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Sainte Thérèse de Lisieux : Une petite voie pour un immense Amour

S P I R I T U ALI TE

Dans quelques jours, nous partirons en pèlerinage à Lisieux, dans les lieux où Sainte
de Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte Face, consacrée par saint Pie X comme "la
plus grande sainte des temps modernes" a vécu, nous confiant à la prière de celle qui
a voulu "passer son ciel à faire du bien sur la terre" (DE). Mettons-nous déjà en
chemin sur les pas de cette jeune carmélite, dont la vie offerte à Dieu en un abandon
confiant à son Amour, nous montre que "vivre d’Amour" (P 17) est une chose
humainement possible...

Docteur de l’Eglise Universelle et Patronne des missions

En octobre 1997, pour le centenaire de "l’entrée dans la vie" (LT 244) de Thérèse, Jean-
Paul II la proclamait "Docteur de l’Eglise universelle" : "Son itinéraire spirituel ardent
montre tant de maturité et les intuitions de la foi exprimées dans ses récits sont si
vastes et si profonds, qu’ils lui méritent de prendre place parmi les grands maîtres
spirituels. (...)Thérèse est maîtresse de vie spirituelle par une doctrine, à la fois simple et
profonde, qu’elle a puisée aux sources de l’Évangile sous la conduite du Maître divin et
qu’elle a ensuite communiquée à ses frères et sœurs de l’Église d’une manière très
convaincante." (DAS)

Comment cette jeune religieuse carmélite sans grande formation théologique, décédée
à 24 ans de la tuberculose, a-t-elle pu mériter ce titre honorifique, réservé à ceux (33
seulement, dont elle est la plus jeune) qui ont particulièrement bien compris et mis en
valeur le message de l’évangile ?

Bien avant, en 1927, Pie XI, l’avait proclamée “Patronne toute spéciale des
missionnaires, hommes et femmes, existant dans le monde”, titre qui lui était conféré
“ à l’égal de saint François Xavier, avec tous les droits et privilèges
correspondants.”(AAS 20, 1928). En effet, Thérèse qui n’était jamais sortie du Carmel,
avait pourtant le désir ardent d’être missionnaire. "Jésus lui montra de quelle manière
elle pourrait vivre cette vocation : en pratiquant en plénitude le commandement de
l’amour, en étant plongée dans le cœur même de la mission de l’Eglise, en portant les
hérauts de l’Evangile avec la force mystérieuse de la prière et de la communion." (Jean-
Paul II)

Premiers pas d’une vocation

Depuis sa plus tendre enfance, Thérèse était douée d’une profonde vie intérieure et
d’une ouverture à la contemplation. "Je préférais m’asseoir seule sur l’herbe fleurie...
mon âme se plongeait dans une réelle oraison ... je comprenais qu’au ciel seulement la
joie serait sans nuage."(MA, 14v)
En 1882, à 10 ans, lorsque sa sœur Pauline entra au
Carmel, elle eut la certitude que "le carmel était le
désert dans lequel le Bon Dieu voulait que j’aille aussi
me cacher !" (MA, 26r). Et ce n’était pas pour elle une
fuite des souffrances et séparations que la vie lui
imposait, mais l’habitude de ne jamais dire non aux
désirs divins : "Je ne cessais de répéter au Bon Dieu que
c’était pour Lui tout seul que je voulais être carmélite"
(MA, 26 v)

Sa première communion fut mystique. "Ce fut un


baiser d’amour... une fusion... Jésus restait seul, Il était
le maître, le Roi" (MA, 35r). Sa confirmation lui donna
"la force de souffrir" (MA, 35v). La nuit de Noël 1886,
"en cette nuit où Jésus se fit faible et souffrant, il me rendit forte et courageuse ", la
débarrassant du "vilain défaut", une excessive sensibilité, qui la rendait "insupportable"
(MA, 44v). Mais plus encore, "Il fit de moi un pêcheur d’âme, je sentis un grand désir de
travailler à la conversion des pécheurs. ", écrivit-elle. "Je sentis la charité entrer dans
mon cœur, le besoin de m’oublier pour faire plaisir et depuis lors je fus heureuse ! " (MA,
45v)

Une nouvelle expérience mystique en juillet 1887, mena Thérèse de la crèche au pied
de la croix, où elle entendit le cri de Jésus : "J’ai soif !" "Ces paroles allumaient en moi
une ardeur inconnue et très vive... Je voulais donner à boire à mon Bien-Aimé et je me
sentais dévorée par la soif des âmes... celles des grands pêcheurs, je brûlais du désir de
les arracher aux flammes éternelles" (MA, 45v). Sa vocation était établie : "Sauver les
âmes" pour "consoler" le Christ.

