Vous êtes sur la page 1sur 13

Synthèse

sur l’expérience de synodalité dans la


Communauté des Béatitudes
- Famille Ecclésiale de Vie Consacrée de Droit Diocésain -

1
Introduction

La Communauté des Béatitudes est une Famille Ecclésiale de Vie Consacrée,


conformément aux statuts approuvés par l’autorité ecclésiastique compétente le 8 décembre
2020. Constituée de deux branches principales de consacrés, hommes et femmes, et d’une
branche laïque, elle est présente en 28 pays, sur les 5 continents, avec 51 fondations.
La Communauté a reçu avec joie l’invitation à participer au chemin synodal, pour
l’événement ecclésial qui aura lieu en 2023. À la suite d’une vidéo conférence tenue le 23 mars
2022 avec le Cardinal Mario Grech, Secrétaire Général pour le Synode des Évêques, Mgr. Luís
Marín de San Martín et Sr Nathalie Becquart, sous-secrétaires, et des nombreux délégués
d’instituts de vie consacrée du monde entier, un courrier a été envoyé le 25 mars 2022 à toutes
les maisons de la Communauté des Béatitudes. Une grande liberté leur a été donnée pour
organiser les temps de prière et de partage autour de la question fondamentale.
Le fruit de ce temps communautaire a été recueilli par le Secrétariat Général de la
Communauté des Béatitudes, révélant quelques défis, tels que :
- les jours impartis pour le travail au niveau local a semblé extrêmement court, étant
donné le rythme de vie déjà bien chargé de nos différentes fondations ;
- conséquemment il y a eu une faible participation de nos installations dans le monde, et
les contributions parvenues vinrent de France, Belgique et États-Unis ;
- de ce fait, le fruit de la réflexion provient de pays occidentaux, faisant défaut l’apport
spécifique de cultures africaines, asiatiques, sud-américaines et océaniques.
Malgré cela, ce travail s’avère fructueux et porteur de sens. En effet, le service
missionnaire en différents pays et cultures des membres de l’équipe de rédaction de cette
« Synthèse sur l’expérience de synodalité dans la Communauté des Béatitudes », nous fait
percevoir – par la relecture des comptes-rendus reçus – des sentiments communs qui résonnent
chez les membres de notre Famille Ecclésiale et qui transcendent les régionalismes.
De ce fait, les rapports parvenus et ici synthétisés sont de grand intérêt tout premièrement
pour la Communauté des Béatitudes elle-même. Les échanges semblent être le fruit de partages
tenus dans la prière et dans l’écoute mutuelle. Ils reflètent le vécu dans la réalité d’une jeune
communauté qui a expérimenté ses moments de joies et de crises mais qui, le regard tourné vers
le Seigneur, est toujours heureuse de partager la « joie de l’Évangile » en annonçant que le
Royaume de Dieu est déjà là et qu’il vient en plénitude. En revisitant le mode d’agir de la
Communauté des Béatitudes, un dynamisme positif se dégage pour notre « marcher ensemble ».
Cette synthèse peut également intéresser l’Église qui vit son chemin synodal, guidée par
le Pape François. La Communauté des Béatitudes, constituée par des membres de différents états
de vie, fait cette expérience quotidienne que la communion est possible, que chacun a sa place
avec ses charismes et ministères particuliers, que le dialogue et l’écoute édifient l’unité, que le
pauvre et le petit – jeunes et vieux – sont aimés et bienvenus. L’équilibre n’est pas toujours facile
à trouver mais Celui que nous unit, le Seigneur, est plus fort que ce qui pourrait nous séparer et
en Lui, nous trouvons le bien pour tous et pour chacun. Enfin, qu’il est heureux de vivre
l’« Évangile des Béatitudes » en tant que disciples du Christ.

