (E.), Diamandis (S.), Franke (A.),
Les conditions environnementales tolérance au champignon, elles Gil (L.), Buron (M.), Santini (A.),
Mittempergher (L.), Pinon (J.),
influent également sur le taux de pourraient permettre d’augmenter
Van den Broeck (A.), 2005 -
réussite des inoculations. Au rapidement le nombre de clones Screening European elms for resis-
moment de l’essaimage de prin- proposés aux sylviculteurs. ■ tance to Ophiostoma novo-ulmi.
temps, toute augmentation de tem- Forest Science 51 (2), 134-141.
pérature entre 20 et 30 °C se tra- ■ Webber (J.-F.), 2004 - Experi-
duit par un accroissement significa- mental studies on factors influen-
cing the transmission of Dutch
tif du nombre de morsures (Web-
elm disease. Second Internatio-
ber, 2004). Au-dessus de 25 °C, les nal Elm Confer ence, Valsain,
scolytes deviennent plus actifs. Ils Spain, 20-23 May 2003. Investi-
(1) La longueur et la largeur de ces galeries
réalisent leurs repas plus rapide- gacion Agraria, Sistemas y
dépendent de l’épaisseur de l’écorce et de la
ment et forent souvent plus en pro- Recursos Forestales 13 (1): 197-
grosseur des insectes. Elles font 15-90 mm de
fondeur dans les tissus corticaux. 205
long et 1,5-2,3 mm de large chez S. scolytus,
■ Webber (J.-F.), Brasier (C.-
Dès lors, il est probable qu’ils ino- 15-70 mm et 1-2 mm chez S. multistriatus et
M.), 1984 - The transmission of
culent une quantité plus importante 11-33 mm et 0,7-1,3 mm chez S. pygmaeus
Dutch elm disease: a study of the
de spores (5). Par ailleurs, plus le (2) La femelle du grand scolyte dépose 60 à
process involved. In Anderson,
110 œufs par galerie, celle du petit scolyte de
taux d’humidité de l’air est élevé au J.M.; Rayner, A.D.M.; Walton,
100 à 150.
moment de l’inoculation, plus celle- D.W.H – Invertebrate microbial
(3) Les hypothèses et les premiers travaux sur
ci à des chances de réussir. La réus- interactions: Cambridge Universi-
la vection d’Ophiostoma ulmi par les scolytes
ty Press, Cambridge, UK: 271-
site de la transmission du champi- sont apparus dès le milieu des années 20. Ce
306
gnon à l’or me apparaît donc sont cependant les travaux conduits pas J.-J.
comme une équation complexe et Fransen, pour sa thèse de doctorat dans les
années 30, qui ont véritablement permis Résumé
les rares chiffres qui existent dans la
d’élucider le cycle de la maladie et le rôle des Les scolytes se propagent d’orme en
littérature sont assez variables mais scolytes dans celui-ci. orme en transmettant la maladie de
dépassent rarement quelques pour (4) Les chambres nymphales, situées dans le la graphiose par voie aérienne sous
cent. phloème, offrent à la fois un taux élevé d’hu- forme de spores qu’ils véhiculent.
Cela peut paraître contradictoire midité et une forte concentration en nutri- Plus les adultes sont nombreux et se
avec la quasi-disparition des ormes ments. En comparaison, celles situées dans dispersent, plus la graphiose se dif-
l’aubier ou dans les couches externes de l’écorce fuse. Le nombre d’arbres dépéris-
adultes en Europe mais il convient
offrent des conditions beaucoup moins favo- sants augmente alors rapidement ce
de mettre en relation ce faible taux rables. qui crée des conditions particulière-
avec le nombre parfois considérable (5) Des études conduites en Angleterre indi- ment favorables aux générations
d’insectes libérés par chaque arbre, quent qu’un minimum de 500 à 1000 coni- successives de scolytes, à leur tour à
qui constitue au final un potentiel dies est nécessaire à la réussite d’une inocula- l’origine de la disparition des ormes.
d’inoculum non négligeable. Comp- tion. En Italie, sur d’autres espèces d’orme, La températur e, le nombr e de
d’autres auteurs ont obtenu des taux de trans- spores et l’humidité influencent la
te tenu de l’interaction des nom-
mission compris entre 3,3 et 22,5 % avec des transmission de la graphiose.
breux facteurs en cause, il est pro- adultes de S. multistriatus contaminés artifi- Mots-clés : orme, graphiose, sco-
bable que ce potentiel varie forte- ciellement de 130 spores en moyenne par lytes.
ment d’une année à l’autre sans insecte.

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dossier L’orme : nouveaux espoirs ?

La graphiose en Basse-Normandie
depuis 20 ans Julien Rousseau et Claudine Joly, Crepan (1)

En 1986, après la phase aiguë de l’épidémie de graphiose, le Crepan avait recensé les ormes
sains en Basse-Normandie. Vingt ans après, les arbres repérés sont-ils toujours vivants ?
Comment l’état sanitaire des ormes normands a-t-il évolué ?

À la fin des années 70,


l’or me (2) était la
deuxième essence la
plus r eprésentée en
dans une fiche regroupant les prin-
cipales caractéristiques de l’arbre
(hauteur, diamètre, type de port,
etc.) ainsi que, dans la majorité des
Basse-Normandie après le chêne. cas, un plan de situation.
Avec près de 30 % du volume de Pour savoir si l’état sanitaire de ces
bois debout, il constituait un élé- arbres a une origine génétique, un
© Crepan

ment fondamental du paysage de certain nombre d’entre eux sont


bocage (Photo ci-contre). bouturés, multipliés et replantés. Le
C’est en 1976 que la forme virulen- Haie d’ormes typique telle qu’on en trou- comportement de ces boutures n’a
te de la graphiose entre en Nor- vait avant l’épidémie de graphiose dans le malheureusement pas fait l’objet
bocage normand, ici au Vey (14).
mandie par le département de l’Eu- d’un suivi rigour eux après leur
re puis atteint la Seine-Maritime, plantation, différentes sources font
l’Orne, le Calvados en 1977 et la adultes sains après la phase aiguë néanmoins état d’une forte mortali-
Manche en 1978 (Crepan, 1983). de l’épidémie est liée à des caracté- té.
La disparition de pratiquement tous ristiques génétiques ou bien à des Par ailleurs, soixante de ces arbres
les ormes (environ deux millions facteurs extérieurs aux arbres. La sains sont bouturés et intégrés à la
d’arbres de haut jet) en quelques présence d’ormes sains auprès de Collection nationale, en cours de
années, facilite le remembrement lilas atteints de feu bactérien suggè- constitution au Cemagr ef de
lié à l’évolution de l’agriculture et re l’existence de bactéries antago- Nogent-sur-Vernisson (Loiret). Cer-
une grande partie des haies dispa- nistes au champignon responsable tains d’entre eux ont d’ailleurs été
raît (environ 60 % du linéaire en 30 de la graphiose. Pour étudier cette testés depuis vis-à-vis de leur tolé-
ans). Le paysage typique du bocage hypothèse, des essais de vaccina- rance à la graphiose par l’INRA. Les
normand constitué à perte de vue tion sont entrepris (avec Bacillus résultats font état de l’existence
de haies denses entourant de polymyxa entre autres). Ces essais d’individus plus résistants que les
petites parcelles de pâtures se trou- s’avèrent peu concluants et diffi- autres (Pinon et al., 2005).
ve alors considérablement modifié. ciles à poursuivre.
Parallèlement, le recensement des ■
■ ormes apparemment exempts de
graphiose est lancé en Basse-Nor- 20 ans après…
Après l’hécatombe, mandie avec l’aide des acteurs de
sauver les survivants l’environnement de l’époque. L’ex- En 2006/2007, avec le soutien du
ploitation des connaissances des Conseil régional de Basse-Norman-
Au milieu des années 80, le Crepan particuliers ainsi que l’information die, le Crepan a relancé, au travers
est à l’origine de plusieurs actions massive à ce sujet (notamment d’une circulaire et d’une plaquette
en faveur de la préservation de l’or- auprès des communes) a permis de envoyée à plus de 400 acteurs
me. L’objectif est notamment de repérer 155 arbres encore en vie. locaux, un observatoire des ormes
déterminer si la présence d’ormes Tous sont décrits individuellement sains en Basse-Nor mandie avec

26 Forêt-entreprise n°175-Juillet 2007


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dossier
pour but de :
– four nir un inventair e le plus
exhaustif possible des or mes
adultes sains de la région ;
– caractériser et conserver par bou-
turage les individus situés dans des
zones fortement contaminées (ceux
ayant survécu alors que tous leurs
voisins succombaient) ;
– étudier des gr oupes d’or mes
ayant résisté pour comprendre si
cet état est lié à leur patrimoine
génétique ou bien à un ou plusieurs
facteurs du milieu qu’il faudrait
alors identifier, voire à la synergie
de facteurs génétiques et environ-

© Crepan
nementaux.
La démarche utilisée pour le second
inventaire a été la même que pour Haie de jeunes ormes à Sassy (14).
le premier, mais, alors qu’en 85/86,
tous les arbres sains de diamètre ■ ment liée au fait que, lors du pre-
supérieur à 10 cm à 1,30 m du sol mier recensement, des arbres sains
étaient retenus, le seuil a été porté … 10 % de rescapés de petits diamètres ont été recen-
à 30 cm en 2005/06. L’expérience seulement sés alors qu’ils n’avaient pas encore
a montré en effet que des arbres atteint les dimensions favorables au
d’un diamètre inférieur à 30 cm Retrouver les arbres repérés en développement de la graphiose.
avaient succombé dans les années 85/86 n’a pas été chose facile (l’uti- Seuls 11 arbres, repérés il y a 20
qui avaient suivi le premier inven- lisation du GPS n’était pas encore ans, sont encore vivants et sains
taire. Pour accroître la probabilité répandue à l’époque !) et 46 arbres aujourd’hui.
qu’un orme ait subi une attaque de (soit 29 % de l’effectif initial) n’ont
graphiose durant sa croissance et pu être retrouvés ou identifiés avec ■
ait donc résisté à cette attaque, le certitude (Figure ci-dessous). Dans
recensement actuel ne prend en la plupart des cas (63 %), les arbres De nouveaux individus
compte que les arbres sains de plus repérés lors du premier inventaire à sains repérés
de 30 cm de diamètre. ces emplacements sont morts.
Cette forte proportion est certaine- Le recensement d’ormes adultes
sains se poursuit en 2007. D’ores et
Évolution de l’état sanitaire des ormes sains repérés il y a 20 ans déjà, des arbres non mentionnés en
85/86, ont été localisés dans le Cal-
vados, la Manche et l’Orne. Cer-
tains d’entre eux, sont très âgés ce
qui confir me que les pr emiers
inventair es n’avaient pas été
exhaustifs et montre l’intérêt de la
poursuite de ce travail.
Au total, le bilan d’évolution des
or mes en Basse-Nor mandie est
mitigé. Peu d’ormes de 1985/86
sont encore en vie, ce qui confère à
ces rescapés une valeur d’autant

Forêt-entreprise n°175-Juillet 2007 27


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dossier L’orme : nouveaux espoirs ?

plus importante. Une des priorités que l’on observe aujourd’hui de


du Crepan est donc de les sauve- nombreuses haies avec une strate Le Crepan
garder absolument. Par ailleurs, moyenne constituée de r ejets
d’autres arbres sains ont été récem- d’ormes dont les individus les plus Fondé en 1968, le Crepan (Comi-
ment localisés. Tous ces or mes grands sont morts. L’aspect de ces té régional d’étude pour la pro-
pourraient constituer le point de haies fait craindre leur destruction tection et l’aménagement de la
départ d’un programme d’amélio- totale plutôt qu’un nettoyage rai- nature) est une association loi
ration génétique visant à sélection- sonné par la coupe des seuls élé- 1901 – gérée par des bénévoles –
ner des souches d’ormes possédant ments morts. Il est important de agréée « protection de l’environ-
une plus forte tolérance à la gra- faire passer le message du respect nement » et « éducation nationa-
phiose. Un tel matériel pourrait de ces repousses spontanées à la le ». Il regroupe des particuliers
occuper une place de premier ordre fois comme milieu riche de biodi- et des associations locales. Il est
dans les haies nouvellement plan- versité mais aussi, peut-êtr e, membre de la fédération nationa-
tées. comme sour ce d’apparition de le des associations de défense de
résistance spontanée des ormes à la l’environnement : France nature
■ maladie pour que l’orme reste un environnement. Le Crepan est à
élément essentiel de la biodiversité l’origine de nombreuses actions
Des repousses spontanées et du patrimoine paysager de Nor- originales dont certaines ont mar-
à respecter mandie. ■ qué les esprits (démarrage avec la
ville de Caen des distributions de
Depuis la phase aiguë de l’épidé- larves de coccinelles contre les
mie, dans les haies où seuls les pucerons, campagne contre les
arbres morts ont été supprimés, des nuisances sonores auprès des
repousses de jeunes ormes se sont jeunes, action « sauvons le boca-
développées, parfois regroupées en ge »...). En 2007, le Crepan est
haies monospécifiques. Ces jeunes toujours actif. Il informe par le
ormes correspondent aux rejets des biais de publications mensuelles
individus morts de graphiose il y a (1) Comité régional d’étude pour la protection (« les Ephémères »), intervient
une vingtaine d’années. Ils peuvent et l’aménagement de la nature (lire l’encadré dans les collèges pour sensibiliser
croître jusqu’à 5 à 6 mètres de haut ci-contre) : 154 rue d’Authie, 14000 Caen, les jeunes au développement
et une quinzaine de centimètres de tél./fax : 02 31 38 25 60, courriel : durable, défend l’environnement
crepan@wanadoo.fr, site : http://crepan.free.fr/.
diamètre de tronc mais, parvenus à dans de nombreuses commis-
(2) Les trois espèces françaises sont présentes en
ce stade, ils sont atteints par la Basse-Normandie : l’orme champêtre (Ulmus sions officielles où il siège...
maladie et meurent à leur tour rapi- minor), l’orme lisse (Ulmus laevis) et l’orme Une des principales actions
dement. Ce phénomène explique de montagne (Ulmus glabra). actuellement en cours au Crepan
est le projet « Ormes » soutenu
par le Conseil régional de Basse-
Normandie et le Conseil général
du Calvados. Dans ce cadre, un
Pour en savoir plus nouvel inventaire des ormes sains
a été entrepris depuis 2005 et
Crepan, 1983. La graphiose de l’orme. Note générale. une plantation expérimentale de
Crepan, 2006. Une longue histoire. Document d’information. près de 250 plants issus de
Pinon (J.), Husson (C.), Collin (E.), 2005. Susceptibility of native French 20 ormes sains du Grand-Ouest a
elm clones to Ophiostoma novo-ulmi. Annals of Forest Science, p. 689- été installée cet hiver en collabo-
696. ration avec le Cemagref, avec l’ai-
Rousseau (J.), 2005. La graphiose de l’orme 30 ans après : état des lieux de financière du Conseil général
et perspectives. Rapport de stage de Master 1 de Biologie à l’Université de du Calvados et de FNE par le biais
Caen Basse-Normandie. 28 p. du Crédit coopératif.

28 Forêt-entreprise n°175-Juillet 2007


P. 29-32 dossier 5 1/06/07 14:39 Page 29

dossier

La conservation des ressources


génétiques des ormes Eric Collin, Cemagref

La diversité génétique des ormes européens est-elle menacée ? Comment la sauvegarder ? Et


peut-on envisager de replanter des ormes ? L’animateur du réseau français de conservation
des ressources génétiques des ormes répond.

P our conserver ef ficace-


ment les ressources géné-
tiques d’une espèce
végétale ou animale, il
années 1940, l’autre en Angleterre
puis en France vers 1970. Ces deux
fr onts ont pr ogr essé, l’un vers
l’ouest et l’autre vers l’est, en pro-
fructifier. Les plus chanceux ou les
plus résistants parviendront même
à « passer à travers » l’épidémie…
En fait, la question n’est pas de
faut d’abord bien évaluer les risques voquant des pertes catastrophiques « sauver les ormes » mais de pré-
encourus par cette espèce. Dans le sur toutes les espèces d’ormes et server la diversité de leurs res-
cas des ormes européens, la gra- sur tout le continent. Grâce aux tra- sources génétiques.
phiose n’est pas la seule menace à vaux de Clive Brasier, nous savons
prendre en considération et son que ces deux nouveaux fronts sont ■
impact réel doit être examiné sépa- causés par deux sous-espèces
rément pour chaque espèce concer- d’une nouvelle espèce de graphio- Des ressources génétiques
née. se, dénommée Ophiostoma novo- menacées ?
ulmi . Cette espèce est beaucoup
■ plus agressive que la première. De Perdre de la diversité génétique,
plus, sa diversité génétique plus c’est perdre une partie de sa
Les ormes sont-ils en voie large offre peu de prise aux virus capacité d’adaptation. De telles
de disparition ? antagonistes et semble capable de pertes sont redoutables non seule-
se renforcer de diverses manières, ment au niveau d’une espèce consi-
La graphiose inflige de lour des tant par l’acquisition de gènes dérée dans son ensemble mais
pertes aux or maies ouest-euro- d’Ophiostoma ulmi que par croise- aussi au niveau de chaque popula-
péennes depuis près de 90 ans (lire ment entre sous-espèces dans les tion locale, qui doit trouver en elle-
l’article page 17) mais avec plus ou régions où les deux fronts épidé- même les gènes qui lui permettront
moins d’intensité selon l’espèce et miques actuels se sont rejoints. de s’adapter, au fil des générations,
la période considérée. La première Faut-il pour autant considérer que aux changements de son environ-
épidémie de graphiose, causée par les or mes eur opéens sont des nement.
le champignon Ophiostoma ulmi, espèces en voie de disparition ? Dans le cas des ormes européens,
n’a exercé l’essentiel de ses méfaits Non, car même si les gros ormes on peut s’inquiéter pour l’orme de
qu’entre les années 1920 et 1950 sont devenus rares, de très nom- montagne ( Ulmus glabra Huds. ),
et n’a éliminé qu’une partie des br eux jeunes or mes issus de qui est sensible à la graphiose, ne
ormes adultes. L’épidémie a ensui- graines ou de rejets subsistent dans drageonne pas et rejette mal de
te perdu de sa virulence, probable- les haies, les bois et le long des souche. La diversité génétique de
ment en raison de virus antago- cours d’eau. Ils seront à leur tour ses populations pourrait être sérieu-
nistes du champignon pathogène. touchés par la graphiose et leur tige sement menacée dans les zones où
Malheureusement, deux nouveaux principale mourra, mais de nou- il se ressème difficilement et où ses
fronts épidémiques sont apparus velles branches ou d’autres tiges semis sont détruits par le gibier.
sur notre continent : l’un aux envi- prendront la relève. Certains arbres Dans de telles circonstances, l’éro-
r ons de la Moldavie dans les auront le temps de fleurir et de sion de la diversité génétique peut

Forêt-entreprise n°175-Juillet 2007 29


P. 29-32 dossier 5 1/06/07 14:39 Page 30

dossier L’orme : nouveaux espoirs ?