Cette relation intime au Christ et la certitude de l’appel lui donnèrent la force de


dépasser ses propres faiblesses et les oppositions à son entrée précoce au Carmel.

Les débuts de la vie religieuse : la souffrance

Le 9 avril 1888, à la suite du pèlerinage à Rome, où elle reçut l’autorisation du pape


Léon XIII, Thérèse entra au Carmel à l’âge de 15 ans. "Je suis venue pour sauver les
âmes et surtout afin de prier pour les prêtres" (MA, 69v). C’était lors de son voyage
qu’elle avait pris conscience que ces derniers "ont un extrême besoin de prières" (MA,
56r).

Quelques jours avant son entrée, Thérèse explique à sa sœur Pauline, le fil conducteur
de son existence de religieuse. "Quand Jésus m’aura déposée sur le rivage béni du
Carmel je veux me donner tout entière à lui, je ne veux plus vivre que pour lui. ... Je ne
désire qu’une chose..., c’est de toujours souffrir pour Jésus" (LT 43B). Contemplant Jésus
sur la croix, elle a bien compris que c’est avec douleur que le Christ a conquis les âmes.
Elle désire s’associer au mystère de la croix, car "il y a plus d’amour au Calvaire qu’au
Thabor" lui a écrit son conseiller spirituel, le père
Pichon. "Oui, la souffrance m’a tendu les bras et je
m’y suis jetée avec amour" (MA 69v), confie
Thérèse.

"C’est une grande souffrance qui conduit Thérèse à


la contemplation du Visage de Jésus dans sa
passion (MA, 71rv). Ainsi, son nom de religieuse -
sœur Thérèse de l’Enfant Jésus et de la Sainte Face -
exprime le programme de toute sa vie, dans la
communion aux mystères centraux de l’Incarnation
et de la Rédemption." précise Benoît XVI, dans sa
catéchèse du 6 avril 2011.

La vie sévère du Carmel, la maladie de son père, et


surtout, pour la jeune carmélite, une sécheresse
spirituelle, sont les souffrances qu’elle endure avec amour. " Jésus, (... ) lui seul est le
bonheur parfait même quand lui-même paraît absent ! (...) J’ai été privée de toute
consolation" (LT 76, janvier 1889), confie-t-elle à Pauline. Ou encore à Céline : "Faisons
de notre vie un sacrifice continuel, un martyre d’amour, pour consoler Jésus... Il n’y a
qu’une seule chose à faire(...), c’est d’aimer, d’Aimer Jésus de toute la force de notre
cœur et de lui sauver des âmes pour qu’il soit aimé... Oh ! faire aimer Jésus !" (LT 96,
octobre 1889).

L’Ascenseur plutôt que le rude escalier de la perfection

A son époque, il était proposé des "schémas de perfection", permettant une


progression ardue de l’homme vers Dieu, fruit de l’effort de l’homme, de sa pénitence
et de ses sacrifices. Ces voies s’opposent à la sainteté évangélique qui proclame que
"Celui qui s’élève sera abaissé ; celui qui s’abaisse sera élevé" (Mt 23,12). Et Thérèse
avoue d’ailleurs, qu’elle "ne sentait pour [les mortifications] aucun attrait" (MA 68v).
Elle leur préfère le moyen moderne de l’ascenseur !

" ... mais je veux chercher le moyen d’aller au Ciel par une petite voie bien droite, bien
courte, une petite voie toute nouvelle. Moi je voudrais aussi trouver un ascenseur pour
m’élever jusqu’à Jésus, car je suis trop petite pour monter le rude escalier de la
perfection... et voici ce que j’ai trouvé : « Comme une mère caresse son enfant, ainsi je
vous consolerai, je vous porterai sur mon sein et je vous balancerai sur mes genoux ! »
(Is 66,12-13) ... L’ascenseur qui doit m’élever jusqu’au Ciel, ce sont vos bras, ô Jésus !
Pour cela je n’ai pas besoin de grandir, au contraire il faut que je reste petite, que je le
devienne de plus en plus." (MC, 3r). Cet ascenseur n’est pas du ressort de l’homme, il
est le fruit de l’amour maternel de Dieu, une merveille de sa miséricorde.
Nécessaire humilité

C’est Dieu lui-même qui rend saint ! L’homme a


seulement besoin d’être humble, de reconnaître son
impuissance à la manière de Paul : "Je voudrais, mais je ne
peux pas." (Rm 7, 15).

