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Ingénierie géotechnique

Support de cours

Giona Preisig
Centre d’hydrogéologie et de géothermie, Université de Neuchâtel

giona.preisig@unine.ch

17 mars 2021

Table des matières


1 Partie I : Définition, caractérisation et classification des terrains meubles . . . . 6
1.1 Définitions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
1.2 Caractérisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
1.2.1 Caractéristiques physiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
1.2.2 Caractéristiques dimensionnelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
1.2.3 Structure des terrains meubles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
1.3 Détermination et identification en laboratoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
1.3.1 Essais de détermination et d’identification propres aux sols à grains grossiers 17
1.3.2 Essais d’identification propres aux sols à grains fins . . . . . . . . . . . . 18
1.3.3 Autres essais . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
1.4 Classification . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
1.5 Interprétation géologique et principaux types d’aquifères en terrain meuble . . . 27
1.6 Reconnaissance des sites, échantillons, valeurs caractéristiques, et principaux es-
sais et mesures mécaniques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
1.6.1 Valeurs caractéristiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
1.6.2 Principaux essais et mesures mécaniques sur le terrain . . . . . . . . . . 37
1.6.3 Principaux essais mécaniques en laboratoire . . . . . . . . . . . . . . . . 44
1.7 Aspects législatifs en ingénierie géotechnique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48
2 Partie II : Mécanismes de déformation et de rupture des terrains meubles . . . . 50
2.1 Comportement mécanique et effets de l’eau souterraine . . . . . . . . . . . . . . 50
2.2 Consolidation, tassements et subsidences . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52
2.3 Érosion interne, mise en boulance et effet renard . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61
2.4 Gonflement et retrait des terrains argileux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64
2.5 Gel et dégel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65
2.6 Effets du chimisme de l’eau sur les propriétés mécaniques . . . . . . . . . . . . . 66
2.7 Effets des séismes sur les propriétés mécaniques des sols . . . . . . . . . . . . . . 67
2.8 Synthèse i) des dangers causés par les terrains meubles sur les constructions et
ii) des dangers causés par les constructions sur les ressources en eau . . . . . . . 69
3 Partie III : Glissements de terrain, stabilité des pentes et dangers naturels . . . 72
3.1 Dangers et risques naturels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72
3.2 Glissements de terrain, basculements et chute de blocs rocheux . . . . . . . . . . 76
3.2.1 Matériaux géotechniques et géologiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 76

1
2

3.2.2 Types et cinématique du mouvement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77


3.2.3 Intensité (vitesse) du mouvement et rupture progressive . . . . . . . . . . 77
3.2.4 Glissement en roche et/ou en terrain meuble . . . . . . . . . . . . . . . . 84
3.3 Stabilité des pentes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 86
3.4 Crues, inondations et autres dangers naturels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 90
3

Objectifs, thèmes traités et références


Ce cours est une introduction à la géotechnique pour hydrogéologues et vise principale-
ment les processus géotechniques où les eaux souterraines jouent un rôle principal. Lors de
la réalisation d’ouvrages du génie civil (bâtiments, tunnels, routes, etc.), les hydrogéologues
travaillent en collaboration avec les ingénieurs civils et les géotechniciens. Une des tâches prin-
cipales de ces derniers est le dimensionnement des ouvrages. L’ingénieur géotechnicien doit
typiquement calculer et dimensionner des fondations ou des soutènements afin d’assurer la sta-
bilité et la durabilité d’un ouvrage/structure. Ce travail de dimensionnement est performant si
et seulement si les géologues/hydrogéologues ont correctement caractérisé le sous-sol et identifié
comment celui-ci va se comporter et interagir avec la structure. Ces derniers devront également
comprendre comment l’ouvrage va affecter le fonctionnement naturel, afin de proposer des me-
sures limitant les impacts. Ils devront également identifier les dangers naturels pouvant menacer
le bon déroulement et la sécurité sur un chantier ou la sécurité d’un ouvrage (p.e. route) et
proposer des mesures de mitigation (atténuation) du risque. La figure 1 illustre et synthétise
les points introduits ci-dessus.

Fig. 1: Interaction entre ouvrage du génie civil et environnement géologique (photo prise depuis la
page de couverture du Quarterly Journal of Engineering Geology and Hydrogeology, Volume
50(3), Août 2017).
4

Les thématiques géotechniques traités dans ce cours donnent l’accent sur les terrains meubles
du Quaternaire (ou ”sols” pour les ingénieurs), compte tenu que i) la grande majorité des tra-
vaux du génie civil en Suisse ont lieu dans le ”Quaternaire”, ii) la classification et le compor-
tement hydraulique et géomécanique des roches sont déjà traités dans les cours de ”Systèmes
aquifères fissurés et karstiques”, ”Rock and earthquake mechanics” et ”Hydrodynamique sou-
terraine” et iii) le peu de temps à disposition. La première partie du cours se concentre sur
la reconnaissance, la caractérisation et la classification des terrains meubles. La classification
est une étape indispensable permettant déjà de généraliser comment le terrain va se comporter
face à des sollicitations anthropiques ou naturelles : chargement par le poids d’un bâtiment,
gel-dégel, fluctuations des niveaux d’eau souterraine, etc. Les processus de déformation et de
rupture des terrains meubles ainsi que le rôle de l’eau souterraine seront approfondis dans la
deuxième partie : 2. La troisième partie 3 sera un aperçu des dangers naturels, notamment ceux
d’origine gravifique : glissements de terrain et chutes de blocs. Trois travaux pratiques et une
douzaine d’exercices s’intercalent aux aspects théoriques. L’évaluation du cours se fait par le
biais de 2 rapports individuels, 1 rapport traitant 1 travail pratique, et l’autre rapport traitant
4 exercices. Le tableau 1 synthétise le programme du cours.

Tab. 1: Programme du cours

Journée Thème / Travail Pratique


16.04.21 - après-midi Partie I : Introduction et rappels sur la caractérisation des terrains meubles
Partie I : Caractérisation et classification des argiles
Partie I : Reconnaissance des sites et valeurs caractéristiques
19.04.21 - après-midi TP1 : Log de forage, essais en laboratoire, classification
& estimation du comportement hydrogéologique et géotechnique
22.04.21 - après-midi Partie I : Principaux essais et mesures géotechniques (labo. & terrain)
Partie II : Mécanismes de déformation et rupture (théorie)
Partie II : Consolidation, tassements et subsidences
29.04.21 - après-midi TP2 : Consolidation et tassement
Date limite : remise du rapport pour le TP1
06.05.21 - après-midi Partie II : Erosion interne, gonflement et retrait
Partie II : Effets des séismes et ruptures (méthode des tranches)
Partie III : Dangers et risques naturels
Date limite : remise du rapport pour le TP2
27.05.21 - après-midi Partie III : Glissements de terrain, basculements et chute de blocs
Partie III : Stabilité des pentes
Partie III : Crues, inondations et autres dangers naturels
31.05.21 - journée TP3 : Caractérisation et analyse des dangers naturels (T.P. + visite)
07.06.21 Date limite pour la remise des 2 rapports

Ce document et son contenu se basent et étoffent le cours du Dr Laurent Tacher ”Géotechnique


et Dangers naturels”, Université de Neuchâtel, Centre d’hydrogéologie et de géothermie (Tacher
2017a, 2017b). Pour l’accès à la documentation originale, veuillez demander à Laurent Tacher :
laurent.tacher@terreplus.ch. Le tableau de la page suivante (tableau 2) et la figure 2 présentent
quelques livres et documents de références recommandés pour l’approfondissement des thèmes
traités dans ce cours de base à l’ingénierie géotechnique.

Les attendus du cours sont : i) savoir décrire, caractériser et classifier les terrains meubles du
Quaternaire ainsi qu’estimer leurs propriétés géotechniques et hydrogéologiques, ii) connaı̂tre
les méthodes géotechniques de caractérisation et de mesure sur le terrain et en laboratoire, iii)
maı̂triser et quantifier les processus de déformation et de rupture des terrains meubles et iv)
différencier les types de dangers naturels et développer des connaissances de base sur la notion
de risque.
5

Tab. 2: Ouvrages de référence recommandés

Type d’ouvrage Auteur(s) Titre Maison d’édition


Livre (fr) A. Parriaux Géologie : bases pour l’ingénieur Presses polytechniques
2006 et universitaires romandes
Livre (en) D.G. Price Engineering Geology Springer-Verlag
2009
Thèmes : géologie de l’ingénieur, géotechnique, génie hydrogéologique et risques naturels
Livre (fr) L.Vuillet, L.Laloui Mécanique des sols et Presses polytechniques
2016 & J.Zhao des roches et universitaires romandes
Livre (en) J. Atkinson The mechanics of soils Taylor & Francis Group
2007 and foundations
Thèmes : mécaniques des sols et des roches, fondations, stabilité des pentes, géomécanique
Article (en) O.Hungr, S.Leroueil The Varnes classification of Landslides (11)
(2014) & L.Picarelli landslide types, an update Springer-Verlag
Livre (en) D.C. Wyllie Rock fall engineering Taylor & Francis Group
Thèmes : glissements de terrains, chutes de blocs, dangers naturels

Fig. 2: Ouvrages de référence recommandés.


1 Partie I : Définition, caractérisation et classification des terrains meubles 6

1 Partie I : Définition, caractérisation et classification des terrains


meubles

1.1 Définitions
Les ingénieurs utilisent le terme ”sols” pour définir les agrégats de grains minéraux pouvant
être séparés sous l’effet d’actions mécaniques relativement faibles. Les sols à fraction grossière
dominante (p.e. : sables, graviers) présentent souvent des forces de cohésion très faibles, voir
nulles, alors que les sols à fraction fine dominante (p.e. : argiles, limons) présentent des forces
de cohésion plus marquées. La mécanique des sols est la discipline traitant le comportement
mécanique, p.e. la relation contrainte-déformation, pour ces matériaux géologiques, alors que
la mécanique des roches se focalise sur les roches. Pour les ingénieurs, une roche est un ag-
glomérats de grains minéraux liés par des forces de cohésion fortes et permanentes, même après
immersion prolongée dans l’eau (p.e. granites, calcaires). Les matériaux de transition entre sols
et roches sont nommés SIRT (sols indurés et roches tendres) et incluent typiquement les argiles
sur-consolidées ou les marne tendres.

Pour le géologue/hydrogéologue, le terme ”sol” se réfère au sols pédologiques au sens propre


et il va plutôt parler de terrains/roches meubles du Quaternaire. Cette terminologie sera uti-
lisée davantage dans le cadre de ce cours. Il faut cependant connaı̂tre cette ambiguı̈té afin
d’éviter toute confusion lors des communications avec les ingénieurs. Cette terminologie est
également choisie pour faire le lien avec le cours ”Alluvial & Quaternary aquifer systems”. Les
terrains meubles du Quaternaire sont des matériaux poreux, hétérogènes et souvent anisotropes
découlant des processus géologiques tel que le dépôts de sédiments fluviatiles (alluvions), fluvio-
glaciaires, glaciaires ou encore lacustres.

L’histoire géologique de ces terrains influence


fortement leurs propriétés hydrogéologiques
et géotechniques. La figure 3 schématise les
différentes couches rencontrées lors d’un fo-
rage et la forte hétérogénéité des terrains
du Quaternaire. Les caractéristiques gra-
nulométriques, physiques et de texture de
chaque couche peuvent être décrites, iden-
tifiées et classifiées par des méthodes de ter-
rain (descriptifs, essais in-situ) et de labo-
ratoire, comme illustré dans la partie droite
de la fig. 3 et détaillé dans les sections 1.2
et 1.4. Il est ensuite possible d’interpréter
ces couches en formations géologiques comme
illustré dans la partie gauche de la fig.
3 et détaillé en section 1.5. Le degré
d’hétérogénéité des propriétés d’une forma-
tion géologique dépendent fortement du pro-
Fig. 3: Exemple d’hétérogénéité géologique au sein cessus de dépôt : si les graviers fluvio-
d’un log de forage. glaciaires présentent en général des faibles va-
riations de composition granulométrique et les
propriétés restent assez comparables d’un endroit à l’autre, les moraines présentent des fortes
hétérogénéités granulométriques au sein de la même formation et peuvent présenter des pro-
priétés très différentes d’un endroit à un autre selon leur histoire géologique (p.e. une moraine
1 Partie I : Définition, caractérisation et classification des terrains meubles 7

ancienne ayant survécu aux chargements-déchargements de plusieurs glaciations vis-à-vis d’une


moraine datant du dernier retrait glaciaire).

1.2 Caractérisation
1.2.1 Caractéristiques physiques
Un terrain meuble résulte de la combinaison entre une phase solide (squelette minéral), une
phase liquide pouvant circuler ou pas entre les sédiments (en général de l’eau) et une phase
gazeuse (en général de l’air) :

terrain meuble = phase solide + phase liquide + phase gazeuse (1)

Les vides/interstices entre les grains du squelette minéral constituent la porosité qui pourra
être rempli par de l’eau (p.e. zone saturée) ou un gaz (p.e. zone non-saturée) ou les deux à la
fois. Les interstices de la zone non-saturée sont dans la plupart des cas remplis par un mélange
d’air et de vapeur d’eau. On parlera de sol humide. Lorsque l’air domine, on parlera de sol sec.
D’autres phases mineures tel que les biofilms peuvent être présentes.

La figure 4 conceptualise un volume de terrain meuble où (gauche) W est son poids total,
Ws est le poids de la fraction solide (particules), Ww est le poids de l’eau et (droite) V est le
volume apparent, Vs est le volume de la fraction solide (particules), Vv est le volume des vides
et Vw est le volume de l’eau. Avec les relations suivantes :

W = Ws + Ww Vv = Vw + Va V = Vs + Vv = Vs + Vw + Va (2)

On définit en outre les poids volumiques


qui, avec les poids et volumes, consti-
tuent les paramètres dimensionnels : i)
le poids volumique des particules solides
(de la matière constituant les grains so-
lides), noté γs = Ws / Vs (sable et argile :
26 à 27 kN/m3 ). A noter que la phase so-
lide des terrains meubles est constituée
principalement de silice et d’alumine.
Les éléments Si et Al ayant des masses
atomiques très voisines (resp. 28 et 27
g/mole), le poids volumique des ter-
Fig. 4: Représentation conventionnelle d’un volume de
sol avec poids et volume des différentes phases.
rains meubles évolue dans une plage très
étroite. Les sols organiques (p.e. tourbe)
et les sols métallifères font exception à
ces valeurs. ii) le poids volumique de l’eau, noté γw = Ww / Vw = 9.81 kN/m3 (≈ 10 kN/m3 ).

iii) Le poids volumique humide ou apparent, noté γ, qui est la somme des poids des particules
solides et de l’eau d’un volume unitaire apparent de sol et, est souvent la valeur retenue pour
la zone non-saturée :

γ = W/V (3)

La fourchette de valeurs pour le poids volumique humide du sable varie typiquement entre 17
et 20 kN/m3 et de l’argile entre 16 à 22 kN/m3 .
1 Partie I : Définition, caractérisation et classification des terrains meubles 8

iv) Le poids volumique sec : γd = Ws / V (sable : 14 à 18 kN/m3 , argile : 10 à 20 kN/m3 ).


Si le sol est sec : γ = γd . v) Le poids volumique saturé : γsat , lorsque tous les vides sont remplis
d’eau qui est la valeur typiquement retenue pour la zone saturée :
Ws + γw · Vv
γsat = W/V = (4)
V
la fourchette de valeur pour le sable et l’argile est de : 19 à 22 kN/m3 . vi) Lorsque le ter-
rain meuble est entièrement immergé (p.e. sédiments lacustres sous un lac), le poids volumique
déjaugé : γ 0 = γsat - γw est considéré. Ceci tient en compte de la présence de l’eau qui remplit
tous les vides et de la poussée d’Archimède. Les valeurs sont donc nettement plus faibles : sable
et argile entre 9 et 12 kN/m3 .

Le poids volumique est facilement relié à la masse volumique ρ en [kg/m3 ] et à la densité


par rapport à l’eau Di [-] par 1 2 :
ρ = γ/g · 1000 Di = γ/γw Dd = γd /γw (5)
où g est l’accélération gravitationnelle et Dd est la densité sèche. Par simplification on considère
souvent g = 10 m/s2 et γw = 10 kN/m3 .

La proportion de chaque phase de terrain meuble peut être décrite par le biais de quatre
paramètres : la porosité n ou φ, l’indice des vides e, la teneur en eau w et le degré de saturation
Sr :
— la porosité n ou φ qui permet de connaı̂tre l’importance des vides c’est à dire de savoir si
le sol est dans un état lâche ou serré. Elle est définie comme étant le rapport du volume
des vides au volume total :
n = Vv /V (6)
typiquement 0.2-0.5 pour les sables et 0.2-0.8 pour les argiles.

— Les sollicitations auxquelles sont soumis les sols produisent des variations du volume
des vides Vv , qui entraı̂nent des variations du volume apparent V ; aussi préfère-t-on
souvent rapporter le volume des vides non pas au volume apparent de l’échantillon mais
au volume des particules solides, lequel peut être considéré comme invariant. On définit
alors l’ indice des vides, noté e, dont la signification est analogue à celle de la porosité.
Il est défini et lié à la porosité par :
Vv
e = (7)
Vs
V ·n
e = (8)
V · (1 − n)
n
e = , et donc : (9)
1−n
e
n = (10)
1+e
(11)
1. le vocabulaire courant utilisé dans le milieu professionnel du bâtiment et travaux publiques confond assez
facilement poids volumique, masse volumique et densité. i) Le poids volumique est une force par unité de volume
[kN/m3 ]. ii) La masse volumique est une masse par unité de volume [kg/m3 ]. Selon que l’on se trouve sur Terre
ou sur la Lune, notre poids change mais notre masse est invariante. La densité est le rapport de la masse
volumique d’un matériau à celle de l’eau. Sa valeur numérique est égale à celle de sa masse volumique (ρw à
3,98 ◦ C = 1000 kg/m3 ).
2. la traduction anglo-saxonne de masse volumique est density.
1 Partie I : Définition, caractérisation et classification des terrains meubles 9

en général 0.5-1.0 pour les sables et 0.3-1.0 pour les argiles (13 à Mexico City).

— La teneur en eau, notée w, est le rapport du poids de l’eau au poids des particules solides
d’un volume donné de sol. Elle s’exprime en pour-cent :
100 · Ww
w= (12)
Ws
avec des valeurs de 1 à 15% pour les sables et 10 à 20% pour les argiles. Il est important
de noter que la teneur en eau peut dépasser 100% et atteindre plusieurs centaines de
pour-cents.

— Le degré de saturation Sr (ou saturation) indique dans quelle proportion les vides sont
remplis par l’eau. Il est défini comme le rapport du volume de l’eau au volume des vides.
Il s’exprime aussi en pourcent :
100 · Vw
Sr = (13)
Vv
Sr est typiquement 0% pour un sol sec et 100% pour un sol saturé.

Les paramètres sans dimensions définis ci-dessus sont les plus importants, car ils caractérisent
l’état dans lequel se trouve le terrain meuble, c’est-à-dire l’état de compacité du squelette ainsi
que les quantités d’eau et d’air contenues. Une argile très compacte avec un indice des vides
très faible ne va pas se consolider comme une argile lâche saturée en eau.

Il faut aussi remarquer que les paramètres précédemment définis ne sont pas indépendants.
Pour caractériser complètement un sol, la connaissance de trois paramètres indépendants est
nécessaire. Par exemple :

— un paramètre quantifiant le poids volumique : γ ou γs , ou γd ;


— un paramètre quantifiant l’importance des vides : e ou n ;
— un paramètre quantifiant la présence d’eau : w ou Sr .

Puisque le poids volumique des particules solides (en dehors des particules organiques et
métalliques) varie entre des limites assez proches (26 kN/m3 < γs < 27 kN/m3 ), on peut donc
le considérer pratiquement comme constant (en général γs = 26.5 kN/m3 ). Dans ce cas, les
paramètres variables et indépendants d’un sol se réduisent à deux : importance des vides et
présence d’eau.
1 Partie I : Définition, caractérisation et classification des terrains meubles 10

1.2.2 Caractéristiques dimensionnelles


Trois catégories principales de formes peuvent être distinguées : i) les particules sphériques
et cubiques (arrondies et/ou anguleuses) : cas des terrains meubles à grains grossiers (sols gre-
nus : sables et graviers), ii) les particules en plaquettes : cas des sols à granulométrie fine (argiles
et limons) et iii) les particules en aiguilles.

La dimension des grains est illustrée à la figure 5 où les diamètres des grains sont présentés
en mm. Les limites correspondent à celles définies par la ”Unified Soil Classification System”
(USCS : voir section 1.4). La limite limon 3 -sable correspond également à la limite entre grains
fins et grossiers, respectivement.

Fig. 5: Fractions granulométriques basées sur la taille des grains. Les limites des classes des sols sont
celles de la classification USCS couramment employée en géotechnique et en hydrogéologie
pour la classification des terrains meubles (source de la figure : Parriaux 2006).

Caractéristiques granulométriques
La façon la plus courante d’analyse des caractéristiques granulométriques est la réalisation
d’une courbe granulométrique au moyen d’essais de tamisage et de sédimentométrie d’un
échantillon de terrain meuble. La courbe granulométrique représente le poids des tamisats
cumulés (échelle arithmétique) en fonction du diamètre D des particules solides (échelle lo-
garithmique pour une meilleure lisibilité des petites valeurs). Sur la figure 5 sont tracées trois
3. le terme limon est souvent utilisé en français et est synonyme de silt. Silt est le terme utilisé en anglais,
allemand et en italien.
1 Partie I : Définition, caractérisation et classification des terrains meubles 11

courbes granulométriques représentatives de trois types de terrains meubles : A) gravier sableux


(USCS : GP, formation géologique : alluvions récentes gravelo-sableuses) ; B) limon argileux
(CL-ML, dépôts fins lacustres), C) gravier limoneux avec sable (GM, moraine).

La courbe granulométrique permet la lecture directe du pourcentage en poids de particules


dont le diamètre et inférieur à une valeur donnée, ce qui peut être pratique pour le calcul de
coefficients de caractérisation du sol, tel que le coefficient d’uniformité ou coefficient de Hazen :

Cud = D60 /D10 (14)


où D60 et D10 est l’ouverture du tamis laissant passer 60% et 10% du poids des grains, respec-
tivement (D10 est aussi appelé le diamètre efficace). Pour Cud > 2, la granulométrie est dite
étalée (sol bien gradué ou mal trié : taille hétérogène des grains, voir figure 6), pour Cud < 2
la granulométrie est dite uniforme ou serrée (sol mal gradué ou bien trié : grains de taille très
similaire). Plus la granulométrie est serrée plus la pente de la partie médiane de la courbe est
prononcée.

Fig. 6: Nomenclature pour la définition du tri et de l’arrondi selon le guide pratique pour les mesures
de terrain de l’association suisse des géologues CHGEOL.

On définit aussi le coefficient de courbure : Ccd = (D30 )2 / (D10 · D60 ).

Cud et Ccd décrivent la régularité de la distribution granulométrique. Un sol bien gradué


ne présente pas de prédominance d’une fraction particulière. Une application immédiate de la
courbe granulométrique est qu’un sol bien gradué constitue un dépôt dense ayant une forte
capacité portante et, une fois compacté en remblai, forme des pentes stables.

Pour les sols sableux, Hazen a établi une formule expérimentale pour la détermination de
la conductivité hydraulique :
2
K = C · D10 (15)
où K est la conductivité hydraulique en cm/s, D10 est ici exprimé en cm et C est un coefficient
expérimental variant entre 0.4 et 1.2, en général : 1.0. A noter que la relation : éq. 15 est valable
1 Partie I : Définition, caractérisation et classification des terrains meubles 12

uniquement pour les sables.

La dernière caractéristique dimensionnelle qui mérite attention particulière est la surface


spécifique qui définit la surface des grains par unité de masse. Elle dépend principalement de
la taille des grains (dans une moindre mesure de la forme des grains). Elle peut varier de 0.3
m2 /g pour les sables fins à plusieurs centaines de m2 /g pour les argiles de type montmorillonite
(jusqu’à 800 m2 /g, illite : 80-100 m2 /g, kaolinite : 10-20 m2 /g). On parle de surface spécifique
de contact lorsqu’elle est exprimée par unité de volume, l’unité correspond dans ce cas à des
m2 /m3 = m−1 . Kozeny et Carman ont développé une formule pour calculer la conductivité
hydraulique K d’un terrain meuble à partir de sa porosité φ et de sa surface spécifique de
contact As :
ρw g φ3
K= (16)
µw bA2s
où ρw est la masse volumique de l’eau (≈ 1000 kg/m3 ), g est l’accélération gravitationnelle (≈
9.80665 m/s2 ) et µw est la viscosité de l’eau (≈ 0.001 kg m−1 s−1 ). b est un coefficient tenant
en compte de la forme et l’arrangement des grains et varie entre 10 et 30, typiquement 20. A
noter que As , et donc aussi K, peuvent être dérivées à partir d’une courbe granulométrique.