être aggravée par le phénomène « pollution » ou se réjouir de l’op- D’autres « copies » des clones
de « dérive génétique » qui s’exer- portunité d’évolution qu’elle autori- bouturés sont plantées pour des
ce dans les petites populations se ? En tous cas, il est prudent tests pathologiques où leur résis-
où le nombr e de pèr es et de d’éviter l’introduction massive de tance éventuelle à la graphiose est
mères participant à la régénéra- plants d’origine allochtone. Les évaluée à la suite d’inoculations
tion de la population est trop or mes n’étant pas soumis à la artificielles réalisées en partenariat
faible. réglementation française sur le avec l’INRA. Cette méthode de
Le risque de perte de diversité commerce des matériels forestiers conservation permet donc à la fois
génétique semble également de reproduction, c’est aux utilisa- de sauvegar der rapidement un
important dans le cas de l’orme teurs français eux-mêmes d’y grand nombre de clones originaires
lisse (U. laevis) peu attractif pour les veiller. de diverses régions et de sélection-
scolytes vecteurs de la graphiose ner les moins sensibles à la mala-
mais durement touché par le défri- ■ die. Elle convient bien à l’or me
chement des ripisylves au profit de champêtre, espèce facile à boutu-
l’agriculture et de la populiculture. Imiter Noé r er, mais est plus dif ficilement
Inversement, qu’en est-il des ou suivre Darwin ? applicable à l’orme de montagne,
risques de « pollution génétique » qui ne se reproduit bien que par
causés par l’importation de prove- En France comme dans de nom- voie sexuée.
nances étrangères ou l’introduction breux autres pays européens, les En revanche, pour les émules de
d’espèces asiatiques résistantes à la premières mesures de sauvegarde Charles Darwin, la préservation de
graphiose ? Ce problème ne se de la diversité biologique des la capacité d’adaptation d’une
pose pas actuellement avec acuité ormes ont consisté à prendre des espèce dans son environnement
en France, où l’on plante peu boutures sur de vieux ormes avant naturel importe plus que la conser-
d’ormes. Certains cultivars hybrides que tous ne disparaissent. Le vation du génotype d’individus
d’espèces asiatiques, Resista ® réflexe de Noé en quelque sorte… remarquablement âgés ou résis-
Sapporo Gold en particulier, ont été à ceci près que l’Arche n’est pas un tants. La conservation dynamique
plantés dans les campagnes fran- navire mais une plantation conser- in situ de populations naturelles
çaises mais, pour l’instant, rien n’in- vatoire de clones où les jeunes d’or me lisse ou de montagne
dique que de tels cultivars produi- arbres issus des bouturages sont semble encore possible dès lors
ront de grandes quantités de pol- taillés à 1,5 m de haut de façon à que le nombre d’arbres en âge de
len, ni que leur floraison coïncidera ne pas attirer les scolytes, ces der- fleurir est suffisant pour assurer une
avec celle des ormes indigènes. En niers ne s’alimentant que sur des nouvelle génération génétiquement
Espagne et en Italie, où l’espèce arbr es de plus grande taille. diverse, au sein de laquelle la sélec-
asiatique Ulmus pumila L. a été
anciennement et très largement
introduite, on assiste en revanche à
l’hybridation spontanée de l’orme
champêtre Ulmus minor et de son
homologue asiatique ; pour l’ins-
tant, les croisements s’effectuent
principalement de manière asymé-
trique (U. pumila pollinisé par l’or-
me champêtre) mais il est vraisem-
blable que les individus hybrides
seront de plus en plus fréquents et
que des gènes de l’espèce asia-
© E. Collin

tique ser ont pr ogr essivement


incorporés dans le patrimoine
génétique des ormes champêtres Quatre cents dix clones d’ormes français sont conservés dans la Collection nationale à Gué-
espagnols. Faut-il déplorer cette mené-Penfao et à Nogent/V. sous la forme de haies basses, peu attractives pour les scolytes.
30 Forêt-entreprise n°175-Juillet 2007
P. 29-32 dossier 5 1/06/07 14:39 Page 31

dossier
graines à large base génétique. ces clones est également conservée
Cette solution est particulièrement à long terme par l’AFOCEL sous
appréciable quand les populations forme de bourgeons maintenus à
naturelles sont trop petites ou trop -196 °C dans l’azote liquide. Après
morcelées pour se maintenir dura- décongélation, certaines cellules de
blement sans risque d’ér osion ces bourgeons pourront être culti-
génétique et de consanguinité. vées in vitro pour reconstituer des
plantes entières.
■ En matière de conservation dyna-
mique, le Cemagr ef collabor e
Agir à différentes échelles depuis 1998 à des actions de ges-
tion in situ de populations d’orme
C’est d’abord au niveau régional, en lisse dans le bassin de la Garonne et
Basse-Normandie, que des initia- dans celui de la Loire. De telles
tives d’urgence ont été prises pour actions sont menées en étroite col-
assur er le bouturage d’or mes laboration avec les naturalistes ges-
champêtres survivants (voir l’article tionnaires des sites concernés. Un
page 26). Plus de 60 clones ont programme similaire a été récem-
© I. Bilger, Cemagref

alors été conservés par le Crepan ment engagé par le Cemagref, avec
en collaboration avec les pépinières l’appui de l’ONF, dans plusieurs
Lemonnier. Peu après, en 1987, le populations d’orme de montagne
programme national de conserva- des Pyrénées.
La sauvegarde des ressources génétique de tion ex situ des ormes champêtres Au niveau de l’Union européenne,
l’orme de montagne passe avant tout par a été défini par le ministère de le pr ojet eur opéen Resgen 78
la régénération naturelle et la protection l’Agriculture et confié au Cemagref. (1997- 2001) coor donné par le
des semis de la dent du gibier. Ce programme, initialement focalisé Cemagref, a permis de rationaliser
sur l’orme champêtre, a été pro- la conservation de clones d’ormes
tion naturelle conservera les semis gr essivement étendu aux deux dans neuf pays de l’UE. Une base
les plus adaptés aux nouvelles autres espèces indigènes en France. de données commune a été créée,
conditions de leur environnement Actuellement, plus de 400 clones et le travail de conservation et
(pathologie, climat…). Dans cette (300 ormes champêtres ou hybri- d’évaluation des clones a été parta-
approche dynamique, il est essen- des d’orme champêtre, 80 ormes gé. Des études génétiques à l’aide
tiel de favoriser la floraison et la lisses, 30 or mes de montagne), de marqueurs moléculaires ont per-
fructification des arbr es de dont les clones du Crepan, sont mis de clarifier la taxonomie des
manière à faciliter les échanges réunis dans la Collection nationale ormes (lire l’article page 11) et de
de pollen et la recombinaison des gérée par le Cemagref. Ce matériel lever un coin du voile sur les routes
gènes présents dans la popula- a été obtenu par bouturage de suivies par les ormes pour recoloni-
tion. Peu importe que des ormes pousses herbacées prélevées sur ser l’Europe occidentale après les
succombent à la graphiose s’ils ont des ormes adultes apparemment glaciations. Les clones les plus
transmis à leur descendance une indemnes de graphiose. Une dizai- résistants à la graphiose permet-
diversité génétique suffisante pour ne de régions, surtout dans la moi- tront de contribuer, en mélange
que la population perdure et conti- tié nord de la France et la région avec d’autres espèces d’arbres et
nue à évoluer, à s’adapter ! Poitou-Charentes, ont été prospec- d’arbustes, à la reconstitution du
Pour réconcilier Noé et Darwin, on tées en collaboration avec les ser- paysage bocager ainsi qu’à la diver-
peut r ecourir à une tr oisième vices forestiers locaux et diverses sification des espèces et variétés
méthode, appelée conservation associations. La Collection nationale mises sur le marché. L’effort doit
© E. Collin

dynamique ex situ. Elle consiste à est conservée à Nogent-sur-Vernis- maintenant porter sur la conserva-
favoriser la production de graines et son (Loiret) et à Guémené-Penfao tion dynamique in situ des ormes à
de semis au sein de plantations (Loire-Atlantique) sous forme de l’échelle de leur aire de répartition.
conservatoir es ou de vergers à haies basses. Une soixantaine de Dans ce but, une stratégie paneuro-

Forêt-entreprise n°175-Juillet 2007 31


P. 29-32 dossier 5 1/06/07 14:41 Page 32

dossier L’orme : nouveaux espoirs ?

péenne claire a été définie par le sieurs années devront s’écouler


programme Euforgen (1) auquel avant que ces essais ne révèlent la
collaborent une trentaine d’États sensibilité réelle de ces clones à la
européens. graphiose en conditions d’inocula-
tion naturelle. D’ici là, des résultats
■ préliminair es pourr ont êtr e
recueillis sur cinq d’entre eux, pré-
Peut-on replanter des sélectionnés par le Cemagref sur la
ormes champêtres ? base d’essais en pépinière. Ces cinq
clones sont actuellement suivis
Les tests de sensibilité à la graphio- dans des plantations expérimen-
se réalisés par inoculation d’Ophio- tales mises en place par le Cema-
stoma novo-ulmi montrent que cer- gref à Nogent-sur-Vernisson et par
tains clones d’orme champêtre de l’IDF dans l’Ouest de la France.
la Collection nationale française La voie clonale n’est pas la seule Remerciements
sont capables de survivre à l’inocu- méthode de multiplication des Ce programme bénéficie du soutien
lation même s’ils perdent près de la or mes, notamment pour les financier du ministère de l’Agriculture
moitié de leur feuillage et de leur espèces comme l’orme lisse et l’or- et de la Pêche (DGFAR) et a reçu celui
de la Commission européenne (DG
branchage. Leur résistance à la me de montagne qui forment des
Agriculture) ; il est conduit avec l’ap-
maladie est toutefois très inférieure populations se reproduisant princi- pui technique de la pépinière expéri-
à celle des cultivars très résistants palement par voie sexuée. Lorsque mentale de Guémené-Penfao (44) et
comme Lutèce® ou Resista® Sappo- des gestionnaires de forêts rive- la collaboration de nombreux parte-
ro Autumn Gold. Ils ne sont absolu- raines de cours d’eau souhaitent naires institutionnels, et de particu-
ment pas utilisables en plantation replanter de l’orme lisse à des fins liers, dans les régions prospectées.

d’ornement ou en foresterie urbai- écologiques ou paysagères, ils pro-


ne. En r evanche, ils pourraient cèdent généralement à des récoltes
convenir à des programmes de de graines sur un ou quelques (1) Euforgen = European forest genetic
resources programme http://www.bioversity
reconstitution de haies bocagères à arbr es de la population locale.
international.org/Networks/Euforgen/index.asp
condition d’utiliser plusieurs clones Cette démar che de récolte de
d’orme en mélange avec de nom- matériel végétal local est certes
breuses autres espèces (noisetier, louable mais peut se révéler dange- Résumé
érable champêtre, prunellier...) et reuse si elle conduit à ne mettre en Deux approches complémentaires
que l’on accepte le risque qu’ils place que des semis très apparen- sont utilisées pour conserver la
soient finalement sévèrement tou- tés, plein-frères ou demi-frères. Il diversité génétique des ormes euro-
péens. Les collections maintenues
chés par la graphiose. Même si cer- est préférable de récolter les
dans un environnement protégé
tains succombent, il est vraisem- graines sur plus d’une quinzaine permettent la sauvegarde durable et
blable que bon nombre des ormes de semenciers, quitte à s’éloigner l’étude de clones originair es de
ainsi plantés fleuriront et que leur de plusieurs dizaines de kilomètres diverses régions. La conservation
pollen ou leurs graines contribue- de la zone d’utilisation. Quant à dynamique in situ permet aux popu-
ront à la conservation dynamique l’orme de montagne, la réintroduc- lations de continuer à évoluer dans
leur milieu naturel. La replantation
des ressources génétiques de l’es- tion de plants est également pos-
d’ormes (conservation statique ex
pèce. sible, sous réserve des mêmes pré- situ) est envisageable dans un but
cautions de diversité des récoltes conservatoire mais cette solution
Ces ormes champêtres ne sont pas de graines, mais les mesures de doit être conduite avec beaucoup de
encore mis sur le marché mais une conservation devraient avant tout précautions en raison de risques de
vingtaine d’entre eux, originaires veiller à favoriser la régénération mort des plants ou de pollution
génétique de la ressource autochto-
de l’Ouest de la France, viennent naturelle (ex. : desserrer les houp-
ne.
d’être installés en plantation boca- piers pour stimuler la fructification) Mots-clés : ormes, conservation,
gère selon un protocole expéri- et à protéger les semis contre le ressources génétiques.
mental défini par le Cemagref. Plu- gibier. ■

32 Forêt-entreprise n°175-Juillet 2007


P. 33-36 dossier 6 1/06/07 14:51 Page 33

dossier

La conservation dynamique de l’orme


en Midi-Pyrénées : bilan de dix ans
d’expérience Frédéric Coulon, Solagro (1)

En 1998, l’association Solagro met en place le Conservatoire in situ de l’orme en Midi-


Pyrénées. Unique en son genre, ce conservatoire permet de suivre et préserver les ormes dans
leur milieu naturel. Un programme de plantation d’ormes locaux est engagé depuis 2002.

A u début des années


1980, les ormes s’effa-
cent brutalement des
paysages sous l’effet de
Aujourd’hui, l’inventaire dénombre
1 659 ormes (Tableau 1) apparte-
nant aux trois espèces présentes en
Europe de l’Ouest.
est préoccupante même si son
habitat forestier rend plus difficile
l’inventaire. Si sa rareté se confir-
me, l’orme de montagne devrait
la graphiose. Ces arbres, parfois Avec un seul individu identifié, la être considéré comme une espèce
majestueux, constituaient l’ossature situation de l’orme de montagne menacée en Midi-Pyrénées.
des haies champêtres, accompa-
gnaient les fermes et ombrageaient
les places des villes et villages. Leur
disparition marque les esprits. Or,
des grands ormes sont épargnés
par la graphiose. Le pr ojet de
recenser les ormes encore vivants
germe, avec pour question cen-
trale : pourquoi certains arbr es
échappent-ils à l’hécatombe ?


De l’inventaire à la
création du Conservatoire
En 1995, grâce à la mobilisation du
© Solagro

grand public, de la participation d’as-


sociations et des élus, les résultats
Un orme champêtre sain en juillet 2001 et dépérissant en août 2003. Son état est sta-
dépassent toutes attentes :
tionnaire depuis.
1 200 ormes recensés par plus de
150 personnes en deux ans. Encore Tableau 1 : Nombre d’ormes recensés en Midi-Pyrénées
imprécis sur le plan qualitatif Orme champêtre (Ulmus minor) 188
(espèces, état sanitaire…), cet état
Orme lisse (U. laevis) 1 470
des lieux mérite d’être poursuivi et
mis à jour régulièrement. Ainsi naît le Orme de montagne (U. glabra) 1
projet de Conservatoire régional in
Total 1 659
situ de l’orme, avec le soutien de la
Région et de la Diren Midi-Pyrénées. Source : Conservatoire in situ de l’orme en Midi-Pyrénées, Solagro, 2006.

Forêt-entreprise n°175-Juillet 2007 33


P. 33-36 dossier 6 1/06/07 14:54 Page 34

dossier L’orme : nouveaux espoirs ?

■ pour évaluer le comportement des


ormes locaux face à la graphiose.
La philosophie Première étape : choisir les ormes
du conservatoire à multiplier parmi les 165 ormes
sélectionnés. Outre un parfait état
Le nombre et la dispersion des sanitaire, le critère important est
arbres ne permettent pas la mise à l’origine naturelle de l’arbre ; elle
jour fréquente de l’état sanitaire, est supposée plus forte dans des
qui est de l’ordre de 5 à 7 ans. Pour milieux naturels ou assimilés (ripi-
pallier cela, 165 arbres sélection- sylves, haies...). Il importe aussi de
© Solagro

nés selon certains critères (espèce, veiller à la diversité de provenance


naturalité, état sanitair e, âge, géographique des pieds-mères,
Orme lisse de 2,2 m de circonférence - taille…) sont suivis annuellement. afin de favoriser la diversité géné-
Vignevieille (31). Au cœur du dispositif de surveillan- tique et la proximité entre le lieu
ce rappr ochée, 80 bénévoles de collecte et le lieu de plantation.
Jadis dominant, l’ormeau (appella- mobilisés. Ce réseau de « conser- La priorité s’est portée sur les deux
tion commune de l’or me cham- vateurs locaux » regr oupe des populations rares : celle des ormes
pêtre) a été décimé. Seuls une cin- propriétaires privés, mais aussi des champêtres (36 sélectionnés pré-
quantaine d’ormeaux âgés de plus gestionnaires (forestiers, associa- sents dans les haies ou isolés près
de 60-70 ans se maintiennent. tions naturalistes…) et des passion- des fermes) et la population natu-
Mais sa capacité à r ejeter de nés. Cette démarche participative r elle d’or mes lisses (26 arbr es
souche ne fait pas craindre la dispa- originale permet de réaliser un suivi répartis sur 4 sites). Six or mes
rition de cette espèce. satisfaisant pour un coût suppor- lisses de milieu agricole ont aussi
Avec près de 1 500 individus, table par une association.
l’orme lisse est relativement épar- Les données recueillies indiquent
gné par la graphiose. Il est pourtant une relative stabilité de l’état sani-
très méconnu ; les propriétaires tair e des or mes depuis 10 ans
sont toujours étonnés d’apprendre (Tableau 2), même si certains sont
que leur or meau est en fait un frappés par la graphiose. Est-ce le
orme lisse. Apprécié pour sa crois- signe d’une tolérance temporaire
sance rapide et son port majes- ou durable ? La maladie s’essouffle-
tueux, il a été abondamment planté t-elle faute de combattants ?
en alignement de bord de route
(70 %), dans les parcs et les ave- ■
nues (10 %), mais aussi dans les
propriétés privées (10 %). Un programme de replan-
Avec l’association Nature Midi- tation d’ormes locaux
Pyrénées, notre surprise fut grande
de découvrir l’orme lisse (150 indi- En 2002, Solagro lance une opéra-
© Solagro

vidus) en forêt alluviale de Garon- tion de plantation d’ormes locaux


ne. En ef fet, la bibliographie le qui valorise l’inventaire mené. Elle
considérait spontané seulement constitue aussi une expérimentation Orme lisse centenaire en fleur.
dans le Nord-Est de la France et en
vallée de Loire. D’autres décou- Tableau 2 : État sanitaire des ormes recensés
vertes en vallée d’Ariège ont confir-
Arbres sains 66 %
mé le caractère indigène de l’orme
lisse dans les vestiges des ripisylves Arbres avec défeuillaison 29 %
du bassin de la Garonne (Collin et
Arbres en dépérissement 5%
al., 2000).
Source : Conservatoire in situ de l’orme en Midi-Pyrénées, Solagro, 2006.

