Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Fables de La Fontaine
Fables de La Fontaine
Ceci est une copie numérique d’un ouvrage conservé depuis des générations dans les rayonnages d’une bibliothèque avant d’être numérisé avec
précaution par Google dans le cadre d’un projet visant à permettre aux internautes de découvrir l’ensemble du patrimoine littéraire mondial en
ligne.
Ce livre étant relativement ancien, il n’est plus protégé par la loi sur les droits d’auteur et appartient à présent au domaine public. L’expression
“appartenir au domaine public” signifie que le livre en question n’a jamais été soumis aux droits d’auteur ou que ses droits légaux sont arrivés à
expiration. Les conditions requises pour qu’un livre tombe dans le domaine public peuvent varier d’un pays à l’autre. Les livres libres de droit sont
autant de liens avec le passé. Ils sont les témoins de la richesse de notre histoire, de notre patrimoine culturel et de la connaissance humaine et sont
trop souvent difficilement accessibles au public.
Les notes de bas de page et autres annotations en marge du texte présentes dans le volume original sont reprises dans ce fichier, comme un souvenir
du long chemin parcouru par l’ouvrage depuis la maison d’édition en passant par la bibliothèque pour finalement se retrouver entre vos mains.
Consignes d’utilisation
Google est fier de travailler en partenariat avec des bibliothèques à la numérisation des ouvrages appartenant au domaine public et de les rendre
ainsi accessibles à tous. Ces livres sont en effet la propriété de tous et de toutes et nous sommes tout simplement les gardiens de ce patrimoine.
Il s’agit toutefois d’un projet coûteux. Par conséquent et en vue de poursuivre la diffusion de ces ressources inépuisables, nous avons pris les
dispositions nécessaires afin de prévenir les éventuels abus auxquels pourraient se livrer des sites marchands tiers, notamment en instaurant des
contraintes techniques relatives aux requêtes automatisées.
Nous vous demandons également de:
+ Ne pas utiliser les fichiers à des fins commerciales Nous avons conçu le programme Google Recherche de Livres à l’usage des particuliers.
Nous vous demandons donc d’utiliser uniquement ces fichiers à des fins personnelles. Ils ne sauraient en effet être employés dans un
quelconque but commercial.
+ Ne pas procéder à des requêtes automatisées N’envoyez aucune requête automatisée quelle qu’elle soit au système Google. Si vous effectuez
des recherches concernant les logiciels de traduction, la reconnaissance optique de caractères ou tout autre domaine nécessitant de disposer
d’importantes quantités de texte, n’hésitez pas à nous contacter. Nous encourageons pour la réalisation de ce type de travaux l’utilisation des
ouvrages et documents appartenant au domaine public et serions heureux de vous être utile.
+ Ne pas supprimer l’attribution Le filigrane Google contenu dans chaque fichier est indispensable pour informer les internautes de notre projet
et leur permettre d’accéder à davantage de documents par l’intermédiaire du Programme Google Recherche de Livres. Ne le supprimez en
aucun cas.
+ Rester dans la légalité Quelle que soit l’utilisation que vous comptez faire des fichiers, n’oubliez pas qu’il est de votre responsabilité de
veiller à respecter la loi. Si un ouvrage appartient au domaine public américain, n’en déduisez pas pour autant qu’il en va de même dans
les autres pays. La durée légale des droits d’auteur d’un livre varie d’un pays à l’autre. Nous ne sommes donc pas en mesure de répertorier
les ouvrages dont l’utilisation est autorisée et ceux dont elle ne l’est pas. Ne croyez pas que le simple fait d’afficher un livre sur Google
Recherche de Livres signifie que celui-ci peut être utilisé de quelque façon que ce soit dans le monde entier. La condamnation à laquelle vous
vous exposeriez en cas de violation des droits d’auteur peut être sévère.
En favorisant la recherche et l’accès à un nombre croissant de livres disponibles dans de nombreuses langues, dont le frano̧ais, Google souhaite
contribuer à promouvoir la diversité culturelle grâce à Google Recherche de Livres. En effet, le Programme Google Recherche de Livres permet
aux internautes de découvrir le patrimoine littéraire mondial, tout en aidant les auteurs et les éditeurs à élargir leur public. Vous pouvez effectuer
des recherches en ligne dans le texte intégral de cet ouvrage à l’adresse http://books.google.com
FABLES
DE
LA FONTAINE
AVEC
PAR
M. CH. AUBERTIN
RECTEUR HONORAIRE, PROFESSEUR A LA FACULTÉ DES LES FRES DE DIJON
EB
PARIS
S
4
E
3
1
L
2
B
2
A
F
DK
LA FONTAINE
AVEC
PAR
M. CH. AUBERTIN
RECTEUR BONORAIRE, PROFESSEUR ▲ LA FACULTÉ DES LETTRES DE DIJON
EB
PARIS
ZelinFrère
VIE DE LA FONTAINE¹ .
I.
III.
V.
MONSEIGNEUR,
S'il y a quelque chose d'ingénieux dans la république des lettres,
on peut dire que c'est la manière dont Esope a débité sa morale. Il
seroit véritablement à souhaiter que d'autres mains que les mien-
nes y eussent ajouté les ornements de la poésie, puisque le plus
sage des anciens 2 a jugé qu'ils n'y étoient point inutiles. J'ose,
Monseigneur, vous en présenter quelques essais. C'est un 3entretien
convenable à vos premières années. Vous êtes en un âge où l'a-
musement et les jeux sont permis aux princes ; mais en mème
temps vous devez donner quelques-unes de vos pensées à des ré-
flexions sérieuses. Tout cela se rencontre aux fables que nous de-
vons à Esope. L'apparence en est puérile, je le confesse ; mais ces
puérilités servent d'enveloppe à des vérités importantes.
Je ne doute point, Monseigneur, que vous ne regardiez favorable-
ment des inventions si utiles et tout ensemble si agréables ; car
que peut-on souhaiter davantage que ces deux points ? Ce sont eux
qui ont introduit la science parmi les hommes. Esope a trouvé un
art singulier de les joindre l'un avec l'autre . La lecture de son
ouvrage répand insensiblement dans une âme les semences de la
vertu, et lui apprend à se connoitre sans qu'elle s'aperçoive de cette
étude, et tandis qu'elle croit faire toute autre chose. C'est une
adresse dont s'est servi très-heureusement celui sur lequel Sa
Majesté a jeté les yeux pour vous donner des instructions. Il fait en
sorte que vous apprenez sans peine, ou, pour mieux parler, avec
plaisir, tout ce qu'il est nécessaire qu'un prince sache. Nous espé-
rons beaucoup de cette conduite. Mais, à dire la vérité , il y a des
choses dont nous espérons infiniment davantage : ce sont, Monsei-
1. Louis, dauphin de France, fils de Louis XIV et de Marie-Thérèse
d'Autriche, naquit à Fontainebleau le 1er novembre 1661 , et mourut à
Meudon le 14 avril 1711.- Cette épître dédicatoire fut insérée, du vivant
même de la Fontaine, comme un modèle en son genre, dans le recueil
intitulé : Les plus belles Lettres des meilleurs auteurs françois, avec des
notes, par Pierre Richelet. Paris , 1689.
2. LE PLUS SAGE, Socrate.
3. EN UN AGE. Le dauphin avait six ans et cinq mois.
4. Aux, dans les. Tournure affectionnée par le xvIIe siècle.
5. DAVANTAGE QUE n'était pas encore proscrit par la grammaire. Cu le
rencontre fréquemment dans les bons auteurs.
6. SINGULIER, particulier, excellent.
7. CELUI. « Monseigneur le dauphin a eu deux précepteurs : le premier,
M. le président de Périgni, et le second, M. Bossuet, évêque de Meaux,
nommé à cette place en 1670, deux ans après la publication de cette dédi-
cace. C'est donc de M. de Périgni que parle la Fontaine. ► (Note de Ri-
chelet.)
XVI A MONSEIGNEUR LE DAUPHIN .
gneur, les qualités que notre invincible monarque vous a données
avec la naissance ; c'est l'exemple que tous les jours il vous donne.
Quand vous le voyez former de si grands desseins ; quand vous le
considérez qui regarde sans s'étonner l'agitation de l'Europe 1 et
les machines qu'elle remue pour le détourner de son entreprise ;
quand il pénètre dès sa première démarche jusque dans le cœur
d'une province 2 où l'on trouve à chaque pas des barrières insur-
montables, et qu'il en subjugue une autre 3 en huit jours, pendant
la saison la plus ennemie de la guerre, lorsque le repos et les
plaisirs règnent dans les cours des autres princes ; quand , non
content de dompter les hommes, il veut triompher aussi des élé-
ments ; et quand, au retour de cette expédition où il a vaincu
comme un Alexandre, vous le voyez gouverner ses peuples comme
un Auguste avouez le vrai, Monseigneur, vous soupirez pour la
gloire aussi bien que lui, malgré l'impuissance de vos années ; vous
attendez avec impatience le temps où vous pourrez vous déclarer
son rival dans '" amour de cette divine maîtresse . Vous ne l'attendez
pas, Monseigneur, vous le prévenez. Je n'en veux pour témoignage
que ces nobles inquiétudes, cette vivacité, cette ardeur, ces mar-
ques d'esprit, de courage, et de grandeur d'âme, que vous faites
paroître tous les moments. Certainement c'est une joie bien sen-
sible à notre monarque ; mais c'est un spectacle bien agréable pour
l'univers que de voir ainsi croître une jeune plante qui couvrira
un jour de son ombre tant de peuples et de nations.
Je devrois m'étendre sur ce sujet ; mais, comme le dessein que
j'ai de vous divertir est plus proportionné à mes forces que celui de
vous louer, je me hâte de venir aux Fables, et n'ajouterai aux
vérités que je vous ai dites que celle-ci : c'est, Monseigneur, que
je suis, avec un zèle respectueux,
Votre très-humble, très-obéissant
et très-fidèle serviteur ,
DE LA FONTAINE ,
1. L'AGITATION DE L'EUROPE. Il désigne la triple alliance que l'Angle-
terre, l'Espagne et la Hollande firent ensemble environ vingt ans pour
arrêter les conquêtes du roi. (Id.)
2. PROVINCE. Il parle de la Flandre, où le roi fit la guerre en 1667,
et prit Douai, Tournay, Oudenarde, Ath, Alost et Lille. (Id.)
3. UNE AUTRE. C'est la Franche-Comté, qu'il conquit en 1668.
PREFACE DE LA FONTAINE. XVII
PRÉFACE DE LA FONTAINE .
A
XXX VIE D'ÉSOPE.
tributaire. Il osa le provoquer et le défia de lui envoyer des archi-
tectes qui sussent batir une tour en l'air, et, par même moyen, un
nomme prêt à répondre à toutes sortes de questions . Lycérus ayant
lu les lettres et les ayant communiquées aux plus habiles de son
Etat, chacun d'eux demeura court ; ce qui fit que le roi regretta
Esope quand Hermippus lui dit qu'il n'étoit pas mort et le fit ve-
air. Le Phrygien fut très-bien reçu, se justifia et pardonna à Ennus.
Quant à la lettre du roi d'Egypte, il n'en fit que rire, et manda qu'il
enverroit au printemps les architectes, et le répondant à toutes sor-
tes de questions. Lycérus remit Esope en possession de tous ses
biens, et lui fit livrer Ennus pour en faire ce qu'il voudroit. Esope
le reçut comme son enfant, et, pour toute punition, lui recommanda
d'honorer les dieux et son prince ; se rendre terribie à ses ennemis,
facile et commode aux autres ; bien traiter sa femme, sans pourtant
lui confier son secret ; parler peu et chasser de chez soi les babil-
lards; ne se point laisser abattre au 1 malheur ; avoir soin du len-
demain, car il vaut mieux enrichir ses ennemis par sa mort, que
d'être importun à ses amis pendant son vivant; surtout n'être point
envieux du bonheur ni de la vertu d'autrui , d'autant que c'est se
faire du mal à soi-même. Ennus, touché de ces avertissements et de
la bonté d'Esope, comme d'un trait qui lui auroit pénétré le cœur,
mourut peu de temps après.
Pour revenir au défi de Necténabo, Esope choisit des aiglons et
les fit instruire (chose difficile à croire) ; il les fit, dis-je, instruire à
porter en l'air chacun un panier dans lequel étoit un jeune enfant.
Le printemps venu, il s'en alla en Egypte avec tout cet équipage,
non sans tenir en grande admiration et en attente de son dessein les
peuples chez qui il passoit. Necténabo , qui , sur le bruit de sa mort,
avait envoyé l'énigme, fut extrêmement surpris de son arrivée. Il ne
s'y attendoit pas, et ne se fût jamais engagé dans un tel défi contre
Lycérus, s'il eût cru Esope vivant. Il lui demanda s'il avoit amené
les architectes et le répondant. Esope dit que le répondant étoit lui-
même, et qu'il feroit voir les architectes quand il seroit sur le lieu.
On sortit en pleine campagne, où les aigles enlevèrent les paniers
avec les petits enfants, qui crioient qu'on leur donnât du mortier,
des pierres et du bois. Vous voyez, dit Esope à Necténabo , je vous
ai trouvé les ouvriers ; fournissez-leur des matériaux . Necténabo
avoua que Lycérus étoit le vainqueur. Il proposa toutefois ceci à
Esope J'ai des cavales en Egypte qui conçoivent au hennissement
des chevaux qui sont devers Babylone. Qu'avez-vous à répondre à-
dessus? Le Phrygien remit sa réponse au lendemain, et, retourné
qu'il fut au logis, il commanda à des enfants de prendre un chat et
de le mener fouettant par les rues. Les Egyptiens, qui adorent cet
animal, se trouvèrent extrêmement scandalisés du traitement qu'on
lui faisoit. Ils l'arrachèrent des mains des enfants et allèrent se
plaindre au roi. On fit venir en sa présence le Phrygien. Ne savez-
vous pas, lui dit le roi, que cet animal est un de nos dieux? Pour-
quoi donc le faites-vous traiter de la sorte? C'est pour l'offense qu'il
a commise envers Lycérus, reprit Esope ; car, la nuit dernière, il lui
a étranglé un coq extrêmement courageux et qui chantoit à toutes
les heures. Vous êtes un menteur, repartit le roi : comment seroit-il
possible que ce chat eût fait en si peu de temps un si long voyage ?
1. AU MALHEUR , dans le malheur.
VIE D'ÉSOPE. XXXI
Et comment est-il possible, reprit Esope, que vos juments entendent
de si loin nos chevaux hennir et conçoivent pour les entendre ?
Ensuite de cela, le roi fit venir d'Héliopolis certains personnages
d'esprit subtil et savants en questions énigmatiques. If leur fit un
grand régal, où le Phrygien fut invité. Pendant le repas, ils propo-
sèrent à Esope diverses choses, celle-ci entre autres 11 y a un
grand temple qui est appuyé sur une colonne entourée de douze
villes; chacune desquelles a trente arcs-boutants , et autour de ces
arcs-boutants se promènent, l'une après l'autre , deux femmes, l'une
blanche, l'autre noire. Il faut renvoyer, dit Esope, cette question
aux petits enfants de notre pays. Le temple est le monde ; la co-
lonne, l'an ; les villes, ce sont les mois ; et les arcs-boutants, les
jours, autour desquels se promènent alternativement le jour et la
nuit.
Le lendemain, Necténabo assembla tous ses amis. Souffrirez-vous ,
leur dit-il, qu'une moitié d'homme, qu'un avorton soit la cause que
Lycérus remporte le prix, et que j'aie la confusion pour mon par-
tage ? Un d'eux s'avisa de demander à Esope qu'il leur fit des ques-
tions de choses dont ils n'eussent jamais entendu parler. Esope
écrivit une cédule par laquelle Necténabo confessait devoir deux
mille talents à Lycérus. La cédule fut mise entre les mains de Nec-
ténabo toute cachetée. Avant qu'on l'ouvrit, les amis du prince sou-
tinrent que la chose coutenue dans cet écrit étoit de leur connois.
sance. Quand on l'eut ouverte, Necténabo s'écria : Voilà la plus
grande fausseté du monde ; je vous en prends à témoin tous tant
que vous êtes. Il est vrai, repartirent-ils, que nous n'en avons ja-
mais entendu parler. J'ai donc satisfait à votre demande, reprit
Esope. Necténabo le renvoya comblé de présents, tant pour lui que
pour son maître .
Le séjour qu'il fit en Egypte est peut-être cause que quelques-uns
ont écrit qu'il fut esclave avec Rhodopé¹ , celle-là qui, des libérali-
tés de ses amants, fit élever une des trois pyramides qui subsistent
encore et qu'on voit avec admiration : c'est la plus petite , mais celle
qui est bâtie avec le plus d'art.
Esope, à son retour dans Babylone, fut reçu de Lycérus avec de
grandes démonstrations de joie et de bienveillance ce roi lui fit
ériger une statue. L'envie de voir et d'apprendre le fit renoncer à
tous ces honneurs. Il quitta la cour de Lycérus, où il avoit tous les
avantages qu'on peut souhaiter, et. prit congé de ce prince pour voir
la Grèce encore une fois. Lycérus ne le laissa point partir sans em-
brassements et sans larmes, et sans le faire promettre sur les autels
qu'il reviendroit achever ses jours auprès de lui.
Entre les villes où il s'arrêta, Delphes fut une des principales. Les
Delphiens l'écoutèrent fort volontiers ; mais ils ne lui rendirent point
d'honneurs. Esope, piqué de ce mépris, les compara aux bâtons qui
flottent sur l'onde on s'imagine de loin que c'est quelque chose de
considérable ; de près, on trouve que ce n'est rien . La comparaison
1. RHODOPÉ. Hérodote dit à ce sujet : Rhodopé était originaire de
Thrace, esclave d'lamon, fils d'Héphestopolis, de l'ile de Samos, compagne
d'esclavage d'Esope le fabuliste ; car Esope fut aussi esclave d'lamon. On
en a des preuves ; et une des principales, c'est que les Delphiens ayant fait
demander plusieurs fois par un héraut si quelqu'un voulait venger la mort
d'Esope, il ne se présenta qu'un petit- fils d'lamon qui portait le même uom
que son aieul. (11 , 134.)
2.
XXXII VIE D'ÉSOPE.
lui coûta cher. Les Delphiens en conçurent une telle haine et un si
violent désir de vengeance (outre qu'ils craignoient d'être décriés
par lui), qu'ils résolurent de l'ôter du monde. Pour y parvenir, ils
cachèrent parmi ses hardes un de leurs vases sacrés, prétendant que,
par ce moyen, ils convaincroient Esope de vol et de sacrilége, et
qu'ils le condanneroient à la mort.
Comme il fut sorti de Delphes et qu'il eut pris le chemin de la
Phocide, les Delphiens accoururent comme gens qui étoient en peine.
Ils l'accusèrent d'avoir dérobé leur vase ; Esope le nia avec des ser-
ments on chercha dans son équipage et il fut trouvé. Tout ce
qu'Esope put dire n'empêcha point qu'on ne le traitât comme un cri-
minel infâme. Il fut ramené à Delphes chargé de fers, mis dans des
cachots, puis condamné à être précipité. Rien ne lui servit de se
défendre avec ses armes ordinaires et de raconter des apologues :
les Delphiens s'en moquèrent.