1.2.3 Structure des terrains meubles


Sols pulvérulents (à grains grossiers, grenus)
D > 20 µm (exemple : les sables). Les grains se détachent les uns des autres sous leur poids.
Les principales forces intervenant dans l’équilibre de la structure sont les forces de pesanteur ;
c’est par des réactions de contact grain à grain qu’un ensemble stable peut exister. Cette sta-
bilité sera d’autant meilleure que le nombre de contacts sera élevé (sol bien gradué).

Dans le cas de sols humides non saturés (Fig. 7), l’eau est retenue sous forme de ménisques
au voisinage des points de contact entre les grains, par des forces de capillarité. Elle crée entre
ces derniers des forces d’attraction. Le matériau présente une cohésion capillaire (châteaux de
sable) qui est cependant négligeable devant les forces de pesanteur. Les sols à grains grossiers,

Fig. 7: Ménisques et adsorption d’eau à la surface de grains.

notamment les sables et les graviers, peuvent être considérés en général sans cohésion 4 . Un
4. en mécanique des sols, la cohésion est l’ensemble des forces qui unissent, maintiennent les grains ensemble.
La cohésion augmente la résistance du matériel à la rupture et résulte des forces de capillarité, électrostatiques
(argiles), cimentation par précipités ou encore de la présence de racines.
1 Partie I : Définition, caractérisation et classification des terrains meubles 13

sable/gravier sec ou complètement saturé est sans cohésion (dans la zone saturée la pression
d’eau annule la cohésion capillaire). Seul les sables/graviers humides peuvent comporter une
certaine (faible) cohésion.

Argiles
Types d’argiles
Le terme argile (Fig. 8) a un sens différent en minéralogie et en géotechnique. En géotechnique,
il désigne tous les grains détritiques de taille inférieure à 0.002 mm ; en minéralogie, les ana-
lyses montrent que beaucoup de particules inférieures à cette limite ne sont pas des minéraux
argileux alors qu’on trouve de véritables argiles au-dessus de cette taille. Les minéraux argileux
sont des phyllosilicates hydratés se présentant sous la forme de très petits cristaux en plaquettes
hexagonales (Fig. 8) ou en fibres. Les feuillets sont chargés électriquement comme des groupes
anioniques. Ils ont ainsi tendance à se repousser les uns des autres, donnant des structures très
lâches (gonflement). Ils présentent donc de hautes surfaces spécifiques, c’est-à-dire le rapport de
la surface des particules sur leur poids. Ils attirent volontiers les cations présents dans les eaux
interstitielles. Ceci favorise leur fonction d’échangeur d’ions, fondamentale dans la géochimie
des sols. L’observation et l’identification de ces minéraux sont effectuées essentiellement au mi-
croscope électronique, ainsi qu’au moyen d’analyse diffractométrique aux rayons X. Les espèces
minérales sont parfois bien déterminées, mais on trouve aussi toute une série d’hybrides struc-
turaux qu’on appelle les interstratifiés.

Fig. 8: Kaolinite vue au microscope électronique.

— L’illite (de Illinois, USA) : KAl[(Si,Al)4 O10 (OH)2 ]. C’est le minéral le plus commun des
argiles. Il provient de l’altération de minéraux sous des climats tempérés. Il domine la
fraction fine des roches sédimentaires détritiques comme les argilites ou les marnes. Tech-
niquement, il forme des agrégats de plasticité moyenne et peu sensibles aux phénomènes
de gonflement par absorption d’eau. On l’utilise dans l’industrie de la terre cuite dans
le domaine des matériaux de construction (briques, tuiles, etc.).
— La kaolinite (du chinois kao lin, signifiant colline élevée) : Al2 Si2 O5 (OH)4 . La kaolinite
provient de l’altération de roches magmatiques riches en feldspaths, sous climat tropi-
cal ou par hydrothermalisme. Elle a une plasticité faible. Lorsqu’elle est pure, elle se
1 Partie I : Définition, caractérisation et classification des terrains meubles 14

présente sous forme de poudre blanche. Elle est peu sensible aux modifications du mi-
lieu (déshydratation, modifications chimiques des eaux). Elle ne gonfle pas parce que ses
feuillets sont liés par des liaisons hydrogène fortes qui n’admettent pas d’eau. C’est le
minéral essentiel dans la fabrication de la porcelaine et des céramiques techniques. Il est
aussi utilisé dans l’industrie du papier.
— La montmorillonite (de Montmorillon, France) : Na(Al3 ,Mg)[Si4 O10 (OH)2 ]2 ,nH2 O. C’est
un minéral argileux du groupe des smectites dont la caractéristique principale est la capa-
cité d’adsorption d’énormes quantités de molécules d’eau dans sa structure, avec comme
effet le gonflement du minéral (Fig. 9). La raison est que les feuillets sont faiblement liés
par des ions K+. En fondation, les terrains contenant des montmorillonites donnent lieu
à des déformations importantes. La montmorillonite a une plasticité très élevée. A l’ori-
gine, la bentonite est une roche à montmorillonite qui résulte de l’altération de cendres
volcaniques ; dans le domaine technique, bentonite est devenue synonyme de montmo-
rillonite. On l’exploite en différents endroits du monde pour toutes sortes d’usages in-
dustriels, à l’état naturel ou après ajout de sodium, ce qui augmente encore sa plasticité.
Quelques utilisations : 1) boue de forage ou pour la creuse de parois moulées, permettant
la stabilisation des parois pendant l’excavation ; 2) agent plastifiant des bétons ; 3) ajout
au ciment dans les coulis d’injection ; 4) barrière de confinement dans le domaine des
sites contaminés et du stockage de déchets toxiques, notamment comme composant de
certains géotextiles ; 5) litières pour chats.

Fig. 9: Le gonflement des argiles se fait par hydratisation des cations absorbé sur les surfaces intérieurs
due a la bipolarité des molécules d’eaux (d’après Milnes 2008).

Structures des argiles


D < 2 µm. Les particules restent collées les unes aux autres. Le sol présente une cohésion :
il a l’apparence d’un solide et ne se désagrège pas sous l’effet de la pesanteur ou d’autres forces
appliquées. Les particules sont formées par un empilement de feuillets. Elles ont une forme de
plaquettes. La surface des plaquettes étant chargée négativement, les particules sont soumises à
des forces d’attraction intergranulaires diverses générant la cohésion : forces électriques, forces
de Van der Waals. Ces forces sont en général faibles et diminuent rapidement lorsque la distance
augmente. On admet qu’elles sont négligeables à partir d’une distance de 0.4 µm. Ainsi, pour
qu’elles puissent avoir une influence sur le comportement du sol, il est nécessaire que les grains de
ce sol aient des dimensions très petites. Il se crée autour des particules de sol une pellicule d’eau
absorbée ou eau liée d’épaisseur à peu près constante (0.01 µm) (Fig. 7). Elle est maintenue
1 Partie I : Définition, caractérisation et classification des terrains meubles 15

à la surface des grains par des forces d’attraction moléculaires. Les dipôles d’eau sont orientés
perpendiculairement à la surface des grains. Cette eau présente des propriétés très différentes
de celles de l’eau libre : i ) elle a une très forte densité : 1.5, ii ) elle est liée à la particule
(elle ne se déplace pas sous l’effet de la gravité), iii ) sa viscosité très élevée lui confère des
propriétés intermédiaires entre celles d’un liquide et celles d’un solide, est à l’origine de certains
comportements des sols argileux : fluage, compression secondaire, iv ) elle ne s’évacue qu’à
température élevée (vers 300◦ C). La couche d’eau absorbée joue un rôle de lubrifiant entre les
grains. Son influence est considérable sur les propriétés mécaniques du sol.

Orientation des particules


On distingue deux types d’orientation des minéraux argileux (Fig. 10) : l’orientation flo-
culée (bord contre face), structure en ”château de cartes” ; et l’ orientation dispersée (face
contre face).

Les particules des sédiments argileux naturels ont une orientation plus ou moins floculée
suivant qu’elles se sont déposées en milieu marin ou en eau douce. Les argiles marines ont en
général une structure plus ouverte que les argiles déposées en eau douce.

Fig. 10: Orientations possibles des minéraux argileux (d’après Milnes 2008).

La consolidation et les contraintes de cisaillement tendent à orienter les particules suivant


l’arrangement disperse. L’orientation des particules joue un rôle important sur les propriétés
1 Partie I : Définition, caractérisation et classification des terrains meubles 16

physiques et mécaniques. Le changement de l’état floculé à l’état disperse est un comportement


similaire dans son effet à la liquéfaction avec une perte rapide de la résistance du matériel
(sans changement de l’état de saturation). L’argile à l’état disperse subira une diminution de
la viscosité et aura tendance à se comporter comme un liquide, c’est-à-dire incapable à résister
aux forces/contraintes de cisaillement.

Conséquences pratiques de la structure et l’orientation des particules d’argiles


— gonflement - rétrécissement : i) la capacité de gonflement de l’argile à Opalinus lors-
qu’elle devient humide et une propriété très apprécié dans le cadre de stockage des
déchets radioactifs. Une fracture permettant l’écoulement d’eau souterraine va rapide-
ment se ”cicatriser” et devenir imperméable. ii) La diminution de la saturation/humidité
dans des terrains meubles à grains fins dominants (argiles et limons) peut provoquer un
rétrécissement du matériel avec la formation de fissures, cracks et l’affaiblissement du
matériel.
— les argiles marines en terrasses du Canada et en Scandinavie (p.e. suite au soulèvement
isostatique) sont souvent dans un état ionique méta-stable dû au lessivage progressif des
ions. Il y a ainsi une lacune des charges ioniques assurant une orientation floculée de
l’argile. Ces argiles sont appelées ”argiles rapides” (quick clays) car un faible chargement
mécanique suffit à provoquer le changement de l’état floculé à l’état disperse comparable
à un changement de phase de solide à liquide avec perte totale de cohésion et de friction
du matériel géologique. C’est le cas du glissement de terrain survenu à Rissa en Norvège
en 1978 où le chargement du à l’entreposage de remblais sur des quick clays a été suf-
fisant pour déclencher un glissement d’environ 55 mio m3 (figure 11). Pour éviter cette
problématique les routes norvégiennes bâties sur des quick clays sont équipés de pieux
composé de sel garantissant l’apport de ions et l’état solide de l’argile.
— la thixotropie qui est la diminution de la viscosité sous l’effet d’une contrainte. A l’état
statique, l’argile va donc se comporter comme un solide alors qu’à l’état dynamique elle
va se comporter comme un liquide. Ce processus est réversible et l’argile retourne solide
dès l’arrêt de l’état dynamique. La thixotropie peut avoir typiquement lieu lors d’un
tremblement de terre (p.e. tremblement de terre à Mexico City en 1985).
1 Partie I : Définition, caractérisation et classification des terrains meubles 17

Fig. 11: Localisation et photo du glissement de Rissa en Norvège et exemple de ramollissement d’une
argile rapide (d’après Vuillet 2016).

Sols organiques
Lorsque les grains sont constitués de matière organique, le sol est dit organique. La présence
dans les sols de matières organiques, qui sont à l’origine de textures lâches et d’une importante
rétention d’eau, confèrent à ceux-ci une grande plasticité et une grande compressibilité. Pour
des études d’ouvrages importants où le critère de compressibilité est prépondérant (remblai sur
sol compressible par exemple), le dosage de matières organiques des sols appelés à supporter de
tels ouvrages est indispensable. La tourbe, résultat de la décomposition des végétaux, est un
exemple de sol organique ; elle est presque exclusivement composée de fibres végétales. La tourbe
peut perdre jusqu’à 20 % de son volume apparent lorsqu’elle est de-saturée et/ou asséchée. Une
telle compressibilité implique que des rabattements de quelques centimètres du niveau d’eau
souterraine dans un sol organique composé de tourbe suffisent pour provoquer des subsidences
de quelques centimètres en surface.

1.3 Détermination et identification en laboratoire


1.3.1 Essais de détermination et d’identification propres aux sols à grains grossiers
Essai d’équivalent de sable - norme NF P 18-598
L’essai d’équivalent de sable, désigné par le symbole E.S., a pour but d’évaluer la propor-
tion relative d’éléments fins contenus dans le sol et dont la présence en quantité notable peut
modifier le comportement mécanique. C’est un essai empirique, simple, rapide et ne nécessitant
qu’un appareillage très élémentaire. Il permet de contrôler sur place la constance de certaines
qualités de matériaux mis en oeuvre sur chantier à une cadence rapide. Il est largement utilisé,
en particulier en géotechnique routière. L’essai consiste à opérer sur l’échantillon de sol (frac-
tion du matériau dont les éléments sont inférieurs à 5 mm) un lavage énergique de manière à le
séparer de ses matières fines. L’éprouvette contenant le sol et la solution est soumise à 90 cycles
de 20 cm d’amplitude en 30 secondes. La solution utilisée a, en outre, un pouvoir floculant sur
1 Partie I : Définition, caractérisation et classification des terrains meubles 18

les argiles et les colloı̈des (particules très fines dont la floculation produit un gel).

On laisse la solution se décanter (figure 12). Le sable vrai se dépose dans le fond de la bu-
rette jusqu’à un niveau h2 qui peut être mesuré. Au-dessus du sable, se dépose le floculât gonflé
par la solution. On peut distinguer un deuxième niveau h1 qui sépare le liquide contenant le
floculât du liquide transparent de solution décanté. On détermine le rapport entre la hauteur
du dépôt solide h2 et la hauteur du niveau supérieur du floculât h1.

L’équivalent de sable est par définition : ES = 100·(h2/h1).


La valeur de l’équivalent de sable chute très rapidement
dès qu’il y a un faible pourcentage de limon ou d’argile
dans le sol pulvérulent. Ordres de grandeur : i) sable pur
et propre E.S. = 100, ii) sol non plastique E.S. = 40,
iii) sol plastique : E.S. = 20, iv) argile pure : E.S. =
0.

Indice de densité - NORME NF P 94-059


Pour donner une idée de l’état de compacité dans lequel se
Fig. 12: Essai d’équivalent de trouve un sol à grains grossiers (sol grenu) à l’état naturel, on
sable. définit l’indice de densité ID :
emax − e
ID = (17)
emax − emin
où e est l’indice des vides. On place l’échantillon séché dans un moule de volume connu, sans le
compacter, ce qui permet de déterminer son poids volumique minimal. Une surcharge statique
de 10 kPa et des vibrations sont ensuite appliquées, ce qui produit un compactage, à l’issu
duquel on mesure le poids volumique maximal. ID varie entre 0 (sol lâche) et 1 (sol serré).

Le comportement des sols grenus dépend presque uniquement de l’état de com-


pacité dans lequel se trouve le squelette solide.

1.3.2 Essais d’identification propres aux sols à grains fins


Limites d’Atterberg
C’est un des essais d’identification les plus importants. Les limites d’Atterberg sont me-
surées sur la fraction granulométrique inférieure à 0.4 mm.

On définit quatre états caractérisant la consistance des sols fins. Pour des teneurs en eau
décroissantes :
1. état liquide : le sol a une très faible consistance et l’aspect d’un fluide. Il tend à se niveler
spontanément, les particules glissant très facilement les unes sur les autres.
2. état plastique : le sol a une consistance plus importante et ne tend pas à se niveler. Soumis
à de faibles contraintes, il se déforme largement sans se rompre et garde sa déformation
une fois les contraintes retirées. Les particules ont mis en commun leur couche d’eau
absorbée. Sous l’effet d’une déformation, les particules restent liées les unes aux autres
sans s’éloigner.
3. état solide avec retrait : le sol retrouve sa forme initiale après suppression des contraintes
(petites déformations plastiques).
1 Partie I : Définition, caractérisation et classification des terrains meubles 19

4. état solide sans retrait : les particules sont en contact en quelques points en chassant
l’eau absorbée. Le sol ne change plus de volume lorsque sa teneur en eau diminue.
La transition d’un état à un autre est très progressive, c’est pourquoi toute tentative pour
fixer la limite entre deux états comporte une part d’arbitraire. Néanmoins, on utilise les limites
définies par Atterberg et précisées ensuite par Casagrande. On définit :
1. la limite de liquidité, notée W L, qui sépare l’état liquide de l’état plastique ;
2. la limite de plasticité, notée W P , qui sépare l’état plastique de l’état solide ;
3. la limite de retrait, notée W S, qui sépare l’état solide avec retrait de l’état solide sans
retrait :

Fig. 13: Limites d’Atterberg.

Dans les sols en place, la teneur en eau naturelle Wnat est généralement comprise entre W L et
W P , près de W P .

Limite de liquidité WL
Méthode de Casagrande : on étend sur une coupelle une couche du matériau dans laquelle on
trace une rainure en forme de V (Fig. 14). La coupelle subit des chocs semblables en comptant
le nombre de chocs nécessaires pour refermer la rainure sur une longueur de 1cm. On mesure
alors la teneur en eau du matériau. Par définition, la limite de liquidité est la teneur en eau qui

Fig. 14: Appareillage de détermination de la limite de liquidité.

correspond à une fermeture en 25 chocs. Si on étudie la relation qui lie le nombre de chocs N à
la teneur en eau W , on constate que la courbe représentative de cette relation est une droite en
coordonnées semi-logarithmiques (échelle arithmétique pour les teneurs en eau, logarithmique
pour le nombre de chocs) lorsque le nombre de chocs est compris entre 15 et 35. En pratique, on
réalise cinq essais qui doivent s’échelonner régulièrement entre 20 et 30 chocs. La droite la plus
représentative est ensuite tracée à partir des points expérimentaux (figure 15). Si on ne dispose
que de deux mesures, on peut utiliser la relation suivante, à condition que N soit chaque fois
1 Partie I : Définition, caractérisation et classification des terrains meubles 20

Fig. 15: Détermination de la limite de liquidité par mesures successives.

compris entre 20 et 30 :
 0.121
N
WL = W · (18)
25

Méthode du cône de pénétration : la relation entre la teneur en eau du sol remanié et


la pénétration pendant cinq secondes, sous son propre poids, d’un cône normalisé (angle au
sommet de 30◦ , masse de 80g), tombé en chute libre, est déterminée expérimentalement. On
porte en abscisse les teneurs en eau (en %) et en ordonnée les pénétrations correspondantes
du cône (en mm), les deux échelles étant linéaires. La droite la plus représentative est tracée à
partir des points expérimentaux. Par définition la limite de liquidité est la teneur en eau du sol
qui correspond à une profondeur de pénétration du cône de 17mm.

Limite de plasticité WP
Pour déterminer la limite de plasticité, on roule l’échantillon en forme de cylindre qu’on
amincit progressivement (figure 16). La limite de plasticité est la teneur en eau du cylindre qui
se brise en petits tronçons de 1 à 2cm de long au moment où son diamètre atteint 3mm. Il faut
donc réaliser des rouleaux de 3mm de diamètre sans pouvoir faire de rouleaux plus fins. On
exécute en général deux essais pour déterminer cette limite.

Fig. 16: Détermination de la limite de plasticité.


1 Partie I : Définition, caractérisation et classification des terrains meubles 21

Ces deux limites sont d’une importance fondamentale en géotechnique car elles
indiquent la sensibilité d’un sol aux modifications de sa teneur en eau.

Indice de plasticité
L’indice de plasticité, noté Ip , est le paramètre le plus couramment utilisé pour caractériser
l’argilosité des sols. Il s’exprime par la relation :

Ip = W L − W P (19)

Il mesure l’étendue du domaine de plasticité, domaine pendant lequel on peut travailler le sol.
Il a une grande importance dans tous les problèmes de géotechnique routière. Il est préférable
qu’il soit le plus petit possible, car plus il est petit, plus il est pauvre en argiles gonflantes.

Fig. 17: Indice de plasticité et contenu en argile.

Tab. 3: Ordres de grandeur des limites d’Atterberg

WL % WP % Ip %
Limon 24 17 7
Argile limoneuse plastique 40 24 16
Argile plastique 114 29 85
Argile de Mexico 500 125 375
Bentonite 710 54 656
Ip Degré de plasticité
0 < Ip < 5 non plastique
5 < Ip < 15 moyennement plastique
15 < Ip < 40 plastique
Ip > 40 très plastique

Valeur de bleu de méthylène


La VBS (valeur de bleu du sol) permet aussi de caractériser l’argilosité d’un sol. Son ap-
plication est plus récente. Ce paramètre représente la quantité de bleu de méthylène pouvant
s’absorber sur les surfaces des particules argileuses contenues dans la fraction du sol considéré ;
c’est donc une grandeur directement liée à la surface spécifique du sol. L’essai consiste à intro-
duire progressivement du bleu de méthylène dans une suspension de sol maintenue en agitation.
On prélève périodiquement une goutte de la suspension qu’on dépose sur un papier chromato-
graphique. Dès qu’une auréole bleutée se développe autour de la tache ainsi formée, on considère
que l’adsorption du bleu de méthylène sur les particules d’argile est terminée (c’est l’excès de
bleu de méthylène qui apparaı̂t dans l’auréole). La VBS traduit globalement la quantité et la
qualité (activité) de la fraction argileuse du sol. Elle s’exprime en grammes de bleu pour 100g
de sol.
1 Partie I : Définition, caractérisation et classification des terrains meubles 22

1.3.3 Autres essais


Analyse minéralogique
L’analyse minéralogique se réfère ici à l’observation au microscope électronique et à la
diffraction aux rayons X. Elle s’applique principalement aux sols fins (p.e. détermination du
taux de montmorillonite).

Teneur en matière organique


On détermine la teneur globale en matière organique sans chercher le détail des substances.
Il existe plusieurs méthodes :

— méthode classique : la matière organique est extraite par oxydation dans un mélange de
bichromate de potassium et d’acide sulfurique concentré.
— méthode thermique : l’analyse thermique différentielle (ATD) est plus précise. Elle
consiste à mesurer le flux de chaleur absorbée ou libérée par un échantillon lorsqu’on lui
fait subir une variation de température.
— test d’humidification de von Post : il consiste à comprimer le matériau et à observer la
nature et la couleur du liquide qui en sort. C’est une mesure de la dégradation de la
matière organique.

Teneur en carbonate de calcium


La détermination de la teneur en CaCO3 s’effectue au calcimètre Dietrich-Früling. L’essai
consiste à mesurer à l’aide d’une burette à gaz le volume de CO2 dégagé par la réaction du HCl
sur le carbonate de calcium contenu dans l’échantillon. L’acide chlorhydrique dilué décompose
le carbonate de calcium selon la réaction : CaCO3 + 2HCl −→ CaCl2 + H2 O + CO2

La teneur en CaCO3 d’un sol est un bon indicateur de sa résistance mécanique et de sa


sensibilité à l’eau. Une haute teneur dans un sol apparente son comportement à celui d’une
roche (plus résistante).

Tab. 4: Teneur en CaCO3 et appartenance géotechnique

Teneur en CaCO3 Désignation géotechnique


0 - 10 argile (terrain meuble)
10 - 30 argile marneuse (terrain meuble / roche tendre)
30 - 70 marne (roche tendre)
70 - 90 calcaire marneux (roche)
90 - 100 calcaire (roche)
1 Partie I : Définition, caractérisation et classification des terrains meubles 23

1.4 Classification
Classer un terrain meuble / sol consiste à l’identifier grâce à des mesures quantitatives et
à lui donner un nom afin de le rattacher à un groupe de sols de caractéristiques semblables.
Il existe de nombreux systèmes de classification des sols : USCS (Unified Soils Classification
System, USA), LPC (Laboratoire des Ponts et Chaussées, France), EN ISO (organisation inter-
nationale des normes européennes). Toutes s’appuient sur la granulométrie, les caractéristiques
de plasticité de la fraction fine et sur des essais simples (couleur, odeur, effet de l’eau, etc.). En
Suisse, la classification USCS suisse diffère peu de l’USCS internationale. Il faut se référer à
la Norme Suisse : SN 670 004-2b-NA (2008) : reconnaissance et essais géotechniques,
Association suisse des professionnels de la route et des transports VSS. Pour une cor-
recte caractérisation cette norme demande la mise en ouvre d’une série d’essais en laboratoire
déterminant les propriétés intrinsèques du sol : i) la granularité (courbe granulométrique),
ii) les limites de consistances et iii) la teneur en matière organique ; et l’ état du sol : i) com-
pacité, ii) consistance et iii) degré de surconsolidation OCR. La classification USCS permet
d’identifier les propriétés intrinsèques du terrain meuble car elle est basée sur les éléments
composant le sol, la granularité, la présence ou non de matière organique et, pour les sols fins,
sur la plasticité. La figure 18 illustre les symboles caractérisant les éléments du sol.

