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Évaluation de la dynamique du littoral occidental oranais à l'aide des techniques géospatiales

Zakaria SMAHI
MCA
Département de Génie Physique
Faculté de Physique, USTOMB
Oran, Algérie
smahi@mail.com
Fatima ACHOURI
MCB
Département de Génie Civil
Faculté des Sciences et de la Technologie
Université Mustapha Stambouli, Mascara, Algérie
Achourifati@yahoo.fr
Nassima TRIKI
Attachée de Recherche
CRASC Oran, Algérie
trikinassima@gmail.com

Résumé : Le littoral occidental oranais qui est caractérisée par des unités morphologiques variées constitue
une zone particulièrement intéressante pour l’étude et la compréhension de l’influence naturelle et
anthropique sur sa dynamique. La croissance démographique galopante, l’augmentation des activités
économiques et touristiques et aussi, l’urbanisation croissance ont conduit ces dernières années à des
modifications de l’espace naturel et aussi à une dégradation de l’environnement de certaines plages de ce
littoral. Ce travail propose une approche qui associe à tous les niveaux les SIG et la télédétection et qui est
basée sur la mesure de l’évolution du trait de côte des plages de la baie d’Ain El Turk à la Baie des
Andalouses utilisant à la fois des données satellitaires à résolution multi-temporelle (TM et OLI) et du
système d'information géographique (SIG) pour la période des 31 dernières années, c’est-à-dire de 1985 à
2023. A partir d’analyses statistiques basées sur les variations du trait de côte, calculées à partir des deux
méthodes EPR et LRR du système DSAS, l’étude de la dynamique côtier a montré d’une part , un recul et
un démaigrissement des plages généralisé atteignant à certains endroit une vingtaine de mètres par an dans
les secteurs de Cap Falcon et Ain El Turk entre 1985 et 2016 et d’autre part, Une nette accrétion dans ce
secteur en 2023. Cette étude démontre que l’utilisation combinée de l’imagerie par satellite et de méthodes
statistiques telle que la régression pour l'analyse du changement de rivage est utile pour la surveillance de
l'érosion et les mesures préventives.

Mots clés: Trait de côte; SIG; image satellitaire; littoral; DSAS

1. INTRODUCTION
Au cours des dernières décennies, l’occupation de plus en plus dense du littoral par les sociétés humaines
a fait de la question de l’étude de la dynamique côtière un élément déterminant en matière de gestion du
littoral. L’espace littoral occidental de la corniche oranais n’échappe pas à cette situation où Il connait une
importante fréquentation humaine non seulement en saison estivale mais aussi le reste de l’année.
Dans un tel contexte, l’analyse et l’étude de la dynamique côtière et, à travers elle, la connaissance des taux
et tendances d’évolution du trait de côte, apparaissent comme un préalable utile à l’aménagement du littoral.
L’objectif de cette étude est de déterminer les vitesses et tendances d’évolution du trait de côte du secteur
du littoral occidental de la corniche oranaise allant de la baie d’Ain El Turk à celle des Andalouses durant
la période entre 1985 et 2023 où le secteur d’étude a été découpé en cinq zones de longueur variant entre
environ 2 et 6 km. Ce sont : sur la côte ouest de la Baie des Andalouses la plage de même nom, sa partie
orientale, les plages de Bousfer et de Coralès et le long de la Baie d’Oran orientale, les plages de Cap Falcon
et d’Ain El Turk (Figure 1).
En effet, des études réalisées sur la question ont montré qu’il existe plus d’une douzaine de lignes de
références matérialisant la position du trait de côte (Himmelstoss, 2018 ; Thieler, et al., 2003 ; Fletcher et al.,
2003 ; Boak et al., 2005) Il s’agit donc de mettre au point une méthode d’extraction et de suivi du marqueur
utilisé selon le type de côte, le matériel et les données disponibles. Il existe en effet une diversité de
méthodes pour détecter, extraire, et suivre la dynamique du trait de côte (Moore 2000 ; Le Berre et al., 2016)
La méthode utilisée dans ce travail s’appuie sur les techniques de photo-interprétation et du traitement
numérique au sein d’un système d’information géographique (SIG) en se basant sur l’utilisation des
méthodes statistiques et le calcul de la marge d’erreur.

1.1. Présentation du Secteur d’Etude


La côte occidentale oranaise se situe au Nord-Ouest de l’Algérie couvrant un linéaire de 50 Km
d'environ. Le rivage étudié couvre environ 25 km de ce tronçon qui est limitée au Nord par la mer
Méditerranée, au sud par la pleine de Bousfer, à l’Ouest par la Baie des Andalouses et à l’Est par la baie des
aiguades. La zone d’étude se situe entre les latitudes 35º 42 'et 35º 46' Nord et entre les longitudes 0º 43 'et
0º 55' Ouest (Figure 1).
Figure 1. Localisation de la région d’étude.

