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Laurence Devillairs

LES 100 CITATIONS


DE LA PHILOSOPHIE

Quatrième édition mise à jour


14e mille
À lire également en
Que sais-je ?
collection fondée par paul angoulvent

Dominique Folscheid, Les Grandes Philosophies, no 47.


Louis-André Dorion, Socrate, no 899.
André Comte-Sponville, La Philosophie, no 3728.
Frédéric Worms (dir.), Les 100 mots de la philosophie, no 3904.
Laurence Devillairs, René Descartes, no 3967.
Pierre Pellegrin, Aristote, no 4232.

ISBN 978‑2-7154‑2028‑1
ISSN 0768‑0066
Dépôt légal – 1re édition : 2015
4e édition mise à jour : 2023, octobre
© Presses Universitaires de France / Humensis, 2023
170 bis, boulevard du Montparnasse, 75014 Paris
À ma nièce

Avant-propos

« Le style est l’homme même », déclare Buffon


dans son discours de réception à l’Académie française,
en 1753. Les philosophes ont du style. On l’oublie
ou on l’ignore, imaginant au contraire que pour être
rigoureuse, la pensée doit renoncer à la rhétorique.
Tout ce qui fait la solidité d’un discours, sa prétention
à la scientificité, devrait ainsi s’opposer à ce qui fait
sa beauté. L’objectivité serait synonyme de neutra-
lité. Avoir du style, ce ne serait pas bien penser, mais
faire joli. Et entre les deux, la philosophie n’aurait
pas même à choisir. Ni fiction ni récit, elle ne devrait
pas avoir recours aux artifices de ces deux registres
– personnages, intrigue, fausses pistes, oxymore, équi-
vocité, métaphores, multiplication des temporalités,
dialogues, descriptions. Et quand on trouve dialogues,
descriptions, exagérations ou contradictions dans un
texte philosophique, c’est que, précisément, ce statut
est peut-être usurpé. De là les hésitations à intégrer
Montaigne ou Pascal au corpus philosophique – même
si l’on s’accorde à leur conférer un rôle dans l’histoire
de la philosophie. Démontrer ne serait ni séduire
3
ni raconter – encore moins faire rire ou pleurer. En
proposant ces 100 citations de philosophes et en les
commentant, c’est l’exact inverse que nous souhai-
tons prouver : lire de la philosophie est une expérience
esthétique qui procure plaisir et émotion. Descartes,
Hegel, Platon, c’est beau. La pensée de ces auteurs
tire sa singularité, son sens même, de la forme choi-
sie. Dire le vrai n’est pas contradictoire avec le fait de
bien le dire.
Inventeurs de concepts, les philosophes sont aussi
des séducteurs, des manipulateurs, des menteurs, des
conteurs – en bref, des hommes de style. À tel point
qu’ils finissent parfois par s’adonner davantage aux jeux
avec les mots qu’à l’enchaînement des idées. Le langage
semble pour certains, sans doute pas les meilleurs,
mener une existence propre, un terme en appelant un
autre dans une sorte de labyrinthe intellectuel, clos
sur lui-même – comme peut l’être précisément un
« bon mot ». Avoir du style ne doit pas dispenser de
rendre raison de ce qui est, du réel, qu’il soit nécessaire,
invisible ou hostile. Si le philosophe invente, ce n’est
pas le réel, mais le moyen de le restituer. Son raison-
nement oscille ainsi entre narration et formalisme,
preuve et récit. La distinction que, dès sa naissance,
la philosophie opère entre elle et le sophisme réside
dans sa soumission au vrai – même pour affirmer que
le vrai n’existe pas –, dans son refus de cet art, déma-
gogique et trompeur, de persuader indifféremment
du vrai comme du faux. Mais si elle entend exhiber
l’intelligibilité de ce qui existe, elle ne le fait pas sans
chercher à toucher, par tous les procédés permis. Elle
le fait aussi en essayant de terrasser l’ennemi, car tous
4
les philosophes se répondent les uns les autres – parfois
même sans avoir lu leurs œuvres respectives.
La philosophie n’est pas une discipline scolaire,
dépourvue de nerfs. Elle n’est que depuis peu le fait
de professeurs et d’universitaires. Comment alors
expliquer qu’elle soit si difficile à lire, à comprendre
(à commenter aussi) ? Sa langue est celle de tous les
jours ; elle n’a pas comme les mathématiques ou la
médecine un langage qui lui serait propre. Et pourtant,
elle paraît souvent inaccessible, tout en se référant sans
cesse au « sens commun », à ce que tout un chacun
peut vérifier, expérimenter – probablement pour éviter
ce fonctionnement à vide du langage que nous avons
évoqué.
C’est que les choses sont non pas compliquées, mais
jamais immédiates : ce qui semble évident ne l’est qu’au
terme d’une longue réflexion. La philosophie refuse le
règne du « C’est comme cela ». Ce qui va de soi ne
va pas de soi pour le philosophe : il faut le long, le
douloureux et patient travail du concept pour rejoindre
ce qui paraît manifeste. Rien n’est immédiat, tout doit
être pensé. Et c’est également refuser ce travail que
d’affirmer que tout est relatif, que « cela dépend » ;
c’est là une manière d’escamoter les problèmes. Cette
rigueur n’empêche pas les philosophes d’enfermer en
une simple formule leurs plus grandes idées. Nous
en avons choisi 100, du xe siècle avant Jésus-Christ à
nos jours, en Grèce, en Italie, en France, à Stuttgart,
à Cordoue. Certaines sont très connues ; d’autres le
sont moins parce que leurs auteurs ne sont pas suffi-
samment lus et étudiés ; beaucoup sont surprenantes,
provocatrices. Toutes sont belles, toutes ont du style et
5
témoignent de la « philosophie comme opéra », pour
reprendre l’appréciation de Deleuze.
Le but de nos commentaires est de convaincre que
la philosophie cherche sans cesse à se dire simple-
ment. Il est injuste de comparer philosophie et vie en
refusant à la première le pouvoir d’embrasser la réalité
bigarrée, douloureuse ou joyeuse, en un mot concrète,
de la seconde. Il y a autant de philosophie dans la vie
qu’il y a de vie dans la philosophie ; il faut seulement
admettre que le concret n’est pas le plus profond et
qu’il se trouve plus d’évidences dans les abstractions
de la métaphysique que dans de prétendus faits irré-
futables. Il n’y a pas plus de choses sur la terre et dans
le ciel qu’il n’en est rêvé dans la philosophie, et deux
mots clairs et précis peuvent contenir tout un monde.
Ce qui est demandé ici au lecteur, c’est donc peu et
tout à la fois :
Je n’ose rien réclamer si ce n’est que vous apportiez
avec vous de la foi en la raison, de la confiance en
vous-mêmes. Le courage de la vérité [est] la première
condition de l’étude philosophique.
Hegel, Allocution pour l’ouverture de ses cours
à Berlin, 1818, Encyclopédie des sciences
philosophiques, La Science de la logique.
Liste des 100 citations