La grenouille, leur dit-il, avait invité le rat à la venir voir. Afin
de lui faire traverser l'onde, elle l'attacha à son pied. Dès qu'il fut
sur l'eau, elle voulut le tirer au fond, dans le dessein de le noyer et
d'en faire ensuite un repas. Le malheureux rat résista quelque peu
de temps. Pendant qu'il se débattoit sur l'eau, un oiseau de proie
l'aperçut, fondit sur lui, et, l'ayant enlevé avec la grenouille , qui ne
put se détacher, il se reput de l'un et de l'autre. C'est ainsi, Del-
phiens abominables, qu'un plus puissant que vous me vengera ; je
périrai, mais vous périrez aussi.
Comme on le conduisoit au supplice, il trouva moyen de s'échap-
per et entra dans une petite chapelle dédiée à Apollon. Les Delphiens
l'en arrachèrent. Vous violez cet asile, leur dit-il, parce que ce n'est
qu'une petite chapelle ; mais un jour viendra que votre méchanceté
ne trouvera point de retraite sûre, non pas même dans les temples.
Il vous arrivera la même chose qu'à l'aígle, laquelle, nonobstant les
prières de l'escarbot, enleva un lièvre qui s'étoit réfugié chez lui :
la génération de l'aigle en fut punie jusque dans le giron de Jupiter.
Les Delphiens, peu touchés de ces exemples, le précipitèrent 1.
Peu de temps après sa mort, une peste très-violente exerça sur
eux ses ravages. Ils demandèrent à l'oracle par quels moyens ils
pourroient apaiser le courroux des dieux. L'oracle leur répondit qu'il
n'y en avoit point d'autre que d'expier leur forfait et satisfaire aux
månes d'Esope. Aussitôt une pyramide fut élevée. Les dieux ne té-
moignèrent pas seuls combien ce crime leur déplaisoit les hommes
vengèrent aussi la mort de leur sage . La Grèce envoya des commis-
saires pour en informer, et en fit une punition rigoureuse 2.
1. PRÉCIPITÈRENT. Le savant Larcher place la date de cet événement en
l'an 560 avant notre ère.
2. RIGOUREUSE. Les Athéniens élevèrent à Esope une statue qui était
l'ouvrage du célèbre Lysippe.
FABLES
DE
J. DE LA FONTAINE
INDICATIONS BIBLIOGRAPHIQUES.
En signalant dans nos notes les emprunts faits à Esope par la Fon
taine, nous renvoyons tout à la fois aux éditions abrégées de l'auteur
grec, dites éditions classiques, et à l'édition complète (Leipzig, 1810).
Des deux chiffres qui désignent la même fable, le premier se rapporte
aux éditions classiques, le second à l'édition complète. Pour Plèdre
nos indications concordent avec l'édition publiée par nous dans la col
lection des auteurs latins de M. Eugène Belin.
LIVRE PREMIER ' .
1. -· La Cigale et la Fourmiª.
3
La cigale ayant chanté
Tout l'été ,
Se trouva fort dépourvue
Quand la bise fut venue :
Pas un seul petit morceau
De mouche ou de vermisseau
Elle alla crier famine
Chez la fourmi sa voisine,
La priant de lui prêter
Quelque grain pour subsister
Jusqu'à la saison nouvelle.
Je vous paierai , lui dit- elle ,
Avant l'oût , foi d'animal ,
Intérêt et principal .
La fourmi n'est pas prêteuse :
C'est là son moindre défaut 7 .
Que faisiez-vous au temps chaud?
Dit-elle à cette emprunteuse .
Nuit et jour à tout venant
1. Il fut achevé d'imprimer le 31 mars 1668. La Fontaine avait quarante-
sept ans. Andromaque est de 1667, Britannicus de 1669, les Plaideurs
de 1668. L'Art poétique est de 1669 à 1674. L'Oraison funèbre de la
reine d'Angleterre est de 1669. Le Misanthrope est de 1666, l'Avare de
1668.
2. Fable imitée de la fable vir d'Esope (édit. class. un 134 de l'édition
complète). L'activité travailleuse et le caractère économe de la fourmi
étaient passés en proverbe dans l'antiquité. (V. HORACE, Sat., l. 1, 1 , 33.)
3. CIGALE, du latin cicada. La cigale était dédiée à Apollon, com.me au
dieu de la voix et du chant.
4. BISE, vent du nord, ser et froid (chez les anciens, Aquilo, Boreas).
Il désigne ici l'hiver, saison où il souffle fréquemment :
Comme tombe une fleur que la bise a séchée. (MALHERBE .)
5. L'OUT, c'est-à-dire avant le mois d'août, époque de la moisson. Ce
mot vient de Augustus, parce que ce mois, chez les Romains, portait le
nom de l'empereur Auguste. Au siècle dernier, on disait encore et on
écrivait le mois d'Auguste, le 1 ", le 2º, etc. , d'Auguste, au lieu d'août.
Voltaire, dans sa Correspondance, écrit toujours Auguste. Dans l'an-
cien français , l'oût était synonyme de moisson : Ce ferier fait son oût.
On est dans la force de l'out.
6. INTÉRÊT. C'est la rente que rapporte annuellement l'argent prêté. Le
principal (en latin caput), c'est la somme prêtée, autrement dit le capital.
7. DÉFAUT. C'est-à-dire : C'est le défaut qu'elle a le moins, c'est l'hab-
tude dont elle est le plus éloignée .
LIVRE 1. FABLE II.
Je chantais , ne vous déplaise. -
Vous chantiez ! j'en suis fort aise.
Eh bien ! dansez maintenant ¹ .
T. - Le Loup et le Chien .
Un loup n'avoit que les os et la peau,
Tant les chiens faisoient bonne garde :
5 6
Ce loup rencontre un dogue aussi puissant que beau,
8
Gras, poli , qui s'étoit fourvoyé par mégarde.
L'attaquer, le mettre en quartiers,
9
Sire loup l'eût fait volontiers :
Mais il falloit livrer bataille ;
1. GLORIEUX. Ce mot s'emploie très-bier comme synonyme de. fer,
vaniteux :
Je ne sais pas pourquoi l'on vante l'Alexandre,
Ce n'est qu'un glorieux qui ne dit rien de tendre.
(BOILEAU, Sat. 1 , 185.)
2. SONNETTE. Harmonie imitative, imitée heureusement de Phèdre :
Clarumque collo jactat tintinnabulum.
3. Fisc, trésor du roi ou de l'Etat. ( Fiscus, panier où l'on mettait l'ar-
gent. ) - Chez les Romains, fiscus désignait le trésor particulier du prince,
ce que nous appelons liste civile, domaine privé ; ærarium était le trésor
de l'Etat, le budget. Mais dans l'ancienne France, cette distinction n'avait
pas lieu, le trésor de l'Etat et celui du roi ne faisant qu'un.
4. V. Phèdre, l. III, F. 6. Canis et Lupus.
5. DOGUE, espèce de chien originaire d'Angleterre. ( En anglais, dog
signifie chien.)
6. PUISSANT, dans le sens de gros et vigoureux, est du style très-fami-
lier, ou, comme on disait il y a un siècle, du style bourgeois.
7. POLI, luisant de graisse (en latin, nitens, nitidus). Sa peau est lisse
et unie, on polie, parce que l'embonpoint en a fait disparaitre les aspérités.
8. FOURVOYÉ, trompé de chemin ( de foris, dehors ; via, voie, chemin) .
9. SIRE, titre honorifique que les rois portent seuls aujourd'hui, et qui
LIVRE I. FABLE V.
Et le mâtin étoit de taille
A se défendre hardiment.
Le loup donc l'aborde humblement,
Entre en propos et lui fait compliment
Sur son mbonpoint , qu'il admire.
Il ne tiendra qu'à vous , beau sire ,
D'être aussi gras que moi, lui repartit le chien.
Quittez les bois, vous ferez bien :
Vos pareils y sont misérables ,
Cancres , hères , et pauvres diables " ,
Dont la condition est de mourir de faim.
Car, quoi ! rien d'assuré ! point de franche lippée " !
Tout à la pointe de l'épée !
Suivez-moi , vous aurez un bien meilleur destin.
Le loup reprit : Que me faudra-t-il faire ?
Presque rien , dit le chien : donner la chasse aux gens
Portants 7 bâtons , et mendiants ;
Flatter ceux du logis , à son maître complaire :
Moyennant quoi votre salaire
8
Sera force reliefs de toutes les façons,
Os de poulets , os de pigeons ;
Sans parler de mainte caresse.
jadis était donné à quelques seigneurs. Il y a cent ans, lesjuges et consuls
des marchands de Paris le portaient encore. On dérive ce mot du latin
Herus ou du grec Kúpos, ou bien d'une contraction de seniore, seigneur.
Du Cange le tire de ser, qui dans la basse latinité signifiait seigneur.
1. MATIN, chien de berger ou de basse-cour (de mastinus, qui, dans
la basse latinité, avait le même sens) .
2. EMBONPOINT, mot qui s'est formé de la locution : Etre en bon point,
c'est-à-dire en bon état de santé.
3. CANCRES. Ce mot, au propre, signifie une espèce d'écrevisse. Au
figuré, il se dit d'un pauvre, d'un avare, d'un homme misérable.
4. HERES. Ce mot paraît venir du latin herus (maitre) ou de l'allemand
herr (seigneur). Il s'emploie surtout avec pauvre : C'est un pauvre hère,
c'est-à-dire un pauvre seigneur, un pauvre maitre, un pauvre homme.
5. PAUVRES DIABLES. Locution populaire analogue à celles-ci : C'est un
bon diable, un méchant diable, etc.
Quand Sa Majesté me ferait
Quelque bienfait considérable,
Grand roi pas moins il ne serait,
Et j'en serais moins pauvre diable. (SCARRON.)
6. LIPPÉE. Du mot saxon et anglais lip, lèvre. Lippée, ce qu'on peut
saisir avec les lèvres. Franche lippée, un -repas qui ne coûte rien. Un
chercheur de franches lippées, un parasite. - On dit encore : Faire la
lippe, faire la moue, c'est-à dire avancer la lèvre d'en bas.
7. PORTANTS. L's est de trop. - L'auteur a voulu indiquer par là l'état,
l'habitude constante de porter båton. Ces gens sont toujours portants ;
ce mot devient presque adjectif au lieu de participe.
8. RELIEFS, restes de table (reliquiæ).
9. MAINTE. Maint est un terme vieilli qui signifie plusieurs, nombreux.
Il paraît venir du celtique maint et ment, qui désignait la grandeur et la
quantité.
LIVRE I. - FABLE VI.
Le loup déjà se forge une félicité
Qui le fait pleurer de tendresse.
Chemin faisant, il vit le col du chien pelé.
Qu'est-ce là? lui dit-il.- Rien. - · Quoi ! rien ! - Peu de
Mais encore ? - Le collier dont je suis attaché [chose.-
De ce que vous voyez est peut-être la cause.
Attaché ! dit le loup : vous ne courez donc pas
Où vous voulez ? - Pas toujours ; mais qu'importe ? -
Il importe si bien , que de tous vos repas
Je ne veux en aucune sorte,
Et ne voudrois pas même à ce prix un trésor.
Cela dit, maître loup s'enfuit, et court encor¹ .
VI . - La Besaces.
Jupiter dit un jour : Que tout ce qui respire
S'en vienne comparaître aux pieds de ma grandeur :
S
Si dans son composé quelqu'un trouve à redire,
Il peut le déclarer sans peur ;
Je mettrai remède à la chose.
Venez, singe ; parlez le premier, et pour cause :
Voyez ces animaux , faites comparaison
De leurs beautés avec les vôtres .
Êtes-vous satisfait ? Moi, dit-il, pourquoi non ?
N'ai-je pas quatre pieds aussi bien que les autres ?
Mon portrait jusqu'ici ne m'a rien reproché :
Mais pour mon frère l'ours , on ne l'a qu'ébauché * ;
Jamais , s'il veut me croire, il ne se fera peindre.
L'ours venant là-dessus 5 on crut qu'il s'alloit 6 plaindre.
Tant s'en faut : de sa forme il se loua très-fort ;
Glosa 7 sur l'éléphant, dit qu'on pourroit encor
Ajouter à sa queue, ôter à ses oreilles ;
Que c'étoit une masse informe et sans beauté.
L'éléphant étant écouté,
Tout sage qu'il étoit, dit des choses pareilles :
8
Il jugea qu'à son appétit
1. PRÉTENDS. Ce verbe régit la préposition à dans le sens d'aspirer. C'est
par licence poétique que la Fontaine supprime ici la préposition, et aussi
pour mieux imiter le langage familier, qui n'est pas toujours grammatical.
2. Phèdre, 1. iv, F. 9. Ďe vitiis hominum.—Aviênus, 14. Simia et Jupiter.
3. COMPOSÉ. Ce mot est ici substantif, comme dans ces phrases : L'homme
est un composé de corps et d'âme. La langue française est un composé de
celtique, de franc, de grec et de latin.
4. EBAUCHÉ. Ebaucher signifie commencer un ouvrage, lui donner is
première façon, sa forme la plus grossière, la moins parfaite.
5. LA-DESSUS. Terme un peu suranné aujourd'hui : sur cela, après cela
(his dictis).
6. S'ALLAIT. Au xvII siècle, dans ces sortes de phrases, le pronom se
rapportant au second verbe était placé ordinairement avant le premier.
Aujourd'hui, il se place avant le second.
7. GLOSA. Gloser signifie critiquer, parler avec malignité en amplifiant.
Il vient de glose, dont le premier sens est commentaire, interprétation
d'un texte. Or, un commentaire est toujours verbeux et quelquefois inexact.
De là le second sens de ce mot : babil mensonger et méchant :
Quoi ! pour un maigre auteur, que je glose en passant ! (BOILEAU.]
8. APPÉTIT, à son goût.
10 LIVRE 1. - FABLE VIII.
Dame¹ baleine étoit trop grosse.
Dame fourmi trouva le ciron trop petit,
Se croyant, pour elle , un colosse .
Jupin les renvoya s'étant censurés tous,
Du reste, contents d'eux. Mais parmi les plus fous
Notre espèce excella ; car tout 5 ce que nous sommes
Lynx envers nos pareils , et taupes envers nous,
Nous nous pardonnons tout, et rien aux autres hommes,
On se voit d'un autre œil qu'on ne voit son prochain.
Le fabricateur souverain
Nous créa besaciers tous de même manière,
Tant ceux du temps passé que du temps d'aujourd'hui :
Il fit pour nos défauts la poche de derrière ,
Et celle de devant pour les défauts d'autrui.
I. Le Loup et l'Agneau¹.
V. Le Renard et le Bouot;
IX . Le Loup et la Cigogne³ .
Les loups mangent gloutonnement.
Un loup donc étant de frairie *
Se pressa, dit-on, tellement
Qu'il en pensa perdre la vie :
Un os lui demeura bien avant au gosier.
De bonheur pour ce loup, qui ne pouvoit crier,
Près de là passe une cigogne.
Il lui fit signe ; elle accourt .
Voilà l'opératrice aussitôt en besogne .
Elle retira l'os ; puis , pour un si bon tour " ,
Elle demanda son salaire.
Votre salaire ! dit le loup :
Vous riez, ma bonne commère !
Quoi ! ce n'est pas encor beaucoup
D'avoir de mon gosier retiré votre cou.
Allez , vous êtes une ingrate :
Ne tombez jamais sous ma patte.
1. HOUER, travailler avec la houe.
2. CONTE. On écrivait ainsi ce mot, du temps de la Fontaine , avec le
sens de compte.
3. Esope, 10 et 94. Phèdre, l. 1, F. 8. Lupus et Grus.
4. FRAIRIE, vieux mot qui signifie partie de bonne chère et de plaisir.
5. DE BONHEUR. De s'emploie quelquefois avec le sens de par :
Et tâchons d'ébranler, de force ou d'industrie,
Ce malheure dessein qui nous a tous troublés. (MoL. , Tart., IV, 6.)
• Après quelquesuxparoles dont je tâcherai d'adoucir sa douleur. » (ID.,
Scapin, 1, 2.)
6. TOUR, tour d'adresse , dextérité.
LIVRE III. - FABLE XI . 71
5.
122
72 LIVRE III. — FABLE XII.
XII. - Le Cygne et le Cuisinier¹ .
Dans une ménagerie '
De volatiles remplie
Vivoient le cygne et l'oison :
Celui-là destiné pour les regards du maître ;
Celui-ci , pour son goût : l'un qui se piquoit d'être
Commensal du jardin ; l'autre , de la maison.
Des fossés du château faisant leurs galeries * ,
Tantôt on les eût vus côte à côte nager,
Tantôt courir sur l'onde, et tantôt se plonger,
Sans pouvoir satisfaire à leurs vaines envies.
Un jour le cuisinier, ayant trop bu d'un coup ,
Prit pour oison le cygne ; et le tenant au cou,
Il alloit l'égorger, puis le mettre en potage.
L'oiseau prêt à mourir, se plaint en son ramage.
Le cuisinier fut fort surpris ,
Et vit bien qu'il s'étoit mépris .
Quoi ! je mettrois , dit-il, un tel chanteur en soupe !
Non, non, ne plaise aux dieux que jamais ma main coupe
La gorge à qui s'en sert si bien !
Ainsi dans les dangers qui nous suivent en croupe '
Le doux parler ne nuit de rien ³.
1. Esope, F. 288.
2. MÉNAGERIE s'est dit primitivement de tout lieu destiné à nourrir le
bétail, puis il a signifié réunion de bêtes étrangères et extraordinaires.
3. COMMENSAL, qui mange à la même table (cum, mensa), et ici, qui
habite et vit dans le jardin.
4. GALERIES, lieux de promenade disposés dans les maisons.
5. SATISFAIRE A... Ce verbe s'emploie aussi sans préposition ; mais pri-
mitivement il la prenait toujours, parce qu'il représentait le datif latin
(satis facere alicui). • Grande reine, je satisfais à vos plus justes dé-
sirs... (BOSSUET, Or. fun. d'Henriette de France.)
6. PRET A. Il faudrait près de. Mais cette distinction n'existait pas alors.
La locution près de, sur le point de, est plus récente :
Je vous voisprêt , monsieur, à tomber en faiblesse. (MoL., Sgan., II.)
Si c'est vous offenser,
Mon offense envers vous n'est pas prête à cesser. (Fem. sav. , v, 1.)
7. CROUPE. Expression imitée d'Horace :
Post equitem sedet atra cura. (L. III, Od. 1.)
Le chagrin monte en croupe et galope avec lui. ( BOILEAU, Ep. v.)
8. DE RIEN, locution proverbiale prise ici comme synonyme de en rien,
et dont le sens étymologique est sûr aucune chose, de nulla re. C'est ce
qui explique que de rien et en rien puissent être employés comme syno-
nymes. - Se dépouiller de l'un et de l'autre entre les mains d'un homme
qui ne nous touche de rien. (Molière, Am. méd,, 1, 5.)
LIVRE III. - FABLE XIII. 73
XIII. - Les Loups et les Brebis¹.
L Le Lion amoureux ¹.
▲ MADEMOISELLE DE SÉVIGNÉ®.
Sévigné, de qui les attraits
Servent aux Grâces de modèle,
Et qui naquîtes toute belle,
A votre indifférence près,
Pourriez-vous être favorable
Auxjeux innocents d'une fable,
Et voir, sans vous épouvanter,
Un lion qu'Amour sut dompter?
Amour est un étrange maitře !
Heureux qui peut ne le connoître
Que par récit, lui ni ses coups !