2. MATÉRIELS ET MÉTHODES
Dans cette étude, deux types de données ont été utilisées pour étudier le rivage durant 38 ans (1985 à
2023). Les images satellites ont été téléchargées à partir du site web de l'USGS à partir d’une collection
d’images satellites du fournisseur d’images Digital Globe. Ainsi, les images qui ont été disponibles sont
fournies en mode combiné (Panchromatique/Multispectral) avec une résolution au sol avoisinant deux
mètres prises respectivement en mois de mai. Les années 2003 et 2016 ont été retenues pour être des dates
intermédiaires dans la période d’étude (1985 et 2023). Les cartes topographiques à l’échelle du 1/25000 ont
été utilisées pour l’année de référence de 1985.
La méthodologie adoptée pour l’extraction et l’analyse du trait de côte est basée sur le traitement des images
satellitaires, la création de la base de données et la mesure de l’évolution par l’utilisation de deux méthodes
statistiques en particulier la méthode des points extrêmes (EPR) et la régression linéaire simple (LRR).Cet
enchainement est illustré sur la figure 2. Lors du géoréférencement, la rectification des images satellitaires a
été effectuée en deux temps. Les images les plus récentes de chaque site ont été rectifiées pour créer un
référentiel de base (correction image – carte). Puis, les images anciennes ont été calées sur les images
récentes rectifiées (correction image à image). Les images géoréférencées sont ensuite intégrées dans un
système d'information géographique. Par la suite, les thèmes d'étude sont extraits selon une méthode
manuelle qui consiste à interpréter les images et à numériser les traits de côte.

Figure 2. Méthodologie adoptée.

En effet lors de l’utilisation des images spatiales et des cartes topographiques ainsi que l’automatisation
des traitements entraine un certain nombre d’erreurs liées essentiellement à la qualité des données utilisées,
au géoréférencement des images et aussi au repérage du trait de côte ainsi qu’à l’introduction de l’outil SIG.
En conséquence, la totalité de ces erreurs ont été évaluées par l’estimation d’une marge d’erreur globale qui
a été pris en compte dans l'interprétation des résultats (Tableau 1). En effet, l’erreur globale appelée Erreur
de Position Globale du Trait de côte est calculée en prenant la racine carrée de la somme des carrées de
chaque erreur (Juigner 2012 ; Fletcher et al., 2003).
Dans cette étude, la limite sec/humide qui se rapproche de la ligne élevée de pleine mer (HWL) a été
extraite à l’aide de méthodes semi automatiques et manuelles. La délimitation automatique des rives est un
processus complexe en raison de la présence d'une zone saturée en eau à la limite terre-eau (Maiti &
Bhattacharya, 2009). La ligne (HWL) a donc été adoptée car il était relativement facile de la distinguer sur
toutes les images sous forme de ligne humide / sèche. Ainsi, dans ArcGis, les rives extraites étaient
superposées sur l’image satellite (Smahi, 2019).
Figure 3. Exemple de transects et d’une ligne de base générés par le DSAS.

Par la suite, la ligne de base a été créée et servie de point de départ pour générer des transects. Puis, pour
chacune des sections d’étude, des transects ont été développés perpendiculaire à cette ligne de base tous les
50 mètres (Figure 3). L'analyse a été réalisée par utilisation du logiciel SIG d'ArcGIS et de son système
d'analyse de rives numériques (DSAS 5.0). Ce dernier est un logiciel qui calcule les statistiques de taux de
changement de plusieurs positions de rivage historiques résidant dans des SIG (Thieler & al., 2009).
L’outil DSAS 5.0 dispose de six approches statistiques pour calculer les changements. Dans cette étude, le
taux du point extrême (EPR) et le taux de régression linéaire (LRR) ont été utilisés. L’indice EPR est calculé
en divisant la distance parcourue par le littoral par le temps écoulé entre le plus ancien et le plus récent du
trait de côte (Figure 4). Le LRR utilise toutes les données disponibles pour calculer le taux de changement à
long terme en ajustant une droite de régression des moindres carrés à tous les points du rivage pour un
transect particulier (Thieler &Danforth, 1994) (Figure 5). Ainsi, calculant le taux d’évolution
annuelle de la ligne de référence le long de chaque transect, l’EPR est donc plus pertinent lorsqu’on analyse
la cinématique littorale pour plus de deux dates. En effet, la méthode de calcul tient compte de la distance
évolutive du trait de côte sur toute la période considérée (Faye et al., 2010).
Tableau 1. Estimation des erreurs inhérentes a la méthode de délimitation du trait de côte.

Type d’erreur Année Valeur estimée (m)


Document de référence
1 ±2,25
(carte topographique et image)
Calcul du modèle polynomial
2 ±1,00
(Erreur RMS)
1985 ± 4,72
2003 ± 5,62
3 Digitalisation du trait de côte
2016 ± 4,46
2023 ±0,5
1985 ± 7,97
2003 ± 8,87
Marge d’erreur globale
2016 ± 7,71
2023 ± 3,75

L'analyse des modifications du trait de côte a été calculée en mesurant la distance entre chaque rivage
d'époque différente le long des lignes de profil. Les taux des changements de rivage pour chaque profil, qui
ont été rassemblés en utilisant la distance mesurée, ont ensuite été divisés avec le décalage horaire des
images. Les zones étaient divisées en plusieurs segments pour expliquer si ces zones sont stables et érodées,
ou si un processus d'accrétion a eu lieu dans les zones.