2
I. Points significatifs

1. Expériences communautaires où le « marcher ensemble » est déjà une réalité

Plusieurs expériences communautaires s’inscrivant dans le charisme particulier de la


Communauté des Béatitudes font dire à une de nos maisons : « Vivre ensemble fait partie de
notre charisme », tout en sachant que « vivre ensemble » implique des efforts personnels réels
pour « marcher ensemble ». Ces expériences dégagées sont :

- La communion des états de vie


Le premier aspect permettant ce vivre ensemble est la communion des états de vie. La
présence de trois branches au sein de la Communauté – prêtres, consacrés, laïcs – introduit une
dimension dialogale qui s’enrichit de la complémentarité de ces différentes vocations. Elle est un
garant pour éviter un certain type de cléricalisme. Le vivre ensemble suppose un véritable
dialogue entre ces branches, dialogue dans lequel chaque branche peut exprimer son identité
particulière mais aussi sa participation à un charisme commun.
Le « Livre de Vie » définit la Communauté des Béatitudes comme « peuple de Dieu
aspirant à la vie trinitaire ». C’est dans la contemplation de la vie trinitaire, dans l’aspiration à
partager cette vie trinitaire et à en être témoin que s’enracinent la vocation et l’unité
communautaires. La vie trinitaire est le modèle parfait pour la communion des états de vie. En
effet, cette dernière veut manifester, à la fois dans une communion sans confusion des différentes
vocations et dans une unité qui valorise les diversités, ce qui se vit au sein même de la Trinité. La
clarification de l’identité et du vécu spécifiques de chacune des branches, ces dernières années, a
permis à chacun de trouver sa place.

- La vie dans l’Esprit et l’écoute de la Parole de Dieu


Deux aspects particuliers de notre vie communautaire sont notamment mis en évidence :
la vie dans l’Esprit Saint et l’écoute de la Parole de Dieu. La vie dans l’Esprit Saint fait de la
Communauté un peuple appelé à marcher ensemble. Un moyen de vivre la synodalité est la
disponibilité de tous aux motions de l’Esprit en vue de discerner ce que le Seigneur nous
demande en tant que corps dans un contexte et situation précis, ou ce qu’Il attend de telle ou telle
maison de la Communauté dans un temps donné. Cette attitude de disponibilité suppose l’accueil
de la parole de chacun quelle que soit sa place dans la « hiérarchie » communautaire. L’écoute de
la Parole de Dieu, demandée dans la foi et commentée lors de la prière communautaire, édifie et
unifie le corps entier en lui donnant un chemin à suivre.

- Les structures existantes


La Communauté s’est dotée de structures permettant la synodalité : le « conseil de
maison » où les représentants des trois branches se rencontrent régulièrement, ainsi que le
« synode annuel de maison », où tous les membres participent, sont les institutions les plus
significatives. Les temps de synode de maison permettent de manière spéciale de mieux se

3
connaître, de revenir ensemble à l’essentiel de notre vie communautaire, de relire l’année
écoulée et de s’exprimer librement sur les orientations de la maison ainsi que son organisation.
Il convient également de signaler les consultations auprès de tous les membres engagés,
lors des « assemblées générales » quadriennales ou d’autres circonstances de majeure
importance, avant les prises de décision par ceux qui sont élus ou nommés à une charge de
gouvernement ou à une responsabilité.

- Le vécu quotidien de la vie fraternelle


Il est souligné que la liturgie donne sens à ce « marcher ensemble » et unit le corps
communautaire. Le travail commun, la célébration de fêtes, les temps ensemble gratuits nous
font entrer dans un esprit de famille, nous donnent beaucoup de joie. Ces espaces de partage nous
permettent de mieux nous connaître et de mieux nous accueillir les uns et les autres. La
dimension internationale de la Communauté participe à cet enrichissement mutuel, nous apprend
la fraternité et la construction de l’unité dans la diversité.

- La mission
Les missions apostoliques faites ensemble - laïcs, consacrés, prêtres - permettent ce
« marcher ensemble ». L’exercice de la synodalité se concrétise en particulier dans les missions
d’évangélisation où les trois branches œuvrent ensemble.

-L’obéissance
L’obéissance à l’Église nous a permis d’avancer plus sûrement, en équilibrant mieux la
dimension charismatique et la dimension institutionnelle. La Communauté, en recevant avec
esprit de foi les orientations reçues, a su tirer profit de la crise que nous avons traversée grâce
aussi à l’accompagnement et au discernement de l’autorité ecclésiastique compétente.

2. Quels pas l’Esprit nous invite-t-il à accomplir pour grandir dans notre « marcher
ensemble »

Nous nous sentons interpellés par l’Esprit Saint à améliorer certains aspects soulignés
précédemment :

- La communion des états de vie


La synodalité demande la circulation d’informations, en particulier vers ceux qui, en tant
que laïcs, vivent éloignés d’une structure communautaire. D’autre part, leur expérience de vie
dans la société peut enrichir le corps communautaire.
Dans le même ordre, une intégration plus responsable et active de chaque membre de la
communauté, quelle que soit sa branche, semble indispensable pour progresser dans cette
communion.

