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Giona Preisig
Centre d’hydrogéologie et de géothermie, Université de Neuchâtel
giona.preisig@unine.ch
17 mars 2021
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Fig. 1: Interaction entre ouvrage du génie civil et environnement géologique (photo prise depuis la
page de couverture du Quarterly Journal of Engineering Geology and Hydrogeology, Volume
50(3), Août 2017).
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Les thématiques géotechniques traités dans ce cours donnent l’accent sur les terrains meubles
du Quaternaire (ou ”sols” pour les ingénieurs), compte tenu que i) la grande majorité des tra-
vaux du génie civil en Suisse ont lieu dans le ”Quaternaire”, ii) la classification et le compor-
tement hydraulique et géomécanique des roches sont déjà traités dans les cours de ”Systèmes
aquifères fissurés et karstiques”, ”Rock and earthquake mechanics” et ”Hydrodynamique sou-
terraine” et iii) le peu de temps à disposition. La première partie du cours se concentre sur
la reconnaissance, la caractérisation et la classification des terrains meubles. La classification
est une étape indispensable permettant déjà de généraliser comment le terrain va se comporter
face à des sollicitations anthropiques ou naturelles : chargement par le poids d’un bâtiment,
gel-dégel, fluctuations des niveaux d’eau souterraine, etc. Les processus de déformation et de
rupture des terrains meubles ainsi que le rôle de l’eau souterraine seront approfondis dans la
deuxième partie : 2. La troisième partie 3 sera un aperçu des dangers naturels, notamment ceux
d’origine gravifique : glissements de terrain et chutes de blocs. Trois travaux pratiques et une
douzaine d’exercices s’intercalent aux aspects théoriques. L’évaluation du cours se fait par le
biais de 2 rapports individuels, 1 rapport traitant 1 travail pratique, et l’autre rapport traitant
4 exercices. Le tableau 1 synthétise le programme du cours.
Les attendus du cours sont : i) savoir décrire, caractériser et classifier les terrains meubles du
Quaternaire ainsi qu’estimer leurs propriétés géotechniques et hydrogéologiques, ii) connaı̂tre
les méthodes géotechniques de caractérisation et de mesure sur le terrain et en laboratoire, iii)
maı̂triser et quantifier les processus de déformation et de rupture des terrains meubles et iv)
différencier les types de dangers naturels et développer des connaissances de base sur la notion
de risque.
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1.1 Définitions
Les ingénieurs utilisent le terme ”sols” pour définir les agrégats de grains minéraux pouvant
être séparés sous l’effet d’actions mécaniques relativement faibles. Les sols à fraction grossière
dominante (p.e. : sables, graviers) présentent souvent des forces de cohésion très faibles, voir
nulles, alors que les sols à fraction fine dominante (p.e. : argiles, limons) présentent des forces
de cohésion plus marquées. La mécanique des sols est la discipline traitant le comportement
mécanique, p.e. la relation contrainte-déformation, pour ces matériaux géologiques, alors que
la mécanique des roches se focalise sur les roches. Pour les ingénieurs, une roche est un ag-
glomérats de grains minéraux liés par des forces de cohésion fortes et permanentes, même après
immersion prolongée dans l’eau (p.e. granites, calcaires). Les matériaux de transition entre sols
et roches sont nommés SIRT (sols indurés et roches tendres) et incluent typiquement les argiles
sur-consolidées ou les marne tendres.
1.2 Caractérisation
1.2.1 Caractéristiques physiques
Un terrain meuble résulte de la combinaison entre une phase solide (squelette minéral), une
phase liquide pouvant circuler ou pas entre les sédiments (en général de l’eau) et une phase
gazeuse (en général de l’air) :
Les vides/interstices entre les grains du squelette minéral constituent la porosité qui pourra
être rempli par de l’eau (p.e. zone saturée) ou un gaz (p.e. zone non-saturée) ou les deux à la
fois. Les interstices de la zone non-saturée sont dans la plupart des cas remplis par un mélange
d’air et de vapeur d’eau. On parlera de sol humide. Lorsque l’air domine, on parlera de sol sec.
D’autres phases mineures tel que les biofilms peuvent être présentes.
La figure 4 conceptualise un volume de terrain meuble où (gauche) W est son poids total,
Ws est le poids de la fraction solide (particules), Ww est le poids de l’eau et (droite) V est le
volume apparent, Vs est le volume de la fraction solide (particules), Vv est le volume des vides
et Vw est le volume de l’eau. Avec les relations suivantes :
W = Ws + Ww Vv = Vw + Va V = Vs + Vv = Vs + Vw + Va (2)
iii) Le poids volumique humide ou apparent, noté γ, qui est la somme des poids des particules
solides et de l’eau d’un volume unitaire apparent de sol et, est souvent la valeur retenue pour
la zone non-saturée :
γ = W/V (3)
La fourchette de valeurs pour le poids volumique humide du sable varie typiquement entre 17
et 20 kN/m3 et de l’argile entre 16 à 22 kN/m3 .
1 Partie I : Définition, caractérisation et classification des terrains meubles 8
La proportion de chaque phase de terrain meuble peut être décrite par le biais de quatre
paramètres : la porosité n ou φ, l’indice des vides e, la teneur en eau w et le degré de saturation
Sr :
— la porosité n ou φ qui permet de connaı̂tre l’importance des vides c’est à dire de savoir si
le sol est dans un état lâche ou serré. Elle est définie comme étant le rapport du volume
des vides au volume total :
n = Vv /V (6)
typiquement 0.2-0.5 pour les sables et 0.2-0.8 pour les argiles.
— Les sollicitations auxquelles sont soumis les sols produisent des variations du volume
des vides Vv , qui entraı̂nent des variations du volume apparent V ; aussi préfère-t-on
souvent rapporter le volume des vides non pas au volume apparent de l’échantillon mais
au volume des particules solides, lequel peut être considéré comme invariant. On définit
alors l’ indice des vides, noté e, dont la signification est analogue à celle de la porosité.
Il est défini et lié à la porosité par :
Vv
e = (7)
Vs
V ·n
e = (8)
V · (1 − n)
n
e = , et donc : (9)
1−n
e
n = (10)
1+e
(11)
1. le vocabulaire courant utilisé dans le milieu professionnel du bâtiment et travaux publiques confond assez
facilement poids volumique, masse volumique et densité. i) Le poids volumique est une force par unité de volume
[kN/m3 ]. ii) La masse volumique est une masse par unité de volume [kg/m3 ]. Selon que l’on se trouve sur Terre
ou sur la Lune, notre poids change mais notre masse est invariante. La densité est le rapport de la masse
volumique d’un matériau à celle de l’eau. Sa valeur numérique est égale à celle de sa masse volumique (ρw à
3,98 ◦ C = 1000 kg/m3 ).
2. la traduction anglo-saxonne de masse volumique est density.
1 Partie I : Définition, caractérisation et classification des terrains meubles 9
en général 0.5-1.0 pour les sables et 0.3-1.0 pour les argiles (13 à Mexico City).
— La teneur en eau, notée w, est le rapport du poids de l’eau au poids des particules solides
d’un volume donné de sol. Elle s’exprime en pour-cent :
100 · Ww
w= (12)
Ws
avec des valeurs de 1 à 15% pour les sables et 10 à 20% pour les argiles. Il est important
de noter que la teneur en eau peut dépasser 100% et atteindre plusieurs centaines de
pour-cents.
— Le degré de saturation Sr (ou saturation) indique dans quelle proportion les vides sont
remplis par l’eau. Il est défini comme le rapport du volume de l’eau au volume des vides.
Il s’exprime aussi en pourcent :
100 · Vw
Sr = (13)
Vv
Sr est typiquement 0% pour un sol sec et 100% pour un sol saturé.
Les paramètres sans dimensions définis ci-dessus sont les plus importants, car ils caractérisent
l’état dans lequel se trouve le terrain meuble, c’est-à-dire l’état de compacité du squelette ainsi
que les quantités d’eau et d’air contenues. Une argile très compacte avec un indice des vides
très faible ne va pas se consolider comme une argile lâche saturée en eau.
Il faut aussi remarquer que les paramètres précédemment définis ne sont pas indépendants.
Pour caractériser complètement un sol, la connaissance de trois paramètres indépendants est
nécessaire. Par exemple :
Puisque le poids volumique des particules solides (en dehors des particules organiques et
métalliques) varie entre des limites assez proches (26 kN/m3 < γs < 27 kN/m3 ), on peut donc
le considérer pratiquement comme constant (en général γs = 26.5 kN/m3 ). Dans ce cas, les
paramètres variables et indépendants d’un sol se réduisent à deux : importance des vides et
présence d’eau.
1 Partie I : Définition, caractérisation et classification des terrains meubles 10
La dimension des grains est illustrée à la figure 5 où les diamètres des grains sont présentés
en mm. Les limites correspondent à celles définies par la ”Unified Soil Classification System”
(USCS : voir section 1.4). La limite limon 3 -sable correspond également à la limite entre grains
fins et grossiers, respectivement.
Fig. 5: Fractions granulométriques basées sur la taille des grains. Les limites des classes des sols sont
celles de la classification USCS couramment employée en géotechnique et en hydrogéologie
pour la classification des terrains meubles (source de la figure : Parriaux 2006).
Caractéristiques granulométriques
La façon la plus courante d’analyse des caractéristiques granulométriques est la réalisation
d’une courbe granulométrique au moyen d’essais de tamisage et de sédimentométrie d’un
échantillon de terrain meuble. La courbe granulométrique représente le poids des tamisats
cumulés (échelle arithmétique) en fonction du diamètre D des particules solides (échelle lo-
garithmique pour une meilleure lisibilité des petites valeurs). Sur la figure 5 sont tracées trois
3. le terme limon est souvent utilisé en français et est synonyme de silt. Silt est le terme utilisé en anglais,
allemand et en italien.
1 Partie I : Définition, caractérisation et classification des terrains meubles 11
Fig. 6: Nomenclature pour la définition du tri et de l’arrondi selon le guide pratique pour les mesures
de terrain de l’association suisse des géologues CHGEOL.
Pour les sols sableux, Hazen a établi une formule expérimentale pour la détermination de
la conductivité hydraulique :
2
K = C · D10 (15)
où K est la conductivité hydraulique en cm/s, D10 est ici exprimé en cm et C est un coefficient
expérimental variant entre 0.4 et 1.2, en général : 1.0. A noter que la relation : éq. 15 est valable
1 Partie I : Définition, caractérisation et classification des terrains meubles 12
Dans le cas de sols humides non saturés (Fig. 7), l’eau est retenue sous forme de ménisques
au voisinage des points de contact entre les grains, par des forces de capillarité. Elle crée entre
ces derniers des forces d’attraction. Le matériau présente une cohésion capillaire (châteaux de
sable) qui est cependant négligeable devant les forces de pesanteur. Les sols à grains grossiers,
notamment les sables et les graviers, peuvent être considérés en général sans cohésion 4 . Un
4. en mécanique des sols, la cohésion est l’ensemble des forces qui unissent, maintiennent les grains ensemble.
La cohésion augmente la résistance du matériel à la rupture et résulte des forces de capillarité, électrostatiques
(argiles), cimentation par précipités ou encore de la présence de racines.
1 Partie I : Définition, caractérisation et classification des terrains meubles 13
sable/gravier sec ou complètement saturé est sans cohésion (dans la zone saturée la pression
d’eau annule la cohésion capillaire). Seul les sables/graviers humides peuvent comporter une
certaine (faible) cohésion.
Argiles
Types d’argiles
Le terme argile (Fig. 8) a un sens différent en minéralogie et en géotechnique. En géotechnique,
il désigne tous les grains détritiques de taille inférieure à 0.002 mm ; en minéralogie, les ana-
lyses montrent que beaucoup de particules inférieures à cette limite ne sont pas des minéraux
argileux alors qu’on trouve de véritables argiles au-dessus de cette taille. Les minéraux argileux
sont des phyllosilicates hydratés se présentant sous la forme de très petits cristaux en plaquettes
hexagonales (Fig. 8) ou en fibres. Les feuillets sont chargés électriquement comme des groupes
anioniques. Ils ont ainsi tendance à se repousser les uns des autres, donnant des structures très
lâches (gonflement). Ils présentent donc de hautes surfaces spécifiques, c’est-à-dire le rapport de
la surface des particules sur leur poids. Ils attirent volontiers les cations présents dans les eaux
interstitielles. Ceci favorise leur fonction d’échangeur d’ions, fondamentale dans la géochimie
des sols. L’observation et l’identification de ces minéraux sont effectuées essentiellement au mi-
croscope électronique, ainsi qu’au moyen d’analyse diffractométrique aux rayons X. Les espèces
minérales sont parfois bien déterminées, mais on trouve aussi toute une série d’hybrides struc-
turaux qu’on appelle les interstratifiés.
— L’illite (de Illinois, USA) : KAl[(Si,Al)4 O10 (OH)2 ]. C’est le minéral le plus commun des
argiles. Il provient de l’altération de minéraux sous des climats tempérés. Il domine la
fraction fine des roches sédimentaires détritiques comme les argilites ou les marnes. Tech-
niquement, il forme des agrégats de plasticité moyenne et peu sensibles aux phénomènes
de gonflement par absorption d’eau. On l’utilise dans l’industrie de la terre cuite dans
le domaine des matériaux de construction (briques, tuiles, etc.).
— La kaolinite (du chinois kao lin, signifiant colline élevée) : Al2 Si2 O5 (OH)4 . La kaolinite
provient de l’altération de roches magmatiques riches en feldspaths, sous climat tropi-
cal ou par hydrothermalisme. Elle a une plasticité faible. Lorsqu’elle est pure, elle se
1 Partie I : Définition, caractérisation et classification des terrains meubles 14
présente sous forme de poudre blanche. Elle est peu sensible aux modifications du mi-
lieu (déshydratation, modifications chimiques des eaux). Elle ne gonfle pas parce que ses
feuillets sont liés par des liaisons hydrogène fortes qui n’admettent pas d’eau. C’est le
minéral essentiel dans la fabrication de la porcelaine et des céramiques techniques. Il est
aussi utilisé dans l’industrie du papier.
— La montmorillonite (de Montmorillon, France) : Na(Al3 ,Mg)[Si4 O10 (OH)2 ]2 ,nH2 O. C’est
un minéral argileux du groupe des smectites dont la caractéristique principale est la capa-
cité d’adsorption d’énormes quantités de molécules d’eau dans sa structure, avec comme
effet le gonflement du minéral (Fig. 9). La raison est que les feuillets sont faiblement liés
par des ions K+. En fondation, les terrains contenant des montmorillonites donnent lieu
à des déformations importantes. La montmorillonite a une plasticité très élevée. A l’ori-
gine, la bentonite est une roche à montmorillonite qui résulte de l’altération de cendres
volcaniques ; dans le domaine technique, bentonite est devenue synonyme de montmo-
rillonite. On l’exploite en différents endroits du monde pour toutes sortes d’usages in-
dustriels, à l’état naturel ou après ajout de sodium, ce qui augmente encore sa plasticité.