Fig. 18: Symboles caractérisant les éléments du sol (norme SN 670 004-2b-NA).

Pour les terrains meubles à fraction grossière dominante : sables et graviers, les résultats
d’une courbe granulométrique suffisent pour effectuer la classification, alors que pour les sols
fins (argiles et limons) il est nécessaire de reporter les valeurs de la limite de liquidité wL et de
l’indice de plasticité Ip sur le diagramme de plasticité de Casagrande (figure 19).
Avec ces informations, il est possible d’effectuer la classification USCS en suivant les direc-
tives de la figure 20. A noter que pour les sols fins les lettres ”L, M, H” proviennent de l’anglais
”low, middle, high” et servent pour identifier l’état de plasticité.

La classification USCS ne permet pas d’identifier l’état de consolidation ou compacité d’un


sol. Pour ceci, il est nécessaire de compléter l’information au moyen d’essais oedométriques
ou triaxiaux permettant de déterminer le degré de consolidation (Over Consolidation Ratio,
1 Partie I : Définition, caractérisation et classification des terrains meubles 24

Fig. 19: Diagramme de plasticité (d’après : norme SN 670 004-2b-NA).

OCR) :
σp0
OCR = (20)
σv0
où σp0 est la contrainte de consolidation du sol obtenue par essai oedométrique et σv0 est la
contrainte verticale actuelle en place. Avec OCR < 0.9 le sol est considéré : sous consolidé ;
avec 0.9 ≤ OCR ≤ 1.1 le sol est considéré : normalement consolidé ; et avec OCR > 1.1 le sol
est surconsolidé. La compacité du sol (de très lâche à très compact) est quantifié au moyen de
l’indice de densité ID .

Dans la pratique, il n’est pas possible de prendre un échantillon de sol pour chaque couche
rencontrée lors d’un forage. Il existe donc également une norme SIA (norme 670’005) pour la
réalisation de la classification USCS directement sur le terrain (méthode de chantier) : figure
21. La détermination de la plasticité sur le chantier est réalisée par trois manipulations simples.
L’échantillon est débarrassé des grains de diamètre > 0.5 mm, qui gênent le pétrissage. Ensuite,
le sol est humecté ou séché par pétrissage, jusqu’à ce qu’il soit plastique mais non collant.

— Agitation : l’échantillon est agité dans le creux d’une main, ce qui fait apparaı̂tre plus
ou moins rapidement de l’eau à sa surface, qui devient brillante. Si la surface devient
très rapidement brillante, c’est un sable fin. Si elle devient lentement brillante, c’est un
limon. Si elle reste mate, c’est une argile.
— Consistance : l’échantillon est pétri, puis roulé entre les paumes des mains pour lui donner
la forme d’un cylindre mince (3 mm). Cette opération élimine l’eau. On continue jusqu’à
ce que le cylindre s’émiette et on détermine alors la consistance. Plus la consistance est
grande, plus la teneur en argile est élevée.
— Résistance à l’état sec : l’échantillon est séché à l’air, au soleil ou au four, puis sa
résistance est déterminée en le cassant ou en l’émiettant. La résistance à l’état sec des
argiles est grande.

Il est également possible de tenter une classification USCS à partir des descriptifs litho-
logiques d’un log de forage. Cette tâche est indispensable dans les travaux de modélisation
1 Partie I : Définition, caractérisation et classification des terrains meubles 25

Fig. 20: Classification USCS d’un terrain meuble à partir des résultats d’essai en laboratoire et no-
menclature des classes de sol (Vuillet et al. 2016, d’après SN 670 004-2b-NA).

des propriétés des terrains meubles (p.e. conductivité hydraulique) car elle permet de relier un
descriptif à une classe de sol et ensuite à une valeur numérique. Il est clair que la classification
USCS basée sur les essais en laboratoire est la méthode à respecter pour les couches sensibles
et/ou d’intérêt, la méthode de chantier est très utile pour compléter l’information et la classi-
fication USCS à partir des descriptifs de forage est très utile pour les tâches de modélisation
1 Partie I : Définition, caractérisation et classification des terrains meubles 26

Fig. 21: Classification USCS suisse simplifiée (méthode de chantier), norme 670’005.

paramétrique (p.e. conductivité hydraulique, porosité, etc.).


1 Partie I : Définition, caractérisation et classification des terrains meubles 27

1.5 Interprétation géologique et principaux types d’aquifères en terrain


meuble
Dans un log de forage, les classes de sol (p.e. USCS ) peuvent être utilisées comme indica-
teurs pour l’interprétation géologique, la délimitation des épaisseurs des aquifères et/ou aqui-
tards, ainsi que pour l’attribution d’une fourchette de valeurs paramétriques pour les différentes
couches rencontrées (p.e. conductivité hydraulique, indice de vide, etc. ; voir figure 3). L’attri-
bution d’une fourchette de valeurs paramétriques est une première approximation qu’il faudra
détailler/préciser au moyen d’essais sur le terrain (p.e. essai de pompage) ou en laboratoire.

Dans sa partie supérieure la figure 22 montre le lien entre différentes courbes granulométriques,
leur classification USCS et la gamme granulométrique des principales formations géologiques
du Quaternaire. La granulométrie est un bon indicateur pour l’interprétation du type de for-
mation géologique, il faut cependant compléter cette information avec des autres indicateurs tel
que la compacité et l’arrondi. Par exemple, une moraine 5 graveleuse frontale ou latérale peut
avoir une composition granulométrique similaire à celle d’un gravier fluvio-glaciaire. La moraine
graveleuse pourra cependant être distinguée du gravier fluvio-glaciaire par une compacité plus
élevée et un arrondi des graviers et des galets moins marqué.

Dans sa partie inférieure, la figure 22 montre la gamme granulométrique des principales


formations géologiques du Quaternaire et la gamme granulométrique ”idéale” pour trois types
d’usages géotechniques : i) couche/remblais de fondation, ii) massif filtrant et iii) granulat à
mélanger avec du ciment pour la production de béton. La figure 22 montre clairement comme
les graviers fluvio-glaciaires (glaciofluvial gravels) présentent des bonnes caractéristiques pour
l’utilisation comme couche de fondation.

Les figures 23 et 24 sont des tableaux reliant i) les différentes classes de terrain meuble selon
la classification USCS, ii) les fourchettes de valeurs pour certains paramètres géotechniques
selon la norme suisse SN 670 010 (2011), iii) des exemples d’application ou de problématique
géotechnique du matériel d’après Colombo (1974) et iv) les possibles interprétations géologiques
de la couche. Ces généralisations peuvent également être faites pour mettre en évidence la sus-
ceptibilité d’une classe de sol ou d’une formation géologique à d’autres processus géotechniques :
potentiel de liquéfaction, de glissement, etc. (voir section : . . . ).
En Suisse, deux types principaux d’aquifères peuvent être distingués dans les terrains meubles
du Quaternaire : i) les alluvions fluviatiles récentes (sableuses et/ou graveleuses) et ii) les
dépôts graveleux fluvio-glaciaires (figure 25). Les alluvions fluviatiles récentes sont souvent des
systèmes très superficiels accompagnant des rivières avec lesquelles ils sont en contact (échange
d’eau possible entre la nappe et la rivière). Ces systèmes hydrogéologiques sont vulnérables aux
infiltrations de surface car faiblement protégés. Les dépôts d’inondation de la rivière (limons
et argiles) peuvent confiner et s’intercaler entre les couches perméables. Dans ce cas, la nappe
d’eau souterraine superficielle peut par endroits être confinée et on peut être en présence d’un
système hydrogéologique multi-couche. Cette dernière situation se produit par exemple dans les
bassins des vallées alpines où les premiers 40-50m de profondeur sont des remplissages fluviatiles
résultant de l’intercalation entre des couches (épaisses) de sables et graviers (aquifères) et des
couches (fines) de limons d’inondation (aquitards), comme par exemple la nappe du Rhône en
Valais ou la nappe de l’Inn en Engadine (figure 25).

5. en français, le terme moraine se réfère aux sédiments d’origine glaciaire ainsi qu’à la forme
géomorphologique associée, contrairement à l’anglais où les termes ”till” (sédiments) et ”moraine” (forme
géomorphologique) font la distinction.
1 Partie I : Définition, caractérisation et classification des terrains meubles 28

Fig. 22: Lien entre les courbes granulométriques de quelques classes de sol USCS, et i ) partie
supérieure, les principales formations géologiques du Quaternaire ; ii ) partie inférieure, trois
types d’usages géotechniques des matériaux.

Les dépôts graveleux fluvio-glaciaires, souvent appelés ”Schotter” en Suisse alémanique, sont
constitués de graviers propres bien arrondis et très perméables. Ces sédiments abondent dans
la partie de la Suisse Nord-Est et sont un bon indicateur de la position du dernier maximum
glaciaire (figure 25). Les dépôts graveleux fluvio-glaciaires peuvent être des systèmes profonds
accompagnés d’épaisses couches de dépôts morainiques les confinant et les protégeant des infil-
trations de surface. Un bon exemple de ceci est la nappe d’eau souterraine de l’Arve garantissant
10% des besoins d’eau potable de la ville de Genève.
1 Partie I : Définition, caractérisation et classification des terrains meubles 29

Fig. 23: Type de sol selon la classification USCS, gamme de valeurs paramétriques (norme suisse
SN 670 010, 2011), usages et problématiques géotechniques (Colombo 1974), ainsi que les
possibles appartenances géologiques du matériel : graviers et sables. ϕ : angle de frottement
effectif, c0 : cohésion effective, cu : cohésion non drainée, Cc : indice de compression, Cs :
indice de gonflement.
1 Partie I : Définition, caractérisation et classification des terrains meubles 30

Fig. 24: Type de sol selon la classification USCS, gamme de valeurs paramétriques (norme suisse SN
670 010, 2011), usages et problématiques géotechniques (Colombo 1974), ainsi que les possibles
appartenances géologiques du matériel : limons, argiles et terrains meubles organiques. ϕ :
angle de frottement effectif, c0 : cohésion effective, cu : cohésion non drainée, Cc : indice de
compression, Cs : indice de gonflement.
1 Partie I : Définition, caractérisation et classification des terrains meubles 31

Exercice 1.1a - courbes granulométriques, interprétation géologique et implications


hydrogéologiques/géotechniques
Le tableaux ci-dessous présentent les résultats d’essais de tamisage et de sediméntométrie
de trois échantillons obtenus lors d’un forage. Le premier échantillon E1 a été pris à une
profondeur de 10m et est représentatif d’une première couche géologique qui fait environ 20m
d’épaisseur. Le deuxième échantillon E2 a été pris à 22.5m de profondeur et est représentatif
d’une couche de 4m. Le troisième E3 à 30m et est représentatif d’une couche de 15m. Pour
chaque échantillon, dessiner les courbes granulométriques, calculer les paramètres (Cud et Ccd )
nécessaires à la classification USCS et les classer. Estimer, calculer la conductivité hydraulique
en [m/s]. Ensuite, effectuer l’interprétation géologique du forage et identifier les formations
aquifères et aquitards. Dans quelle contexte géologique du Quaternaire a été réalisé ce forage et
ces échantillonnages de terrain meuble ? Quelle est la formation géologique la plus compressible ?
Estimer l’intensité du danger (de faible à élevé) dans le cas d’un chargement de cette couche,
justifier votre réponse.

Fraction E1 : Poids total E1 : Poids récipient E2 : % passant E3 : % passant


mm 387.56 g g
20 − 40 183.03 12.39 - 100.0
6.3 − 20.0 186.79 12.39 - 92.0
2 − 6.3 27.04 12.39 - 75.0
1−2 16.34 12.38 - 67.0
0.71 − 1 13.71 12.39 - 64.0
0.5 − 0.71 13.51 12.38 - 63.0
0.355 − 0.5 13.53 12.38 100.0 62.0
0.25 − 0.355 13.38 12.38 99.5 55.0
0.125 − 0.25 14.18 12.37 98.5 50.0
0.063 − 0.125 14.00 12.38 98.0 44.0
0.02 − 0.063 15.81 12.39 89.0 36.0
0.002 − 0.02 - - 55.0 23.0
< 0.002 - - 14.0 8.3
1 Partie I : Définition, caractérisation et classification des terrains meubles 32

Fig. 25: Principaux types de systèmes aquifères en Suisse dans les terrains meubles du Quaternaire :
gauche - alluvions fluviatiles récentes, droite - dépôts graveleux fluvio-glaciaires avec exemples
de coupes géologiques. Toutes les coupes sont transversales (orthogonales) à l’axe de la vallée
sauf la coupe en bas à droite (ville de Zürich) qui est longitudinale (parallèle) à la vallée
(modifié d’après Buttet et al. 1990, Dematteis et al. 1996, Pavoni et al. 2015).

1.6 Reconnaissance des sites, échantillons, valeurs caractéristiques, et


principaux essais et mesures mécaniques
La reconnaissance d’un site pour des problématiques géotechniques est comparable à celle
effectuée dans le cadre de projets hydrogéologiques : i) recueil des données existantes tels
que cartes (topographiques, géologiques, etc.), plans des infrastructures (canalisations, lignes
électriques, etc.), données numériques (modèle numérique de terrain), profils de forages préexistants,
rapports, etc.) ; ii) visite des lieux pour une meilleure compréhension du site (topographie,
géomorphologie, géologie de surface, état de la végétation, dangers naturels) et pour compléter
1 Partie I : Définition, caractérisation et classification des terrains meubles 33

les lacunes de l’information existante (p.e. rendez-vous avec un particulier pour prise de connais-
sance d’une canalisation pas mentionnée dans les plans), ainsi que pour iii) planifier les inves-
tigations de détail : forages de reconnaissance et/ou campagnes de mesures géophysiques.

La figure 26 schématise comme l’analyse de la topographie permet déjà d’identifier les types
de travaux géotechniques à réaliser dans le cadre d’un projet de construction de route.

Les prochains paragraphes vont brièvement


discuter les forages de reconnaissance et le
prélèvement d’échantillons pour des tests (mécaniques)
en laboratoire. Les investigations géophysiques
ne sont pas traitées dans ce document, pour
plus de détails sur les méthodes de forage et
sur les méthodes géophysiques se référer aux
cours : drilling methods et geophysics. Il est ce-
pendant important de noter que les investigations
géophysiques pour la géotechnique présentent
l’avantage par rapport aux forages de reconnais-
Fig. 26: Profil géotechnique simplifié illus- sance d’être des techniques moins chères et non-
trant les travaux à réaliser dans le invasives (destructives). Une des applications prin-
cadre d’une construction de route cipales de la géophysique en géotechnique est ty-
(modifié d’après Atkinson 2007).
piquement la caractérisation de la profondeur du
toit de la roche en place sous la couverture de ter-
rain meuble (Fig. 27).

Fig. 27: Interprétation des résultats d’une trainée électrique (ERT) pour la caractérisation de la pro-
fondeur du toit de la roche en place (épaisseur de la couverture de terrain meuble).

Le tableau 5 montre les différentes techniques de forage en terrain meuble (partie supérieure)
et en roche (partie inférieure), ainsi qu’un aperçu des méthodes de forage les plus appropriées
pour les terrains meubles. Les méthodes par battage, percussion et fonçage sont limitées aux
sols à granulométrie fine (argiles, limons et sables fins) et à des faibles profondeurs. La présence
de gros graviers, galets et blocs tel que dans les formations fluvio-glaciaires ou morainiques
peut poser problèmes et arrêter l’avancement du forage. Le battage et le fonçage peuvent en
outre causer une diminution locale de la conductivité hydraulique car les particules fines sont
charriées autour de la pointe, colmatant les vides. Les techniques de forage basées sur la rotation
s’apprêtent bien pour les matériaux cohérents : roches, moraines et formations fluvio-glaciaires.
1 Partie I : Définition, caractérisation et classification des terrains meubles 34

Pour les sols grenus sans cohésion et peu compacts il y a souvent une perte partielle du matériel
lors de la remontée de la carotte. Ceci est un bon indicateur d’une faible compacité du matériel
géologique (fig. 28).

Fig. 28: Perte d’environ moitié de la carotte (la caisse mesure 1m de large) lors de la remontée de
graviers fluvio-glaciaires peu compacts.

Tout prélèvement de terrain meuble ou roche est un échantillon. L’échantillon sera ensuite
préparé au laboratoire pour des analyses. On appelle cette fraction de l’échantillon l’éprouvette.
L’échantillon doit donc présenter deux caractéristiques principales : i) être le plus représentatif
possible des conditions dans le sous-sol et ii) présenter une masse suffisamment grande pour
pouvoir préparer plusieurs éprouvettes au laboratoire et ainsi assurer la répétabilité d’un test ou
des réserves. Pour assurer la représentativité des conditions dans le sous-sol, il faut prendre des
échantillons intacts. Ceux-ci pourront ensuite être utilisées pour des tests aux laboratoires ca-
ractérisant la perméabilité, la compressibilité ou encore la résistance au cisaillement du matériel
géologique (Vuillet et al. 2016). Cependant, il y aura toujours une perte de représentativité
car l’échantillon subira un relâchement des contraintes (décompression/décharge) lors de son
prélèvement. Si l’on veut éviter cette décompression, il faut congeler le terrain meuble avant
son échantillonnage, ceci aura toutefois un impact sur d’autres propriétés, tel que la consis-
tance ou la teneur en eau. Tout échantillon dont la structure, la compacité ou la température
originale ont été fortement modifiées lors du prélèvement sont considérés remaniés ou en vrac.
Dans le cas où les particules fines n’ont pas été lessivées et les éléments grossiers n’ont pas été
cassés par la technique de forage et de prélèvement, les échantillons remaniés conservent les
caractéristiques granulométriques du terrain meuble et peuvent être employé pour des tests tel
que la granulométrie, la teneur en eau ou encore les limites de consistance. La masse minimale
de sol (MMS) à échantillonner se détermine en fonction des tests que l’on veut effectuer au
laboratoire et si l’on souhaite disposer de réserves. Le tableau 6 illustre par exemple la masse
minimale de terrain meuble à échantillonner dans le cas d’un test de tamisage. A noter que
pour les tests de tamisage, les échantillons sont couramment séchés à l’étuve pendant une nuit
à 105◦ C et ensuite refroidit à température ambiante.

Toute information acquise lors d’un forage est synthétisée dans le log/profil de forage. En
général, l’en-tête présente les informations sur la localisation (coordonnées et altitude) de l’ou-
vrage, les réalisateurs (bureau d’étude et entreprise de construction) ainsi que le type de projet.
Ensuite, le log de forage illustre en fonction de la profondeur : i) la technique d’exécution et le
diamètre de l’ouvrage, ii) la description lithologique des couches rencontrées et autres observa-
tions (p.e. odeur), iii) l’interprétation géologique des couches, iv) l’illustration des couches au
moyen de figurés ou de photos, v) la classification géotechnique des couches (si disponible) :
1 Partie I : Définition, caractérisation et classification des terrains meubles 35

Tab. 5: Techniques de forage en terrain meuble et en roche d’après la norme européenne EN


ISO 22475-1 et SIA SN 670 302-1 (modifié d’après Vuillet et al. 2016)

Méthode Nom Outil de Diamètre Terrains appropriés


d’avancement forage approximatif [cm] & échantillons
Terrains meubles
Rotation Carottage rotatif Carottier triple, 10 à 20 Tous les terrains
double ou simple meubles ; éch. intacts
Rotation Carottage rotatif Tarière creuse ou 10 à 30 Sols à granulométrie
à sec carottier simple fine ; éch. intacts
Rotation Forage à la tarière Tarière hélicoı̈dale 10 à 20 Sols cohérents ;
(foreuse) ou avec carottier éch. remaniés/intacts
Rotation Forage à circulation Carottier à soupape 15 à 30 Tous les terrains
inverse meubles ; éch. intacts
Rotation Forage à la tarière Tarière hélicoı̈dale 4 à 8 Sols fins, cohérents ;
(mécanique) ou avec carottier éch. intacts
Battage Carottage par Tarière creuse, 8 à 20 Sols fins ;
percussion manchon éch. remaniés/intacts
Battage Forage par Trousse 15 à 30 Sols grenus ;
percussion coupante éch. intacts
Battage Forage par Carottier simple 10 à 20 Sols fins ;
rotatif roto-percussion ou double éch. remaniés ou
intacts
Percussion Percussion à Câble avec tarière 15 à 50 Sols fins ;
câble (à cuillère) éch. intacts
Percussion Percussion à Câble avec carottier 10 à 100 Sols grenus ;
câble (à soupape) éch. intacts
Fonçage Pneumatique ou Poussé 3 à 8 Sols fins ;
continu pneumatique éch. intacts
Havage Forage par Benne 40 à 150 Sols grenus ;
havage preneuse éch. remaniés
Roches
Rotation Tricone avec Tricone, carottier triple, 5 à 15 Toutes formations
carottage rotatif double ou simple éch. remaniés/intacts
Roto- Destructif à l’air Marteau fond de trou 9 à 25 Toutes formations
percussion éch. remaniés
Roto- Destructif à l’eau Rotary 9 à 32 Toutes formations
percussion éch. remaniés

Tab. 6: Masse minimale de terrain meuble (MMS) à échantillonner pour la détermination de la


granulométrie par tamisage, selon l’Eurocode 7 (modifié d’après Vuillet et al. 2016)

Type et diamètre des plus grosses particules, D [mm] MMS [kg]


Galets/Pierres (> 60mm) > 70
Graviers (2 - 60mm) 0.1 - 70
Argiles, limons et sables (< 2mm) 0.1 - 1

classification U SCS pour les sols, classification RQD pour les roches, vi) les mesures réalisées
(niveaux piézométriques minimum et maximum mesurés après la finition du forage, essais de
remontée ou d’infiltration) et les profondeurs d’échantillonnage, ainsi que vii) les détails tech-
niques des piézomètres ou des inclinomètres implémentés (Fig. 29).
1 Partie I : Définition, caractérisation et classification des terrains meubles 36

Fig. 29: Le profil de forage doit présenter et synthétiser clairement toutes les informations sur le
forage (localisation, techniques utilisées), les observations effectuées (descriptifs lithologiques),
les données acquises (niveau de l’eau souterraine) et les tests effectués, ainsi qu’indiquer la
profondeur et le type (remanié ou intact) des échantillons pris lors de l’exécution de l’ouvrage.

1.6.1 Valeurs caractéristiques


Le modèle conceptuel géotechnique est le produit final du processus de reconnaissance et ca-
ractérisation d’un site en vertu de la réalisation d’un projet du génie civil ou autre. Il comprend
la géométrie des couches géologiques ainsi que les valeurs caractéristiques des propriétés des
1 Partie I : Définition, caractérisation et classification des terrains meubles 37

terrains meubles et/ou roches retenues pour la conception, le dimensionnement et la réalisation


du projet. Les valeurs caractéristiques peuvent correspondre à des valeurs moyennes, à des
valeurs moyennes prudentes ou aux valeurs les plus défavorables (côté de la sécurité) : par
exemple, valeur la plus faible d’une propriété géotechnique (angle de frottement interne pour
des processus de glissement) ou valeur maximale de niveau phréatique ou captif. Le choix des
valeurs caractéristiques dépendent donc de la situation du projet et se fera selon l’approche
la plus appropriée au cadre du projet et au contexte géologique. Pour les essais en laboratoire
et les mesures in-situ, la valeur caractéristique doit aussi tenir en compte que i) le comporte-
ment des matériaux n’est pas le même en laboratoire que in-situ et ii) des erreurs possibles
et des influences des méthodes de mesure. La valeur caractéristique se désigne par le symbole
”k” en indice. Compte tenu de ces points, les approches possibles pour le calcul des valeurs
caractéristiques sont :

1. valeurs d’expérience ou obtenues par retro-analyse. Exemples d’application : petit


projets où le contexte géologique est bien connu ou situations où les retro-analyses sont
possibles.
2. mise en oeuvre d’outils statistiques : i) valeur moyenne (arithmétique et géométrique)
d’un ensemble de valeurs/mesures avec un niveau de confiance à 95% ; ii) application
de la droite des moindres carrés (minimisation de la somme des carrés des écarts entre
les valeurs prédites et les valeurs mesurées). Exemples d’application : faibles variations
(coefficient de variation ≤ 5%) des mesures effectuées dans le même type de terrain ou
influence négligeable sur les calculs.
3. estimation prudente/défavorable de la valeur (du côté de la sécurité). Exemples
d’application : fortes variations ou forte influence sur les calculs.