Quand on en parle devant vous,
Si la vérité vous offense,
La fable au moins se peut souffrir :
Celle- ci prend bien l'assurance
De venir à vos pieds s'offrir,
Par zèle et par reconnoissance.
Du temps que les bêtes parloient,
Les lions entre autres vouloient
Etre admis dans notre alliance .
Pourquoi non , puisque leur engeance
Valoit la nôtre en ce temps-là,
Ayant courage , intelligence,
Et belle hure & outre cela?
Voici comment il en alla * :
Un lion de haut parentage * ,
En passant par un certain pré,
Rencontra bergère à son gré :
Il la demande en mariage .
1. Esope, F. 110 et 225.
2. Fille de l'illustre madame de Sévigné. Elle avait alors vingt ans, at
était célèbre par sa beauté. Elle épousa en 1669 M. de Grignan, gouver-
neur de Provence.
3. HURE se dit principalement du sanglier, du saumon et du bro-
chet.. (TRÉVOUX. )
4. IL EN ALLA, comment la chose se passa, ce qui arriva de cela.
5. PARENTAGE (terme vieilli), famille, parenté, ancêtres.
LIVRE IV. FABLE 1. 81
Le père auroit fort souhaité
Quelque gendre un peu moins terrible.
La donner lui sembloit bien dur,
La refuser n'étoit pas sûr.
Même un refus eût fait, possible ¹,
Qu'on eût vu quelque beau matin
Un mariage clandestin :
Car, outre qu'en toute manière
La belle étoit pour les gens fiers ,
Fille se coiffe 2 volontiers
D'amoureux à longue crinière.
Le père donc ouvertement
N'osant renvoyer notre amant,
Lui dit Ma fille est délicate ;
Vos griffes la pourront blesser
Quand vous voudrez la caresser.
Permettez donc qu'à chaque patte
On vous les rogne ; et, pour les dents,
Qu'on vous les lime en même temps :
Vos baisers en seront moins rudes,
Et pour vous plus délicieux ;
Car ma fille y répondra mieux,
Etant sans ces inquiétudes.
Le lion consent à cela,
Tant son âme étoit aveuglée !
Sans dents ni griffes le voilà
Comme place démantelée.
On lâcha sur lui quelques chiens :
Il fit fort peu de résistance.
Amour ! amour ! quand tu nous tiens,
On peut bien dire : Adieu prudence !
1. POSSIBLE, peut-être. Voy. p. 66, note 4.
2. SE COIFFE, s'entête de, s'éprend pour...
Faut-il de ses attraits m'être si fort coiffé! (MOL, E F., ui, 5.
On dit aussi se coiffer le cerveau, pour s'enivrer :
Quel est le cabaret honnête
Où tu t'es coiffé le cerveau? (ID .)
3. VOLONTIERS. Ce mot rime avec fiers, parce que dane certaines pro-
vinces la consonnance finale de ce mot était la même que dans fiers.
82 LIVRE IV. FABLE II.
II. Le Berger et la Mer¹.
Du rapport d'un troupeau, dont il vivoit sans soins,
Se contenta longtemps un voisin d'Amphitrite¹ :
Si sa fortune étoit petite ,
Elle étoit sûre tout au moins .
A la fin , les trésors déchargés sur la plage
Le tentèrent si bien qu'il vendit son troupeau,
Trafiqua de l'argent , le mit entier sur l'eau.
Cet argent périt par naufrage .
Son maître fut réduit à garder les brebis ,
Non plus berger en chef comme il étoit jadis ,
Quand ses propres moutons paisșoient sur le rivage :
Celui qui s'étoit vu Corydon ou Tircis ³
Fut Pierrot , et rien davantage.
Au bout de quelque temps il fit quelques profits ,
Racheta des bêtes à laine ;
Et comme un jour les vents , retenant leur haleine,
Laissoient paisiblement aborder les vaisseaux :
Vous voulez de l'argent, ô mesdames les Eaux !
Dit-il ; adressez-vous , je vous prie, à quelque autre :
Ma foi ! vous n'aurez pas ie nôtre.
Ceci n'est pas un conte à plaisir inventé.
Je me sers de la vérité
Pour montrer, par expérience,
Qu'un sou , quand il est assuré.
Vaut mieux que cinq en espérance ;
Qu'il se faut contenter ae sa condition,
Qu'aux conseils de la mer et de l'ambition
Nous devons fermer les oreilles.
Pour un qui s'en louera , dix mille s'en plaindront.
La mer promet monts et merveilles " :
Fiez-vous-y ; les vents et les voleurs viendront.
1. Esopc, F. 30 et 164.
2. AMPHITRITE, décsse de la mer, épouse de Neptune, mise ici pour la
mer, suivant un usage assez fréquent chez les poètes anciens.
3. TIRCIS, noms de bergers dans les églogues.
4. PIERROT. Ces mots rappellent les vers de Boileau :
Et changer, sans respect de l'oreille et du son,
Lycidas en Pierrot, et Phyllis en Toinon. (Art poét., ch. 11.)
5. AMBITION. Expression très-noble et rapprochement très-heureux
qui réveille dans l'esprit du lecteur l'idée du naufrage pour le marin et
pour l'ambitieux. » (CHAMFORT .)
6. MONTS ET MERVEILLES. Expression adverbiale. Les Latins disaient
montes auri ou maria et montes polliceri. ( TÉRENCE. SALLUSTE.)
LIVRE IV. FABLE III. 83
1. GALANDE, la rusée.
2. RONDE. Faire la ronde, c'est observer, épier de côté et d'autre . Mé-
taphore tirée du langage militaire, car la ronde est une tournée de nuit
faite dans le camp pour voir si tout est en bon ordre.
3. Voy. Gilbert Cousin, Narrations, p. 98.
4. PARMI, au milieu de, inter veteres :
Il court parmi le monde un livre abominable. (Misanth. , v. 1.)
5. L'ANTIQUITÉ. On ne trouve cette fable dans aucun auteur ancien ;
mais la Fontaine aura lu cette assertion dans quelque recueil qui conte-
nait cette fable, et il l'aura crue exacte. ( WALCKENAER .)
6. CENT BOUCHES. La Renommée. Expression tirée des poètes anciens.
96 LIVRE IV. FABLE XII.
En publiant l'édit du nouvel empereur,
Les animaux, et toute espèce lige
De son seul appétit, crurent que cette fois
Il falloit subir d'autres lois.
On s'assemble au désert : tous quittent leur tanière.
Après divers avis , on résout, on conclut
D'envoyer hommage 2 et tribut.
Pour l'hommage et pour la manière
Le singe en fut chargé : l'on lui mit par écrit
Ce que l'on vouloit qui * fût dit.
Le seul tribut les tint en peine :
Car, que donner ? il falloit de l'argent.
On en prit d'un prince obligeant,
Qui , possédant dans son domaine
Des mines d'or, fournit ce qu'on voulut.
Comme il fut question de porter ce tribut,
Le mulet et l'âne s'offrirent ,
Assistés du cheval ainsi que du chameau.
Tous quatre en chemin ils se mirent
Avec le singe, ambassadeur nouveau.
La caravane enfin rencontre en un passage '
Monseigneur le lion : cela ne leur plut point.
Nous nous rencontrons tout à point,
Dit-il ; et nous voici compagnons de voyage.
J'allois offrir mon fait 6 à part :
Mais , bien qu'il soit léger, tout fardeau m'embarrasse.
Obligez-moi de me faire la grâce
Que d'en porter chacun un quart :
1. LIGE... APPÉTIT, qui n'obéit qu'à l'appétit grossier, par opposition à
l'animal raisonnable.-Lige se disait du vassal tenant de son seigneur une
sorte de fief qui le liait d'une obligation étroite envers ledit seigneur. Il en
était l'homme lige, et lui devait aide et secours envers et contre tous. Dans
la cérémonie où le vassal rendait hommage, on lui liait la main dans celle
de son seigneur, pour marquer plus fortement la subordination.
2. HOMMAGE. C'est le serment de fidélité que le vassal prête au seigneur
dominant.
3. LA MANIÈRE , la forme de l'hommage, la formule du serment. -
Après avoir prêté ce serment, on en remettait copie au seigneur.
4. CE QUE L'ON VOULAIT QUI... Ce que et ce qui redoublés forment un
gallicisme très-usité au xvII° siècle :
C'est vous, si quelque erreur n'abuse ici mes yeux,
- VoiciQu'on m'a dit qui vivez inconnu dans ces lieux. (MOL., l'Et., v. 14.)
cette épître de Corneille qu'on prétend qui lui attira tant d'en-
nemis.. (VOLTAIRE.)
5. PASSAGE, lieu étroit et d'accès difficile ( locorum angustiæ,.
6. FAIT signifie, dans certaines phrases, ce qui concerne quelqu'un, sa
portion. On dit : Ces deux frères ont partagé la succession, ils ont eu
chacun leur fait. L'ainé a déjà mangé son fait. (TRÉVOUX.) - Bien-
heureux qui a tout son fait bien placé. » (MOLIÈRÈ, l'Avare, 1, 4.)
LIVRE IV. FABLE XII. 97
1
Ce ne vous sera pas une charge trop grande,
Et j'en serai plus libre et bien plus en état ,
En cas que les voleurs attaquent notre bande,
Et que l'on en vienne au combat.
Éconduire un lion rarement se pratique.
Le voilà donc admis, soulagé, bien reçu,
Et, malgré le héros de Jupiter issu ,
Faisant chère et vivant sur la bourse publique.
Ils arrivèrent dans un pré
Tout bordé de ruisseaux , de fleurs tout diapré * ,
Où maint mouton cherchoit sa vie ;
Séjour du frais , véritable patrie
Des zéphyrs. Le lion n'y fut pas, qu'à ces gens
Il se plaignit d'être malade.
Continuez votre ambassade ,
Dit-il ; je sens un feu qui me brûle au dedans ,
Et veux chercher íci quelque herbe salutaire .
Pour vous, ne perdez point de temps :
Rendez-moi mon argent ; j'en puis avoir affaire ' .
On déballe ; et d'abord le lion s'écria ,
D'un ton qui témoignoit sa joie :
Que de filles , ô dieux ! mes pièces de monnoie
Ont produites ! Voyez la plupart sont déjà
Aussi grandes que leurs mères .
Le croît m'en appartient. Il prit tout là-dessus ;
Ou bien , s'il ne prit tout, il n'en demeura guères.
Le singe et les sommiers confus ,
Sans oser répliquer, en chemin se remirent.
Au fils de Jupiter on dit qu'ils se plaignirent,
Et n'en eurent point de raison .
Qu'eût-il fait ? C'eût été lion contre lion ;
Et le proverbe dit : Corsaires à corsaires ,
L'un l'autre s'attaquant , ne font point leurs affaires " .
1. DIE était une forme aussi fréquente que dise chez les vieux prosa.
teurs. Malherbe, dans ses lettres, n'en emploie pas d'autres. • Voulez-
vous que je vous die. " (MoL., Impr. de Vers. 1663.)
Veux-tu que je te die? une atteinte secrète... (Id., Dép. am., 1, 1.)
2. ENSEIGNE. « Ce mot a signifié autrefois un cri de guerre qui servait
à rassembler les troupes dans la mêlée et à leur enseigner le drapeau
sous lequel elles devaient se ranger. (TRÉVOUX.)
3. MOT DU GUET, mot d'ordre, ou mot choisi par le chef d'une garnison,
d'une troupe ou d'une armée, pour être communiqué aux sentinelles et
servir ainsi de signe de reconnaissance entre les divers détachements d'un
même corps.
4. FOIN Cette exclamation n'a que la forme de commun avec le
substantif foin (fænum). On rencontre fréquemment dans Plaute et dans
Térence l'exclamation phu (en grec, peu), exprimant tantôt le dégoût,
tantôt l'admiration. Ce phu est devenu en français foin, par le change-
ment de l'u en oi, comme pungere, ungere, ont fait poindre, oindre. Il
s'emploie sans complément ou avec complément. (M. GÉNIN.)
Foin!que n'ai-je avec moi pris mon porte-respect. ( MOL., Et., III, 9.)
5. DE FORTUNE, par hasard ( en latin, forte, fortuna). On disait aussi
arfortune .
Je l'avais sous mes pieds rencontrépar fortune. (MOL. , Sgan.. 22.)
6. PAPELARDE, hypocrite. Vieux mot.
7. Soi, pour lui. Voy. p. 83, note 5.
LIVRE IV. FABLE XVI. 101
XVI. -- Le Loup, la Mère et l'Enfant ¹ .
Ce loup ine remet en mémoire
Un de ses compagnons qui fut encor mieux pris :
Il y périt. Voici l'histoire :
Un villageois avoit à l'écart son logis.
Messer loup attendoit chape-chute à la porte ;
Il avoit vu sortir gibier de toute sorte ,
Veaux de lait, agneaux et brebis ,
Régiments de dindons , enfin bonne provende❜.
Le larron commençoit pourtant à s'ennuyer.
Il entend un enfant crier :
La mère aussitôt le gourmande ,
Le menace, s'il ne se tait,
De le donner au loup . L'animal se tient prêt,
Remerciant les dieux d'une telle aventure ,
Quand la mère, apaisant sa chère géniture * ,
Lui dit : Ne criez point ; s'il vient, nous le tuerons.
Qu'est ceci ? s'écria le mangeur de moutons :
Dire d'un, puis d'un autre ! Est- ce ainsi que l'on traite
Les gens faits comme moi ? me prend-on pour un sot ?
Que quelque jour ce beau marmot
Vienne au bois cueillir la noisette...
Comme il disoit ces mots , on sort de la maison :
Un chien de cour l'arrête épieux et fourches-fières
L'ajustent de toutes manières .
Que veniez-vous chercher en ce lieu ? lui dit-on.
Aussitôt il conta l'affaire.
1. Esope, F. 29 et 104.
2. CHAPE-CHUTE. On dit d'un homme qu'il cherche chape-chute pour
dire qu'il cherche quelque hasard, quelque rencontre avantageuse. Chape
autrefois signifiait manteau ou toute espèce de vêtement employé pour
se garantir la tête-(caput) des injures du temps. Chute est le participe du
vieux mot choir. Chape-chute signifie donc manteau tombé, qu'on ren-
contre sur son chemin et dont on s'empare. (TRÉVOUX.) - Cette locu-
tion a fini par avoir un autre sens : trouver malheur au lieu d'un avantage
cherché. - Je lui dis que ce n'est point là la vie d'un honnête homme,
qu'il trouvera quelque chape-chute, et qu'à force de s'exposer, il aura
son fait.. (Me DE SÉVIGNÉ. )
3. PROVENDE, · provision de grains donnée à une bête de travail pour
sa journée, provision de vivres dans une maison ou dans une commu-
nauté.. (TRÉVOUX . )
4. GÉNITURE, terme vieilli :
Nourri je suis en la maison de France,
De qui tu es royale géniture. (MAROT.)
5. FOURCHES-FIÈRES, fourches qui sont de fer par un bout, à deux on
trois pointes. (Probablement du latin ferire, frapper, d'où férir, il fiert,
A vieux français . )
102 LIVRE IV. FABLE XVII.
Merci de moi ¹ ! lui dit la mère ;
Tu mangeras mon fils ! L'ai-je fait à dessein
Qu'il assouvisse un jour ta faim ?
On assomma la pauvre bête.
Un manant lui coupa le pied droit et la tête :
Le seigneur du village à sa porte les mit ;
Et ce dicton picard alentour fut écrit :
<< Biaux chires leups , n'écoutez mie
Mère tenchent chen fieux qui crie³ . ע
L - Le Bûcheron et Meroure¹.
A M. L. G. D. B..
Votre goût a servi de règle à mon ouvrage :
J'ai tenté les moyens d'acquérir son suffrage.
Vous voulez qu'on évite un soin trop curieux ,
Et des vains ornements l'effort ambitieux * ;
Je le veux comme vous : cet effort ne peut plaire.
Un auteur gâte tout quand il veut trop bien faire ".
Non qu'il faille bannir certains traits délicats :
Vous les aimez , ces traits ; et je ne les hais pas.
Quant au principal but qu'Esope se propose,
J'y tombe au moins mal que je puis.
Enfin, si dans ces vers je ne plais et n'instruis,
Il ne tient pas à moi ; c'est toujours quelque chose.
Comme la force est un point
Dont je ne me pique 10 point,
Je tâche d'y tourner le vice en ridicule ,
Ne pouvant l'attaquer avec des bras d'Hercule .
1. Esope, F. 37 et 127. Rabelais, 2º Prologue du 1. iv.
2. Ces initiales signifient M. le chevalier de Bouillon. C'était un parent
du maréchal de Turenne.
3. CURIEUX, comme curiosus en latin, exprime quelquefois la recherche,
l'affectation, l'envie trop marquée de bien faire (cura, souci).--Pétrone
dépensait son bien dans un luxe poli et curieux. » (SAINT-ÉVREMOND.)
4. AMBITIEUX. Imité du latin d'Horace :
Ambitiosa recidet
Ornamenta. (Ars poet., 447.)
Il réprime des mots l'ambitieuse emphase. (BOILEAU, A.P. , ch. 1, 104. )
5. FAIRE. On ne se contente pas de la simple raison, des grâces naïves ,
du sentiment le plus vif, qui font la perfection réelle. On va un peu au delà
du but par amour-propre. On ne sait pas être sobre dans la recherche du
beau, on ignore l'art de s'arrêter tout court en deçà des ornements am-
bitieux. Le mieux auquel on aspire fait qu'on gâte le bien, dit un pro-
verbe italien. On fait comme ceux qui chargent une étoffe de trop de
broderie. Le goût exquis craint le trop en tout, sans en excepter l'esprit
même. L'esprit lasse beaucoup dès qu'on l'affecte et qu'on le prodigue.
Tant d'éclairs m'éblouissent : je cherche une lumière douce qui soulage
mes faibles yeux. » (FENELON, Lettre à l'Acad. , § 5.)
6. J'Y TOMBE. On disait tomber au but pour y arriver, y toucher (inci-
dere in scopum). Métaphore tirée d'une pierre ou d'une boule lancée con-
tre un but, et qui y tombe après avoir décrit une courbe.
7. AU MOINS MAL. Au à la place de le indique la manière dont une chose
estfaite ; comme dumieux qu'il est possible, pour le mieux. Voy. p. 109, n. i.
8. ET, pour ni, par euphonie.
9. IL, cela.
10. PIQUE. Voy. p. 13, note 5.
FABLES DE LA FONTAINE, 7
112 LIVRE V. FABLE 1 .
C'est là tout mon talent ; je ne sais s'il suffit.
Tantôt je peins en un récit
La sotte vanité jointe avecque¹ l'envie ,
Deux pivots sur qui² roule aujourd'hui notre vie.
Tel est ce chétif animal
Qui voulut en grosseur au bœuf se rendre égal³ .
J'oppose quelquefois, par une double image,
Le vice à la vertu , la sottise au bon sens,
Les agneaux aux loups ravissants ,
La mouche à la fourmi ; faisant de cet ouvrage
Une ample comédie à cent actes divers ,
Et dont la scène est l'univers .
Hommes, dieux, animaux, tout y fait * quelque rôle ;
Jupiter comme un autre . Introduisons celui
Qui porte de sa part aux belles la parole :
Ce n'est pas de cela qu'il s'agit aujourd'hui .
Un bûcheron perdit son gagne-pain ,
C'est sa cognée ; et la cherchant en vain ,
Ce fut pitié là-dessus de l'entendre .
Il n'avoit pas des outils à revendre :
Sur celui-ci rouloit tout son avoir.