Quelques utilisations : 1) boue de forage ou pour la creuse de parois moulées, permettant
la stabilisation des parois pendant l’excavation ; 2) agent plastifiant des bétons ; 3) ajout
au ciment dans les coulis d’injection ; 4) barrière de confinement dans le domaine des
sites contaminés et du stockage de déchets toxiques, notamment comme composant de
certains géotextiles ; 5) litières pour chats.
Fig. 9: Le gonflement des argiles se fait par hydratisation des cations absorbé sur les surfaces intérieurs
due a la bipolarité des molécules d’eaux (d’après Milnes 2008).
à la surface des grains par des forces d’attraction moléculaires. Les dipôles d’eau sont orientés
perpendiculairement à la surface des grains. Cette eau présente des propriétés très différentes
de celles de l’eau libre : i ) elle a une très forte densité : 1.5, ii ) elle est liée à la particule
(elle ne se déplace pas sous l’effet de la gravité), iii ) sa viscosité très élevée lui confère des
propriétés intermédiaires entre celles d’un liquide et celles d’un solide, est à l’origine de certains
comportements des sols argileux : fluage, compression secondaire, iv ) elle ne s’évacue qu’à
température élevée (vers 300◦ C). La couche d’eau absorbée joue un rôle de lubrifiant entre les
grains. Son influence est considérable sur les propriétés mécaniques du sol.
Les particules des sédiments argileux naturels ont une orientation plus ou moins floculée
suivant qu’elles se sont déposées en milieu marin ou en eau douce. Les argiles marines ont en
général une structure plus ouverte que les argiles déposées en eau douce.
Fig. 10: Orientations possibles des minéraux argileux (d’après Milnes 2008).
Fig. 11: Localisation et photo du glissement de Rissa en Norvège et exemple de ramollissement d’une
argile rapide (d’après Vuillet 2016).
Sols organiques
Lorsque les grains sont constitués de matière organique, le sol est dit organique. La présence
dans les sols de matières organiques, qui sont à l’origine de textures lâches et d’une importante
rétention d’eau, confèrent à ceux-ci une grande plasticité et une grande compressibilité. Pour
des études d’ouvrages importants où le critère de compressibilité est prépondérant (remblai sur
sol compressible par exemple), le dosage de matières organiques des sols appelés à supporter de
tels ouvrages est indispensable. La tourbe, résultat de la décomposition des végétaux, est un
exemple de sol organique ; elle est presque exclusivement composée de fibres végétales. La tourbe
peut perdre jusqu’à 20 % de son volume apparent lorsqu’elle est de-saturée et/ou asséchée. Une
telle compressibilité implique que des rabattements de quelques centimètres du niveau d’eau
souterraine dans un sol organique composé de tourbe suffisent pour provoquer des subsidences
de quelques centimètres en surface.
les argiles et les colloı̈des (particules très fines dont la floculation produit un gel).
On laisse la solution se décanter (figure 12). Le sable vrai se dépose dans le fond de la bu-
rette jusqu’à un niveau h2 qui peut être mesuré. Au-dessus du sable, se dépose le floculât gonflé
par la solution. On peut distinguer un deuxième niveau h1 qui sépare le liquide contenant le
floculât du liquide transparent de solution décanté. On détermine le rapport entre la hauteur
du dépôt solide h2 et la hauteur du niveau supérieur du floculât h1.
On définit quatre états caractérisant la consistance des sols fins. Pour des teneurs en eau
décroissantes :
1. état liquide : le sol a une très faible consistance et l’aspect d’un fluide. Il tend à se niveler
spontanément, les particules glissant très facilement les unes sur les autres.
2. état plastique : le sol a une consistance plus importante et ne tend pas à se niveler. Soumis
à de faibles contraintes, il se déforme largement sans se rompre et garde sa déformation
une fois les contraintes retirées. Les particules ont mis en commun leur couche d’eau
absorbée. Sous l’effet d’une déformation, les particules restent liées les unes aux autres
sans s’éloigner.
3. état solide avec retrait : le sol retrouve sa forme initiale après suppression des contraintes
(petites déformations plastiques).
1 Partie I : Définition, caractérisation et classification des terrains meubles 19
4. état solide sans retrait : les particules sont en contact en quelques points en chassant
l’eau absorbée. Le sol ne change plus de volume lorsque sa teneur en eau diminue.
La transition d’un état à un autre est très progressive, c’est pourquoi toute tentative pour
fixer la limite entre deux états comporte une part d’arbitraire. Néanmoins, on utilise les limites
définies par Atterberg et précisées ensuite par Casagrande. On définit :
1. la limite de liquidité, notée W L, qui sépare l’état liquide de l’état plastique ;
2. la limite de plasticité, notée W P , qui sépare l’état plastique de l’état solide ;
3. la limite de retrait, notée W S, qui sépare l’état solide avec retrait de l’état solide sans
retrait :
Dans les sols en place, la teneur en eau naturelle Wnat est généralement comprise entre W L et
W P , près de W P .
Limite de liquidité WL
Méthode de Casagrande : on étend sur une coupelle une couche du matériau dans laquelle on
trace une rainure en forme de V (Fig. 14). La coupelle subit des chocs semblables en comptant
le nombre de chocs nécessaires pour refermer la rainure sur une longueur de 1cm. On mesure
alors la teneur en eau du matériau. Par définition, la limite de liquidité est la teneur en eau qui
correspond à une fermeture en 25 chocs. Si on étudie la relation qui lie le nombre de chocs N à
la teneur en eau W , on constate que la courbe représentative de cette relation est une droite en
coordonnées semi-logarithmiques (échelle arithmétique pour les teneurs en eau, logarithmique
pour le nombre de chocs) lorsque le nombre de chocs est compris entre 15 et 35. En pratique, on
réalise cinq essais qui doivent s’échelonner régulièrement entre 20 et 30 chocs. La droite la plus
représentative est ensuite tracée à partir des points expérimentaux (figure 15). Si on ne dispose
que de deux mesures, on peut utiliser la relation suivante, à condition que N soit chaque fois
1 Partie I : Définition, caractérisation et classification des terrains meubles 20
compris entre 20 et 30 :
0.121
N
WL = W · (18)
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Limite de plasticité WP
Pour déterminer la limite de plasticité, on roule l’échantillon en forme de cylindre qu’on
amincit progressivement (figure 16). La limite de plasticité est la teneur en eau du cylindre qui
se brise en petits tronçons de 1 à 2cm de long au moment où son diamètre atteint 3mm. Il faut
donc réaliser des rouleaux de 3mm de diamètre sans pouvoir faire de rouleaux plus fins. On
exécute en général deux essais pour déterminer cette limite.
Ces deux limites sont d’une importance fondamentale en géotechnique car elles
indiquent la sensibilité d’un sol aux modifications de sa teneur en eau.
Indice de plasticité
L’indice de plasticité, noté Ip , est le paramètre le plus couramment utilisé pour caractériser
l’argilosité des sols. Il s’exprime par la relation :
Ip = W L − W P (19)
Il mesure l’étendue du domaine de plasticité, domaine pendant lequel on peut travailler le sol.
Il a une grande importance dans tous les problèmes de géotechnique routière. Il est préférable
qu’il soit le plus petit possible, car plus il est petit, plus il est pauvre en argiles gonflantes.
WL % WP % Ip %
Limon 24 17 7
Argile limoneuse plastique 40 24 16
Argile plastique 114 29 85
Argile de Mexico 500 125 375
Bentonite 710 54 656
Ip Degré de plasticité
0 < Ip < 5 non plastique
5 < Ip < 15 moyennement plastique
15 < Ip < 40 plastique
Ip > 40 très plastique
— méthode classique : la matière organique est extraite par oxydation dans un mélange de
bichromate de potassium et d’acide sulfurique concentré.
— méthode thermique : l’analyse thermique différentielle (ATD) est plus précise. Elle
consiste à mesurer le flux de chaleur absorbée ou libérée par un échantillon lorsqu’on lui
fait subir une variation de température.
— test d’humidification de von Post : il consiste à comprimer le matériau et à observer la
nature et la couleur du liquide qui en sort. C’est une mesure de la dégradation de la
matière organique.
1.4 Classification
Classer un terrain meuble / sol consiste à l’identifier grâce à des mesures quantitatives et
à lui donner un nom afin de le rattacher à un groupe de sols de caractéristiques semblables.
Il existe de nombreux systèmes de classification des sols : USCS (Unified Soils Classification
System, USA), LPC (Laboratoire des Ponts et Chaussées, France), EN ISO (organisation inter-
nationale des normes européennes). Toutes s’appuient sur la granulométrie, les caractéristiques
de plasticité de la fraction fine et sur des essais simples (couleur, odeur, effet de l’eau, etc.). En
Suisse, la classification USCS suisse diffère peu de l’USCS internationale. Il faut se référer à
la Norme Suisse : SN 670 004-2b-NA (2008) : reconnaissance et essais géotechniques,
Association suisse des professionnels de la route et des transports VSS. Pour une cor-
recte caractérisation cette norme demande la mise en ouvre d’une série d’essais en laboratoire
déterminant les propriétés intrinsèques du sol : i) la granularité (courbe granulométrique),
ii) les limites de consistances et iii) la teneur en matière organique ; et l’ état du sol : i) com-
pacité, ii) consistance et iii) degré de surconsolidation OCR. La classification USCS permet
d’identifier les propriétés intrinsèques du terrain meuble car elle est basée sur les éléments
composant le sol, la granularité, la présence ou non de matière organique et, pour les sols fins,
sur la plasticité. La figure 18 illustre les symboles caractérisant les éléments du sol.
Fig. 18: Symboles caractérisant les éléments du sol (norme SN 670 004-2b-NA).
Pour les terrains meubles à fraction grossière dominante : sables et graviers, les résultats
d’une courbe granulométrique suffisent pour effectuer la classification, alors que pour les sols
fins (argiles et limons) il est nécessaire de reporter les valeurs de la limite de liquidité wL et de
l’indice de plasticité Ip sur le diagramme de plasticité de Casagrande (figure 19).
Avec ces informations, il est possible d’effectuer la classification USCS en suivant les direc-
tives de la figure 20. A noter que pour les sols fins les lettres ”L, M, H” proviennent de l’anglais
”low, middle, high” et servent pour identifier l’état de plasticité.
OCR) :
σp0
OCR = (20)
σv0
où σp0 est la contrainte de consolidation du sol obtenue par essai oedométrique et σv0 est la
contrainte verticale actuelle en place. Avec OCR < 0.9 le sol est considéré : sous consolidé ;
avec 0.9 ≤ OCR ≤ 1.1 le sol est considéré : normalement consolidé ; et avec OCR > 1.1 le sol
est surconsolidé. La compacité du sol (de très lâche à très compact) est quantifié au moyen de
l’indice de densité ID .
Dans la pratique, il n’est pas possible de prendre un échantillon de sol pour chaque couche
rencontrée lors d’un forage. Il existe donc également une norme SIA (norme 670’005) pour la
réalisation de la classification USCS directement sur le terrain (méthode de chantier) : figure
21. La détermination de la plasticité sur le chantier est réalisée par trois manipulations simples.
L’échantillon est débarrassé des grains de diamètre > 0.5 mm, qui gênent le pétrissage. Ensuite,
le sol est humecté ou séché par pétrissage, jusqu’à ce qu’il soit plastique mais non collant.
— Agitation : l’échantillon est agité dans le creux d’une main, ce qui fait apparaı̂tre plus
ou moins rapidement de l’eau à sa surface, qui devient brillante. Si la surface devient
très rapidement brillante, c’est un sable fin. Si elle devient lentement brillante, c’est un
limon. Si elle reste mate, c’est une argile.
— Consistance : l’échantillon est pétri, puis roulé entre les paumes des mains pour lui donner
la forme d’un cylindre mince (3 mm). Cette opération élimine l’eau. On continue jusqu’à
ce que le cylindre s’émiette et on détermine alors la consistance. Plus la consistance est
grande, plus la teneur en argile est élevée.
— Résistance à l’état sec : l’échantillon est séché à l’air, au soleil ou au four, puis sa
résistance est déterminée en le cassant ou en l’émiettant. La résistance à l’état sec des
argiles est grande.
Il est également possible de tenter une classification USCS à partir des descriptifs litho-
logiques d’un log de forage. Cette tâche est indispensable dans les travaux de modélisation
1 Partie I : Définition, caractérisation et classification des terrains meubles 25
Fig. 20: Classification USCS d’un terrain meuble à partir des résultats d’essai en laboratoire et no-
menclature des classes de sol (Vuillet et al. 2016, d’après SN 670 004-2b-NA).
des propriétés des terrains meubles (p.e. conductivité hydraulique) car elle permet de relier un
descriptif à une classe de sol et ensuite à une valeur numérique. Il est clair que la classification
USCS basée sur les essais en laboratoire est la méthode à respecter pour les couches sensibles
et/ou d’intérêt, la méthode de chantier est très utile pour compléter l’information et la classi-
fication USCS à partir des descriptifs de forage est très utile pour les tâches de modélisation
1 Partie I : Définition, caractérisation et classification des terrains meubles 26
Fig. 21: Classification USCS suisse simplifiée (méthode de chantier), norme 670’005.
Dans sa partie supérieure la figure 22 montre le lien entre différentes courbes granulométriques,
leur classification USCS et la gamme granulométrique des principales formations géologiques
du Quaternaire. La granulométrie est un bon indicateur pour l’interprétation du type de for-
mation géologique, il faut cependant compléter cette information avec des autres indicateurs tel
que la compacité et l’arrondi. Par exemple, une moraine 5 graveleuse frontale ou latérale peut
avoir une composition granulométrique similaire à celle d’un gravier fluvio-glaciaire. La moraine
graveleuse pourra cependant être distinguée du gravier fluvio-glaciaire par une compacité plus
élevée et un arrondi des graviers et des galets moins marqué.
Les figures 23 et 24 sont des tableaux reliant i) les différentes classes de terrain meuble selon
la classification USCS, ii) les fourchettes de valeurs pour certains paramètres géotechniques
selon la norme suisse SN 670 010 (2011), iii) des exemples d’application ou de problématique
géotechnique du matériel d’après Colombo (1974) et iv) les possibles interprétations géologiques
de la couche. Ces généralisations peuvent également être faites pour mettre en évidence la sus-
ceptibilité d’une classe de sol ou d’une formation géologique à d’autres processus géotechniques :
potentiel de liquéfaction, de glissement, etc. (voir section : . . . ).
En Suisse, deux types principaux d’aquifères peuvent être distingués dans les terrains meubles
du Quaternaire : i) les alluvions fluviatiles récentes (sableuses et/ou graveleuses) et ii) les
dépôts graveleux fluvio-glaciaires (figure 25). Les alluvions fluviatiles récentes sont souvent des
systèmes très superficiels accompagnant des rivières avec lesquelles ils sont en contact (échange
d’eau possible entre la nappe et la rivière). Ces systèmes hydrogéologiques sont vulnérables aux
infiltrations de surface car faiblement protégés. Les dépôts d’inondation de la rivière (limons
et argiles) peuvent confiner et s’intercaler entre les couches perméables. Dans ce cas, la nappe
d’eau souterraine superficielle peut par endroits être confinée et on peut être en présence d’un
système hydrogéologique multi-couche. Cette dernière situation se produit par exemple dans les
bassins des vallées alpines où les premiers 40-50m de profondeur sont des remplissages fluviatiles
résultant de l’intercalation entre des couches (épaisses) de sables et graviers (aquifères) et des
couches (fines) de limons d’inondation (aquitards), comme par exemple la nappe du Rhône en
Valais ou la nappe de l’Inn en Engadine (figure 25).