A noter que dans le cas des variations d’un niveau d’eau, la valeur caractéristique se base
souvent sur une période d’observation et/ou sur une série de mesures effectuées dans le temps.
Dans ce cas, tout niveau dépassant cette limite est considéré comme événement exceptionnel.

Exercice 1.1b - valeurs caractéristiques


Déterminer les valeurs caractéristiques selon l’approche appropriée pour les situations en
Fig. 30. Veuillez noter que pour les trois sondages pressiométriques (image de droite) le terrain
est limoneux et homogène. Pour ce cas, il faut trouver les valeurs caractéristiques pour i)
la situation où aucun ouvrage n’est clairement identifié et ii) la situation où une fondation
superficielle filante de 2m de large fondée à 1m de profondeur (pouvant provoquer une rupture
du terrain de fondation à environ 4m de profondeur) a été retenue par le projeteur.

1.6.2 Principaux essais et mesures mécaniques sur le terrain


Cette section présente brièvement les principaux essais et mesures mécaniques sur le ter-
rain et en laboratoire. Il y a autant de tests et mesures que de paramètres, il n’est donc pas
possible de les aborder tous dans les détails, se référer aux ouvrages de la bibliographie : §3.4
pour plus d’informations. Chaque test présente ses avantages et ses désavantages. Il faut donc
comprendre les limites de chaque méthode afin d’avoir un avis critique sur les résultats obte-
nus. Par exemple, les tests in-situ sur le terrain se déroulent avec l’état réel des contraintes.
1 Partie I : Définition, caractérisation et classification des terrains meubles 38

Fig. 30: Exercice sur les valeurs caractéristiques.

Cependant, les outils utilisés, la technique mise en oeuvre et la géologie peuvent influencer for-
tement les résultats. Un bon exemple est la caractérisation de la compacité d’une moraine par
des essais pénétromètriques. La présence d’un gros bloc peut typiquement arrêter l’avancement
de la pénétration. Ceci ne doit pas être interprété comme une augmentation de la compacité
du matériel, car c’est juste une limite de la méthode due à la présence du bloc. Les tests
pénétromètriques sont en effet appropriés et reproductibles seulement pour les terrains meubles
à granulométrie fine (Fig. 33). Au laboratoire, il est possible d’effectuer des tests sous des
conditions contrôlées, mais il peut y avoir des aberrations dues au prélèvement de l’échantillon,
ainsi qu’aux effets géométriques en lien avec la configuration du test et la forme de l’éprouvette.

Quel que soit le type de test (sur le terrain ou en laboratoire), il faut différencier les tests
réalisés sous des conditions drainées, des essais effectués sous des conditions non drainées.
Les conditions drainées correspondent aux tests où l’eau interstitielle peut s’écouler librement
et quitter rapidement le système, p.e. tests sur le terrain dans des dépôts graveleux-sableux. Les
conditions non drainées correspondent aux situations où l’eau interstitielle ne peut pas quit-
ter le système, p.e. tests sur le terrain dans des dépôts argileux. Au laboratoire, il est possible
de configurer les essais selon les conditions de drainage souhaitées et le type de matériel à tester.

Tout comme en hydrogéologie, il faut bien comprendre la différence entre les valeurs me-
surées sur le terrain et les valeurs paramétriques calculées. Les valeurs mesurées peuvent être
interprétées directement afin d’établir un modèle géotechnique conceptuel du sous-sol et ensuite
être transformées en valeurs paramétriques par le biais de relations théoriques ou empiriques.
Par exemple, les données brutes d’un essai au pénétromètre standard peuvent être interprétées
telles quelles, et ensuite utilisées pour déterminer des valeurs paramétriques, p.e. angle de frotte-
ment interne (exercice 1.2). Pour l’interprétation des essais de pénétration et les essais/mesures
en forage, il est important de juxtaposer les valeurs mesurées avec les observations de forage
(couches lithologiques) et les autres mesures à disposition (p.e. profondeur de l’eau souter-
raine). Seulement ainsi il est possible de distinguer lorsqu’une variation du nombre de coups
ou de la résistance à la pénétration est d’origine géologique (p.e. changement de lithologie),
hydrogéologique (p.e. diminution de la résistance suite au passage dans la zone saturée) ou
géotechnique (p.e. augmentation/diminution de l’état de compacité).

Quatre catégories principales d’essais et mesures mécaniques sur le terrain peuvent


1 Partie I : Définition, caractérisation et classification des terrains meubles 39

Fig. 31: Nombre de coups effectués lors d’essais au pénétromètre standard (SPT) en fonction de la
profondeur pour différentes formations géologiques du Haut-Valais. En général, le nombre
de coup devrait augmenter avec la profondeur si l’état de compacité des dépôts augmente.
Ici, seul les dépôts limoneux montrent une corrélation claire entre le nombre de coups et la
profondeur. Pour ces dépôts, les résultats SPT indiquent que l’état de compacité est constant
quel que soit la profondeur de mesure (courtoisie de Stefan Volken).

être distinguées :

— Les essais de pénétration regroupent tous les tests où le but est de battre ou foncer un
dispositif (un cône, un carottier ou une sonde) dans le terrain. On enregistre le nombre
de coups ou la charge qu’il faut fournir pour progresser en profondeur (Fig. 32a). Ces
essais peuvent également être exécutées au fond d’un forage.

— Les essais de chargement regroupent les tests où le terrain est chargé/déchargé
par le biais d’une plaque rigide. On enregistre la charge appliquée sur la plaque et
la déformation du terrain (Fig. 32b).

— Les essais en forage regroupent tous les tests réalisables en forage, tel que l’essai au
dilatomètre (DMT) ou au scissomètre (FVT) (Fig. 32c).

— Les mesures pour le monitorage des déformations incluent toutes les techniques
pouvant mesurer (dans un forage ou pas) des extensions, des compressions ou des ci-
saillements du terrain. Ces techniques intègrent les mesures extensomètriques, incli-
nomètriques (Fig. 32d) ou les relevés géodésiques de terrain (nivellement). Les tech-
niques de télédétection (p.e. Lidar ou inSAR) par l’intermédiaire d’appareils terrestres,
aéronefs (drones) ou de satellites, sont de plus en plus employées pour le monitorage des
mouvements de terrain.
1 Partie I : Définition, caractérisation et classification des terrains meubles 40

Fig. 32: Quelques exemples d’essais ou mesures de monitorage géotechnique sur le terrain : (a) essai
au pénétromètre standard (SPT), (b) essai de chargement à la plaque (PLT), (c) scissomètre
de terrain (FVT) et (d) monitorage de déformations par extensométrie et inclinométrie.

Essais de pénétration
Lors d’un essai au pénétromètre standard (SPT) en forage, le carottier est battu dans
le terrain par la chute d’une masse de 63.5kg sur une enclume depuis une hauteur de 760mm.
On mesure le nombre de coups nécessaires pour descendre le carottier de 3 x 150mm (450mm).
Les coups nécessaires pour les premiers 150mm ne sont pas pris en compte (du au remaniement
du fond par l’activité de forage), le nombre de coups nécessaires pour les 300mm successifs est
la valeur NSP T . Le tableau 7 relie le nombre de coups NSP T à l’indice de densité ID (§1.3.1), à
la consistance et à l’angle de frottement interne effectif φ0 pour des terrains meubles cohérents
et saturés.

Tab. 7: Relation entre la valeur NSP T et des fourchettes de valeur pour quelques propriétés
géotechniques des sables et graviers saturés selon Bowles 1988 (modifié d’après Vuillet
et al. 2016)

NSP T Indice de densité ID Consistance Angle de frottement interne φ0


<3 0 - 0.15 : compacité très lâche très tendre 25 - 27
3-9 0.15 - 0.35 : compacité lâche tendre à moyennement dure 28 - 34
10 - 16 0.35 - 0.65 : compacité moyenne dure 30 - 35
17 - 30 0.65 - 0.85 : compacité dense très dure 33 - 40
> 30 0.85 - 1.00 : sol serré extrêmement dure > 35
1 Partie I : Définition, caractérisation et classification des terrains meubles 41

Afin de pouvoir standardiser et comparer les essais SPT entre eux, il faut appliquer des
facteurs correctifs aux valeurs NSP T mesurées. Les facteurs correctifs tiennent typiquement en
compte de l’influence de la longueur de la tige ou du diamètre de forage sur les mesures ob-
0
tenues. Après correction, on parlera de valeurs NSP T , qui pourront être utilisées pour calculer
via des formules empiriques des valeurs paramétriques, telles que l’angle de frottement interne
φ0 ou la cohésion apparente cu .

La pénétration statique au cône (CPT, Cone Penetration Test) est également un es-
sai de pénétration très commun. Dans ce cas, une sonde est poussée dans le terrain à vitesse
constante et des capteurs enregistrent en continu la résistance du terrain sur la pointe qc , le
frottement latéral sur la tige fs ou encore la pression d’eau interstitielle u. Les résultats bruts
obtenus sont des diagraphies illustrant la variation de ces paramètres avec la profondeur. Ces
valeurs peuvent ensuite être traitées pour déterminer des propriétés.
1 Partie I : Définition, caractérisation et classification des terrains meubles 42

Exercice 1.2 : interprétation d’essais SPT


Sur les profils de forage de la figure 33 identifier et commenter i) l’effet de la nappe d’eau
souterraine sur la consistance du terrain meuble, ii) l’effet d’une variation lithologique majeure
ainsi qu’ iii) une augmentation de l’état de compacité du sol avec la profondeur. Pour ces trois
types de variations, estimer l’indice de densité (état de compacité). Quelles sont les conséquences
pour un projet de construction ?

Fig. 33: Profils de forage avec résultats des essais SPT pour l’exercice 1.2.
1 Partie I : Définition, caractérisation et classification des terrains meubles 43

Essais de chargement
L’essai de chargement à la plaque (PLT, Plate Loading Test) est le cas le plus commun et
consiste à charger une plaque circulaire de 700 cm2 par au moins deux paliers de charge P . La
contrainte à atteindre lors d’un palier dépend du type d’usage que l’on souhaite pour le terrain
en considération. Dans le cas d’une évaluation d’un terrain comme couche de fondation, il faut
typiquement appliquer un premier et un deuxième palier correspondant à environ σ1 = 0.15
MPa et σ2 = 0.25 MPa (Vuillet et al. 2016). La valeur retenue est la déformation verticale ou
tassement du terrain ∆Si entre le palier σi et le palier σi+1 . Lors du palier i, la charge appliquée
Pi est reliée à la contrainte appliquée σi par :
4Pi
σi = (21)
πD2
où D est le diamètre de la plaque. Il est ensuite possible de dériver le module de déformation
Me et le module de Young E du terrain testé par les relations suivantes :
∆σi
Me = D (22)
∆Si
où ∆σi et ∆Si sont la différence entre les contraintes imposées et les tassements mesurés entre
le palier i et i + 1.
π ∆σi πD
E= (1 − ν 2 )Me = (1 − ν 2 ) (23)
4 ∆Si 4
où ν est le coefficient de Poisson qui correspond à environ 0.5 pour les sols fins (comporte-
ment plutôt plastique) et 0.3 pour les sols grenus (comportement plutôt élastique). Les valeurs
retenues pourront ensuite être utilisés pour le dimensionnement de fondations et le calcul du
tassement acceptable (voir §2.2).

Essais en forage
Trois familles principales d’essais en forages existent en géotechnique. Les mesures obtenues
lors de ces tests peuvent être traitées pour déterminer des valeurs et des paramètres dérivés.
L’ essai au pressiomètre - PMT consiste à charger par dilatation radiale les parois d’un forage
au moyen d’une sonde (packer). La pression exercée sur le terrain meuble et le déplacement
provoqué sont enregistrés. Comme pour l’essai de chargement, il est possible de réaliser plusieurs
paliers. L’ essai au dilatomètre - DMT consiste à foncer dans le terrain une sonde en forme
de lame sur une hauteur verticale de 20cm. La membrane de la sonde est ensuite dilatée et on
enregistre la pression p0 nécessaire à déclencher le mouvement de la membrane en direction du
sol et la pression p1 nécessaire pour effectuer un déplacement de 1.1mm. Une fois les mesures
terminées, la sonde est enfoncée à nouveau de 20cm et l’opération est répétée. Ceci permet
d’établir des profils en fonction de la profondeur. L’ essai au scissomètre consiste à faire tourner
dans le terrain meuble un moulinet en forme de croix (Fig. 32c) et à enregistrer la force nécessaire
pour effectuer une rotation. La résistance au cisaillement du sol est ensuite dérivée à partir de
la force mesurée.

Monitorage des déformations


L’extensométrie et l’inclinométrie sont deux techniques très répandues en géotechnique
pour mesurer/monitorer des déformations. L’extensométrie consiste tout simplement à mesu-
rer l’incrément ∆l d’une distance/longueur initiale l0 suite à des déformations du sous-sol. Si
la déformation est importante (> dm), l’utilisation d’une chevillère devrait déjà suffire pour
1 Partie I : Définition, caractérisation et classification des terrains meubles 44

mesurer l’extension entre deux points fixes (p.e. suite à l’ouverture d’une fissure en tension).
De manière générale, on fait plutôt appel à des rubans extensométriques pour le monitorage
ponctuel ou en continu (Fig. 34a&b). La forme la plus simpliste d’un inclinomètre consiste à
descendre le long d’un tube de forage une sonde circulaire attachée à un câble gradué. Si la
sonde peut atteindre le fond de l’ouvrage, cela nous indique qu’il n’y a pas eu de déformation.
Si la sonde est bloquée ou peine à passer à une profondeur donnée, cela nous indique qu’il y a
déformation et à quelle(s) profondeur(s). De manière générale, on fait plutôt appel à des incli-
nomètres sophistiqués enregistrant la verticalité du tubage. La variation de verticalité du tubage
(angle) due à une déformation peut être transformée en déplacement horizontal (Fig. 34d). La
fibre optique est de plus en plus utilisée pour effectuer des mesures inclinomètriques : des cap-
teurs sont placés à des intervalles réguliers le long de la fibre. En raison d’une déformation,
on pourra enregistrer l’incrément de distance entre les capteurs et sa direction. Des autres
techniques permettant la mesure des déformations telles que les mesures géodésiques (p.e. ni-
vellement) ou la télédétection ne sont pas traitées dans ce cours (se référer au camp terrain en
hydrogéologie pour les méthodes géodésiques et au cours de télédétection).

Fig. 34: Monitorage des déformations par extensométrie : mesures (a) en continu et (b) ponctuelles.
(c) résultats de mesures extensométriques (modifié d’après Loew et al. 2017) et (d) résultats
de mesures inclinométriques.

1.6.3 Principaux essais mécaniques en laboratoire


Comme pour les essais mécaniques sur le terrain, il y a autant d’essais mécaniques en
laboratoire que de paramètres géotechniques. Dans la deuxième partie de ce cours (voir §2),
on verra qu’on peut grossièrement regrouper les comportements géomécaniques du sous-sol en
deux grandes familles : i) les mécanismes de déformation gouvernés par un rétrécissement ou
un allongement du matériel et ii) les mécanismes de rupture gouvernés par un cisaillement du
matériel. La première famille regroupe les tassements par consolidation, les subsidences ou les
gonflements, alors que la deuxième famille regroupe les glissements de terrain et la stabilité
des pentes. Pour cette raison, aussi en laboratoire, deux familles principales d’essais existent :
1 Partie I : Définition, caractérisation et classification des terrains meubles 45

les essais se focalisant sur les rétrécissements et gonflements, et les essais se focalisant sur les
cisaillements. Dans ce texte, nous aborderons seulement un type d’essai par famille : i) l’ essai
oedométrique et ii) le test de cisaillement direct. Le texte se base sur l’ouvrage de Vuillet et al.
(2016) à lequel il faut se référer pour plus de détails sur les essais mécaniques en laboratoire.
Ce document n’aborde pas les essais de compression triaxiale qui est cependant le test le plus
complet car il permet de déterminer à la fois les paramètres de résistance à la compression et
au cisaillement.

Test oedomètrique
Lors d’un essai oedométrique, une éprouvette cylindrique de diamètre D de 60 à 80mm et d’
une hauteur H de 15 à 30mm est placée dans un dispositif tel que celui schématisé en Fig. 35.
L’épaisseur H de l’éprouvette est très faible pour permettre aux terrains meubles imperméables
(p.e. : argiles) d’être drainés dans des temps raisonnables (maximum d’une semaine).

Comme illustré à la Fig. 35, l’éprouvette est chargée par une contrainte verticale σv0 = σ10 .
On mesurera ainsi le tassement de l’éprouvette en fonction du temps (déformation verticale :
z = (l-l0 )/l0 , où l est la hauteur de l’éprouvette au temps t et l0 est la hauteur initiale). La
déformation verticale est considérée comme terminée lorsque l’incrément du tassement avec le
temps devient nul : aplatissement de la courbe en haut à droite de la Fig. 35. Plusieurs paliers
de chargement peuvent être effectués (p.e. : 1, 15, 60, 125, 250, 500, 1000kPa), ainsi que des
cycles de charge-décharge. Les résultats sont présentés sous la forme d’un graphe illustrant la
déformation verticale en fonction de la contrainte. Pour chaque augmentation de charge ∆σz0 ,
il est possible de déterminer le module oedométrique Eoed [Pa] :
∆σz0
Eoed = (24)
∆z
où ∆z est la déformation verticale mesurée pour l’augmentation de charge considérée. Le
module oedométrique est lié au module de Young E par :
(1 − ν)
Eoed = E (25)
(1 + ν)(1 − 2ν)
où ν est le coefficient de Poisson.

L’image en haut à droite de la Fig. 35 montre que plus la contrainte verticale devient grande,
plus il devient difficile de déformer l’éprouvette. En d’autres termes, plus un terrain meuble est
comprimé, plus sa rigidité augmente. Cette observation est également visible sur le terrain où
on note, en général, une augmentation de l’état de compacité (rigidité) des terrains meubles du
Quaternaire avec la profondeur.

Les résultats d’un essai oedométrique permettent d’estimer les grandeurs nécessaires au cal-
cul du tassement, comme le coefficient de compressibilité mv [Pa−1 ] qui gouverne la magnitude
du mécanisme :
mv = 1/Eoed (26)
Plus mv est grand, plus le tassement du sol sera important. Les tourbes présentent les
coefficients de compressibilité les plus élevées : 10−6 - 10−7 , suivies par les argiles normalement
consolidés ou pas consolidés : 10−7 - 10−8 Pa−1 . Le coefficient de consolidation cv en m2 /s
détermine le temps pour que le processus de consolidation soit achevée :
K
cv = (27)
mv γw
1 Partie I : Définition, caractérisation et classification des terrains meubles 46

Fig. 35: En haut à gauche, illustration de l’appareillage pour la réalisation d’un essai oedométrique et
en bas à gauche, illustration de l’état des contraintes pendant le test. Droite, représentation
des résultats de l’essai sous la forme de courbes de déformation en fonction de la contrainte
appliquée (modifié d’après Vuillet et al. 2016).

où K est la conductivité hydraulique et γw est le poids spécifique de l’eau. Pour les ter-
rains meubles de faible conductivité hydraulique, la consolidation est un processus très long.
Pour les argiles cv , vaut typiquement 10−6 - 10−7 m2 /s. Pour les terrains meubles perméables
(sols grenus), le tassement par consolidation est presque uniquement lié à la composante ins-
tantanée (voir §2.2). Il a été démontre par développement mathématique qu’un mécanisme de
consolidation est quasi-terminé lorsque (Verruijt 2008) :
cv t
=2 (28)
H2
où t est le temps et H est soit i) l’épaisseur de l’éprouvette/couche s’il y a drainage uniquement
par une face de la couche ou ii) la demi-épaisseur de l’éprouvette/couche s’il y a drainage par
les 2 faces (face supérieur et inférieur).

En dernier lieu, l’essai oedométrique permet de caractériser le degré de surconsolidation


OCR du terrain meuble qui est indispensable pour sa classification (voir §1.4). Pour ceci, il
faut représenter la déformation verticale en fonction du logarithme de la contrainte effective
appliquée, tel qu’illustré sur l’image en bas à droite de la Fig. 35. On considérera la contrainte
effective σp0 au point d’inflexion comme la contrainte de préconsolidation à utiliser pour calculer
OCR :
σp0
OCR = 0 (29)
σv
où σv0 est la contrainte verticale calculée à la profondeur de prélèvement de l’échantillon (poids
vertical de la colonne de terrain meuble). Avec OCR < 0.9 le sol est considéré sous conso-
1 Partie I : Définition, caractérisation et classification des terrains meubles 47

lidé et il sera fortement susceptible à un processus de consolidation. Avec 0.9 ≤ OCR ≤ 1.1
le sol est considéré normalement consolidé, c’est-à-dire consolidé sous son propre poids (l’ap-
plication d’une surcharge engendrera une réactivation du tassement). Avec OCR > 1.1 le sol
est surconsolidé. L’état de surconsolidation est souvent lié à l’histoire géologique du terrain
meuble : recouvrement par glaciers aujourd’hui fondus, recouvrement par d’autres sols aujour-
d’hui érodés, abaissement des niveaux (pressions) d’eau souterraine, excavation, etc. Comme
énoncé précédemment, un sol surconsolidé est plus rigide et donc moins déformable vertica-
lement. Cependant, en raison de son histoire géologique, un sol surconsolidé peut présenter
des contraintes effectives horizontales qui sont encore représentatives de l’état de contrainte
passé et fortement supérieures à la contrainte verticale actuelle. Dans ce cas, lors d’une excava-
tion, les poussées horizontales peuvent être significatives et problématiques. Le rapport entre
la contrainte effective horizontale et verticale : k0 = σh0 / σv0 peut être estimé à partir du degré
de surconsolidation OCR (Vuillet et al. 2016). Pour les sols grenus :
σh0
= k0 = (1 − sinφ0 )OCRh (30)
σv0
où φ0 est l’angle de frottement interne effectif et h = 0.4 - 0.6 (sols grenus). Pour les sols fins :
σh0
= k0 = (0.95 − sinφ0 )OCR0.4 (31)
σv0

Exercice 1.3 : test de consolidation


La consolidation d’un échantillon d’argile de 2 cm d’épaisseur a pris environ 1 heure en
laboratoire avec drainage supérieur uniquement. À l’endroit du projet, cette couche d’argile
fait 4 m d’épaisseur et elle sera chargée par une couche de remblais. On aimerait connaı̂tre
combien de temps faudra-t-il pour que la couche d’argile soit totalement consolidée dans le cas
d’un drainage par face supérieur et inférieur (2 faces).

Tests de cisaillement direct


L’essai de cisaillement direct permet de déterminer les propriétés plastiques (de rupture)
du terrain meuble testé. Ces propriétés sont la cohésion apparente cu et l’angle de frottement
apparent φu . Par le terme apparent, on spécifie que le test est réalisé à des conditions non-
saturées (conditions drainées), ce qui implique la présence de forces capillaires. Les valeurs
obtenues sont donc en général plus grandes que la cohésion effective c0 et l’angle de frottement
effectif φ0 représentatif pour des conditions saturées. Ces paramètres interviennent dans la loi
de Mohr-Coulomb qui est très utilisé pour analyser les processus de rupture, p.e. glissements
de terrain.

Lors du test, le cisaillement d’une éprouvette de forme cylindrique ou parallélépipédique est


forcé le long d’un plan horizontal (Fig. 36a). Une contrainte verticale constante est imposée afin
de maintenir mécaniquement le plan de rupture horizontal, pendant qu’une contrainte normale
au plan de rupture provoque le cisaillement de l’éprouvette. La vitesse de cisaillement est main-
tenue constante lors du test, on mesure la contrainte de cisaillement τ (effort) et le déplacement
horizontal δ. Le test est répété sur plusieurs éprouvettes provenant du même échantillon et sous
différentes conditions de contrainte verticale.
1 Partie I : Définition, caractérisation et classification des terrains meubles 48

L’interprétation du test est illustrée à la Fig. 36. On tracera d’abord les courbes contraintes
de cisaillement τ en fonction des déplacements horizontaux δ mesurées (Fig. 36b). Les va-
leurs retenues correspondent aux contraintes lorsqu’elles atteignent un palier : le déplacement
horizontal continue d’augmenter pendant que la contrainte de cisaillement reste constante. On
tracera ensuite les valeurs retenues dans le diagramme de Mohr (contrainte normale en fonction
de la contrainte de cisaillement) et on dessinera la droite (enveloppe de rupture) permettant de
déterminer : cu et φu .

L’essai au cisaillement direct est une méthode pratique pour déterminer les propriétés
plastiques d’un sol. Cependant, comme tout test, il faut considérer les valeurs retenues avec
précautions, notamment, car lors de cet essai l’état des contraintes dans l’éprouvette peut être
très complexe et, car le mécanisme de rupture n’est pas libre mais forcé de se développer selon
un plan horizontal prédéfinis.