Ne sachant donc où mettre son espoir,
Sa face étoit de pleurs toute baignée :
O ma cognée ! ô ma pauvre cognée !
S'écrioit-il Jupiter , rends-la-moi ;
Je tiendrai l'être encore un coup de toi .
Sa plainte fut de l'Olympe entendue.
Mercure vient. Elle n'est pas perdue,
Lui dit ce dieu ; la connoîtras-tu bien ?
Je crois l'avoir près d'ici rencontrée.
Lors une d'or à l'homme étant montrée,
Il répondit : Je n'y³ demande rien .
Une d'argent succède à la première ;
Il la refuse . Enfin une de bois.
Voilà, dit-il , la mienne cette fois :
Je suis content si j'ai cette dernière.
1. AVECQUE. Voy. p. 73, note 2.
2. Qui, pour lesquels. Voy. p. 30, note 2.
3. EGAL. L. 1, F. 3.
4. FAIT. Faire un rôle est la traduction du latin agere personam . OD
disait pareillement : faire un personnage, faire la comédie, et même faire
du roi, du général, pour trancher du roi, etc. (regem, ducem gerere.)
5. N'Y. Je ne prétends rien à celle-là, en ce qui concerne celle-là.
LIVRE V. FABLE II. 113
Tu les auras, dit le dieu , toutes trois :
Ta bonne foi sera récompensée .
En ce cas-là je les prendrai , dit-il.
L'histoire en est aussitôt dispersée¹ ;
Et boquillons de perdre leur outil ,
Et de crier pour se le faire rendre.
Le roi des dieux ne sait auquel entendre.
Son fils Mercure aux criards vient encor ;
A chacun d'eux il en montre une d'or.
Chacun eût cru passer pour une bête
De ne pas dire aussitôt : La voilà !
Mercure, au lieu de donner celle-là ,
Leur en décharge un grand coup sur la tête.
Ne point mentir, être content du sien ,
C'est le plus sûr : cependant on s'occupe
A dire faux pour attraper du bien.
Que sert cela ? Jupiter n'est pas dupe .
Il suit de cette explication que la Fontaine a fait rimer le même mot avec
lui-même sous ses deux formes. Il connaissait le sens de la locution, sans
en savoir l'origine.
1. HIPPOCRATE, médecin grec, père de la médecine.
2. DOM OU DON, venant du latin dominus (par abréviation domnus), et
signifiant seigneur. C'est un titre de noblesse en Espagne, et un terme de
respect dans certains ordres religieux.
3. APOSTUME OU APOSTÈME , tumeur en suppuration.
4. GALANT, rusé.
5. MANDIBULES . Terme d'anatomie qui signifie mâchoires
6. ARBORISTE, herboriste. La prononciation dont on se servait du temps
de la Fontaine n'existe plus.
7. Esope, FF. 25 et 33.
LIVRE V. - FABLE X. 121
Un riche laboureur, sentant sa mort prochaine,
Fit venir ses enfants , leur parla sans témoins .
Gardez-vous , leur dit-il , de vendre l'héritage
Que nous ont laissé nos parents ;
Un trésor est caché dedans.
Je ne sais pas l'endroit ; mais un peu de courage
Vous le fera trouver : vous en viendrez à bout.
Remuez votre champ dès qu'on aura fait l'oût¹ :
Creusez, fouillez , bêchez ; ne laissez nulle place
Où la main ne passe et repasse¹ .
Le père mort, les fils vous retournent le champ,
Degà, delà, partout ; si bien qu'au bout de l'an
Il en rapporta davantage.
D'argent , point de caché . Mais le père fut sage
De leur montrer, avant sa mort,
Que le travail est un trésor.
.
iones a an
cité ropres
la concis l simpli p
birddenotesparent
LIVRE VI
I. Le Pâtre et le Lion 1.
Les fables ne sont pas ce qu'elles semblent être ;
Le plus simple animal nous y tient lieu de maître.
Une morale nue apporte de l'ennui :
Le conte fait passer le précepte avec lui .
En ces sortes de feinte il faut instruire et plaire ;
Et conter pour conter me semble peu d'affaire .
C'est par cette raison qu'égayant leur esprit,
Nombre de gens fameux en ce genre ont écrit.
Tous ont fui l'ornement et le trop d'étendue ;
On ne voit point chez eux de parole perdue.
3 ↓
Phèdre étoit si succinct ³ qu'aucuns l'en ont blåmé * ;
Esope en moins de mots s'est encore exprimé.
Mais sur tous certain Grec, renchérit , et se pique
D'une élégance laconique ;
Il renferme toujours son conte en quatre vers :
Bien ou mal , je le laisse à juger aux experts .
Voyons -le avec Esope en un sujet semblable.
L'un amène un chasseur , l'autre un pâtre, en sa fable.
J'ai suivi leur projet quant à l'événement ,
Y cousant en chemin quelque trait seulement.
Voici comme à peu près Esope le raconte :
Un pâtre, à ses brebis trouvant quelque mécompte,
Voulut à toute force attraper le larron .
Il s'en va près d'un antre, et tend à l'environ
Des lacs à prendre loups, soupçonnant cette engeance.
tosrare
1. Esope, FF. 41 et 131 .
2. D'AFFAIRE, de peu de besoin, peu nécessaire. Affaire avait, dans le
vieux français, quelquefois le sens de besoin. Voy. p. 43, note 5.
3. SUCCINCT, bref, rapide, sans ornement. Ce mot vient du latin suc-
cinctus (retroussé), qui se disait d'un voyageur équipé à la légère, pour
être moins gêné dans sa marche.
4. AUCUNS, quelques-uns. Ancien sens de ce mot qui vient du latin
aliquis (alcuns, aucuns).
5. BLAMÉ :
Brevitate quoniam nimia quosdam offendimus. (Phèdre.)
6. GREC. Gabrias. (Note de la Fontaine.) Les fables en quatrains qu'on
a sous le nom de Gabrias sont celles de Babrias, abrégées au Ix siècle
par Ignatius Magister. Babrias, ou Babrius, vivait au siècle après J.-C.
7. VOYONS-LE AVEC. Cette élision ost une licence très rare, mème dans
le style familier.
8. COMME, pour comment. Voy. p 18. note 8.
LIVRE VI . - FABLE II. 133
Avant que¹ partir de ces lieux,
Si tu fais , disoit-il , ô monarque des dieux ,
Que le drôle à ces lacs se prenne en ma présence,
Et que je goûte ce plaisir ,
Parmi vingt veaux je veux choisir
Le plus gras , et t'en faire offrande !
A ces mots sort de l'antre un lion grand et fort ;
Le pâtre se tapit , et dit, à demi mort :
Que l'homme ne sait guère, hélas ! ce qu'il demande !
Pour trouver le larron qui détruit mon troupeau ,
Et le voir en ces lacs pris avant que je parte,
O monarque des dieux, je t'ai promis un veau ;
Je te promets un bœuf si tu fais qu'il s'écarte !
C'est ainsi que l'a dit le principal auteur :
Passons à son imitateur.
77
LIVRE VI. - FABLE IV. 135
Le tout au sujet d'un manteau.
Le cavalier eut soin d'empêcher que l'orage
Ne se pût engouffrer dedans.
Cela le préserva. Le Vent perdit son temps ;
Plus il se tourmentoit, plus l'autre tenoit ferme :
Il eut beau faire agir le collet et les plis.
Sitôt qu'il fut au bout du terme
Qu'à la gageure on avoit mis ,
Le Soleil dissipe la nue,
Récrée et puis pénètre enfin le cavalier,
Sous son balandras 1¹ fait qu'il sue,
Le contraint de s'en dépouiller :
Encor n'usa-t-il pas de toute sa puissance.
Plus fait douceur que violence.
IV. -
Jupiter et le Métayers.
Jupiter eut jadis une ferme à donner.
Mercure en fit l'annonce , et gens se présentèrent,
Firent des offres , écoutèrent :
Ce ne fut pas sans bien tourner ' ;
L'un alléguoit que l'héritage *
5
Etoit frayant et rude , et l'autre un autre si .
Pendant qu'ils marchandoient ainsi ,
Un d'eux , le plus hardi , mais non pas le plus sage,
Promit d'en rendre tant, pourvu que Jupiter
Le laissât disposer de l'air,
Lui donnât saison à sa guise ,
Qu'il eût du chaud , du froid, du beau temps , de la bise,
1. BALANDRAS ou balandran. Espèce de manteau de campagne, dou-
blé depuis les épaules jusque sur le devant. « C'était un habit fort ancien,
puisque dès l'an 1226, dans la règle de saint Benoit, il est défendu au re-
ligieux de porter balandras. (TRÉVOUX .)
O nuit ! couvre tes feux de ton noir balandran. (SAINT-AMAND . )
2. Esope, FF. 77 et 269. - Faerne, 1. v, F. 13. Rusticus et Jupiter.
3. TOURNER. Excellent trait de mœurs.
4. L'HÉRITAGE. Héritage se disait particulièrement des biens immeu-
bles, terres et maisons, par opposition aux rentes et revenus. Le bien
vaut mieux en héritages, prés, bois, terres, qu'en rentes, offices et billets
qui sont sujets à banqueroute. (TRÉVOUX.)
5. FRAYANT, qui oblige à des frais ( de l'ancien verbe frayer, faire des
frais).
6. Si, objection, difficulté. Si était pris très-souvent comme substantif
dans nos vieux auteurs :
Ces protestations ne coûtent pas grand'chose,
Alors qu'à leur effet un pareil si s'oppose. ( MoLithe.)
FABLES DE LA FONTAINE.
136 LIVRE VI . FABLE V.
Enfin du sec et du mouillé ,
Aussitôt qu'il auroit baillé ¹ .
Jupiter y consent. Contrat passé, notre homme
Tranche du roi des airs , pleut 3 , vente, et fait en somme
Un climat pour lui seul : ses plus proches voisins
Ne s'en sentoient non plus que les Américains .
Ce fut leur avantage : ils eurent bonne année,
Pleine moisson, pleine vinée * .
Monsieur le receveur 5 fut très-mal partagé.
L'an suivant, voilà tout changé :
Il ajuste d'une autre sorte
La température des cieux.
Son champ ne s'en trouve pas mieux ;
Celui de ses voisins fructifie et rapporte .
Que fait-il ? Il recourt au monarque des dieux ;
Il confesse son imprudence .
Jupiter en usa comme un maître fort doux.
Concluons que la Providence
Sait ce qu'il nous faut mieux que nous.
XIX. - - Le Charlatan♣.
Le monde n'a jamais manqué de charlatans :
Cette science, de tout temps ,
Fut en professeurs très-fertile " .
6
Tantôt l'un en théâtre affronte l'Achéron " ,
Et l'autre affiche par la ville
Qu'il est un passe-Cicéron .
Un des derniers se vantoit d'être
1. A PORTÉ, un instant seulement, pour soulager Atlas, roi de Mauri-
tanie, dont c'était la fonction. - Voilà bien de la mythologie pour un
charretier de Quimper- Corentin.
2. ACHOPPEMENT, obstacle, occasion de chute. Ce mot (qui vient de
chopper, heurter) ne s'emploie guère qu'au figuré : C'est une pierre d'a-
choppement, un écueil.
3. T'AIDERA. Régnier avait dit :
Aidez-vous seulement, et Dieu vous aidera. (Sat. xIII , v. 112.)
C'est la pensée de Virgile : audentes fortuna juvat.
4. Poggii Facetiæ, t. 1, Asinus erudiendus.
5. TRÈS-FERTILE. Rapprochez de cette expression ces vers de Racine et
de Boileau :
La cour de Claudius, en esclaves fertile,
Pour deux que l'on cherchait en eût présenté mille. (Brit., Iv, 2.)
La nature, fertile en esprits excellents, etc. (Art poét., 1.)
6. EN THÉATRE, en spectacle, sur un théâtre, comme on dit : en image,
en apparence.
7. L'ACHERON, fleuve des Enfers, c'est-à-dire la mort.
150 LIVRE VI. — FABLE XIX.
En éloquence si grand maître,
Qu'il rendroit disert un badaud,
Un manant, un rustre, un lourdaud ;
Oui , Messieurs , un lourdaud, un animal, un âne :
Que l'on m'amène un âne, un âne renforcé,
Je le rendrai maître passé¹ ,
Et veux qu'il porte la soutane * .
Le prince sut la chose et manda le rhéteur.
J'ai, dit-il, en mon écurie
Un fort beau roussin 3 d'Arcadie :
J'en voudrois faire un orateur.
Sire, vous pouvez tout, reprit d'abord notre homme.
On lui donna certaine somme ,
Il devoit au bout de dix ans
Mettre son âne sur les bancs
Sinon il consentoit d'être en place publique
Guindé la hart au col , étranglé court et net,
Ayant au dos sa rhétorique,
Et les oreilles d'un baudet.
Quelqu'un des courtisans lui dit qu'à la potence
Il vouloit l'aller voir, et que, pour un pendu,
Il auroit bonne grâce et beaucoup de prestance :
Surtout qu'il se souvînt de faire à l'assistance
Un discours où son art fût au long étendu ;
Un discours pathétique, et dont le formulaire
1. MAITRE-PASSE signifie, au propre, qui est reçu maitre. On était reçu,
onpassait maitre dans les corporations ouvrières après un examen. Il faut
un rude examen pourêtre passé licencié ; il faut faire des chefs-d'œuvre pour
êtrepassé maitre cordonnier, maitre sellier, etc. » ( TRÉVOUX. ) - Par exter-
sion, maître passé a signifié un homme habile dans son art, un savant.
2. SOUTANE. A l'époque où la science résidait dans le seul clergé, les
étudiants reçus bacheliers portaient la soutane comme un insigne de leur
savoir. Longtemps aussi les juges portèrent la sontane.
3. ROUSSIN D'ARCADIE . Le roussin était un cheval de moyenne taille,
robuste, épais et dur à la fatigue. Dans certaines contrées, c'était la mon-
ture de ceux qui n'étaient point chevaliers, ou bien encore un cheval de
somme. Un roussin d'Arcadie signifie donc un cheval d'Arcadie, c'est-à-
dire un âne ; parce que l'Arcadie, pays de montagnes, produisait beaucoup
d'ânes et peu de chevaux.
4. SUR LES BANCS , c'est-à-dire le mettre en état de prendre ses grades.
Banc se disait du temps d'étude qu'on doit faire dans les universités
(aujourd'hui facultés) pour parvenir aux degrés. Il faut avoir été cing
ans sur les bancs avant d'être docteur. (TRÉVoux. )
5. HART, lien fait d'osier ou de menu bois avec lequel on attachait jadis
les criminels au gibet. Marot dit d'un valet qui l'avait volé :
Sentant la hart de cent licues à la ronde.
6. FORMULAIRE. Un formulaire est un livre qui comprend des modèles
de rédaction, ou formules, qui servent dans toutes les circonstances ou
cas semblables. Le formulaire des notaires. Le formulaire des arrêts du
conseil. Les formulaires du service public de l'église.
LIVRE VI. FABLE XX. 151
Servit à certains Cicérons
Vulgairement nommés larrons.
L'autre reprit Avant l'affaire,
Le roi , l'âne, ou moi, nous mourrons¹.
Il avoit raison. C'est folie
De compter sur dix ans de vie.
Soyons bien buvants , bien mangeants ,
Nous devons à la mort de trois l'un en dix ans.
II. - La Discorde.
ÉPILOGUE
MADAME DE MONTESPAN¹
1
102 LIVRE VII. - FABLE III.
V. La Fille¹ .
Certaine fille un peu trop fière,
Prétendoit trouver un mari
Jeune, bien fait, et beau , d'agréable manière ,
Point froid et point jaloux : notez ces deux points-ci.
Cette fille vouloit aussi
Qu'il eût du bien, de la naissance,
De l'esprit, enfin tout . Mais qui peut tout avoir ?
Le Destin se montra soigneux de la pourvoir :
Il vint des partis d'importance .
La belle les trouvoit trop chétifs de moitié :
Quoi, moi ! quoi ! ces gens-là ! l'on radote, je pense.
A moi les proposer ! hélas ! ils font pitié :
Voyez un peu la belle espèce !
L'un n'avoit en l'esprit nulle délicatesse ;
L'autre avoit le nez fait de cette façon-là :
C'étoit ceci, c'étoit cela ;
C'étoit tout, car les précieuses
1. L'épigramme 17 du livre v de Martial a pu suggérer à la Fontaine
l'idée de cette fable, réunie dans son édition à la fable précédente.
(WALCKENAER.)
2. PARTIS. Parmi les sens nombreux du mot parti, en voici deux qui se
rapprochent de celui où il est pris ici , et qui serviront à l'expliquer. Parti
signifie quelquefois profession qu'on embrasse : Il a pris le parti des armes.
Il signifie également un emploi, une place, un avantage qu'on propose :
Je lui offrais un régiment, c'était un bon parti. - Le sens de parti à ma-
rier, bonne condition de mariage, se rapproche dans ces deux acceptions.
3. PRÉCIEUSES . C'était dans l'origine un terme louangeur qui désignait le
mérite et le prix de certaines qualités d'esprit, par exemple à l'époque où
l'hôtel de Rambouillet, sous Louis XIII et au commencement de Louis XIV ,
était l'arbitre du goût. Mais comme on outra peu à peu ces qualités, le ri-
dicule s'y attacha, et le terme qui les désignait, changeant d'acception, si-
gnifia affectation, délicatesse exagérée et maniérée. C'est Molière qui lepre-
mier, en 1659, décria les Précieuses. Mais il commença par distinguer les
Précieuses véritables des fausses Précieuses, puis il fes confondit toutes
sous ce même titre, qui dès lors fut toujours pris en mauvaise part.
LIVRE VII. - FABLE V. 165
Font dessus tout les dédaigneuses .
Après les bons partis , les médiocres gens
Vinrent se mettre sur les rangs .
Elle de se moquer . Ah ! vraiment je suis bonne
De leur ouvrir la porte ! Ils pensent que je suis
Fort en peine de ma personne :
Grâce à Dieu , je passe les nuits
Sans chagrin, quoique en solitude.
La belle se sut gré de tous ces sentiments.
L'âge la fit déchoir : adieu tous les amants.
Un an se passe, et deux, avec inquiétude :
Le chagrin vient ensuite ; elle sent chaque jour
Déloger quelques Ris , quelques Jeux , puis l'Amour,
Puis ses traits choquer et déplaire ;
Puis cent sortes de fards. Ses soins ne purent faire
Qu'elle échappât au Temps , cet insigne larron ³ .
Les ruines d'une maison
辱
Se peuvent réparer : que n'est cet avantage
Pour les ruines 5 du visage !
Sa préciosité changea lors de langage.
Son miroir lui disoit : Prenez vite un mari.
Je ne sais quel désir le lui disoit aussi :
Le désir peut loger chez une précieuse 7 .
1. Dessus était originairement préposition aussi bien que sur :
Vous étendiez la patte
Plus brusquement qu'un chat dessus une souris. (MoL. , l'Et., Iv, 5.)
Cependant Vaugelas et Ménage avaient déjà déclaré que dessus et dessous,
comme prépositions, ne sont plus du bel usage.
2. MÉDIOCRE, de condition moyenne . Médiocrité est pris assez souvent
dans ce sens. — « Quelques jours après que Sylla se fut démis de la dic-
tature... Sylla, lui dis-je, vous vous êtes donc mis vous-même dans cet
état de médiocrité qui afflige presque tous les humains. (MONTESQUIEU .)