34 Forêt-entreprise n°175-Juillet 2007


P. 33-36 dossier 6 1/06/07 14:55 Page 35

dossier
été retenus. Soit 68 arbres au total.
Après discussion avec nos parte-
nair es scientifiques (Cemagr ef,
Conservatoire botanique pyrénéen),
nous avons opté pour la production
de plants par semis. Le bouturage
est envisagé sur une quinzaine
d’arbres remarquables et sains. Il
peut également être déclenché en
urgence si un individu remarquable
est frappé par la graphiose, sous
réserve que l’alerte soit donnée à
temps par un « conservateur local ».


© Solagro

© Solagro
De la collecte
à la plantation Récolte de graines sur un orme champêtre Planche d’ormes lisses, 5 mois après le
avec un échenilloir. semis.
Les samares doivent être collectées
dans l’arbre, et non au sol, pour Un échenilloir monté sur un Un programme de plantation plu-
deux raisons. On est assuré du manche télescopique de 5 m (voir riannuel permet d’établir avec le
pied-mère, essentiel à l’évaluation photo) permet d’atteindre l’extré- pépiniériste un accord de culture
de l’expérimentation. L’autre raison mité des rameaux porteurs des qui fixe les engagements des deux
est pratique : les samares ramas- samares. Sur les arbres hauts bran- parties : identification des lots,
sées au sol sont souvent dépour- chus, l’intervention d’un grimpeur nombre de plants produits (achetés)
vues de leur graine. Leur récolte est élagueur est indispensable, mais par lots, coût de production... Ce
aussi plus fastidieuse. La collecte chère à cause de la dispersion des partenariat étroit a été conclu avec
intervient lorsque les samares com- arbres. la pépinière forestière Vitali (aujour-
mencent à jaunir. Avant les graines d’hui Pépinières Roumagnac).
ne sont pas complètement formées Les lots de graines (on parle de
(non fertiles). Plus tard, les samares familles, puisqu’il s’agit de demi-
risquent de se détacher sous l’effet frères) sont apportés à la pépinière.
du vent. En Midi-Pyrénées, la Stockée en chambre froide, chaque
bonne maturité intervient entre mi- famille est semée sur une planche
avril et mi-mai selon l’espèce. vers la fin juin. Vers la mi-juillet, les
Pour préparer la collecte, le réseau plantules sont repiquées individuel-
des « conservateurs locaux » est lement dans des plaques de godets
très précieux, souvent déterminant. forestiers de 400 cm 3 , jusqu’au
© Solagro

Un appel téléphonique au proprié- moment de la plantation (18 à 30


taire permet de savoir si la floraison mois plus tard).
est bonne et si les graines sont
matures. Les pertes de temps lors ■
de cette courte période de collecte
sont ainsi évitées. Certains conser- Plantation des ormes
vateurs locaux, très impliqués, col-
lectent les graines et les expédient Sans garantie de « résistance » des
© Solagro

dans des enveloppes en papier jeunes plants à la graphiose, des


Kraft après une semaine de séchage précautions s’imposent comme ne
à l’air libre. Levée d’ormes lisses d’origine alluviale. pas planter à moins de 1 km d’un

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dossier L’orme : nouveaux espoirs ?

orme adulte isolé et sain afin de 7 familles d’ormes lisses issus de Bibliographie
ne pas lui transmettre la maladie. forêts alluviales (1 000 arbres) et
L’or me champêtre, a priori plus 7 familles d’ormes lisses hors forêt ■ Collin (E.), Segonds (J.), Coulon
sensible à la graphiose, convient alluviale (800 arbres). (F.), Demesure (B.), Black-Samuels-
son (S.), 2000. Étude et conserva-
mieux en haies ou en bosquets Les ormes champêtres ont été plan-
tion de la diversité génétique de
(mélange d’espèces locales). Toute- tés dans les projets de création de l’orme lisse (Ulmus laevis) en région
fois, il est souhaitable de planter haies champêtres (agriculteurs), dont Midi-Pyrénées. Cemagref, Nature
moins de 5 % d’ormes pour éviter certains animés par des associations Midi-Pyrénées, Solagro, ONF, Swedi-
la destructuration de la haie en locales de planteurs de haies. Des sh University of Uppsala. Colloque
cas de graphiose (même si les communes et des intercommunalités du Bureau des ressources géné-
tiques, Toulouse.
ormes rejettent abondamment de ont implanté des ormes lisses en
■ Coulon (F.), Meiffren (I.), 2005.
souches). Les plantations en aligne- milieu naturel. La participation des Tant qu’il y aura des ormes. Conser-
ment sont déconseillées pour la particuliers est forte. vatoire in situ de l’orme en Midi-
même raison. Les jeunes or mes Pyrénées. Brochure de 13 fiches
lisses issus de forêts alluviales sont ■ techniques.
intéressants pour créer de nou-
veaux peuplements. On doit alors Suivi des plantations
veiller à y intr oduir e plusieurs
familles pour enrichir sa diversité Le suivi des plantations révèle la
génétique. Ces jeunes ormes peu- bonne reprise des ormes (supérieu-
vent aussi être réintroduits dans re à 95 %) malgré des étés particu- Résumé
Un inventaire bénévole des ormes
leur site originel pour conforter la lièrement secs et chauds.
ayant survécu à la maladie de la gra-
population existante. Quant aux L’évaluation de leur « résistance » phiose a donné naissance en 1995
ormes lisses d’origine non allu- éventuelle à la graphiose nécessite au Conservatoire régional in situ de
viale, ils sont exclus des planta- un suivi sur une longue période (15 l’orme en Midi-Pyrénées. Le suivi
tions en ripisylve pour préserver à 20 ans), avec un pas de temps de réalisé tous les 5 à 7 ans sur près de
la dynamique des populations 4 à 5 ans, en faisant appel au béné- 1 700 ormes met en évidence une
stabilisation de l’état sanitaire des
naturelles éventuellement pré- volat associatif et à la participation
ormes dans la région. Depuis 2002,
sentes. des « conservateurs locaux ». le Conservatoire a lancé une cam-
Le choix du lot se fait selon un cri- L’action de plantation du Conserva- pagne de plantations d’ormes à par-
tère de proximité : le jeune orme toire sera poursuivie, mais dans un tir d’individus sélectionnés au sein
sera implanté dans la même unité cadre restreint. Elles seront concen- de la population naturelle, pour éva-
géographique (région forestière) trées sur des sites d’enjeux écolo- luer leur capacité de résistance.
Mots-clés : ormes, Midi-Pyrénées,
que l’arbre-mère, et si possible à un giques majeurs, comme les milieux
conservatoire in situ, inventaire sani-
rayon de 50-60 km. alluviaux ou for estiers (Natura taire.
Au total, 3 000 or mes ont été 2000…). ■
plantés en 3 ans. Ils appartiennent
à 21 lots dif férents : 7 familles (1) Solagro, 75 Voie du Toec, 31076 Toulouse cedex 3, tél. 05 67 69 69 00, site :
d’ormes champêtres (1 200 arbres), www.solagro.org

Tableau 3 : Nombre d’ormes diffusés selon le statut du propriétaire


Année Particuliers Collectivités - associations Agriculteurs
Hiver 2002/03 46 (4) - 499 (26)
Hiver 2003/04 150 (13) 55 (2) 593 (30)
Hiver 2004/05 240 (22) 72 (4) 33 (3)
Hiver 2005/06 393 (71) 275 (12) 640 (28)
Total 829 (105) 402 (18) 1 765 (86)
Le nombre indiqué entre parenthèses correspond au nombre de projets.

36 Forêt-entreprise n°175-Juillet 2007


P. 37-41 dossier 7 1/06/07 15:04 Page 37

dossier

Les ormes résistants à la graphiose


efr
ive a Jean Pinon, INRA Nancy et Alain Cadic, INRA Angers
nc
retpr

À lire
aise.c

sur
le web Compte tenu de la faible résistance des ormes indigènes, le recours à des culti-
.fo

om
www
vars constitue la seule approche réaliste pour le moment si l’on veut planter du
matériel résistant à la maladie. En théorie, il existe une gamme assez large mais l’examen
des informations et expériences disponibles en Europe montre que le choix est plus restreint.

la suite de la première chaque variété. Nous avons alors soixantaine d’hybrides conçus par

À épidémie, les cher-


cheurs hollandais (et
notamment Hans Hey-
broek) lancèrent un programme de
déconseillé aux pépiniéristes la dif-
fusion de ces cultivars. Ces plants
ont fait l’objet d’observation depuis
1977 dans deux essais situés dans
Heybroek :
– des plantations à large espace-
ment soumises à infection naturelle
et comportant les plants reçus des
sélection d’ormes jusque dans les le Bois de Vincennes. Les premières Pays-Bas ;
années 70. Plus tar d, d’autr es années, les infections résultant de – et des tests de pépinière sur des
équipes en Italie et aux États-Unis contaminations aériennes (via les copies végétatives soumises à ino-
ont réalisé des cr oisements et scolytes) engendrèrent peu de mor- culation par l’agent de la graphiose.
engagé des sélections. Sans être talités, des guérisons étant souvent Ce critère a été le premier retenu.
nécessairement exhaustifs, nous observées. Toutefois, quelques Les clones présents dans les dispo-
pouvons scinder celles-ci en deux : années après une éclaircie, la mala- sitifs de longue durée (dont un
les cultivars sélectionnés en Europe die s’installa (par voie aérienne au planté au Bois de Vincennes de
à partir des collections de Wagenin- début) sur les rejets des porte- 1981 à 1983 grâce à l’aide de la
gen (Pays-Bas) et ceux venant des greffes. Les plantations devenues Ville de Paris) ont été observés sur
États-Unis, génétiquement plus adultes furent alors l’objet de trans- le plan sanitaire et mesurés tous les
éloignés des ormes européens. missions racinaires qui décimèrent ans. Nous avons ensuite croisé ces
les placeaux de ‘Dodoens’ et deux sources d’information ainsi
■ ‘Lobel’ (confirmant ainsi les résul- que les données r elatives aux
tats de nos tests d’inoculation) et parents de ces hybrides pour finale-
Les cultivars néerlandais partiellement ‘Plantijn’. Ce cultivar ment retenir un petit nombre de
semble un peu moins sensible que clones : résistants à la graphiose,
Les premiers clones sélectionnés les deux autres. Toutefois il a subi n’ayant pas subi de dommages
aux Pays-Bas en réaction à la pre- quelques mortalités qui n’engagent dus aux autres adversités bio-
mièr e épidémie (‘Commelin’, pas à le conseiller. tiques (champignons pathogènes,
‘Vegeta’, ‘Groeneveld’) sont tous Plus récemment, deux cultivars insectes, gui) ou abiotiques (séche-
trop sensibles aux souches actuelles sélectionnés aux Pays-Bas ont été resse estivale en particulier), aptes
du parasite. Au milieu des années mis sur le marché : ‘Columella’ et au bouturage, de parenté ne les
75 (au cours de la seconde épidé- ‘Clusius’. Nous n’avons pas eu de prédisposant pas à la jaunisse de
mie), Heybroek mit sur le marché plants pour tester ‘Columella’ mais l’orme et ayant une bonne crois-
trois nouvelles variétés qu’il jugeait les symptômes assez sévères après sance. Dans l’immédiat, quatre
suffisamment résistantes : ‘Dodo- inoculation sur ‘Clusius’ ne permet- clones ont été retenus dont deux
ens’, ‘Lobel’ et ‘Plantijn’ (parfois tent pas de suggérer sa mise en sont commercialisés : Lutèce® ‘Nan-
désigné à tort sous le nom de Plan- culture. guen’ (depuis fin 2002) et Vada ®
tyn). Les plants qu’il nous confia À partir de 1980, à Nancy, Angers ‘Wanoux’ (depuis fin 2006). Ces
ayant été inoculés à Nancy, il en et Paris, l’INRA a mis en place deux deux cultivars sous statut de co-
résulta des mortalités au sein de types de dispositifs comportant une obtention INRA/Alterra, sont proté-

Forêt-entreprise n°175-Juillet 2007 37


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dossier L’orme : nouveaux espoirs ?

gés commercialement par un certi-


ficat d’obtention végétale et une
marque déposée, édités par Agri
obtentions et diffusés par le Sapho.
Les deux autres sélections, non
commercialisées, portent pour l’ins-
tant des numér os : « 702 » et
« 1038 ».


Les cultivars italiens

L’institut de Florence a principale-


ment travaillé à partir des clones
obtenus aux Pays-Bas et de diver-
ses sélections d’ormes asiatiques.
En Italie, U. pumila (orme de Sibé-
rie) est souvent cultivé à l’état pur
(ce qui est très rare en France) et il
est logique que cette espèce de
cr oissance moyenne, mais de
bonne résistance à la graphiose et
aux climats chauds, ait été mise à
profit pour créer des hybrides de
pr emièr e génération avec les
clones hollandais. Ainsi ‘Plinio’ et
‘San Zanobi’ ont été mis sur le mar-

© J. Pinon
ché et ‘Arno’ et ‘Fiorente’ le seront
prochainement. Nous n’avons pas
testé ces cultivars mais nous avons Plantation installée au Bois de Vincennes pour observer l’état sanitaire d’une soixantaine
de bonnes raisons de penser que d’hybrides conçus aux Pays-Bas dans des conditions réelles de contamination.
leur réputation de résistance est
justifiée. En revanche, la proportion recoupent ou non celles fournies lation en pépinière le bon niveau
de parenté européenne est plus par la littérature (Tableau 1). De de résistance de Resista ® ‘New
faible que chez les hybrides hollan- plus, rien ne renseigne sur leur Horizon’ (1).
dais. adaptation à nos milieux et il ne
semble pas exister de publication ■
■ relative à l’essai de ces cultivars en
Europe, à l’exception d’une étude Quatre cultivars
Les cultivars américains britannique. S’ajoute à ces man- recommandés en France
ques d’information une difficulté,
De nombreux cultivars ont été pro- voire une impossibilité de trouver Au final, quatre cultivars peuvent
posés en Amérique du Nord mais nombre de ces cultivars sur le mar- être recommandés actuellement :
la littérature les concernant est sou- ché européen. Seul Resista® ‘Sap- Resista®‘Sapporo Autumn Gold’ et
vent pauvre et les réputations de poro Autumn Gold’ a été souvent Resista®‘New Horizon’ (de parenté
résistance seraient à vérifier systé- utilisé en France. Des infections totalement asiatique) ainsi que
matiquement sous nos conditions naturelles par la graphiose ont été Lutèce ®‘Nanguen’ et Vada ®‘Wa-
écologiques. Nous en avons testé observées mais les arbres guéris- noux’ (essentiellement européens).
quelques-uns et nos notations sent. Nous avons vérifié par inocu- Il résulte de l’origine de ces variétés

38 Forêt-entreprise n°175-Juillet 2007


P. 37-41 dossier 7 1/06/07 15:05 Page 39

dossier
La résistance à la graphiose peut-elle être contournée ?

L’actualité récente relative au peuplier a rappelé que certains champignons pouvaient contourner les résistances. La ques-
tion mérite donc d’être posée à propos de l’orme. Les mécanismes mis en jeu pour résister (barrières histologiques, compo-
sés fongitoxiques) sont probablement gouvernés par plusieurs gènes, et donc a priori difficiles à contourner. Actuellement,
aucune piste sérieuse ne permet de faire un pronostic. L’apparition de souches de l’agent pathogène encore plus agressives
serait probablement fatale pour le champignon, qui disparaîtrait s’il anéantissait son espèce hôte. En Asie, plusieurs espèces
d’orme expriment durablement leur résistance. Le risque nul étant exclu des activités humaines, la sagesse consiste à
diversifier les cultivars utilisés. De plus, les nouveaux peuplements peuvent impliquer des mélanges d’essences et être
conçus de manière à empêcher la greffe des racines d’orme, mode sévère de contamination, en intercalant d’autres
essences non hôtes.