Fig. 36: (a) Schéma illustrant l’appareillage pour un essai de cisaillement direct avec (b) la méthode
d’interprétation des résultats pour la détermination (c) des propriétés plastiques du terrain
meuble testé.

1.7 Aspects législatifs en ingénierie géotechnique


Quel que soit le type et le but d’un projet de construction, les aspects législatifs doivent être
maitrisés afin de réaliser les travaux en sécurité et fournir aux maı̂tres d’ouvrage un produit en
règle. En Suisse, les lignes directives sont dictées par la législation fédérale. Les cantons s’oc-
cupent de les mettre en oeuvre et de les étoffer ou préciser s’il le faut. Les articles de loi avec des
conséquences pratiques pour la géotechnique sont dispersés dans les différentes ordonnances.
La liste ci-dessous présente les principales ordonnances fédérales traitant de points importants
pour la géotechnique, avec quelques exemples d’articles :

1. Travaux de construction : Ordonnance sur la sécurité et la protection de la santé des


travailleurs dans les travaux de construction. Exemple : Art. 71.1 : Des sondages doivent
être effectués, avant le début des travaux d’excavation, là où il existe un danger d’éboulement
ou d’effondrement de la roche, ou de venue d’eau.

2. Infrastructures de transport : Ordonnance sur la construction et l’exploitation des che-


mins de fer et Ordonnance sur les routes nationales. Exemple (voies de chemin de fer) :
Art. 2.1 : Les ouvrages, les installations, les véhicules et leurs éléments doivent être pla-
nifiés et construits de manière à pouvoir être exploités en toute sécurité et entretenus
1 Partie I : Définition, caractérisation et classification des terrains meubles 49

correctement. Conséquence pratique : travaux de stabilisation du massif rocheux et pose


de filets de protection au portail d’un tunnel (Fig. 1).

3. Dangers naturels gravitaires, tremblements de terre et aménagement des cours d’eau :


Dangers naturels: Lois et ordonnances. Exemple : Art. 36.1.c : La Confédération alloue
aux cantons . . . l’établissement de cadastres et de cartes des dangers, l’aménagement et
l’exploitation de stations de mesures ainsi que la mise sur pied de services d’alerte, pour
assurer la sécurité des agglomérations et des voies de communication.

4. Protection des eaux : Loi fédérale sur la protection des eaux. Exemple : Art. 43.4 :
Les constructions ne doivent pas avoir pour effet de réduire de façon notable et per-
manente la capacité du réservoir, ni l’écoulement des nappes souterraines exploitables.
Conséquence pratique : dimensionnement et implémentation d’un système de drainage
autour des fondations d’un bâtiment, afin d’éviter un effet de barrage (Fig. 37).

Fig. 37: Effet barrage sur l’écoulement de la nappe d’eau souterraine par des fondations profondes et
avec une section importante (modifié d’après Parriaux 2006).
2 Partie II : Mécanismes de déformation et de rupture des terrains meubles 50

2 Partie II : Mécanismes de déformation et de rupture des terrains


meubles

2.1 Comportement mécanique et effets de l’eau souterraine


Comme nous avons déjà vu à la section §1.6.3, les comportements géomécaniques du sous-sol
peuvent être regroupés en deux grandes familles : i) les mécanismes de déformation dominés
par un rétrécissement ou un allongement du matériel et ii) les mécanismes de rupture dominés
par une rupture en cisaillement ou en tension.

Les mécanismes de déformation regroupent typiquement les tassements par consolidation,


les subsidences ou les gonflements, et sont analysés par le biais des lois de l’élasticité (p.e. loi de
Hooke). Les mécanismes de rupture regroupent typiquement les glissements de terrain et la sta-
bilité des pentes et sont analysés par le biais des lois de la plasticité (p.e. loi de Mohr-Coulomb).
Il est clair que ces lois sont des simplifications du comportement réel des terrains meubles ou des
roches mais elles fournissent des approximations suffisamment justes pour analyser et modéliser
les mécanismes géotechniques. Il est aussi clair que les mécanismes de déformation et de rupture
sont des processus couplés, p.e. : une importante déformation verticale liée à une subsidence
sera accompagnée par un étirement latéral avec apparition de fissures en tension à l’extrémité
d’un bassin sédimentaire (Fig. 38a).

L’effet des pressions d’eau souterraine sur le comportement des matériaux géologiques est
bien illustré par la définition de la contrainte effective de Terzaghi (cas vertical) :

σv0 = σv − p (32)

où p est la pression d’eau souterraine : p = γw h (h est le potentiel de pression en mètres), et σv


est la contrainte totale verticale. La génialité de l’Eq. 32 est qu’elle considère le squelette minéral
comme ”plongée” dans un fluide (eau) et donc soumis à la poussée d’Archimède (pression d’eau).
Pour le cas lithostatique où la contrainte totale verticale σv dépend uniquement du poids des
couches géologiques situées au-dessus du point z et pouvant être saturées ou non-saturée, σv
vaut :
Z ztop
σv = g ρr (u)du (33)
z

où ztop est l’altitude en surface et ρr est la densité (sèche, humide ou saturée) des couches
géologiques. Pour un massif homogène de terrain meuble avec zone non-saturée : Z - Zsat et
zone saturée : Zsat et où on néglige la contribution du poids provenant de l’humidité dans la
zone non-saturée, σv dépend à la profondeur Z des contraintes liées i) au poids du squelette
minéral de la zone non-saturée et saturée plus ii) le poids de l’eau souterraine :

σv = (1 − φ)γs (Z − Zsat ) + (1 − φ)γs Zsat + φγw Zsat (34)


σv = (1 − φ)γs Z + φγw Zsat (35)

où γs et γw sont respectivement le poids spécifique du squelette minéral et de l’eau.

Déformations : si on introduit la loi de Terzaghi (Eq. 32) dans la loi de l’élasticité d’Hooke,
on obtient la formulation générale pour analyser les mécanismes de déformation verticaux :

d(σv − p) 1
= (36)
dv mv
2 Partie II : Mécanismes de déformation et de rupture des terrains meubles 51

où la déformation verticale équivaut à v = ∆l / lt0 et dans le cas 1-D, l’Eq. 36 devient :

∆l = lt0 (−mv ) ∆σ 0 (37)

où lt0 est la longueur/épaisseur initiale (avant le mécanisme de déformation, au temps t0 ) et ∆l


est le tassement ou la subsidence au temps t1 .

Veuillez noter qu’en géotechnique les valeurs positives sont utilisées pour des régimes en com-
pression. Les rétrécissements par consolidation comme le tassement ou la subsidence prennent
donc des valeurs négatives avec ∆l = lt1 - lt0 , où lt1 est la longueur/épaisseur au temps t1
et avec des ∆σ 0 positifs indiquant une augmentation de la compression. Pour cette raison, la
compressibilité a un signe négatif dans l’Eq. 37.

A partir de l’ Eq. 37, on peut noter comme une déformation verticale par consolidation peut
soit i) être due à une augmentation de la contrainte verticale, p.e. surcharge due au poids d’un
bâtiment (∆σ 0 > 0, σvt1 > σvt0 ) ou soit ii) être due à une diminution de la pression d’eau, p.e.
drainage par un tunnel ou rabattement par pompage (∆σ 0 > 0, pt0 > pt1 ). En général, on parle
de tassement pour le premier cas et de subsidence pour le deuxième. Les cas contraires : i)
diminution de la contrainte verticale, p.e. excavation et ii) augmentation de la pression d’eau,
p.e. injection, peuvent produire des gonflements/expansions du terrain meuble.

Ruptures : si on introduit la loi de Terzaghi (Eq. 32) dans la loi de la plasticité de Mohr-
Coulomb, on obtient la formulation générale pour analyser les mécanismes de rupture par
cisaillement :

τ = c0 + tan ϕ0 (σn − p) (38)

où τ est la contrainte de cisaillement, c0 est la cohésion effective et ϕ0 désigne l’angle de frot-
tement interne effectif. Le mécanisme de rupture (ou de réactivation d’un mouvement) peut
se déclencher lorsque la contrainte de cisaillement (terme à gauche de l’Eq. 38 qui regroupe
les forces favorisant le mouvement) devient supérieure à la résistance au cisaillement (terme à
droite de l’Eq. 38 qui regroupe les forces résistantes au mouvement) :
c0 + tan ϕ0 (σn − p)
F oS = (39)
τ
dans ce cas, le facteur de sécurité F oS devient inférieur à 1, indiquant une rupture ou un
déclenchement/réactivation du mouvement.

L’Eq. 39 illustre bien l’effet de la pression d’eau : i) une augmentation de la pression d’eau im-
plique une diminution de la résistance au cisaillement et favorise donc la rupture/mouvement,
alors qu’une diminution de la pression d’eau implique une augmentation de la résistance au
cisaillement et favorise donc la stabilisation. Une application concrète est la mise en place d’un
système de drainage (rideau de puits de pompage ou une galerie drainante) pour la stabilisation
des glissements profonds permanents. Pour ce qui concerne les contraintes, l’Eq. 39 montre que
la diminution de la contrainte normale provoque une diminution de la résistance au cisaille-
ment et favorise donc la déstabilisation. Un exemple concret est que l’érosion naturelle ou des
travaux d’excavation à la langue d’un glissement ou à la base d’un talus diminuent les forces
résistantes et peuvent déclencher la rupture de la pente. Dans le cas contraire, toute mesure
augmentant les forces résistantes à la base d’un talus, p.e. ancrages, favorisent la stabilisation.

Une rupture en tension peut avoir lieu lorsque la pression d’eau p devient suffisament grande
pour dépasser la contrainte minimale σ3 et la résistance à la tension T0 , ainsi que sous des
2 Partie II : Mécanismes de déformation et de rupture des terrains meubles 52

géométries favorables (p.e. orientation des fissures ou des plans de faiblesse dans le champ de
contraintes) :

p ≥ σ3 + T0 (40)

T0 est en générale nulle pour les sols grenues et relativement faible pour les sols fins, mais
présente pour les roches. Lorsqu’une fissure est déjà présente dans le sol/roche, on parlera
plutôt de réouverture par mise en pression. La Fig. 38c schématise l’influence de la pression
d’eau souterraine sur les mécanismes de rupture ou réactivation de mouvement au moyen des
cercles de Mohr.

Les limites principales des méthodes décrites ci-dessus est que pour les déformations les lois
élastiques peuvent oui renseigner sur la magnitude des déplacements, mais elles considèrent
les mécanismes comme purement élastiques et deviennent aberrantes en présence de grandes
déformations, lorsqu’on atteint l’état plastique et on approche la rupture (Fig. 38b). Pour les
ruptures les lois plastiques renseignent uniquement si le mouvement/rupture est possible, p.e.
F oS < 1, mais pas sur la magnitude des mouvements. Pour cela, il faut passer par les analyses
numériques où les lois élastiques et plastiques sont intégrées dans les lois de mouvement de
Newton.

Après ces aspects théoriques, ce manuscrit continue avec des exemples d’analyse de processus
géotechniques.

2.2 Consolidation, tassements et subsidences


Sous l’action des charges, des nouvelles contraintes se développent dans les terrains meubles
provoquant des déformations. Lorsque ces déplacements sont verticaux vers le bas, on parle
de tassement. Ce sont les déplacements les plus fréquents. Les tassements sont préjudiciables
aux constructions surtout lorsqu’ils sont différentiels car ils peuvent être accompagnés par
la formation d’un réseau de fissures et une perte de stabilité de la structure. La cause des
tassements est la compressibilité du sol, c’est-à-dire sa diminution de volume. Elle est due à :
1) la compressibilité de l’air contenue dans les pores. L’air est très compressible (mv = 7 · 10−6
Pa−1 ) et provoque un tassement instantané. L’eau est quasiment incompressible (mv = 4.5 ·
10−10 Pa−1 ) mais, suite au changement de pression, l’eau contenue dans les vides s’évacue : c’est
la consolidation primaire qui est responsable de la plus grande partie du tassement des sols
saturés. 3) Le réarrangement des grains minéraux (et non leur compression qui est négligeable)
par le fluage des couches d’eau adsorbée constitue la consolidation secondaire (Fig. 39a). Le
tassement total st∞ a donc trois composantes :

st∞ = si + sp + ss (41)

où si est le tassement instantané, sp est le tassement provenant de la consolidation primaire


et ss celui de la consolidation secondaire. Veuillez noter qu’on parle de subsidence lorsque le
facteur déclenchant l’évacuation de l’eau interstitielle n’est pas une surcharge mais un pompage
ou un drainage de l’eau (Fig. 39b).

Pour les sols grenus (sables et graviers) le tassement instantané représente la composante
dominante du tassement total. Alors que pour les sols fins (argiles et limons) et pour les sols
organiques la consolidation primaire est la composante dominante suivie par la consolidation
secondaire. Pour ces terrains, le tassement instantané est négligeable.
2 Partie II : Mécanismes de déformation et de rupture des terrains meubles 53

Fig. 38: (a) Modèle conceptuel illustrant la formation de fissures (rupture) en bordure d’un bassin af-
fecté par une subsidence régionale (déformation). (b) Gamme d’application des lois élastiques
et plastiques illustrés au moyen d’un diagramme déformation-contrainte.

Nous avons introduit au début du chapitre §2 le concept de contrainte effective σ 0 de Terzaghi


où la contrainte totale σ est diminuée par la pression d’eau p (Eq. 32). Nous avons également vu
que la contrainte totale verticale est en général approximée par la contrainte lithostatique : poids
de la colonne de terrains meubles (Eq. 33). Par le principe de superposition et si on considère
le sol comme un milieu semi-infini élastique linéaire, on peut postuler que la contrainte totale
réelle σz exercée sur une facette horizontale quelconque en profondeur vaut la somme de la
contrainte totale naturelle σv plus la contrainte due à la surcharge ∆σz :
σz = σv + ∆σz (42)
A noter que si le terrain meuble est stratifié horizontalement, la contrainte totale verticale
exercée sur une facette horizontale vaut la somme des contraintes dues à chaque couche :
n
X
σv = γi ei (43)
i=1
2 Partie II : Mécanismes de déformation et de rupture des terrains meubles 54

Fig. 39: (a) Composantes du tassement : si (immédiat), sp (par consolidation primaire) et ss (par
consolidation secondaire) (modifié d’après Vuillet et al. 2016). (b) Modèle 3D montrant le
”bulbe” de subsidence provoqué par le drainage d’un massif rocheux lors du percement d’un
tunnel.

où γ est le poids spécifique et e l’épaisseur de la couche i respectivement. L’état des contraintes
dans le sous-sol est ensuite représenté sous la forme d’un tenseur des contraintes σ. Si la surface
est considérée horizontale, le tenseur se définit par :
 
σxx = σv k0 0 0
σ= 0 σyy = σv k0 0  (44)
0 0 σzz = σv
où k0 est le rapport entre la contrainte horizontale et celle verticale qui peut être quantifié
soit expérimentalement (voir §1.6.3) soit par les lois de l’élasticité : dans le cas d’un solide
homogène et isotrope : k0 = ν / (1 - ν), où ν est le coefficient de Poisson. En présence d’un plan
de cisaillement (p.e. fractures) ou dans le cas où la surface est inclinée (p.e. pente), le tenseur
des contraintes comprends également les composantes de cisaillement τ . Pour une pente 2D
homogène caractérisée par un angle d’inclinaison β, le tenseur des contraintes est :
 
σxx = σzz k0 τxz = γs h sinβ
σ= (45)
τzx = γs h sinβ σzz = γs h
où h est la profondeur.

Contrainte due aux surcharges ∆σz : dans le cas où la surcharge est uniforme sur une
grande surface, elle se comporte comme une couche supplémentaire dans un milieu stratifié,
c’est-à-dire qu’elle s’additionne simplement à la contrainte naturelle. Dans les cas où cette
hypothèse ne peut être faite, le calcul de contrainte se fait par la théorie de l’élasticité. Des
solutions analytiques existent pour des formes simples de surcharge au sol. Dans la majorité
des cas et quelque soit la surcharge q0 due à une construction, il y aura au préalable creuse de
fondations de profondeur D, ce qui supprime une partie de la contraire naturelle. La surcharge
à prendre en compte est donc :

q = q0 − γ D (46)

Si les fondations sont superficielles, on se contente de choisir le référentiel vertical au niveau de


la semelle.

Pour le cas d’une charge ponctuelle Boussinesq a établi une solution analytique reproduisant
la dissipation d’une charge concentrée Q appliquée en surface tel qu’ illustré à la Fig. 40a. La
2 Partie II : Mécanismes de déformation et de rupture des terrains meubles 55

Fig. 40: (a) Valeur des composantes du tenseur des contraintes sous l’effet d’une surcharge ponctuelle
selon Boussinesq. (b) Contrainte verticale sous une surcharge ponctuelle. A gauche, la distri-
bution suivant des plans horizontaux à diverses profondeurs. A droite, lignes d’égale contrainte
verticale ou ”bulbe des contraintes”.

représentation de la distribution des contraintes verticales en cas de surcharge est montrée à la


Fig. 40b.
Le cas des charges uniformément réparties, d’intensité q, se traite par intégration de la solu-
tion de Bousssinesq sur la surface S sur laquelle s’applique la surcharge. Dans le cas de formes
simples, cette intégration donne lieu à des solutions analytiques (en pratique des abaques).
Dans tous ces cas, la contrainte verticale s’exerçant sur une facette horizontale située à une
profondeur donnée est de la forme :

∆σz = I q (47)

où I est le coefficient d’influence [-], inférieur à 1, qui dépend de la profondeur z, de la forme
et de la dimension de l’aire chargée et de l’écartement du point A considéré par rapport au
centre de gravité de l’aire chargée (Fig. 41a).

La Fig. 41b illustre et définit le coefficient I dans le cas d’une surcharge uniforme à semelle
circulaire de rayon R. La Fig. 41c montre le cas pour une charge uniforme de longueur infinie,
qui dans le cas d’une diffusion uniforme des contraintes avec la profondeur se simplifie dans la
solution présentée à la Fig. 41d.

L’ Annexe I présente l’abaque de Steinbrenner pour le cas d’une charge uniforme rectangu-
laire où ∆σz est appliquée sur une facette horizontale placée à la profondeur z sous un coin de
l’aire chargée. Pour une semelle de longueur L et de largeur B, l’abaque donne I en fonction de
L/z pour différentes valeurs de B/z. Ailleurs qu’aux coins de la dalle, la contrainte s’obtient
en décomposant la dalle en quatre rectangles ayant la verticale du point A en commun (voir
image dans l’Annexe I). On applique alors l’abaque de Steinbrenner aux quatre morceaux de
dalle et on somme les contraintes obtenues (principe de superposition, applicable à toutes les
abaques).

L’ Annexe II présente l’abaque de Newmark pour le cas d’une charge uniforme sur une
surface de forme quelconque qui permet une évaluation des contraintes verticales dans le cas
d’une semelle de forme quelconque. Elle permet aussi de traiter le cas d’un groupe de semelles
fondées à la même profondeur.
2 Partie II : Mécanismes de déformation et de rupture des terrains meubles 56

L’ Annexe III présente le cas pour une charge trapézoı̈dale de longueur infinie qui convient
pour décrire un remblai avec talus. L’abaque d’Österberg indique I à une profondeur z sous le
bord de l’aire chargée en fonction des paramètres a/z et b/z.

L’ Annexe IV montre le cas pour une charge triangulaire de longueur b (abaque de Fadum)
qui est utilisée dans le cas de remblai sans talus, de largeur a et de longueur finie b. Elle donne
I pour un point situé à la verticale d’un coin de l’aire chargée.

Fig. 41: (a) Principe d’établissement des contraintes verticales sous une surcharge répartie. (b) Cas
d’une surcharge uniforme à semelle circulaire. (c) et (d) : charge uniforme de longueur infinie,
α est en général de 30◦ .

Calcul du tassement / subsidence


Terzaghi (1923) a montré expérimentalement que dans le cas d’une consolidation par sur-
charge (provoquant donc un tassement) sous des conditions mal- ou non-drainées (sols limoneux
et argileux), l’eau n’a pas le temps de s’échapper pendant et juste après le chargement, de sorte
que l’augmentation de contrainte ∆σz se traduit par une augmentation de la pression intersti-
tielle ∆p. Au début du processus de consolidation, la contrainte effective σ 0 reste donc inchangée.
Cependant, un gradient hydraulique se met en place engendrant un écoulement entre la couche
chargée et celles avoisinantes. Au fur et à mesure que l’eau s’échappe la contrainte effective σ 0
augmente et est accompagnée par une consolidation du sol avec l’observation en surface d’un
tassement. Pour des temps très grand (t → ∞), le drainage se termine et ∆p = 0, la variation
de la contrainte effective ∆σz0 correspond à la fin à la surcharge ∆σz (Fig. 42a). Le tassement
final se calculera donc par :
∆l = lt0 (−mv ) ∆σz (48)
2 Partie II : Mécanismes de déformation et de rupture des terrains meubles 57

où lt0 est l’épaisseur de sous-sol concernée par ∆σz . Comme nous avons déjà vu, le temps pour
que le processus de consolidation soit terminée se calcule par l’ Eq. 29. Nous avons aussi vu que
la compressibilité mv n’est pas constante mais peut varier avec le type de terrain, la profondeur
et la surcharge imposée. Dans un terrain meuble stratifié, on découpe le sol en n couches de
hauteur Hi (Fig. 42b). On effectue un essai oedométrique au milieu de chaque couche et on
détermine la compressibilité mv . Le tassement final s’obtient par sommation des tassements
associés à chaque couche.

Dans la pratique, l’astuce pour minimiser les tassements consiste à dimensionner les fon-
dations afin que les poids des matériaux à excaver γ D en Eq. 46 correspond à la surcharge
de la construction q0 . Ceci permet d’atteindre des tassements acceptables de 2-3cm. Dans le
cas où, il n’est pas possible d’assurer des tassements acceptables (p.e. sols très compressibles)
ou tout tassement est à éviter (p.e. piste d’atterrissage), une autre technique de fondation doit
être choisie, tel que la mise en place de pieux avec ancrage dans le soubassement rocheux.

Plusieurs processus hydrogéologiques sont également à l’origine de consolidations provo-


quant dans ce cas des subsidences en surface, tel que les rabattements par pompage, notam-
ment des nappes captives (Fig. 42c), ou le drainage d’un massif rocheux lors du percement d’un
tunnel (Fig. 39b). La subsidence finale se calcule via :

∆l = lt0 (−mv ) ∆p (49)

où lt0 est l’épaisseur concernée par le changement de pression d’eau ∆p.

À différence du tassement qui est un processus local, la subsidence concerne des échelles
régionales. La Fig. 42d montre quelques cas célèbres de subsidence (gauche) en terrain meuble
et (droite) en massif rocheux. En terrain meuble, les environnements géologiques concernées
par les subsidences sont surtout les bassins remplis par des dépôts fluviatiles et lacustres du
Quaternaire (p.e. México City ou la Santa Clara Valley en Californie) et les deltas (delta du
Po en Italie ou du Mekong au Vietnam), où la décharge par pompage excessif des nappes
profondes a dépassé leur recharge en eau. Les rabattements dans les aquifères profonds conte-
nant des nappes captives sont accompagnés par la consolidation de ces couches sableuses mais
surtout par la mise en place d’un suintement et d’une consolidation des intercalations limono-
argileuses très compressibles. À Venise, quelques mètres de rabattement sont à l’origine de
quelques décimètres de subsidence qui s’associe à la subsidence naturelle du delta du Po et
à l’élévation du niveau marin. Les événements d’ ”Acqua Alta” (inondations en lien avec les
marées) deviennent particulièrement problématiques en automne (Fig. 42e). A México City, la
subsidence atteint aujourd’hui environ la dizaine de mètres.

L’ampleur des subsidences des massifs rocheux en lien avec le rabattement des eaux sou-
terraines est nettement inférieure, notamment en raison du fait que les roches ont une com-
pressibilité beaucoup plus petite que les terrains meubles. En massif rocheux, le percement
de tunnels peut provoquer des rabattements atteignant la centaine de mètres accompagnés en
surface par des subsidences. Ces subsidences sont en général très faibles, de l’ordre de la dizaine
de centimètres. Cependant, ces subsidences peuvent être très problématiques si elles touchent
les fondations d’un barrage. Le cas le plus célèbre est le barrage de Zeuzier (VS) où la subsi-
dence associée au percement du tunnel du Rawyl, a engendré une importante déformation du
barrage-voûte (voir les nombreuses fissures dans le béton visibles en Fig 42f).