3. LARRON, ravisseur, dévastateur. Du latin latro.
4. QUE commence une formule de souhait. ( Quòd utinam en latin. )
Que puissiez-vous avoir toutes choses prospères ! (MOLIÈRE . )
Et que puisse l'envie en crever de dépít. (ÍD. )
5. RUINES DU VISAGE . Expression juste et pittoresque en même temps.
Elle est -amenée par la comparaison qui précède, et aussi par le verbe
déchoir. Racine :
Même elle avait encor cet éclat emprunté
Dont elle eut soin de peindre et d'orner son visage,
Pour réparer des ans l'irréparable outrage. (Ath., 11, 5. )
6. SA PRÉCIOSITÉ. De même qu'on dit Sa Grandeur, Son Altesse, etc.
Ce mot était d'un français douteux. Il est fort heureusement hasardé par
l'auteur. Trévoux ne l'admet que dans le style badin.
7. PRÉCIEUSE . Voici comment une précieuse s'exprime là-dessus dans
les Femmes savantes :
Loin d'être aux lois d'un homme en esclave asservie,
Mariez-vous, ma sœur, à la philosophie,
166 LIVRE VII. FABLE VI .
Celle-ci fit un choix qu'on n'auroit jamais cru ,
Se trouvant à la fin tout aise et tout heureuse
De rencontrer un malotru¹ .
I. - La Mort et le Mourant¹.
La Mort ne surprend point le sage :
Il est toujours prêt à partir,
S'étant su lui-même avertir
Du temps où l'on se doit résoudre à ce passage .
Ce temps , hélas ! embrasse tous les temps :
Qu'on le partage en jours , en heures , en moments,
Il n'en est point qu'il ne comprenne
Dans le fatal tribut ; tous sont de son domaine ;
Et le premier instant où les enfants des rois
Ouvrent les yeux à la lumière
Est celui qui vient quelquefois
Fermer pour toujours leur paupière.
Défendez- vous par la grandeur 2² ,
Alléguez la beauté , la vertu , la jeunesse,
La Mort ravit tout sans pudeur ³ :
Un jour le monde entier accroîtra sa richesse * .
Il n'est rien de moins ignoré ;
Et puisqu'il faut que je le die " ,
Rien où l'on soit moins préparé.
1. Abstemius, F. 99. De Sene mortem differre volente.
2. GRANDEUR . Voy. Horace, Od., 1. 11, 3 et 11. - Malherbe :
Le pauvre en sa cabane, où le chaume le couvre,
Est sujet à ses lois ;
Et la garde qui veille aux barrières du Louvre
N'en défend pas les rois. ( St. à Du Perrier.)
3. PUDEUR. Ce mot était assez récent dans la langue. On le doit à
Desportes. Ce mot, dit Vaugelas, exprime une chose pour laquelle
nous n'en avions point encore qui fût si propre et si significatif, parce
que honte est un terme équivoque qui désigne la bonne et la mauvaise
honte, au lieu que pudeur ne désigne que la bonne honte.
4. RICHESSE. Rapprochez ce vers de celui de la F. 1 du l. vii, p. 158, n. 2.
5. DIE. Voy. p. 100, note i , et p. 127, note 6.
6. Ou. Dans l'ancienne langue, et au xvIIe siècle encore, où était em-
ployé à la place de à quoi, auquel, dans lequel, etc. , et partout où il s'a-
git d'exprimer la relation du datif et de l'ablatif:
Et voilà donc l'hymen où j'étais destinée . (RACINE, Iph., III , 5.)
Une aventure merveilleuse où personne ne s'attendait. (MOLIÈRE.)
C'est une chose où tu m'obliges par le respect où tu te ranges.
(ID. , Av., IV, 5.) - C'en est assez à mes yeux pour justifier l'engage-
ment où j'ai pu consentir. » (ID., ibid., 1, 1.) -Et les gens au monde
pour la santé où Charles V avait le plus de confiance, c'était en bons
maistres médecins . (FROISSArt, Chron., II, 70.)
Li Deu (Dieu) où croient les François . ( Ogier le Danois.)
LIVRE VIII. - FABLE 1 . 191
V. C - L'Homme et la Puce 2.
XVI. - · L'Horoscope³.
On rencontre sa destinée
Souvent par des chemins qu'on prend pour l'éviter.
XXIV. -- L'Éducation'.
Laridon et César, frères dont l'origine
Venoit de chiens fameux, beaux , bien faits, et hardis,
A deux maîtres divers échus au temps jadis ,
Hantoient, l'un les forêts , et l'autre la cuisine.
Us avoient eu d'abord chacun un autre nom ;
Mais la diverse nourriture "
1. Abstemius, 5. De Rustico amnem transituro.
2. TRANQUILLE. Vers imité de Virgile :
Dulcis et alta quies placidæque simillima morti. (En., vi, 522.)
3. DANGEREUX. C'est le proverbe Il n'est pire eau que l'eau qui dort.
4. Plutarque, dans le traité intitulé : Comment il faut nourrir les en-
fants, et dans les Apophthegmes lacédémoniens ( OEuvres morales).
5. NOURRITURE, une éducation différente. Ce mot était encore employé
ainsi au XVII siècle. On disait : « La nourriture de ce gentilhomme fait
honneur à son gouverneur ; il est bien instruit. » (TRÉVOUx.).- Nour-
228 LIVRE VIII. - FABLE XXV.
Fortifiant en l'un cette heureuse nature,
En l'autre l'altérant, un certain marmiton
Nomma celui-ci Laridon.
Son frère, ayant couru mainte haute aventure¹ ,
Mis maint cerf aux abois , maint sanglier¹ abattu
Fut le premier César que la gent chienne ait eu.
On eut soin d'empêcher qu'une indigne maîtresse
Ne fît en ses enfants dégénérer son sang.
Laridon négligé témoignoit sa tendresse
A l'objet le premier passant.
Il peupla tout de son engeance :
Tourne-broches par lui rendus communs en France
Y font un corps à part, gens fuyant les hasards,
Peuple antipode des Césars.
On ne suit pas toujours ses aïeux ni son père :
Le peu de soin, le temps , tout fait qu'on dégénère.
Faute de cultiver la nature et ses dons ,
Oh ! combien de Césars deviendront Laridons I
I. · Le Dépositaire infidèle¹.
Grâce aux Filles de mémoire *,
J'ai chanté des animaux ;
Peut-être d'autres héros
M'auroient acquis moins de gloire.
Le loup, en langue des dieux ³ ,
Parle au chien dans mes ouvrages :
Les bêtes, à qui mieux mieux,
Y font divers personnages ,
Les uns fous, les autres sages ;
De telle sorte pourtant
Que les fous vont l'emportant :
La mesure en est plus pleine.
Je mets aussi sur la scène
Des trompeurs , des scélérats,
Des tyrans et des ingrats ,
Mainte imprudente pécore,
Force sots , force flatteurs ;
Je pourrois y joindre encore
Des légions de menteurs :
Tout homme ment, dit le sage " .
S'il n'y mettoit seulement
Que les gens du bas étage ,
On pourroit aucunement
Souffrir ce défaut aux hommes !
Mais que tous , tant que nous sommes,
Nous mentions , grand et petit,
Si quelque autre l'avoit dit,
Je soutiendrois le contraire .
Et même qui mentiroit
1. Livre des lumières, ou la Conduite des rois ( 1644) , p. 137 à 140.
Contes indiens et Fables indiennes de Bidpaï et de Lokman, t. 11, p. 186.
Les deux Marchands.
2. FILLES DE MÉMOIRE. Les Muses sont ainsi nommées, premièrement
parce qu'elles sont filles de Jupiter et de Mnemosyne ( µvrpooúvn en grec,
mémoire), et de plus parce qu'elles immortalisent ceux qu'elles célèbrent.
3. LANGUE DES DIEUX, les vers.
4. LE SAGE, allusion au texte du verset 2 du Psaume cxv : Omnis homo
mendar.
5. AUCUNEMENT, en quelque façon. C'est le sens premier et étymolo-
gique de ce mot, ainsi que d'aucun, qui vient du latin`aliquis ( quelqu'un).
Il n'est plus usité ainsi.
236 LIVRE IX. FABLE I.
Comme Ésope et comme Homère,
Un vrai menteur ne seroit :
Le doux charme de maint songe
Par leur bel art inventé,
Sous les habits du mensonge
Nous offre la vérité.
L'un et l'autre a fait un livre
Que je tiens digne de vivre
Sans fin , et plus , s'il se peut.
Comme eux ne ment pas qui veut.
Mais mentir comme sut faire
Un certain dépositaire ,
Payé par son propre mot,
Est d'un méchant et d'un sot.
Voici le fait :
ww
ww
LIVRE IX. FABLE III. 241
III. - Le Singe et le Léopard¹.
XII. - Le Cierge* .
C'est du séjour des dieux que les abeilles viennent 5 .
Les premières, dit-on, s'en allèrent loger
Au mont Hynette , et se gorger
Des trésors qu'en ce lieu les zéphyrs entretiennent.
Quand on eut des palais de ces filles du ciel
Enlevé l'ambroisie en leurs chambres enclose ",
Ou, pour dire en françois la chose,
Après que les ruches sans miel
N'eurent plus que la cire, on fit mainte bougie ;
Maint cierge aussi fut façonné.
Un d'eux voyant la terre en brique au feu durcie
Vaincre l'effort des ans , il eut la même envie ;
1. TANT QUE, à tel point que (adeo ut).
2. DEDANS était autrefois préposition, et synonyme de dans :
Il est vrai c'est tomber d'un mal dedans un pire.
(MOLIÈRE, l'Et., 1, 2.)
Passant dedans la place, il ne songeait à rien. (Ibid. , v, 14.)
-Ceux qui ont la foi vive dedans le cœur, voient... (PASCAL, Pensées.)
3. FAIRE LE PROCÈS, accuser, blâmer. Expression très-française :
Le Tasse, dira-t-on, l'a fait avec succès.
Jeneveux point ici luifaire son procès. (BOILZAU, Artp., III, 209-19.)
4. Abstemius, 54. De Cera duritiam appetente.
5. VIENNENT. Réminiscence de Virgile :
Esse apibus partem divinæ mentis et haustus
Æthereos. (Géorg., IV, 220.)
6. HYMETTE . « Hymette était une montagne célébrée par les poetes,
située dans l'Attique, et où les Grecs recueillaient d'excellent miel. ( Note
de la Fontaine .)
7. ENCLOSE, enfermée ; du latin inclusa. Terme vieilli.
8. VAINCRE L'EFFORT DES ANS. Expression poétique imitée du latin : vim
annorum vincere. Virgile dit d'un chêne :
Multa virum volvens furando sæcula vincit. (Géorg. , 11, 295.)
LIVRE IX. - FABLE XIII. 253
Et, nouvel Empédocle¹ aux flammes condamné
Par sa propre et pure folie ,
Il se lança dedans. Ce fut mal raisonné .
Ce cierge ne savoit grain de philosophie.
Tout en tout est divers : ôtez-vous de l'esprit
Qu'aucun être ait été composé sur le vôtre.
L'Empélocle de cire au brasier se fondit :
Il n'étoit pas plus fou que l'autre.
Σ. - Le Berger et le Roi³.
Deux démons à leur gré partagent notre vie,
Et de son patrimoine ont chassé la raison ;
Je ne vois point de cœur qui ne leur sacrifie :
Si vous me demandez leur état et leur nom ,
J'appelle l'un, Amour, et l'autre, Ambition.
Cette dernière étend le plus loin son empire ;
Car même elle entre dans l'amour.
Je le ferois bien voir ; mais mon but est de dire
Comme un roi fit venir un berger à sa cour.
Le conte est du bon temps, non du siècle où nous sommes.
Ce roi vit un troupeau qui couvroit tous les champs ,
Bien broutant, en bon corps 5 , rapportant tous les ans,
Grâce aux soins du berger, de très-notables sommes .
Le berger plut au roi par ces soins diligents ".
7
Tu mérites, dit-il , d'être pasteur de gens :
Laisse là tes moutons , viens conduire des hommes ;
Je te fais juge souverain ' .
1. ESCLANDRE. Vieux mot qui signifiait scandale, accident fâcheux et
défaite. Loret, dans sa Gazette rimée, l'emploie dans ce dernier sens :
Car on dit que dans cette esclandre
Plusieurs Hollandais firent flandre ;
Ou, pour parler nettement,
Se retirèrent doucement.
2. GORGERIN, pièce d'armure qui couvrait la gorge d'un homme d'armes.
Ici, par analogic, la Fontaine désigne par ce mot un collier garni de pointes
de fer.
3. Livre des lumières, ou la Conduite des rois, p. 152. Histoire d'un
Hermite. -Contes et Fables indiennes de Bidpai et de Lokman, t. II,
L'Hermite; et t. n, Histoire d'un Lion et d'un Renard.
4. COMME, pour comment. V. p. 18, note 8.
5. EN BON CORPS. Locution proverbiale, en bon point, en bon état.
6. DILIGENTS. Hémistiche que la Fontaine s'emprunte à lui-même :
La chose allait à bien par ses soins diligents. (vii, 10.)
7. PASTEUR DE GENS . Expression homérique (motiva lauv, pasteur des
peuples).
8. JUGE SOUVERAIN.. « On appelle juges souverains ceux qui ont reçu
du roi pouvoir de terminer les proces sans appel et en dernier ressort.
A Paris, ily a cinq compagnies souveraines : le Parlement, la Chambre des
comptes, la Cour des aides, le grand Conseil et la Cour des monnaies..
(TREVOUX. ) - Aujourd'hui, il n'y a plus que la Cour de Cassation.
FABLES DE LA FONTAINE 14
280 LIVRE X. - FABLE X.
Voilà notre berger la balance à la main ¹ .
Quoiqu'il n'eût guère vu d'autres gens qu'un ermite,
Son troupeau , ses mâtins , le loup, et puis c'est tout,
Il avoit du bon sens ; le reste vient ensuite :
Bref, il en vint fort bien à bout.
L'ermite son voisin accourut pour lui dire :
Veillé-je ? et n'est-ce point un songe que je vois ?
Vous, favori ! vous, grand ! Défiez-vous des rois ;
Leur faveur est glissante : on s'y trompe ; et le pire
C'est qu'il en coûte cher : de pareilles erreurs
Ne produisent jamais que d'illustres malheurs.
Vous ne connoissez pas l'attrait qui vous engage :
Je vous parle en ami ; craignez tout. L'autre rit ;
Et notre ermite poursuivit :
Voyez combien déjà la cour vous rend peu sage.
Je crois voir cet aveugle¹ à qui , dans un voyage,
Un serpent engourdi de froid
Vint s'offrir sous la main : il le prit pour un fouet,
Le sien s'étoit perdu , tombant de sa ceinture.
Il rendoit grâce au ciel de l'heureuse aventure ,
Quand un passant cria : Que tenez-vous ? ò dieux !
Jetez cet animal traître et pernicieux ,
Ce serpent ! C'est un fouet. - C'est un serpent ! vous dis-je.
A me tant tourmenter quel intérêt m'oblige ?
Prétendez-vous garder ce trésor ? Pourquoi non ?
Mon fouet étoit usé ; j'en retrouve un fort bon :
Vous n'en parlez que par envie. -
L'aveugle enfin ne le crut pas ;
Il en perdit bientôt la vie :
L'animal dégourdi piqua son homme au bras.
Quant à vous , j'ose vous prédire
Qu'il vous arrivera quelque chose de pire.
Eh ! que me sauroit-il ³ arriver que la mort ?
Mille dégoûts viendront, dit le prophète ermite.
1. BALANCE Thémis, déesse de la justice, est représentée une balance
à la main :
De donner à Thémis ni bandeau ni balance.
(BOILEAU, Art poét. 1 , 228.)
9. AVEUGLE. Cet apologue n'est pas le même que celui d'Esope ou celui
de Phèdre qu'on a voulu y rapporter. La Fontaine a suivi Bidpaï, qui a
aussi intercalé ce conte dans celui de l'Hermite. Voy. Livre des lumières,
ou la Conduite des roys, p. 157 ; ou dans Cardonne, t. 11, p. 220, l'Aveugle
qui voyageait avec ses amis. (WALCKENAER. )
3. SAUROIT-IL. Synonyme familier de pourroit-il. -Que me sauroit-il...
que; sous-entendu autre chose. Sur cette ellipse, très-française d'ailleurs
voy, p. 15 note 6, et page 162, note 6.
LIVRE X. - FABLE XI. 281
en vint en effet l'ermite n'eut pas tort.
1
Mainte peste de cour fit tant, par maint ressort
Que la candeur du juge , ainsi que son mérite ,
Furent suspects au prince. On cabale, on suscite
Accusateurs, et gens grevés par ses arrêts.
De nos biens, dirent-ils , il s'est fait un palais .
Le prince voulut voir ces richesses immenses.
Il ne trouva partout que médiocrité³ ,
Louanges du désert et de la pauvreté :
C'étoient là ses magnificences.
Son fait , dit-on, consiste en des pierres de prix :
Un grand coffre en est plein, fermé de dix serrures.
Lui-même ouvrit ce coffre, et rendit bien surpris
Tous les machineurs d'impostures.
Le coffre étant ouvert, on y vit des lambeaux ,
L'habit d'un gardeur de troupeaux ,
Petit chapeau , jupon , panetière , houlette,
Et, je pense, aussi sa musette.
Doux trésors , ce dit-il, chers gages 7 , qui jamais
N'attirâtes sur vous l'envie et le mensonge,
Je vous reprends : sortons de ces riches palais
Comme l'on sortiroit d'un songe!
Sire, pardonnez-moi cette exclamation :
J'avois prévu ma chute en montant sur le faite.
Je m'y suis trop complu : mais qui n'a dans la tête
Un petit grain d'ambition 8 ?
14.
288 LIVRE X. FABLE XV.
XV . Les Lapins.
DISCOURS A M. LE DUC DE LA ROCHEFOUCAULD¹,
Je me suis souvent dit , voyant de quelle sorte
L'homme agit, et qu'il se comporte
En mille occasions comme les animaux :
Le roi de ces gens-là n'a pas moins de défauts
Que ses sujets ; et la Nature
A mis dans chaque créature
Quelque grain d'une masse où puisent les esprits ;
J'entends les esprits-corps , et pétris de matière.
Je vais prouver ce que je dis.
A l'heure de l'affût , soit lorsque la lumière
Précipite ses traits dans l'humide séjour³ ,
Soit lorsque le soleil rentre dans sa carrière,
Et que, n'étant plus nuit, il n'est pas encor jour" ,
Au bord de quelque bois sur un arbre je grimpe,
Et nouveau Jupiter, du haut de cet Olympe ,
Je foudroie à discrétion
Un lapin qui n'y pensoit guère.
Je vois fuir aussitôt toute la nation
Des lapins , qui, sur la bruyère,
L'œil éveillé , l'oreille au guet ,
S'égayoient, et de thym parfumoient leur banquet .
Le bruit du coup fait que la bande
S'en va chercher sa sûreté
Dans la souterraine cité :
Mais le danger s'oublie, et cette peur si grande
S'évanouit bientôt ; je revois les lapins ,
Plus gais qu'auparavant, revenir sous mes mains.
I. - Le Lion¹.
Sultan léopard autrefois
Eut, ce dit-on , par mainte aubaine ,
Force bœufs dans ses prés, force cerfs dans ses bois,
Force moutons parmi la plaine.
Il naquit un lion dans la forêt prochaine.