Cette humilité radicale acceptée, vécue par de nombreux


saints, lui permet de s’enfoncer en Dieu dans la confiance,
même si une certaine tension intérieure se crée entre son
désir de sainteté et le constat de son impuissance. "J’ai
toujours désiré d’être une sainte, mais hélas ! j’ai toujours
constaté, lorsque je me suis comparée aux saints, qu’il y a
entre eux et moi la même différence qui existe entre une montagne dont le sommet se
perd dans les cieux et le grain de sable obscur foulé sous les pieds des passants ; au lieu
de me décourager, je me suis dit : le Bon Dieu ne saurait inspirer des désirs irréalisables,
je puis donc malgré ma petitesse aspirer à la sainteté ; me grandir, c’est impossible, je
dois me supporter telle que je suis avec toutes mes imperfections" (MC, 3r).

Thérèse est bien consciente de la faiblesse humaine, et du fait que les efforts inutiles
sont décourageants. Elle conseille à une novice découragée : "Soutenez votre effort,
faites-vous petits et humbles comme un enfant, .... espérez envers et contre tout la
grâce de renoncer à ce qui n’est pas lui ". Elle reprend l’image de l’escalier, "Ne vous
imaginez pas que vous pourrez monter même la première marche ! ... le Bon Dieu ne
vous demande que de la bonne volonté... Bientôt, vaincu par vos efforts inutiles, il
descendra lui-même... " (CS). A sa sœur Céline, elle écrit : " Nous voudrions ne jamais
tomber ?… Qu’importe, mon Jésus, si je tombe à chaque instant, je vois par là ma
faiblesse et c’est pour moi un grand gain… Vous voyez par là ce que je puis faire et
maintenant vous serez plus tenté de me porter en vos bras. " (LT 89)

Acceptant pleinement son état de créature indigente et insuffisante, elle apprend


même à l’aimer, " Tu dois aimer doucement ta misère ", enseigne-t-elle à sa sœur
Céline. Thérèse découvrira en même temps l’évidence de l’Amour miséricordieux de
Dieu faite pour la combler, cette miséricorde étant l’être même de Dieu.

"La confiance, rien que la confiance"

Comment parvenir à l’amour ? Thérèse répond par sa "petite voie bien droite",
l’ouvrant à la confiance. "Jésus viendra nous chercher, si loin que nous soyons il nous
transformera en flammes d’amour ... C’est la confiance, rien que la confiance qui doit
nous conduire à l’Amour" (LT 197).

Cette confiance, n’est possible que dans l’abandon filial. " Jésus se plaît à me montrer
l’unique chemin qui conduit à cette fournaise Divine, ce chemin c’est l’abandon du petit
enfant qui s’endort sans crainte dans les bras de son Père… " (MB, 1r). Cela même qu’a
vécu le Christ cherchant à "faire la volonté de celui qui m’a envoyé " (Jn 4, 34).

Charité concrète

Cependant, cette ascension est loin d’être quiétiste.


Thérèse ne néglige pas la coopération personnelle
au service de la confiance et de l’abandon. Ses
efforts lui font expérimenter sa petitesse. Elle
conseille à sa sœur Céline de " donner sans
compter, se renoncer constamment en un mot,
prouver son amour par toutes les bonnes œuvres en
son pouvoir. ... il est nécessaire, quand nous aurons
fait tout ce que nous croyons devoir faire, de nous
avouer des " serviteur inutiles ", espérant toutefois
que le bon Dieu nous donnera, par grâce, tout ce
que nous désirons. C’est là ce qu’espèrent les petites
âmes qui courent dans la voie d’enfance : je dis
« courent » et non pas « se reposent. » " (CS 50).