Pour terminer cette section, il est important de remarquer que les équations utilisées considèrent
les paramètres constants pendant un processus de consolidation. Cependant, il faut s’attendre
2 Partie II : Mécanismes de déformation et de rupture des terrains meubles 58

à une réduction de la conductivité hydraulique K, de la porosité φ et de la compressibilité mv


avec l’incrément de la consolidation/compression.
2 Partie II : Mécanismes de déformation et de rupture des terrains meubles 59

Fig. 42: (a) Modèle conceptuel de la consolidation par surcharge (ici exprimée par σb ). (b) Calcul
du tassement pour sol stratifié. (c) Modélisation numérique de la subsidence régionale à
Mexico City. (d) Relation rabattement et subsidence pour terrains meubles et massifs rocheux.
(e) ”Acqua Alta” à Venise et (f) fissures dans le barrage de Zeuzier (VS) en lien avec des
subsidences régionales.
2 Partie II : Mécanismes de déformation et de rupture des terrains meubles 60

Exercice 2.1 : tassement et subsidence


a) La construction de la tour de Pise (Fig. 43a) a commencé en 1173. Trois ans plus tard,
alors que le 3ème étage était déjà élevé, les travaux ont dû être interrompus en raison de
l’inclinaison du bâtiment vers le Sud. Le chantier reprit et fut terminé au XIVème siècle en
tentant de corriger l’inclinaison par des colonnes plus longues côté Sud (droite de la Fig. 43a).
Pour améliorer la stabilité, les plus grosses cloches furent installés côté Nord (gauche de la
Fig. 43a). La tour est construite sur une faible fondation (2m) dans des dépôts marin-palustres
(marécageux) de poids volumique 20kN/m3 surmontant des marnes. Les modules oedométriques
mesurés en laboratoire sont de : 2000kPa pour les terrains marécageux et 3000kPa pour les
marnes. L’épaisseur du marécage augmente vers le Sud, passant de 2 à 6m (Fig. 43a). Le
diamètre de la base de la tour est de 15.5m. Son poids est de 14’200 tonnes et on suppose que
la contrainte est uniformément répartie sur toute la base. En 1983, l’angle d’inclinaison mesuré
de la tour était de 5.5◦ .

Calculer le tassement aux cotés Nord et Sud. Calculer ensuite l’inclinaison de la tour,
ainsi que le temps pour que le tassement soit terminé. Qu’est-ce que proposeriez-vous aujour-
d’hui comme investigations préliminaires et techniques de fondation afin d’éviter un tassement
différentiel ?

b) Les cantons du Valais et de Berne ont envisagé à la fin des années 70 la construction
d’une semi-autoroute permettant de relier la ville de Sion (VS) à Lenk (BE), via un tunnel sous
le col du Rawyl, à proximité du lac de barrage de Zeuzier (VS). Une galerie de sondage de 2m
de rayon a été réalisée en 1978-1979 afin de vérifier la faisabilité d’un tel projet. Cette galerie a
connu beaucoup de problèmes liées aux venues d’eau en tunnel. Le débit drainé s’est stabilisé à
environ 40 L/s avec des venues de pic d’environ 1000 L/s causant l’inondation de la galerie et
un arrêt temporaire des travaux. Le forage vertical X/3, situé au pied du barrage de Zeuzier,
a mis en évidence la présence d’une nappe captive dans les schistes calcaires du Dogger, avec
une charge hydraulique qui s’est stabilisée à H ≈ 1400 m.s.m. Les roches calcaires du Malm,
malgré la fracturation, ne présentent pas de nappe d’eau souterraine. Cette lithologie forme
un excellent massif d’appui pour le barrage-voûte de Zeuzier. Une subsidence du barrage de
Zeuzier a été mesurée dès les premières venues en eau au tunnel du Rawyl. Les venues d’eau
de pic dans la galerie d’exploration du Rawyl ont été accompagnée par l’apparition de fissures
dans le béton du barrage de Zeuzier qui a été vidé par précaution. Environ 18 mois après les
premières venues d’eau, la subsidence s’est stabilisée à 12cm.

Reporter le niveau d’eau du Dogger sur les coupes de la Fig. 43b et proposer un modèle
conceptuel expliquant les venues en eau au tunnel du Rawyl et la subsidence du barrage de
Zeuzier. Calculer la compressibilité des schistes calcaires du Dogger et leur conductivité hy-
draulique.
2 Partie II : Mécanismes de déformation et de rupture des terrains meubles 61

Fig. 43: (a) Photo montrant le tassement de la tour de Pise et schéma de ses fondations, (b) coupe
transversale au tunnel du Rawyl et au barrage de Zeuzier, ainsi que coupe longitudinale au
tunnel du Rawyl.

2.3 Érosion interne, mise en boulance et effet renard


En circulant entre les grains du squelette minéral, l’eau exerce contre eux une force linéairement
dépendante de la densité de l’eau et du gradient hydraulique i (Fig. 45a). Sur un volume ∆V ,
la force de percolation Fs [kN] vaut :
Fs = ∆V i γw (50)
La force de percolation peut être de même ordre de grandeur que la gravité, ce qui mène à de
l’érosion interne du terrain meuble et à des instabilités telles que la mise en boulance ou l’effet
renard. Ces processus ont provoqué des accidents tel que la rupture de nombreuses digues en
terre ou l’affaissement de structures en béton. Richards et Reddy (2007) ont répertorié plus de
250 accidents de digues en lien avec l’érosion interne.

Le risque d’érosion interne s’évalue au moyen du gradient hydraulique critique ic . Si sous


une fouille, dans un barrage en terre ou sous une fondation le gradient réel ir > ic , alors il y a
risque d’érosion interne.

Mise en boulance : dans le cas d’un écoulement vertical vers le haut (à proximité de
digues, barrages, fonds de fouilles), il arrive que la force de percolation soit supérieure à celle
de gravité. Leur résultante, dirigée vers le haut, provoque une déstructuration (érosion interne)
soudaine du sol. On définit le gradient hydraulique critique ic , tel que gravité et percolation
s’annulent exactement, c’est-à-dire quand le poids volumique déjaugé correspond à γ 0 = i γw :
ic = γ 0 /γw (51)
2 Partie II : Mécanismes de déformation et de rupture des terrains meubles 62

Dans le cas de sables ou de graves très poreux, ic est en général proche de 1 : pour γs = 26.5
kN/m3 et n = 0.4, γ 0 = (γs - γw ) (1-n) ≈ 10 kN/m3 , c’est-à-dire ic ≈ 1. Dans le cas de terrains
meubles sableux ou limoneux, mal gradués et lâches, tel que du sable fin mal gradué (SP), du
sable limoneux (SM) ou encore du limon avec sable (ML), le gradient hydraulique critique ic
peut être très faible : 0.1-0.3. Ces sols sont très vulnérables à l’érosion interne.

Fig. 44: Contraintes effectives sous une fouille (gauche) infiltrante et (droite) exfiltrante (d’après P.
Perrochet, cours hydrodynamique souterraine, Chyn).

La Fig. 44 schématise l’état des contraintes effectives au point P sous (gauche) une fouille
infiltrante et (droite) une fouille exfiltrante. Dans le cas où la fouille est infiltrante, la pression
d’eau p au point P est :
pinf = γw (Z + H − ∆H) (52)
En raison de l’écoulement vers le sous-sol, la pression p au point P est diminuée (par rapport à
la situation hydrostatique) par la perte de charge ∆H permettant l’écoulement, ce qui permet
à la contrainte effective σ 0 de rester toujours positive.

Dans le cas d’une fouille exfiltrante, la pression d’eau p au point P devient :


pexf = γw (Z + H + ∆H) (53)
En raison de l’écoulement vers la fouille, la pression p au point P est augmentée (par rapport à
la situation hydrostatique) par ∆H. Selon les caractéristiques des terrains sous la fouille et les
gradients hydrauliques en jeu, la contrainte effective σ 0 peut devenir nulle ou négative et ainsi
engendrer une déstructuration du fond de fouille.
2 Partie II : Mécanismes de déformation et de rupture des terrains meubles 63

En introduisant pexf dans la contrainte effective σ 0 au point P et en isolant ∆H/Z, on


obtient la définition du gradient hydraulique critique ic , tel que défini en éq. (51) :
   
∆H γs
= (1 − φ) · −1 (54)
Z crit γw
La valeur du gradient hydraulique critique ic définit le seuil que le gradient hydraulique réel
ne doit pas dépasser afin que le fond de fouille reste en compression. Plusieurs méthodes sont
possibles pour prévenir la mise en boulance du fond d’une fouille : i) installation d’un système
de pompage pour diminuer la pression d’eau sous la fouille (mais attention aux tassements), ii)
enfoncement profond des palplanches, idéalement sur toute la section d’écoulement, iii) mise
en place d’une couche filtrante pesante (p.e. graviers fins) sur le fond de fouille.

Effet Renard : La mise en boulance est souvent précurseur d’une érosion interne à plus
grande échelle : l’effet renard (Fig. 45b). Suite à une boulance locale la perméabilité du milieu
augmente considérablement avec la formation d’un chenal préférentiel d’écoulement. Le flux
hydraulique converge ainsi vers ce chemin préférentiel et devient alors suffisant grand pour en-
lever des grains de plus en plus gros. C’est un phénomène régressif de sape le long des lignes
de courant amenant à la formation d’une cavité circulaire dans le terrain meuble rassemblant
à un terrier/trou d’un renard. Pour prévenir l’effet renard, il faut empêcher le déplacement des
particules du squelette minéral sans réduire la perméabilité par colmatage. Pour cela, on installe
dans les digues en terre ou dans le terrain des filtres de géotextiles ou de sols à granulométrie
spécifique. Dans ce dernier cas, une règle empirique pour dimensionner la taille des grains du
filtre est : 4.5 D15(T errain) < D15(F iltre) < 4.5 D85(T errain) . Une autre technique consiste à équiper
et à maintenir dans la digue un système de drainage afin de contrôler l’écoulement souterrain.

La solution analytique la plus simple pour évaluer un risque d’érosion interne sous ou dans
une digue est celle de Lane (1934) :

ir = ∆H/Ln (55)

où ∆H est la perte de charge hydraulique entre le côté amont et avale du réservoir, Ln est la
distance minimale d’écoulement et ir est le gradient hydraulique réel attendu. Si ce gradient
dépasse le gradient hydraulique critique ic , il y a donc risque d’érosion interne.

Veuillez noter que le terme ”mise en boulance” se traduit en anglais par ”heave”, alors que
l’ ”effet renard” se traduit par ”backward piping”, ainsi que le premier processus peut être un
phénomène soudain, alors que l’érosion régressive de l’effet renard peut s’effectuer sur des longs
intervalles de temps. En effet, plusieurs digues en terre ont été opérationnelle pendant plusieurs
années, voir décennies avant leur rupture en raison d’une déstructuration par érosion interne
régressive.

Fig. 45: (a) Forces de gravité et de percolation s’exerçant sur un volume du squelette minéral, (b)
trajectoire type d’un phénomène de renard sous une digue.
2 Partie II : Mécanismes de déformation et de rupture des terrains meubles 64

Exercice 2.2 : érosion interne


Considérer la géométrie de la Fig. 45b. La digue est un barrage poids étanche avec une
fondation de 100m de largeur. Le niveau d’eau dans le réservoir varie quotidiennement de 250 à
265m. L’altitude du terrain côté avale est de 230m. Le sous-sol est constitué d’alluvions récentes
composées essentiellement de sable fin mal gradué avec des intercalations de lentilles de limon
avec sable et d’argiles. Y-a-t-il risque d’érosion interne et d’un effet renard ? Si oui, proposer
une méthode d’assainissement et montrer son efficacité.

Considérer la géométrie de la Fig. 44 pour le cas d’une fouille exfiltrante excavée jusqu’à la
profondeur Z = 4.0m dans un sol sableux fin saturé en eau de poids volumique γsol = 18 - 20
kN/m3 et de porosité 20%. Le battage d’un piézomètre 3.0m sous la fouille indique que ∆H =
3.0m. Option i) : dimensionner l’épaisseur e qu’il faudrait donner à une couche de gravier pesant
de caractéristiques γgra = 27 kN/m3 et de porosité 30% pour installation en fond de fouille afin
de prévenir un phénomène de mise en boulance. Option ii) : dimensionner également à quelle
profondeur sous la fouille faudrait-il enfoncer au minimum les palplanches pour prévenir un
phénomène de mise en boulance. Commenter les deux variantes.

2.4 Gonflement et retrait des terrains argileux


Les argiles sont objet de retrait et de gonflement. Lorsque l’argile se trouve en atmosphère
humide ou directement au contact d’eau, deux phénomènes provoquent son gonflement :

— la cohésion capillaire diminue (expansion),


— la couche d’eau adsorbée s’épaissit (moins de forces intra-atomiques).

Le phénomène est réversible et provoque un retrait. Sous les climats tempérés, c’est surtout
le retrait en période de sècheresse qui est dommageable aux constructions (Fig. 46a) : les argiles
sont souvent proches de la saturation, si bien que leur potentiel de gonflement est relativement
limité. Par contre, étant souvent éloignées de leur limite de retrait, c’est vers les basses va-
leurs que la saturation peut varier le plus. Lorsque la saturation est faible, l’eau adsorbée sur
les grains entre en contact. La force de cohésion capillaire est alors remplacée par la cohésion
d’adsorption, beaucoup plus forte, accentuant ainsi le retrait. Globalement, le comportement
des argiles est plastique (au sens d’Atterberg) tant que l’eau capillaire intervient, et qu’il est
fragile lorsque ne reste plus que l’eau adsorbée, p.e. formation de fentes de dessiccation (Fig.
46b).

L’évaporation affecte en général une tranche superficielle de 1 à 2 m de profondeur ; elle est


favorisée par la présence d’arbres (transpiration). On diminue la sensibilité d’une construction
au retrait/gonflement en creusant des fondations suffisamment profondes pour toucher des sols
où les variations d’humidité sont moindres. Le radier doit aussi être consolidé.

Conséquences pour les constructions : Sous une construction, la teneur en humidité


est relativement stable. Les différences de teneur en eau apparaissent dans le sol au droit des
façades, au niveau de la zone de transition entre le sol exposé à l’évaporation et celui qui en
est protégé (Fig. 46a). Les mouvements différentiels sont ainsi concentrés à proximité des murs
porteurs et particulièrement aux angles de la maison. Ces tassements différentiels sont amplifiés
2 Partie II : Mécanismes de déformation et de rupture des terrains meubles 65

en cas hétérogénéité du sol ou lorsque les fondations présentent des différences d’ancrage d’un
point à un autre de la maison (cas des sous-sols partiels notamment, ou des pavillons construits
sur terrain en pente). Ceci se traduit par des fissurations en façade, souvent obliques et passant
par les points de faiblesse que constituent les ouvertures. Les maisons individuelles sont les
principales victimes de ce phénomène et ceci pour au moins deux raisons : i) la structure de ces
bâtiments, légers et peu rigides, mais surtout fondés de manière relativement superficielle par
rapport à des immeubles collectifs, les rend très vulnérables à des mouvements du sol d’assise
et ii) la plupart de ces constructions sont réalisées sans études géotechniques préalables qui
permettraient notamment d’identifier la présence éventuelle d’argile gonflante et de concevoir
le bâtiment en prenant en compte le risque associé.

Fig. 46: (a) Construction sans fondations profondes sur un sol gonflant. En été (à gauche), le retrait
affecte les bords, tandis qu’à la saison humide (à droite), le porte-à-faux affecte le centre du
bâtiment. (b) Résistance à la compression simple d’un sol fin selon la teneur en eau.

2.5 Gel et dégel


En climat tempéré, la propagation des fluctuations de température saisonnières se fait res-
sentir jusqu’à une dizaine de mètres environ (Fig. 47a). En sub-surface (quelques décimètres
à mètres), la température atmosphérique est plus directement reproduite dans le sol, qui peut
geler. La plupart des sols gèlent sans dommages, moyennant un gonflement temporaire. C’est
surtout le gel de l’eau interstitielle accompagné par son gonflement, qui fait gagner du volume
au terrain meuble. Un sol dont la teneur en eau est de 25% verra son volume augmenter d’envi-
ron 2%, puis reprendre son volume initial lors du dégel. Cependant, il existe des sols gélifs, dans
lesquels le mécanisme et les dommages sont différents. Ces sols présentent des lentilles de glace
dont l’origine est la capillarité (Fig. 47b). Si la nappe d’eau souterraine est assez profonde pour
être à l’abri du gel, la capillarité continue de fonctionner, menant de l’eau vers la sub-surface où
elle gèle. Au dégel, ces grandes quantité d’eau son libérées rapidement, de sorte que la limite de
liquidité peut être dépassée. Ce phénomène affecte les sols à perméabilité moyenne (p.e. limon
avec sable et argile). Si k est trop élevé, le sol gèle en bloc. Si k est très faible, la capillarité est
insuffisante pour former des lentilles suffisamment importantes.

Conséquences pratiques : Un terrain meuble gelé (p.e. pergélisol ou lentilles de glaces


dans un glacier rocheux) est totalement imperméable et thermiquement isolant. Au voisinage
de 0◦ C, la chaleur latente de solidification de l’eau retarde sensiblement la propagation des
variations de température atmosphérique dans le sol :

— en phase de gel, la pénétration du froid est retardée par la nécessité qu’à l’eau interstitielle
de geler avant que la température du terrain puisse s’abaisser en dessous de 0◦ C ;
— lors du dégel, le réchauffement doit d’abord se manifester par la liquéfaction de l’eau
interstitielle avant que la température du terrain puisse dépasser 0◦ C.
2 Partie II : Mécanismes de déformation et de rupture des terrains meubles 66

Pour ces raisons, sous climats tempérés, on admet qu’il suffit d’enterrer une canalisation à
80 cm de profondeur pour la mettre à l’abri du gel.

Dans les très petits pores de la zone non saturée, la tension capillaire empêche le gel, qui se
produit d’abord dans les plus grands pores. Cela entretient un déséquilibre des forces de suc-
cion, les pores gelés étant hydrauliquement ”secs” et de ce fait continuellement alimentés par
les remontées capillaires : ils croissent, gonflent, soulevant et écartant le sol qui les entoure. Ces
lentilles de glace sont d’extension centimétrique à plurimétrique (Fig. 47b), pouvant affecter les
constructions, notamment les routes. Pour ces dernières, la technique de construction adaptée
consiste à poser l’ouvrage sur un talus/remblais dont au moins la base est de granulométrie
très grossière (empierrement) afin d’interrompre les remontées capillaires. La solifluxion est le
résultat de la liquéfaction printanière de la frange superficielle du sol sur sa profondeur encore
gelée.

Fig. 47: (a) Température moyenne de l’aquifère de la vallée du Rhône (gauche) et du sol en région
boréal (droite). (b) Formation de lentilles de glace dans un sol gélif.

Une autre conséquence pratique est l’effet du gel sur les roches, notamment pour les chutes
de blocs rocheux. En hiver, l’eau contenue dans les fractures ou fissures (p.e. fissures en tension
dans une paroi rocheuse) gèle à proximité de la surface, parfois à plusieurs mètres de profondeur
dans les parois, ce qui contribue par gonflement à déstabiliser le massif. Au printemps, une partie
de l’eau redevient liquide tandis que des bouchons de glace subsistent, il se produit alors des
surpressions capables de détacher les blocs rocheux. De fait, la fréquence des chutes de blocs en
régions montagneuses est maximale au début du printemps lors des phases de dégel (Fig. 48).

2.6 Effets du chimisme de l’eau sur les propriétés mécaniques


Seuls sont rappelés ici deux phénomènes fréquents et importants :

— précipitation/ dissolution des carbonates : CaCO3 + CO2 + H2 O ⇔ Ca2+ + 2(HCO3− ).


L’augmentation de CO2 déplace la réaction vers la droite : dissolution. La diminution
de CO2 déplace la réaction vers la gauche : précipitation. La présence d’acide favorise
la dissolution. Les sols contiennent de l’acide humique et la teneur en CO2 y est élevée,
favorisant en outre la formation d’acide carbonique : H2 O + CO2 ⇔ H2 CO3 ;

— hydratation de l’anhydrite en gypse : CaSO4 ⇒ CaSO4 .2H2 O. La réaction est difficile-


ment réversible (chauffage). L’hydratation de l’anhydrite provoque un gonflement (den-
sité du gypse : 2.33 et de l’anhydrite : 2.97) d’autant plus important que des niveaux
argileux sont intercalés, ce qui est souvent le cas. Le gypse est également soluble dans
2 Partie II : Mécanismes de déformation et de rupture des terrains meubles 67

Fig. 48: Photo d’un événement de chute de blocs rocheux sur le sentier des gorges de l’Areuse (NE)
avec graphique montrant la corrélation entre événements de chute de blocs rocheux observés
et les périodes de dégel pour l’hiver 2017-2018.

l’eau, occasionnant des reliefs pseudo-karstiques.

La dissolution diminue la résistance mécanique des roches et des terrains meubles et aug-
mente leur perméabilité. Au contraire, la précipitation peut augmenter la résistance mécanique
et diminuer la perméabilité (colmatage des interstices). En région karstique (p.e. : Massif du
Jura ou en Floride), la dissolution est responsable de tassements (chimiques) et de l’effon-
drement de cavités karstiques. En région minière, la dissolution est également responsable de
l’effondrement de mines souterraines.

2.7 Effets des séismes sur les propriétés mécaniques des sols
Lors d’un important ébranlement sismique (secousses) provoqué par un tremblement de
terre de magnitude élevé (Mw > 4-5 ) et de longue durée, le terrain meuble subit des impor-
tantes accélérations latérales en cm s−2 qui peuvent provoquer un réarrangement des grains
avec une forte diminution de la porosité du terrain meuble, en particulier si il est lâche et/ou
sous-consolidé. Ce processus est comparable à ce qu’on fait à chaque fois qu’on prépare du café
avec une cafetière italienne afin d’intégrer le plus de marc possible. La soudaine diminution
de la porosité provoque une soudaine augmentation de la pression d’eau interstitielle qui peut
causer la perte totale de la cohésion et de la résistance du terrain meuble, autrement dit sa
liquéfaction. La fondation d’un bâtiment se trouve ainsi superposé à un ”liquide”, ce qui peut
provoquer le basculement du bâtiment tel qu’illustré sur la photo de la Fig. 49. Les terrains
meubles les plus vulnérables à la liquéfaction sont donc les sols susceptibles de perdre un im-
portant volume poreux sous l’effet d’un secouement, tel que les sables fins mal gradués, lâches
et faiblement consolidé.

Comme nous avons vu à la section traitant les argiles, la thixotropie est par contre la pro-
priété d’un matériel à se comporter comme un liquide à l’état dynamique, c’est-à-dire pendant
l’ébranlement sismique où les contraintes (de cisaillement) varient fortement pendant des laps
de temps très courts, et comme un solide à l’état statique (contraintes constantes dans le temps).
Les conséquences pour les bâtiments sont les mêmes que celles montrés en Fig. 49.
2 Partie II : Mécanismes de déformation et de rupture des terrains meubles 68

Une autre particularité des terrains meubles lors d’un séisme et qu’ils peuvent provoquer une
amplification des accélérations latérales : effets de site. L’amplification dépend des propriétés
intrinsèques du terrain meuble (p.e. : sol lâche vs sol compact) et de la géométrie des dépôts
(p.e. : cuvette Quaternaire au fond des vallées alpines). Les structures/bâtiments construits
sur les terrains meubles du Quaternaire sont plus vulnérables aux dégâts des tremblements
de terre que les structures dont les fondations touchent ou avoisinent la roche en place. En
Suisse, les cartes de classes de sols de fondation permettent d’identifier les zones vulnérables à
l’amplification des accélérations latérales et, ainsi, de choisir la méthode de fondation la plus
propice (Fig. 49).

Fig. 49: (Gauche) Basculement de bâtiments dû à une liquefaction du sol en réponse au séisme de
Niigata, Japon en 1964 (modifié d’après Parriaux 2006). (Droite) Extrait de la carte de classes
de sols de fondation pour le Canton de Neuchâtel (modifié d’après OFEV 2016, Séismes :
Cartes de classes de sols de fondation).
2 Partie II : Mécanismes de déformation et de rupture des terrains meubles 69

2.8 Synthèse i) des dangers causés par les terrains meubles sur les
constructions et ii) des dangers causés par les constructions sur les
ressources en eau
La Fig. 50 synthétise les différentes processus géotechniques qui peuvent être problématiques
pour les constructions et indique leur intensité en fonction du matériel géologique.