Après les compliments et d'une et d'autre part,
Comme entre grands il se pratique,
Le sultan fit venir son vizir le renard ,
Vieux routier 6 et bon politique.
Tu crains, ce 7 lui dit-il , lionceau mon voisin .
Son père est mort ; que peut-il faire ?
Plains plutôt le pauvre orphelin .
Il a chez lui plus d'une affaire,
Et devra beaucoup au Destin
S'il garde ce qu'il a, sans tenter de conquête .
Le renard dit , branlant la tête :
Tels orphelins, seigneurs , ne me font point pitié ;
Il faut de celui-ci conserver l'amitié.
Ou s'efforcer de le détruire
1. La fable de Bidpal intitulée Le jeune Léopard semble avoir donné
l'idée de celle-ci; celle de l'auteur indien est pourtant toute différente.
Voy. Contes et Fables indiennes de Bidpai et de Lokman, t. I, p. 157.
(WALCKENAER.)
2. AUBAINE. Voy. p. 143, note 3.
3. FORCE. Voy. 131 , note 1 .
4. PARMI. Cette préposition ne s'emploie plus guère qu'avec un pluriel
indéfini ou un singulier collectif. Mais elle était autrefois d'une application
plus étendue. Elle a pour racines par, et mi, qui au moyen âge s'em-
ployait comme substantif pour moitié. Aussi s'est-elle employée partout
où il s'agissait d'exprimer au milieu de :
Parmi l'éclat du sang vos yeux n'ont-ils vu qu'elle ?
(MOLIÈRE, Psy., 1 , 2.)
- Vous devez vous remplir de ce personnage, marquer cet air pédant qui
se conserve parmi le commerce du beau monde. (ID. , Impr., 1.)
Ce m'est quelque plaisir, parmi tant de tristesse,
Que l'on me donne avis du piége qu'on me dresse. ( ID. , E. F.iv, 7.)
5. VIZIR, OU VISIR suivant l'orthographe de l'Académie. C'est le pre-
mier ministre et le général en chef des armées du sultan. On dit aussi
grand vizir.
Crois-tu qu'ils me suivraient encore avec plaisir,
Et qu'ils reconnaîtraient la voix de leur vizir ? ( RACINE, Baj., I, 1.)
6. ROUTIER. Se dit figurément et familièrement des gens prudents qui
connaissent les choses par pratique et par expérience. (TRÉVOUX.)
« Je ne sais si le terrain de fa cour est bien solide ; mais j'ai vu de nou-
veaux débarqués y marcher avec confiance , et de vieux routiers n'y mar-
her qu'en tremblant. (FONTENELLE.)
7. CE LUI DIT-IL. Façon de parler familière, comme ce dit-on.
294 LIVRE XI . - FABLE 1.
Avant que la griffe et la dent
Lui soit crûe¹ , et qu'il soit en état de nous nuire.
N'y ' perdez pas un seul moment.
J'ai fait son horoscope : il croîtra par la guerre * ;
Ce sera le meilleur lion
Pour ses amis, qui soit sur terre :
Tâchez donc d'en être ; sinon
Tâchez de l'affoiblir . La harangue fut vaine .
Le sultan dormoit lors ; et dedans son domaine
Chacun dormoit aussi, bêtes , gens : tant qu'enfin
Le lionceau devint vrai lion. Le tocsin
Sonne aussitôt sur lui ; l'alarme se promène
De toutes parts ; et le vizir ,
Consulté là-dessus , dit avec un soupir :
Pourquoi l'irritez-vous ? La chose est sans remède.
En vain nous appelons mille gens à notre aide :
8
Plus ils sont, plus il coûte : et je ne les tiens bons
Qu'à manger leur part des moutons.
Apaisez le lion : seul il passe en puissance
Ce monde d'alliés vivants sur notre bien.
Le lion en a trois qui ne lui coûtent rien ,
Son courage, sa force , avec sa vigilance .
Jetez-lui promptement sous la griffe un mouton ;
S'il n'en est pas content, jetez-en davantage :
1. LUI SOIT CRUE. C'est le latin creverit. — Sur ce verbe au singulier
avec deux substantifs, voy. p. 85, note 2 , et p. 91, note 4.
2. N'y, ne perdez pas en cela, ou à cela (in eo, in hac re). Sur ce sens
très-étendu de y au XVIIe siècle, voy. p. 283, note 1.- Ajoutons-y les cxem-
ples suivants :
Vous devez éclaircir toute cette aventure.
Allons, vous y pouvez seconder mon effort. (Molière, A. , III , 4.)
Je me vois, ma cousine, ici persécutée
Par des gens dont l'humeur y paraît concertée. ( ID. , Mis ., v, 3.)
3. HOROSCOPE, prédiction de la destinée d'un homme d'après la con
stellation sous laquelle il est né. Voy. p. 46 , note 3.
4. CROITRA, sa puissance s'agrandira. Ce mot est pris ici au sens latin :
crescet.- Croître s'emploie fort bien en français dans un sens moral, mais
en s'appliquant plutôt aux choses qu'aux personnes :
Je vois mes honneurs croître et tomber mon crédit.
(RACINE, Britannicus, 1, 1.)
Cependant Bossuet l'a employé comme la Fontaine : Laissez-le croître, e
roi chéri du ciel ; tout cédera à ses exploits. ( Or. fun. du pr. de Condé.)
5. LORS. Voy. p . 250 , note 5. Candid Dedans. Voy. p. 33 , note 7.
6. TOCSIN, cloche d'alarme. Ce mot, dit Trévoux, vient du verbe to-
quer, frapper, et sing (signum), qui signifiait autrefois cloche, et qui s'est
conservé dans ce vieux proverbe : On en fait bien les sings sonner, ou
en fait beaucoup de bruit.
7. IL COUTE, cela coûte. Il représente cela ( le id ou hoc des Latins).
Voy. p. 65, note 5.
8. TIENS. Voy. p. 114, note 6.
9. VIVANTS. Sur ce pluriel, voy. p. 53 note 3.
LIVRE XI. - FABLE II. 295
Joignez-y quelque bœuf ; choisissez, pour ce don,
Tout le plus gras du pâturage .
Sauvez le reste ainsi. Ce conseil ne plut pas.
Il en prit ' mal ; et force états
Voisins du sultan en pâtirent :
Nul n'y gagna , tous y perdirent.
Quoi que fit ce monde ennemi ,
Celui qu'ils craignoient fut le maître.
Proposez-vous d'avoir le lion pour ami,
Si vous voulez le laisser craître .
FABI.ES DE LA FONTAINE , 15
304 LIVRE XI. FABLE VI.
VI. Le Loup et le Renard¹.
Mais d'où vient qu'au renard Esope accorde un point " ,
C'est d'exceller en tours pleins de matoiserie ?
J'en cherche la raison , et ne la trouve point.
Quand le loup a besoin de défendre sa vie,
Ou d'attaquer celle d'autrui ,
N'en sait-il pas autant que lui?
Je crois qu'il en sait plus ; et j'oserois peut-être
Avec quelque raison contredire mon maître.
Voici pourtant un cas où tout l'honneur échut
A l'hôte des terriers. Un soir il aperçut
La lune au fond d'un puits : l'orbiculaire image
Lui parut un ample fromage.
Deux seaux alternativement
Puisoient le liquide élément :
Notre renard, pressé par une faim canine " ,
6
S'accommode en celui qu'au haut de la machine
L'autre seau tenoit suspendu.
Voilà l'animal descendu ,
Tiré d'erreur, mais fort en peine,
Et voyant sa perte prochaine :
Car comment remonter, si quelque autre affamé ,
De la même image charmé 7 ,
Et succédant à sa misère 8
Par le même chemin ne le tiroit d'affaire ?
Deux jours s'étoient passés sans qu'aucun vint au puits.
Le temps , qui toujours marche, avoit pendant deux nuits
Echancré , selon l'ordinaire ,
De l'astre au front d'argent la face circulaire .
Sire renard étoit désespéré.
Compère loup, le gosier altéré,
Passe par là. L'autre dit : Camarade ,
1. Regnerii, Apologi Phædrii, pars I, p. 24, F. 18. Vulpes et Lupus.
2. UN POINT, un avantage. Voy. p. 267, note 1 .
3. C'EST, qui est de..., à savoir de...
4. ORBICULAIRE. Ce mot indique la rondeur pleine de l'astre.
5. FAIM CANINE. Cette expression est devenue proverbiale pour indiquer
une faim extrême.
6. S'ACCOMMODE, se place avec soin et précaution (sese componit). Ce mot
se prenait quelquefois comme synonyme de s'ajuster, se parer.
7. CHARME, fasciné. C'est toujours le sens de ce mot, dans les bons auteurs.
8. MISÈRE , péril, mésaventure. Terme poétique, d'un emploi très-fré-
quent :
Hécube près d'Ulysse acheva sa misère. (RACINE, Andr., 1, 2. )
9. ECHANCRÉ est le mot propre. Il signifie : couper en dedans en forme
de croissant.
LIVRE XI. - FABLE VII. 305
Je veux vous régaler : voyez-vous cet objet?
1
C'est un fromage exquis. Le dieu Faune l'a fait :
La vache lo donna le lait.
Jupiter, s'il étoit malade ,
Reprendroit l'appétit en tâtant d'un tel mets.
J'en ai mangé cette échancrure ;
Le reste vous sera suffisante pâture.
Descendez dans un seau que j'ai là mis exprès .
Bien qu'au moins mal qu'il pût il ajustat l'histoire,
Le loup fut un sot de le croire :
Il descend ; et son poids emportant l'autre part,
Reguinde en haut maitre renard.
Ne nous en moquons point : nous nous laissons séduire
Sur aussi peu de fondement ;
Et chacun croit fort aisément
Ce qu'il craint et ce qu'il désire.
ÉPILOGUE¹
LE DUC DE BOURGOGNE
MONSEIGNEUR,
•
LIVRE XII¹
A KONSEIGNEUR
LE DUC DE BOURGOGNE ,
Qui avoit demandé à M. de la Fontaine une fable qui fût
nommée le Chat et la Souris.
Pour plaire au jeune prince à qui la Renommée
Destine un temple en mes écrits,
Comment composerois-je une fable nommée
Le chat et la souris ?
Dois-je représenter dans ces vers une belle
Qui, douce en apparence , et toutefois cruelle ,
Va se jouant des cœurs que ses charmes ont pris ,
Comme le chat de la souris?
1. AMAZONES. Les Amazones étaient une tribu de femmes guerrières qui
habitaient sur les bords du Thermodon, non loin du Pont-Euxin, dans la
Cappadoce. (Voy. Virgile, Enéide, 1, 490.)
2. CONFÉRENCE. Cette ile, nommée aussi tle des Faisans , est dans is
Bicassoa, petite rivière qui sépare la France de l'Espagne. Elle fut ainsi
surnommée, parce qu'en 1660 s'y tinrent les conférences pour la paix des
Pyrénées et le mariage de Louis XIV.
3. POLYPHÈME, cyclope dont parlent Homère, Théocrite et Virgile.
Galatée, nymphe aimée du cyclope. (Voy. la xi idylle de Théocrite. )
4. AMALTHÉE, chèvre qui nourrit Jupiter enfant dans l'ile de Crète.
324 'LIVRE XII. - FABLE V.
Prendrai-je pour sujet les jeux de la Fortune ?
Rien ne lui convient mieux et c'est chose commune
Que de lui voir traiter ceux qu'on croit ses amis,
Comme le chat fait la souris .
ww
326 LIVRE XII. - FABLE VII.
O temps ! 8 mœurs ! j'ai beau crier,
Tout le monde se fait payer.
I. - L'Écrevisse et sa Filles.
97
43
LIVRE XII. - FABLE XV. 341
J'eusse en ses yeux fait briller de son âme
Tous les trésors, quoique imparfaitement :
Car ce cœur vif et tendre infiniment
Pour ses amis , et non point autrement ;
Car cet esprit, qui , né du firmament¹ ,9
A beauté d'homme avec grâce de femme,
Ne se peut pas , comme on veut , exprimer.
O vous, Iris , qui savez tout charmer,
Qui savez plaire en un degré suprême ,
Vous que l'on aime à l'égal de soi-même
(Ceci soit dit sans nul soupçon d'amour,
Car c'est un mot banni de votre cour,
Laissons-le donc) , agréez que ma muse
Achève un jour cette ébauche confuse.
J'en ai placé l'idée et le projet,
Pour plus de grâce , au- devant d'un sujet
Où l'amitié donne de telles marques ,
Et d'un tel prix , que leur simple récit
Peut quelque temps amuser votre esprit.
Non que ceci se passe entre monarques :
Ce que chez vous nous voyons estimer,
N'est pas un roi qui ne sait point aimer :
C'est un mortel qui sait mettre sa vie
Pour son ami. J'en vois peu de si bons.
Quatre animaux, vivant de compagnie ,
Vont aux humains en donner des leçons .
La gazelle , le rat , le corbeau , la tortue,
Vivoient ensemble unis : douce société !
Le choix d'une demeure aux humains inconnue
Assuroit leur félicité.
Mais quoi ! l'homme découvre enfin toutes retraites.
Soyez au milieu des déserts ,
Au fond des eaux , au haut des airs ,
Vous n'éviterez point ses embûches secrètes .
8
La gazelle s'alloit ébattre innocemment ,
1. Firmament. Réminiscence philosophique. Suivant les Stoïciens, notre
âme est un rayon, une émanation des astres :
Igneus est ollis vigor et cœlestis origo. (VIRG. En . , VI, 730. )
2. METTRE, exposer. C'est une expression familière et elliptique,
pour mettre en hasard, en péril. On disait aussi mettre en compromis, pour
compromettre. (MOLIÈRE, D. am., v, 7. ) - Cette locution est analogue à
celles-ci : Mettre au jeu, c'est-à-dire risquer. Mettre du sien, mettre dans
les affaires, y hasarder.
3. S'ALLOIT ÉBATTRE, allait s'ébattre. Sur la place d' pronom, voy. p. 14,
342 LIVRE XII. - FABLE XV.
Quand un chien, maudit instrument
Du plaisir barbare des hommes,
Vint sur l'herbe éventer les traces de ses pas.
Elle fuit. Et le rat, à l'heure du repas,
Dit aux amis restants¹ : D'où vient que nous ne sommes
Aujourd'hui que trois conviés ?
La gazelle déjà nous a-t-elle oubliés ?
A ces paroles, la tortue
S'écrie, et dit : Ah ! si j'étois
Comme un corbeau d'ailes pourvue,
Tout de ce pas je m'en irois
Apprendre au moins quelle contrée,
Quel accident tient arrêtée
Notre compagne au pied léger ;
Car, à l'égard du cœur, il en faut mieux juger.
Le corbeau part à tire-d'aile :
Il aperçoit de loin l'imprudente gazelle
Prise au piége et se tourmentant.
Il retourne avertir les autres à l'instant ;
Car, de lui demander quand , pourquoi , ni comment
Ce malheur est tombé sur elle,
Et perdre en vains discours cet utile moment ,
Comme eût fait un maître d'école ' ,
Il avoit trop de jugement.
Le corbeau donc vole et revole .
Sur son rapport les trois amis
Tiennent conseil. Deux sont d'avis
De se transporter sans remise
Aux lieux où la gazelle est prise.
L'autre, dit le corbeau, gardera le logis
Avec son marcher lent, quand arriveroit-elle ?
Après la mort de la gazelle.
Ces mots à peine dits , ils s'en vont secourir
Leur chère et fidèle compagne,
Pauvre chevrette de montagne.
La tortue y voulut courir :
La voilà comme eux en campagne,
Maudissant ses pieds courts avec juste raison
note 3 et 5. - S'ébattre, terme vieilli. - Elle étoit descendue avec ses
compagnes pour s'ébattre sur le rivage. > (ABLANCOURT. )
1. RESTANTS. Ce mot est ici adjectif.
2. Eco E. Allusion à la fable 19 du 1. 1, et à la fable 5 du 1. IX.
1. REVOLE. - Virgile :
Itque refitque viam. (En. , vi, 122.)
LIVRE XII. - FABLE XV. 343
Et la nécessité de porter sa maison.
Rongemaille (le rat eut à bon droit ce nom)
Coupe les nœuds du lacs : on peut penser la joie.
Le chasseur vient, et dit : Qui m'a ravi ma proie?
Rongemaille, à ces mots, se retire en un trou,
Le corbeau sur un arbre, en un bois la gazelle :
Et le chasseur, à demi fou
De n'en avoir nulle nouvelle ,
Aperçoit la tortue, et retient son courroux.
D'où vient, dit-il , que je m'effraie?
Je veux qu'à mon souper celle-ci me défraie.
Il la mit dans son sac. Elle eût payé pour tous,
Si le corbeau n'en eût averti la chevrette.
Celle-ci, quittant sa retraite,
Contrefait la boiteuse , et vient se présenter.
L'homme de suivre , et de jeter
Tout ce qui lui pesoit : si bien que Rongemaille
Autour des nœuds du sac tant opère¹ et travaille ,
Qu'il délivre encor l'autre sœur,
Sur qui s'étoit fondé le souper du chasseur.
Pilpay ' conte qu'ainsi la chose s'est passée.
Pour peu que je voulusse invoquer Apollon ,
J'en ferois, pour vous plaire , un ouvrage aussi long
Que l'Iliade et l'Odyssée " .
Rongemaille feroit le principal héros ,
Quoique à vrai dire ici chacun soit nécessaire.
Porte-maison l'infante ↓ y tient de tels propos,
Que monsieur du corbeau va faire
Office d'espion , et puis de messager.
La gazelle a d'ailleurs l'adresse d'engager
Le chasseur à donner du temps à Rongemaille.
Ainsi chacun dans son endroit 5
S'entremet , agit et travaille.
1. OPÈRE indique une certaine habileté de main, et s'emploie surtout en
parlant des arts qui exigent de la dextérité.
2. PILPAY. Voy. p. 155, note 5.
3. L'ILIADE ET L'ODYSSÉE. Longs poemes d'Homère dont chacun a
24 chants, c'est-à-dire 20,000 vers environ.
4. INFANTE. Titre d'honneur qu'on donne aux enfants des princes en Es-
pagne. Ici il peint la majesté de la tortue.
5. ENDROIT, lieu, place, fonction.
6. S'ENTREMET. S'entremettre, c'est s'employer pour une chose qui re-
garde l'intérêt de quelqu'un, se mêler d'une affaire dont le succès importe
à autrui. Comment un homme peut-il s'entremettre d'une réconciliation
aussi sainte que celle des pécheurs avec Dieu, s'il est lui-même ennemi
de Dieu? (BOURDALOUE, Ess., 1.)
344 LIVRE XII. FABLE XVI .
A qui donner le prix ? Au cœur , si l'on m'en croit.
Que n'ose et que ne peut l'amitié violente !
Cet autre sentiment que l'on appelle amour
Mérite moins d'honneur ; cependant chaque jour
Je le célèbre et je le chante .
Hélas ! il n'en rend pas mon âme plus contente !
Vous protégez sa sœur , il suffit ; et mes vers
Vont s'engager pour elle à des tons tout divers .
1
Mon maître étoit l'Amour : j'en vais servir un autre
Et porter par tout l'univers
Sa gloire aussi bien que la vôtre.