Dans la vie concrète de Thérèse, l’abandon se vit


par de multiples attentions à l’égard de ses sœurs
du Carmel, le plus souvent sans qu’elles le sachent ;
et par une obéissance parfaite à ses supérieures,
illustrée avec humour, lorsque sa mère supérieure
lui demande de mettre une chaufferette dans son lit : " les autres se présenteront au
ciel avec leurs instruments de pénitence et moi avec une chaufferette, mais c’est
l’amour et l’obéissance qui, seuls, comptent." (CS 64)

A partir de 1893, elle reçut la charge d’aider la maîtresse des novices à


l’accompagnement spirituel des nouvelles carmélites, sa première tâche missionnaire,
qu’elle trouve "au dessus de ses forces". En effet, écrivit-elle, " On sent qu’il faut
absolument oublier ses goûts, ses conceptions personnelles et guider les âmes par le
chemin que Jésus leur a tracé, sans essayer de les faire marcher par sa propre voie."
(MC, 23v, 23r). Alors, Thérèse applique sa "petite voie bien droite". " Je me suis mise
dans les bras du bon Dieu, comme un petit enfant ... je Lui ai dit : Seigneur, je suis trop
petite pour nourrir vos enfants ; si vous voulez leur donner par moi ce qui convient à
chacune, remplissez ma petite main et ... je donnerai vos trésors à l’âme qui viendra me
demander sa nourriture... J’ai senti que l’unique chose nécessaire était de m’unir de plus
en plus à Jésus et que Le reste me serait donné par surcroît." (MC 22r-22v). Elle
s’abandonna et reçut tout de Dieu, même le courage de " livrer une guerre à mort" aux
"plus légères imperfections" de ses novices, quitte à passer pour "sévère" ! (MC, 23r)

Puis à partir de 1896, l’aspiration missionnaire de Thérèse trouva une ouverture


concrète dans la correspondance spirituelle qu’elle entretint avec deux missionnaires
que sa prieure lui avait confiés. Elle les soutint par sa prière et par de précieuses
indications spirituelles.

Enfin, en 1897, sa maladie, progressant inexorablement et rapidement, introduisit


Thérèse dans un avenir fructueux, où rien ne pourrait la séparer de l’Amour et où son
activité missionnaire pourra se développer en plénitude. Elle est donc heureuse de
mourir, non pas pour fuir les souffrances de son mal, mais pour faire la volonté de Dieu
et s’activer au ciel à sauver les âmes.

Pendant son séjour à l’infirmerie du 8 juillet au 30 septembre 1897, elle manifeste une
vie étonnante et une gaieté communicative, malgré ses grandes souffrances : jeux de
mots, imitations, humour... ; en dépit aussi de sa nuit intérieure, qui lui fait douter du
ciel et lui fait connaître les pensées des pêcheurs. Mais toujours elle rend grâce " à
cause des délicatesses du bon Dieu " et "ne se repent pas de s’être livrée à l’amour ".
Ses dernières paroles, "Mon Dieu je vous aime ! " (DE), en font bien la martyre de
l’Amour qu’elle désirait être.

La prière de Thérèse

Pour Thérèse, on le voit, tout se joue dans la prière.


Le fond de sa prière est d’aimer Jésus, dégagée
d’elle-même, vraiment humble, fascinée par le
visage de tendresse de Dieu et consciente d’avoir
beaucoup reçu. " Il me semble que si une petite
fleur pouvait parler, elle dirait simplement ce que le
Bon Dieu a fait pour elle, sans essayer de cacher ses
bienfaits... elle reconnaît que rien n’était capable en
elle d’attirer ses regards divins et que sa miséricorde
seule a fait tout ce qu’il y a de bien en elle… " (MA,
3v).

Sa prière est toujours un cri de jubilation et


de reconnaissance, qui l’unit toujours plus à Dieu,
même si elle est souvent issue de la souffrance et
de l’épreuve. " Pour moi, la prière, c’est un élan du
cœur, c’est un simple regard jeté vers le Ciel, c’est
un cri de reconnaissance et d’amour au sein de
l’épreuve comme au sein de la joie ; enfin c’est quelque chose de grand, de surnaturel,
qui me dilate l’âme et m’unit à Jésus. " (MC, 25rv)

Elle est aussi supplication confiante, certaine d’être exaucée " Qu’elle est grande la
puissance de la prière ! On dirait une reine ayant à chaque instant accès auprès du roi et
pouvant obtenir tout ce qu’elle demande. " (MC, 25r) Sa prière fut aussi fidèle malgré la
sécheresse spirituelle qui dura toute sa vie au Carmel, et dont elle parlait peu, " Sept
années dans une oraison des plus arides " (CS ) confia-t-elle à sa sœur Céline.
C’est dans cet esprit que Thérèse arrive à la
retraite précédant sa profession religieuse du 8
septembre 1890. Sa prière est ardue, mais elle
" n’a qu’un désir, celui de se rendre au sommet
de la montagne de l’amour ". Et pour cela, elle
laisse Jésus la mener par le chemin qu’Il aime à
parcourir. "Pourvu qu’il soit content, je serai au
comble du bonheur ! ... Mon Fiancé ne me dit
rien et moi je ne lui dis rien non plus sinon que je
l’aime plus que moi, et je sens au fond de mon
cœur que c’est vrai car je suis plus à Lui qu’à
moi ! " (LT 110). L’essentiel de sa prière se passe
dans le silence et la paix, attentive aux désirs
de Dieu pour elle.

