Pls 380 09 Chocsamortis

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REGARDS

IDÉES DE PHYSIQUE

Des chocs amortis... en toute sécurité


Comment diminuer les effets sur le corps humain d’une chute ou d’une collision ?
En amortissant ; ce qui signifie une immobilisation rapide, mais pas trop.
Jean-Michel COURTY et Édouard KIERLIK

F
ilets de protection ou harnais Lorsqu’une personne en mouvement de réaction du matelas, qui se déforme
de sécurité sont là pour nous pro- entre en collision avec un obstacle fixe, la lors de l’impact.
téger lors d’une chute. Ceintures transition à l’immobilité induit des forces Quelle doit être l’épaisseur du matelas ?
de sécurité et airbags font de intenses qui peuvent engendrer de graves Après une chute sous le seul effet de son
même lors des accidents de voiture. Leur blessures. Comment les éviter ? Regar- poids (produit de sa masse par l’accéléra-
rôle est d’éviter le ralentissement trop dons un cascadeur qui saute d’une grande tion g de la pesanteur), l’énergie cinétique
brutal provoqué par le choc contre un obs- hauteur. On a placé pour le réceptionner acquise par le cascadeur est égale au tra-
tacle ou un arrêt soudain : ils doivent donc et amortir sa chute un épais matelas gon- vail de son poids, c’est-à-dire au produit de
être conçus pour amortir... en douceur. Quels flable (voir la figure 1). Au lieu de s’im- cette force par la hauteur de chute. À l’ar-
principes guident la conception de ces sys- mobiliser instantanément, le cascadeur rêt, l’énergie cinétique s’annule : le travail
tèmes de sécurité ? est progressivement freiné par les forces de la force de freinage – produit de cette
force par la distance sur laquelle elle
s’exerce – devra donc être égal à celui du
poids. Pour une personne entraînée, on
estime qu’il n’y a aucun souci si la décélé-
ration subie est inférieure à environ dix fois
l’accélération de la pesanteur (10gpour par-
ler comme les aviateurs).

Cascade sur matelas


La force correspondante est, en vertu des
lois de Newton, le produit de cette décélé-
ration par la masse du cascadeur. Par une
règle de trois, on en déduit que la distance
d’arrêt pour le cascadeur doit être d’au moins
un dixième de la hauteur de la chute. Ainsi,
pour un saut d’une hauteur de 11,5 mètres,
correspondant à un immeuble de quatre
Dessins de Bruno Vacaro

étages, la vitesse à l’impact est de 15 mètres


par seconde, soit 54 kilomètres par heure,
et la distance d’arrêt minimale est d’un peu
plus d’un mètre. En pratique, comme la force
1. POUR ÉVITER LES DOMMAGES corporels lors 2. AFIN DE S’ASSURER contre une chute avec exercée n’est ni constante ni maximale dès
d’une chute, la décélération à l’impact ne doit pas un amortissement supportable, les alpinistes le contact avec le matelas, une épaisseur
dépasser une dizaine de fois l’accélération g de utilisent des cordes qui, par élasticité, s’allon-
la pesanteur. On en déduit que la distance sur gent d’environ 40 pour cent en cas de chute d’une de matelas de 1,5 à 2 mètres s’impose.
laquelle l’immobilisation se produit, donc l’épais- hauteur égale au double de la longueur de corde. Pour se protéger des chutes involontaires,
seur du matelas de réception, doit être au moins Pour une descente en rappel, en revanche, une on a les mêmes contraintes. Comme il est
égale au dixième de la hauteur de chute. telle élasticité est indésirable. impossible de placer d’épais matelas au bas