Quels sont les mécanismes qu’elles sont distinctes pour la racinair e enr oulé sur lui-même
impliqués dans la résistance forme et l’aspect du feuillage. Un néfaste à sa reprise.
à la graphiose ? choix d’aspect est donc possible.
Les hybrides résistants (qui dévelop- En zone méditerranéenne, on pour- Resista®‘New Horizon’
pent très peu ou pas de symptômes
ra également essayer des cultivars Cet hybride de type Ulmus japonica
foliaires après inoculation) dévelop-
pent, au sein du cerne infecté, une italiens. x pumila offre une forme plus com-
barrière histologique (constituée de pacte que le précédent et sa
fibres et de vaisseaux) entre le bois de Resista®‘Sapporo Autumn conduite est plus aisée en aligne-
printemps et le bois d’été. Cette bar- Gold’ ment. Sa croissance est soutenue
rière est généralement complète et De type Ulmus japonica x pumila, il mais pr obablement inférieure à
s’oppose à la migration du champi-
est morphologiquement distinct celle de Resista®‘Sapporo Autumn
gnon vers les vaisseaux d’été. La limi-
te des cernes constitue une barrière des ormes indigènes. Sa cime est Gold’ et son feuillage est dense.
supplémentaire. Le faible nombre de ample et son port un peu buisson- Plus récemment introduit sur le
rameaux dont de rares feuilles peu- nant peut justifier des tailles de for- mar ché il est l’exclusivité d’un
vent présenter un flétrissement, tra- mation. Sa croissance soutenue et pépiniériste en France.
duit aussi une difficulté pour le cham- la couleur de son feuillage varie
© J. Pinon

pignon à conduire son ascension dans


les vaisseaux. La coloration massive
avec les sites. C’est le plus ancien Lutèce®‘Nanguen’
du bois inoculé suggère aussi des des cultivars résistants mis sur le Les huit ancêtres de ce cultivar sont
réactions de défense de nature biochi- marché. Comme tous les ormes, un connus : il est aux 7/8 européen
mique. élevage trop prolongé en conte- (4/8 d’orme champêtre et 3/8 d’or-
neurs peut se solder par un système me de montagne) et un des
ancêtres appartient à une espèce
asiatique (Ulmus wallichiana). Il pré-
sente donc un aspect typiquement
européen avec des charpentières
solides et une cime assez large. Son
feuillage offre un vert soutenu. Sa
croissance est rapide. Planté à un
espacement de 4 x 4 m il atteignait
12,5 m de hauteur et 22 cm de dia-
mètre à 20 ans. Ce cultivar a été lar-
gement expérimenté dans le Sud de
la Grande-Bretagne et il a satisfait à
de nombreux critères : très robuste
© J. Pinon

en cas de sécheresse estivale ou de


sol détrempé en hiver, croissance
État sanitaire quelques semaines après inoculation artificielle par Ophiostoma novo- rapide sur sols moyennement ou
ulmi d’hybrides (à gauche) et d’ormes français de la collection nationale (à droite). bien drainés, parenté et aspect

Forêt-entreprise n°175-Juillet 2007 39


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dossier L’orme : nouveaux espoirs ?

tats, il vaudrait mieux éviter (hors


expérimentation) de mélanger les
deux sources de matériel végétal.
La probabilité pour que les ormes
champêtres soient sensibles est éle-
vée, même s’ils sont issus du bou-
turage d’un arbre adulte demeuré
sain. En effet, l’absence de maladie
© Damien Davy, Cemagref

sur un arbre indigène traduit le plus


souvent un environnement défavo-
rable à la contamination plutôt que
la résistance gouvernée génétique-
ment. ■

Pour évaluer la résistance d’un orme, un liquide contenant les spores du champignon Pour en savoir plus
O. novo-ulmi est déposé au niveau d’une blessure. Brookes (A), 2005. An evaluation of
disease-resistant hybrid and exotic
eur opéens, résistance au vent dération. Quelques autres clones elms as larval host plants for the
(Tableau 2). présents à l’INRA d’Angers ont été White-letter Hairstreak butterfly Saty-
rium w-album. Part 1: adaptation to
éprouvés pour leur résistance à la the south Hampshire environment.
Vada®‘Wanoux’ graphiose et constituent donc un Butterfly Conservation, Lulworth, UK,
Ce cultivar est le fruit d’une pollini- réservoir de diversité. 38 p.
Pinon (J.), Husson (C.), and Collin
sation libre de ‘Plantijn’, cultivar qui En usage ornemental, les planta-
(E.), 2005. Susceptibility of native
comporte dans ses ancêtr es un tions sont généralement conçues French clones to Ophiostoma novo-
quart d’Ulmus wallichiana, un quart comme des réalisations nouvelles ulmi. An. For. Sci. 62, 689-696.
d’orme de montagne et une moitié ou des remplacements. Dans ce Pinon (J.), Lohou (C.) and Cadic (A.),
1998. Hybrid elms, adaptability in
d’orme champêtre. Il se distingue cas, le nouveau peuplement ne Paris and behaviour towards Dutch
de Lutèce® ‘Nanguen’ par un port comporte a priori que des cultivars Elm Disease. Proceedings of the Inter-
plus élancé et une croissance un résistants. À l’inverse dans le boca- national Symposium on Urban Tree
peu supérieure : 14 mètres de hau- ge ces cultivars peuvent parfois être Health, 22-26 septembre 1997, Paris,
Acta Hortic. 496, 107-114.
teur et 24 cm de circonférence à implantés en mélange avec des www.dutchelmdisease.org/start.html
4 x 4 m d’espacement à 20 ans. ormes indigènes (sensibles) ce qui
Son feuillage est également d’un soulève la question de la transmis- Résumé
vert soutenu et conforme à celui sion racinaire de l’agent pathogène Comme il n’est pas possible actuel-
des ormes indigènes. Son boutura- des ormes indigènes vers les culti- lement de lutter efficacement contre
la graphiose en s’opposant à l’agent
ge est facile. vars. La résistance de ceux-ci a été pathogène (le champignon) ou à son
éprouvée par des inoculations de mode de dissémination (les sco-
■ tige. Un petit essai conduit récem- lytes), la seule voie pour obtenir des
ormes adultes et sains réside dans la
ment à Nancy a permis d’inoculer plantation d’arbres résistant à la
Le besoin des ormes champêtres très sen- maladie.
de diversification sibles plantés au sein de nos sélec- Actuellement, quatre cultivars sont
r ecommandés: Resista ® ‘Sappor o
tions. Ces dernières n’ont pas été
Autumn Gold’ et ‘New Horizon’ (de
Il est important d’utiliser tous les contaminées jusqu’à présent. Tou- parenté totalement asiatique) ainsi
clones disponibles à la fois pour tefois la dimension modeste de cet que Lutèce ® ‘Nanguen’ et Vada ®
mettre en valeur leurs propriétés et essai ne permet pas de conclure ‘Wanoux’ (de parenté essentielle-
ment européen).
aussi pour assurer une diversifica- définitivement. Les essais conduits Mots-clés : ormes, cultivars, résis-
tion. En effet, nul ne peut prévoir par l’IDF dans les bocages de tance.
toutes les évolutions futures dont l’Ouest de la France permettront
des adversités, mineures actuelle- dans les pr ochaines années de (1) Le cultivar Resista® Rebona, également
ment, qui devraient éventuellement conclure sur cette question. Par distribué en France n’a pas été testé dans les
être prises ultérieurement en consi- prudence, en attendant ces résul- conditions pédoclimatiques françaises.

40 Forêt-entreprise n°175-Juillet 2007


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dossier
Tableau 1 : Résistance à la graphiose de différents cultivars inoculés par l’INRA (1)
Résistance selon Test de résistance
Cultivar Obtention Année
la littérature par l’INRA
‘Cathedral’ États-Unis 1994 + +
Resista® ‘New Horizon’ États-Unis 1994 ++ ++
‘Recerta’ États-Unis 1993 + +
‘Regal’ États-Unis 1983 ++ _
®
Resista ‘Sapporo
États-Unis 1973 ++ ++
Autumn Gold’
‘Clusius’ Pays-Bas 1983 + _
‘Commelin’ Pays-Bas 1960 _ _
‘Dodoens’ Pays-Bas 1973 + _
‘Groeneveld’ Pays-Bas 1963 + _
‘Lobel’ Pays-Bas 1973 + _
‘Plantijn’ Pays-Bas 1973 + +
®
Lutèce ‘Nanguen’ Pays-Bas et France 2002 ++
®
Vada ‘Wanoux’ Pays-Bas et France 2006 ++

Tableau 2 : Comportement de quatre clones dans les essais de la Butterfly Conservation


installés en 2001 au Royaume-Uni (Brookes, 2005)

Nombre Nombre total Comportement selon le drainage Résistance


Intérêt
Cultivar de d’individus au vent
paysager
dispositifs observés Mal drainé Intermédiaire Bien drainé desséchant

Lutèce®
5 13 **** ***** **** ***** ****
‘Nanguen’
Resista®
3 5 ** ***** *** **** **
‘New Horizon’
‘Plinio’ 4 9 *** ***** *** **** ***
‘San Zanobi’ 4 15 * *** * **** *

Cultivars Pépinières produisant des cultivars d’orme résistant à la graphiose


Resista® Resista®
Lutèce®
Sapporo New Pépinières Adresse Commune Tél. courriel
Autumn Nangen
Gold Horizon

André Briant la Bouvinerie, B.P. 49180 St Barthélémy


x x 10015 d’Anjou Cedex
02 41 96 60 60 abriantjp@andre-briant.fr
Jeunes Plants
pepinieres-burte@
x Burte et Fils Domaine de Cornay 45590 St-Cyr-en-Val 02 38 69 77 60
wanadoo.fr

921 rue des


x x Dupont et Fils Montaudins
45560 St-Denis-en-Val 02 38 76 81 81 duponthu@wanadoo.fr

mail@pepinieres-
x x Lemonnier Les Ecoulouettes 61250 Forges 02 33 27 05 01
lemonnier.com

Les landes RN 147 49800 commercial@pepinieres-


x x Levavasseur Brain-sur-Authion
02 41 80 45 67
levavasseur.fr
BP 47

Les Fontaines 49250 davasse@pepinieres-


x x Minier de l’Aunay BP 79 Beaufort-en-Vallée
02 41 79 48 48
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665 Avenue des 84142 Montfavet frederic.Imbert@


x x Rouy Imbert Aulnes BP 53 Cedex
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N.B : seule la pépinière Lemonnier vend aux particuliers, les autres vendent en gros à des collectivités, des pépiniéristes, paysagistes…

Forêt-entreprise n°175-Juillet 2007 41


P. 42-46 dossier 8 1/06/07 15:12 Page 42

dossier L’orme : nouveaux espoirs ?

Comportement de différents ormes en


haies bocagères et en forêt. Premiers
résultats S. Girard, ingénieur à l’IDF

Qu’il s’agisse des derniers hybrides obtenus à l’étranger ou bien des boutures de certains
ormes français appartenant à la Collection nationale, leur comportement doit être évalué
dans différents milieux pour que soient définies les conditions d’installation et de suivi les
plus favorables à leur développement. Premier bilan d’un réseau installé par l’IDF dans le
Nord-Ouest du pays.

C’ est en 2001 que l’IDF a


lancé une action visant
à évaluer dif férentes
origines d’or mes en
suivre la croissance, le développe-
ment et l’état sanitaire de ce maté-
riel et d’en préciser les utilisations.
Les résultats que nous allons pré-
haies bocagères à partir des années
90. Son utilisation y a été toutefois
limitée en raison notamment d’une
silhouette et d’un feuillage trop dif-
milieux bocager et for estier. À senter dans cet article concernent férents de ceux de l’orme cham-
l’époque, une demi-douzaine d’hy- les premiers dispositifs installés pêtre. Ce cultivar a été installé dans
brides néerlandais avait été prése- pour lesquels des observations ont tous les dispositifs du réseau
lectionnée par l’INRA et l’on ne été faites sur trois, voire quatre comme témoin.
connaissait pas encore le niveau de années (Tableau 1). Il s’agit donc – Lutèce® Nangen (H 812), issu de
tolérance à la maladie des individus des tout premiers résultats qu’il faut croisements successifs réalisés aux
réunis dans la Collection nationale. bien entendu considérer avec beau- Pays-Bas, il est commercialisé en
Depuis, deux des hybrides testés coup de prudence. Il nous paraît France depuis l’automne 2003/04.
ont été mis sur le marché et des néanmoins important de les présen- Selon les études menées par l’IN-
informations plus précises ont été ter, dans la mesure où deux des RA, ce cultivar présente le même
obtenues notamment en ce qui clones que nous avons testés sont niveau de résistance que Sapporo.
concerne la tolérance à la graphiose aujourd’hui disponibles sur le mar- Sa physionomie est beaucoup plus
des ormes champêtres français. ché. proche de celle de l’orme cham-
Les premiers dispositifs ont été ins- pêtre du fait d’une filiation avec les
tallés en 2003 en partenariat avec ■ or mes asiatiques plus éloignés
Agri-Obtentions, la pépinière admi- (article de Pinon et Cadic, page 37).
nistrative de Guémené-Penfao, le Cinq hybrides et – Vada ® Wanoux (H 762), demi-
Cemagref, la région Bretagne, les 4 souches françaises… frère de Lutèce et présentant un
chambr es d’agricultur e des 4 niveau de résistance équivalent, il
départements bretons et le CRPF Six dispositifs ont été installés en sera commercialisé en France l’au-
Nord-Pas-de-Calais-Picardie. haies bocagères, quatre en forêt et tomne prochain.
Aujourd’hui, le réseau en comptabi- un dans le cadre d’un boisement en – H 702, issu de croisements suc-
lise une vingtaine localisée essen- terre agricole. Cinq hybrides ont été cessifs réalisés aux Pays-Bas, sa
tiellement dans l’Ouest de la Fran- testés : résistance à la graphiose est un
ce. Ces dispositifs ont été conçus – Resista® Sapporo Autumn Gold, héritage de l’un de ses grands
comme des outils à la disposition hybride naturel entre un orme de parents qui est un orme de Sibérie
des agents de développement pour Sibérie (Ulmus pumila) et un orme (Ulmus pumila).
communiquer sur du matériel végé- du Japon ( Ulmus japonica ). Très – H 884, issu de croisements suc-
tal susceptible d’être prochaine- résistant à la graphiose (Pinon et cessifs réalisés aux Pays-Bas ; deux
ment dif fusé. Ils per mettent de Collin, 2005), il a été planté en de ses grands-parents sont asia-

42 Forêt-entreprise n°175-Juillet 2007


P. 42-46 dossier 8 1/06/07 15:12 Page 43

dossier
tiques (U. pumila et U. wallichiana).
Graphique 1 : Croissance en hauteur des différents clones testés dans
Les 4 souches françaises que nous deux dispositifs du réseau
avons testées (FRA.US.032, 83, 203
et 250 que nous désignerons ici : Boisement
P 032, P 083, P 203 et P 250), qua- d’Esnes (59)
lifiées de « clones patrimoniaux », a réalisé sur une
ab ancienne prairie,

Hauteur ( cm)
sont issues de la Collection nationa- bc
situé en haut de
cd
le et originaires du Grand-Ouest plateau sur un
d
(Tab.1). Elles ont été proposées par sol profond, acide
Eric Collin suite aux résultats obte- (pH 4,5 à 5,5),
à dominante
nus dans des études préliminaires. limoneuse (limon
Les plants des « hybrides » ont été non compacté) et
produits en godet par Agri-Obten- à bonne richesse
chimique.
tions à Dijon à l’exception des
Les lettres traduisent les résultats de la comparaison statistique des hauteurs moyennes des clones testés la 4e année de
Resista ® Sappor o Autumn Gold croissance (H4). Les clones affectés de lettres différentes ont des moyennes significativement différentes.
produits racines nues par les pépi-
nières Lemonnier. Les plants des
« clones patrimoniaux » ont été Haie bocagère
Hauteur ( cm)

produits racines nues par la pépi- du Rheu (35)


installée sur un
nière de Guémené-Penfao. Tous les plateau entre
plants étaient issus de boutures deux parcelles
réalisées au printemps et avaient pâturées sur un
passé une seule saison de végéta- sol à dominante
argileuse.
tion en pépinière.

Tableau 1 :Taux de mortalité (%) sur les onze dispositifs analysés


(1) Le clone H 812 corespond au cultivar Lutèce® Nangen.
(2) Le clone H 762 correspond au cultivar Vada® Wanoux.
(3) Sap correspond au cultivar Resista® Sapporo Autumn Gold.
(4) Cette source est un hybride naturel entre U. minor et U. glabra
avec dominance U. minor qui s’est révélée moyennement sensible à la graphiose
dans les tests d’inoculation.
(5) Souche d’U. minor, peu sensible à la graphiose
dans les tests réalisés par l’INRA et le Cemagref.
(6) Souche absente des tests d’inoculation.

Total = 74

Forêt-entreprise n°175-Juillet 2007 43


P. 42-46 dossier 8 1/06/07 15:13 Page 44

dossier L’orme : nouveaux espoirs ?

Tableau 2 : Hauteurs moyennes (cm) atteintes 3 ans après la plantation


Les lettres (a, b, c, d…) traduisent les résultats de la comparaison statistique des hauteurs moyennes des clones plantés sur
un même site. Les clones affectés de lettres différentes ont des moyennes significativement différentes.

* Les clones P 083 et P 203 n’ont pas été pris en compte dans l’analyse car ils ont été plantés une année après les autres.

mière année qui a suivi leur planta-


■ tion, puisque la plupart d’entre eux ■
ont au moins doublé leur taille ini-
Une reprise satisfaisante tiale. Le rythme de croissance ulté- Une branchaison abondante,
rieur est resté élevé les années sui- contraignante à maitriser
Globalement, les taux de reprise vantes, que ce soit en forêt ou bien
après plantation sont satisfaisants en haie bocagère (Graphe 1). Dans Les ormes ont un développement
(dominante verte du Tableau 1). un certain nombre de dispositifs, le aérien particulier dans la mesure où
Néanmoins, l’année qui a suivi la traitement statistique des données il n’existe pas de dominance apica-
plantation, des mortalités impor- fait apparaître des différences de le : le bourgeon terminal de la tige
tantes ont été enregistrées pour cr oissance entr e les dif fér ents n’inhibe pas le développement de
certains clones dans certains dispo- or mes testés (Tab. 2). Ainsi, ceux qui sont situés plus en arrière.
sitifs. Après analyse, il s’avère que Vada ®Wanoux et Lutèce ® Nangen Ceux-ci évoluent en deux rangées
ce sont surtout les petits plants sont toujours dans le peloton de serrées de brindilles parallèles, dis-
(moins de 40 cm) qui n’ont pas tête au niveau de la croissance en posées dans un même plan, rappe-
repris. C’est pourquoi un beau hauteur. Dans les 4 dispositifs où il lant les arêtes d’un poisson. Ce
plant d’orme issu de bouture doit a été installé, l’hybride H 762 pré- mode de croissance explique l’ap-
atteindre au moins 50 cm de hau- sente toujours la croissance la plus parition de très nombr euses
teur pour un diamètre au collet forte. Globalement, sur les 11 dispo- branches latérales et de fourches
de 6 mm minimum, ce qui est sitifs analysés, les clones H 702 et récurrentes, caractères que nous
généralement possible en 1 an Resista ® Sappor o Autumn Gold avons observés chez tous les ormes
pour les clones testés. semblent un peu moins vigoureux testés (Photo 1). À l’exception du
que les autres hybrides et le P 203 Resista ® Sapporo Autumn Gold,
■ est souvent le moins poussant des tous individualisent un axe principal
clones patrimoniaux (résultat obte- bien vertical. Notre objectif étant de
Une croissance juvénile nu en haies bocagères). Il ressort former des arbres de haute tige,
très vigoureuse également très nettement qu’hy- certains individus ont été systémati-
brides et clones patrimoniaux quement défourchés et cela dès la
En forêt comme en haie bocagère, ont, pour le moment, des crois- première année, d’autres pas ou
les plants installés ont eu une sances du même ordre de gran- plus tardivement. Il est encore trop
croissance vigoureuse dès la pre- deur. tôt pour tirer des enseignements de

44 Forêt-entreprise n°175-Juillet 2007


P. 42-46 dossier 8 1/06/07 15:14 Page 45

dossier
ces premières expériences. Néan- année, un passage annuel en taille/ 1
moins, compte tenu de la vigueur élagage. En contrepartie, et compte
des arbres et du grossissement tenu de la très forte croissance de
rapide des fourches, il nous semble l’espèce, la bille de pied pourrait
important de les supprimer le plus être formée rapidement (en moins
tôt possible. Pour la même raison, d’une dizaine d’années par exem-
l’élagage doit commencer très tôt, ple sur le site d’Esnes).
en particulier lorsque les arbres ne Pour juger de la facilité de conduite
sont pas « gainés » latéralement. En en haut jet des différents clones, nous
attendant de pouvoir cer ner la avons enregistré sur plusieurs dispo-
meilleur e façon d’élaguer des sitifs, la durée des interventions en
ormes, nous conseillons de suppri- taille et élagage et/ou le nombre de
mer progressivement et sélective- coups de sécateurs donnés pour cha-
ment les plus grosses branches cun d’entre eux. Il ressort nettement
latérales en veillant à ne pas désé- que le clone Resista ® Sapporo
quilibrer le houppier. Compte tenu Autumn Gold est le plus difficile à for-
de ces observations, les personnes mer : comparativement aux autres
désireuses d’installer des ormes ormes, il faut 2 à 3 fois plus de temps
pour produire du bois d’œuvre doi- pour le tailler. Quant aux autres
vent êtr e conscientes que leur hybrides et aux ormes « patrimo-

© S. Girard
conduite nécessite, dès la première niaux » testés, tous semblent nécessi-

2
La présence de fourches récurrentes et de
très nombreuses branches latérales est
caractéristique du développement aérien
de l’orme. Certains clones individualisent
néanmoins rapidement un axe principal
bien vertical. Ici Lutèce ®Nangen âgé de
4 ans sur le site de Mellé (Ille et Vilaine).
ter, pour le moment du moins, le
même temps d’intervention.