5. en français, le terme moraine se réfère aux sédiments d’origine glaciaire ainsi qu’à la forme
géomorphologique associée, contrairement à l’anglais où les termes ”till” (sédiments) et ”moraine” (forme
géomorphologique) font la distinction.
1 Partie I : Définition, caractérisation et classification des terrains meubles 28
Fig. 22: Lien entre les courbes granulométriques de quelques classes de sol USCS, et i ) partie
supérieure, les principales formations géologiques du Quaternaire ; ii ) partie inférieure, trois
types d’usages géotechniques des matériaux.
Les dépôts graveleux fluvio-glaciaires, souvent appelés ”Schotter” en Suisse alémanique, sont
constitués de graviers propres bien arrondis et très perméables. Ces sédiments abondent dans
la partie de la Suisse Nord-Est et sont un bon indicateur de la position du dernier maximum
glaciaire (figure 25). Les dépôts graveleux fluvio-glaciaires peuvent être des systèmes profonds
accompagnés d’épaisses couches de dépôts morainiques les confinant et les protégeant des infil-
trations de surface. Un bon exemple de ceci est la nappe d’eau souterraine de l’Arve garantissant
10% des besoins d’eau potable de la ville de Genève.
1 Partie I : Définition, caractérisation et classification des terrains meubles 29
Fig. 23: Type de sol selon la classification USCS, gamme de valeurs paramétriques (norme suisse
SN 670 010, 2011), usages et problématiques géotechniques (Colombo 1974), ainsi que les
possibles appartenances géologiques du matériel : graviers et sables. ϕ : angle de frottement
effectif, c0 : cohésion effective, cu : cohésion non drainée, Cc : indice de compression, Cs :
indice de gonflement.
1 Partie I : Définition, caractérisation et classification des terrains meubles 30
Fig. 24: Type de sol selon la classification USCS, gamme de valeurs paramétriques (norme suisse SN
670 010, 2011), usages et problématiques géotechniques (Colombo 1974), ainsi que les possibles
appartenances géologiques du matériel : limons, argiles et terrains meubles organiques. ϕ :
angle de frottement effectif, c0 : cohésion effective, cu : cohésion non drainée, Cc : indice de
compression, Cs : indice de gonflement.
1 Partie I : Définition, caractérisation et classification des terrains meubles 31
Fig. 25: Principaux types de systèmes aquifères en Suisse dans les terrains meubles du Quaternaire :
gauche - alluvions fluviatiles récentes, droite - dépôts graveleux fluvio-glaciaires avec exemples
de coupes géologiques. Toutes les coupes sont transversales (orthogonales) à l’axe de la vallée
sauf la coupe en bas à droite (ville de Zürich) qui est longitudinale (parallèle) à la vallée
(modifié d’après Buttet et al. 1990, Dematteis et al. 1996, Pavoni et al. 2015).
les lacunes de l’information existante (p.e. rendez-vous avec un particulier pour prise de connais-
sance d’une canalisation pas mentionnée dans les plans), ainsi que pour iii) planifier les inves-
tigations de détail : forages de reconnaissance et/ou campagnes de mesures géophysiques.
La figure 26 schématise comme l’analyse de la topographie permet déjà d’identifier les types
de travaux géotechniques à réaliser dans le cadre d’un projet de construction de route.
Fig. 27: Interprétation des résultats d’une trainée électrique (ERT) pour la caractérisation de la pro-
fondeur du toit de la roche en place (épaisseur de la couverture de terrain meuble).
Le tableau 5 montre les différentes techniques de forage en terrain meuble (partie supérieure)
et en roche (partie inférieure), ainsi qu’un aperçu des méthodes de forage les plus appropriées
pour les terrains meubles. Les méthodes par battage, percussion et fonçage sont limitées aux
sols à granulométrie fine (argiles, limons et sables fins) et à des faibles profondeurs. La présence
de gros graviers, galets et blocs tel que dans les formations fluvio-glaciaires ou morainiques
peut poser problèmes et arrêter l’avancement du forage. Le battage et le fonçage peuvent en
outre causer une diminution locale de la conductivité hydraulique car les particules fines sont
charriées autour de la pointe, colmatant les vides. Les techniques de forage basées sur la rotation
s’apprêtent bien pour les matériaux cohérents : roches, moraines et formations fluvio-glaciaires.
1 Partie I : Définition, caractérisation et classification des terrains meubles 34
Pour les sols grenus sans cohésion et peu compacts il y a souvent une perte partielle du matériel
lors de la remontée de la carotte. Ceci est un bon indicateur d’une faible compacité du matériel
géologique (fig. 28).
Fig. 28: Perte d’environ moitié de la carotte (la caisse mesure 1m de large) lors de la remontée de
graviers fluvio-glaciaires peu compacts.
Tout prélèvement de terrain meuble ou roche est un échantillon. L’échantillon sera ensuite
préparé au laboratoire pour des analyses. On appelle cette fraction de l’échantillon l’éprouvette.
L’échantillon doit donc présenter deux caractéristiques principales : i) être le plus représentatif
possible des conditions dans le sous-sol et ii) présenter une masse suffisamment grande pour
pouvoir préparer plusieurs éprouvettes au laboratoire et ainsi assurer la répétabilité d’un test ou
des réserves. Pour assurer la représentativité des conditions dans le sous-sol, il faut prendre des
échantillons intacts. Ceux-ci pourront ensuite être utilisées pour des tests aux laboratoires ca-
ractérisant la perméabilité, la compressibilité ou encore la résistance au cisaillement du matériel
géologique (Vuillet et al. 2016). Cependant, il y aura toujours une perte de représentativité
car l’échantillon subira un relâchement des contraintes (décompression/décharge) lors de son
prélèvement. Si l’on veut éviter cette décompression, il faut congeler le terrain meuble avant
son échantillonnage, ceci aura toutefois un impact sur d’autres propriétés, tel que la consis-
tance ou la teneur en eau. Tout échantillon dont la structure, la compacité ou la température
originale ont été fortement modifiées lors du prélèvement sont considérés remaniés ou en vrac.
Dans le cas où les particules fines n’ont pas été lessivées et les éléments grossiers n’ont pas été
cassés par la technique de forage et de prélèvement, les échantillons remaniés conservent les
caractéristiques granulométriques du terrain meuble et peuvent être employé pour des tests tel
que la granulométrie, la teneur en eau ou encore les limites de consistance. La masse minimale
de sol (MMS) à échantillonner se détermine en fonction des tests que l’on veut effectuer au
laboratoire et si l’on souhaite disposer de réserves. Le tableau 6 illustre par exemple la masse
minimale de terrain meuble à échantillonner dans le cas d’un test de tamisage. A noter que
pour les tests de tamisage, les échantillons sont couramment séchés à l’étuve pendant une nuit
à 105◦ C et ensuite refroidit à température ambiante.
Toute information acquise lors d’un forage est synthétisée dans le log/profil de forage. En
général, l’en-tête présente les informations sur la localisation (coordonnées et altitude) de l’ou-
vrage, les réalisateurs (bureau d’étude et entreprise de construction) ainsi que le type de projet.
Ensuite, le log de forage illustre en fonction de la profondeur : i) la technique d’exécution et le
diamètre de l’ouvrage, ii) la description lithologique des couches rencontrées et autres observa-
tions (p.e. odeur), iii) l’interprétation géologique des couches, iv) l’illustration des couches au
moyen de figurés ou de photos, v) la classification géotechnique des couches (si disponible) :
1 Partie I : Définition, caractérisation et classification des terrains meubles 35
classification U SCS pour les sols, classification RQD pour les roches, vi) les mesures réalisées
(niveaux piézométriques minimum et maximum mesurés après la finition du forage, essais de
remontée ou d’infiltration) et les profondeurs d’échantillonnage, ainsi que vii) les détails tech-
niques des piézomètres ou des inclinomètres implémentés (Fig. 29).
1 Partie I : Définition, caractérisation et classification des terrains meubles 36
Fig. 29: Le profil de forage doit présenter et synthétiser clairement toutes les informations sur le
forage (localisation, techniques utilisées), les observations effectuées (descriptifs lithologiques),
les données acquises (niveau de l’eau souterraine) et les tests effectués, ainsi qu’indiquer la
profondeur et le type (remanié ou intact) des échantillons pris lors de l’exécution de l’ouvrage.
A noter que dans le cas des variations d’un niveau d’eau, la valeur caractéristique se base
souvent sur une période d’observation et/ou sur une série de mesures effectuées dans le temps.
Dans ce cas, tout niveau dépassant cette limite est considéré comme événement exceptionnel.
Cependant, les outils utilisés, la technique mise en oeuvre et la géologie peuvent influencer for-
tement les résultats. Un bon exemple est la caractérisation de la compacité d’une moraine par
des essais pénétromètriques. La présence d’un gros bloc peut typiquement arrêter l’avancement
de la pénétration. Ceci ne doit pas être interprété comme une augmentation de la compacité
du matériel, car c’est juste une limite de la méthode due à la présence du bloc. Les tests
pénétromètriques sont en effet appropriés et reproductibles seulement pour les terrains meubles
à granulométrie fine (Fig. 33). Au laboratoire, il est possible d’effectuer des tests sous des
conditions contrôlées, mais il peut y avoir des aberrations dues au prélèvement de l’échantillon,
ainsi qu’aux effets géométriques en lien avec la configuration du test et la forme de l’éprouvette.
Quel que soit le type de test (sur le terrain ou en laboratoire), il faut différencier les tests
réalisés sous des conditions drainées, des essais effectués sous des conditions non drainées.
Les conditions drainées correspondent aux tests où l’eau interstitielle peut s’écouler librement
et quitter rapidement le système, p.e. tests sur le terrain dans des dépôts graveleux-sableux. Les
conditions non drainées correspondent aux situations où l’eau interstitielle ne peut pas quit-
ter le système, p.e. tests sur le terrain dans des dépôts argileux. Au laboratoire, il est possible
de configurer les essais selon les conditions de drainage souhaitées et le type de matériel à tester.
Tout comme en hydrogéologie, il faut bien comprendre la différence entre les valeurs me-
surées sur le terrain et les valeurs paramétriques calculées. Les valeurs mesurées peuvent être
interprétées directement afin d’établir un modèle géotechnique conceptuel du sous-sol et ensuite
être transformées en valeurs paramétriques par le biais de relations théoriques ou empiriques.
Par exemple, les données brutes d’un essai au pénétromètre standard peuvent être interprétées
telles quelles, et ensuite utilisées pour déterminer des valeurs paramétriques, p.e. angle de frotte-
ment interne (exercice 1.2). Pour l’interprétation des essais de pénétration et les essais/mesures
en forage, il est important de juxtaposer les valeurs mesurées avec les observations de forage
(couches lithologiques) et les autres mesures à disposition (p.e. profondeur de l’eau souter-
raine). Seulement ainsi il est possible de distinguer lorsqu’une variation du nombre de coups
ou de la résistance à la pénétration est d’origine géologique (p.e. changement de lithologie),
hydrogéologique (p.e. diminution de la résistance suite au passage dans la zone saturée) ou
géotechnique (p.e. augmentation/diminution de l’état de compacité).
Fig. 31: Nombre de coups effectués lors d’essais au pénétromètre standard (SPT) en fonction de la
profondeur pour différentes formations géologiques du Haut-Valais. En général, le nombre
de coup devrait augmenter avec la profondeur si l’état de compacité des dépôts augmente.
Ici, seul les dépôts limoneux montrent une corrélation claire entre le nombre de coups et la
profondeur. Pour ces dépôts, les résultats SPT indiquent que l’état de compacité est constant
quel que soit la profondeur de mesure (courtoisie de Stefan Volken).
être distinguées :
— Les essais de pénétration regroupent tous les tests où le but est de battre ou foncer un
dispositif (un cône, un carottier ou une sonde) dans le terrain. On enregistre le nombre
de coups ou la charge qu’il faut fournir pour progresser en profondeur (Fig. 32a). Ces
essais peuvent également être exécutées au fond d’un forage.
— Les essais de chargement regroupent les tests où le terrain est chargé/déchargé
par le biais d’une plaque rigide. On enregistre la charge appliquée sur la plaque et
la déformation du terrain (Fig. 32b).
— Les essais en forage regroupent tous les tests réalisables en forage, tel que l’essai au
dilatomètre (DMT) ou au scissomètre (FVT) (Fig. 32c).
— Les mesures pour le monitorage des déformations incluent toutes les techniques
pouvant mesurer (dans un forage ou pas) des extensions, des compressions ou des ci-
saillements du terrain. Ces techniques intègrent les mesures extensomètriques, incli-
nomètriques (Fig. 32d) ou les relevés géodésiques de terrain (nivellement). Les tech-
niques de télédétection (p.e. Lidar ou inSAR) par l’intermédiaire d’appareils terrestres,
aéronefs (drones) ou de satellites, sont de plus en plus employées pour le monitorage des
mouvements de terrain.
1 Partie I : Définition, caractérisation et classification des terrains meubles 40
Fig. 32: Quelques exemples d’essais ou mesures de monitorage géotechnique sur le terrain : (a) essai
au pénétromètre standard (SPT), (b) essai de chargement à la plaque (PLT), (c) scissomètre
de terrain (FVT) et (d) monitorage de déformations par extensométrie et inclinométrie.
Essais de pénétration
Lors d’un essai au pénétromètre standard (SPT) en forage, le carottier est battu dans
le terrain par la chute d’une masse de 63.5kg sur une enclume depuis une hauteur de 760mm.
On mesure le nombre de coups nécessaires pour descendre le carottier de 3 x 150mm (450mm).
Les coups nécessaires pour les premiers 150mm ne sont pas pris en compte (du au remaniement
du fond par l’activité de forage), le nombre de coups nécessaires pour les 300mm successifs est
la valeur NSP T . Le tableau 7 relie le nombre de coups NSP T à l’indice de densité ID (§1.3.1), à
la consistance et à l’angle de frottement interne effectif φ0 pour des terrains meubles cohérents
et saturés.
Tab. 7: Relation entre la valeur NSP T et des fourchettes de valeur pour quelques propriétés
géotechniques des sables et graviers saturés selon Bowles 1988 (modifié d’après Vuillet
et al. 2016)
Afin de pouvoir standardiser et comparer les essais SPT entre eux, il faut appliquer des
facteurs correctifs aux valeurs NSP T mesurées. Les facteurs correctifs tiennent typiquement en
compte de l’influence de la longueur de la tige ou du diamètre de forage sur les mesures ob-
0
tenues. Après correction, on parlera de valeurs NSP T , qui pourront être utilisées pour calculer
via des formules empiriques des valeurs paramétriques, telles que l’angle de frottement interne
φ0 ou la cohésion apparente cu .