XIX. Le Singe.
Il est un singe dans Paris
A qui l'on avoit donné femme ;
Singe en effet d'aucuns maris,
Il la battoit. La pauvre dame
En a tant soupiré , qu'enfin elle n'est plus ,
Leur fils se plaint d'étrange sorte,
Il éclate en cris superflus :
Le père en rit, sa femme est morte ;
Il a déjà d'autres amours,
Que l'on croit qu'il battra toujours ;
Il hante 3 la taverne, et souvent il s'enivre .
N'attendez rien de bon du peuple imitateur,
Qu'il soit singe ou qu'il fasse un livre :
La pire espèce , c'est l'auteur * .
77
47
LIVRE XII . FABLE XXVII. 359
S'excuser au berger, qui ne daigna l'ouïr
Non plus qu'Ajax Ulysse , et Didon $ son perfide.
Leur enclos et leur champ par ' deux fois vingt étés.
Eux seuls ils composoient toute leur république ' :
Heureux de ne devoir à pas un domestique
3
Le plaisir ou le gré des soins qu'ils se rendoient !
Tout vieillit sur leur front les rides s'étendoient ;
L'amitié modéra leurs feux sans les détruire ,
Et par des traits d'amour sut encor se produire.
Ils habitoient un bourg plein de gens dont le cœur
Joignoit aux duretés un sentiment moqueur.
Jupiter résolut d'abolir cette engeance * .
Il part avec son fils , le dieu de l'éloquence * ,
Tous deux en pèlerins vont visiter ces lieux.
Mille logis y sont, un seul ne 7 s'ouvre aux dieux.
Prêts enfin à quitter un séjour si profane,
Ils virent à l'écart une étroite cabane,
Demeure hospitalière , humble et chaste maison •
Mercure frappe : on ouvre. Aussitôt Philémon
Vient au-devant des dieux , et leur tient ce langage :
Vous me semblez tous deux fatigués du voyage,
Reposez-vous. Usez du peu que nous avons :
L'aide des dieux a fait que nous le conservons :
Usez-en. Saluez ces pénates d'argile :
Jamais le ciel ne fut aux humains si facile ,
Que quand Jupiter même étoit de simple bois " ;
1. PAR. Cette préposition, venant du latin per, est quelquefois synonyme
de pendant.
2. RÉPUBLIQUE, État, cité (civitus) . -
— Ovide :
Nec refert dominos illic famulosque requiras ;
Tota domus duo sunt ; idem parentque jubentque. (Ibid. 636.)
3. GRÉ, reconnaissance, gratitude. Voy. p. 19, note 9.
4. ENGEANCE. Mot toujours pris en mauvaise part. Voy. p. 26 , note 3.
-Abolir vient du latin abolere, qui s'appliquait aux personnes et aux
choses. Abolir s'emploie plus ordinairement en parlant des choses. Ce
terme est d'ailleurs poétique et d'une grande énergie. Il signifie détruire
jusqu'à la dernière trace, anéantir.
- 5. L'ÉLOQUENCE. Mercure, messager ordinaire du maître des dieux
6. PELERINS. Ce mot vient de l'italien peregrino et du latin peregrinus,
qui signifient voyageur, étranger. Il s'entend particulièrement des voyages
de dévotion.
7. UN SEUL NE . L'omission de pas est assez fréquente dans les vers
d'un style simple et familier :
Non, je ne veux du tout vous voir ni vous entendre.
(MOLIÈRE, A. , 11, 6. )
8. MAISON. - Ovide :
Jupiter huc, specie mortali, cumque parente
Venit Atlantiades positis caducifer alis.
Mille domos adiere, locum requiemque petentes :
Mille domos clausere seræ ; tamen una recepit,
Parva quidem , stipulis et canna texta palustri. (Ibid. , 626.)
9. Bois. Réflexion fréquente dans Sénèque le philosophe et dans les
auteurs de son siècle : Fictilibus diis crevit hoc imperium. »
364 PHILÉMON
Depuis qu'on l'a fait d'or, il est sourd à nos voix.
Baucis , ne tardez point, faites tiédir cette onde ¹ :
Encor que le pouvoir au désir ne réponde ,
Nos hôtes agréeront les soins qui leur sont dus.
3
Quelques restes de feu sous la cendre épandus
D'un souffle haletant par Baucis s'allumèrent ;
Des branches de bois sec aussitôt s'enflammèrent.
L'onde tiède , on lava les pieds des voyageurs.
Philémon les pria d'excuser ces longueurs :
Et pour tromper l'ennui d'une attente importune,
Il entretint les dieux, non point sur 5 la fortune ,
Sur ses jeux, sur la pompe et la grandeur des rois ,
Mais sur ce que les champs , les vergers et les bois
Ont de plus innocent, de plus doux , de plus rare.
Cependant par Baucis le festin se prépare.
La table où l'on servit le champêtre repas
Fut d'ais non façonnés à l'aide du compas :
Encore assure-t-on , si l'histoire en est crue,
Qu'en un de ses supports le temps l'avoit rompue.
Baucis en égala les appuis chancelants
Du débris d'un vieux vase, autre injure des ans 6 .
Un tapis tout usé couvrit deux escabelles :
Il ne servoit pourtant qu'aux fêtes solennelles .
Le linge orné de fleurs fut couvert, pour tous mets,
D'un peu de lait , de fruits , et des dons de Cérès.
Les divins voyageurs , altérés de leur course,
1. ONDE. - Ovide :
Inde foco tepidum cinerem dimovit, et ignes
Suscitat hesternos, foliisque et cortice sicco
Nutrit, et ad flammas anima perducit anili,
Multifidasque faces ramaliaque arida tecto
Detulit, et minuit, parvoque admovit aheno. (Ibid., 641.)
2. ENCOR QUE, quoique. Voy. p. 1 , note 3.
3. EPANDUS, dispersés. Voy. p. 221 , note 3. - Par Baucis, grâce à
Baucis . En latin, per Baucim.
4. TIEDE. Sorte d'ablatif absolu, à la manière des Latins : dès que l'onde
fut tiède.
5. SUR. En latin de, au sujet de, touchant, etc. On dit parler sur, ct
non entretenir sur. — Ovide :
Interea medias fallunt sermonibus horas,
Sentirique moram prohibent. (Ibid., 651.)
6. ANS. - Ovide :
Mensam succincta tremensque
Ponit anus. Mensa sed erat pes tertius impar :
Testa parem fecit. (Ibid., 660.)
7. ESCABELLES, petits siéges de bois carrés dont on se servait autre
fois pour s'asseoir à table. - Ovide :
Membra senex posito jussit relevare sedili ;
Quo superinjecit textum rude sedula Baucis. (Ibid., 639.
ET BAUCIS. 365
Mêloient au vin grossier le cristal d'une source.
Plus le vase versoit , moins il s'alloit¹ vidant.
Philémon reconnut ce miracle évident ;
Baucis n'en fit pas moins : tous deux s'agenouillèrent ;
A ce signe d'abord leurs yeux se dessillèrent.
3
Jupiter leur parut avec ces noirs sourcis
Qui font trembler les cieux sur leurs pôles assis.
Grand Dieu, dit Philémon , excusez notre faute :
Quels humains auroient cru recevoir un tel hôte?
Ces mets, nous l'avouons, sont peu délicieux
Mais , quand nous serions rois , que donner à des dieux ?
5
C'est le cœur qui fait tout : que la terre et que l'onde
Apprêtent un repas pour les maîtres du monde :
Ils lui préféreront les seuls présents du cœur.
Baucis sort à ces mots pour réparer l'erreur.
Dans le verger couroit une perdrix privée ,
Et par de tendres soins dès l'enfance élevée ;
Elle en veut faire un mets , et la poursuit en vain :
7
La volatille échappe à sa tremblante main ;
Entre les pieds des dieux elle cherche un asile.
Ce recours à l'oiseau ne fut pas inutile :
Jupiter intercède ³ . Et déjà les vallons
Voyoient l'ombre en croissant tomber du haut des monts 9.
1. S'ALLOIT VIDANT .Nous avons remarqué très-souvent que dans ces sortes
de phrases le pronom personnel , dans les écrivains du xvir siècle, se place
avant le premier verbe, et non avant le second. Voy. p. 14, notes 3 et 5.
2. D'ABORD, aussitôt. Sens fréquent de ce mot dans les écrivains classiques.
3. SOURCIS, pour sourcils. -Assis. Belle imitation de ces vers d'Ilorace :
Reges in ipsos imperium est Jovis...
Cuncta supercilio moventis. ( Odes, III , 1 , 6 et 8.)
4. DÉLICIEUX. - Övide :
Interea, quoties haustum cratera repleri
Sponte sua, per seque vident succrescere vina,
Attoniti novitate pavent, manibusque supinis
Concipiunt Baucisque preces timidusque Philemon,
Et veniam dapibus nullisque paratibus orant. (Ibid., 679.)
5. CŒUR. Belle pensée inspirée par Ovide :
Super omnia vultus
Accessere boni, nec iners pauperque voluntas. (Ibid. , 677.)
6. PERDRIX. Dans le récit d'Ovide, c'est une oie. La Fontaine a rejeté
l'oie comme trop peu poétique en français.
7. LA VOLATILLE. C'est ici le terme propre, volatille désignant les pe-
tites espèces d'oiseaux bonnes à manger. Voy. p. 336, note 5.
8. INTERCEDE. - Ovide :
Unicus anser erat , minima custodia villæ,
Quem Dis hospitibus domini mactare parabant:
Ille celer penna tardos ætate fatigat,
Eluditque diu : tandemque est visus ad ipsos
Confugisse Deos. Superi vetuere necari. (Ibid., 684.)
9. MONTS. Virgile :
Majoresque cadunt altis de montibus umbræ. (Eglog.1, 83.)
366 PHILEMON
Les dieux sortent enfin, et font sortir leurs hôtes.
De ce bourg, dit Jupin , je veux punir les fautes :
Suivez-nous¹ . Toi , Mercure, appelle les vapeurs,
O gens durs ! vous n'ouvrez vos logis ni vos cœurs !
Il dit et les autans troublent déjà la plaine.
Nos deux épour suivoient, ne marchant qu'avec peine ;
Un appui de roseau soulageoit leurs vieux ans :
Moitié secours des dieux, moitié peur, se hâtants
Sur un mont assez proche enfin ils arrivèrent * .
A leurs pieds aussitôt cent nuages crevèrent .
Des ministres du dieu les escadrons 5 flottants
Entraînèrent, sans choix, animaux , habitants,
Arbres , maisons, vergers , toute cette demeure ;
Sans vestiges du bourg, tout disparut sur l'heure " .
8
Les vieillards déploroient ces sévères destins.
Les animaux périr ! car encor les humains ,
Tous avoient dû tomber sous les célestes armes :
Baucis en répandit en secret quelques larmes .
Cependant l'humble toit devient temple, et ses murs
1. SUIVEZ -NOUS. Ovide :
Dique sumus ; meritasque luet vicinia pœnas
Impia, dixerunt. Vobis immunibus hujus
Esse mali dabitur ; modo vestra relinquite tecta,
Ac nostros comitate gradus, et in ardua montis
Ite simul. (Ibid., 689.)
2. AUTANS, vents orageux midi. Expression propre à la poésie.-
Troublent. C'est le miscent desduLatins :
Interea magno misceri murmure cœlum
Incipit. (VIRGILE, Enéide, iv, 160.)
3. SE HATANTS. Sur cet accord du participe présent, voy. p. 53, note 3.
4. ARRIVERENT . Ovide :
Parent, et Dis præeuntibus, ambo
Membra levant baculis, tardique senilibus annis
Nituntur longo vestigia ponere clivo. (Ibid. , 695.)
5. ESCADRONS FLOTTANTS. Qu'est-ce que ces escadrons ? Les nuages, di-
sent les commentateurs. Ne seraient-ce point plutôt les autans, ministres
du dieu ? Cette expression répondrait parfaitement à celle d'Horace, qui
dit de l'Eurus qu'il s'élance comme un coursier sur la mer.
Ceu flamma per tædas, vel Eurus
Per Siculas equitavit undas. (Odes, IV, III, vers 43. Edit. class .)
6. DEMEURE. Ce mot aujourd'hui ne désigne qu'une seule habitation,
et ne s'emploie plus avec le sens collectif de séjour, lieu, endroit habité,
ville ou village . Ici il correspond au latin sedes.
7. L'HEURE. Au lieu de cette description, Ovide se borne à dire :
Tantum aberant summo quantum semel ire sagitta
Missa potest flexere oculos , et mersa palude
Cetera prospiciunt, tantum sua tecta manere. (Ibid., 698. )
8. SÉVÈRES . Epithète souvent employée en latin et dans le français
elassique avec un sens plus énergique que celui qu'elle paraît exprimer .
(phigénie dit de l'oracle qui la condamne à mourir :
Ni qu'en me l'arrachant un sévère destin
Si près de ma naissance en eût marqué la fia.
( RACINE. Iph., a. IV, sc. 4. ) ·
ET BAUCIS. 367
Changent leur frêle enduit aux marbres les plus durs.
De pilastres massifs les cloisons revêtues *
En moins de deux instants s'élèvent jusqu'aux nues '.
Le chaume devient or, tout brille en ce pourpriss + :
Tous ces événements sont peints sur le lambris ".
Loin, bien loin les tableaux de Zeuxis et d'Apelle !
Ceux-ci furent tracés d'une main immortelle.
Nos deux époux , surpris , étonnés , confondus8,
Se crurent, par miracle, en l'Olympe rendus .
Vous comblez, dirent-ils , vos moindres créatures :
Aurions-nous bien le cœur et les mains assez pures
Pour présider ici sur les honneurs divins ,
Et prêtres vous offrir les vœux des pèlerins ?
Jupiter exauça leur prière innocente.
Hélas ! dit Philémon , si votre main puissante
Vouloit favoriser jusqu'au bout deux mortels,
Ensemble nous mourrions en servant vos autels ;
Clothon feroit d'un coup ce double sacrifice ;
1. Aux. Encore une tournure latine conservée par les poëtes français . Les
Latins, dans ces phrases, mettaient l'ablatif, qui est ici traduit par auz :
Chaoniam pingui glandem mutavit arista. (VIRG., Géorg., I, 8.)
Peut-être avant la nuit l'heureuse Bérénice
Change le nom de reine au nom d'impératrice. (Rac., Bér., 1, 3. )
Et des rois les plus grands m'offrit-on le pouvoir,
Je n'y changerois pas le bien de vous avoir. (MOL. Mél., II , 3.)
2. REVÊTUES. Expression juste, car les pilastres ne sont pas détachés
des cloisons , mais y sont adhérents, y font saillie et servent d'ornements.
3. NUES. Ovide :
Illa vetus, dominis etiam casa parva duobus,
Vertitur in templum ; furcas subiere columnæ ;
Stramina flavescunt ; adopertaque marmore tellus ;
Cælatæque fores, aurataque tecta videntur. (Ibid. , 699.)
4. POURPRIS, cette enceinte. Vieux mot qui signifiait enclos, clôture et
limites de châteaux, de manoirs, d'églises.
5. LE LAMBRIS. On appelle lambris le plafond peint et orné d'un salon
ou d'une pièce de réception. Ce mot désigne aussi les ornements en me-
nuiserie ou en bois peint qui recouvrent les murs jusqu'à une certaine hau-
teur. Les chapelles, dans les églises, out des lambris ornés de tableaux..
(TRÉVOUX.)
6. APELLE. Zeuxis et Apelle sont des peintres grecs très-célèbres. Zeuxis,
né à Héraclée dans la Grande-Grèce, vécut de 475à 400 av. J.-C. - Apelle,
né dans l'ile de Cos, florissait vers 332 av. J.-C. Alexandre voulut que lui
seul fit son portrait.
7. ETONNES est beaucoup plus énergique que surpris. Il indique que la
surprise est mêlée d'effroi, et se rapproche beaucoup d'étourdi ou d'épou
vanté. (En latin, attonitus.)
8. RENDUS, transportés :
Sans reculer plus loin l'effet de ma parole,
Jevousrends dans trois mois au pied du Capitole. (RAC., Mit., III, 3.)
9. SUR. Avec présider, on met à. Cependant le xvII siècle employait
quelquefois sur, parce que présider - indique la préséance et l'autorité qu'on
à sur quelqu'un ou quelque chose. Il faut que la bienséance préside
sur toutes nos vertus. (Abbé de BELLEGARDE, mort en 1734.)
368 PHILEMON
D'autres mains nous rendroient un vain et triste office .
Je ne pleurerois point celle-ci , ni ses yeux
Ne troubleroient non plus de leurs larmes ces lieux.
Jupiter à ce vœu fut encor favorable¹ .
Mais oserai-je dire un fait presque incroyable ?
Un jour qu'assis tous deux dans le sacré parvis
Ils contoient cette histoire aux pèlerins ravis ,
La troupe à l'entour d'eux debout prêtoit l'oreille ;
Philémon leur disoit : Ce lieu plein de merveille
N'a pas toujours servi de temple aux immortels :
3
Un bourg étoit autour ennemi des autels ,
Gens barbares, gens durs, habitacle d'impies ;
Du céleste courroux tous furent les hosties 5.
Il ne resta que nous d'un si triste débris " :
Vous en verrez tantôt la suite en nos lambris ;
Jupiter l'y peignit. En contant ces annales ,
Philémon regardoit Baucis par intervalles ;
1. FAVORABLE. -- Ovide :
Talia quum placido Saturnius edidit ore :
Dicite, juste senex, et femina conjuge justo
Digna, quid optetis. Cum Baucide pauca locutus
Judicium superis aperit commune Philemon :
Esse sacerdotes, delubraque vestra tueri
Poscimus ; et quoniam concordes egimus annos,
Auferat hora duos eadem, nec conjugis unquam
Busta meæ videam, neu sim tumulandus ab illa. ■
Vota fides sequitur. Templi tutela fuere
Donec vita data est. (Ibid., 703.)
2. A L'ENTOUR DE. « On ne voit pas pourquoi cette locution a été pros-
crite, ni sur quelle autorité suffisante. Entour est un substantif, puisqu'il
y a un pluriel : les entours de quelqu'un. A l'entour, soit qu'on l'écrive
en deux mots ou en un, n'est pas plus un adverbe que à la hauteur de,
à la veille de, etc. (M. GÉNIN .) Les voilà tous à l'entour de lui ;
courage ! ferme ! (MOLIÈRE, Pr. d'El., int. I, sc. 4. )
3. AUTOUR est ici adverbe. Dans l'origine, autour et à l'entour s'em-
ployaient indifféremment, et servaient d'adverbes et de prépositions. Ce
sont les grammairiens modernes qui ont dit : ne pas confondre autour
avec à l'entour.
4. HABITACLE, séjour. Ce mot, tiré du latin habitaculum, s'emploie de
deux manières, ou bien ironiquement dans le sens de petites et chétive
maison : « Vous avez là un méchant habitacle. L'habitacle des démons. »
Ou bien il seprend dans un sens religieux, comme dans l'Ecriture sainte :
L'habitacle du Très-Haut ; les habitacles éternels. Le Louvre an-
cien temple et habitacle des roys de France. (Satire Ménippée.)
5. HOSTIES, du latin hostia , victimes. Terme aujourd'hui inusité en
poésie, et qui même du temps de la Fontaine était banni du style soutenu
et relevé.
6. DEBRIS. Sur ce mot employé au singulier, voy. p. 113, note 6.
7. LA SUITE, l'exposé, le développement (series). · Ainsi les histoires
particulières représentent la suite des choses qui sont arrivées à un peuple
dans tout leur détail. (BossUET, Disc. sur l'hist. univ., Av.-prop.)