Héraclite d’Éphèse, « On ne peut pas


descendre deux fois dans le même fleuve ». . . . . . . 15
Socrate, « Connais-toi toi-même ». . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
–, « Nul n’est méchant volontairement » . . . . . . . . . . . . 17
Platon, « Commettre l’injustice est pire
que la subir » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
–, « Le corps (sôma) est le tombeau de l’âme
(sema) ». . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
Diogène de Sinope, « Ôte-toi de mon soleil ». . . . . 20
Aristippe de Cyrène, « Le plaisir est la fin
et le but de la vie ». . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
Aristote, « Le commencement de toutes
les sciences, c’est l’étonnement ». . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
–, « L’homme est par nature un animal
politique » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
Épicure, « Des mets simples donnent un plaisir
égal à celui d’un régime somptueux ». . . . . . . . . . . . . . 24
–, « La mort n’est rien pour nous ». . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
L’Ecclésiaste ou Qoheleth, « Vanité
des vanités, tout est vanité » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27
Cicéron, « O tempora ! O mores ! »
(Quelle époque ! Quelles mœurs !). . . . . . . . . . . . . . . . . 28
Lucrèce, « La passion trop souvent ferme
les yeux aux hommes ». . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29
Sénèque, « Fermons la porte aux passions » . . . . . . . 31
Paul, « Je ne fais pas le bien que je veux,
mais le mal que je ne veux pas, je le fais ». . . . . . . 32