Un état sanitaire
à surveiller
Les plants installés font également
l’objet d’observations de leur état
sanitaire, en portant une attention
particulière à l’apparition éventuelle
de symptômes de graphiose. Ces
dispositifs permettent en effet de
compléter les travaux d’inoculations
© S. Girard

réalisés par les scientifiques en éva-


luant le niveau de tolérance des
clones dans des conditions natu-
Dispositif d’Esnes (Nord). Vue d’ensemble de la ligne de l’hybride 762 (cultivar Vada® relles diverses. Malgré la jeunesse
Wanoux) au cours de sa quatrième saison de croissance. L’arbre au premier plan n’a des dispositifs, nous avons enregis-
jamais été taillé, les autres ont été suivis chaque année. tré sur le site d’Esnes (59), la morta-

Forêt-entreprise n°175-Juillet 2007 45


P. 42-46 dossier 8 1/06/07 15:15 Page 46

dossier L’orme : nouveaux espoirs ?

lité « suspecte » de trois individus Concernant les souches « patrimo- nale de façon à ce qu’elles fleuris-
du clone P 250. L’origine n’a pas niales » que nous avons testées, les sent et se croisent naturellement.
encore été scientifiquement établie principales réserves que nous Les graines obtenues puis les plants
mais les symptômes (dessèchement ferons concernent leur tolérance à issus de ces graines participeraient
brutal du feuillage au printemps la graphiose. Elle doit avoir été éva- à la diversification des espèces
2006) correspondent à ceux obser- luée scientifiquement avec des plantées en milieu rural tout en
vés lors d’attaques de graphiose témoins résistants – comme peu- conservant de façon dynamique le
(lire l’article page 17). vent l’être certains hybrides – pour patrimoine génétique des ormes
que l’utilisation de telles souches à indigènes. ■
■ des fins de production de bois
d’œuvre puisse être conseillée sans
En conclusion crainte. Qui voudrait investir (1) Tous les plants d’un même cultivar ont le
même patrimoine génétique et donc la même
(plants, protections gibier, taille/éla-
sensibilité à divers facteurs (gelées, sècheresse,
Concer nant les deux hybrides gage…) sur des arbres qui risquent pathogènes, pollutions, etc.) ce qui est un fac-
récemment mis sur le marché (Lutè- de se dessécher en quelques teur de risque lorsque ce cultivar est très
ce® Nangen et Vada® Wanoux), nos semaines une fois atteintes les répandu (encart de Jean Pinon sur ce sujet,
page 39).
observations montrent que, dans dimensions les rendant attractifs
les premières années qui suivent la aux scolytes ? Ce travail d’évalua-
plantation, leur croissance est très tion, ébauché au travers d’études Remerciements
vigour euse et leur ar chitectur e visant à explorer la variabilité géné- L’auteur tient à remercier les pro-
priétaires des parcelles sur lesquelles
aérienne assez pr oche de celle tique de ce caractère au sein de la les dispositifs ont été installés ainsi
d’ormes champêtres. Ils possèdent Collection nationale ( Pinon et al., que toutes les personnes qui ont
notamment un tronc bien individua- 2005), devra se poursuivre si l’ob- participé à ce travail : MM. Catry et
Poulain (CRPF Nord-Pas-de-Calais-
lisé et bien vertical. Les opérations jectif de production de bois d’œu- Picardie), Mme Le Ferrec et M. Bon-
de taille et d’élagage qui doivent vre est recherché. net (CRPF Pays de la Loire), Mme
Sénégas (CA35), MM. Coïc (CA29),
être pratiquées en vue de la forma- Néanmoins les souches tolérantes à Le Port (CA56), Rondouin (Pépinière
tion d’une bille de pied semblent la graphiose, c’est-à-dire pouvant Guéméné-Penfao), Cotto (Mairie de
aussi contraignantes que dans le exprimer des symptômes sans pour Mellé), Jubault et le Corvaisier (INRA
Rennes).
cas des clones « patrimoniaux » tes- autant dépérir entièrement, peu-
tés. Le recul manque néanmoins et vent tout à fait remplir d’autres
le nombre de dispositifs analysés objectifs comme la conservation
Résumé
est insuffisant pour préciser à la fois des r essour ces génétiques des La cr oissance de cinq clones
les modalités de suivi les mieux ormes indigènes, la conservation d’or mes hybrides et de quatr e
adaptées et les conditions station- de la biodiversité qui leur est asso- clones d’ormes indigènes a été éva-
nelles les plus favorables à leur utili- ciée, la restauration de paysages luée dans onze dispositifs installés
sation. bocagers… À ceci prêt que, pour en haie bocagère, en forêt et sur
ancienne terre agricole. Trois ou
S’agissant de matériel clonal (1), il convenir à de tels usages, quatre
quatre ans après plantation, les deux
convient de veiller à les introduire souches « patrimoniales » ne suffi- nouveaux hybrides Lutèce® Nangen
avec parcimonie dans le milieu rural sent pas. Il faut pouvoir en propo- et Vada ® Wanoux présentent une
(quelques individus dans les haies ser un grand nombre pour que soit croissance très vigoureuse et un
ou en enrichissement en forêt). Le utilisée une large diversité géné- tronc bien individualisé et vertical.
prochain clone proposé à la com- tique. On peut imaginer ne mettre Leur conduite en vue de la formation
d’une bille de pied est, pour le
mercialisation sera le H 702 qui sur le marché qu’un nombre res-
moment, aussi contraignante que
présente, dans nos dispositifs, un treint de cultivars patrimoniaux à dans le cas des ormes indigènes tes-
tr onc bien individualisé et une condition toutefois de limiter dans tés. En revanche, le cultivar Resista®
croissance plus faible que Lutèce® le temps leur commercialisation et Sapporo Autumn Gold nécessite un
Nangen et Vada® Wanoux. Il vien- d’en proposer régulièrement de travail de taille beaucoup plus
dra compléter l’offre de cultivars nouveaux. Une autre solution, plus important.
Mots-clés : ormes hybrides, crois-
aux candidats planteurs (Pinon et simple à nos yeux, serait d’installer
sance, évaluation.
Cadic, page 37). des souches de la Collection natio-

46 Forêt-entreprise n°175-Juillet 2007


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dossier

Des professionnels impliqués dans la


sauvegarde de l’orme : les pépinières
forestières de Forges
Entretien avec M. Lemonnier, par S. Girard, IDF

Situées à quelques kilomètres d’Alençon, dans l’Orne, les pépinières Lemonnier sont impli-
quées depuis fort longtemps dans la sauvegarde des ormes locaux et la diffusion d’hybrides
résistants à la graphiose. Retour avec Michel Lemonnier, son directeur, sur l’histoire d’une
passion.

Forêt-entreprise : Pourquoi cet de Basse-Normandie, relayée par le ces souches font partie de celles
attachement à l’orme ? Conseil général de l’Orne a lancé que les scientifiques ont identifiées
l’opération « Sauvons l’orme » qui comme les plus tolérantes à la gra-
Michel Lemonnier : Nous sommes rassemblait toutes les bonnes phiose.
situés dans une région bocagère, la volontés locales pour repérer ces
Basse-Normandie et l’orme occupait arbres et tenter de les sauver. À FE : Parallèlement, vous avez éga-
une place très importante dans nos cette époque, nous n’avions encore lement produit et commercialisé
haies : c’était l’arbre « de base », le que peu d’expériences dans le des hybrides résistants, que pou-
pilier de notre paysage traditionnel. domaine de la multiplication végé- vez-vous nous en dire ?
Quand la maladie est arrivée dans tative d’arbres, mais nous nous
les années 70, des haies entières sommes quand même lancés. Et au M. L. : Lorsque le cultivar Resista®
ont disparu. Comme beaucoup, final, ça a bien marché puisque Sapporo Autumn Gold est arrivé sur
nous avons été très émus par ces 80 % des boutures réalisées se sont le marché, il a connu un véritable
dépérissements massifs et lorsque enracinées, ce qui a permis de sau- engouement parce qu’il était résis-
des actions ont été entreprises en ver la plupart des 60 arbres repé- tant à la graphiose, on croyait avoir
vue de la sauvegarde des survi- rés. enfin trouvé celui qui allait redon-
vants, nous avons bien évidemment ner à notre bocage son visage tradi-
répondu présent. Cela était d’autant Une partie de ces boutures a per- tionnel. Nous avons donc vendu ce
plus évident pour nous que nous mis de constituer un conservatoire cultivar et le proposons encore
avions depuis 1982, orienté une sur l’île Chausey (2), une autre a été aujour d’hui. La plupart de nos
partie de la production de la pépi- donnée au Cemagref de Nogent- clients ont été déçus car sa forme
nière vers la fourniture de plants sur-Vernisson pour intégrer la Col- se rapproche plutôt de celle d’un
pour les haies champêtres. lection nationale. Quelques plants buisson que d’un arbre. Il est très
ont également été installés par-ci dif ficile de for mer un tr onc.
FE : Quel a été votre implica- par-la en haies bocagères, mais Quelques clients y sont néanmoins
tion dans la sauvegarde des aucun n’a survécu. Quant à la haie parvenus mais au prix de tailles très
ormes ? d’ormes que j’avais plantée devant nombreuses, de tuteurages, c’est-à-
chez moi, elle n’a pas été entière- dire d’un travail énorme. Comme,
M. L. : Malgré l’ampleur de la catas- ment décimée par la graphiose et dans la majorité des cas, rien n’a
trophe, un certain nombre d’infor- trois individus sur la vingtaine ins- été fait, aujour d’hui, lorsqu’on
mations faisaient état de survivants, tallés sont aujourd’hui magnifiques l’aperçoit dans une haie, c’est
dans une haie ou un parc. Aussi, au (110 cm de circonférence à 26 ans). presque toujours sous la forme d’un
début des années 80, la DRAE (1) Je cherche aujourd’hui à savoir si gros buisson.

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dossier L’orme : nouveaux espoirs ?

Prix des cultivars hybrides vendus par les pépinières Lemonnier (prix 2006/07
à l’unité pour plus de 5 unités achetées)

Resista® Sapporo Autumn Gold Lutèce® Nangen

Caractéristique Prix HT Caractéristique Prix HT


Plants en mottes de
de 60/ 80 cm
à racines nues 3,44 € 500 cm3 3,47 €
Ébauche d’arbre en starpot de en starpot de
de 1,5/2 m 7 litres 13,31 € 7 litres 17,34 €

NB : ce prix comprend notamment la part qui est versée par le pépiniériste à l’obtenteur,
part qui s’élève à 0,66 euros par plant pour Lutèce® Nangen et 0,26 euros pour Resista®
Sapporo Autumn Gold.

Tout récemment l’INRA a lancé FE : Quel est selon vous l’avenir


deux nouveaux hybrides : tout de cette espèce dans le paysage
d’abord Lutèce® Nangen et l’année rural ?
dernière Vada ® Wanoux. Comme
leurs caractéristiques semblent inté- M. L. : Pour la plupart des gens, y
ressantes pour un usage en haies compris chez les plus jeunes qui ne
bocagèr es, nous avons fait les l’ont pas connu, l’orme possède
démarches pour pouvoir les pro- une valeur affective forte : c’était
duire. Aujourd’hui, avec les adhé- l’arbre à tout faire de nos arrières-
© M. Lemonnier

rents du Sapho (3), nous sommes grands-parents, il était à ce point


les seuls pépiniéristes forestiers à caractéristique de certains terroirs
1 pouvoir les multiplier. Même si qu’il appartient encore à leur patri-
nous ne produisons Lutèce® Nan- moine culturel. Je suis convaincu
gen que depuis peu de temps, que, si l’on propose des plants de
nous pouvons d’ores et déjà dire bonne qualité et si on le fait savoir,
qu’il est très vigoureux et qu’il de nombreuses personnes se senti-
forme spontanément un tronc par- ront concernées et le réintrodui-
faitement droit. En pépinière, nous ront. À nous d’agir en ce sens. ■
produisons des plants de 60/80 cm
de haut en 1 an dans un godet anti-
chignon de 400 cm3 (Photo 1) ou
bien, en 2 ans, des ébauches
d’arbres de 2,50 m dans des star-
pots (4) (Photo 2). Il a néanmoins
un inconvénient (du moins pour
nous pépiniéristes), il se multiplie
assez mal : seulement un tiers des
boutures que nous faisons s’enraci-
nent.
Ainsi, pour produire 5 000 ormes il (1) Délégation régionale à l’architecture et à
nous faut faire 15 000 boutures, ce l’environnement.
qui n’est pas sans conséquence sur (2) Ce conservatoire existe toujours, malheu-
le prix de vente des plants (Tableau). reusement, il a très mal été entretenu.
(3) Société d’obtenteurs d’ormes.
Quant à Vada ®Wanoux, il est un
© M. Lemonnier

(4) NDLR : Le starpot est un conteneur anti-


peu tôt pour en parler car nous ne chignon à paroi ajourée de forme conique
produirons les premiers plants que inversée que les pépinières Lemonnier ont
2 cette année. développé avec la société Nortène.

48 Forêt-entreprise n°175-Juillet 2007


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dossier

L’orme à travers l’histoire


Samuel Six, IDF

L’histoire des ormes en Europe prend ses racines en Grèce antique : l’orme est l’arbre de
Morphée, dédié également à Hermès, ses fruits ailés accompagnent les âmes des défunts. Au
VIIIe siècle, les Celtes voient en l’orme la représentation de la première femme, créée à par-
tir d’un tronc apporté par l’océan. Au Moyen Âge, il est courant de planter un orme sur la
place située devant l’église ou le manoir féodal pour y rendre justice.

L es anecdotes historiques
qui mettent en scène l’orme
sont légion tant nos
ancêtres lui vouaient un
qui en fait, à l’occasion, le « signe
des dieux », comme en témoigne
Pline : « dans le bois sacré de
Junon, à Nucérie, un orme écimé
d’une discorde entre Philippe II de
France et Henry II d’Angleterre –
non pour la valeur de son bois, mal-
gré ses dimensions (« il fallait neuf
intérêt quasi dévotionnel. Ne sont par ce qu’il penchait sur l’autel hommes pour en faire le tour »),
donc citées ici que les plus embléma- même se redressa tout seul et fleu- mais pour ce qu’il représente. Phi-
tiques de ce témoin de l’Histoire. rit aussitôt ; depuis lors, la majesté lippe II fit part de son souhait de
du peuple romain, ruinée aupara- couper l’orme à son adversaire qui
■ vant, se releva » (1). l’aurait alors protégé en entourant
À Rome, du temps de l’empire le tronc de lames de fer. La journée
L’orme antique romain, l’orme est une essence de suivante, les escadrons français pri-
prédilection pour le mobilier, les r ent le dessus sur les soldats
En Grèce antique, l’or me est la tuyaux de canalisations enterrés anglais… et l’orme fut coupé.
représentation de Morphée, dieu (étanches et durables), ou comme Devant les manoirs seigneuriaux,
du sommeil et des songes. Il lui est support de la vigne… les « juges de dessous l’orme » ren-
associé la nymphe Ptéléa, qui, L’usage de l’orme s’étend ensuite daient leurs sentences sous l’orme.
aujourd’hui, prête encore son nom au Nord : avant le XVe siècle, les Cause ou conséquence, l’or me
à l’orme de Samarie (P. trifoliata). pilotis de Venise – qui en consti- semble même doté d’un jugement
L’orme est souvent cité dans l’Ilia- tuent les fondations – sont d’orme propre. C’est ce que révèlent de
de, c’est l’arbre choisi par Achille sur lesquels reposent des planches, nombreuses histoires ou légendes
pour former un pont et échapper à elles-mêmes d’orme ou de mélèze. telles que celle de l’orme de Bisca-
la mort que lui promet le fleuve rosse : une jeune bergère landaise
Scamandre. C’est le même arbre ■ fut accusée à tort et condamnée sur
planté par les nymphes pour revêtir une estrade placée contre le tronc
le tombeau érigé par Achille en L’orme médiéval de l’orme de Biscarosse. En répon-
hommage à la bravoure du père se à cette mort injuste, l’or me
d’Andromaque. Par ailleurs, des En France, à la veille de l’An Mil, confectionna à l’emplacement où sa
accords de la lyre d’Orphée – pleu- Hugues Capet, pour symboliser la tête se posa, une cour onne de
rant la mort de son épouse – naît force de la nouvelle dynastie des feuilles blanches, sorte d’auréole.
une forêt d’ormes. L’orme est alors Capétiens, choisit l’orme et en par- Au Moyen Âge, les or mes sont
considéré à la frontière des songes sème son domaine royal. ainsi nommés « arbres de justice »
et de la mort (Morphée est le fils Au Moyen Âge, l’orme reste por- – justice parfois expéditive, puisque
d’Hypnos, lui-même frère jumeau teur de grands enjeux : en 1188, l’or me a servi par la suite à la
de Thanatos, dieu de la mort), ce l’or me de Gisors est au centr e construction des affûts de canons.

Forêt-entreprise n°175-Juillet 2007 49


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dossier L’orme : nouveaux espoirs ?