J'ai de votre discours assez souffert la suite. (MOL., D. G., v, 5.)
8. ANNALES. Terme un peuinexact. Histoire est quelquefois pris comme
synonyme de choses arrivées, événements ; il n'en est pas ainsi d'annales.
La Fontaine a pris ici conter comme synonyme d'exposer.
I
ET BAUCIS . 369
Elle devenoit arbre, et lui tendoit les bras :
Il veut lui tendre aussi les siens , et ne peut pas.
Il veut parler, l'écorce a sa langue pressée¹ .
L'un et l'autre se dit adieu de la pensée ;
Le corps n'est tantôt plus que feuillage et que bois.
D'étonnement la troupe, ainsi qu'eux , perd la voix.
Même instant, même sort à leur fin les entraîne ;
Baucis devient tilleul , Philémon devient chêne ' .
On les va voir encore, afin de mériter
Les douceurs qu'en hymen Amour leur fit goûter.
Ils courbent sous le poids des offrandes sans nombre * .
Pour peu que des époux séjournent sous leur ombre,
Ils s'aiment jusqu'au bout, malgré l'effort des ans.
Ah ! si... Mais autre part j'ai porté mes présents.
Célébrons seulement cette métamorphose.
De fidèles témoins m'ayant conté la chose ,
Clio me conseilla de l'étendre 8 en ces vers ,
Qui pourront quelque jour l'apprendre à l'univers.
Quelque jour on verra chez les races futures ,
Sous l'appui d'un grand nom passer ces aventures.
Vendôme, consentez au los que j'en attends ;
Faites-moi triompher de l'Envie et du Temps :
Enchaînez ces démons ; que'10 sur nous ils n'attentent,
1. A SA LANGUE PRESSÉE. Sur cette tournure, voy. p. 285, note 2.
2. TANTOT, bientôt, à l'instant. Cet adverbe ne s'emploie ainsi que dans
le langage familier.
3. CHENE. - Ovide :
Annis ævoque soluti
Ante gradus sacros quum starent forte , locique
Inciperent casus, frondere Philemona Baucis,
Baucida conspexit senior frondere Philemon.
Jamque super gelidos crescente cacumine vultus,
Mutua , dum licuit, reddebat dicta : Valeque,
O conjux, > dixere simul ; abdita texit
Ora frutex. (Ibid., 719.)
4. SANS NOMBRE. -Ovide :
Ostendit adhuc Tyaneius illic
Incola de gemino vicinos corpore truncos...
Equidem pendentia vidi
Serta super ramos : ponensque recentia dixi :
Cura pii Dis sunt, et qui coluere coluntur. » (Ibid. , 719.)
5. AH ! SI... Allusion à ses chagrins domestiques.
6. LA CHOSE, l'événement, rem. - Ovide :
Hæc mihi non vani (neque erat cur fallere vellent)
Narravere senes. (Ibid., 714.)
7. CLIO, muse de l'histoire.
8. ETENDRE, développer, conter au long. De là l'expression : s'étendre
sur un fait.
9. Los, gloire. Voy. p. 353, note 2, dans les vers citês de Voiture.
10. QUE... NE, afin que... ne... — Molière :
Entrez dans cette porte,
Et sans bruit ayez l'œil que personne n'en sorte. ( E. M. , 111 , 5.)
370 PHILEMON ET BAUCIS .
Ennemis des héros et de ceux qui les chantent.
Je voudrois pouvoir dire en un style assez haut
Qu'ayant mille vertus vous n'avez nul défaut.
Toutes les célébrer seroit œuvre infinie ;
L'entreprise demande un plus vaste génie :
Car quel mérite enfin ne vous fait estimer ?
Sans parler de celui qui force à vous aimer.
Vous joignez à ces dons l'amour des beaux ouvrages ;
Vous y joignez un goût plus sûr que nos suffrages ;
Don du ciel , qui peut seul tenir lieu des présents
Que nous font à regret le travail et les ans.
Peu de gens élevés , peu d'autres encor même¹ 9,
Font voir par ces faveurs que Jupiter les aime *.
Si quelque enfant des dieux les possède , c'est vous ;
Je l'ose dans ces vers soutenir devant tous.
Clio, sur son giron , à l'exemple d'Homère " ,
Vient de les retoucher , attentive à vous plaire :
On dit qu'elle et ses sœurs , par l'ordre d'Apollon,
Transportent dáns Anet 6 tout le sacré vallon :
Je le crois. Puissions-nous chanter sous les ombrages
Des arbres dont ce lieu va border ses rivages !
Puissent-ils tout d'un coup élever leurs sourcis " ,
Comme on vit autrefois Philémon et Baucis !
Passe, mon pauvre ami, crois-moi,
Que quelqu'un ici ne t'écoute. (Á., III, 2.)
-Sors vite, que je ne t'assomme. » (Av. 1, 3.) .
1. ENCORE MEME. Vers prosaïque et louche : Peu d'hommes dans les
conditions élevées, et même dans tous les rangs de la société, quels qu'ils
soient..
2. AIME. Expression de Virgile :
Pauci quos æquus amavit
Jupiter, aut ardens evexit ad æthera virtus,
Dis geniti, potuere . (En., vi, 129.)
3. ENFANTS DES DIEUX. Les enfants des dieux, pour ainsi dire, se tirent
des règles de la nature,et en sont comme l'exception. Ils n'attendent presque
rien du temps et des années. Le mérite chez eux devance l'âge. Ils naissent
instruits, et ils sont plus tôt des hommes parfaits que le commun des hom-
mes ne sort de l'enfance. (LA BRUYÈRE, Du mérite personnel.)
4. GIRON, sur ses genoux. C'est l'espace compris entre la ceinture et les
genoux (gremium). Les filles de Darius prisonnières étaient couchées
dans le giron de leur grand'mère. (VAUGELAS.) - Cette expression est
bannie du style noble Mais on dit encore le giron de l'Eglise.
5. HOMÈRE. La Fontaine fait allusion à ce vers de l'Anthologiegrecque,
développé par Boileau : Je chantais, Homère écrivait. Ce vers est dans
la bouche d'Apollon, qui, voulant s'attribuer la gloire de l'Iliade et de
l'Odyssée, prétend qu'il les a dictées, et que le poète n'a été que son se-
crétaire. (Voy. BOILEAU, Poés. div. , n° xvII.)
6. ANET, résidence du duc de Vendôme ; château situé à 15 kil. N.-E.
de Dreux. Il avait été construit par ordre de Henri II pour Diane de Poi-
tiers. Il fut détruit en 1792.
7. SOURCIS, pour sourcils. Leur sourcis, c'est leur sommet, leurs têtes.
On dit en poésie : une roche sourcilleuse, c'est-à-dire très-élevée .
TABLE ALPHABÉTIQUE
DES FABLES .
Pages. Pages.
Aigle (1') et l'Escarbot. 39 Chat (le vieux) et la jeune 324
Aigle (1') et le Hibou. 127 Souris.
Aigle (l') , la Laie et la Chatte. 66 Chatte (la) métamorphosée
332 en femme . 51
Aigle (1 ) et la Pie. Chauv e-Souris ( la ) et les
Alouette(1') et ses Petits, avec deux Belettes . 36
le Maître d'un champ. 108
206 Chauv e -Souris (la) , le Buis-
Amis (les deux). son et le Canard . 326
Amour (1' ) et la Folie. 339 29
Ane (l' ) et le Chien. 217 Chêne (le) et le Roseau .
Cheva l (le ) s'étant voulu
Ane (1 ) chargé d'éponges, et venger du Cerf. 98
l'Ane chargé de sel. 42 147
Ane (l') et le petit Chien. 86 Cheval (le) et l'Ane. 119
Ane (1' ) et ses Maîtres. 142 Cheval (le) et le Loup. 322
Ane (1 ) portant des reliques . 124 Chèvres (les deux).
Ane (1 ) vêtu de la peau du Chien (le) qui lâche sa proie
130 pour l'ombre . 148
Lion.
Animal (un) dans la Lune. 187 Chien (le) es à qui on a coupé
les oreill . 278
Animaux (les) malades de la
peste. 158 Chien (le) qui porte à son cou
le diner de son maître. 200
Araignée (l') et l'Hirondelle . 276
Astrologue ( 1' ) qui se laisse Chiens (les 2) et l'Ane mort. 228
252
tomber dans un puits. 44 Cierge (le). 2
Avantage (1') de la Science . 220 Cigale (la) et la Fourmi. 171
Avare(1 )qui a perdu son trésor 105 Coche (le) et la Mouche.
Cochet (le) , le Chat et le Sou-
Aventuriers (les deux) et le riceau. 136
Talisman . 286
Bassa (le) et le Marchand. 218 Cochon (le), la Chèvre et le 207
Belette (la) entrée dans un Mouton .
be (la) et la Fourmi . 43
grenier. 76 Colom
Comba t (le) des Rats et des
Berger (le) et la Mer. 82 87
Berger (le) et le Roi. 279 Belettes .
Berger (le) et son Troupeau . 259 Compa gnons (les) d'Ulysse. 315
33
Besace (la). 9 Conseil tenu par les Rats.
Contre ceux qui ont le goût
Bücheron (le) et Mercure. 111 325 difficile. 31
Cerf (le) malade. 26
Coq ( le) et
Cerf(le) se voyant dans l'eau . 140 Coq (le) et le Renard . la Perle. 48
Cerf (le) et la Vigne. 124 178
Chameau (le ) et les Bâtons Coqs (les deux).
flottants. 92 Corbeau (le) voulant imiter 49
Charlatan (le). 149 l'Aigle.
Chartier (le) embourbé . 148 Corbeau (le) et le Renard .
au (le), la Gazelle, la
Chat (le) et un vieux Rat. 77 Corbe
e
Tortu et le Rat. 340
Chat ( le), la Belette et le pe- 168
tit Lapin. 183 Cour (la) du Lion. 174
Chat (le)et les deux Moineaux . 319 Cygn Curé (le) et le Mort.
e (le) et le Cuisinier . 72
Chat ( le) et le Rat. 225 re 356
Chat (le) et le Renard . 254 Daphnis et Alcimadu .
372 TABLE ALPHABÉTIQUE.
Pages. Pages.
Démocrite et les Abdéritains. 230 Ingratitude( l') et l'injustice des
Dépositaire (le) infidèle. 235 Hommes envers la Fortune. 180
Devineresses (les). 181 Ivrogne (1 ) et sa Femme. 67
Dieux (les) voulant instruire Jardinier ( le) et son Seigneur. 85
un fils de Jupiter. 295 Juge ( le) arbitre, l'Hospitalier
Discorde (la). 151 et le Solitaire. 359
Dragon(le) à plusieurstêtes et Jupiter et le Métayer. 135
le Dragon à plusieurs queues. 16 Jupiter et le Passager. 253
Ecolier (1 ) , le Pédant et le Jupiter et les Tonnerres. 221
Maître d'un jardin. 243 Laboureur (le) et ses Enfants . 120
Ecrevisse (1 ) et sa fille. 331 Laitière (la) et le Potau lait. 172
Education (1 ) . 227 Lapins (les). 288
Eléphant (l') et le Singe de Lice (la) et sa compagne. 38
Jupiter. 349 Lièvre (le) et les Grenouilles. 46
Enfant(l')et le Maitre d'école. 25 | Lièvre (le) et la Perdrix. 125
Enfouisseur (l') et son Com- Lièvre (le) et la Tortue. 141
père. 274 Ligue (la) des Rats. 355
Faucon (le) et le Chapon. 224 Lion (le). 293
Femme (la) noyée. 75 Lion (le) et l'Ane chassant. 53
Femmes (les) et le Secret. 199 Lion (le) et le Chasseur. 133
Fermier (le), le Chien et le Lion(le),le Loup et le Renard. 194
Renard. 297 Lion (le) et le Moucheron. 40
Fille (la), 164 Lion (le ) et le Rat. 43
Forêt ( la) et le Bûcheron. 344 Lion (le), le Singe et les deux
Fortune(la)etle jeune Enfant. 122 Ane s. 301
Fou (le) quivend la Sagesse. 248 Lion (le) abattu par l'Homme. 71
Fou (un) et un Sage. 350 Lion (le) amoureux. 80
Frelons ( les) et les Mouches Lion (le) devenu vieux. 74
à miel. 27 Lion (le) malade et le Renard. 145
Geai (le) paré des plumes du Lion( le) s'en allant en guerre. 128
Paon. 92 Lionne (la) et l'Ourse. 285
Génisse (la),laChèvreet laBre- Loup (le) et l'Agneau. 14
bis en société avec le Lion . 8 Loup (le) devenu Berger. 62
Gland (le) et la Citrouille. 242 Loup (le) et les Bergers. 275
Goutte (la) et l'Araignée. 69 Loup (le) et le Chasseur.. 232
Grenouille(la)qui veut se faire Loup (le), la Chèvre et le
aussi grosse que le Bœuf. 5 Chevreau. 99
Grenouille (la) et le Rat. 93 Loup (le) et le Chien. 6
Grenouilles ( les) qui deman- Loup (le ) et le Chien maigre. 250
dent un Roi. 64 Loup (le) et la Cigogne. 76
Héron (le). 163 Loup (le), la Mère et l'Enfant. 101
Hirondellé ( ') et les petits Loup (le) et le Renard. 304
Oiseaux. 10 Loup (le ) plaidant contre le
Homme (1 ) et la Couleuvre. 268 Renard, par-devant le Singe . 34
Homme (1 ) et l'Idole de bois. 91 Loups (les) et les Brebis. 73
Homme (1 ) et son Image. 15 Mal (le) marié. 160
Homme (1 ) et la Puce. 198 Marchand (le ) , le Gentilhom-
Homme (1 ) entre deux âges , me , le Pâtre et le Fils de Roi. 290
et ses deux Mattresses. 23 Médecins (les). 123
Homme (l' ) qui court après la Membres (les) et l'Estomac. 61
Fortune, et l'Homme qui Meunier(le), son Fils et l'Ane. 58
l'attend dans son lit. 176 Milan(le) ,leRoi et le Chasseur. 333
Horoscope (l'). 213 Milan (lé) et le Rossignol. 258
Huitre (l') et les Plaideurs. 249 Montagné (la) qui accouche. 121
TABLE ALPHABÉTIQUE. 373
Pages. Pages.
Mort (la) et le Bûcheron. 22 Renard (le) et la Cigogne. 24
Mort (la) et le Malheureux. 21 Renard (le), le Loup et le
Mort (la) et le Mourant. 190 Cheval. 345
Mouche (la) et la Fourmi. 83 Renard (le) , les Mouches et
Mulet (le) se vantant de sa le Hérisson. 337
généalogie. 139 Renard (le) et les Poulets
Mulets (les deux). d'Inde. 346
Obsèques (les) de la Lionne. 211 Renard (le) et les Raisins . 71
Eil (l') du Maître. 107 Renard (le) , le Singe et les
Oiseau (l') blessé d'une flèche . 37 Animaux. 138 •
Oiseleur (l'), l'Autour et l'A- Rien de trop . 251
louette. 146 Rieur (le) et les Poissons. 201
Oracle (l') et l'Impie. 104 Satyre (le) et le Passant. 118
Oreilles (les) du Lièvre. 115 Savetier (le) et le Financier. 192
Ours (1 ) et l'Amateur des Serpent (le) et la Lime. 125
jardins. 204 Simonide préservé par les
Ours (1') et les deux Compa- dieux. 18
gnons. 129 Singe (le) . 347
Paon(le)se plaignant à Junon. 50 Singe (le) et le Chat. 257
Parole de Socrate. 102 Singe (le) et le Dauphin. 89
Pâtre (le) et le Lion. 132 Singe (le) et le Léopard. 241
Paysan (le) du Danube. 305 Solčil ( le) et les Grenouilles. 144
Perdrix (la) et les Coqs. 277 Soleil (le) et les Grenouilles . 354
Perroquets (les deux) , le Roi Songe (le) d'un habitant du
et son Fils. 283 Mogol. 300
Phébus et Borée. 134 Souhaits (les). 166
Philémon et Baucis. 362 Souris (la) métamorphosée
Philomèle et Progné. 74 en Fille. 245
Philosophe (le) scythe. 347 Souris (la) et le Chat-Huant. 310
Pigeons (les deux). 238 Statuaire (le) et la Statue de
Poisson (le petit) et le Pê- Jupiter. 244
cheur. 114 Taureaux (les deux) et la Gre-
Poissons (les) et le Berger nouille. 35
qui joue de la flûte. 281 TestamentexpliquéparEsope. 54
Poissons (les) et le Cormoran. 272 Tête (la) et là Queue du Ser-
Pot(le)de terre et le Pot de fer. 113 pent. 185
Poule (la) aux oeufs d'or . 123 Thésauriseur ( le) et le Singe . 320
Pouvoir (le) des Fables. 195 Tircis et Amarante. 208
Querelle (la) des Chiens et Torrent (le ) et la Rivière. 227
les Chats, et celle des Chats Tortue (la) et les deux Ca-
et des Souris. 327 nards. 271
Rat (le) et l'Eléphant. 212 Trésor(le) et lesdeuxHommes 255
Rat ( le) et l'Huitre. 203 Tribut envoyé par les Ani-
Rat (le) de ville et le Ratdes maux à Alexandre. 95
champs. 12 Vautours (les) et les Pigeons. 169
Rats ( les deux) , le Renard et Veuve (la jeune). 152
l'Euf. 261 Vieillard (le ) et l'Ane. 139
Rat (le) qui s'est retiré du Vieillard (le ) et ses Enfants. 103
monde. 162 Vieillard ( le) et les trois jeu-
Renard (le) Anglois . 351 nes Hommes. 308
Renard (le) qui a la queue Vieille (la) et les deux Ser-
coupée. 116 vantes. 117
Renard (le) et le Bouc. 65 Villageois (le) et le Serpent. 144
Renard le) et le Buste. 99 Voleurs (les) et l'Ane. 17
FIN DE LA TABLE ALPHABÉTIQUE.
PY
ER
TABLE DES MATIÈRES
Pages.
AVERTISSEMENT I
VIE DE LA FONTAINE .... III
ESSAI SUR LA FABLE ET LES FABULISTES . VIII
JUGEMENTS SUR LE STYLE DE LA FONTAINE.. XII
EPITRE A MONSEIGNEUR LE DAUPHIN.. XV
PRÉFACE DE LA FONTAINE .. XVII
LA VIE D'ESOpe le PhryGIEN XXI
A Monseigneur LE DAUPHIN. 1
LIVRE PREMIER ... 3
LIVRE DEUXIÈME 31
LIVRE TROISIÈME . 58
LIVRE QUATRIÈME 80
LIVRE CINQUIÈME .. 111
LIVRE SIXIÈME.. 132
EPILOGUE..... 154
AVERTISSEMENT . 155
A MADAME DE MONTESPAN 156
LIVRE SEPTIÈME 158
LIVRE HUITIÈME 190
LIVRE NEUVIÈME . 235
LIVRE DIXIÈME.. 261
LIVRE ONZIEME 293
EPILOGUE .. 312
A MONSEIGNEUR LE DUC DE Bourgogne . 313
LIVRE DOUZIÈME ........ 315
A MONSEIGNEUR LE DUC DE Bourgogne.. 323
PHILÉMON ET BAUCIS ....... 362
TABLE ALPIIABÉTIQUE DES FABLES . 871
C 122538
e
i
B
MÊME LIBRAIRIE
Envoi franco au reçu du prix en un mandat-poste.