7
Épictète, « Ne cherche pas à faire que
les événements arrivent comme tu veux,
mais veuille les événements comme ils arrivent,
et le cours de ta vie sera heureux ». . . . . . . . . . . . . . . . . 33
Matthieu, « Tu aimeras ton prochain
comme toi-même » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
Jean, « Au commencement était le Verbe
(logos) ». . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
Marc Aurèle, « L’art de la vie se rapproche
de l’art de la lutte » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
Sextus Empiricus, « À toute raison s’oppose
une raison de force égale » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38
Tertullien, « [L’]homme [est] formé
dans le sein et coagulé dans l’ordure ». . . . . . . . . . . . . 39
Plotin, « Ne cesse pas de sculpter ta propre
statue ». . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40
Augustin, « [Notre liberté est] une liberté
de manchot » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41
–, « Deux amours ont bâti deux cités : l’amour
de soi jusqu’au mépris de Dieu, la cité
terrestre ; l’amour de Dieu jusqu’au mépris
de soi, la cité céleste ». . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42
–, « J’ai aimé ma dégradation » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44
Boèce, « [L’homme] comme un passant aviné
ne reconnaît plus le chemin de la maison ». . . . . . 45
Avicenne/Ibn Sīnā, « Cette maladie
[de l’amour] est une inquiétude mélancolique ». . . 46
Anselme, « L’insensé dit en son cœur Dieu
n’existe pas ». . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46
Averroès/Ibn Ruchd, « Interdire l’étude
des ouvrages de philosophie […] ne revient
à rien de moins qu’à interdire à une personne
assoiffée de boire de l’eau fraîche ». . . . . . . . . . . . . . . . . 48

8
Maïmonide, « Ce traité a un but, c’est celui
d’expliquer des allégories très obscures
qu’on rencontre dans les livres des prophètes ». . . 49
Thomas d’Aquin, « Le vrai est l’adéquation
de la chose et de l’intellect ». . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50
–, « [La théologie] use des sciences
philosophiques comme de servantes » . . . . . . . . . . . . . 51
John Duns Scot, « Le concept [de Dieu]
à la fois le plus parfait et le plus simple
est le concept d’être infini ». . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53
Guillaume d’Occam, « Pluralitas non est
ponenda sine necessitate » (La pluralité
des notions ne devrait pas être posée
sans nécessité). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54
Érasme, « Plus on est fou, plus on est heureux » . . . 55
Nicolas Machiavel, « Il est beaucoup plus sûr
d’être craint qu’aimé ». . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56
Michel Eyquem de Montaigne,
« Que sais-je ? ». . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57
–, « Quand je danse, je danse ; quand je dors,
je dors ». . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58
René Descartes, « Ego sum, ego existo »,
« Moi je suis, moi j’existe » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59
–, « Puisqu’on peut […] changer
les mouvements du cerveau dans les animaux
[…], il est évident qu’on le peut encore mieux
dans les hommes » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60
–, « Je ne suis pas logé dans mon corps ainsi
qu’un pilote en son navire ». . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62
–, « Il me semble très à propos de m’arrêter
quelque temps à la contemplation de Dieu […],
d’admirer et d’adorer l’incomparable beauté
de cette immense lumière ». . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63