■ Néanmoins l’orme ne se distingue blanches à la naissance des grosses


pas que sur les champs de bataille : branches. Un autre orme célèbre,
L’orme moderne lors de la constitution du bocage, situé devant le porche de l’église
de nombreuses régions le préfèrent Saint-Gervais-Saint-Protais à Paris,
Sous François Ier, l’orme est abon- au chêne ou au hêtre : touffu, l’or- marque également l’intemporalité
damment planté pour satisfaire la me fait office de brise-vent efficace de l’orme : ce jeune orme, objet
demande de l’artillerie : il sert à et ses feuilles ont alors une grande de tous les soins, est à l’emplace-
fabriquer des moyeux de roues importance comme fourrage pour ment exact d’une longue série
ainsi que des crosses de fusils. les animaux, sans oublier bien sûr la d’or mes r eplantés au même
Henri IV se place dans cette conti- qualité de son bois d’œuvre. En endroit et qui forment une chaîne
nuité et charge son ministre Sully ville, Marie de Médicis introduit la presque continue depuis le haut
d’en faire planter dans les villes et mode des « cours » plantés d’or- Moyen Âge.■
les campagnes. Les plantations mes dispensant de l’ombre, prome-
d’alignement le long des routes du nades souvent appelées mails,
royaume – stratagème pensé au parce que l’on y joue au mail avec
(1) En référence à la victoire des Romains sur
départ pour ne pas devoir rémuné- des maillets et des boules de buis,
les Cimbres qui menaçaient Rome vers 110
rer les propriétaires des terrains – à la manière du croquet. avant Jésus-Christ.
ne suffisent plus et Sully met alors (2) Selon le Littré : « Sully : nom donné à des
en place des primes à la plantation ■ arbres (ormes principalement) plantés par les
d’ormes, sous forme monétaire ou ordres de Sully, plus particulièrement dans la
honorifique (nom de rue donné au L’orme contemporain forêt de Fontainebleau. Au plur. Des sullys. »

propriétaire, ou statue érigée pour


les plus zélés). Sully en a fait plan- Suite à la Révolution, de nombreux
ter tant et si bien que le nom com- ormes, symbole de la monarchie,
mun « sully » est entré dans la sont abattus et remplacés par des
langue française et désigne… un tilleuls nommés « arbr es de la
orme (2). liberté » (eux-mêmes abattus par la
Colbert n’est pas en reste, bien suite).
qu’il soit plus renommé pour ses Le passé rattrape parfois le présent,
chênes : le 5 septembre 1682 et le c’est le propre des légendes : l’or- Pour en savoir plus
9 mars 1686, il prend deux arrêts me de Biscarosse, six fois centenai- Trois ouvrages se consacrent aux
qui interdisent aux propriétaires re, persiste encore à l’emplacement histoires et légendes des arbres,
avec une grande richesse de détails :
d’exploiter leurs ormes tant que le de l’ancien village appelé « le ● « Les arbres de France. Histoire et
commissaire de l’Artillerie n’est pas Bourg ». Chaque année, on y dis- légendes » de Jacques Brosse aux
venu y faire son choix… tingue encore l’auréole de feuilles éditions Terres de France, librairie
Plon, septembre 1987, 222 pages.
● « Histoires de France racontées par
Les phytonymes issus de l’orme les arbres » de Robert Bourdu aux
éditions Eugen Ulmer, 1999, 224
Beaucoup portent un patronyme lié aux arbres ou à la végétation, ces patro- pages.
nymes sont appelés « phytonymes ». L’orme en est un grand contributeur, il est ● « Légendes de France contées par
courant de retrouver son nom au travers de l’orme… ou inversement. En voici les arbres » de Robert Bourdu aux
une liste non exhaustive : éditions Eugen Ulmer, 2001, 207
Almeras, Aumatre, Aumeras, Aumeron, Aumessas, Aumette, Belhomme, Del- pages.
Les deux derniers ouvrages sont dis-
hom, Delhomez, Delhomme, Delhommeau, Delhorme, Delhoume, Delom, Delor-
ponibles à la librairie de l’IDF,
me, Delormoz, Delumeau, Désormais, Desormeau(x), Desormes, Dhomme,
23 avenue Bosquet, 75007 Paris,
Dome, Dorme, Dormeuil, Dormoy, Dumay, Dumeaux, Homais, Homette, Hom-
tél. : 01 40 62 22 81,
met, Homps, Homs, Homs, Humeau, Humet, Humez, Humières, L’Homel,
fax : 01 40 62 22 87,
L’Homme, Lancôme (le « long orme » ou la « longue ormaie »), Le May, Le Meux,
courriel : idf-librairie@cnppf.fr
Lhomel, Lhomme, Lhoumeau, Lom, Meumetz, Meumez, Oms, Orme, Ormeau,
ou sur la boutique en ligne :
(d’)Ormesson…
www.foretpriveefrancaise.com/
Pour plus de détails :
publications
http://www.leblogenealogie.com/2002/04/jean_tosti_presente_anthropony.html

50 Forêt-entreprise n°175-Juillet 2007


P. 51-55 Matériel 1/06/07 15:25 Page 51

matériel

Bialtis, une nouvelle protection


individuelle contre les dégâts de lapin
Philippe Van Lerberghe, ingénieur à l’IDF

Bialtis est une gamme de protections contre les dégâts de gibier tout à fait innovante puis-
qu’il s’agit de protections individuelles élaborées à base de papier sulfurisé, matériau biodé-
gradable. En particulier, le modèle Bialtis 50, commercialisé pour le lapin, devrait intéres-
ser non seulement les forestiers mais aussi les paysagistes (arbres d’ornement) et les viticul-
teurs soucieux de ne plus utiliser des matériaux plastiques polluants.

L a gaine Bialtis (Photo ci-


dessous) est fabriquée à
partir de « papier sulfuri-
sé » véritable ; d’après la
sique » entre les fibres est extrême-
ment solide puisqu’elle résiste aussi
bien à l’eau chaude qu’à l’eau froi-
de et à toutes les variations de pH.
plusieurs bandes de papier sulfurisé
(3 à 5 feuilles, selon les besoins)
collées entre elles.
Après découpe à la longueur dési-
norme NFQ01-005, il s’agit d’un Ce ciment bouche les pores initiale- rée, cette manchette se présente
papier ayant été modifié par l’acide ment présents dans le papier ; on sous la forme d’un cylindre à sec-
sulfurique (1). La matière première obtient un papier spécial à faible tion ronde. Afin de réduire son
utilisée est de la cellulose (2) pure. porosité (3) et à grande dureté de encombrement, ses coûts de trans-
La sulfurisation industrielle consiste surface. port et de manutention, le produit
en une attaque superficielle des Les propriétés de ce papier sulfurisé est aplati une première fois dans
fibres. La dissolution partielle des sont particulières et justifient son son diamètre entre deux rouleaux
fibres par l’acide sulfurique aboutit à emploi pour la fabrication de Bialtis. métalliques.
la formation d’un gel de cellulose Il se caractérise par sa grande résis- Pour assurer le bon développement
qui va précipiter lors du lavage et tance thermique et mécanique à du jeune plant ligneux au centre de
du séchage du papier pour former l’état humide : il résiste à des tem- la protection, il est important que
une sorte de « ciment cellulosique » pératures de - 40 à + 240 °C et il celle-ci puisse s’ovaliser facilement
soudant les fibres entre elles. est impossible de le défibrer par lors de la pose ; pour ce faire, un
La liaison par le « ciment cellulo- simple action mécanique quand il second pliage est réalisé perpendi-
est mouillé ; sec, il résiste bien à culairement au premier.
l’éclatement. Chimiquement pur et Le produit final se présente sous la
sans odeur, à base exclusivement forme d’une manchette à 4 plis,
de cellulose, il est inerte ; son pH livré à plat dans des cartons d’em-
est voisin de la neutralité. ballage ou palettes cerclées. Les
2 plis situés au centre de la protec-
■ tion sont appelés « plis centraux » ;
ceux situés sur ses deux généra-
Divers produits trices extérieures sont dits « plis
multicouches selon extérieurs ».
© Ph. Van Lerberghe

les besoins Lors de la pose, c’est en pressant


sur ces génératrices que la protec-
Dans l’industrie papetière, ce type tion s’ovalise ; elle retrouve facile-
de produit est appelé « manchette » ment une forme cylindrique mais à
La protection Bialtis 50. car il est conçu par superposition de section carrée.

Forêt-entreprise n°175-Juillet 2007 51


P. 51-55 Matériel 1/06/07 15:26 Page 52

matériel
Il s’agit d’une gaine rigide, à simple Jusqu’à présent, le fabricant n’a pas ■
paroi constituée de 4 couches de établi la conformité de son produit
papier sulfurisé. Le produit fini pèse aux principales exigences de biodé- Une protection
130 g environ (± 10 %), pour une gradabilité et l’absence d’écotoxici- contre le lapin
hauteur utile de 50 cm (± 0,5 cm), un té (substances présentant un danger
diamètre moyen de 12,5 cm connu ou supposé pour l’environ- Bialtis 50 est une protection méca-
(± 1 %) ; l’épaisseur de paroi est de nement). nique individuelle, c’est-à-dir e
0,4 mm ; sa transparence est de 17 %. Le tout nouveau marché des pro- qu’elle vise à protéger la totalité
La protection actuellement com- duits biodégradables à usage fores- d’un plant contre les dégâts du
mercialisée est la version « stan- tier est en expansion mais il est peu lapin (Encadré ci-dessous). Contrai-
dard ». Suivant l’usage demandé, le rentable actuellement, ce qui n’incite rement à la protection globale qui
produit peut aussi être fabriqué en pas les industriels à investir dans vise à exclure totalement le gibier
3 couches (version « légère ») ou l’obtention d’un certificat coûteux de de la zone plantée. Ce type de pro-
5 couches (version « renforcée »), à conformité. Les marques (4) les plus tection interdit l’accès aux plants
la hauteur et au diamètre souhaités. connues sont « OK compost » et ligneux tout en assurant la libre cir-
Si le nom et la composition précise « OK biodégradable ». Le premier culation du gibier dans le (re)boise-
de l’adhésif ne sont pas mentionnés label est apposé sur des produits qui ment.
avec précision, il s’agit d’une pré- peuvent être compostés dans une Connaissant les hauteurs maximales
paration aqueuse à base d’acétate installation industrielle ou dans un des blessures du lapin sur végétaux
polyvinylique (75 %). Après évapo- compost privé ; il garantit la complè- ligneux, on comprend pourquoi
ration de l’eau, la pr otection te biodégradation et l’absence d’in- Bialtis est commercialisé avec une
contient de 6,5 à 9,5 % de colle, le fluence négative sur la qualité du
reste étant du papier sulfurisé. Cou- compost. Le deuxième label est Les dégâts du lapin
leur terre à la pose, cette protection apposé sur des produits et maté- Les dégâts du lapin peuvent être de
blanchit en vieillissant. riaux qui se dégradent naturellement deux types : abroutissement et ronge-
dans l’environnement : dans le sol, ment d’écorce.
■ l’eau ou la mer (environnement spé-
L’abroutissement est un acte d’ali-
mentation tendant à compléter le
cifié sur l’étiquette) ; il garantit la régime herbacé et semi-ligneux des
Une protection complète biodégradation dans le léporidés (lapin et lièvre). Il corres-
pond à la consommation de bour-
respectueuse milieu spécifié, sans aucun autre trai- geons, feuilles, pousses et parties de
de l’environnement ? tement, en une durée déterminée. pousses ligneuses ou semi-ligneuses
qui se trouvent à portée de la dent
Ces marques garantissent également
des animaux, mais aussi, le prélève-
Parce que le composant majoritaire la non-toxicité des produits. ment de semis ou plantules qui peu-
de Bialtis est réputé bio-assimilable, À défaut de l’un de ces certificats vent être arrachés ou sectionnés. Chez
ce produit est présenté comme un de confor mité, l’utilisateur peut le lapin, la blessure présente une sec-
tion nette et oblique par rapport à
« produit biodégradable » (Encadré réclamer à l’industriel une attesta- l’axe du plant ligneux. Un lapin peut
ci-dessous) par son fabricant. tion sur l’honneur. atteindre des rameaux jusqu’à 50 cm
et un lièvre jusqu’à 70 cm au-dessus
du sol.
Le rongement d’écorce est aussi un
acte d’alimentation (Photo p.53). Il est
Qu’est-ce qu’un matériau biodégradable ? souvent imputable aux lapins et
lièvres et consiste en des morsures de
La dégradation d’un matériau est un processus plus ou moins complexe, caractéri- l’écorce. Ceux-ci laissent sur le bois
sé par une perte progressive des propriétés physico-chimiques initiales du maté- des marques d’incisives très obliques
riau concerné. Lorsqu’au stade ultime de la dégradation, on vérifie l’utilisation par rapport à l’axe du plant. Ils s’atta-
effective par les micro-organismes (la microfaune et la microflore du sol) des rési- quent à des plants de 5 à 6 cm de dia-
mètre en moyenne, par fois à des
dus du matériau comme nutriment, on parle alors de « bio-assimilation » et le
branches latérales basses. Chez le
matériau peut être qualifié de « biodégradable ». lapin, la blessure correspondant à la
Le résultat de la biodégradation doit être de l’eau, du gaz carbonique et/ou du largeur cumulée des deux incisives est
méthane, avec éventuellement production d’une nouvelle biomasse non toxique d’environ 5 mm. La zone d’attaque
pour l’environnement, c’est-à-dire pour l’eau, l’air et le sol. dépasse rarement 50 cm au sol pour
le lapin et 60 cm pour le lièvre.

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matériel
L’opérateur doit respecter le sens
de pose du produit : les flèches
imprimées sur la face interne de la
gaine (photo ci-dessous à gauche)
doivent être orientées « pointe vers
le ciel » ; de cette façon, la superpo-
sition des spires de papier sulfurisé
© Ph. Van Lerberghe

© Ph. Van Lerberghe


(semblable à celle des tuiles d’un
toit) permet à l’eau de ruisseler le
long de la protection sans risquer
de s’infiltrer entre les couches de
Rongement d’écorce d’un frêne par le lapin. Ovaliser par pression sur les plis extérieurs. papier, d’induire leur désolidarisa-
tion et d’accélérer leur dégradation.
hauteur minimale de 50 cm pour le 5 mm selon les fournisseurs), la Les tuteurs sont positionnés en
lapin. Cette hauteur devrait être hauteur minimale recommandée est tenant compte de quatre critères :
augmentée en terrain pentus ou en 80 cm. La partie recourbée passe – le sol : les tuteurs doivent être
présence d’une couche de neige au par-dessus la gaine afin de bien enfoncés légèr ement de biais
sol pour garantir son efficacité. maintenir la pr otection. Ils ont (Photo ci-dessous), à 30 cm de
l’avantage d’être récupérables. Les profondeur, et plus profondément
■ tuteurs en bambou (Ø gros bout si le sol est caillouteux ou s’il a
6/8 ou 8/10 mm) conviennent aussi été labouré ;
Une protection facile au maintien temporaire (3 ans) de – le diamètre de la protection :
à poser ce type de gaines légères. Préférer pour maintenir la section carrée,
les tuteurs de 90 cm de hauteur les tuteurs sont disposés à 17 ou
Lors du stockage, le bon sens standard plutôt que ceux de 60 cm, 18 cm l’un de l’autre ; le plant
conduit à protéger les protections trop courts pour assurer une bonne étant positionné au centre de la
de l’humidité, de la lumière et de la stabilité de la protection. protection à égale distance de
chaleur excessive. Il est donc La pose de Bialtis 50 est rapide, en chaque tuteur ;
conseillé de les entreposer dans un cylindre autour du plant ligneux à – le type de plis : chaque tuteur est
endroit sec et ombragé, à l’abri de protéger. Livré à plat, le produit est placé à l’intérieur de la protection
la pluie, du soleil et du vent. d’abord ovalisé (Photo ci-dessus) au contact (Photo p. 54) des
D’encombrement réduit et facile à par pression manuelle sur les plis « plis centraux ». S’ils sont posi-
transporter, la pose de Bialtis 50 extérieurs. La protection est ensuite tionnés au niveau des plis exté-
nécessite obligatoirement deux enfilée délicatement autour du rieurs, la protection va se refer-
tuteurs en métal ou en bambou. plant à protéger afin de préserver mer, empêchant le plant de sortir
Une pose sans tuteurs sur arbres les bourgeons (terminaux et laté- de la protection ;
fruitiers, sur plançons de peupliers raux) d’éventuels dommages (frot-
ou grands plants de feuillus pré- tement, arrachage). Veiller à assurer
cieux est déconseillée car le produit le contact entre la base de la gaine
a tendance à se refermer au cours et le sol pour éviter le passage des
du temps, à reprendre sa forme ini- rongeurs.
tiale à plat ; les tuteurs contribuent
au maintien dans le temps de la
forme carrée de la section transver-
© Ph. Van Lerberghe

sale, nécessair e au passage du


© Ph. Van Lerberghe

plant.
Les tuteurs recourbés en métal sont
conseillés car ils contribuent à une
meilleure tenue de la protection. En
fer à béton torsadé (Ø de 4 ou La flèche doit être orientée « pointe vers le ciel ». Poser les tuteurs à 17 ou 18 cm de distance.

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matériel
vente de Bialtis avec l’évolution de
la demande.
Bien conçu, Bialtis 50 est un pro-
duit prometteur et qui présente des
qualités intéressantes pour les pro-
fessionnels de l’arbre. Peu encom-
brant, son transport est aisé ; léger,
il est facile à distribuer et à mettre
en place ; ses quatre plis assurent
sa mise en forme rapide. Sa paroi
simple évite aux jeunes plants de
subir des projections d’herbicides
en cas d’entretien chimique de la

© Ph. Van Lerberghe


plantation ; contrairement aux man-
chons plastiques à paroi grillagée, il
n’y a pas de risque de déformation
de la tige du plant et d’abroutisse-
Assurer un contact étroit entre les tuteurs et la protection. ment du bourgeon terminal passé
au travers des mailles latérales.
– l’orientation des vents domi- fonction des quantités achetées. Mis au point et testé depuis 2004
nants : placer les deux tuteurs Dans le cas d’une plantation de par des forestiers et des viticul-
dans l’axe des vents dominants feuillus précieux, les coûts totaux teurs, ce produit a déjà montré une
afin de réduire la prise au vent de des principales protections contre durabilité de 24 mois sur plusieurs
la protection. Dans les zones ven- les dégâts du lapin sont les sites d’essai à climat sec du sud de
tées, il est conseillé d’utiliser des suivants : voir tableau ci-dessous la France (Midi-Pyrénées, Aude,
tuteurs métalliques à extrémité (TVA 19,6 % en sus). Gard), durée de vie suffisante pour
recourbée. Bialtis 50 se révèle plus cher à lutter ef ficacement contr e les
l’achat qu’un produit plastique syn- dégâts du lapin durant la période
■ thétique et que la protection biodé- de sensibilité des jeunes arbres. De
gradable Eco Pr otect Plant nouvelles expérimentations per-
Évaluation (EPPS50). Cette analyse ne tient pas mettront à l’avenir de mieux cerner
compte des coûts de dépose, de sa durabilité dans des conditions
Le prix de lancement de Bialtis 50 transport et de recyclage des maté- climatiques plus humides.
serait d’environ 1,10 € HT par unité riaux plastiques polluants et de la Dans un contexte où les produits
de produit. Il est classiquement diminution probable du prix de respectueux de l’environnement

Tuteur Prix total H.T.