La pénétration statique au cône (CPT, Cone Penetration Test) est également un es-
sai de pénétration très commun. Dans ce cas, une sonde est poussée dans le terrain à vitesse
constante et des capteurs enregistrent en continu la résistance du terrain sur la pointe qc , le
frottement latéral sur la tige fs ou encore la pression d’eau interstitielle u. Les résultats bruts
obtenus sont des diagraphies illustrant la variation de ces paramètres avec la profondeur. Ces
valeurs peuvent ensuite être traitées pour déterminer des propriétés.
1 Partie I : Définition, caractérisation et classification des terrains meubles 42
Fig. 33: Profils de forage avec résultats des essais SPT pour l’exercice 1.2.
1 Partie I : Définition, caractérisation et classification des terrains meubles 43
Essais de chargement
L’essai de chargement à la plaque (PLT, Plate Loading Test) est le cas le plus commun et
consiste à charger une plaque circulaire de 700 cm2 par au moins deux paliers de charge P . La
contrainte à atteindre lors d’un palier dépend du type d’usage que l’on souhaite pour le terrain
en considération. Dans le cas d’une évaluation d’un terrain comme couche de fondation, il faut
typiquement appliquer un premier et un deuxième palier correspondant à environ σ1 = 0.15
MPa et σ2 = 0.25 MPa (Vuillet et al. 2016). La valeur retenue est la déformation verticale ou
tassement du terrain ∆Si entre le palier σi et le palier σi+1 . Lors du palier i, la charge appliquée
Pi est reliée à la contrainte appliquée σi par :
4Pi
σi = (21)
πD2
où D est le diamètre de la plaque. Il est ensuite possible de dériver le module de déformation
Me et le module de Young E du terrain testé par les relations suivantes :
∆σi
Me = D (22)
∆Si
où ∆σi et ∆Si sont la différence entre les contraintes imposées et les tassements mesurés entre
le palier i et i + 1.
π ∆σi πD
E= (1 − ν 2 )Me = (1 − ν 2 ) (23)
4 ∆Si 4
où ν est le coefficient de Poisson qui correspond à environ 0.5 pour les sols fins (comporte-
ment plutôt plastique) et 0.3 pour les sols grenus (comportement plutôt élastique). Les valeurs
retenues pourront ensuite être utilisés pour le dimensionnement de fondations et le calcul du
tassement acceptable (voir §2.2).
Essais en forage
Trois familles principales d’essais en forages existent en géotechnique. Les mesures obtenues
lors de ces tests peuvent être traitées pour déterminer des valeurs et des paramètres dérivés.
L’ essai au pressiomètre - PMT consiste à charger par dilatation radiale les parois d’un forage
au moyen d’une sonde (packer). La pression exercée sur le terrain meuble et le déplacement
provoqué sont enregistrés. Comme pour l’essai de chargement, il est possible de réaliser plusieurs
paliers. L’ essai au dilatomètre - DMT consiste à foncer dans le terrain une sonde en forme
de lame sur une hauteur verticale de 20cm. La membrane de la sonde est ensuite dilatée et on
enregistre la pression p0 nécessaire à déclencher le mouvement de la membrane en direction du
sol et la pression p1 nécessaire pour effectuer un déplacement de 1.1mm. Une fois les mesures
terminées, la sonde est enfoncée à nouveau de 20cm et l’opération est répétée. Ceci permet
d’établir des profils en fonction de la profondeur. L’ essai au scissomètre consiste à faire tourner
dans le terrain meuble un moulinet en forme de croix (Fig. 32c) et à enregistrer la force nécessaire
pour effectuer une rotation. La résistance au cisaillement du sol est ensuite dérivée à partir de
la force mesurée.
mesurer l’extension entre deux points fixes (p.e. suite à l’ouverture d’une fissure en tension).
De manière générale, on fait plutôt appel à des rubans extensométriques pour le monitorage
ponctuel ou en continu (Fig. 34a&b). La forme la plus simpliste d’un inclinomètre consiste à
descendre le long d’un tube de forage une sonde circulaire attachée à un câble gradué. Si la
sonde peut atteindre le fond de l’ouvrage, cela nous indique qu’il n’y a pas eu de déformation.
Si la sonde est bloquée ou peine à passer à une profondeur donnée, cela nous indique qu’il y a
déformation et à quelle(s) profondeur(s). De manière générale, on fait plutôt appel à des incli-
nomètres sophistiqués enregistrant la verticalité du tubage. La variation de verticalité du tubage
(angle) due à une déformation peut être transformée en déplacement horizontal (Fig. 34d). La
fibre optique est de plus en plus utilisée pour effectuer des mesures inclinomètriques : des cap-
teurs sont placés à des intervalles réguliers le long de la fibre. En raison d’une déformation,
on pourra enregistrer l’incrément de distance entre les capteurs et sa direction. Des autres
techniques permettant la mesure des déformations telles que les mesures géodésiques (p.e. ni-
vellement) ou la télédétection ne sont pas traitées dans ce cours (se référer au camp terrain en
hydrogéologie pour les méthodes géodésiques et au cours de télédétection).
Fig. 34: Monitorage des déformations par extensométrie : mesures (a) en continu et (b) ponctuelles.
(c) résultats de mesures extensométriques (modifié d’après Loew et al. 2017) et (d) résultats
de mesures inclinométriques.
les essais se focalisant sur les rétrécissements et gonflements, et les essais se focalisant sur les
cisaillements. Dans ce texte, nous aborderons seulement un type d’essai par famille : i) l’ essai
oedométrique et ii) le test de cisaillement direct. Le texte se base sur l’ouvrage de Vuillet et al.
(2016) à lequel il faut se référer pour plus de détails sur les essais mécaniques en laboratoire.
Ce document n’aborde pas les essais de compression triaxiale qui est cependant le test le plus
complet car il permet de déterminer à la fois les paramètres de résistance à la compression et
au cisaillement.
Test oedomètrique
Lors d’un essai oedométrique, une éprouvette cylindrique de diamètre D de 60 à 80mm et d’
une hauteur H de 15 à 30mm est placée dans un dispositif tel que celui schématisé en Fig. 35.
L’épaisseur H de l’éprouvette est très faible pour permettre aux terrains meubles imperméables
(p.e. : argiles) d’être drainés dans des temps raisonnables (maximum d’une semaine).
Comme illustré à la Fig. 35, l’éprouvette est chargée par une contrainte verticale σv0 = σ10 .
On mesurera ainsi le tassement de l’éprouvette en fonction du temps (déformation verticale :
z = (l-l0 )/l0 , où l est la hauteur de l’éprouvette au temps t et l0 est la hauteur initiale). La
déformation verticale est considérée comme terminée lorsque l’incrément du tassement avec le
temps devient nul : aplatissement de la courbe en haut à droite de la Fig. 35. Plusieurs paliers
de chargement peuvent être effectués (p.e. : 1, 15, 60, 125, 250, 500, 1000kPa), ainsi que des
cycles de charge-décharge. Les résultats sont présentés sous la forme d’un graphe illustrant la
déformation verticale en fonction de la contrainte. Pour chaque augmentation de charge ∆σz0 ,
il est possible de déterminer le module oedométrique Eoed [Pa] :
∆σz0
Eoed = (24)
∆z
où ∆z est la déformation verticale mesurée pour l’augmentation de charge considérée. Le
module oedométrique est lié au module de Young E par :
(1 − ν)
Eoed = E (25)
(1 + ν)(1 − 2ν)
où ν est le coefficient de Poisson.
L’image en haut à droite de la Fig. 35 montre que plus la contrainte verticale devient grande,
plus il devient difficile de déformer l’éprouvette. En d’autres termes, plus un terrain meuble est
comprimé, plus sa rigidité augmente. Cette observation est également visible sur le terrain où
on note, en général, une augmentation de l’état de compacité (rigidité) des terrains meubles du
Quaternaire avec la profondeur.
Les résultats d’un essai oedométrique permettent d’estimer les grandeurs nécessaires au cal-
cul du tassement, comme le coefficient de compressibilité mv [Pa−1 ] qui gouverne la magnitude
du mécanisme :
mv = 1/Eoed (26)
Plus mv est grand, plus le tassement du sol sera important. Les tourbes présentent les
coefficients de compressibilité les plus élevées : 10−6 - 10−7 , suivies par les argiles normalement
consolidés ou pas consolidés : 10−7 - 10−8 Pa−1 . Le coefficient de consolidation cv en m2 /s
détermine le temps pour que le processus de consolidation soit achevée :
K
cv = (27)
mv γw
1 Partie I : Définition, caractérisation et classification des terrains meubles 46
Fig. 35: En haut à gauche, illustration de l’appareillage pour la réalisation d’un essai oedométrique et
en bas à gauche, illustration de l’état des contraintes pendant le test. Droite, représentation
des résultats de l’essai sous la forme de courbes de déformation en fonction de la contrainte
appliquée (modifié d’après Vuillet et al. 2016).
où K est la conductivité hydraulique et γw est le poids spécifique de l’eau. Pour les ter-
rains meubles de faible conductivité hydraulique, la consolidation est un processus très long.
Pour les argiles cv , vaut typiquement 10−6 - 10−7 m2 /s. Pour les terrains meubles perméables
(sols grenus), le tassement par consolidation est presque uniquement lié à la composante ins-
tantanée (voir §2.2). Il a été démontre par développement mathématique qu’un mécanisme de
consolidation est quasi-terminé lorsque (Verruijt 2008) :
cv t
=2 (28)
H2
où t est le temps et H est soit i) l’épaisseur de l’éprouvette/couche s’il y a drainage uniquement
par une face de la couche ou ii) la demi-épaisseur de l’éprouvette/couche s’il y a drainage par
les 2 faces (face supérieur et inférieur).
lidé et il sera fortement susceptible à un processus de consolidation. Avec 0.9 ≤ OCR ≤ 1.1
le sol est considéré normalement consolidé, c’est-à-dire consolidé sous son propre poids (l’ap-
plication d’une surcharge engendrera une réactivation du tassement). Avec OCR > 1.1 le sol
est surconsolidé. L’état de surconsolidation est souvent lié à l’histoire géologique du terrain
meuble : recouvrement par glaciers aujourd’hui fondus, recouvrement par d’autres sols aujour-
d’hui érodés, abaissement des niveaux (pressions) d’eau souterraine, excavation, etc. Comme
énoncé précédemment, un sol surconsolidé est plus rigide et donc moins déformable vertica-
lement. Cependant, en raison de son histoire géologique, un sol surconsolidé peut présenter
des contraintes effectives horizontales qui sont encore représentatives de l’état de contrainte
passé et fortement supérieures à la contrainte verticale actuelle. Dans ce cas, lors d’une excava-
tion, les poussées horizontales peuvent être significatives et problématiques. Le rapport entre
la contrainte effective horizontale et verticale : k0 = σh0 / σv0 peut être estimé à partir du degré
de surconsolidation OCR (Vuillet et al. 2016). Pour les sols grenus :
σh0
= k0 = (1 − sinφ0 )OCRh (30)
σv0
où φ0 est l’angle de frottement interne effectif et h = 0.4 - 0.6 (sols grenus). Pour les sols fins :
σh0
= k0 = (0.95 − sinφ0 )OCR0.4 (31)
σv0
L’interprétation du test est illustrée à la Fig. 36. On tracera d’abord les courbes contraintes
de cisaillement τ en fonction des déplacements horizontaux δ mesurées (Fig. 36b). Les va-
leurs retenues correspondent aux contraintes lorsqu’elles atteignent un palier : le déplacement
horizontal continue d’augmenter pendant que la contrainte de cisaillement reste constante. On
tracera ensuite les valeurs retenues dans le diagramme de Mohr (contrainte normale en fonction
de la contrainte de cisaillement) et on dessinera la droite (enveloppe de rupture) permettant de
déterminer : cu et φu .
L’essai au cisaillement direct est une méthode pratique pour déterminer les propriétés
plastiques d’un sol. Cependant, comme tout test, il faut considérer les valeurs retenues avec
précautions, notamment, car lors de cet essai l’état des contraintes dans l’éprouvette peut être
très complexe et, car le mécanisme de rupture n’est pas libre mais forcé de se développer selon
un plan horizontal prédéfinis.
Fig. 36: (a) Schéma illustrant l’appareillage pour un essai de cisaillement direct avec (b) la méthode
d’interprétation des résultats pour la détermination (c) des propriétés plastiques du terrain
meuble testé.
4. Protection des eaux : Loi fédérale sur la protection des eaux. Exemple : Art. 43.4 :
Les constructions ne doivent pas avoir pour effet de réduire de façon notable et per-
manente la capacité du réservoir, ni l’écoulement des nappes souterraines exploitables.
Conséquence pratique : dimensionnement et implémentation d’un système de drainage
autour des fondations d’un bâtiment, afin d’éviter un effet de barrage (Fig. 37).
Fig. 37: Effet barrage sur l’écoulement de la nappe d’eau souterraine par des fondations profondes et
avec une section importante (modifié d’après Parriaux 2006).
2 Partie II : Mécanismes de déformation et de rupture des terrains meubles 50
L’effet des pressions d’eau souterraine sur le comportement des matériaux géologiques est
bien illustré par la définition de la contrainte effective de Terzaghi (cas vertical) :
σv0 = σv − p (32)
où ztop est l’altitude en surface et ρr est la densité (sèche, humide ou saturée) des couches
géologiques. Pour un massif homogène de terrain meuble avec zone non-saturée : Z - Zsat et
zone saturée : Zsat et où on néglige la contribution du poids provenant de l’humidité dans la
zone non-saturée, σv dépend à la profondeur Z des contraintes liées i) au poids du squelette
minéral de la zone non-saturée et saturée plus ii) le poids de l’eau souterraine :
Déformations : si on introduit la loi de Terzaghi (Eq. 32) dans la loi de l’élasticité d’Hooke,
on obtient la formulation générale pour analyser les mécanismes de déformation verticaux :
d(σv − p) 1
= (36)
dv mv
2 Partie II : Mécanismes de déformation et de rupture des terrains meubles 51
où la déformation verticale équivaut à v = ∆l / lt0 et dans le cas 1-D, l’Eq. 36 devient :
Veuillez noter qu’en géotechnique les valeurs positives sont utilisées pour des régimes en com-
pression. Les rétrécissements par consolidation comme le tassement ou la subsidence prennent
donc des valeurs négatives avec ∆l = lt1 - lt0 , où lt1 est la longueur/épaisseur au temps t1
et avec des ∆σ 0 positifs indiquant une augmentation de la compression. Pour cette raison, la
compressibilité a un signe négatif dans l’Eq. 37.
