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Différents groupes sont évoqués dans le film. Les plus logiques sont évidemment les
groupes mafieux. Des triades chinoises au XIXe siècle à Cosa Nostra, la mafia sicilienne
un siècle plus tard, les mafias misent grandement sur le narcotrafic pour se faire de
l’argent et ils n’hésitent pas à user de la violence pour s’imposer, les triades chinoises ont
participé au massacre de Shanghai en 1927 et Cosa Nostra a organisé sous ordre de Toto
Rina l’assasinat du juge Giovanni Falcone parmi de nombreuses autres victimes. On
retrouve également les cartels comme celui de Medellin en Colombie contrôlé par Pablo
Escobar ou celui de Guadalajara au Mexique contrôlé par Miguel Gallardo. Ces groupes
basent toute leur économie sur le trafic de drogue, ils s’enrichissent énormément et ont
souvent une mainmise sur l’État que ce soit par le biais de pots-de-vin, de menaces ou
même de représentation directe. C’est justement le cas de Pablo Escobar qui siégea au
parlement colombien en 1982. Les États peuvent donc eux aussi être complices du
narcotrafic, que ce soit en refusant l’extradition d’un baron de la drogue comme l’a
longtemps fait la Colombie pour Pablo Escobar, mais ça peut aussi être par le biais d’un
parti politique au pouvoir. C’est le cas du Parti Révolutionnaire Institutionnel (P.R.I), parti
unique au Mexique jusqu’en 2000 qui collabore grandement avec les cartels de drogue, le
film parle alors de Narco-État. Il est également indiqué que le premier Narco-État est la
Chine suite aux victoires britanniques aux Guerres de l’Opium. Cette drogue se trouve en
effet dans tous les aspects de la société en gagnant de plus en plus de consommateurs
qu’ils fassent partie de l’élite gouvernementale ou qu’ils soient membres des classes
populaires. Ce trafic fut donc institutionnalisé par la Chine jusqu’à la proclamation de la
République Populaire de Chine en 1959. Différents appareils d'État se retrouvent
également dans des affaires de narcotrafic. On peut citer l’exemple de la police de
Marseille qui par le biais de pots-de-vin laissait faire les barons de la drogue corse, mais
également les armées comme l’armée américaine dont les soldats participants à la Guerre
du Viêtnam (1955-1975) se droguaient régulièrement dû au trafic mené par les armées du
Sud-Viêtnam. Les services secrets sont aussi parfois coupables de narcotrafic, c’est le cas
des services secrets français avec l’opération X visant à vendre de l’opium pour financer
des opérations spéciales durant la Guerre d’Indochine (1946-1954). On retrouve
également des milices armées comme celles affiliés au Kuomintang en Chine ou les
FARC et les paramilitaires en Colombie. Le documentaire pointe également la présence
de différents acteurs qui combattent le narcotrafic comme le juge italien Giovanni Falcone
ou encore les activistes prohibitionnistes comme Harry Hanslinger. On retrouve aussi des
présidents ayant œuvré contre le trafic de drogue comme Richard Nixon qui fonda la Drug
Enforcement Administration (DEA), organisme chargé de lutter contre le trafic et la
distribution de drogue aux États-Unis.
Via ces acteurs au cours du XIXe et du XXe siècle jusqu’à aujourd’hui, le trafic de drogue
s’est développé afin de constituer un économie mondialisé. Les matières premières
nécessaires à la fabrication de la drogue sont cultivées dans des pays bien spécifiques et
spécialisés dans une culture précise. C’est le cas de la Colombie pour la feuille de coca ou
l’Afghanistan qui est à l’origine par sa production de pavot de 80 % de l’héroïne mondiale.
Leur transformation en drogue peut être effectuée dans ces pays mais peut aussi avoir
lieu au sein de laboratoires étrangers. Puis les cartels s’occupent de la distribution dans
les pays consommateurs. Le processus que suit ce trafic peut être comparé aux réseaux
économiques du monde actuel, avec une spécialisation de chacun des acteurs.
La « French connection » de 1930 à 1970 en est un bon exemple : le pavot venant de
Turquie est transformé à Marseille, avant d’être distribué notamment aux États-Unis par la
mafia corse.
Ces réseaux sont aujourd’hui capables de couvrir la majorité du monde, ce qui fait de la
drogue une ressource transfrontalière, présente dans le monde entier.
Sa production dépasse également les frontières puisque certaines des principales zones
de production sont à cheval sur plusieurs états, comme le croissant d’or s’étalant sur des
parties de l’Afghanistan, d’Iran et du pakistan, ou encore le triangle d’or présent en
Birmanie, Thaïlande et au Laos.