N° Modèle Produit (d) Pose (e)
avec tuteurs avec tuteurs
métal bambou sans tuteur
en métal en bambou
1 Gaine de dissuasion (a) 0,11 € 0,35 € 0,10 € 0,46 € 0,92 € 0,67 €

2 Gaine Planet (b) 0,28 € 0,35 € 0,10 € 0,46 € 1,09 € 0,84 €

3 EPPS50 (c) 1,34 € 0,20 € 1,54 €

4 BIALTIS 50 1,10 € 0,35 € 0,10 € 0,46 € 1,91 € 1,66 €

a. Manchon de dissuasion Nortène Pro : H = 50 cm, Ø = 15 cm ; grammage = 19, 5 g/unité ;


b. Gaine Planet Nortène Pro : H = 50 cm, Ø = 13 cm ; partie basse (jupe) pleine ; grammage = 40 g/unité ;
c. Eco protect Plant : H = 50 cm, Ø = 15 cm ; mailles serrées à la base ; grammage = 200 g/unité ;
d. Modèles n°1 à 3 : prix unitaires H.T. € - tarif 2006-07 du Catalogue Pépinières Naudet ; modèle n°4 : prix unitaires H.T. €
annoncé. Quantités < 1.000 unités.
e. Coût : 20 €/heure ; rendement de pose : gaines plastiques et Bialtis : 350 unités/jour ; EPPS50 : 800 unités/jour.

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matériel
sont de plus en plus mis en avant, en constant développement, le pro-
ce produit original est déjà une fessionnel devrait pouvoir mieux Résumé
Bialtis 50 est une nouvelle pro-
grande évolution en soi car il est cer ner sa composition dans un
tection mécanique individuelle
issu du bois, matièr e pr emièr e proche avenir et voir apparaître sur contre les dégâts de lapin ; ce
abondante et r enouvelable ; il le marché un produit écologique- pr oduit innovant à base de
apparaît comme une alter native ment performant, économiquement papier sulfurisé est caractérisé
intéressante à l’emploi du plastique plus intéressant et suite à l’évolu- par sa grande résistance ther-
non biodégradable et fabriqué à tion constante de sa formulation et mique et mécanique. Sa durée
de vie, vérifiée par des essais in
partir de matières premières fos- l’augmentation de sa durée de vie,
situ , est d’au moins 24 mois
siles en voie d’épuisement. adapté à la lutte contre les dégâts dans les conditions stationnelles
Parce que la protection Bialtis est du chevreuil. ■ sèches du sud de la France ;
d’autr es expérimentations
Renseignements devraient permettre de préciser
Bialtis est une protection conçue par le centre de recherche ARCC (Ahlstrom sa durabilité en climat humide.
Research Corporate Center, basé en région lyonnaise) de la société Ahlstrom, fon-
Facile à transporter et à poser,
dée en Finlande et leader dans le développement, la fabrication et la commerciali-
son principal intérêt réside dans
sation de papiers spéciaux et non-tissés haute performance. Sa fabrication et sa
commercialisation sont assurées par le groupe Sonoco-Alcore qui exploite la natur e de ses matériaux
31 usines de tubes en carton pour l’enroulage de tissus, de films, etc., ainsi que constitutifs majoritaires, réputés
7 papeteries en Europe. biodégradables.
En France, le produit est disponible auprès des distributeurs suivants : Mots-clés : biodégradabilité,
– Celloplast : 13, route de Préaux - BP 26 - 53340 Ballée. Contact : Arnaud Lesa- dégâts du gibier, pr otection
ge - tél. : 06 08 90 97 99 ; courriel : a.lesage@celloplast.fr ; contre le gibier, lapin, sulfurisa-
– Sotextho : Avenue du Moulin - BP 2 - 81240 Saint Amans Valtoret. Contact : tion.
Alain Recoules - tél. : 06 24 94 66 69 ; courriel : contact@thorenap.com

(1) L’acide sulfurique, anciennement appelé « vitriol », est un acide minéral fort, sous forme d’un liquide visqueux, incolore et inodore.
(2) La cellulose est un glucide, polymère de glucose (ou polysaccharide de glucose) et principal constituant du bois.
(3) La vapeur d’eau peut néanmoins diffuser, ce qui permet au végétal, positionné au centre de cette protection, de respirer.
(4) Ce sont des labels dits « privés individuels (ou marques de conformité) », c’est-à-dire des labels de qualité écologique utilisés par un fabricant ou un
distributeur mais contrôlés par un organisme externe et indépendant, généralement accrédité (ici, AIB Vinçotte - http://www.vincotte.com). L’accrédi-
tation garantit la fiabilité et la qualité des contrôles.
(5) Cf. Van Lerberghe Ph. (2002). Eco Protect Plant, une protection individuelle biodégradable contre les dégâts du gibier. Forêt entreprise n°148,
pp. 59 - 62.

Forêt-entreprise n°175-Juillet 2007 55


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arbre hors forêt

Innover en associant arbres et cultures :


les atouts de l’agroforesterie moderne
Christian Dupraz, INRA* et Fabien Liagre, Agroof développement** (1)

La fin des années 80 a vu le lancement des premiers travaux de recherche sur des systèmes
agroforestiers modernes en Europe, en Angleterre et en France. Vingt ans plus tard, il est
possible de faire un bilan, en s’appuyant notamment sur les résultats d’un programme euro-
péen de recherche sur l’agroforesterie achevé en 2005 (2).

M élanger arbres et cul-


tures est une pratique
traditionnelle, qui a
pratiquement disparu
moins sensibles au vent, aux coups
de soleil, et à la sécheresse que les
arbres forestiers ? Leur bois sera-t-il
de qualité ? Les essais en cours
ment. Selon la fertilité de la parcelle
et les essences, l’exploitation sera
effectuée au bout de 15 à 50 ans.
Les arbres agroforestiers croissent
de nos paysages. Mais qui pourrait depuis une vingtaine d’années don- dans des conditions inhabituelles :
bien revenir en force, car le mariage nent un début de réponse. forte sollicitation par le vent, enso-
sur une même parcelle de cultures leillement maximal, compétition
annuelles et de bois de qualité ■ avec des cultures fertilisées. Les
(essences semi-précieuses et billes enracinements profonds provoqués
de qualité tranchage) peut s’avérer Des arbres de valeur et le par la compétition des cultures
économiquement très rentable sans revenu des cultures annuelles d’hiver limitent les stress
perturber les pratiques agricoles hydriques estivaux. L’azote récupé-
habituelles. Tous les essais le confirment : les ré aux cultures améliore leur méta-
arbres agroforestiers poussent plus bolisme. Habitués à être secoués
■ vite et plus régulièrement que leurs par le vent, les arbres agroforestiers
cousins forestiers. Les soins appor- sont plus résistants aux tempêtes,
Ni forêt, ni boisement tés à la culture (désherbage, fertili- comme l’a montré la remarquable
de terre agricole sation) leur bénéficient indirecte- résistance des arbres d’une planta-

Une parcelle agroforestière n’est ni


une forêt, ni un boisement de terre
agricole : la culture y reste présen-
te, pendant toute la durée de vie
des arbres. Les arbres y poussent
vite, demandent beaucoup de soins
au départ, mais sont moins sen-
sibles à certains risques. L’arbre
agroforestier sort de l’ordinaire
forestier : son avenir est donc sour-
ce légitime d’interrogation. Com-
ment réussir des plantations à très
large espacement ? Les arbr es
vont-ils avoir une forme compatible
© Solagro

avec la production d’une bille de


pied de valeur ? Seront-ils plus ou

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arbre hors forêt


tion agroforestière de merisiers et
noyers située en Charente-Mariti-
me, lors de la tempête de 1999.
Les cultures intercalaires protègent
efficacement les arbres agrofores-
tiers contre les risques de feu, ce
qui est un argument non négli-
geable dans les régions où le risque
d’incendie est fort.


30 à 100 arbres par hec-
tare, pas plus
Obtenir 30 à 100 arbres adultes de
qualité par hectare peut nécessiter
d’en planter un peu plus, afin de

© Agroof
pouvoir sélectionner par éclaircie
les plus beaux arbres. C’est particu-
lièrement important quand le maté-
riel génétique est hétér ogène vigour eux, en supprimant les (comme les tilleuls ou certains
(semis de populations, hybrides fourches. Cet axe sera progressive- érables). Pour la production de bois
obtenus par pollinisation libre). ment élagué sur la hauteur de la de qualité, le faible taux d’éclaircie
Avec des clones sélectionnés, on future bille. Il faut pour cela suppri- (on récolte au moins un arbre pour
peut cependant choisir de planter à mer toutes les branches qui dépas- deux arbres plantés) conduit à une
espacements définitifs, en rempla- sent 3 cm de diamètre à la base. remarquable productivité de la par-
çant systématiquement les arbres Les petites branches seront conser- celle : seuls les arbres qui ont de la
qui ne donnent pas satisfaction. Ces vées, elles évitent des rejets sur les valeur font concurrence aux cul-
faibles densités de plantation rédui- plaies de taille. Elles ne seront sup- tures, les autres sont enlevés très
sent le coût de l’investissement. primées que lorsqu’elles atteindront rapidement, et permettent ainsi aux
Les essences envisagées sont des 3 cm de diamètre. cultures de rester productives. Cela
fruitiers non greffés (cormiers, poi- explique que certaines associations
riers, noyers, merisiers, amandiers, ■ présentent des productivités glo-
oliviers), des essences améliorées à bales fortes, très supérieures à celle
croissance rapide (peupliers, pau- L’agroforesterie n’est pas d’un assolement où arbres et cul-
lownias, mélèzes hybrides), des un reboisement de terres tures seraient cultivés séparément.
essences rares en forêt et appré- agricoles Le succès des systèmes agrofores-
ciées (sorbiers, alisiers), mais des tiers réside dans la complémentari-
essences traditionnelles peuvent L’agroforesterie est une culture té des arbres et des cultures pour
aussi êtr e r etenues (érables, d’arbres espacés, en croissance leurs besoins. On cherche à associer
chênes). La taille de formation des libre. Cela signifie que la compéti- des espèces aux cycles décalés, aux
arbres agroforestiers est une phase tion entre arbres est très faible. La enracinements contrastés et aux
critique pour l’obtention d’un arbre plupart des essences d’arbr es besoins complémentaires. L’idéal
de valeur. L’objectif est d’obtenir s’adaptent très bien à la pleine est d’associer un arbre à feuilles
une bille de pied courte (2 à 5 m lumière car en agroforesterie elle ne caduques, ayant un débourrement
selon les essences et les sites), mais résulte pas d’un changement brutal tardif, avec une culture d’hiver, qui
de qualité. Pour cela, il faut interve- lié à une éclaircie, mais on évitera va s’implanter pendant la phase où
© Solagro

nir une à deux fois par an. L’essen- les essences fragiles qui supportent l’arbre n’a pas de feuilles. C’est par
tiel est d’abord d’obtenir un axe mal le plein vent à l’état adulte exemple le cas des associations

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arbre hors forêt


noyers-blé d’hiver, merisier-colza,
prairie-mélèze. Les cultures d’été
(maïs, tournesol, tubercules) seront
plus en concurrence avec les arbres
pour la lumière, et les densités
d’arbres doivent être plus faibles si
on souhaite des cultures produc-
tives jusqu’à la récolte des arbres.
Si les arbres sont cultivés surtout
pour leur bois de qualité, on peut
aussi envisager de cultiver des
arbres fruitiers for més en haute
tige, qui produisent à la fois du bois
et des fruits. Après la récolte des

© Agroof
arbres et l’arrachage des souches, la
parcelle redevient entièrement agri-
cole.

■ teurs concordent : aucune réduc- d’autres l’après-midi, mais la quan-


tion significative de rendement des tité d’énergie reçue est la même
Conduire les cultures en cultur es ne peut êtr e attribuée pour toutes. Cela permet d’obtenir
adaptant les itinéraires directement à la compétition des des cultures homogènes, mûres en
techniques arbres. Mais pour obtenir ce résul- même temps. Lorsque les lignes
tat, les itinéraires techniques doi- d’arbres sont orientées est-ouest, la
Dans une parcelle agroforestière, le vent être légèrement adaptés : situation est différente. L’éclaire-
r endement agricole dépend de préparation soigneuse du lit de ment des cultures est hétérogène,
deux composantes : semence près des arbres, épandage au nord des arbres les cultures sont
– la surface réellement cultivée, uniforme des engrais, et maîtrise de très à l’ombre, au sud des arbres
– et le rendement obtenu sur cette la végétation spontanée de la ligne très au soleil. Mais les rendements
surface cultivée. des arbres. ne diminuent pas si vite, et avec 50
Les parcelles agroforestières dont il arbres par hectare, des cultures ren-
est question ici présentent entre 30 ■ tables peuvent être maintenues jus-
et 100 arbres par hectare. Dans les qu’à la récolte des arbres. La bonne
jeunes parcelles agroforestières, les Orienter les lignes réponse est d’adapter la surface
arbres sont petits (moins de 10 m d’arbres nord-sud quand cultivée, en réduisant la largeur de
de haut) et en phase d’élagage pro- c’est possible la zone cultivée, par exemple en
gressif, leurs houppiers sont donc réduisant la surface semée au nord
réduits. Cette phase dure environ la Quand l’élagage des arbres est ter- des arbres. On tirera ainsi parti des
moitié de la vie de l’arbre, de 10 miné, leur houppier va se dévelop- synergies entre arbres et cultures
ans pour des peupliers à 30 ans per librement, prendre du volume. pendant toute la durée de vie de la
pour d’autres feuillus. La zone non Les besoins en lumière, eau, et parcelle.
ensemencée par la culture au pied azote de l’arbre vont augmenter
des arbres peut être réduite au rapidement. Un nouveau critère Quand les arbres se développent,
minimum (1 à 2 m de large en devient essentiel : l’orientation des leurs branches ont tendance à
général). Selon les espacements lignes d’arbres. retomber vers le sol sous l’effet de
entre lignes d’arbres (13 à 50 m), Lorsque les lignes d’arbres sont leur poids ou de leur mode d’allon-
90 à 95 % de la parcelle sont culti- orientées nord-sud, l’éclairement gement. Une réduction du houppier
vés. Pendant cette phase, les jour nalier des cultures dans les peut être envisagée avec un lamier
mesures sur parcelles expérimen- allées est homogène. Certaines d’élagage ou une scie circulaire :
tales et les simulations sur ordina- plantes sont au soleil le matin, c’est une opération rapide et facile

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arbre hors forêt


à conduire, qui ne produit aucun la culture d’été bénéficiera pleine- racines fines de l’arbre. Ce second
dégât sur le tronc des arbres. On ment de cette compétition réduite. aspect est crucial : l’arbre agrofo-
raccourcit simplement les branches. restier, par son enracinement, injec-
Les rémanents sont broyés et épan- ■ te dans des horizons profonds une
dus sur le sol ou utilisables en bois- quantité non négligeable de carbo-
énergie. Un impact marqué sur la ne. Or l’activité microbienne est
biodiversité des zones de réduite à ces profondeurs, et le car-
■ grande culture bone injecté y est stocké durable-
ment. On estime souvent qu’un
La face cachée L’arbre et son cortège d’espèces arbre fixe plus de carbone dans la
de l’agroforesterie accompagnatrices (végétation sous matière organique du sol que dans
les arbres, microfaune et microflore son bois, et ceci est encore plus
Si la compétition pour la lumière du sol, faune des houppiers) intro- vrai pour les arbres agroforestiers à
est relativement facile à prévoir, la duisent une forte diversité biolo- enracinement profond. Un peuple-
© Agroof

compétition souterraine pour l’eau gique dans les parcelles cultivées. ment agroforestier de 100 arbres
et les éléments nutritifs est plus Cela peut avoir un intérêt pour la par hectare pourrait induire une
délicate à identifier. Bien gérées, les lutte contre les ravageurs des cul- fixation supplémentaire de carbone
cultures d’hiver obligent les arbres tures. Mais en soi, cette hétérogé- uniquement par sa mortalité raci-
à s’ancrer davantage dans le sol. En néité des parcelles a surtout un naire de l’ordre de 400 kg/ha/an. À
asséchant le sol au printemps, les impact favorable sur la faune sauva- ce titre, les parcelles agrofores-
cultures d’hiver obligent les arbres ge qui apprécie les refuges appor- tières sont qualifiées par le proto-
à développer un enracinement pro- tés par les arbr es. Les oiseaux cole de Kyoto, et comptent pour
fond, ce qui aura plusieurs avan- insectivores qui ont besoin de per- l’accomplissement des engage-
tages : meilleure croissance estiva- choirs, les chauves-souris insecti- ments des pays signataires. Par
le des arbres, compétition réduite vores qui ont besoin d’échos radars ailleurs, en contribuant à réduire les
avec la culture, récupération en sont des exemples d’auxiliaires importations de bois tropicaux, les
profondeur de l’azote drainé sous la utiles favorisés par les arbres agro- parcelles agroforestières pourront
culture. Cet effet a été observé sur forestiers. diminuer la pression sur les forêts
plusieurs parcelles expérimentales. tropicales, et donc contribuer éga-
Avec des cultures d’été, les arbres ■ lement à limiter la déforestation.
développer ont au contrair e un
enracinement de surface très com- Les parcelles ■
pétitif des cultures. Pour ces situa- agroforestières qualifiées
tions, le cernage racinaire (destruc- par le protocole de Kyoto Concilier rentabilité
tion des racines des arbres avec et protection
une sous-soleuse de 1 m de pro- La fixation durable de carbone de l’environnement
fondeur, pratiqué en général à 1 m atmosphérique dans les écosys-
de la ligne de plantation) peut être tèmes terrestres est un des moyens Concilier protection de l’environne-
préconisé, à condition qu’il soit de lutter contre le réchauffement ment et production rentable est
effectué régulièrement (au moins climatique. Quelle pourrait être la une équation difficile à résoudre.
tous les 2 ans). C’est une opération contribution des parcelles agrofo- Très souvent, l’adoption de
simple mais qui n’empêchera pas à restières à cet objectif ? L’introduc- mesures de protection environne-
terme la remontée des racines des tion d’arbres dans une parcelle mentale subventionnées est vécue
arbres à partir des racines pro- agricole se traduit par un stockage comme une contrainte. Les craintes
fondes qui échappent au cernage. additionnel de carbone. Ce stocka- sur la pérennité de ces finance-
Mieux vaut donc adopter des rota- ge s’ef fectue d’une part dans le ments agro-environnementaux sont
tions avec au moins deux cultures bois de l’arbre, mais aussi dans la réelles. La gestion de ces mesures
d’hiver pour une culture d’été : les matière organique incorporée dans coûte cher aux collectivités natio-
cultures d’hiver cantonneront les le sol. Celle-ci résulte essentielle- nales ou territoriales, tant par le
racines des arbres en profondeur, et ment de la mortalité annuelle des montant des aides que par le dis-