Thérèse n’était pas attachée à une forme de prière et n’aimait pas les prières toutes
faites, sauf le Notre Pèrequ’elle méditait souvent "C’est si doux d’appeler le Bon Dieu
notre Père" (CS).

Elle avait aussi une relation toute confiante à la Vierge Marie - "la douce Reine du Ciel
veillait sur sa fragile petite fleur " (MA, 27v)- dont le "ravissant sourire" l’avait guérie
d’une maladie nerveuse à 10 ans. Comme la Vierge dans le Magnificat, Thérèse
proclamait que Dieu seul est important, que ses dons sont gratuits, que la seule chose
qui convienne est de "commencer à chanter ce que je dois redire éternellement « Les
Miséricordes du Seigneur !!! »… " (MA, 2r)

Elle laissait jaillir son cœur à tout moment "Je crois bien que je n’ai jamais été trois
minutes sans penser au Bon Dieu... on pense naturellement à quelqu’un que l’on aime"
(CS) ; et recommandait la longueur et la ferveur.

Et, petit à petit, au cœur de sa prière, Dieu l’enseigne : " Ce bien aimé instruit mon âme,
Il lui parle dans le silence, dans les ténèbres... une parole de l’Évangile m’a montré une
vive lumière " (LT 135).

Thérèse a ainsi connu à plusieurs reprises de grandes grâces mystiques, comme celles
de ressentir le feu brûlant de l’Amour divin à la suite de son Acte d’offrande, participant
à l’amour trinitaire. " J’ai été prise d’un violent amour pour le Bon Dieu ... C’était comme
si on m’avait plongée toute entière dans le feu. Oh quel feu et quelle douceur en même
temps ! Je brûlais d’amour et je sentais qu’une minute, une seconde de plus, je n’aurais
pu supporter cette ardeur sans mourir." (DE)

Acte d’offrande à l’Amour Miséricordieux

" Cette année, le 9 Juin [1895], fête de la Sainte Trinité, j’ai reçu la grâce de comprendre
plus que jamais combien il désire être aimé " (MA, 84r). Elle, qui a un si grand désir
d’aimer Dieu, découvre que son amour n’est rien rapporté à l’amour infini que Dieu a
pour chaque homme : Dieu offre à chacun de partager son amour trinitaire, le secret
qu’il partage avec son Fils ; un amour dévorant mais infiniment respectueux, le seul
amour capable de combler le cœur de l’homme.

Thérèse constate que cet amour est refusé par les hommes : "O mon Dieu ! votre
Amour méprisé va-t-il rester en votre Cœur ? Il me semble que si vous trouviez des âmes
s’offrant en Victimes d’holocaustes à votre Amour, vous les consumeriez rapidement, il
me semble que vous seriez heureux de ne point comprimer les flots d’infinies tendresses
qui sont en vous ... O mon Jésus ! que ce soit moi cette heureuse victime, consumez
votre holocauste par le feu de votre Divin Amour ! ... " (MA 84r). Elle s’offre alors à
recevoir cet amour brûlant à en être consumée.

Le but de cette offrande est essentiellement missionnaire, comme le montre


l’introduction de l’Acte d’offrande : "O mon Dieu, Trinité Bienheureuse, je désire vous
aimer et vous faire aimer. .. " (Prière 6)

Le moyen de cette offrande est la plongée dans l’Amour : "Afin de vivre dans un acte de
parfait Amour, je m’offre comme victime d’ holocauste à votre Amour Miséricordieux,
vous suppliant de me consumer sans cesse, laissant déborder en mon âme les flots de
tendresse infinie qui sont renfermés en vous et qu’ainsi je devienne Martyre de votre
Amour, ô mon Dieu ! ... " (Prière 6)

"Ma vocation, c’est l’amour"

En 1896, au cœur de la vocation de Thérèse,


une tension nouvelle s’était créée. Elle
reconnaissait la réalité de sa vocation, " Sans
doute, ces trois privilèges sont bien ma
vocation, Carmélite, Epouse et Mère " ; mais
elle se sentait d’autres désirs incompatibles :
" Je me sens la vocation de GUERRIER, de
PRETRE, D’APÔTRE, de DOCTEUR, de
MATRYR ". Et encore : " Je voudrais être
missionnaire .... l’avoir été depuis la création
du monde et l’être jusqu’à la consommation des siècles…" (MB, 2v).