A partir de l’ Eq. 37, on peut noter comme une déformation verticale par consolidation peut
soit i) être due à une augmentation de la contrainte verticale, p.e. surcharge due au poids d’un
bâtiment (∆σ 0 > 0, σvt1 > σvt0 ) ou soit ii) être due à une diminution de la pression d’eau, p.e.
drainage par un tunnel ou rabattement par pompage (∆σ 0 > 0, pt0 > pt1 ). En général, on parle
de tassement pour le premier cas et de subsidence pour le deuxième. Les cas contraires : i)
diminution de la contrainte verticale, p.e. excavation et ii) augmentation de la pression d’eau,
p.e. injection, peuvent produire des gonflements/expansions du terrain meuble.
Ruptures : si on introduit la loi de Terzaghi (Eq. 32) dans la loi de la plasticité de Mohr-
Coulomb, on obtient la formulation générale pour analyser les mécanismes de rupture par
cisaillement :
où τ est la contrainte de cisaillement, c0 est la cohésion effective et ϕ0 désigne l’angle de frot-
tement interne effectif. Le mécanisme de rupture (ou de réactivation d’un mouvement) peut
se déclencher lorsque la contrainte de cisaillement (terme à gauche de l’Eq. 38 qui regroupe
les forces favorisant le mouvement) devient supérieure à la résistance au cisaillement (terme à
droite de l’Eq. 38 qui regroupe les forces résistantes au mouvement) :
c0 + tan ϕ0 (σn − p)
F oS = (39)
τ
dans ce cas, le facteur de sécurité F oS devient inférieur à 1, indiquant une rupture ou un
déclenchement/réactivation du mouvement.
L’Eq. 39 illustre bien l’effet de la pression d’eau : i) une augmentation de la pression d’eau im-
plique une diminution de la résistance au cisaillement et favorise donc la rupture/mouvement,
alors qu’une diminution de la pression d’eau implique une augmentation de la résistance au
cisaillement et favorise donc la stabilisation. Une application concrète est la mise en place d’un
système de drainage (rideau de puits de pompage ou une galerie drainante) pour la stabilisation
des glissements profonds permanents. Pour ce qui concerne les contraintes, l’Eq. 39 montre que
la diminution de la contrainte normale provoque une diminution de la résistance au cisaille-
ment et favorise donc la déstabilisation. Un exemple concret est que l’érosion naturelle ou des
travaux d’excavation à la langue d’un glissement ou à la base d’un talus diminuent les forces
résistantes et peuvent déclencher la rupture de la pente. Dans le cas contraire, toute mesure
augmentant les forces résistantes à la base d’un talus, p.e. ancrages, favorisent la stabilisation.
Une rupture en tension peut avoir lieu lorsque la pression d’eau p devient suffisament grande
pour dépasser la contrainte minimale σ3 et la résistance à la tension T0 , ainsi que sous des
2 Partie II : Mécanismes de déformation et de rupture des terrains meubles 52
géométries favorables (p.e. orientation des fissures ou des plans de faiblesse dans le champ de
contraintes) :
p ≥ σ3 + T0 (40)
T0 est en générale nulle pour les sols grenues et relativement faible pour les sols fins, mais
présente pour les roches. Lorsqu’une fissure est déjà présente dans le sol/roche, on parlera
plutôt de réouverture par mise en pression. La Fig. 38c schématise l’influence de la pression
d’eau souterraine sur les mécanismes de rupture ou réactivation de mouvement au moyen des
cercles de Mohr.
Les limites principales des méthodes décrites ci-dessus est que pour les déformations les lois
élastiques peuvent oui renseigner sur la magnitude des déplacements, mais elles considèrent
les mécanismes comme purement élastiques et deviennent aberrantes en présence de grandes
déformations, lorsqu’on atteint l’état plastique et on approche la rupture (Fig. 38b). Pour les
ruptures les lois plastiques renseignent uniquement si le mouvement/rupture est possible, p.e.
F oS < 1, mais pas sur la magnitude des mouvements. Pour cela, il faut passer par les analyses
numériques où les lois élastiques et plastiques sont intégrées dans les lois de mouvement de
Newton.
Après ces aspects théoriques, ce manuscrit continue avec des exemples d’analyse de processus
géotechniques.
st∞ = si + sp + ss (41)
Pour les sols grenus (sables et graviers) le tassement instantané représente la composante
dominante du tassement total. Alors que pour les sols fins (argiles et limons) et pour les sols
organiques la consolidation primaire est la composante dominante suivie par la consolidation
secondaire. Pour ces terrains, le tassement instantané est négligeable.
2 Partie II : Mécanismes de déformation et de rupture des terrains meubles 53
Fig. 38: (a) Modèle conceptuel illustrant la formation de fissures (rupture) en bordure d’un bassin af-
fecté par une subsidence régionale (déformation). (b) Gamme d’application des lois élastiques
et plastiques illustrés au moyen d’un diagramme déformation-contrainte.
Fig. 39: (a) Composantes du tassement : si (immédiat), sp (par consolidation primaire) et ss (par
consolidation secondaire) (modifié d’après Vuillet et al. 2016). (b) Modèle 3D montrant le
”bulbe” de subsidence provoqué par le drainage d’un massif rocheux lors du percement d’un
tunnel.
où γ est le poids spécifique et e l’épaisseur de la couche i respectivement. L’état des contraintes
dans le sous-sol est ensuite représenté sous la forme d’un tenseur des contraintes σ. Si la surface
est considérée horizontale, le tenseur se définit par :
σxx = σv k0 0 0
σ= 0 σyy = σv k0 0 (44)
0 0 σzz = σv
où k0 est le rapport entre la contrainte horizontale et celle verticale qui peut être quantifié
soit expérimentalement (voir §1.6.3) soit par les lois de l’élasticité : dans le cas d’un solide
homogène et isotrope : k0 = ν / (1 - ν), où ν est le coefficient de Poisson. En présence d’un plan
de cisaillement (p.e. fractures) ou dans le cas où la surface est inclinée (p.e. pente), le tenseur
des contraintes comprends également les composantes de cisaillement τ . Pour une pente 2D
homogène caractérisée par un angle d’inclinaison β, le tenseur des contraintes est :
σxx = σzz k0 τxz = γs h sinβ
σ= (45)
τzx = γs h sinβ σzz = γs h
où h est la profondeur.
Contrainte due aux surcharges ∆σz : dans le cas où la surcharge est uniforme sur une
grande surface, elle se comporte comme une couche supplémentaire dans un milieu stratifié,
c’est-à-dire qu’elle s’additionne simplement à la contrainte naturelle. Dans les cas où cette
hypothèse ne peut être faite, le calcul de contrainte se fait par la théorie de l’élasticité. Des
solutions analytiques existent pour des formes simples de surcharge au sol. Dans la majorité
des cas et quelque soit la surcharge q0 due à une construction, il y aura au préalable creuse de
fondations de profondeur D, ce qui supprime une partie de la contraire naturelle. La surcharge
à prendre en compte est donc :
q = q0 − γ D (46)
Pour le cas d’une charge ponctuelle Boussinesq a établi une solution analytique reproduisant
la dissipation d’une charge concentrée Q appliquée en surface tel qu’ illustré à la Fig. 40a. La
2 Partie II : Mécanismes de déformation et de rupture des terrains meubles 55
Fig. 40: (a) Valeur des composantes du tenseur des contraintes sous l’effet d’une surcharge ponctuelle
selon Boussinesq. (b) Contrainte verticale sous une surcharge ponctuelle. A gauche, la distri-
bution suivant des plans horizontaux à diverses profondeurs. A droite, lignes d’égale contrainte
verticale ou ”bulbe des contraintes”.
∆σz = I q (47)
où I est le coefficient d’influence [-], inférieur à 1, qui dépend de la profondeur z, de la forme
et de la dimension de l’aire chargée et de l’écartement du point A considéré par rapport au
centre de gravité de l’aire chargée (Fig. 41a).
La Fig. 41b illustre et définit le coefficient I dans le cas d’une surcharge uniforme à semelle
circulaire de rayon R. La Fig. 41c montre le cas pour une charge uniforme de longueur infinie,
qui dans le cas d’une diffusion uniforme des contraintes avec la profondeur se simplifie dans la
solution présentée à la Fig. 41d.
L’ Annexe I présente l’abaque de Steinbrenner pour le cas d’une charge uniforme rectangu-
laire où ∆σz est appliquée sur une facette horizontale placée à la profondeur z sous un coin de
l’aire chargée. Pour une semelle de longueur L et de largeur B, l’abaque donne I en fonction de
L/z pour différentes valeurs de B/z. Ailleurs qu’aux coins de la dalle, la contrainte s’obtient
en décomposant la dalle en quatre rectangles ayant la verticale du point A en commun (voir
image dans l’Annexe I). On applique alors l’abaque de Steinbrenner aux quatre morceaux de
dalle et on somme les contraintes obtenues (principe de superposition, applicable à toutes les
abaques).
L’ Annexe II présente l’abaque de Newmark pour le cas d’une charge uniforme sur une
surface de forme quelconque qui permet une évaluation des contraintes verticales dans le cas
d’une semelle de forme quelconque. Elle permet aussi de traiter le cas d’un groupe de semelles
fondées à la même profondeur.
2 Partie II : Mécanismes de déformation et de rupture des terrains meubles 56
L’ Annexe III présente le cas pour une charge trapézoı̈dale de longueur infinie qui convient
pour décrire un remblai avec talus. L’abaque d’Österberg indique I à une profondeur z sous le
bord de l’aire chargée en fonction des paramètres a/z et b/z.
L’ Annexe IV montre le cas pour une charge triangulaire de longueur b (abaque de Fadum)
qui est utilisée dans le cas de remblai sans talus, de largeur a et de longueur finie b. Elle donne
I pour un point situé à la verticale d’un coin de l’aire chargée.
Fig. 41: (a) Principe d’établissement des contraintes verticales sous une surcharge répartie. (b) Cas
d’une surcharge uniforme à semelle circulaire. (c) et (d) : charge uniforme de longueur infinie,
α est en général de 30◦ .
où lt0 est l’épaisseur de sous-sol concernée par ∆σz . Comme nous avons déjà vu, le temps pour
que le processus de consolidation soit terminée se calcule par l’ Eq. 29. Nous avons aussi vu que
la compressibilité mv n’est pas constante mais peut varier avec le type de terrain, la profondeur
et la surcharge imposée. Dans un terrain meuble stratifié, on découpe le sol en n couches de
hauteur Hi (Fig. 42b). On effectue un essai oedométrique au milieu de chaque couche et on
détermine la compressibilité mv . Le tassement final s’obtient par sommation des tassements
associés à chaque couche.
Dans la pratique, l’astuce pour minimiser les tassements consiste à dimensionner les fon-
dations afin que les poids des matériaux à excaver γ D en Eq. 46 correspond à la surcharge
de la construction q0 . Ceci permet d’atteindre des tassements acceptables de 2-3cm. Dans le
cas où, il n’est pas possible d’assurer des tassements acceptables (p.e. sols très compressibles)
ou tout tassement est à éviter (p.e. piste d’atterrissage), une autre technique de fondation doit
être choisie, tel que la mise en place de pieux avec ancrage dans le soubassement rocheux.
où lt0 est l’épaisseur concernée par le changement de pression d’eau ∆p.
À différence du tassement qui est un processus local, la subsidence concerne des échelles
régionales. La Fig. 42d montre quelques cas célèbres de subsidence (gauche) en terrain meuble
et (droite) en massif rocheux. En terrain meuble, les environnements géologiques concernées
par les subsidences sont surtout les bassins remplis par des dépôts fluviatiles et lacustres du
Quaternaire (p.e. México City ou la Santa Clara Valley en Californie) et les deltas (delta du
Po en Italie ou du Mekong au Vietnam), où la décharge par pompage excessif des nappes
profondes a dépassé leur recharge en eau. Les rabattements dans les aquifères profonds conte-
nant des nappes captives sont accompagnés par la consolidation de ces couches sableuses mais
surtout par la mise en place d’un suintement et d’une consolidation des intercalations limono-
argileuses très compressibles. À Venise, quelques mètres de rabattement sont à l’origine de
quelques décimètres de subsidence qui s’associe à la subsidence naturelle du delta du Po et
à l’élévation du niveau marin. Les événements d’ ”Acqua Alta” (inondations en lien avec les
marées) deviennent particulièrement problématiques en automne (Fig. 42e). A México City, la
subsidence atteint aujourd’hui environ la dizaine de mètres.
L’ampleur des subsidences des massifs rocheux en lien avec le rabattement des eaux sou-
terraines est nettement inférieure, notamment en raison du fait que les roches ont une com-
pressibilité beaucoup plus petite que les terrains meubles. En massif rocheux, le percement
de tunnels peut provoquer des rabattements atteignant la centaine de mètres accompagnés en
surface par des subsidences. Ces subsidences sont en général très faibles, de l’ordre de la dizaine
de centimètres. Cependant, ces subsidences peuvent être très problématiques si elles touchent
les fondations d’un barrage. Le cas le plus célèbre est le barrage de Zeuzier (VS) où la subsi-
dence associée au percement du tunnel du Rawyl, a engendré une importante déformation du
barrage-voûte (voir les nombreuses fissures dans le béton visibles en Fig 42f).
Pour terminer cette section, il est important de remarquer que les équations utilisées considèrent
les paramètres constants pendant un processus de consolidation. Cependant, il faut s’attendre
2 Partie II : Mécanismes de déformation et de rupture des terrains meubles 58
Fig. 42: (a) Modèle conceptuel de la consolidation par surcharge (ici exprimée par σb ). (b) Calcul
du tassement pour sol stratifié. (c) Modélisation numérique de la subsidence régionale à
Mexico City. (d) Relation rabattement et subsidence pour terrains meubles et massifs rocheux.
(e) ”Acqua Alta” à Venise et (f) fissures dans le barrage de Zeuzier (VS) en lien avec des
subsidences régionales.
2 Partie II : Mécanismes de déformation et de rupture des terrains meubles 60
Calculer le tassement aux cotés Nord et Sud. Calculer ensuite l’inclinaison de la tour,
ainsi que le temps pour que le tassement soit terminé. Qu’est-ce que proposeriez-vous aujour-
d’hui comme investigations préliminaires et techniques de fondation afin d’éviter un tassement
différentiel ?
b) Les cantons du Valais et de Berne ont envisagé à la fin des années 70 la construction
d’une semi-autoroute permettant de relier la ville de Sion (VS) à Lenk (BE), via un tunnel sous
le col du Rawyl, à proximité du lac de barrage de Zeuzier (VS). Une galerie de sondage de 2m
de rayon a été réalisée en 1978-1979 afin de vérifier la faisabilité d’un tel projet. Cette galerie a
connu beaucoup de problèmes liées aux venues d’eau en tunnel. Le débit drainé s’est stabilisé à
environ 40 L/s avec des venues de pic d’environ 1000 L/s causant l’inondation de la galerie et
un arrêt temporaire des travaux. Le forage vertical X/3, situé au pied du barrage de Zeuzier,
a mis en évidence la présence d’une nappe captive dans les schistes calcaires du Dogger, avec
une charge hydraulique qui s’est stabilisée à H ≈ 1400 m.s.m. Les roches calcaires du Malm,
malgré la fracturation, ne présentent pas de nappe d’eau souterraine. Cette lithologie forme
un excellent massif d’appui pour le barrage-voûte de Zeuzier. Une subsidence du barrage de
Zeuzier a été mesurée dès les premières venues en eau au tunnel du Rawyl. Les venues d’eau
de pic dans la galerie d’exploration du Rawyl ont été accompagnée par l’apparition de fissures
dans le béton du barrage de Zeuzier qui a été vidé par précaution. Environ 18 mois après les
premières venues d’eau, la subsidence s’est stabilisée à 12cm.