4
- Les structures existantes
Les orientations prises lors du « synode annuel de maison » pourraient être revisitées au
cours de l’année pour faire le point sur leur intégration et leur mise en œuvre. La relecture
d’événements communautaires (missions, apostolats, rencontres, etc.) est encouragée pour
progresser ensemble.
Une question statuaire importante a été pointée. Bien que les laïcs soient des membres
associés de la Famille Ecclésiale « Communauté des Béatitudes » il conviendrait d’analyser
comment davantage les intégrer aux décisions lors de l’assemblée générale quadriennale,
notamment pour l’élection du Président de la Communauté.

- La vie fraternelle
La synodalité invite ceux qui sont en position de gouvernement à prendre des décisions
où toutes les parties sont écoutées, pour ainsi rétablir une relation de confiance à l’égard de
l’autorité. Il est important de donner la parole à ceux qui la prennent plus difficilement, à ceux
qui ne sont pas dans des postes de responsabilité. Il nous faut apprendre à écouter l’autre avec un
cœur ouvert, sans a priori, savoir patienter et attendre. Écouter ne veut pas dire tout accepter
mais rester ensemble à l’écoute de l’Esprit Saint pour discerner ensemble la volonté du Seigneur.
L’intégration des nouveaux, en particulier ceux de culture étrangère, demeure importante.
Dans ce sens, la création de temps gratuits est bénéfique, pour mieux se connaître et s’accueillir
dans toutes nos différences. Il faut aussi mieux considérer la place des membres âgés parmi nous.

5
II. Ce que l’Esprit Saint inspire à la Communauté sur la synodalité

- Un appel particulier
La Communauté des Béatitudes, du fait de la présence de différents états de vie, est
appelée à vivre de manière particulière l’esprit de synodalité. Le témoignage d’une vie fraternelle
dans une grande diversité d’états de vie, de cultures, et d’âges, réclame en effet une ouverture et
une attention aux différences et à l’ouverture aux autres. Nous avons déjà évoqué que les Statuts
qui articulent et précisent les modalités de notre vie sont un moyen concret de mettre en pratique
cette mission spécifique. Le partage des responsabilités entre les trois états de vie est important,
de même que la pratique d’apostolat ensemble, pour donner un témoignage authentique de notre
vie.
Pour mieux répondre à son charisme, il est apparu important à la Communauté des
Béatitudes de bien séparer et clarifier l’identité et la mission propre de chaque état de vie, et de
les respecter en proposant des lieux de vie adaptés, des temps particuliers, etc. En effet, l’unité ne
peut se faire sans une claire différentiation qui permet à chacun de se situer dans sa vocation
propre. L’unité est à l’opposé de l’uniformité. Elle exige de renoncer à une conception égalitaire
des appels et des missions, à l’esprit de comparaison ou de rivalité. Elle se construit en apprenant
que les différences sont source de richesse et de vie, et qu’elles sont aussi signe de vie dans
l’Esprit. Cette communion ne devrait pas être fondée sur un esprit de revendication, mais sur un
service mutuel. L’écoute de tous les membres d’une maison est fondamentale, et doit intégrer les
plus fragiles et les plus jeunes, même s’il faut y consacrer du temps. Cette attitude spirituelle,
édifiée sur une écoute intérieure, permettra de ne jamais s’habituer aux grâces reçues. Cela
demande d’être prêts à se remettre en question, et de faire mémoire de la présence de l’Esprit
Saint dans la vie de tous les jours.
Le silence est d’une certaine manière nécessaire pour cultiver cette attitude. Cependant, il
faut discerner entre différents types de silence. Il peut y avoir des silences hostiles, signes de
fermeture, et des silences de vie, pour l’écoute de l’Esprit Saint. Il ne faut pas garder le silence
par crainte de l’ouverture aux autres ou par manque de confiance, mais apprendre à parler de
manière adéquate. Cette confiance est fondamentale pour établir une bonne communication, et
pour que chacun ait l’espace de parole suffisant pour ouvrir son cœur en cas de besoin, sans
crainte d’être jugé. Ce point appelle à une formation particulière des responsables et de chacun.