9
Thomas Hobbes, « L’homme est un loup
pour l’homme » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64
Antoine Arnauld, « C’est un sentiment
qui m’est commode, il est donc véritable ». . . . . . . 66
Blaise Pascal, « Rien ne peut nous consoler
lorsque nous y pensons de près » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 66
–, « L’homme […] est un roseau pensant » . . . . . . . . 67
–, « Le nez de Cléopâtre s’il eût été plus court,
toute la face de la terre aurait changé ». . . . . . . . . . . 68
François de La Rochefoucauld,
« L’amour-propre est l’amour de soi-même,
et de toutes choses pour soi » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69
Nicolas Malebranche, « Je dirai sans crainte
de blasphémer contre la puissance de Dieu
[…] qu’il ne veut point les monstres » . . . . . . . . . . . . 70
Baruch Spinoza, « L’homme [n’est pas]
un empire dans un empire » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72
–, « Deus sive natura » (Dieu c’est-à-dire
la nature) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73
–, « Est bon ce que je désire ». . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 74
François de Salignac de La Mothe-Fénelon,
« Sortez donc de vous-même, et vous serez
en paix ». . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75
John Locke, « Le travail [est] indiscutablement
la propriété de celui qui travaille » . . . . . . . . . . . . . . . . . 76
Gottfried Wilhelm Leibniz, « L’âme
humaine est une espèce d’automate spirituel ». . . 77
–, « Il faut qu’il y ait une raison suffisante
du choix de Dieu […]. C’est ce qui est cause
de l’existence du meilleur ». . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78
George Berkeley, « Être, c’est être perçu »
(« L’esse de ces choses-là, c’est leur percipi »). . . . . 80
Bernard de Mandeville, « Le vice
est bénéfique » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81

10
David Hume, « Il n’est pas contraire à la raison
de préférer la destruction du monde entier
à une égratignure de mon doigt » . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82
Giambattista Vico, « [Toutes les nations]
sont fidèles à trois coutumes humaines :
toutes ont une religion, toutes contractent
des mariages, toutes ensevelissent leurs morts ». . . 83
Charles-Louis de Secondat de La Brède
et de Montesquieu, « La liberté est le droit
de faire tout ce que les lois permettent » . . . . . . . . . 84
Jean-Jacques Rousseau, « L’homme est né
libre, et partout il est dans les fers ». . . . . . . . . . . . . . . 84
Denis Diderot, « Bonne ou mauvaise santé
fait notre philosophie ». . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 86
Adam Smith, « Ce n’est pas de la bienveillance
du boucher, du brasseur ou du boulanger
que nous attendons notre dîner ». . . . . . . . . . . . . . . . . . . 87
Emmanuel Kant, « Il n’est rien qui puisse […]
être tenu pour bon si ce n’est une bonne
volonté ». . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88
–, « Nous ne connaissons a priori des choses
que ce que nous y mettons nous-mêmes » . . . . . . . 89
–, « Est beau ce qui plaît universellement
sans concept » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 90
Georg Wilhelm Friedrich Hegel,
« Le sérieux, la douleur, la patience et le travail
du négatif » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91
–, « Ce qui est rationnel est effectif,
et ce qui est effectif est rationnel ». . . . . . . . . . . . . . . . . 93
–, « Rien de grand ne s’est produit
dans le monde sans passion ». . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 94
Arthur Schopenhauer, « L’homme
est un animal métaphysique » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95

11
–, « La vie oscille, comme un pendule, de droite
à gauche, de la souffrance à l’ennui ». . . . . . . . . . . . . . 96
Charles Alexis Henri Clérel de Tocqueville,
« L’Amérique est l’un des pays du monde
où l’on suit le mieux les préceptes
de Descartes ». . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97
Karl Marx, « [La religion] est l’opium
du peuple ». . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 98
–, « En quoi consiste l’aliénation du travail ? » . . . . 99
Søren Kierkegaard, « C’est un avantage infini
de pouvoir désespérer » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 100
Friedrich Nietzsche, « Tu dois devenir
ce que tu es ». . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101
–, « Dieu est mort » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102
Henri Bergson, « Le passé fait corps avec
le présent et crée sans cesse avec lui quelque
chose de nouveau ». . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103
–, « Le rire est du mécanique plaqué
sur du vivant ». . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 104
Max Weber, « [L’État a] le monopole
de la violence physique légitime ». . . . . . . . . . . . . . . . . . 105
Sigmund Freud, « Le moi n’est pas maître
dans sa propre maison » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 106
Ludwig Wittgenstein, « Ce dont on ne peut
parler, il faut le taire ». . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107
Martin Heidegger, « Avec la mort le Dasein
a rendez-vous avec lui-même
dans son pouvoir-être le plus propre » . . . . . . . . . . . . . 108
Edmund Husserl, « Tout état de conscience
[…] est conscience de quelque chose ». . . . . . . . . . . . 109
Jean-Paul Sartre, « L’homme [est] condamné
à être libre » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 110
–, « L’enfer, c’est les autres ». . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111