Figure 4. Exemple du calcul de l’indice EPR sur la baie d’Ain El Turk.


Figure 5. Exemple du calcul de l’indice LRR la baie d’Ain El Turk.

3. RESULTATS ET INTERPRETATION
Dans le secteur des Andalouses, les résultats obtenus montrent qu'environ 89% des transects ont connu
des variations dans le sens du recul des plages d'environ 20,2 m entre 1985 et 2016 par la méthode d’indice
EPR et 16,6 m avec le calcul du paramètre LRR (Figure 6). Quant au secteur de Bousfer, la côte est
globalement en recul (processus de transgression marine). Celui-ci est globalement de 16,2 m à 19,5 m sur
31 ans et en moyenne il est de 0,5 à 0,6 m/an où dans certaines zones les reculs ont atteint des pics jusqu’à
-45m (Figure 7).
Le secteur de la Grande Plage a connu une évolution diversifiée de sa côte. Le recul a concerné une
grande partie de la côte atteignant les 70% des transects avec des valeurs de 15 à 28 m localisé à Bomo
Plage et au sud de l’étoile plage (Figure 8). Le seul secteur qui a connu une avancée de la côte (34 m à 35
m) est celui qui est due à l’installation de deux épis au niveau des canaux de pompage de l’eau de mer de la
station de dessalement implanté sur la Grande Plage (Photo 1).
Par ailleurs, les résultats ont mis en évidence un recul généralisé entre 1985 et 2016 de la côte de la baie
de Cap Falcon soit un recul de 15,51 m ce qui donne une vitesse moyenne de ce phénomène d’environ 5,6
m/an (Figure 9). La seule évolution positive qui a atteint 13,5 m correspond à l’accrétion due à la présence
d’épis de la plage EDEN.
Si on considère l’analyse du secteur d’Ain El Turk entre 1985 et 2003 alors cela a montré l’allure régressive
de l’évolution avec 100% des transects représentant ainsi un recul global de 24,98 m et celui annuel de 1,39
m/an (Figure 9) à l’exception d’un seul secteur qui a présenté un léger engraissement des plages du
essentiellement à la mise en place probablement en 2000 d’épis à Paradis plage (Photo 2). Mais, on constate
aussi une nette accrétion du trait de côte le long de la baie d’Ain Turk entre 2016 et 2023 dont les epis et le
quai des Dunes plage (Photo 3) ont joué un rôle important (Figure 9).
Photo 1. Vue de l’Est de la Grande plage. (Photo prise le 20/11/2017).

Photo 2. Vue de la partie Ouest de Paradis plage. (Photo prise le 17/11/2017).

Photo 3. Vue de la partie Sud des Duness plage. (Photo prise le 03/10/2020).
Figure 6. Evolution du trait de côte de la plage des Andalouses entre 1985 et 2016.

Figure 7. Evolution du trait de côte à Bousfer plage entre 1985 et 2016.


Figure 8. Evolution du trait de côte du secteur Coralès - la Grande plage entre 1985 et 2016.

Figure 9. Evolution du trait de côte de la baie d’Ain El Turk entre 1985 et 2023.
4. CONCLUSION
Dans cette étude, l’utilisation de l'imagerie satellitaire multispectrale à haute et moyenne résolution et
l’outil SIG ont été utiles pour révéler les tendances des changements de rivage le long de la côte du littoral
occidental oranais. Cette approche pourrait également être reproduite sur toute la côte du littoral algérien.
Les résultats ont montré d’une part, un recul et un démaigrissement des plages généralisé atteignant à
certains endroits une vingtaine de mètres par an dans les secteurs de la baie d’Ain El Turk entre 1985 et
2016 et d’autre part, une accrétion généralisée en 2023 du essentiellement à l’installation des épis et le
nouveau quai de port. Alors que d’autres secteurs ont affiché une stabilité du trait de côte ou même une
progradation de la ligne de rivage en raison d’activités humaines tels l’apparition des épis perpendiculaires
au rivage issues de l’installation des canaux de pompage d’eau de mer pour l’usine de dessalement (La
grande plage) et aussi de nouvel épis construites pour la protection des plages (Eden plage, Les andalouses).
Ce recul général du littoral peut être expliqué principalement aux facteurs anthropiques majeurs. Ceci est
relatif à une baisse avérée des apports sédimentaires due principalement à la pression humaine par
l’évolution démographique qui s’est répartie préférentiellement sur la bande côtière où des constructions
massives se font apparaitre tout au long et même au pied des plages profitant ainsi pour certains des
extractions clandestine de granulats de sable à proximité.

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