- L’exercice de l’autorité et de l’obéissance


Du fait de la présence de différentes vocations dans une proximité géographique, il faut
apprendre la forme d’autorité et d’obéissance correspondant à notre appel, en l’adaptant à la
souplesse et à l’ouverture nécessaire à notre Communauté. Il apparait que ce point est
névralgique pour une bonne croissance. Les nouveaux statuts nous encouragent à entrer dans une
plus grande maturité de la pratique de l’autorité et de l’obéissance en respectant la tradition,
c’est-à-dire en la renouvelant pour l’adapter aux contextes nouveaux du récent développement

6
ecclésial. Nous sommes invités à pratiquer l’obéissance dans l’ouverture, en acceptant de
changer nos anciennes façons de fonctionner.
C’est un appel et un défi à vivre dans la liberté et la responsabilité en pratiquant
l’obéissance. Les deux termes-clés de « collégialité » et de « subsidiarité » peuvent aider à
pratiquer un discernement, que ce soit de la part des responsables, ou de ceux qui vivent sous
l’autorité. Cela consiste à laisser une part d’autonomie et de responsabilité à ceux à qui on
demande d’accomplir une tâche, sans intervenir dans la manière de s’y prendre pour atteindre le
but (dans la mesure du raisonnable). De cette manière, on fait grandir la responsabilité de celui
qui l’accomplit, libre de prendre des initiatives (raisonnables) et de développer une créativité
personnelle source de liberté et d’épanouissement pour tous. La personne sollicitée aura plus à
cœur de bien remplir sa tâche, et sera gratifiée du résultat. Elle cherchera à être à la hauteur de la
confiance qui lui est faite. Le manque de responsabilisation peut conduire à des conduites
infantiles, à des manques de respect, des conflits, des fermetures qui peuvent nuire à la qualité de
la vie communautaire. Cela est vrai pour ceux qui exercent l’autorité, mais aussi bien sûr, pour
ceux qui lui répondent. La formation pourra tendre à aider chacun à assumer une part de
responsabilité et de liberté, d’écoute de ce qui est demandé et de confiance mutuelle.
Pour une bonne dynamique, il a été suggéré que les mandats des responsables soient
renouvelés de manière équilibrée. La collégialité et la délégation des responsabilités peut
permettre à des personnes nouvelles d’être en charge. L’exercice de la coordination des
différents états de vie dans un lieu communautaire est une nouveauté qu’il faut apprendre
puisque le contexte de vie est inédit, chaque état de vie étant représenté par son responsable
propre. Une formation adaptée à l’écoute est toujours encouragée pour apprendre à « marcher
ensemble ».

- L’équilibre entre charisme et institution


Les nouvelles structures sont au service du développement de la vie dans l’Esprit. Elles
sont une discipline permettant de réguler et d’ordonner la vie quotidienne pour une plus grande
liberté. Cet équilibre est toujours à recevoir de nouveau. On a noté que les nouvelles générations
et certains contextes culturels dans lesquels notre Communauté est implantée ont tendance à
privilégier la dimension institutionnelle et la discipline, peut-être par réaction au fait de se
trouver souvent en minorité en tant que consacrés ou laïcs catholiques dans des sociétés
déchristianisées. Ce serait un moyen de trouver une forme de sécurité dans une identité plus
forte. La dimension d’ouverture au monde par des missions ou la participation à des événements
ecclésiaux ou culturels est importante pour susciter des vocations nouvelles, et elle constitue une
aide précieuse pour un bon équilibre de la vie communautaire.
La pratique de la synodalité constitue un défi pour l’Église, celui de se démarquer des
mentalités modernes de productivité et de rentabilité pour entrer dans un esprit d’écoute de
l’Esprit Saint et des personnes partageant notre vie. Elle témoignera de la liberté chrétienne qui
ne se laisse pas enfermer dans des schémas déterminés par avance. Elle permettra de cultiver un
esprit d’ouverture aux signes des temps, et d’adaptation aux besoins et aux appels du monde
d’aujourd’hui.