12
Maurice Merleau-Ponty, « Je suis
donc mon corps ». . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 112
Hannah Arendt, « Si nous n’étions liés
par des promesses, nous serions incapables
de conserver nos identités ». . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 113
Michel Foucault, « L’homme est
une invention récente » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 114
Robert Nozick, « L’impôt est l’équivalent
des travaux forcés ». . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 115
Gilles Deleuze, « Le désir n’a pas le plaisir
pour norme » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 116
Emmanuel Levinas, « La relation au visage
est d’emblée éthique ». . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 117
Paul Ricœur, « Répondre à la question “qui ?”,
c’est raconter l’histoire d’une vie ». . . . . . . . . . . . . . . . . . 118
Jacques Derrida, « Le pardon, s’il y en a,
ne doit et ne peut pardonner
que l’impardonnable » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 119
Stanley Cavell, « Le cinéma a été créé pour
la philosophie » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 120
Axel Honneth, « Le sujet, pour accéder
à la conscience de soi ou jouer un rôle
dans la société, a besoin d’une reconnaissance ». . . 121
Hans Blumenberg, « L’homme est un être
raisonnable parce que son existence
est déraisonnable » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 122
Peter Sloterdijk, « L’homme [est] la créature
qui vit dans l’enclos des disciplines » . . . . . . . . . . . . . . 123
« On ne peut pas descendre
deux fois dans le même fleuve »
Héraclite d’Éphèse 1
(v. 540-v. 480 av. J.-C.)

Tout est à la fois le même et différent : le fleuve


n’est pas le même parce que l’eau se renouvelle sans
cesse. La réalité est faite de ce devenir perpétuel sans
lequel tout se disloquerait et retournerait au néant.
Le temps est comme « un enfant qui joue à pousser
des pions », qui avance et recule tour à tour. L’homme
ne voit qu’un aspect des choses sans saisir l’harmonie
du tout, qui naît du mouvement, de la discorde et du
conflit. Il voit identité là où il y a processus et méta-
morphose. La guerre (polemos) est ainsi le principe de
toutes choses, ce qui fait être et qui maintient dans
l’être. C’est ce qui conduira Hegel à affirmer qu’il n’y
a pas une formule d’Héraclite qu’il ne reprenne à son
compte.

1. Fragments, Paris, Aubier-Montaigne, 1985, p. 116.

15
« Connais-toi toi-même »
Socrate 1
(v. 470‑399 av. J.-C.)

Gravée sur le fronton du temple de Delphes, cette


injonction n’incite pas à l’acceptation de ses limites,
mais à la reconnaissance de ce qu’il y a de divin en
soi. Il nous faut coïncider avec ce qu’il y a de meilleur
en nous, à savoir notre âme ou notre raison, qui seule
doit gouverner nos actes. C’est d’elle que l’homme
détient son caractère divin, auquel il lui appartient de
s’assimiler par la vertu d’une ascèse, comme le sou-
lignera Plotin, un élève tardif de Platon, lui-même
élève de Socrate : « Telle est la vie des dieux et des
hommes divins et bienheureux ; s’affranchir des choses
d’ici-bas, s’y déplaire, fuir seul vers le Seul » (Ennéades,
VI, 9, 11). Et ce n’est qu’à la condition de se gouverner
soi-même que l’on peut prétendre gouverner la cité.
La connaissance de soi fait ainsi de l’homme, grâce à
sa raison, à la fois un dieu mortel et un citoyen.

1. Alcibiade, 124b.

16
« Nul n’est méchant volontairement »
Socrate 1
(v. 470‑399 av. J.-C.)