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arbre hors forêt


Le programme Agroforesterie 2006/08
positif d’animation et de contrôle Compte tenu des résultats de la recherche en agroforesterie en France et en Euro-
nécessaire. Les systèmes agrofores- pe, il fallait transformer l’essai. La demande chaque jour plus importante des por-
tiers of fr ent une possibilité de teurs de projets posait clairement la question de l’accompagnement de projets,
concilier rentabilité et respect de tant d’un point de vue technique qu’administratif. Afin de répondre à cet objectif,
sous la coordination du bureau d’études Agroof Développement, différents parte-
l’environnement, sans nécessiter un naires de la recherche développement ont répondu à l’appel à projets lancé par
encadr ement ou un soutien de l’Agence de Développement Agricole et Rurale du Ministère de l’Agriculture. En
longue durée. ■ 2005, le projet Agroforesterie 2006/08 est sorti tête de liste des projets lauréats.
Réparti sur 6 régions (Poitou-Charentes, Centre, Pays de Loire, Picardie, Franche
Comté et Languedoc Roussillon), le projet a débuté en avril 2006 pour une durée
de 2 ans. Il est décliné sur 4 axes :
• Structurer la filière agroforestière par la création d’un réseau national, permettant
aux différents acteurs de partager leur savoir-faire et de soutenir les réformes
(1) * Christian Dupraz, ICGREF, chercheur statutaires en cours. Ce réseau comprend la mise en place de plusieurs parcelles
INRA, Unité SYSTEM (Systèmes de culture de démonstration dans chaque département, en partenariat avec les Chambres
tropicaux et méditerranéens), Équipe d’Agro- d’Agricultures, les CRPF et le Biocivam. En parallèle, l’INRA étudie la possibilité
foresterie, Bâtiment 27, 2 Place Viala, 34060 de mise en place d’un Réseau Mixte Technologique à l’échelle nationale, per-
mettant de réunir des acteurs de la Recherche, du Développement et de l’Ensei-
Montpellier Cedex 1, tél. : 04 99 61 23 39,
gnement afin de créer un programme transdisciplinaire agroforestier.
fax : 04 99 61 30 34, courriel :
• Vulgariser les résultats de la recherche et mettre au point des outils d’aide à la
Dupraz@ensam.inra.fr décision pour la conception de projets agroforestiers à l’échelle de l’exploitation
** Fabien Liagre, Directeur d’Agroof Dévelop- agricole à partir des travaux de modélisation de l’INRA.
pement, 120 impasse des Quatre Vents, 30140 • Réaliser des bilans technico-économiques des expériences passées et des études
Anduze, tél. : 04 66 56 85 47 ou 06 22 10 complémentaires sur les aspects agro-environnementaux de l’agroforesterie.
42 42, courriel : liagre@agroof.net, site : • Communiquer et diffuser l’information aux techniciens du développement sur
www.agroof.net les acquis de la recherche et favoriser ainsi l’accompagnement des porteurs de
(2) Programme SAFE, site internet projets (formation, brochures, guide, film vidéo).
http://www.montpellier.inra.fr/safe/ Pour plus d’informations sur ce programme et suivre son évolution, un site web
est disponible : www.agroforesterie.fr

Résumé
L’agroforesterie consiste à associer sur la même parcelle des arbres et des cultures ou des pâtures. Depuis une vingtaine
d’années, plusieurs équipes de recherche explorent la faisabilité de pratiques agroforestières modernes en Europe. Ces tra-
vaux montrent que des systèmes agroforestiers modernes sont possibles et compatibles avec la mécanisation des cultures.
Ils imposent de disposer les arbres en alignement, de les tailler et de les élaguer. Les densités d’arbres optimales de 30 à
100 arbres/ha garantissent des croissances rapides et une bonne productivité des cultures. La productivité globale des par-
celles agroforestières est souvent supérieure à celle de l’assolement arbres/cultures (jusqu’à 30 % de plus en biomasse, et
60 % de plus en produits vendus).
Mots-clés : Agroforesterie, sylviculture dynamique, fixation de carbone, biodiversité.

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matériel végétal

Ameline, Gardeline, et Monteil :


trois nouveaux merisiers très performants
Carole Soltysiak, Frédérique Santi, Jean Dufour, INRA Orléans (1)

Depuis près de vingt ans, l’INRA teste de nombreux merisiers. Trois se démarquent nette-
ment par leur vigueur, leur rectitude, leur résistance aux maladies et leur croissance. Ils
sont d’ores et déjà disponibles en pépinière.

L e merisier produit un bois


d’ébénisterie toujours très
recherché par les fabri-
cants de meubles et dont
La sélection en forêt
De 1978 à 1993, l’INRA (3) a sélec-
tionné 403 merisiers en forêt sur la
quasi-totalité du territoire français.
en forêt ont été multipliés par voie
végétative et introduits dans des
plantations comparatives, qui met-
tent en évidence de façon précise
le prix de vente se maintient à un Cette sélection a porté essentielle- et rigoureuse les dif férences de
niveau très élevé depuis plusieurs ment sur la forme du tronc (rectitu- comportement entre les individus.
décennies. Cette valeur marchande de, absence de nœud…) et la quali- Ces plantations étant multisites, on
élevée a suscité depuis une trentaine té de la branchaison (pas de fourche peut juger de la stabilité des perfor-
d’années, l’installation de nom- basse, ni de grosse branche). Les mances dans des sols et sous des
breuses plantations avec un taux de arbr es sélectionnés avaient en climats différents. Ce réseau com-
réussite malheureusement faible. général atteint des dimensions mar- porte actuellement 45 dispositifs
Ces nombreux échecs sont le plus chandes. Les sujets présentant des âgés de 1 à 20 ans.
souvent dus à une mauvaise adapta- défauts rédhibitoires du type fibre Les principaux caractères pris en
tion à la station, mais pour réaliser torse ont été exclus. compte ont été :
dans de bonnes conditions ce type – la croissance en hauteur et en dia-
de boisement, le sylviculteur doit La sélection en dispositif mètre : elle est synonyme d’une
accorder également une grande expérimental forte productivité, mais aussi d’une
importance à la qualité génétique Dès 1982, les arbres sélectionnés bonne adaptation aux conditions
des plants utilisés. À l’heure actuelle
sont à sa disposition :
– des plants issus des graines récol-
tées dans les peuplements classés
français ;
– des plants issus de vergers à
graines (Cabreret, l’Absie et bientôt
Avessac) ;
– des cultivars propagés par voie végé-
tative (bouturage, drageonnage) (2).


© CRPF Franche-Comté

Plus de vingt-cinq ans


de recherche
En 1978, l’INRA a entrepris un pro-
gramme d’amélioration du merisier
en deux phases : Une plantation comparative de l’INRA à Vaux les Prés (Doubs).

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matériel végétal
écologiques locales. Un plant ayant – la proportion de bois de cœur a L’inscription des cinq autres culti-
une bonne vigueur juvénile se pu être mesurée pour certains indi- vars n’a pas été confirmée car il a
« dégage » plus vite du r ecrû vidus à la faveur des premières été possible de sélectionner sept
ligneux ce qui permet une écono- éclaircies dans trois plantations nouveaux cultivars qui les rempla-
mie sur les entretiens ; comparatives ; ceront avantageusement sur la liste
– la tolérance à la cylindrosporiose : – la stabilité des performances dans des clones inscrits. Ces derniers ne
cette maladie causée par un champi- tous les sites : ce caractère est très seront pas disponibles en pépinière
gnon provoque l’apparition sur les important car il est le garant pour avant au moins deux ans.
feuilles de taches de couleur « lie de une variété donnée d’un bon
vin », puis une défeuillaison plus ou potentiel d’adaptation à des condi- ■
moins importante qui pénalise la tions écologiques variées et donc
croissance en diamètre ; d’une grande rusticité. Ameline, Gardeline,
– la rectitude du fût hors accident L’analyse des résultats de huit plan- Monteil : trois cultivars
de cime ; tations comparatives avait permis performants
– la finesse des branches par rap- en 1994 d’inscrire provisoirement
port au tronc : le grossissement huit cultivars au catalogue des Gardeline est très vigoureux, avec
plantes cultivées (Pierval, Coulonge, une croissance en hauteur et sur-
Beauvoir, Hautmesnil, Ameline, tout en diamètre tout à fait excep-
Monteil, Gardeline et Bonvent). tionnelle. Sa résistance à la cylin-
Aujour d’hui, les résultats de drosporiose est également excel-
24 dispositifs expérimentaux lente. La rectitude du tronc est
confirment nettement la valeur bonne à très bonne. C’est un arbre
d’Ameline, Monteil et Gardeline. assez « trapu » mais le rapport dia-
mètre des branches sur diamètre du
tronc est favorable. La proportion
de bois de cœur présente un gain
de 44 % par rapport à la moyenne.
© C. Soltysiack, INRA

On évitera de planter ce cultivar en


région méditerranéenne sur des
sols à réserve en eau faible (testé en
conditions très sèches en Italie, il a
subi une certaine mortalité durant la
Houppier de Gardeline, plantation com- phase d’installation).
parative à Sainte Eanne (Deux Sèvres).
© C. Soltysiack, INRA

Monteil a une excellente croissance


des branches est évidemment très en hauteur et en diamètre, parfois
lié à celui du tronc, mais on peut supérieure pour la hauteur à celle
néanmoins sélectionner des indivi- de Gardeline. Sa résistance à la
dus pour lesquels le rapport dia- cylindrosporiose est très bonne. La
mètre des branches sur diamètre du Gardeline, plantation comparative à rectitude est bonne et les branches
tronc est plus faible ; Sainte-Eanne (Deux Sèvres). sont de faible diamètre par rapport

Tableau 1 : Performances des trois cultivars de merisier


Croissance en Croissance en Cylindros- Finesse des Nombre de
Cultivars Rectitude
hauteur diamètre poriose branches plantations
Ameline + ++ ++ ++ 0 8

Monteil ++ ++ ++ + ++ 8

Gardeline ++ ++ ++ ++ + 21

++ : excellentes performances très au-dessus de la moyenne. + : bonnes performances nettement au-dessus de la moyenne.
0 : Performances moyennes.

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matériel végétal
au tronc. Monteil produit nette- cultivar, un élagage précoce et pour ce matériel performant, toute
ment plus de bois de cœur que la intensif. erreur dans le choix de la station se
moyenne des individus testés (gain Ces trois cultivars sont indéniable- traduira par un échec de la planta-
de 52 %). ment supérieurs pour les caractères tion.
pris en compte dans la sélection. Le
mode de reproduction par voie Mélange de cultivars
végétative leur permet de conser- Au-delà de 0,5 ha environ, on pré-
ver l’intégralité du gain génétique férera la plantation en mélange. En
réalisé : chaque plant d’un cultivar effet, le mélange de plusieurs culti-
présentera la même supériorité vars, en augmentant la diversité
pour chacun des caractères consi- génétique, reste la meilleure garan-
dérés, d’où une grande homogé- tie de rusticité et de résistance face
néité des per for mances. Cette aux maladies et aux divers para-
homogénéité permettra de baisser sites. Pour faciliter la gestion, le
les densités de plantation et peut mélange sera réalisé par placeaux
également constituer un argument constitués d’un seul cultivar. Dans
de vente auprès des industriels quelques années, la multiplication
pour lesquels l’homogénéité d’un des nouveaux cultivars permettra
lot de bois est un avantage certain. de diversifier les possibilités de
J. Weber, INRA

Par ailleurs, la propagation par voie mélange.


végétative fait que ces variétés sont
toujours potentiellement dispo- La densité de plantation
Jean Dufour au pied d’un plant très droit nibles chez les pépiniéristes pro- Compte tenu de la grande vigueur
de Monteil, à Us (Val d’Oise). ducteurs, à condition d’en faire la et de l’homogénéité des perfor-
Ameline a une bonne croissance en demande suffisamment à l’avance. mances de ces variétés, les densités
hauteur et une excellente croissan- À l’inverse, les situations de pénu- de plantation pourront être réduites
ce en diamètre, souvent supérieure rie sont fréquentes pour les origines par rapport à une plantation utili-
à celle de Gardeline. La résistance à ou les variétés issues de graines sant des plants issus de graines.
la cylindrosporiose est excellente. (peuplements classés ou vergers à Des densités comprises entre 250
La rectitude est bonne à très bonne. graines) en raison des aléas clima- et 300 plants/ha semblent raison-
En revanche, le rapport du diamètre tiques qui réduisent fortement, nables en terrain forestier, le recrû
des branches sur le diamètre du voire anéantissent les récoltes pen- ligneux assurant rapidement un gai-
tronc est moyen. On recommande- dant plusieurs années successives. nage des merisiers. En boisement
ra donc particulièrement pour ce de terres agricoles, il est recom-
■ mandé d’implanter un peuplement
d’accompagnement pour assurer ce
Gestion sylvicole gainage. La protection individuelle
de chaque plant contre les dégâts
En raison de sa grande vigueur et de gibier est impérative. Malgré le
de son homogénéité, ce matériel surcoût (4) du plant cultivar, ces
végétal ne doit pas être utilisé de la faibles densités doivent permettre
même façon que des plants « clas- de réaliser des plantations pour un
siques » issus de semis. prix de revient à l’hectare compa-
rable à celui des plantations réali-
© C. Soltysiack, INRA

Les stations sées avec des plants issus de


Compte tenu de la stabilité de com- graines, à une densité de 500
portement constatée pour ces trois plants à l’hectare ou plus. La pre-
cultivars, ils pourront être utilisés mière éclaircie sera, au moins par-
Ameline, plantation comparative partout en France sur les stations tiellement, commercialisable en
à Sainte-Eanne (Deux Sèvres). convenant au merisier, mais même qualité ébénisterie.

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matériel végétal
Le suivi de la plantation
Si l’on veut produire du bois de
qualité, toute plantation de merisier
nécessite un suivi régulier en taille
de formation et élagage. Ces culti-
vars n’échappent pas à cette règle,
mais les interventions seront plus
fréquentes et plus intensives.
En effet, ces variétés ne sont pas à
l’abri de divers accidents (bris de
cimes par la grêle, le vent ou les
oiseaux, attaques de pucerons,
etc.) et la faible densité de planta-

© C. Soltysiack, INRA
tion ne permet pas de perdre beau-
coup de plants. Les tailles de for-
mation devront donc débuter très
tôt, dès la première ou la deuxième
année de plantation et cela jusqu’à
Plantation de cultivars à Sandricourt (Oise), bien suivie.
obtenir la hauteur de bille de pied
recherchée. part, compte tenu de la faible den-
Les élagages seront menés comme sité de plantation, le nombr e Résumé
pour une plantation « ordinaire », d’arbres à former sera nettement Fruits de nombreuses années de
par élimination sélective des plus faible. Globalement, le temps recherche, trois cultivars (variétés
sélectionnées reproduites par voie
grosses branches (5) dont l’appari- passé à l’hectare pour ces travaux
végétative) Gardeline, Monteil et
tion sera un peu plus précoce sera donc inférieur, pour une plan- Ameline, se démarquent nettement
compte tenu de la grande vigueur tation de cultivars que pour une des autres merisiers par leur vigueur,
de ces variétés. Un passage annuel plantation classique. leur rectitude, leur adaptation à de
en élagage permet d’obtenir les Les cultivars de merisiers représen- nombreuses stations et leur résistan-
meilleurs résultats, quel que soit le tent un avantage certain (au niveau ce aux maladies. Il est conseillé de
leur appliquer une sylviculture dyna-
matériel végétal utilisé. Il permet qualité, prix, rendement) par rapport
mique et de les planter à faible den-
un élagage très progressif, moins aux merisiers en provenance des sité.
traumatisant pour les arbres que vergers à graine et sont d’ores et Mots-clés : Merisier, cultivar, sélec-
des interventions plus espacées déjà disponibles, notamment auprès tion, qualité, économie.
dans le temps (moins de branches des pépinières Lemonnier (6). ■
enlevées, cicatrices d’élagage
moins importantes). De plus, la
quantité de travail à four nir par
intervention est plus réduite. En (1) INRA, UAGPF, Avenue de la Pomme de Pin, BP 20619, OLIVET cedex, courriel :
résumé, pour une telle plantation, santi@orleans.inra.fr
les travaux de taille de formation et (2) À noter qu’en cas de pénurie de ces trois types de matériel, on peut utiliser en dérogation, des
plants issus de graines récoltées en catégorie identifiée et dont on connaît uniquement le lieu de
d’élagage seront entrepris plus tôt
récolte sans garantie complémentaire.
et seront plus intensifs pour chaque (3) La sélection d’arbres remarquables en forêt ainsi que l’installation du réseau de plantations
arbre que dans le cas d’une planta- comparatives n’ont été possibles que grâce à la collaboration active et efficace, des organismes de ges-
tion traditionnelle. Le temps passé tion et de vulgarisation de la forêt privée (IDF, FVFE, CRPF), puis publique (ONF), ainsi que
par arbre sera plus important pour des propriétaires forestiers eux-mêmes.
chaque passage en élagage compte (4) Au cours des dernières années (2001 à 2004) ce surcoût était d’environ 50 % par rapport au
plant issu de semis.
tenu de la croissance rapide de ces
(5) Pour le merisier, une branche est considérée « grosse » si son diamètre à l’insertion sur le tronc
arbres, mais la bille de pied sera dépasse 3 cm.
for mée plus rapidement et le (6) Pépinières Lemonnier, « Les Écoulouettes », 61250 Forges. Tél. : 02 33 27 05 01, site :
nombre de passages réduit. D’autre www.pepinieres-lemonnier.com

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