Reporter le niveau d’eau du Dogger sur les coupes de la Fig. 43b et proposer un modèle
conceptuel expliquant les venues en eau au tunnel du Rawyl et la subsidence du barrage de
Zeuzier. Calculer la compressibilité des schistes calcaires du Dogger et leur conductivité hy-
draulique.
2 Partie II : Mécanismes de déformation et de rupture des terrains meubles 61
Fig. 43: (a) Photo montrant le tassement de la tour de Pise et schéma de ses fondations, (b) coupe
transversale au tunnel du Rawyl et au barrage de Zeuzier, ainsi que coupe longitudinale au
tunnel du Rawyl.
Mise en boulance : dans le cas d’un écoulement vertical vers le haut (à proximité de
digues, barrages, fonds de fouilles), il arrive que la force de percolation soit supérieure à celle
de gravité. Leur résultante, dirigée vers le haut, provoque une déstructuration (érosion interne)
soudaine du sol. On définit le gradient hydraulique critique ic , tel que gravité et percolation
s’annulent exactement, c’est-à-dire quand le poids volumique déjaugé correspond à γ 0 = i γw :
ic = γ 0 /γw (51)
2 Partie II : Mécanismes de déformation et de rupture des terrains meubles 62
Dans le cas de sables ou de graves très poreux, ic est en général proche de 1 : pour γs = 26.5
kN/m3 et n = 0.4, γ 0 = (γs - γw ) (1-n) ≈ 10 kN/m3 , c’est-à-dire ic ≈ 1. Dans le cas de terrains
meubles sableux ou limoneux, mal gradués et lâches, tel que du sable fin mal gradué (SP), du
sable limoneux (SM) ou encore du limon avec sable (ML), le gradient hydraulique critique ic
peut être très faible : 0.1-0.3. Ces sols sont très vulnérables à l’érosion interne.
Fig. 44: Contraintes effectives sous une fouille (gauche) infiltrante et (droite) exfiltrante (d’après P.
Perrochet, cours hydrodynamique souterraine, Chyn).
La Fig. 44 schématise l’état des contraintes effectives au point P sous (gauche) une fouille
infiltrante et (droite) une fouille exfiltrante. Dans le cas où la fouille est infiltrante, la pression
d’eau p au point P est :
pinf = γw (Z + H − ∆H) (52)
En raison de l’écoulement vers le sous-sol, la pression p au point P est diminuée (par rapport à
la situation hydrostatique) par la perte de charge ∆H permettant l’écoulement, ce qui permet
à la contrainte effective σ 0 de rester toujours positive.
Effet Renard : La mise en boulance est souvent précurseur d’une érosion interne à plus
grande échelle : l’effet renard (Fig. 45b). Suite à une boulance locale la perméabilité du milieu
augmente considérablement avec la formation d’un chenal préférentiel d’écoulement. Le flux
hydraulique converge ainsi vers ce chemin préférentiel et devient alors suffisant grand pour en-
lever des grains de plus en plus gros. C’est un phénomène régressif de sape le long des lignes
de courant amenant à la formation d’une cavité circulaire dans le terrain meuble rassemblant
à un terrier/trou d’un renard. Pour prévenir l’effet renard, il faut empêcher le déplacement des
particules du squelette minéral sans réduire la perméabilité par colmatage. Pour cela, on installe
dans les digues en terre ou dans le terrain des filtres de géotextiles ou de sols à granulométrie
spécifique. Dans ce dernier cas, une règle empirique pour dimensionner la taille des grains du
filtre est : 4.5 D15(T errain) < D15(F iltre) < 4.5 D85(T errain) . Une autre technique consiste à équiper
et à maintenir dans la digue un système de drainage afin de contrôler l’écoulement souterrain.
La solution analytique la plus simple pour évaluer un risque d’érosion interne sous ou dans
une digue est celle de Lane (1934) :
ir = ∆H/Ln (55)
où ∆H est la perte de charge hydraulique entre le côté amont et avale du réservoir, Ln est la
distance minimale d’écoulement et ir est le gradient hydraulique réel attendu. Si ce gradient
dépasse le gradient hydraulique critique ic , il y a donc risque d’érosion interne.
Veuillez noter que le terme ”mise en boulance” se traduit en anglais par ”heave”, alors que
l’ ”effet renard” se traduit par ”backward piping”, ainsi que le premier processus peut être un
phénomène soudain, alors que l’érosion régressive de l’effet renard peut s’effectuer sur des longs
intervalles de temps. En effet, plusieurs digues en terre ont été opérationnelle pendant plusieurs
années, voir décennies avant leur rupture en raison d’une déstructuration par érosion interne
régressive.
Fig. 45: (a) Forces de gravité et de percolation s’exerçant sur un volume du squelette minéral, (b)
trajectoire type d’un phénomène de renard sous une digue.
2 Partie II : Mécanismes de déformation et de rupture des terrains meubles 64
Considérer la géométrie de la Fig. 44 pour le cas d’une fouille exfiltrante excavée jusqu’à la
profondeur Z = 4.0m dans un sol sableux fin saturé en eau de poids volumique γsol = 18 - 20
kN/m3 et de porosité 20%. Le battage d’un piézomètre 3.0m sous la fouille indique que ∆H =
3.0m. Option i) : dimensionner l’épaisseur e qu’il faudrait donner à une couche de gravier pesant
de caractéristiques γgra = 27 kN/m3 et de porosité 30% pour installation en fond de fouille afin
de prévenir un phénomène de mise en boulance. Option ii) : dimensionner également à quelle
profondeur sous la fouille faudrait-il enfoncer au minimum les palplanches pour prévenir un
phénomène de mise en boulance. Commenter les deux variantes.
Le phénomène est réversible et provoque un retrait. Sous les climats tempérés, c’est surtout
le retrait en période de sècheresse qui est dommageable aux constructions (Fig. 46a) : les argiles
sont souvent proches de la saturation, si bien que leur potentiel de gonflement est relativement
limité. Par contre, étant souvent éloignées de leur limite de retrait, c’est vers les basses va-
leurs que la saturation peut varier le plus. Lorsque la saturation est faible, l’eau adsorbée sur
les grains entre en contact. La force de cohésion capillaire est alors remplacée par la cohésion
d’adsorption, beaucoup plus forte, accentuant ainsi le retrait. Globalement, le comportement
des argiles est plastique (au sens d’Atterberg) tant que l’eau capillaire intervient, et qu’il est
fragile lorsque ne reste plus que l’eau adsorbée, p.e. formation de fentes de dessiccation (Fig.
46b).
en cas hétérogénéité du sol ou lorsque les fondations présentent des différences d’ancrage d’un
point à un autre de la maison (cas des sous-sols partiels notamment, ou des pavillons construits
sur terrain en pente). Ceci se traduit par des fissurations en façade, souvent obliques et passant
par les points de faiblesse que constituent les ouvertures. Les maisons individuelles sont les
principales victimes de ce phénomène et ceci pour au moins deux raisons : i) la structure de ces
bâtiments, légers et peu rigides, mais surtout fondés de manière relativement superficielle par
rapport à des immeubles collectifs, les rend très vulnérables à des mouvements du sol d’assise
et ii) la plupart de ces constructions sont réalisées sans études géotechniques préalables qui
permettraient notamment d’identifier la présence éventuelle d’argile gonflante et de concevoir
le bâtiment en prenant en compte le risque associé.
Fig. 46: (a) Construction sans fondations profondes sur un sol gonflant. En été (à gauche), le retrait
affecte les bords, tandis qu’à la saison humide (à droite), le porte-à-faux affecte le centre du
bâtiment. (b) Résistance à la compression simple d’un sol fin selon la teneur en eau.
— en phase de gel, la pénétration du froid est retardée par la nécessité qu’à l’eau interstitielle
de geler avant que la température du terrain puisse s’abaisser en dessous de 0◦ C ;
— lors du dégel, le réchauffement doit d’abord se manifester par la liquéfaction de l’eau
interstitielle avant que la température du terrain puisse dépasser 0◦ C.
2 Partie II : Mécanismes de déformation et de rupture des terrains meubles 66
Pour ces raisons, sous climats tempérés, on admet qu’il suffit d’enterrer une canalisation à
80 cm de profondeur pour la mettre à l’abri du gel.
Dans les très petits pores de la zone non saturée, la tension capillaire empêche le gel, qui se
produit d’abord dans les plus grands pores. Cela entretient un déséquilibre des forces de suc-
cion, les pores gelés étant hydrauliquement ”secs” et de ce fait continuellement alimentés par
les remontées capillaires : ils croissent, gonflent, soulevant et écartant le sol qui les entoure. Ces
lentilles de glace sont d’extension centimétrique à plurimétrique (Fig. 47b), pouvant affecter les
constructions, notamment les routes. Pour ces dernières, la technique de construction adaptée
consiste à poser l’ouvrage sur un talus/remblais dont au moins la base est de granulométrie
très grossière (empierrement) afin d’interrompre les remontées capillaires. La solifluxion est le
résultat de la liquéfaction printanière de la frange superficielle du sol sur sa profondeur encore
gelée.
Fig. 47: (a) Température moyenne de l’aquifère de la vallée du Rhône (gauche) et du sol en région
boréal (droite). (b) Formation de lentilles de glace dans un sol gélif.
Une autre conséquence pratique est l’effet du gel sur les roches, notamment pour les chutes
de blocs rocheux. En hiver, l’eau contenue dans les fractures ou fissures (p.e. fissures en tension
dans une paroi rocheuse) gèle à proximité de la surface, parfois à plusieurs mètres de profondeur
dans les parois, ce qui contribue par gonflement à déstabiliser le massif. Au printemps, une partie
de l’eau redevient liquide tandis que des bouchons de glace subsistent, il se produit alors des
surpressions capables de détacher les blocs rocheux. De fait, la fréquence des chutes de blocs en
régions montagneuses est maximale au début du printemps lors des phases de dégel (Fig. 48).
Fig. 48: Photo d’un événement de chute de blocs rocheux sur le sentier des gorges de l’Areuse (NE)
avec graphique montrant la corrélation entre événements de chute de blocs rocheux observés
et les périodes de dégel pour l’hiver 2017-2018.
La dissolution diminue la résistance mécanique des roches et des terrains meubles et aug-
mente leur perméabilité. Au contraire, la précipitation peut augmenter la résistance mécanique
et diminuer la perméabilité (colmatage des interstices). En région karstique (p.e. : Massif du
Jura ou en Floride), la dissolution est responsable de tassements (chimiques) et de l’effon-
drement de cavités karstiques. En région minière, la dissolution est également responsable de
l’effondrement de mines souterraines.
2.7 Effets des séismes sur les propriétés mécaniques des sols
Lors d’un important ébranlement sismique (secousses) provoqué par un tremblement de
terre de magnitude élevé (Mw > 4-5 ) et de longue durée, le terrain meuble subit des impor-
tantes accélérations latérales en cm s−2 qui peuvent provoquer un réarrangement des grains
avec une forte diminution de la porosité du terrain meuble, en particulier si il est lâche et/ou
sous-consolidé. Ce processus est comparable à ce qu’on fait à chaque fois qu’on prépare du café
avec une cafetière italienne afin d’intégrer le plus de marc possible. La soudaine diminution
de la porosité provoque une soudaine augmentation de la pression d’eau interstitielle qui peut
causer la perte totale de la cohésion et de la résistance du terrain meuble, autrement dit sa
liquéfaction. La fondation d’un bâtiment se trouve ainsi superposé à un ”liquide”, ce qui peut
provoquer le basculement du bâtiment tel qu’illustré sur la photo de la Fig. 49. Les terrains
meubles les plus vulnérables à la liquéfaction sont donc les sols susceptibles de perdre un im-
portant volume poreux sous l’effet d’un secouement, tel que les sables fins mal gradués, lâches
et faiblement consolidé.
Comme nous avons vu à la section traitant les argiles, la thixotropie est par contre la pro-
priété d’un matériel à se comporter comme un liquide à l’état dynamique, c’est-à-dire pendant
l’ébranlement sismique où les contraintes (de cisaillement) varient fortement pendant des laps
de temps très courts, et comme un solide à l’état statique (contraintes constantes dans le temps).
Les conséquences pour les bâtiments sont les mêmes que celles montrés en Fig. 49.
2 Partie II : Mécanismes de déformation et de rupture des terrains meubles 68
Une autre particularité des terrains meubles lors d’un séisme et qu’ils peuvent provoquer une
amplification des accélérations latérales : effets de site. L’amplification dépend des propriétés
intrinsèques du terrain meuble (p.e. : sol lâche vs sol compact) et de la géométrie des dépôts
(p.e. : cuvette Quaternaire au fond des vallées alpines). Les structures/bâtiments construits
sur les terrains meubles du Quaternaire sont plus vulnérables aux dégâts des tremblements
de terre que les structures dont les fondations touchent ou avoisinent la roche en place. En
Suisse, les cartes de classes de sols de fondation permettent d’identifier les zones vulnérables à
l’amplification des accélérations latérales et, ainsi, de choisir la méthode de fondation la plus
propice (Fig. 49).
Fig. 49: (Gauche) Basculement de bâtiments dû à une liquefaction du sol en réponse au séisme de
Niigata, Japon en 1964 (modifié d’après Parriaux 2006). (Droite) Extrait de la carte de classes
de sols de fondation pour le Canton de Neuchâtel (modifié d’après OFEV 2016, Séismes :
Cartes de classes de sols de fondation).
2 Partie II : Mécanismes de déformation et de rupture des terrains meubles 69
2.8 Synthèse i) des dangers causés par les terrains meubles sur les
constructions et ii) des dangers causés par les constructions sur les
ressources en eau
La Fig. 50 synthétise les différentes processus géotechniques qui peuvent être problématiques
pour les constructions et indique leur intensité en fonction du matériel géologique.
Les dangers causés par les constructions sur les ressources en eau sont surtout liés aux mo-
difications des écoulements souterrains, comme les effets de barrage (Fig. 37) ou le tarissement
des sources (Fig. 51). De manière générale, les excavations de fouilles ou le percement d’un
tunnel dans la zone saturée va provoquer un drainage des eaux souterraines. Il faudra donc
mettre en place un système de pompage afin d’éviter l’inondation des fouilles et les autres
problématiques associées. Un système d’évacuation des eaux est souvent mis en place lors du
percement d’un tunnel pour éviter son inondation. Dans le cas, où le drainage du tunnel pro-
voque des tarissements de sources, il faudra réfléchir à des mesures d’assainissement tel que
des ”by-pass” re-injectant l’eau dans l’aquifère. La température de l’eau souterraine drainée
(≈ 40 ◦ C) a été très problématique lors du percement du tunnel du Simplon ou du Gotthard
(Alptransit) car l’environnement n’était plus propice au travail (trop chaud). Il a fallu mettre
en place des systèmes de refroidissement.