7
III. Comment l’Esprit Saint invite l’Église en synodalité

À partir de l’expérience de vie de la Communauté des Béatitudes, aujourd’hui Famille


Ecclésiale de vie consacrée, nous pouvons tenter d’énoncer quelques points très concrets pour
comprendre comment l’Esprit Saint invite l’Église en synodalité, en particulier l’Église locale ou
la communauté paroissiale.
Notre vie communautaire entre tous les états de vie, représentant l’ensemble du peuple de
Dieu, peut inspirer l’Église locale ou la communauté paroissiale selon divers angles de vue, que
nous proposons ci-dessous. La démarche synodale nous semble déjà bien vécue, même si le but
de la sainteté n’est jamais atteint ! Mais qu’il est beau et grand de voir « marcher ensemble » les
laïcs, les consacrés, les responsables de service, les prêtres et diacres, les enfants, les jeunes et les
anciens, pour être ensemble disciples-missionnaires du Christ !

- Prophétie
Le témoignage de la vie fraternelle, lors de l’accueil de visiteurs aux motivations très
variées, nous dit que l’amour vécu et la joie manifestée sont sources de lumière, de paix et même
de guérison par rapport à d’antiques blessures en Église. L’Église tout entière est ainsi appelée à
vivre la joie de l’Évangile de manière prophétique, concrète, ouverte, sans discrimination et sans
condition. C’est une chance de vivre dans la diversité des âges, sexes, cultures, compétences
professionnelles, etc.
Bien entendu, on ne peut pas accueillir tout le monde, ni être disponible de la même
façon tout le temps. Mais une Église locale ou une communauté paroissiale riche de la variété de
ses membres, peut toujours trouver l’un ou l’autre en remplacement d’un membre absent. Ainsi
la richesse de la vie fraternelle ne s’éteint jamais et l’amour de Dieu ne cesse de se répandre. Le
souci et la recherche de l’unité sont des valeurs précieuses à ne pas négliger ni par temps de crise
ni par temps de bénédictions.

- Écoute de l’Esprit Saint


Cela est possible grâce à l’habitude de prier et d’écouter l’Esprit Saint qui conduit nos
vies et nous aide à faire confiance aux frères et sœurs que le Seigneur nous a donnés. En l’Église
locale ou en paroisse, pas plus qu’en communauté, on ne choisit ceux avec qui nous partageons
au quotidien les différentes tâches. Mais la répartition des responsabilités même les plus petites,
fait grandir chacun et le motive à se donner toujours davantage. Puis, la relecture de ce vécu
ensemble est une aide précieuse pour vérifier la justesse des attitudes dans la démarche de
relation chrétienne et évangélisatrice.
Sans se juger, ni estimer une vocation supérieure à une autre, l’Église locale ou la
communauté paroissiale peuvent en vérité faire grandir chacun dans la joie du don, dans l’amour
de Dieu et du frère, dans ce qui donne sens à nos vies. Il faut aussi se donner les moyens de sortir
des schémas habituels, des vieilles habitudes, du « on a toujours fait comme ça », de « la chasse
gardée », c’est-à-dire que les jeunes soient à l’écoute du passé qui habite le cœur des plus
anciens, et que ceux-ci soient à l’écoute du présent qui jaillit dans le cœur des plus jeunes,
comme nouveau don du Saint Esprit. N’ayons pas peur des échanges intergénérationnels,
encourageons-les.

8
- La liturgie
Un autre point ressort de nos expériences sur tous les continents, c’est la nécessité de
soigner la beauté de la liturgie qui rassemble tout le peuple de Dieu, ceux qui sont près et ceux
qui sont plus loin ou juste de passage. De nombreuses vocations ou de retours à l’Église sont nés
aussi grâce à la beauté de l’Eucharistie, de la prière, des gestes, des chants, de la décoration, de
l’accueil. Dans les paroisses, il peut y avoir des gens plus sensibles et compétents à cette
dimension. Il est souhaitable, alors, qu’ils prennent toute leur place, qu’ils aient une bonne
formation spécifique, pour rendre les offices et leur église plus révélateurs de la présence de Dieu
et de son amour pour l’humanité.

- Les pauvres
La grâce des grâces pour progresser dans l’amour du Seigneur et des frères, est l’attention
particulière pour les pauvres. Quand ils ont leur place au milieu de nous, la vie fraternelle est
beaucoup plus simple et vraie, même si elle est plus exigeante. Parmi les membres de nos
assemblées, il y a des pauvretés cachées, qui par ailleurs peuvent être des trésors de prière.
Nous le voyons en particulier dans les pays du tiers-monde, mais cela est crucial dans nos
pays riches : les plus pauvres ne sont pas toujours ceux que l’on pense. À chacun de nous d’y
être très attentif, de se laisser interpeller et même bousculer pour que la communauté soit un
« vivre avec », un lieu où le Seigneur aime s’asseoir parmi les plus petits. Ces communautés-là
portent beaucoup de fruits pour le Royaume et attirent des vocations diverses et variées.