Les dangers causés par les constructions sur les ressources en eau sont surtout liés aux mo-
difications des écoulements souterrains, comme les effets de barrage (Fig. 37) ou le tarissement
des sources (Fig. 51). De manière générale, les excavations de fouilles ou le percement d’un
tunnel dans la zone saturée va provoquer un drainage des eaux souterraines. Il faudra donc
mettre en place un système de pompage afin d’éviter l’inondation des fouilles et les autres
problématiques associées. Un système d’évacuation des eaux est souvent mis en place lors du
percement d’un tunnel pour éviter son inondation. Dans le cas, où le drainage du tunnel pro-
voque des tarissements de sources, il faudra réfléchir à des mesures d’assainissement tel que
des ”by-pass” re-injectant l’eau dans l’aquifère. La température de l’eau souterraine drainée
(≈ 40 ◦ C) a été très problématique lors du percement du tunnel du Simplon ou du Gotthard
(Alptransit) car l’environnement n’était plus propice au travail (trop chaud). Il a fallu mettre
en place des systèmes de refroidissement.

Dans la zone non-saturée, les fouilles ou un tunnel vont se comporter comme une zone
préférentielle de recharge, il faudra donc mettre en place des mesures évitant les fuites et les
contaminations du sous-sol (p.e. bacs de rétention) et un monitorage des points d’eau avoisinants
(sources) afin de détecter rapidement des fuites/pollutions.
2 Partie II : Mécanismes de déformation et de rupture des terrains meubles 70

Fig. 50: Intensité des dangers liés aux terrains meubles. Les cotations données correspondent à des
terrains meubles dans leur constitution habituelle. Une variabilité de composition peut chan-
ger notablement la cotation. La référence géologique est le contexte alpin. Le descriptif ne se
rapporte pas à la cartographie des dangers naturels.

Fig. 51: Assèchement d’une source (avant travaux, à gauche) par le creusement d’une route avec talus
(à droite).
2 Partie II : Mécanismes de déformation et de rupture des terrains meubles 71

Exercice 2.3 : Venues d’eau en tunnel


— Sur la coupe de la Fig. 43b, pour les premiers 3236m de galerie, identifier les secteurs
avec des possibles venues d’eau. D’où provient cette eau ?

— Calculer le débit permanent drainé par la galerie. Que représente ce débit ?

— Critiquer la solution de Goodman, quels processus sont négligés ?

— Schématiser l’évolution du débit d’une venue d’eau avec le temps.

— Mettre en évidence des autres problèmes associés aux venues d’eau en tunnel.

Equation de Goodman (Goodman 1965) pour le débit permanent d’exhaure drainé par un
tunnel Qt en m3 /s :
n
X 2πKi (H0i − Hi )Li
Qt = 2(H0i −Hi )
(56)
i=1 ln( r0
)

où K est la conductivité hydraulique en m/s, H0 et H sont la charge hydraulique avant et après
le percement du tunnel en m, r0 est le rayon du tunnel en m, L est la longueur du secteur en
m (dans la 3ème dimension), et n est le nombre total de secteurs i.

La transmissivité T obtenue par essai hydraulique avec packers en m2 /s est le produit de


la conductivité hydraulique de la zone fracturé K et de l’épaisseur e d’isolement en m :

T =K ·e (57)
3 Partie III : Glissements de terrain, stabilité des pentes et dangers naturels 72

3 Partie III : Glissements de terrain, stabilité des pentes et dangers


naturels
La troisième partie de ce cours traite la problématique des dangers naturels, notamment
les dangers d’origine gravitationnelle (p.e. glissements de terrain) et la stabilité des pentes. Les
notions théoriques sont accompagnées par des exemples et des exercices pratiques. Les premiers
points à aborder concernent la notion de danger et de risque ainsi que la carte des dangers qui
constitue l’outil de base pour la gestion des dangers naturels en Suisse.

3.1 Dangers et risques naturels


Le danger exprime la probabilité d’occurrence d’un événement naturel susceptible d’occa-
sionner des dommages, durant une période spécifiée et dans un périmètre donné. L’appréciation
du danger requiert de déterminer l’intensité d’un événement et sa fréquence (probabilité d’oc-
currence ou période de retour).

Le risque est le danger pondéré par l’ampleur des dommages aux biens et aux personnes
lorsque le danger se produit. L’ampleur des dommages est déterminée par le nombre de per-
sonnes et biens ainsi que par leur vulnérabilité.

On peut noter à partir de ces définitions qu’on peut être en présence d’un danger très
élevé mais, en l’absence d’infrastructures ou de personnes, ce danger naturel ne comporte au-
cun risque. Veuillez aussi noter que chaque pays dispose de sa propre classification, ayant
d’importantes conséquences économiques (assurances, législation, subventions). Pour le cas de
la classification Suisse, trois intensités sont définies pour chaque type de danger : faible,
moyenne et forte (Fig. 52).

Fig. 52: Critères appliqués pour déterminer l’intensité des différents dangers en Suisse (source :
OFEV).
3 Partie III : Glissements de terrain, stabilité des pentes et dangers naturels 73

La fréquence est décrite selon quatre niveaux définissant la période de retour T du danger :

— Très faible : T > 300 ans


— Faible : 100 < T < 300 ans
— Moyenne : 30 < T < 100 ans
— Élevée : 1 < T < 30 ans

Une exception notable concerne les glissements de terrain, pour lesquels la fréquence n’in-
tervient pas dans la quantification du danger. Un outil largement utilisé pour l’évaluation de
la fréquence d’un aléa (période de retour), surtout pour les évènements extrêmes, est la loi
de Gumbel. Une autre technique pratique est la méthode de la fréquence annuelle cumulée de
Gutenberg-Richter.

La Confédération fait obligation aux cantons de dresser la cartographie des dangers natu-
rels, avec des lourdes conséquences en matière d’aménagement du territoire (Fig. 53) :

— Rouge : danger élevé. Les personnes sont en danger aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur
des bâtiments. Il faut s’attendre à une destruction soudaine de bâtiments. Ou bien les
événements se manifestent avec une intensité plutôt faible, mais avec une probabilité
d’occurrence élevée. Dans ce cas, les personnes sont surtout menacées à l’extérieur des
bâtiments ou les bâtiments deviennent inhabitables. La zone rouge correspond essentiel-
lement à une zone d’interdiction, où le développement est interdit.
— Bleu : danger moyen. Les personnes sont en danger à l’extérieur des bâtiments, mais
peu ou pas à l’intérieur. Il faut en principe compter dans cette zone sur des dégâts
aux bâtiments, mais non sur la destruction soudaine de ces derniers, pour autant que
le mode de construction ait été adapté aux conditions en présence. La zone bleue est
essentiellement une zone de réglementation, où de sévères dommages peuvent être réduits
par des mesures de précaution appropriées (réglementation restrictive).
— Jaune : danger faible. Le danger pour les personnes est faible ou inexistant. Il faut s’at-
tendre à de faibles dégâts aux bâtiments, mais par contre il peut y avoir des dommages
considérables à l’extérieur des bâtiments. La zone jaune est essentiellement une zone de
sensibilisation (information sur les dangers potentiels).
— Hachuré jaune-blanc : danger résiduel. Des dangers avec une très faible probabilité d’oc-
currence et une forte intensité peuvent survenir. La zone hachurée en jaune-blanc est
une zone de sensibilisation, mettant en évidence un danger résiduel.
— Blanc : aucun danger connu ou danger négligeable selon l’état des connaissances actuelles.

Loi de Gumbel : La loi de Gumbel postule que la loi double exponentielle est la forme limite
de la distribution de la valeur maximale d’un échantillon de valeurs. Par exemple, le maximum
annuel d’une variable étant considéré comme le maximum de 365 valeurs journalières, cette loi
doit ainsi être capable de décrire les séries de maxima annuels (Fig. 54), comme par exemple
le débit de la crue annuelle ou la masse de la chute de blocs rocheux annuelle. La fonction de
densité de probabilité ou fonction de distribution (trait plein en Fig. 54) se définit par :

1 −z−e−e
f (x) = e (58)
β
L’intégrale de l’Eq. 58 définit la fonction de répartition ou fonction de distribution cumulée
(trait traitillé en Fig. 54) :
−z
F (x) = e−e (59)
3 Partie III : Glissements de terrain, stabilité des pentes et dangers naturels 74

Fig. 53: (Partie supérieure) Matrice suisse du danger en fonction de la probabilité et de l’intensité.
(Partie inférieure) Exemple de carte de dangers (ici surtout glissement de terrain) avant
et après la mise en oeuvre de mesures dites ”structurales” : digues, bassins de rétention
de sédiments. Moyennant ces précautions, plus une surveillance continue du glissement, un
plan d’évacuation, une cellule de crise permanente, etc. le village de Sörenberg (LU) peut
poursuivre un développement modéré.

où les paramètres sont définies par la fonction de densité de probabilité :


x−α
z= (60)
β
et :
α = M − 0.577 β (61)


6
β=S (62)
π
où M est la moyenne de la variable x (masse d’un bloc rocheux, débit d’une rivière, etc.), S est
l’écart-type (déduits à partir de la fonction de distribution) et le terme 0.577 est la constante
de Euler-Mascheroni.

Le terme (1 - F (x)) représente la probabilité/fréquence d’excéder la variable aléatoire x en


une année. La réciproque définit le temps de retour T en années :
1
T = (63)
(1 − F (x))
3 Partie III : Glissements de terrain, stabilité des pentes et dangers naturels 75

Fig. 54: (Haut-Gauche) Fonction de distribution (trait plein) et de répartition (traitillé) de la loi de
Gumbel. (Haut-Droite) Débits maximums annuels de la Mentue à Yvonand (VD), 25 mesures.
(Bas) Étalonnage de la courbe de tendance sur les données d’ observation.

En pratique, on commence par i) classer les N valeurs mesurées de x par ordre croissant,
puis pour chacune, ii) on définit la fréquence empirique de Hazen : h = (i - 0.5) / N , où i est
le numéro de la valeur dans la liste classée (i petit correspond aux faibles valeurs mesurées).
Puis, iii) on trace sur un graphique bilinéaire les valeurs mesurées x en ordonnée et les variables
réduites u en abscisse : u = -Ln(-Ln(h)). Si les mesures obéissent effectivement à la loi de
Gumbel, alors les points s’alignent sur une droite. iv) En ajustant une droite théorique à la
courbe expérimentale, on déduit la valeur de n’importe quel quantile.

La Fig. 54 illustre un exemple. On recherche le quantile correspondant au temps de retour


T = 100 ans.

— Calcul de la fréquence d’apparition correspondant à T : F(x) = 0.99


— Calcul de la variable réduite de Gumbel correspondante : u = 4.60
— Calcul du quantile correspondant (α et β ont été trouvés par régression linéaire).

Résultat : Le débit estimé de la crue centennale vaut : Q100 = 25.5 + 4.60 · 7.98 = 62.2 m3 /s.

Que valent Q5 , Q20 et Q50 ?


3 Partie III : Glissements de terrain, stabilité des pentes et dangers naturels 76

Loi de Gutenberg-Richter : La probabilité d’occurrence d’un événement peut être également


obtenue par le dessin de la fréquence annuelle cumulée en fonction de la grandeur de l’événement
annuel dans un papier log-log ou semi-log. Comme pour la loi de Gumbel, on commence par i)
trier les N valeurs observées de x mais cet fois-ci on ordre décroissant. ii) On calcule la fréquence
annuelle : f = 1 / ∆t, où ∆t est la période d’observation. iii) On cumule les fréquences annuelles
(fréquence la plus petite pour l’événement le plus grand) et iv) on trace sur un graphique log-log
ou semi-log les valeurs observés x en abscisse et la fréquence annuelle cumulée en ordonnée.
À la fin, une équation théorique est ajustée sur les valeurs expérimentales. Pour une valeur x
donnée, la réciproque de la fréquence annuelle cumulée donne le temps de retour en ans : T = 1
/ fcum . Par extrapolation ou par le biais de l’équation théorique, il est possible de calculer des
temps de retour pour des événements plus grands que la valeur maximale observée (Exercice
3.3).

3.2 Glissements de terrain, basculements et chute de blocs rocheux


Le terme générique ”glissement de terrain” (anglais : ”landslide”, allemand : ”Erdrutsch”,
italiano : ”frana”) est souvent utilisé pour décrire les dangers naturels d’origine gravitationnelle.
La classification des instabilités gravitationnelles est une nécessité puisqu’elle est à la base de
la quantification du danger et permet rapidement d’identifier les caractéristiques principales
(cinématique, type et intensité) de l’instabilité.

La classification recommandée est celle de Hungr et al. (2014) : The Varnes classification
of landslide types, an update ; Landslides → cliquer ici pour le lien vers la page web de la
publication, qui mets-à-jour celle de Cruden et Varnes (1996) basée sur :

— Les types de matériaux géotechniques et géologiques


— Les types et la cinématique 6 des mouvements
— L’activité (intensité) du mouvement

La cinématique du mouvement est clairement décrite dans Hungr et al. (2014) par une
définition pour un total de 32 types de ”landslides”. Les classes dominantes sont : chutes, bas-
culement, glissement, étalement et écoulement. Ces catégories s’appliquent plus ou moins à tous
les types de matériaux qui, eux, se subdivisent en : roche, argile, boue, terrain meuble (limon,
sable, graviers et blocs), débris, tourbe et glace. L’activité est évaluée par trois paramètres :
l’état de l’activité, sa distribution et son style. Ensuite, le mouvement est décrit en termes de
vitesse et de rôle de l’eau.

Vous êtes fortement invités à lire la publication de Hungr et al. (2014) pour une vue d’en-
semble et détaillée des glissements de terrain. Seul quelques cas seront traités ici.

3.2.1 Matériaux géotechniques et géologiques


Les roches indurées sont celles qui ne se déforment pas sous la sollicitation des contraintes
faibles (à l’exception de la déformation élastique) et qui se rompent seulement sous de fortes
contraintes. Elles sont soumises aux processus de fatigue et de dégradation avec le mouvement.
Les sols grossiers sont des empilements non cohésifs au sein desquels les grains sont lâches
et présentent une friction entre eux ; ils se déforment élastiquement et par modification de
6. Description du mouvement
3 Partie III : Glissements de terrain, stabilité des pentes et dangers naturels 77

l’agencement des grains si l’empilement n’est pas compact. Les sols fins possèdent des pro-
priétés similaires à celles des sols grossiers, mais plus la granulométrie diminue plus les forces
de cohésion prennent de l’importance, jusqu’à être bien supérieure à celles de friction.

3.2.2 Types et cinématique du mouvement


Les Tableaux 8, 9, 10, 11 & 12 se basent sur la classification de Varnes modifiée par Hungr
et al. (2014) et présentent une définition succincte pour les principaux types de glissement de
terrain. Il est clair que certains mouvements de terrain sont le résultat d’une concaténation
de ces types d’instabilités, par exemple : un collapse rocheux évoluant dans un écoulement de
débris (lave torrentielle).

Tab. 8: Définition des types de glissement de terrain sur la base de la classification de Hungr et
al. (2014), chutes et basculements

Type Définition

1. Rock/ice fall Détachement, chute, roulement et rebondissement d’un


Chute de bloc rocheux bloc de roche ou glace. En général, de volume limité.
/ de glace

2. Boulder/debris fall Détachement, chute, roulement et rebondissement d’une


Chute de pierre grosse pierre, débris à partir d’un terrain meuble.
/ débris

3. Rock block topple Rotation vers l’avant et reversement d’une colonne de


Basculement d’un roche séparée par des fissures profondes verticales dans la paroi.
bloc rocheux Le mouvement est faible au départ mais accélère et devient très rapide
dans les dernières étapes de la rupture (> m/min).

4. Rock flexural Flexion et rotation vers l’avant de la stratigraphie/schistosité d’une masse


topple rocheuse à l’échelle du versant. Le mouvement est en général lent (1-2 m/a)
Fauchage et tends à s’auto-stabiliser. Il peut évoluer dans un glissement rotationnel.

5. Soil block topple Rotation vers l’avant et reversement d’une colonne de


Basculement d’un sol séparée par des fissures profondes verticales dans la paroi.
bloc de terrain
meuble

3.2.3 Intensité (vitesse) du mouvement et rupture progressive


La Fig. 55a montre la gamme des vitesses de mouvement selon la classification de Cruden
& Varnes (1996). Pour ce qui concerne la gamme des vitesses des glissements en roche et en
terrain meuble, notamment pour les glissements profonds, les vitesses varient en fonction du
stade à lequel l’instabilité se trouve. Leroueil et al. (1996) ont proposé de subdiviser la vie d’un
glissement en au moins 3 stades : 1) pré-rupture où la pente montre des signes d’une lente
déformation et d’instabilité, 2) premières ruptures où une (première) rupture soudaine et im-
portante de la pente a lieu suite à une modification significative de l’état des contraintes (p.e.
perte de soutènement latérale suite à la fonte d’un glacier) et 3) post-rupture et réactivations
3 Partie III : Glissements de terrain, stabilité des pentes et dangers naturels 78

Tab. 9: Définition des types de glissement de terrain sur la base de la classification de Hungr et
al. (2014), glissements en roche

Type Définition

6. Rock rotational slide Glissement d’une masse de roche de faible résistance


Glissement rocheux le long d’une surface de rupture rotationnelle.
rotationnel La morphologie se caractérise d’un escarpement principal, d’un bloc
basculé vers l’arrière dans la partie supérieure du glissement.
En général, mouvement lent (1-2 m/a).

7. Rock planar slide Glissement d’une masse de roche le long d’une surface de
Glissement rocheux rupture plane qui peut avoir une forte pente. La partie supérieure
translationnel peut être séparée de l’escarpement par une fissure en tension verticale
et profonde. En général, la rupture est extrêmement rapide (> m/s).

8. Rock wedge slide Glissement d’une masse de roche le long d’une surface de
Glissement rocheux rupture composée par deux plans s’intersectant vers l’avale.
en dièdre En général, la rupture est extrêmement rapide (> m/s).

9. Rock compound slide Glissement d’une masse de roche le long d’une surface de
Glissement rocheux rupture composée par plusieurs plans/zones de glissement.
composite Structures en horst-and-graben, distorsion de la masse rocheuse,
fissures en tension, lent (cm/a - m/a) ou rapide (m/h).
La zone principale de glissement est souvent une couche de roche
tendre (p.e. marnes) dans la stratigraphie.

10. Rock irregular slide Glissement d’une masse de roche le long d’une surface de rupture
”Rock collapse” irrégulière composée par des joints séparées par des segments
Collapse rocheux (”ponts”) de roche intacte. En général, dans des roches fragiles
(p.e. cristallines). La rupture peut être soudaine et extrêmement rapide.

où le mouvement de l’instabilité est réactivé/accéléré de façon épisodique sous l’effet des mo-
difications de l’état des contraintes, p.e. : baisse saisonnière de la résistance au cisaillement par
l’augmentation des pressions d’eau souterraine ou les effets d’un tremblement de terre. Avec
l’incrément de la déformation et en fonction de ses caractéristiques géométriques, le glissement
de terrain évoluera ensuite soit dans une rupture catastrophique, soit dans une stabilisation, tel
qu’illustré à la Fig. 55b pour les glissements profonds. Le concept décrit ci-dessus est connu
sous le terme de rupture progressive. Veuillez noter que pour une rupture finale catastro-
phique, la forme de la courbe rassemble à celle obtenue en laboratoire lors d’un essai de fluage :
l’accélération de la vitesse de déformation indique qu’on approche de la rupture finale. Cette
vidéo : cliquer ici pour le lien youtube montre les derniers instants de la rupture d’un mur de
rétention. Le même comportement peut être conceptualisé pour les pentes naturelles : i) (bien
avant la vidéo) des signes d’instabilités sont visibles sur la route sous la forme de fissures en
tension parallèles au talus, ii) un événement de forte intensité (dans ce cas des surpressions
d’eau interstitielle en lien avec les précipitations) déclenche une déstabilisation ultime de la
pente avec iii) accélération du mouvement (visible par l’inclinaison progressive des voitures)
jusqu’au iv) collapse. Sur la vidéo, lors de l’impact, on distingue aussi la surpression d’eau
interstitielle.

Les processus pouvant provoquer une déstabilisation ultime de la pente (naturelle ou pas)
3 Partie III : Glissements de terrain, stabilité des pentes et dangers naturels 79

Tab. 10: Définition des types de glissement de terrain sur la base de la classification de Hungr
et al. (2014), glissements en terrain meuble

Type Définition

11. Clay/silt rotational slide Glissement d’une masse (cohésive) de terrain meuble
Glissement de terrain le long d’une surface de rupture rotationnelle.
rotationnel En général, lent à rapide (> m/h), voir très rapide.

12. Clay/silt planar slide Glissement d’une masse (cohésive) de terrain meuble
Glissement de terrain le long d’une surface de rupture plane et inclinée,
translationnel constituée par une couche de faible résistance. Une fissure en tension
profonde sépare la partie active du glissement du terrain stable.
Lent (cm/a - m/a) ou rapide (m/h).

13. Debris slide Glissement d’une masse de matériel granulaire le long d’une surface
Glissement de débris / de rupture peu profonde et parallèle à la pente. Il peut évoluer
Glissement ”spontané” dans une avalanche de débris extrêmement rapide (>m/s).

14. Clay/silt compound slide Glissement d’une masse de sol le long d’une surface de
Glissement de terrain rupture composée par plusieurs plans/zones de glissement.
composite La partie basale de la zone de glissement suit souvent un horizon
de faible résistance dans la stratigraphie (p.e. horizon argileux).

Fig. 55: (a) Échelle des vitesses de glissement utilisée en Amérique du Nord et dans la classification de
Cruden et Varnes (1996). (b) Schéma illustrant la dégradation de la résistance d’un glissement
sous l’effet de facteurs externes à partir de la rupture initiale jusqu’à la rupture ultime ou la
stabilisation.

se caractérisent soit par i) une forte baisse de la résistance au cisaillement due p.e. à des
surpressions d’eau en lien avec des précipitations ou à la fonte des neiges, ou à l’effet d’une
excavation à la base du glissement, ou soit ii) un fort incrément des contraintes de cisaillement,
tel que l’effet d’un tremblement de terre (ébranlement horizontal) ou d’une surcharge dans la
partie amont de la pente.
3 Partie III : Glissements de terrain, stabilité des pentes et dangers naturels 80

Tab. 11: Définition des types de glissement de terrain sur la base de la classification de Hungr
et al. (2014), étalements & écoulements

Type Définition

15. Rock slope spread Élongation presque horizontale d’une masse de roche
Étalement d’une pente cohérente suite à une déformation extensive d’une couche inférieure
rocheuse de faible résistance. En général, mouvement lent.

16. Liquefaction spread Élongation latérale très rapide (> m/min) d’un terrain meuble suite
Étalement par à la liquéfaction d’une couche subjacente lors d’un tremblement de terre
liquéfaction ou un phénomène géologique/hydrogéologique extrême.

17. Sensitive clay spread Élongation latérale très rapide (> m/min) d’un terrain meuble suite
Étalement d’argiles à la perte totale de résistance d’une couche d’argile sensitive,
sensitives p.e. thixotropie lors d’un tremblement de terre.

18. Rock/ice avalanche Écoulement extrêmement rapide (> m/s) de roche/glace fragmentée
Avalanche rocheuse à partir d’un glissement rocheux ou d’une chute de blocs rocheux.
ou de glace

19. Dry debris flow Écoulement lent ou rapide de matériel lâche, sec ou
Écoulement de débris humide mais en absence de surpressions d’eau interstitielle.
(sec)

20. Debris flowslide Écoulement très rapide à extrêmement rapide de matériel granulaire
Écoulement-glissement saturé avec des surpressions d’eau interstitielle.
de débris

21. Sensitive clay Écoulement-glissement très rapide à extrêmement rapide d’argiles


flowslide sensitives (”quick clays”) suite à une perte totale de cohésion
Écoulement-glissement liée à un changement de la structure minéralogique.
d’argiles sensitives

22. Debris flow Écoulement très rapide à extrêmement rapide de débris


Écoulement de débris le long d’un chenal avec fort entrainement du matériel sur
(lave torrentielle) le trajet d’écoulement.

23. Mud flow Écoulement très rapide à extrêmement rapide de matériel argileux
Écoulement le long d’un chenal raide avec entrainement du matériel et de l’eau
de boue le long du trajet.

24. Debris flood Écoulement très rapide d’eau très chargée en débris le long
Crue de débris d’un chenal d’écoulement.

25. Debris avalanche Écoulement rapide à extrêmement rapide (> m/s) de débris
Avalanche de débris saturés ou partiellement saturés le long d’une pente raide.

26. Earthflow Écoulement-glissement de matériel argileux plastique le long


Écoulement de de multiples surfaces de cisaillement. Longues périodes de mouvement lent
sol argileux à très lent associée à des poussées de mouvement rapide (>m/j) suite
à des modifications de la pression d’eau interstitielle.