Dans la zone non-saturée, les fouilles ou un tunnel vont se comporter comme une zone
préférentielle de recharge, il faudra donc mettre en place des mesures évitant les fuites et les
contaminations du sous-sol (p.e. bacs de rétention) et un monitorage des points d’eau avoisinants
(sources) afin de détecter rapidement des fuites/pollutions.
2 Partie II : Mécanismes de déformation et de rupture des terrains meubles 70
Fig. 50: Intensité des dangers liés aux terrains meubles. Les cotations données correspondent à des
terrains meubles dans leur constitution habituelle. Une variabilité de composition peut chan-
ger notablement la cotation. La référence géologique est le contexte alpin. Le descriptif ne se
rapporte pas à la cartographie des dangers naturels.
Fig. 51: Assèchement d’une source (avant travaux, à gauche) par le creusement d’une route avec talus
(à droite).
2 Partie II : Mécanismes de déformation et de rupture des terrains meubles 71
— Mettre en évidence des autres problèmes associés aux venues d’eau en tunnel.
Equation de Goodman (Goodman 1965) pour le débit permanent d’exhaure drainé par un
tunnel Qt en m3 /s :
n
X 2πKi (H0i − Hi )Li
Qt = 2(H0i −Hi )
(56)
i=1 ln( r0
)
où K est la conductivité hydraulique en m/s, H0 et H sont la charge hydraulique avant et après
le percement du tunnel en m, r0 est le rayon du tunnel en m, L est la longueur du secteur en
m (dans la 3ème dimension), et n est le nombre total de secteurs i.
T =K ·e (57)
3 Partie III : Glissements de terrain, stabilité des pentes et dangers naturels 72
Le risque est le danger pondéré par l’ampleur des dommages aux biens et aux personnes
lorsque le danger se produit. L’ampleur des dommages est déterminée par le nombre de per-
sonnes et biens ainsi que par leur vulnérabilité.
On peut noter à partir de ces définitions qu’on peut être en présence d’un danger très
élevé mais, en l’absence d’infrastructures ou de personnes, ce danger naturel ne comporte au-
cun risque. Veuillez aussi noter que chaque pays dispose de sa propre classification, ayant
d’importantes conséquences économiques (assurances, législation, subventions). Pour le cas de
la classification Suisse, trois intensités sont définies pour chaque type de danger : faible,
moyenne et forte (Fig. 52).
Fig. 52: Critères appliqués pour déterminer l’intensité des différents dangers en Suisse (source :
OFEV).
3 Partie III : Glissements de terrain, stabilité des pentes et dangers naturels 73
La fréquence est décrite selon quatre niveaux définissant la période de retour T du danger :
Une exception notable concerne les glissements de terrain, pour lesquels la fréquence n’in-
tervient pas dans la quantification du danger. Un outil largement utilisé pour l’évaluation de
la fréquence d’un aléa (période de retour), surtout pour les évènements extrêmes, est la loi
de Gumbel. Une autre technique pratique est la méthode de la fréquence annuelle cumulée de
Gutenberg-Richter.
La Confédération fait obligation aux cantons de dresser la cartographie des dangers natu-
rels, avec des lourdes conséquences en matière d’aménagement du territoire (Fig. 53) :
— Rouge : danger élevé. Les personnes sont en danger aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur
des bâtiments. Il faut s’attendre à une destruction soudaine de bâtiments. Ou bien les
événements se manifestent avec une intensité plutôt faible, mais avec une probabilité
d’occurrence élevée. Dans ce cas, les personnes sont surtout menacées à l’extérieur des
bâtiments ou les bâtiments deviennent inhabitables. La zone rouge correspond essentiel-
lement à une zone d’interdiction, où le développement est interdit.
— Bleu : danger moyen. Les personnes sont en danger à l’extérieur des bâtiments, mais
peu ou pas à l’intérieur. Il faut en principe compter dans cette zone sur des dégâts
aux bâtiments, mais non sur la destruction soudaine de ces derniers, pour autant que
le mode de construction ait été adapté aux conditions en présence. La zone bleue est
essentiellement une zone de réglementation, où de sévères dommages peuvent être réduits
par des mesures de précaution appropriées (réglementation restrictive).
— Jaune : danger faible. Le danger pour les personnes est faible ou inexistant. Il faut s’at-
tendre à de faibles dégâts aux bâtiments, mais par contre il peut y avoir des dommages
considérables à l’extérieur des bâtiments. La zone jaune est essentiellement une zone de
sensibilisation (information sur les dangers potentiels).
— Hachuré jaune-blanc : danger résiduel. Des dangers avec une très faible probabilité d’oc-
currence et une forte intensité peuvent survenir. La zone hachurée en jaune-blanc est
une zone de sensibilisation, mettant en évidence un danger résiduel.
— Blanc : aucun danger connu ou danger négligeable selon l’état des connaissances actuelles.
Loi de Gumbel : La loi de Gumbel postule que la loi double exponentielle est la forme limite
de la distribution de la valeur maximale d’un échantillon de valeurs. Par exemple, le maximum
annuel d’une variable étant considéré comme le maximum de 365 valeurs journalières, cette loi
doit ainsi être capable de décrire les séries de maxima annuels (Fig. 54), comme par exemple
le débit de la crue annuelle ou la masse de la chute de blocs rocheux annuelle. La fonction de
densité de probabilité ou fonction de distribution (trait plein en Fig. 54) se définit par :
1 −z−e−e
f (x) = e (58)
β
L’intégrale de l’Eq. 58 définit la fonction de répartition ou fonction de distribution cumulée
(trait traitillé en Fig. 54) :
−z
F (x) = e−e (59)
3 Partie III : Glissements de terrain, stabilité des pentes et dangers naturels 74
Fig. 53: (Partie supérieure) Matrice suisse du danger en fonction de la probabilité et de l’intensité.
(Partie inférieure) Exemple de carte de dangers (ici surtout glissement de terrain) avant
et après la mise en oeuvre de mesures dites ”structurales” : digues, bassins de rétention
de sédiments. Moyennant ces précautions, plus une surveillance continue du glissement, un
plan d’évacuation, une cellule de crise permanente, etc. le village de Sörenberg (LU) peut
poursuivre un développement modéré.
√
6
β=S (62)
π
où M est la moyenne de la variable x (masse d’un bloc rocheux, débit d’une rivière, etc.), S est
l’écart-type (déduits à partir de la fonction de distribution) et le terme 0.577 est la constante
de Euler-Mascheroni.
Fig. 54: (Haut-Gauche) Fonction de distribution (trait plein) et de répartition (traitillé) de la loi de
Gumbel. (Haut-Droite) Débits maximums annuels de la Mentue à Yvonand (VD), 25 mesures.
(Bas) Étalonnage de la courbe de tendance sur les données d’ observation.
En pratique, on commence par i) classer les N valeurs mesurées de x par ordre croissant,
puis pour chacune, ii) on définit la fréquence empirique de Hazen : h = (i - 0.5) / N , où i est
le numéro de la valeur dans la liste classée (i petit correspond aux faibles valeurs mesurées).
Puis, iii) on trace sur un graphique bilinéaire les valeurs mesurées x en ordonnée et les variables
réduites u en abscisse : u = -Ln(-Ln(h)). Si les mesures obéissent effectivement à la loi de
Gumbel, alors les points s’alignent sur une droite. iv) En ajustant une droite théorique à la
courbe expérimentale, on déduit la valeur de n’importe quel quantile.
Résultat : Le débit estimé de la crue centennale vaut : Q100 = 25.5 + 4.60 · 7.98 = 62.2 m3 /s.
La classification recommandée est celle de Hungr et al. (2014) : The Varnes classification
of landslide types, an update ; Landslides → cliquer ici pour le lien vers la page web de la
publication, qui mets-à-jour celle de Cruden et Varnes (1996) basée sur :
La cinématique du mouvement est clairement décrite dans Hungr et al. (2014) par une
définition pour un total de 32 types de ”landslides”. Les classes dominantes sont : chutes, bas-
culement, glissement, étalement et écoulement. Ces catégories s’appliquent plus ou moins à tous
les types de matériaux qui, eux, se subdivisent en : roche, argile, boue, terrain meuble (limon,
sable, graviers et blocs), débris, tourbe et glace. L’activité est évaluée par trois paramètres :
l’état de l’activité, sa distribution et son style. Ensuite, le mouvement est décrit en termes de
vitesse et de rôle de l’eau.
Vous êtes fortement invités à lire la publication de Hungr et al. (2014) pour une vue d’en-
semble et détaillée des glissements de terrain. Seul quelques cas seront traités ici.
l’agencement des grains si l’empilement n’est pas compact. Les sols fins possèdent des pro-
priétés similaires à celles des sols grossiers, mais plus la granulométrie diminue plus les forces
de cohésion prennent de l’importance, jusqu’à être bien supérieure à celles de friction.
Tab. 8: Définition des types de glissement de terrain sur la base de la classification de Hungr et
al. (2014), chutes et basculements
Type Définition
Tab. 9: Définition des types de glissement de terrain sur la base de la classification de Hungr et
al. (2014), glissements en roche
Type Définition
7. Rock planar slide Glissement d’une masse de roche le long d’une surface de
Glissement rocheux rupture plane qui peut avoir une forte pente. La partie supérieure
translationnel peut être séparée de l’escarpement par une fissure en tension verticale
et profonde. En général, la rupture est extrêmement rapide (> m/s).
8. Rock wedge slide Glissement d’une masse de roche le long d’une surface de
Glissement rocheux rupture composée par deux plans s’intersectant vers l’avale.
en dièdre En général, la rupture est extrêmement rapide (> m/s).
9. Rock compound slide Glissement d’une masse de roche le long d’une surface de
Glissement rocheux rupture composée par plusieurs plans/zones de glissement.
composite Structures en horst-and-graben, distorsion de la masse rocheuse,
fissures en tension, lent (cm/a - m/a) ou rapide (m/h).
La zone principale de glissement est souvent une couche de roche
tendre (p.e. marnes) dans la stratigraphie.
10. Rock irregular slide Glissement d’une masse de roche le long d’une surface de rupture
”Rock collapse” irrégulière composée par des joints séparées par des segments
Collapse rocheux (”ponts”) de roche intacte. En général, dans des roches fragiles
(p.e. cristallines). La rupture peut être soudaine et extrêmement rapide.
où le mouvement de l’instabilité est réactivé/accéléré de façon épisodique sous l’effet des mo-
difications de l’état des contraintes, p.e. : baisse saisonnière de la résistance au cisaillement par
l’augmentation des pressions d’eau souterraine ou les effets d’un tremblement de terre. Avec
l’incrément de la déformation et en fonction de ses caractéristiques géométriques, le glissement
de terrain évoluera ensuite soit dans une rupture catastrophique, soit dans une stabilisation, tel
qu’illustré à la Fig. 55b pour les glissements profonds. Le concept décrit ci-dessus est connu
sous le terme de rupture progressive. Veuillez noter que pour une rupture finale catastro-
phique, la forme de la courbe rassemble à celle obtenue en laboratoire lors d’un essai de fluage :
l’accélération de la vitesse de déformation indique qu’on approche de la rupture finale. Cette
vidéo : cliquer ici pour le lien youtube montre les derniers instants de la rupture d’un mur de
rétention. Le même comportement peut être conceptualisé pour les pentes naturelles : i) (bien
avant la vidéo) des signes d’instabilités sont visibles sur la route sous la forme de fissures en
tension parallèles au talus, ii) un événement de forte intensité (dans ce cas des surpressions
d’eau interstitielle en lien avec les précipitations) déclenche une déstabilisation ultime de la
pente avec iii) accélération du mouvement (visible par l’inclinaison progressive des voitures)
jusqu’au iv) collapse. Sur la vidéo, lors de l’impact, on distingue aussi la surpression d’eau
interstitielle.
Les processus pouvant provoquer une déstabilisation ultime de la pente (naturelle ou pas)
3 Partie III : Glissements de terrain, stabilité des pentes et dangers naturels 79
Tab. 10: Définition des types de glissement de terrain sur la base de la classification de Hungr
et al. (2014), glissements en terrain meuble
Type Définition
11. Clay/silt rotational slide Glissement d’une masse (cohésive) de terrain meuble
Glissement de terrain le long d’une surface de rupture rotationnelle.
rotationnel En général, lent à rapide (> m/h), voir très rapide.
12. Clay/silt planar slide Glissement d’une masse (cohésive) de terrain meuble
Glissement de terrain le long d’une surface de rupture plane et inclinée,
translationnel constituée par une couche de faible résistance. Une fissure en tension
profonde sépare la partie active du glissement du terrain stable.
Lent (cm/a - m/a) ou rapide (m/h).
13. Debris slide Glissement d’une masse de matériel granulaire le long d’une surface
Glissement de débris / de rupture peu profonde et parallèle à la pente. Il peut évoluer
Glissement ”spontané” dans une avalanche de débris extrêmement rapide (>m/s).
14. Clay/silt compound slide Glissement d’une masse de sol le long d’une surface de
Glissement de terrain rupture composée par plusieurs plans/zones de glissement.
composite La partie basale de la zone de glissement suit souvent un horizon
de faible résistance dans la stratigraphie (p.e. horizon argileux).
Fig. 55: (a) Échelle des vitesses de glissement utilisée en Amérique du Nord et dans la classification de
Cruden et Varnes (1996). (b) Schéma illustrant la dégradation de la résistance d’un glissement
sous l’effet de facteurs externes à partir de la rupture initiale jusqu’à la rupture ultime ou la
stabilisation.
se caractérisent soit par i) une forte baisse de la résistance au cisaillement due p.e. à des
surpressions d’eau en lien avec des précipitations ou à la fonte des neiges, ou à l’effet d’une
excavation à la base du glissement, ou soit ii) un fort incrément des contraintes de cisaillement,
tel que l’effet d’un tremblement de terre (ébranlement horizontal) ou d’une surcharge dans la
partie amont de la pente.
3 Partie III : Glissements de terrain, stabilité des pentes et dangers naturels 80
Tab. 11: Définition des types de glissement de terrain sur la base de la classification de Hungr
et al. (2014), étalements & écoulements
Type Définition
15. Rock slope spread Élongation presque horizontale d’une masse de roche
Étalement d’une pente cohérente suite à une déformation extensive d’une couche inférieure
rocheuse de faible résistance. En général, mouvement lent.
16. Liquefaction spread Élongation latérale très rapide (> m/min) d’un terrain meuble suite
Étalement par à la liquéfaction d’une couche subjacente lors d’un tremblement de terre
liquéfaction ou un phénomène géologique/hydrogéologique extrême.
17. Sensitive clay spread Élongation latérale très rapide (> m/min) d’un terrain meuble suite
Étalement d’argiles à la perte totale de résistance d’une couche d’argile sensitive,
sensitives p.e. thixotropie lors d’un tremblement de terre.