- « En sortie »
Développer l’Église locale ou la communauté paroissiale « en sortie », sur l’expérience
de nos communautés nouvelles qui se fréquentent, se visitent, ou simplement se portent
mutuellement dans la prière. Surtout pour les paroisses de petite taille, on pourrait envisager
d’être en contact avec la ou les paroisses voisines pour vivre des temps forts de louange, de fête,
de détente, de pèlerinage, de services mutuels, de jeux pour les enfants et les jeunes, etc. (comme
cela se pratiquait dans le temps !).
Cela aide à sortir du piège de l’esprit de chapelle, cela renforce le sentiment
d’appartenance et donne plus de largeur et de profondeur à notre sens de l’Église. Cela pourrait
aussi se faire avec nos frères protestants, ou orthodoxes, proches géographiquement. Ces
relations « gratuites » sont très payantes pour le témoignage chrétien et la croissance dans la foi,
l’espérance et la charité.

- La formation
Nos communautés ont beaucoup appris au fil du temps pour mieux positionner chaque
membre, en fonction de ses talents, des étapes de sa vie spirituelle, de ses désirs ou appels de
Dieu, de sa vocation spécifique. En paroisse, la variété est encore plus grande et nécessite une
attention particulière à l’équilibre de chacun et à la formation indispensable pour un service bien
assumé. L’amateurisme n’est pas le bienvenu ! Cela exige aussi que les responsables, bien
formés, soient attentifs à ce que chacun soit vraiment bien à sa place, soit heureux d’y être,
même si cela coûte des efforts consentis.

9
- Dialogue et communication
Cela suppose aussi que la communication entre tous les membres d’une même
communauté soit soignée, régulière. Qu’elle soit pratiquée de manière simple et compréhensible
par tous. Pour cette communication, il nous a paru utile d’apprendre à écouter, à équilibrer la
parole, afin de permettre à chacun de dire ce qu’il veut dire, même s’il n’est pas d’accord, afin
aussi de susciter la confiance de celui pour qui la parole n’est pas facile.
Ce que signifie encore que celui qui a un rôle d’autorité ou, plus, de facilité d’expression,
soit toujours ouvert au dialogue, à l’écoute bienveillante, à la souplesse tant envers la façon de
vivre les engagements qu’envers le temps nécessaire à chacun pour évoluer dans la main de Dieu
et la lumière de l’Esprit. Il peut y avoir des engagements ponctuels et d’autres plus permanents.
Cette attention est motivée par le désir de s’aider mutuellement à mieux vivre l’Évangile et à
mieux aimer le Seigneur.

- Le rapport à l’autorité
Dans toutes nos communautés, la relation avec l’autorité est à poser de manière juste et
constructive. L’exercice de l’autorité dans nos paroisses repose principalement sur le prêtre qui
en est le curé, mais également sur les responsables des différents services. Il faut donc aider
chacun à reconnaître cette autorité, à apprécier à sa juste valeur celui qui en est investi, à désirer
collaborer en toute sagesse et intelligence, à prier dans l’humilité et la générosité. Ainsi, l’écoute
réciproque et le dialogue sont constructifs, capables de résoudre les difficultés et de faire avancer
malgré les divergences d’opinion et même les conflits.