De plus, l’essor et la mondialisation du trafic de drogue est à mettre en parallèle avec la
libéralisation du monde et de son économie au cours du XXe siècle car si les échanges
légaux entre états sont facilités, il en va de même pour ceux illégaux. Par exemple, le
transit de cocaïne et de marijuana du Mexique vers les États-Unis profite de l’accord
Canada-Etats-Unis-Mexique, l’ACEUM, et du libre échange qu’il entraîne.
Le lien entre industrie pharmaceutique et drogue est direct. Ce sont les grands groupes
pharmaceutiques qui sont à l’origine de la création de la morphine à partir d’opium. Celle
ci est utilisée comme antidouleur en masse pour les soldats blessés de la première
Guerre Mondiale et les entreprises pharmaceutiques lancent donc une production à
grande échelle. C’est aussi par le biais de cette industrie, dans le but d’éliminer les effets
addictifs, que sont créées la cocaïne et l’héroïne. Cette dernière étant la création du
groupe Bayer. Ces médicaments sont vites réglementés, en 1914 aux États-Unis, et
deviennent des drogues extrêmement addictives.
Aujourd’hui encore la crise des opioïdes aux États-Unis est la cause de la
commercialisation d’antidouleurs à base d’opiacés par ces entreprises, notamment le
groupe Purdue. Les overdoses ayant causé la mort se comptent en centaines de milliers
sur le sol américain et les nouvelles drogues bien plus puissantes comme le Fentanyl font
maintenant partie du marché de la drogue.
Étant un secteur mobilisant une grande quantité d’argent, des firmes multinationales
jouent aussi un rôle dans le trafic de drogue. C’est le cas de grands groupes financiers
participant au blanchiment d’argent des cartels, comme HSBC, Rabobank ou encore
Wachovia. Cela consiste pour les cartels à faire circuler leur argent « sale » dans le
système financier afin de dissimuler son origine et d’échapper à son traçage par les
entités anti-drogue. Le groupe banquier HSBC est sûrement l’exemple le plus représentatif
car celle ci est fondée en 1865 à Hong Kong, récente colonie Britannique. Sa fondation
même s’inscrit à la suite des guerres de l’opium et l’une de ses fonctions principales est
donc de financer le trafic d’opium en Chine. Le groupe semble ne pas avoir oublié ses
premiers objectifs puisqu’il est aujourd’hui accusé de blanchiment d’argent de cartels
mexicains et même de leur financement.
Cette série documentaire aborde le sujet des trafics de drogue en mobilisant plusieurs
angles de vue et disciplines dont la géographie et l’économie. Son traitement est
intéressant car ce trafic peut être comparé aux échanges constituant l’économie
d’aujourd’hui par de nombreux aspects, comme les lieux géographiques, leur typologie ou
encore les acteurs mobilisés. Il est le reflet de la mondialisation du monde au cours du
XXe siècle malgré qu’il ai lieu de manière illicite et qu’il soit combattu par des agences
telles que la DEA. Le fait qu’il subisse des oppositions et qu’il s’y adapte illustre son
enracinement et son rôle important dans les flux et échanges économiques mondiaux.
Dans ce documentaire, l’histoire des trafics de drogue est présentée de manière générale
sur un grand nombre de ces aspects et des domaines qui lui sont liés : bien sûr la
géographie et l’économie mais également la politique, le système judiciaire, ou encore les
contextes sociaux avant et après l’arrivé du trafic ou des cartels. Il est dans la globalité
complet et traite de la plupart des évènements majeurs qui sont la cause de la situation
contemporaine également bien traitée. Si les conséquences du trafic sur les populations
du Mexique font le sujet d’une partie du dernier épisode, celle ci traite surtout des guerres
entre cartels, l’impact de la drogue sur les vies et les cultures des sociétés aurait pu être
plus détaillé, bien qu’abordé. Cela aurait pu faire mieux comprendre le fait que ce trafic
soit si important du fait qu’il y ait beaucoup de demande et expliquer les raisons de cette
forte demande. De plus, les conséquences de la drogue au sein des pays consommateurs
auraient pu également être l’objet d’un développement. Une brève histoire de la drogue,
présente depuis des siècles dans certaines sociétés aurait pu être pertinente, mais ce
n’est pas le sujet exact du documentaire et cela ne crée pas un manque grave. Si la crise
des opioïdes est évoquée en ouverture, celle-ci mériterait plus de lumière car elle a
causée l’arrivée de nouvelles drogues sur le marché et constitue une évolution majeure de
celui-ci.