18. Rock/ice avalanche Écoulement extrêmement rapide (> m/s) de roche/glace fragmentée
Avalanche rocheuse à partir d’un glissement rocheux ou d’une chute de blocs rocheux.
ou de glace
19. Dry debris flow Écoulement lent ou rapide de matériel lâche, sec ou
Écoulement de débris humide mais en absence de surpressions d’eau interstitielle.
(sec)
20. Debris flowslide Écoulement très rapide à extrêmement rapide de matériel granulaire
Écoulement-glissement saturé avec des surpressions d’eau interstitielle.
de débris
23. Mud flow Écoulement très rapide à extrêmement rapide de matériel argileux
Écoulement le long d’un chenal raide avec entrainement du matériel et de l’eau
de boue le long du trajet.
24. Debris flood Écoulement très rapide d’eau très chargée en débris le long
Crue de débris d’un chenal d’écoulement.
25. Debris avalanche Écoulement rapide à extrêmement rapide (> m/s) de débris
Avalanche de débris saturés ou partiellement saturés le long d’une pente raide.
27. Peat flow Écoulement rapide de tourbe liquéfiée causée par des surpressions
Écoulement de tourbe d’eau interstitielle.
Chutes et basculements
Les chutes de matériaux sont des phénomènes rapides. Un exemple est la chute de blocs
rocheux qui est un processus qui comporte une chute libre et une série de phénomènes tels que
3 Partie III : Glissements de terrain, stabilité des pentes et dangers naturels 81
Tab. 12: Définition des types de glissement de terrain sur la base de la classification de Hungr
et al. (2014), déformations de versant
Type Définition
29. Rock slope deformation Mouvement permanent profond d’un versant de vallée ou d’une colline.
Déformation d’une pente Déformation extrêmement lente (<cm/a). Absence d’une surface
rocheuse de cisaillement bien définie.
30. Soil slope deformation Mouvement permanent profond d’un versant de vallée ou d’une colline,
Déformation d’une pente composé de terrains meubles cohésifs.
en terrain meuble Déformation lente à extrêmement lente (<cm/a), souvent en
terrains gelés : versant en permafrost, glaciers rocheux, etc.
32. Solifluction Fluage très lent du sol dans des environnements alpins ou polaires
Solifluxion constamment gelés, car la glace se déforme sous l’effet de la gravité,
c’est-à-dire sous son propre poids. Formation de lobes caractéristiques.
Les lois de la balistique peuvent être utilisées pour déterminer la trajectoire (coordonnées
x et z) du bloc entre l’impact i et l’impact i + 1 :
1
z = − g t2 + V0z t (64)
2
x = V0x t (65)
où t est le temps, V0x est la composante horizontale de la vitesse initiale ou après l’impact i :
V0x = V0 cos(α), V0z est la composante verticale de la vitesse initiale ou après l’impact i : V0z
3 Partie III : Glissements de terrain, stabilité des pentes et dangers naturels 82
= V0 sin(α), α est l’angle définissant la direction du vecteur vitesse V0 (négatif vers le bas) et
g est l’accélération gravitationnelle.
La vitesse V1 atteinte par le bloc juste avant l’impact i + 1 dépend uniquement de la va-
riation de la composante verticale de la vitesse qui est soumise à l’accélération g, alors que la
composante horizontale reste constante :
p
V1z = (V0z )2 + 2 g ∆z (66)
La Fig. 56b montre les différents types d’ouvrages de protection contre la chute des blocs
et leur utilisation en fonction de la gamme attendue d’énergie cinétique d’impact.
Dans la pratique, les études de trajectoire de chutes de blocs doivent se faire en 3D, car la
présence de ravines et de dépressions dans la topographie a une grande influence sur les trajec-
toires. En effet, elles tendent à ”drainer” les blocs lors de la chute, ce qui permet d’optimiser
considérablement le choix de l’emplacement des ouvrages de protection et ainsi de diminuer
leur nombre et donc le coût du projet. Des logiciels commerciales et spécifiques à la chute de
blocs (voir références) permettent de réaliser des études de trajectoire en 2D et 3D (Fig. 56c).
Des notions empiriques, notamment sur les angles des cônes de dépôts sont également très utiles
pour définir les limites possibles des trajectoires, comme par exemple la distance de propagation
maximale de la chute de bloc (voir Fig. 56d).
La lecture de l’ouvrage bibliographie : Rock Fall Engineering de D.C. Wyllie (2017) est
fortement recommandée pour les personnes intéressées par ce type de danger naturel.
Fig. 56: (a) Traces d’impact d’une chute de bloc rocheux avec les dégâts causé sur un bâtiment. (b)
Types d’ouvrages de protection en fonction de la capacité d’énergie cinétique d’impact à
contenir avec photos illustrant des exemples de filets de protection, tunnel de protection et
barrière/digue de protection. (c) Illustration d’une étude 3D de trajectoire de chute de blocs
rocheux réalisé avec le logiciel RocPro3D. (d) Angles empiriques définissant les limites de
propagation des chutes de blocs (images modifiées d’après Wyllie 2017).
Le basculement est un phénomène lent, fréquent, qui affecte les matériaux qui sont soumis
à un mouvement induit par la gravité sur une masse ne possédant pas suffisamment d’appui à
3 Partie III : Glissements de terrain, stabilité des pentes et dangers naturels 84
sa base engendrant une rotation autour du point d’appui. Il précède souvent des chutes de bloc
ou induit des ruptures importantes dans un versant : collapse rocheux. Ce phénomène, encore
mal modélisé, est fondamental lors de la déstabilisation des versants. Le fauchage est aussi un
type de basculement.
Les méthodes d’équilibre limite (voir §3.3) peuvent être utilisées pour analyser les instabi-
lités de terrain. Il faut cependant noter que ces approches ont été développées pour analyser
les pentes artificielles et elles s’appliquent avec difficulté aux pentes naturelles, notamment à
cause des incertitudes/méconnaissances sur les géométries du sous-sol et ses propriétés.
Fig. 57: Traits morphologiques des (a) glissements translationnels et rotationnels, ainsi que (b) des
glissements permanents profonds. (c) Photo du glissement du Vajont avant et après la rupture
catastrophique.
Les méthodes de stabilisation des glissements se basent principalement sur deux principes :
i) l’incrément des forces résistantes au mouvement et/ou ii) l’abaissement des surpressions
d’eau afin d’arrêter la baisse (saisonnière) de la résistance au cisaillement avec la fluctuation
des niveaux d’eau souterraine.
3 Partie III : Glissements de terrain, stabilité des pentes et dangers naturels 86
Fig. 58: Illustration de l’application de la méthode des vitesses inverses de Fukuzono pour le collapse
rocheux de Randa (VS).
L’incrément des forces résistantes au mouvement peut être obtenu par la construction d’un
ouvrage de soutènement à la base de la pente instable, tel que : des murs/digue poids en blocs
de pierre ou en béton ou encore des parois clouées, moulées, etc.
L’abaissement des surpressions d’eau souterraine peut être obtenu par la mise en place d’un
système de drainage, d’un rideau de puits de pompage ou encore par le percement d’une galerie
drainante. Cette dernière mesure a par exemple été choisie pour la stabilisation des glisse-
ments profonds de Campo Vallemaggia (TI), de la Frasse (VD) ou encore de Montagnon (VS)
(voir Fig. 59). Dans le cadre des glissements profonds permanents, les mesures d’atténuation
visant l’abaissement des pressions d’eau sont plus efficaces que la construction d’ouvrages de
soutènement. Le guide pratique de l’OFEV : Glissements de terrain: hydrogéologie et techniques
d’assainissement par drainage de A. Parriaux, C. Bonnard et L. Tacher (2010) est un ouvrage
de référence sur l’hydrogéologie des glissements de terrain et les techniques de stabilisation par
abaissement des pressions d’eau.
La méthode des tranches se base également sur le concept d’équilibre limite et peut soit
i) être utilisée pour déterminer la géométrie de la surface de rupture critique (p.e. approche
de Bishop 1955), soit ii) pour analyser l’état d’équilibre de la pente ou pour déterminer ses
propriétés par une analyse de retour (p.e. méthode suédoise des tranches de Fellenius 1927).
Ce dernier cas nécessite que la géométrie du glissement pour le calcul est entièrement définie
3 Partie III : Glissements de terrain, stabilité des pentes et dangers naturels 87
Fig. 59: Schéma comparatif des méthodes d’assainissement hydrogéologiques. A : Fossés de collecte
des eaux superficielles. B : Drains forés à vidange gravitaire. C : Rideaux de puits filtrants
verticaux. D : Galeries avec forages rayonnants.
Le principe de base de la méthode des tranches est que la stabilité est une fonction des
contraintes agissant sur le plan/zone de glissement et que ces contraintes peuvent être déterminées
par les propriétés de la colonne de terrain meuble / roche sur la zone de glissement. On
découpera ainsi la pente en plusieurs tranches (Fig. 60) et on analysera le rapport entre les
contraintes/forces motrices et les contraintes/forces résistantes en se basant sur une loi de
plasticité, tel que la loi de Mohr-Coulomb :
Pn
FR (bi ci + (Wi cos αi − pi bi ) tan ϕi )
F oS = = i=1 Pn (69)
FM i=1 Wi sin αi
où F oS est le facteur de sécurité : si F oS > 1 → stabilité, si F oS < 1 → instabilité, F R sont les
forces résistantes au mouvement, F M sont les forces motrices du mouvement, c est la cohésion,
b la longueur de la base, W le poids, α l’angle d’inclinaison de la base, p la pression d’eau et ϕ
l’angle de frottement pour les tranches i à n. Si on admet que la surface de glissement est sans
cohésion et que l’angle de frottement est constant, alors l’Eq. 69 se simplifie à :
P
(Wi cos αi − pi bi )
F oS = P tan ϕi (70)
Wi sinαi
L’exercice 3.2 illustre l’effet de facteurs externes sur la stabilité d’un glissement. De la
même manière, on pourrait partir d’un facteur de sécurité égal à 1 et par une analyse de retour
3 Partie III : Glissements de terrain, stabilité des pentes et dangers naturels 88
déterminer les propriétés de la pente à la rupture, ainsi que les pressions d’eau critiques. On
pourrait également tester l’effet des mesures d’assainissement (p.e. abaissement des niveaux
d’eau) sur la stabilité du glissement.
Les méthodes par éléments ou différences finies sont de plus en plus utilisées pour analyser la
déformation et la rupture des glissements sur la base de lois constitutives de comportement du
terrain élasto-plastiques. Les principaux avantages sont : la prise en compte de comportement
avec écrouissage (modification de la résistance avec la déformation), couplages hydromécaniques
(écoulement et stabilité), la modélisation de géométries complexes en 2D et 3D avec l’introduc-
tion de l’hétérogénéité géologique, etc.
Commenter chaque effet et énoncer les limites de la méthode des tranches de Fellenius (1927).
Fig. 60: Exercice 3.2 : Stabilité des pentes - méthode des tranches.
3 Partie III : Glissements de terrain, stabilité des pentes et dangers naturels 89
Tranche Aire Poids Angle Force motrice Force résistante Hauteur eau sur Pression eau sur Longueur base Force résistante
A, m2 W , kN/m α, ◦ W sin(α), kN/m W cos(α), kN/m plan de glissement plan de glissement l, m effective
2
h, m p, kN/m W cos(α) - p l,
kN/m
1 3.8 54 0 4.0
2 14.4 36 0 3.7
3 15.3 20 0 3.2
4 13.8 4 0 3.0
Σ= Σ=
Tab. 14: Tableau pour la méthode des tranches : ii) état hydrodynamique
Tranche Aire Poids Angle Force motrice Force résistante Hauteur eau sur Pression eau sur Longueur base Force résistante
A, m2 W , kN/m α, ◦ W sin(α), kN/m W cos(α), kN/m plan de glissement plan de glissement l, m effective
2
h, m p, kN/m W cos(α) - p l,
kN/m
1 3.8 54 1.4 4.0
Σ= Σ=
Tab. 15: Tableau pour la méthode des tranches : iii) état ”hydrostatique”
Tranche Aire Poids Angle Force motrice Force résistante Hauteur eau sur Pression eau sur Longueur base Force résistante
A, m2 W , kN/m α, ◦ W sin(α), kN/m W cos(α), kN/m plan de glissement plan de glissement l, m effective
h, m p, kN/m2 W cos(α) - p l,
kN/m
1 3.8 54 1.4 4.0
Σ= Σ=
3 Partie III : Glissements de terrain, stabilité des pentes et dangers naturels 90
Tab. 16: Tableau pour la méthode des tranches : iv) excavation à la base de la pente avec état
hydrodynamique
Tranche Aire Poids Angle Force motrice Force résistante Hauteur eau sur Pression eau sur Longueur base Force résistante
A, m2 W , kN/m α, ◦ W sin(α), kN/m W cos(α), kN/m plan de glissement plan de glissement l, m effective
h, m p, kN/m2 W cos(α) - p l,
kN/m
1 3.8 54 1.4 4.0
Σ= Σ=
Le danger de crue et d’inondation et ses risques associés devraient être considérés pour toute
construction au voisinage d’un cours d’eau (voir exercice 3.3). Dans ce cours, on va s’arrêter
là pour ces types de dangers et on ne traitera pas des autres dangers naturels tel que les
tremblements de terre, les dangers météorologiques (p.e. tempêtes) ou encore les avalanches.
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FLAC 2D & 3D : Logiciels en différences finies pour tout type d’analyse géotechnique, développé
par l’entreprise Itasca, Minneapolis, États Unis. Cliquer ici pour le lien vers la page web.
UDEC & 3DEC : Logiciels en éléments distincts pour tout type d’analyse en mécanique des
roches, développé par l’entreprise Itasca, Minneapolis, États Unis. Cliquer ici pour le lien vers la page
web.
Suite RocScience : Logiciels en éléments finies ou basés sur des solutions analytiques (équilibre
limite, lois de consolidation, etc.) pour différentes applications en géotechnique, p.e. Settle : tasse-
ments, Slide : glissements ou encore Rockfall : chute de blocs, développé par l’entreprise RocScience,
Afrique du Sud. Cliquer ici pour le lien vers la page web.
RocPro3D : Logiciel pour l’analyse en 3D des trajectoires et des énergies impliqués dans la chute
de blocs, développé par l’entreprise RocPro3D, France. Cliquer ici pour le lien vers la page web.
Annexes i
Annexe II : abaque de Newmark : le point où on veut déterminer la contrainte verticale est placé
au centre de l’abaque. La fondation est dessinée à une échelle α telle que la profondeur z du point
corresponde à la longueur ab. Chaque quadrilatère curviligne correspond à une contrainte verticale de
0.005 q. On obtient la contrainte recherchée en comptant le nombre n de quadrilatères recouverts par
le plan de fondation : ∆σz = I q = 0.005 n q.
Annexes iii
Annexe III : abaque d’Österberg pour le cas d’une charge trapézoı̈dale de longueur infinie.
Annexes iv