10
Conclusion

Des apports que nous avons reçus il ressort d’abord une expérience satisfaisante de
synodalité dans la Communauté des Béatitudes, due en partie au fonctionnement dicté par nos
Statuts généraux, et d’autre part à l’esprit fraternel qui arrive aujourd’hui à une maturité assez
remarquable, sans doute fruit du dépassement des crises.
La synodalité, nous l’expérimentons quotidiennement dans la richesse de la communion
des états de vie, la mixité, les divers âges et les diverses cultures, grâce à notre dimension
internationale. Les institutions qui nous sont propres et qui favorisent l’écoute et le dialogue
mutuels, sont des instruments qu’il faut encourager et développer avec créativité.
Il est évident que nous sommes tous pécheurs et donc pas encore parfaitement adéquats à
ce que nous demande la vie communautaire dans un esprit synodal. C’est pourquoi il est
nécessaire d’être toujours plus à l’écoute de l’Esprit Saint pour grandir de conversion en
conversion, et à la recherche de tous les moyens pour nous former humainement.
Les souffrances exprimées nécessitent une écoute et un discernement :
- la place des anciens dans nos maisons ;
- l’intégration des nouveaux, en particulier ceux de culture étrangère ;
- l’intégration des nouvelles formes d’appartenance à la Famille Ecclésiale ;
- la relation de plus grande confiance vis-à-vis de l’autorité ;
- la gestion des conflits.
Notre insertion dans l’Église avec obéissance et participation active à sa vie, que nous
entretenons par le vécu de notre charisme propre au service de la réalité ecclésiale locale, nous
aide à grandir, à avancer, à mieux servir, à être en phase avec les intuitions du Saint-Père d’être
« en sortie ». Que la Vierge Marie, Mère de l’Église, intercède pour nous alors que nous
cheminons ensemble sur la voie que Dieu ouvre devant nous.

11
Annexe : l’image de l’orchestre

L’image de l’orchestre pourrait symboliser la vie d’une « Église synodale ».


Le Père a appelé chaque membre, dans la liberté et la générosité du don de soi. Il nous a
choisis dès le sein maternel et nous a prédisposés à venir jouer notre partition dès notre baptême.
C’est bien la grâce de notre baptême qui fait de notre vie ecclésiale un chemin de sanctification,
celui que Dieu a choisi pour nous. Le Père nous donne aussi la nourriture nécessaire pour faire ce
chemin, par le moyen des sacrements.
Jésus est le modèle à suivre qui indique par sa Parole quelle conduite nous devons
adopter dans chaque détail de notre partition. Il est toujours avec nous pour nous encourager,
même s’il semble dormir dans la barque, pour faire grandir l’amour dans les cœurs et l’espérance
dans l’épreuve. Il nous invite à nous décentrer de nous-mêmes pour être à l’écoute de l’Esprit
Saint et ne rechercher que la gloire du Père. De même qu’Il a appris la fidélité à ses disciples, Il
nous invite à être ses amis, comme les enfants qu’Il aimait rassembler autour de lui et à qui Il
veut que nous ressemblions. Ainsi chaque musicien a besoin des autres et se trouve ajusté à
l’ensemble pour donner un témoignage d’amour divin qui attire les auditeurs, tentés de se joindre
à un groupe qui produit une si belle harmonie, impossible à réaliser humainement.
L’Esprit Saint est le chef d’orchestre. Il donne à chacun sa place et veille à ce que
chacun soit heureux et ouvert à tous les autres dans la charité. Il donne le ton et l’esprit de
l’œuvre à jouer. Il transmet la joie d’être tous attelés à la même tâche, et la vitalité pour donner le
meilleur de soi-même, en accord avec les autres. Il n’est pas nécessaire qu’il y ait un solo pour
que l’œuvre soit belle, au contraire c’est bien l’ensemble harmonieux qui émerveille, même si
chaque auditeur est touché davantage par un instrument plutôt qu’un autre. L’Esprit-Saint suscite
la créativité et l’audace évangélique. Dans cet orchestre on peut être appelé à changer de rôle ou
d’instrument, selon l’évolution intérieure et les appels spécifiques que Dieu nous adresse.
L’Esprit-Saint nous rend attentifs à accueillir le nouveau musicien en lui préparant la meilleure
place pour lui et en l’aidant à se sentir chez lui. Il faut toujours s’attendre aux surprises de
l’Esprit-Saint et s’en réjouir dans l’action de grâce, la confiance en ses dons et la docilité qui
nous rend libres.
Notons aussi qu’Il entend la fausse note et sait corriger avec délicatesse et patience celui
qui en est l’auteur, en prenant des moyens qui sont bien meilleurs que nos moyens humains
souvent blessants.

12
Approbation : Sr Anna Katharina Pollmeyer
Présidente
Communauté des Béatitudes
60, avenue du Général Compans
31 700 – Blagnac (France)

Rédaction : P. Nilson Leal de Sá (coordination)


Sr Agnès Bruyère
Marie-Anne Boever
Sylvaine Lacout

13

Vous aimerez peut-être aussi