La raison doit non seulement commander au corps,


mais à l’âme tout entière, en dominant les désirs non
rationnels, les appétits et les besoins, comme ceux de
la passion amoureuse. Mais tout désir, même le plus
« bestial », est désir du bien. On ne peut vouloir que le
bien, même si l’on se trompe sur sa définition. Le mal
n’a donc pas la méchanceté pour cause, mais l’igno-
rance : ce que le méchant désire est autre chose que
ce qu’il accomplit. S’il avait une connaissance vraie
du bien, quelle que soit la corruption de son âme, il
regretterait ses actions. Il revient au philosophe de
prendre en charge l’éducation des dirigeants et des
citoyens afin que la pratique suive la théorie, que les
actes soient conformes à la raison, c’est-à-dire au désir
du bien.
On ne trouve pas de véritable doctrine de la volonté
chez Socrate (et Platon) ; elle n’est que délibération,
confirmation d’un désir qui est toujours désir du
bien. L’acte volontaire n’est pas distinct de la raison.
C’est avec le stoïcisme et surtout, par la suite, avec
saint Augustin qu’apparaît une conception autonome
de la volonté, entendue comme libre arbitre, c’est-à- dire
comme choix indifférent au bien comme au mal.

1. Timée, 86d (Ménon, 78b ; Protagoras, 358c-d ; Gorgias, 466a-468e ;


Les Lois, 731c, 734b, 860d).

17
« Commettre l’injustice est pire
que la subir »
Platon 1
(v. 427-v. 348 av. J.-C.)

Philosopher demande de renverser les jugements


généralement admis : ainsi faut-il affirmer que com-
mettre l’injustice est pire que la subir. La question
essentielle est en effet de déterminer quelle vie vaut la
peine d’être vécue : une vie de plaisirs, soumise au seul
impératif du désir ? une vie où être libre signifie faire
ce que l’on veut, en dépit des lois et des conventions
de la cité ? Au moyen de la dialectique, c’est-à-dire
d’« arguments de fer et de diamant », s’enchaînant
nécessairement, Socrate montre qu’il y a plus de bon-
heur à subir l’injustice qu’à la commettre, car l’injustice
corrompt l’âme comme une maladie.
Unique interlocuteur à refuser de se laisser museler
par lui, Calliclès professe un mépris pour la bienséance,
cette forme de honte sociale qui fait garder pour soi ses
pensées profondes, et affirme au contraire que le bon-
heur réside dans la libre satisfaction de tous ses désirs.
Être heureux équivaudrait alors, rétorque Socrate, à
une sorte de démangeaison : « Réponds-moi : suppose
que quelque chose démange, qu’on ait envie de se
gratter, […] qu’on passe tout son temps à se gratter,
est-ce là le bonheur de la vie ? » Calliclès s’offusque
de l’indécence qu’il y a à faire du bonheur l’équivalent

1. Gorgias, 474b.

18
Nicole, Pierre, 43
Nietzsche, Friedrich, 86, 101- Sartre, Jean-Paul, 110-111
102, 122 Schopenhauer, Arthur, 86, 95-96
Nozick, Robert, 115 Sénèque, 31, 45
Sextus Empiricus, 38
Occam, Guillaume d’, 54 Sloterdijk, Peter, 123
Ovide, 32 Smith, Adam, 87
Socrate, 16-18, 20, 40, 120
Pascal, Blaise, 27, 43, 66-68, 102, Spinoza, Baruch, 72-74, 86
108
Paul, 32-33, 55 Tertullien, 39
Pindare, 102 Thomas d’Aquin, 51
Platon, 16-19, 31, 45, 52, 94, 105 Tocqueville, Charles Alexis Henri
Plaute, 64 Clérel de, 97
Plotin, 16, 40, 45
Porphyre, 45 Vico, Giambattista, 83
Protagoras, 51 Voltaire, 78
Pyrrhon d’Élis, 31, 38
Weber, Max, 105-106
Racine, Jean, 43 Wittgenstein, Ludwig, 107
Ricœur, Paul, 118
Rousseau, Jean-Jacques, 27, 84 Zénon, 31
REMERCIEMENTS

Je remercie Julie Gazier, première lectrice de cet


ouvrage, ainsi que Monique Labrune pour la confiance
qu’elle m’a accordée.

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