27. Peat flow Écoulement rapide de tourbe liquéfiée causée par des surpressions
Écoulement de tourbe d’eau interstitielle.

Chutes et basculements
Les chutes de matériaux sont des phénomènes rapides. Un exemple est la chute de blocs
rocheux qui est un processus qui comporte une chute libre et une série de phénomènes tels que
3 Partie III : Glissements de terrain, stabilité des pentes et dangers naturels 81

Tab. 12: Définition des types de glissement de terrain sur la base de la classification de Hungr
et al. (2014), déformations de versant

Type Définition

28. Mountain slope Déformation à grande échelle des versants de montagnes.


deformation Caractéristiques géomorphomètriques : escarpements, fissures,
Déformation gravitationnelle dépressions, bombements mais absence d’une surface/zone de rupture
profonde de versant (DGPV) basale. Déformation extrêmement lente (<cm/a).

29. Rock slope deformation Mouvement permanent profond d’un versant de vallée ou d’une colline.
Déformation d’une pente Déformation extrêmement lente (<cm/a). Absence d’une surface
rocheuse de cisaillement bien définie.

30. Soil slope deformation Mouvement permanent profond d’un versant de vallée ou d’une colline,
Déformation d’une pente composé de terrains meubles cohésifs.
en terrain meuble Déformation lente à extrêmement lente (<cm/a), souvent en
terrains gelés : versant en permafrost, glaciers rocheux, etc.

31. Soil creep Mouvement extrêmement lent d’une couche superficielle


Fluage de sol de la pente (moins de 1m de profondeur), sous l’effet de la gravité,
et des changements de volume du sol : gel-dégel, variations d’humidité.

32. Solifluction Fluage très lent du sol dans des environnements alpins ou polaires
Solifluxion constamment gelés, car la glace se déforme sous l’effet de la gravité,
c’est-à-dire sous son propre poids. Formation de lobes caractéristiques.

le rebond, l’éclatement, le glissement, la rotation, la déformation plastique du substrat, etc. qui


vont participer à la définition de la trajectoire du bloc et à sa dissipation d’énergie jusqu’à son
arrêt.

L’étude de la trajectoire et de la vitesse de la chute de blocs rocheux se fait via la mécanique


Newtonienne (balistique) qui peut devenir vite compliqué mais également incomplète, notam-
ment à cause des processus d’impact-rebond, impact-éclatements, impact-rotation. Les coeffi-
cients de restitution normal eN et tangentiel eT sont les paramètres définissant comment le
bloc sortira d’un impact avec le sol : vitesse de sortie, importance du rebond, etc. La Fig. 56a
illustre comme une chute de bloc rocheux peut être un phénomène impressionnant et complexe.
Les coefficients de restitution sont difficile à quantifier car il dépendent de plusieurs facteurs,
entre autres : géologie du bloc, angle d’inclinaison et matériel de la surface d’impact (terrain
meuble vs roche).

Les lois de la balistique peuvent être utilisées pour déterminer la trajectoire (coordonnées
x et z) du bloc entre l’impact i et l’impact i + 1 :
1
z = − g t2 + V0z t (64)
2

x = V0x t (65)
où t est le temps, V0x est la composante horizontale de la vitesse initiale ou après l’impact i :
V0x = V0 cos(α), V0z est la composante verticale de la vitesse initiale ou après l’impact i : V0z
3 Partie III : Glissements de terrain, stabilité des pentes et dangers naturels 82

= V0 sin(α), α est l’angle définissant la direction du vecteur vitesse V0 (négatif vers le bas) et
g est l’accélération gravitationnelle.

La vitesse V1 atteinte par le bloc juste avant l’impact i + 1 dépend uniquement de la va-
riation de la composante verticale de la vitesse qui est soumise à l’accélération g, alors que la
composante horizontale reste constante :
p
V1z = (V0z )2 + 2 g ∆z (66)

où ∆z est la différence d’altitude entre l’impact i et l’impact i + 1. La vitesse V1 s’obtiendra


ensuite par la norme du vecteur :
p
V1 = (V1x )2 + (V1z )2 (67)

et l’énergie cinétique d’impact E 7 s’obtient par :

E = 0.5 m (V1 )2 (68)

où m est la masse du bloc rocheux.

La Fig. 56b montre les différents types d’ouvrages de protection contre la chute des blocs
et leur utilisation en fonction de la gamme attendue d’énergie cinétique d’impact.

Dans la pratique, les études de trajectoire de chutes de blocs doivent se faire en 3D, car la
présence de ravines et de dépressions dans la topographie a une grande influence sur les trajec-
toires. En effet, elles tendent à ”drainer” les blocs lors de la chute, ce qui permet d’optimiser
considérablement le choix de l’emplacement des ouvrages de protection et ainsi de diminuer
leur nombre et donc le coût du projet. Des logiciels commerciales et spécifiques à la chute de
blocs (voir références) permettent de réaliser des études de trajectoire en 2D et 3D (Fig. 56c).
Des notions empiriques, notamment sur les angles des cônes de dépôts sont également très utiles
pour définir les limites possibles des trajectoires, comme par exemple la distance de propagation
maximale de la chute de bloc (voir Fig. 56d).

La lecture de l’ouvrage bibliographie : Rock Fall Engineering de D.C. Wyllie (2017) est
fortement recommandée pour les personnes intéressées par ce type de danger naturel.

Exercice 3.1 : Chute de blocs rocheux


Une paroi rocheuse constituée d’une alternance de calcaires massifs fracturés et de marnes
surplombe une route cantonale et une voie de chemin de fer (Fig. ??). Les observations de
terrain indiquent que les blocs se détachent depuis la falaise supérieure et tendent à impacter
et rebondir au milieu de la paroi. Après cet impact, les vitesses et les angles de sortie ont été
estimés entre 10 - 20 m s−1 et -80◦ - -35◦ . Une étude au préalable sur la facturation du massif
indique que la taille maximale des blocs pouvant se détacher de la paroi est de 2m x 1m x 0.5m
pour une masse volumique de ρ = 2’650 kg m−3 .

7. l’énergie s’exprime en Joules, J = N m = kg m2 s−2 .


3 Partie III : Glissements de terrain, stabilité des pentes et dangers naturels 83

Fig. 56: (a) Traces d’impact d’une chute de bloc rocheux avec les dégâts causé sur un bâtiment. (b)
Types d’ouvrages de protection en fonction de la capacité d’énergie cinétique d’impact à
contenir avec photos illustrant des exemples de filets de protection, tunnel de protection et
barrière/digue de protection. (c) Illustration d’une étude 3D de trajectoire de chute de blocs
rocheux réalisé avec le logiciel RocPro3D. (d) Angles empiriques définissant les limites de
propagation des chutes de blocs (images modifiées d’après Wyllie 2017).

— Sur l’Annexe V identifier les infrastructures à risque au moyen de deux méthodes : i)


constatations empiriques et ii) étude de la trajectoire la plus défavorable. Proposer et
placer ensuite sur la coupe une structure de protection pour les infrastructures à risque.
Calculer l’énergie cinétique d’impact que la structure de protection devra résister.

Le basculement est un phénomène lent, fréquent, qui affecte les matériaux qui sont soumis
à un mouvement induit par la gravité sur une masse ne possédant pas suffisamment d’appui à
3 Partie III : Glissements de terrain, stabilité des pentes et dangers naturels 84

sa base engendrant une rotation autour du point d’appui. Il précède souvent des chutes de bloc
ou induit des ruptures importantes dans un versant : collapse rocheux. Ce phénomène, encore
mal modélisé, est fondamental lors de la déstabilisation des versants. Le fauchage est aussi un
type de basculement.

3.2.4 Glissement en roche et/ou en terrain meuble


Les Tableaux 9 & 10 synthétisent les glissements en roche et en terrain meuble et présentent
une brève définition. Le glissement est le phénomène le plus souvent rencontré dans les mouve-
ments de versant. Il est le résultat d’une masse instable reposant sur un substratum qui oppose
une résistance à son déplacement, souvent décrit par la loi de frottement de Mohr-Coulomb
(voir Eq. 38). L’interface peut être une simple surface de glissement ou une zone d’intense
déformation qu’on pourra mettre en évidence par le biais de mesures inclinométriques. La Fig.
57a & b illustre les traits géomorphologiques principaux observables en surface des glissements
rotationnels et translationnel, ainsi que pour les glissements permanents profonds (composites).
La figure 57c montre le glissement profond composite le plus dévastateur de l’histoire humaine :
le glissement du Vajont (Italie) qui a causé la destruction d’un village entier et la mort d’en-
viron 2’000 personnes. Ces types de glissement rarement cèdent de façon catastrophique sous
l’effet des contraintes naturelles. La rupture catastrophique du Vaiont a en effet était causée
par la construction d’un barrage voûte dans les années 60, malgré que le caractère instable du
versant Nord de la vallée était connu. La mise en eau du réservoir a provoqué la formation de
surpressions d’eau avec une diminution extrême de la résistance au cisaillement au niveau de
la base du versant Sud du Mt. Toc, et engendré d’abord une accélération du mouvement du
versant instable qui a ensuite évolué dans une rupture soudaine et rapide pendant la nuit du 9
octobre 1963. La masse glissée dans le lac de barrage a crée un tsunami. Ce dernier a déferlé
au-delà du barrage voûte (lequel a résisté à l’onde de choc) et causé un immense écoulement
de débris qui a enseveli le village de Langarone et ses habitants.

Les méthodes d’équilibre limite (voir §3.3) peuvent être utilisées pour analyser les instabi-
lités de terrain. Il faut cependant noter que ces approches ont été développées pour analyser
les pentes artificielles et elles s’appliquent avec difficulté aux pentes naturelles, notamment à
cause des incertitudes/méconnaissances sur les géométries du sous-sol et ses propriétés.

La méthode observationnelle basée sur la classification et le monitorage des vitesses de


déformation reste l’approche la plus efficace et fiable pour faire des prédictions sur le com-
portement d’un glissement. Les investigations de terrain sous la forme de forages de recon-
naissances, monitorage/mesures géotechniques et hydrogéologiques, etc. permettent de réaliser
une classification détaillée, sur laquelle le comportement à long terme pourra être estimé, p.e. :
collapse vs stabilisation. Sur cette base, on pourra ensuite élaborer une stratégie de gestion du
danger naturel et des risques associés. Dans le cas d’un glissement profond composite causant
des dégâts à des infrastructures (p.e. routes), on pourra donc opter pour des mesures de mitiga-
tion/assainissent du mouvement. Dans le cas où une rupture catastrophique est inévitable, on
procédera plutôt à la mise en place d’un système de monitorage couplé à un système d’alarme
précoce (early warning). La méthode des vitesses inverses est la plus utilisée pour déterminer
la date de la rupture ultime. Cette approche consiste à tracer sur un graphe l’inverse de la
vitesse du mouvement et à extrapoler ensuite la courbe sur l’axe des abscisses. L’intersection
avec l’axe horizontal prédit le temps/date de la rupture. La Fig. 58 illustre cette approche et
montre comme les prédictions deviennent fiables seulement quelques jours avant le collapse.
3 Partie III : Glissements de terrain, stabilité des pentes et dangers naturels 85

Fig. 57: Traits morphologiques des (a) glissements translationnels et rotationnels, ainsi que (b) des
glissements permanents profonds. (c) Photo du glissement du Vajont avant et après la rupture
catastrophique.

Les méthodes de stabilisation des glissements se basent principalement sur deux principes :
i) l’incrément des forces résistantes au mouvement et/ou ii) l’abaissement des surpressions
d’eau afin d’arrêter la baisse (saisonnière) de la résistance au cisaillement avec la fluctuation
des niveaux d’eau souterraine.
3 Partie III : Glissements de terrain, stabilité des pentes et dangers naturels 86

Fig. 58: Illustration de l’application de la méthode des vitesses inverses de Fukuzono pour le collapse
rocheux de Randa (VS).

L’incrément des forces résistantes au mouvement peut être obtenu par la construction d’un
ouvrage de soutènement à la base de la pente instable, tel que : des murs/digue poids en blocs
de pierre ou en béton ou encore des parois clouées, moulées, etc.

L’abaissement des surpressions d’eau souterraine peut être obtenu par la mise en place d’un
système de drainage, d’un rideau de puits de pompage ou encore par le percement d’une galerie
drainante. Cette dernière mesure a par exemple été choisie pour la stabilisation des glisse-
ments profonds de Campo Vallemaggia (TI), de la Frasse (VD) ou encore de Montagnon (VS)
(voir Fig. 59). Dans le cadre des glissements profonds permanents, les mesures d’atténuation
visant l’abaissement des pressions d’eau sont plus efficaces que la construction d’ouvrages de
soutènement. Le guide pratique de l’OFEV : Glissements de terrain: hydrogéologie et techniques
d’assainissement par drainage de A. Parriaux, C. Bonnard et L. Tacher (2010) est un ouvrage
de référence sur l’hydrogéologie des glissements de terrain et les techniques de stabilisation par
abaissement des pressions d’eau.

3.3 Stabilité des pentes


Une multitude de lois théoriques existent pour déterminer l’équilibre limite des pentes artifi-
cielles (d’ingénierie) et notamment l’angle d’inclinaison critique, c’est-à-dire la pente maximale
que nous pouvons donner à un talus en fonction de ses propriétés géotechniques. Ces solutions
varient en fonction de l’état du talus : sec, humide ou saturé. Pour plus de détails voir Atkinson
(2007) et Vuillet et al. (2016).

La méthode des tranches se base également sur le concept d’équilibre limite et peut soit
i) être utilisée pour déterminer la géométrie de la surface de rupture critique (p.e. approche
de Bishop 1955), soit ii) pour analyser l’état d’équilibre de la pente ou pour déterminer ses
propriétés par une analyse de retour (p.e. méthode suédoise des tranches de Fellenius 1927).
Ce dernier cas nécessite que la géométrie du glissement pour le calcul est entièrement définie
3 Partie III : Glissements de terrain, stabilité des pentes et dangers naturels 87

Fig. 59: Schéma comparatif des méthodes d’assainissement hydrogéologiques. A : Fossés de collecte
des eaux superficielles. B : Drains forés à vidange gravitaire. C : Rideaux de puits filtrants
verticaux. D : Galeries avec forages rayonnants.

(p.e. par les investigations de terrain).

Le principe de base de la méthode des tranches est que la stabilité est une fonction des
contraintes agissant sur le plan/zone de glissement et que ces contraintes peuvent être déterminées
par les propriétés de la colonne de terrain meuble / roche sur la zone de glissement. On
découpera ainsi la pente en plusieurs tranches (Fig. 60) et on analysera le rapport entre les
contraintes/forces motrices et les contraintes/forces résistantes en se basant sur une loi de
plasticité, tel que la loi de Mohr-Coulomb :
Pn
FR (bi ci + (Wi cos αi − pi bi ) tan ϕi )
F oS = = i=1 Pn (69)
FM i=1 Wi sin αi

où F oS est le facteur de sécurité : si F oS > 1 → stabilité, si F oS < 1 → instabilité, F R sont les
forces résistantes au mouvement, F M sont les forces motrices du mouvement, c est la cohésion,
b la longueur de la base, W le poids, α l’angle d’inclinaison de la base, p la pression d’eau et ϕ
l’angle de frottement pour les tranches i à n. Si on admet que la surface de glissement est sans
cohésion et que l’angle de frottement est constant, alors l’Eq. 69 se simplifie à :
P
(Wi cos αi − pi bi )
F oS = P tan ϕi (70)
Wi sinαi
L’exercice 3.2 illustre l’effet de facteurs externes sur la stabilité d’un glissement. De la
même manière, on pourrait partir d’un facteur de sécurité égal à 1 et par une analyse de retour
3 Partie III : Glissements de terrain, stabilité des pentes et dangers naturels 88

déterminer les propriétés de la pente à la rupture, ainsi que les pressions d’eau critiques. On
pourrait également tester l’effet des mesures d’assainissement (p.e. abaissement des niveaux
d’eau) sur la stabilité du glissement.

Les méthodes par éléments ou différences finies sont de plus en plus utilisées pour analyser la
déformation et la rupture des glissements sur la base de lois constitutives de comportement du
terrain élasto-plastiques. Les principaux avantages sont : la prise en compte de comportement
avec écrouissage (modification de la résistance avec la déformation), couplages hydromécaniques
(écoulement et stabilité), la modélisation de géométries complexes en 2D et 3D avec l’introduc-
tion de l’hétérogénéité géologique, etc.

Exercice 3.2 : Stabilité des pentes


Pour le profil illustré en Fig. 60, partie supérieure, appliquer la méthode des tranches (Swe-
dish method of slices de Fellenius 1927) au moyen des tableaux de calcul 13, 14, 15 et 16 et
vérifier ainsi la stabilité de la pente pour i) le cas sec, ii) le cas hydrodynamique avec écoulement
d’une nappe au sein de la pente (Fig. 60, partie inférieure), iii) le cas ”hydrostatique” où la
pente a été submergée par un niveau d’eau d’environ 5m qui s’est ensuite rabattu rapidement
(vidange d’un réservoir, décrue, etc.) de façon que les pressions d’eau souterraine n’ont pas en-
core eu le temps de se rééquilibrer et iv) le cas d’une excavation à la base de la pente (découpage
de la dernière tranche) avec état hydrodynamique.

Commenter chaque effet et énoncer les limites de la méthode des tranches de Fellenius (1927).

Fig. 60: Exercice 3.2 : Stabilité des pentes - méthode des tranches.
3 Partie III : Glissements de terrain, stabilité des pentes et dangers naturels 89

Tab. 13: Tableau pour la méthode des tranches : i) état sec

Tranche Aire Poids Angle Force motrice Force résistante Hauteur eau sur Pression eau sur Longueur base Force résistante
A, m2 W , kN/m α, ◦ W sin(α), kN/m W cos(α), kN/m plan de glissement plan de glissement l, m effective
2
h, m p, kN/m W cos(α) - p l,
kN/m
1 3.8 54 0 4.0

2 14.4 36 0 3.7

3 15.3 20 0 3.2

4 13.8 4 0 3.0

5 10.2 -10 0 3.0

6 3.8 -25 0 3.2

Σ= Σ=

Tab. 14: Tableau pour la méthode des tranches : ii) état hydrodynamique

Tranche Aire Poids Angle Force motrice Force résistante Hauteur eau sur Pression eau sur Longueur base Force résistante
A, m2 W , kN/m α, ◦ W sin(α), kN/m W cos(α), kN/m plan de glissement plan de glissement l, m effective
2
h, m p, kN/m W cos(α) - p l,
kN/m
1 3.8 54 1.4 4.0

2 14.4 36 3.0 3.7

3 15.3 20 4.0 3.2

4 13.8 4 3.8 3.0

5 10.2 -10 2.8 3.0

6 3.8 -25 1.4 3.2

Σ= Σ=

Tab. 15: Tableau pour la méthode des tranches : iii) état ”hydrostatique”

Tranche Aire Poids Angle Force motrice Force résistante Hauteur eau sur Pression eau sur Longueur base Force résistante
A, m2 W , kN/m α, ◦ W sin(α), kN/m W cos(α), kN/m plan de glissement plan de glissement l, m effective
h, m p, kN/m2 W cos(α) - p l,
kN/m
1 3.8 54 1.4 4.0

2 14.4 36 3.5 3.7

3 15.3 20 5.0 3.2

4 13.8 4 5.0 3.0

5 10.2 -10 4.5 3.0

6 3.8 -25 4.0 3.2

Σ= Σ=
3 Partie III : Glissements de terrain, stabilité des pentes et dangers naturels 90

Tab. 16: Tableau pour la méthode des tranches : iv) excavation à la base de la pente avec état
hydrodynamique

Tranche Aire Poids Angle Force motrice Force résistante Hauteur eau sur Pression eau sur Longueur base Force résistante
A, m2 W , kN/m α, ◦ W sin(α), kN/m W cos(α), kN/m plan de glissement plan de glissement l, m effective
h, m p, kN/m2 W cos(α) - p l,
kN/m
1 3.8 54 1.4 4.0

2 14.4 36 3.0 3.7

3 15.3 20 4.0 3.2

4 13.8 4 3.8 3.0

5 10.2 -10 2.8 3.0

Σ= Σ=

3.4 Crues, inondations et autres dangers naturels


En Suisse, les écoulements indiqués dans le tableau 11 sont considérés comme dangers na-
turels de type ”inondations” lorsqu’ils sont canalisés (p.e. dans le lit d’une rivière). Pour les
crues, il est important de remarquer que la stabilité des berges est souvent minimale après le
pic de la crue. Ce processus est similaire à la situation de mise en eau d’un lac de barrage :
1) pendant la crue ou la mise en eau d’un réservoir, l’eau s’infiltre dans les berges/versants
diminuant leur résistance au cisaillement. 2) Cependant, la pression d’eau dans la rivière/lac
de barrage exerce une force d’appui contre la berge/versant et agit comme un soutènement. 3)
Cette force d’appui disparaı̂t dès que le niveau d’eau dans la rivière ou le lac baisse, par contre
les pressions d’eau dans la berge/versant n’ont pas encore eu le temps de se dissiper, ce qui
peut provoquer leur rupture soudaine.

Le danger de crue et d’inondation et ses risques associés devraient être considérés pour toute
construction au voisinage d’un cours d’eau (voir exercice 3.3). Dans ce cours, on va s’arrêter
là pour ces types de dangers et on ne traitera pas des autres dangers naturels tel que les
tremblements de terre, les dangers météorologiques (p.e. tempêtes) ou encore les avalanches.

Exercice 3.3 : Crues - périodes de retour


La commune de Boudry (NE) souhaite construire une petite digue au voisinage des berges
de l’Areuse afin de protéger un ouvrage. Il est demandé que la hauteur de la digue soit dimen-
sionnée pour retenir la crue décennale. Au voisinage de la zone d’intérêt, il y a une station de
mesure de l’Office fédéral de l’Environnement. Vous disposez donc des valeurs de débit pour les
crues annuelles de l’Areuse entre 1904 et 2015, ainsi que la courbe et l’équation de tarage de la
station de mesure, c’est-à-dire la relation : débit en fonction de la hauteur d’eau (voir fichier
Excel ”Ex.3.3-crues.xlsx” sur Moodle).

Appliquer la méthode de la fréquence annuelle cumulée de Gutenberg-Richter et dimension-


ner la hauteur de la digue de protection. Comparer vos résultats avec ceux de l’OFEV : cliquer
ici pour le lien vers la page web de la station.
3 Partie III : Glissements de terrain, stabilité des pentes et dangers naturels 91

Références bibliographiques
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Universitaires Romandes, Lausanne, 603pp.

Willie D.C. 2017 : Rock Fall Engineering. CRC Press, 243pp.

Logiciels utilisés en géotechnique


ZSOIL : Logiciel en éléments finies pour tout type d’analyse géotechnique, développé par l’entre-
prise Zace Services, Lausanne, Suisse. Cliquer ici pour le lien vers la page web.

FLAC 2D & 3D : Logiciels en différences finies pour tout type d’analyse géotechnique, développé
par l’entreprise Itasca, Minneapolis, États Unis. Cliquer ici pour le lien vers la page web.

UDEC & 3DEC : Logiciels en éléments distincts pour tout type d’analyse en mécanique des
roches, développé par l’entreprise Itasca, Minneapolis, États Unis. Cliquer ici pour le lien vers la page
web.

Suite RocScience : Logiciels en éléments finies ou basés sur des solutions analytiques (équilibre
limite, lois de consolidation, etc.) pour différentes applications en géotechnique, p.e. Settle : tasse-
ments, Slide : glissements ou encore Rockfall : chute de blocs, développé par l’entreprise RocScience,
Afrique du Sud. Cliquer ici pour le lien vers la page web.

RocPro3D : Logiciel pour l’analyse en 3D des trajectoires et des énergies impliqués dans la chute
de blocs, développé par l’entreprise RocPro3D, France. Cliquer ici pour le lien vers la page web.
Annexes i

Annexe I : abaque de Steinbrenner pour le cas d’une charge uniforme rectangulaire.


Annexes ii

Annexe II : abaque de Newmark : le point où on veut déterminer la contrainte verticale est placé
au centre de l’abaque. La fondation est dessinée à une échelle α telle que la profondeur z du point
corresponde à la longueur ab. Chaque quadrilatère curviligne correspond à une contrainte verticale de
0.005 q. On obtient la contrainte recherchée en comptant le nombre n de quadrilatères recouverts par
le plan de fondation : ∆σz = I q = 0.005 n q.
Annexes iii

Annexe III : abaque d’Österberg pour le cas d’une charge trapézoı̈dale de longueur infinie.
Annexes iv

Annexe IV : abaque de Fadum pour le cas d’une charge triangulaire.


Annexes v

Annexe V : Exercice 3.1 sur la chute de blocs rocheux.

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