En septembre 1896, méditant les chapitres XII et XIII de la première épître aux
Corinthiens, elle découvrit qu’elle ne se retrouvait "dans aucun des membres décrits
par St Paul ", ou plutôt qu’elle " voulait se reconnaître en tous ". " Je compris que
l’Eglise avait un Cœur, et que ce Cœur était BRÛLANT d’AMOUR... Je compris que
l’AMOUR RENFERMAIT TOUTES LES VOCATIONS, QUE L’AMOUR ETAIT TOUT, QU’IL
EMBRASSAIT TOUS LES TEMPS ET TOUS LES LIEUX … EN UN MOT, QU’IL EST ETERNEL ! "
Thérèse a reçu de nouveau une grande grâce, sommet de son chemin spirituel. " MA
VOCATION, C’EST L’AMOUR !… Oui j’ai trouvé ma place dans l’Eglise et cette place, ô
mon Dieu, c’est vous qui me l’avez donnée… dans le Cœur de l’Eglise, ma Mère, je serai
l’AMOUR… ainsi je serai tout… ainsi mon rêve sera réalisé ! " (MB, 3v).

Après avoir offert sa vie à l’Amour miséricordieux un an plus tôt, c’est maintenant
Thérèse elle-même qui l’incarnera. Un amour qui s’abaisse jusqu’au néant, un amour
effectif qui se prouve par ses œuvres aussi humbles qu’elle-même. " ... Voilà comment
se consumera ma vie… Je n’ai d’autre moyen de te prouver mon amour, que... de ne
laisser échapper aucun petit sacrifice, aucun regard, aucune parole, de profiter de
toutes les plus petites choses et de les faire par amour… " (MB, 3r-4v)

Conclusion

Aujourd’hui, Thérèse prie pour nous, elle passe " son ciel à faire du bien sur la terre "
comme elle l’a promis. Si nous la trouvons bien fantastique et par trop inatteignable,
elle nous répond : " O Jésus ... je sens que si par impossible tu trouvais une âme plus
faible, plus petite que la mienne, tu te plairais à la combler de faveurs plus grandes
encore, si elle s’abandonnait avec une entière confiance à ta miséricorde infinie " (MB,
5v).

A la toute fin de sa vie, Thérèse définit la sainteté ainsi qu’elle a vécu : " La sainteté
n’est pas dans telle ou telle pratique, elle consiste en une disposition du cœur qui nous
rend humbles et petits entre les bras de Dieu, conscients de notre faiblesse et confiants
jusqu’à l’audace en sa bonté de Père." (DE)

Cette certitude de Sainte Thérèse nous donne l’espérance fondée de croire que pour
nous aussi la sainteté est possible. Lançons-nous dans sa voie remplis d’humilité et de
confiance !

Notations :
DE : Derniers Entretiens notés par les témoins à partir de juin 1897 jusqu’à la mort de Thérèse le 30 septembre.
P : Poésies de Sainte Thérèse
Catéchèse de Benoît XVI sur Sainte Thérèse , Audience Générale du 6 avril 2011
Prière 6 : Acte d’offrande à l’Amour Miséricordieux
LT : Lettres de Ste Thérèse
DAS : Divini Amoris Scientia , Lettre apostolique de Jean-Paul II, 19 octobre 1997
AAS : Acta Apostlicae Sedis (Actes du Saint Siège)
MA : Manuscrit A , dédié à Mère Agnès de Jésus (sa sœur Pauline), écrit à partir de janvier 1895
MB : Manuscrit B , lettre à Sœur Marie du Sacré Cœur (sa sœur Marie), écrit en septembre 1896
MC : Manuscrit C , adressé à Mère Marie de Gonzague (prieure à l’arrivée de Thérèse, puis à partir de 1896 ), écrit
en juin 1897 et inachevé
CS : Conseils et Souvenir par Sr Geneviève de la Ste Face (sa sœur Céline)

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