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Regards

de toutes les falaises ou de tous les chantiers,


les alpinistes ou les travailleurs du bâtiment
sont équipés de harnais. Des cordes relient
ces harnais à la paroi ou à l’édifice. Elles doi-
vent être solides, tout en permettant une
immobilisation progressive qui respecte les
distances minimales d’arrêt précédentes :
ces cordes sont donc élastiques, mais pas
trop (voir la figure 2). Ainsi, les cordes per-
formantes disponibles actuellement sur le
marché s’allongent de près de 10 pour cent
lorsque l’alpiniste s’y suspend, et de près de
40 pour cent lors d’une chute test calibrée
(hauteur de chute égale à 1,77 fois la longueur
de la corde). Elles exercent au cours de
cette chute une force maximale de 8000 new-
tons sur une personne de 80 kilogrammes,
soit l’équivalent d’une décélération de 10g,
sans risque pour l’alpiniste.
3. EN CAS DE COLLISION, il faut que le passa-
Des cordes élastiques ger du véhicule subisse une décélération sup-
portable, ce qui nécessite une ceinture de sécurité
Cette élasticité a un inconvénient pour les adaptée et une distance d’arrêt supérieure à un
longues descentes en rappel, c’est-à-dire certain seuil. Mais compte tenu de cette distance
lorsque c’est la corde qui soutient tout le poids d’arrêt du corps du passager, le choc avec l’ha-
bitacle doit être évité. L’avant du véhicule est
de l’alpiniste, celui-ci étant suspendu dans conçu pour se déformer et s’écraser, ce qui per-
le vide ou les pieds en appui sur la paroi: l’élas- met à l’habitacle, qui est rigide, d’avancer et ainsi
ticité de la corde peut provoquer un effet de d’éviter son contact avec le passager. Un airbag
yo-yo à chaque fois que l’alpiniste interrompt complète le dispositif pour protéger la tête.
sa descente. Les alpinistes et surtout les
spéléologues préfèrent alors des « cordes sécurité est de retenir le conducteur et les
statiques », beaucoup moins élastiques passagers pour les empêcher de percuter
puisque leur allongement sous l’effet du poids l’habitacle, en garantissant un ralentisse-
n’est que de un à deux pour cent. Ces cordes ment adapté (voir la figure 3).
peuvent ainsi être moins épaisses et plus
légères que les cordes qui servent à s’assu- Atténuer l’accident
rer. Il est impératif de ne pas les utiliser
pour s’assurer : le ralentissement (au-delà de voiture
de 100g) en cas de chute serait trop brutal. La tension de la ceinture de sécurité, selon
Nous sommes maintenant parés pour les normes les plus strictes de l’Association LES AUTEURS
analyser la collision entre un véhicule et Euro NCAP (European New Car Assesment Pro-
un obstacle immobile. Le premier effet de gram), ne doit pas dépasser 4000 newtons.
la collision est de stopper le véhicule. Si le Pour un passager sanglé par le torse et le bas-
passager n’a pas attaché sa ceinture de sécu- sin à deux points d’attache, cela correspond
rité, il n’est soumis à aucune force horizon- à une force totale maximale de 16 000 new- Jean-Michel COURTY
et Édouard KIERLIK
tale. Il continue son avancée à vitesse tons, soit 20g pour un homme de 80 kilo- sont professeurs de physique
constante et va heurter l’avant de l’habitacle grammes. Pour cette force de freinage, la à l’Université Pierre
qui, lui, s’est immobilisé. Pour une vitesse distance d’arrêt théorique est de 60 centi- et Marie Curie, à Paris.
de 54 kilomètres par heure, typique des mètres et, en pratique, d’au moins 80 à
crashs-tests, ce choc est, comme on l’a vu, 100 centimètres.
équivalent à une chute d’une hauteur de La distance d’arrêt est supérieure à la Retrouvez les articles de
11,5 mètres ! Le rôle de la ceinture de longueur des bras, donc à la distance entre fr www.pourlascience.fr
J.-M. Courty et É. Kierlik sur

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Regards

 SUR LE WEB le torse et le volant. Comment alors éviter ture soit sous tension, le véhicule est équipé
le choc entre eux ? Il suffit qu’au cours de de dispositifs de « prétension ». Dès que le
Informations techniques sur les la collision, le volant lui aussi avance ! C’est choc est détecté par des accéléromètres,
tests de l’Association Euro NCAP :
http://www.euroncap.com/ pourquoi l’habitacle des voitures modernes des prétensionneurs de ceinture se met-
tests.aspx est rigide, afin que le siège ne s’approche tent en action : des dispositifs électroniques
http://www.crash-test.org/ pas du volant, tandis que l’avant du véhicule et mécaniques amènent rapidement la cein-
a été conçu pour se déformer et s’écraser. ture à la tension optimale, avant que le pas-
Des mesures sur un crash-test de véhicule sager ait trop avancé par rapport à son siège.
 BIBLIOGRAPHIE léger montrent ainsi que lors de la colli- Ensuite, lors du choc, le corps et le cou
sion, la décélération de l’habitacle augmente se plient, et la tête part en avant : d’une
N. Bogduk et N. Yoganandan, jusqu’à un maximum de 40g. Pendant la masse d’environ cinq kilogrammes, la force
Biomechanics of the cervical
spine Part. 3: Minor injuries, durée du choc, d’environ 0,08seconde, l’ha- nécessaire pour l’arrêter à 20g est de l’ordre
Clinical Biomechanics, vol. 16, bitacle s’est déplacé de plus de 70 centi- de 1 000 newtons. Cette force ne provoque
pp. 267-275, 2001. mètres, ce qui suffit pour éviter le contact pas de lésions fatales, mais une flexion du
entre le conducteur et le volant. cou. On complète donc le dispositif par un
Pour être totalement efficace, ce sys- airbag qui évite les chocs de la tête contre
tème est complété par deux dispositifs. le pare-brise, le volant ou les genoux. Ces
Durant la conduite normale, la ceinture n’est airbags permettent aussi d’amortir les chocs
pas tendue. Afin d’éviter que le corps ne latéraux pour lesquels l’espace de sécu-
s’éloigne trop du siège avant que la cein- rité est plus réduit. I

et le Palais de la Découverte vous invitent

le mardi 16 juin 2009 à 18 h 30

Culture humaine,
culture animale :
où est la limite ?
En partenariat avec

Avec Georges Chapouthier


Biologiste et philosophe, directeur de recherche au CNRS

Entrée libre • Inscription obligatoire à culturehumaine@palais-decouverte.fr


Palais de la Découverte • Avenue Franklin-D.-Roosevelt • 75008 Paris • www.palais-decouverte.fr

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